En cours au Siège de l'ONU

Cinquante-septième session,
2e et 3e séances plénières, matin & après-midi
SOC/4873

Face à l’aggravation des inégalités, le Président de la Commission du développement social appelle à miser sur la protection sociale

La Commission du développement social a entamé, aujourd’hui, les travaux de sa cinquante-septième session, l’occasion pour son Président d’appeler à miser sur la protection sociale qui doit être considérée comme un « investissement » et non comme une « dépense ».  En faisant l’état des lieux, de nombreuses délégations se sont vivement préoccupées de l’aggravation des inégalités, à la fois entre les pays et en leur sein.

Avec comme thème prioritaire « La lutte contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale », la Commission doit examiner l’un des défis majeurs de notre époque, a souligné M. Cheikh Niang, du Sénégal, élu par acclamation à la présidence en début de journée.  Il a notamment pointé le fossé qui se creuse en termes d’inégalité de revenus dans de nombreux pays, ainsi que la persistance des injustices sociales en termes d’accès à un emploi décent, à une éducation de qualité, aux soins de santé ou encore aux moyens de production.

Exhortant les gouvernements et les institutions à « impérativement » changer leur manière de penser et d’agir, M. Niang a souligné qu’une croissance dictée par le marché ne peut à elle seule garantir que personne ne soit laissé pour compte.  Il a d’ailleurs appelé à faire de la montée des inégalités « l’affaire de tous », sans quoi on risque d’étouffer la croissance économique, de compromettre l’avènement de sociétés inclusives et d’échouer à réaliser la promesse de « ne laisser personne de côté », qui, a-t-il rappelé, est au cœur du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

« À moins d’une action urgente pour surmonter les inégalités, les progrès n’atteindront pas notre niveau d’ambition », a renchéri Mme Alya Ahmed Saif Al-Thani, Vice-Présidente de l’Assemblée générale, qui a relevé que seulement 28% des personnes gravement handicapées dans le monde perçoivent des allocations, 35% des enfants bénéficient d’une forme de protection sociale et 22% des travailleurs sans emploi touchent le chômage.  À moins d’opérer un changement de paradigme, a-t-elle averti, les personnes qui sont le plus défavorisées resteront incapables de participer à l’économie mondiale ou de bénéficier des technologies d’avant-garde. 

« Un monde dans lequel l’extrême richesse coexiste avec l’extrême pauvreté est un monde en conflit », a également mis en garde M. Valentin Rybakov, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), qui a lui aussi averti que dans de telles conditions, il sera impossible de réaliser les objectifs de développement durable.

Lui emboitant le pas, la représentante du grand groupe des enfants et des jeunes, pour qui la « croissance pour la croissance » est analogue à la poussée d’une cellule cancéreuse, a suggéré d’établir un régime fiscal sensible à la planète et aux besoins des populations et de renforcer la coopération financière pour éviter que les multinationales et certains individus échappent à l’imposition, sans oublier l’importance d’un salaire minimum et l’élimination de l’écart salarial entre les femmes et les hommes.  Des idées qui ont été largement développées par les experts et les délégations dans l’après-midi, lors d’une table ronde de haut niveau consacrée au thème prioritaire de cette session.

Réunies plus de 20 ans après l’adoption du Programme d’action du Sommet mondial pour le développement social, les délégations n’ont eu de cesse de décrier l’aggravation des inégalités.  L’une des mesures pour y remédier est d’investir dans les jeunes, comme cela a été souligné à plusieurs reprises.

Outre le renforcement des systèmes de protection sociale et l’adoption de systèmes fiscaux efficaces progressifs, le G77 et la Chine, par la voix de l’État observateur de Palestine, a recommandé de faire porter les efforts sur la diversification des économies et des sources de revenus, et sur la lutte contre l’évasion fiscale. 

L’Union européenne (UE), représentée par la Roumanie, a indiqué que l’inégalité des salaires en son sein aurait été beaucoup plus grande sans les effets redistributifs des taxes et des transferts de fonds.  Le système de protection sociale de l’UE est toutefois en difficulté du fait, notamment, du facteur démographique, tandis que de nouvelles formes de travail représentent un défi pour le financement, l’organisation et l’octroi de la protection sociale, a toutefois averti le délégué qui a prédit que le maintien et la mise à jour du modèle de protection sociale de l’UE sera sans doute le plus important défi structurel des 10 prochaines années.

Pour sa part, Trinité-et-Tobago, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a indiqué que, dans sa région, l’augmentation de l’investissement dans l’éducation avait été le facteur le plus important pour combler l’inégalité salariale, tout en reconnaissant que le développement social demeure « inégal et fragile », du fait, notamment, des effets adverses des changements climatiques et des catastrophes naturelles, et du déficit de compétences dans des secteurs économiques clefs.

Sur ce dernier point, le Groupe des États d’Afrique, par la voix du Bénin, a insisté sur la nécessité d’améliorer les compétences numériques de la population du continent pour lui permettre de profiter pleinement des avantages de la numérisation.  Il s’est toutefois alarmé du fait qu’en utilisant ces nouveaux dispositifs technologiques pour rechercher un emploi ou des marchés pour leurs produits, des ressortissants africains aient été exposés à des forme modernes d’esclavage.

En début de séance, Mme Carolina Popvici, de Moldova, Mme Helena Inga Stankiewicz Von Ernst, de l’Islande, et M. Fabricio Araújo Prado, du Brésil, ont été élus à la vice-présidence de la Commission.

La Commission du développement social poursuivra ses travaux demain, mardi 12 février, à partir de 10 heures.

SUITE DONNÉE AU SOMMET MONDIAL POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET À LA VINGT-QUATRIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Déclarations liminaires

M. CHEIKH NIANG, Président de la cinquante-septième session de la Commission du développement social, a indiqué que l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030) avait propulsé la protection sociale et la lutte contre les inégalités au premier rang des priorités gouvernementales de tous les pays.  Il a souligné que les inégalités sont l’un des défis majeurs de notre époque, notant que les inégalités sociales et économiques se sont creusées, entre les pays comme en leur sein, « de façon particulièrement préoccupante ».  Il a alerté en particulier sur le fait que les inégalités de revenus s’aggravent dans de nombreux pays, tandis que les inégalités sociales persistent, qu’il s’agisse de l’accès à un emploi décent, à une éducation de qualité et aux soins de santé ou encore aux moyens de production tels que la terre et le crédit.

Ces inégalités croissantes sont ainsi devenues la cause d’un malaise profond dans de nombreuses sociétés, s’est-il inquiété.  L’incapacité à réduire les fortes inégalités provoque un affaiblissement du lien social et émousse la confiance qu’accordent les populations à leurs gouvernements et aux institutions internationales.  Elle attise également les tensions sociales et politiques.

Préoccupé du fait que trop de personnes sont encore contraintes de vivre dans l’extrême pauvreté, M. Niang a souligné qu’une croissance dictée par le marché ne peut à elle seule garantir que personne ne soit laissé pour compte.  La montée des inégalités doit être l’affaire de tous, a-t-il insisté, car elle étouffe la croissance économique et compromet l’avènement de sociétés inclusives où les richesses sont partagées.  Plus important encore, a-t-il ajouté, la promesse de ne laisser personne de côté, qui est au cœur du Programme 2030, ne pourra pas être tenue tant que tous les pays ne s’engageront pas à remédier au problème des inégalités.

M. Niang a appelé les gouvernements et les institutions à « impérativement » changer leur manière de penser et d’agir.  Il a souligné que le progrès ne pourra être possible dans chaque pays que si les revenus de l’État sont suffisants pour financer l’investissement dans les services publics, l’aide sociale et les infrastructures qui contribuent à promouvoir l’égalité des chances.  Il a jugé indispensable d’améliorer les perspectives sociales et l’accès aux infrastructures et services essentiels de qualité.  « Nous devrions tous voir la protection sociale comme un investissement et non comme une dépense », a-t-il ajouté.

Au nom du Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus), Vice-Président de l’ECOSOC, a rappelé que la Commission avait prévu d’examiner six objectifs de développement durable cette année: le 4e sur l’éducation de qualité; le 8e sur la croissance économique et le travail décent; le 10e sur les inégalités; le 13e sur l’action sur le climat; le 16e sur des sociétés pacifiques et des institutions robustes; et le 17e sur les moyens de mise en œuvre.  « Nous avons entendu ce matin que les inégalités sont devenues une question importante à notre époque. »

Les rapports du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a-t-il dit, ont souligné que les lieux de naissance et de vie des gens ont une forte influence sur leurs chances de réussite tout au long de leur vie.  Ils ont montré que les inégalités salariales ont augmenté au cours des 30 dernières années dans une majorité de pays en développement et dans quelques grandes économies émergentes, quoiqu’elles aient baissé dans beaucoup de pays d’Amérique latine et des Caraïbes et dans de nombreux pays africains.  De plus, ces rapports ont mis en évidence que les disparités de santé restent élevées et que les inégalités persistent dans l’éducation. 

Les tendances actuelles montrent que le monde va dans la mauvaise direction, a analysé M. Rybakov: « un monde dans lequel l’extrême richesse coexiste avec l’extrême pauvreté est un monde en conflit ».  Il n’est pas possible de réaliser les objectifs de développement durable dans ces conditions, en a-t-il conclu avant d’appeler les membres de la Commission à prodiguer des conseils sur les actions urgentes nécessaires pour que le monde change de direction et s’avance vers une richesse partagée et la prospérité.  La dimension sociale du développement durable est le pilier central, a-t-il expliqué.

Pour M. Rybakov, la Commission du développement social doit être solide et efficace pour pouvoir renforcer ce pilier et pour le succès du Forum politique de haut niveau.  Celui-ci fournit une plateforme pour le partage d’expériences et le leadership politique, a-t-il rappelé avant d’annoncer que 51 pays présenteraient leurs rapports au Forum au mois de juillet prochain.  Le succès du Forum en septembre dépend du succès de la session de juillet, a-t-il prévenu.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar), Vice-Présidente de l’Assemblée générale, s’exprimant au nom de la Présidente de l’Assemblée générale, a déclaré qu’alors que le multilatéralisme est mis à rude épreuve, les États Membres doivent impérativement démontrer que c’est le seul moyen de répondre aux défis qui entravent l’avancée du développement durable.  Commentant ensuite le thème prioritaire de cette session, elle a souligné que l’octroi de retraites avait permis de réaliser des avancées significatives pour élargir la protection sociale.  Elle a noté que près de 68% des personnes âgées touchent une retraite.  En revanche, seulement 28% des personnes gravement handicapées perçoivent des allocations, seuls 35% des enfants bénéficient d’une forme de protection sociale et seuls 22% des travailleurs sans emploi touchent le chômage. 

La Vice-Présidente de l’Assemblée générale a averti qu’à moins d’opérer un changement de paradigme dans le cadre du Programme 2030, les personnes qui sont le plus laissées de côté continueront d’être tenues à l’écart des progrès mondiaux et resteront incapables de bénéficier ou de participer à l’économie mondiale ou aux technologies d’avant-garde.  « À moins d’une action urgente pour surmonter les inégalités, les progrès n’atteindront pas notre niveau d’ambition », a-t-elle averti.

Mme Al-Thani a ensuite affirmé que l’année 2019 sera historique en ce que, pour la première fois, le Forum politique de haut niveau se tiendra sous les auspices de l’ECOSOC, en juillet, puis de l’Assemblée générale, en septembre.  De plus, le Sommet des chefs d’état et de gouvernement, qui se tiendra en septembre, examinera les progrès réalisés dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et permettra de renforcer l’action politique.

Nous avons une occasion unique de nous remettre sur les rails dans la phase de mise en œuvre, a-t-elle déclaré, insistant notamment sur le fait que le Programme 2030, l’Accord de Paris et le Programme d’action d’Addis-Abeba doivent être appliqués de manière complémentaire.  Elle s’est ensuite félicitée du fait que la Commission prévoit d’examiner, cette année, les politiques fiscales, salariales et de protection sociale.

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies, a reconnu que « le tableau est sombre ».  Elle a cité tour à tour les inégalités de revenus qui s’accentuent, les 300 millions de travailleurs pauvres et sans emploi décent, et les changements technologiques qui ont provoqué le déclin des institutions publiques.  Face à cette situation, Mme Mohammed a avancé trois domaines d’action.  En premier lieu, il faut accroître les investissements publics dans la protection sociale, la réforme de l’administration fiscale, la lutte contre les flux illicites de financement, les financements innovants ou encore l’énergie propre.

En deuxième lieu, Mme Mohammed a conseillé d’augmenter les revenus plutôt que de réduire les dépenses sociales, et de trouver de nouvelles façons de faire face aux défis.  Depuis la fin de la crise financière mondiale, la courbe de croissance des salaires a stagné tandis que le taux de chômage a diminué, a-t-elle souligné.  Elle a noté en particulier que les écarts de rémunération entre hommes et femmes contribuent à laisser beaucoup de monde sur le côté.  À son avis, les politiques gouvernementales en faveur des quelques privilégiés sont responsables de cette stagnation de la croissance des salaires.

Troisièmement, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale, il faut reconnaître le principe de l’égalité des salaires entre salariés de même valeur.  La nécessité d’un socle de protection sociale est de plus en plus reconnue, a-t-elle aussi déclaré, se félicitant de l’instrument adopté par l’Organisation internationale du Travail (OIT) en 2012 pour garantir les niveaux de base de la protection sociale.  Cela devrait permettre à tous d’accéder à un travail décent, un travail digne qui assure la sécurité économique et l’égalité.  Un écart de 20% entre les salaires est inacceptable, a-t-elle souligné en imputant la stagnation des salaires aux choix politiques.  Dès lors, elle a recommandé d’accorder la priorité au travail décent et à l’égalité des salaires. 

Mme Mohammed a vanté les mérites des salaires minimums, qui permettent de réduire les inégalités, et de la protection sociale, qui aide les familles à naviguer sur un marché de travail en constante évolution.  Plus de quatre milliards de personnes vivent sans protection sociale dont plus d’un milliard d’enfants, a-t-elle rappelé en soulignant que l’ONU, avec ses équipes de pays, aide ces personnes à améliorer leurs conditions de vie.  C’est une question de plus en plus prioritaire du système de développement des Nations Unies.  Avant de conclure son intervention, Mme Mohammed a souligné l’importance de la coopération qui devrait aider à créer l’espace budgétaire nécessaire à l’augmentation des salaires.  « Nous avons des attentes envers la Commission du développement social qui peut réorienter le contrat social », a-t-elle dit en espérant que le travail de celle-ci renforce celui de l’ECOSOC et, en conséquence, les travaux de l’Assemblée générale.

M. DANIEL PERELL, Président du Comité des ONG pour le développement social, a regretté les politiques d’austérité imposées par les gouvernements et l’accent porté sur le secteur privé, « alors que ce sont les politiques sociales qu’il faut rendre prioritaires ».  Après avoir commenté l’existence de différents mouvements sociaux, il a estimé que les commissions techniques de l’ECOSOC peuvent être mises au service de la réalisation du Programme de développement à l’horizon 2030.  Il a également exigé que l’objectif 10 -Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre- figure au cœur des délibérations de la Commission, et que l’intégration sociale, prônée par le Programme de Copenhague, soit également prioritaire.  La cohésion sociale n’est pas un objectif mais un moteur du développement, a-t-il souligné, pour ensuite appeler les délégations à faire preuve de courage politique.

Mme REGINE GUEVARA, du grand groupe des enfants et des jeunes, a dit que les problèmes du monde ne sauraient être abordés qu’avec la participation de tous.  Elle a prévenu que le paradigme actuel de la mondialisation ne va que faire des laissés-pour-compte.  « La croissance pour la croissance est un cancérigène. »  Il faut, a recommandé la représentante, trouver un équilibre entre les besoins des gens et les limites de la planète.  Il faut un régime fiscal sensible à la planète et aux besoins des gens.  Il y a suffisamment d’argent sur la Terre pour résoudre la pauvreté, a assuré Mme Guevara qui a suggéré de renforcer la coopération financière pour éviter que les multinationales et certains individus échappent à l’imposition.

La représentante des jeunes a prôné le salaire minimum comme première étape pour sortir de la pauvreté.  Dans plusieurs parties du monde, on continue de faire les mêmes erreurs, a-t-elle dénoncé.  Il faut en finir avec l’écart salarial entre les femmes et les hommes, a-t-elle lancé avant de plaider pour l’inclusion en mettant l’accent sur un travail décent et inclusif.  « Mais la question est de savoir si votre génération est prête à faire ce travail avec la nôtre », a-t-elle conclu. 

Mme DANIELA BAS, Directrice de la Division du développement social inclusif du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté les cinq rapports du Secrétaire général dont était saisie la Commission. 

Elle a tout d’abord indiqué que le rapport intitulé « Lutter contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale » (E/CN.5/2019/3) souligne que l’inégalité des revenus est nuisible à la croissance et entrave la mobilité intergénérationnelle.  Ce rapport montre aussi l’impact que peut avoir la croissance sur la réduction de la pauvreté.  Les inégalités sapent également la cohésion sociale et la confiance dans les systèmes politico-économiques.  Aussi ce rapport met-il l’accent sur l’importance du rôle des politiques fiscales, du marché du travail, et des systèmes de protection sociale, entre autres.

Passant au rapport sur les « Aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique » (E/CN.5/2019/2), Mme Bas a expliqué que ce document exhorte les pays africains à promouvoir la transformation structurelle par le truchement de l’industrialisation, à investir dans l’agriculture et le capital humain, et à renforcer leurs systèmes de protection sociale.

De son côté, le rapport intitulé « Accélération de l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030 par, pour et avec les handicapées » (E/CN.5/2019/4) appelle notamment les États Membres à promouvoir l’accessibilité, à augmenter les investissements pertinents et à accorder une attention particulière à la marginalisation persistante des personnes handicapées.  Il appelle également à accélérer l’établissement d’une série quantifiable d’objectifs de développement durable relatifs à la question du handicap.

Le rapport sur les « Politiques et programmes mobilisant les jeunes » (E/CN.5/2019/5) met, de son côté, l’accent sur l’éducation, l’emploi, l’égalité des sexes et sur les défis que rencontrent les jeunes dans ces domaines.  Il appelle, entre autres, à redoubler d’efforts pour fournir à ceux-ci une éducation de qualité et à mettre sur pied des politiques de création d’emplois décents.

Enfin, Mme Bas a présenté le rapport intitulé « Réalisation des objectifs de l’Année internationale de la famille et mécanismes mis en œuvre pour y donner suite » (A/74/61-E/2019/4), qui appelle à multiplier les actions pour veiller à ce que chaque personne ait une identité juridique, y compris un certificat de naissance.  Plus d’attention doit par ailleurs être accordée aux formes positives de discipline.

Débat général

Au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), M. MOHAMMAD SHTAYYEH, Ministre qui dirige le Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction, a dit que son groupe était profondément préoccupé de voir des progrès lents et inégaux et d’importants écarts, plus de 20 ans après l’adoption du Sommet mondial pour le développement social.  Les tendances actuelles montrent que l’inégalité des salaires a persisté, voire même augmenté dans de nombreux pays, sapant ainsi les efforts pour éliminer la pauvreté.  À cela s’ajoutent, a indiqué le Ministre, la dégradation de l’environnement et les changements climatiques qui ont exacerbé l’inégalité qui touche les plus pauvres et les plus vulnérables parmi eux, car ils ont de moins en moins de moyens de s’en sortir et de s’adapter.  Le Groupe souhaite réaffirmer que ces tendances mettent à l’épreuve notre capacité à respecter les engagements pris au Sommet mondial pour le développement social et à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et sa promesse de ne laisser personne sur le côté.  Des efforts accélérés et transformateurs sont nécessaires, a dès lors exigé le Ministre. 

Le Programme 2030 appelle à la réduction des inégalités entre les pays et au sein des pays, à l’égalité des sexes et à la promotion de sociétés inclusives, justes et équitables pour autonomiser les gens et en particulier les plus vulnérables, a rappelé le G77.  « Nous croyons que ces objectifs devraient être mis au centre des débats et de l’élaboration des politiques sur les inégalités aux niveaux national, régional et mondial. »  Le Groupe souligne la nécessité de politiques orientées vers l’action et les résultats pour s’attaquer à tous les aspects des inégalités et des défis de l’inclusion sociale.  Cela est essentiel pour assurer que tous les peuples puissent participer sur le même pied d’égalité au partage des bénéfices du développement économique de manière durable. 

Le G77 estime qu’il faut des politiques fiscales, salariales et de protection sociale pour arriver à réduire de manière significative les inégalités.  Le Groupe réitère l’importance d’investissements durables dans les services de santé et d’éducation inclusifs ainsi que dans les infrastructures résilientes et essentielles, en particulier la connectivité dans les zones rurales.  En outre, les politiques devraient redistribuer les ressources pour diminuer les inégalités dans tous les territoires, les centres urbains et entre zones rurales et urbaines. 

Le Ministre a aussi souligné l’importance des efforts pour renforcer les systèmes de protection sociale et adopter des systèmes fiscaux efficaces progressifs.  Il a aussi recommandé de faire porter les efforts sur la diversification des économies et des sources de revenus, et sur la lutte contre l’évasion fiscale.  Le G77, a-t-il ajouté, réitère le rôle fondamental de la coopération internationale -Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaire- et la nécessité de partenariats renouvelés pour soutenir les efforts nationaux dans la lutte contre les inégalités et éliminer la pauvreté.  Le Groupe met l’accent sur la nécessité d’intensifier la mobilisation des ressources pour les objectifs de développement durable y compris l’aide publique au développement (ADP), les sources de financement innovantes, le renforcement des capacités, les transferts de technologies et le commerce, ainsi que la question de la viabilité des dettes extérieures.  Le Groupe des 77 et la Chine soutiennent énergiquement le programme social dans le cadre de l’Agenda 2063 et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), a également déclaré le Ministre. 

M. ION JINGA (Roumanie), intervenant au nom de l’Union européenne (UE), a rappelé la proclamation, en novembre 2017, du Pilier européen pour les droits sociaux.  Il a indiqué que l’inégalité des salaires au sein de l’UE aurait été beaucoup plus élevée sans les effets redistributifs des taxes et des transferts.  L’augmentation continue des salaires ces trois dernières années, ainsi que les transferts sociaux, ont permis une hausse du revenu disponible des ménages.  L’Europe, s’est-il enorgueilli, fait mieux que les autres économies avancées, en termes de réduction des inégalités, notamment en ce qui concerne la redistribution des richesses par l’imposition et les transferts fiscaux, sans oublier les dépenses conséquentes dans la santé, l’éducation et les retraites, entres autres, et l’institution d’un seuil salarial par 22 des 28 membres de l’UE.  De plus, pendant la période 2014-2020, les Fonds structurels et d’investissement européens ont alloué 45 milliards d’euros à l’inclusion sociale, 41 milliards à l’emploi et 35 milliards à l’éducation.

Le système de protection sociale de l’UE est toutefois en difficulté du fait, notamment, du facteur démographique, tandis que de nouvelles formes de travail représentent un défi pour le financement, l’organisation et l’octroi de la protection sociale.  Le maintien et la mise à jour de notre modèle de protection sociale sera sans doute le plus important défi structurel des 10 prochaines années, a-t-il prédit.

Le représentant a souligné qu’un avenir prospère et partagé dépend de l’intégration holistique des dimensions sociales, économique et environnementales.  Il a notamment insisté sur l’importance d’une transition réussie vers une économie à faible émission de carbone, des formations pour adultes et de l’emploi des jeunes.  Sur ce dernier point, il a fait savoir qu’à la fin 2017, 2,4 millions de jeunes avaient bénéficié d’un appui direct de l’Initiative pour l’emploi des jeunes, et que le chômage des jeunes dans l’UE avait atteint son niveau le plus bas depuis 2000.

M. Jinga a également parlé de l’importance de concilier la vie de travail et de famille, notant que cela permettra notamment d’augmenter la participation des femmes au marché du travail.  L’UE se consacre également à réduire l’inégalité salariale qui conduit souvent à une inégalité dans l’octroi des pensions.  Il a ensuite regretté qu’à l´échelle de l’UE, 30,2% des personnes handicapées de plus de 16 ans vivent dans des ménages qui risquent de sombrer dans la pauvreté ou l’exclusion sociale, comparé à 20,8% pour les personnes sans handicaps.  De plus, une personne handicapée touche un revenu monétaire qui est 11% plus bas que celui d’une personne non handicapée.  Des efforts significatifs sont déployés pour combler ces écarts, moyennant notamment des subventions pour le recrutement et l’emploi de personnes handicapées. 

Poursuivant, M. Jinga a espéré que le Consensus européen pour le développement deviendra un instrument clef du développement social dans le monde.  L’UE compte également renforcer son partenariat avec les pays à revenu intermédiaire qui, a-t-il indiqué, seront essentiels à la réalisation du Programme 2030.

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a fait part de l’expérience de l’ASEAN dans la réduction du fossé de développement en exploitant les possibilités offertes par les technologies de l’information et des communications (TIC), en renforçant la protection sociale et en facilitant le travail décent.  L’ASEAN, qui reconnaît en outre les jeunes comme une force motrice cruciale pour faire avancer la région, s’est engagée à investir dans la jeunesse.  De nombreuses initiatives ont été prises, notamment le tournoi « eSports », le programme de bourses pour les jeunes de l’ASEAN ou encore la connexion des jeunes de l’ASEAN.  En ce qui concerne la promotion du travail décent, le représentant a mis l’accent sur le processus de transition entre le travail informel et l’emploi formel. 

De plus, l’ASEAN est engagée à améliorer la sûreté et la santé au travail pour protéger la sécurité, la santé et le bien-être des travailleurs dans la région à travers des actions concrètes comme l’augmentation des normes de sécurité et de santé sur les lieux de travail et le renforcement de la collecte de données.  Les dirigeants de l’ASEAN ont également adopté la Déclaration de promotion de l’emploi vert pour l’équité et la croissance inclusive qui réaffirme leur engament à promouvoir, entre autres, les produits verts et les services verts, améliorer la technologie verte sur les lieux de travail, et encourager la responsabilité sociale des entreprises.  L’ASEAN réaffirme la nécessité de renforcer davantage la coopération et l’aide mutuelles aux niveaux mondial, régional et bilatéral pour réduire l’écart de développement, embrasser les nouvelles technologies et les innovations pour bien servir l’intérêt des peuples et assurer l’accès équitable et universel à la protection sociale. 

Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a indiqué que dans sa région, l’augmentation de l’investissement dans l’éducation avait été le facteur le plus important pour combler l’inégalité salariale.  Des progrès significatifs ont également été réalisés pour réduire la mortalité maternelle et infantile, élargir l’accès à l’éducation de base et améliorer l’accès aux infrastructures, mais le développement social demeure « inégal et fragile ».  Elle s’est aussi inquiétée du fait que le « fardeau de l’inégalité » accable de manière disproportionnée les femmes et les enfants.

La représentante a indiqué que la CARICOM doit également faire face aux effets adverses des changements climatiques et des catastrophes naturelles, au déficit de compétences dans des secteurs économiques clefs, et à l’augmentation du chômage des jeunes qui, a-t-elle ajouté, a contribué à augmenter la criminalité et l’insécurité.  La CARICOM consacre donc beaucoup d’efforts aux adolescents et aux jeunes pour les aider à développer leurs compétences.  La CARICOM se préoccupe également du déficit de travail décent et, de ce fait, a mis sur pied la Stratégie de développement des ressources humaines à l’horizon 2030 qui cible l’éducation et la formation professionnelle. 

Commentant ensuite les avancées réalisées par la CARICOM pour combattre les maladies non transmissibles, Mme Beckles a parlé du lancement de l’initiative « Caribbean Moves » qui vise à intensifier les efforts de promotion de la santé.  Elle a toutefois signalé que malgré ces avancées, la région continue de faire face au double fardeau que représentent l’incidence élevée et la prévalence des maladies non transmissibles.  S’agissant de la Commission du développement social, la déléguée a réclamé une plus grande synergie entre son travail et la mise en œuvre du Programme 2030 et des Orientations de Samoa, les « Modalités d’action accélérées des petits États insulaires en développement ».

M. JEAN-CLAUDE FÉLIX DO REGO (Bénin), au nom du Groupe des États d’Afrique, a jugé important que les pays africains continuent de renforcer et de soutenir l’élan atteint à ce jour en matière d’éradication de la pauvreté.  Il s’est préoccupé des diverses conséquences de la pauvreté, comme la malnutrition, les maladies transmissibles et le fardeau croissant des maladies non transmissibles auxquelles sont confrontés les États africains.  Il s’est également soucié du manque d’accès à une éducation de qualité, de la faible croissance économique et de la dégradation de l’environnement, jugeant important de focaliser les investissements dans le capital humain, entres autres.

Le représentant a indiqué que de nombreux pays d’Afrique continuent de faire face à des difficultés de développement social, notant que l’Afrique demeure parmi les régions où les inégalités de revenus sont les plus élevées et où l’ossature économique s’avère fortement dépendante du secteur informel.  L’éradication soutenue de la pauvreté exige que la génération actuelle d’enfants et de jeunes acquiert l’éducation et les compétences nécessaires pour l’empêcher de tomber dans le piège de la pauvreté.

M. do Rego a dit craindre que le financement interne ne soit pas suffisant pour faire face aux goulets d’étranglement économique actuels auxquels sont confrontés les États africains.  Il a demandé la mise en œuvre « complète et efficace » du Programme d’action d’Addis-Abeba, « avec un soutien financier adéquat, cohérent et prévisible ».  Le Groupe appelle également ses partenaires à renforcer les efforts de lutte contre les flux financiers illicites en provenance d’Afrique et à renforcer les partenariats afin d’assurer des cadres internationaux de soutien pour le commerce, la fiscalité, la technologie, l’atténuation des changements climatiques, et l’allègement de la dette, entres autres.

M. do Rego a aussi parlé de l’interconnectivité numérique, notant que grâce à l’installation de systèmes de transports, d’énergie et de TIC, les collectivités rurales doivent pouvoir profiter de l’accès aux marchés, au crédit et à des emplois décents.  Cependant, a-t-il poursuivi, le développement des infrastructures de TIC, les systèmes de transport et d’énergie doivent encore être mis à niveau et étendus aux zones rurales, tandis que les compétences numériques de la population doivent être améliorées pour que les pays africains puissent profiter pleinement des avantages de la numérisation.  En outre, tout en utilisant ces nouveaux dispositifs technologiques dans la recherche d’emplois et de marchés pour leurs produits, les ressortissants africains ont été exposés à des formes modernes d’esclavage, a fait remarquer le représentant.  Les États africains sont donc préoccupés par l’utilisation de ces dispositifs numériques à des fins contraires au respect des droits de l’homme et appellent à soutenir la mise en œuvre du Plan d’action mondial sur la traite des personnes.

Au nom de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Mme CYNTHIA MAAMLE MORRISON, Ministre des questions de genre, de l’enfance et de la protection sociale du Ghana, a reconnu l’importance du thème prioritaire de cette cinquante-septième session de la Commission du développement social dans le contexte de la transformation socioéconomique de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest.  Elle a rappelé que, dès 1975, la CEDEAO avait promu la coopération économique et l’intégration régionale comme moyen d’accélérer le développement de l’économie ouest-africaine.  La Vision 2020 de la CEDEAO, adoptée en 2007, visait à donner une direction et un objectif clair pour augmenter le niveau de vie des populations à travers des programmes inclusifs qui garantissent un avenir prospère pour l’Afrique de l’Ouest.

Mme Morrison a aussi énuméré d’autres mesures prises par la région comme l’amélioration de la participation des populations aux marchés, aux services et aux espaces politiques.  Améliorer la façon dont les personnes prennent part à la société revient à renforcer leurs compétences, leurs chances et leur dignité, a-t-elle fait valoir.  Elle a également parlé de la lutte menée en Afrique de l’Ouest contre la marginalisation des femmes, le mariage précoce des filles et les vulnérabilités particulières des enfants. 

La Ministre a également évoqué le cas des millions de gens, dont des centaines de milliers de personnes d’Afrique de l’Ouest, qui ne sont pas considérés comme des citoyens par aucun État et qui sont de ce fait apatrides.  Cette situation limite les possibilités de jouissance des droits de l’homme, a-t-elle relevé avant de signaler l’adoption du Plan d’action de Banjul 2017-2024 pour éradiquer l’apatridie.  En outre, avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la CEDEAO a créé le Cadre de protection sociale de la Communauté.  Le Cadre recommande entre autres la mise en œuvre de socles nationaux de protection sociale inclusifs, l’extension des mécanismes contributifs d’assurance sociale et une plus grande place donnée à la protection sociale dans les interventions humanitaires. 

M. SEBASTIAN VILLARREAL, Vice-Ministre du développement social du Chili, au nom du Groupe des Amis des personnes âgées, a parlé des changements significatifs qu’ont connu les structures démographiques des pays, notant que selon les prévisions actuelles, les personnes âgées devraient augmenter de 46% entre 2017 et 2030.  Il a appelé à profiter des contributions de ces dernières et à mettre en œuvre des systèmes pour promouvoir leur inclusion sociale.  Il est urgent de reconnaître les besoins des personnes âgées, a-t-il insisté, soulignant qu’elles encourent le risque d’être marginalisées.  Les États Membres doivent donc tenir compte des besoins spécifiques des personnes âgées lors de la planification des politiques.  Il s’est préoccupé de l’impact, sur elles, de la pauvreté.  La conception de programmes, politiques et cadres juridiques pour permettre leur pleine participation à la société permettra d’assurer leur dignité et leur autonomisation.  Des mesures législatives appropriées s’imposent également, a fait valoir le Vice-Ministre.

Soulignant que le vieillissent de la population façonnera de manière significative la réalisation des objectifs de développement durable, il a appelé à la pleine mise en œuvre du Plan d’action de Madrid.  Il a aussi encouragé les pays à mettre en œuvre des politiques de pension de retraite et à promouvoir des retraites décentes.  Il ne faut pas non plus perdre de vue la sexospécificité, a-t-il ajouté.  Notant que le Plan d’action de Madrid est non contraignant et ne traite pas de tous les problèmes de protection, il a jugé que celui-ci était insuffisant pour répondre à l’ensemble des questions qui préoccupent les personnes âgées.

Mme LILIANA DEL CARMEN LA ROSA HUERTAS, Ministre du développement et de l’inclusion sociale du Pérou, a indiqué que le Gouvernement péruvien se consacre énormément à la lutte contre la corruption et à la croissance économique pour réduire les fractures entre les groupes sociaux.  À travers ses politiques, le Gouvernement essaie d’atteindre toute la population, y compris les peuples autochtones.  Mme La Rosa a pris l’exemple de la lutte contre l’anémie des enfants qui mobilise plusieurs ministères.  L’incidence de l’anémie chez les garçons et les filles de 6 à 35 mois a baissé, passant de 46,1% à 41,1% entre le premier et le deuxième semestre de 2018.  « Nous sommes sur la bonne voie, accompagnez-nous dans cet effort », a plaidé la Ministre, qui a ajouté que la politique générale du Pérou est d’améliorer le niveau de vie de tous. 

La politique sociale du Pérou vise à protéger tous et toutes tout au long de la vie, a indiqué Mme La Rosa.  Elle prend ainsi en compte les catastrophes naturelles et la pauvreté monétaire qui touche 1 Péruvien sur 5.  Cette politique prend en considération les problèmes de façon multidimensionnelle et multiculturelle.  Elle est adossée aux objectifs de développement durable et vise à en finir avec la transmission sociale de la pauvreté.  « Mais nous faisons face à de nouveaux défis comme la pauvreté urbaine, l’exode rural, la migration internationale et la crise humanitaire au Venezuela », a expliqué Mme La Rosa. 

Mme CYNTHIA MAMLE MORRISON, Ministre des questions de genre, de l’enfance et de la protection sociale du Ghana, a indiqué que l’économie de son pays avait connu une croissance de 8,5% en 2017 et que son gouvernement voulait faire adopter des lois sur la protection sociale, les personnes âgées, l’alimentation scolaire et l’action affirmative.  De plus, la politique de protection sociale du Ghana contribue à la lutte contre la pauvreté, grâce à un programme spécial dont profitent 407 655 ménages, soit 1 781 877 individus.  Cette politique a abouti à une augmentation des inscriptions scolaires et une amélioration de la sécurité alimentaire et de l’intégration sociale.  Une stratégie pour l’inclusion productive doit être déployée cette année, a ajouté la Ministre en faisant également mention d’un programme spécial, dont bénéficient 2,8 millions d’écoliers, qui vise notamment à promouvoir la scolarisation.  Un système de santé et un programme de travaux publics existent également. 

La Ministre a ensuite mentionné l’élaboration en cours d’une base de données sur les ménages, à partir de laquelle tous les programmes de protection sociale sélectionneront leurs bénéficiaires, et d’un guichet unique qui permettra à l’ensemble des citoyens de déposer des plaintes, de faires des réclamations ou d’obtenir des informations sur les services sociaux disponibles.  Cependant, le manque de fonds demeure un obstacle à la mise en œuvre des politiques de protection sociale du Ghana, a-t-elle déploré.

Mme BEATE HARTINGER-KLEIN, Ministre fédérale du travail, des affaires sociales, de la santé et de la protection des consommateurs d’Autriche, a déclaré que son gouvernement doit adopter une nouvelle loi sur un système de salaire minimum.  Cette loi contribuera à la justice et à l’équité et augmentera significativement la protection sociale, notamment des personnes handicapées et des parents seuls.  Autre élément important de la prévention de la pauvreté: les pensions de retraite durables.  La Ministre a expliqué, à cet égard, le système de contribution autrichien qui se focalise sur la couverture de toute la population active.  La priorité en Autriche est d’élever l’âge réel de départ à la retraire tout en fermant les possibilités de préretraite.  Pour prévenir la pauvreté des personnes âgées, les petites pensions ont été continuellement augmentées pour s’élever au-dessus du taux d’inflation.  La pension minimum garantie pour ceux qui ont accumulé 40 ans de contribution sera augmentée, a indiqué la Ministre.

En Autriche, les mesures visant à réduire la pauvreté se focalisent sur l’augmentation des niveaux d’emploi et l’intégration rapide des gens sur le marché du travail.  La Ministre a également énuméré d’autres mesures relatives à l’emploi et la protection sociale des travailleurs dans le contexte de nouvelles formes du travail.  Les politiques relatives au marché du travail offrent des programmes d’emploi personnalisés en particulier pour les jeunes.  Les cotisations d’assurance-chômage pour les bas et moyens salaires seront réduites, a ajouté la Ministre en précisant que plus de 900 000 personnes bénéficieront de cette mesure.  En outre, une nouvelle mesure fiscale offrira à chaque famille un allègement fiscal de plus de 1 500 euros par enfant et par an.  La Ministre a également parlé des allocations de long terme qui bénéficient aux personnes âgées, avant de mentionner ce que fait son pays pour cette catégorie de la population, ainsi que pour les personnes handicapées, les jeunes et les familles.

Débat de haut niveau sur le thème prioritaire: lutter contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale

Exposés

L’orateur principal de ce débat, M. LUCAS CHANCEL, Codirecteur de World Inequality Lab et de World Database (WID.world) à l’École d’économie de Paris et maître de conférences à Sciences Po, en master politiques publiques, a rappelé que les niveaux d’inégalité trop élevés peuvent provoquer des tensions politiques et économiques graves.  Il a ajouté que le manque de transparence sur les revenus et la richesse pose des défis graves à la démocratie.  Or les inégalités de revenus ont augmenté presque partout, mais à un rythme différent.  Est-ce que les inégalités dans le monde se rapprochent de la « frontière des hautes inégalités ? » a-t-il demandé en comparant la courbe mondiale des inégalités et de la croissance à la silhouette d’un éléphant, la « courbe de l’éléphant ».

M. Chancel s’est appuyé sur les chiffres de la croissance entre 1980 et 2016, période pendant laquelle les 50% les plus pauvres ont enregistré 12% de la croissance totale, tandis que les 1% les plus riches ont enregistré deux fois plus de croissance, soit 27%.  L’Inde et la Chine, par exemple, ont vu croître les inégalités et ont connu une baisse de la croissance.  Les pays sont devenus plus riches mais les gouvernements sont devenus pauvres.  M. Chancel en a déduit que les inégalités mondiales de salaires continueraient d’augmenter en dépit de la forte croissance dans les pays émergents.  Le rapprochement entre les pays n’est pas suffisant pour contrer la tendance à l’intérieur des pays, a-t-il précisé.  Selon l’expert, s’attaquer aux inégalités de chances de demain signifie se soucier des inégalités de revenus d’aujourd’hui.

La fiscalité progressive est un moyen éprouvé pour combattre les inégalités au sommet, a signalé M. Chancel en se basant sur l’expérience: depuis la fin des années 70, les inégalités ont ainsi été drastiquement réduites.  Mais au fur et à mesure que la mondialisation s’accentue, la fiscalité des entreprises diminue.  Et alors que les taux d’imposition diminuent, les pays disposés à financer l’État social doivent augmenter les impôts des contribuables. 

Pour aller de l’avant, l’expert a recommandé de ne plus publier les PIB des pays sans mentionner la répartition de la croissance.  Il a aussi souligné la nécessité d’un registre financier mondial pour lutter contre l’évasion fiscale, arguant que la lutte contre les inégalités commence par des informations plus transparentes.  « Notre objectif n’est pas de faire en sorte que tout le monde se mette d’accord sur les inégalités.  Notre objectif est de permettre le partage et l’utilisation de données transparentes et fiables sur la croissance et les inégalités. »  L’ONU a un rôle important à jouer pour qu’il en soit ainsi, a-t-il conclu.

M. ANDREI DAPKIUNAS, Vice-Ministre des affaires étrangères de Bélarus, a fait part de l’expérience de son pays dans la lutte contre les inégalités en expliquant tout d’abord que le Gouvernement accorde une attention particulière au développement régional.  En outre, une politique visant l’inclusion des personnes handicapées a été élaborée, qui comprend des mesures pour favoriser l’emploi inclusif et l’insertion, le travail à distance et d’autres formes de travail utilisant les TIC.  L’entreprenariat social est encouragé, a ajouté le Vice-Ministre qui a aussi parlé des mesures prises pour soutenir les entreprises dirigées par les femmes. 

Pour faire face au vieillissement de la population, le Gouvernement a adopté une série de mesures visant à améliorer les conditions sociales des personnes âgées, notamment la santé.  Il se pose aussi des questions sur les conséquences sociales de l’avancée technologique, notamment la technologie numérique, pour les jeunes, les pauvres et les femmes.  Le Gouvernement tient aussi à préserver les liens sociaux et familiaux comme base de la société.  Le Vice-Ministre a toutefois estimé qu’il fallait une action au niveau mondial pour répondre efficacement aux défis des inégalités.  À cet égard, l’ONU peut jouer un rôle particulier et notamment la Commission du développement social. 

M. HAO BIN, Directeur général du Département de la coopération internationale au Ministère des ressources humaines et de la sécurité sociale de la Chine, a indiqué que son gouvernement avait mis un accent important sur les travailleurs migrants qui représentent plus de 30% de la main d’œuvre, en veillant à leur trouver un emploi.  Le Gouvernement leur octroie une assurance contre les accidents de travail, ce qui est très important dans le secteur de la construction.  S’agissant des salaires, un plan d’action pour éviter les arriérés de paiement des salaires des ouvriers du secteur de la construction a été créé.  Le représentant a également mentionné un programme médical et de pension qui a permis de couvrir 25% des populations rurales en 2008 et, aujourd’hui, 925 millions de personnes, ce qui lui a fait dire que « la Chine avance et lutte réellement contre les inégalités ». 

La recette de la Chine a été de mettre en œuvre plusieurs stratégies et d’axer le développement sur l’homme.  Le Gouvernement doit travailler pour l’intérêt de la population, a recommandé le représentant qui a aussi conseillé de mettre l’accent sur les problèmes les plus urgents et ceux qui préoccupent le plus les gens.  Un autre élément important est l’inclusion sociale par l’emploi, a estimé M. Hao en appelant à veiller à l’inclusion des plus vulnérables.  Tenir compte de la politique nationale et des circonstances régionales est un autre conseil qu’il a donné, avant d’insister sur le caractère essentiel de la justice et de l’équité. 

M. SEBASTIAN VILLARREAL, Vice-Ministre du développement social du Chili, a expliqué que l’objectif de la politique de développement social de son pays est de permettre aux familles de réaliser leur propre développement, précisant que l’épine dorsale de la politique chilienne repose sur la solidarité.  Sur le plan pratique, les services de santé sont gratuits, de même que l’éducation.  L’école maternelle est désormais obligatoire pour tous les petits chiliens, a précisé le Vice-Ministre, avant d’ajouter que les conditions de financement des études supérieures ont été améliorées.  « Aucun jeune ne doit être privé d’enseignement par défaut de ressources. »

Le régime de protection sociale du Chili, a poursuivi M. Villarreal, vise à empêcher que les familles les plus vulnérables ne tombent dans la pauvreté.  D’ailleurs, le Président de la République a fait adopter 94 mesures destinées à garantir la protection de tous les enfants du pays.  Pour ce qui est du marché du travail, des mesures spécifiques ont été prises pour améliorer la participation des femmes et des jeunes.  En 2018, le Chili a beaucoup avancé pour aider les femmes au travail, notamment grâce à la création d’un fonds solidaire pour les aider.  De plus, l’emploi dans le secteur privé a fortement augmenté l’année passée, ce qui a bénéficié aux femmes.  Concernant les personnes âgées, le Gouvernement prévoit de faire augmenter la contribution des entreprises aux pensions.  Le Vice-Ministre a aussi signalé que le Chili est en train d’élaborer une « carte des inégalités ».

M. STANFIELD MICHELO, maître formateur au « African Regional Social Protection Leadership Curriculum TRANSFORM » de la Zambie, a reconnu que la route vers la protection sociale dans son pays avait été difficile et semée d’embûches.  En 2005, le Gouvernement avait élaboré la Stratégie nationale de protection sociale, puis, en 2006, avait mis en place un programme de transfert monétaire.  En 2016, la Stratégie a été élargie et en 2017, tous les districts du pays ont été couverts par le programme de transfert de fonds.  Le pourcentage de pauvres a diminué de 10 points dans ce laps de temps, s’est félicité M. Michelo avant de mentionner aussi les progrès en termes d’intégration sociale: des efforts sont menés pour que les filles restent scolarisées le plus longtemps possibles, tandis que 21 000 familles bénéficient d’aides.  En outre, plus 12 000 femmes touchent des subventions pour la création d’activités génératrices de revenus, réduisant ainsi les écarts salariaux entre les ménages dirigés par les femmes et ceux dirigés par les hommes.  Quant aux personnes handicapées, elles profitent du programme de transfert de fonds pour, notamment, se procurer des outils de travail ou des équipements qui les aident dans leur vie quotidienne.  La protection sociale est arrivée à maturité en Zambie, a conclu M. Michelo.  

Mme ROSA PAVANELLI, Secrétaire générale du « Global Union Federation », Public Services International (PSI), Italie, a conseillé, pour réduire les inégalités, de se consacrer aux secteurs de l’éducation et de la santé, en accordant une attention particulière aux femmes.  S’agissant des salaires, elle a notamment invité à donner une grande place aux négociations collectives et à privilégier l’emploi décent.  Pour ce qui est de la fiscalité, Mme Pavanelli a préconisé de lutter contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale pour les entreprises internationales.  Il faut en tout cas revenir sur les avantages fiscaux des entreprises, a-t-elle insisté avant de réclamer plus de transparence pour savoir où va l’argent des multinationales.  « Nous avons besoin de cet argent pour lutter contre les inégalités. »  Elle a ajouté qu’il faudrait également revoir la méthodologie.  Des preuves ont montré que le partenariat public-privé avait réduit les services publics et aggravé l’endettement des États, a-t-elle argumenté.

Mme MANUELA TOMEI, Directrice du Département des conditions de travail et de l’emploi, à l’Organisation internationale du Travail (OIT), a indiqué que les transferts sociaux avaient souvent permis de corriger les inégalités mais pas pour autant réglé le problème à la source.  L’OIT a longtemps considéré la politique salariale comme un outil important de justice sociale.  Le salaire minimum a contribué à réduire l’inégalité des salaires dans des pays comme le Brésil, la Chine, la Turquie ou encore la Fédération de Russie.  Le salaire minimum peut réduire les écarts de rémunération entre hommes et femmes dans la moitié inférieure de la répartition des salaires, a-t-elle précisé.  Elle a assuré que cette mesure n’a que peu d’effet négatif, voire pas du tout, sur l’emploi ou le secteur informel.  Le salaire minimum peut également conduire à une augmentation des salaires dans l’économie informelle.

S’agissant de l’égalité salariale, des efforts supplémentaires sont nécessaires selon l’OIT pour mettre en œuvre l’égalité de rémunération entre hommes et femmes et s’attaquer à la sous-évaluation du travail des femmes.  Cela réduirait également l’inégalité globale des salaires puisque les femmes se situent souvent au bas de la répartition.  Pour réduire les inégalités, il est nécessaire de mettre en place un ensemble de politiques intégrées: augmenter les investissements dans les capacités des gens, dans les institutions de travail et dans l’emploi décent et durable. 

M. GIL S. BELTRAN, Vice-Ministre des finances et Sous-Secrétaire du Département des finances des Philippines, a indiqué que le Gouvernement philippin prévoit d’augmenter jusqu’à 7% les dépenses pour les infrastructures.  Pour les financer, l’effort fiscal sera augmenté de plus de 17%.  L’objectif est de réduire de 14% la pauvreté d’ici à 2022, a précisé le Vice-Ministre, ce qui passe par une augmentation du budget social, qui sera supérieur à celui de l’armée.  Pour cela un financement supplémentaire a été prélevé, qui représente plus de 1% du PIB.  L’assiette fiscale a été élargie notamment par la taxation des transferts de fonds.  Le Gouvernement a aussi décidé d’accorder des prêts directs aux entreprises.  Il a aussi adopté une politique pour préserver les moyens d’existence des familles en facilitant l’accès à la micro-assurance en matière de catastrophes naturelles, de santé et pour le secteur agricole.  Le secteur privé a aussi été mis à contribution dans le domaine de la microfinance, a ajouté M. Beltran. 

Débat interactif

Au cours de ce débat interactif, les délégations, les ONG et les agences spécialisées de l’ONU ont fait part de ce que font leurs gouvernements et institutions respectifs pour lutter contre les inégalités.  La République dominicaine a d’abord rappelé que l’exclusion sociale reste le principal problème à affronter.  Vient ensuite l’évasion fiscale.  Comment faire pour sensibiliser le public sur cette question?  Mais le principal obstacle dans nos pays est l’analphabétisme, a précisé la représentante.  L’Union européenne s’est demandé ce que pouvaient faire la Commission du développement social et les gouvernements pour parvenir à la protection sociale universelle.  Quelles politiques adopter pour que tous les travailleurs bénéficient de la protection sociale?

Parmi les mesures prises en France pour la protection sociale et la lutte contre l’exclusion, le Gouvernement a décidé d’exonérer d’impôt les heures supplémentaires des travailleurs, a indiqué la délégation.  Les Pays-Bas ont pris des mesures visant à rendre le travail « souple » dans les contrats à durée indéterminée et à courte durée, et d’autres pour encourager l’intégration des personnes handicapées.  Une amende de 5 000 euros sanctionne les entreprises qui ne comblent pas les postes vacants destinés à ces personnes.  La délégation de l’Algérie a pour sa part souligné l’importance de l’éducation aux droits du travail et de la lutte contre l’analphabétisme. 

Un représentant d’une ONG a estimé que les inégalités ne sont pas inévitables.  Comment faire en sorte que la justice accompagne la création de richesse et de revenus? a-t-il demandé.  La représentante de Notre Dame de Bonne Charité du Bon Pasteur a voulu savoir comment parvenir à un meilleur équilibre entre le capital privé et le service public?  Quels sont les meilleurs politiques budgétaires pour réduire les déficits budgétaires?  Existe-t-il un processus de développement équitable?  Autant de questions auxquelles le Vice-Ministre du Bélarus a répondu en déclarant que pour trouver une réponse durable, il faut tout simplement « changer de paradigme collectif »: la concurrence doit être remplacée par la coopération.  Il faut travailler ensemble sur ce problème, a-t-il recommandé. 

La Finlande a demandé comment mener une campagne mondiale en faveur de la protection sociale universelle?  Et comment renforcer les capacités nationales, y compris celles des travailleurs du secteur informel?  Le maître formateur au « African Regional Social Protection Leadership Curriculum TRANSFORM » de la Zambie a répondu en insistant sur l’importance du renforcement des capacités.  La Directrice du Département des conditions de travail et de l’emploi à l’OIT a, elle, préconisé « la politique de la carotte et du bâton ».  Quant au Vice-Ministre du développement social du Chili, il a insisté pour mettre l’homme au centre des politiques y compris les personnes âgées.  Il faut aider celles-ci à rester sur le marché du travail selon que de besoin. 

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