En cours au Siège de l'ONU

8346e séance – matin
CS/13493

Le Conseil de sécurité tient son tout premier débat sur le lien entre corruption et conflits

La corruption peut être un « déclencheur » de conflits, a affirmé aujourd’hui le Secrétaire général de l’ONU, alors que le Conseil de sécurité, organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, examinait pour la première fois de son histoire la question intitulée « corruption et conflits », en présence du fondateur d’« ENOUGH Project ».  Neuf des 10 pays que « Transparency International » considère comme les plus corrompus au monde sont à l’ordre du jour du Conseil, a argué la Présidente du Conseil et Représentante permanente des États-Unis, pour faire taire les accusations d’empiètement sur les prérogatives des autres organes et agences spécialisées des Nations Unies.

À mesure qu’un conflit fait rage, « la corruption prospère », a mis en garde le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres.  Même quand les conflits diminuent, la corruption peut entraver le redressement national.  Les liens entre corruption, terrorisme et extrémisme violent, a rappelé le Secrétaire général, ont été maintes fois reconnus.  Les biens détournés peuvent être utilisés pour financer de nouveaux crimes, notamment des actes extrémistes violents et des actes terroristes.  Les enquêtes menées par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ont révélé que la corruption des fonctionnaires est particulièrement forte dans les zones touchées par les conflits.  Dans les situations de conflit, les parties prenantes telles que les commissions anticorruptions, la société civile et les médias peuvent être affaiblies ou entravées dans leurs activités essentielles. 

Les propos tenus par M. Guterres n’ont pas empêché certains pays, comme la Fédération de Russie, de douter du bien-fondé de l’inscription de cette question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  La corruption ne constitue pas en soi une menace à la paix et la sécurité internationales, a argué la Bolivie, relevant que cette question relève d’abord et avant tout des prérogatives de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC).  L’Éthiopie a mis l’accent sur la Convention des Nations Unies contre la corruption qui compte à ce jour 186 États parties, a souligné le Secrétaire général.  L’Éthiopie a insisté sur l’excellent travail de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime pour une bonne mise en œuvre de la Convention. 

Neuf des 10 pays que « Transparency International » considère comme les plus corrompus au monde sont à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, se sont justifiés les États-Unis qui assurent la présidence du Conseil pour le mois de septembre.  Au lieu de s’interroger sur cette situation, l’ONU choisit d’ignorer la corruption, craignant que l’examen de cette question ne décourage les gouvernements et mette un terme à la coopération ou considérant tout simplement que la corruption, c’est « le prix à payer pour faire des affaires » dans certains pays. 

Si le Conseil de sécurité veut respecter son engagement en faveur de la paix et de la sécurité internationales, il doit s’attaquer à la corruption, ont tranché les États-Unis qui ont d’ailleurs annoncé la convocation aujourd’hui même d’une réunion en formule aria pour parler des conséquences sur la sécurité internationale de la corruption au Venezuela, un pays comme l’Iran dont le Gouvernement « n’est pas là pour servir le peuple mais pour servir ses propres intérêts avec la corruption, comme moyen ».  Manipuler la question de la corruption pour s’immiscer dans les affaires intérieures des États est une approche qu’il faut dénoncer, s’est emportée la Bolivie, après que la Fédération de Russie a relevé une certaine ironie dans le fait que ces réunions soient convoquées par la présidence américaine du Conseil alors même que le « lobbysme est une pratique acceptée et présente à tous les échelons du pouvoir aux États-Unis ».  La Fédération de Russie a plutôt souligné toute l’importance qu’elle accorde au mécanisme d’examen de la Convention contre la corruption, un mécanisme « dépolitisé » qui fonctionne très bien, a-t-elle insisté. 

Tant que le Conseil de sécurité et les autres parties intéressées ne changeront pas la dynamique, la guerre restera plus profitable que la paix aux yeux des belligérants et des corrompus, a contré le fondateur d’« Enough Project ».  M. John Prendergast a voulu que les efforts de paix mettent davantage l’accent sur le démantèlement des économies de guerre et la réforme des institutions étatiques, une chose « particulièrement difficile » dans des pays où les ressources naturelles se prêtent au vol et à la corruption. 

Ce qui est « remarquable et regrettable », a-t-il poursuivi, c’est qu’il n’existe pas de nos jours de stratégie organisée pour lutter contre « le siphonage » de l’argent opéré par les leaders des pays comme le Soudan du Sud, le Nigéria, la Somalie, le Soudan, la République centrafricaine ou encore en République démocratique du Congo (RDC) et leurs collaborateurs commerciaux et bancaires à l’étranger.  M. Pendergast n’a pas oublié la Syrie, l’Afghanistan et l’Iraq où des leaders militaires et civils utilisent aussi des réseaux de collaborateurs commerciaux et bancaires pour s’enrichir, profiter de la politique et se maintenir au pouvoir.  Pendant des années l’unique outil dans ce domaine ont été les sanctions ciblées.  Or, a-t-il rappelé, elles se sont révélées inefficaces la plupart du temps parce que trop faibles et ne couvrant pas les corrompus qui alimentent les conflits.  Ce qui manque, selon M. Pendergast, c’est la pression financière contre le blanchiment d’argent, les comptes en banque illicites et les sociétés écrans. 

Le fondateur d’« Enough Project » a donc prôné des régimes de sanctions ciblant les réseaux de la grande corruption et pas seulement les individus; des mesures contre les flux financiers illicites dans le système financier international; et des poursuites judiciaires pour les crimes financiers associés aux atrocités de masse.  Il a également encouragé le Conseil de sécurité à travailler plus étroitement avec des entités spécialisées comme le Financial Action Task Force.  « Les outils de pression financière ne sont pas une fin en soi », a reconnu M. Prendergast, arguant que ces outils doivent s’inscrire dans une stratégie globale de diplomatie intense et de soutien aux institutions, axée sur la transparence et l’obligation de rendre des comptes.  Le Forum économique mondial estime que le coût de la corruption dans le monde est d’au moins 2 600 milliards de dollars, soit 5% du produit intérieur brut mondial.  Selon la Banque mondiale, les entreprises et les particuliers paient plus de 1 000 milliards de dollars en pots de vin chaque année.  Ces chiffres ont été rappelés par le Secrétaire général de l’ONU.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Corruption et Conflits

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTTERES, Secrétaire général de l’ONU, a débuté son intervention en soulignant que la corruption est présente dans tous les pays, riches et pauvres, du Nord et du Sud, développés et en développement.  Le Forum économique mondial, a-t-il précisé, estime que le coût de la corruption à travers le monde est d’au moins 2 600 milliards de dollars, soit 5% du produit intérieur brut mondial.  Et selon la Banque mondiale, les entreprises et les particuliers paient plus de 1 000 milliards de dollars en pots de vin chaque année.  « La corruption prive les écoles, les hôpitaux et les autres de fonds indispensables.  Elle pourrit les institutions, les fonctionnaires s’enrichissent ou ferment les yeux sur la criminalité.  Elle prive les gens de leurs droits, chasse les investissements étrangers et détruit l’environnement.  La corruption engendre la désillusion vis-à-vis du gouvernement et de la gouvernance et est souvent à l’origine de dysfonctionnements politiques et de divisions au sein de la société. »

Arguant que la corruption peut être un « déclencheur » de conflits, le Secrétaire général a expliqué qu’à mesure que le conflit fait rage, « la corruption prospère ».  Même quand les conflits diminuent, la corruption peut entraver le redressement national.  Par ailleurs, les liens entre corruption, terrorisme et extrémisme violent ont été maintes fois reconnus par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, a rappelé le Secrétaire général.  Les biens volés par la corruption peuvent être utilisés pour financer de nouveaux crimes, notamment des actes extrémistes violents et des actes terroristes.  Les enquêtes menées par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ont révélé que la corruption des fonctionnaires est particulièrement forte dans les zones touchées par les conflits.  Dans les situations de conflit, les parties prenantes telles que les commissions anticorruptions, la société civile et les médias peuvent être affaiblies ou entravées dans leurs activités essentielles. 

Les États Membres doivent être en première ligne dans la lutte contre la corruption.  Il est particulièrement important de renforcer les capacités des commissions nationales de lutte contre la corruption, a préconisé M. Guterres.  Selon lui, les gouvernements peuvent également renforcer les efforts de lutte contre la corruption en veillant à l’indépendance du système judiciaire et en favorisant une société civile dynamique, la liberté des médias et la protection efficace des lanceurs d’alerte.  La communauté internationale peut compléter ces efforts en luttant plus efficacement contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et les flux financiers illicites qui ont privé les pays de ressources indispensables et alimentent davantage la corruption.

Le Secrétaire général a appelé à redoubler d’efforts pour prévenir les conflits et faire face rapidement aux risques avant qu’ils ne s’aggravent.  La lutte contre la corruption et la résolution des problèmes de gouvernance, qui sont à la base de nombreux conflits, doivent faire partie des approches préventives.  C’est l’occasion de créer une base solide de confiance et de responsabilité et d’accroître la résilience de la société face aux crises.  Dans les opérations de paix, notre engagement doit être conçu et mis en œuvre de manière plus claire, avec une « focale anticorruption » pour renforcer une culture de responsabilité et de respect de l’état de droit, a-t-il encore recommandé.

L’ONU peut aider les États Membres de plusieurs façons, en diffusant les pratiques optimales et en soutenant les efforts visant à renforcer les institutions nationales de lutte contre la corruption, a estimé le Secrétaire général.  La Commission internationale contre l’impunité au Guatemala en est un bon exemple. 

Avant l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la corruption, il n’existait pas d’instrument mondial pour criminaliser la corruption, ou pour récupérer les biens mal acquis.  Aujourd’hui, la Convention compte 186 États parties et le crime de corruption est sanctionné dans tous les pays du monde.  Les solides mécanismes d’évaluation par les pairs de la Convention ont servi de cadre mondial à la coopération internationale pour renforcer la prévention, perturber les programmes de blanchiment de capitaux, restituer les avoirs détournés de banques étrangères et prendre d’autres mesures nécessaires.  M. Guterres a encouragé tous les États Membres à apporter une plus grande détermination à sa mise en œuvre. 

« Profitons également des progrès technologiques, qui nous donnent l’occasion d’élargir massivement la participation du public à la gouvernance et d’accroître la responsabilité. »  Dans le même temps, nous savons que les conventions et les mesures juridiques doivent être supplées par un leadership vigoureux pour faire de la corruption une priorité, a poursuivi le Secrétaire général.  « Nous devons tous faire davantage pour lutter contre la corruption, renforcer la gouvernance et mettre en place des institutions fiables qui garantissent la probité et le progrès pour tous », a-t-il conclu.

M. JOHN PENDERGAST, Fondateur du Projet ENOUGH et cofondeur de The SENTRY, a rappelé d’emblée que tout au long de l’histoire, certaines personnes et groupes ont tiré des profits importants des situations de conflit.  À titre d’exemples, il a cité les conflits actuels en Afrique, notamment au Soudan du Sud, au Nigéria, en Somalie, au Soudan, en République centrafricaine ou encore en République démocratique du Congo (RDC), alimentés par des opportunités « extraordinaires » d’enrichissement illicite où l’on voit un lien indéniable entre corruption à grande échelle et atrocités de masse.  Les armées nationales et les groupes rebelles ont recours à une violence extrême pour mettre la main sur les ressources naturelles, la main d’œuvre et les réseaux de contrebande.  La violence permet de se financer grâce au saccage et au vol des biens de l’État avec des connections bancaires qui vont jusqu’à New York, Londres et Dubaï, a poursuivi M. Pendergast.

Dans ces pays africains « pris en otage », tout comme en Syrie, en Afghanistan ou en Iraq, des leaders militaires et civils utilisent des réseaux de collaborateurs commerciaux et bancaires en interne et à l’étranger pour s’enrichir, profiter de la politique ou encore maintenir leur pouvoir.  Les trafiquants d’armes, d’ivoire, d’or et de diamants ainsi que les compagnies pétrolières et de travaux publics sont en collision avec des hauts responsables gouvernementaux ou des seigneurs de guerre, voire des réseaux terroristes dans certains cas, pour maximiser les profits d’une infime minorité.  « Ces réseaux s’y connaissent en technologie, en fraude fiscale et en blanchiment d’argent et sont capables d’échapper à la règlementation, aux forces de l’ordre ou encore aux sanctions internationales », a averti M. Pendergast.  Ce sont des conflits pour le « contrôle d’États pris en otage et leurs ressources naturelles » car contrôler un État, c’est la voie la plus sûre pour contrôler les ressources.

Tant que le Conseil de sécurité et les autres parties intéressées ne changeront pas cette dynamique, la guerre restera plus profitable que la paix aux yeux des belligérants et des corrompus.  C’est la raison pour laquelle les efforts de paix doivent mettre l’accent surle démantèlement des économies de guerre et la réforme des institutions étatiques pour les rendre aptes à s’acquitter de leurs mandats.  Cela est particulièrement difficile, a reconnu l’orateur, dans des pays où les ressources naturelles offrent des opportunités énormes pour le vol et la corruption.

Ce qui est « remarquable et regrettable », a-t-il poursuivi, c’est qu’il n’existe pas de nos jours de stratégie organisée pour lutter contre « le siphonage » de l’argent opéré par les leaders de ces pays et leurs collaborateurs commerciaux et bancaires à l’étranger.  Chaque année, s’est indigné M. Pendergast, des milliards de dollars arrivent en Afrique sous forme d’aide ou de missions de maintien de la paix.  Pourtant, les dirigeants de ces pays et leurs réseaux continuent de détourner l’argent parce que les diplomates aux manettes de ces efforts de paix et de développement n’ont pas les moyens de changer les systèmes qui entretiennent les conflits.  « Il ne s’agit pas de renverser les régimes mais de changer les systèmes », a martelé l’intervenant.  Pendant des années l’unique outil dans ce domaine ont été les sanctions ciblées.  Or, a-t-il rappelé, elles se sont révélées inefficaces la plupart du temps parce que trop faibles et ne couvrant pas les corrompus qui alimentent les conflits.

Ce qui manque, selon M. Pendergast, c’est la pression financière contre le blanchiment d’argent, les comptes en banque illicites et les sociétés-écrans.  « C’est à cela qu’il faut s’attaquer pour démanteler ces réseaux de kleptocrates. »  Ce n’est que comme cela que les diplomates des Nations Unies et autres acteurs pourront assurer le succès de leurs efforts de paix.  M. Pendergast a donc prôné des régimes de sanctions ciblant les réseaux de la grande corruption et pas seulement les individus; des mesures contre les flux financiers illicites dans le système financier international; et des poursuites judiciaires pour les crimes financiers associés aux atrocités de masse.  Ce sont là, a-t-il plaidé, des outils puissants pour modifier les comportements, en s’attaquant aux individus et aux compagnies qui jouent un rôle actif dans le fonctionnement des réseaux.  L’intervenant a recommandé au Conseil de sécurité de faire de la corruption liée aux conflits un motif de sanction.  Il l’a également encouragé à travailler plus étroitement avec des entités spécialisées comme le Financial Action Task Force.  « Les outils de pression financière ne sont pas une fin en soi », a reconnu l’orateur, arguant que ces outils doivent s’inscrire dans une stratégie globale de diplomatie intense et de soutien aux institutions, axée sur la transparence et l’obligation de rendre des comptes.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a déclaré qu’à la base, la corruption est le transfert de richesse des plus démunis aux plus puissants.  Les pots-de-vin, les opérations d’initiés, l’écrémage des fonds publics et le détournement de l’aide humanitaire sont autant de formes du prix que les plus pauvres paient involontairement aux puissants dans des régimes corrompus.  « Lorsque le poids de ce fardeau devient trop lourd, les gens réagissent inévitablement », a-t-elle mis en garde.  Le 17 décembre 2010, un humble vendeur de fruits tunisien s’est assis devant le bureau du gouverneur local, s’est aspergé d’essence et s’est immolé par le feu.  L’acte désespéré de Mohamed Bouazizi a déclenché le printemps arabe et a fait de lui le visage de la protestation contre les gouvernements autoritaires.  Ce qui est souvent oublié dans cette histoire, a estimé la représentante, c’est que c’est la corruption qui a poussé Mohamed Bouazizi à se tuer publiquement et douloureusement.  « Mohamed », a-t-elle dit, était systématiquement harcelé par des fonctionnaires exigeant des pots-de-vin.  Son action a déclenché une vague de soulèvements anti-corruption dans le monde arabe.  Les gouvernements qui semblaient stables depuis des décennies se sont effondrés en quelques semaines.  Neuf des 10 pays que Transparency International considère comme les plus corrompus au monde sont à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  « Neuf sur 10 », a-t-elle répété.

Mais au lieu de se demander pourquoi c’est le cas, l’ONU est trop souvent portée à ignorer la corruption, craignant que l’examen de cette question ne décourage les gouvernements et mette un terme à la coopération et considérant tout simplement que la corruption, c’est « le prix à payer pour faire des affaires » dans certains pays.  Les gouvernements de pays comme le Venezuela et l’Iran ne sont pas là pour servir leur peuple.  Ils sont là pour servir leurs propres intérêts avec la corruption, comme moyen, a soutenu Mme Haley. 

Si le Conseil de sécurité veut respecter son engagement en faveur de la paix et de la sécurité, il doit s’attaquer à la corruption », a-t-elle martelé.  Les exemples de corruption menant à un conflit sont partout.  La représentante a affirmé que le Gouvernement corrompu de M. Victor Ianoukovitch a volé au peuple ukrainien quelque 100 milliards de dollars en moins de quatre ans.  Et lorsque « Ianoukovitch » a finalement été évincé, les répercussions ont été mondiales.  La Fédération de Russie a occupé la Crimée et entamé la confrontation la plus grave entre Moscou et l’Occident depuis la fin de la guerre froide. 

La corruption alimente également les mouvements terroristes, a-t-elle poursuivi.  « Boko Haram est monté en puissance au Nigéria, en se positionnant largement contre la corruption et l’oppression exercée par les autorités.  Les premières cibles de ses attaques violentes ont été les postes de police qui abritent un personnel « notoirement corrompu et abusif ».  Depuis lors, le Nigéria a pris de véritables mesures en vue d’une réforme et les États-Unis félicitent le Gouvernement d’avoir reconnu la nécessité d’un changement, a déclaré Mme Haley.

La corruption soutient et prolonge les conflits, a-t-elle ajouté.  Les divisions ethniques au Soudan du Sud sont certes réelles, mais la source principale du conflit est une lutte pour le contrôle des revenus pétroliers.  Ailleurs en Afrique, des groupes exploitent les ressources naturelles, voire le trafic d’espèces sauvages, pour financer leurs guerres. 

La corruption est également un problème international car les fonds pillés sont blanchis dans le système financier international.  Plus que tout autre pays, les États-Unis ont pris des mesures pour y mettre un terme.  Grâce à Initiative contre la cleptocratie et pour le recouvrement d’avoirs, à la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger et à la loi mondiale Magnitski sur la responsabilité des droits de l’homme, les États-Unis ont banni les personnes impliquées dans le narcotrafic, le trafic d’armes et le blanchiment d’argent.  Dans des pays comme la République démocratique du Congo, le Nicaragua et le Venezuela, le Trésor américain a imposé des sanctions importantes.  Plus tard aujourd’hui, les États-Unis organiseront une réunion selon la formule Arria, qui portera spécifiquement sur les conséquences de la corruption au Venezuela et sur la manière dont elle menace la sécurité internationale, a annoncé la représentante. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a souhaité que le Conseil assure le suivi des recommandations formulées par le Secrétaire général aujourd’hui.  La corruption exacerbe les conflits, constitue un obstacle majeur au développement économique et entrave les efforts de paix et de réconciliation, a-t-elle dit, estimant à 3 000 milliards de dollars les pertes annuelles imputables à ce phénomène.  « La corruption est un mal insidieux », a-t-elle insisté avant de souligner que les groupes extrémistes en profitent.  Aucun pays n’est à l’abri et le mien n’y échappe pas, a-t-elle reconnu.  La représentante a détaillé les mesures prises au Royaume-Uni, dont une loi de 2017 visant à barrer l’accès des hommes d’affaires corrompus aux services bancaires britanniques.  Nous devons nous montrer unis dans ce combat, a-t-elle poursuivi, en exhortant les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention des Nations Unies contre la corruption.  Soulignant que la restitution des ressources détournées est un aspect essentiel de la lutte contre la corruption, la représentante a rappelé que son pays a contribué à la restitution d’une somme de 300 millions de dollars au Nigéria. 

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a expliqué que, en plus d’affaiblir considérablement les institutions et l’état de droit, la corruption engendre de grandes disparités économiques, favorise la criminalité organisée et le financement du terrorisme.  Elle fragilise ainsi tant la sécurité que le développement politique, économique et social des États affectés.  C’est en ce sens qu’elle peut constituer un obstacle à la paix et à la sécurité internationales, en particulier dans les pays en situation de conflit ou postconflit.  Dans ce contexte, a-t-il dit, il est indispensable que la communauté internationale reste pleinement mobilisée pour lutter contre la corruption à tous les niveaux –national, régional et international– en mettant en œuvre la Convention des Nations Unies contre la corruption.  Évoquant l’expérience de la France, le délégué a assuré qu’elle avait mobilisé les pouvoirs publics, les acteurs économiques et la société civile, plus proches du terrain et promoteurs d’initiatives innovantes.

Soucieuse de transparence de la vie économique, la France a adopté en 2016 une loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.  Cette loi, a précisé le représentant, a également créé l’Agence française anticorruption, chargée d’élaborer des recommandations relatives à la prévention et à l’aide à la détection de la corruption.  Au-delà, les organisations régionales et internationales ont elles aussi un rôle à jouer pour contribuer aux efforts anticorruptions et soutenir les États qui en ont besoin.  C’est par exemple le cas de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et du Conseil de l’Europe, qui ont élaboré des instruments juridiques régionaux particulièrement pertinents.  La France, a conclu M. Delattre, soutient également le Partenariat pour un gouvernement ouvert, qui vise à accroître l’ouverture des données publiques et la participation citoyenne aux décisions publiques et qui rassemble désormais plus de 70 pays. 

En se basant sur l’expérience de son propre pays, M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a plaidé pour une coopération plus étroite entre pays, notamment sur le plan régional, ainsi qu’avec l’ONU, INTERPOL et d’autres agences spécialisées dans la lutte contre la corruption.  Le monde d’aujourd’hui atteste des liens entre développement et sécurité, et, par conséquent, il faut évaluer l’ampleur des problèmes tels que le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, l’exploitation des ressources naturelles, le trafic de stupéfiants et d’armes et identifier la manière dont la corruption s’infiltre dans toutes ces activités. 

Le représentant a préconisé une stratégie à trois niveaux, à commencer par le lien entre sécurité et développement, des approches régionales innovantes et le renforcement de la coordination au sein des Nations Unies pour plus d’efficacité, de transparence et de responsabilité.  Il s’est également dit convaincu que les efforts individuels des pays doivent être complémentés par des actions menées « dans l’unité ».  À ce titre, il a évoqué les régimes de sanctions du Conseil de sécurité et ses résolutions qui pourraient réduire la probabilité des conflits alimentés par la corruption. 

M. DESIRE WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a axé son intervention sur les institutions administratives, judiciaires et sécuritaires, « trois institutions qui sont emblématiques des défis que constitue la corruption pour les États ».  Conscient de l’énorme potentiel de nuisance du phénomène de la corruption et de sa capacité à saper les fondements des États, les dirigeants africains, a rappelé le représentant, ont proclamé 2018, année de la lutte contre la corruption.  Le représentant a aussi attiré l’attention sur le fait que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a souligné la nécessité d’une plus grande intégration de l’architecture africaine de gouvernance dans le cadre de la prévention structurelle des conflits, tout en inscrivant la stratégie africaine de lutte contre la corruption dans l’optique d’une approche mondiale.  Le représentant a ensuite parlé de la Déclaration finale adoptée par les chefs d’État de l’Union africaine le 2 juillet, qui contient des mesures supposant une appropriation véritable de la lutte contre la corruption au niveau local, en vue de mutualiser les expériences pour une plus grande efficience au niveau du continent. 

Afin de briser le cercle vicieux qui mène à des situations encore plus inextricables dans les pays en situation de postconflit, le représentant a jugé utile de faire figurer explicitement la dimension lutte contre la corruption dans les accords de paix, de veiller à ce que les interventions contre la corruption commencent dans l’immédiat après le conflit et de renforcer la collaboration avec la société civile.  Il a conclu en soulignant que son pays a créé dès le 16 avril 2014, la Haute Autorité pour la bonne gouvernance, renforcé la Cellule nationale de traitement de l’information financière et les textes régissant la Direction centrale des marchés publics.  Le Gouvernement a aussi élargi les pouvoir de contrôle de la Cour des comptes. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a rappelé que la lutte contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales est la première responsabilité de ce Conseil.  Il est crucial, a-t-il insisté, de respecter la Charte des Nations Unies, dont le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  Il faut privilégier les partenariats fondés sur un pied d’égalité et régler les différends par le dialogue.  Les racines des conflits, c’est le sous-développement, a insisté le représentant.  Le représentant a souligné les résultats « substantiels » du Sommet Chine-Afrique qui vient de se tenir à Beijing.  La corruption, a-t-il dit, est l’ennemi commun de l’humanité.  Il a donc appelé au renforcement de la coopération internationale s’agissant aussi de la restitution des biens volés.  Il n’a pas manqué de rappeler que son pays est partie à la Convention des Nations Unies contre la corruption. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a commencé par rappeler que l’état de droit forme la pierre angulaire de toute société stable et de la démocratie, et que la corruption est un virus qui l’affaiblit, d’où l’importance d’établir les responsabilités et d’honorer l’obligation de rendre des comptes.  Cela exige, a-t-elle rappelé, la séparation des pouvoirs, les contre-pouvoirs et le suivi judiciaire.  La représentante a insisté sur la transparence, une valeur à laquelle son gouvernement est profondément attaché.  Elle a attiré l’attention du Conseil sur l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, qui exige des États qui y adhèrent qu’ils publient les informations relatives à la gestion des ressources naturelles.  Elle a prévenu des risques posés par la corruption s’agissant de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, se félicitant, une nouvelle fois, de l’objectif 16 sur la paix, la justice et des institutions fortes.

M. OLOF SKOOG (Suède) a déclaré que la corruption ne connaît pas de frontières et constitue un facteur d’instabilité, qui peut avoir des conséquences encore plus graves pour les femmes et les groupes vulnérables.  Les efforts multilatéraux de la communauté internationale ont abouti à des engagements politiques vigoureux à l’appui des initiatives anticorruption, comme le Programme de développement durable à l’horizon 2030, dont les objectifs 10 et 16 sont particulièrement pertinents à cet égard, a noté le représentant.  Il a également cité le Programme d’action d’Addis-Abeba, la Convention des Nations Unies contre la corruption et certaines résolutions du Conseil de sécurité, comme la résolution 2282.  Pour sa part, la Suède a entrepris des efforts nationaux, et partagé ses pratiques optimales, notamment lors de la Conférence de Stockholm sur la fiscalité, qui s’est tenue en mai dernier, afin de promouvoir le renforcement des capacités dans ce domaine spécifique. 

M. VASSILY A. NEBENZYA (Fédération de Russie) a souligné que les conflits sont souvent le fruit d’une lutte secrète pour le contrôle des ressources naturelles, « l’autre face de la médaille de la corruption ».  Le représentant a vu une certaine ironie dans le fait que cette réunion ait été convoquée par la présidence américaine du Conseil de sécurité alors même que le « lobbysme est une pratique acceptée et présente à tous les échelons du pouvoir aux États-Unis ».  Il a en revanche rappelé que son pays n’a cessé de plaider pour le renforcement du rôle de coordonnateur de l’ONU dans la lutte contre la corruption, sur la base de la Convention contre la corruption, une convention que la Fédération Russie a été l’une des premières à signer.  Mon pays, a ajouté le représentant, accorde une attention particulière au mécanisme d’examen de la Convention, un mécanisme « dépolitisé » et demande à l’ONU et à son Office contre le crime et la corruption (ONUDC) de fournir une aide technique aux États Membres.  Le représentant a ensuite passé en revue les différentes actions menées par la Fédération de Russie avec l’ONUDC.  Le mécanisme « dépolitisé » de lutte contre la corruption fonctionne très bien, a-t-il insisté.  Il a donc dit ne pas voir le bien-fondé de cette question à l’ordre du jour du Conseil de sécurité car cela sape les efforts des agences spécialisées et autres organes internationaux.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a rappelé que la corruption compromet l’état de droit et la justice.  Ce n’est pas un phénomène inconnu dans notre hémisphère, a-t-il déclaré.  La corruption est une menace pour la stabilité et une cause de nombreux conflits.  Au Pérou, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée est une priorité, a affirmé le représentant, arguant que la pérennisation de la paix signifie institutions inclusives, systèmes de contrepoids au pouvoir, participation accrue des femmes et lutte contre la corruption.  Ce sont les citoyens eux-mêmes qui doivent être aux commandes de la lutte contre la corruption et en dénonçant les pratiques.  Le représentant a plaidé pour une réponse coordonnée des États, mentionnant l’Accord de Lima de 2008 et demandé l’inclusion de la lutte contre la corruption dans les mandats des opérations de paix de l’ONU. 

Le fait que la corruption affecte les États ne signifie pas en soi qu’elle représente une menace à la paix et à la sécurité internationales, a argué M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) qui n’a pas manqué de souligner que cette question relève d’abord et avant tout des prérogatives de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC).  Il a appelé le Conseil de sécurité à respecter la Charte et à se limiter aux menaces à la paix et à la sécurité internationales.  L’ingérence du Conseil dans les affaires des autres organes des Nations Unies affecte l’autorité de ces dernièrs et affaiblit leur mandat, a averti le représentant pour lequel cette réunion du Conseil risque de « politiser » la lutte contre la corruption.  Se servir de cette question pour s’immiscer dans les affaires intérieures des États est une approche qu’il faut dénoncer, a affirmé le représentant dont le pays a d’ailleurs renoncé au secret bancaire pour renforcer la transparence, « un exemple à suivre à l’échelle mondiale ».  La lutte contre la corruption, a-t-il estimé, doit commencer par la réforme du système financier international et l’élimination des paradis fiscaux. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souligné les causes sociales sous-jacentes du fléau de la corruption, dont la pauvreté et l’absence de l’état de droit.  Il y a par ailleurs un lien fort entre corruption et intensité des conflits, a-t-il déclaré, rappelant que la corruption peut détruire les économies des pays.  Il a souligné la robustesse du cadre juridique prévu par la Convention des Nations Unies contre la corruption et appelé à sa pleine mise en œuvre.  Nous devons resserrer notre coordination avec les organisations régionales, en mettant en place des réseaux régionaux de lutte contre la corruption, a préconisé le délégué.  Il a mentionné la création en 2016, au Koweït, d’une entité chargée notamment de promouvoir la transparence dans les transactions financières.  Lutter contre la corruption est une responsabilité commune, qui échoit d’abord aux États Membres, a conclu le délégué. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué l’inclusion de la question de la lutte contre la corruption à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Pour lui, la corruption constitue une dépravation morale qui touche toutes les couches de l’État mais également le système privé.  Il s’agit d’une appropriation illégale d’un bien, ce qui renvoie à l’Article 36 de la Charte, a-t-il souligné.  Le trafic d’influence, les dessous de table et autres sont des pratiques courantes de la corruption, « un problème commun à toutes les nations du monde ».  Il a donc encouragé le renforcement de la coopération internationale, saluant au passage le travail de l’ONUDC.  Le représentant a affirmé que la Guinée équatoriale s’est dotée d’une loi contre les fonctionnaires véreux.  Elle devrait se doter sous peu d’une loi sur la lutte contre la corruption.  Avant de conclure, le représentant a dénoncé les multinationales qui cherchent à maximiser leurs profits en faisant fi des lois en vigueur dans les pays où elles opèrent.  « La corruption c’est comme le tango, il faut être deux pour danser ».

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a reconnu, à son tour, que la corruption généralisée est l’une des causes profondes des conflits.  La corruption se joue des frontières et le Conseil ne peut détourner les yeux de ce fléau, a-t-elle estimé.  Elle a exhorté les bailleurs de fonds à refuser toute aide aux gouvernements qui ne s’engagent pas fermement contre la corruption.  La déléguée a d’ailleurs appelé au renforcement des capacités, en insistant tout de même sur la volonté politique comme « élément clef ».  Elle a exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à la Convention des Nations Unies contre la corruption, un phénomène contre lequel aucun pays n’est à l’abri. 

Tout en reconnaissant les effets négatifs de la corruption, Mme MAHLET HAILU GAUDEY(Éthiopie) a estimé que cette question n’a pas sa place à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Il y a suffisamment de questions pressantes pour la paix et la sécurité internationales, a-t-elle insisté, mettant en garde le Conseil contre la tentation d’empiéter sur les mandats des autres organes des Nations Unies.  Rien n’empêche le Conseil d’examiner la corruption dans le cadre de situations particulières de conflits, a-t-elle concédé, en pointant le doigt sur certains régimes de sanctions.  Mais pour la représentante, la Convention des Nations Unies contre la corruption est le seul instrument juridiquement contraignant pertinent.  Elle a d’ailleurs salué le travail de l’ONUDC en faveur d’une bonne mise en œuvre de la Convention.

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