En cours au Siège de l'ONU

9920e séance – matin
CS/16066

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial salue l’annonce de la levée des sanctions contre la Syrie

« Un optimisme prudent et un désir de renouveau règnent à Damas. »  C’est en ces termes que l’Envoyé spécial pour la Syrie a décrit, ce matin devant le Conseil de sécurité, l’atmosphère dans le pays, une semaine après l’annonce de la levée des sanctions des États-Unis puis de l’Union européenne, une évolution qui a été saluée par la majorité des délégations.  M. Geir Otto Pedersen n’a néanmoins pas fait mystère des défis considérables que la Syrie doit relever, notamment sur le plan sécuritaire, après les violences interconfessionnelles qui se sont déroulées en mars puis fin avril.  La situation humanitaire demeure par ailleurs très préoccupante comme l’a rappelé le Bureau de la coordination des affaires humanitaires. 

« Il s’agit de développements historiques », a déclaré l’Envoyé spécial qui a également salué le soutien financier apporté à la Syrie par l’Arabie saoudite, la Türkiye et le Qatar notamment.  Cela devrait permettre d’améliorer les conditions de vie dans le pays, d’appuyer la transition politique et d’offrir aux Syriens l’occasion de se confronter à l’héritage de violence et de pauvreté de la période dont ils peinent à émerger, a noté M. Perdersen. 

L’Envoyé spécial a mentionné la création de la Commission nationale pour la justice transitionnelle et de la Commission nationale pour les personnes disparues, comme autant d’étapes essentielles dans le relèvement de la Syrie.  La prochaine étape pour la transition politique en Syrie sera l’établissement du Haut-Comité chargé de sélectionner les membres de la nouvelle Assemblée du peuple, a-t-il ajouté.

L’Envoyé spécial a insisté sur l’importance de déployer de robustes efforts d’inclusion et de transparence afin que cette Assemblée soit représentative de la nation syrienne.  Le futur processus constitutionnel devra être inclusif et ouvrir la voie à des élections libres et crédibles comme l’a annoncé dès le début le Président syrien, M. Ahmed Hussein Al-Sharaa, a insisté M. Pedersen. 

Le délégué de la Syrie s’est, lui, réjoui de voir « les portes s’ouvrir de nouveau ». La visite du Président des États-Unis dans la région et l’annonce de la levée des sanctions américaines offre à la Syrie de véritables perspectives d’avenir et est la preuve de cette évolution positive, qui vient couronner l’action menée à cette fin par les pays frères d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar, a-t-il déclaré. 

La levée des sanctions américaines va donner à la Syrie une chance de se stabiliser et de prospérer, ont appuyé les États-Unis qui ont annoncé leur intention de normaliser leurs relations avec le Gouvernement de transition.

« Aujourd’hui, la Syrie a une occasion historique de progresser et de prospérer, et de devenir un facteur de stabilité pour l’ensemble de la région », a déclaré le Ministre des affaires étrangères de la Grèce. 

Le Danemark, le Qatar, les Émirats arabes unis au nom de la Ligue des États arabes ou bien encore la République de Corée ont eux aussi salué la levée de ces sanctions, la Türkiye soulignant son rôle de premier plan dans ces décisions.  La République de Corée a espéré que cette levée sera suffisamment large pour atténuer les risques de « surréaction » et l’effet négatif souvent observé quant à l’engagement du secteur privé. Face à la situation humanitaire catastrophique aggravée par la réduction de l’aide internationale, la Fédération de Russie a rappelé pour sa part qu’elle réclamait la levée des sanctions unilatérales coercitives depuis des années. 

Des besoins humanitaires qui restent immenses

La gravité de la situation humanitaire a été au cœur de l’intervention du Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  « En dépit de l’espoir suscité par la transition en Syrie, les besoins humanitaires restent immenses dans tout le pays et leur complexité ne cesse de croître. »  Aujourd’hui, a précisé M. Ramesh Rajasingham, 16,5 millions de Syriens ont besoin de protection et d’aide humanitaire.  Si plus de la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire, près de 3 millions de personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire. 

La situation financière est par ailleurs alarmante.  En effet, a-t-il expliqué, l’appel de 2 milliards de dollars lancé par l’ONU et ses partenaires pour venir en aide à 8 millions de personnes parmi les plus vulnérables de janvier à juin 2025 n’est financé à ce jour qu’à hauteur de 10%. « Les conséquences sont déjà visibles et s’accentueront avec le temps et la mise en place de coupes budgétaires. »  Face à cette baisse catastrophique des financements, l’ONU et ses partenaires opèrent une redéfinition de leurs priorités de réponse avec des ressources toujours plus limitées, a indiqué M. Rajasingham. 

Notant avec préoccupation que la récente conférence de Bruxelles n’a permis de recueillir que 200 millions de dollars de promesses de dons, la Somalie, au nom des A3+ (Algérie, Sierra Leone, Somalie et Guyana), a estimé que la levée des sanctions doit s’inscrire dans une stratégie de réengagement plus large visant à garantir que l’aide parvienne aux plus démunis et à soutenir les initiatives locales de relèvement. 

Le Qatar a indiqué avoir procédé au remboursement des arriérés syriens à la Banque mondiale, soit une somme de 15 millions de dollars, afin de permettre la reprise des programmes de la Banque mondiale dans le pays.  « L’amélioration de la situation économique doit rester la priorité de la communauté internationale. »  Même son de cloche du côté de l’Arabie saoudite qui a loué les développements positifs en Syrie et rappelé l’aide constante qu’elle a lui apportée. 

Les violences confessionnelles –un spectre omniprésent

Dans son intervention, l’Envoyé spécial a évoqué les graves violences qui se sont produites fin avril dans les zones résidentielles à majorité druze des environs de Damas puis dans la province de Soueïda, faisant des dizaines de victimes. S’il a salué l’accent mis sur le dialogue par le Président Al-Sharaa, M. Pedersen s’est dit préoccupé par de possibles nouvelles violences et une fragilisation de la confiance que de tels épisodes entraînent immanquablement.  Quant à la situation dans les zones côtières de la Syrie qui ont connu de graves incidents en mars, elle demeure « fragile », de l’aveu même de l’Envoyé spécial. 

Les attaques contre les populations druzes fin avril ont ravivé le spectre des violences confessionnelles, un mois après les massacres contre la communauté alaouite, s’est inquiétée la France pour qui il appartient aux autorités syriennes de tout mettre en œuvre pour rétablir la concorde entre toutes les composantes de la société syrienne.  Damas doit accorder à cette question tout l’attention qu’elle mérite car il en va de l’avenir du pays, a souligné la Fédération de Russie. 

Condamnation des attaques israéliennes

À l’instar de la France, du Royaume-Uni et du Qatar, les délégations ont par ailleurs été nombreuses à emboîter le pas de M. Pedersen pour condamner les nouvelles attaques israéliennes contre la Syrie.  Des possibilités diplomatiques existent clairement et elles doivent être prioritaires, a tranché l’Envoyé spécial.  Enjoignant à Israël de cesser ses bombardements et de retirer ses troupes de Syrie, la Russie a rappelé que Damas a exprimé sa volonté de construire des relations constructives avec tous ses voisins sans exception.  

Le délégué syrien a assuré que la « nouvelle Syrie » entend devenir un État de paix et de partenariats, non « un terrain de jeu pour les forces géopolitiques étrangères ».  Il a appelé le Conseil à assumer ses responsabilités et à prendre des mesures fermes pour qu’Israël cesse toute agression et retire ses forces du territoire syrien.  Les Émirats arabes unis, au nom du Groupe des États arabes, ont eux aussi exhorté le Conseil à contraindre Israël de cesser ses violations.   

Les attaques répétées d’Israël menacent la paix dans la région et sont rendus possibles grâce au soutien des États-Unis, a appuyé l’Iran.  Les États-Unis ont appelé, pour leur part, la Syrie à faire la paix avec Israël et à lutter contre les organisations terroristes.  Les A3+ ont noté de leur côté que les violations répétées de la souveraineté de la Syrie par Israël créent un environnement propice à la résurgence de groupes terroristes. 

Dans ce droit fil, l’Envoyé spécial s’est dit préoccupé par l’escalade des attaques de Daech ces dernières semaines dans plusieurs régions.  « Il est primordial que les autorités à Damas poursuivent la lutte contre cette menace et règlent sans tarder la question des combattants terroristes étrangers présents sur le sol syrien », a insisté la France.  La Chine a également souligné la nécessité que la Syrie ne devienne pas un refuge pour les groupes terroristes.  Le délégué de la Syrie a fait état de rencontres entre hauts responsables syriens, américains et turcs pour discuter de partenariats, notamment sur la lutte antiterroriste et la neutralisation des groupes armés non syriens. 

Suivez les délibérations: En direct de l'ONU | Couverture des réunions & communiqués de presse

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.