Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour la Syrie présente une proposition pour éviter une catastrophe humanitaire « dévastatrice » à Edleb
Alors que l’offensive sur Edleb se prépare, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a averti ce matin, devant le Conseil de sécurité, que tous les ingrédients sont réunis pour qu’une « tempête parfaite » se déferle sur cette zone de désescalade avec des « conséquences humanitaires dévastatrices ».
Pour éviter une telle tragédie et permettre à la population civile d’échapper à la quadrature du cercle, M. de Mistura a appelé à mettre en œuvre une proposition de la société civile d’Edleb qui recommande de dissocier la population des terroristes et des groupes armés et de présenter un ultimatum aux combattants afin qu’ils quittent la région, en particulier ceux du Front el-Nosra. Selon l’Envoyé spécial, la Russie et la Turquie pourraient être les garants d’un tel plan d’évacuation.
Au préalable, le Directeur des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. John Ging, a indiqué que sur les 3 millions de personnes qui vivent dans la zone de désescalade d’Edleb, près de 2,1 millions ont besoin d’assistance humanitaire, dont 1,4 million sont déplacées. Il a aussi précisé que des plans ont été mis au point pour soutenir jusqu’à 900 000 femmes, enfants et hommes qui pourraient être piégés par le conflit, et jusqu’à 700 000 personnes susceptibles d’être déplacées au nord d’Edleb et au-delà par les affrontements, ainsi que 100 000 autres qui pourraient fuir dans les zones placées sous le contrôle des forces gouvernementales.
Agitant le spectre des morts et de la destruction à Alep et dans la Ghouta orientale, le Ministre adjoint des affaires étrangères du Koweït, M. Khaled Al-Jarallah, a appelé à renforcer les efforts diplomatiques pour éviter un nouveau bain de sang. « Ce Conseil, a-t-il affirmé, a une responsabilité humanitaire, morale et juridique envers la population d’Edleb et doit rechercher une solution préventive satisfaisante. »
« Ceux qui parlent de zone de désescalade à Edleb ne sont pas au courant de la situation du terrain, puisque les groupes armés n’ont pas respecté les dispositions du processus d’Astana », a toutefois estimé le représentant syrien qui a assuré que l’État syrien avait donné assez de temps aux groupes terroristes pour se joindre au processus de réconciliation. Si ces groupes refusent d’obtempérer, a-t-il averti, « le Gouvernement syrien se tient prêt à agir ».
Son homologue de la Fédération de Russie a, pour sa part, tancé les pays occidentaux qui sont à l’origine de cette « hystérie collective » autour d’Edleb, afin, a-t-il affirmé, que le dernier bastion terroriste de Syrie ne tombe pas. Selon ses dires, il existe entre 40 à 45 groupes armés comptant près de 50 000 combattants à Edleb, dont le plus important est le Front el-Nosra qui regroupe 15 000 personnes, tandis que la majorité des localités seraient gérées par des milices d’autodéfense qui souhaitent une trêve avec le Gouvernement syrien.
« Le sort des citoyens ordinaires syriens n’intéresse pas les occidentaux, puisque, les terroristes malmènent allègrement la population dans cette zone de désescalade sans que cela n’émeuve personne », a affirmé le représentant russe qui a déploré que les « partenaires occidentaux » aient ignoré les appels lancés par Moscou.
« Lorsqu’Assad et son allié russe disent qu’ils veulent lutter contre le terrorisme, ce qu’ils veulent dire, en réalité, c’est qu’ils vont bombarder des hôpitaux et des écoles », a rétorqué la représentante des États-Unis.
À ses yeux, une offensive contre Edleb affaiblirait la Syrie et « créerait des générations de Syriens incapables d’oublier la brutalité odieuse du régime d’Assad et de ses alliés ». Aussi, a-t-elle exhorté la Russie à bien examiner ses options et à se montrer à la hauteur de ses responsabilités.
« Une offensive meurtrière à Edleb ne marquerait pas la fin de la crise, mais plutôt le début d’une nouvelle phase », s’est aussi inquiétée la France, tandis que le Royaume-Uni a prévenu qu’en cas d’offensive d’envergure à Edleb, la communauté internationale demandera des comptes aux commandants des forces armées déployées dans la région. De nombreuses délégations ont en outre mis en garde contre toute éventualité d’utilisation d’armes chimiques.
La délégation des États-Unis n’en a pas moins jugé qu’il est encore temps de trouver une alternative et a appelé à trouver une solution politique fondée sur la feuille de route de la résolution 2254 (2018), et qui appelle à la tenue d’un réel dialogue entre les Syriens et à la création d’une nouvelle constitution devant déboucher sur la tenue d’élections libres et équitables.
La quasi-totalité des intervenants ont aussi réitéré leur préférence pour une solution politique négociée et pacifique, sans manquer de lancer des appels en direction des acteurs clefs en Syrie, notamment les garants du processus d’Astana que sont la Fédération de Russie, la Turquie et l’Iran, qui s’étaient réunis aujourd’hui même à Téhéran. Ces derniers ont décidé de régler la question d’Edleb « dans l’esprit de coopération qui caractérise le processus d’Astana », a d’ailleurs rendu compte l’Envoyé spécial qui s’est toutefois préoccupé du risque que ce nouvel élan diplomatique soit affecté par un regain d’activités militaires.
La Suède a, pour sa part, souligné l’importance pour les garants d’Astana de mettre en œuvre sans délai l’accord de désescalade qu’ils ont conclu, et de donner la priorité à la protection des civils. « Ils doivent agir dès à présent pour éviter une catastrophe humanitaire colossale en cas d’offensive militaire de grande envergure à Edleb », a déclaré le représentant suédois.
Le Kazakhstan a, quant à lui, appelé à appliquer les mesures de renforcement de la confiance prévues par le processus d’Astana; notamment la libération des prisonniers et des personnes enlevées, la remise aux familles des dépouilles de leurs proches et l’identification des disparus.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. STAFFAN DE MISTURA, intervenant par visioconférence depuis Genève, a averti que tous les ingrédients sont réunis pour une « tempête » à Edleb qui aura des conséquences humanitaires dévastatrices. L’ONU estime en effet à 3 millions environ les habitants de la région, parmi lesquels 1 million d’enfants et près de 99% de civils. Le reste étant constitué de groupes terroristes reconnus comme tels par le Conseil de sécurité, des combattants étrangers et d’autres groupes armés d’opposition qui s’y étaient réfugiés suite aux accords avec le Gouvernement syrien.
L’Envoyé spécial a relevé que tous les yeux sont aujourd’hui rivés vers Téhéran où vient de se tenir la rencontre entre les trois garants du processus d’Astana, à savoir la Fédération de Russie, la Turquie et l’Iran. Il a également indiqué que des informations font état de déploiement de troupes gouvernementales autour d’Edleb qui est pourtant, a-t-il rappelé, une zone de désescalade. Dans le même temps, le Chef du Front el-Nosra a dit sa détermination à se battre, alors que les groupes d’opposition seraient en train de renforcer leurs positions en creusant des tranchés et en faisant exploser des ponts. Depuis la fin du mois dernier, tous ces groupes d’opposition ont rejoint la bannière du « Front de libération ». Il a aussi dit avoir entendu des avertissements concernant d’éventuelles attaques chimiques. En tout état de cause, M. de Mistura a affirmé que tous les ingrédients sont réunis pour une « tempête parfaite » à Edleb.
L’Envoyé spécial a par ailleurs déclaré que les efforts visant à combattre le terrorisme ne doivent pas faire fi des engagements internationaux et des considérations éthiques. Il a donc invité toutes les parties à éviter cette tragédie, tout en veillant à régler la question des groupes terroristes. Il a invité les garants du processus d’Astana, « les grands acteurs du Golfe » et d’autres pays qui exercent une influence sur les groupes armés à tout faire pour assurer la protection des civils. M. de Mistura a souligné que les populations doivent être libres de quitter la région d’Edleb et qu’il faut donc assurer un large accès pour l’ONU qui est prête à travailler avec les parties sur le terrain pour assurer des routes d’évacuation pour les civils, dans le respect des principes humanitaires et des droits de l’homme. Il a aussi rappelé la position claire du Secrétaire général qui estime que « tout emploi d’armes chimiques est inacceptable ». Cela ne peut se reproduire en Syrie, a-t-il insisté.
L’Envoyé spécial a ensuite rappelé que l’offensive sur Edleb se prépare alors que des discussions sont en cours sur la création d’un comité constitutionnel, de même que des réflexions sur le retour des réfugiés en Syrie. Pour lui, ces deux scénarios ne concordent tout simplement pas. Il a annoncé qu’il aura des rencontres, lundi et mardi, à Genève, avec les garants du processus d’Astana, avant la tenue d’autres réunions avec d’autres pays qui ont de l’influence en Syrie. Il s’est préoccupé du risque que ce nouvel élan diplomatique soit affecté par un regain d’activités militaires. Il a ensuite évoqué les groupes de la société civile d’Edleb qui organisent des manifestations pacifiques et qui ont demandé à l’ONU de tout faire pour assurer la protection des civils. Pour terminer, l’Envoyé spécial pour la Syrie a exhorté à faire en sorte que « toute proposition et toute alternative pour éviter cette catastrophe ait une chance de prospérer ».
M. JOHN GING, Directeur des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a rappelé qu’environ 3 millions de personnes vivent dans la zone de désescalade d’Edleb, qui comprend des parties des provinces d’Edleb, d’Alep, de Lattaquié et de Hama. Parmi elles, près de 2,1 millions ont besoin d’assistance humanitaire, dont 1,4 million sont déplacées. « Si notre réponse humanitaire se concentre sur les 2,1 millions de personnes dans le besoin, nous sommes préoccupés par la protection et la sûreté de tous les civils dans la zone où une intensification des hostilités a été constatée », a souligné M. Ging.
Il a indiqué que le 4 septembre, des frappes aériennes et des tirs d’artillerie dans l’ouest et le sud d’Edleb, ainsi que dans le nord d’Hama, ont provoqué des pertes civiles et des déplacements de population. Et le 6, un hôpital près de Keifr Zeita, dans le nord d’Hama, aurait été frappé par un bombardement aérien, en dépit du fait que cette zone est supposée être sanctuarisée, a déploré le haut fonctionnaire. « Nous recevons des informations selon lesquelles des engins explosifs improvisés et d’autres attaques meurtrières ciblent des civils de part et d’autre dans la province d’Edleb, y compris des travailleurs humanitaires. Au moins trois médecins ont été tués rien qu’en août. » L’ONU et les organisations non gouvernementales, a-t-il assuré, ont continué de mettre en œuvre une opération humanitaire majeure dans cette région, avec en moyenne deux millions de personnes qui bénéficient d’une aide transfrontalière chaque mois, à partir de la Turquie.
Au-delà de la fourniture d’une assistance, des efforts ont été entrepris pour veiller à ce que les populations en détresse puissent être soutenues dans l’éventualité d’une intensification des hostilités. Des plans ont été mis au point pour soutenir jusqu’à 900 000 femmes, enfants et hommes qui pourraient être piégés par le conflit, et jusqu’à 700 000 personnes susceptibles d’être déplacées au nord d’Edleb et au-delà par les affrontements, ainsi que 100 000 autres qui pourraient fuir dans les zones placées sous contrôle des forces gouvernementales. Une aide humanitaire a déjà été prédisposée à Edleb, ainsi que dans des différents emplacements d’Alep, Lattaquié et Hama. L’ONU a en outre débloqué 20 millions de dollars à partir du Turkey Humanitarian Fund (Fonds humanitaire de la Turquie). Mais malgré la générosité de certains donateurs, a-t-il déploré, il manque 311 millions pour financer une aide indispensable en case d’une hausse des violences.
M. Ging a ensuite attiré l’attention du Conseil sur cinq demandes spécifiques, qui s’adressent également à ceux qui exercent une influence sur les parties au conflit. Tout d’abord, cesser les hostilités dans la zone ou, à tout le moins, veiller à ce qu’il n’y ait pas d’escalade. Ensuite, garantir la protection des civils et des infrastructures civiles, conformément au droit international humanitaire. Par ailleurs, le Directeur a plaidé en faveur de la liberté de circulation des populations qui souhaitent partir, dans quelque direction que ce soit. Puis M. Ging a lancé un appel en faveur d’un accès sûr et sans entrave de l’aide humanitaire aux nécessiteux. Enfin, a-t-il ajouté, une hausse du financement pour renforcer la réponse humanitaire en préparation est nécessaire.
M. KHALED AL-JARALLAH, Ministre adjoint des affaires étrangères du Koweït, intervenant également au nom de la Suède, pays porte-plume de la résolution 2401 (2018) sur la situation humanitaire en Syrie, a mis en garde contre les conséquences humanitaires d’une escalade à Edleb et exhorté les parties à respecter le cessez-le-feu. Les garants d’Astana, a-t-il estimé, doivent renforcer leurs efforts pour trouver une solution pacifique à la situation à Edleb. Agitant le spectre des morts et de la destruction à Alep et dans la Ghouta orientale, il a appelé à renforcer les efforts diplomatiques pour éviter un nouveau bain de sang. La lutte antiterroriste doit respecter le droit international, y compris les principes de précaution, de proportionnalité et de protection des civils, a-t-il souligné. « Ce Conseil a une responsabilité humanitaire, morale et juridique envers la population d’Edleb et doit rechercher une solution préventive satisfaisante. » Enfin, le Ministre adjoint a assuré que son pays et la Suède feront tout pour inciter le Conseil à envisager toutes les options possibles.
M. FRANCOIS DELATTRE (France) a dit que la Syrie est à nouveau au bord de l’abîme avec le risque d’escalade à Edleb. La Russie et l’Iran doivent faire respecter le cessez-le-feu, garantir un accès humanitaire complet et ouvrir un processus en vue d’une solution politique crédible, a-t-il dit. « La France s’est mobilisée pleinement ces dernières semaines notamment auprès des Présidents Erdogan et Putin pour éviter toute offensive. » Après avoir indiqué que la France maintiendra et adaptera son assistance au Nord-Ouest syrien, le représentant a mis en garde contre l’instrumentalisation de la question des corridors humanitaires. Il est urgent et possible d’éviter un massacre, a-t-il affirmé, en appelant à une solution politique. Le délégué a également invité à créer, dans l’immédiat, un comité constitutionnel. Enfin il a lancé un appel à la tenue d’élections libres et régulières, ouvertes à tous les Syriens, y compris les personnes déplacées et réfugiées. « Une offensive meurtrière à Edleb ne marquerait pas la fin de la crise, mais plutôt le début d’une nouvelle phase », a-t-il prévenu.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a fait part de la préoccupation de sa délégation face à l’éventualité d’une offensive militaire à Edleb. Il a rappelé que cette région est la dernière enclave terroriste du pays, principalement contrôlée par le Front el-Nosra et des groupes armés d’opposition. Il a lancé un appel à toutes les parties ayant de l’influence sur le terrain afin qu’elles fassent preuve de modération et préservent la vie des civils, par exemple en facilitant les déplacements de civils, conformément au droit international humanitaire.
Réitérant son soutien aux pourparlers de paix, le représentant a émis le vœu que le sommet de ce jour à Téhéran entre les garants d’Astana, ainsi que les futures réunions de Genève de l’Envoyé spécial, permettent une sortie de crise. Les alliés des parties impliquées doivent chercher d’autres théâtres d’opérations pour faire voir leur force militaire, a-t-il lancé en leur demandant aussi de ne plus sacrifier l’avenir des Syriens sur l’autel des intérêts économiques et géostratégiques.
M. JOANNA WRONECKA (Pologne) a exhorté les garants d’Astana et les autres acteurs exerçant une influence sur les parties au conflit à respecter leurs engagements et à agir pour protéger la population civile d’Edleb. Par ailleurs, nous demandons un accès sûr et sans entrave de l’aide humanitaire en Syrie, y compris à Edleb, et appelons à prendre toutes les mesures en vue de protéger les travailleurs humanitaires. Le représentant a également plaidé en faveur d’un retour sûr des déplacés dans leurs foyers, en faisant part de sa préoccupation quant à l’éventualité qu’un assaut sur Edleb puisse créer une nouvelle vague de réfugiés, alors que cette province est déjà celle qui concentre le plus grand nombre de déplacés en Syrie. Sa délégation a enfin exprimé son inquiétude vis-à-vis du sort des infrastructures civiles, notamment les hôpitaux et les écoles. Elle s’est aussi préoccupée du sort des enfants qui sont déjà très nombreux à être déplacés à Edleb.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) rappelant ce qui s’est passé à Alep et dans la Ghouta orientale, a averti que, d’ici quelques jours, il se pourrait qu’on parle de dizaines de milliers de nouvelles victimes et de 700 000 personnes déplacées supplémentaires, selon les estimations de l’ONU. Il a aussi craint une déstabilisation du Moyen Orient ainsi que de nouvelles tensions entre membres permanents du Conseil de sécurité, alors que celui-ci a justement une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le représentant a plaidé en faveur d’une solution pacifique et appelé les pays pouvant avoir une influence sur le terrain à agir pour que les parties au conflit abandonnent la logique militaire. Il a souligné l’esprit d’unité manifesté mercredi par 10 membres du Conseil, qui ont mis en évidence l’urgence à donner la priorité à la protection des civils à Edleb. Il a émis l’espoir que les garants d’Astana puissent tomber d’accord sur une formule qui évite la tragédie que risque de vivre la population civile d’Edleb.
M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a dit sa préoccupation devant l’imminence des combats à Edleb, province dont deux des trois millions d’habitants ont besoin d’une aide humanitaire. Il s’est alarmé du risque d’un possible recours à l’arme chimique, qui s’ajouterait à la catastrophe humanitaire certaine. Il n’y a pas d’alternative à la recherche de la paix par un dialogue franc et inclusif en Syrie, a-t-il souligné, en demandant la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015). Enfin, le délégué ivoirien a appelé les parties au conflit à la retenue et à protéger les civils.
M. MA ZHAOXU (Chine) a noté que des initiatives de reconstruction sont menées dans certaines régions de la Syrie. Il a donc invité la communauté internationale à renforcer les efforts pour soutenir toutes les régions du pays. La Chine appelle toutes les parties en Syrie à redoubler leurs efforts diplomatiques, tout en plaidant pour que la communauté internationale unisse ses efforts pour poursuivre la lutte contre le terrorisme et renforcer les gains actuels dans ce domaine. La Chine invite toutes les parties à ne pas porter atteinte aux civils et à respecter l’intégrité territoriale de la Syrie. Pour la Chine, une solution politique est la meilleure option de sortie de crise, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Le délégué a, en conclusion, invité les parties à se joindre aux efforts de l’Envoyé spécial pour poursuivre les pourparlers de paix.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé que l’objectif de cette réunion est de lancer un appel pour décourager un assaut contre Edleb et de veiller à la protection des populations civiles résidant dans cette province, ou qui y sont déplacées. Elle s’est donc félicitée des efforts diplomatiques en cours, qui vont dans le sens de cet appel. « Le sort d’environ trois millions de personnes est en jeu », a prévenu la représentante. Elle a exhorté la Fédération de Russie et l’Iran à exercer l’influence qui est la leur sur la Syrie pour désamorcer la situation actuelle. Sur le plan militaire, Mme Pierce s’est préoccupée des nombreuses frappes aériennes qui se sont déroulées ce mois-ci, et qui auraient causé la mort de 38 civils au cours de la seule journée du 4 septembre. Rappelant l’importance de la doctrine de la proportionnalité et de la distinction, elle a souligné que l’utilisation d’armes interdites pourrait être considérée comme un crime grave. « Il y a plus de nourrissons à Edleb que de terroristes », a mis en garde la déléguée britannique. En cas d’offensive d’envergure à Edleb, la communauté internationale demandera des comptes aux commandants des forces armées déployées dans la région, a prévenu Mme Pierce, qui a donné les noms de plusieurs d’entre eux. Pour sa part, le Royaume-Uni a annoncé une nouvelle aide médicale vitale, d’un montant de 15 millions de dollars, dans l’espoir d’atténuer les souffrances dans les zones censément bombardées. Mais les bailleurs de fonds ne peuvent se substituer aux États ayant de l’influence sur les parties au conflit, a rappelé la délégation.
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a exhorté à agir pour éviter une escalade supplémentaire à Edleb, zone dans laquelle près de 3 millions de personnes sont prises au piège. « Les garants de la zone de désescalade d’Edleb et les autorités syriennes doivent œuvrer sérieusement à une solution pacifique et négociée à Edleb. » Il a rappelé que toute lutte antiterroriste doit respecter le droit international. Le délégué a ensuite réclamé la pleine application de la résolution 2401 (2018), avant de fustiger les attaques indiscriminées contre les écoles et hôpitaux en Syrie. « Nous savons que les forces militaires syriennes et russes connaissent les emplacements des hôpitaux qui restent à Edleb. » Il a enfin demandé un accès humanitaire sans entrave dans le pays et souligné l’importance d’une transition politique en Syrie.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a estimé nécessaire de mettre pleinement en œuvre la résolution 2401 (2018) du Conseil de sécurité. Il a souhaité que les parties renoncent à la violence et permettent l’accès humanitaire pour porter secours aux civils. Pour la Bolivie, toute mesure de lutte contre les terroristes doit tenir compte de la protection des civils. Il a également plaidé pour le nettoyage des explosifs de guerre dans la zone de Raqqa, afin de garantir le retour sûr de réfugiés et de déplacés.
La Bolivie invite les États ayant une influence sur le terrain à tout faire pour éviter l’escalade militaire à Edleb, non seulement les pays qui ont des troupes sur le terrain, mais également ceux qui financent les groupes armés, a précisé le représentant. Il a aussi plaidé pour la protection des infrastructures civiles. C’est au peuple syrien de décider de son avenir, a-t-il enfin rappelé, précisant que seule la solution politique peut prospérer, par le biais de négociations, avec l’aide des Nations Unies, et par le biais du processus de Genève.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est dit préoccupée par la situation à Edleb et la possibilité d’une catastrophe humanitaire consécutive à une intensification des hostilités. « Nous reconnaissons qu’il y a sur place des terroristes désignés par l’ONU qui doivent être vaincus grâce à des efforts coordonnés de la communauté internationale », a-t-elle dit. « Néanmoins, nous estimons que tout doit être fait pour protéger les vies de millions de civils. » L’Éthiopie a donc salué les consultations en cours, particulièrement entre les garants d’Astana, dans la mesure où Edleb est une zone de désescalade, avant d’émettre l’espoir que le sommet qui se déroule aujourd’hui même débouchera sur un résultat constructif. La représentante a donc appelé ceux qui ont de l’influence sur les parties à jouer un rôle constructif. Après avoir lancé un appel à soutenir le personnel humanitaire déployé sur le terrain, elle a souligné qu’il n’y pas de solution militaire au conflit, celui-ci ne pouvant être résolu qu’au travers du dialogue politique.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a rappelé que les forces militaires russes qui se trouvent en Syrie y avaient été conviées par le Gouvernement syrien avec pour objectif majeur de lutter contre le terrorisme dans le pays. Il a estimé que la libération finale « de tout le territoire » permettra de créer des conditions favorables à un accord politique, sur la base de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Rappelant qu’Edleb est une zone de désescalade, il a invité les garants d’Astana à assurer une libération pacifique d’Edleb d’éléments terroristes. Il a conseillé de le faire en séparant les groupes terroristes des forces d’opposition modérée qui sont disposées à négocier avec les forces gouvernementales.
Le Kazakhstan soutien les rencontres du 10 et 11 septembres entre l’Envoyé spécial et les garants du processus d’Astana. Le représentant a également dit espérer que la réunion des Présidents de ce processus, aujourd’hui même à Téhéran, donne lieu à une décision permettant de renforcer la confiance entre les parties au conflit, faciliter le sort des civils et relancer le processus politique. Le représentant a également appuyé les efforts des garants visant à aider les Syriens à rétablir l’unité de leur pays et à conclure un accord politique. En attendant, il a souhaité que les mesures de renforcement de la confiance prévues par le processus d’Astana soient appliquées, notamment la libération des prisonniers et des personnes enlevées, la remise aux familles des dépouilles de leur proche et l’identification des disparus.
M. OLOF SKOOG (Suède) a estimé que le débat d’aujourd’hui était fort différent de ceux qui s’étaient tenus sur les sorts d’Alep, de la Ghouta orientale et Daraa, « parce qu’il n’y a nulle part où fuir pour les 3 millions de civils piégés à Edleb, dont 1 million d’enfants ». Dans ce contexte, il a souligné l’importance pour les garants d’Astana, qui se rencontrent au plus haut niveau aujourd’hui, de mettre en œuvre sans délai l’accord de désescalade qu’ils ont conclu, et de donner la priorité à la protection des civils. « Ils doivent agir dès à présent pour éviter une catastrophe humanitaire colossale en cas d’offensive militaire de grande envergure à Edleb », a déclaré M. Skoog. Celui-ci a proposé au Conseil de poursuivre cette discussion en consultations, pour y être informé des développements et de tout progrès pour dénouer la situation sur le terrain.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé d’emblée que le thème de cette réunion, tel qu’arrêté par la présidence des États-Unis, fait référence au Moyen-Orient et à Edleb, comme s’il ne s’agissait pas d’un territoire de la République arabe syrienne. Il a dit être d’accord avec l’Envoyé spécial pour la Syrie quand ce dernier reconnaît que les autorités syriennes ont bien le droit de se battre pour reprendre leur territoire. Il a noté que personne ne conteste le fait que dans la zone de désescalade d’Edleb, le Front el-Nosra est présent en nombre et essaye de contrôler tout le territoire. « Voilà pourquoi un statu quo est impensable », a-t-il souligné. De même, les zones de désescalade ont un statut provisoire, a-t-il rappelé, en précisant que les résolutions du Conseil de sécurité n’ont jamais évoqué une trêve dans la lutte contre les terroristes.
Pour la Fédération de Russie, « le sort des citoyens ordinaires syriens n’intéresse pas les Occidentaux », puisque, a affirmé le représentant, les terroristes malmènent allègrement la population dans cette zone de désescalade sans que cela n’émeuve personne. Le délégué a rappelé que le 4 septembre dernier, l’aviation russe a frappé des entrepôts d’explosifs et de drones tenus par les terroristes à Edleb. « D’où vient cette production militaire dont disposent ces terroristes? » s’est-il demandé en pointant leur soutien étranger. Il a aussi indiqué que les chefs des terroristes s’opposent à toute velléité de quitter leurs groupes, allant même jusqu’à l’élimination physique.
Le représentant a ensuite signalé qu’il existe entre 40 à 45 groupes armées comptant près de 50 000 combattants à Edleb, dont le plus important est le Front el-Nosra qui regroupe 15 000 personnes. Et la majorité des localités sont gérées par des milices d’autodéfense qui souhaitent une trêve avec le Gouvernement syrien. Les habitants d’Edleb sont las de la tyrannie des terroristes, a-t-il affirmé, avant d’appeler à dissocier les groupes d’opposition armée voulant se joindre au processus politique des terroristes.
Nous avons entendu aujourd’hui de nombreux appels en direction des garants d’Astana, a poursuivi M. Nebenzia, tout en rappelant que la Fédération de Russie avait fait de même en direction des « partenaires occidentaux » qui, a-t-il déploré, les ont ignorés. Il a accusé Washington d’avoir essayé de renverser le régime syrien. Et aujourd’hui, les Occidentaux sont à l’origine de cette « hystérie collective » autour d’Edleb, afin, a-t-il affirmé, que le dernier bastion terroriste de Syrie ne tombe pas. Le représentant russe a néanmoins assuré que des perspectives de pourparlers existent toujours, rappelant que l’Envoyé spécial reste en contact avec l’opposition syrienne armée. Il a promis que les scénarii apocalyptiques sur Edleb, propagés par certains États, après ceux de la Ghouta orientale et d’Alep, ne vont pas se réaliser, « a contrario du désastre de Raqqa qui a été détruit sous les bombes de la coalition ».
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a assuré que le régime d’Assad et ses facilitateurs la Russie et l’Iran ont déjà un scénario bien rodé. D’abord ils encerclent une zone civile, puis ils font des déclarations absurdes selon lesquelles toutes les personnes qui s’y trouvent sont des terroristes. Vient ensuite la campagne de famine et de capitulation. C’est le scénario de la mort, a-t-elle dénoncé, déjà utilisé et « peaufiné » à Daraa ou dans la Ghouta orientale, dans l’est d’Alep ou à Hama.
Maintenant, en dépit des avertissements répétés de plusieurs dirigeants, « dont le Président des États-Unis », une offensive se prépare contre Edleb et des zones civiles subissent d’ores et déjà des frappes aériennes. Nous avons pourtant été très clairs, a mis en garde la représentante: toute attaque contre Edleb constituerait une grave escalade du conflit en Syrie. Et si Assad, la Russie et l’Iran persistent, les conséquences seront dramatiques.
Nous avons été informés que trois millions de personnes, dont 80% de civils, sont coincés à Edleb, « soit presque 11 fois plus que le nombre de celles qui l’étaient à Alep ». Elle a appelé le régime d’Assad à mettre un terme à l’offensive, notant par ailleurs que dans ce contexte, qui pourrait se traduire par des conséquences encore plus graves, l’Iran et la Russie ont le pouvoir de faire quelque chose. Mais lorsqu’Assad et son allié russe disent qu’ils veulent lutter contre le terrorisme, ce qu’ils veulent dire, en réalité, c’est qu’ils vont bombarder des hôpitaux et des écoles, s’est élevée Mme Haley.
La représentante a également indiqué que la Russie souhaite que les États-Unis et la communauté internationale fournisse l’argent nécessaire à la reconstruction de la Syrie. Les États-Unis, a-t-elle martelé, n’envisageront pas une telle demande tant que nous n’aurons pas pu constater les résultats concrets d’un processus politique authentique pour mettre un terme à la guerre. Le contribuable américain ne va très certainement pas subventionner la campagne de destruction d’Assad, s’est-elle emportée.
Mme Haley a jugé qu’il est encore temps de trouver une alternative et a appelé à trouver une solution politique fondée sur la feuille de route de la résolution 2254 (2018) et qui appelle à la tenue d’un réel dialogue entre les Syriens et à la création d’une nouvelle constitution devant déboucher sur la tenue d’élections libres et équitables.
À ses yeux, une offensive contre Edleb, affaiblirait la Syrie et créerait des générations de Syriens incapables d’oublier la brutalité odieuse et brutale du régime d’Assad et de ses alliés. Elle a exhorté la Russie à bien examiner ses options et à travailler « avec nous, l’ONU et les partenaires internationaux », pour enfin faire venir la paix en Syrie. La Russie doit être à la hauteur de ses responsabilités et mettre un terme aux combats, a-t-elle affirmé.
Réagissant aux déclarations des membres du Conseil, M. Staffan de Mistura, Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a déclaré que cette réunion est peut-être « cruciale ». Il a ensuite montré une photo de civils d’Edleb en train de brandir des bougies, affirmant avoir également reçu une lettre signée par 1000 femmes de la province, « qui nous ont exhortés à garder à l’esprit qu’elles sont enseignantes, infirmières, femmes déplacées, ou femmes au foyer ». Il est vrai, a reconnu le haut fonctionnaire, que certains combattants expulsés des autres régions syriennes se sont rendus à Edleb, mais selon lui, ils seraient minoritaires. « Je vous invite à vous rendre à Edleb pour voir ces civils qui souffrent depuis des années. Ces personnes sont opposées aux terroristes », a-t-il témoigné.
Aujourd’hui, a-t-il repris, s’est déroulée à Téhéran une réunion au plus haut niveau entre la Russie, l’Iran et la Syrie. Ce que j’en ai retenu, c’est que le facteur essentiel est le temps, a dit M. de Mistura qui a noté que l’intention déclarée des participants est de continuer à discuter et à mettre en œuvre les idées déjà agréées. « Moi aussi, j’ai une idée », a lancé M. de Mistura, qui a souligné qu’il s’agissait en réalité d’une proposition de la société civile pour échapper à la quadrature du cercle. Il a reconnu que des terroristes identifiés par l’ONU se trouvent à Edleb, mais a souligné que ces derniers sont peu nombreux et que la plupart des personnes sur place sont coincées entre deux chaises et ne veulent pas de cette situation.
L’immense majorité des gens à Edleb sont des civils, qui demandent que l’on opère une distinction claire entre eux et les combattants sur place. « Nous parlons de trois millions de personnes », a insisté l’Envoyé spécial. Revenant à la proposition de la société civile, il a recommandé de dissocier la population des terroristes armés et des groupes armés. Tous les combattants devraient donc se voir proposer un ultimatum pour quitter Edleb, en particulier el-Nosra, « qui a essayé de placer son propre drapeau, mais dont la population n’a pas voulu ». La Russie et la Turquie devraient être les garants d’un tel plan d’évacuation, a-t-il proposé.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a rappelé que le processus d’Astana visait à créer des zones de désescalade de nature provisoire, afin de conclure des accords de paix avec les groupes armés qui tourneraient le dos aux groupes terroristes. Malheureusement, a-t-il déploré, ce ne fut pas le cas à Edleb. « Ceux qui parlent de zone de désescalade à Edleb ne sont pas au courant de la situation sur le terrain, puisque les groupes armés n’ont pas respecté les dispositions du processus d’Astana », a-t-il expliqué. Il a signalé à la délégation du Royaume-Uni qu’Edleb compte pas moins de 50 000 terroristes, et non pas les 15 000 avancés.
Le représentant a ensuite accusé la présidence du Conseil de sécurité d’être à la fois « un adversaire et un arbitre » qui impose des débats sur le Nicaragua, sur la Syrie, et bientôt sur le Venezuela et l’Iran. Il a aussi rappelé que trois membres permanents du Conseil de sécurité utilisent souvent leur présidence de l’organe pour organiser « à souhait » des réunions sur la Syrie, alors que c’est bien leurs gouvernements qui sont la cause des souffrances en Syrie et au-delà. « Edleb se situe bel et bien en Syrie », a-t-il rappelé en justifiant les mesures de son gouvernement visant à expulser les groupes terroristes de cette région du pays. Selon M. Ja’afari, « défendre les groupes terroristes est une tentative désespérée de les recycler avant de les renvoyer demain au Yémen, au Nigéria ou en Afghanistan ».
Ce dernier a en outre estimé que l’État syrien a donné assez de temps aux groupes terroristes pour se joindre au processus de réconciliation. À présent, « ceux qui favorisent l’entrée des terroristes en Syrie, notamment le Gouvernement turc, ont encore une chance de les faire quitter le pays ». Si ces groupes refusent d’obtempérer, a-t-il averti, « le Gouvernement syrien se tient prêt à agir ». Nous sommes conscients des implications humanitaires et nous prenons toutes les précautions en fournissant des routes sûres pour l’évacuation des civils, a tempéré le représentant qui a promis vivres et protection aux civils.
M. Ja’afari a par ailleurs déploré que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France refusent depuis un an d’inscrire le Front el-Nosra sur la liste des groupes terroristes, pour ensuite rappeler que sa délégation a fourni au Conseil des informations indiquant que des groupes terroristes et les Casques blancs ont l’intention d’utiliser des armes chimiques et en faire porter le chapeau au Gouvernement. J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer Mme la Présidente: « investir dans le terrorisme dans mon pays n’a pas marché », a déclaré le délégué syrien. Il s’est également insurgé contre l’hypocrisie du Koweït qui parle de la Syrie comme d’un peuple frère, alors que des élus Koweïtiens appellent ouvertement au recrutement de combattants jihadistes pour les envoyer en Syrie.