Ukraine: le Conseil de sécurité se réunit quatre ans après la signature des accords de Minsk que Kiev et Moscou s’accusent de violer

8461e séance – après-midi
CS/13698

Ukraine: le Conseil de sécurité se réunit quatre ans après la signature des accords de Minsk que Kiev et Moscou s’accusent de violer

À la demande de la Fédération de Russie, le Conseil de sécurité s’est, cet après-midi, réuni pour une séance consacrée à la situation en Ukraine, une séance dont la tenue coïncidait avec le quatrième anniversaire de la signature des Accords de Minsk dont les dispositions restent, pour l’essentiel, lettre morte.  Les échanges de vues entre membres du Conseil ont en revanche été vifs.

Avant cela, le Sous-Secrétaire général du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, M. Miroslav Jenča, a jugé la mise en œuvre des accords de Minsk « largement insuffisante », malgré les avenues parallèles telles que le format Normandie -Allemagne, France, Russie et Ukraine-, ou le Groupe de contact trilatéral -Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Russie et Ukraine-.

« Les négociations semblent avoir perdu de l’élan, les principales parties prenantes s’avérant soit incapables, soit réticentes à s’entendre sur la marche à suivre », a constaté à regret le haut fonctionnaire.  Les États-Unis se sont d’ailleurs étonnés que la Fédération de Russie ait demandé la tenue de cette séance pour discuter d’accords qu’elle n’honore pas elle-même.  L’Allemagne s’est demandé, en écoutant son collègue russe, si c’est l’Ukraine qui avait envahi la Fédération de Russie et non l’inverse.  « N’oublions pas aujourd’hui qui est la victime et qui est l’agresseur », a tranché de son côté la Pologne.

La Russie s’est inscrite en faux contre ces analyses, expliquant que la tenue de cette séance illustrait sa volonté de parler de la situation en Ukraine, alors qu’elle est régulièrement accusée du contraire.  Or, la situation actuelle dans ce pays est imputable à un « coup d’État » orchestré par les pays occidentaux, a-t-il lancé, Kiev étant désormais « une excroissance de l’Union européenne » et les États-Unis, « les marionnettistes de la place Maïdan ».

Rejetant les affirmations selon lesquelles elle refuserait de respecter les accords, la Russie s’en est prise à l’Ukraine, qu’elle a accusée de « violer » et de « délibérément ignorer » ces instruments, dont l’application serait considérée comme une « trahison d’État » à Kiev.  Fustigeant la « réécriture mensongère de l’histoire en Ukraine », elle a argué que le conflit dans le Donbass n’est pas une guerre civile, « mais une guerre avec la Russie ».

Face aux « larmes de crocodile » qu’elle verserait sur le compte des « habitants de Donetsk et Louhansk », l’Ukraine a brandi une série de chiffres qui prêtent aux formations armées russes dans le Donbass autant de tanks que l’Allemagne ou la France et de véhicules blindés qu’au Pérou et au Koweït.

Elle s’est dite favorable à la création d’une mission de maintien de la paix de l’ONU, dotée d’un mandat couvrant tout le territoire occupé et chargée du retrait des troupes étrangères et des mercenaires et de la « dissolution de toutes les structures illicites ».  L’Allemagne s’est dite prête à réfléchir au déploiement d’une telle opération. 

« Comme des incidents l’ont amplement démontré au cours des cinq dernières années, le conflit dans l’est de l’Ukraine n’est ni stagnant, ni gelé.  C’est un conflit en plein cœur de l’Europe qui continue de faire des victimes », a résumé le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques dont les propos ont été confirmés par le Chef de la Mission de l’OSCE en Ukraine, M. Ertuğrul Apakan, et le Représentant spécial de la Présidence en exercice de l’OSCE pour l’Ukraine, M. Martin Sajdik.  La priorité immédiate, a expliqué M. Miroslav Jenča, consiste pour les parties à retirer de la ligne de contact leurs armes lourdes et leurs forces et à protéger les infrastructures civiles vitales.

C’est d’autant plus nécessaire, a relevé son homologue aux affaires humanitaires, Mme Ursula Müller, que cette année, 3,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et de services de protection.  Elle a appelé le Gouvernement ukrainien à améliorer les passages aux points de contrôle et à se doter d’un cadre national pour le déminage, se félicitant toutefois de l’adoption récente d’une loi à cette fin.  La zone bordant la ligne de contact reste le troisième terrain le plus miné au monde, après l’Iraq et l’Afghanistan, a précisé la France.

Autre source d’instabilité selon plusieurs intervenants: la tenue, en novembre dernier, des prétendues élections dans les « territoires rebelles » de Donetsk et de Louhansk, car elles violent tant la lettre que l’esprit des accords de Minsk, a expliqué la Belgique, suivie sur ce point par le Royaume-Uni. 

SITUATION HUMANITAIRE EN UKRAINE

Lettre datée du 13 avril 2014, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2014/264)

Exposés

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques au Département des affaires politiques et de consolidation de la paix, a rappelé que, dans sa résolution en date du 17 février 2015, le Conseil de sécurité avait appelé toutes les parties à appliquer pleinement l’ensemble des mesures en vue de l’application des accords de Minsk signés le 12 février 2015.  Quatre ans après leur adoption, a-t-il précisé, les accords demeurent le seul cadre agréé pour une paix négociée dans l’est de l’Ukraine.  Or, si les efforts diplomatiques se poursuivent, la mise en œuvre des dispositions de ces accords reste « largement insuffisante », y compris dans ses aspects sécuritaires et politiques.  « Les négociations semblent avoir perdu de l’élan, les principales parties prenantes étant soit incapables soit réticentes à parvenir à un accord sur la marche à suivre », a constaté à regret le haut fonctionnaire.  Il a relevé que des discussions approfondies sur la mise en œuvre des dispositions avaient lieu dans des arènes auxquelles ne participe pas l’ONU, en mentionnant le format Normandie, le Groupe de contact trilatéral et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), entre autres acteurs.  « Comme des incidents l’ont amplement démontré au cours des cinq dernières années, le conflit dans l’est de l’Ukraine n’est ni stagnant, ni gelé.  C’est un conflit en plein cœur de l’Europe qui continue de faire des victimes », a affirmé M. Jenča.

Les cinq nouveaux engagements pris par les principales parties prenantes à un cessez-le-feu l’an dernier, dans le cadre du Groupe de contact trilatéral, portent à plus d’une dizaine le nombre des engagements pris depuis le début du conflit.  « Malheureusement, chacun de ces cessez-le-feu n’a guère duré », a déploré le Sous-Secrétaire général.  Comme l’a signalé l’OSCE, des avant-postes militaires sont déployés de plus en plus près de part et d’autre de la ligne de contact, dans ce qu’il est convenu d’appeler les « zones grises », tandis que le recours aux armes lourdes et leur positionnement à proximité « est une réalité », s’est alarmé le haut fonctionnaire, qui a placé ses espoirs dans le nouveau tour de négociations qui se tiendra cette semaine sous l’égide du Groupe de contact trilatéral. 

Si la violence a reculé depuis 2014, dont le nombre des pertes civiles, elle se poursuit néanmoins, de même que les destructions, à un rythme hebdomadaire, tandis qu’environ 1,5 million de personnes sont toujours déplacées, a-t-il observé.  « La priorité immédiate pour les parties est de retirer leurs armes lourdes et leurs forces des zones peuplées et de protéger les infrastructures civiles vitales », a recommandé le Sous-Secrétaire général.  Plus d’un demi-million de personnes vivent dans un rayon de 5 kilomètres de part et d’autre de la ligne de contact et sont les plus exposées aux tirs d’artillerie, aux coups de feu, aux mines terrestres et aux munitions non explosées.  « La zone bordant la ligne de contact reste l’une des plus minées au monde », a ajouté M. Jenča.  Tout en assurant que l’ONU ne ménagerait pas ses efforts pour fournir l’assistance humanitaire nécessaire sur le terrain, il a tenu à dire que ces efforts ne devraient pas être politisés ou instrumentalisés par les parties.  Le Sous-Secrétaire général a plaidé, en conclusion, en faveur de progrès rapides dans la mise en œuvre des accords de Minsk.

Les civils paient le prix le plus lourd, a prévenu Mme URSULA MÜLLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence.  Elle a précisé que cette année, 3,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire et de services de protection, alors que les infrastructures civiles sont toujours détruites ou endommagées.  Une nouvelle fois, la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a appelé le Gouvernement ukrainien à améliorer les passages aux points de contrôle et à adopter un cadre national pour le déminage.  Elle s’est félicitée qu’une loi en ce sens vienne d’être adoptée.

Malgré des problèmes d’accès, un environnement complexe et des ressources limitées, les agents humanitaires font vraiment la différence des deux côtés de la ligne de contact, a-t-elle affirmé.  Guidés par les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, ils ont aidé quelque 1,3 million de personnes l’année dernière.  Pour appuyer le Plan d’aide humanitaire de 2019, un mécanisme novateur, le fonds de financement commun pour l’Ukraine, a été mis en place.  En outre, une somme de 6 millions de dollars a été ponctionnée du Fonds central pour les interventions d’urgence pour les crises sous-financées.  L’année dernière, a rappelé Mme Müeller, le Plan de réponse humanitaire n’a été financé qu’à hauteur de 40% et cette année, c’est une somme de 162 millions de dollars qui est attendue pour aider 2,3 millions de personnes.

M. ERTUĞRUL APAKAN, Chef de la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ukraine, a parlé des difficultés dans l’application des accords de Minsk, notant toutefois la baisse des violations de l’accord de cessez-le-feu.  Les violences subsistent, a-t-il dit, estimant à 1 000 le nombre des violations de l’accord de cessez-le-feu.  Des armes sont entreposées dans l’aéroport de Donetsk et dans d’autres zones de la région, a-t-il précisé, avant d’appeler au plein respect du cessez-le feu et à un désengagement complet des forces.  Alors que de nombreux actes de violence se produisent le long de la ligne de contact, il a insisté sur la protection des civils, « de toute urgence », y compris contre les mines, sur celle des infrastructures civiles telles que les écoles.  Il faut honorer les accords locaux de cessez-le-feu, a-t-il martelé.  Il a évoqué les conditions de vie difficiles des personnes âgées et précisé que 14 personnes viennent de perdre la vie dans les différents points de contrôle.  La Mission, a-t-il dit, opère dans un environnement complexe: une explosion vient de se produire près d’une de ses patrouilles.  La Mission continuera de tout faire pour assurer la mise en œuvre des accords de Minsk et promouvoir la normalisation, a affirmé M. Apakan, qui a salué le courage des hommes et des femmes de sa Mission.

M. MARTIN SAJDIK, Représentant spécial de la Présidence en exercice de l’OSCE pour l’Ukraine et auprès du Groupe de contact trilatéral, a, lui aussi, constaté qu’en dépit des engagements pris de part et d’autre, y compris l’an dernier, aucune solution n’a encore été trouvée au conflit ukrainien.  Les confrontations se poursuivent, provoquant des pertes civiles, même si elles ont considérablement diminué depuis l’an dernier, de moitié selon ses évaluations.  Sous l’impulsion de M. Apakan, a-t-il relevé, le Groupe de contact trilatéral a pu prendre certaines mesures relatives notamment au retrait des armes lourdes, à la lutte antimines et au désengagement des forces.  Des faits positifs ont été enregistrés, s’agissant des paiements et des réparations pour les systèmes d’adduction d’eau, de même que pour les installations électriques.  À Donetsk et Louhansk enfin, des décisions politiques ont été prises l’an dernier, s’est félicité le Représentant spécial.  Mais des revers ont été également enregistrés, comme les « prétendues » élections de Donetsk et Louhansk le 11 novembre dernier, lesquelles n’ont pas permis de stabiliser la région.  Par ailleurs, avec la hausse du nombre de personnes qui franchissent la ligne de contact, l’ouverture de nouveaux points de passage est indispensable, a exhorté le haut fonctionnaire, qui a encouragé en conclusion les parties à élargir la portée des discussions connexes.

Déclarations

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit avoir pris l’initiative de demander cette réunion pour parler des mesures prises en faveur de la mise en œuvre des accords de Minsk.  Certains de nos partenaires au Conseil ont l’impression que nous ne voulons pas parler de l’Ukraine, alors que c’est le contraire, a-t-il assuré.  Il a imputé la situation actuelle au « coup d’État « orchestré par les pays occidentaux.  L’Ukraine étant désormais « une excroissance de l’Union européenne », a-t-il constaté, non sans fustiger les provocations de l’Occident, notamment celles des trois pseudo-garants des accords.  Les États-Unis, s’est-il amusé, sont les marionnettistes de la place Maïdan qui ont encouragé les « actes irréfléchis » de la part de l’Ukraine.  L’Occident n’a cure de l’Ukraine, » un simple pion dans l’affrontement avec la Russie ».  Le délégué a rappelé la teneur de la résolution 2202 (2015) en annexe de laquelle figurent les accords de Minsk.

C’est Kiev qui viole ces accords mais c’est la Russie qu’on accuse, s’est étonné le représentant.  Il a rappelé que le point 9 de la résolution sur le rétablissement du plein contrôle du Gouvernement ukrainien le long de la frontière est subordonné à la réalisation des autres points visés par la résolution.  Hélas, les accords de Minsk sont délibérément ignorés par Kiev et les pays occidentaux veulent cacher la vérité.  Le représentant a même affirmé que l’application des accords est vue comme une « trahison d’État » en Ukraine.  Après les Accords de Stockholm sur la situation au Yémen, a rappelé le représentant, le Conseil a appelé les belligérants à s’assoir à la table des négociations et à lancer un processus politique.  Pourquoi ne lancez-vous pas le même appel à Kiev?  Pourquoi demandez-vous à la Russie de faire ceci ou cela?  Je vais moi-même répondre à ces questions, a dit le représentant: en fait vous êtes d’accord avec la position de Kiev.  Ce n’est pas un conflit civil mais une guerre avec la Russie.

Le représentant a fustigé la réécriture mensongère de l’histoire en Ukraine et les « larmes de crocodile » que Kiev verse sur les habitants de Donetsk et Louhansk, tout en renforçant sa présence militaire dans le Donbass, à coup de tanks et d’artillerie.  Le délégué s’est attardé sur « le conflit d’anarchie et la haine » contre la Russie en Ukraine, sans oublier la répression de toute dissidence.  « Vous ne voulez pas reconnaître la situation parce que vous ne comprenez pas le labyrinthe politique ukrainien. »  Le représentant a regretté que l’Ukraine ait refusé l’accréditation des observateurs russes à la prochaine élection présidentielle et l’ouverture de bureaux de vote en Russie pour que des « millions d’Ukrainiens » puissent voter.  Ces Ukrainiens, a-t-il rappelé, représentent 10% de la population du Donbass.  Kiev a choisi de saboter la résolution 2202 au profit de la provocation, laquelle pourrait aggraver la situation.  J’espère que les participants à cette réunion demanderont à Kiev d’appliquer les accords de Minsk.  Mais je vous mets en garde, n’espérez pas de plan B, a prévenu le représentant.

On croirait presque que c’est l’Ukraine qui a envahi la Fédération de Russie et pas l’inverse, s’est étonné M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne).  Il a rappelé que c’est son pays qui, avec la France, avait intensifié les efforts diplomatiques pour mettre fin à la crise.  Nous avons réussi, a-t-il rappelé, à nous mettre d’accord sur le train de mesures de Minsk, il y a exactement quatre ans.  Malheureusement, les parties n’ont jamais mis en œuvre les dispositions sur le cessez-le-feu.  À ce stade, le représentant a estimé que les accords et les négociations en cours dans le cadre du format Normandie sont le seul moyen de garantir des progrès tangibles.  L’Allemagne, a-t-il assuré, est prête avec ses partenaires du format Normandie à voir comment une mission de l’ONU pourrait contribuer aux progrès.  Une telle mission, a-t-il précisé, devrait être dotée d’un mandat substantiel et applicable à toute la zone de conflit pour contribuer à la mise en œuvre des accords de Minsk.  S’il a mis l’accent sur la situation humanitaire et les efforts de son pays pour y remédier, le représentant a surtout insisté sur les progrès dans la mise en œuvre des accords de Minsk.  L’Allemagne et la France, a-t-il répété, sont déterminées à agir dans le cadre du format Normandie pour assurer des progrès concrets sur le terrain et améliorer la situation de ceux qui sont le plus affectés.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré qu’il aurait souhaité, en cette date anniversaire de la signature des accords de Minsk, célébrer l’avènement d’une paix durable dans l’est de l’Ukraine.  Mais au lieu de quoi les armes lourdes se font plus nombreuses de part et d’autre de la ligne de contact, a-t-il déploré.  Aussi a-t-il exhorté les parties à s’abstenir de toute provocation susceptible d’aggraver les hostilités.  Après avoir salué les efforts de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE pour promouvoir un rapprochement entre les parties, le représentant a appelé l’Ukraine et la Fédération de Russie à parvenir à un règlement pacifique de la crise.  Il a également exprimé son inquiétude devant la détérioration de la situation humanitaire, qui touche 5,2 millions de civils, dont 3,2 millions qui ont besoin d’une assistance de toute urgence. 

« N’oublions pas aujourd’hui qui est la victime et qui est l’agresseur », a déclaré Mme JOANNA WRONECKA (Pologne).  Malgré ce qui pourra être dit aujourd’hui, il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour suggérer que le pays qui est devenu la proie de la politique étrangère agressive de la Russie est celui qui ne respecte pas les accords de Minsk.  La représentante a demandé que l’OSCE soit autorisée de manière permanente à surveiller la frontière entre la Fédération de Russie et l’Ukraine et a souligné que le conflit en Ukraine n’est pas une crise intérieure, mais bien la conséquence de l’agression russe.  Elle a appelé la Russie à cesser d’œuvrer à la déstabilisation de l’est de l’Ukraine et a insisté sur l’illégalité de l’annexion de la Crimée.  La déléguée a rappelé la gravité de la situation humanitaire dans les zones de conflit où 3,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire.  Voulant finir sur une « note positive », elle a salué les derniers amendements à la Constitution de l’Ukraine relatifs à une perspective d’intégration euro-atlantique et européenne.

« Soyons clairs: c’est à la Fédération de Russie qu’il revient de retirer ses troupes de l’est de l’Ukraine », a déclaré M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis), qui a affirmé par ailleurs que jamais Washington ne reconnaîtrait l’annexion de la Crimée.  Nos sanctions imposées sur le Donbass resteront en vigueur jusqu’à ce que Moscou respecte les accords de Minsk, a annoncé le représentant.  Celui-ci s’est étonné que la Fédération de Russie convoque une séance consacrée à la commémoration des accords de Minsk, dans la mesure où elle ne les respecterait pas.  M. Cohen s’est en revanche félicité de l’engagement du Gouvernement ukrainien à respecter ces accords, comme en témoigne, selon lui, la loi ayant porté création d’un statut spécial pour l’est de l’Ukraine.  Mais au lieu d’utiliser les accords de Minsk, a accusé la délégation américaine, la Russie tente de détourner l’attention du Conseil de sécurité de ses agissements.  Elle a demandé que les équipages des navires ukrainiens détournés dans le détroit de Kertch soient relâchés, avant de réitérer que son pays se tient aux côtés de l’UE et de l’Ukraine « contre » la Russie, en raison de son « comportement inacceptable ».

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a souligné la nécessité de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États et rejeté toute atteinte illicite auxdites souveraineté et intégrité, sans le consentement de l’État affecté.  Il a appelé les parties à adhérer pleinement aux accords de Minsk, afin d’ouvrir la voie à une solution politique durable.  La mise en œuvre de ces accords permettra en outre l’acheminement de l’aide humanitaire, a-t-il dit, en appelant au retrait des armes lourdes à égale distance afin de créer une zone sécurisée.  Enfin, il a appelé les parties à la plus grande retenue et à une gestion responsable de la crise.  « L’Indonésie attend du Conseil qu’il endosse pleinement sa responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales. »

M. WU HAITAO (Chine) a regretté que la médiation lancée pour aider les parties à appliquer les accords de Minsk soit à l’arrêt, exhortant celles-ci à reprendre les négociations de bonne foi, seul moyen, selon lui, de parvenir à un règlement politique de la crise ukrainienne.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a constaté, à l’écoute des exposés, qu’il y a urgence à faire cesser les hostilités dans l’est de l’Ukraine, les violations répétées des accords de Minsk constituant une source de préoccupation.  Il a également jugé préoccupant le fait que les tensions récurrentes et le conflit exacerbent la situation humanitaire.  « Les parties doivent veiller à la désescalade, par la mise en œuvre des accords de Minsk, pour permettre la création de conditions propices à l’amélioration de la crise humanitaire », a exhorté le représentant, en priant les parties de s’abstenir de toute action qui pourrait être considérée comme une provocation, et à mettre pleinement en œuvre leurs engagements respectifs en vertu des accords de Minsk.  Il faut, a-t-il conclu, que la Mission d’observation de l’OSCE en Ukraine soit autorisée à se déplacer librement pour vérifier la mise en œuvre des accords de Minsk, conformément à son mandat, a ajouté M. Matjila.

M. PAUL DUCLOS (Pérou) a affirmé que les accords de Minsk sont le socle juridique d’une solution politique à la crise ukrainienne, soulignant que le respect du cessez-le-feu agréé par les parties et le retrait des armes lourdes des zones peuplées sont des priorités.  Il s’est déclaré alarmé par le fait que la Mission d’observation de l’OSCE ait enregistré pas moins de 1 600 violations du cessez-le-feu jusqu’à présent, nombre d’entre elles ayant été commises avec des armes lourdes, dont certaines, comme les mines antipersonnel, sont proscrites par le droit international.  Le représentant s’est donc dit préoccupé des conséquences graves d’une telle situation sur la gouvernance et le développement, mais aussi sur la population civile.  En l’espace de cinq ans à peine, le conflit a fait 3 300 pertes civiles et blessé plus de 9 000 autres, s’est désolé M. Duclos.  Plus de 4,4 millions de personnes, dont 1,6 million de déplacés, a-t-il noté, ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence.  Il a réitéré son appel à mettre en œuvre les accords de Minsk.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé que le conflit ukrainien reste aujourd’hui l’un des plus meurtriers sur le continent européen avec 12 800 morts depuis avril 2014 dans le Donbass, dont 3 300 civils.  Malgré les engagements à respecter le cessez-le-feu, la situation reste toujours aussi tendue sur la ligne de contact.  La Mission de l’OSCE recense encore plus de 30 victimes pour le seul mois de janvier 2019 alors que l’Ukraine est aujourd’hui le troisième terrain le plus miné au monde, après l’Iraq et l’Afghanistan.  Depuis le début des hostilités, a dit le représentant, la France et l’Allemagne, en lien avec l’OSCE, ne ménagent aucun effort dans le cadre du format dit « Normandie » pour rapprocher les parties, faciliter la pleine mise en œuvre des accords de Minsk et contribuer ainsi à la fin du conflit.

Il reste encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre les engagements pris depuis plusieurs années pour améliorer les conditions de sécurité, a-t-il poursuivi, citant le respect du cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes hors de portée de la ligne de contact, le désengagement des trois zones pilotes identifiées par l’accord-cadre de septembre 2016, le déminage et la protection des infrastructures civiles.  Le représentant a regretté le manque de volonté politique en ce sens.

Au-delà du Donbass, il s’est dit préoccupé par l’usage illégal de la force militaire par la Fédération de Russie dans le détroit de Kertch et par les inspections « excessives » des garde-côtes russes dans la mer d’Azov, depuis le printemps dernier.  Il est plus que jamais nécessaire que les navires commerciaux et militaires bénéficient d’un passage sûr, libre et sans entraves et que les 24 marins ukrainiens illégalement détenus soient libérés immédiatement et sans condition, a exigé M. Delattre.

Il a ensuite abordé la situation des populations civiles qui sont en première ligne du conflit ouvert à l’est de l’Ukraine et des tensions liées à l’annexion « illégale » de la Crimée.  L’Ukraine fait face à l’une des plus importantes crises humanitaires des dernières 10 années avec 3,5 millions de personnes qui dépendent d’une assistance, soit 1% de sa population.  La France, a conclu le représentant, appelle les parties à faciliter le franchissement de la ligne de contact et à ouvrir les nouveaux points de passage.  Elle demande en outre que tout soit fait pour garantir un accès sûr et sans entrave des organisations humanitaires et des agences des Nations Unies, en particulier dans le territoire contrôlé par les séparatistes.  Le représentant a salué le Plan d’aide humanitaire 2019/2020 ainsi que le lancement prochain d’un fonds de financement commun pour l’Ukraine.  Toute sortie de crise relève avant tout de la responsabilité des parties, notamment de la Russie, a estimé M. Delattre, qui les a encouragées à sortir « des jeux de posture » et à mettre en œuvre toutes les obligations découlant des accords de Minsk.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a dénoncé l’agression russe contre l’Ukraine qui ne se limite pas à la Crimée et au Donbass.  Il a rappelé le lourd bilan de 12 000 morts dont la Fédération de Russie est particulièrement responsable.  Il a rappelé que la Mission de l’OSCE ne peut s’acquitter de son mandat à cause des agissements russes.  « Qu’avez-vous à cacher? » a-t-il lancé au délégué russe, avant de fustiger la tenue des élections dans les régions de Louhansk et de Donetsk, créant des tensions inutiles.  Le délégué a souligné que 2019 marque le cinquième anniversaire du début de l’invasion de la Crimée par la Russie, une annexion « illégale ».  Les violations des droits de l’homme sont « massives » en Crimée, sans compter que la Russie vient d’utiliser la force en mer Noire.  Les agissements de Moscou en Ukraine n’ont aucun fondement en droit international.  Nous appuyons la souveraineté de l’Ukraine, y compris sur ses eaux territoriales, a assuré le représentant.

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a appelé les deux parties à mettre rapidement et pleinement en œuvre les Accords de Minsk et à honorer leurs engagements.  Elle a demandé à la Fédération de Russie de cesser immédiatement d’alimenter le conflit, en apportant son soutien financier et militaire aux formations armées.  La représentante s’est dite profondément préoccupée par les informations concernant la présence d’équipements et de personnel militaires russes dans les zones contrôlées par des formations armées.  La présence d’armes lourdes est contraire aux accords de Minsk, a-t-elle martelé, avant de saluer la prorogation par les autorités ukrainiennes de la Loi spéciale sur le Statut du Donbass qui constitue une des pierres angulaires des accords de Minsk.  Elle a en revanche condamné l’organisation en novembre dernier des élections dans les territoires rebelles de Donetsk et de Luhansk car elles violent tant la lettre que l’esprit des accords de Minsk.  Après avoir dénoncé la situation humanitaire, la représentante a exprimé l’attachement « indéfectible » de son pays à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  « Nous ne reconnaissons dès lors pas l’annexion illégale de la Crimée par la Russie que nous considérons contraire au droit international. »

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a répété que son pays dont la position constante a toujours été le règlement pacifique des crises par le dialogue, appelle les parties prenantes ukrainiennes à la mise en œuvre intégrale des accords de Minsk, notamment au strict respect du cessez-le-feu afin de mettre un terme aux souffrances des populations.  Il a appelé toutes les parties au conflit à prendre toutes les mesures appropriées allant dans le sens de l’apaisement, notamment en permettant au Centre conjoint de contrôle et de coordination de jouer son rôle de soutien aux observateurs de l’OSCE et de suivi du cessez-le-feu. 

Mme BERIOSKA ILUMINADA MORRISON GONZÁLEZ (République dominicaine) a exhorté les acteurs à œuvrer au retour de la paix en Ukraine et a plaidé pour le respect du droit international.  Elle a déploré les violations du cessez-le-feu et rappelé les 3,5 millions de personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire.  Les accords de Minsk sont le socle juridique d’une solution politique, a-t-elle dit, en appelant à leur mise en œuvre.  Enfin, la déléguée a souhaité la création d’une mission conjointe OSCE-ONU dans les zones de conflit et a réaffirmé l’attachement de son pays au respect de la souveraineté de l’Ukraine.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a pris acte, que, quatre ans après leur signature, aucune des dispositions des accords de Minsk n’a été mise en œuvre intégralement.  Il a tenu à rappeler aux parties que le seul moyen de garantir une solution politique à la crise passe par l’application intégrale de ces accords.  Notant les violations répétées du cessez-le-feu constatées par la Mission de l’OSCE à Donetsk et Louhansk, le représentant a souligné à quel point la désescalade des tensions demeure une priorité.  Il a exhorté les parties à non seulement mettre en œuvre les accords, mais à faire le meilleur usage possible des arènes parallèles que constituent aussi le format Normandie et le Groupe trilatéral de contact.  M. Mbengono a, en conclusion, salué le travail de l’OSCE et celui des acteurs humanitaires déployés sur le terrain.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a regretté que cette réunion ait été organisée dans un délai aussi court, « étant donné que la Russie a préféré dissimuler ses intentions aux autres membres du Conseil pendant ce mois de février ».  Il a rappelé certaines dates: le 20 février, cinquième anniversaire du début de l’invasion de la Crimée par la Russie et le 16 mars, cinquième anniversaire du « tristement célèbre » référendum en Crimée.  Le représentant a rejeté la « version russe » des accords de Minsk.  La Russie, s’est-il expliqué, a une approche très sélective de ces accords.  Elle privilégie les éléments politiques au détriment de ses obligations sécuritaires et humanitaires.  Ses activités militaires dans les territoires occupés de Donetsk, de Louhansk et de la Crimée sont un obstacle « insurmontable » au règlement pacifique du conflit, a prévenu le représentant.

Il a avancé quelques chiffres: début février, les formations armées russes dans le Donbass avaient en leur possession 496 tanks -un chiffre comparable aux arsenaux de l’Allemagne ou de la France-; 938 véhicules de combat blindés -le Pérou et le Koweït en ont un nombre similaire-; et 128 systèmes de tirs de roquettes -un peu moins que ceux de l’Indonésie-.  Les 35 000 combattants du Donbass reçoivent l’appui de plus de 2 100 membres des forces russes qui occupent plutôt des positions de commandement et de contrôle.  « Ce sont des chiffres assez impressionnants, n’est-ce pas? » a demandé le délégué qui a détaillé les violations des accords de Minsk, violations qui ont commencé presque aussitôt que les accords ont été signés.  Depuis 2015, a poursuivi le représentant, « la Russie a 18 fois, je répète 18 fois », saboté volontairement la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu.  Pendant cette même période, il y a eu 54 000 violations et dans près de 6 000 cas, la Russie a utilisé des armes interdites par les accords de Minsk. »  Or, l’Ukraine, contrairement à la Russie, a retiré toutes les armes lourdes le long de la ligne de contact.

Le représentant s’est dit favorable à la création d’une mission de maintien de la paix sous les auspices de l’ONU.  Une telle opération serait dotée d’un mandat couvrant tout le territoire occupé et veillerait au retrait des troupes étrangères et des mercenaires et à la dissolution de toutes les structures illicites.  La Russie, a-t-il plaidé, doit mettre un terme à ses tentatives de consolider les gains de son agression dans le Donbass. Le délégué a rappelé les agressions russes commises contre la Géorgie en 2008 et en Ukraine en 2014, et cité le verset 16 du Chapitre 7 de l’Évangile de Saint-Mathieu: « C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. »  Les fruits russes sont assez évidents, a commenté le représentant avant de demander la libération des trois Ukrainiens détenus depuis près de quatre ans à Donetsk, dont il a cité les noms, précisant que l’un d’entre eux est le père d’une fillette de trois ans qu’il n’a jamais vue.

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie est revenu sur les propos de son homologue ukrainien et d’autres membres du Conseil de sécurité, formés selon lui de « mantras » et d’accusations continuelles contre « la Russie, la Russie, la Russie ».  Il s’est étonné que l’on n’ait pas parlé de ce que veulent les populations de l’est de l’Ukraine et que la Crimée et le détroit de Kertch se soient invités à cette séance.  Le représentant s’est arrêté sur l’intervention de l’Allemagne: « Merci, Christoph, vous avez reconnu que vous étiez l’un des auteurs des accords de Minsk », a-t-il dit.  Il a profité de la présence des observateurs de l’OSCE pour leur demander s’ils ont vu beaucoup de Russes dans le Donbass.  Il a exprimé l’attachement de son pays au Mémorandum de Budapest relatif au renoncement de l’Ukraine à l’arme nucléaire en contrepartie du respect de son intégrité territoriale.  Mais dans ce Mémorandum, a-t-il poursuivi, il n’y a pas d’obligation de soutenir un coup d’État et un renversement de régime.  « L’Ukraine n’a qu’à s’en prendre à elle-même », a-t-il tranché.  « Ça me fait rire », a-t-il avoué, d’entendre des gens parler de la situation en Crimée sans jamais s’y être rendus.  « Vous seriez surpris de la manière dont les gens vivent là-bas », a conclu le représentant, en demandant qu’on lui montre les dispositions des accords de Minsk que son pays n’aurait pas encore mises en œuvre.

Le délégué de l’Ukraine s’est félicité que la situation en Crimée ait de nouveau été discutée aujourd’hui.  Il a ironisé que la Fédération de Russie attache plus d’importance à l’élection présidentielle ukrainienne qu’à sa propre élection.  Il a douté du chiffre avancé par le délégué russe, à savoir les « millions » d’Ukrainiens qui seraient privés du droit de vote.

Le représentant de l’Allemagne s’est demandé si la Russie serait prête à s’engager, dans le cadre du Groupe de travail trilatéral, à réparer le pont de la rivière Siverskiy Donets pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations civiles.  Ce serait déjà un résultat satisfaisant de cette réunion, a-t-il dit.

Pour répondre à la Fédération de Russie, le Chef de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE a mentionné certains passages du rapport sur la présence d’éléments arborant des drapeaux russes.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Comité spécial du maintien de la paix achève un débat général marqué par les questions de la sécurité et de la performance des 100 000 Casques bleus

Session de 2019,
260e & 261e séances plénières - matin & après-mi
AG/PK/235

Le Comité spécial du maintien de la paix achève un débat général marqué par les questions de la sécurité et de la performance des 100 000 Casques bleus

Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix a achevé aujourd’hui le débat général qu’il a entamé hier, avant de poursuivre l’examen de la réforme du pilier « paix et sécurité » à huis clos.  Le Comité spécial devrait fermer ses portes le 8 mars prochain.

Nous ne voulons sûrement pas, a déclaré l’Éthiopie, poursuivre, année après année, des débats sans fin sur des questions marginales.  Elle a donc dit attendre des progrès dans la mise en œuvre des réformes structurelles essentielles pour rendre les opérations de maintien de la paix plus efficaces, plus prudentes, mieux harmonisées, bref, tout simplement à même d’accomplir leurs tâches.  Hier, les délégations, qui se réunissaient pour la première depuis la mise en place de la nouvelle architecture de la paix des Nations Unies et de ses trois départements phares, ont mis l’accent sur les moyens d’améliorer la sécurité et la performance des quelque 100 000 hommes et femmes déployés sous la bannière des Nations Unies dans les différentes zones de conflit.  Elles ont, dans ce contexte, salué l’initiative « Action pour le maintien de la paix », lancée en mars 2018 par le Secrétaire général et la « Déclaration d’engagements communs » qui a suivi et qui porte sur sept domaines clefs.  

Hier, la Thaïlande a estimé que le fossé entre ce qui est demandé aux opérations de maintien de la paix et ce qu’elles peuvent accomplir doit être comblé.  Les attentes doivent être réalistes, a renchéri la Turquie.  Aujourd’hui, l’Indonésie a prévenu que le succès des opérations dépendra de la volonté d’améliorer les mandats, « base logique » des indicateurs clefs de performance. Ces mandats ne peuvent donc pas être chargés comme des « sapins de Noël ».  Après les mandats nébuleux, difficiles à réaliser et décalés de la réalité, les délégations ont aussi critiqué les « restrictions d’emploi opérationnel » qu’imposent certains pays contributeurs de contingents.  De telles restrictions, a souligné hier le Mouvement des pays non alignés, ont un impact direct sur l’exécution des mandats et la faculté du commandant d’une force à déployer les troupes. 

La Zambie a voulu que les départements pertinents de l’ONU fassent en sorte que les pays contributeurs de troupes et de personnel de police ne répondent pas seulement aux exigences opérationnelles mais assument aussi complètement leurs tâches opérationnelles plutôt que d’enfermer leurs matériels dans des bases en attendant les équipes d’inspecteurs.  De nombreux pays ont donc salué l’initiative du Secrétaire général d’élaborer un cadre intégré de politique de performance fondé sur des paramètres communs et des normes claires pour tous les acteurs.  La performance c’est aussi la formation avant et pendant la mission, pour fournir aux soldats de la paix des connaissances actualisées, des normes professionnelles et éthiques élevées et des procédures opérationnelles communes, a fait valoir l’Italie qui abrite un centre d’excellence pour les unités de police de stabilisation à Vicence. 

Hier, la Chine s’est enorgueillie d’avoir formé 200 Casques bleus africains au cours de l’année écoulée.  Le Centre indonésien de maintien de la paix pourrait devenir une vitrine régionale d’excellence, a espéré l’Indonésie, en notant que ce site va abriter pas moins de 59 manifestations et formations d’envergure internationale cette année.  L’Organisation de la Francophonie (OIT) n’a été en reste avec ses initiatives pour renforcer le multilinguisme dans les opérations de maintien de la paix.  La question de leur empreinte écologique a été soulevée aujourd’hui par l’Italie, l’un des initiateurs du « Groupe des Amis leaders dans la gestion de l’environnement sur le terrain ».

SUITE DU DÉBAT GÉNÉRAL                                         

Mme AMAL MUDALLALI (Liban) a indiqué que son pays fait partie des 151 signataires de la Déclaration d’engagements communs et qu’il appuie donc l’initiative du Secrétaire général « Action pour le maintien de la paix ».  La représentante a insisté sur l’importance qu’il y a à ce que toutes les opérations de maintien de la paix adhèrent strictement aux buts et principes de la Charte dont le respect de l’égalité souveraine des États, de leur indépendance politique, de leur intégrité territoriale et de la non-ingérence dans leurs affaires intérieures.  Après s’être félicitée des excellents rapports que son pays entretient avec la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) qui a fêté ses 40 ans, l’année dernière, la représentante a rappelé que le maintien de la paix n’est pas et ne doit pas être un substitut à une paix durable.  Les opérations ne doivent pas être « illimitées dans le temps », car les rendre permanentes, a-t-elle mis en garde, pourrait alimenter les conflits et faire obstacle à la recherche de solutions.  Les opérations, a poursuivi la représentante, doivent être complétées par les différentes méthodes mentionnées dans le Chapitre VI de la Charte sur le règlement pacifique des conflits.  Revenant au partenariat fructueux entre son pays et la FINUL, la représentante a souligné que les efforts de la Force, si précieux soient-ils, ne sauraient se substituer à une solution permanente qui mettrait fin à l’occupation du territoire libanais et instaurerait un cessez-le-feu permanent conforme à la résolution 1701 du Conseil de sécurité.  Les soldats de maintien de la paix font leur travail et consentent à des sacrificies pour remplir leur mandat mais ce qu’il faut, ce sont des efforts similaires sur le plan politique pour résoudre les conflits et « passer du maintien de la paix à une paix si juste et si viable qu’elle se pérennise toute seule ». 

Mme SARAH CHEMLA (Israël) a condamné d’emblée tous les actes de violence perpétrés contre les soldats de la paix.  Aujourd’hui, les Casques bleus sont confrontés à des défis sans précédent, y compris les menaces terroristes à l’extérieur et les cas de mauvaise conduite à l’intérieur.  Il est donc impératif de leur fournir une formation et des équipements adéquats.  La représentante a souligné la pertinence du « rapport Cruz », de la Déclaration d’engagements communs et du Plan d’action pour le maintien de la paix.  Formation, équipements modernes et bon leadership, c’est ce qu’il faut aux soldats de la paix pour réussir leur mission, a-t-elle poursuivi, en insistant particulièrement sur une formation avant et pendant une mission et identique pour tous les Casques bleus.  Israël, a-t-elle indiqué, apporte pour sa part un appui technologique aux opérations et collabore étroitement avec la Division des services médicaux des Nations Unies pour améliorer la qualité des soins médicaux sur le terrain, notamment grâce à une formation des formateurs.

La représentante s’est ensuite attardée sur les cas de mauvaise conduite qui nuisent à la réputation et à la légitimité des Nations Unies.  Trop de missions de la paix ont connu des cas de harcèlement et d’exploitation et atteintes sexuelles commis contre les populations locales.  La représentante a donc fermement appuyé la politique de tolérance zéro du Secrétaire général et s’agissant de la participation accrue des femmes aux opérations de maintien de la paix, elle a apporté un bémol: il faut d’abord leur assurer un environnement sécurisé.  Les femmes, a-t-elle souligné, doivent pouvoir participer, sur un pied d’égalité, à toutes les étapes d’une opération, de l’analyse à l’évaluation en passant par la planification et l’exécution.

Mme ANNA EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a appelé à la « modernité » s’agissant des opérations de maintien de la paix.  Elle a salué, à son tour « Action pour le maintien de la paix », insisté sur le respect des principes cardinaux du maintien de la paix et confirmé la primauté des approches politiques.  La représentante a encouragé le renforcement du partenariat tripartite entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les pays contributeurs de troupes et de personnel de police; la société civile pouvant y prendre part « accessoirement ».  La représentante, qui a rappelé que le Comité spécial est l’instance chargée de l’étude d’ensemble de tous les aspects des opérations de maintien de la paix, a estimé que la « Déclaration d’engagements communs » ne reflète pas exactement ce fait.  Elle a vu là une tentative « contre-productive » des autres organes de l’ONU, dont le Conseil de sécurité, d’empiéter sur les prérogatives du Comité spécial. 

Quant à la fonction « service de renseignements » des opérations, elle a estimé que toute collecte de données doit se faire avec le consentement du pays hôte, et que ces données doivent être conservées en toute sécurité.  La représentante a appelé le Comité spécial à la prudence et au respect de ses propres recommandations.  Les rapports, s’est-elle expliquée, doivent être rédigés dans un style « concis et précis », sans tenir compte des différents intérêts nationaux.  Elle est en effet revenue à l’allocution faite hier par l’Ukraine qui a évoqué l’idée d’une mission dans le Donbass.  La Fédération de Russie, a-t-elle rappelé, « avait déjà tué dans l’œuf une initiative similaire ».  Elle a aussi rappelé que les discussions sur une telle question relèvent des prérogatives du Conseil de sécurité dont son pays est membre permanent. 

M. KINLEY DHONDUP NAMDA (Bhoutan) s’est dit fier que les soldats de la paix de son pays montrent leur attachement aux normes les plus élevées d’intégrité, d’éthique et de professionnalisme.  En novembre dernier, le pays avait déjà réalisé l’objectif de l’ONU d’augmenter de 15% le nombre de femmes officiers dans son contingent et a désormais l’intention de faire en sorte que son unité de police constituée soit composée de 60% de femmes.  Sur le point de mettre en place son propre centre de formation des Casques bleus, le pays a réussi le test de formation des formateurs en décembre 2018 et soucieux de minimiser l’empreinte écologique sur le terrain, il est devenu membre du Groupe des Amis de la gestion de l’environnement sur le terrain.  Le représentant a conclu en saluant, une nouvelle fois, la réforme de l’architecture « paix et sécurité » et le lancement de l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Le Bhoutan compte d’ailleurs parmi les 151 pays qui ont adhéré à la Déclaration d’engagements communs. 

Mme HMWAY HMWAY KHYNE (Myanmar) a jugé essentiel que le Comité spécial améliore le travail des opérations de maintien de la paix sans mettre en cause les fondamentaux que sont le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense.  La représentante a appuyé l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et la Déclaration d’engagements communs à laquelle ont adhéré tous les membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  Elle a appuyé la création des trois nouveaux départements au sein du Secrétariat de l’ONU et s’est félicitée du projet de partenariat triangulaire pour offrir des formations de prédéploiement aux Casques bleus.  Elle a aussi appuyé des partenariats plus soutenus entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales et une meilleure collaboration des opérations avec les acteurs humanitaires.  Elle n’a pas manqué de rappeler que son pays avait déjà déployé des troupes dans les opérations au Congo au début des années 60. 

M. MOEZZ LAOUANI (Tunisie) a déclaré que son pays entend renforcer sa participation aux opérations de l’ONU.  Ainsi, une unité d’aviation composée d’un avion C-130 et de 75 personnels est en cours de déploiement à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).  Cette unité s’ajoute aux 200 officiers de police, observateurs militaires et autres personnels tunisiens actuellement déployés dans six missions de l’ONU.  De plus, une compagnie de police militaire vient d’être élevée au niveau de déploiement rapide dans le système de préparation des moyens de maintien de la paix.  La Tunisie a également promis un bataillon d’infanterie qui est à la dernière étape du processus d’enregistrement au niveau de déploiement rapide. 

Nous ne voulons sûrement pas, a espéré M. TAYE ATSKE SELASSIE (Éthiopie), poursuivre, année après année, des débats sans fin sur des questions marginales.  Il a donc dit attendre des progrès sur la mise en place de mécanismes pratiques de mise en œuvre conformément aux recommandations faites dans différentes enceintes.  Le représentant a dit avoir vu des pas « petits mais encourageants ».  Mais il faut faire plus, a-t-il estimé, pour mettre en œuvre les réformes structurelles essentielles et rendre les opérations de maintien de la paix plus efficaces, plus prudentes, mieux harmonisées, bref, tout simplement à même d’accomplir leur tâche.  Le Comité spécial doit parvenir à un accord sur les éléments essentiels du projet relatif à l’amélioration de la sécurité des Casques bleus et identifier des recommandations pratiques, réalisables et efficaces pour réduire le nombre des victimes parmi les soldats de la paix.  Le Secrétariat devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour partager le fardeau avec les pays contributeurs de troupes et de personnel de police, a estimé le représentant.  Il a rappelé que samedi dernier, un hélicoptère de l’armée éthiopienne déployé dans le cadre à la Force intérimaire des Nations Unies à Abyei s’est écrasé.  Les trois membres d’équipage ont été tués et 10 soldats de la paix ont été blessés dont trois grièvement.  Les Casques bleus éthiopiens ont toujours payé le prix de leur participation aux opérations de l’ONU, s’est lamenté le représentant dont le pays est le plus grand contributeur d’hommes en uniforme et de femmes soldats dont une occupe une poste de direction, contrairement à son pays qui est très mal représenté à ce niveau. 

L’ONU ne peut s’attaquer seule aux défis du monde, a souligné le représentant qui a souligné l’importance de renforcer le partenariat stratégique entre les Nations Unies et les organisations sous-régionales et régionales, en particulier l’Union africaine.  Il a d’ailleurs reconnu que le Secrétaire général a bien compris les préoccupations des chefs d’État africains sur la nécessité d’obtenir un appui prévisible, viable, financièrement souple et logistique aux opérations menées par l’Union africaine avec l’autorisation du Conseil de sécurité.  Il a espéré que les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix mèneront à la création de mécanismes concrets et à des options réalisables. 

Pour Mme YOLANNIE CERRATO (Honduras) a soutenu la réforme du pilier « paix et sécurité » au motif que les opérations de maintien de la paix doivent s’adapter aux nouvelles réalités et à la nature changeante des conflits.  Pour que les soldats de la paix puissent s’acquitter correctement de leurs mandats, il faut qu’ils aient des moyens financiers et opérationnels adéquats et un bon niveau de formation.  Le Honduras est fier de soutenir l’initiative « Action pour le maintien de la paix », « une initiative essentielle pour renforcer nos efforts collectifs », y compris pour la sécurité du personnel.  La représentante a également parlé de l’évaluation de la performance des opérations.  Elle a tout de même rappelé que la diplomatie préventive et le dialogue sont les meilleurs moyens de prévenir les conflits.

M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJE (Nigéria) a indiqué que son pays a dûment adhéré à la Déclaration d’engagements communs.  Il s’est félicité du renforcement du partenariat stratégique entre les Nations Unies et l’Union africaine et de l’augmentation significative des contributions au « Fonds pour la paix » de l’UA pour la paix.  Le représentant a salué l’augmentation du nombre des femmes soldats dans les opérations de l’ONU, une mesure que le Nigéria a lui-même mis en œuvre.  Il a rappelé que son Président est l’un des champions de la lutte contre les abus et exploitation sexuels et a conclu sur l’importance qu’il y a à mettre pleinement en œuvre le « rapport Cruz ».

M. ERICK MWEWA (Zambie) a rappelé quelques chiffres: depuis la première mission de maintien de la paix des Nations Unies en 1948, 57 missions ont été clôturées dont 23 sur le continent africain, soit 40%, alors qu’à l’heure actuelle 8 des 14 missions se trouvent en Afrique, soit 60%.  Comment inverser cette tendance à la hausse? Les opérations de maintien de la paix, a répondu le représentant, ne devraient pas être une fin en soi car « il ne peut y avoir de maintien de la paix quand il n’y a pas de paix à maintenir ».  Il faut donc regarder au-delà et se concentrer sur les meilleures pratiques pour passer du « maintien de la paix à perpétuité » à la consolidation de la paix.  Cela suppose, s’est-il expliqué, de barrer l’accès des forces négatives aux flux illicites d’armes et de veiller au strict respect des traités signés dont celui sur le commerce des armes.  Le représentant a salué les recommandations du « rapport Cruz » mais, a-t-il ajouté, les Départements des opérations de paix et de l’appui opérationnel doivent aller plus loin et faire en sorte que les pays contributeurs de troupes et de personnel de police ne répondent pas seulement aux exigences opérationnelles mais assument aussi complètement leurs tâches opérationnelles plutôt que d’enfermer leurs matériels dans des bases en attendant les équipes d’inspecteurs.  C’est la seule façon d’exécuter les mandats, a martelé le représentant dont le pays a déployé des Casques bleus dans cinq opérations et atteint le seuil de 15% d’effectifs de femmes dans ses contingents. 

M. ABDOULAYE BARRO (Sénégal) a estimé qu’en tant que Comité, « nous devons veiller au bien-être et à la sécurité des soldats et des policiers, conformément au rapport Cruz et à son Plan d’action.  Il a estimé que l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et la subséquente « Déclaration d’engagements communs » témoignent d’un engagement collectif en faveur de la revitalisation des efforts d’inclusivité et de performance des opérations.  Atteindre un tel objectif nécessite d’élaborer des mandats clairs, réalistes et réalisables, sur la base d’informations objectives, complètes, tenant compte des environnements opérationnels mais aussi d’une évaluation optimale des exigences, notamment en matière de ressources.  II est aussi essentiel de veiller à un engagement politique précoce des différentes parties prenantes aussi bien avant le déploiement que pendant toute la durée des missions, en vue d’un règlement politique des conflits.  Le représentant a donc appuyé la résolution 2378 (2017) du Conseil de sécurité qui donne une priorité aux mesures de prévention et de consolidation de la paix.

Tout aussi fondamentale est la question du financement des opérations, a-t-il poursuivi.  Il a réitéré l’importance stratégique des mécanismes de financement plus prévisibles, durables et flexibles des opérations de paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité.  Il a espéré que ce dernier fera preuve de volonté politique pour faire avancer ce dossier stratégique.  Le représentant a conclu en rappelant le rôle essential des composantes policières des opérations et en insistant sur le renforcement de leurs capacités mais aussi sur l’appui au développement des capacités locales.  Le représentant a aussi attiré l’attention sur le rôle capital de la composante « justice et correction » des missions.

Pour M. POPKHADZE (Géorgie) a estimé qu’en matière de maintien de la paix, il faut coordonner davantage les activités de toutes les entités concernées des Nations Unies.  Il a donc souscrit à l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et à la Déclaration d’engagements communs, et s’est dit favorable à une démarche globale dans laquelle les trois piliers du travail de l’ONU à savoir la paix, le développement et les droits de l’homme sont pris en compte.  Dénonçant les attaques ciblées contre les Casques bleus, il a encouragé les États Membres à mettre en œuvre les recommandations du « rapport Cruz ».  Malgré ces grands défis sécuritaires liés à l’occupation de deux de ses régions, la Géorgie continue de participer aux opérations de l’Union européenne et des Nations Unies, notamment en Afghanistan, au Mali et en République centrafricaine.  La Géorgie elle-même, a souligné le représentant, est un cas à part.  Dix ans après l’arrêt « malheureux » de la Mission d’observation des Nations Unies (MONUG) à cause d’un droit de veto, rien n’est venu remplacer la présence internationale.  La Mission de l’Union européenne fait certes son travail mais elle n’a pas accès aux régions occupées et les efforts de la Géorgie pour obtenir le déploiement d’une présence « internationale indépendante, neutre et effective » sont restés vains, a déploré le représentant. 

M. VICTOR HASUDUNGAN SIMATUPANG (Indonésie) a estimé que l’amélioration du maintien de la paix dépendra de notre volonté d’améliorer les mandats et comme ces derniers sont une base logique pour établir des indicateurs clefs de performance, ils ne peuvent plus être chargés comme sapins de Noël.  Les mandats doivent être clairs, ciblés, réalistes et réalisables, et appuyés par des ressources adéquates.  L’une des façons d’assurer le succès d’une mission est d’améliorer la mise en œuvre des recommandations que fait le Secrétaire.  Les missions, a poursuivi le représentant, doivent être dotées des capacités nécessaires pour que les soldats de la paix puissent se protéger et protéger la population locale.  La formation est donc un bon moyen d’améliorer la sécurité des Casques bleus et l’ONU devrait s’inspirer des initiatives nationales et régionales.  En Asie du Sud-Est par exemple, les Ministres de la défense de l’ASEAN et les spécialistes vont prendre part à un exercice sur le maintien de la paix et l’action humanitaire antimines, au second semestre de cette année, dans le Centre indonésien de maintien de la paix de Sentul.  Ce Centre dont le pays entend faire une vitrine régionale d’excellence va abriter pas moins de 59 manifestations et formations d’envergure internationale cette année.  Enfin, l’Indonésie salue le fait que le Secrétaire général soit engagé dans l’élaboration d’un cadre intégré de politique de performance fondé sur des paramètres communs et des normes claires pour tous les acteurs.  Pour la délégation, la « culture de la performance » n’est pas possible sans une amélioration dans l’établissement des mandats. 

Pour M. JORGE ARTURO REYES HERNÁNDEZ (Venezuela), l’ONU doit faire de ses opérations des agents de la médiation et de la négociation avec les parties prenantes, en ne perdant jamais de vue que la solution politique est le centre de son action.  Les opérations doivent être déployées après une analyse de la situation sur le terrain et l’exécution de leur mandat exige que le Conseil de sécurité, les pays fournisseurs de contingents et les pays hôtes se concertent régulièrement.  Le représentant a insisté sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays hôtes et le respect de la souveraine nationale.  Il a aussi insisté sur les relations entre l’ONU et les organisations régionales et sous régionales.  Il faut, a-t-il estimé, des règles claires pour l’utilisation des technologies intelligentes, sachant que la protection des civils relève de la responsabilité première du pays hôte.  Les opérations ne sauraient se substituer à l’État et entreprendre d’imposer la paix, a conclu le représentant qui a rappelé que son pays a souscrit à l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».

M. STEFANO STEFANILE (Italie) a souligné qu’en tant que premier contributeur des soldats de la paix du Groupe des États d’Europe occidentale et l’un des plus grands argentiers, l’Italie est particulièrement consciente des multiples défis auxquels les opérations sont confrontées aujourd’hui.  Elles doivent, a insisté le représentant, avoir des mandats bien définis et réalistes, prévoir une stratégie politique claire et être dotées de tous les moyens nécessaires pour bien accomplir leurs tâches.  De même, la formation avant et pendant une mission est essentielle, car elle fournit aux soldats de la paix des connaissances actualisées, des normes professionnelles et éthiques élevées et des procédures opérationnelles communes.  L’Italie a fait ses preuves dans la formation du personnel militaire et de police aux opérations de paix et est prête à apporter sa contribution.  Le délégué a mentionné le Centre d’excellence pour les unités de police de stabilisation de Vicence qui entretient déjà une coopération très productive avec les Nations Unies .  Il faut travailler ensemble, a poursuivi le représentant, pour accroître le nombre et le rôle des femmes sur le terrain et pour continuer à fournir aux opérations les meilleures troupes, des équipements de première qualité et les facilitateurs qu’il faut.  C’est le meilleur moyen d’améliorer les résultats des opérations, tout en assurant la protection des civils et la sécurité et la sûreté de nos soldats de la paix et de nos acteurs humanitaires, a souligné M. Stefanile.

Il a aussi plaidé pour une prise en compte croissante de l’impact environnemental des missions et rappelé qu’en février 2018, l’Italie et le Bangladesh ont lancé le « Groupe des Amis leaders dans la gestion de l’environnement sur le terrain » qui a pour objectif principal de soutenir la mise en œuvre de la Stratégie environnementale, publiée en 2016 par l’ancien Département de l’appui aux missions.  Le « Groupe des Amis » a joué un rôle déterminant dans l’intégration de cette question dans la Déclaration d’engagements communs d « Action pour le maintien de la paix ».  Il entend promouvoir une prise de conscience et des interactions plus fréquentes entre les États Membres, le Secrétariat et les missions sur le terrain.  Le représentant a invité le Comité spécial à inclure cette problématique environnementale dans ses rapports, surtout que, en demandant la réduction de l’impact des missions sur l’environnement, il pourrait favoriser une augmentation substantielle du nombre « des clients » de la Stratégie environnementale.  Faire progresser la mise en œuvre de la Stratégie est un programme « gagnant-gagnant » où les intérêts de toutes les parties concernées - pays hôtes et pays fournisseurs de contingents et de forces de police - ne peuvent que converger.

Mme NARJESS SAIDANE, Organisation internationale  de la Francophonie (OIF) ,a rappelé qu’il y a 15 ans, au moment où l’OIF a commencé à développer, à la demande de l’ONU, des actions dans le domaine des opérations de maintien de la paix, la problématique de la participation des pays francophones à ces opérations s’articulait autour de deux points fondamentaux à savoir la hausse significative du nombre de missions déployées dans des pays francophones, et, d’autre part, le niveau relativement faible des personnels francophones déployés dans ces missions.  Aujourd’hui, malgré des avancées substantielles, ce constat reste d’actualité, a estimé Mme Saidane, qui a rappelé que même si l’OIF n’est pas un acteur direct du maintien de la paix, elle s’est donnée comme priorité de renforcer la participation des francophones aux opérations, en développant des partenariats avec les grands acteurs du maintien de la paix, au premier rang desquels les Nations Unies.

C’est dans ce sens que la Secrétaire générale de la Francophonie a pris part à la réunion de haut niveau sur l’initiative « Action pour le maintien de la paix », tenue en septembre 2018.  L’OIF est l’une des premières organisations internationales à avoir formellement exprimé son soutien à la Déclaration d’engagements communs, qui reconnait explicitement le rôle des organisations internationales, au-delà des organisations régionales et sous-régionales, en appui à l’ONU dans le domaine du maintien de la paix.  Ce constat a amené la représentante à souligner que le rapport du Comité spécial gagnerait lui aussi à refléter la contribution significative des organisations internationales de même nature que l’OIF, afin d’encourager cette dynamique.

Exposant la vision francophone du maintien de la paix, elle a expliqué que les efforts de l’OIF se concentrent sur trois axes qui sont la contribution à l’émergence d’une vision stratégique qui rassemble les États francophones autour des principaux enjeux du maintien de la paix; l’amélioration, en nombre et en qualité, de la participation des pays francophones aux opérations de paix, à travers le soutien au développement de supports didactiques et aux programmes de formation en français destinés aux personnels militaires, policier et civils; et le renforcement du multilinguisme à travers l’usage du français dans les opérations de maintien de la paix.  La prise en compte effective du français dans le recrutement des personnels de maintien de la paix, en particulier dans les missions déployées dans des pays francophones, constitue une question déterminante pour l’acceptation des missions par les populations civiles, l’efficacité de l’action de la communauté internationale de façon globale, la sécurité des personnels et la performance des opérations de maintien de la paix.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Face à l’aggravation des inégalités, le Président de la Commission du développement social appelle à miser sur la protection sociale

Cinquante-septième session,
2e et 3e séances plénières, matin & après-midi
SOC/4873

Face à l’aggravation des inégalités, le Président de la Commission du développement social appelle à miser sur la protection sociale

La Commission du développement social a entamé, aujourd’hui, les travaux de sa cinquante-septième session, l’occasion pour son Président d’appeler à miser sur la protection sociale qui doit être considérée comme un « investissement » et non comme une « dépense ».  En faisant l’état des lieux, de nombreuses délégations se sont vivement préoccupées de l’aggravation des inégalités, à la fois entre les pays et en leur sein.

Avec comme thème prioritaire « La lutte contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale », la Commission doit examiner l’un des défis majeurs de notre époque, a souligné M. Cheikh Niang, du Sénégal, élu par acclamation à la présidence en début de journée.  Il a notamment pointé le fossé qui se creuse en termes d’inégalité de revenus dans de nombreux pays, ainsi que la persistance des injustices sociales en termes d’accès à un emploi décent, à une éducation de qualité, aux soins de santé ou encore aux moyens de production.

Exhortant les gouvernements et les institutions à « impérativement » changer leur manière de penser et d’agir, M. Niang a souligné qu’une croissance dictée par le marché ne peut à elle seule garantir que personne ne soit laissé pour compte.  Il a d’ailleurs appelé à faire de la montée des inégalités « l’affaire de tous », sans quoi on risque d’étouffer la croissance économique, de compromettre l’avènement de sociétés inclusives et d’échouer à réaliser la promesse de « ne laisser personne de côté », qui, a-t-il rappelé, est au cœur du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

« À moins d’une action urgente pour surmonter les inégalités, les progrès n’atteindront pas notre niveau d’ambition », a renchéri Mme Alya Ahmed Saif Al-Thani, Vice-Présidente de l’Assemblée générale, qui a relevé que seulement 28% des personnes gravement handicapées dans le monde perçoivent des allocations, 35% des enfants bénéficient d’une forme de protection sociale et 22% des travailleurs sans emploi touchent le chômage.  À moins d’opérer un changement de paradigme, a-t-elle averti, les personnes qui sont le plus défavorisées resteront incapables de participer à l’économie mondiale ou de bénéficier des technologies d’avant-garde. 

« Un monde dans lequel l’extrême richesse coexiste avec l’extrême pauvreté est un monde en conflit », a également mis en garde M. Valentin Rybakov, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), qui a lui aussi averti que dans de telles conditions, il sera impossible de réaliser les objectifs de développement durable.

Lui emboitant le pas, la représentante du grand groupe des enfants et des jeunes, pour qui la « croissance pour la croissance » est analogue à la poussée d’une cellule cancéreuse, a suggéré d’établir un régime fiscal sensible à la planète et aux besoins des populations et de renforcer la coopération financière pour éviter que les multinationales et certains individus échappent à l’imposition, sans oublier l’importance d’un salaire minimum et l’élimination de l’écart salarial entre les femmes et les hommes.  Des idées qui ont été largement développées par les experts et les délégations dans l’après-midi, lors d’une table ronde de haut niveau consacrée au thème prioritaire de cette session.

Réunies plus de 20 ans après l’adoption du Programme d’action du Sommet mondial pour le développement social, les délégations n’ont eu de cesse de décrier l’aggravation des inégalités.  L’une des mesures pour y remédier est d’investir dans les jeunes, comme cela a été souligné à plusieurs reprises.

Outre le renforcement des systèmes de protection sociale et l’adoption de systèmes fiscaux efficaces progressifs, le G77 et la Chine, par la voix de l’État observateur de Palestine, a recommandé de faire porter les efforts sur la diversification des économies et des sources de revenus, et sur la lutte contre l’évasion fiscale. 

L’Union européenne (UE), représentée par la Roumanie, a indiqué que l’inégalité des salaires en son sein aurait été beaucoup plus grande sans les effets redistributifs des taxes et des transferts de fonds.  Le système de protection sociale de l’UE est toutefois en difficulté du fait, notamment, du facteur démographique, tandis que de nouvelles formes de travail représentent un défi pour le financement, l’organisation et l’octroi de la protection sociale, a toutefois averti le délégué qui a prédit que le maintien et la mise à jour du modèle de protection sociale de l’UE sera sans doute le plus important défi structurel des 10 prochaines années.

Pour sa part, Trinité-et-Tobago, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a indiqué que, dans sa région, l’augmentation de l’investissement dans l’éducation avait été le facteur le plus important pour combler l’inégalité salariale, tout en reconnaissant que le développement social demeure « inégal et fragile », du fait, notamment, des effets adverses des changements climatiques et des catastrophes naturelles, et du déficit de compétences dans des secteurs économiques clefs.

Sur ce dernier point, le Groupe des États d’Afrique, par la voix du Bénin, a insisté sur la nécessité d’améliorer les compétences numériques de la population du continent pour lui permettre de profiter pleinement des avantages de la numérisation.  Il s’est toutefois alarmé du fait qu’en utilisant ces nouveaux dispositifs technologiques pour rechercher un emploi ou des marchés pour leurs produits, des ressortissants africains aient été exposés à des forme modernes d’esclavage.

En début de séance, Mme Carolina Popvici, de Moldova, Mme Helena Inga Stankiewicz Von Ernst, de l’Islande, et M. Fabricio Araújo Prado, du Brésil, ont été élus à la vice-présidence de la Commission.

La Commission du développement social poursuivra ses travaux demain, mardi 12 février, à partir de 10 heures.

SUITE DONNÉE AU SOMMET MONDIAL POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET À LA VINGT-QUATRIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Déclarations liminaires

M. CHEIKH NIANG, Président de la cinquante-septième session de la Commission du développement social, a indiqué que l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030) avait propulsé la protection sociale et la lutte contre les inégalités au premier rang des priorités gouvernementales de tous les pays.  Il a souligné que les inégalités sont l’un des défis majeurs de notre époque, notant que les inégalités sociales et économiques se sont creusées, entre les pays comme en leur sein, « de façon particulièrement préoccupante ».  Il a alerté en particulier sur le fait que les inégalités de revenus s’aggravent dans de nombreux pays, tandis que les inégalités sociales persistent, qu’il s’agisse de l’accès à un emploi décent, à une éducation de qualité et aux soins de santé ou encore aux moyens de production tels que la terre et le crédit.

Ces inégalités croissantes sont ainsi devenues la cause d’un malaise profond dans de nombreuses sociétés, s’est-il inquiété.  L’incapacité à réduire les fortes inégalités provoque un affaiblissement du lien social et émousse la confiance qu’accordent les populations à leurs gouvernements et aux institutions internationales.  Elle attise également les tensions sociales et politiques.

Préoccupé du fait que trop de personnes sont encore contraintes de vivre dans l’extrême pauvreté, M. Niang a souligné qu’une croissance dictée par le marché ne peut à elle seule garantir que personne ne soit laissé pour compte.  La montée des inégalités doit être l’affaire de tous, a-t-il insisté, car elle étouffe la croissance économique et compromet l’avènement de sociétés inclusives où les richesses sont partagées.  Plus important encore, a-t-il ajouté, la promesse de ne laisser personne de côté, qui est au cœur du Programme 2030, ne pourra pas être tenue tant que tous les pays ne s’engageront pas à remédier au problème des inégalités.

M. Niang a appelé les gouvernements et les institutions à « impérativement » changer leur manière de penser et d’agir.  Il a souligné que le progrès ne pourra être possible dans chaque pays que si les revenus de l’État sont suffisants pour financer l’investissement dans les services publics, l’aide sociale et les infrastructures qui contribuent à promouvoir l’égalité des chances.  Il a jugé indispensable d’améliorer les perspectives sociales et l’accès aux infrastructures et services essentiels de qualité.  « Nous devrions tous voir la protection sociale comme un investissement et non comme une dépense », a-t-il ajouté.

Au nom du Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus), Vice-Président de l’ECOSOC, a rappelé que la Commission avait prévu d’examiner six objectifs de développement durable cette année: le 4e sur l’éducation de qualité; le 8e sur la croissance économique et le travail décent; le 10e sur les inégalités; le 13e sur l’action sur le climat; le 16e sur des sociétés pacifiques et des institutions robustes; et le 17e sur les moyens de mise en œuvre.  « Nous avons entendu ce matin que les inégalités sont devenues une question importante à notre époque. »

Les rapports du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a-t-il dit, ont souligné que les lieux de naissance et de vie des gens ont une forte influence sur leurs chances de réussite tout au long de leur vie.  Ils ont montré que les inégalités salariales ont augmenté au cours des 30 dernières années dans une majorité de pays en développement et dans quelques grandes économies émergentes, quoiqu’elles aient baissé dans beaucoup de pays d’Amérique latine et des Caraïbes et dans de nombreux pays africains.  De plus, ces rapports ont mis en évidence que les disparités de santé restent élevées et que les inégalités persistent dans l’éducation. 

Les tendances actuelles montrent que le monde va dans la mauvaise direction, a analysé M. Rybakov: « un monde dans lequel l’extrême richesse coexiste avec l’extrême pauvreté est un monde en conflit ».  Il n’est pas possible de réaliser les objectifs de développement durable dans ces conditions, en a-t-il conclu avant d’appeler les membres de la Commission à prodiguer des conseils sur les actions urgentes nécessaires pour que le monde change de direction et s’avance vers une richesse partagée et la prospérité.  La dimension sociale du développement durable est le pilier central, a-t-il expliqué.

Pour M. Rybakov, la Commission du développement social doit être solide et efficace pour pouvoir renforcer ce pilier et pour le succès du Forum politique de haut niveau.  Celui-ci fournit une plateforme pour le partage d’expériences et le leadership politique, a-t-il rappelé avant d’annoncer que 51 pays présenteraient leurs rapports au Forum au mois de juillet prochain.  Le succès du Forum en septembre dépend du succès de la session de juillet, a-t-il prévenu.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar), Vice-Présidente de l’Assemblée générale, s’exprimant au nom de la Présidente de l’Assemblée générale, a déclaré qu’alors que le multilatéralisme est mis à rude épreuve, les États Membres doivent impérativement démontrer que c’est le seul moyen de répondre aux défis qui entravent l’avancée du développement durable.  Commentant ensuite le thème prioritaire de cette session, elle a souligné que l’octroi de retraites avait permis de réaliser des avancées significatives pour élargir la protection sociale.  Elle a noté que près de 68% des personnes âgées touchent une retraite.  En revanche, seulement 28% des personnes gravement handicapées perçoivent des allocations, seuls 35% des enfants bénéficient d’une forme de protection sociale et seuls 22% des travailleurs sans emploi touchent le chômage. 

La Vice-Présidente de l’Assemblée générale a averti qu’à moins d’opérer un changement de paradigme dans le cadre du Programme 2030, les personnes qui sont le plus laissées de côté continueront d’être tenues à l’écart des progrès mondiaux et resteront incapables de bénéficier ou de participer à l’économie mondiale ou aux technologies d’avant-garde.  « À moins d’une action urgente pour surmonter les inégalités, les progrès n’atteindront pas notre niveau d’ambition », a-t-elle averti.

Mme Al-Thani a ensuite affirmé que l’année 2019 sera historique en ce que, pour la première fois, le Forum politique de haut niveau se tiendra sous les auspices de l’ECOSOC, en juillet, puis de l’Assemblée générale, en septembre.  De plus, le Sommet des chefs d’état et de gouvernement, qui se tiendra en septembre, examinera les progrès réalisés dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et permettra de renforcer l’action politique.

Nous avons une occasion unique de nous remettre sur les rails dans la phase de mise en œuvre, a-t-elle déclaré, insistant notamment sur le fait que le Programme 2030, l’Accord de Paris et le Programme d’action d’Addis-Abeba doivent être appliqués de manière complémentaire.  Elle s’est ensuite félicitée du fait que la Commission prévoit d’examiner, cette année, les politiques fiscales, salariales et de protection sociale.

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies, a reconnu que « le tableau est sombre ».  Elle a cité tour à tour les inégalités de revenus qui s’accentuent, les 300 millions de travailleurs pauvres et sans emploi décent, et les changements technologiques qui ont provoqué le déclin des institutions publiques.  Face à cette situation, Mme Mohammed a avancé trois domaines d’action.  En premier lieu, il faut accroître les investissements publics dans la protection sociale, la réforme de l’administration fiscale, la lutte contre les flux illicites de financement, les financements innovants ou encore l’énergie propre.

En deuxième lieu, Mme Mohammed a conseillé d’augmenter les revenus plutôt que de réduire les dépenses sociales, et de trouver de nouvelles façons de faire face aux défis.  Depuis la fin de la crise financière mondiale, la courbe de croissance des salaires a stagné tandis que le taux de chômage a diminué, a-t-elle souligné.  Elle a noté en particulier que les écarts de rémunération entre hommes et femmes contribuent à laisser beaucoup de monde sur le côté.  À son avis, les politiques gouvernementales en faveur des quelques privilégiés sont responsables de cette stagnation de la croissance des salaires.

Troisièmement, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale, il faut reconnaître le principe de l’égalité des salaires entre salariés de même valeur.  La nécessité d’un socle de protection sociale est de plus en plus reconnue, a-t-elle aussi déclaré, se félicitant de l’instrument adopté par l’Organisation internationale du Travail (OIT) en 2012 pour garantir les niveaux de base de la protection sociale.  Cela devrait permettre à tous d’accéder à un travail décent, un travail digne qui assure la sécurité économique et l’égalité.  Un écart de 20% entre les salaires est inacceptable, a-t-elle souligné en imputant la stagnation des salaires aux choix politiques.  Dès lors, elle a recommandé d’accorder la priorité au travail décent et à l’égalité des salaires. 

Mme Mohammed a vanté les mérites des salaires minimums, qui permettent de réduire les inégalités, et de la protection sociale, qui aide les familles à naviguer sur un marché de travail en constante évolution.  Plus de quatre milliards de personnes vivent sans protection sociale dont plus d’un milliard d’enfants, a-t-elle rappelé en soulignant que l’ONU, avec ses équipes de pays, aide ces personnes à améliorer leurs conditions de vie.  C’est une question de plus en plus prioritaire du système de développement des Nations Unies.  Avant de conclure son intervention, Mme Mohammed a souligné l’importance de la coopération qui devrait aider à créer l’espace budgétaire nécessaire à l’augmentation des salaires.  « Nous avons des attentes envers la Commission du développement social qui peut réorienter le contrat social », a-t-elle dit en espérant que le travail de celle-ci renforce celui de l’ECOSOC et, en conséquence, les travaux de l’Assemblée générale.

M. DANIEL PERELL, Président du Comité des ONG pour le développement social, a regretté les politiques d’austérité imposées par les gouvernements et l’accent porté sur le secteur privé, « alors que ce sont les politiques sociales qu’il faut rendre prioritaires ».  Après avoir commenté l’existence de différents mouvements sociaux, il a estimé que les commissions techniques de l’ECOSOC peuvent être mises au service de la réalisation du Programme de développement à l’horizon 2030.  Il a également exigé que l’objectif 10 -Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre- figure au cœur des délibérations de la Commission, et que l’intégration sociale, prônée par le Programme de Copenhague, soit également prioritaire.  La cohésion sociale n’est pas un objectif mais un moteur du développement, a-t-il souligné, pour ensuite appeler les délégations à faire preuve de courage politique.

Mme REGINE GUEVARA, du grand groupe des enfants et des jeunes, a dit que les problèmes du monde ne sauraient être abordés qu’avec la participation de tous.  Elle a prévenu que le paradigme actuel de la mondialisation ne va que faire des laissés-pour-compte.  « La croissance pour la croissance est un cancérigène. »  Il faut, a recommandé la représentante, trouver un équilibre entre les besoins des gens et les limites de la planète.  Il faut un régime fiscal sensible à la planète et aux besoins des gens.  Il y a suffisamment d’argent sur la Terre pour résoudre la pauvreté, a assuré Mme Guevara qui a suggéré de renforcer la coopération financière pour éviter que les multinationales et certains individus échappent à l’imposition.

La représentante des jeunes a prôné le salaire minimum comme première étape pour sortir de la pauvreté.  Dans plusieurs parties du monde, on continue de faire les mêmes erreurs, a-t-elle dénoncé.  Il faut en finir avec l’écart salarial entre les femmes et les hommes, a-t-elle lancé avant de plaider pour l’inclusion en mettant l’accent sur un travail décent et inclusif.  « Mais la question est de savoir si votre génération est prête à faire ce travail avec la nôtre », a-t-elle conclu. 

Mme DANIELA BAS, Directrice de la Division du développement social inclusif du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté les cinq rapports du Secrétaire général dont était saisie la Commission. 

Elle a tout d’abord indiqué que le rapport intitulé « Lutter contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale » (E/CN.5/2019/3) souligne que l’inégalité des revenus est nuisible à la croissance et entrave la mobilité intergénérationnelle.  Ce rapport montre aussi l’impact que peut avoir la croissance sur la réduction de la pauvreté.  Les inégalités sapent également la cohésion sociale et la confiance dans les systèmes politico-économiques.  Aussi ce rapport met-il l’accent sur l’importance du rôle des politiques fiscales, du marché du travail, et des systèmes de protection sociale, entre autres.

Passant au rapport sur les « Aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique » (E/CN.5/2019/2), Mme Bas a expliqué que ce document exhorte les pays africains à promouvoir la transformation structurelle par le truchement de l’industrialisation, à investir dans l’agriculture et le capital humain, et à renforcer leurs systèmes de protection sociale.

De son côté, le rapport intitulé « Accélération de l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030 par, pour et avec les handicapées » (E/CN.5/2019/4) appelle notamment les États Membres à promouvoir l’accessibilité, à augmenter les investissements pertinents et à accorder une attention particulière à la marginalisation persistante des personnes handicapées.  Il appelle également à accélérer l’établissement d’une série quantifiable d’objectifs de développement durable relatifs à la question du handicap.

Le rapport sur les « Politiques et programmes mobilisant les jeunes » (E/CN.5/2019/5) met, de son côté, l’accent sur l’éducation, l’emploi, l’égalité des sexes et sur les défis que rencontrent les jeunes dans ces domaines.  Il appelle, entre autres, à redoubler d’efforts pour fournir à ceux-ci une éducation de qualité et à mettre sur pied des politiques de création d’emplois décents.

Enfin, Mme Bas a présenté le rapport intitulé « Réalisation des objectifs de l’Année internationale de la famille et mécanismes mis en œuvre pour y donner suite » (A/74/61-E/2019/4), qui appelle à multiplier les actions pour veiller à ce que chaque personne ait une identité juridique, y compris un certificat de naissance.  Plus d’attention doit par ailleurs être accordée aux formes positives de discipline.

Débat général

Au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), M. MOHAMMAD SHTAYYEH, Ministre qui dirige le Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction, a dit que son groupe était profondément préoccupé de voir des progrès lents et inégaux et d’importants écarts, plus de 20 ans après l’adoption du Sommet mondial pour le développement social.  Les tendances actuelles montrent que l’inégalité des salaires a persisté, voire même augmenté dans de nombreux pays, sapant ainsi les efforts pour éliminer la pauvreté.  À cela s’ajoutent, a indiqué le Ministre, la dégradation de l’environnement et les changements climatiques qui ont exacerbé l’inégalité qui touche les plus pauvres et les plus vulnérables parmi eux, car ils ont de moins en moins de moyens de s’en sortir et de s’adapter.  Le Groupe souhaite réaffirmer que ces tendances mettent à l’épreuve notre capacité à respecter les engagements pris au Sommet mondial pour le développement social et à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et sa promesse de ne laisser personne sur le côté.  Des efforts accélérés et transformateurs sont nécessaires, a dès lors exigé le Ministre. 

Le Programme 2030 appelle à la réduction des inégalités entre les pays et au sein des pays, à l’égalité des sexes et à la promotion de sociétés inclusives, justes et équitables pour autonomiser les gens et en particulier les plus vulnérables, a rappelé le G77.  « Nous croyons que ces objectifs devraient être mis au centre des débats et de l’élaboration des politiques sur les inégalités aux niveaux national, régional et mondial. »  Le Groupe souligne la nécessité de politiques orientées vers l’action et les résultats pour s’attaquer à tous les aspects des inégalités et des défis de l’inclusion sociale.  Cela est essentiel pour assurer que tous les peuples puissent participer sur le même pied d’égalité au partage des bénéfices du développement économique de manière durable. 

Le G77 estime qu’il faut des politiques fiscales, salariales et de protection sociale pour arriver à réduire de manière significative les inégalités.  Le Groupe réitère l’importance d’investissements durables dans les services de santé et d’éducation inclusifs ainsi que dans les infrastructures résilientes et essentielles, en particulier la connectivité dans les zones rurales.  En outre, les politiques devraient redistribuer les ressources pour diminuer les inégalités dans tous les territoires, les centres urbains et entre zones rurales et urbaines. 

Le Ministre a aussi souligné l’importance des efforts pour renforcer les systèmes de protection sociale et adopter des systèmes fiscaux efficaces progressifs.  Il a aussi recommandé de faire porter les efforts sur la diversification des économies et des sources de revenus, et sur la lutte contre l’évasion fiscale.  Le G77, a-t-il ajouté, réitère le rôle fondamental de la coopération internationale -Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaire- et la nécessité de partenariats renouvelés pour soutenir les efforts nationaux dans la lutte contre les inégalités et éliminer la pauvreté.  Le Groupe met l’accent sur la nécessité d’intensifier la mobilisation des ressources pour les objectifs de développement durable y compris l’aide publique au développement (ADP), les sources de financement innovantes, le renforcement des capacités, les transferts de technologies et le commerce, ainsi que la question de la viabilité des dettes extérieures.  Le Groupe des 77 et la Chine soutiennent énergiquement le programme social dans le cadre de l’Agenda 2063 et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), a également déclaré le Ministre. 

M. ION JINGA (Roumanie), intervenant au nom de l’Union européenne (UE), a rappelé la proclamation, en novembre 2017, du Pilier européen pour les droits sociaux.  Il a indiqué que l’inégalité des salaires au sein de l’UE aurait été beaucoup plus élevée sans les effets redistributifs des taxes et des transferts.  L’augmentation continue des salaires ces trois dernières années, ainsi que les transferts sociaux, ont permis une hausse du revenu disponible des ménages.  L’Europe, s’est-il enorgueilli, fait mieux que les autres économies avancées, en termes de réduction des inégalités, notamment en ce qui concerne la redistribution des richesses par l’imposition et les transferts fiscaux, sans oublier les dépenses conséquentes dans la santé, l’éducation et les retraites, entres autres, et l’institution d’un seuil salarial par 22 des 28 membres de l’UE.  De plus, pendant la période 2014-2020, les Fonds structurels et d’investissement européens ont alloué 45 milliards d’euros à l’inclusion sociale, 41 milliards à l’emploi et 35 milliards à l’éducation.

Le système de protection sociale de l’UE est toutefois en difficulté du fait, notamment, du facteur démographique, tandis que de nouvelles formes de travail représentent un défi pour le financement, l’organisation et l’octroi de la protection sociale.  Le maintien et la mise à jour de notre modèle de protection sociale sera sans doute le plus important défi structurel des 10 prochaines années, a-t-il prédit.

Le représentant a souligné qu’un avenir prospère et partagé dépend de l’intégration holistique des dimensions sociales, économique et environnementales.  Il a notamment insisté sur l’importance d’une transition réussie vers une économie à faible émission de carbone, des formations pour adultes et de l’emploi des jeunes.  Sur ce dernier point, il a fait savoir qu’à la fin 2017, 2,4 millions de jeunes avaient bénéficié d’un appui direct de l’Initiative pour l’emploi des jeunes, et que le chômage des jeunes dans l’UE avait atteint son niveau le plus bas depuis 2000.

M. Jinga a également parlé de l’importance de concilier la vie de travail et de famille, notant que cela permettra notamment d’augmenter la participation des femmes au marché du travail.  L’UE se consacre également à réduire l’inégalité salariale qui conduit souvent à une inégalité dans l’octroi des pensions.  Il a ensuite regretté qu’à l´échelle de l’UE, 30,2% des personnes handicapées de plus de 16 ans vivent dans des ménages qui risquent de sombrer dans la pauvreté ou l’exclusion sociale, comparé à 20,8% pour les personnes sans handicaps.  De plus, une personne handicapée touche un revenu monétaire qui est 11% plus bas que celui d’une personne non handicapée.  Des efforts significatifs sont déployés pour combler ces écarts, moyennant notamment des subventions pour le recrutement et l’emploi de personnes handicapées. 

Poursuivant, M. Jinga a espéré que le Consensus européen pour le développement deviendra un instrument clef du développement social dans le monde.  L’UE compte également renforcer son partenariat avec les pays à revenu intermédiaire qui, a-t-il indiqué, seront essentiels à la réalisation du Programme 2030.

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a fait part de l’expérience de l’ASEAN dans la réduction du fossé de développement en exploitant les possibilités offertes par les technologies de l’information et des communications (TIC), en renforçant la protection sociale et en facilitant le travail décent.  L’ASEAN, qui reconnaît en outre les jeunes comme une force motrice cruciale pour faire avancer la région, s’est engagée à investir dans la jeunesse.  De nombreuses initiatives ont été prises, notamment le tournoi « eSports », le programme de bourses pour les jeunes de l’ASEAN ou encore la connexion des jeunes de l’ASEAN.  En ce qui concerne la promotion du travail décent, le représentant a mis l’accent sur le processus de transition entre le travail informel et l’emploi formel. 

De plus, l’ASEAN est engagée à améliorer la sûreté et la santé au travail pour protéger la sécurité, la santé et le bien-être des travailleurs dans la région à travers des actions concrètes comme l’augmentation des normes de sécurité et de santé sur les lieux de travail et le renforcement de la collecte de données.  Les dirigeants de l’ASEAN ont également adopté la Déclaration de promotion de l’emploi vert pour l’équité et la croissance inclusive qui réaffirme leur engament à promouvoir, entre autres, les produits verts et les services verts, améliorer la technologie verte sur les lieux de travail, et encourager la responsabilité sociale des entreprises.  L’ASEAN réaffirme la nécessité de renforcer davantage la coopération et l’aide mutuelles aux niveaux mondial, régional et bilatéral pour réduire l’écart de développement, embrasser les nouvelles technologies et les innovations pour bien servir l’intérêt des peuples et assurer l’accès équitable et universel à la protection sociale. 

Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a indiqué que dans sa région, l’augmentation de l’investissement dans l’éducation avait été le facteur le plus important pour combler l’inégalité salariale.  Des progrès significatifs ont également été réalisés pour réduire la mortalité maternelle et infantile, élargir l’accès à l’éducation de base et améliorer l’accès aux infrastructures, mais le développement social demeure « inégal et fragile ».  Elle s’est aussi inquiétée du fait que le « fardeau de l’inégalité » accable de manière disproportionnée les femmes et les enfants.

La représentante a indiqué que la CARICOM doit également faire face aux effets adverses des changements climatiques et des catastrophes naturelles, au déficit de compétences dans des secteurs économiques clefs, et à l’augmentation du chômage des jeunes qui, a-t-elle ajouté, a contribué à augmenter la criminalité et l’insécurité.  La CARICOM consacre donc beaucoup d’efforts aux adolescents et aux jeunes pour les aider à développer leurs compétences.  La CARICOM se préoccupe également du déficit de travail décent et, de ce fait, a mis sur pied la Stratégie de développement des ressources humaines à l’horizon 2030 qui cible l’éducation et la formation professionnelle. 

Commentant ensuite les avancées réalisées par la CARICOM pour combattre les maladies non transmissibles, Mme Beckles a parlé du lancement de l’initiative « Caribbean Moves » qui vise à intensifier les efforts de promotion de la santé.  Elle a toutefois signalé que malgré ces avancées, la région continue de faire face au double fardeau que représentent l’incidence élevée et la prévalence des maladies non transmissibles.  S’agissant de la Commission du développement social, la déléguée a réclamé une plus grande synergie entre son travail et la mise en œuvre du Programme 2030 et des Orientations de Samoa, les « Modalités d’action accélérées des petits États insulaires en développement ».

M. JEAN-CLAUDE FÉLIX DO REGO (Bénin), au nom du Groupe des États d’Afrique, a jugé important que les pays africains continuent de renforcer et de soutenir l’élan atteint à ce jour en matière d’éradication de la pauvreté.  Il s’est préoccupé des diverses conséquences de la pauvreté, comme la malnutrition, les maladies transmissibles et le fardeau croissant des maladies non transmissibles auxquelles sont confrontés les États africains.  Il s’est également soucié du manque d’accès à une éducation de qualité, de la faible croissance économique et de la dégradation de l’environnement, jugeant important de focaliser les investissements dans le capital humain, entres autres.

Le représentant a indiqué que de nombreux pays d’Afrique continuent de faire face à des difficultés de développement social, notant que l’Afrique demeure parmi les régions où les inégalités de revenus sont les plus élevées et où l’ossature économique s’avère fortement dépendante du secteur informel.  L’éradication soutenue de la pauvreté exige que la génération actuelle d’enfants et de jeunes acquiert l’éducation et les compétences nécessaires pour l’empêcher de tomber dans le piège de la pauvreté.

M. do Rego a dit craindre que le financement interne ne soit pas suffisant pour faire face aux goulets d’étranglement économique actuels auxquels sont confrontés les États africains.  Il a demandé la mise en œuvre « complète et efficace » du Programme d’action d’Addis-Abeba, « avec un soutien financier adéquat, cohérent et prévisible ».  Le Groupe appelle également ses partenaires à renforcer les efforts de lutte contre les flux financiers illicites en provenance d’Afrique et à renforcer les partenariats afin d’assurer des cadres internationaux de soutien pour le commerce, la fiscalité, la technologie, l’atténuation des changements climatiques, et l’allègement de la dette, entres autres.

M. do Rego a aussi parlé de l’interconnectivité numérique, notant que grâce à l’installation de systèmes de transports, d’énergie et de TIC, les collectivités rurales doivent pouvoir profiter de l’accès aux marchés, au crédit et à des emplois décents.  Cependant, a-t-il poursuivi, le développement des infrastructures de TIC, les systèmes de transport et d’énergie doivent encore être mis à niveau et étendus aux zones rurales, tandis que les compétences numériques de la population doivent être améliorées pour que les pays africains puissent profiter pleinement des avantages de la numérisation.  En outre, tout en utilisant ces nouveaux dispositifs technologiques dans la recherche d’emplois et de marchés pour leurs produits, les ressortissants africains ont été exposés à des formes modernes d’esclavage, a fait remarquer le représentant.  Les États africains sont donc préoccupés par l’utilisation de ces dispositifs numériques à des fins contraires au respect des droits de l’homme et appellent à soutenir la mise en œuvre du Plan d’action mondial sur la traite des personnes.

Au nom de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Mme CYNTHIA MAAMLE MORRISON, Ministre des questions de genre, de l’enfance et de la protection sociale du Ghana, a reconnu l’importance du thème prioritaire de cette cinquante-septième session de la Commission du développement social dans le contexte de la transformation socioéconomique de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest.  Elle a rappelé que, dès 1975, la CEDEAO avait promu la coopération économique et l’intégration régionale comme moyen d’accélérer le développement de l’économie ouest-africaine.  La Vision 2020 de la CEDEAO, adoptée en 2007, visait à donner une direction et un objectif clair pour augmenter le niveau de vie des populations à travers des programmes inclusifs qui garantissent un avenir prospère pour l’Afrique de l’Ouest.

Mme Morrison a aussi énuméré d’autres mesures prises par la région comme l’amélioration de la participation des populations aux marchés, aux services et aux espaces politiques.  Améliorer la façon dont les personnes prennent part à la société revient à renforcer leurs compétences, leurs chances et leur dignité, a-t-elle fait valoir.  Elle a également parlé de la lutte menée en Afrique de l’Ouest contre la marginalisation des femmes, le mariage précoce des filles et les vulnérabilités particulières des enfants. 

La Ministre a également évoqué le cas des millions de gens, dont des centaines de milliers de personnes d’Afrique de l’Ouest, qui ne sont pas considérés comme des citoyens par aucun État et qui sont de ce fait apatrides.  Cette situation limite les possibilités de jouissance des droits de l’homme, a-t-elle relevé avant de signaler l’adoption du Plan d’action de Banjul 2017-2024 pour éradiquer l’apatridie.  En outre, avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la CEDEAO a créé le Cadre de protection sociale de la Communauté.  Le Cadre recommande entre autres la mise en œuvre de socles nationaux de protection sociale inclusifs, l’extension des mécanismes contributifs d’assurance sociale et une plus grande place donnée à la protection sociale dans les interventions humanitaires. 

M. SEBASTIAN VILLARREAL, Vice-Ministre du développement social du Chili, au nom du Groupe des Amis des personnes âgées, a parlé des changements significatifs qu’ont connu les structures démographiques des pays, notant que selon les prévisions actuelles, les personnes âgées devraient augmenter de 46% entre 2017 et 2030.  Il a appelé à profiter des contributions de ces dernières et à mettre en œuvre des systèmes pour promouvoir leur inclusion sociale.  Il est urgent de reconnaître les besoins des personnes âgées, a-t-il insisté, soulignant qu’elles encourent le risque d’être marginalisées.  Les États Membres doivent donc tenir compte des besoins spécifiques des personnes âgées lors de la planification des politiques.  Il s’est préoccupé de l’impact, sur elles, de la pauvreté.  La conception de programmes, politiques et cadres juridiques pour permettre leur pleine participation à la société permettra d’assurer leur dignité et leur autonomisation.  Des mesures législatives appropriées s’imposent également, a fait valoir le Vice-Ministre.

Soulignant que le vieillissent de la population façonnera de manière significative la réalisation des objectifs de développement durable, il a appelé à la pleine mise en œuvre du Plan d’action de Madrid.  Il a aussi encouragé les pays à mettre en œuvre des politiques de pension de retraite et à promouvoir des retraites décentes.  Il ne faut pas non plus perdre de vue la sexospécificité, a-t-il ajouté.  Notant que le Plan d’action de Madrid est non contraignant et ne traite pas de tous les problèmes de protection, il a jugé que celui-ci était insuffisant pour répondre à l’ensemble des questions qui préoccupent les personnes âgées.

Mme LILIANA DEL CARMEN LA ROSA HUERTAS, Ministre du développement et de l’inclusion sociale du Pérou, a indiqué que le Gouvernement péruvien se consacre énormément à la lutte contre la corruption et à la croissance économique pour réduire les fractures entre les groupes sociaux.  À travers ses politiques, le Gouvernement essaie d’atteindre toute la population, y compris les peuples autochtones.  Mme La Rosa a pris l’exemple de la lutte contre l’anémie des enfants qui mobilise plusieurs ministères.  L’incidence de l’anémie chez les garçons et les filles de 6 à 35 mois a baissé, passant de 46,1% à 41,1% entre le premier et le deuxième semestre de 2018.  « Nous sommes sur la bonne voie, accompagnez-nous dans cet effort », a plaidé la Ministre, qui a ajouté que la politique générale du Pérou est d’améliorer le niveau de vie de tous. 

La politique sociale du Pérou vise à protéger tous et toutes tout au long de la vie, a indiqué Mme La Rosa.  Elle prend ainsi en compte les catastrophes naturelles et la pauvreté monétaire qui touche 1 Péruvien sur 5.  Cette politique prend en considération les problèmes de façon multidimensionnelle et multiculturelle.  Elle est adossée aux objectifs de développement durable et vise à en finir avec la transmission sociale de la pauvreté.  « Mais nous faisons face à de nouveaux défis comme la pauvreté urbaine, l’exode rural, la migration internationale et la crise humanitaire au Venezuela », a expliqué Mme La Rosa. 

Mme CYNTHIA MAMLE MORRISON, Ministre des questions de genre, de l’enfance et de la protection sociale du Ghana, a indiqué que l’économie de son pays avait connu une croissance de 8,5% en 2017 et que son gouvernement voulait faire adopter des lois sur la protection sociale, les personnes âgées, l’alimentation scolaire et l’action affirmative.  De plus, la politique de protection sociale du Ghana contribue à la lutte contre la pauvreté, grâce à un programme spécial dont profitent 407 655 ménages, soit 1 781 877 individus.  Cette politique a abouti à une augmentation des inscriptions scolaires et une amélioration de la sécurité alimentaire et de l’intégration sociale.  Une stratégie pour l’inclusion productive doit être déployée cette année, a ajouté la Ministre en faisant également mention d’un programme spécial, dont bénéficient 2,8 millions d’écoliers, qui vise notamment à promouvoir la scolarisation.  Un système de santé et un programme de travaux publics existent également. 

La Ministre a ensuite mentionné l’élaboration en cours d’une base de données sur les ménages, à partir de laquelle tous les programmes de protection sociale sélectionneront leurs bénéficiaires, et d’un guichet unique qui permettra à l’ensemble des citoyens de déposer des plaintes, de faires des réclamations ou d’obtenir des informations sur les services sociaux disponibles.  Cependant, le manque de fonds demeure un obstacle à la mise en œuvre des politiques de protection sociale du Ghana, a-t-elle déploré.

Mme BEATE HARTINGER-KLEIN, Ministre fédérale du travail, des affaires sociales, de la santé et de la protection des consommateurs d’Autriche, a déclaré que son gouvernement doit adopter une nouvelle loi sur un système de salaire minimum.  Cette loi contribuera à la justice et à l’équité et augmentera significativement la protection sociale, notamment des personnes handicapées et des parents seuls.  Autre élément important de la prévention de la pauvreté: les pensions de retraite durables.  La Ministre a expliqué, à cet égard, le système de contribution autrichien qui se focalise sur la couverture de toute la population active.  La priorité en Autriche est d’élever l’âge réel de départ à la retraire tout en fermant les possibilités de préretraite.  Pour prévenir la pauvreté des personnes âgées, les petites pensions ont été continuellement augmentées pour s’élever au-dessus du taux d’inflation.  La pension minimum garantie pour ceux qui ont accumulé 40 ans de contribution sera augmentée, a indiqué la Ministre.

En Autriche, les mesures visant à réduire la pauvreté se focalisent sur l’augmentation des niveaux d’emploi et l’intégration rapide des gens sur le marché du travail.  La Ministre a également énuméré d’autres mesures relatives à l’emploi et la protection sociale des travailleurs dans le contexte de nouvelles formes du travail.  Les politiques relatives au marché du travail offrent des programmes d’emploi personnalisés en particulier pour les jeunes.  Les cotisations d’assurance-chômage pour les bas et moyens salaires seront réduites, a ajouté la Ministre en précisant que plus de 900 000 personnes bénéficieront de cette mesure.  En outre, une nouvelle mesure fiscale offrira à chaque famille un allègement fiscal de plus de 1 500 euros par enfant et par an.  La Ministre a également parlé des allocations de long terme qui bénéficient aux personnes âgées, avant de mentionner ce que fait son pays pour cette catégorie de la population, ainsi que pour les personnes handicapées, les jeunes et les familles.

Débat de haut niveau sur le thème prioritaire: lutter contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale

Exposés

L’orateur principal de ce débat, M. LUCAS CHANCEL, Codirecteur de World Inequality Lab et de World Database (WID.world) à l’École d’économie de Paris et maître de conférences à Sciences Po, en master politiques publiques, a rappelé que les niveaux d’inégalité trop élevés peuvent provoquer des tensions politiques et économiques graves.  Il a ajouté que le manque de transparence sur les revenus et la richesse pose des défis graves à la démocratie.  Or les inégalités de revenus ont augmenté presque partout, mais à un rythme différent.  Est-ce que les inégalités dans le monde se rapprochent de la « frontière des hautes inégalités ? » a-t-il demandé en comparant la courbe mondiale des inégalités et de la croissance à la silhouette d’un éléphant, la « courbe de l’éléphant ».

M. Chancel s’est appuyé sur les chiffres de la croissance entre 1980 et 2016, période pendant laquelle les 50% les plus pauvres ont enregistré 12% de la croissance totale, tandis que les 1% les plus riches ont enregistré deux fois plus de croissance, soit 27%.  L’Inde et la Chine, par exemple, ont vu croître les inégalités et ont connu une baisse de la croissance.  Les pays sont devenus plus riches mais les gouvernements sont devenus pauvres.  M. Chancel en a déduit que les inégalités mondiales de salaires continueraient d’augmenter en dépit de la forte croissance dans les pays émergents.  Le rapprochement entre les pays n’est pas suffisant pour contrer la tendance à l’intérieur des pays, a-t-il précisé.  Selon l’expert, s’attaquer aux inégalités de chances de demain signifie se soucier des inégalités de revenus d’aujourd’hui.

La fiscalité progressive est un moyen éprouvé pour combattre les inégalités au sommet, a signalé M. Chancel en se basant sur l’expérience: depuis la fin des années 70, les inégalités ont ainsi été drastiquement réduites.  Mais au fur et à mesure que la mondialisation s’accentue, la fiscalité des entreprises diminue.  Et alors que les taux d’imposition diminuent, les pays disposés à financer l’État social doivent augmenter les impôts des contribuables. 

Pour aller de l’avant, l’expert a recommandé de ne plus publier les PIB des pays sans mentionner la répartition de la croissance.  Il a aussi souligné la nécessité d’un registre financier mondial pour lutter contre l’évasion fiscale, arguant que la lutte contre les inégalités commence par des informations plus transparentes.  « Notre objectif n’est pas de faire en sorte que tout le monde se mette d’accord sur les inégalités.  Notre objectif est de permettre le partage et l’utilisation de données transparentes et fiables sur la croissance et les inégalités. »  L’ONU a un rôle important à jouer pour qu’il en soit ainsi, a-t-il conclu.

M. ANDREI DAPKIUNAS, Vice-Ministre des affaires étrangères de Bélarus, a fait part de l’expérience de son pays dans la lutte contre les inégalités en expliquant tout d’abord que le Gouvernement accorde une attention particulière au développement régional.  En outre, une politique visant l’inclusion des personnes handicapées a été élaborée, qui comprend des mesures pour favoriser l’emploi inclusif et l’insertion, le travail à distance et d’autres formes de travail utilisant les TIC.  L’entreprenariat social est encouragé, a ajouté le Vice-Ministre qui a aussi parlé des mesures prises pour soutenir les entreprises dirigées par les femmes. 

Pour faire face au vieillissement de la population, le Gouvernement a adopté une série de mesures visant à améliorer les conditions sociales des personnes âgées, notamment la santé.  Il se pose aussi des questions sur les conséquences sociales de l’avancée technologique, notamment la technologie numérique, pour les jeunes, les pauvres et les femmes.  Le Gouvernement tient aussi à préserver les liens sociaux et familiaux comme base de la société.  Le Vice-Ministre a toutefois estimé qu’il fallait une action au niveau mondial pour répondre efficacement aux défis des inégalités.  À cet égard, l’ONU peut jouer un rôle particulier et notamment la Commission du développement social. 

M. HAO BIN, Directeur général du Département de la coopération internationale au Ministère des ressources humaines et de la sécurité sociale de la Chine, a indiqué que son gouvernement avait mis un accent important sur les travailleurs migrants qui représentent plus de 30% de la main d’œuvre, en veillant à leur trouver un emploi.  Le Gouvernement leur octroie une assurance contre les accidents de travail, ce qui est très important dans le secteur de la construction.  S’agissant des salaires, un plan d’action pour éviter les arriérés de paiement des salaires des ouvriers du secteur de la construction a été créé.  Le représentant a également mentionné un programme médical et de pension qui a permis de couvrir 25% des populations rurales en 2008 et, aujourd’hui, 925 millions de personnes, ce qui lui a fait dire que « la Chine avance et lutte réellement contre les inégalités ». 

La recette de la Chine a été de mettre en œuvre plusieurs stratégies et d’axer le développement sur l’homme.  Le Gouvernement doit travailler pour l’intérêt de la population, a recommandé le représentant qui a aussi conseillé de mettre l’accent sur les problèmes les plus urgents et ceux qui préoccupent le plus les gens.  Un autre élément important est l’inclusion sociale par l’emploi, a estimé M. Hao en appelant à veiller à l’inclusion des plus vulnérables.  Tenir compte de la politique nationale et des circonstances régionales est un autre conseil qu’il a donné, avant d’insister sur le caractère essentiel de la justice et de l’équité. 

M. SEBASTIAN VILLARREAL, Vice-Ministre du développement social du Chili, a expliqué que l’objectif de la politique de développement social de son pays est de permettre aux familles de réaliser leur propre développement, précisant que l’épine dorsale de la politique chilienne repose sur la solidarité.  Sur le plan pratique, les services de santé sont gratuits, de même que l’éducation.  L’école maternelle est désormais obligatoire pour tous les petits chiliens, a précisé le Vice-Ministre, avant d’ajouter que les conditions de financement des études supérieures ont été améliorées.  « Aucun jeune ne doit être privé d’enseignement par défaut de ressources. »

Le régime de protection sociale du Chili, a poursuivi M. Villarreal, vise à empêcher que les familles les plus vulnérables ne tombent dans la pauvreté.  D’ailleurs, le Président de la République a fait adopter 94 mesures destinées à garantir la protection de tous les enfants du pays.  Pour ce qui est du marché du travail, des mesures spécifiques ont été prises pour améliorer la participation des femmes et des jeunes.  En 2018, le Chili a beaucoup avancé pour aider les femmes au travail, notamment grâce à la création d’un fonds solidaire pour les aider.  De plus, l’emploi dans le secteur privé a fortement augmenté l’année passée, ce qui a bénéficié aux femmes.  Concernant les personnes âgées, le Gouvernement prévoit de faire augmenter la contribution des entreprises aux pensions.  Le Vice-Ministre a aussi signalé que le Chili est en train d’élaborer une « carte des inégalités ».

M. STANFIELD MICHELO, maître formateur au « African Regional Social Protection Leadership Curriculum TRANSFORM » de la Zambie, a reconnu que la route vers la protection sociale dans son pays avait été difficile et semée d’embûches.  En 2005, le Gouvernement avait élaboré la Stratégie nationale de protection sociale, puis, en 2006, avait mis en place un programme de transfert monétaire.  En 2016, la Stratégie a été élargie et en 2017, tous les districts du pays ont été couverts par le programme de transfert de fonds.  Le pourcentage de pauvres a diminué de 10 points dans ce laps de temps, s’est félicité M. Michelo avant de mentionner aussi les progrès en termes d’intégration sociale: des efforts sont menés pour que les filles restent scolarisées le plus longtemps possibles, tandis que 21 000 familles bénéficient d’aides.  En outre, plus 12 000 femmes touchent des subventions pour la création d’activités génératrices de revenus, réduisant ainsi les écarts salariaux entre les ménages dirigés par les femmes et ceux dirigés par les hommes.  Quant aux personnes handicapées, elles profitent du programme de transfert de fonds pour, notamment, se procurer des outils de travail ou des équipements qui les aident dans leur vie quotidienne.  La protection sociale est arrivée à maturité en Zambie, a conclu M. Michelo.  

Mme ROSA PAVANELLI, Secrétaire générale du « Global Union Federation », Public Services International (PSI), Italie, a conseillé, pour réduire les inégalités, de se consacrer aux secteurs de l’éducation et de la santé, en accordant une attention particulière aux femmes.  S’agissant des salaires, elle a notamment invité à donner une grande place aux négociations collectives et à privilégier l’emploi décent.  Pour ce qui est de la fiscalité, Mme Pavanelli a préconisé de lutter contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale pour les entreprises internationales.  Il faut en tout cas revenir sur les avantages fiscaux des entreprises, a-t-elle insisté avant de réclamer plus de transparence pour savoir où va l’argent des multinationales.  « Nous avons besoin de cet argent pour lutter contre les inégalités. »  Elle a ajouté qu’il faudrait également revoir la méthodologie.  Des preuves ont montré que le partenariat public-privé avait réduit les services publics et aggravé l’endettement des États, a-t-elle argumenté.

Mme MANUELA TOMEI, Directrice du Département des conditions de travail et de l’emploi, à l’Organisation internationale du Travail (OIT), a indiqué que les transferts sociaux avaient souvent permis de corriger les inégalités mais pas pour autant réglé le problème à la source.  L’OIT a longtemps considéré la politique salariale comme un outil important de justice sociale.  Le salaire minimum a contribué à réduire l’inégalité des salaires dans des pays comme le Brésil, la Chine, la Turquie ou encore la Fédération de Russie.  Le salaire minimum peut réduire les écarts de rémunération entre hommes et femmes dans la moitié inférieure de la répartition des salaires, a-t-elle précisé.  Elle a assuré que cette mesure n’a que peu d’effet négatif, voire pas du tout, sur l’emploi ou le secteur informel.  Le salaire minimum peut également conduire à une augmentation des salaires dans l’économie informelle.

S’agissant de l’égalité salariale, des efforts supplémentaires sont nécessaires selon l’OIT pour mettre en œuvre l’égalité de rémunération entre hommes et femmes et s’attaquer à la sous-évaluation du travail des femmes.  Cela réduirait également l’inégalité globale des salaires puisque les femmes se situent souvent au bas de la répartition.  Pour réduire les inégalités, il est nécessaire de mettre en place un ensemble de politiques intégrées: augmenter les investissements dans les capacités des gens, dans les institutions de travail et dans l’emploi décent et durable. 

M. GIL S. BELTRAN, Vice-Ministre des finances et Sous-Secrétaire du Département des finances des Philippines, a indiqué que le Gouvernement philippin prévoit d’augmenter jusqu’à 7% les dépenses pour les infrastructures.  Pour les financer, l’effort fiscal sera augmenté de plus de 17%.  L’objectif est de réduire de 14% la pauvreté d’ici à 2022, a précisé le Vice-Ministre, ce qui passe par une augmentation du budget social, qui sera supérieur à celui de l’armée.  Pour cela un financement supplémentaire a été prélevé, qui représente plus de 1% du PIB.  L’assiette fiscale a été élargie notamment par la taxation des transferts de fonds.  Le Gouvernement a aussi décidé d’accorder des prêts directs aux entreprises.  Il a aussi adopté une politique pour préserver les moyens d’existence des familles en facilitant l’accès à la micro-assurance en matière de catastrophes naturelles, de santé et pour le secteur agricole.  Le secteur privé a aussi été mis à contribution dans le domaine de la microfinance, a ajouté M. Beltran. 

Débat interactif

Au cours de ce débat interactif, les délégations, les ONG et les agences spécialisées de l’ONU ont fait part de ce que font leurs gouvernements et institutions respectifs pour lutter contre les inégalités.  La République dominicaine a d’abord rappelé que l’exclusion sociale reste le principal problème à affronter.  Vient ensuite l’évasion fiscale.  Comment faire pour sensibiliser le public sur cette question?  Mais le principal obstacle dans nos pays est l’analphabétisme, a précisé la représentante.  L’Union européenne s’est demandé ce que pouvaient faire la Commission du développement social et les gouvernements pour parvenir à la protection sociale universelle.  Quelles politiques adopter pour que tous les travailleurs bénéficient de la protection sociale?

Parmi les mesures prises en France pour la protection sociale et la lutte contre l’exclusion, le Gouvernement a décidé d’exonérer d’impôt les heures supplémentaires des travailleurs, a indiqué la délégation.  Les Pays-Bas ont pris des mesures visant à rendre le travail « souple » dans les contrats à durée indéterminée et à courte durée, et d’autres pour encourager l’intégration des personnes handicapées.  Une amende de 5 000 euros sanctionne les entreprises qui ne comblent pas les postes vacants destinés à ces personnes.  La délégation de l’Algérie a pour sa part souligné l’importance de l’éducation aux droits du travail et de la lutte contre l’analphabétisme. 

Un représentant d’une ONG a estimé que les inégalités ne sont pas inévitables.  Comment faire en sorte que la justice accompagne la création de richesse et de revenus? a-t-il demandé.  La représentante de Notre Dame de Bonne Charité du Bon Pasteur a voulu savoir comment parvenir à un meilleur équilibre entre le capital privé et le service public?  Quels sont les meilleurs politiques budgétaires pour réduire les déficits budgétaires?  Existe-t-il un processus de développement équitable?  Autant de questions auxquelles le Vice-Ministre du Bélarus a répondu en déclarant que pour trouver une réponse durable, il faut tout simplement « changer de paradigme collectif »: la concurrence doit être remplacée par la coopération.  Il faut travailler ensemble sur ce problème, a-t-il recommandé. 

La Finlande a demandé comment mener une campagne mondiale en faveur de la protection sociale universelle?  Et comment renforcer les capacités nationales, y compris celles des travailleurs du secteur informel?  Le maître formateur au « African Regional Social Protection Leadership Curriculum TRANSFORM » de la Zambie a répondu en insistant sur l’importance du renforcement des capacités.  La Directrice du Département des conditions de travail et de l’emploi à l’OIT a, elle, préconisé « la politique de la carotte et du bâton ».  Quant au Vice-Ministre du développement social du Chili, il a insisté pour mettre l’homme au centre des politiques y compris les personnes âgées.  Il faut aider celles-ci à rester sur le marché du travail selon que de besoin. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: appels à ne pas « baisser la garde » face à la menace que Daech continue de poser

8460e séance – matin
CS/13697

Conseil de sécurité: appels à ne pas « baisser la garde » face à la menace que Daech continue de poser

Le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, de nombreux appels en vue d’un renforcement de la coopération internationale face à Daech, ce dernier demeurant, malgré ses pertes de territoire, le groupe terroriste international le plus à même de lancer une attaque à grande échelle, comme l’a rappelé la Cheffe de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, Mme Michele Coninsx.  « Ne baissons pas la garde », a déclaré la Pologne, résumant le sentiment général.

Premier, avec Mme Coninsx, des deux hauts fonctionnaires de l’ONU à s’être exprimés, le Secrétaire général adjoint au Bureau de lutte contre le terrorisme, M. Vladimir Voronkov, qui présentait le huitième rapport* du Secrétaire général, a indiqué que Daech demeure une menace, malgré une baisse des attaques en 2018.  Daech compterait dans ses rangs entre 14 000 et 18 000 militants, dont 3 000 combattants terroristes étrangers, et aurait accès à des réserves financières d’un montant de 50 à 300 millions de dollars.

Sa structure de commandement centrale garde une influence et joue un rôle important dans l’avancement des objectifs du groupe, a affirmé M. Voronkov.  Le Secrétaire général adjoint a en outre insisté sur le défi des combattants terroristes étrangers, qui sont de retour dans leur pays, relocalisés ou remis en liberté.  En Europe, le nombre de combattants terroristes étrangers qui sont revenus, au cours de la période considérée, est relativement faible, a-t-il précisé, en insistant sur le défi que représente la radicalisation dans les prisons.

Si Daech s’est mué en un réseau plus concentré au niveau local comme en Iraq, en Syrie et ailleurs, ses visées de compromettre les efforts de stabilisation dans les zones de conflit et d’alimenter les tentions sectaires doivent rester une source de préoccupation, a appuyé Mme Coninsx.  « L’héritage destructeur de Daech en Syrie et en Iraq subsiste comme en témoignent les millions de déplacés, les infrastructures endommagées et le tissu social déchiré. »

La Cheffe de la Direction exécutive a insisté sur la question de la détention, dans de nombreux États, d’un certain nombre de suspects et de terroristes, dont les combattants terroristes étrangers et leurs familles.  Les poursuites doivent être envisagées à la lumière des objectifs de réadaptation et de réinsertion et les efforts de réadaptation, en prisons ou ailleurs, doivent être liés aux poursuites et à la réinsertion, a-t-elle expliqué.

À l’instar de nombreuses délégations, Mme Coninsx s’est félicitée de l’adoption par le Comité contre le terrorisme, le 27 décembre 2018, de l’additif aux Principes directeurs de Madrid, qui, selon le rapport précité, fournit aux États Membres des orientations précieuses pour faire face au retour et à la relocalisation des combattants terroristes étrangers et des membres de leurs familles qui les accompagnent.

Les délégations ont été nombreuses à insister sur le défi que représentent ces combattants, la France plaidant pour des mesures de détention, de prise en charge et de suivi des personnes à risque, « via un partage d’informations constant ».  Elle a dit mettre l’accent sur la prise en charge spécifique des enfants, notamment au niveau socio-psychologique et au niveau éducatif, pour favoriser leur réintégration.

« Les enfants doivent être considérés comme des victimes.  Ils ont droit à une protection totale et les alternatives à leur détention doivent être privilégiées chaque fois que possible », a appuyé la Pologne.  L’Afrique du Sud et l’Allemagne ont insisté sur une approche holistique, conjuguant mesures répressives et préventives.

L’Allemagne a également souligné le rôle que jouent les systèmes de renseignements préalables concernant les voyageurs, avant de rappeler que les Pays-Bas ont, à l’automne dernier, mis le leur gratuitement à la disposition des États Membres de l’ONU.  Les systèmes de dossiers passagers sont « particulièrement utiles » pour les gouvernements, ont ajouté les États-Unis. 

Les délégations ont insisté sur l’importance de tarir les ressources financières de Daech, ce groupe étant, selon la Fédération de Russie, constamment en quête de nouveaux moyens de financement, comme en Afghanistan, où il se livre à l’extraction minière.  La France a d’ailleurs indiqué qu’elle présentera bientôt un projet de résolution sur ce sujet.

Enfin, les délégations, dont celles du Koweït ou encore de la Pologne, ont souligné la nécessité de réprimer les crimes commis par Daech.  Mme Coninsx a salué, à cet égard, le travail de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes.  La Belgique et le Pérou ont néanmoins regretté qu’aucun membre de Daech n’ait été poursuivi pour crime sexuel, en dépit des preuves accumulées.

*S/2019/103

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D’ACTES DE TERRORISME

Déclarations

M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint au Bureau de lutte contre le terrorisme, a présenté le huitième rapport du Secrétaire général sur « la menace que représente Daech pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à contrer cette menace ».  Il a indiqué que Daech, en tant qu’organisation internationale dotée d’une structure de commandement centralisée, demeure une menace, malgré une baisse des attaques dans le monde en 2018.  « La menace se précise avec le retour des combattants terroristes étrangers. » 

Daech, qui a son centre de gravité en Iraq et en Syrie et compte dans ses rangs entre 14 000 et 18 000 militants, dont 3 000 combattants terroristes étrangers, a continué d’évoluer en un réseau clandestin opérant au niveau local, dans le but de saper toute tentative de stabilisation sur le terrain, a-t-il dit.  Malgré la nature plus dissimulée et localement enracinée des cellules de Daech, la structure de commandement centrale garde une influence et joue un rôle important dans l’avancement des objectifs du groupe.  Le Secrétaire général adjoint a indiqué que cette situation est exacerbée par le défi des combattants terroristes étrangers, qui sont de retour dans leur pays, relocalisés ou remis en liberté.  Dans ce contexte, la radicalisation dans les prisons est un véritable défi en Europe et en Iraq.

Certains « voyageurs frustrés », qui n’ont pas pu se rendre au cœur de la zone de conflit, ont été redirigés ailleurs par Daech ou sont partis de leur propre chef, aggravant encore la menace, comme cela a été observé en Europe et en Asie du Sud-Est.  Daech, malgré ses pertes de territoires, aurait toujours accès à des réserves financières d’un montant de 50 à 300 millions de dollars.

La menace résiduelle posée par Daech en Iraq émane des restes locaux de l’organisation et des combattants qui franchissent la frontière avec la Syrie.  En Afrique, Daech constitue une menace pour la Libye et cible commissariats et installations pétrolières.  En Europe, le nombre de combattants terroristes étrangers qui sont revenus, au cours de la période considérée, est relativement faible.  Environ 1 000 combattants ont quitté les Balkans occidentaux pour se rendre dans la zone de conflit en Iraq et en Syrie.  Parmi eux, 100 auraient été tués et 300 seraient revenus.  En Afghanistan, Daech contrôlerait certains camps d’entraînement et aurait créé un réseau de cellules dans diverses villes, dont Kaboul.  Les responsables locaux entretiennent des contacts étroits avec la structure centrale en Syrie et en Iraq.

Face à cette menace, le Secrétaire général adjoint a parlé du Comité contre le terrorisme et de sa Direction exécutive.  Mon Bureau, a-t-il souligné, est un forum d’échanges de bonnes pratiques et d’expertise pour mieux coordonner la réponse aux besoins des États.  M. Voronkov a aussi rappelé le lancement par le Secrétaire général, en décembre 2018, du Pacte mondial de coordination contre le terrorisme, visant à renforcer l’initiative commune à l’échelle du système des Nations Unies.

Malgré les succès engrangés contre Daech et ses affiliés, la menace posée par le retour et la réinstallation des combattants terroristes étrangers, ainsi que par les personnes « inspirées » par eux, demeure élevée et a une portée mondiale, a affirmé M. Voronkov.  Enfin, le Secrétaire général adjoint a plaidé pour une coordination des efforts face à la menace éminemment « complexe » du terrorisme.

Mme MICHELE CONINSX, Cheffe de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, s’est également appuyée sur le huitième rapport du Secrétaire général sur « la menace que représente l’EIIL (Daech) pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à contrer cette menace ».

Malgré le rétrécissement des territoires qui offraient à Daech des ressources importantes et une base à partir de laquelle planifier et lancer des attaques, les défis demeurent nombreux et complexes, a prévenu la Directrice exécutive.  Les changements intervenus ont en effet forcé Daech à s’adapter et à se muer en un réseau plus concentré sur le niveau local comme c’est le cas en Iraq, en Syrie et ailleurs.  Mais Daech est toujours le groupe terroriste international le plus à même de lancer une attaque à grande échelle.  Ses plans pour compromettre les efforts de stabilisation et de reconstruction dans les zones de conflit et alimenter les tentions sectaires doivent rester une source de préoccupation. 

En Iraq et en Syrie, a poursuivi la Directrice exécutive, l’héritage destructeur de Daech subsiste comme en témoignent les millions de déplacés, les infrastructures endommagées et le tissu social déchiré.  Il faudra pour réparer ces torts, l’engagement et l’implication des acteurs locaux, nationaux, régionaux et internationaux, a-t-elle prévenu.  Pour faire avancer la justice et l’établissement des responsabilité, il est fondamental de collecter et de préserver les preuves, en recourant dans les zones à haut risque, à l’armée.  Les États, a suggéré la Directrice exécutive, devraient peut-être créer des organes spéciaux d’enquête et de poursuites pour appuyer les efforts de justice pénale.  Elle s’est d’ailleurs félicitée du travail de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes.

Elle s’est ensuite attardée sur la question de la détention, dans de nombreux États, d’un certain nombre de suspects et de terroristes, dont les combattants terroristes étrangers et leurs familles.  La Directrice exécutive a insisté sur la protection des droits de l’homme, appelant à la cohérence des programmes « poursuites, réadaptation et réinsertion (PPR) ».  Les poursuites, s’est-elle expliquée, doivent être envisagées à la lumière des objectifs de réadaptation et de réinsertion et les efforts de réadaptation, en prisons ou ailleurs, doivent être liés aux poursuites et à la réinsertion.  La Directrice exécutive a aussi prévenu que les groupes terroristes, y compris Daech et ses affiliés, n’ont cessé de prouver leur faculté à exploiter les nouvelles technologies et à rechercher des moyens novateurs de contourner les obstacles à leurs capacités financières, techniques et de recrutement.  La Directrice exécutive a cité l’autre source de préoccupation qu’est la fabrication et l’utilisation par ces groupes d’engins explosifs improvisés.

Elle s’est tout de même félicitée de quelques faits encourageants dont l’additif aux Principes directeurs de Madrid, adopté par le Comité contre le terrorisme le 27 décembre 2018.  Elle a aussi parlé d’un projet conjoint avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et le Bureau de lutte contre le terrorisme, sur le renforcement « ciblé » des capacités du personnel pénitentiaire et autres parties prenantes.  En outre, l’ONUDC, la Direction exécutive et l’Association internationale des procureurs et poursuivants ont travaillé à l’élaboration d’un guide pratique sur les demandes de preuves numériques entre États.  Enfin la Direction exécutive et le Bureau de lutte contre le terrorisme ont décidé de déployer régulièrement en Iraq un consultant qui contribuera au développement d’une stratégie globale et intégrée de lutte contre le terrorisme.

Nous devons, a conclu la Directrice exécutive, continuer à travailler ensemble, avec les États Membres, les organisations régionales et internationales, la société civile et le milieu universitaire pour se doter d’une approche holistique des circonstances que des groupes comme Daech exploitent.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) s’est félicité des victoires remportées sur plusieurs fronts contre Daech, y compris le financement de ses opérations terroristes et militaires.  La coalition, a-t-il dit, aide les forces de sécurité iraquiennes dans leur offensive et dans le déminage des territoires autrefois occupés par l’organisation terroriste.  Cependant, a mis en garde le représentant, il reste encore beaucoup à faire, Daech ayant varié ses modes opératoires et sévissant dans de nouveaux théâtres de conflit, comme en Afghanistan.  Il a appuyé les efforts de la Direction exécutive qui aide les États Membres à s’acquitter de leurs obligations en vertu des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment dans la mise en place des systèmes de dossiers passagers « particulièrement utiles » pour les gouvernements.  Le représentant a également encouragé ces derniers à faciliter la réinsertion des anciens combattants et à assurer le respect des droits de l’homme.  Nous ne pouvons pas ralentir nos efforts dans la lutte contre l’État islamique, a prévenu M. Cohen.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a reconnu la grave menace que représente le retour de combattants terroristes étrangers et de leurs familles, notant l’importance des directives pour détecter et empêcher les déplacements de terroristes.  Les systèmes nationaux de justice pénale doivent jouer un rôle important pour éviter notamment que les prisons se transforment en espaces de radicalisation, a dit le représentant avant de plaider pour que la lutte contre le terrorisme inclue la perspective genre et se préoccupe de l’impact du terrorisme sur les enfants.

Concernant le financement de l’État islamique, il a réitéré l’importance de disposer de systèmes de renseignement financier.  Il a également recommandé d’approfondir les connaissances sur la nature du financement du terrorisme.  Il faut, a-t-il ajouté, empêcher les groupes terroristes, en particulier Daech, de bénéficier du trafic de patrimoine culturel, conformément à la résolution 2347 (2017).  Enfin, il a demandé de faire en sorte que les crimes commis ne restent pas impunis, se désolant que, jusqu’à présent, aucun membre de Daech n’ait été poursuivi pour crime sexuel alors qu’on a constaté que la violence sexuelle était utilisée comme tactique terroriste.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a invité à « ne pas baisser la garde » face à Daech même s’il a perdu le contrôle de territoires, en rappelant les attaques odieuses qui ont frappé l’Afghanistan, le Kenya et les Philippines.  Il a invité les États Membres à accroître leurs efforts pour geler les avoirs des individus et entités inscrites sur les listes des sanctions frappant Daech et Al-Qaida.  Le délégué a indiqué que les femmes et enfants associés à des combattants terroristes étrangers qui sont de retour ou sont relocalisés doivent recevoir une « assistance spéciale ».

Le représentant a demandé d’appliquer l’additif aux Principes directeurs de Madrid pour bien mesurer les conséquences des activités terroristes sur les droits des enfants.  « Les enfants doivent être considérés comme des victimes.  Ils ont droit à une protection totale et les alternatives à leur détention doivent être privilégiées chaque fois que possible. »  Enfin, le délégué a appelé à des efforts accrus en vue de traduire en justice les éléments terroristes, saluant à ce titre les efforts de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris à son compte plusieurs évaluations figurant dans le rapport du Secrétaire général.  Une fois de plus, nous soulignons que toute interaction avec des individus ou des entités impliqués dans les agissements de Daech est contraire aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a-t-il déclaré.  Perdant du terrain, les militants de Daech s’efforcent aujourd’hui de nouer des synergies avec d’autres organisations terroristes, a observé le représentant.  Il a rappelé que la Russie contribue à la normalisation des relations entre la Syrie et l’Iraq, et qu’il importe de travailler en coopération avec les Gouvernements de ces deux États Membres.

Sa délégation s’est dite préoccupée par les problèmes persistants posés par le retour dans leur pays d’origine de combattants étrangers.  En outre, selon la Russie, les agissements de l’État islamique en Afghanistan démontrent que Daech dispose encore d’un pouvoir de nuisance.  Le représentant a également noté que, à l’automne dernier, les combattants terroristes de cette organisation se sont emparés de gisements en Syrie, dont ils ont tiré des revenus conséquents.  Les attaques de l’État islamique sont financées non seulement par la vente de minerais et d’hydrocarbures, mais aussi par les produits de la pêche, les jeux en ligne, les fraudes du commerce électronique, ou la contrefaçon, a souligné M. Nebenzia.  Ce groupe est constamment en quête de nouveaux moyens de financement, comme en Afghanistan, où il se livre à l’extraction minière, a-t-il insisté.  Il a souhaité attirer l’attention sur l’enquête menée par la Fédération de Russie dans le cadre du Groupe d’action financière (GAFI), redisant la volonté de Moscou d’un dialogue constructif avec toutes les parties intéressées. 

M. WU HAITAO (Chine) a déclaré que le terrorisme est « l’ennemi commun » de l’humanité et qu’aucun pays ne peut faire « cavalier seul ».  Les efforts contre ce fléau doivent s’inscrire dans la Charte des Nations Unies, dont le respect de la souveraineté nationale.  Le représentant a souligné l’importance qu’il y a à tarir les ressources financières des groupes terroristes et à renforcer les capacités des pays en développement.  Il a plaidé pour une bonne mise en œuvre de l’additif aux Principes directeurs de Madrid pour bien gérer le retour et la relocalisation des combattants terroristes étrangers.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a déclaré que la lutte contre Daech continue de constituer une priorité pour son pays, en raison des moyens d’action dont dispose toujours cette organisation.  Le représentant a rappelé que Londres avait invité la Direction exécutive du CTC à venir évaluer la situation au Royaume-Uni, le Gouvernement britannique espérant pouvoir partager ses pratiques optimales, tout en se disant disposé à tirer parti des leçons apprises d’autres États Membres.  Pour le représentant, il est nécessaire de redoubler d’efforts pour que la riposte soit à la hauteur des défis.

Il a ensuite dénoncé l’exploitation dont les femmes sont victimes pour mener des attaques, quand elles ne sont pas visées elles-mêmes par de telles attaques.  Sa délégation a toutefois souligné que les femmes sont aussi des partenaires clefs dans la mobilisation et dans l’élaboration des réponses.  Si les États Membres sont les premiers à devoir s’acquitter des obligations découlant des résolutions du Conseil de sécurité, il n’en reste pas moins que « nous devons travailler de concert pour parvenir à des résultats tangibles », a ajouté M. Allen en conclusion.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a constaté que, malgré la perte de son ancrage territorial, Daech demeure le groupe terroriste le plus ambitieux.  Il a appelé à la poursuite de l’action de la Coalition internationale contre Daech, en appui de la mise en œuvre de solutions politiques pluralistes et inclusives en Syrie et en Iraq, « seule réponse durable pour empêcher la réémergence de Daech sous d’autres formes ».  Les crimes commis par Daech doivent être réprimés, a-t-il réclamé, en plaidant notamment pour une coopération judiciaire internationale solide.  « La lutte contre le financement du terrorisme est une priorité de mon pays », a-t-il poursuivi, en ajoutant que la France a décidé de présenter un projet de résolution sur ce sujet.

Face au défi de la gestion du retour des combattants terroristes, M. Delattre a plaidé pour des mesures de détention, de prise en charge et de suivi des personnes à risque, « via un partage d’informations constant ».  Dans son dispositif national, la France met l’accent sur la prise en charge spécifique des enfants, notamment au niveau socio-psychologique et au niveau éducatif, pour favoriser leur réintégration.  Le représentant a aussi insisté sur l’importance de la prévention de l’utilisation d’Internet par les groupes terroristes.  « Nous comptons sur le Bureau de lutte contre le terrorisme et la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme pour continuer à porter, comme leurs mandats le prévoient, des questions plus transverses telles que le respect et la promotion des droits de l’homme ou la prise en compte de la dimension du genre. »

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a estimé que les situations en Iraq et en Syrie exigent de la vigilance.  Il a prôné une approche holistique contre les terroristes, prévoyant des mesures à la fois répressives et préventives.  Pour les combattants terroristes étrangers et leurs familles « rapatriés », les mesures judiciaires et pénales sont tout aussi importantes que celles pour la déradicalisation dans les prisons et la réinsertion.  Après avoir souligné le rôle que jouent les systèmes de renseignements préalables concernant les voyageurs, le représentant a rappelé qu’à l’automne dernier, les Pays-Bas ont mis le leur gratuitement à la disposition des États Membres de l’ONU.  Il s’est aussi félicité de l’initiative de la France de présenter une résolution sur la lutte contre le financement du terrorisme.  M. Schulz a soutenu le Groupe d’action financière qui définit les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a noté le nombre important de combattants terroristes étrangers qui quittent les zones de conflit, retournent chez eux ou sont libérés de prison.  Il a appelé à tarir les ressources financières de Daech, qui aurait toujours accès à des réserves financières d’un montant de 50 à 300 millions de dollars.  Nous devons également lutter contre la propagande terroriste, a-t-il affirmé, en appelant à la mise en œuvre des résolutions pertinentes.  Il a insisté sur la nécessité d’établir au mieux les responsabilités s’agissant des crimes commis par Daech, avant de louer les efforts de l’Iraq face à Daech.  Si la Coalition internationale a engrangé des succès contre Daech, ce dernier, qui est doté d’une structure de commandement centrale, demeure une menace pour la paix et la sécurité internationales, a conclu le délégué du Koweït.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a déclaré que l’ONU joue un rôle clef dans la coordination des efforts de la communauté internationale face à Daech.  Le délégué a plaidé pour une approche holistique contre le terrorisme, jugeant que les mesures de prévention sont tout aussi importantes que les mesures sécuritaires.  Il a appuyé l’additif aux Principes directeurs de Madrid et mentionné les efforts de son pays dans la lutte contre le financement du terrorisme.  Les mesures prises pour combattre la menace posée par Daech doivent respecter le droit international, a-t-il précisé.  Enfin, préoccupé par les activités des groupes terroristes en Afrique subsaharienne, ayant des liens avec Daech, M. Matjila a insisté sur les efforts menés pour que la « présence destructrice » de Daech ne s’enracine pas dans la région.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a estimé que, malgré les revers subis, Daech demeure une réelle menace à la paix et à la sécurité internationales, grâce à sa capacité d’adaptation, à l’attrait de la propagande terroriste et à sa forte réserve financière, d’un montant compris entre 50 et 300 millions de dollars américains.  Dans ce contexte, seule une approche holistique de la part de la communauté internationale permettra de relever les défis qui continuent de se poser, a préconisé le représentant.  Sur le plan national, les États doivent prévenir la radicalisation par l’amélioration de la coordination entre les services de renseignements et de répression.  Dans cette optique, a poursuivi M. Ipo, ils devront élaborer des stratégies en vue de la gestion et du contrôle des flux de combattants étrangers.  De même, le renforcement des mesures de sûreté aériennes s’avère indispensable, passant par une meilleure sensibilisation aux risques et par un partage des dossiers passagers.  En outre, des mécanismes de coopération solides entre secteurs public et privé doivent être mis en place en vue de lutter contre le financement du terrorisme.  S’agissant enfin du rôle de l’ONU, le représentant s’est félicité du travail accompli par le Comité contre le terrorisme et sa Direction exécutive, qui a permis d’aboutir à l’adoption, le 27 décembre 2018, des additifs aux Principes directeurs de Madrid de 2015 en vue d’aider les États Membres à faire face au retour et à la relocalisation des combattants terroristes étrangers et de leurs familles.  Il s’est aussi réjoui du lancement, le 6 décembre dernier, du Pacte mondial de coordination contre le terrorisme.

M. MARC PECSTEEN DE BUYRSWERVE (Belgique) a constaté que, bien que Daech, comme entité territoriale, ait été quasiment vaincu et se soit transformé en réseau international clandestin, son impact négatif sur la sécurité internationale reste substantiel, en attirant certains individus, y compris en Europe.  Dans ce contexte, la Belgique, a-t-il expliqué, a opté pour une approche holistique pour lutter contre la radicalisation, axée non seulement sur la répression mais aussi sur la prévention et la réintégration dans la société, et qui s’applique aussi aux combattants terroristes étrangers et leurs familles qui reviennent dans leur pays d’origine.  Parallèlement, Bruxelles reconnaît ses obligations internationales en matière humanitaire et de respect des droits de l’homme, a assuré la délégation, qui a souligné la priorité accordée par son pays au retour des enfants âgés de moins de 10 ans. 

M. Pecsteen de Buyrswerve a souligné que l’additif aux Principes directeurs de Madrid, récemment adopté, est très utile dans la mise en œuvre de la résolution 2396 (2017) du Conseil de sécurité.  Le représentant s’est dit ensuite très favorable à la nouvelle résolution sur le financement du terrorisme annoncée par la France, avant de rappeler que la promotion de la justice et la lutte contre l’impunité sont primordiales aux yeux de son gouvernement.  Il s’est dit toutefois préoccupé de constater qu’en dépit des preuves d’actes de violences sexuelles commis par Daech, aucune poursuite contre ces crimes n’a été ouverte jusqu’à présent.

M. JOSÉ MANUEL TRULLOLS (République dominicaine) a appelé à un renforcement de la coopération entre États face à Daech, dont il a noté la forte capacité d’adaptation.  Près des 20% des combattants terroristes étrangers seraient des femmes et des enfants, a-t-il dit, en notant le degré de coercition exercé sur ces femmes et ces enfants.  « Nous devons reconnaître cette situation et coopérer. »  Le représentant s’est félicité de l’adoption de l’additif aux Principes directeurs de Madrid, pour faire face au retour et à la relocalisation des combattants terroristes étrangers.  Enfin, il a appelé à tarir les ressources financières des groupes terroristes, en particulier la cybermonnaie, en plaidant, là encore, pour une coopération internationale efficace.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a attiré l’attention sur la menace posée par le terrorisme en Asie du Sud-Est.  En effet, « la défaite de Daech en Syrie a été suivie d’un transfert de ses activités dans notre région », a observé le représentant, en faisant état de propagande, de radicalisation et de recrutement.  Il s’est dit également préoccupé de l’accent mis sur les femmes et les enfants par les organisations terroristes, et du désœuvrement des candidats au départ pour la Syrie, qui n’ont pas pu quitter leur territoire national, et sont susceptibles à tout moment de se retourner contre leurs pays d’origine.

Compte tenu de la nature protéiforme et évolutive du défi terroriste, les États Membres doivent élaborer une approche innovante et concrète, a préconisé M. Djani, en mettant l’accent sur la coopération internationale.  À cet égard, la promotion du dialogue, de la tolérance et de la modération reste le meilleur moyen de mettre en échec la haine et d’éviter les conditions propices à l’expansion du terrorisme, a estimé la délégation.  Toutes les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme doivent l’être dans le respect du droit international humanitaire, des droits de l’homme et de la Charte des Nations Unies, a-t-elle ajouté.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est lui aussi félicité de l’adoption, en décembre 2018, par le Comité contre le terrorisme, de l’additif aux Principes directeurs de Madrid.  Il a souligné à cet égard l’importance de la formation et de l’assistance technique pour que les États soient en mesure de mettre en œuvre les 17 Principes, en particulier ceux relatifs aux contrôles aux frontières.  La lutte contre le financement du terrorisme constitue aussi un des outils stratégiques les plus importants dans lequel les États Membres doivent s’impliquer à l’avenir, a estimé le représentant.  En Afrique, Daech est surtout présent au Nord, en Afrique de l’Est et de l’Ouest.  Mais il est aussi nécessaire de recenser et de neutraliser les « loups solitaires », qui représentent une menace de plus en plus difficile à prévoir.  Il est fondamental que les efforts déployés s’accompagnent de mesures dans le domaine du développement durable, a dit le représentant, avant de réitérer la nécessité de fournir aux États Membres qui en ont besoin une assistance technique pour mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Comité spécial du maintien de la paix: sécurité et performance du personnel déployé sur le terrain au cœur des débats

Session de 2019,
258e & 259e séances plénières - matin & après-midi
AG/PK/234

Comité spécial du maintien de la paix: sécurité et performance du personnel déployé sur le terrain au cœur des débats

Au premier jour de la session de 2019 du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, la première depuis la mise en place de la nouvelle architecture de la paix des Nations Unies et de ses trois départements phares, les délégations se sont surtout attardées sur la sécurité et la performance des quelque 100 000 hommes et femmes déployés sous la bannière des Nations Unies dans les différentes zones de conflit.

Avant cela, elles ont salué l’initiative, une nouvelle fois, « Action pour le maintien de la paix » lancée en mars 2018 par le Secrétaire général et la « Déclaration d’engagements communs » qui a suivi, totalisant à ce jour 151 adhésions.  Les engagements portent sur sept domaines: promouvoir des solutions politiques aux conflits et amplifier les effets politiques du maintien de la paix; renforcer la protection assurée par les opérations de maintien de la paix; renforcer la sûreté et la sécurité du personnel de maintien de la paix; appuyer la bonne performance de toutes les composantes du maintien de la paix et le respect du principe de responsabilité; renforcer les effets du maintien de la paix sur la pérennisation de la paix; améliorer les partenariats relatifs au maintien de la paix; et renforcer la conduite des opérations et du personnel de maintien de la paix. 

Du côté de l’ONU, trois nouveaux Départements vont y contribuer, celui des opérations de paix, de l’appui opérationnel, et des stratégies et politiques de gestion et de la conformité.  Ces trois Départements, a indiqué le Sous-Secrétaire général à celui des opérations de paix, travaillent ensemble pour assurer coordination et appui aux missions sur le terrain.  Mon Département, a indiqué la Secrétaire générale adjointe aux stratégies et politiques de gestion et à la conformité, s’est fixé comme objectif de répondre aux exigences spécifiques de chaque mission et d’assurer le bien-être du personnel, en particulier dans les environnements à haut risque.  Le Comité spécial doit réfléchir aux moyens d’améliorer la sécurité du personnel, a pressé le Secrétaire général adjoint à l’appui opérationnel.

La sécurité du personnel a été particulièrement défendue par les pays contributeurs de troupes et de personnel de police.  Après la mort de 15 Casques bleus au Mali et à Abyei, pour lesquels le Comité spécial a observé une minute de silence, les délégations ont insisté sur des mandats, clairs, réalistes et réalisables dotés des moyens adéquats et sur une bonne formation du personnel des missions, comprenant, a précisé la Suisse, la collecte d’informations, une sensibilisation à la perception des troupes par les populations locales ainsi que des informations spécifiques à la région de déploiement.  L’Union européenne a conseillé un recours plus systématique aux technologies modernes et aux capacités de renseignement des opérations.  Beaucoup ont appelé à la pleine application des recommandations contenues dans le « rapport Cruz » et insisté sur des consultations entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les pays contributeurs de troupes, car comme l’a dit le Mouvement des pays non alignés, « les bottes qui parcourent le terrain sont les garants du succès et leur avis est nécessaire ». 

Le Mouvement a en effet réclamé un rôle plus actif dans l’élaboration des mandats, étant donné que les 10 premiers pays contributeurs de troupes et de personnel de police font partie de ses membres tout comme 19 des 20 premiers et 27 des 30 premiers.  À ce propos, il a estimé que toute restriction, notification, condition ou limite qui a un impact direct sur la mise en œuvre du mandat et la faculté du commandant de la force à déployer des Casques bleus doit entrer dans la catégorie des « réserves », lesquelles sont préjudiciables à la sûreté et à la sécurité du personnel de maintien de la paix. 

La question des « réserves » pose celle de la performance des missions, a estimé le Mouvement des pays non alignés.  Parler de performance opérationnelle, a professé la France, c’est parler de la qualité des hommes et des femmes déployés sur le terrain, mais aussi du principe de responsabilité et des moyens de la mesurer, et de l’amélioration de la planification intégrée et de la prise de décisions au sein des missions.  La résolution 2436 (2018) du Conseil de sécurité, ont ajouté les États-Unis, est claire sur le fait que la performance et la responsabilité des missions de la paix est la priorité.  La résolution appelle à un rapport transparent et en temps voulu au Conseil quand il y a des échecs, avec des informations sur les responsables de ces échecs et des mesures concrètes pour les surmonter.  Il faut une approche systémique, a tempéré le Mouvement des pays non alignés.  On ne saurait reprocher à un contingent de ne pas avoir les équipements nécessaires si l’ONU ne les a pas inclus dans la « Déclaration sur l’état des besoins par unité ».  De même qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir la formation nécessaire si les modules fournis par l’ONU n’en parlent pas. 

Au moment où le système international basé sur le droit est mis à rude épreuve, il est essentiel, a souligné le Royaume-Uni, que nous travaillions ensemble pour améliorer le maintien de la paix.  Cette année doit donc être celle de l’action: l’action qui équipe mieux les soldats de la paix pour remplir leur mandat; l’action qui soutient les transitions du maintien à la consolidation de la paix; et l’action qui protège les plus vulnérables du monde et restore la foi dans les Casques bleus comme symbole du meilleur que l’ONU peut apporter.  À ce propos, le Mali s’est élevé contre l’idée de réduire l’engagement sécuritaire de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) au profit du volet politique.  Le vide que cette mesure créerait présente le risque de remettre en cause les acquis fragiles du processus de paix.  « Les populations civiles des localités concernées auraient un sentiment d’abandon. »

En début de séance, le Comité spécial a réélu M. Tijjani Muhammad Bande, du Nigéria, à sa présidence et MM. Alejandro Verdier, de l’Argentine; Richard Arbeiter, du Canada; Hiroyuki Namazu, du Japon; et Mariusz Lewicki, de la Pologne; aux vices-présidences.  M. Tarek Mahfouz, de l’Égypte, assumera les fonctions de Rapporteur.

Le Comité spécial poursuivra son débat général demain, mardi 12 février, à partir de 10 heures.

DÉBAT GÉNÉRAL

Au nom de la Présidente de l’Assemblée générale, M. LANG YABOU, Vice-Président, a rappelé que par leurs actions, les soldats de la paix sauvent des vies, préviennent les conflits et encouragent le développement.  En soutenant la paix, ils contribuent à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il est donc essentiel, a-t-il souligné, que les mandats des opérations de maintien de la paix soient pratiques et bien financés et que les soldats de la paix soient correctement équipés.  Le Vice-Président a également insisté sur l’égalité des genres au sein des opérations, déplorant le fait que les femmes ne représentent pour l’instant que 5% des contingents.  Soulignant le principe de prévention des conflits, il a plaidé pour une collaboration plus étroite entre l’ONU et les acteurs régionaux, dont l’Union africaine.

M. ATUL KHARE, Secrétaire général adjoint à l’appui opérationnel, a mis en exergue l’impact des réformes du Secrétaire général sur la façon dont les trois Départements concernés par le maintien de la paix travaillent déjà.  Les réformes sont nécessaires en ce qu’elles rapprochent le processus de prise de décisions du terrain.  Le Département de l’appui opérationnel et le Département des stratégies et politiques de gestion et de la conformité s’engagent à apporter un appui plus spécialisé et plus intégré aux opérations de paix.  Des mécanismes d’intégration entre ces Départements et celui des opérations de paix sont prévus.  À l’ONU, le maintien de la paix, dont 90% du personnel civil et en uniforme est déployé sur le terrain, a fait ses preuves, a affirmé M. Khare.  À ce jour, les Nations Unies représentent la deuxième plus grande force déployée dans le monde avec un budget de seulement 0,5% des dépenses militaires mondiales.  M. Khare a insisté sur la sécurité des Casques bleus et a invité les membres du Comité spécial à se pencher sur cette question.

Mme JAN BEAGLE, Secrétaire générale adjointe aux stratégies et politiques de gestion et à la conformité, a expliqué que dans la nouvelle architecture de gestion, les différents pouvoirs qui, historiquement, étaient centralisés au Siège ou dans les bureaux centralisés, sont désormais délégués aux entités dans tout le Secrétariat lesquelles ont autorité sur les questions de financement, de recrutement, de gestion des propriétés et d’achat des biens et services.  Le chef de chaque entité peut déléguer son pouvoir et mettre ainsi un système où « les administrateurs administrent », grâce à des décisions plus proches de leurs cibles et dans un cadre très clair.  La réforme a comme fondamentaux la simplification, la transparence et la responsabilité.  Le Département est responsable, a expliqué la Secrétaire générale adjointe, des stratégies et politiques globales de gestion et réunit les différentes fonctions de contrôle et d’évaluation des performances et de conformité aux pouvoirs délégués.  Le Département, travaillera avec les Départements des opérations de paix et d’appui opérationnel pour autonomiser le leadership des missions et assurer les flux d’informations entre Siège et terrain pour apprendre et s’améliorer.  Le Département s’est fixé comme objectif de répondre aux exigences spécifiques de chaque mission et d’assurer le bien-être du personnel, en particulier dans les environnements à haut risque.

Le financement des opérations est crucial, a souligné la Secrétaire générale adjointe, promettant de travailler à des propositions financières stratégique, réaliste et fidèle à la réalité sur le terrain.  Le remboursement des pays contributeurs de troupes et de personnel de police demeure la priorité absolue du Secrétaire général, a-t-elle affirmé.  Quant à la question de la conduite et de la discipline, elle a indiqué que son Département est en train d’installer une « fonction » au sein du Bureau des ressources humaines pour se doter d’une approche intégrée, à l’échelle du Secrétariat et conforme aux normes de conduite des personnels civil et militaire.

Au nom du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. ALEXANDER ZOUEV, Sous-Secrétaire général à l’état de droit et aux institutions chargées de la sécurité, a estimé que la session du Comité spécial intervient à un moment « transformateur » pour le maintien de la paix et l’ONU dans son ensemble.  Nous sommes en train, s’est-il expliqué, de mettre pleinement en œuvre les réformes du Secrétaire général qui ont déjà commencé à porter des fruits.  Je vous parle, a précisé le Sous-Secrétaire général, au nom du nouveau « Département des opérations de paix », créé le 1er janvier dernier dans le cadre de la réforme de l’architecture « paix et sécurité ».  Les réformes du système de développement sont en bonne voie et les nouveaux coordonnateurs résidents « indépendants » commencent à assumer leur rôle sous la direction du Secrétaire général. 

Nous sommes aussi, a ajouté le Sous-Secrétaire général, en train de réformer en profondeur nos structures, processus et règles de gestion, lesquels devraient donner lieu à des missions plus efficaces ayant la pleine autorité de mettre en œuvre leur mandat.  Pour fournir un appui plus robuste aux missions, deux Départements entièrement nouveaux ont été créés au début de l’année, à savoir le Département des stratégies et politiques de gestion et de la conformité et le Département de l’appui opérationnel.  Ces deux Départements et celui des opérations de paix travaillent ensemble pour assurer coordination et appui aux opérations de maintien de la paix. 

Faire en sorte que l’instrument de multilatéralisme unique qu’est le Comité spécial réponde aux défis présents et futurs est exactement ce que vise l’initiative « Action pour le maintien de la paix », a souligné le Sous-Secrétaire général.  L’adhésion de 151 États à la Déclaration d’engagement commun de l’initiative est un témoignage clair de la volonté commune.  Mais l’avenir de la Déclaration et du maintien de la paix exigera de nous que nous ne revenions pas aux débats d’hier mais que nous prenions des engagements concrets, a conclu le Sous-Secrétaire général. 

Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. OMAR KADIRI (Maroc) s’est félicité de la réforme de l’architecture « paix et sécurité » et s’est dit confiant que les nouveaux arrangements élimineront les silos au sein du Secrétariat et amélioreront la performance générale des opérations de maintien de la paix.  Il a aussi salué l’initiative « Action pour le maintien de la paix », avant d’insister sur le fait qu’un rôle plus actif de son Mouvement dans les débats à venir est « nécessaire et légitime ».  Il a en effet rappelé quelques chiffres: tous les 10 premiers pays contributeurs de troupes et de personnel de police sont membres du Mouvement, 19 des 20 premiers et 27 des 30 premiers le sont aussi.  Ces chiffres, en a conclu le représentant, montrent clairement l’engagement du Mouvement en faveur des efforts de maintien de la paix de l’ONU.  Il est donc légitime de traduire cet engagement dans la formulation des politiques. 

Ces pays, a-t-il relevé, sont souvent appelés « pays contributeurs de troupes et de personnel de police » au lieu de « contributeurs financiers ».  Mais, a estimé le représentant, en y regardant de plus près, l’on voit que ces pays engagent des sommes énormes pour assurer des rotations tous les six mois, hisser leurs troupes aux normes de l’ONU et couvrir d’autres dépenses non remboursées.  Après avoir parlé de la question importante de la sécurité des Casques bleus, le représentant a estimé que toute restriction, notification, condition ou limite qui a un impact direct sur la mise en œuvre du mandat et la faculté du commandant de la force à déployer des Casques bleus doit être entrée dans la catégorie des « avertissements », lesquels, a-t-il souligné, sont préjudiciables à la sûreté et à la sécurité dans les opérations de maintien de la paix.  Qu’ils soient ou non déclarés, ces « avertissements » sont contraires au principe fondamental d’égalité et placent les soldats de la paix à des niveaux différents, tout en ajoutant un fardeau supplémentaire sur ceux qui ne font l’objet d’aucun avertissement. 

Le représentant est revenu sur 14 fondamentaux dont le fait que la création d’une opération de maintien de la paix ou le renouvèlement d’un mandat doit obéir strictement aux principes de consentement préalable des parties, d’impartialité et de non-recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat.  À ces principes, il a ajouté ceux d’égalité souveraine, d’indépendance politique, d’intégrité territoriale et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  Il a aussi appelé le Conseil de sécurité à rédiger des mandats clairs et réalisables, en consultation avec les pays contributeurs de troupes et de personnel de police, et les États concernés.  Les mandats doivent se fonder sur une évaluation objective et être dotés d’une bonne base politique et de ressources suffisantes.  Le représentant a rejeté l’idée de modifier les mandats sans en référer au préalable aux pays contributeurs de troupes et de personnel de police.  « Les bottes qui parcourent le terrain sont les garants du succès et leur avis est nécessaire. »

Le représentant a en effet insisté sur la pleine participation des pays contributeurs de troupes et de personnel de police à la formulation des politiques et à la prise de décisions.  Il a souligné la nécessité d’une coopération triangulaire entre ces États, le Secrétariat et le Conseil de sécurité.  Le maintien de la paix, a-t-il aussi estimé, ne devrait jamais être utilisé comme alternative pour traiter des causes sous-jacentes des conflits ni pour gérer les conflits.  La gestion des conflits doit être basée sur des outils politiques, sociaux et de développement pour assurer une transition sans heurt vers une paix, une sécurité et un développement durables.  Toute stratégie de sortie doit être agréée dès le tout premier stade de la planification d’une mission et être réexaminée régulièrement.  Le représentant a d’ailleurs jugé que le moment est venu de parler sérieusement de la dimension « protection des civils » que doivent assurer des Casques bleus dépourvus des ressources humaines, financières et logistiques nécessaires. 

Il a aussi plaidé pour un meilleur appui financier des Nations Unies aux opérations de paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité.  Il s’est félicité des mesures prises en ce sens, avant d’estimer que lorsqu’on parle de performance, il faut parler de celle d’une opération dans son ensemble et pas seulement de celle des contingents.  Il nous faut, s’est-il expliqué, une approche systémique.  On ne saurait reprocher à un contingent de ne pas avoir les équipements nécessaires si l’ONU ne les a pas inclus dans la « Déclaration sur l’état des besoins par unité ».  De même, on ne saurait reprocher à un contingent de ne pas avoir la formation nécessaire si les modules fournis par l’ONU n’en parlent pas.  Les « avertissements » sont aussi un sérieux obstacle à une juste évaluation des performances, a ajouté le représentant. 

Au nom de l’Association des nations de l’’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a estimé que face à l’augmentation du nombre des conflits dans le monde, il faut changer la manière dont les Nations Unies travaillent.  L’un des domaines identifiés par l’ASEAN, a-t-il dit, est celui de la sécurité du personnel déployé sur le terrain.  À cet égard, il a appuyé l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Les réformes du maintien de la paix doivent viser un plus grand impact politique des opérations.  Même la mission la mieux financée et la plus équipée ne saurait réussir sans que sa facilitation politique ne parvienne pas à la conclusion d’un accord sur une paix durable.  Le succès d’une mission, a poursuivi le représentant, dépend aussi de la quantité des ressources.  « On ne peut continuer à faire plus avec moins », s’est-il impatienté, en rappelant que l’un des premiers mandats du C34 en 1965 était précisément de trouver les moyens de surmonter les difficultés financières des opérations de maintien de la paix de l’époque.  Par conséquent, le représentant a exhorté tous les États Membres de l’ONU à honorer leurs obligations financières à temps et sans conditions.  La chose la plus importante, a-t-il conclu, c’est la mise en œuvre et donc la traduction des engagements en actes.  Aujourd’hui, plus de 4 500 policiers, conseillers militaires et soldats de l’ASEAN sont déployés dans 13 opérations de maintien de la paix, a rappelé le représentant, en assurant que son Association est prête à augmenter le nombre de femmes.  L’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Viet Nam travaillent avec le Secrétariat pour déployer des contingents spécialisés dans le cadre du nouveau modèle de génération des forces.  Le Cambodge, l’Indonésie, la Thaïlande et le Viet Nam vont aussi à tour de rôle organiser des formations au projet sur le partenariat triangulaire, a encore indiqué le représentant. 

Au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD (Canada) a rappelé que cette année, le Comité spécial va se pencher sur l’initiative « Action pour le maintien de la paix » que le CANZ a d’ores et déjà approuvée.  Le représentant a reconnu le rôle de chef de file que jouent les États africains, en fournissant le plus grand nombre de Casques bleus.  À cet effet, il a appuyé les progrès continus dans le renforcement des relations entre l’ONU et l’Union africaine et a encouragé les efforts visant à trouver des mécanismes de financement plus prévisibles, plus souples et plus durables pour les opérations menées par l’Union africaine.  Le représentant a aussi appuyé une culture bien ancrée d’évaluation des performances et de responsabilisation.  Le CANZ, a-t-il aussi souligné, s’est engagé à atteindre l’objectif de la résolution 2436 du Conseil de sécurité qui vise à doubler le nombre de femmes en uniforme -militaires et policières- au sein des opérations de maintien de la paix d’ici cinq ans.  La performance et les capacités opérationnelles ne peuvent s’améliorer sans des ressources adéquates, a reconnu le représentant.  Il a insisté sur la formation des Casques bleus et a, en l’occurrence, estimé que le mécanisme de coordination sera un instrument précieux pour mettre ensemble les différentes capacités des États.  Le représentant s’est félicité des réformes lancées jusqu’ici même s’il reste encore beaucoup à faire.  Cette session, a-t-il conclu, nous offre l’occasion d’apporter des changements réels et d’améliorer l’efficacité des opérations de maintien de la paix.  C’est l’objectif unificateur que nous devons garder à l’esprit au cours des prochaines semaines.

M. GUILLAUME DABOUIS, de l’Union européenne, a salué la réforme mise en œuvre au Secrétariat de l’ONU et l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Il a souligné l’importance indiscutable des solutions politiques aux conflits et de la priorité qui doit être accordée à la prévention.  Même l’opération la plus réussie ne peut remplacer le dialogue.  L’une des tâches essentielles des opérations est et reste d’appuyer les processus politiques, a insisté le représentant.  La prévention et la médiation doivent être la priorité.  Seule une approche intégrée peut conduire à une paix véritablement durable, a-t-il ajouté.  S’agissant de la sécurité des Casques bleus, le représentant a appelé à un recours plus systématique aux technologies modernes et aux capacités de renseignement des opérations.  Il a ensuite parlé des agendas « femmes, paix et sécurité » et « jeunes, paix et sécurité », de la protection des enfants, de la formation des Casques bleus et du renforcement des forces de police dans les opérations, avant de s’attarder sur la performance et la nécessité de doter les opérations de mandats clairs, cohérents et réalisables.  Après avoir soulevé la question de l’empreinte écologique des missions, le représentant a conclu sur la nécessité d’une utilisation efficace, responsable et transparente des ressources.  Il n’a pas manqué de se féliciter des efforts pour renforcer le partenariat entre l’Union européenne et les Nations Unies et de l’élargir à l’Union africaine.  Il a d’ailleurs réitéré ses appels à une meilleure définition du rôle des organisations régionales dans les interventions des Nations Unies. 

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a estimé que l’optimisation des opérations de maintien de la paix exige des réformes structurelles, le renforcement de la sécurité des soldats de la paix, l’amélioration des performances et la création de partenariats pour renforcer les capacités.  Le représentant a mis en garde contre toute différence entre doctrine et pratique.  Il n’y a pas de substitut à la compétence, a dit le représentant qui a appelé à un cadre d’évaluation des performances qui couvrirait toutes les parties prenantes et toutes les phases des opérations.  Il a jugé « injuste » l’impact que les « avertissements » peuvent avoir sur la performance puisque les soldats de la paix sont « placés différemment, traités différemment et notés différemment ».  Déclarés ou non, ces « avertissements » sont contraires au principe d’égalité et placent un fardeau supplémentaire sur les soldats de la paix.  Le représentant a donc appelé à une culture de « tolérance zéro » face à ces « avertissements ». 

Nous devons, a poursuivi le représentant, nous focaliser sur la disponibilité des ressources pour la mise en œuvre des mandats prioritaires.  Des soldats de la paix sous-financés vont avoir du mal à accomplir leur mandat, au risque de saper la crédibilité du maintien de la paix.  Il faut, a insisté le représentant, tenir dûment compte de l’avis des pays contributeurs de troupes et de personnel de police.  Les retards dans le remboursement de ces pays sont en effet une source de préoccupations.  Parfois, a-t-il noté, ces pays attendent des sommes équivalentes à 100 ou 200 fois le montant de leur contribution annuelle à l’ONU.  Ces mauvaises pratiques comptables peuvent être interprétées comme de la mauvaise foi, s’est impatienté le représentant. 

M. ALEJANDRO GUILLERMO VERDIER (Argentine) a exprimé l’intention de son pays de renforcer progressivement sa participation dans des domaines spécifiques des opérations de maintien de la paix.  Mais, a-t-il prévenu, on ne peut pas d’un côté demander à ces missions de faire toujours plus et geler ou réduire leurs ressources et leurs équipements.  Les opérations doivent avoir des mandats clairs et être mieux planifiées, en consultation avec les pays contributeurs de troupes.  Membre du Groupe informel pour la coordination des positions de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay et du Mexique (ABUM), l’Argentine, a assuré le représentant, continuera à proposer des réponses aux questions qui seront examinées dont la sécurité des personnels des opérations et le suivi d’« Action pour le maintien de la paix ».  Il a réitéré la nécessité de se doter d’une stratégie commune « claire » pour que les missions puissent s’acquitter de leurs mandats. 

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a plaidé pour une meilleure valorisation des activités de consolidation de la paix et pour des opérations de maintien de la paix plus fortes dont le rôle politique est souligné.  Le Mexique, a rappelé le représentant, a contribué à la création du guide sur les enfants soldats et depuis son retour, en 2015, dans la famille des contributeurs de troupes et de personnel de police, le Mexique a déployé 81 de ses ressortissants, dont 15% de femmes.  Le représentant a aussi appelé à des efforts pour renforcer la sécurité des soldats de la paix.  

Au cours de cette session de fond du C34, M. MAURO VIERA (Brésil) a estimé que les attaques contre les soldats de la paix mettent en lumière la nécessité urgente d’efforts coordonnés pour assurer la bonne formation, les bons équipements et le bon appui logistique aux Casques bleus.  Les troupes ne peuvent être déployées sans une formation adaptée à l’environnement dans lequel elles vont opérer, a insisté le représentant.  Dans ce cadre, il a appelé le Secrétariat à poursuivre la mise en œuvre du rapport Cruz sur la sécurité des Casques bleus.  Le Brésil, qui a de l’expérience en matière de formation, entend d’ailleurs poursuivre sa coopération avec le Secrétariat, le Japon, le Kenya et la Suisse.  Mais la formation n’est qu’un aspect de la question, a reconnu le représentant.  Les projets à impact rapide et les activités programmatiques peuvent générer l’appui qu’il faut aux composantes militaires et policières des missions.  Il faut aussi une perspective globale de l’évaluation des performances laquelle doit tenir compte des variables politiques, financières et opérationnelles.  Un des éléments importants du succès d’une opération est un mandat bien défini, réalisable et doté des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires.  Il est donc important, a estimé le représentant, que le Conseil de sécurité consulte les pays contributeurs de troupes et de personnel de police.

Le déploiement d’une opération est toujours une décision de dernier recours, a ajouté le représentant qui a dit privilégier la diplomatie préventive.  Les Nations Unies doivent, en coopération avec les organisations sous-régionales et régionales, trouver de meilleurs moyens d’anticiper et de traiter des menaces à la paix.  Une fois créée, une mission doit avoir une composante « paix et consolidation de la paix » forte.  En l’occurrence, le Conseil de sécurité devrait consulter plus souvent la Commission de consolidation de la paix.  Le représentant a d’ailleurs souhaité que le lien entre maintien et consolidation de la paix soit pleinement reconnu dans le rapport du C34.  Il a enfin demandé que le Programme « femmes, paix et sécurité » se traduise concrètement par une augmentation des effectifs féminins parmi les Casques bleus.

Plutôt que de traiter des vraies questions de la sécurité du personnel de maintien de la paix, comme la mise à disposition des ressources et des capacités, certains, a regretté Mme MALEEHA LODHI (Pakistan), préfèrent appuyer les opérations robustes, l’imposition de la paix ou les opérations antiterroristes menées par des Casques bleus.  Brouiller la ligne de démarcation entre maintien et imposition de la paix est risqué et peut avoir un impact sur la neutralité et la crédibilité des Nations Unies.  Personne ne peut soutenir une ONU « partie au conflit », a prévenu la représentante.  En tant que grand pays contributeur de troupes, le Pakistan, a dit la représentante, estime que les fondamentaux du maintien de la paix doivent être respectés même lorsqu’on les adapte aux réalités changeantes. 

Pour le Pakistan, les décisions concernant les déploiements doivent être fondées sur la consultation, la préparation et connaissance de la situation du terrain.  La coopération triangulaire est essentielle: les pays fournisseurs de contingents doivent être consultés.  De même, en ces temps de coupes budgétaires, nous devons reconnaître, a poursuivi la représentante, que les opérations de maintien de la paix sont rentables.  Il faut mettre en place des mécanismes équitables, réalistes et permanents pour examiner le coût des contingents et assurer des remboursements rapides aux pays fournisseurs.  Il faut évaluer les engagements déjà pris par ces pays fournisseurs et se concentrer sur les manques.  L’entretien du matériel et des troupes est une entreprise coûteuse pour les pays contributeurs surtout quand les mandats sont révisés et les ressources réduites.  De plus, s’il est acquis que la sécurité des forces de maintien de la paix incombe au pays hôte, il ne faut non plus que cela serve de prétexte pour limiter la liberté de mouvement ou pour imposer des restrictions qui empiéteraient sur la mise en œuvre du mandat.  « Faire plus avec moins » n’est pas viable.  Il est de mise de donner aux soldats de maintien de la paix les moyens de réaliser l’idéal auquel nous prétendons être attachés. 

Pour M. HIROYUKI NAMAZU (Japon), l’initiative « Action pour la paix » et la Déclaration d’engagements communs sont les pierres angulaires de la réforme que cette session doit promouvoir.  Il a axé son intervention sur les capacités médicales et d’ingénierie des missions, soulignant qu’elles ont un impact direct sur la sécurité des soldats de la paix.  Il a donc salué les efforts du Secrétariat pour renforcer les capacités des pays fournisseurs de contingents en termes de soins d’urgence, d’évacuations médicales et de facilités médicales.  Il s’est félicité des normes définies pour les hôpitaux de l’ONU et des efforts de formation du personnel médical grâce aux partenariats triangulaires.  Après avoir visité les opérations au Liban et au Soudan du Sud, le représentant a dit réaliser les besoins dans les domaines médical et de l’ingénierie.  Il a salué le nouveau cadre du partenariat triangulaire pour combler les écarts et l’élargissement géographique de la formation des ingénieurs.  Le Japon reste disposé à participer à ces efforts, notamment par des contributions financières et en déployant ses formateurs. 

M. HAITO WU (Chine) a insisté pour que les principes cardinaux des opérations soient respectés, dont le consentement du pays hôte et le recours à la force qu’en cas de légitime défense.  À son tour, le représentant a insisté sur l’aspect politique des opérations pour mettre fin aux conflits.  Il a aussi insisté sur la formation des soldats de la paix et leur bien-être dont le renforcement des capacités médicales.  De manière générale, a estimé le représentant, les opérations doivent travailler en collaboration avec les organisations régionales telles que l’Union africaine.  Il a rappelé que son pays est le second contributeur au budget des opérations de maintien de la paix et qu’il a déployé environ 8 000 personnes sur le terrain.  La Chine a aussi formé 200 soldats de la paix africains au cours de l’année écoulée.  Elle a mis en place un fonds de coopération pour la paix et la sécurité en faveur de l’Afrique et entend apporter son soutien à l’Union africaine. 

Mme ANNE GUEGUEN (France) a commencé par rendre hommage aux 15 Casques bleus qui ont récemment perdu la vie au Mali et à Abyei ainsi qu’aux 100 000 déployés actuellement.  En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, contributeur financier et contributeur en troupes dans les opérations de maintien de paix ou dans les opérations européennes et nationales, la France « est mobilisée pour l’amélioration du maintien de la paix ».  C’est pour cette raison qu’elle a soutenu l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et qu’elle a estimé qu’à présent, il faut passer des déclarations aux actes et s’inscrire résolument dans une logique de performance et dans un esprit de coopération et de solidarité.

Tout d’abord, a précisé la représentante, il faut œuvrer à la performance des missions.  La performance opérationnelle se mesure notamment par la qualité des hommes et des femmes déployés sur le terrain, a souligné Mme Gueguen, saluant au passage l’agenda « femmes, paix et sécurité » et en particulier la stratégie sur la parité des sexes.

Parler de performance suppose aussi le principe de responsabilité et les moyens de la mesurer, a-t-elle ajouté, invitant les États Membres à assurer le plus haut niveau de conduite et de discipline, afin d’assurer le respect des principes onusiens, notamment dans la lutte contre les abus sexuels.  Accroître la performance nécessite également l’amélioration de la planification intégrée et de la prise de décisions au sein des missions, a également souligné la représentante.  Elle a rappelé que dans l’esprit des réformes engagées par le Secrétaire général, les décisions doivent pouvoir être prises au plus près des acteurs en charge des opérations.  En effet, le nouvel environnement opérationnel et les menaces auxquelles font face les personnels des missions nécessitent plus que jamais l’anticipation et la prise de décisions très courte.  Or, force est de constater aujourd’hui, que l’architecture de commandement et de contrôle n’est plus adaptée aux besoins des missions, a-t-elle regretté en espérant que les négociations à venir permettront de faire des progrès sur ce plan.

Enfin, améliorer la performance, c’est donner aux opérations de maintien de la paix des mandats adaptés et des moyens appropriés, a-t-elle conclu tout en reconnaissant que le Comité spécial n’est pas le lieu pour discuter de ces deux aspects.  Mme Gueguen a également plaidé pour la coopération entre l’ensemble des parties prenantes aux missions pour assurer leur succès et les inscrire dans une perspective de paix durable.  Elle a aussi plaidé pour la solidarité entre États Membres et en particulier avec les États pourvoyeurs de soldats et de policiers pour renforcer leurs capacités.  La France milite aussi pour que la dimension francophone dans les opérations de maintien de la paix soit mieux prise en compte notamment à travers le recrutement de personnels francophones pour les postes opérationnels comme pour les fonctions de soutien.

Mme MONA JUUL (Norvège) a annoncé qu’au mois de mai, son pays va déployer pour six mois un avion de transport des troupes, se réjouissant que le concept multinational de rotation de son pays ait servi de modèle pour la génération des forces.  La représentante s’est en effet félicitée de la restructuration du pilier « paix et sécurité » et s’est dite convaincue que le système global d’évaluation de la performance renforcera l’efficacité des missions.  Elle a ensuite insisté sur la parité parmi le personnel en uniforme, « une priorité » pour la Norvège.  Insistant également sur la mise en œuvre du rapport Cruz, la représentante a plaidé pour le renforcement du personnel de police, compte tenu de la menace terroriste sur le terrain.  Elle a conclu en confirmant l’appui de son pays au partenariat entre l’ONU et l’Union européenne. 

M. NIRMAL RAJ KAFLE (Népal) a rappelé que son pays est le cinquième plus important contributeur de troupes et de personnel de police, avec 6 098 personnes dans 11 opérations et 3 missions politiques spéciales.  Il s’est élevé contre les « avertissements », estimant qu’ils compromettent la performance des soldats de la paix.  Il a souligné l’importance des mandats réalistes et réalisables, avec une stratégie de sortie claire et des ressources adéquates.  Il a aussi appelé à un dialogue soutenu entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de personnel de police.  Il a insisté sur la formation, fier que son pays abrite le Centre d’excellence, le plus ancien de sa région.  Le représentant a aussi argué que les femmes peuvent être des agents de changement au sein des opérations, car elles apportent une perspective globale et innovante.  Leur leadership dans la prévention des conflits, leur engagement dans les négociations de paix et leur protection compatissante des civils ne sont plus à prouver.  C’est la raison pour laquelle le Népal a déployé parmi ses contingents plus de 15% d’observatrices militaires et plus de 20% de femmes officiers de police hors contingent. 

M. SAPENAFA KESONI MOTUFAGA (Fidji), a rappelé que son pays participe aux opérations de paix depuis 40 ans.  Une mission de paix a pour objectif de créer un espace favorable aux solutions politiques, a-t-il rappelé.  Si les soldats de la paix ne sont pas à la hauteur des attentes, c’est un rendez-vous manqué.  En tant que pays de contributeur de troupes, il est de notre devoir d’améliorer la performance de nos soldats et de respecter les normes les plus élevées.  Nous savons, a dit le représentant, que quand les communautés ont de bons rapports avec les Casques bleus, les perspectives de dialogue et de réconciliation nationale s’ouvrent.  C’est la raison pour laquelle les femmes sont une part cruciale du maintien de la paix.  Soulignant le travail ardu des Casques bleus, le représentant a indiqué que son pays travaille avec tous ses partenaires bilatéraux pour renforcer la performance globale de ses contingents. 

Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA (Philippines) a estimé que l’évaluation des performances doit se fonder sur la protection des civils, celle des enfants et la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels.  Elle a réitéré son appui aux plateformes intergouvernementales qui permettent aux États Membres d’apprendre les uns des autres.  Elle a soutenu la collaboration de l’ONU avec les organisations régionales, en attirant l’attention sur les contributions croissantes de l’ASEAN et de l’Union africaine.  La représentante a aussi appuyé les appels à investir dans les solutions politiques aux conflits que les opérations de maintien de la paix doivent renforcer et non remplacer. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a souhaité un renforcement de la relation triangulaire entre les pays contributeurs de troupes, le Conseil de sécurité et le Secrétariat lors de l’élaboration des mandats.  Les soldats de la paix doivent se voir assignés un mandat clair, réaliste et faisables, adapté à leurs capacités et aux réalités du terrain.  Le maintien de la paix doit être considéré comme un facteur facilitant la recherche d’une solution politique à un conflit, non pas comme une panacée pour tous les défis, a dit le délégué qui a plaidé pour une meilleure sécurité des soldats de la paix.  Les défis excédant la capacité des missions, comme ceux découlant du terrorisme et des acteurs non étatiques, doivent être réglés par d’autres moyens, pour protéger la crédibilité et la sécurité des Casques bleus.  S’il s’est dit en faveur d’une « culture de la performance », le délégué a tenu à rappeler les liens entre ladite performance et la mise à disposition des ressources et d’éléments habilitants suffisants.  Il a appuyé la politique de tolérance zéro contre l’exploitation et les abus sexuels, souhaité un nombre accru de Casques bleus femmes et estimé que l’utilisation de drones ne doit pas soulever des problèmes au regard de la souveraineté du pays hôte. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a jugé important que les soldats de la paix soient dotés des outils adéquats pour se protéger, indiquant que son pays a dispensé à des troupes au Burkina Faso une formation contre les engins explosifs improvisés avant leur déploiement au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).  L’Irlande organisera également cette année une formation sur le traitement des traumatismes.  La rentabilité n’est pas forcément synonyme d’efficacité opérationnelle.  « Sauver des vies doit toujours être plus important que faire des économies », a souligné la représentante qui a insisté sur l’urgence de remédier au défi pressant du financement des opérations de paix de l’Union africaine.  Elle a regretté que les efforts des membres africains du Conseil de sécurité n’aient pas encore porté leurs fruits, « comme cela aurait dû être le cas ».  Elle a résolument appuyé les efforts du Secrétaire général visant à accroître le nombre de femmes dans les opérations de maintien de la paix. 

M. JORGE SKINNER-KLEE ARENALES (Guatemala) a salué la réforme du pilier « paix et sécurité » et a souscrit à l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Il a demandé au Secrétariat d’en assurer le suivi et d’en rendre compte aux États Membres et toutes les parties prenantes, en particulier les pays contributeurs de contingents.  Il a condamné dans les termes les plus fermes les attaques contre le personnel de maintien de la paix et a exhorté les pays où se déroulent ces attaques à lancer des enquêtes et à traduire les responsables en justice.  Le Secrétariat devrait également garantir les moyens d’assurer la sécurité physique des bases opérationnelles, a ajouté le représentant dont le pays insiste aussi sur l’accès aux facilités et personnels médicaux dans toutes les zones où sont déployées des missions.  Le représentant a également exhorté le personnel au plus haut niveau de professionnalisme, avant d’exiger, à son tour, des mandats clairs et réalisables prévoyant une formation adéquate du personnel et des ressources financières adéquates.

M. MBAMBO (Afrique du Sud) a plaidé pour un financement pérenne, prévisible et flexible des opérations de paix dirigées par l’Union africaine.  Les contributions volontaires constituent le mode de financement le plus pertinent, a-t-il estimé, en ajoutant que ces contributions doivent se faire « au cas et pas cas », sur la base d’une évaluation commune entre l’ONU et l’UA.  « Nous espérons que cette question critique recevra une attention prioritaire et bénéficiera d’un élan renouvelé en 2019, après les négociations approfondies de 2018 ».  Il a plaidé pour des consultations plus poussées entre les délégations porte-plumes au Conseil de sécurité des mandats des missions et les acteurs responsables de leur application.  Les mandats doivent être plus réalistes, mieux adaptés aux réalités et plus flexibles.  Le représentant a plaidé pour une participation accrue des femmes au sein des opérations de maintien de la paix, la présence de ces dernières étant de nature à encourager des victimes à porter plainte, y compris pour des faits de violence sexuelle.  Mon pays a pris des mesures draconiennes contre les individus coupables d’atteintes et d’exploitation sexuelle au sein des missions de paix, a-t-il affirmé.  « Un point focal « Paternité » contenant l’ADN de chaque soldat en voie de déploiement a ainsi été créé. »

M. HAM SANG-WOOK (République de Corée) a mis en exergue trois domaines sur lesquels le Comité spécial devrait se pencher cette année à commencer par la mise en œuvre de l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Le Comité devrait faire fond sur la prochaine conférence ministérielle sur le maintien de la paix pour mobiliser un soutien tangible aux Casques bleus, en particulier ceux déployés dans des environnements volatiles et à haut risque.  En tant que coprésident du Groupe des Amis des opérations de paix, la République de Corée continuera de travailler avec le Secrétariat et les États Membres pour maintenir l’élan politique en faveur de l’initiative.  Le représentant a ensuite mis l’accent sur la nécessité d’améliorer la sûreté et la sécurité des Casques bleus, ce qui passe par une meilleure formation et l’accès à de bons équipements, aux médicaux et aux nouvelles technologies.  Il a rappelé que son pays avait accueilli la formation des formateurs des contingents l’an dernier.

Constatant le rôle de plus en plus marqué des organisations régionales et sous-régionales, le représentant a souligné l’action de l’Union africaine et a appelé les Nations Unies à lui fournir un soutien politique, logistique et financier, sur la base d’une division claire de leurs activités respectives.  À ce titre, il a jugé importante la coopération avec l’Union africaine notamment pour ce qui est de la définition des mandats sur la base d’évaluations conjointes.  Il a plaidé à son tour en faveur d’un financement prévisible et flexible des opérations africaines.

Mme CHRISTINE RENEE BAILEY (Jamaïque) a plaidé pour la stabilisation d’Haïti et des institutions démocratiques.  La tenue des élections à la fin de 2019 sera un moment critique, a noté la représentante qui a aussi appelé toutes les parties prenantes à apporter une assistance électorale à Haïti.  Maintenant que la fin du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) est fixée au 15 avril prochain, il est impératif que la planification de la transition tienne compte de la réalité du terrain.  La représentante a insisté pour le remboursement en temps des pays contributeurs de troupes et de personnel de police.  Elle a soutenu, à son tour, la participation active des femmes dans la prévention et le règlement des conflits, et le maintien et la consolidation de la paix.  Elle a aussi parlé de la sécurité des Casques bleus, arguant qu’en la matière leur formation est cruciale. 

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a rappelé que son pays a déployé plus de 45 000 soldats de la paix depuis son entrée aux Nations Unies.  Il a soutenu l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et a espéré que le rapport du Comité spécial reprendra les engagements pris dans ce contexte et comprendra des recommandations pour faciliter la mise en œuvre des engagements pris par les États Membres.  S’agissant de la sécurité des Casques bleus, un an après la publication du rapport Cruz, le représentant a salué les efforts importants des États Membres de l’ONU et les a encouragés à mettre en œuvre toutes les recommandations du rapport.  L’Uruguay, a-t-il dit, attache une attention particulière à la question des « avertissements », qu’ils soient déclarés ou pas, car ils peuvent avoir une incidence sur la sécurité du personnel.  Le représentant a également pris acte du cadre intégré pour l’évaluation de la performance.  La conférence ministérielle sur le maintien de la paix, qui aura lieu en mars au Secrétariat offre, a-t-il estimé, une plateforme pour débattre au plus haut niveau des questions prioritaires et des défis ainsi que de la mise en œuvre d’« Action pour le maintien de la paix ».  Le Comité spécial devra tirer parti des résultats obtenus.

M. ALEXANDRE PERREN (Suisse) a salué l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et sa Déclaration d’engagements communs adoptée par plus de 150 États Membres, qui donnent « un signal fort pour des opérations de paix adaptées aux défis politiques et opérationnels d’aujourd’hui et de demain ».  Voulant souligner quatre éléments importants, le délégué a tout d’abord mis l’accent sur l’importance de la prévention des conflits et de la pérennisation de la paix.  La Suisse est en effet convaincue que « les opérations de paix multidimensionnelles sont un instrument crucial pour prévenir l’éclatement, l’escalade, la persistance et la récurrence des conflits ».  Le délégué a estimé que les réformes, avec le nouveau département, permettront aux opérations de paix de mieux contribuer à la prévention des conflits, à l’élaboration de solutions politiques et à l’établissement d’une paix pérenne.

Considérant, en deuxième lieu, que l’un des plus grands défis des opérations de paix aujourd’hui reste la sûreté et la sécurité des personnels militaires, policiers et civils déployés, le représentant a dit qu’il est « de notre responsabilité de continuer à prendre les mesures appropriées afin d’atténuer au maximum les risques encourus par le personnel déployé ».  Parmi ces mesures, il a cité avant tout l’amélioration de la formation prédéploiement dans le domaine des risques sécuritaires.  Des éléments tels que la collecte d’informations, une sensibilisation à la perception des troupes par les populations locales ainsi que des informations spécifiques à la région de déploiement devraient systématiquement faire partie de ces formations, a-t-il recommandé.

En troisième lieu, le représentant a fait remarquer qu’une paix durable ne peut être garantie que par le développement et le renforcement des capacités régionales et locales.  La Suisse investit ainsi dans la coopération avec les organisations régionales telles que l’Union africaine.  Elle a notamment soutenu la composante civile de l’École de maintien de la paix de Bamako dans l’élaboration d’un cours de médiation.  Enfin, la Suisse encourage le Secrétariat à continuer à mettre en œuvre des mesures visant à atteindre une meilleure représentation des femmes dans tous les domaines des opérations de paix et particulièrement aux postes à responsabilité, et à ne pas relâcher les efforts dans la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels. 

M. LAZARUS OMBAI AMAYO (Kenya) a déclaré qu’en dépit du travail remarquable des opérations sous conduite de l’Union africaine, celles-ci n’en sont pas moins insuffisamment financées.  La Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) livre un combat depuis 10 ans contre l’organisation terroriste Al-Shabaab, mais avec des contraintes logistiques, dont un manque cruel de multiplicateurs de force.  S’il a dit apprécier le partenariat stratégique entre l’ONU et l’Union africaine, il a toutefois jugé nécessaire d’en faire plus pour la Somalie, où Al-Shabaab est encore actif et constitue une source d’insécurité à la fois dans le pays et dans la sous-région.  La récente attaque perpétrée contre le camp de l’Armée nationale somalienne à Jilib, ainsi que d’autres incidents contre les troupes de l’AMISOM en Somalie et l’attaque terroriste à Nairobi sont une indication claire que l’organisation conserve sa force de nuisance, a mis en garde M. Amayo.  Ce que fait cette Mission en Somalie, elle le fait au nom du Conseil de sécurité, a-t-il martelé, et, en tant que tel, elle devrait être financée à partir du budget de l’Organisation.  Après avoir appelé le Conseil à travailler en étroite coopération avec les organisations régionales et les pays contributeurs de troupes et de personnel de police au moment de l’élaboration des mandats pour garantir une inclusivité politique et stratégique, le représentant a condamné toutes les formes de harcèlement et d’exploitation sexuels commis par les Casques bleus.  Aussi, a-t-il soutenu l’appel lancé aux pays fournisseurs de contingents pour qu’ils mènent des enquêtes rigoureuses et prennent les mesures qui s’imposent en cas de culpabilité avérée. 

Mme ELAINE FRENCH (États-Unis) a estimé que les opérations de maintien de la paix doivent: soutenir les solutions politiques; avoir la coopération du pays hôte; avoir des mandats réalistes et réalisables; avoir une stratégie de sortie; et s’ajuster aux progrès et aux échecs.  Même si les missions sont de plus en plus efficaces, des choses doivent être faites pour assurer la sécurité des soldats de la paix, mieux protéger les civils, et préparer le terrain politique de la transition et éventuellement la fermeture de la mission.  Les États-Unis rappellent, a insisté la représentante, que la résolution 2436 (2018) du Conseil de sécurité est claire sur le fait que la performance et la responsabilité des missions de la paix est la priorité.  La résolution appelle à un rapport transparent et en temps voulu au Conseil quand il y a des échecs, avec des informations sur les responsables de ces échecs et des mesures concrètes pour les surmonter.  La résolution 2436 (2018) est bâtie à partir du travail que le Comité spécial a effectué l’année dernière.  Elle va faire la différence dans la capacité des soldats de la paix à mettre effectivement en œuvre les mandats.

La représentante a aussi jugé utile de mieux intégrer la police dans tous les aspects de la planification d’une mission et de veiller à ce que la Division de la police de l’ONU ait les capacités nécessaires pour évaluer, planifier, déployer, gérer et soutenir les missions.  Elle a fermement soutenu une participation plus active des femmes et a affirmé que son pays partagera le fardeau des missions mais continuer d’appeler à des réformes pour un « meilleur retour sur investissement ». 

Mme French a salué le rôle des troupes africaines.  Dès 2005, les États-Unis ont promis la somme d’1,5 milliard de dollars pour le renforcement des capacités des pays qui ont déployé du personnel dans les opérations de paix régionales, notamment en Afrique.  En 2018, les États-Unis ont soutenu la formation de militaires et policiers devant être déployés en République centrafricaine, au Mali, en République démocratique du Congo, au Darfour, à Abyei et au Soudan du Sud.  « Personne ne devrait hésiter à faire sa part pour rendre le maintien de la paix aussi efficace que possible », a conclu la déléguée. 

M. CHUMPHOT NURAKKATE (Thaïlande) a indiqué que les soldats de la paix doivent bénéficier des capacités nécessaires pour s’acquitter de leur mandat.  « Le fossé qui existe entre ce qui est demandé aux opérations et ce qu’elles peuvent accomplir doit être comblé. »  Mon pays, a dit le représentant, fait en sorte que les soldats de la paix thaïlandais soient dûment préparés, formés et équipés pour répondre aux défis sur le terrain.  Il a également affirmé que son pays souhaite devenir un pôle d’excellence sur la question des enfants dans les conflits armés.  Il a voulu que l’on voit les opérations comme des éléments encourageant un processus de paix, en étroite coordination avec les agences de développement sur le terrain, et sur la base des principes d’appropriation nationale et de responsabilité publique. 

Mme RAZIYE BILGE KOÇYIĞIT GRBA (Turquie) a demandé au Comité spécial de mettre l’accent sur trois aspects: faire que les missions de maintien de la paix soient plus sûres et plus solides; veiller à ce que les attentes placées en elles soient réalistes; et mobiliser un plus grand soutien à des solutions politiques et à des forces mieux structurées, mieux équipées et entraînées.  Dans le contexte d’insécurité, les missions doivent pouvoir améliorer leur connaissance du terrain et partager les informations, grâce à des systèmes d’alerte précoce.  La représentante a relevé que le Centre de formation à la paix et au partenariat d’Ankara continue d’accueillir des réunions de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et des membres de l’ONU.  La Turquie espère comme d’autres voir plus de femmes participer aux opérations. 

Pour M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) cette réunion se tient à un moment où le maintien de la paix est confronté à de nombreux défis à commencer par des environnements opérationnels non traditionnels.  Il a salué les analyses et recommandations des différents rapports et a souscrit à l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Le représentant a appelé à une meilleure planification et à de meilleures capacités en matière d’ingénierie, de déploiement rapide et d’accès aux soins médicaux adéquats.  En tant que pays contributeur de contingents, l’Égypte a tenu une conférence internationale de haut niveau sur l’évaluation de la performance, l’an dernier.  Cette conférence a eu des résultats positifs, a indiqué le représentant, notamment la « Feuille de route du Caire » qui prévoit un cadre de mise en œuvre « équilibrée » des engagements pris dans le contexte de l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Cette « Feuille de route » encourage notamment des mandats aux priorités claires et l’établissement des responsabilités des soldats de la paix qui ne s’acquitteraient pas au mieux de leur mission.  La « Feuille de route » insiste sur la nécessité d’assurer des formations adéquates.

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a indiqué que la mise en œuvre effective du mandat des missions de maintien de la paix relève de la responsabilité collective mais différenciée du Conseil de sécurité, du Secrétariat, des contributeurs financiers et de matériels, des contributeurs de troupes et de ressources humaines et des pays hôtes.  Le Mali appelle à des concertations régulières entre toutes ces parties.  Mon pays, a rappelé le représentant, est l’hôte d’une mission depuis 2013.  Il a salué les efforts immenses déployés de la « Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) » et avoué que « c’est avec beaucoup de peine que le pays assiste aux attaques meurtrières contre les forces internationales et nationales ».  Le représentant a dit avoir « une pensée particulière émue » pour les soldats tchadiens et sri lankais tombés au champ d’honneur en janvier dernier.  Il a plaidé pour la dotation de la MINUSMA en équipements adéquats et pour l’adaptation de ses règles d’engagement, y compris une posture « proactive et robuste » pour anticiper les attaques, sans pour autant porter atteinte à la doctrine et au principe de base des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. 

M. Konfourou s’est élevé contre l’idée de réduire l’engagement sécuritaire de la MINUSMA au profit du volet politique.  Le vide que cette mesure créerait présente le risque de remettre en cause les acquis fragiles du processus de paix.  Les populations civiles des localités concernées auraient un sentiment d’abandon.  Le représentant s’est félicité de la signature, en décembre 2017, de l’accord technique entre l’ONU, l’Union européenne et les États membres du G5 Sahel, en vue de fournir, par l’intermédiaire de la MINUSMA, un appui opérationnel et logistique à la Force conjointe du G5 Sahel. 

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a salué la réforme du pilier « paix et sécurité » et l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Il a dit tenir à ce que toutes les opérations respectent les principes et objectifs établis, dont le consentement préalable des parties et l’impartialité.  Leur efficacité dépend du soutien politique dont elles bénéficient ainsi que du caractère réaliste et clair des mandats qui doivent être assortis de moyens adéquats.  En tant que pays fournisseurs de contingents, El Salvador dénonce les atteintes à la sécurité du personnel.  Sa formation permanente est fondamentale pour qu’il puisse correctement s’acquitter des tâches qui lui incombent.  El Salvador a d’ailleurs élaboré un test à l’intention de ses policiers.  Le représentant a également réitéré l’engagement de son pays à favoriser la participation des femmes au maintien de la paix, même s’il n’y a que 10 femmes parmi les 276 Salvadoriens déployées.  Il n’a pas oublié, avant de conclure, de dénoncer les retards dans le remboursement des pays contributeurs de troupes.

Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) a souligné la nécessité pour les soldats de la paix de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les civils sur lesquels pèse une menace imminente.  Les opérations doivent jouer un rôle accru dans la protection des centres et du personnel médical et dans l’accès aux soins médicaux.  Elle a salué l’inclusion d’aspects relatifs à la consolidation de la paix dans les mandats des missions permettant de contribuer ainsi à une paix plus pérenne.  Elle a souhaité des procédures de déploiement transparentes et claires.  Les entorses à ces procédures, qui sont dissimulées aux structures de commandement sur le terrain, mettent les soldats de la paix en danger.  La déléguée a aussi souhaité que les procédures encadrant le recours à l’aviation militaire soient revues, aux mêmes fins de sécurité accrue pour les soldats de la paix.  Enfin, elle a souhaité la création d’un poste permanent de « conseiller genre » dans toutes les opérations de maintien de la paix et même ici au Siège à New York. 

M. MOHAMMAD REZA SAHRAEI (Iran) a demandé le respect des principes régissant les opérations de maintien de la paix.  Il s’est félicité de l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et estimé que la protection des civils relève de la responsabilité première des pays hôtes.  Toute intervention de l’ONU ou de forces étrangères doit être évitée.  De même, le recours à la technologie et aux renseignements doit certes servir à assurer la sécurité du personnel mais il faut d’abord bien définir leur cadre d’utilisation.  À son tour, le représentant a plaidé pour que les pays contributeurs de troupes et de personnel de police soient impliqués dans toutes les étapes de la planification et la mise en œuvre des mandats.  Il a exprimé la disposition de son gouvernement à accroître sa contribution aux opérations de la paix, tant sur le plan militaire que politique. 

Pour M. KRAVETS (Ukraine), malgré les critiques justifiées à l’encontre des Nations Unies, il n’existe pas d’autres outils que les opérations de paix pour répondre aux défis contemporains.  Il a appuyé « Action pour le maintien de la paix » et souhaité voir l’engagement collectif renforcé.  Il a souligné le rôle du Secrétaire général pour donner au Conseil de sécurité des orientations claires pour des missions « audacieuses ».  Précisant que l’Ukraine a toujours défendu la paix et qu’elle continuera à participer aux opérations de l’ONU, le représentant a tout de même dénoncé l’incapacité de l’Organisation de venir à bout du conflit qui ravage son pays et d’obtenir de la Fédération de Russie qu’elle mette fin à son occupation.  Ce pays, a-t-il accusé, poursuit sa politique d’agression.  Il a d’ailleurs appelé les États Membres au débat que l’Assemblée générale a prévu sur la situation dans les territoires occupés de l’Ukraine, la semaine prochaine.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a estimé que l’initiative « Action pour le maintien de la paix » a « galvanisé » la communauté internationale et l’a obligée à prendre l’engagement de rechercher l’excellence.  Il a appelé tous les membres du Comité spécial à se focaliser sur des recommandations pratiques pour mettre en œuvre de cette initiative.  Il a aussi rappelé que la résolution 2436 (2018) du Conseil de sécurité représente une étape cruciale en faveur de la sécurité des soldats de la paix.  Ce texte doit servir de base aux efforts visant à renforcer la performance et améliorer la sécurité dans les missions de paix, au même titre que le Plan d’action découlant du rapport Cruz.  Le représentant a dit souhaiter une feuille de route « claire » qui précise comment les mesures vont être appliquées, y compris la pleine mise en œuvre d’un cadre de performance intégrée.  La performance, a insisté le représentant, est inextricablement liée à la formation avant et pendant la mission. 

Le temps et l’histoire ont démontré que les soldats de la paix ne peuvent créer la paix sans une volonté politique chez les parties, a poursuivi le représentant.  Au moment où le système international basé sur le droit est mis à rude épreuve, il est essentiel que nous travaillions ensemble pour améliorer le maintien de la paix, a-t-il encouragé.  Cette année doit donc être celle de l’action: l’action qui équipe mieux les soldats de la paix pour remplir leur mandat; l’action qui soutient les transitions du maintien à la consolidation de la paix; et l’action qui protège les plus vulnérables du monde et restore la foi dans les Casques bleus comme symbole du meilleur que l’ONU peut apporter. 

M. LOT THAUZENI PANSIPADANA DZONZI (Malawi) a souligné l’importance d’une session qui doit pencher sur l’initiative « Action pour le maintien de la paix ».  Il a souscrit aux recommandations du Secrétaire général s’agissant en particulier de la performance des missions, du principe de responsabilité ou encore de la participation des femmes aux opérations de maintien de la paix.  Il a douté de la volonté d’y faire suite.  En tant que pays fournisseur de contingents, le Malawi, a-t-il dit, tient à mettre l’accent sur l’application de ces recommandations.  Pour avoir perdu six de ses soldats de la paix à la Mission en République démocratique du Congo (MONUSCO), cette question nous tient à cœur.  Le représentant a appelé au renforcement de la coopération entre l’ONU et les organismes régionaux et sous régionaux, notamment au moment de la définition des mandats ou de leur renouvellement.  Il a assuré que son pays va parvenir sous peu au seuil de 15% de femmes dans son personnel de maintien de la paix.  En outre, le pays a pris des mesures importantes pour poursuivre en justice les auteurs de violence sexuelle.

Pour que les missions puissent s’acquitter de leur mandat, il faut, a dit M. DOUGLAS VLADIMIR SEJAS CRESPO (Bolivie), la collaboration du pays hôte et cette collaboration est possible si les soldats de la paix sont vus comme impartiaux et pas comme une force d’intervention.  Il a également jugé fondamental que ces missions aient un mandat clair et réalisable, assorti d’un calendrier précis.  L’évaluation de la performance est importante mais elle ne vaut que si une mission est dotée des ressources dont elle a besoin.  Le représentant a conclu sur la participation des femmes aux processus de paix et a plaidé pour la parité dans les contingents. 

Mme LEYLA VÁSQUEZ (Chili) a salué, à son tour, l’initiative « Action pour le maintien de la paix » et la réforme en cours pour faire converger l’action des différents départements de l’ONU et optimiser l’utilisation des ressources.  Le lien entre paix et développement est indéniable.  Il faut donc multiplier les projets qui ont fait leurs preuves comme les projets à impact rapide.  S’agissant du personnel, la représentante a voulu qu’on lui donne les moyens de ses mandats, dont une bonne formation et les équipements adéquats.

M. MOUNZER MOUNZER (Syrie) a insisté sur le principe du consentement préalable du pays hôte avant le déploiement de toute mission.  Il a aussi souligné que le principe selon lequel la protection des civils relève de la responsabilité première du pays hôte et qu’il ne doit en aucun cas servir de prétexte à des ingérences étrangères.  Il a soutenu le travail de la Force des Nations Unies chargée d’observer le dégagement (FNUOD) et accusé Israël d’avoir provoqué la mise en place de pas moins de trois missions de la paix des Nations Unies dans la région.  Il a aussi déploré les attaques contre les soldats de la paix de la FNUOD qui ont dû quitter certaines de leurs positions du fait de l’action de groupes terroristes soutenus par Israël et certains régimes arabes de la région.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Comité des ONG suspend sa session après avoir recommandé le statut consultatif général pour trois ONG et le statut consultatif spécial pour 236

Session de 2019,
16e séance – matin
ECOSOC/6963-ONG/886

Le Comité des ONG suspend sa session après avoir recommandé le statut consultatif général pour trois ONG et le statut consultatif spécial pour 236

Le Comité chargé des Organisations non gouvernementales (ONG), organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC), a adopté ce matin le rapport de la session qu’il a tenue du 21 au 30 janvier dernier.  Le Comité a recommandé à l’ECOSOC l’octroi du statut consultatif général à trois ONG et du statut consultatif spécial à 236.  Il a pris note de 399 rapports quadriennaux et de sept changements de nom.

Le statut consultatif général est réservé aux grandes ONG internationales dont les domaines d’action et de travail couvrent la majorité des points contenus dans l’agenda de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires.  Le statut consultatif spécial est octroyé aux ONG travaillant dans un domaine spécifique et qui ne sont concernées que par certaines activités de l’ECOSOC.  La Liste regroupe les ONG qui ne rentrent dans aucune de ces deux catégories et qui ont plutôt tendance à travailler d’une manière plus technique et/ou restreinte.

Ont obtenu le statut consultatif général l’ONG autrichienne Lazarus Union, nominée pour le prix Nobel de la paix en 2017 pour son travail en faveur de « ceux que le destin n’a pas placés du bon côté de la vie »; la Nigériane International Human Rights & Anti-Corruption Society, avocate des victimes des violations des droits de l’homme, qu’elle aide à obtenir réparations et dédommagements; et la Britannique International Transport Workers’ Federation, militante pour la prise en compte par l’ONU des intérêts de 700 syndicats et quelque 4,5 millions de travailleurs dans le monde. 

Au cours de cette partie de session, le Comité a examiné 521 demandes de statut consultatif spécial et donné satisfaction à 236 ONG.  Les 265 autres ont été priées de répondre d’abord aux questions supplémentaires du Comité qui a, par ailleurs, accepté sept changements de nom d’ONG et la fusion de trois autres.  Le Comité a aussi recommandé à l’ECOSOC de clore les dossiers de 20 organisations qui, au 30 janvier, n’avaient toujours pas réagi à ses trois derniers rappels. 

Pendant cette session, le Comité a pris note de 399 rapports quadriennaux sur les 439 examinés et dialogués avec 16 ONG.

Le Comité, qui est composé de 19 membres élus pour un mandat de quatre ans, a prévu une reprise de session du 16 au 24 mai 2019 et réservé la journée du 4 juin pour adopter son rapport final. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Kosovo: le Conseil de sécurité pris à témoin de l’impasse dans le dialogue entre Belgrade et Pristina

8459e séance – après-midi
CS/13693

Kosovo: le Conseil de sécurité pris à témoin de l’impasse dans le dialogue entre Belgrade et Pristina

Même si un accord a été trouvé sur la future périodicité des réunions sur la situation au Kosovo -plus que deux par an-, les membres du Conseil de sécurité ont affiché, cet après-midi, leurs divisions, après avoir été informés par le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Zahir Tanin, d’un regain de tensions avec la Serbie, obstacle à la reprise du dialogue entre les deux capitales sous les auspices de l’Union européenne.

« Gestes d’hostilité et accusations mutuelles continuent de l’emporter sur les efforts en vue de revenir à la nouvelle phase de ce dialogue », a résumé M. Tanin, qui est également Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK).  « Où en est la perspective d’un engagement politique constructif? » s’est-il interrogé à la suite du Secrétaire général dans son rapport.  L’absence, à Pristina, d’une position commune sur les conditions propices à la reprise du dialogue avec Belgrade a atteint un point de rupture ces derniers jours, soulevant des préoccupations quant à la viabilité de la coalition gouvernementale au pouvoir au Kosovo, a analysé le haut fonctionnaire.

Dans son rapport, le Secrétaire général rappelle que, le 6 novembre, Pristina a imposé une taxe de 10% sur les marchandises en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine, « au motif principal que Belgrade n’avait de cesse d’affaiblir la stature du Kosovo sur le plan international ».  Le 21 novembre, au lendemain du vote de l’Assemblée générale d’INTERPOL contre son adhésion, le Kosovo a porté à 100% cette taxe et interdit l’entrée sur son territoire de toutes les marchandises portant la mention « MINUK Kosovo » et « Kosovo et Metohija ».

Dans ce climat de tension, l’Assemblée du Kosovo a adopté, le 14 décembre, trois lois qui prévoient des modifications importantes du mandat, du rôle et des effectifs de la Force de sécurité du Kosovo, pour en faire une « armée multiethnique et professionnelle ».  Belgrade a condamné l’adoption de ces textes, qualifiés d’« acte d’agression politique » contre la Serbie et de violation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

Si le Représentant spécial a rappelé, avec d’autres, que cette résolution, qui a autorisé le déploiement de la MINUK, constitue le « seul socle juridique » légiférant la présence de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), et que tout ajustement de la Force de sécurité du Kosovo devait être « transparent et inclusif », le Royaume-Uni a considéré que sa transformation en armée ne constitue en rien une violation de la résolution du Conseil.

Dénonçant au contraire cette décision, le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, M. Ivica Dačić, a dit craindre l’instabilité dans les Balkans occidentaux.  Pristina, a-t-il accusé, a montré qu’elle peut violer les accords sans souffrir d’aucune conséquence.  Qui nous dit que cette armée ne sera pas un jour utilisée contre la population serbe du Kosovo? s’est inquiétée la Fédération de Russie.

Mais c’est à la décision « inconcevable » d’interrompre la libre circulation des biens, du capital et des personnes que M. Dačić s’est le plus vigoureusement attaqué aujourd’hui, en assurant que le « soi-disant Kosovo » avait choisi de faire payer à la « petite Serbie » le fait que 13 pays soient revenus sur leur décision de reconnaître son indépendance et son échec à devenir membre d’INTERPOL et de l’UNESCO.  La plupart des membres du Conseil ont demandé la levée de cette taxe à l’importation, notamment la France, qui a expliqué qu’il s’agissait là d’un obstacle à la reprise du dialogue bilatéral sous l’égide de l’Union européenne. 

« Ces droits de douane sont une réponse directe à la campagne “agressive et brutale” menée par le Gouvernement serbe contre le Kosovo », a tranché Mme Vlora Çitaku, du Kosovo.  « Pourquoi accorderions-nous à la Serbie une courtoisie qu’elle nous refuse? » s’est-elle demandé.  Quant à la future armée, c’est une décision à la fois constitutionnelle et avisée pour la mise en place des mécanismes sécuritaires nécessaires à la participation du Kosovo aux alliances euro-atlantiques.  La réalité, a poursuivi Mme Çitaku, est que la Serbie use de tous les prétextes imaginables pour repousser l’inéluctable, à savoir la reconnaissance du Kosovo en tant qu’État libre et indépendant.  Vingt longues années après le conflit, a répondu le Vice-Premier Ministre serbe, il est plus que temps de tourner cette page de l’histoire des relations « serbo-albanaises » et de nous diriger vers une paix durable.

La Fédération de Russie a en effet dénoncé les intimidations contre la minorité serbe, l’impuissance de la médiation de l’Union européenne et les retards pris dans la création d’une association ou communauté de municipalités à majorité serbe.  Les défis auxquels le Kosovo fait actuellement face sont essentiellement traités dans un cadre d’intégration européenne avec la coopération de l’EULEX, a souligné la Belgique qui a voulu que l’on « adapte » les efforts de la MINUK à cette évolution.  Les États-Unis ont d’ailleurs demandé au Secrétariat de l’ONU de lancer un examen stratégique de la Mission afin d’envisager une « stratégie de sortie » après 20 ans de présence.  Le Chef de la diplomatie serbe s’est inscrit en porte-à-faux et a prié le Conseil de sécurité de s’abstenir de toute décision hâtive.  « Les affirmations selon lesquelles la Mission n’est plus nécessaire et n’a pas rempli son mandat ne reflètent aucunement la réalité », a-t-il asséné. 

« La perspective européenne demeure une motivation importante pour la paix et la stabilité dans la région », a constaté en conclusion le Représentant spécial, en prévenant que « l’atténuation des tensions, le renforcement de la confiance mutuelle et la levée des obstacles au dialogue » restent cruciaux.

RÉSOLUTIONS DU CONSEIL DE SÉCURITÉ 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999)

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (S/2019/102)

Déclarations

M. ZAHIR TANIN, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a déclaré que les trois derniers mois avaient été caractérisés par des actions et une rhétorique qui, dans l’ensemble, n’a pas contribué à la reprise du dialogue politique entre Belgrade et Pristina.  « Gestes d’hostilité et accusations mutuelles continuent de l’emporter sur les efforts pour revenir à la nouvelle phase du dialogue, qui a été largement discutée il y a plusieurs mois maintenant », a résumé le haut fonctionnaire.  L’exigence minimale que l’on est en droit d’attendre pour la poursuite d’un dialogue consiste, selon lui, à trouver les moyens d’apaiser le climat actuel et pas de multiplier les tentatives de le perturber.  « L’absence, à Pristina, d’une position unifiée sur les conditions propices à la reprise du dialogue avec Belgrade a atteint un point de rupture ces derniers jours, soulevant des préoccupations au sujet de la viabilité future de la coalition gouvernementale actuelle au Kosovo. »

Où en est la perspective d’un engagement politique constructif? s’est interrogé M. Tanin.  Il a rappelé qu’une attention considérable avait été accordée à la hausse de 100% des tarifs douaniers imposée au début du mois de novembre dernier par Pristina aux biens en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine.  Cette mesure a été remise en cause par de nombreuses parties, et Belgrade a fait de sa levée une condition à la reprise du dialogue, tandis que Pristina a proposé d’y mettre fin sous certaines conditions.  Si au Kosovo, une équipe de négociateurs élargie a été établie en décembre, les délibérations internes se poursuivent pour définir une position commune.  Au mois de décembre, l’Assemblée du Kosovo a adopté trois textes de loi relatifs « au comportement et aux activités » de la Force de sécurité du Kosovo, tous vigoureusement critiqués par le caucus serbe et Belgrade, a relevé le Représentant spécial.  La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, a-t-il pointé, constitue le seul socle juridique légiférant la présence de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), laquelle a rappelé que tout ajustement doit être transparent et inclusif.

En vue de contribuer efficacement à cet aspect important de la normalisation et de la réconciliation, la MINUK a redoublé d’efforts pour faciliter le rapprochement au Kosovo, par le biais d’initiatives dans les domaines du dialogue intercommunautaire, de la promotion de la diversité linguistique en vertu de la loi, de l’autonomisation des jeunes et de l’égalité entre les sexes.  La Mission a ainsi poursuivi la mise en œuvre d’initiatives et de législations relatives aux droits de l’homme, a expliqué son Chef, en soulignant que d’importants progrès avaient été accomplis dans les travaux du Groupe de travail sur les personnes disparues.  « De telles activités ne devraient pas être entravées par l’influence politique afin de maintenir l’élan sur cette question vitale en vue d’une réconciliation durable », a-t-il mis en garde.  La promotion sincère de l’égalité entre les sexes est un autre domaine qui mérite une attention particulière, a souligné le Représentant spécial, qui a indiqué que la MINUK soutient les initiatives favorisant la création d’entreprises dirigées par des femmes.  Par ailleurs, la Mission, a-t-il ajouté, accorde une place spéciale à l’autonomisation des jeunes, y compris dans le cadre d’un partenariat avec deux organisations non gouvernementale (ONG) dirigées par des jeunes pour favoriser la réconciliation durable grâce à la sensibilisation aux droits humains. 

« La perspective européenne demeure une motivation importante pour la paix et la stabilité dans la région », a constaté le haut fonctionnaire.  Il est donc important que les dirigeants du Kosovo continuent de prioriser les initiatives essentielles pour leur peuple, notamment dans le domaine de l’état de droit et de la lutte anticorruption, des droits de l’homme, du renforcement de l’indépendance de l’appareil judiciaire et de l’élaboration d’une législation conforme aux normes de l’Union européenne et à d’autres normes internationales.  Le Représentant spécial a, en conclusion, souligné la nécessité pour tous les membres du Conseil de sécurité de soutenir les contacts entre Belgrade et Pristina.  « La réduction des tensions, le renforcement de la confiance mutuelle et la levée des obstacles au dialogue sont cruciaux pour la stabilité régionale », a-t-il prévenu.

M. IVICA DAČIĆ, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a tout d’abord expliqué que sa délégation ne réclame pas la tenue de réunions pour faire de la surenchère, mais pour contribuer à la stabilisation de la situation au Kosovo et Metohija.  Il s’est félicité du fait qu’un accord ait pu être trouvé afin d’éviter des débats incessants, au sein du Conseil de sécurité.  Ce qui importe le plus, c’est que cet organe continuera d’examiner les rapports du Secrétaire général sur la MINUK, a commenté le Vice-Premier Ministre qui a également fait observer que le Conseil débat deux fois par an de la Bosnie-Herzégovine et du Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux sans que cela soit contesté.

M. Dačić a averti que la conjoncture actuelle est délicate et a rappelé que son gouvernement a appelé à maintes reprises à la création de conditions propices à la tenue d’un dialogue sans condition préalable.  Il a regretté l’échec à mettre pleinement en œuvre l’Accord de Bruxelles et l’absence de pourparlers « pour des raisons que vous connaissez tous ».  Il a assuré que la Serbie s’était abstenue de toute action unilatérale et expliqué que le dialogue se trouve dans l’impasse à cause de la décision unilatérale « du soi-disant Kosovo » d’imposer des droits de douane de 100% sur tous les articles en provenance de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine.

Nous avons commencé l’année 2019 avec des défis majeurs pour lesquels on peine à entrevoir des solutions, a poursuivi le Vice-Premier Ministre qui, outre les droits de douanes, a pointé la décision de créer des forces armées du Kosovo et les nombreux appels à la création d’une « grande Albanie ».  Loin d’être un appel au compromis, cette situation peut créer l’instabilité dans la région, a-t-il averti.  Pristina, a-t-il dénoncé, a démontré qu’elle peut violer les accords et opérer un raid dans un territoire à majorité serbe sans souffrir d’aucune conséquence.  Le Vice-Premier Ministre a dénoncé l’absence de la Communauté des municipalités serbes mais aussi les tentatives « répétées » de saisir le nord du Kosovo et Metohija et les appels à « l’unification » des parties nord et sud de la ville de Kosovska Mitrovica.  Il s’agit, a-t-il accusé, d’une tentative d’expulser les Serbes du nord de la ville comme ils l’ont été du sud.

Le Vice-Premier Ministre est revenu sur la décision « inconcevable » d’interrompre la libre circulation des biens, du capital et des personnes.  Il a accusé Pristina d’avoir agi ainsi après que 13 pays sont revenus sur leur décision de reconnaître l’indépendance du Kosovo et après son échec à devenir membre d’INTERPOL.  M. Dačić a également commenté l’échec de Pristina à devenir membre de l’UNESCO, déplorant dans la foulée que la proposition serbe d’inclure la protection du patrimoine culturel à l’ordre du jour du dialogue n’ait pas été entendue.  Il a affirmé que le « soi-disant Kosovo » persiste à présenter des données fallacieuses selon lesquelles il aurait été reconnu par 116 pays.  Il a rappelé que 74 États Membres de l’ONU avaient voté en faveur de son adhésion à INTERPOL et qu’il lui manquait 36 voix.  Maintenant Pristina rejette la faute sur « la petite Serbie », s’est emporté le Vice-Premier Ministre.

À ceux qui appellent à réviser le mandat de la MINUK, M. Dačić a fait observer que le mandat a déjà été réduit de 90% par rapport à 1999, déplorant que la Mission ait été « trop réduite, trop rapidement ».  Évoquant les « nombreuses erreurs » qui ont été commises, selon lui, ces 20 dernières années, il a appelé le Conseil de sécurité à ne pas les répéter et à s’abstenir de toute décision hâtive.  Les affirmations selon lesquelles la Mission n’est pas nécessaire et n’a pas rempli son mandat ne reflètent aucunement la réalité, a-t-il asséné.  Le Vice-Premier Ministre a voulu que l’on condamne les propos de M. Ramsuh Haradinaj selon lequel la MINUK et le Secrétaire général établissent de faux rapports.

M. Dačić a ensuite salué le début des audiences de « certaines personnes du Kosovo et Metohija » par le Bureau du Procureur spécial du Kosovo et a espéré que les peines seront bientôt prononcées, insistant sur l’importance de dévoiler les auteurs des crimes commis contre les Serbes et autres personnes non albanaises.  Il s’est félicité que d’anciens membres de la structure de commandement de la « soi-disant armée de libération du Kosovo » aient été appelés à comparaître.  Il a indiqué que la Commission serbe des personnes disparues a des preuves selon lesquelles 580 Serbes et non-Albanais avaient été incarcérés dans 140 prisons illégales.  Il a appelé à poursuivre les enquêtes, notamment sur la « maison jaune ».  Il s’est alarmé du fait que le « criminel de guerre » Sulejman Selimi ait été nommé Conseiller au Premier Ministre du « soi-disant Kosovo ».  Cela laisse beaucoup de place à l’optimisme, a-t-il ironisé.

Aux yeux du Vice-Premier Ministre, ces enquêtes revêtent une importance cruciale pour la stabilisation du Kosovo et Metohija et la « réconciliation historique », mais aussi pour repousser les « mensonges sans scrupules » véhiculés au niveau le plus élevé, selon lui, par les fonctionnaires albanais du Kosovo afin de masquer leurs crimes et de continuer à se présenter comme des victimes du conflit.  Il a vivement dénoncé leur « manipulation vicieuse » des données, soulignant, entres autres, que 2 725 Serbes et non-Albanais figurent parmi les tués ou portés disparus.  Une ferveur toute particulière est mise en branle pour dissimuler le fait que la plupart des crimes ont été commis après le retrait, en juin 1999, des forces de l’armée régulière de Serbie, a affirmé M. Dačić qui a avancé que 377 Albanais avaient été tués par leurs compatriotes.  Pristina, a-t-il encore accusé, ne dit pas non plus qu’un grand nombre d’Albanais portés disparus ont été kidnappés et probablement tués par l’UÇK (Armée de libération du Kosovo).

Poursuivant, le Ministre serbe s’est alarmé de la hausse de 30%, depuis 2017, des incidents contre les Serbes du Kosovo et Metohija.  Dès lors, comment progresser sur le retour des déplacés ou la création d’une société démocratique et multiethnique? a-t-il lancé.  Il faut, a-t-il insisté, parler, aujourd’hui et demain, de chacune des 200 000 personnes déplacées du Kosovo et Metohija et de leur droit de regagner leur foyer, comme pour n’importe quelle autre personne en Europe et au monde.

M. Dačić a assuré que la Serbie s’est pleinement engagée à poursuivre le dialogue, un dialogue qui ne se tiendra que lorsque Pristina aura révoqué sa décision sur les droits de douane.  Un tel acte serait raisonnable et ouvrirait la voie au dialogue, a-t-il confirmé.  Mais si Pristina s’y oppose, elle montrera qu’elle ne recherche ni accord, ni compromis, mais plutôt le chantage.  Vingt longues années après le conflit, il est plus que temps de tourner cette page de l’histoire des relations « serbo-albanaises » et de nous diriger vers une paix durable, a-t-il affirmé.

« Je m’exprime devant vous avec la franchise et la correction que cette enceinte requiert mais je ne n’arrive pas à comprendre pourquoi, pour l’amour du ciel, nous sommes ici pour la troisième fois en quatre mois à discuter encore du Kosovo.  Il est ahurissant et tout simplement incroyable que ce Conseil ait tenu davantage de réunions sur le Kosovo que sur la Syrie, le Yémen ou le Venezuela », a déclaré Mme VLORA ÇITAKU, du Kosovo.  Elle a jugé inacceptable que son « voisin du Nord » ait transformé l’enceinte du Conseil « en scène de théâtre », depuis laquelle il peut faire au monde la lecture de ses « contes de fées », véritables fictions auxquelles lui-même ne croit pas. 

« La MINUK n’a plus de rôle et de mandat au Kosovo et ces réunions n’ont aucun sens », a poursuivi la représentante.  De fait, cette « mascarade » est bien la preuve que la Serbie n’a pas l’intention de s’engager dans un dialogue véritable avec le Kosovo sur la normalisation des relations, a-t-elle déclaré.  « Le dialogue entre nos deux pays n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais sur le droit du Kosovo d’exister en tant que nation libre. »  La représentante a accusé la Serbie de refuser de considérer le Kosovo comme un égal, ajoutant: « C’est le problème de la Serbie. »  « Mais je ne comprends pas pourquoi nous avons à nous réunir si souvent pour discuter de l’univers parallèle dans lequel ils ont choisi de vivre », a-t-elle taclé, en exhortant les membres du Conseil à mettre un terme à cette « parodie ».  « Nous n’allons pas mettre notre existence entre parenthèses jusqu’à ce que la Serbie ait une révélation et décide qu’il est temps d’accepter le Kosovo comme un égal. »

Mme Çitaku a rappelé que la décision de créer une armée est à la fois constitutionnelle et avisée pour la mise en place des mécanismes sécuritaires nécessaires à la participation du Kosovo aux alliances euro-atlantiques.  « C’est également une décision qui atteste de la maturité du Kosovo en tant qu’État », a-t-elle ajouté avant d’expliquer la décision d’imposer des droits de douane sur les exportations serbes n’a pas été prise « à la légère ».  « Ces droits sont une réponse directe à la campagne “agressive et brutale” menée par le Gouvernement serbe contre le Kosovo. »  La représentante a également rappelé qu’aucun bien portant le label « MINUK Kosovo » ne peut traverser la frontière avec la Serbie.  « Pourquoi est-ce que le Kosovo accorderait à la Serbie une courtoisie qu’elle nous refuse? » a-t-elle demandé, en insistant sur l’effet économique minimal de ces droits pour la Serbie. 

La réalité est que la Serbie use de tous les prétextes imaginables pour repousser l’inéluctable: la reconnaissance du Kosovo en tant qu’État libre et indépendant.  Mme Çitaku a rappelé les raisons douloureuses qui motivent la poursuite du dialogue avec la Serbie.  « Nous avons 20 000 raisons, pour chaque femme qui a été violée par les forces serbes.  Nous en avons 1 370 de plus pour chaque enfant tué au Kosovo par les forces serbes.  Nous avons 1 600 raisons pour chacune des personnes disparues. »

La Serbie doit vouloir la paix, la Serbie doit vouloir un accord, et si elle le veut vraiment, elle doit agir, a encouragé la représentante non sans fustiger les intimidations subies par la communauté serbe du Kosovo qui ose penser différemment de Belgrade.  La Serbie, a-t-elle affirmé, ne voit en eux que les « instruments de sa politique étrangère déstabilisatrice ».

Alors que le Kosovo va bientôt fêter le vingtième anniversaire de sa « libération », Mme Çitaku a insisté sur la détermination de son gouvernement à parvenir à une paix durable, « pour nos enfants, nos athlètes, nos artistes, nos scientifiques » que rien ne décourage, pour « les femmes courageuses du Kosovo qui brisent les plafonds de verre » et pour ceux qui sont tombés au champ d’honneur.  Même s’il reste encore un long chemin à parcourir, je suis aujourd’hui autant remplie d’espoir pour notre jeune République que je l’étais le 12 juin 1999, lorsque le Kosovo a été « libéré » de la Serbie. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a relevé la persistance des tensions au Kosovo, où les communautés ne se sont pas toujours traitées « avec gentillesse et respect ».  La situation a considérablement évolué depuis le déploiement de la MINUK, le Kosovo n’étant plus un « pays » en conflit.  Le Conseil de sécurité est saisi de nombreuses questions primordiales, et grâce à l’accord conclu pour réduire la fréquence des réunions au Conseil, nous avons pris une mesure « adéquate », a estimé la représentante.  Le rapport le montre, a-t-elle néanmoins reconnu: les tensions à Belgrade et Pristina se sont aggravées au cours de la période à l’examen et il faut espérer qu’une solution sera trouvée.  L’Union européenne a proposé un dialogue, a rappelé Mme Pierce.  Il y a d’autres conflits pour lesquels aucune perspective d’accord de ce type n’existe.  J’encourage donc, a-t-elle insisté, les dirigeants de Pristina et de Belgrade à reconnaître l’importance de ce dialogue.  La représentante s’est ensuite félicitée de l’établissement d’une équipe de négociateurs kosovars qui s’est réunie pour la première fois en février.  S’agissant de la transition de la Force de sécurité du Kosovo, elle a estimé que c’est la prérogative de Pristina de se doter d’une armée nationale légitime, et qu’une telle décision n’est pas une violation de la résolution 1244 (1999) du Conseil du sécurité.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a demandé une réduction de la fréquence des réunions du Conseil sur le Kosovo, avant de pointer les progrès accomplis.  Il n’est pas nécessaire de se réunir autant, a-t-il déclaré, avant de noter le nombre important de femmes entrepreneuses au Kosovo.  Le représentant a plutôt réclamé une évaluation stratégique de la MINUK et replacé le dialogue sur la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina dans une « perspective européenne ».  Il a d’ailleurs espéré que le Kosovo deviendra bientôt membre de l’Union européenne et souligné que la seule manière pour la Serbie de devenir également membre est de reconnaître le Kosovo.  Le délégué a mentionné les long voyages que les responsables serbes n’ont pas hésité à faire pour convaincre les pays de revenir sur leur décision de reconnaître le Kosovo.  Eu égard à son objectif de devenir membre de l’Union européenne, « la Serbie se tire une balle dans le pied », a commenté le représentant.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) s’est félicité de l’accord auquel le Conseil est parvenu pour mettre fin à la pratique des réunions d’information trimestrielles sur la MINUK, indiquant qu’à partir de l’an prochain, il y aura deux réunions « sur la question, et pas nécessairement sur la MINUK ».  Il a ensuite jugé regrettable le ton de certaines déclarations, jugeant que c’est « l’une des raisons pour lesquelles de nombreux membres du Conseil hésitent à maintenir ces réunions, se demandant si elles contribuent réellement, ou au contraire nuisent, aux perspectives de paix et de sécurité internationales ».

Le représentant a estimé que la MINUK a rempli son mandat initial.  Si l’ONU doit continuer de jouer un rôle important au Kosovo, ce doit être par l’intermédiaire de l’équipe de pays et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Aussi le représentant a-t-il souhaité que le Secrétariat lance un examen stratégique de la MINUK afin d’élaborer une stratégie de sortie.  Il a assuré que son pays soutient toujours le dialogue facilité par l’Union européenne entre le Kosovo et la Serbie, qui ont une occasion unique de conclure un accord global de normalisation.  Nous pensons que cela est réalisable cette année et ne pas saisir cette chance serait « un revers », a-t-il mis en garde.  Le Kosovo et la Serbie, a-t-il insisté, doivent prendre des mesures immédiates pour réduire les tensions, éliminer les obstacles et créer les conditions permettant d’avancer rapidement dans le dialogue et pour le Kosovo, cela veut dire suspendre immédiatement les droits de douane sur les importations serbes et bosniaques.  Il est temps d’imprimer un élan et d’ouvrir la voie européenne, a dit le représentant aux deux parties.

Face à la situation décrite par le Représentant spécial pour le Kosovo et dans le rapport du Secrétaire général, Mme ANNE GUEGUEN (France) a salué le travail de la MINUK pour promouvoir la sécurité, la stabilité et le respect des droits de l’homme au Kosovo et dans la région ainsi que ses activités en matière de rapprochement des communautés et de promotion de l’agenda femmes, paix et sécurité.  Près de 20 ans après l’adoption de la résolution 1244, il faut continuer à être attentif à la question du recentrage des actions de la MINUK, a-t-elle soutenu, ajoutant que cela doit se faire en tenant compte de la situation sur le terrain, de sa performance et des initiatives menées par les autres acteurs régionaux et internationaux, en particulier la mission de l’Union européenne, EULEX Kosovo.

Pour la France, la normalisation des relations entre Pristina et Belgrade dépend du dialogue entre les deux parties, mené sous l’égide de l’Union européenne.  À ce titre, la représentante a regretté plusieurs incidents et décisions unilatérales qui, ces derniers mois, ont pesé sur ce dialogue, en particulier la décision du Gouvernement du Kosovo d’imposer une taxe de 100% sur les produits en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine.  La France, a-t-elle souligné, renouvelle sa demande pour que cette taxe soit annulée, ou, a minima, suspendue.  La représentante a appelé à la reprise du dialogue, qui est bloqué à l’heure actuelle, dans les meilleurs délais et au respect des engagements pris en matière de sécurité.  Elle a aussi appelé les deux parties à faire preuve d’esprit de compromis et de volonté politique pour qu’un accord global et définitif puisse être adopté, ce qui constituerait une étape majeure dans la stabilisation des Balkans occidentaux et les progrès sur la voie d’une perspective européenne.  La représentante a rappelé que la responsabilité première des perspectives européennes de la Serbie et du Kosovo incombe avant tout aux responsables politiques de ces pays et que cela passe par les réformes nécessaires à la consolidation et au renforcement de l’état de droit.  Seule la normalisation complète des relations entre Pristina et Belgrade permettra de concrétiser cet avenir européen, a-t-elle conclu.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a remercié la Guinée équatoriale pour avoir inscrit à l’ordre du jour du Conseil la situation dans la « province du Kosovo », « une position de principe ».  Laissez-moi expliquer à Mme Çitaku pourquoi nous sommes ici aujourd’hui, a-t-il dit, en l’accusant, à son tour, de raconter « des contes de fées avec l’appui de parrains occidentaux ».  La principale enceinte des discussions sur le Kosovo, c’est ce Conseil, a professé le représentant.  Il a insisté sur le caractère volatile de la situation dans la province, ajoutant que les autorités « kosovares albanaises » échappent désormais au contrôle des Occidentaux.  Il s’est tout de même demandé dans quelle mesure ces autorités ont pu se livrer à ces actes provocateurs contre la Serbie sans l’appui de ces pays.  Il a fustigé les droits de douane imposés aux importations serbes et la décision du « soi-disant parlement du Kosovo » de créer une armée, en violation de la résolution 1244 (1999).  Les parrains occidentaux ont donné un blanc-seing aux autorités kosovares, s’est emporté le représentant, avertissant qu’il n’y a aucune garantie que cette armée ne sera pas un jour utilisée contre la population serbe du Kosovo.  Il a d’ailleurs dénoncé les intimidations subies par cette communauté, l’impuissance de la médiation de l’Union européenne dans le dialogue sur la normalisation et les retards pris dans la création d’une association ou communauté de municipalités à majorité serbe.  La Fédération de Russie a une vision cohérente et plaide pour une solution viable, mutuellement acceptable, respectueuse de la résolution 1244 et soutenue par le Conseil, a affirmé le représentant.  L’imposition d’une normalisation, assortie de calendriers factices, est destructrice, a-t-il prévenu.  Il a conclu en évoquant le « Rapport Marty » selon lequel des responsables kosovars se seraient livrés à des trafics d’organes et a demandé que la lumière soit faite sur ce sujet.  « La réputation de la justice internationale est en jeu », a-t-il estimé, avant d’attirer l’attention sur les déprédations commises contre des monastères orthodoxes au Kosovo. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a estimé que les droits de douane imposés à certaines importations et la transformation de la Force de sécurité du Kosovo en une armée ne contribuent pas à favoriser le dialogue entre Pristina et Belgrade.  Il a espéré que les deux capitales s’efforceront d’œuvrer à la normalisation de leurs relations et à la mise en œuvre des accords existants.  Il a encouragé les deux parties à placer les intérêts de leurs peuples au-dessus de considérations politiques.  Il a estimé que le Conseil de sécurité doit continuer à examiner la situation au Kosovo. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a dit regretter le « timing » de l’adoption, par l’Assemblée kosovare, des lois renforçant le mandat et la capacité de la Force de sécurité du Kosovo, ainsi que l’absence de consensus « au niveau externe et interne ».  Il a également appelé les autorités kosovares à supprimer immédiatement les droits de douane sur les importations en provenance de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine.  Le représentant a souligné que la conclusion d’un accord global et juridiquement contraignant sur la normalisation des relations est le seul moyen de parvenir à la stabilité régionale.  Il a appelé les « Présidents serbe et kosovar » à s’investir pleinement dans le dialogue mené sous l’égide de l’Union européenne.  Il a aussi insisté sur l’importance de créer un environnement propice au dialogue et d’y associer la société civile.  Le représentant a par ailleurs accueilli le compromis sur la réduction du cycle des réunions et de la présentation des rapports, faisant observer que les défis auxquels le Kosovo fait actuellement face sont essentiellement traités dans un cadre d’intégration européenne avec la coopération de l’EULEX.  Il a voulu que l’on adapte les efforts de la MINUK à cette évolution.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué l’accord sur la fréquence des réunions relatives à la situation au Kosovo.  Il s’est néanmoins ému de l’adoption par l’Assemblée du Kosovo de trois lois relatives à la création d’une armée, ainsi que de la hausse de 100% des taxes sur les marchandises importées de Serbie et de Bosnie-Herzégovine.  Il a ensuite réitéré l’importance d’impliquer les femmes et les jeunes dans une vision d’avenir pour le Kosovo, se félicitant des initiatives prises à cet égard par la MINUK.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a déclaré que la mise en œuvre de la résolution 1244 (1999) reste et demeure le cadre fondamental pour résoudre le conflit dans la région.  Chaque partie est censée honorer « sa part du contrat » conformément à la résolution, et cela, sans exception.  Ce serait regrettable de dilapider des années de progrès avec des violations de la résolution qui viendraient presque certainement rompre la paix et la sécurité dans la région.  Le Gouvernement indonésien, a ajouté le représentant, respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale des États Membres et ne tolèrera aucun acte qui les violerait.  Les différends devraient se régler par le dialogue et tenir compte des préoccupations légitimes de chaque partie.  Mais, a prévenu le représentant, la transformation de la Force de sécurité du Kosovo en une force armée et l’imposition de 100% de droits de douane à des pays particuliers ne sont pas les signes d’un engagement constructif et peuvent rapidement anéantir la confiance entre les deux parties.  Le représentant a fermement soutenu le dialogue facilité par l’Union européenne pour obtenir des résultats durables et concrets. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a appuyé le processus de normalisation entre Pristina et Belgrade, sous l’égide de l’Union européenne, pour régler les questions en suspens et parvenir à un règlement global.  S’il a reconnu la sensibilité politique de la décision de créer une armée nationale, le délégué a estimé qu’il s’agit néanmoins de la prérogative d’un « État souverain ».  Il a invité au dialogue sur ce sujet et plaidé pour des solutions susceptibles de jeter les bases de la stabilité dans la région. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) s’est dit toujours préoccupé par le regain des tensions et la persistance des défis à la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie, et a averti que cette situation pourrait compromettre les efforts de la mission « État de droit » de l’Union européenne.  Il a également prévenu que la mise en œuvre des lois sur la transformation de la Force de sécurité du Kosovo en une armée nationale pourrait avoir des implications sur les mandats de la MINUK et de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), et se révéler incompatible avec les dispositions de la résolution 1244 (1999).  

Le représentant a ensuite lancé, aux autorités kosovares, un appel à la suppression des droits de douane de 100% sur les produits importés de Serbie et de Bosnie, notant que cette barrière tarifaire entrave les efforts pour parvenir à un accord entre le Kosovo et la Serbie, dans la perspective d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne.  Il a appelé les deux parties à prendre les dispositions nécessaires pour éliminer tous les obstacles à la création de l’association ou communauté des municipalités à majorité serbe au Kosovo.  À ses yeux, la fragilité du contexte actuel appelle à la reprise sans délai des négociations menées par la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini.  Le délégué a également appelé la communauté internationale à contribuer de manière significative au Fonds spécial destiné à venir en aide aux minorités roms, ashkali et égyptienne du Kosovo.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a plaidé pour une « évaluation stratégique » de la MINUK en vue d’une réduction des effectifs et de la préservation des ressources financières.  Il n’y a aucune raison de maintenir le niveau actuel de l’engagement onusien, a-t-elle déclaré.  Elle a appuyé, à son tour, le dialogue entre Pristina et Belgrade, le jugeant crucial pour le processus d’intégration de la Serbie et du Kosovo à l’Union européenne.  La transformation de la Force de sécurité du Kosovo en armée n’est pas en contradiction avec la résolution 1244 (1999), a-t-elle estimé, préconisant un processus « graduel et transparent », dans le respect de la Constitution du Kosovo.  « La Pologne considère que le Kosovo est pleinement capable de décider de son avenir », a conclu la déléguée. 

M. JOSUÉ ANTINOE FIALLO BILLINI PORTORREAL (République dominicaine) a encouragé Pristina et Belgrade à faire preuve de davantage de souplesse dans leurs positions, en vue de mettre pleinement en œuvre la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et les Accords de Bruxelles de 2013, et de reprendre leur dialogue sous les auspices de l’Union européenne.  Il s’est félicité des initiatives prises par la MINUK pour impliquer les jeunes et les femmes dans la dynamique de normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie.  Il a estimé que le moment est venu de renoncer aux confrontations infructueuses et d’envisager un avenir fondé sur le respect mutuel et la coexistence pacifique.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) s’est déclaré préoccupé par le regain des tensions au Kosovo, s’agissant notamment des zones sous protection spéciale, où des projets de construction se poursuivent.  Toutes les parties concernées devraient s’engager à faire respecter et protéger l’intégrité et le patrimoine religieux et à respecter l’état de droit, ainsi que les décisions du Conseil de surveillance et de mise en œuvre, a-t-il estimé.  Il a repris à son compte l’évaluation du Secrétaire général sur la nécessité de poursuivre les contacts avec les autorités, la société civile et les partenaires bilatéraux et internationaux, afin de soutenir la consolidation de la paix et les mesures de renforcement de la confiance entre les communautés du Kosovo. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est dit heureux de la tenue de cette réunion, qu’il a jugée « constructive ».  Il a déploré la recrudescence des tensions entre Pristina et Belgrade et dénoncé les droits de douane qui frappent les importations serbes au Kosovo.  Il a appelé les parties à redoubler d’efforts pour trouver une solution globale et réaffirmé le respect de son pays pour la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Serbie.  La résolution 1244 (1999) demeure au fondement d’une solution juste au Kosovo, a souligné le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Soudan: le Conseil de sécurité proroge jusqu’au 12 mars 2020 le mandat du Groupe d’experts du Comité des sanctions

8458e séance – après-midi
CS/13692

Soudan: le Conseil de sécurité proroge jusqu’au 12 mars 2020 le mandat du Groupe d’experts du Comité des sanctions

Cet après-midi, le Conseil de sécurité a décidé de proroger jusqu’au 12 mars 2020 le mandat du Groupe d’experts rattaché au Comité des sanctions concernant le Soudan.

En adoptant à l’unanimité la résolution 2455 (2019), le Conseil prie le Groupe d’experts de soumettre au Comité créé par la résolution 1591 (2005) concernant le Soudan un rapport d’activité au plus tard le 12 août 2019.  Le Groupe d’experts devra aussi soumettre au Comité, tous les trois mois, un rapport actualisé sur ses activités, notamment ses déplacements, et lui rendre compte de l’application des dispositions du paragraphe 10 de la résolution 1945 (2010) et de leur efficacité. 

En outre, le Groupe d’experts devra rendre compte directement au Conseil de sécurité: il lui présentera, au plus tard le 13 janvier 2020, un rapport final comportant ses conclusions et recommandations, et ce, après concertation avec le Comité.

Le Conseil reverra ce mandat au plus tard le 12 février 2020 et le prorogera s’il y a lieu, précise le texte de la résolution adoptée cet après-midi.

Le Conseil examinera régulièrement les mesures concernant le Darfour au vu de l’évolution de la situation sur le terrain, en prenant acte du rapport de la présidence du Comité et de ses recommandations, et à la lumière du prochain rapport d’activité et du rapport final que doit soumettre le Groupe d’experts.  Le Conseil a également l’intention d’établir des paramètres de référence clairs, précis et mesurables, qui pourraient le guider dans l’examen des mesures imposées au Gouvernement soudanais. 

Réagissant à l’adoption de ce texte, le représentant du Soudan a rappelé que la résolution 1591 avait été adoptée en 2005 et que depuis cette date, la réalité au Darfour n’avait cessé de s’améliorer, avec la signature de l’Accord de paix.  Il a fait valoir que l’action de l’ONU sur le terrain était passée de la phase de maintien de la paix à celle de consolidation de la paix.  Dès lors il est indéniable, pour sa délégation, que les résolutions 1591 (2005) et 1566 (2004) d’il y a 15 ans sont aujourd’hui « dépassées et ne reflètent plus la réalité ».  C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soudanais demande au Conseil de sécurité de revoir immédiatement le régime de sanctions.

Justifiant cette demande, le représentant a vanté les acquis en matière de sécurité au Darfour qui ont été à l’origine de la décision de diminuer de 75% les effectifs militaires de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), sachant que les forces de sécurité soudanaises assurent notamment la lutte contre le trafic de personnes et d’armes.  « Voilà pourquoi le Conseil de sécurité devrait immédiatement prendre des mesures et lever l’embargo sur les armes pour permettre aux forces soudanaises de s’acquitter de leurs tâches », s’est-il impatienté.  Il n’a pas manqué de rappeler « la campagne de collecte d’armes réussie » qu’a lancée son gouvernement, qui « s’efforce également de renforcer la présence de la police et des institutions judiciaires au Darfour ». 

Le représentant soudanais a ensuite reproché aux rapports de l’ONU, et en particulier ceux établis par la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, de ne pas refléter la réalité sur le terrain et de revenir sur des cas du passé.  Cela a frustré le Gouvernement soudanais qui espère qu’à l’avenir cela ne se répètera pas, a-t-il indiqué. 

« Il faut que les Nations Unies, par le biais de la Représentante spéciale, fassent preuve de professionnalisme et s’en tiennent aux faits en évitant d’utiliser des informations émanant de certains groupes qui ne sont pas dignes de foi », a exigé le représentant soudanais en ajoutant que son pays n’accepte pas que l’on parle encore d’évènements qui ont eu lieu il y a huit ans.  Le Soudan demande à l’ONU d’établir clairement non seulement les responsabilités des auteurs de ces crimes, « sans exception », mais aussi les dates auxquelles ces crimes ont été commis.  Le représentant a aussi demandé que les Nations Unies donnent suffisamment de temps et de latitude aux autorités soudanaises pour enquêter sur des crimes qui auraient été commis au Darfour.

La délégation soudanaise a estimé que cela n’ait pas été le cas, arguant qu’elle n’avait reçu la dernière note du 5 février 2019 qu’aujourd’hui même.  « Les travaux des Nations Unies se fondent sur la coopération entre l’Organisation et le Gouvernement concerné », a-t-il rappelé avant de saluer toutefois le Groupe d’experts avec lequel « le Gouvernement soudanais se dit prêt à coopérer ».  Il attend en échange que les experts respectent la déontologie dans leur travail et fassent preuve de professionnalisme dans leurs enquêtes, « pour que leurs rapports reflètent ce qui se passe réellement au Darfour ».

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Lettre datée du 10 janvier 2019, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts sur le Soudan créé par la résolution 1591 (2005) (S/2019/34)

Texte du projet de résolution (S/2019/114)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses précédentes résolutions concernant le Soudan, notamment les résolutions 1591 (2005), 1651 (2005), 1665 (2006), 1672 (2006), 1713 (2006), 1779 (2007), 1841 (2008), 1891 (2009), 1945 (2010), 1982 (2011), 2035 (2012), 2091 (2013), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017) et 2400 (2018), et la déclaration de son Président en date du 11 décembre 2018 (S/PRST/2018/9),

Considérant que la situation au Soudan continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région,

Rappelant le rapport final du Groupe d’experts sur le Soudan (S/2019/34),

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Rappelle les mesures imposées aux paragraphes 7 et 8 de la résolution 1556 (2004), telles que modifiées au paragraphe 7 de la résolution 1591 (2005) et au paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012), ainsi que les critères de désignation et les mesures imposés aux alinéas c), d) et e) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005), tels que modifiés au paragraphe 3 de la résolution 2035 (2012), et réaffirme les dispositions des alinéas f) et g) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005), du paragraphe 9 de la résolution 1556 (2004) et du paragraphe 4 de la résolution 2035 (2012);

2.    Décide de proroger jusqu’au 12 mars 2020 le mandat du Groupe d’experts initialement constitué en application de la résolution 1591 (2005), qu’il a déjà prorogé par ses résolutions 1779 (2007), 1841 (2008), 1945 (2010), 2035 (2012), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017) et 2400 (2018), réaffirme le mandat du Groupe d’experts tel qu’il a été établi dans ses résolutions 1591 (2005), 1779 (2007), 1841 (2008), 1945 (2010), 2035 (2012), 2138 (2014), 2200 (2015), 2265 (2016), 2340 (2017) et 2400 (2018) et prie le Groupe d’experts de soumettre au Comité créé par la résolution 1591 (2005) concernant le Soudan (« le Comité ») un rapport d’activité, le 12 août 2019 au plus tard, et de lui présenter, après concertation avec le Comité et au plus tard le 13 janvier 2020, un rapport final comportant ses conclusions et recommandations, et prie également le Groupe d’experts de soumettre tous les trois mois au Comité un rapport actualisé sur ses activités, notamment ses déplacements, et de rendre compte de l’application des dispositions du paragraphe 10 de la résolution 1945 (2010) et de leur efficacité, et déclare son intention de revoir ce mandat au plus tard le 12 février 2020 et de le proroger s’il y a lieu;

3.    Déclare son intention d’examiner régulièrement les mesures concernant le Darfour, comme il est rappelé au paragraphe 1, au vu de l’évolution de la situation sur le terrain, en prenant acte du rapport de la présidence du Comité et de ses recommandations, à la lumière du prochain rapport d’activité que doit soumettre le Groupe d’experts au plus tard le 12 août 2019, et du rapport final qu’il soumettra au plus tard le 13 janvier 2020, et en tenant compte de ses résolutions pertinentes;

4.    Déclare également son intention d’établir des paramètres de référence clairs, précis et mesurables, qui pourraient le guider dans l’examen des mesures imposées au Gouvernement soudanais, énoncées au paragraphe 1;

5.    Décide de rester saisi de la question. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité réfléchit aux moyens de lutter contre la criminalité transnationale organisée en mer, en particulier dans le golfe de Guinée

8457e séance – matin
CS/13691

Le Conseil de sécurité réfléchit aux moyens de lutter contre la criminalité transnationale organisée en mer, en particulier dans le golfe de Guinée

Le Conseil de sécurité a examiné aujourd’hui les moyens de lutter contre la criminalité transnationale organisée en mer, laquelle est en hausse dans le golfe de Guinée mais en baisse au large des côtes de la Corne de l’Afrique, a rappelé le Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Guinée équatoriale, M. Simeon Oyono Esono Angue, qui présidait le débat.  Les 24 orateurs ont plaidé pour une application du cadre juridique existant, jugé « robuste », et un renforcement de la coopération internationale pour protéger « l’un des plus grands gisements de pétrole offshore de la planète, avec 24 milliards de barils de réserve estimés, soit 5% des réserves mondiales », comme l’a rappelé la France.

Mais dans le droit de fil de la note de cadrage*, la Secrétaire exécutive de la Commission du golfe de Guinée, Mme Florentina Adenike-Ukonga, a parlé de sa région comme d’un « foyer mondial de la piraterie ».  Depuis le succès de la lutte contre ce phénomène au large des côtes de l’est de l’Afrique, a expliqué le Ministre équato-guinéen des affaires étrangères, le golfe de Guinée compte désormais pour 30% de toutes les attaques dans les eaux africaines.  Cette zone a concentré les actes les plus violents, avec 100% des six détournements de navires de l’année; 13 des 18 incidents ayant impliqué des tirs d’armes à feu sur les bateaux; 130 des 141 prises d’otages et 78 des 83 kidnappings contre rançon constatés dans le monde, a énuméré la Côte d’Ivoire.

Ces crimes, a prévenu le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), constituent un danger immédiat pour la vie et la sécurité humaines, sapent les droits de l’homme, entravent le développement durable et menacent la paix et la sécurité internationales.  M. Yury Fedotov ne s’est pas arrêté aux actes de piraterie dans le golfe de Guinée.  Il a aussi cité les trafics de cocaïne dans l’océan Atlantique et d’héroïne dans l’océan Indien, les enlèvements contre rançon dans les mers de Sulu et de Célèbes, la traite des migrants en Méditerranée et la pêche illicite dans les océans Atlantique, Indien et Pacifique. 

Pour y remédier, le Directeur exécutif de l’ONUDC a plaidé pour la bonne mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ou bien encore la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime.  Il a en outre appelé les États à favoriser l’entraide judiciaire et à renforcer leur assistance technique. 

La Secrétaire exécutive de la Commission du golfe de Guinée a attiré l’attention sur l’adoption, en juin 2013, du Code de conduite concernant la répression de la piraterie, le vol à main armée contre des navires, et les activités maritimes illégales en Afrique occidentale et centrale et l’opérationnalisation, en 2012, du Centre régional de sécurité maritime de l’Afrique centrale à Pointe-Noire, en République du Congo, et d’une antenne à Abidjan.  Le Ministre équato-guinéen des affaires étrangères a plaidé pour un meilleur appui de l’ONU aux efforts de la Commission du golfe de Guinée. 

Il y a urgence à renforcer les capacités des États de la région, aux niveaux logistique et opérationnel, et à promouvoir davantage la coopération sous-régionale, a acquiescé la Côte d’Ivoire.  Les États-Unis ont mentionné les exercices maritimes conjoints de lutte contre les activités criminelles, auxquelles ils participent dans le golfe de Guinée, alors que la France a parlé de la formation d’experts qu’elle dispense depuis 2015 à travers l’Institut de sécurité maritime interrégional d’Abidjan.  Depuis 2013, a ajouté la Belgique, la marine belge déploie chaque année un navire dans le golfe de Guinée pour renforcer les capacités maritimes des pays de la région.  L’Italie a mentionné la récente campagne de sa marine qui marque son retour dans la région, tandis qu’avec d’autres, le Japon a souligné la nécessité de remédier aux causes profondes de cette criminalité transnationale organisée, au premier chef la pauvreté et le chômage des jeunes. 

Si le Conseil de sécurité a « indéniablement » un rôle à jouer dans ce domaine, la Fédération de Russie s’est demandé s’il doit se saisir de questions sur lesquelles son rôle n’est « pas clair », dont la pêche illicite.  Sri Lanka a profité du débat pour souligner que près de 80% du trafic sur Internet passe par des câbles sous-marins qui peuvent être intentionnellement ou accidentellement endommagés. 

* S/2019/98

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Criminalité transnationale organisée en mer comme menace à la paix et à la sécurité internationales

Déclarations

M. YURY FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a rappelé que la criminalité transnationale organisée en mer est de plus en plus sophistiquée et revêt de multiples formes.  Parmi elles, il a cité la traite des migrants, la contrebande et les attaques contre les navires dans le golfe d’Aden, le trafic de cocaïne dans l’océan Atlantique, le trafic d’héroïne dans l’océan Indien, les actes de piraterie dans le golfe de Guinée, les enlèvements contre rançon dans les mers de Sulu et de Célèbes, les pêches illicites dans les océans Atlantique, Indien et Pacifique et, enfin, la traite des migrants en Méditerranée.  « Ces infractions constituent un danger immédiat pour la vie et la sécurité humaines, sapent les droits de l’homme, entravent le développement durable et, comme l’a reconnu ce Conseil, menacent la paix et la sécurité internationales. »

Le Directeur exécutif a ensuite détaillé le cadre juridique « robuste » mis en place afin de remédier à la criminalité transnationale organisée en mer, en notant, d’abord, que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne traite en détail que de la question de la piraterie.  La réponse mondiale s’articule autour de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles s’y rapportant, la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime de 1988 ou bien encore les instruments internationaux de lutte contre le terrorisme. 

M. Fedotov a ensuite passé en revue les efforts de son Office, précisant que son Programme de lutte contre la criminalité maritime est basé à Colombo, au plus près de certaines des routes maritimes les plus empruntées au monde.  Rappelant le succès du programme de lutte contre la piraterie au large des côtes de la Somalie, M. Fedotov a indiqué que l’ONUDC appuie les procès de pirates au Kenya et aux Seychelles, tout en veillant aux bonnes conditions de détention des pirates condamnés.  « Nous avons ainsi achevé la première étape du complexe pénal et pénitentiaire de Mogadiscio, qui devrait être bientôt placé sous l’autorité du Gouvernement somalien et fournir un environnement sûr pour le jugement des personnes suspectées d’actes relevant de la criminalité maritime et du terrorisme. »  Ces activités, a-t-il poursuivi, sont menées avec l’appui des forces navales de l’Union européenne, de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) ou bien encore de l’Organisation maritime internationale (OMI).  L’ONUDC appuie également la coopération interrégionale contre les activités criminelles par le biais de l’architecture de sécurité maritime de Yaoundé et veille à la sécurité de l’approvisionnement commercial par conteneurs, via le Programme mondial de contrôle des conteneurs, mené avec l’Organisation mondiale des douanes.

M. Fedotov a souhaité que le Conseil exhorte tous les États Membres à faciliter l’entraide judiciaire et autres formes de coopération pour remédier à l’expansion de la criminalité transnationale organisée en mer, en ratifiant et en mettant en œuvre les instruments internationaux pertinents.  Le Conseil devrait en outre encourager les États à renforcer leur assistance technique en vue de la bonne opérationnalisation de la coopération, grâce à l’échange de magistrats de liaison et à des plateformes telles que le Forum régional de l’océan Indien sur la criminalité maritime.  Une telle action permettrait de garantir que les personnes responsables, en particulier les trafiquants de drogue, soient bien traduites en justice.  Enfin, le Directeur exécutif a invité le Conseil à poursuivre ses discussions sur ce sujet, afin, notamment, d’identifier les options pour une coordination accrue et une prévention renforcée contre la criminalité transnationale organisée en mer. 

Mme FLORENTINA ADENIKE-UKONGA, Secrétaire exécutive de la Commission du golfe de Guinée, a expliqué qu’un Golfe de Guinée patrouillé, supervisé, où des services sociaux de qualité seraient disponibles pour toutes les populations locales serait l’idéal, mais qu’en raison de son étendue, ce littoral rend très difficile la sécurisation des frontières maritimes.  C’est la raison pour laquelle la Commission du golfe de Guinée a été créée, mutualisant les moyens dont chaque pays dispose.  La criminalité transnationale organisée en mer n’est pas un phénomène unique à la région mais il n’est pas toujours évident de reproduire les succès obtenus dans la sécurisation d’autres zones maritimes.  Mme Adenike-Ukonga a également souligné l’importance d’atténuer les dégâts causés par l’exploitation pétrolière, qui a détérioré les conditions de vie des populations civiles.  Elle a ensuite attiré l’attention sur l’adoption, en juin 2013, du Code de conduite concernant la répression de la piraterie, le vol à main armée contre des navires, et les activités maritimes illégales en Afrique occidentale et centrale.  Elle a aussi mis en avant l’opérationnalisation, en 2012, du Centre régional de sécurité maritime de l’Afrique centrale à Pointe-Noire, en République du Congo, et d’une antenne à Abidjan.  Grâce à cette approche multidimensionnelle, les pays de la sous-région se sont mobilisés, a résumé la Secrétaire exécutive. 

M. SIMEON OYONO ESONO ANGUE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Guinée équatoriale, a souligné l’importance du développement durable des mers et des océans, qui constitue l’une des priorités de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.  Il a en outre mentionné la Stratégie maritime intégrée 2050 de l’Union africaine. 

Les pays des sous-régions de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest partagent, avec le golfe de Guinée, un espace maritime crucial, a-t-il dit, en rappelant la création, en 2001, de la Commission du golfe de Guinée, qui rassemble huit pays, dont la Guinée équatoriale.  Il a souligné l’engagement de son pays dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée en mer et pour la normalisation de la situation sécuritaire dans le golfe de Guinée.  Il a mentionné les exercices navals conjoints menés avec les États-Unis dans le golfe de Guinée dits Obangame Express.

Le Ministre a indiqué que les pays du golfe de Guinée veillent à régler pacifiquement leurs différends, mentionnant le récent Accord de sécurité signé entre son pays et le Nigéria, sur la protection de leurs intérêts respectifs.  Il a également cité la Déclaration de Luanda pour la paix et la sécurité de 2012 ou la Déclaration de Yaoundé de 2013 sur les actes de piraterie adoptées par la Commission du golfe de Guinée. 

Le Ministre a ensuite insisté sur l’importance du Code de conduite pour la répression des actes de piraterie et actes maritimes criminels en Afrique de l’Ouest et centrale, adopté en 2013 à Yaoundé, dont la mise en œuvre est garantie par le Centre régional de coordination.  Le Ministre a salué l’École navale militaire de la ville de Bata, qui a formé des officiers de 20 États africains. 

Il a rappelé que les actes de piraterie dans le golfe de Guinée représentent 30% de toutes les attaques dans les eaux africaines.  Il a expliqué cet état de fait par le succès de la lutte contre la piraterie au large des côtes de l’est de l’Afrique, la recrudescence de la criminalité organisée liée au trafic de stupéfiants en Afrique et ailleurs et la faiblesse des instruments juridiques.  Le golfe de Guinée est une voie cruciale pour l’approvisionnement mondial en énergie et constitue un puit de ressources naturelles importantes pour les États-Unis, la Chine, le Japon, la République de Corée et les pays européens.  Les chefs d’État de la Commission du golfe de Guinée souhaitent que leurs efforts soient davantage appuyés par la Commission de l’Union africaine et l’ONU, dans le droit fil des résolutions du Conseil, qui rappellent la nécessité d’une action conjointe face à la criminalité transnationale organisée en mer. 

Enfin, le Ministre a déploré que les efforts de l’ONU en Afrique centrale soient moins robustes que dans d’autres régions et invité à « ne pas fermer » les yeux sur la situation sécuritaire en Afrique centrale.  Les efforts contre la criminalité transnationale organisée doivent y être confortés, a-t-il insisté. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a commencé par planter le décor de la menace et des enjeux sécuritaires mais aussi économiques et sociaux de l’insécurité maritime.  Quelques chiffres suffisent pour prendre la mesure des risques, à commencer par le fait que 90% du commerce mondial est maritime.  Le golfe de Guinée constitue l’un des plus grands gisements de pétrole offshore de la planète, avec 24 milliards de barils de réserve estimés, soit 5% des réserves mondiales, et près de 40% du trafic maritime mondial transite par le détroit de Bab el-Mandeb.  Les menaces qui pèsent sur la sûreté maritime ne sont pas théoriques, a rappelé le représentant, en invoquant la piraterie maritime dans le golfe d’Aden ou les actions de brigandage dans le golfe de Guinée qui illustrent bien la menace que peut représenter la criminalité transnationale organisée en mer pour les individus, pour les États ou pour les entreprises.  Il a également mis l’accent sur le trafic de drogue, qui transite souvent par la mer, et qui alimente des groupes terroristes et déstabilise des économies entières en nourrissant la corruption.  Le pillage des ressources halieutiques est également une réalité qui déstabilise les régions côtières et engendre des conséquences environnementales et socioéconomiques néfastes, a-t-il poursuivi.

Par conséquent, a-t-il dit, la France plaide pour une mobilisation internationale et régionale « indispensable » en vue d’endiguer ces menaces transnationales.  Elle est pleinement engagée dans la lutte contre l’insécurité maritime dans de nombreuses régions, en particulier dans le golfe de Guinée, en Méditerranée et dans les Caraïbes.  Le représentant a donné comme exemples les formations d’experts que son pays dispense depuis 2015 à travers l’Institut de sécurité maritime interrégional d’Abidjan ou encore l’opération Atalanta, dans le cadre de l’Union européenne.  La France a appuyé, notamment par le biais du Groupe du G7 des Amis du golfe de Guinée, la mise en place d’une architecture interrégionale de sûreté maritime dans le cadre du processus de Yaoundé.  La création du Centre interrégional de coopération, qui constitue un dispositif unique de mise en œuvre et de suivi de la stratégie régionale de lutte contre l’insécurité maritime, a marqué une étape majeure en ce sens, a encore fait remarquer M. Delattre.

Il a fait trois recommandations, à commencer par le renforcement des capacités des États vulnérables; puis la promotion d’une meilleure coordination des actions menées par l’ensemble des acteurs étatiques et des organisations régionales et internationales afin de notamment renforcer le partage d’informations; et enfin, donner aux populations côtières des alternatives en poursuivant des politiques de développement ambitieuses.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a rappelé que 90% du commerce mondial est maritime et que la Belgique a toujours été une plaque tournante du commerce maritime international.  De même, plusieurs sociétés de navigation et de dragage belges sont actives dans le monde entier et sont particulièrement exposées à la criminalité maritime.  Depuis 2013, la Belgique a rejoint le Groupe du G7 des Amis du golfe de Guinée en vue de soutenir le processus interrégional de Yaoundé.  En tant que membre de la Task Force de l’Union européenne pour la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, la Belgique appuie, par des actions concrètes, le plan d’action 2015-2020 de l’Union européenne en soutien aux efforts de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Commission du golfe de Guinée. 

Selon la Belgique, la criminalité maritime transnationale est une problématique complexe aux multiples facettes.  Elle a trait à la fois aux lacunes juridiques et sécuritaires dans les eaux internationales, à la difficulté d’assurer le contrôle de toutes les côtes maritimes ou encore au manque de coopération régionale et aux racines persistantes du crime organisé et du terrorisme.  Pour faire face à ce défi multidimensionnel, une approche globale et intégrée est nécessaire, et les mesures à prendre touchent à de nombreux domaines, notamment la défense, la sécurité et la justice.

Sur le plan de la défense et de la sécurité, la Belgique, a indiqué le représentant, est engagée dans plusieurs efforts internationaux importants comme l’opération Atalanta qui lutte contre la piraterie maritime autour de la Corne de l’Afrique, de la mer Rouge, du golfe d’Aden et de la mer d’Oman.  La Belgique a aussi contribué à la création du Centre de la sécurité maritime dans la Corne de l’Afrique dans lequel les forces marines et la navigation commerciale coopèrent étroitement.  De même, depuis 2013, la marine belge déploie chaque année un navire dans le golfe de Guinée pour appuyer les pays de la région et renforcer leurs capacités maritimes. 

Sur les plans policier et judiciaire, a poursuivi M. Pecsteen de Buytswerve, grâce à l’entraide judiciaire, à une nouvelle législation et aux efforts proactifs des services de police et de justice belges, plusieurs pirates de premier plan ont été condamnés en Belgique, y compris Mohamed Abdi Hassan qui l’a été en 2013 et qui fut à l’origine de l’attaque en 2009 du navire de dragage belge Pompéi.  En outre, la Belgique a mis au point un cadre juridique pour le déploiement de gardes armés privés afin de protéger les navires marchands.  La Belgique a aussi pris à bras le cops la question du trafic maritime de stupéfiants.  Pour le représentant, ces efforts nationaux seront vains s’ils ne vont pas de pair avec une véritable coopération régionale et internationale.  « Il faut donc faire mieux, car c’est dans la fragmentation de nos efforts que le crime prospère », a argué le représentant, qui a conclu en appelant à examiner les racines profondes de la criminalité maritime, notamment la détérioration des conditions économiques d’une large frange de la population ou l’absence de perspectives d’avenir. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé de la recrudescence des actes de piraterie dans différentes régions du monde, contre lesquels la communauté internationale s’est dotée de plusieurs instruments juridiques pertinents, à commencer par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui couvre ce phénomène.  Il a rappelé qu’à titre individuel, son pays ne ménage pas sa peine pour aider les pays qui en font la demande à lutter contre la piraterie.  Pour le représentant, le Conseil de sécurité a indéniablement un rôle à jouer dans ce domaine, ce qu’il fait déjà par l’examen des questions transversales qui recoupent la problématique de la piraterie.  Le représentant s’est tout de même demandé si le Conseil doit saisir des questions sur lesquelles son rôle n’est « pas clair », comme celle de la pêche illicite.  En vertu de son mandat, le Conseil est chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, a rappelé le représentant. 

Nous avons tous intérêt à mettre un terme à la criminalité transnationale organisée en mer, a déclaré M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis), en appelant les pays à user des outils diplomatiques, répressifs, judiciaires et autres.  Tous les pays qui ont ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée devraient la mettre en œuvre et ceux qui ne l’ont pas encore fait, y adhérer.  Le délégué a mentionné plusieurs résolutions du Conseil visant à promouvoir la sécurité maritime, notamment la résolution 1816 (2008), qui avait conduit au déploiement de forces navales internationales au large des côtes somaliennes; la résolution 2036 (2012) interdisant l’exportation de charbon de bois somalien; la résolution 2216 (2015) instaurant un embargo ciblé sur les armes au Yémen ou bien encore la résolution 2375 (2017) interdisant les transferts de marchandises d’un navire à l’autre à destination de la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Le délégué a enfin estimé que le renforcement des capacités est essentiel pour assurer la sécurité maritime, avant de rappeler le soutien des États-Unis aux pays du golfe de Guinée et leur participation aux exercices maritimes conjoints de lutte contre les activités criminelles. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a relevé qu’au regard de la place prépondérante du secteur maritime dans les économies des États du golfe de Guinée, il apparaît clairement que, en plus d’être une menace à la paix et à la sécurité, les actes de piraterie maritime compromettent les efforts inlassables de développement économique et social des pays de la région.  Il a relevé que la baisse régulière du nombre des attaques de navires entre 2013 et 2015 a entretenu l’espoir que le golfe de Guinée sortait progressivement des zones à risque maritimes.  Malheureusement, ces actes de piraterie qui ciblent principalement les navires marchands ont connu une tendance haussière en Afrique de l’Ouest au cours de l’année 2018.  En effet, le nombre d’actes recensés entre la Côte d’Ivoire et la République démocratique du Congo a plus que doublé pour atteindre 82 sur un total de 87 répertoriés autour du continent africain.  La zone a aussi concentré les actes les plus violents, notamment: 100% des six détournements de navires de l’année; 13 des 18 incidents ayant impliqué des tirs d’armes à feu sur les bateaux; 130 des 141 prises d’otages; et 78 des 83 kidnappings contre rançon constatés dans le monde.  Ces actes de piraterie constituent pour les États concernés une source de vive préoccupation, d’autant plus qu’ils touchent dorénavant à la sureté et à la sécurité de leurs infrastructures portuaires, véritables poumons des économies locales. 

Pour y faire face, ces pays ont élaboré une stratégie commune de lutte contre l’insécurité maritime dans le golfe de Guinée, un instrument adopté lors du Sommet de Yaoundé le 25 juin 2013.  Un centre interrégional de coordination a vu le jour à Yaoundé et devra coopérer avec les centres régionaux de coordination de sécurité maritime établis à Pointe-Noire, au Congo et celui d’Abidjan, respectivement pour l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest.  Pour la Côte d’Ivoire, cette recrudescence des actes de piraterie interpelle le Conseil de sécurité sur l’urgence de renforcer les capacités des États de la région, aux niveaux logistique et opérationnel, et de promouvoir davantage la coopération sous-régionale. 

Les stratégies sous-régionales et régionales ne seront efficientes que si elles reposent avant tout sur des stratégies et capacités nationales fortes.  C’est pourquoi la Côte d’Ivoire s’est dotée d’une stratégie nationale de l’action de l’État en mer, a indiqué le représentant.  Quatre patrouilleurs ont été achetés et des centres opérationnels maritimes ont été ouverts dans les deux principaux ports du pays.  M. Ipo a aussi souhaité que l’action des États du golfe de Guinée s’inscrive dans le triptyque « coopération, coordination et collaboration ».  Par exemple, il a formé le vœu de voir la mise en place d’un espace unique où les institutions policières, douanières et judiciaires des États partageraient les informations, et où le droit de poursuite en mer et sur terre contre les auteurs d’actes de piraterie maritime serait reconnu.  Il a également reconnu que la recherche de solutions durables contre la piraterie maritime doit se faire dans le cadre d’une approche holistique intégrant la lutte contre la pauvreté et le chômage, deux fléaux qui favorisent le recrutement des jeunes par les réseaux de criminalité maritime. 

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a rappelé que son pays est actif dans le domaine de la lutte contre la piraterie.  Il en a voulu pour preuve sa contribution au financement du Centre régional de sécurité maritime de l’Afrique centrale, et les aides bilatérales accordées à plusieurs pays du golfe de Guinée pour les aider dans la répression de ces actes.  Berlin, a-t-il précisé, participe également aux deux opérations militaires déployées par l’Union européenne pour lutter contre les actes de piraterie, EUNAVFOR MED en Méditerranée et Atalanta dans le golfe d’Aden et dans l’océan Indien.  Toutefois, ces efforts ne seront couronnés de succès que s’ils sont secondés par un développement socioéconomique et la création d’emplois dans les zones concernées, a fait observer la délégation. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a estimé que la criminalité transnationale organisée en mer demeure une menace à la sécurité internationale et à la stabilité économique mondiale.  Cette criminalité se manifeste par des actes de piraterie, le vol à main armée, le trafic d’armes et de drogues, le trafic illicite de migrants et la traite de personnes, a-t-il noté en soulignant en outre que les modalités changent constamment.  Plaidant pour une coopération entre les États pour y faire face, il s’est inquiété en particulier du trafic de drogues et des « épidémies » de cocaïne et d’héroïne.  Les opioïdes, a-t-il précisé, représentaient 90% des intoxications en 2018 dans les pays d’Afrique du Nord, centrale et de l’Ouest, tandis que ces drogues ont été responsables de 68% des overdoses mortelles aux États-Unis en 2017.

Outre les risques pour la santé publique, cette menace constitue un obstacle pour l’économie et une menace à la sécurité nationale des pays.  Le représentant a tiré les leçons de son expérience régionale et recommandé de renforcer la coopération entre les pays pour combattre ce mal commun, en maximisant les ressources et en renforçant les capacités nationales et régionales.  Il faut, a-t-il conseillé, des opérations maritimes conjointes, une meilleure collecte et analyse d’informations ainsi que des systèmes judiciaires à la hauteur des instruments internationaux de protection des espaces maritimes.  Enfin, il a demandé de remédier aux problèmes qui incitent les jeunes à participer à cette criminalité.

M. MA ZHAOXU (Chine) a relevé une nette baisse des actes de piraterie dans le golfe d’Aden, grâce à une bonne coopération internationale, contrastant avec la situation dans le golfe de Guinée, qui demeure bien « sombre ».  Il a plaidé pour un appui aux États côtiers, dans le respect de leur souveraineté, en vue, entre autres, de renforcer leurs capacités de maintien de l’ordre et leurs infrastructures portuaires.  Mentionnant la Charte de Lomé, le délégué a plaidé pour le renforcement des organisations régionales et sous-régionales, en particulier le Centre régional de coordination de la Commission du golfe de Guinée, qui devrait être doté de ressources prévisibles.  Le délégué a en outre souhaité un partage accru des informations et une amélioration de l’entraide judiciaire.  Il a appelé à remédier aux causes profondes de la criminalité transnationale organisée en mer, telles que la pauvreté et le chômage des jeunes, et a insisté sur le partenariat fort, basé sur des objectifs communs, entre la Chine et l’Afrique.  La Chine va continuer de mettre en œuvre le Plan d’action de Beijing de septembre dernier, en vue d’améliorer les ports africains, a-t-il assuré en conclusion. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a estimé que les crimes organisés, partout où ils sont commis, peuvent constituer une menace pour la paix et la sécurité.  Ils doivent être combattus de manière globale et collective par la communauté internationale.  Premièrement, a poursuivi le représentant, nous devons avoir une meilleure compréhension de la nature et de la menace de ces crimes ainsi que de leur implication sur la paix et la sécurité internationales.  À cet égard, le Conseil pourrait envisager de demander au Secrétaire général d’établir un rapport identifiant les options permettant d’améliorer la coopération et la coordination et de faire des recommandations pour mieux prévenir et combattre la criminalité transnationale organisée en mer dans le cadre juridique applicable.  Les capacités nationales en matière de poursuites et d’exécution devraient être renforcées, a ajouté M. Djani, pour lequel les États Membres ont besoin d’améliorer leur cadre juridique afin de permettre une coopération internationale efficace sur le terrain comme l’extradition, l’entraide juridique et les enquêtes conjointes. 

Le droit devrait être un pont, et non un obstacle, permettant de réparer les torts et d’assurer la justice.  Lorsque des crimes sont commis au-delà de toute juridiction nationale, les États sont encouragés à recourir à des opérations maritimes conjointes ou coordonnées pour limiter ces crimes, tout en respectant le droit de la mer, a encore déclaré le représentant indonésien, qui a dit « plaider fermement pour le rôle crucial des mécanismes régionaux en tant que premiers intervenants dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée en mer ».  M. Djani a enfin attiré l’attention sur une criminalité transnationale organisée émergente, à savoir les crimes liés à la pêche.  Ces crimes, s’est-il expliqué, comportent non seulement une dimension transnationale, mais également une facette « droits de l’homme ».  Ces crimes menacent l’économie des pays et la viabilité de l’environnement marin, a souligné le représentant. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a évoqué la richesse marine de ses côtes et l’importance de la pêche pour son économie, avant d’exprimer ses inquiétudes face à la menace de la piraterie et du vol armé en mer pour la navigation internationale, en particulier dans le golfe de Guinée.  Il a recommandé que les pays de la région adoptent une approche intégrale pour lutter contre la criminalité maritime en soulignant l’urgence de la situation, dans un monde de plus en plus interdépendant où 90% du commerce mondial est transporté par mer.  Le représentant a appelé les pays des régions touchées par ce problème à coopérer, notamment pour poursuivre en justice les responsables, et les a invités, ainsi que le secteur privé, à former de nouvelles synergies pour l’échange d’informations et de renseignements. 

Rappelant qu’une partie de la cocaïne produite en Amérique du Sud pour le marché européen transite par le golfe de Guinée, le représentant a souligné le lien qui existe entre délinquance transnationale et terrorisme.  Il a salué les efforts menés par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI) et l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), ainsi que ceux de l’Organisation maritime internationale (OMI), tout en les appelant à explorer de nouvelles voies de coopération pour garantir la sécurité des mers.  Il a également apprécié la participation active des organisations régionales face à la criminalité en mer, tout en insistant sur la responsabilité première des États pour éliminer la piraterie et le vol à main armé en mer.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué les efforts assidus déployés au niveau international pour lutter contre les actes de piraterie, en particulier dans le golfe d’Aden et dans l’océan Indien, un phénomène aux multiples conséquences pour les pays concernés, y compris sur le plan économique.  Il a dénoncé la traite des migrants à laquelle se livrent des passeurs sans vergogne, estimant que le vide politique et la récession économique observés dans certains États constituent un terrain fertile.  Dans ce contexte, la coopération internationale est devenue une nécessité pour garantir l’efficacité des efforts en cours, a souligné la délégation, en se félicitant du rôle primordial joué à cet égard par l’ONUDC pour prêter assistance aux États concernés. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a mentionné la « contribution active » de son pays pour garantir la sécurité maritime, et pas seulement en mer Baltique.  Nous contribuons à l’opération SOPHIA de l’Union européenne, a-t-elle dit, avant de noter l’apport de l’opération Atalanta de l’Union européenne dans la région de la Corne de l’Afrique.  La déléguée a appelé à la poursuite des efforts concertés des pays du golfe de Guinée, de la CEDEAO et de la CEEAC.  Elle a ensuite exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre les principaux instruments de lutte contre la piraterie et la criminalité transnationale organisée, en particulier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, véritable « constitution des océans ».  Tous les efforts de lutte contre la criminalité transnationale organisée doivent respecter le droit international, a conclu la déléguée. 

M. MXOLISI NKOSI (Afrique du Sud) a souligné que le continent africain connaît très bien l’impact de la criminalité transnationale organisée en mer sur la stabilité, la sécurité et le développement.  Des patrouilles de sécurité sud-africaines viennent d’ailleurs de confisquer de nombreux navires et d’arrêter un nombre incalculable de personnes impliquées dans la pêche illicite et le braconnage d’ormeaux qui privent le pays de millions de dollars et affectent négativement les moyens de subsistance des communautés côtières.  Pour relever ces défis, le représentant a préconisé un cadre réglementaire solide et une approche coordonnée et globale aux niveaux national, régional et international, a-t-il suggéré. 

Il convient de noter, a ajouté M. Nkosi, que l’Union africaine a proclamé la période entre 2015 et 2025, Décennie des mers et des océans d’Afrique, dans le but d’améliorer les conditions maritimes et d’assurer la protection et l’exploitation durable des mers et des océans africains.  L’Afrique du Sud a travaillé de concert avec les pays africains au développement de ces instruments continentaux qui visent à créer un environnement océanique sûr et durable pour le bénéfice des peuples africains.  Les 21 pays membres de l’Association des États riverains de l’océan Indien, actuellement présidée par l’Afrique du Sud, ont désigné la sécurité et la sûreté marines comme priorité, a aussi annoncé le délégué.  Avant de clore, il a dit qu’au niveau national, « l’Afrique du Sud a identifié la protection et la gouvernance du milieu marin comme l’une des priorités de sa stratégie pour l’économie bleue ».

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est dit d’accord avec la Chine lorsqu’elle dit que la criminalité transnationale organisée fragilise le tissu économique et le commerce international avec l’Afrique de l’Est et de l’Ouest.  Au nombre des efforts consentis par son pays pour lutter contre ce phénomène, la représentante a cité le système d’alerte de sûreté du navire qui alerte silencieusement les équipages.  En outre, le Gouvernement britannique poursuit, aux côtés de la France, le travail sur une base de données actualisant les menaces existantes en matière de piraterie.  Le Royaume-Uni, a assuré la représentante, continuera de jouer un rôle auprès de l’ONUDC et de l’Organisation maritime internationale (OMI).

« Dans mon pays, nous avons un jour férié en juillet, appelée “Journée marine”, pour remercier les océans de leur bénédiction », a déclaré M. KORO BESSHO (Japon).  Mon pays, a-t-il dit, a ouvert la voie à l’adoption de l’Accord de coopération régionale contre la piraterie et les vols à main armée à l’encontre des navires en Asie, qui a permis une réduction significative de la piraterie, au cours de la dernière décennie.  Le représentant a rappelé la contribution du Japon dans la lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden.  Préoccupé par la situation dans le golfe de Guinée, il a plaidé, pour y remédier, en faveur d’une approche stratégique, basée sur une coopération nationale, régionale et internationale renforcée.  Nous devons aussi traiter des causes profondes de l’insécurité maritime, dont la pauvreté, a-t-il déclaré.  « Pour démanteler les réseaux criminels, la perspective d’un individu dans son environnement local doit être dûment considérée. »

M. CHEIKH NIANG (Sénégal) a expliqué que son pays, « conformément à ses engagements internationaux et conscient de sa vocation maritime », a mis en place un cadre de coordination de l’action de l’État en mer pour lutter contre la criminalité maritime sous toutes ses formes.  Il a créé une architecture institutionnelle de coordination basée sur le Système national de sécurité maritime et le Plan national d’urgence en mer.  En outre, Dakar a adopté un cadre juridique pertinent à travers divers instruments, tels que le Code pénal, le Code de procédure pénale, et les Codes de la marine marchande et de la pêche maritime, respectivement, qui visent à réprimer efficacement les différents actes criminels en mer, a précisé le représentant.  Le Sénégal a également renforcé les moyens de surveillance de ses côtes, en dotant ses forces navales de nouveaux navires et d’aéronefs destinés à mieux sécuriser les eaux sous juridiction nationale et à lutter contre la pêche illégale.  Le représentant a appelé au renforcement de la coopération technique sur le terrain pour renforcer la capacité des États Membres à lutter contre la criminalité en mer.

Le représentant s’est ensuite félicité de la mobilisation continue des États et des organisations sous-régionales, notamment africaines, qui ont accompli des progrès substantiels dans la mise en place des institutions et dans l’adoption de cadres juridiques adaptés.  Par exemple, face à la complexité grandissante de la criminalité dans le golfe de Guinée, le Sommet sur la sûreté et la sécurité maritimes, tenu les 24 et 25 juin 2013 à Yaoundé, avait constitué un véritable déclic et une manifestation tangible de l’engagement des États de la région, a-t-il rappelé.  Le délégué a salué en outre l’adoption, le 15 octobre 2016, à Lomé, de la Charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes et le développement de l’Afrique, qui s’inscrit dans l’optique de la Stratégie africaine intégrée pour les mers et océans à l’horizon 2050, dont l’objectif est de faire de l’espace maritime l’un des principaux leviers du développement économique et social de l’Afrique.

M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka) a souligné que pour son pays qui est situé dans l’océan Indien, l’augmentation de la mobilité en mer et un trafic dense ouvrent des opportunités au trafic des stupéfiants, des armes et des migrants, entre autres.  Pour ce pays, dont l’existence est étroitement liée à la mer et à ses ressources, l’impact de ces actes sape la survie.  L’un des problèmes que Sri Lanka relève est l’absence de condamnation après les saisies de drogues dans la région de l’océan Indien.  Le délégué a aussi souligné les deux questions de la liberté de navigation et la liberté de la connexion numérique.  Cette seconde question est d’autant plus cruciale que 80% du trafic sur Internet passe par des câbles sous-marins qui peuvent être intentionnellement ou accidentellement endommagés.  Dans un monde qui dépend de plus en plus de la connectivité, détruire ou endommager ces câbles pourrait avoir un impact majeur sur tous les aspects de la vie, a-t-il poursuivi.  Sri Lanka plaide donc pour l’harmonisation des lois sur la protection des câbles sous-marins, y compris par une coopération entre les instances judiciaires, pour faire face à cette nouvelle menace.

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est félicitée de l’adoption, en juin 2013, par les membres de la Commission du golfe de Guinée, de la CEEAC et de la CEDEAO du Code de conduite de Yaoundé concernant la répression de la piraterie, du vol à main armée contre des navires, et des activités maritimes illégales en Afrique de l’Ouest et du Centre.  « Sa mise en œuvre est cruciale pour la sûreté maritime, de l’Angola à Cabo Verde », a-t-elle dit, en promettant que la Norvège restera un partenaire.

Si le Groupe de contact sur la piraterie au large des côtes de la Somalie a été en mesure de réduire, grâce à une série de mesures coordonnées, les activités des pirates, il n’en reste pas moins que ceux-ci continuent de mettre à l’épreuve le dispositif en place.  Certes, les situations en Afrique de l’Est et de l’Ouest diffèrent, mais les deux exigent une solution juridique viable, a-t-elle préconisé.  À nos yeux, il est tout particulièrement important de poursuivre en justice les hommes en Somalie qui coordonnent les organisations de pirates, a dit Mme Juul, en affirmant que son pays soutient les efforts de l’ONUDC pour prêter assistance aux pays dans l’élaboration d’une législation adaptée. 

Elle a, à cet égard, salué les États qui se sont déjà dotés de tels textes, comme le Kenya, Maurice, les Seychelles et le Togo.  Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, la Norvège est engagée en faveur de la lutte contre la pêche illicite qui représente 20% des poissons mis sur le marché.  La Norvège a d’ailleurs plaidé pour une coopération internationale accrue et un cadre juridique efficace pour lutter contre ce type de crime.  L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée prévoit des mesures pertinentes et met l’accent sur le renforcement des capacités dans les pays en développement, a fait observer la représentante.  La Norvège, a-t-elle enfin précisé, a contribué à hauteur de 5 millions de dollars au financement des efforts de l’ONUDC pour lutter contre les pêcheries illégales et a versé d’autres ressources, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 

Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago) a commencé par resituer son île qui est la plus au sud des petites Antilles et juste à 11 kilomètres au large du continent sud-américain.  Le pays ne représente que 4 828 miles carrés, alors que son espace maritime est 15 fois plus grand.  Avec ses frontières poreuses, Trinité-et-Tobago est devenue une plateforme facile pour le trafic de drogues et d’armes de petit calibre, a expliqué la représentante.  Cette réalité pèse lourd sur le développement socioéconomique du pays mais aussi sur celui de la région des Caraïbes toute entière puisque les menaces à la sécurité maritime sont un fardeau supplémentaire pour les sociétés vulnérables des États insulaires.

Le Gouvernement ne reste pas les bras croisés.  Bien au contraire, a affirmé la représentante, il assume sa part de responsabilité.  Mais la répression efficace de la criminalité transnationale en mer repose sur un système solide d’instruments adéquats et précis tant au niveau bilatéral que multilatéral.  À ce titre, la représentante a estimé que si le Traité sur le commerce des armes était appliqué de bonne foi, il pourrait significativement contribuer à endiguer les souffrances humaines causées par le trafic d’armes, et, partant, à plus de stabilité et de sécurité au niveau régional.

Le Plan stratégique de la CARICOM 2015-2019 est également une feuille de route pour l’action de Trinité-et-Tobago dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée, notamment grâce au soutien de l’Organisme d’exécution des mesures de sécurité et de lutte contre la criminalité de la CARICOM.  La représentante a également insisté sur l’importance du renforcement des capacités des petits États insulaires, ainsi que sur l’application de la loi et les poursuites judiciaires.  Pour cela, le partage d’informations entre les agences nationales, régionales et internationales est essentiel, a-t-elle souligné avant d’appeler à leur financement adéquat et prévisible, y compris l’ONUDC.

M. STEFANO STEFANILE (Italie) a appelé tous les pays à lutter contre la traite des personnes, en démantelant les réseaux criminels qui tirent profit de la situation des migrants, en promouvant le développement des pays de départ et de transit, en remédiant aux causes profondes de ce phénomène et en créant des mécanismes durables pour un bon partage des responsabilités entre les pays d’accueil des migrants.  C’est ce que l’Italie a fait ces deux dernières années par le biais du « Fonds Afrique ».  Le représentant a précisé que 180 millions d’euros de ce fonds ont bénéficié aux pays africains afin de mieux gérer les flux migratoires, en s’attaquant notamment à leurs causes profondes.  Au niveau multilatéral, l’Italie continue de diriger l’opération navale de l’Union européenne SOPHIA et est l’un des principaux contributeurs au Fonds d’affectation spéciale de l’Union européenne pour l’Afrique.  Enfin, M. Stefanile a mentionné la récente campagne de la marine italienne dans le golfe de Guinée, qui marque le retour de la présence de son pays dans la région. 

Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA (Philippines) a débuté son intervention en réaffirmant l’importance cardinale que son pays, un archipel bordé par 36 000 kilomètres de littoral, accorde à la sécurité maritime.  Alors que les frontières maritimes sud des Philippines sont une zone préoccupante, nous avons, a-t-elle expliqué, rejoint l’Indonésie et la Malaisie dans l’Accord de coopération trilatéral pour mettre en œuvre des mesures et des stratégies antiterroristes et combattre les défis transnationaux émergents.  Des patrouilles aériennes et maritimes ont été menées le long des frontières communes pour renforcer la sécurité et arrêter les éléments armés, les fugitifs et ceux qui prêtent assistance aux extrémistes.  La coopération prend aussi la forme d’un partage d’informations entre les services de renseignement.

Les Philippines, a rappelé la représentante, sont également membres de l’Accord de coopération régionale contre la piraterie et les vols à main armée à l’encontre des navires en Asie, et jouent un rôle très actif au sein du Forum maritime de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), qui promeut la coopération sous-régionale dans la lutte contre la piraterie, mais aussi dans la protection des écosystèmes marins, de la biodiversité et des ressources halieutiques.  Enfin, Manille coopère avec les États Membres de l’ONU et l’ONUDC pour réfléchir aux recommandations en matière de lutte contre les organisations criminelles transnationales et partager les pratiques optimales.  Si les Philippines ne négocient pas avec les pirates, a ajouté Mme Azucena, elles ont cependant fait preuve de coopération avec les États pavillon des navires détournés, et leurs armateurs, pour déterminer la meilleure façon de garantir la sûreté et le retour des équipages. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Secrétaire général envisage trois façons d’endiguer les activités des mercenaires, source d’insécurité et de déstabilisation en Afrique

8456e séance – matin
CS/13688

Conseil de sécurité: le Secrétaire général envisage trois façons d’endiguer les activités des mercenaires, source d’insécurité et de déstabilisation en Afrique

En présence du Président de la Guinée équatoriale, qui a dirigé ce matin la première séance du Conseil de sécurité pour le mois de février, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a présenté trois actions permettant d’endiguer les activités des mercenaires, examinées comme une source d’insécurité et de déstabilisation en Afrique et au-delà par une vingtaine d’intervenants qui ont pris position sur la question en faisant une distinction avec les entreprises de sécurité privées.

Au cours de cette séance à laquelle ont pris part trois ministres africains, et au cours de laquelle le Président de la Commission de l’Union africaine (UA), M. Moussa Faki Mahamat, est intervenu par visioconférence, le Secrétaire général a rappelé l’origine ancienne des mercenaires, qui remonte à l’antiquité, et l’évolution dans le temps de leurs activités.  « Bien que les chiffres ne soient pas clairs, l’impact des mercenaires aujourd’hui n’est que trop évident », a-t-il affirmé en soulignant que leur présence, ainsi que celle d’autres combattants étrangers, aggrave les conflits et menace la stabilité. 

De plus, comme l’a fait remarquer le Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, « le phénomène des mercenaires est l’une des causes du retard socioéconomique de l’Afrique ».  En effet, « la quasi-totalité des conflits en Afrique sont caractérisés par la présence et l’action de ces soldats de fortune » mus par l’appât des ressources du continent.  La Guinée équatoriale n’a pas échappé à cette réalité avec pas moins de cinq tentatives d’incursion mercenaire au cours de ces 24 dernières années, la dernière en décembre 2017.

Pour M. Guterres, relever ce défi nécessite des actions sur plusieurs fronts.  Premièrement, il faut renforcer les régimes juridiques, aux niveaux mondial et national.  À l’heure actuelle, seuls 35 États, dont trois membres actuels du Conseil, sont parties à la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, qui date pourtant de 1989.  La Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur l’élimination du mercenariat en Afrique, adoptée en 1977, et la Convention de l’Afrique centrale sur le contrôle des armes légères et de petit calibre souffrent aussi de ce désintérêt des États, alors même que le continent africain entend « Faire taire les armes à feu d’ici à 2020 », comme le veut l’initiative du même nom lancée par l’UA.  

C’est dans ce contexte que le deuxième Forum sur la réforme du secteur de la sécurité, organisé par la Commission de l’UA, a recommandé la révision de la Convention de 1977 en vue d’adapter cet instrument aux évolutions intervenues depuis son adoption et de le doter d’un mécanisme de mise en œuvre et de suivi, a expliqué M. Mahamat.  Le Ministre des affaires étrangères du Gabon a aussi rappelé que « l’Afrique centrale dispose d’une architecture institutionnelle remarquable à même d’impulser la prévention et la gestion des sources d’instabilité et des crises, notamment le Conseil de paix et de sécurité d’Afrique centrale (COPAX) ou encore le Mécanisme d’alerte rapide en Afrique centrale (MARAC) ».  Alors que des orateurs ont noté qu’il n’existe pas de définition claire en droit du phénomène des mercenaires, le Ministre rwandais des affaires étrangères et de la coopération internationale a aussi mis en garde contre l’augmentation des cyberattaques et de l’espionnage industriel perpétrés par des groupes de mercenaires « dans le confort de leur foyer ».  Les mercenaires continuent à évoluer et à innover, a-t-il expliqué, et « nous ne pouvons et ne devrions pas être statiques dans notre réponse ».  Justement, comme deuxième moyen d’action, le Secrétaire général a prôné le renforcement de la coopération bilatérale, régionale et internationale, en s’appuyant sur le partenariat stratégique qui existe déjà entre l’ONU, l’UA, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et les pays de la région.  Le Tchad a, par exemple, établi des cadres de collaboration avec ses voisins du bassin du lac Tchad et un autre avec le Niger, le Soudan et la Libye pour la sécurisation des frontières communes afin de faire face à Boko Haram, d’une part, et au débordement du conflit libyen, d’autre part. 

Troisièmement, le Secrétaire général appelle à examiner les facteurs politiques, économiques, sociaux et psychologiques à l’origine des activités mercenaires.  Le Groupe de travail des Nations Unies sur les mercenaires a recommandé un large éventail de mesures, a-t-il relevé en citant notamment la lutte contre l’exclusion, l’amélioration de l’engagement civique, la bonne gouvernance, la fourniture de services publics équitables et la protection des minorités et autres groupes vulnérables.  Il a prôné des efforts accrus pour créer des opportunités pour les jeunes et pour autonomiser les femmes.

Le débat a fait apparaître des avis variés au sujet des compagnies privées de sécurité, les États-Unis estimant que certains groupes de sécurité militaires privés peuvent jouer un rôle positif en Afrique notamment quand ils fournissent un appui à l’UA ou quand ils protègent des installations de l’UA et de l’ONU.  L’industrie d’entreprises de sécurité privées est réglementée contrairement aux activités des mercenaires, a fait valoir le Royaume-Uni qui a plaidé pour l’amélioration de la qualité des prestations de cette industrie, notamment par le respect du code de conduite international et leur certification.  Transparence et régulation, a résumé l’Allemagne tout en demandant, de même que la Pologne, de mettre en œuvre le Document de Montreux relatif à cette question.  L’Afrique du Sud a toutefois considéré que les services de sécurité devraient relever uniquement de la responsabilité des gouvernements souverains.

Des pays d’Afrique centrale, notamment le Gabon et la République centrafricaine, ont aussi attiré l’attention sur la question de la prolifération des armes légères et de petit calibre qui aggrave le phénomène des mercenaires.  La France a suggéré d’apporter une réponse sécuritaire passant par exemple par l’action robuste de certaines opérations de maintien de la paix comme la MINUSCA en République centrafricaine ou la brigade d’intervention de la MONUSCO en République démocratique du Congo (RDC).  Le Soudan, qui s’est également dit victime des actions des mercenaires, a annoncé que le Gouvernement de la République centrafricaine et 14 groupes armés signeront demain un accord de paix.  

Enfin, le Président Obiang Nguema a rappelé qu’il avait demandé en 2005 la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le mercenariat, et il a appelé les Nations Unies, et en particulier le Conseil de sécurité, ainsi que les partenaires et amis de l’Afrique, à s’attaquer au problème des mercenaires de la même façon dont ils affrontent le terrorisme et la piraterie, cette dernière question étant d’ailleurs à l’ordre du jour du Conseil de sécurité dès demain matin.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES (S/2019/97)

Activités mercenaires comme source d’insécurité et de déstabilisation en Afrique

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a rappelé que l’utilisation de mercenaires remonte à loin dans le temps: il y a toujours eu, depuis l’antiquité, des gens qui s’engagent sur le champ de bataille pour obtenir une récompense financière ou matérielle.  Il a noté en même temps que le caractère brumeux de cette pratique rend les données difficiles à obtenir.  Les rapports suggèrent toutefois une augmentation de l’utilisation de mercenaires et d’autres combattants étrangers, a constaté le Secrétaire général.  Bien que les chiffres ne soient pas clairs, l’impact des mercenaires aujourd’hui n’est que trop évident, a-t-il affirmé en soulignant que la présence de mercenaires et d’autres combattants étrangers aggrave les conflits et menace la stabilité.  Certains mercenaires dotés d’une énorme puissance de feu vont même de guerre en guerre en offrant leurs services meurtriers et en faisant preuve de peu de responsabilité et d’un mépris total du droit international humanitaire.

Les activités des mercenaires sapent l’état de droit et perpétuent l’impunité, a-t-il poursuivi en notant qu’ils encouragent l’exploitation illégale et inéquitable des ressources naturelles d’un pays.  Ils provoquent des déplacements à grande échelle et des tensions intercommunautaires.  Et même Machiavel, réputé tolérant pour les comportements douteux, a écrit dans Le Prince que les mercenaires sont « désunis, indisciplinés, ambitieux et sans foi ». 

La nature des activités des mercenaires a évolué au fil des ans, a souligné M. Guterres.  Aujourd’hui, les mercenaires exploitent et se nourrissent d’autres fléaux, tels que le crime transnational organisé, le terrorisme et l’extrémisme violent.  En Afrique, au centre du débat d’aujourd’hui, les activités des mercenaires demeurent un grave sujet de préoccupation, a noté le Secrétaire général en citant les activités illicites et les trafics de groupes terroristes et mercenaires opérant au Sahel, ainsi que l’implication présumée de mercenaires dans les violences postélectorales en Côte d’Ivoire en 2010.  De même, en République centrafricaine, des mercenaires et d’autres combattants étrangers ont commis d’innombrables violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire contre des civils, sans compter qu’ils ont bloqué les mouvements des éleveurs le long des itinéraires traditionnels, à savoir la frontière avec le Cameroun.  En représailles à des attaques répétées, les éleveurs ont engagé d’autres groupes armés ou rebelles pour se protéger et protéger leur bétail, alimentant ainsi le cycle de la violence.  Il a également parlé de la Guinée équatoriale qui s’est dite victime de tentatives sérieuses contre son gouvernement.  En effet, l’année dernière, a rappelé le Secrétaire général, l’Ambassadeur Anatolio Ndong Mba de ce pays a souligné devant ce Conseil la nécessité de « vigilance et de contrôle des groupes qui sèment l’insécurité et l’instabilité ».

Pour M. Guterres, relever ce défi nécessite des actions sur plusieurs fronts.  Premièrement, il faut renforcer les régimes juridiques, aux niveaux mondial et national.  Il a rappelé que seuls 35 États sont parties à la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, adoptée par l’Assemblée générale en 1989.  La Guinée équatoriale a récemment adhéré à la Convention et en deviendra la trente-sixième partie plus tard ce mois-ci, a—t-il annoncé, précisant que seuls trois membres actuels du Conseil de sécurité y sont eux-mêmes parties.  Il a donc appelé les États qui ne sont pas parties à la Convention à y adhérer ou à la ratifier sans délai.  Ce cadre juridique, a—t-il poursuivi, comprend également d’importants instruments africains, notamment la Convention de l’ Organisation de l'unité africaine (OUA) sur l’élimination du mercenariat en Afrique et la Convention de l’Afrique centrale sur le contrôle des armes légères et de petit calibre.  Il a promis que le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale et le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique continueront d’appuyer la mise en œuvre de ces normes, ce qui contribuera à faire progresser le programme de l’Union africaine intitulé « Faire taire les armes à feu d’ici à 2020 ».  Il a en outre expliqué que renforcer le régime juridique, c’est aussi lui apporter plus de précisions.  La définition juridique internationale du mercenaire étant très étroite, cela pose un problème pour l’efficacité des enquêtes et des poursuites.

Deuxièmement, le Secrétaire général a prôné le renforcement de la coopération bilatérale, régionale et internationale, notamment la coopération en matière de gestion des frontières qui sera cruciale pour enrayer le flux de libre circulation d’armements et d’acteurs étrangers armés en Afrique centrale.  Il s’agit, par exemple, de prendre des mesures instituant des commissions frontalières mixtes, des mécanismes conjoints de surveillance de la sécurité aux frontières et un partage régulier de renseignements entre les forces de défense nationales.  La coopération sera également essentielle pour renforcer la capacité des institutions judiciaires nationales et des organes chargés de la sécurité et des droits de l’homme, afin qu’ils soient en mesure de mettre en œuvre les instruments juridiques pertinents.  Dans ce contexte, le Secrétaire général a jugé essentiel le partenariat stratégique entre l’ONU, l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et les pays de la région.  Le Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale est un autre aspect du tableau, tandis qu’INTERPOL fait partie des organisations ayant un rôle important à jouer.

Troisièmement, le Secrétaire général appelle à examiner les facteurs politiques, économiques, sociaux et psychologiques à l’origine des activités des mercenaires.  Le Groupe de travail des Nations Unies sur les mercenaires a recommandé un large éventail de mesures, a-t-il relevé en citant notamment la lutte contre l’exclusion, l’amélioration de l’engagement civique, la bonne gouvernance, la fourniture de services publics équitables et la protection des minorités et autres groupes vulnérables.  Des efforts accrus pour créer des opportunités pour les jeunes seront essentiels pour réduire l’attrait des mercenaires et la menace de radicalisation.  Il a aussi appelé à faire plus pour autonomiser les femmes et prendre en compte les dimensions sexospécifiques des activités de mercenaires. 

En concluant, M. Guterres a assuré que l’ONU est prête à continuer d’aider les gouvernements à s’attaquer aux activités de mercenaires, notamment en approfondissant le dialogue avec les organisations régionales et les institutions nationales compétentes.  Il a exhorté tous les pays à coopérer avec le Groupe de travail des Nations Unies, y compris ceux que ce groupe souhaite visiter.  « Ensemble, renforçons notre travail dans tous les domaines de ce défi, de la prévention aux poursuites, en passant par l’atténuation des impacts des activités de mercenaires et la résolution des causes profondes qui les ont provoquées. »

M. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union africaine (UA), a jugé essentiel, au moment où le continent africain intensifie ses efforts de promotion de la paix et de la sécurité, que la réflexion porte sur toutes les sources d’insécurité et d’instabilité, pour faciliter l’articulation de réponses appropriées par la communauté internationale.  M. Mahamat, qui intervenait par visioconférence, a précisé que l’un des défis à relever est assurément la question du mercenariat. 

L’histoire du continent africain est jalonnée d’exemples de mercenaires impliqués dans des actions de déstabilisation, y compris des coups d’État, des interventions dans les conflits armés et des tentatives de prise de contrôle des ressources naturelles des pays concernés, a-t-il constaté à regret.  Dès les années 60, alors que l’Afrique s’employait à consolider ses indépendances, certains pays furent confrontés à ce phénomène aux conséquences dévastatrices en termes de violence, de violation des droits de l’homme et de menaces supplémentaires sur la sécurité et la stabilité des pays affectés.  Cet état de fait a clairement constitué une grave menace pour l’indépendance, la souveraineté, l’intégrité territoriale et le développement harmonieux des États africains, a remarqué M. Mahamat, ce qui a amené l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à adopter en 1977 la Convention sur l’élimination du mercenariat en Afrique, entrée en vigueur en 1985.  Cette convention a permis d’établir des normes pour le continent sur ces activités.  Elle a également incité à prendre des initiatives de coopération en Afrique.

Malgré ces efforts, le fléau du mercenariat a toutefois persisté, a reconnu le représentant de l’UA, citant l’exemple de la récente tentative de coup d’État en Guinée équatoriale.  M. Mahamat a souligné le caractère quelquefois poreux des frontières africaines et la nature transfrontalière des défis sécuritaires auxquels le continent est confronté et qui ont favorisé la mobilisation de combattants étrangers pour servir de mercenaires.  À ces évolutions, s’ajoute l’apparition de compagnies privées de sécurité qui méritent une attention particulière, selon le représentant.

C’est dans ce contexte que le deuxième Forum sur la réforme du secteur de la sécurité, organisé le 18 octobre 2018 par la Commission de l’UA, a recommandé la révision de la Convention de 1977 en vue d’adapter cet instrument aux évolutions intervenues depuis son adoption et de le doter d’un mécanisme de mise en œuvre et de suivi.  S’agissant plus précisément des compagnies privées de sécurité, le Forum a recommandé l’élaboration d’un cadre continental de régulation et de supervision.  La Commission de l’UA travaille actuellement au suivi de ces recommandations et consultera à cet égard différents partenaires internationaux, notamment l’ONU, a précisé le représentant, qui a jugé important de renforcer les instruments internationaux relatifs au mercenariat, en les signant, en les ratifiant et en les mettant en œuvre.  À cet égard, il a regretté le nombre limité d’États Membres des Nations Unies à l’avoir fait pour la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires. 

M. Mahamat a enfin plaidé en faveur d’une coopération renforcée entre les États, y compris en matière de renseignement, de poursuites pénales, de gouvernance du secteur de la sécurité et, s’agissant des pays émergents de conflits, sur les processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).  La lutte contre le mercenariat doit s’inscrire dans le contexte de la promotion de la paix et de la sécurité sur le continent, a-t-il conclu en ajoutant que l’UA est activement engagée sur ce front dans le cadre de la campagne visant à « Faire taire les armes d’ici à 2020 ».

M. RICHARD SEZIBERA, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Rwanda, a invité à faire une distinction entre le rôle des services de sécurité et militaires opérant dans un cadre national clair, et les groupes de mercenaires opérant clandestinement pour offrir un soutien militaire à des groupes déterminés à déstabiliser l’ordre constitutionnel et l’autorité.  Les mercenaires contribuent à la multiplication inquiétante des réseaux criminels transfrontaliers, a noté le Ministre en soulignant que certains sont bien financés et équipés d’outils de communication militaires sophistiqués, étant ainsi connectés au réseau terroriste mondial.  Le Rwanda fait partie des pays de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) qui ont été victimes de ces réseaux terroristes transfrontaliers.  « C’est pour cette raison que le Conseil de sécurité peut compter sur notre soutien aux objectifs de cette réunion », a assuré M. Sezibera.   

Aujourd’hui, a poursuivi le Ministre, le problème n’est pas seulement que les mercenaires sont impliqués dans les guerres, mais il y a aussi une augmentation des cyberattaques et de l’espionnage industriel perpétrés par des groupes de mercenaires dans le confort de leur foyer.  Les mercenaires continuent à évoluer et à innover, a-t-il expliqué.  « Nous ne pouvons et ne devrions pas être statiques dans notre réponse. »  Afin de faire face aux nouvelles réalités, il a prôné la mise à jour des cadres politiques existants de l’Union africaine et de la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires.  Pour sa part, a-t-il indiqué, l’Union africaine passera en revue la Convention de 1977 sur l’élimination des mercenaires en Afrique en vue de renforcer ses dispositions. 

M. TEODORO OBIANG NGUEMA MBASOGO, Président de la Guinée équatoriale, a rappelé qu’il y avait toujours eu des mercenaires, quelles que soient les civilisations, les époques et les guerres.  Il a aussi relevé qu’après plus de 50 années d’indépendance, de nombreux pays africains sont toujours à la traine en termes de développement socioéconomique, malgré les nombreuses richesses naturelles dont ils regorgent.  Le phénomène des mercenaires est l’une des causes de ce retard, a-t-il analysé en dénonçant leurs « intérêts occultes »: ils cherchent, selon lui, à prendre le contrôle des ressources naturelles et de la technologie devant soutenir le développement.  « La quasi-totalité des conflits en Afrique sont caractérisés par la présence et l’action de ces soldats de fortune », a—t-il poursuivi, avant de noter que la persistance des mercenaires sur le continent pose des obstacles à l’autodétermination des peuples et entraîne des violations de droits de l’homme, le pillage des richesses, des assassinats politiques, sans oublier le renversement de gouvernements.  Dans le cas de l’Afrique centrale, ces problèmes sont plus patents du fait des richesses stratégiques de la sous-région qui en ont fait une cible de choix pour ces criminels.

Venant au cas de son pays, le Chef de l’État a indiqué que la pacifique Guinée équatoriale avait commencé à attirer des mercenaires quand le pétrole y avait été découvert dans les années 90.  Grâce à la paix qui y règne, a-t-il fait valoir, le pays a pu atteindre un niveau de développement sans précédent.  Le Gouvernement de la Guinée équatoriale condamne fermement les activités des mercenaires sur le continent, a martelé le Président, en faisant remarquer que le pays aurait pu subir les calamités des guerres mercenaires si les cinq tentatives d’incursion mercenaire dont il a été victime au cours de ces 24 dernières années avaient abouti.  Le Président a rappelé que des mercenaires avaient ainsi attaqué des banques, assailli la résidence du Chef de l’État et même tenté d’assassiner sa personne et les membres de sa famille en décembre 2017.  Il a remercié l’Angola, le Zimbabwe et le Cameroun pour leur collaboration dans la mise en échec de ces tentatives. 

« Tant que nos pays disposeront de richesses naturelles, ils attireront ces groupes de mercenaires », a-t-il craint, tout en déplorant l’impunité dont ils bénéficient en Afrique.  Il a donc demandé que les Nations Unies, et en particulier le Conseil de sécurité, ainsi que les partenaires et amis de l’Afrique fassent front devant le phénomène des mercenaires, de la même façon dont ils affrontent le terrorisme et la piraterie, qui sont à son avis des phénomènes équivalents.

M. Obiang Nguema Mbasogo a rappelé qu’il avait demandé, en 2005, la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le mercenariat, afin d’attirer l’attention de la communauté internationale sur ce phénomène.  Cela aurait permis de réveiller la conscience mondiale sur cette question et aurait constitué une action préventive, a-t-il argué.  Il a donc réitéré la nécessité urgente de mettre à jour la législation sur le mercenariat afin de toucher à tous les aspects du phénomène et de rechercher des solutions durables.  La communauté internationale doit s’investir dans ce dossier comme elle le fait pour le terrorisme, a-t-il demandé.  Le Président s’est étonné de voir que le droit international n’avait pas prévu de sanctions pénales contre le mercenariat, ce qui crée un vide juridique et entraîne une certaine impunité pour les mercenaires.  La route reste longue dans la lutte contre le mercenariat, a-t-il conclu avant de préciser que les activités des mercenaires ne sont pas comparables à des prestations de sociétés de sécurité privées qui agissent dans le cadre de contrats passés avec des gouvernements légitimes.

M. MARCEL AMON-TANOH, Ministre des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, a rappelé que plusieurs pays africains sont victimes des activités déstabilisatrices de mercenaires « prêts à se battre pour le compte du plus offrant », qui menacent ainsi durablement la paix et le développement des États et des régions.  S’il est indéniable que les appétits pour les richesses naturelles, les fractures politico-sociales intra-étatiques et les conflits transfrontaliers contribuent grandement à la croissance du phénomène, il est encore plus vrai que l’exploitation et le commerce illicites des ressources, nourris par l’affaiblissement de l’autorité de l’État, consécutif à l’instabilité politique dans certains pays d’Afrique centrale, favorisent la persistance des activités des mercenaires dans cette région, a analysé le chef de la diplomatie ivoirienne.  En effet, les groupes armés qui y prospèrent se livrent à divers trafics, y compris le recrutement de mercenaires étrangers en vue de renforcer leurs effectifs.  « Cette dialectique est bien décrite par les différents rapports des Groupes d’experts de l’ONU sur la République démocratique du Congo (RDC) et la République centrafricaine », a-t-il souligné. 

Face aux menaces que représentent les activités des mercenaires, notamment en Afrique centrale, notre réponse doit être collective et intégrer la triple dimension internationale, régionale et nationale, a préconisé le Ministre.  Il s’est félicité de l’étape franchie le 4 décembre 1989, lorsque l’Assemblée générale a adopté la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, suivie, en 2005, de l’établissement du Groupe de travail d’experts sur l’utilisation des mercenaires comme moyen d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.  Toutefois, la Côte d’Ivoire reste préoccupée par le faible engouement suscité par cette convention: 30 ans après son adoption, moins de 50 pays l’ont ratifiée ou signée.  Au niveau régional, le seul instrument spécifique et contraignant existant est la Convention pour l’élimination du mercenariat en Afrique, adoptée en 1977 par ce qui était alors l’Organisation de l’unité africaine.  Là aussi, a précisé M. Amon-Tanoh, seulement 30 pays africains ont ratifié cette convention, alors que le continent reste le plus menacé par l’activité des mercenaires.  Le Ministre a donc vivement encouragé les États à ratifier ces textes dans les meilleurs délais.  Par ailleurs, a-t-il ajouté, il est impérieux de renforcer la coopération dans la sécurisation des frontières et pour rapatrier les mercenaires, dans le cadre des processus de désarmement, démobilisation et réinsertion ou rapatriement, mis en œuvre dans certains pays, notamment en RDC ou en République centrafricaine. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a reconnu que la sécurité et la stabilité de l’Afrique centrale est sapée par les activités de mercenaires et des compagnies de sécurité privés qui ont cherché à déstabiliser la situation voire même à s’arroger le pouvoir.  Le représentant a souligné que les activités de terroristes et de groupes extrémistes ont également sévit en Syrie où des « acteurs militaires privés » ont mené des actions pour s’accaparer des territoires alors qu’en République centrafricaine ils exploitent les zones minières.  Les États-Unis suivent de près les tendances des activités terroristes sur le continent africain où Daech et d’autres ont gagné du terrain, a affirmé M. Cohen.  Il a également souligné la fragilité des États africains dont un grand nombre sont à la merci de groupes terroristes et extrémistes.  Par conséquent les États-Unis appuient les efforts en faveur d’une meilleure gouvernance et du respect de l’état de droit sur le continent.

Étant donné la croissance démographique de nombreux pays africains, la délégation américaine estime qu’il faut donner des perspectives aux jeunes pour éviter qu’ils ne basculent dans ce type d’activités et qu’ils puissent s’épanouir. Il faut promouvoir des politiques qui encouragent la croissance économique dans ces pays, a soutenu le représentant.  Avant de conclure il a remarqué cependant que certains groupes de sécurité militaires privés peuvent jouer un rôle positif en Afrique notamment quand ils fournissent un appui à l’UA ou quand ils protègent des installations de l’UA et de l’ONU notamment.  Les États-Unis reconnaissent qu’ils font parfois appel à ce type de sociétés/groupes, a déclaré le représentant.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a qualifié la question des mercenaires de « sombre réalité » dans les conflits contemporains.  Il a relevé que le recours aux mercenaires est souvent lié à l’ingérence dans les affaires intérieures des pays tiers.  Il a jugé inacceptable le renversement de pouvoirs en place avec l’aide de forces extérieures, affirmant que « les actions des mercenaires sur le continent africain, notamment après l’indépendance de pays, continuent de souiller la conscience de certains États occidentaux ».  M. Nebenzia a dénoncé « ces anciennes métropoles qui ont continué, après les indépendances, à fouler au pied le droit international et la souveraineté des pays qui furent leurs colonies ».  Il a dénoncé la lutte pour s’accaparer des richesses de ces pays, disant partager les inquiétudes de la Guinée équatoriale qui a connu de tels actes.

Le délégué a également cité la crise ayant suivi le renversement du régime en Libye, et qui a provoqué la déstabilisation des appareils sécuritaires de toute la région.  « Nous appelons ceux qui ont des plans similaires à réfléchir par deux fois avant de reproduire ce genre d’initiative dans d’autres régions », a-t-il averti avant de mentionner aussi les situations au Mali, dans le bassin du lac Tchad et dans la région des Grands Lacs.  Il a plaidé en faveur de forces armées solides capables d’endiguer ce fléau, tout en conseillant de prendre des mesures pour bloquer les flux financiers servant à financer les mercenaires.  Selon la Fédération de Russie, le soutien de la communauté internationale est nécessaire et cette aide doit être apportée à la demande expresse du pays concerné.  Il faut reléguer aux oubliettes les pratiques coloniales du passé, a-t-il martelé.  Il a conclu en insistant sur la nécessité de développer des solutions africaines aux problèmes africains.  Ainsi a-t-il proposé de mettre à jour la Convention de l’OUA de 1979 sur la question, soulignant que « ce document a jeté des bases solides pour l’élimination de ce problème sur le continent ».

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a proposé quatre pistes pour faire en sorte que les activités des mercenaires ne provoquent pas l’insécurité et la déstabilisation, en premier lieu, le renforcement des capacités et l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire.  Les poursuites judiciaires efficaces menées par l’État contre les activités des mercenaires sont un moyen crédible de dissuasion, a-t-il ajouté.  Là où l’État doit rendre des comptes aux citoyens concernant leur protection, il est essentiel que la société civile, les médias, les jeunes et les femmes jouent également un rôle positif et cohérent dans la construction d’une nation. 

En second lieu, le représentant a souligné la contribution des organisations régionales et sous-régionales.  L’Indonésie soutient l’Agenda 2063 de l’Union africaine et son pilier principal d’une « Afrique exempte de conflit » ainsi que les cinq thèmes prioritaires de la Feuille de route de l’Union africaine 2016-2020.  Le représentant a également loué le Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020.  Il a souligné que tous ces mécanismes ont besoin du soutien de l’ONU et d’autres partenaires.  Il a rappelé que l’Indonésie apporte elle-même son appui, à travers son programme d’assistance à l’Afrique dans de nombreux domaines ainsi que ses contributions à huit opérations de maintien de la paix, avec notamment 1 757 militaires et policiers indonésiens déployés dans de telles missions en Afrique.

En troisième lieu, le délégué a réitéré que tous les pays doivent veiller à ce que les territoires sous leur contrôle ne soient pas utilisés et à ce que leurs ressortissants ne participent à aucune activité négative concernant les mercenaires, comme tout soutien financier, matériel et politique pour déstabiliser un gouvernement légitime.  Aucune entreprise privée ne doit également avoir recours illégalement à des mercenaires pour promouvoir ses intérêts commerciaux.  En outre, le personnel des sociétés militaires et de sécurité privées doit être tenu responsable de toute action illégale.  L’Indonésie appuie la résolution A/73/159 de l’Assemblée générale au sujet des mercenaires et exhorte tout le monde s’y conformer.  En dernier lieu, le représentant a plaidé pour que tout le monde respecte pleinement le droit international, en particulier le droit international humanitaire, ainsi que les normes réglementant les activités des mercenaires.

M. ZHAOXU MA (Chine) a commencé par souhaiter paix et tranquillité aux peuples du monde à l’occasion du nouvel an chinois.  Poursuivant, le représentant s’est félicité des efforts de la Guinée équatoriale pour lutter contre le mercenariat en Afrique et émis l’espoir que cette séance du Conseil de sécurité déboucherait sur un consensus à propos des menaces que font planer les mercenaires sur la paix, la stabilité et la sécurité du continent africain.  Il a plaidé pour que la communauté internationale accorde une attention soutenue à ce problème, arguant que les agissements des mercenaires foulent au pied les buts et principes des Nations Unies en s’ingérant dans les affaires internes des États et en empiétant sur leur souveraineté et intégrité territoriale, engendrant ainsi souvent des conflits.  Leurs activités sont contraires au droit international, a tranché le représentant en appelant à respecter les principes de la Charte des Nations Unies et à mettre en œuvre les normes de l’Assemblée générale sur la lutte contre les mercenaires.

Il faut, selon lui, aider les pays africains et respecter les autorités africaines dans la gestion des affaires régionales en appuyant le principe de « solutions africaines aux problèmes africains ».  La communauté internationale doit coordonner ses mesures d’aide au continent africain pour lutter contre les menaces liées au mercenariat, a ajouté le représentant.  Il a également appelé la communauté internationale, par le biais de la coopération bilatérale et multilatérale, à apporter son concours en matière de formation et de renforcement des capacités nationales des pays africains, non seulement pour ce qui est de la lutte contre le trafic illicite d’armes de petit calibre, mais également dans la lutte contre les causes profondes des conflits et contre la pauvreté.  Pour sa part, la Chine a décidé de renforcer sa coopération en matière de paix et de sécurité en Afrique avec l’Union africaine et a mis en place un fonds à cet effet.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a indiqué que l’absence de bonne gouvernance, l’érosion de l’état de droit et la pauvreté sont autant de conditions propices au développement d’activités mercenaires.  Elle a ensuite noté que les normes juridiques accusent souvent du retard en ce qui concerne les situations sur le terrain, avant d’estimer que l’introduction de nouveaux instruments n’est pas toujours suffisante.  Ce qui importe c’est l’universalité et l’efficacité de ces instruments, a-t-elle expliqué.  La déléguée a appelé de ses vœux un même consensus sur cette question des activités mercenaires que celui qui prévaut sur la lutte contre le terrorisme.  Elle a rappelé l’appui de son pays au Document de Montreux et s’est dite vivement préoccupée par le recours illicite à des entreprises militaires privées qui ne respectent pas le droit international. Enfin, elle a rappelé que des décennies de tensions sur le plan national et international et de montée du fondamentalisme religieux avaient nourri les activités mercenaires dans la région.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a remarqué que l’utilisation de mercenaires, d’activités liées aux mercenaires et de compagnies militaires et de sécurité privées menace les droits de l’homme, en particulier l’autodétermination, et concrètement la paix et la sécurité mondiales.  Il a souhaité que les recommandations du Groupe de travail des Nations Unies sur l’utilisation des mercenaires soient mises en œuvre.  Il a par exemple prôné le renforcement de la collaboration entre États et la recherche de solutions durables aux causes profondes des conflits.  Il a également demandé que le phénomène des enfants soldats soit dûment combattu.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est dit conscient des effets délétères des formes contemporaines du mercenariat notamment les entraves que cela représente pour le développement durable en Afrique.  Le Royaume-Uni s’est engagé auprès de ses partenaires africains à relever les défis à la sécurité dans l’optique d’un continent plus prospère, tout en appuyant le développement en Afrique.  « Voilà pourquoi le Royaume-Uni investit non seulement dans les infrastructures mais aussi dans les institutions de justice et de sécurité, la création d’emplois, la formation des jeunes et l’autonomisation des femmes en Afrique », a-t-il expliqué.

L’approche du Royaume-Uni en matière de développement doit s’appliquer également au phénomène moderne du mercenariat qui est « à la fois source et symptôme des conflits et des difficultés en Afrique ».  Les groupes de mercenaires surgissent lorsque règne l’impunité, ainsi que dans des États fragiles et là où sévit la pauvreté.  Certains groupes de mercenaires ont des liens avec le trafic illicite d’armes de petit calibre, et, dans ces cas, le Conseil de sécurité devrait utiliser tous les outils à sa disposition, notamment les sanctions, pour lutter contre ce phénomène, a suggéré le représentant. 

Le Royaume-Uni appelle toutefois à faire la distinction entre mercenaires et l’industrie d’entreprises de sécurité privées qui est règlementée.  Le Royaume-Uni reste attaché à améliorer la qualité de la prestation de cette industrie privée, notamment par le respect du code de conduite international et leur certification.  Dans ce contexte, le Royaume-Uni est préoccupé par l’implication de certaines entreprises militaires privées dans la déstabilisation de pays notamment en République centrafricaine, en Syrie ou encore au Venezuela.  Le Conseil de sécurité devrait se pencher sur la question de savoir si de tels acteurs ont exacerbé les tensions et la déstabilisation de gouvernements démocratiquement élus, a suggéré le représentant.

Comment endiguer le phénomène du mercenariat? s’est demandé M. FRANÇOIS DELATTRE (France).  La première réponse, a-t-il estimé, est la prévention et dans ce contexte, le renforcement de l’état de droit, l’investissement dans l’éducation des jeunes générations, la lutte contre les changements climatiques ou encore le développement de la coopération transfrontalière.  Il a salué les efforts de l’Union africaine, des organisations sous-régionales africaines et des États de l’Union africaine pour mettre en œuvre l’initiative « Faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020 », le Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’Agenda 2063, la Zone économique de libre échange ou encore les mesures prises en matière de lutte contre la prolifération et le commerce illicite des armes légères et de petit calibre. 

Il faut aussi, a poursuivi le représentant, apporter une réponse sécuritaire passant par exemple par l’action robuste de certaines opérations de maintien de la paix comme la MINUSCA en République centrafricaine ou la brigade d’intervention de la MONUSCO en République démocratique du Congo (RDC).  Cette réponse sécuritaire, a précisé le représentant, passe également par l’action des opérations africaines de soutien à la paix ou par l’activation ou la réactivation des commissions mixtes bilatérales entre certains États.  La réponse doit également être politique et prendre en compte la dimension des combattants étrangers comme partie intégrante de la stratégie de démantèlement des groupes armés.  Dans le cadre des programmes de démobilisation, de désarmement et de réintégration (DDR), la question du sort réservé aux enfants soldats est la clef pour assurer leur démobilisation, leur rapatriement éventuel dans leur pays d’origine mais aussi la prévention de leur recrutement.  Enfin, la problématique du traitement judicaire des combattants étrangers ne saurait être occultée que ce soit à travers les juridictions ordinaires, les juridictions spéciales ou la Cour pénale internationale (CPI), a conclu le représentant. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a indiqué que l’une des causes profondes des activités des mercenaires est le manque d’opportunités d’emplois pour les jeunes.  Pour remédier à ce phénomène, il a plaidé pour des forces de sécurité efficaces, respectant la dignité des personnes et l’état de droit, et appuyé les efforts de désarmement.  Il a insisté sur la « réponse concrète » que sont les sanctions face aux activités des mercenaires et demandé de traduire en justice les mercenaires coupables de violations des droits de l’homme.

Le délégué a ensuite fait une distinction entre activités des mercenaires et les entreprises de sécurité et militaires privées, ces dernières, pour la plupart, poursuivant des objectifs légitimes, même si les risques d’abus existent.  Il a plaidé pour la transparence et une régulation efficace applicable aux fournisseurs de sécurité privés, dans le droit fil du Document de Montreux qui porte sur « les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés ».  L’Allemagne appuie ce document, a-t-il précisé.  Enfin, le délégué a appelé à remédier à la question du chômage des jeunes et insisté sur l’importance des efforts de prévention des activités des mercenaires.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a indiqué que l’instabilité que peuvent causer les mercenaires impose que la communauté internationale s’intéresse à ce phénomène qui est aggravé par la porosité des frontières et la faiblesse institutionnelle.  Il a souhaité que ce fléau soit combattu d’abord en prévenant les conflits, notamment par le biais d’un renforcement des capacités nationales et régionales, avec le soutien de la communauté internationale et des bureaux régionaux des Nations Unies.  Le Pérou a aussi dénoncé les régimes ne respectant pas l’état de droit et qui créent ainsi un terreau fertile à l’essor du mercenariat.  Il faut donc mettre en place des institutions efficaces, légitimes et représentatives.

Le représentant a également appelé à renforcer la coopération régionale, vu que les mercenaires vont d’un pays à un autre.  Le Pérou soutient à cet effet l’initiative de l’Union africaine qui entend « Faire taire les armes d’ici à 2020 » sur le continent.  La délégation a enfin appelé à faire en sorte que la législation internationale sur la question soit respectée et mise en œuvre par tous, notamment la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires.

Pour M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud), il est indiscutable que l’Afrique a souffert des activités de mercenaires, lesquelles ont contribué à fragiliser la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent.  Son pays condamne de telles activités qui posent une menace grave aux efforts collectifs de promotion de la paix et de la stabilité dans chacun des pays.  Depuis son accession à la démocratie, en 1994, l’Afrique du Sud a participé à de tels efforts, a-t-il rappelé, soulignant notamment que son pays avait soutenu les objectifs et principes de l’Union africaine, tout en défendant la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de ses États membres.  Au nombre de ces principes, a précisé le représentant, figurent la condamnation et le rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernements, ainsi que la non-interférence par un autre État membre dans les affaires internes d’un pays tiers.

Dans ce contexte, l’Afrique du Sud réaffirme le besoin de mise en œuvre sans équivoques de tous les instruments juridiques, internationaux et régionaux, participant de la lutte contre les mercenaires, en particulier la Convention internationale de 1989 contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires et la Convention de 1977 de l’Organisation de l’unité africaine pour l’élimination du mercenariat en Afrique.  Au niveau national, l’Afrique du Sud s’est dotée en 1998 d’une législation qui réglemente l’assistance militaire étrangère, a observé M. Matjila, une loi qui s’applique aux citoyens comme aux personnes étrangères fournissant une telle assistance depuis le territoire sud-africain.  Enfin, face aux liens existants entre les mercenaires et les compagnies de sécurité privées, le représentant a appelé la communauté internationale à élaborer un cadre pour réglementer le travail de ces entreprises.  Il s’est dit convaincu que les services de sécurité devraient relever uniquement de la responsabilité des gouvernements souverains.

Pour M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït), l’utilisation de mercenaires dans les conflits menace non seulement la sécurité des pays concernés, mais également celle de toute la région.  Leurs activités violent de manière flagrante les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, a souligné le représentant qui a insisté pour dire qu’elles foulent au pied le droit international et sont dépourvues de tout fondement moral ou éthique.  Il en veut pour preuve que les mercenaires s’en prennent à des infrastructures civiles et commettent des crimes de guerre.  S’appuyant sur des rapports émanant d’ONG selon lesquelles la pauvreté, le chômage et la fragilité d’institutions publiques sont autant de facteurs de recrutement dans les rangs de mercenaires, il a tiré la sonnette d’alarme en avançant le chiffre de 20 millions de mercenaires, ce qui représente des montants allant au-delà de 100 milliards de dollars par an.

Le nombre de mercenaires ne cesse de croître dans les zones riches en ressources naturelles, a-t-il poursuivi en appelant le Conseil de sécurité à avancer des solutions réalistes pour faire face à ce phénomène.  Pour cela, il a appelé à l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant.  Il n’a pas manqué de relever la réticence de la communauté internationale à y faire face, en dépit de l’ancienneté du phénomène du mercenariat et de la définition claire de ce fléau, et même de l’existence d’une convention internationale sur ce problème.  Pour le Koweït, le développement durable passe par la promotion de sociétés pacifiques et inclusives, et, par conséquent, s’attaquer à ce problème est impératif, au-delà du travail fait à ce jour par le Conseil des droits de l’homme dans ce domaine.  Le Koweït exige justice et primauté du droit pour éviter que les jeunes continuent de grossir les rangs des mercenaires en Afrique et ailleurs.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a indiqué qu’en Libye, des combattants originaires du Darfour vendent leurs services aux factions en présence, restant opérationnels et constituant une menace pour le Soudan et d’autres pays de la région.  « Au Yémen, nous sommes également préoccupés par l’utilisation d’enfants par les groupes de mercenaires. »  Pour endiguer ce phénomène, le délégué a appelé les États à exploiter les instruments internationaux existants, en particulier la Convention de 1989 contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires.  Seuls 36 États Membres sont parties à cette convention, a-t-il noté, en appelant les autres États à la ratifier.  Il a en outre plaidé pour un renforcement de la coopération entre États, avant de rappeler que le Conseil de sécurité dispose d’outils, comme les sanctions ciblées, pour toucher les intérêts des commanditaires ou organisateurs d’activités mercenaires.  Face à cette problématique, la Belgique fera toujours le choix de la transparence, a conclu M. Pecsteen de Buytswerve. 

M. ABDU RAZZAQ GUY KAMBOGO, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a lancé un appel au respect des instruments juridiques internationaux relatifs à la lutte contre le mercenariat et souligné l’importance de respecter la souveraineté de chaque État.  Il a donc encouragé l’ensemble des États de l’Afrique centrale à poursuivre le raffermissement des relations de bon voisinage et de coopération tout en apportant des réponses holistiques et concertées aux défis posés par les menaces transnationales, telles que le mercenariat, le terrorisme et l’extrémisme violent.  « En effet, seule une mobilisation et une franche coopération de nos États pourront permettre de lutter efficacement contre ces menaces à la paix et à la sécurité », a estimé le Chef de la diplomatique gabonaise.

Dans cette perspective, son gouvernement, a-t-il assuré, ne cessera d’œuvrer en faveur de la consolidation de la paix et de la stabilité dans la sous-région.  C’est le lieu de rappeler, a-t-il ajouté, que « l’Afrique centrale dispose d’une architecture institutionnelle remarquable à même d’impulser la prévention et la gestion des sources d’instabilité et des crises, notamment le Conseil de paix et de sécurité d’Afrique centrale (COPAX) ou encore le Mécanisme d’alerte rapide de l’Afrique centrale (MARAC) ».  M. Kambogo a ensuite salué le travail effectué par le Bureau régional des Nations Unies en Afrique centrale ainsi que la contribution constante de l’Union africaine.  Il a tenu à rappeler l’autre question qui participe à la déstabilisation des États africains -la prolifération des armes légères et de petit calibre- phénomène qui alimente entre autres le braconnage et le trafic illicite des espèces sauvages.  Il a conclu en appelant la communauté internationale à soutenir les efforts des États concernés pour endiguer définitivement ces fléaux.

Pour M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte), l’impact du mercenariat sur la paix et la sécurité en Afrique est une tendance confirmée et elle est souvent étroitement liée aux activités d’acteurs non étatiques.  Lors de sa prochaine présidence de l’Union africaine, l’Égypte cherchera à renforcer l’attention accordée à l’élimination de ce phénomène, a assuré le représentant avant de réaffirmer l’attachement de sa délégation à la mise en œuvre des sanctions du Conseil de sécurité, surtout en ce qui concerne les embargos sur les armes en vue de prévenir l’accès aux armes, à l’exception des armées régulières.

L’Égypte appelle également à consolider les institutions sécuritaires nationales pour permettre à chaque État d’assurer son contrôle sur tout son territoire.  Elle « est fière » de ses efforts en tant que membre du Conseil de sécurité en 2017 dans la lutte contre le terrorisme, son financement et l’accès des terroristes aux armes.  Le représentant a notamment mis l’accent sur l’importance de la coopération technique avec les pays africains pour renforcer leurs capacités à gérer leurs frontières.

Constatant que les efforts internationaux et régionaux pour lutter contre le phénomène du mercenariat ont déjà des cadres juridiques, à savoir la Convention de l’OUA sur l’élimination du mercenariat en Afrique de 1977 et la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires de 1989, le représentant de l’Égypte a exhorté tous les pays à y souscrire et à les appliquer.  Il a également plaidé pour une approche collaborative au niveau de la région en vue de contrecarrer ce fléau, notamment dans le contexte de l’initiative de l’UA « Faire taire les armes d’ici à 2020 ».

Mme AMBROISINE KPONGO (République centrafricaine) a indiqué que les multiples rébellions qui se sont déroulées en République centrafricaine (RCA) ont toujours compté dans leur sein des mercenaires venus de plusieurs pays.  Les groupes armés qui sévissent en RCA, appuyés par des combattants étrangers, se livrent à diverses activités illicites et criminelles telles que l’exploitation minière et la contrebande de diamants et d’or.  La représentante a souligné que l’on remarque la persistance des tensions beaucoup plus dans les zones minières que dans d’autres, avec des groupes armés qui sont en concurrence pour le contrôle de leurs zones d’influence.

La représentante a indiqué que les moyens déployés et les mesures prises jusqu’ici pour lutter contre ce phénomène semblent insuffisants, soulignant qu’il faut une mise en œuvre de plus grande envergure.  Les sanctions existantes peuvent sans doute être renforcées à l’encontre des mercenaires afin de servir d’exemple et d’outil de dissuasion, a proposé la déléguée.  Elle a enfin plaidé pour une coopération soutenue entre pays d’Afrique centrale pour éradiquer les fléaux du mercenariat et de la circulation des armes légères et de petit calibre, puisque ces fléaux mettent à mal les relations de bon voisinage et créent par conséquent un climat de suspicion entre ces pays.

M. ALI ALIFEI MOUSTAPHA (Tchad) a dit que la fragilisation, voire l’effondrement des États dans certains endroits du monde, accentue la menace d’activités de mercenaires qui visent à s’accaparer des ressources naturelles.  Il a dit que le Tchad s’est doté d’un arsenal juridique approprié pour y faire face.  Ainsi, le nouveau code pénal adopté en 2017 prévoit une peine de 20 à 30 ans d’emprisonnent pour les personnes physiques qui se livrent au mercenariat, tandis que les personnes morales sont également tenues pour responsables des conséquences du mercenariat.

Sur le plan sous-régional, le Tchad a établi des cadres de collaboration avec ses voisins.  Un cadre mixte de coopération pour la sécurisation de la frontière commune avec le Soudan a ainsi été établi.  Les pays du bassin du lac Tchad ont aussi allié leurs forces pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram.  De même, le Tchad, le Niger, le Soudan et la Libye ont signé un protocole pour la sécurisation des frontières entre ces pays, à la suite du débordement du conflit libyen chez ses voisins.  Le représentant a souligné que l’instabilité dans le sud de la Libye laisse la voie libre à la prolifération de groupes armés, y compris les groupes de mercenaires.  C’est pourquoi la résolution de la crise en Libye contribuera à l’amélioration de la sécurité dans toute la bande sahélienne, a estimé le représentant.

M. RAYMOND SERGE BALÉ (République du Congo) a regretté que la question des mercenaires captive peu l’attention de la communauté internationale.  Pourtant, elle est consubstantielle aux autres menaces à la paix, la stabilité et la sécurité.  Elle constitue une préoccupation sécuritaire majeure pour nos pays et devrait davantage nous interpeller, a insisté le représentant, qui a rappelé que la question du mercenariat était au cœur des préoccupations des dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).  Elle a été l’objet de la quarante-sixième réunion du Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale, à Brazzaville, qui a vu l’engagement des États membres de la CEEAC à fournir les efforts nécessaires et à collaborer en vue d’éliminer les risques d’infiltration de mercenaires dans les pays de la sous-région. 

M. Balé a ajouté que le renforcement de la coopération aux niveaux sous-régional et régional dans les domaines de la prévention des conflits, du maintien de la paix, de la lutte contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme et la circulation illicite des armes légères, contribue à réduire l’impact des activités mercenaires dans les conflits.  L’amélioration des programmes de démobilisation et de réinsertion s’avère aussi être un moyen d’empêcher les anciens combattants de reprendre du service comme nouveaux mercenaires.  C’est dans ce contexte de lutte contre ce phénomène qu’il faut également inscrire l’entrée en vigueur de la Convention de l’Afrique centrale pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et de toutes pièces et composantes pouvant servir à leur fabrication, réparation et assemblage. 

Cependant, a nuancé le représentant, la problématique du mercenariat est un sujet complexe et sensible et la lutte contre le mercenariat n’est pas une tâche aisée même si la question suscite une condamnation unanime de la communauté internationale.  Pour lutter efficacement contre le mercenariat, l’adaptation de tous les instruments internationaux sur cette question devient une exigence d’efficacité, a-t-il plaidé en conseillant une mise à jour plus élaborée sur laquelle s’alignent les législations nationales.  Il a aussi recommandé une coopération renforcée aux niveaux régional, régional et international, en se fondant sur une volonté politique réelle de mise en œuvre de ces instruments révisés. 

Mme SAADA DAHER HASSAN (Djibouti) a constaté que le phénomène du mercenariat constitue une menace pour la paix, la sécurité, la stabilité internationales et régionales, étant même l’une des causes de déstabilisation en Afrique.  Face à ce constat, elle a invité le Conseil de sécurité et les Nations Unies à élaborer des réponses pour éliminer ce phénomène, en s’appuyant notamment sur les recommandations du Groupe de travail sur l’utilisation des mercenaires. 

Djibouti est en outre préoccupé par l’augmentation du nombre de groupes terroristes, par l’extrémisme violent, par la criminalité transnationale organisée, notamment la traite d’êtres humains et le trafic de drogue, dans plusieurs zones de l’Afrique qui n’étaient pas au départ des zones de conflits armés.  De ce fait, des efforts supplémentaires doivent être déployés, notamment lors de l’élaboration des mandats et dans le financement des opérations de maintien de la paix, des missions politiques spéciales et des efforts de consolidation de la paix dans les zones qui sortent des conflits et celles qui sont encore affectées.  Pour Djibouti, il est aussi question en Afrique de renforcer la collaboration entre les organisations sous-régionales, l’Union africaine et l’ONU, en vue d’améliorer les résultats des activités sur le terrain dans la lutte contre ce fléau. 

Pour M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan), la problématique du mercenariat reste particulièrement pertinente pour l’Afrique où les groupes de mercenaires continuent de profiter de différents conflits et en font des bastions de leurs activités criminelles, comme le pillage des ressources naturelles.  Ils tentent de perpétuer les conflits et d’affaiblir les gouvernements pour survivre dans des conditions qui leur sont propices.  Les activités de mercenaires en Afrique représentent une menace à la stabilité et à la sécurité en Afrique comme les cas de la République centrafricaine ou la RDC l’illustrent bien, a remarqué le représentant.  Par conséquent, il a jugé impératif de combattre de concert ce fléau, tout comme la piraterie.  Le Soudan appelle l’UA à consacrer plus d’attention à la lutte contre les mercenaires. 

Le Soudan est conscient des menaces que représentent les mercenaires et n’a eu de cesse de réaffirmer l’autorité de l’État sur tout son territoire, a expliqué le représentant, mais, malgré la signature de l’Accord de paix, les groupes armés illicites s’adonnent toujours à de graves crimes comme l’extorsion et la traite de personnes, et ils essayent même de viser les autorités soudanaises à partir de l’extérieur du pays, a précisé le représentant.

Il a encouragé le travail et les enquêtes de groupes d’experts sur le mercenariat et ses impacts.  Sa délégation demande aussi que la coopération entre États soit renforcée et que l’on lutte contre la porosité des frontières en Afrique dans le contexte de la coopération internationale et régionale.  Avant de conclure, le représentant a annoncé que, à la suite de la réunion tenue hier au Soudan, le Gouvernement de la République centrafricaine et 14 groupes armés signeront demain l’accord de paix.  L’Accord sera ensuite entériné à Bangui la semaine prochaine.  Le délégué s’est dit convaincu que la République centrafricaine pourra sortir des pénombres du conflit grâce à la signature de cet accord de paix.

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