Conseil de sécurité: face aux violences persistantes dans l’est de la RDC, la MONUSCO est appelée à renforcer sa coopération avec l’armée congolaise

8638e séance – matin
CS/13979

Conseil de sécurité: face aux violences persistantes dans l’est de la RDC, la MONUSCO est appelée à renforcer sa coopération avec l’armée congolaise

Le Conseil de sécurité a, ce matin, salué les résultats « positifs » enregistrés sur le front politique en République démocratique du Congo (RDC) depuis la transition démocratique opérée au début de l’année, tout en s’alarmant des violences persistantes perpétrées contre les civils dans l’est du pays, face auxquelles il a été demandé à la MONUSCO de renforcer sa coopération avec les Forces armées congolaises.

Mise en place de l’Assemblée nationale puis du Sénat, formation d’un gouvernement de coalition, intense activité diplomatique régionale du Président Félix Tshisekedi: autant d’initiatives qui ont enclenché une « nouvelle dynamique positive », s’est félicitée Mme Leila Zerrougui, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la RDC, qui dirige la Mission de l’Organisation des Nations Unies dans ce pays (MONUSCO).

S’exprimant par visioconférence depuis le Royaume-Uni, Mme Zerrougui a toutefois confié son « inquiétude » face à l’escalade récente des violences armées et intercommunautaires qui ont de nouveau conduit des dizaines de milliers de civils à fuir dans les trois provinces orientales du Nord-Kivu, de l’Ituri et du Sud-Kivu.  Déjà confrontée à une grave crise humanitaire et à la deuxième pire épidémie du virus Ebola de l’Histoire, les populations subissent souffrances et exactions aux mains des groupes armés qui opèrent dans ces régions.

« Il faut faire tous les efforts nécessaires pour arrêter les auteurs et les tenir pour responsables de leurs actes », a insisté la Représentante spéciale, appuyée par le Pérou, qui a réclamé une réforme du système judiciaire congolais pour le rendre capable de lutter « contre l’impunité et aussi la corruption ».

En tant que donateur principal en RDC et à la MONUSCO, les États-Unis ont également prévenu qu’ils attendent du Gouvernement congolais des mesures visant notamment une réforme du secteur de la sécurité, de même que l’établissement des responsabilités pour les auteurs de violations des droits de l’homme et le désarmement et la réintégration des anciens combattants.

Mais il faut surtout d’urgence mettre fin aux activités des groupes armés étrangers et locaux qui continuent de déstabiliser ces provinces de l’est depuis plus de 20 ans, a estimé, pour sa part, la Côte d’Ivoire.  Ce qui ne pourra se faire sans une implication de tous les acteurs régionaux, en particulier des pays voisins, a insisté son représentant.  Toute la communauté internationale doit agir en ce sens, a renchéri la Guinée équatoriale, en appelant l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales à unir leurs efforts.

Pour la Chine et l’Indonésie, deux pays contributeurs de troupes à la MONUSCO, cette Mission doit avant tout renforcer sa coopération avec les Forces de défense congolaises dans leurs opérations contre les groupes armés.  À l’approche du réexamen du mandat de la MONUSCO fin novembre, l’Afrique du Sud a rappelé qu’une évaluation stratégique indépendante de la Mission devait être présentée par le Secrétaire général à la mi-octobre: tout réajustement du mandat devra tenir compte des développements constatés sur le terrain, a fait valoir le représentant sud-africain.

« Aujourd’hui, le plus grand défi auquel fait face la RDC est celui de la paix, de la sécurité et de la stabilité », avait indiqué le Président Tshisekedi à la tribune de l’Assemblée générale: reprenant ces propos à son compte, son représentant a encore réclamé davantage de coopération de la part de la MONUSCO avec les Forces armées congolaises, « comme le préconise le Secrétaire général dans son rapport », a-t-il précisé.

Il est, selon lui, « d’urgente nécessité » d’adapter la Mission de l’ONU à l’évolution de la situation sur le terrain en concentrant davantage ses capacités opérationnelles aux côtés des Forces armées congolaises: la RDC a encore besoin de la MONUSCO, mais d’une MONUSCO « non pléthorique, bien équipée, forte, dotée d’un mandat adapté », a-t-il conclu.  « À l’image de la Brigade d’intervention rapide qui avait jadis mis en déroute le M23 », a rappelé le délégué congolais.

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (S/2019/776)

Déclarations

Mme LEILA ZERROUGUI, Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), s’exprimant en visioconférence depuis le Royaume-Uni, a salué une « nouvelle dynamique positive » à la suite de la transition pacifique du pouvoir en début d’année.  Il incombe désormais à l’ensemble de la classe politique congolaise d’œuvrer à la consolidation de la démocratie dans le pays, car l’équilibre des institutions reste fragile, a-t-elle ajouté.  La neutralisation des groupes armés qui représentent une menace inacceptable pour les civils est indispensable et il faut aider le Gouvernement à lutter contre eux tout en promouvant un État de droit.

L’escalade récente des violences armées et intercommunautaires engendre des violations des droits de l’homme qui conduisent à des déplacements importants de population au Nord-Kivu, en Ituri et au Sud-Kivu, où un grand nombre de groupes armés, dont les Forces démocratiques alliées (ADF), et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) continuent de faire payer un très lourd tribut à la population qui souffre déjà d’une situation humanitaire grave, a précisé la Représentante spéciale. 

Mme Zerrougui s’est dite particulièrement préoccupée par le niveau de violences contre les civils – assassinats, décapitations post mortem, visant notamment des enfants en particulier en Ituri, mutilations génitales des femmes au Sud-Kivu sont inacceptables et très « inquiétantes »: il faut faire tous les efforts nécessaires pour en arrêter les auteurs et les tenir responsables.

La Représentante spéciale a aussi dénoncé des attaques transfrontalières conduites au Rwanda, qui ont fait des morts et menacé la stabilité de la région.

Mme Zerrougui a rappelé qu’il était nécessaire de renforcer les fonctions clefs de l’État, sécurité et justice, pour que le Gouvernement soit plus efficace face aux menaces.  Il faut aussi soutenir l’État, afin de renforcer les efforts de médiation et faire taire les discours de haine.

Par ailleurs, la question de la réintégration d’anciens membres des groupes armés après leur reddition volontaire demeure critique.  Elle ouvrirait pourtant la voie à une plus grande stabilité dans le pays et doit être soutenue par la communauté internationale, a insisté Mme Zerrougui.

La Chef de la MONUSCO s’est en revanche félicitée de la diminution du nombre de nouveaux cas du virus Ebola en septembre et octobre, grâce à la coordination des efforts conduits.  La bataille est toutefois loin d’être gagnée, a-t-elle prévenu, des zones sont toujours affectées par le virus et il reste difficile de faire comprendre aux populations qu’on ne peut y accéder. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) s’est félicité de « l’évolution positive » de la situation sociopolitique en RDC, évoquant notamment la nomination du Premier Ministre, la formation du nouveau Gouvernement et l’approbation par l’Assemblée nationale du programme gouvernemental.  Il a exhorté les institutions financières internationales, les agences d’aide au développement et les partenaires bilatéraux à davantage soutenir le Gouvernement congolais afin de consolider la paix et la stabilité. 

Le représentant a cependant noté qu’en dépit de ces efforts appuyés par la MONUSCO, la situation sécuritaire dans les provinces orientales de la RDC demeurait préoccupante.  Les activités des groupes armés étrangers et locaux continuent de déstabiliser les provinces du Nord et Sud-Kivu ainsi que celle de l’Ituri, a-t-il déploré.  Il a ajouté que la neutralisation de ces « forces négatives », bien que relevant de la responsabilité du Gouvernement congolais, ne pourrait se faire sans une implication de tous les acteurs régionaux, en particulier les pays voisins. 

Saluant la tenue du Sommet quadripartite des Chefs d’État de la RDC, de l’Angola, de l’Ouganda et du Rwanda, tenu le 12 juillet, et dont les conclusions soulignent l’importance du renforcement de la coopération en matière de paix et de sécurité dans les efforts régionaux de lutte contre les groupes armés dans l’est de la RDC, M. Ipo a encouragé le Gouvernement congolais à mener à bien le processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration dans le cadre de la mise en œuvre de son programme d’action.  Il s’est par ailleurs déclaré préoccupé par la situation humanitaire, aggravée par la persistance de l’épidémie d’Ebola dans l’est du pays.  Aux difficultés d’accès des agences humanitaires s’ajoute le faible niveau de mobilisation des ressources nécessaires au financement du plan de réponse humanitaire, évalué à 1,65 milliard de dollars, a-t-il souligné, exhortant l’ensemble de donateurs à honorer leurs engagements. 

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a salué les progrès enregistrés dans le cadre politique de la RDC depuis l’accession à la présidence de Félix Tshisekedi, et notamment la formation d’un gouvernement de coalition.  Il y a vu les fondations nécessaires à la stabilisation du pays.  Toutefois, le représentant a fait part de sa préoccupation face à la détérioration de la sécurité dans l’est du pays, du fait des groupes armés, qu’ils soient congolais ou étrangers, et des foyers de violence intercommunautaire.  C’est pourquoi le Pérou juge très important d’intensifier les synergies entre la MONUSCO et les Forces de sécurité congolaises afin de neutraliser ces groupes.  Il faudra aussi compléter cette synergie par une action efficace en termes de désarmement, démobilisation et réintégration sociale des anciens combattants, a ajouté le représentant. 

Dans le contexte actuel, les travaux de la composante civile de la MONUSCO sont particulièrement pertinents, a poursuivi M. Ugarelli, citant en particulier tout ce qui concerne la promotion du dialogue, la prévention de la violence sexuelle ou encore la coordination du soutien en provenance des partenaires internationaux.  Le Pérou encourage le Gouvernement congolais à favoriser l’adoption d’une réforme du système judiciaire destinée à devenir la pierre angulaire dans la lutte contre l’impunité et la corruption, ainsi que pour surmonter la situation préoccupante et persistante de violation des droits de l’homme.  Enfin, la priorité donnée à la fin de la violence ne doit pas mettre au second plan la crise humanitaire, qui s’aggrave même sur le terrain, a conclu le représentant. 

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a dit suivre avec beaucoup d’intérêt l’évolution positive de la situation en République démocratique du Congo, liée à l’engagement de la communauté internationale et à la volonté du peuple congolais.  Le succès des dernières élections, la désignation d’un gouvernement sont autant d’éléments en faveur de la stabilité.  Mais davantage doit être fait.  En particulier, la communauté internationale doit aider le pays à restaurer son autorité, sa souveraineté et son intégrité territoriale face aux agissements des groupes armés.  Cela doit cependant être fait sans ingérence dans ses affaires intérieures, a averti le représentant. 

M. Esono Mbengono a également estimé que la RDC, pays immensément riche en minerais de toute sorte, devait être aidée dans la protection de ses ressources naturelles.  Il faut notamment l’aider à mettre au point des outils de traçabilité.  C’est pourquoi la Guinée équatoriale appelle l’Union africaine, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et les autres partenaires internationaux cherchent à trouver des synergies de développement avec les États membres de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs pour mettre en œuvre l’Accord-cadre sur la paix, la sécurité et la coopération en République démocratique du Congo et dans la région. 

M. HAITAO WU (Chine) a salué les efforts diplomatiques du Gouvernement de la RDC et de son Président.  Malgré l’épidémie d’Ebola et aux risques sécuritaires, il a rappelé que le Secrétaire général s’était rendu sur place, notamment dans l’est du pays, y voyant un « témoignage rigoureux du soutien de l’ONU dans cette région ». 

Depuis longtemps la MONUSCO joue un rôle important mais elle a encore échoué face aux défis humanitaires et sécuritaires, a jugé le représentant, qui a demandé à la Mission de coopérer de manière plus efficace avec les Forces armées nationales congolaises contre les groupes armés.  Il a souhaité que les consultations avec les pays fournisseurs de contingents soient renforcées, pour que les mesures nécessaires soient prises.

Pour la Chine, la coopération régionale est la clef pour lutter contre les groupes armés et faire cesser les flux d’armes.  M. Wu a ainsi appelé la MONUSCO à coopérer davantage avec l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs.  Entre l’épidémie d’Ébola et les conflits, la situation humanitaire s’est encore détériorée et plus de 13 millions de personnes souffrent de la faim, a rappelé le représentant, qui a invité la communauté internationale à renforcer son appui dans ce domaine.

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a dit se réjouir des avancées politiques enregistrées en RDC avec l’élection d’un nouveau président et la nomination d’un gouvernement.  Mais « seules des mesures concrètes pourront prouver au peuple congolais que ce Gouvernement représente le changement pour lequel ils ont voté », a-t-elle dit. 

La représentante a ensuite déclaré qu’en tant que donateur principal en RDC et à la MONUSCO, les États-Unis attendaient du Gouvernement congolais qu’il prenne des mesures visant notamment une réforme du secteur de la sécurité.  Il faut en particulier que les auteurs des violations des droits de l’homme rendent des comptes et que les anciens combattants soient désarmés et réintégrés.

Les États-Unis apprécient les initiatives diplomatiques prises par le Président Tshisekedi pour instaurer la confiance et des relations de bon voisinage, a assuré Mme Craft.  Ils apprécient aussi les initiatives prises pour lutter contre la corruption et promouvoir la bonne gouvernance.  C’est pourquoi, lors de la dernière visite du Président congolais à Washington, les États-Unis ont accepté de financer un nouveau programme de lutte contre la corruption en RDC, a-t-elle expliqué, ajoutant que les États-Unis souhaitaient que la bonne gouvernance s’installe dans ce pays. 

La représentante s’est enfin réjouie que le rapport du Secrétaire général n’appelle à aucune prise d’action de la part du Conseil de sécurité, car a-t-elle dit, c’est au Gouvernement de la RDC d’agir.  C’est ce qu’attendent les États-Unis, a conclu Mme Craft. 

M. DIAN TRANSYAH DJANI (Indonésie) a salué les progrès enregistrés sur le plan politique en RDC, à commencer par la formation d’un nouveau gouvernement de coalition.  Il s’est félicité de la récente visite effectuée par le Secrétaire général dans le pays mais s’est déclaré inquiet de la situation qui prévaut dans les provinces des Kivus ainsi que dans celle de l’Ituri.  À ses yeux, la coopération régionale demeure un élément clef pour traiter la menace que représentent les groupes armés étrangers.  Il convient aussi de s’attaquer aux causes profondes des conflits et des crises que connaît la région des Grands Lacs depuis des années.  Le représentant a salué à cet égard les mesures prises par le Président Félix Tshisekedi pour renforcer les relations avec les pays voisins et a encouragé les signataires de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération à respecter leurs engagements afin de promouvoir le développement d’une paix durable dans la région. 

Le représentant a ensuite évoqué la situation humanitaire, déplorant notamment que, depuis le 1er juin, au moins 197 civils aient été tués en Ituri et plus de 230 000 personnes déplacées.  Appelant à une réponse urgente, il a estimé que la coopération entre les Forces armées de la RDC et la MONUSCO était essentielle pour prévenir ces violences.  Il a d’autre part noté que l’épidémie d’Ebola était la deuxième la plus importante jamais enregistrée dans le pays et que des maladies comme la rougeole, le paludisme et le choléra continuaient elles aussi d’y semer la mort.  Dans ce contexte alarmant, il s’est félicité de la tenue, le mois prochain à Goma, de la Conférence internationale sur la santé publique dans laquelle il a vu l’occasion pour la communauté internationale de se porter au secours du peuple congolais.  Il a appelé le Conseil et les États Membres à soutenir ces efforts. 

Enfin, M. Djani a rappelé le rôle crucial joué par la MONUSCO en RDC et souhaité que la situation financière difficile de l’ONU n’empêche pas la Mission de remplir son mandat.  Selon lui, le mandat et les ressources devraient aller de pair.  De plus, a-t-il fait valoir, les engagements budgétaires pris en matière de maintien de la paix devraient se concrétiser sur le terrain.  Pour sa part, a-t-il souligné, l’Indonésie maintient son appui en tant que principal fournisseur de contingents à la MONUSCO.  Sa contribution s’élève aujourd’hui à 1 044 hommes et femmes, parmi lesquels figurent 28 femmes Casques bleus et 850 membres d’un bataillon de déploiement rapide, a-t-il rappelé. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a salué la formation d’une nouvelle coalition gouvernementale en RDC, sa nature consensuelle et son approche respectueuse des femmes, avec une augmentation de leur représentation de 10 à 17%.  Il a aussi observé une tendance positive: la restauration de la confiance entre la RDC et les pays voisins.  Elle démontre son engagement à mettre totalement en œuvre l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.

Concernant l’est du pays, les problèmes militaires et humanitaires persistent (conflits intercommunautaires, Ebola), comme discutés lors d’une réunion du Conseil de sécurité de la semaine dernière consacrée à la région des Grands Lacs.  Partageant les inquiétudes exprimées par le Secrétaire général dans son rapport, l’Afrique du Sud a condamné les attaques armées contre les centres de traitement du virus et leur personnel, salué le lancement de la Mission de soutien de l’Union africaine à l’épidémie d’Ebola en RDC (ASEDCO) et salué les efforts du coordinateur de la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ébola (MINUAUCE).

Concernant la situation humanitaire dans l’est du pays, l’Afrique du Sud a mentionné le rôle vital joué par la MONUSCO en collaboration avec les autorités congolaises, et les efforts de la Brigade d’intervention contre les agissements des groupes armés. 

Cependant, dans l’attente des résultats émanant de l’évaluation stratégique indépendante de la MONUSCO par le Secrétaire général, M. Matjila a estimé que tout ajustement concernant le mandat de la MONUSCO devrait être basé sur les évènements rapportés sur le terrain. 

Soutenant les efforts continus de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) pour aider le Congo à atteindre une paix durable, l’Afrique du Sud a encouragé la collaboration entre les Nations Unies et l’Union africaine pour consolider la paix et la stabilité en RDC.

M. IGNACE GATA MAVITA WA LUFUTA (République démocratique du Congo) a indiqué qu’au cours de la période considérée, le Président du pays, M. Félix Tshisekedi, avait mené une intense activité diplomatique l’ayant conduit dans plusieurs pays de la région afin de réaffirmer son engagement à développer des relations de bon voisinage et une coexistence pacifique avec eux, dans le plein respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC et des autres États.  Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres a également visité la RDC, du 31 août au 2 septembre dernier, à l’invitation de M. Tshisekedi, a précisé le représentant.  Au cours de cette visite, ce dernier a réitéré sa confiance en l’ONU, y compris dans le cadre de la lutte contre la propagation de la maladie à virus Ebola, qui sévit dans le pays depuis près d’un an dans la région de Béni. 

Il a également saisi l’occasion de rappeler les engagements pris par le Président Tshisekedi lors de son investiture et devant la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment ceux de lutter contre « les forces négatives, jusqu’à leur éradication totale », en prenant en compte toute la dimension régionale et internationale d’un tel objectif.  Concernant la revue stratégique de la MONUSCO, le Président Tshisekedi, cité par son représentant, estime en outre qu’il y a « une convergence de vues avec le Secrétaire général sur la nécessité de réadapter la configuration de la MONUSCO à l’évolution de la situation sur le terrain, en concentrant davantage les efforts sur les capacités d’intervention opérationnelle des Forces onusiennes aux côtés des Forces armées de la RDC.  En d’autres termes, la RDC a encore besoin de la MONUSCO, mais d’une MONUSCO non pléthorique, bien équipée, forte, dotée d’un mandat adapté, à l’image de la Brigade d’intervention rapide qui avait jadis mis en déroute le M23 ».

S’exprimant sur la situation sécuritaire en RDC, le représentant a dit se réjouir que les Forces armées de la RDC et la MONUSCO vont, non seulement poursuivre leur coopération, mais également l’intensifier pour venir à bout de tous les groupes armés et restaurer définitivement la paix longuement attendue dans l’est du pays.  C’est dans cet esprit, que les autorités congolaises viennent de mettre en place un ambitieux programme d’action visant la pacification du pays, la promotion de la réconciliation, la cohésion et l’unité nationale ainsi que le renforcement de l’autorité de l’État.  Il aura besoin de l’appui de la MONUSCO pour l’accompagner dans cette tâche, a ajouté le représentant en conclusion.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Quatrième Commission: le maintien de la Polynésie française et de Gibraltar sur la liste des territoires non autonomes divise délégations et pétitionnaires

Soixante-quatorzième session,
3e séance – après-midi
CPSD/693

Quatrième Commission: le maintien de la Polynésie française et de Gibraltar sur la liste des territoires non autonomes divise délégations et pétitionnaires

Au deuxième jour de son débat général sur la décolonisation, la Quatrième Commission (en charge des questions politiques spéciales et de la décolonisation) a consacré la plus grande partie de ses délibérations à la Polynésie française, dont le Président, M. Edouard Fritch, a demandé « solennellement » le retrait de celle-ci de la liste des territoires non autonomes.

« Notre victoire électorale confirme que la population ne souhaite pas modifier le cadre institutionnel de la Polynésie française », a-t-il analysé, en rappelant qu’en mai 2018, les trois quarts des Polynésiens avaient exprimé leur souhait de rester français alors que le Parti indépendantiste n’a recueilli qu’un quart des voix.

« La Polynésie n’est pas une colonie, sa population ne souffre pas de sévices ou de discriminations », a plaidé le Président.  « La dignité d’un peuple ne se construit pas forcément dans l’indépendance », a–t-il poursuivi, avant de dire qu’elle passe aussi par l’accès à l’éducation, à la santé, à la terre, à la culture, à l’énergie, à la connectivité et aux transports.

M. Fritch a appelé les pays du Forum des îles du Pacifique, qui reconnaissent la Polynésie française comme un État membre à part entière, à soutenir sa demande de retrait de la liste des territoires que l’ONU considère comme non décolonisés.  Pétitionnaire, Mme Eliane Tevahitua, a pour sa part, dénoncé l’admission de la Polynésie française au sein du Forum, car ce territoire n’est pas indépendant et y servirait, selon elle, de « faux-nez » aux intérêts français.

Avocat au barreau de Paris et pétitionnaire, M. David Koubbi a rejeté l’argument selon lequel les indépendantistes polynésiens ne formeraient pas une majorité, accusant la France d’avoir empêché Oscar Temaru, élu Président du territoire à cinq reprises, de mener son action.

« Quand nos îles sont menacées par la montée des océans, quelle valeur accorder aux débats artificiels sur la décolonisation? » a rétorqué M. Teva Rohfritsch, Vice-Président de la Polynésie française.  Selon lui, la présence de la France est une « chance » pour relever les défis inhérents à la géographie océanique, caractérisée par un isolement et un éparpillement de « petites unités de vie » sur une superficie « aussi vaste que l’Europe ».

Membre de l’association Mururoa e tatou, M. Philippe Neuffer a dénoncé de son côté « les méthodes diplomatiques obsolètes de la France », visant, selon lui, à bannir des textes onusiens les termes qu’elle jugerait problématiques.  De nombreux pétitionnaires sont revenus en outre sur les conséquences sanitaires et environnementales des 193 essais nucléaires français effectués en Polynésie de 1966 à 1996.  « Nous avons affaire à différentes personnes qui ont menti sur les effets des essais sur la population », s’est ému M. Anthony Geros, du Groupe Tavini Huiraatira, qui siège à l’Assemblée de la Polynésie française. 

« Pendant 30 ans, nous avons été les souris de laboratoire de la France », s’est exclamée Mme Hinamoeura Cross, de la société Les saveurs du Vaina, elle-même atteinte d’un cancer de la thyroïde.  Mme Maryse Ollivier, du peuple Maohi, a accusé la France d’avoir tenté de gagner du temps dans le processus d’indemnisation des victimes.

« Malheureusement, il existe encore des territoires colonisés, vestiges d’un passé disparu », a regretté aujourd’hui l’Espagne, lorsque la question de Gibraltar s’est invitée à ce débat.  La délégation, qui a déploré le fait que les négociations avec le Royaume-Uni aient été infructueuses jusqu’à présent, a appelé Londres à « respecter ses obligations internationales ».  « Les autorités de Gibraltar utilisent le déséquilibre actuel pour se livrer à des trafics illicites et à de la contrebande », a assuré le représentant espagnol, en considérant qu’à la lumière de la crise ouverte par le Brexit, il est essentiel de relancer les négociations.

La représentante britannique a revendiqué la souveraineté de son pays sur Gibraltar, en soulignant que son peuple bénéficie du droit à l’autodétermination.  « Il ne s’agit pas de le faire passer sous la souveraineté d’un autre État sans son accord », a-t-elle mis en garde.  Pour l’Espagne en revanche, Gibraltar est une colonie qui « rompt » l’unité territoriale de son pays et dont la décolonisation doit se faire par le biais de négociations bilatérales entre le Royaume-Uni et l’Espagne, comme l’a stipulé l’ONU.

Le Vice-Ministre en chef de Gibraltar, M. Joseph Garcia, a rappelé que son peuple attend depuis plus d’un demi-siècle la réalisation de son droit à l’autodétermination, en insistant sur le fait que Gibraltar souhaite être retiré de la liste des territoires non autonomes.  Gibraltar pourrait quitter l’Union européenne avec le Royaume-Uni en octobre, a-t-il rappelé, même si l’immense majorité de son peuple a voté en faveur du maintien.

Compte tenu des échanges étroits et de la circulation de biens et de personnes entre l’Espagne et Gibraltar, un Brexit « sensible, ordonné et bien géré » serait dans l’intérêt des deux parties, a suggéré M. Garcia.

Suite du débat général sur les points relatifs à la décolonisation

« Malheureusement, il existe encore des territoires colonisés, vestiges d’un passé disparu », a regretté M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER (Espagne), rappelant qu’« en 1713, avec le Traité d’Utrecht, l’Espagne avait dû céder Gibraltar au Royaume-Uni. »  Il a ensuite énuméré ce qu’il considère comme des occupations successives de territoires espagnols adjacents.  Le représentant constate que jusqu’ici les négociations ont été infructueuses et appelle le Royaume-Uni à « respecter les obligations internationales ».  Il a déploré « les effets négatifs » de la colonisation en matière de sécurité, d’environnement et des distorsions économiques qu’elle crée au détriment des territoires espagnols adjacents.  « Les autorités de Gibraltar utilisent le déséquilibre actuel pour se livrer à des trafics illicites et à de la contrebande », a-t-il dénoncé.  Pour conclure, le délégué a estimé que, dans le contexte du Brexit, il était essentiel de rouvrir des négociations. 

Représentants de territoires non autonomes

Mme BLONDEL CLUFF, Conseillère spéciale auprès du Premier Ministre d’Anguilla, a rappelé qu’Anguilla est la seule nation à s’être battue contre le Royaume-Uni pour rester britannique et à avoir gagné.  Cependant, elle ne se sent pas partie intégrante de la famille britannique « tout simplement par ignorance ».  L’intervenante a également constaté une différence en matière de décolonisation entre les différents gouvernements britanniques qui se sont succédé et, aujourd’hui, « c’est à la population d’Anguilla de prendre son destin en main », a-t-elle estimé.  Elle a dénoncé le manque de générosité du Royaume-Uni après le passage du cyclone Irma, parlant même de négligence alors qu’Anguilla aurait pu être l’un des leaders mondiaux du tourisme dans les Caraïbes avec l’aide de l’« État souverain ».  Nous sommes un territoire d’outre-mer mais nos relations n’ont pas suffisamment été réfléchies, a regretté la Conseillère.  Les citoyens d’Anguilla sont britanniques et revendiquent les mêmes droits, a-t-elle martelé.

Le Gouvernement élu démocratiquement ne saurait rester sous l’autorité des quelques fonctionnaires britanniques dépêchés par Londres, a poursuivi MmeºCluff, en se demandant si les besoins de « certains fonctionnaires » ne sont pas pris davantage au sérieux que ceux d’une population entière.  Aspirant à la même bonne gouvernance que le Royaume-Uni, Anguilla a besoin d’un engagement britannique accru dans l’intérêt des deux parties, a exigé MmeºCluff.  Elle a insisté sur l’impératif d’accès aux services de santé nationaux, en regrettant que le Gouvernement britannique n’ait détaché que quatre personnes à Anguilla.  Pour le développement durable de l’île, il faut pouvoir compter sur un soutien clair, or, dans le contexte du Brexit, la partie est loin d’être gagnée, a regretté la représentante.

Pour son gouvernement, il est impératif que les citoyens d’Anguilla ne soient pas des citoyens de seconde classe, « or aujourd’hui, c’est malheureusement le cas », s’est-elle émue, en ajoutant que le soutien du reste du monde est difficile, parlant même d’un sentiment de « prise en otage » par la « Puissance administrante ».  La Conseillère a ensuite présenté une série de solutions, en commençant par le constat qu’en matière de décolonisation, tout processus doit évoluer, avec pour objectif final de parvenir à l’indépendance du territoire en question sur la base de programmes durables.  En outre, les relations avec l’État souverain doivent être plus efficaces et modernes, a-t-elle poursuivi, en constatant des disparités majeures d’un territoire à un autre.  Enfin, MmeºCluff a insisté sur les pressions exercées sur les territoires d’outre-mer britanniques, « comme s’il y avait une sorte de concurrence entre eux, pour les réduire au silence ».

« Je vous demande solennellement de retirer mon peuple de la liste des pays à décoloniser », a exhorté M. EDOUARD FRITCH, Président de la Polynésie française.  « Notre victoire aux élections confirme que la population ne souhaite pas modifier le cadre institutionnel de la Polynésie française », a-t-il expliqué, avant de préciser que sa majorité, issue des élections de maiº2018, rassemble deux tiers des députés là où le Parti indépendantiste n’a obtenu que moins d’un quart des suffrages.  « Mon pays est autonome depuisº2014, il compte 270 000 habitants éparpillés sur un territoire grand comme l’Europe », a-t-il expliqué, avant de préciser que « 80% de la population est autochtone, les Polynésiens occupent tous les rouages du pouvoir ».  Il a mis en avant le niveau de développement de son territoire. 

« La Polynésie n’est pas une colonie, la population ne souffre pas de sévices ou de discriminations », a-t-il martelé.  « La dignité d’un peuple ne se construit pas forcément dans l’indépendance », a–t-il estimé, avant d’ajouter: « elle se construit dans l’accès à l’éducation, à la santé, à la terre, à la culture, à l’énergie, à la connectivité et aux transports ».  « Vous devez accepter le fait démocratique que mon peuple n’a pas de désir d’indépendance.  Mon peuple désire rester dans la nation française avec un statut de large autonomie », a-t-il insisté.  « Je vous pose savamment la question: quel est l’intérêt pour mon peuple de rester sur la liste des pays à décoloniser?  Pour ma part je n’en vois aucun », a-t-il tranché.  Le Président a appelé les pays du Forum des îles du Pacifique, qui le reconnaissent comme État membre, à soutenir sa demande de retrait de la liste des territoires non autonomes.

Pétitionnaires de la Polynésie française

M. TEVA ROHFRITSCH, Vice-Président de la Polynésie française, qui a rappelé qu’en maiº2018, 77% des Polynésiens s’étaient exprimés en faveur du maintien du territoire au sein de la République française, a souligné que « la présence de la France est une chance pour faire face aux défis que posent notre géographie, notre isolement et notre éparpillement de petites unités de vie sur une superficie aussi vaste que l’Europe ».  Il s’est également demandé quelle valeur attribuer aux débats « artificiels » sur la décolonisation de la Polynésie, « lorsque nos îles sont englouties par la monté des océans ».  L’intervenant a demandé à la Commission de respecter le droit fondamental du peuple polynésien à disposer de lui-même, droit qui s’est exprimé dans les urnes, les votes, a-t-il répété, ayant très largement rejeté l’idée d’une séparation avec la France.

M. GEORGES MOARII, Armateur à la pêche en Polynésie française, a regretté que certains indépendantistes polynésiens tentent de faire croire que l’État français confisque les ressources naturelles de la Polynésie française à son profit.  En tant qu’armateur, il a expliqué que sa flottille est la fierté de son pays, car elle est le fruit de constructions navales polynésiennes, dirigée et gérée par des patrons polynésiens, exploitée par des équipages polynésiens formés dans une école de pêche polynésienne.  L’accès aux ressources halieutiques et à sa zone économique exclusive est réservé aux seules entreprises polynésiennes, a précisé le pétitionnaire en expliquant qu’aucun navire français, européen ou étranger ne peut pêcher dans cette ZEE.  Quant à l’État français, il aide les investissements des entreprises polynésiennes à hauteur de 30% au travers de la défiscalisation, s’est félicité M.ºMoarii.  Il aide également, a-t-il ajouté, les Polynésiens à surveiller leur ZEE de 5,5ºmillions de kilomètres carrés au travers d’une surveillance satellite, de navires d’intervention et d’aéronefs.  Il a conclu en affirmant que les Polynésiens ne sont pas colonisés.  « Ils sont souverains sur leurs propres ressources naturelles. »

Mme LANA TETUANUI, Sénatrice de Polynésie française, a rappelé que le fait nucléaire fait partie de l’Histoire de son pays et qu’il convient pour avancer de dépasser cette Histoire, en l’assumant et en veillant à ce que l’État français aille jusqu’au bout de la reconnaissance de responsabilité.  À ce titre, elle a indiqué que la France avait reconnu officiellement et juridiquement les conséquences des essais nucléaires dans la nouvelle loi statutaire organique promulguée le 5ºjuilletº2019.  Pour les autonomistes, c’est un grand pas de reconnaissance de la France et de garantie pour le développement durable, économique et social.  La pétitionnaire a abordé le sujet des indemnisations des malades du nucléaire, et précisé qu’elle s’est grandement investie à l’échelon national par la modification de la Loi Morin du 5ºjanvierº2010, « loi qui ne donnait pas satisfaction ».  Le dispositif de cette Loi a été progressivement revue avec notamment la suppression de la clause de « risque négligeable » ou encore l’inscription et la prise en compte de deux nouveaux cancers à la liste des maladies radio-induites.  Toutes ces nouvelles mesures ont été adoptées pour répondre au mieux et plus rapidement aux demandes des victimes et tout est organisé avec un processus d’écoute et des chiffres à ce jour parlant, a expliqué la pétitionnaire en annonçant que pour l’exercice non clos deº2019, 129ºoffres d’indemnisation ont été instruites, dont 77ºversées au 1er septembreº2019, pour un montant de 5,9 millions d’euros.  Il s’agit à ces yeux du fruit d’un travail de concertation réalisé en toute transparence avec le Gouvernement central.

M. FRANÇOIS PIHAATE, Président de l’Église protestante de Ma’ohi, a dénoncé les essais nucléaires menés en Polynésie française par la France jusqu’enº1986 et qui représentent « l’équivalent de 700ºbombes d’Hiroshima ».  La mauvaise gestion des essais nucléaires met en péril l’environnement et la santé de la population, s’est-il indigné.  Les résolutions de l’Assemblée générale reconnaissent cela, ainsi que la responsabilité de la Puissance administrante à cet égard, a-t-il rappelé, en précisant que le Secrétaire général devait en faire rapport chaque année.  Or, la teneur de son rapport n’est pas complète aux yeux de certains pétitionnaire polynésiens et l’Église protestante a présenté un rapport spécial sur les répercussions en termes des droits de l’homme de ces essais, mais cette communication ne parait toujours pas en tant que document de travail du Comité spécial de la décolonisation.  M.ºPihaate a demandé que ce rapport soit versé à la documentation officielle.

M. JAMES BAGHWAN, représentant de la Conférence pacifique des églises basée aux Fidji, il a dénoncé l’exploitation, par le Gouvernement français « colonial » des ressources du peuple maori de la Polynésie, en parlant principalement des ressources halieutiques.  L’heure est venue pour que l’ONU fasse respecter son mandat de décolonisation, a-t-il exigé en précisant que l’absence de mise en œuvre des résolutions de l’Assemblée générale peut être le point de départ d’une discussion entre ceux qui préconisent une véritable décolonisation et les autres.

Mme TIAREMAOHI TAIRUA, Représentante de l’Union chrétienne des jeunes gens, a mis l’accent sur la prise de conscience croissante des jeunes polynésiens au sujet des conséquences des essais nucléaires conduits par la France.  Illustrant son propos, elle a indiqué qu’une marche de commémoration du premier essai nucléaire français en Polynésie avait rassemblé plus de 2º000 jeunes dans les rues de Papeete le 2ºjuillet dernier.  Le pétitionnaire a exhorté les contributeurs au rapport du Secrétaire général à prendre connaissance du rapport indépendant deº2014 sur les essais nucléaires français en Polynésie française, lequel met en évidence les impacts de ces essais.

« Par le passé, le Gouvernement français s’est permis de parler du risque nucléaire négligeable », a déploré M. PHILIPPE NEUFFER, de l’association Mururoa e tatou.  Enº2018, il a remplacé ce concept par celui « d’exposition négligeable », a-t-il regretté, avant d’évoquer l’introduction d’un « critère de non-responsabilité » enº2019.  Or, selon lui, le risque de développer un cancer dans les zones concernées est de 30% supérieur à la moyenne.  Le pétitionnaire a également dénoncé « les méthodes diplomatiques obsolètes de la France » visant à effacer les termes qu’elle juge problématiques des textes des Nations Unies.

« Pendant 30 ans, nous avons été les souris de laboratoire de la France », s’est exclamée Mme HINAMOEURA CROSS, de la société Les saveurs du Vaina.  Elle a dénoncé deux crimes contre l’humanité commis par la France: organiser 193 tirs nucléaires, ensuite laisser les victimes à elles-mêmes face aux conséquences.  « Enfants mort-nés, handicapés, personnes atteintes de cancers qui agonisent: mon peuple est malade! » a-t-elle martelé.  « Je veux briser le tabou des victimes de maladies radio-induites », a-t-elle poursuivi.  « Dans ma famille, toutes les femmes ont des problèmes de thyroïde.  Cela fait six ans que je suis atteinte d’un grave cancer de cet organe, mais je n’osais rien dire », a-t-elle raconté.  C’est la plainte pour crime contre l’humanité déposée devant la Cour pénale internationale par Oscar Temaru, chef de file du Parti indépendantiste polynésien, qui lui a rendu la parole et l’a poussée à militer.

M. DAVID KOUBBI, Barreau des avocats de Paris, a rejeté l’argument de la France selon lequel les indépendantistes polynésiens ne formeraient pas une majorité.  Selon lui, cet argument n’est pas recevable puisque la position de Paris n’a pas varié en dépit de la victoire du Président Oscar Temaru.  M. Koubbi a noté que la Polynésie française était « au fond » un territoire non autonome gouverné par un président indépendantiste, et que, dans les faits, la France subvertit le droit pour bloquer l’action du Président Temaru, et, au-delà, sape les efforts de ceux qui œuvrent de longue date en faveur du droit à l’autodétermination.  Ce droit, comme le droit à l’indépendance, a-t-il dit, n’est pas qu’un but, c’est un droit fondamental.

« Nous avons affaire à différentes personnes qui ont menti sur l’effet des essais nucléaires sur la population », a dénoncé M. ANTHONY GEROS, Groupe Tavini Huiraatira, à l’Assemblée de la Polynésie française, visant notamment l’actuel président du territoire autonome.  « L’État français organise une cabale politico-judiciaire contre le Président du parti indépendantiste, M. Oscar Temaru », a-t-il dénoncé, évoquant par ailleurs « la censure » d’une radio locale.

Mme VALENTINA CROSS, de la ville de Teva Israël uta à Tahiti, a affirmé que le peuple polynésien a été victime, à son insu, d’essais nucléaires, essais qui ont ensuite été démentis par la France, et, aujourd’hui, la plupart des plaintes adressées à la Puissance administrante sont rejetées.  Elle a exigé des analyses détaillées à incorporer dans les rapports du Secrétaire général sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française de manière qu’il n’y ait plus de déformation des faits « cherchant à décrire ces tests comme sûrs ».

Tout en saluant le communiqué publié par le Forum des îles du Pacifique sur la question du nucléaire dans la région, Mme Eliane Tevahitua a toutefois noté l’omission dans ce document de la moindre référence aux conséquences identiques sur le plan nucléaire touchant la Polynésie française.  « C’est particulièrement troublant depuis que le gouvernement colonial de la Polynésie française a été promu en tant que membre à part entière du Forum », a ajouté l’intervenante, pour qui ce statut réservé aux États indépendants servirait de « procuration » aux intérêts français.  Aussi a-t-elle espéré que les défis associés aux tests nucléaires effectués en Polynésie française seront inclus dans toute future évaluation régionale.

Mme CÉCILE MERCIER, de l’Association Fareta à Tevaitau, a rappelé que la résolution relative à la « Question de la Polynésie française » stipule que l’Article 73 de la Charte des Nations Unies fait obligation à la Puissance administrante de communiquer au Secrétaire général « les renseignements statistiques et autres de nature technique relatifs aux conditions économiques, sociales et de l’instruction dans les territoires dont ils sont respectivement responsables ».  « Notre Puissance administrante, qui, est également membre permanent du Conseil de sécurité, a rejeté cette obligation sacrée », s’est-elle indignée, et pourtant il ne semble pas y avoir de sanction pour une telle violation de la Charte.

L’État français refuse tout simplement d’accepter la décision, adoptée par consensus par l’Assemblée générale des Nations Unies en mai 2013, de réinscrire la Polynésie française sur la base de critères objectifs qui clarifient ce qui constitue une véritable autonomie institutionnelle au regard de la Charte des Nations Unies, a poursuivi Mme Mercier, ajoutant que la France n’accepte toujours pas les résolutions annuelles relatives à la Polynésie française, et qu’elle cherche toujours à influencer leur libellé par l’entremise d’alliés diplomatiques invités par la France à présenter des amendements à ces textes pour la placer sous un jour favorable.

Mme TEUMERE ATGER-HOI, Association sportive Tahaa Taekwondo, a dénoncé « l’imposition unilatérale des lois françaises en Polynésie française ».  Elle a affirmé que la qualification de statut d’autonomie était abusive car ce statut n’aurait d’autonome que son appellation.  L’intervenante a rappelé la pertinence de la résolution 67/265 de l'Assemblée générale adoptée en 2013 et qui souligne que la Polynésie française reste un territoire non autonome. 

M. MICHEL VILLAR, Groupe Tavini Huiraatira, a jugé inconsistantes les conclusions du Président de la Polynésie française.  Il a déclaré que la lettre qu’il avait adressée au Comité spécial en date du 13 juin 2019 avait omis de mentionner une conclusion majeure du Forum des îles du Pacifique qui a révélé que le parti présidentiel était au pouvoir grâce à un système de « bonus » de sièges.  Il a dénoncé une pratique octroyant artificiellement un supplément de 19ºsièges parmi les 57 de l’Assemblée de la Polynésie française.

Mme LOÏSE PANIE, Cabinet de généalogie Fouché-Panie, a qualifié d’illusoire la volonté des autoproclamées « Autorités politiques démocratiques » de désigner leur système comme une forme de gouvernement autonome légitime.  Elle trompe non seulement les populations, mais aussi la communauté internationale, a-t-elle assuré.  « Le colonialisme par consentement n’en reste pas moins du colonialisme », a déclaré la pétitionnaire, ajoutant que le processus d’autodétermination de Ma’ohi Nui/Polynésie française ne saurait davantage attendre, d’autant que l’Assemblée générale considère toujours ce territoire comme non autonome.  Il faut désormais chercher les voies et moyens de mettre en œuvre le mandat de l’Assemblée générale sur la décolonisation.  C’est une obligation internationale, a insisté l’oratrice, en conclusion.

M. STEVE CHAILLOUX, professeur de reo tahiti, a réitéré sa requête des années précédentes qu’un programme de travail « au cas par cas » soit initié pour la Polynésie française, pour « séparer l’opinion des faits » au sujet de la « condition coloniale » dans le territoire.

M. STANLEY CROSS, Barreau des avocats de Papeete (Tahiti), a accusé la France de circonvenir à la Charte des Nations Unies en ne reconnaissant pas la « réinscription » de Ma’ohi Nui/Polynésie française et de continuer de manipuler le libellé de notre résolution au niveau du Comité spécial des Vingt-Quatre par l’intermédiaire de tierces parties.  Il a plaidé pour l’adoption d’un programme de travail relatif à la question relative à ce territoire, avec ou sans la participation de la Puissance administrante au début.  Il s’agirait selon l’intervenant du meilleur moyen d’entamer le processus d’autodétermination pour conduire à une décolonisation véritable.

Mme VANINA CROLAS, ville de Faa’a (Tahiti), a déclaré « qu’en plus des profits que l’État français tire aujourd’hui de ses essais nucléaires » passés, il « perçoit des milliards de l’exploitation de l’aéroport et de son espace aérien », sans que les habitants de Faa’a, qui en subissent pourtant les nuisances, n’en « reçoivent la moindre miette ».  Par ailleurs, a-t-il dit, « une justice coloniale » cherche à faire taire et condamner le maire de Faa’a, Oscar Temaru, cet homme « moralement et intellectuellement honnête et non corrompu ». Dans ce contexte, le pétitionnaire a demandé la mise en place, avec les organes compétents de l’ONU, de programmes d’éducation politiques, afin que les peuples de la Polynésie soient conscients de leur droit à l’autodétermination, a-t-il conclu. 

Mme HEIMATA ESTALL de l’Association des agents communaux de la Mairie de Faa’a, a salué la reconnaissance « progressive » par l’Assemblée générale des droits inaliénables du peuple polynésien à la propriété, au contrôle et à l’exploitation de ses ressources naturelles, y compris les ressources marines et les minéraux sous-marins, comme le stipulent la résolutionº71/120 deº2016 et la résolution 73/112 de 2018.  L’intervenante a dénoncé l’absence de volonté de la Puissance administrante de participer aux travaux du Comité spécial de la décolonisation qui est saisi de la « Question de la Polynésie française », en arguant qu’il s’agit d’une violation de la Charte des Nations Unies.

M. AMARONN NAIA, de l’Association Naia a Naia, a affirmé que les archives historiques montreront que les essais nucléaires français en Polynésie française entre 1966 et 1996 ont été le résultat direct de la colonisation et que ces essais ont été imposés à la population, avec pour menace directe d’imposer un régime militaire si elle refusait.  La poursuite du colonialisme a limité les efforts que l’on peut déployer contre une puissance dirigeante dominante à laquelle l’ONU doit encore demander des comptes pour ses « crimes contre l’humanité » à l’égard du peuple polynésien, a soutenu M. Naia.  Dans la foulée, le pétitionnaire a rappelé la communication écrite déposée officiellement en octobreº2018 à la Cour pénale internationale (CPI) par l’ancien Président de la Polynésie et chef du parti Tavini Huiraatira, M. Oscar Temaru, à propos de faits susceptibles d’être qualifiés de « crimes contre l’humanité » au cours des 30 ans d’essais nucléaires français sur « notre territoire ».  Il a noté que le document officiel de travail du secrétariat du Comité spécial de la décolonisation sur la Polynésie française ne fait que brièvement référence –qui plus indirectement– à cette communication auprès de la CPI, alors qu’aucune référence n’y est faite dans le projet de résolution relatif à la Question de la Polynésie française.  La pétitionnaire continue à se demander pourquoi ces développements ne méritent pas d’être pris en considération par l’ONU, ou s’il existe une pression indue exercée par la Puissance administrante en coulisses pour censurer ces références.  Elle a assuré que « son peuple » continuera de surveiller la manière dont l’ONU abordera ces tactiques françaises de « diplomatie furtive » à l’avenir.

FRANÇOISE MIRIAMA TAMA, Association Locataires du lotissement social Erima, a déclaré que les Polynésiens français demandaient un programme de travail le processus d’autodétermination de leur territoire depuis sa réinscription sur la liste des territoires non autonomes en 2013.  Le décrivant, elle a indiqué que cela comprendrait un programme éducatif à grande échelle, une visite du Comité spécial de la décolonisation et enfin un processus d’autodétermination.  « Notre combat est dirigé contre l’État français », a-t-elle déclaré, soulignant que la décolonisation est un droit et une mission qui devait être remplie par l’ONU.

Mme MARYSE TAUTIARE OLLIVIER, Pharmacie Carrefour-Auae, Faa’a, a fustigé la « folie meurtrière » de la France, responsable de 193 tirs nucléaires à Mururoa et qui, a-t-elle ajouté, a tenté de manière « scandaleuse » de gagner du temps dans le processus d’indemnisation des victimes.  Après avoir épinglé le comportement d’Edouard FRITCH, qu’elle a accusé de s’associer au « mensonge étatique » en reconnaissant une culpabilité commune exonérant ainsi la France de la totalité de ses crimes, Mme Ollivier a exhorté la Quatrième Commission à maintenir « plus que jamais » Ma’ohi Nui /Polynésie française sur la liste des territoires « à décoloniser ».

M. MEDERIC TEHAAMATAI, de la ville de Papara, Tahiti, a appelé l’ONU à user de ses bons offices pour qu’il soit mis fin à l’exploitation illégale, en vertu du droit de la mer, des ressources naturelles de la Polynésie française.  C’est notamment en instaurant de fait une zone économique exclusive dans la région que la France peut clamer son statut de deuxième puissance maritime du monde, a-t-il ajouté, avant de fustiger les taxes frappant le transport aérien polynésien.  L’intervenant a répété que la Puissance administrante continue d’exercer en Polynésie française un plein contrôle et une souveraineté absolue sur les ressources naturelles de l’archipel, en violation flagrante du droit international.

M. ALLEN SALMON, Association Tamarii Pereaitu, a noté que 300 satellites survolaient chaque heure l’espace spatial au-dessus des cinq millions de kilomètres carrés de la zone économique exclusive de la Polynésie et que ce survol générait d’importantes ressources pour la Puissance administrante.  Il a aussi mis l’accent sur les richesses potentielles que constituent les sources de cobalt, de platine, de manganèse et de métaux rares présents dans cette zone économique exclusive.  Il a noté que la Puissance administrante s’est octroyé l’exploitation exclusive de ces ressources au mépris des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.  Le pétitionnaire a estimé que de nombreuses sources de revenus étaient ainsi détournées de la Polynésie au profit de la Puissance administrante.

M. MOETAI BROTHERSON, Assemblée nationale française, a annoncé qu’en sa « qualité de député de la République française », il avait officiellement soumis aujourd’hui une demande au Premier Ministre, aux ministres de la défense, de la santé et de l’environnement, que tous les déchets nucléaires et la pollution afférente doivent être retirés de Moruroa et envoyés à Maohi pour être traités de manière adéquate.  Après avoir indiqué qu’il anticipait une réponse négative qui affirme que la France n’a ni l’argent ni la technologie pour y parvenir, il s’est alors demandé pourquoi le plus important investissement français en Polynésie française était le projet TELSITE, d’un coût de 100 millions de dollars, juste pour surveiller les failles de Moruroa.

M. RICHARD TUHEIVA, de l’Assemblée de la Polynésie française, a estimé que les discussions à la Quatrième Commission avaient évolué vers une opposition des opinions, une partie appuyant la poursuite du colonialisme, l’autre la décolonisation.  Selon lui, l’établissement d’un programme de travail constructif en vue de faciliter la mise en œuvre de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux est devenu vital pour dépasser cette division.  En outre, il pourrait déboucher plus rapidement sur une feuille de route vers la décolonisation de la Polynésie française sous les auspices de l’ONU.  Le pétitionnaire a ainsi proposé que la version 2020 de la résolution du Comité des 24 sur son territoire comporte, dans son titre, les termes « programme de travail constructif ».

Le représentant de Vanuatu a demandé à M. Tuheiava si la Polynésie française avait établi pour elle-même un programme de travail constructif pour stimuler le processus de décolonisation.  Il lui a également demandé si la Polynésie française s’appuyait sur les rapports du Secrétaire général de l’ONU relatifs aux conséquences des essais nucléaires effectués sur son territoire, cela pour formuler d’éventuelles recommandations visant à mieux faire face aux effets avérés de la radioactivité et améliorer l’indemnisation des victimes.

M. Thueiava a répondu que si un programme de travail constructif était demandé dans les résolutions pertinentes de l’ONU sur la décolonisation depuis 2013, aucun n’avait vu le jour.  D’après lui, sans un tel programme, la Puissance administrante pourra toujours asséner que le territoire en question est autonome.  « Avec un programme de travail constructif, nous pourrions examiner et rendre compte des carences démocratiques de notre statut juridique et, on l’a dit, nous pourrions impulser un vrai dispositif de décolonisation. »

Sur la question nucléaire, le pétitionnaire a répondu que 30 ans d’essais nucléaires avaient eu des conséquences dramatiques sur la santé des populations, ce qu’attestent les taux élevés de cancers et la contamination de l’environnement.  Il a ajouté que la France rejette la plupart des plaintes formulées par les indépendantistes et que les rapports du Secrétaire général « ne sont pas adéquats car ils ne comportent pas les éléments scientifiques les plus probants ».

Pétitionnaires de Gibraltar

M. JOSEPH GARCIA, Vice-Ministre en chef de Gibraltar, a rappelé que son peuple patiente depuis plus d’un demi-siècle pour la réalisation de son droit à l’autodétermination.  Pour quelle raison cela prend-il tant de temps? s’est-il demandé.  Il a rappelé qu’en janvier 2007, une nouvelle Constitution était entrée en vigueur à Gibraltar, laquelle fait mention, dès son ouverture, du principe d’autodétermination.  Ce texte, qui a renforcé l’autonomie du peuple, du Parlement et du Gouvernement de Gibraltar, a été transmis au Comité spécial de la décolonisation, auquel a été demandé les étapes supplémentaires à prendre pour être retiré de la liste des territoires non autonomes.  Nous n’avons reçu aucune réponse, a déploré le Vice-Ministre, qui a souligné qu’aucune mission du Comité n’avait été dépêchée pour examiner la situation à Gibraltar jusqu’à présent, en dépit d’une invitation annuelle.  « C’est comme si nous n’existions pas », a constaté M. Garcia. 

Plus tard, en octobre, a rappelé le Vice-Ministre, en faisant allusion au Brexit, Gibraltar pourrait quitter l’Union européenne avec le Royaume-Uni, même si l’immense majorité de son peuple a voté en faveur du maintien.  « Dans le cadre du processus de sortie de l’Union, nous avons discuté avec différents États Membres, dont l’Espagne, notre plus proche voisin européen », a-t-il relaté, en faisant état des dispositions spéciales relatives à Gibraltar figurant dans l’accord de retrait entre Londres et Bruxelles.  Quatre mémorandums d’accord ont été négociés entre Gibraltar et l’Espagne dans ce cadre, portant sur l’environnement, le tabac, la coopération entre agences d’application des lois et les droits des citoyens, respectivement, tandis qu’un traité fiscal a été négocié séparément.  Compte tenu de la circulation de biens et de personnes entre l’Espagne et Gibraltar, un Brexit « sensible, ordonné et bien géré » est dans l’intérêt des deux parties, a plaidé M. Garcia, en réitérant le souhait de voir Gibraltar être retiré de la liste des territoires non autonomes.

M. DENNIS MATTHEWS, Groupe pour l’autodétermination de Gibraltar, a annoncé que parmi le peuple de Gibraltar, il existe un ressentiment grandissant à l’égard de cette Commission.  Il a regretté que Gibraltar ait toujours à y apparaître pour défendre son droit à l’autodétermination et chercher à être retiré de la liste des territoires non autonomes.  M. Matthews a accusé l’Espagne de proférer des mensonges à propos de Gibraltar, et que, malgré tout, la Quatrième Commission ne prend pas la peine de venir enquêter sur ces allégations.  Cette absence de visite a amené M. Matthews à penser que l’ONU se soustrait à ses responsabilités et devoirs, alors même qu’une telle visite permettrait à la Commission de constater que Gibraltar a fait plus que ce qu’il fallait pour être radié de la liste des territoires non autonomes.  Par ailleurs, accusant la droite espagnole de penser que le Brexit est une autre opportunité pour imposer une souveraineté espagnole sur Gibraltar, M. Matthews a réaffirmé qu’aucune pression ou contrainte ne pourra porter atteinte à la volonté de son peuple, et que Gibraltar s’opposera à toute atteinte à sa souveraineté.  « Le peuple de Gibraltar ne renoncera jamais à son droit à l’autodétermination! » a conclu M. Matthews.

Droits de réponse

Exerçant son droit de réponse pour donner suite à l’intervention du délégué espagnol, la représentante du Royaume-Uni a revendiqué la souveraineté britannique sur Gibraltar.  Elle a également rappelé que le peuple de Gibraltar bénéficie du droit à l’autodétermination et que le Royaume-Uni a réitéré son engagement constant auprès de ce peuple.  « Il ne s’agit pas de le faire passer sous la souveraineté d’un autre État sans son accord. »

Lui répondant, le représentant de l’Espagne a affirmé que Gibraltar est une colonie qui rompt l’unité territoriale de l’Espagne et que la décolonisation de Gibraltar doit se faire par des négociations bilatérales entre le Royaume-Uni et l’Espagne, comme l’a stipulé l’ONU.  À ce sujet il a invoqué la résolution 2353 et rappelé que l’Assemblée générale avait condamné le référendum de 1977 en estimant qu’il contrevenait aux dispositions de l’Assemblée générale.  L’Espagne condamne les tentatives de la Puissance administrante en prétendant qu’il n’existe pas de situation coloniale et en revendiquant une hypothétique souveraineté.  S’agissant des eaux territoriales, la délégation a tenu à rappeler les espaces cédés et non cédés en vertu du Traité d’Utrecht de 1713. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Première Commission adopte une partie de son programme de travail après avoir rejeté une demande russe et iranienne de suspension de ses travaux

Soixante-quatorzième session,
2e séance (reprise) – matin
AG/DSI/3623

La Première Commission adopte une partie de son programme de travail après avoir rejeté une demande russe et iranienne de suspension de ses travaux

Après de nouvelles péripéties, y compris un vote sur la levée de la séance, rejetée, la Première Commission, chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale, a pu adopter ce matin, par consensus, une partie de son programme de travail pour la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale.  Seul le calendrier du débat général a été adopté, qui porte sur la période allant jusqu’au 16 octobre.  Le programme de travail prévoit que la Première Commission achève ses travaux le 8 novembre.

Cette adoption partielle, par consensus, a été présentée par le Président de la Commission, M. Sacha Sergio Llorentty Solíz, de la Bolivie, comme une « mesure de compromis », en attendant qu’il soit répondu aux attentes des délégations russe et iranienne au sujet de la non-délivrance de visas, par le pays hôte, à leurs experts de désarmement. 

L’accord a été obtenu après le rejet, par 78 voix contre 16 pour et 31 abstentions, d’une demande des délégations russe et iranienne tendant à suspendre les travaux de la Commission en attendant que le Président de la Commission saisisse de la question des visas non octroyés le Secrétaire général des Nations Unies.  Ces délégations ont en effet estimé que le Secrétaire général était le garant du respect, par le pays hôte, de ses obligations au titre des accords de Siège.

Lors des réunions du jeudi 3 octobre et du lundi 7 octobre, la délégation russe, appuyée par celles de la République islamique d’Iran, de la République arabe syrienne, de Cuba et du Nicaragua s’était opposée au lancement des travaux de la Commission dans l’attente de l’obtention de visas réclamés pour ses experts du désarmement.  La délégation américaine avait assuré suivre la question en soulignant que le Comité chargé des relations avec le pays hôte aborderait cette question lors de sa prochaine réunion, prévue le 29 octobre. 

Ce matin, les représentants russe et iranien ont invoqué l’article 118 du règlement intérieur de l’Assemblée générale pour demander la suspension ou l’ajournement de la séance.  « Il ne serait pas correct d’entamer les travaux de la Première Commission tant que persistera un comportement régressif et irresponsable de la part des États-Unis, qui bloquent la contribution de délégations aux travaux de l’Organisation, par le recours à une politique partisane des visas », a déclaré le représentant russe avant de solliciter une réaction du Secrétaire général des Nations Unies sur la question.  Sur le même ton, le représentant de l’Iran a dénoncé « la politique des États-Unis, qui abusent de leurs privilèges de pays hôte et posent un véritable problème en voulant affaiblir la position de la Première Commission et le mécanisme de désarmement ».

Face à l’opposition du représentant des États-Unis, la demande de suspension a été mise aux voix. 

Après le rejet de la demande, la représentante de la Finlande, au nom de l’Union européenne, a regretté que des questions de procédure, d’habitude adoptées par consensus, aient dû être tranchées par vote.  À l’instar des représentants du Chili, de la Suisse et du Liechtenstein, elle a demandé que la Commission commence ses travaux au plus vite et que les États rencontrant des problèmes de procédure les soulèvent dans le cadre des travaux du Comité chargé des relations avec le pays hôte. 

Les délégations qui ont expliqué leur vote se sont partagées en deux positions.  La première a été exprimée notamment par le Mexique, qui a appelé à ne pas faire régner en Première Commission « le désordre qui règne déjà à la Conférence du désarmement à Genève » du fait, selon lui, d’une interprétation « erronée » de la règle du consensus, lequel est certes « désirable » mais ne doit pas être « une camisole de force ». 

La seconde regroupe des pays comme l’Uruguay, le Kazakhstan, la République arabe syrienne, le Venezuela, Cuba ou encore la Chine, qui ont appuyé la position des délégations russe et iranienne en jugeant pertinente une levée « temporaire » des travaux pour parvenir à une solution négociée sur la question de la délivrance de visas.  La représentante du Venezuela a estimé que les compétences octroyées au pays hôte ne pouvaient « être instrumentalisées pour entraver la participation de certains États aux travaux de l’Organisation », et celle de Cuba a jugé que le non-respect des articles 11, 12, 13 et 27 de l’Accord de Siège par le pays hôte représentait « une violation des principes du multilatéralisme ».  Rappelant que le consensus est le fondement des travaux de la Première Commission, le représentant du Bélarus a regretté le recours au vote qui « n’est pas le meilleur moyen de régler un problème ». 

Mais, comme l’a fait observer le représentant de la Malaisie, le résultat du vote a mis en évidence la diversité des préoccupations des délégations.  Il a suggéré aux délégations concernées de continuer les consultations entamées la semaine dernière afin de trouver une solution.  Tout en regrettant les restrictions observées en matière de délivrance de visas, plusieurs pays ont estimé de l’intérêt de tous les États Membres de commencer les travaux au plus vite afin que de pouvoir prendre les décisions importantes en matière de désarmement. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, le représentant de la Zambie a exhorté le pays hôte à réfléchir aux questions soulevées aujourd’hui, en notant que ces difficultés sont discutées depuis trois ans déjà.  Toutefois, répondant aux délégations qui ont appelé à régler cette question de procédure au sein du Comité chargé des relations avec le pays hôte, le représentant russe a appelé à « ne pas entretenir d’illusions », en faisant observer que cette question de non-délivrance de visas était examinée depuis 10 ans par ledit comité, sans avancée. 

À la suite de l’accord conclu ce matin, la prochaine réunion de la Première Commission se tiendra jeudi 10 octobre à 10 heures.  Elle verra l’ouverture du débat général avec la participation du Président de l’Assemblée générale, M. Tijjani Muhammad Bande, et de la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission adopte trois points de son programme de travail et entame son débat sur les mesures pour éliminer le terrorisme international

Soixante-quatorzième session,   
3e et 4e séances – matin & après-midi
AG/J/3593

La Sixième Commission adopte trois points de son programme de travail et entame son débat sur les mesures pour éliminer le terrorisme international

Alors qu’elle n’était pas parvenue, hier, à adopter son programme de travail, la Sixième Commission, chargée des affaires juridiques, a adopté en fin de matinée, après des consultations de haut niveau, les trois premiers points inscrits à son ordre du jour.  Il s’agit des mesures pour éliminer le terrorisme international, de la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies, et de l’état de droit aux niveaux national et international, a annoncé le Président de la Commission.

« Ce n’est pas une solution idéale », a admis M. Michal Mlynár (Slovaquie), ajoutant que le débat sur le reste du programme se poursuivra ce vendredi.  Le délégué de l’Iran, qui, la veille, s’était opposé à l’adoption dudit programme en raison notamment du non-octroi de visas par le pays hôte, s’est déclaré en effet dans l’incapacité d’accepter « pour l’instant » le programme de travail au-delà de ces points.  « Nous espérons que la situation nous permettra ultérieurement d’accepter le programme complet. »

Dans la foulée, -815 minutes de débats ont été perdues, l’an dernier, pour retards et ajournements de séances, a dit le Président en insistant sur la ponctualité et l’utilisation efficace des ressources- la Sixième Commission a entamé son débat sur le terrorisme qui a vu une trentaine de délégations s’exprimer.  Les appels pour une convention générale sur le terrorisme international contenant notamment une définition juridique du terrorisme ont dominé les débats.

Il s’agit d’un défi « épineux », a reconnu d’emblée le délégué de l’Arabie saoudite, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI).  Soulignant la nécessité de préciser la portée d’une telle convention, il a tenu à distinguer terrorisme et droit des peuples sous domination étrangère et coloniale à lutter pour leur libération.

Une distinction que le délégué de l’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, a reprise à son compte, jugeant que la « brutalisation des peuples encore sous le joug de l’occupation étrangère » doit être dénoncée comme l’une des plus graves formes de terrorisme.  Les deux représentants se sont dits en faveur de la tenue d’une conférence internationale sur le sujet.

De son côté, la déléguée d’Israël a, elle aussi, appelé à une convention générale sur le terrorisme international qui « affirmerait qu’aucune cause ou grief ne peut justifier le terrorisme dans quelque forme ou manifestation que ce soit ».

Plusieurs délégations, telles que le Nicaragua, la Fédération de Russie et la Norvège ont appelé les États à faire preuve de « souplesse » dans l’élaboration de cet instrument, car une « définition juridique unifiée » du terrorisme ne pourra qu’aider la communauté internationale dans sa riposte antiterroriste, a estimé la représentante du Liban.

La déléguée norvégienne, qui s’exprimait au nom du Groupe des pays nordiques, a par ailleurs appelé à lutter contre toutes les formes d’extrémisme violent, y compris « l’extrémisme violent d’extrême droite ».  « La montée du terrorisme issu des idéologies d’extrême droite, leur caractère racial ou ethnique, prouve que le terrorisme ne se limite pas à une seule identité, religion ou nationalité », a renchéri le délégué du Royaume-Uni.

Dans ce droit fil, la déléguée du Canada qui s’exprimait au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a appelé à « la protection d’un réseau Internet libre, ouvert et sécurisé, essentiel pour lutter contre l’utilisation d’Internet à des fins terroristes » et conforme à l’esprit de l’Appel de Christchurch.

Elle a aussi mis l’accent sur les droits et besoins des victimes du terrorisme et la nécessité de leur donner « une voix et une visibilité internationale ».  Une position pleinement partagée par les délégués du Ghana ou bien encore de l’Union européenne qui a indiqué que la nécessaire assistance aux victimes de terrorisme sera au cœur du premier congrès qui leur sera consacré en juin 2020.

De son côté, le représentant de la Zambie, au nom du Groupe des États d’Afrique, a demandé aux États qui offrent directement ou à leur insu un financement, un entraînement ou toute aide à des activités terroristes de cesser de le faire immédiatement, d’échanger plus d’informations sur les sources de financement criminelles du terrorisme comme les trafics de drogues et d’armes, de résister aux demandes de rançons et de geler les fonds suspects dans leurs pays. 

Les délégations du Qatar ou bien encore du Cambodge, qui s’exprimait au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), ont appelé à une mise en œuvre « équilibrée » et « actualisée » de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.  L’Assemblée générale a un rôle pivot à jouer à cet égard, a insisté le délégué de Singapour.

Enfin, les délégations, comme celles de la Norvège, du Liban ou du Koweït, ont été nombreuses à rappeler que la lutte contre le terrorisme doit être conduite dans le plein respect de la Charte des Nations Unies, du droit international humanitaire et des droits de l’homme en particulier.

La Commission poursuivra son débat sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international demain, mercredi 9 octobre, à partir de 10 heures.

MESURES VISANT À ÉLIMINER LE TERRORISME INTERNATIONAL (A/74/151)

M. ALI NASIMFAR (République islamique d’Iran) a condamné, au nom du Mouvement des pays non alignés, le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, ainsi que les actes, méthodes et pratiques terroristes en tous lieux et circonstances.  Il a réaffirmé que ces actes constituent une violation flagrante du droit international, y compris du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, notamment le droit à la vie.  Il a réitéré par ailleurs son respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de tous les États.  M. Nasimfar a tenu à établir une distinction entre le terrorisme et « le combat légitime des peuples sous domination coloniale et occupation étrangère, pour l’autodétermination et la libération nationale ».  La brutalisation des peuples encore sous le joug de l’occupation étrangère doit continuer à être dénoncée comme l’une des plus graves formes de terrorisme, de même qu’il faut condamner la violence à l’encontre des peuples luttant contre l’occupation étrangère dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, a-t-il insisté.

En outre, a poursuivi le représentant, le terrorisme ne saurait être associé à une religion, nationalité, civilisation ou groupe ethnique, et ces attributions ne sauraient être utilisées pour justifier certaines mesures de lutte contre le terrorisme, comme le profilage des suspects et l’immixtion dans la vie privée.  Il a par ailleurs rejeté toute imposition d’actions ou mesures, ainsi que le recours à la menace ou à la force à l’endroit d’un pays non aligné sous prétexte de combattre le terrorisme, en particulier en les taxant de « sponsors du terrorisme ».  Il a dénoncé la proposition unilatérale de liste accusant des États d’appuyer le terrorisme, qui constitue selon lui une forme de « terrorisme politique et psychologique ».

M. Nasimfar a également appelé tous les États à s’abstenir de fournir un soutien politique, diplomatique, moral ou matériel au terrorisme, les exhortant aussi à veiller à ce que le statut de réfugié, ou tout autre statut légal, ne soit pas utilisé à mauvais escient par les auteurs, organisateurs ou facilitateurs d’actes terroristes.  Il a aussi exprimé la profonde préoccupation du Mouvement face à la menace croissante posée par les combattants terroristes étrangers, et a mis l’accent sur la nécessité pour les États d’aborder ce problème en s’acquittant de leurs obligations internationales.  Il s’est inquiété de la mauvaise interprétation et représentation des religions par les groupes terroristes pour justifier leurs actes et l’extrémisme violent en cherchant à instiller la haine dans le cœur et l’esprit des jeunes et en justifiant et glorifiant la brutalité et la violence.  Enfin, le représentant du Mouvement a réitéré son appel à la tenue d’une conférence internationale, sous les auspices de l’ONU, pour formuler une réponse organisée conjointe de la communauté internationale au terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, notamment pour identifier ses causes profondes.  Il a redit l’importance de parachever l’élaboration d’une convention générale sur le terrorisme international.

M. LAZAROUS KAPAMBWE (Zambie), au nom du Groupe des États d’Afrique, a affirmé qu’aucune idéologie ou argument ne pouvait justifier « même la forme la plus marginale d’expression de terrorisme » et que le terrorisme ne devait donc être associé à aucune religion, nationalité, civilisation, race ou groupe ethnique.  « L’Afrique a subi sa part de terrorisme », a-t-il ajouté, mentionnant 82 attentats terroristes et 415 morts dans la seule période du 16 au 31 mars 2019, déplorés pour 75% d’entre elles dans la région du Sahel.

Le représentant a encouragé les États qui offrent directement ou à leur insu un financement, un entraînement ou toute aide à des activités terroristes de cesser de le faire immédiatement, d’échanger plus d’informations sur les sources de financement criminelles du terrorisme comme les trafics de drogues et d’armes, de résister aux demandes de rançons et de geler les fonds suspects dans leurs pays.  Mais il a aussi réitéré la nécessité d’un respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique des pays concernés.

Appelant les États à finaliser la convention générale sur le terrorisme international, M. Kapambwe a aussi abordé les facteurs politiques, socioculturels et économiques qui constituent « le terreau fertile des idéologies corrompues et du radicalisme »: le chômage des jeunes, le sentiment d’exclusion, et les effets néfastes des changements climatiques sur les ressources.  Il a encouragé en conclusion les pays de l’Union Africaine à user aussi de leur « soft power » par l’éducation, l’influence positive de leaders religieux, la prévention de la radicalisation en prison et la réinsertion de combattants repentis.

M. ABDULMAJEED ABDULRAHMAN ABABTAIN (Arabie saoudite), au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a dit que les actes terroristes mettent en péril l’intégrité territoriale et la stabilité des États.  Il a réitéré son appui au respect de la souveraineté des États, avant de rejeter toute tentative d’amalgamer islam et terrorisme.  « Cela ne peut que faire le jeu des terroristes. »  Il a appelé à renforcer la coopération internationale face au terrorisme et au règlement de ses causes profondes.  Il est nécessaire de lutter contre tous les groupes terroristes, sans distinction, a-t-il ajouté.  Le terrorisme ne devrait pas être confondu avec la lutte légitime des peuples contre l’occupation étrangère et coloniale et le droit à l’autodétermination.

Le délégué a indiqué que le défi d’une convention générale sur le terrorisme international est épineux, la portée d’une telle convention devant être précisée.  Il a jugé essentiel que les États coopèrent davantage pour traduire en justice les auteurs d’actes terroristes, y compris ceux qui les financent.  La communauté internationale doit œuvrer à une meilleure application du principe de responsabilité.  Il a appelé à une actualisation de la Stratégie antiterroriste mondiale, celle-ci devant être mise en œuvre de manière « équilibrée ».  M. Ababtain a souligné la nécessité d’avancer sur la voie de la convention générale précitée, y compris en vue d’une définition juridique, tout en distinguant terrorisme et lutte légitime des peuples contre l’occupation étrangère.  Enfin, il s’est dit en faveur de la tenue d’une conférence de haut-niveau sur cette question.

Compte tenu de l’évolution des pratiques terroristes, M. SOV ANN KE (Cambodge), au nom de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), a recommandé que la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies prenne constamment en considération les nouvelles tendances et menaces émergentes.  Il a rappelé la tenue du septième examen biannuel de ladite Stratégie au cours de la présente session de l’Assemblée générale.  L’ASEAN juge essentiel de veiller à ce que toutes les mesures, notamment celles figurant dans les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité dans le contexte de la lutte contre la menace croissance de la radicalisation et de l’extrémisme, préservent et protègent les libertés fondamentales.  La lutte contre le terrorisme doit être conduite dans le plein respect de la Charte des Nations Unies, du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l’homme en particulier, a insisté M. Ke.  L’ASEAN a souligné à cet égard le respect des principes d’indépendance et d’égalité souveraine des États, et le non amalgame entre terrorisme et toute race, religion, nationalité ou appartenance ethnique.

À l’échelle régionale, la Convention de l’ASEAN sur la lutte contre le terrorisme (ACCT), qui a été ratifiée par tous ses États Membres, est le cadre de coopération pour prévenir le terrorisme et approfondir la coordination antiterroriste, a expliqué le représentant.  L’ACCT renforce le rôle stratégique de la région dans ce combat mondial tout en aidant à favoriser un monde plus sûr pour tous, a commenté M. Ke.  Au fil des dernières années, l’ASEAN a également renforcé sa coopération interne en aidant les organismes d’application de la loi à répondre efficacement à des situations de crises potentielles, à échanger des informations et des renseignements et à apporter une assistance en cas d’attaques à de grande ampleur.  Le représentant a encouragé tous les États à affiner leurs méthodes de partage des informations, à prendre des mesures d’assistance technique, d’échange de bonnes pratiques et de renforcement des capacités.  Il a aussi réaffirmé son attachement à la poursuite des délibérations, au sein de la Sixième Commission, sur le projet de convention globale sur le terrorisme international pour arriver à un consensus.

Mme DANIELA GAUCI, au nom de l’Union européenne (UE), a confirmé que la prévention du terrorisme constitue une haute priorité de l’UE qui œuvre dans le cadre d’une coopération multilatérale conforme au droit international et requiert que les responsables répondent de leurs actes devant la justice.  En établissant des mesures antiterroristes, nous devons nous assurer que nous ne limitons pas les mouvements des acteurs humanitaires, ce qui implique des exemptions afin de faciliter leurs activités, a-t-elle indiqué.  La représentante a insisté aussi sur la nécessité d’une assistance aux victimes de terrorisme, sujet du premier congrès sur les victimes de terrorisme qui se tiendra en juin 2020.

La représentante a ajouté que l’UE privilégie une approche « holistique », multi-organisations, tant au niveau national qu’au niveau international, pour lutter contre le terrorisme en prévenant la radicalisation, y compris dans les prisons, et en limitant la dissémination de contenus terroristes sur l’Internet, tout en promouvant des contenus alternatifs crédibles.  L’UE encourage également une démarche impliquant l’ensemble de la société et une collaboration renforcée entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile.

« Hors de nos frontières, la force de nos partenaires est aussi notre force », a assuré Mme Gauci.  C’est la raison pour laquelle l’UE travaille avec des pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, du Sahel et de la Corne de l’Afrique, ainsi que dans l’ouest des Balkans et en Asie centrale, du Sud et du Sud-Est.  L’UE a aussi établi un réseau d’experts en contre-terrorisme et sécurité au sein de ses délégations pour appuyer les efforts de renforcement des capacités. 

Après avoir salué les travaux du Bureau de lutte contre le terrorisme et de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, la représentante s’est dite favorable au renforcement de la coopération entre l’ONU et le Forum mondial de lutte contre le terrorisme.  Compte tenu des menaces croissantes, elle a de nouveau appelé les États Membres à achever le projet de convention générale sur le terrorisme international.  Enfin, elle a relevé une certaine « redondance » entre l’examen par la Commission de la question des mesures visant à éliminer le terrorisme international et les travaux de l’Assemblée générale relatifs à la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.

 Mme CATHERINE BOUCHER (Canada), au nom des délégations du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a prôné une collaboration entre les gouvernements, les fournisseurs de services en ligne, la société civile et les organisations non gouvernementales, axée sur « la protection d’un réseau Internet libre, ouvert et sécurisé, essentiel pour lutter contre l’utilisation d’Internet à des fins terroristes » et conforme à l’esprit de l’Appel à l’action de Christchurch.  Elle a aussi mentionné l’élaboration de protocoles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les rapports volontaires en matière de transparence, qui permettraient d’établir une norme mondiale commune utile pour évaluer les progrès des plateformes en ligne dans l’éradication des contenus terroristes ou violents sur l’Internet.

Appelant les États Membres à appliquer les résolutions 1373 (2001) et 1624 (2005) du Conseil de sécurité pour améliorer la coordination en matière de protection des frontières, d’échange d’informations et de détection, la représentante a insisté sur le nouveau danger lié à l’utilisation des cryptomonnaies dans le financement du terrorisme, qui sera abordée les 7 et 8 novembre à la conférence ministérielle de Melbourne, en Australie.  Elle a aussi évoqué, outre le danger toujours présent de Daech et Al-Qaida, le problème du retour des combattants terroristes et de leurs familles dans leur pays d’origine.  « Pour ceux qui ne font pas l’objet d’arrestations, se pose la question de leur réinsertion et du traumatisme subi en particulier par les enfants dans ces zones de conflits » a-t-il ajouté.  Enfin, Mme Boucher a mis l’accent sur les droits et besoins des victimes du terrorisme et la nécessité de leur donner « une voix et une visibilité internationale ».  Elle a appelé les États à une meilleure coordination de leurs efforts et un échange de leurs expériences pour traduire en justice les terroristes, et noté que le Canada coprésidera avec le Maroc le Forum mondial de lutte contre le terrorisme de 2019 à 2021.

S’exprimant au nom du Groupe des pays nordiques, Mme MONA JUUL (Norvège) a indiqué que le terrorisme fait fi des frontières.  Il faut lutter contre toutes les formes de terrorisme et d’extrémisme violent, y compris l’extrémisme violent d’extrême droite.  Elle a appuyé l’idée d’une convention générale sur le terrorisme international et appelé les pays à ne pas ménager leurs efforts à cette fin.  Elle a souligné la nécessité de prévenir l’extrémisme violent et appelé à la préservation de l’élan enregistré dans ce domaine.

Le rôle des femmes doit être précisé, a souligné la représentante.  Elle a ainsi livré la teneur d’une étude qui montre que si les femmes jouent un rôle essentiel au sein des organisations terroristes, elles ont aussi un rôle central à jouer dans la prévention de l’extrémisme violent.  Les jeunes sont également un partenaire majeur dans la prévention.  « Les jeunes ne doivent pas être vus comme une bombe à retardement qui doit être désamorcée. »  La lutte contre le terrorisme ne doit pas se faire au détriment du droit international et de l’état de droit, a continué la déléguée.  Enfin, elle a souhaité que l’ombudsman rattaché au comité des sanctions contre Al-Qaida soit doté des ressources nécessaires. 

Mme SARAH WEISS MA’UDI (Israël) a déploré de nouveaux actes de terrorisme haineux commis dans son pays et à l’étranger, et les incitations à la violence diffusées par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, le financement actif de groupes terroristes par des États du Moyen-Orient, ainsi que « l’utilisation écœurante de civils comme boucliers humains pour constituer des sanctuaires terroristes en violation de la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU ».

La représentante israélienne a approuvé plusieurs décisions politiques et juridiques des Nations Unies sur ce sujet, en particulier la résolution 2462 (2019) du Conseil de sécurité sur le financement du terrorisme, et décrit les mesures prises par son pays: l’adoption d’une loi, en 2016, criminalisant les cercles d’influence soutenant le terrorisme; une large et solide infrastructure de financement des politiques antiterroristes; une coordination nationale interagences; et la mise en œuvre effective des résolutions de l’ONU dans son pays.  Saluant aussi la résolution 2482 (2019) sur les liens entre le terrorisme et la criminalité organisée, elle a encouragé une réponse mondiale à ce problème, rappelant les efforts internes de son pays contre la corruption, le blanchiment d’argent, le trafic de drogue et le financement du terrorisme.

Mme Weiss a loué la collaboration fructueuse avec diverses entités antiterroristes de l’ONU, en particulier la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et le Bureau de lutte contre le terrorisme avec lesquels Israël a organisé sur son territoire diverses rencontres internationales sur la sécurité et la prévention des actes terroristes.  Elle a réitéré en conclusion son appel à une convention générale sur le terrorisme international qui « affirmerait qu’aucune cause ou grief ne peut justifier le terrorisme dans quelque forme ou manifestation que ce soit ».

M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a appuyé le projet de convention générale sur le terrorisme international et jugé indispensable que tous les États fassent preuve de souplesse dans l’élaboration de cet instrument.  Il a condamné le terrorisme sous toutes ses formes, et plus particulièrement « le terrorisme d’État ».  Il a aussi indiqué que son pays participera activement, en juin 2020, à l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, ainsi qu’à la deuxième conférence de haut niveau des chefs des organismes étatiques de lutte contre le terrorisme, et au premier congrès mondial des victimes du terrorisme.

Le Nicaragua s’est doté d’un plan national de lutte contre le terrorisme et les délits connexes, qui vise au renforcement de la coopération interinstitutionnelle et à l’échange d’informations.  S’efforçant également d’améliorer ses cadres juridiques et institutionnels, le pays a adopté, en juillet 2018, la loi contre le blanchiment des avoirs, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, a rappelé le représentant.

M. HASSAN LASRI (Maroc), dont le pays préside conjointement avec les Pays-Bas le Forum mondial de lutte contre le terrorisme, et a été réélu avec le Canada pour un troisième mandat jusqu’en 2022, a indiqué que, durant cette période, les coprésidents s’emploieront à développer davantage la vision du Forum qui compte 30 membres parmi les plus engagés en la matière sur la scène internationale.  Il a tenu à rappeler « l’Initiative sur la lutte contre le terrorisme d’origine nationale », menée par le Maroc et les États-Unis sous les auspices du Forum et qui a élaboré le Document de Rabat-Washington sur les bonnes pratiques pour faire face à cette forme de terrorisme, afin de combler les lacunes dans la coordination entre les services gouvernementaux et les différents acteurs nationaux et internationaux.

M. Lasri a également mentionné « l’Initiative sur les déplacements des terroristes » par le biais du partage d’informations, qui a également abouti à un document de bonnes pratiques au cours de cette année.  Le Maroc est actif à l’échelle régionale avec le Dialogue 5+5 et le G4 regroupant l’Espagne, la France, le Portugal et le Maroc.  Le Royaume a aussi adhéré, en 2018, à un accord quadripartite sur la coopération judiciaire dans la lutte contre le terrorisme regroupant les parquets de Bruxelles, Madrid, Paris et Rabat, a-t-il ajouté.

Selon le représentant, il faut compléter l’approche sécuritaire par des mesures d’inclusion économique et sociale et une éducation religieuse et civique appropriée.  En butte aux menaces terroristes, compte tenu d’un environnement sécuritaire régional instable, le Maroc a renforcé sa législation par l’adoption, en 2015, d’une loi qui vient modifier et compléter le Code pénal et la procédure pénale relative à la lutte contre le terrorisme.  Il a mis en place un programme de suivi des combattants jihadistes potentiels et développé des alliances stratégiques avec la France, la Belgique, les pays du Conseil de coopération du Golfe, les États-Unis, où la diplomatie de la sécurité « joue un rôle primordial », selon le représentant.  Enfin, par « l’Initiative nationale pour le développement humain », le Maroc entend mettre en place une stratégie à caractère social, économique et religieux pour lutter contre les bases de la pensée terroriste, en particulier auprès des jeunes.

M. LUKE TANG (Singapour) a présenté trois des principales mesures prises par son pays pour lutter contre le terrorisme sous différents angles: une nouvelle loi de protection de l’infrastructure, entrée en vigueur en décembre dernier; la consolidation des partenariats avec les pays de la région, avec notamment la tenue à Singapour du Symposium de coopération de la lutte antiterroriste en Asie du Sud-Est; l’appui à une réponse mondiale solide, soutenue et coordonnée.  Le pays a signé, en octobre 2018, le Code de conduite sur la lutte contre le terrorisme.  Il a aussi organisé, un mois plus tard, la Conférence inaugurale des responsables des forces de l’ordre de différentes parties du monde.  Le représentant a appuyé la Stratégie antiterroriste mondiale, ainsi que le rôle pivot de l’Assemblée générale dans sa mise en œuvre et sa mise à jour.  Il a rappelé que cet organe avait recommandé à sa précédente session que la Sixième Commission établisse, cette année, un groupe de travail pour mettre la dernière main au processus de rédaction d’une convention générale sur le terrorisme international. 

Rappelant qu’il existe une « pléthore » d'instruments juridiques antiterroristes, 54 en tout dont 39 sont des instruments régionaux, M. ABDELAZIZ (Égypte) a jugé qu’il faut « aller de l’avant » dans ce domaine.  Il a appelé les États Membres à viser des objectifs tangibles à travers une conférence internationale sur le terrorisme, notamment sur la question de la définition du terrorisme, le problème des combattants étrangers qui implique une approche mondiale du maintien de l’ordre ainsi que sur le financement du terrorisme et la responsabilisation des États dans le respect de leur souveraineté.

Le représentant a souligné l’importance du contrôle des financements illicites, qu’ils proviennent d’une aide caritative détournée ou de liens avec le crime organisé international.  Il a appelé aussi à combattre « la pensée terroriste » en rectifiant les discours religieux, en luttant contre les fatwas erronées et en présentant comme alternatives « de bonnes interprétations religieuses propices à la paix ».  Se réjouissant de la semaine contre le terrorisme qui sera organisée par l’ONU en juin 2020, M. Abdelaziz a espéré une meilleure implication non seulement des États mais aussi de la société civile dans la prévention du terrorisme.  Enfin, il a vanté les efforts des Forces de l’ordre égyptiennes dans leur combat « contre la déstabilisation ».

M. SUKHBOLD SUKHEE (Mongolie) a recommandé un meilleur ciblage de l’assistance en matière de renforcement des capacités, une analyse plus approfondie de la corrélation croissante entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, et des mesures de proximité avec les jeunes qui s’avèrent déterminantes dans la prévention et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  En collaboration avec le Bureau de lutte contre le terrorisme, la Mongolie a organisé en 2018 et 2019 des ateliers sur le renforcement des capacités au profit des forces de l’ordre.  Des accords de coopération bilatérale ont aussi été signés avec le Kirghizistan, la Fédération de Russie et la Chine pour lutter contre le terrorisme.  En conclusion, le représentant a mis en garde contre le risque de la propagation de la violence « en l’espace d’une minute » dans le monde grâce aux technologies de l’information, et exhorté à la diversification des mesures, au partage des bonnes pratiques et au renforcement des capacités des forces de l’ordre en matière de détection et de prévention des actes terroristes.   

Mme TAHANI R. F. A. ALNASER (Koweït) a condamné le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations et appelé à une mobilisation internationale afin de lutter contre ce fléau.  Elle a insisté sur les souffrances infligées par Daech, qui a utilisé l’Islam pour perpétrer ses atrocités en Iraq et en Syrie, lesquelles ne doivent pas rester impunies.  La déléguée a condamné l’attaque du 15 mars perpétrée en Nouvelle-Zélande.  Elle a ensuite égrené la liste des instruments internationaux antiterroristes, auxquels son pays est partie.  Nous devons pleinement soutenir les efforts internationaux de lutte contre le terrorisme, a-t-elle conclu.

M. Martin GARCÍA MORITÁN (Argentine) a rappelé que son pays continue de lutter contre l’impunité par rapport aux attentats perpétrés contre l’Ambassade d’Israël en 1992 et en 1994 au siège de l’AMIA, qui ont couté la vie à 107 personnes.  Il a décrit une application « équilibrée » de la Stratégie antiterroriste mondiale, qui passe par des garanties et protections pour les victimes du terrorisme, l’échange d’informations et l’établissement d’un registre sur le gel des financements suspects.  Sur le plan régional, il a cité son travail avec le Comité interaméricain contre le terrorisme de l’Organisation des États américains (OEA) et sa participation à la seconde Conférence ministérielle de l’hémisphère sur la lutte contre le terrorisme durant laquelle a été décidée la création d’un réseau avancé d’alerte internationale contre le terrorisme, grâce à des plateformes de communications sécurisées.

L’Argentine a ratifié 14 résolutions sur ce sujet et s’implique profondément dans le processus de ratification de la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile.  Son pays, a ajouté M. Moritán, a adapté sa législation nationale et particulièrement son Code pénal, qui inclut maintenant des provisions contre l’association terroriste illégale, des sanctions contre l’endoctrinement et le recrutement terroriste, ainsi que contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive.  En conclusion, le représentant a souligné l’importance de la coopération Sud-Sud et triangulaire dans le renforcement de la lutte contre le terrorisme international.

M. SOLOMON KORBIEH (Ghana) a appelé à un renforcement de la coopération internationale et régionale face au terrorisme.  Il a pris note de l’appel de la Ligue des États arabes pour la prise de mesures spéciales pour remédier aux défis du financement du terrorisme, de la falsification de documents de voyage ou bien encore des combattants terroristes étrangers.  Il s’est notamment dit en faveur de l’établissement d’une « liste noire » unifiée des auteurs, organisateurs et personnes finançant des actes terroristes.  « Se pencher sur le sort des victimes du terrorisme sera aussi crucial. »  Enfin, il s’est dit préoccupé par les activités terroristes grandissantes dans l’Afrique de l’Ouest et au Sahel.  « Le Ghana reste engagé dans la lutte contre ce fléau. »

M. PHILIPPE DIXON (Royaume-Uni), après s’être aligné sur la déclaration de l’Union européenne, a souligné cinq points supplémentaires.  Daech, en dépit de ses pertes de territoire, n’a pas réduit son réseau ni l’impact de ses idées dans ses diverses mutations régionales, a-t-il remarqué.  Et la montée du terrorisme issu des idéologies d’extrême droite, leur caractère racial ou ethnique, « prouve que le terrorisme ne se limite pas à une seule identité, religion ou nationalité ».  M. Dixon a salué l’attention donnée à l’action humanitaire dans les résolutions 2462 (2019) et 2482 (2019) du Conseil de sécurité sur le terrorisme et souligné la nécessité d’une protection des acteurs humanitaires impartiaux dans ces conflits.  Il a aussi encouragé les États Membres à relever le niveau de leur sécurité aérienne en conformité avec la résolution 2309 (2016).

Sur la question du rôle croissant d’Internet dans la diffusion d’idéologies violentes, M. Dixon a annoncé le soutien de son gouvernement à « l’Appel de Christchurch », l’augmentation par le Premier Ministre Boris Johnson du financement de la lutte contre les contenus terroristes en ligne et la participation de son pays au Forum mondial du contre-terrorisme.  Enfin, le représentant a souligné l’importance, dans la prévention du terrorisme, de prendre en compte les considérations de genre et d’égalité des sexes, facteur de résilience face aux idéologies prônant la violence.  « Nous devons faire en sorte que nos paroles aient du sens », a-t-il conclu, en appelant, dans la perspective du bilan 2020 de la Stratégie antiterroriste mondiale et de la réunion de haut niveau, à « une réponse plus exhaustive, durable et efficace au terrorisme ».

Mme AMAL MUDALLALI (Liban) a appelé à lever les obstacles en vue d’une convention générale sur le terrorisme international, qui fournirait notamment une « définition juridique unifiée du terrorisme ».  Cela nous aidera dans notre réponse, a-t-elle dit, tout en distinguant terrorisme et droit des peuples sous domination étrangère et coloniale à lutter pour leur libération.  Elle a rappelé les nombreuses attaques qui ont frappé son pays, avant de souligner la détermination du Liban à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  Cette année, le pays a accédé à la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme.  La Banque centrale libanaise a fait des affaires de financement du terrorisme sa priorité.  Enfin, la déléguée a rappelé la nécessité de remédier aux causes profondes du terrorisme et de respecter les droits de l’homme dans la lutte antiterroriste.

M. MOHAMED AHMED SIDDIG (Soudan) a salué le nouveau chapitre que vient d’ouvrir son pays avec la révolution « glorieuse » de décembre 2018, un changement « historique » qui est facteur d’ouverture internationale et source de collaboration, et qui contribue à une réduction de la présence des organisations extrémistes sur son territoire.  La nouvelle stratégie nationale du Soudan, a-t-il dit, s’illustre par un partenariat intelligent entre le Gouvernement et la société civile, grâce à une bonne gouvernance, aux contacts avec les communautés locales, la sensibilisation des jeunes, le travail pour l’égalité des sexes et le développement de meilleures infrastructures de communication.

Nous nous efforçons d’endiguer la criminalité transfrontalière qui nous menace, mais nous prônons aussi « une vision culturelle de la lutte contre le terrorisme », qui solidifie le tissu social et facilite une nouvelle prise de conscience religieuse fondée sur la modération et sur le dialogue, a expliqué le représentant.  Dans cet esprit, il a salué le travail des organisations non gouvernementales qui aident à traiter les causes profondes du terrorisme et mis en garde contre l’inefficacité des stratégies qui misent de manière « disproportionnée » sur la solution militaire au lieu d’aborder le problème du point de vue économique et social.  Par ailleurs, il a regretté les redondances et les chevauchements qui gênent le travail des organisations internationales.

M. MOHAMED HAMAD AL THANI (Qatar) a demandé une mise en œuvre équilibrée de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et de ses quatre piliers.  Il a condamné le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations et souhaité l’élaboration d’une convention contenant une définition commune et claire du terrorisme.  Il a tenu à distinguer terrorisme et droit des peuples sous domination étrangère et coloniale à lutter pour leur libération.  Il a passé en revue les actions de son pays contre le terrorisme, le Qatar étant en première ligne pour réprimer le financement du terrorisme.  « Nous mettons pleinement en œuvre nos obligations internationales dans la lutte antiterroriste », a—il assuré.  Le Qatar a donné 75 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer le Bureau de lutte contre le terrorisme.  Un centre mondial pour élucider les causes profondes du terrorisme a été récemment établi à Doha.  Enfin, le délégué a promis que son pays continuera de jouer un « rôle actif » dans l’éradication du terrorisme.  « Rien ne nous fera baisser les bras. »

M. AMMAR AL ARSAN (République arabe syrienne) s’est insurgé contre les lois édictées par de nombreux États Membres réduisant le retour des combattants étrangers dans leurs pays d’origine.  Il y a vu une nouvelle manifestation de l’incapacité des États à concevoir une diplomatie préventive efficace, ou à prôner une application honnête et équilibrée des résolutions de l’ONU contre le financement du terrorisme et ou la propagation des discours de haine.  La vérité, a-t-il martelé, est que le cycle de violence s’accélère à chaque décennie avec l’implication d’États dans le terrorisme dans le seul but d’imposer leur volonté à d’autres pays.  « Vous n’avez pas écouté, il y a huit ans, nos appels contre l’envoi de milliers de combattants via divers États sur notre territoire. »  Aujourd’hui, a continué le représentant, « nous sommes très préoccupés d’apprendre que de nombreux gouvernements ont décidé de retirer leur nationalité à des combattants étrangers présents sur notre territoire ».  Il s’agit selon lui d’une violation du droit international et des principe directeurs de la Conférence de Madrid de 2015.  « Car les pays qui n’ont pu empêcher ces combattants de partir chez nous doivent aujourd’hui prendre la responsabilité de leur retour et de leur jugement ou réhabilitation afin d’éviter leur dissémination dans d’autres pays. »

Le représentant syrien s’est déclaré pessimiste quant au prochain examen de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies en raison du manque de volonté politique des États et du manque de moyen des organisations internationales, affaiblies par les redondances de leur travail de contre-terrorisme.  Il a déploré qu’après huit ans et des milliers de morts son pays, toujours confronté à des organisations terroristes, reste privé d’assistance de l’ONU pour la reconstruction de ses infrastructures et la défense de son patrimoine historique, qui constituent un obstacle énorme à l’accomplissement de ses objectifs de développement durable, tout comme le maintien de mesures coercitives qui affectent le peuple syrien. 

M. JAIRO ANDRES PAREDES (Colombie), après avoir insisté sur la nécessité pour les États d’honorer leurs obligations en vertu du droit international, a suggéré une approche systémique qui prenne en considération la dynamique et les liens entre pratiques criminelles et terrorisme.  À cet égard, le représentant a appelé à une coordination internationale accrue pour obtenir de meilleurs résultats dans le combat contre la criminalité transnationale organisée et les activités connexes comme le blanchiment d’argent, la corruption, les flux financiers illicites et le trafic illégal d’armes et de stupéfiants. 

La Colombie, qui a opté pour une démarche sécuritaire multidimensionnelle dans la lutte contre le terrorisme, cherche à renforcer la légitimité de l’État et le régime démocratique.  Elle a fait du renforcement de ses capacités et de l’application des instruments internationaux des priorités.  M. Paredes a également mentionné les résolutions 1617 (2005) et 2462 (2019) du Conseil de sécurité, dans le cadre de la prévention et de la suppression du financement d’actes terroristes et l’interdiction de soutien à ceux qui y participent. S’appuyant sur la Convention interaméricaine contre le terrorisme, le représentant a signalé que toutes les dispositions de cet instrument sont omises par « le régime illégitime de Nicolas Maduro qui appuie et abrite sur le territoire vénézuélien des groupes terroristes comme l’Armée de libération nationale (ELN) et les groupes résiduels des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ». 

M. MIKHAIL I. SHABALTAS (Fédération de Russie) a appelé à « un front uni » dans la lutte contre le terrorisme.  Nous devons mettre fin à une approche deux poids, deux mesures et aux ingérences sous couvert de lutte antiterroriste, a-t-il demandé.  Les procès des combattants terroristes étrangers doivent être conduits par les juridictions nationales, a-t-il dit, en souhaitant que les combattants terroristes étrangers détenus en Syrie soient rapatriés dans leur pays d’origine.  Il a souhaité une amélioration des mécanismes d’extradition en vigueur, avant de demander des mesures collectives pour tarir le financement du terrorisme et éviter que des armes ne tombent entre les mains des terroristes.  Tout soutien à des groupes d’opposition, dits modérés, doivent cesser. Le représentant a appelé à lutter contre la propagande terroriste sur l’Internet et à doter le Bureau de lutte contre le terrorisme de capacités renforcées.  Mon pays est prêt à œuvrer pour forger un compromis en vue d’une convention générale sur le terrorisme international, a conclu le délégué.

M. ABDUL GHAFOOR MOHAMED (Maldives) a condamné l’utilisation de l’Islam, « religion de paix », pour propager la peur, la haine et la terreur.  « Le terrorisme ignore les frontières, la religion ou la race », a-t-il insisté, notant au passage que ce sont d’innocents civils qui paient le prix fort de son impact dévastateur, que ce soit dans une mosquée à Christchurch en Nouvelle-Zélande, ou dans une église au Sri Lanka.  Les Maldives, pour leur part, ont entrepris de réviser la législation relative au terrorisme, le Parlement ayant entériné plusieurs amendements visant à la prévention d’attentats et à traiter du financement illicite d’activités terroristes.  Le Gouvernement a aussi publié récemment une liste de 17 groupes qu’il considère comme des organisations terroristes et s’apprête à soumettre au Comité 1267 du Conseil de sécurité.

Établi en 2016, le Centre national de lutte contre le terrorisme est une plateforme d’échange d’informations et de renseignements qui synchronise les activités interinstitutionnelles contre le terrorisme et l’extrémisme violent, a expliqué M. Mohamed.  Ce Centre vient de formuler un plan quinquennal d’action tendant à la prévention et à la lutte contre l’extrémisme violent, tandis que plusieurs programmes sont en cours pour permettre aux communautés de résister aux idéologies radicales et extrémistes et d’autonomiser les communautés, les femmes et les jeunes en particulier.  Le représentant a indiqué qu’il soutient l’appel de Christchurch et salué la mise en place d’un forum mondial sur l’Internet pour la lutte contre le terrorisme. 

M. AMADOU JAITEH (Gambie) a insisté sur la complexité du défi sécuritaire posé par le terrorisme.  Le terrorisme ne respecte aucune religion et aucun lieu de culte.  C’est le mal, a-t-il dit.  Il a précisé que la Gambie a rejoint les principaux instruments internationaux de lutte contre le terrorisme.  Il a appelé tous les États à rejeter l’islamophobie, les musulmans n’étant pas en guerre contre le monde.  « Les États doivent construire des ponts et éradiquer le terrorisme », a conclu le délégué de la Gambie. 

Mme YOLANNIE CERRATO (Honduras) a déploré la grave menace à la paix et aux valeurs démocratiques que constitue le terrorisme et inscrit la démarche de son pays dans le cadre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing en faveur d’une culture de paix.  Elle a souligné que le Honduras est partie à la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et à la Convention interaméricaine contre le terrorisme, et s’est joint aux autres pays membres pour demander la conclusion rapide du projet de convention contre le terrorisme international.

La représentante a attiré l’attention sur les liens observés par les organisations de droits de l’homme entre le terrorisme et les groupes armés non étatiques, tels que les bandes et les gangs criminels, et salué la résolution du Conseil de sécurité du 19 juillet 2019 portant sur les liens du terrorisme avec le crime organisé, ainsi que la résolution de l’Assemblée générale sur le renforcement de la coopération internationale pour l’aide aux victimes du terrorisme.

M. NATTHAKIT SINGTO (Thaïlande) a expliqué que la Stratégie nationale de lutte contre le terrorisme 2017-2021 continue de guider l’action des autorités pertinentes en améliorant leur capacité à prévenir des actes terroristes et à y répondre.  Il a annoncé l’entrée en vigueur d’une loi par laquelle le Ministère du commerce sera chargé d’assurer que tout article exporté, importé, ou en transit ne soit pas lié à la prolifération d’armes de destruction massive.  Il s’est aussi félicité d’une loi adoptée, en 2016, pour prévenir le financement du terrorisme. 

Au niveau régional, le représentant de la Thaïlande a indiqué que son pays était engagé à mettre en œuvre la Convention de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) sur la lutte contre le terrorisme.  Il a expliqué que cette Convention représentait le cadre juridique régional pour lutter contre le terrorisme.  Il s’est dit persuadé que l’initiative « Nos Yeux », adoptée lors de la treizième Conférence des Ministres de la défense de l’ASEAN tenue en juillet 2019, sera de nature à renforcer le Plan d’action 2018-2025 de l’ASEAN pour prévenir les risques de radicalisation et d’extrémisme violent.  La Thaïlande, en partenariat avec l’Australie et l’Indonésie, a accueilli en novembre 2018 à Bangkok, le quatrième sommet régional pour le financement de la lutte contre le terrorisme, dans le but de renforcer les échanges d’informations entre les services de renseignements financiers de la région Asie-Pacifique.  Enfin, a précisé M. Singto, son pays a signé, cette année, la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire. 

M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a condamné « le silence ou la dédramatisation auprès de l’opinion publique internationale » de faits graves ciblant son pays.  Il ne s’agit pas seulement des attentats terroristes contre une infrastructure vitale au début de 2019, y compris contre le réseau électrique vénézuélien, mais également de l’attentat avorté dont fut victime le Président Nicolas Maduro en 2018.  Il a dénoncé le fait que le principal cerveau de ce crime, selon les aveux même des individus capturés, est un citoyen vénézuélien qui vit librement en Colombie, depuis octobre 2018, sous le statut de réfugié malgré le fait qu’une demande d’extradition ait été transmise aux autorités compétentes de ce pays.

Le représentant a condamné par ailleurs le soutien logistique offert par les Gouvernements colombien et américain à « un groupe minoritaire de l’opposition » au Venezuela qui promeut par les armes le renversement du Chef de l’État vénézuélien, et appelé à juger ou à extrader « ces criminels » conformément aux normes du droit international.  Il a aussi dénoncé le « terrorisme économique » de certains États, dont les États-Unis, qui imposent des mesures coercitives unilatérales à « un tiers de l’humanité », y compris au Venezuela.  « Il ne saurait y avoir de bons et de mauvais terroristes », a-t-il argué, en dénonçant l’instrumentalisation de l’économie, des finances, de la technologie et des affaires intérieures des nations.  Pour donner une chance de succès à la lutte contre le terrorisme, il a conseillé de ne pas recourir à la sélectivité et d’appuyer la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies notamment par la prestation d’une assistance technique aux États.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Deuxième Commission s’inquiète du principal obstacle sur la voie du développement durable: la crise climatique

Soixante-quatorzième session,
4e & 5e séances – matin & après-midi
AG/EF/3516

La Deuxième Commission s’inquiète du principal obstacle sur la voie du développement durable: la crise climatique

Effets négatifs des changements climatiques, baisse de la croissance économique ou accroissement des flux migratoires, tels sont quelques-uns des indicateurs en berne qui ont suscité, aujourd’hui, les inquiétudes des délégations de la Deuxième Commission (questions économiques et financières), lors de ce second jour du débat général. 

Le constat en a été dressé à maintes reprises: en raison de ces nombreux défis et contraintes, du retard a été pris dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  « Il ne nous reste que 10 ans, et le temps presse », comme l’a résumé la délégation éthiopienne.  « Il est temps d’agir », a renchéri le Kazakhstan, recommandant d’utiliser le plein potentiel de la Deuxième Commission afin d’engranger des résultats en la matière.  En effet, 11% de la population mondiale vit dans des conditions d’extrême pauvreté, a rappelé le Togo, ce qui est loin de l’objectif de développement durable (ODD) no1: « Pas de pauvreté. »

Pour beaucoup, les changements climatiques sont le plus grand défi de notre époque, qui ne peut être surmonté par un seul pays.  « Nous sommes à un tournant », a confirmé le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), précisant que « le niveau et l’intensité des défis environnementaux restent redoutables », et que « la fenêtre d’action est en train de se refermer ». 

Les effets des changements climatiques risquent même de faire perdre tous leurs acquis aux pays en développement, a souligné Sri Lanka, et constituent le « principal obstacle au développement durable », ont estimé les Maldives.  Aussi, nombreux sont les représentants qui ont salué le Sommet Action Climat et le Sommet de la jeunesse sur l’action pour le climat, organisés par le Secrétaire général le mois dernier.  D’autres n’ont pas manqué d’appeler la communauté internationale à respecter ses engagements au titre de l’Accord de Paris sur le climat.

Certaines délégations ont fait part des mesures prises au niveau national pour faire face aux défis posés par les changements climatiques.  Ainsi, la Grèce, suivant la vision stratégique de l’Union européenne, Monaco ou le Sénégal veulent parvenir à la neutralité en carbone d’ici à 2050.  Pour sa part, l’Éthiopie a mis en place un grand programme de reboisement de quatre milliards d’arbres sur 18 mois, ce qui correspond à 40 arbres par habitant.  De son côté, la République démocratique du Congo veut installer des microcentrales électriques rurales et tente de « sortir d’un système agricole archaïque à faible productivité et destructeur du patrimoine forestier ».  

Comme l’a fait observer le Mexique, si la croissance ne respecte pas l’environnement, ce n’est pas un progrès.  « La Terre nourricière peut se passer de nous, mais nous ne pouvons pas nous passer d’elle », a renchéri la Bolivie.  Quant à l’Égypte, elle a souligné le problème de la rareté de l’eau: « Vous n’êtes pas sans savoir que l’eau détermine l’existence de l’homme sur la planète et que son accès est inaliénable. »

Faisant remarquer que nombre des obstacles à la réalisation des objectifs de développement durable sont d’ordre transnational, plusieurs délégations ont souligné qu’ils ne peuvent être levés qu’avec des actions à l’échelle mondiale.  Pour le Bangladesh, le succès de Programme 2030 dépendra de la capacité à forger des partenariats.  Même son de cloche du côté de l’Éthiopie, qui a en outre appelé les pays développés à redoubler d’efforts pour fortifier les capacités des pays les moins avancés (PMA). 

Comme l’a rappelé le Kenya, le thème de la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale témoigne de l’urgence à renforcer la coopération internationale alors que le multilatéralisme est menacé.  « Seuls le consensus multilatéral et la diplomatie peuvent aider à parvenir à une société économiquement durable et équitable », a ajouté le Kazakhstan.  Ce dernier a soumis une nouvelle idée aux délégations de la Deuxième Commission: un partenariat entre les pays en développement sans littoral, les PMA et les petits États insulaires en développement (PEID), qui font face à des problèmes communs et au défi posé par les changements climatiques, ce qui les empêche de participer sur un pied d’égalité à l’économie mondiale.  Pour le Népal, c’est bien ces pays-là qui devraient être au centre des discours sur le développement. 

Pour sa part, le Mexique a donné un exemple de coopération face au problème des migrations: il travaille avec le Guatemala, El Salvador et le Honduras, avec le soutien de la Communauté économique pour l’Amérique latine (CEPAL), à un plan de développement intégral, qui vise à identifier les causes profondes des migrations.  Ce plan se concentre notamment sur la promotion de l’agriculture durable, sachant qu’environ 80% des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent en zone rurale.

Un autre sujet présent dans les discussions de ce débat général a été celui du commerce mondial, plusieurs délégations s’inquiétant des tensions commerciales et de la tendance à mettre en place des politiques protectionnistes.  Le Myanmar a appelé à un système commercial multilatéral plus juste, basé sur les règles et tenant compte des besoins spécifiques des PMA.

En ce qui concerne le financement du développement, Cabo Verde s’est réjoui de l’initiative du Secrétaire général, visant à réaligner le système financier international avec les objectifs de développement durable.  Le Togo a salué la tenue du Dialogue de haut niveau sur cette question en septembre, qui a permis de faire un constat sans complaisance, quant à la baisse de l’aide publique au développement, à l’augmentation du niveau de la dette des pays en développement ou encore au fait que les PEID subissent le coût élevé des dérèglements climatiques.  De leur côté, le Chili et le Timor-Leste ont vu d’un bon œil les mécanismes novateurs tels que l’annulation de la dette en échange d’investissements dans des infrastructures résilientes, comme l’a proposée la CEPAL.

« Nous entrons dans une ère nouvelle qui nécessite l’innovation et une façon de penser originale », a conclu le PNUE.

La Deuxième Commission poursuivra ses travaux jeudi 10 octobre, à partir de 10 heures.

Débat général

Pour M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh), le succès de Programme de développement durable à l’horizon 2030 dépendra de la capacité à forger des partenariats et à refléter de façon réaliste les défis auxquels le monde est confronté.  Le Bangladesh a l’un des taux de pauvreté qui baisse le plus rapidement au monde, le Gouvernement ayant des programmes ciblant les groupes vulnérables, soit près d’un quart de la population, a expliqué le représentant. Des jalons ont également été atteints en ce qui concerne l’égalité des sexes.  De plus, un réseau de cliniques communautaires a été créé pour garantir la couverture sanitaire de la population et des services publics en ligne ont été mis en place pour atteindre les personnes éloignées, a encore expliqué M. Bin Momen.

Enfin, le représentant n’a pas manqué de rappeler que le Bangladesh accueille 1,1 million de réfugiés rohingya du Myanmar, dont la présence a des impacts négatifs sur les conditions économiques et sociales ainsi que sur l’environnement.  Il a donc plaidé pour la résolution de cette crise.

M. DEE-MAXWELL SAAH KEMAYAH (Libéria) a estimé que les questions thématiques examinées au sein de la Deuxième Commission sont pertinentes, car elles sont liées aux points essentiels du Programme 2030, notamment la croissance économique et le développement social.  La pauvreté reste un défi mondial et les effets des changements climatiques sont bien réels, ce qui risque de saper le développement durable, a-t-il fait observer.  C’est la raison pour laquelle le représentant a appelé à tout faire pour bâtir des sociétés inclusives. 

Pour relever les défis redoutables actuels, il faut absolument des partenariats et un environnement qui permette un dialogue significatif, ce qui est l’essence même du multilatéralisme, a fait valoir M. Saah Kemayah.  Il s’est dit convaincu que la réalisation des objectifs de développement durable dépendra de la mise en place d’un environnement propice au développement.

M. TALAL ALI RASHED ALJAMAL (Yémen) a souhaité que la communauté internationale assume sa responsabilité historique à l’égard de l’humanité et de la planète.  « Les problèmes menacent notre avenir », a-t-il souligné, et nous avons élaboré une feuille de route pour combattre la pauvreté sous toutes ses formes et atténuer les changements climatiques, via le Programme 2030 et l'Accord de Paris.  À l’heure où nous devons faire le bilan de leur mise en œuvre, nous comprenons que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour le moment, a-t-il ajouté.  Le représentant a donc appelé à accélérer les efforts pour ne laisser personne de côté.

Constatant que les progrès sont inégaux entre pays, et que les pays en conflits souffrent et sont laissés de côté, il a rappelé que le Programme 2030 oblige la communauté internationale à donner à ces pays le soutien qu’ils méritent.  Le représentant a également évoqué les actions des milices rebelles houthistes, qui, a-t-il affirmé, rançonnent la population et provoquent des conséquences désastreuses sur le pays.  Le Gouvernement travaille à mettre fin à leur recrutement de jeunes, et à arrêter la détérioration du taux de change de la devise yéménite causée par les troubles.   

Mme KSHENUKA SENEWIRATNE (Sri Lanka) a déclaré que le monde d’aujourd'hui offrait à la fois des défis et des opportunités immenses.  Elle s’est réjouie de la baisse de la pauvreté et du taux de mortalité infantile au niveau mondial. Cependant, d’autres tendances mondiales, comme les migrations irrégulières et la croissance économique en baisse, sont des indicateurs inquiétants, selon elle, tout comme les changements climatiques, « principal défi de la planète » pour leur caractère nouveau, généralisé, et leur potentiel de faire perdre tous leurs acquis aux pays en développement.  Elle a appelé à prendre des actions collectives pour soutenir les États les plus vulnérables, et les aider à s’adapter aux changements climatiques. 

M. LUIS LAM (Guatemala) a indiqué que le Guatemala avait intégré les objectifs de développement durable dans son plan de développement, et ce, avec des visées à long terme.  Mais les défis auxquels il est confronté sont pour la plupart à caractère transnational et ne pourront être résolus qu’à l’échelle mondiale, comme les changements climatiques ou la criminalité transnationale organisée.  Le représentant a insisté sur l’importance du projet de résolution sur le tourisme durable en Amérique centrale, qui sera présenté au cours de la session.  Quant aux activités opérationnelles de développement, M. Lam a relevé que sa réforme est d’une complexité particulière et a espéré que les changements aideront les pays à réaliser les objectifs de développement durable, conformément à leurs priorités nationales. 

M. ABDUL GHAFOOR MOHAMED, Secrétaire aux affaires étrangères des Maldives, a assuré que la Deuxième Commission joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Pour les Maldives, les changements climatiques sont le principal obstacle au développement durable, et il a appelé la communauté internationale à respecter ses engagements au titre de l’Accord de Paris.  Les petits États insulaires en développement (PEID) sont disproportionnellement touchés par la crise climatique actuelle et les Orientations de Samoa constituent un effort collectif qui exige que chacun fasse sa part, a-t-il relevé. 

Les Maldives, qui sont attachées aux réformes fiscales et à la lutte contre la corruption, appellent les partenaires et les institutions financières internationales à les soutenir par le biais de financements à des conditions préférentielles.  La vulnérabilité des Maldives aux changements climatiques et autres catastrophes fait courir le risque au pays de voir des années de croissance difficilement obtenue anéanties par une seule catastrophe, a fait observer M. Ghafoor Mohamed.

M. TOSHIYA HOSHINO (Japon) a rappelé que le travail de la Deuxième Commission doit être aligné sur le processus de mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Le Japon accorde la priorité à la question de la santé, c’est pourquoi le pays a organisé le Groupe des amis de la couverture sanitaire universelle au cours de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale, avec à la clef une Déclaration sur le sujet que le Japon entend bien mettre en œuvre.

Le délégué a également mis l’accent sur la réduction des risques de catastrophe qui, a-t-il argué, pourrait aider dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Le Japon souhaiterait, d’ailleurs, que cette question soit intégrée, de manière transversale, dans la mise en œuvre de ces objectifs.  De même, le pays appelle tous les États à s’engager, de manière urgente, en faveur de l’action climatique.  M. Hoshino a déclaré que le financement du développement et l’innovation sont indispensables pour la réalisation des objectifs de développement durable.  En tant que Président du Groupe sur les financements innovants, le Japon a accueilli un événement parallèle sur la question au cours de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale.  Le Japon croit aussi fermement au rôle de la science, de la technologie et de l’innovation dans la perspective de la mise en œuvre des objectifs de développement durable.

M. PHILIP GOUGH (Brésil) a déploré qu’à côté des questions comme les changements climatiques, la biodiversité et l’énergie durable, la Deuxième Commission n’ait toujours pas pu débattre de sujets comme la consommation et la production durables.  Pour le Brésil, les moyens à mobiliser pour atteindre les objectifs de développement durable sont le plus grand défi à court terme.  Étant donné que l’aide publique au développement (APD) demeure la principale source de financement du développement, les engagements, à cet égard, doivent être respectés, a-t-il lancé avant de rappeler qu’il faut aussi compter sur l’engagement du secteur privé.  Cela doit se faire dans un cadre empreint de transparence et de responsabilité, a-t-il précisé.  Le Brésil a salué le fait que la Commission ait prévu d’examiner au cours de cette session, pour la première fois, un projet de résolution sur l’investissement en faveur des objectifs de développement durable, le pays devant, du reste, assurer la facilitation des négociations y afférentes.  M. Gough a ensuite dit que son pays soutient la lutte contre les flux financiers illicites.

Le délégué a, en outre, salué les mesures prises pour réformer le système des Nations Unies pour le développement, souhaitant que les nouveaux outils envisagés permettent plus d’efficacité et de responsabilité.  La réforme n’est pas une fin en soi, a-t-il précisé, mais elle doit permettre de sortir les gens de la pauvreté, d’éradiquer la faim et de contribuer à une meilleure éducation et à des soins de santé pour tous.  Le représentant a précisé que les objectifs communs ne seront atteints pleinement que si l’on respecte l’appropriation nationale et les priorités de chaque pays.

M. XOLISA M. MABHONGO (Afrique du Sud) a rappelé que le Forum politique de haut niveau, placé sous les auspices de l’Assemblée générale avait permis, le mois dernier, de relever qu’il reste beaucoup à faire pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Comme l’a également laissé voir le Sommet sur le financement du développement, les fonds manquent énormément.  L’Afrique du Sud invite donc les pays développés à augmenter leur contribution au titre de l’APD, notamment, en respectant l’engagement de dédier 0,7% de leur PIB à cet effet.  M. Mabhongo a ensuite demandé aux pays de respecter leur engagement en rapport avec l’action climatique, rappelant que l’Afrique du Sud entend renforcer son engagement national afin de parvenir à la neutralité en carbone d’ici à 2050.  En outre, la délégation a déploré les flux financiers illicites qui privent le continent africain d’immenses fonds nécessaires pour réaliser les objectifs de développement durable, avant de demander que l’ONU serve de tête de proue dans la lutte contre ce fléau.

Mme MARIA THEOFILI (Grèce) a souhaité que l’ONU abandonne l’approche classique de gestion des affaires et s’engage véritablement dans un dialogue substantiel.  Elle a voulu que les Nations Unies travaillent à apporter une valeur ajoutée au processus de transformation déjà engagé.  Pour la Grèce, en renforçant le multilatéralisme et la coopération internationale, on pourrait trouver la voie de gestion des défis du monde et garder le cap face aux changements rapides qui ont lieu. 

La Grèce entend lutter contre les changements climatiques et le pays a fait sienne la vision stratégique de l’Union européenne (UE) qui veut parvenir à la neutralité en carbone d’ici à 2050.  Le représentant a dit également être conscient que les changements climatiques affectent aussi les vestiges du passé et l’héritage culturel, le thème d’une conférence internationale tenue à Athènes en juin dernier.  Sur le plan national, le pays entend passer à une économie circulaire et à un mode de production et de consommation qui soit durable, afin de créer des emplois, réduire et recycler les déchets et améliorer la gestion des ressources.

Pour M. GEBEYEHU GANGA GAYITO (Éthiopie), les objectifs de développement durable donnent l’occasion de croître de manière inclusive, mais en raison de nombreux défis et contraintes, du retard a été pris: « il ne nous reste que 10 ans, et le temps presse », a-t-il souligné.  Le renforcement des partenariats est une nécessité, et les pays développés devraient redoubler d’efforts pour renforcer les capacités des pays les moins avancés (PMA), a-t-il ajouté.

L’Éthiopie a déjà fait d’encourageants progrès depuis 10 ans, en réduisant la pauvreté.  Elle bénéficie de « la croissance la plus rapide du monde cette année », s’attelant à résoudre les goulets d’étranglement structurels, à stimuler le secteur privé, et l’inclusivité en direction des jeunes.  Le Gouvernement a élargi le secteur manufacturier, qui continue d’attirer de plus en plus d’investisseurs étrangers, et multiplié les privatisations du secteur public pour stimuler l’économie.

Concernant les changements climatiques, l’Éthiopie se considère comme un « chef de file », et a mis en place un grand programme de reboisement de quatre milliards d’arbres en un an et demi, « 40 arbres par habitant pour une nouvelle Éthiopie ».  Engagée dans la transition énergétique, elle a exhorté à donner une suite au Sommet Action Climat, et réaffirmé que les partenaires devraient tenir leurs engagements envers les PMA afin qu’ils réussissent leurs objectifs.

M. SYED MOHD HASRIN TENGKU HUSSIN (Malaisie) a rappelé l’importance que le système des Nations Unies pour le développement reconnaisse la diversité et le large spectre de la coopération Sud-Sud.  Il a aussi souhaité que le système onusien développe des cadres de partenariats adaptés aux défis de chaque pays. 

En ce qui concerne son pays, le délégué a déclaré que malgré les efforts nationaux de conservation et en dépit du fait que la Malaisie soit l’une des nations les plus diverses en matière biologique, le Gouvernement est injustement accusé de placer ses besoins de développement avant ceux de la préservation forestière.  Il a rappelé que l’industrie de l’huile de palme dans son pays est gérée de manière durable et responsable, à preuve, sa production est certifiée jusqu’en 2020.

Le délégué a ensuite invité les États-Unis et la Chine à trouver une solution au différend commercial qui les oppose, étant donné que cette situation a de graves implications sur l’économie mondiale.

M. LAZARUS O. AMAYO (Kenya) s’est félicité de la tenue du Sommet sur les objectifs de développement durable et du Dialogue de haut niveau sur le financement du développement à l’Assemblée générale le mois dernier.  Le représentant s’est inquiété des conséquences des changements climatiques qui sont la principale menace de notre temps, et la seule concernant les générations présentes comme les futures: elles coûtent déjà 3% du PIB kényan et influent gravement sur la faim et la pauvreté.

Les bâtiments zéro carbone, la résilience urbaine sont autant de buts que le Kenya s’attelle à atteindre, même s’il est clair qu’une vaste majorité de la population des pays en développement est encore laissée pour compte.  Le thème de la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale, selon lui, témoigne de l’urgence de renforcer la coopération internationale alors que le multilatéralisme est menacé.  La mobilisation des ressources nationales reste le principal moyen de financement des objectifs de développement durable pour le Kenya, comme les recettes fiscales et les investissements publics, a indiqué le représentant.  Il a appelé à « juguler le gaspillage en matière de production alimentaire », à profiter des progrès de la science dans la mise en œuvre des programmes de développement national, et à combler le fossé numérique.  Les technologies de l'information et des communications (TIC) deviennent un outil de développement majeur pour le Kenya, dans une économie mondiale de plus en plus basée sur la connaissance, a-t-il ajouté.

Mme ALEJANDRA GONZALEZ (Mexique) a indiqué que le Programme 2030 est une priorité d’État pour le Mexique, qui considère que tous les objectifs de développement durable sont importants.  Quinzième économie mondiale et premier exportateur d’Amérique latine, le Mexique jouit d’une prospérité qui n’a pas profité à tous: malheureusement, encore une partie de sa population se trouve en situation de pauvreté.  La représentante a dit que son pays met l’accent sur la lutte contre la corruption, la réduction des inégalités et la promotion du développement durable.  Plus généralement, le Mexique estime que les projets de développement doivent s’appuyer sur des objectifs précis afin d’optimiser les ressources.  La représentante a souhaité que l’ONU dispose d’un recueil des meilleures pratiques en matière technologique afin de soutenir ces projets.

En ce qui concerne les migrations, le Mexique travaille avec le Guatemala, El Salvador et le Honduras, avec le soutien de la Communauté économique pour l’Amérique latine (CEPAL), à un plan de développement intégral qui vise à en identifier les causes profondes et se concentre notamment sur la promotion de l’agriculture durable, sachant qu’environ 80% des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent en zone rurale.  À propos de l’environnement, la représentante a jugé important que les cadres existants ou à créer découragent certaines pratiques, telles que la déforestation illégale ou le trafic d’espèces sauvages. Si la croissance ne respecte pas l’environnement, ce n’est pas un progrès, a-t-elle fait observer.

M. PAUL LOSOKO EFAMBE EMPOLE (République démocratique du Congo) a appelé l’ONU à continuer à assurer la coordination multilatérale, la cohérence et la responsabilisation au sein du système pour garantir une solidarité internationale véritable, efficiente et efficace.  Il a souligné que « sans financement conséquent, les objectifs de développement durable sont voués à l’échec.  Il a d’ailleurs jugé que la communauté internationale n’était pas sur la bonne voie pour réaliser le Programme 2030, notamment en matière d’éradication de la pauvreté et de la faim.  « La RDC veut faire partie de la solution », avec ses terres arables, ses eaux abondantes et ses sous-sols recelant 70% des réserves mondiales de métaux stratégiques indispensables pour réaliser la transition énergétique et numérique qui s'impose à l’humanité. 

Aspirant à l'émergence, la RDC est engagée dans la mise en œuvre d’un programme de développement communautaire et à accroître l’accès des populations aux services sociaux de base, notamment à travers la promotion de microcentrales électriques rurales, dont plus de 700 sites sont déjà identifiés, et d’autres grands projets d’infrastructure publique, comme la construction d’autoroutes et de barrages hydroélectriques.  Le pays tente également de « sortir d’un système agricole archaïque à faible productivité et destructeur du patrimoine forestier », comme l’atteste l’inauguration, ce jour même à Bukavu, d’un laboratoire de transformation des produits agricoles de la station de recherche de l’Institut international pour l’agriculture tropicale (IITA).

M. MAHMADAMIN MAHMADAMINOV (Tadjikistan) a relevé que malgré les efforts entrepris, les progrès vers le développement durable restent inadéquats.  Les changements climatiques sont l’un des plus grands défis de notre époque, dont les effets pèsent de manière disproportionnée sur les pays en développement, a-t-il remarqué.  Aussi, le représentant a-t-il jugé indispensable de renforcer la coopération internationale et de fournir les fonds nécessaires aux pays qui en ont besoin.  Le Tadjikistan accueillera une série de conférences dans le cadre de la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement, qui offre une plateforme pour faire avancer notamment l’objectif de développement durable no6 lié à l’eau.

Pour Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana), les efforts engagés pour la mise en œuvre du Programme 2030 ne sont pas à la hauteur des exigences, et les inégalités se creusent entre pays.  La représentante a appelé à ce que l’élimination de la pauvreté reste au cœur des efforts, comme le fait le Ghana.  Les changements climatiques, « plus grand défi de notre époque », remettent en cause la sécurité alimentaire, a noté la représentante avant de souligner que les flux financiers pour y remédier ne sont pas à la hauteur.  Elle a appelé à davantage de financement: « c’est de 5 à 7 milles milliards de dollars dont nous avons besoin », a-t-elle plaidé.  Le détournement des ressources étant également un problème important, elle a appelé à davantage de coopération entre les pays pour lutter contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites.  Enfin, la représentante a souhaité que les efforts des pays en développement soient appuyés par des cadres règlementaires encourageant les investissements, en parallèle d’une amélioration de l’accès au TIC. 

Selon M. ENIAN LAMCE (Albanie), il n’est pas facile de mettre en œuvre les objectifs de développement durable sans un programme de développement efficace permettant d’aider les pays.  À cet égard, l’Albanie soutient les réformes du Secrétaire général permettant d’intégrer les approches sans faire de laissés-pour-compte, et attend que la Deuxième Commission soit toute entière tournée vers la réalisation des objectifs de développement durable, a dit le représentant.  Il a ensuite parlé des réformes ambitieuses entreprises dans son pays, à la fois pour réaliser les objectifs de développement durable et intégrer l’Union européenne.  Il a cité notamment la réforme du secteur judiciaire, qui vise à rendre la justice albanaise plus efficace et transparente, à lutter contre la corruption et à respecter l’état de droit.  Par ailleurs, le représentant a assuré que tous les investissements dans les infrastructures et l’industrie prennent en compte le facteur de l’environnement en Albanie, ainsi que l’accès à une éducation de qualité.

Mme RAZIYE BILGE KOÇYIGIT GRBA (Turquie) a rappelé que, selon les termes du Programme 2030, la pauvreté est le plus grand défi à relever.  La Turquie s’efforce de suivre ce programme et a intégré les objectifs de développement durable dans ses plans de développement, a témoigné la représentante, en précisant que le pays a progressé dans les trois dimensions du développement durable pour réduire la pauvreté et les inégalités et aider les plus vulnérables.  Des efforts seront déployés pour répartir la prospérité dans tous les groupes de la société, a précisé la représentante.

La Turquie est, par ailleurs, l’un des pays les plus touchés par les effets des changements climatiques, a souligné la représentante, en rappelant que son pays avait codirigé les efforts visant à renforcer le rôle des villes dans l’adaptation.  Également prête à soutenir les efforts des acteurs locaux, la Turquie est en train de revoir sa stratégie d’action.  Pour combler le fossé qui se creuse entre pays développés et pays en développement, il faut renforcer le transfert de technologies, a fait observer la représentante, soulignant le rôle de la banque de technologies, devenue opérationnelle en juin dernier.

Mme LILIANA OROPEZA (Bolivie) a expliqué que l’objectif prioritaire de la Bolivie depuis 15 ans est la réduction de la pauvreté et des inégalités, en se félicitant des résultats: par exemple l’écart entre les plus riches et les plus pauvres a été réduit de 47 fois, et le PIB a une croissance annuelle moyenne soutenue de 4%.  Des programmes sociaux ont permis également d’augmenter le salaire minimum et de faire reculer le chômage, tandis que la mortalité infantile a diminué et l’espérance de vie augmenté.

Pour la Bolivie, ces résultats positifs, en matière de développement durable, sont liés à « l’harmonie, l’équilibre et la complémentarité » entre êtres humains et avec la nature: « La Terre nourricière peut se passer de nous mais nous ne pouvons pas nous passer d’elle », a dit Mme Oropeza.  Malheureusement, la crise climatique est devenue le plus grand défi de notre époque et la plus grande menace pour l’existence de plusieurs écosystèmes, a-t-elle déploré.  À cet égard, elle s’est félicitée de l’initiative du Secrétaire général de tenir un Sommet Action Climat et un Sommet de la jeunesse sur l’action pour le climat, qui a montré l’urgence d’agir dès maintenant et la nécessité d’engagements ambitieux et concrets.  Pour la Bolivie, il faut également s’attaquer aux causes profondes de cette crise, la plus importante étant le système capitaliste et ses modèles non durables de production et de consommation qui épuisent la Terre nourricière.

Pour Mme SALOME SUPATASHVILI (Géorgie), le rapport du Secrétaire général est clair: d’ici à l’échéance de 2030, nous devons trouver des solutions pratiques pour accélérer les progrès et réaliser le Programme 2030.  En Géorgie, la mise en œuvre des réformes structurelles a permis d’instaurer un climat attrayant pour les investissements, et la Géorgie est classée sixième dans la liste de la Banque mondiale des pays du monde où il est propice de faire des affaires.  Les politiques nationales de la Géorgie sont alignées avec le Programme 2030, a-t-il ajouté, en mettant en avant son système de surveillance numérique, qui permet de cibler précisément les objectifs de développement durable. 

Le Sommet Action Climat de l’ONU montre que les changements climatiques sont un défi partagé, et qu’il faut mettre en place une coopération avec toutes les parties prenantes pour réaliser le Programme 2030.  Attachée à la réduction des effets des changements climatiques, la Géorgie élabore son plan d’action climat et des politiques d’atténuation des gaz à effet de serre, d’une manière holistique, tout en promouvant le commerce international en tant que catalyseur pour l’élimination de la pauvreté.

M. ION JINGA (Roumanie) a souligné que le financement du développement reste insuffisant et que la préoccupation première de la communauté internationale doit être la réduction de la pauvreté.  La Roumanie est engagée à mettre en œuvre l’Accord de Paris, a-t-il dit, en expliquant que la stratégie nationale sur les changements climatiques vise à bâtir une économie résiliente face aux aléas climatiques.  De même, le pays s’est attelé à faire avancer l’agenda européen en matière de changements climatiques au cours du premier semestre de l’année, période pendant laquelle la Roumanie a assuré la présidence tournante de l’UE. 

M. Jinga a relevé que la transformation vers une société durable et résiliente requiert une constante adaptation des politiques, des ressources et de la prise en charge des couches les plus vulnérables.  La Roumanie soutient en outre le partenariat mondial pour le développement en promouvant la coopération triangulaire, a ajouté le représentant.

M. ABDOULAYE BARRO (Sénégal) a dénoncé le fossé financier et les différents modes de consommation entre pays développés et pays en développement.  Pour relever le défi de respecter le Programme 2030 et pour parvenir à un monde équitable et prospère, le Sénégal poursuit sa politique d’investissements dans les secteurs stratégiques de l’agriculture, de l’élevage, de l’énergie, de l’habitat et des infrastructures hôtelières. 

Attaché à prendre soin des couches les plus vulnérables de la population, notamment les femmes et les jeunes sans emploi, le Sénégal poursuit une politique visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, en promouvant le développement de transports sobres en carbone, l’agroécologie, la reconstitution des milieux naturels et la gestion intégrée de l’eau.  Dans le cadre du Fonds vert pour le climat, le Sénégal invite la communauté internationale à redoubler d’efforts, afin que ce dernier atteigne 100 millions de dollars.

M. ARMAN ISSETOV (Kazakhstan) a regretté que les progrès soient inégalement répartis entre les États Membres, quatre ans après la mise en œuvre du Programme 2030.  « Il est temps d’agir », a-t-il lancé, recommandant d’utiliser le plein potentiel de la Deuxième Commission afin d’engranger des résultats.  Il est clair que les 17 objectifs de développement durable ont un impact sur les pays en développement sans littoral et que la mise en œuvre du Programme d’action de Vienne est essentielle pour eux.

Tous les pays en situation particulière tels que les pays en développement sans littoral, les PMA et les PEID font face à des problèmes communs et notamment au défi posé par les changements climatiques, ce qui les empêche de participer sur un pied d’égalité à l’économie mondiale, a fait observer M. Issetov.  Il est clair que les solutions varient selon les pays mais, selon lui, un partenariat entre les trois groupes de pays apporterait une valeur ajoutée aux travaux de la Deuxième Commission.  

Par ailleurs, les défis ayant une nature transnationale, une coordination à l’échelle du système doit être mise en place entre les différentes agences de l’ONU.  Seuls le consensus multilatéral et la diplomatie peuvent aider à parvenir à une société économiquement durable et équitable sur le plan économique, a conclu le délégué. 

M. JEAN-LAURENT IMBERT (Monaco) a relevé qu’alors que l’on entame la décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable, il faut faire plus et mieux, notamment en mobilisant un financement adéquat et bien ciblé, en renforçant la mise en œuvre au niveau national, et en mettant davantage l’accent sur la transformation numérique au service du développement durable. 

La principauté entend accélérer son action climatique en réduisant sa production de gaz à effet de serre de 50% d’ici à 2030, et atteindre la neutralité carbone en 2050.  Monaco s’est aussi engagée à augmenter sa part de financement en faveur du climat, avec une hausse moyenne de 4,5% par an jusqu’en 2030, et l’État a récemment rejoint la Coalition des ministres des finances pour l’action climatique.  Monaco, a ajouté le représentant, entend contribuer à hauteur de 3 millions d’euros au Fonds vert pour le climat sur la période 2020-2022.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a souligné l’importance du développement du capital humain ainsi que de l’autonomisation des femmes et des jeunes.  Face aux défis qui risquent de remettre en cause les moyens de subsistance, il faut des approches adaptées, a-t-il ajouté. Il a également plaidé pour débloquer le potentiel humain afin de le mettre au service de l’innovation.  L’Arménie, qui est attachée à son partenariat avec le système de l’ONU pour le développement, se réjouit de la réforme du système, qui permettra, à son avis, de combler les brèches.

Mme SHEYAM EL-GAR (Égypte) a rappelé que son pays avait mis en œuvre un programme ambitieux de réformes économiques pour assurer un développement général et durable, tout en augmentant la compétitivité et en améliorant les conditions de vie des femmes et des enfants.  L’État a relevé les défis des changements climatiques, défis majeurs qui, couplés avec la croissance démographique, amènent à la rareté de l’eau en Égypte.  « Vous n’êtes pas sans savoir que l’eau détermine l’existence de l’homme sur la planète et que son accès est inaliénable », a pointé la représentante, appelant la communauté internationale à « préserver les droits et les intérêts de tous les peuples qui partagent un même bassin, sans quoi les conséquences internationales seront néfastes ».  Renforcer le progrès agricole est aussi une priorité de l’Égypte, comme répété lors de divers sommets internationaux.  « La mise en œuvre du Programme 2030 requiert des efforts authentiques, dont la Deuxième Commission est un levier fort », a conclu la représentante.

M. ABDULLAH AL-SHARRAH (Koweït) a qualifié 2019 d’année extrêmement importante pour le développement durable.  Il a estimé que le nouveau système de coordonnateur résident devait être mis en place selon les ressources des différents pays pour parvenir à la paix et la prospérité.  Respecter le principe des « responsabilités communes mais différenciées » est important, et « il nous faudra préserver nos acquis au fil des ans tout en préservant la planète et assurant à nos peuple une vie décente », a-t-il pointé.  État à hauts revenus, le Koweït a réalisé depuis son indépendance l’importance des partenariats pour renforcer le multilatéralisme, notamment en créant le Fonds koweïtien pour le développement international, a indiqué le représentant.  Fournissant de l’aide à plus d’une centaine de pays du monde, le Koweït fait mieux que les taux recommandés par la communauté internationale de consacrer 0,7% du PIB à l’APD, selon le représentant.  Il y a vu la preuve de la volonté du Koweït d’aider tous les pays du monde et de créer un environnement international propice aux partenariats pour combler le fossé existant entre le Nord et le Sud.  

M. COLLEN V. KELAPILE (Botswana) a relevé que les changements climatiques sont l’une des menaces de notre temps qui pourraient saper la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  L’année 2019 a été déclarée comme une année de sécheresse au Botswana comme dans de nombreux pays avoisinant, a-t-il rappelé en faisant remarquer que cette situation, due aux changements climatiques, conduit au déclin de la production agricole et accroît l’insécurité alimentaire.  Les mesures nationales prises par le Gouvernement ne peuvent réussir sans l’aide de la communauté internationale, notamment en matière de renforcement de capacités, a déclaré le représentant.  Il a donc plaidé pour la facilitation des transferts technologiques, y compris par le biais de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire, ainsi que pour un soutien à travers les financements climatiques.

Le Botswana plaide également pour que les préoccupations des pays en développement sans littoral soient prises en compte, rappelant que le tiers de leur population vit dans l’extrême pauvreté.  M. Kelapile a ensuite appelé à un système commercial juste et basé sur les règles, afin de permettre aux pays en développement de réaliser les objectifs de développement durable. 

M. MATÍAS PAOLINO LABORDE(Uruguay) a considéré qu’il est important que la communauté internationale se concerte pour l’élimination de la pauvreté en relevant le niveau d’APD effectivement versée, et qu’elle prenne soin de l’environnement.  « L’être humain doit être au cœur des dispositifs », c’est pourquoi l’Uruguay loue l’action du Secrétaire général dans ce domaine, a dit le délégué.  Il a considéré l’Accord de Paris comme fondamental, et souhaité que l’ONU travaille sur des principes d’universalité.  Il a aussi salué les pays en développement s’ouvrant au secteur privé et au marché, tout en appelant à les soutenir dans leurs efforts.  L’Uruguay est parvenu à changer de catégorie, mais cette médaille a son revers, car l’accès aux aides lui est maintenant plus difficile, a-t-il indiqué. 

M. PEDRO BAYLEY ANGELERI (Venezuela) a défendu le multilatéralisme et le développement des sociétés dans le respect de leur souveraineté nationale.  Les objectifs de développement durable, au Venezuela, sont directement liés aux politiques nationales de développement, a-t-il dit.  Les liens entre le pays et l’ONU se sont récemment resserrés, s’est d’ailleurs réjoui le représentant.  Rejetant avec force les mesures de restrictions politiques et économiques unilatérales incompatibles avec la Charte des Nations Unies, il a indiqué que celles dont le Venezuela est victime, ont affecté beaucoup le bien-être et les droits fondamentaux des habitants.  « Les peuples sont punis, car on les prive de l’accès au système financier international », a-t-il insisté.  Enfin, il a été d’avis que la coopération internationale en faveur du développement doit tenir compte qu’il n'existe pas de modèle unique applicable à tous les pays.  Il a aussi appelé les pays développés à tenir leurs promesses envers les pays en développement. 

M. JOSE LUIS ROCHA (Cabo Verde) s’est voulu optimiste face aux nombreux obstacles sur la voie de la réalisation du Programme 2030, tout en estimant que la Deuxième Commission devrait agir résolument.  S’agissant du financement du développement, il s’est réjoui de l’initiative du Secrétaire général visant à réaligner le système financier international avec les objectifs de développement durable.  En tant que pays à revenu intermédiaire, Cabo Verde se voit privé de l’accès à certains financements, a indiqué le représentant, avant de demander des solutions concrètes pour pallier les limites des critères d’accès au financement conditionnel.

Sur la question de la dette, le représentant a jugé nécessaire de trouver des mécanismes novateurs permettant de réaliser les objectifs de développement durable tout en faisant face au fardeau de la dette.  À cet égard, il faut envisager des rééchelonnements, a suggéré M. Rocha.  Il a demandé une approche consensuelle de la communauté internationale, qui doit se traduire par des actes pour aider les PEID à accéder à des financements.  Pour sa part, Cabo Verde a adopté un plan stratégique de développement prévoyant un changement de paradigme, donnant la priorité au secteur privé et à la transformation de secteurs clefs.  Son principal objectif est de créer des partenariats inclusifs pour passer à un nouveau stade de développement.

Pour M. ALLASANE CONTE (Guinée), « le temps est jalousement contre nous et nous oblige à agir maintenant et concrètement » pour réaliser les objectifs de développement durable.  Il s’est, en particulier, alarmé des effets négatifs des changements climatiques dus à l’activité de l’homme.  Sur le plan interne, la Guinée a initié un plan stratégique de développement économique et social pour la période 2016-2020, qui pose les bases de la transformation structurelle de l’économie nationale, ainsi qu’un plan à plus long terme.  Il s’agit d’accroître l’indice de développement humain du pays, de réduire l’incidence de la pauvreté, d’accélérer la croissance du secteur primaire, d’augmenter la part du secteur manufacturier dans le PIB ainsi que les exportations des produits manufacturiers, a précisé M. Conté.  Pour assurer une meilleure répartition des richesses issues de ces mesures, le Gouvernement a créé deux institutions et alloué 15% des recettes minières aux collectivités locales.

Sur le plan environnemental, a poursuivi le représentant, la Guinée s’est engagée à réduire de 15% les émissions de gaz à effet de serre et à reboiser une grande part du territoire national.  Pour ce faire, elle compte sur les partenariats bilatéraux et multilatéraux, a plaidé M. Conte.

Selon M. OMAR ANNAKOU (Libye), depuis quatre ans qu’a été adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et après les réunions en marge de la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale, il a été indiqué que plusieurs défis empêchaient de réaliser le Programme 2030, parmi eux la faible croissance économique et le taux de chômage des jeunes.  Plus généralement, il a été souligné que sa mise en œuvre nécessite des efforts inlassables et une coopération entre pays développés et pays en développement, car il faut n’exclure personne, ni aucune région du développement durable.

Pour ce faire, il faut accorder la priorité aux pays sortant de conflits ou actuellement en conflits, a poursuivi le représentant.  Dans le cas de la Libye, il a recommandé d’appuyer le Gouvernement, « sans dialoguer avec des putschistes ou des partis illégitimes, ce que font pourtant certains États, en violation des résolutions sur le sujet au Conseil de sécurité ».  La Libye et d’autres pays ont du mal à contrôler leurs frontières, du fait de la criminalité organisée et de la situation de pays de transit, a-t-il souligné.  « Il faut travailler sur les causes, non les symptômes » des trafics, a appuyé M. Annakou, qui a appelé les États voisins de la Libye à mieux contrôler leurs frontières et à appréhender ceux qui exploitent les migrants.  Il a enfin réitéré son appel aux États qui détiennent des fonds libyens à restituer ceux-ci, afin que la Libye puisse investir dans son futur.

M. FIRAS AL-HAMMADANY (Iraq) a considéré la session de la Deuxième Commission comme une occasion unique pour les pays de partager leurs expériences dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Pour élargir les sources de revenus publics, s’ouvrir au secteur privé, les partenariats entre pays en développement et pays développés sont cruciaux, surtout dans le transfert de nouvelles technologies et l’ouverture au secteur privé.  Il est important de respecter ses engagements quant à l’APD, a plaidé le représentant, en faisant remarquer que ces aides publiques au développement ont un impact important dans les travaux d’infrastructure, surtout pour les pays en développement en situation de conflit comme l’Iraq.  Ce pays, où les activités terroristes ciblent les infrastructures, se retrouve dans une situation très difficile, alors justement qu’il veut s’impliquer à fond dans la mise en œuvre du Programme 2030.  Malgré les guerres et le terrorisme, l’Iraq n’épargne donc pas ses efforts pour combattre le terrorisme, un grand défi qui pèse sur plusieurs pays.  Il s’est toutefois plaint que les fonds pour le développement durable sont, hélas, réinjectés dans la lutte contre le terrorisme.

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a réaffirmé à titre national son attachement au développement durable et aux objectifs de développement durable, comme l’élimination de la pauvreté, le renforcement de l’état de droit et la lutte contre la corruption, tous trois intégrés à la stratégie nationale péruvienne. Attaché au système multilatéral, le Pérou cherche avant tout à réduire sa vulnérabilité aux changements climatiques et ses émissions de carbone.  Les mesures d’adaptation aux changements climatiques s’inspirent d’approches transversales intergénérationnelles et interculturelles, a précisé le délégué.  Il a expliqué que le Pérou est impacté de beaucoup de manières par les changements climatiques et par la multiplication des catastrophes naturelles.  M. Ugarelli a, dès lors, appelé à une meilleure gestion des risques pour préserver les générations présentes et futures.

M. MILENKO SKOKNIC TAPIA (Chili) s’est dit persuadé que les changements climatiques doivent être au cœur même des décisions de la Deuxième Commission et qu’il est nécessaire d’augmenter les ambitions pour lutter contre la pauvreté et atténuer leurs effets sur l’environnement. Pour sa part, le Chili vise à décarboner son économie et va adopter un plan de reboisement ambitieux.  La COP25 (Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques) aura lieu, en décembre, au Chili et ce sera la dernière pour la pleine entrée en vigueur de l’Accord de Paris, a fait remarquer le représentant, pour qui le succès dépendra de l’union et de la coopération face à cette tâche. 

Seul un effort collectif permettra d’atteindre les objectifs de développement durable, a dit le représentant, raison pour laquelle cela relève d’une politique d’État.  Pour ce qui est du commerce international et du développement, il a rappelé toute l’importance d’un ordre international ouvert.  Il faut également, a-t-il ajouté, mettre de côté les politiques protectionnistes qui ont pu être récemment observées.  Il s’est félicité des résultats de la Conférence internationale sur la coopération Sud-Sud, qui a eu lieu à Buenos Aires cette année.  Enfin, il a rappelé son attachement au processus de réforme du Secrétaire général.

M. ESSOHANAM PETCHEZI (Togo) a rappelé que plus de 780 millions de personnes vivent en dessous du seuil international de pauvreté tandis que 11% de la population mondiale vit dans des conditions d’extrême pauvreté.  Espérant que la Deuxième Commission avance sur ces questions dans un esprit de compromis et d’ouverture, il a toutefois remarqué que certains facteurs internationaux, comme les guerres commerciales, le protectionnisme, le manque de ressources financières pour les pays en développement, annihilent les actions de la communauté internationale.  Appelant à accélérer les actions à tous les niveaux, par toutes les parties prenantes, pour réaliser le Programme 2030, il a rappelé que le financement restait le pivot de la réalisation des objectifs de développement durable, « un test pour mesurer notre sérieux », a-t-il déclaré, paraphrasant le Secrétaire général António Guterres.

Saluant la tenue du dialogue de haut niveau sur le financement du développement qui a permis de faire un constat sans complaisance, quant à la baisse de l’APD, l’augmentation du niveau de la dette des pays en développement ou encore du fait que les PEID subissent le coût élevé des dérèglements climatiques, il s’est réjoui des idées émergentes impliquant les marchés financiers dans la réalisation des objectifs de développement durable, comme l’adoption, sous l’égide de l’ONU, des Principes de l’ONU pour une banque responsable, qu’ont signés 130 banques représentant au total 47 milliards de dollars d’actifs.

Pour M. ESTEBAN CADEN (Équateur), il faut que le progrès aille de pair avec la nature et le bien-être des générations futures.  Le représentant a réaffirmé la suprématie des droits de l’homme sur toute autre norme juridique, avant de rappeler son soutien aux accords mondiaux tels que le Programme 2030.  Il a plaidé pour une approche inclusive et solidaire pour mettre en œuvre ces accords et rappelé l’engagement de l’Équateur dans le secteur social, en particulier l’éducation, la santé et le logement, comme outils de réduction de la pauvreté.

Mme MAY MUFEEZ (Bahreïn) a assuré que le Bahreïn avait été l’un des premiers pays à mettre en place des programmes de développement.  Il a signé le premier partenariat stratégique de la région avec les institutions de l’ONU.  Le pays a accompli beaucoup de progrès pour améliorer la vie de ses citoyens, a continué la représentante, précisant qu’il a éradiqué l’analphabétisme et comblé l’écart entre les sexes.  Le Bahreïn va également mettre en place cinq villes durables, en utilisant des matériaux de construction écologiques et moins d’énergie, a-t-elle annoncé.

M. MICHAEL TIERNEY (Irlande) a exprimé son attachement à la communauté internationale d’autant plus que le monde est de plus en plus incertain.  Comment arriver à la paix et la prospérité sans détruire l’environnement? s’est-il interrogé.  « Nous devons faire mieux et profiter de la Deuxième Commission pour partager nos idées. »  Notant que les PEID, ainsi que les PMA, font face à de grands défis, le représentant a expliqué que la mise en œuvre des objectifs de développement durable doit prendre leur dette en compte.  Il a estimé que les Orientations de SAMOA constituent une feuille de route précieuse pour l’aide des pays développés aux PEID.  La volonté de combattre les changements climatiques et la mise en œuvre des promesses énoncées durant le Sommet Action Climat sont d’une importance capitale, selon le représentant qui a souligné combien l’écosystème est menacé. Enfin, saluant le groupe de travail informel constitué pour réfléchir à l’amélioration des travaux de la Deuxième Commission, le délégué a appelé à ce que les intérêts en cause soient négociés pour que les travaux bénéficient à tous. 

M. AMRIT BAHADUR RAI (Népal) a estimé qu’un monde pacifique, prospère et sûr ne sera possible que lorsque des millions de gens sortiront de la pauvreté.  Pour cela, un partenariat international solide est crucial, surtout dans le cas des pays en situation spéciale, notamment les PMA, les pays en développement sans littoral et les PEID qui sont à la traîne en matière de développement.  Pour le délégué, c’est bien ces pays-là qui devraient être au centre des discours sur le développement. 

Il a déploré le fait que la mondialisation n’ait pas marché pour tous, étant donné que des éléments d’inclusion, d’équité et de justice sociale manquent dans ce processus.  Et avec la révolution technologique en marche, une nouvelle vague de marginalisation s’installe du fait du partage inéquitable des bénéfices de la technologie.  M. Rai a donc proposé un dialogue multilatéral afin de définir un cadre normatif sur la coopération numérique.  « Nous voulons des garde-fous avant que les vagues ne nous prennent par surprise », a-t-il justifié.  Il a enfin appelé à plus d’action climatique, notamment en faveur des pays comme le Népal qui voient leur couvert neigeux à la cime des montagnes fondre inexorablement.

M. WILLY LOUIS (Haïti) a déclaré que les autorités haïtiennes s’emploient à trouver des solutions durables aux difficultés auxquelles le pays est confronté.  Il a souligné qu’éradiquer la pauvreté, pérenniser la paix et s’attaquer collectivement aux nouveaux phénomènes planétaires et régionaux constituent une condition essentielle à la poursuite et l’atteinte des objectifs de développement durable.  Il a donc appelé à une plus grande mobilisation de la communauté internationale en vue d’accélérer le processus de suivi du financement pour le développement, ainsi que les résultats des grandes conférences des Nations Unies dans les domaines économiques et social en relation avec le financement du développement.

M. HMWAY HMWAY KHYNE (Myanmar) a mentionné les tensions commerciales en cours entre les plus grandes économies, une situation qui a conduit, selon lui, à des incertitudes et à un risque de récession économique.  Il a appelé, de ses vœux, un système commercial multilatéral plus juste, basé sur les règles et tenant compte des besoins spécifiques des PMA.  Le délégué a aussi noté le problème du financement du développement, plaidant pour l’augmentation de l’APD et appelant à faire revivre l’esprit d’Addis-Abeba où avait été adopté, en 2015, le Programme d’action visant à financer les objectifs de développement durable. 

Pour le Myanmar, la paix et la stabilité sont cruciaux pour atteindre le développement durable.  M. Khyne a, en outre, relevé que le Myanmar est l’un des pays au monde parmi les plus exposés aux catastrophes naturelles, dont des inondations, des cyclones, des tremblements de terre, des glissements de terrain et des phases de sécheresse.  Il a reconnu que la question climatique actuelle ne peut être résolue par un seul pays.  De ce fait, la coopération internationale, dans un cadre solide, est cruciale pour faire face à la menace climatique, a-t-il conclu.

Mme KAOUTHAT CHELBI (Tunisie) a résumé les défis persistants en matière d’éradication de la pauvreté et relevé que les pays africains, qui subissent de plein fouet les changements climatiques, ont besoin d’aide de la part des pays développés.  Compte tenu des défis économiques, sociaux et écologiques, « il faut assumer nos responsabilités communes », a-t-elle dit, en invitant à renforcer le multilatéralisme et les partenariats pour réaliser les objectifs de développement durable.  En matière de développement durable, la représentante a indiqué que la Tunisie avait inclus de nombreux objectifs dans son plan quinquennal 2015-2020.  Compte tenu des défis des changements climatiques, la Tunisie a ratifié l’Accord de Paris, a-t-elle aussi fait valoir.  Enfin, Mme Chelbi a dit que son pays met en avant les droits de la femme et favorise leur participation dans le secteur public.  Pour conclure, la représentante a appelé à l’augmentation de l’APD. 

M. RODRIGO ALBERTO CARAZO (Costa Rica) a encouragé la communauté internationale à en faire davantage pour la mise en œuvre du Programme 2030 dans une approche globale.  Le développement durable n’est possible qu’à condition que les droits de l’homme soient pleinement protégés, a insisté M. Carazo. 

Sur le plan national, le Costa Rica s’est donné pour objectif de créer une croissance inclusive et durable en harmonie avec l’environnement, avec cinq objectifs: la production et la consommation durables, l’emploi décent, l’élimination de la pauvreté, la réduction des inégalités et la décarbonisation de l’économie.  Le Gouvernement a ainsi lancé un plan de décarbonisation à longue échéance, qui soutient son plan de développement, et a conclu un partenariat avec le Chili, qui préside la COP25.  Quant au transfert de technologie et au renforcement des capacités, ce sont des éléments prioritaires car la quatrième révolution industrielle oblige à revoir l’avenir du travail, la conceptualisation de l’apprentissage et la durabilité de la protection sociale basée sur l’emploi.

L’époque pose également de nouveaux défis de traçabilité, de transparence et de durabilité dans le domaine commercial, a poursuivi M. Carazo.  Il a prié les États Membres de renforcer les plateformes de coopération permettant de partager des connaissances en matière budgétaire.  Quant au financement pour le développement, le Chili voit d’un bon œil les mécanismes novateurs tels que l’annulation de la dette en échange d’investissements dans des infrastructures résilientes, comme l’a proposé la CEPAL.  Enfin, il a suggéré de considérer le désarmement comme une source novatrice de financement pour le développement durable.

Mme IVA JEMUOVIC (Serbie) a rappelé que son pays avait présenté, en juillet de cette année, son premier examen national volontaire sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  La vision d’un avenir durable des enfants et des jeunes prend une grande partie du rapport établi à cette occasion, parce que ce sont eux qui seront les décideurs en 2030, a-t-elle expliqué.  En outre, le rapport souligne l’importance des communautés locales, car ce sont les lieux où les décisions sont prises.  C’est à ce niveau que la mise en œuvre des objectifs de développement durable doit se faire si l’on veut s’assurer que personne ne soit laissé de côté, a argué la déléguée.   Sur le plan des mesures, elle a indiqué que la Serbie s’efforce de lutter contre l’exode rural, de réduire les inégalités, d’améliorer l’inclusion sociale et la solidarité ainsi que l’autonomisation des femmes et des filles pour atteindre la pleine égalité.

Pour faire face aux conséquences des changements climatiques, la Serbie a mis en place un plan d’action dans la foulée de l’adoption de l’Accord de Paris, a poursuivi le représentant, en soulignant que son pays figure ainsi parmi les premiers à avoir soumis sa contribution prévue: la Serbie s’est engagée, en effet, à 9,8% de réduction de gaz à effet de serre jusqu’en 2030.  Parmi d’autres initiatives pour contrer les changements climatiques, le représentant a évoqué la stratégie et le plan d’action à long terme qui ont été préparés avec la coopération de l’Union européenne.  La Serbie s’est lancée dans un processus de réforme totale de son économie, a aussi expliqué le représentant, qui a parlé de « travail dynamique » visant à aligner le Programme 2030 sur les priorités nationales et sur le processus d’intégration dans l’UE.

M. SIDDHARTH MALIK (Inde) a salué le fait que la Mission nationale d’inclusion financière ait permis l’ouverture de 370 millions de nouveaux comptes bancaires au cours des cinq dernières années en faveur des pauvres du pays.  Grâce à des identités biométriques liées à ces comptes, le Gouvernement a pu fournir des allocations tout en évitant des dépenses superflues de l’ordre de 20 milliards de dollars.  De même, la plus grande campagne d’installations sanitaires au monde a vu la construction par le Gouvernement de 110 millions de toilettes en cinq ans. 

Le délégué a également salué les avancées faites par l’Inde dans les domaines de la recherche et l’innovation qui sont les catalyseurs de la quatrième révolution industrielle.  Aujourd’hui, l’Inde est le troisième pays du monde avec le plus de start-ups, s’est enorgueilli le délégué an précisant que le pays a les services de payement en ligne les moins coûteux au monde.  Enfin, il a rappelé le lancement, en 2017, du Fonds Inde-ONU pour le partenariat au développement visant la mise en œuvre des objectifs de développement durable, qui sera doté de 150 millions de dollars pour les 10 prochaines années afin de financer les projets de développement dans les PMA, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID).

Mme EIMAN ALNAQBI (Émirats arabes unis) a annoncé que son pays avait joué un rôle stratégique comme bailleur de fonds pour soutenir les projets de développement de plusieurs pays.  Les Émirats arabes unis accueilleront également la prochaine conférence de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), ainsi qu’une conférence spéciale pour les PMA, a dit la représentante, expliquant que le pays accorde une attention particulière à la préparation aux transformations futures.  Enfin, la représentante a qualifié les changements climatiques de menace majeure à laquelle il faut se préparer.

M. BAKHTIYOR IBRAGINMOV Ouzbékistan) a annoncé la présentation prochaine à la Deuxième Commission d’un projet de résolution sur « le tourisme durable et le développement durable en Asie centrale ».  Il a plaidé pour l’exploitation du potentiel touristique de cette région qui avait connu, dans le passé, la grande route de la soie reliant l’Est à l’Ouest par le commerce, la culture et des liens de civilisations.  Il a relevé que le tourisme pourrait contribuer, directement ou pas, à la réalisation de tous les ODD.  Ainsi, promouvoir le tourisme pourrait avoir un impact positif sur la réduction de la pauvreté et une croissance économique inclusive, a fait valoir le délégué.  Pour lui, le tourisme durable, y compris l’écotourisme, est une activité transversale.  C’est pour cette raison que le Gouvernement ouzbèque entend prendre des mesures concrètes pour assurer la réalisation des ODD par l’industrie touristique.

Mme SEBASTIANA BARROS (Timor-Leste) a indiqué qu’avec les changements climatiques, la production agricole du pays et la sécurité alimentaire sont mises à mal à cause notamment des risques de sécheresse et de mauvaises récoltes.  Pour ce pays, qui fait partie de la catégorie des PEID, les phénomènes climatiques extrêmes affectent encore plus la vie des citoyens.  C’est dans ce contexte que le Gouvernement a mis en place un Plan d’action national d’adaptation.  Il a notamment prévu de mettre sur pied des infrastructures résistantes aux aléas climatiques et de se tourner vers les énergies renouvelables, a-t-elle noté.  Le pays est d’avis que seules des actions à l’échelle mondiale seront à même de faire face à la situation des PEID en proie aux changements climatiques, notamment dans le contexte de la hausse du poids de leur dette.  Des mesures innovantes, comme l’action climatique en échange de la dette, doivent ainsi être considérées, a-t-elle suggéré.

M. MEZANG AKAMBA (Cameroun) a déclaré que les objectifs de développement durable ne seront pas atteints sans la coopération ni la coordination entre toutes les parties prenantes.  Par conséquent, le représentant a invité la Commission à assurer la mise en œuvre d’alliances et de partenariats stratégiques, devant conduire à des transformations, en faveur du financement du développement, par le biais de la mobilisation des ressources nationales par les pays du Sud.  Cela doit s’accompagner nécessairement d’un engagement renforcé de tous à lutter contre les flux financiers illicites, et à retourner les fonds et indûment sortis des pays d’origine.  Il a ensuite lancé un appel à tous les États Membres et aux institutions spécialisées pour que chacun apporte son soutien au Réseau des institutions africaines de financement des collectivités locales, et afin d’assurer la mise en œuvre de l’Alliance mondiale des institutions financières pour les collectivités locales.  Dans le cadre de son Document de développement « Vision 2035 », le Cameroun a accompli des progrès notables dans les secteurs de l’éducation et de la réduction des inégalités, entre autres, a-t-il témoigné.

Le représentant a enchaîné en disant que son pays est confronté à la rupture de la paix dans le bassin du lac Tchad à cause de Boko Haram.  « C’est pourquoi nous demandons à nos partenaires de maintenir et de renforcer les divers soutiens qu’ils nous accordent dans cette lutte », a lancé le délégué.  L’autre préoccupation majeure a été, ces trois dernières années, la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun où des groupes séparatistes ont tenté de porter atteinte à l’intégrité, à l’unité et à la stabilité du Cameroun.  Face à cette conjoncture, le Gouvernement a toujours fait montre de retenue et n’a cessé d’œuvrer pour un retour à la stabilité dans ces régions sans violence et de manière inclusive, a affirmé le représentant.  Dans cette optique, les assises du dialogue national viennent de se tenir, a-t-il dit, en mentionnant aussi des mesures d’apaisement, comme la libération de 333 combattants incarcérés et d’une centaine d’autres personnes poursuivies dans le cadre de troubles postélectoraux.  Le processus pour la gestion de la situation sécuritaire dans les régions susmentionnées, et pour un retour définitif à la paix, est en très bonne voie, a assuré le représentant.

M. WILLIAM HERRARA (El Salvador) a réclamé un accès à des financements favorables même pour les pays à revenu intermédiaire.  C’est pourquoi El Salvador lutte pour l’instauration de nouveaux critères, pour ne pas dépendre que de la simple mesure des revenus par habitant, a expliqué le représentant avant d’appeler les banques de développement à instaurer des politiques plus graduelles.  Les déficits structurels doivent être reconnus à tous les niveaux, selon lui.

Le représentant a aussi appelé à adopter différents mécanismes de financement dans le cadre de la coopération Sud-Sud, avec en vue, la réalisation du Programme 2030, ainsi que promouvoir le partenariat public-privé.  Chaque objectif de développement durable est interdépendant, a-t-il souligné.  Il a aussi fait observer qu’El Salvador, comme toute l’Amérique centrale, est particulièrement vulnérable aux changements climatiques, notamment les catastrophes naturelles comme les ouragans El Niño et La Niña.  El Salvador proposera une résolution sur le tourisme durable, a annoncé la délégation, en terminant par un appel à la communauté internationale pour qu’elle se penche sur ce thème.

Mgr FREDERICK HANSEN, observateur du Saint-Siège, a apprécié l’approche large qui est suivie pour traiter des questions économiques et financières, qui illustre la base des travaux de l’ONU: un modèle économique utilitaire non motivé par le profit mais plutôt par les personnes humaines et le bien commun.  Relevant que les six grandes commissions de l’Assemblée générale correspondent aux principaux domaines de la responsabilité de l’Assemblée, il a souhaité que chaque commission reste concentrée sur ses propres discussions et projets de résolution.  Cela permettra, a-t-il argué, d’éviter les doublons ainsi que l’introduction de sujets controversés.

De manière générale, le nonce a appelé à respecter les droits de l’homme universels et la dignité humaine dans la lutte contre la pauvreté et la promotion du développement humain intégral.  Selon lui, cela favorise les progrès pour arriver à des systèmes économiques et financiers inclusifs et justes, et cela évite de fragmenter le programme de développement.  En même temps, a-t-il relevé, les questions relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales doivent être discutées en priorité au sein de la Troisième Commission.  En conclusion, Mgr Hansen a souhaité que la Deuxième Commission se concentre sur ses tâches, qui vont de la croissance économique à la sécurité alimentaire, en passant par l’éradication de la pauvreté et le financement du développement.

Selon M. MARCO TOSCANO-RIVALTA, du Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes, la trajectoire de développement, actuellement suivie, crée des risques de catastrophe plutôt que de les réduire.  Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe a pourtant montré qu’investir dans la résilience porte ses fruits.  La réalisation de la cible E de ce Cadre est essentielle, a précisé M. ???, à savoir la stratégie fondée sur la connaissance des risques de catastrophe.

Il est, par ailleurs, essentiel d’élaborer une stratégie de financement et d’examiner la réalisation des objectifs de développement durable, en se fondant sur les connaissances des risques de catastrophe, a poursuivi le représentant.  La pauvreté et l’exclusion sont les moteurs les plus puissants des catastrophes mais aucun pays ne saura gérer seul ces risques, a-t-il prévenu.  À son avis, un partenariat est nécessaire pour y arriver, de même qu’un engagement des pays dans tous les secteurs.  Pour réaliser les objectifs de développement durable, il faut investir dans la réduction des risques de catastrophe avec plus de volonté, a-t-il conclu.

Pour M. JAMIL AHMAD, du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), « nous sommes maintenant à un tournant ».  Malgré les efforts collectifs soutenus par une ambition sans précédent, a-t-il constaté, le niveau et l’intensité des défis posés par l’environnement restent redoutables.  La situation générale de l’environnement est en train de se détériorer à l’échelle mondiale et la fenêtre d’action est en train de se refermer, a-t-il mis en garde, en constatant que la santé de la planète se détériore à un taux sans précédent.  Un changement pour passer à l’économie circulaire et des solutions basées sur la nature sera nécessaire.

Le temps presse, nous devons agir et le Programme 2030 offre le cadre pour procéder aux changements nécessaires, a martelé M. Ahmad.  Cependant l’intégration n’est pas un principe aisé, a-t-il reconnu.  Mais le PNUE s’est engagé dans cette voie avec d’autres agences de l’ONU pour réfléchir à une meilleure collaboration et à des points de contact, car il s’avère que les mandats et les expertises sont souvent sous-utilisés en raison d’inerties.  « Nous entrons dans une ère nouvelle qui nécessite l’innovation et une façon de penser originale », a-t-il conclu.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Troisième Commission face à l’impact des conflits armés, de la privation de liberté et de la gestation pour autrui sur les droits des enfants

Soixante-quatorzième session,
11e & 12e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4263

La Troisième Commission face à l’impact des conflits armés, de la privation de liberté et de la gestation pour autrui sur les droits des enfants

La Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé a averti, aujourd’hui, devant la Troisième Commission, que le nombre d’enfants tués et mutilés dans des situations de conflit a atteint un niveau record depuis la création de son mandat, il y a 10 ans. 

Mme Virginia Gamba intervenait aux côtés de cinq autres experts qui ont dressé un tableau inquiétant de la promotion et de la protection des droits des enfants dans le monde, en dépit de certains progrès notables.  Les exposés sur la privation de liberté des enfants et les conséquences de la gestation pour autrui sur leurs droits ont notamment attisé l’attention des délégations.

En période de conflit, « les garçons et les filles sont exposés à une violence inimaginable, y compris la violence sexuelle, la séparation de leur famille et de leur communauté, la privation d’éducation, de soins de santé et d’assistance vitale », a notamment dénoncé Mme Gamba.

Précisant les contours de ce « sombre tableau », la Représentante spéciale a indiqué que plus de 24 000 violations ont été vérifiées en 2018 dans le cadre de 20 situations de conflit.  Plus de 12 000 enfants ont été tués ou mutilés par des échanges de tirs et beaucoup ont également succombé à l’explosion de restes de guerre ou de mines terrestres.  Le recrutement et l’utilisation d’enfants se sont poursuivis sans relâche, plus de 7 000 d’entre eux ayant combattu sur des lignes de front ou agi dans des rôles de soutien.

Les incidents sexuels à l’encontre de garçons et de filles sont, quant à eux, restés constants, avec un total de 933 cas en 2018, a ajouté Mme Gamba, qui a prévenu que ces chiffres, obtenus par le biais du mécanisme de surveillance et de communication de l’information relative aux enfants en situation de conflit armé, ne représentent que la « partie émergée de l’iceberg » des violations contre les enfants.

« La violence contre les enfants est une urgence silencieuse à laquelle il faut mettre fin », a déclaré à son tour la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, qui a appelé à mobiliser un leadership international face à l’ampleur de ce « phénomène caché ».

Selon Mme Najat Maalla M’jid, un enfant meurt toutes les cinq minutes suite à des actes de violence, et chaque année, au moins un milliard d’enfants souffrent d’une forme de violence ou d’une autre, soit la moitié des enfants du monde.  Mme M’jid a également alerté que la violence par les pairs est en hausse, que ce soit sous forme de brimades ou en raison de la violence des gangs.  Et le prix de la violence est énorme, tant pour l’enfant que pour la société dans son ensemble, a ajouté la Représentante spéciale, qui a précisé que selon certaines estimations, son coût financier avoisinerait 7 000 milliards de dollars par an.

De son côté, l’Expert indépendant chargé de l’étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté, M. Manfred Nowak, a averti que, chaque année, 1,5 million d’enfants sont privés de leur liberté individuelle par décision d’un tribunal ou d’une autorité administrative, mais que les chiffres réels pourraient dépasser les sept millions si on tient compte des enfants qui se trouvent dans des hôpitaux psychiatriques ou des établissements spéciaux pour enfants handicapés, placés en détention provisoire, ou encore dans des centres de rétention pour migrants ou des camps militaires.

« Lorsqu’un enfant commet un crime, nos sociétés doivent pardonner et recourir à des solutions non privatives de liberté tendant à la réintégration dans la société et à la réhabilitation et ne pas recourir à des mesures punitives », a appuyé l’Expert, qui a également souligné que la détention des enfants est contre-productive, extrêmement onéreuse et nuit à leur santé et à leur développement.  Il a notamment averti que la rétention des migrants est particulièrement préjudiciable à la santé physique et mentale des enfants et les expose au risque d’atteintes et d’exploitation sexuelles.

Cet expert a de plus indiqué que 94% des 410 000 enfants qui sont arrêtés chaque année dans le contexte de l’administration de la justice, un chiffre qui n’inclut pas le million d’enfants placés en garde à vue, sont des garçons, ce qui montre que les mesures de déjudiciarisation s’appliquent plus facilement aux filles qu’aux garçons. 

Au cours de cette séance, les délégations ont également entendu la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, Mme Maud De Boer-Buquicchio, prévenir des conséquences de l’absence de réglementation sur les droits des enfants nés de mère porteuse dans le contexte de la maternité de substitution internationale. 

La Rapporteuse spéciale a notamment indiqué que bien que toutes les formes de maternité de substitution ne soient pas assimilables à la vente d’enfants, la gestation pour autrui, en particulier sous sa forme commerciale avec la participation d’intermédiaires, implique souvent des pratiques abusives dans lesquelles les enfants sont commercialisés comme de simples marchandises.

S’ils ne sont pas correctement réglementés, les contrats de maternité de substitution risquent de compromettre les droits fondamentaux de l’enfant à la dignité humaine, le droit d’identité, y compris la nationalité, l’accès aux origines et le droit à la vie familiale, a-t-elle notamment averti, insistant à plusieurs reprises sur le « besoin indéniable » d’élaborer des normes en la matière.

Elle a également souligné que le point de départ d’une discussion sur toute forme de formation de famille induite par un tiers est qu’il n’existe pas, en droit international, de droit d’avoir un enfant.  « Un enfant n’est pas un bien ou un service que l’État peut garantir ou fournir, et toute tentative dans ce sens contrevient aux normes énoncées dans la Convention relative aux droits de l’enfant », a-t-elle martelé. 

La Commission poursuivra son débat général sur la promotion et la protection des droits de l’enfant jeudi 10 octobre, à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT

Promotion et protection des droits de l’enfant (A/74/136, A/74/162, A/74/231, A/74/246, A/74/249, A/74/259)

Suite donnée aux textes issus de la session extraordinaire consacrée aux enfants (A/74/240)

Exposé de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé

Mme VIRGINIA GAMBA, Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, a rappelé aux États Membres qu’il est de leur responsabilité commune de trouver des solutions durables et justes pour toutes les filles et tous les garçons affectés par la guerre, y compris en garantissant une redevabilité et un respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme. 

Selon elle, il importe de protéger les droits consacrés par la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et de s’assurer qu’ils produisent des résultats concrets, notamment dans l’optique du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Répondre aux besoins des enfants touchés par les conflits ne doit pas se limiter aux interventions d’urgence, a-t-elle fait valoir, plaidant pour une action articulée sur toutes les phases des conflits ainsi que sur le développement, la prévention et la coopération. 

« Alors que nous célébrons le trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant le 20 novembre, il convient de faire le point sur trois décennies de progrès et de défis en matière de protection des enfants et de promotions de leurs droits, en particulier pour ceux qui vivent dans un contexte de conflit armé », a poursuivi Mme Gamba.  Notant que mai 2020 marquera le vingtième anniversaire du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, elle a encouragé les États à ratifier ce texte et rejoindre les 170 États parties, dont les plus récents sont le Myanmar et la Gambie.  La Représentante spéciale a également rappelé qu’en mai dernier, elle avait appelé les États Membres, l’ONU, les organisations régionales, la société civile et les autres partenaires à « agir pour protéger les enfants affectés par les conflits armés » afin de catalyser le changement dans la vie de ces enfants. 

Mme Gamba a ensuite indiqué que le Mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les violations graves commises contre des enfants en situation de conflit armé (MRM) avait permis de constater la persistance d’un haut niveau de violations en 2018.  Fait tout aussi inquiétant, a-t-elle ajouté, le nombre d’enfants tués et mutilés dans des situations de conflit a atteint un niveau record depuis la création de son mandat. 

Les zones urbaines et densément peuplées sont devenues les champs de bataille de notre temps, avec de graves conséquences pour les populations et les infrastructures civiles, s’est-elle alarmée.  Dans ce contexte, les enfants continuent d’être affectés de manière disproportionnée.  Les garçons et les filles sont exposés à une violence inimaginable, y compris la violence sexuelle, la séparation de leur famille et de leur communauté, la privation d’éducation, de soins de santé et d’assistance vitale, a-t-elle dénoncé, faisant aussi état de privations de liberté pour les enfants accusés d’association avec des groupes armés. 

Plus de 24 000 violations ont été vérifiées en 2018 dans le cadre de 20 situations de conflit, a précisé la Représentante spéciale.  Si le nombre des autres violations a reculé, plus de 12 000 enfants ont été tués ou mutilés, pour la plupart lors d’échanges de tirs, des manœuvres de combat menées par des acteurs non étatiques, des acteurs étatiques et des forces multinationales.  Beaucoup ont également succombé à l’explosion de restes de guerre, d’engins improvisés et de mines terrestres, a-t-elle détaillé, notant que le recrutement et l’utilisation d’enfants se sont poursuivis sans relâche, plus de 7 000 d’entre eux ayant combattu sur des lignes de front ou agi dans des rôles de soutien.  Néanmoins, le nombre d’enfants libérés a aussi augmenté ces dernières années, atteignant au total 13 600, notamment grâce à l’engagement direct de l’ONU auprès des parties aux conflits. 

Les incidents sexuels à l’encontre de garçons et de filles sont, quant à eux, restés constants, avec un total de 933 cas en 2018, a encore relevé Mme Gamba.  Elle a toutefois reconnu que ces violations pâtissent d’un sous-signalement en raison d’un manque d’accès, d’une stigmatisation et de craintes de représailles.  De surcroît, des enfants continuent d’être enlevés, le plus souvent pour être embrigadés dans des combats ou subir des violences sexuelles.  Près de 2 500 enfants ont ainsi connu un tel sort de manière vérifiée, a-t-elle indiqué.  Parallèlement, si le nombre d’attaques vérifiées contre des écoles et des hôpitaux a baissé à 1 056, cette violation s’est accrue dans certaines situations de conflit.  De même, la privation d’accès à l’éducation a atteint des niveaux alarmants.  Par exemple, a relaté la Représentante spéciale, 827 écoles étaient fermées au Mali à la fin décembre 2018, empêchant 244 000 enfants d’aller en classe.  Enfin, 795 cas de refus d’accès humanitaire à des enfants ont été vérifiés, un chiffre en recul par rapport à 2017. 

Pour Mme Gamba, les chiffres et les tendances obtenus par le biais du MRM ne représentent que la partie émergée de l’iceberg des violations contre les enfants.  C’est pourtant le seul outil permettant de générer des engagements constructifs de la part des parties aux conflits afin de les faire changer de comportement et de prévenir et faire cesser les violations, a-t-elle expliqué.  Avec le soutien de l’ONU sur le terrain, la mise en œuvre de ces engagements et le contrôle des progrès réalisés sont cruciaux pour offrir à ces enfants un changement positif.  Parmi les avancées enregistrées à cet égard, la Représentante spéciale a cité la récente adoption d’engagements par des parties en République centrafricaine, en Syrie et au Yémen, ce qui porte à 31 le nombre des parties -11 forces gouvernementales et 20 groupes armés non étatiques- ayant signé des plans d’action depuis la création du mandat. 

De plus, s’est-elle félicitée, des plaidoyers menés dans la durée ont débouchés sur des mesures positives de la part d’États Membres et de groupes armés, comme par exemple l’adoption d’une loi sur les droits de l’enfant en Afghanistan, la formation de points focaux de l’armée au Myanmar ou la mise en place d’un plan d’action couvrant les six plus graves violations au Soudan du Sud.  Le Gouvernement du Yémen a, quant à lui, élaboré avec l’ONU une feuille de route visant à revitaliser son plan d’action de 2014, a-t-elle ajouté, saluant au passage le rôle essentiel joué par les conseillers à la protection de l’enfance dans les opérations de maintien de la paix, les mission politiques et au sein des agences, fonds et programmes onusiens, en particulier ses « partenaires de l’UNICEF ».  Elle a appelé les États Membres à les soutenir, notamment lors des négociations budgétaires de la Cinquième Commission. 

Avant de conclure, Mme Gamba a exhorté la communauté internationale à soutenir les gouvernements et les organisations régionales dans le domaine de la prévention.  Elle a également indiqué avoir renforcé ses échanges avec les organisations régionales et sous-régionales au sujet de stratégies de protection de l’enfance, en particulier pour les questions transfrontalières.  Selon elle, la coopération est particulièrement dense avec l’Union africaine, l’Union européenne, la Ligue des États arabes et l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN). 

Elle a aussi fait état d’un processus consultatif de collecte et de diffusion de bonnes pratiques, mené en lien avec des acteurs du système onusien, dont le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, pour développer des guides pratiques sur les questions de protection des enfants dans les processus de paix.  Elle a, enfin, fait état du lancement, avec l’UNICEF, d’une coalition internationale pour la réhabilitation des enfants soldats, ajoutant que ces efforts doivent s’accompagner d’une ratification universelle de la Convention relative aux droits de l’enfant et de ses protocoles facultatifs, et d’une approbation plus large des Principes de Paris et de Vancouver et de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. 

Dialogue interactif

L’Espagne a remercié Mme Gamba de son soutien lors de la troisième Conférence sur la sécurité dans les écoles organisée à Palma de Majorque par son gouvernement, laquelle a abouti à l’adoption d’une déclaration qui a été endossée par plus de 100 pays, dont, tout récemment, le Maroc et le Viet Nam.  La délégation a proposé un séminaire d’information, au premier trimestre 2020 pour un échange de meilleures pratiques sur la protection des écoles et universités. 

Le Maroc s’est alarmé de l’intensification des conflits armés et de leurs effets destructeurs sur les enfants, relevant que les actions de groupes extrémistes violents ont fait des centaines de milliers de victimes parmi les enfants.  Le Royaume a appelé à une approche pluridimensionnelle et des stratégies mettant l’accent sur le volet de la prévention, s’inquiétant notamment des phénomènes de prise d’otages ou de recrutement d’enfants par des groupes armés dans les camps de réfugiés.  Le grand nombre d’enfants tués et mutilés dans les conflits armés a également préoccupé la Belgique qui a appelé à rester uni face à ce fléau.

Le Canada a rappelé la tenue, en février dernier, d’un atelier rassemblant plusieurs experts et États Membres, ainsi que la société civile, qui était consacré à l’examen des lignes directrices des Principes de Vancouver, un instrument auquel l’Union européenne (UE) a appelé à adhérer, de même que le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés ainsi que la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.  L’UE a également salué la libération de 13 600 enfants maintenus par des forces et groupes armés, de même que les efforts de réintégration et de réhabilitation des enfants soldats, mais s’est en revanche alarmée du silence autour des viols d’enfants par peur de la stigmatisation.  Que faire pour que plus d’enfants victimes parlent et dénoncent leurs bourreaux? a demandé la délégation.

À son tour, l’Afrique du Sud s’est plus particulièrement préoccupée du nombre croissant d’enfants qui n’ont pas accès à l’aide humanitaire, ainsi que de la situation des enfants auteurs d’attaques suicides contre les cibles civiles.

La Slovénie a voulu des précisions sur les enseignements tirés des différents ateliers régionaux organisés sur les graves violations des droits des enfants en temps de conflits.  De son côté, l’Allemagne a salué le travail de prévention de la Représentante spéciale.

Le Mali a expliqué avoir pris les mesures nécessaires pour que les enfants jouissent du droit à l’éducation mais aussi des services sociaux de base.  La délégation a cependant fait état de difficultés « majeures » pour réintégrer les enfants et éviter leur ré-enrôlement par les groupes armés, et a appelé la communauté internationale à aider le Mali à restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.

Préoccupée par le nombre record d’enfants tués, mutilés, et les attaques contre les hôpitaux et écoles, l’Argentine a souhaité savoir quelles mesures sont les plus essentielles à mettre en œuvre dans le cadre de l’initiative « ACT to Protect ».

Décriant un « sombre tableau », le Royaume-Uni s’est interrogé sur l’efficacité du système qu’offre l’ONU en matière de réinsertion des enfants soldats.  « Que pourrait-on faire de plus pour encourager les enfants à ne pas rejoindre les groupes armés? »

L’Arabie saoudite a rappelé qu’un mémorandum d’accord avait été signé dans le contexte du conflit au Yémen, et a indiqué que des enfants soldats avaient pu être réhabilités grâce aux efforts du Roi Salman.  La délégation a également accusé les milices houthistes de recruter des enfants. 

Le Soudan a parlé des mesures prises par le nouveau Gouvernement de transition pour libérer des enfants enrôlés, citant notamment la publication d’un guide qui a été distribué aux groupes armés et qui paraîtra également en braille pour les enfants handicapés.  Un mécanisme de plainte communautaire a également été établi, deux ateliers ont été organisés pour prévenir le recrutement d’enfants et une mission de vérification a été menée. 

La Suisse a insisté sur la protection des civils, y compris les enfants et les infrastructures civiles, ainsi que sur la pleine mise en œuvre des plans d’action établis avec les parties et la crédibilité des listes établies.  Elle a également voulu savoir quelles pistes poursuivre pour mieux travailler sur la prévention des violations.

Le Guatemala a jugé nécessaire d’impliquer les enfants dans l’élaboration de stratégies, mais aussi d’encourager davantage d’États à rejoindre les instruments internationaux, citant en exemple sa propre adhésion, en mai, à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. 

Les Émirats arabes unis ont souligné qu’en tant que membre de la coalition au Yémen, ils prennent leurs responsabilités au sérieux et collaborent avec l’ONU pour renforcer la protection des enfants au Yémen.

Le Qatar a appelé au renforcement de la coopération internationale, indiquant dans la foulée avoir appuyé le Bureau de la Représentante spéciale à hauteur de 1,5 million de dollars sur cinq ans.

La lutte contre l’impunité doit être une priorité, a insisté de son côté la France qui a demandé comment le mandat de la Représentante spéciale pourrait y contribuer.

L’Algérie a demandé à la Représentante spéciale de donner son point de vue sur les principales difficultés rencontrées sur le terrain et la manière de les surmonter. 

La République arabe syrienne s’est dite choquée par la signature d’un mémorandum d’accord avec une milice « illégitime », accordant ainsi à cette dernière une capacité juridique.  Les milices kurdes ont enrôlé des enfants et ont ouvert le feu causant des morts parmi les enfants, a accusé la délégation.

À son tour, le Yémen a déploré les actions des milices terroristes houthistes qui recrutent des enfants.  Il a rappelé sa participation aux campagnes de réinsertion d’enfants combattants et a assuré n’avoir aucun enfant enrôlé dans ses forces armées.

Dans ses réponses à ces commentaires, Mme Virginia Gamba a d’abord préconisé de fournir aux enfants des alternatives « réalistes » à la guerre afin qu’ils puissent être réinsérés et trouver, par exemple, un emploi.

Elle a appelé à allouer des ressources supplémentaires aux missions de maintien de la paix, suggérant par ailleurs d’augmenter le nombre de conseillers en matière de protection de l’enfance, mais aussi de renforcer la sensibilisation auprès des communautés.  « L’objectif premier de ces campagnes est de lutter contre l’ignorance de ce qui constitue ou non une violation », a-t-elle souligné.  « Si les communautés comprennent cet aspect, il est alors possible de faire davantage en matière de prévention. »

Il s’agit également, pour elle, d’aligner la mise en œuvre des objectifs de développement durable pour mettre des moyens de subsistance au profit des enfants.  Avec chaque groupe rencontré, l’idée qui revenait sans cesse était que l’éducation et les alternatives sont les aspects les plus importants, « même au-delà de la paix », a-t-elle témoigné. 

Pour faire face aux violences sexuelles, elle a appelé à appuyer les acteurs sur le terrain qui sont des « ressources précieuses » pour les efforts de sensibilisation.  Les services de santé et psychosociaux pour les survivants sont également cruciaux car ils encouragent les survivants à libérer leur parole. 

La Représentante spéciale a également préconisé d’intégrer aux réformes des systèmes judiciaires nationaux des mesures spécifiques pour traiter de manière plus pragmatique la situation des enfants.  Elle a souligné, à cet égard, l’importance du rôle des chefs religieux qui pourraient faire passer des messages au sein de leur communauté.  Elle a également encouragé les États Membres à se doter d’une législation qui pénalise les viols et violences sexuelles, y voyant un élément important de la prévention et de la dissuasion.

Enfin, Mme Gamba a relevé que certains efforts visant la réinsertion ont été inadéquats en raison, notamment, du manque de financement qui cible en premier lieu les efforts d’urgence.  Elle a par ailleurs suggéré d’établir un lien entre la consolidation de la paix et le développement. 

Exposé de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants

« Cette année est une année symbolique! » a déclaré Mme NAJAT MAALLA M’JID, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, qui présentait son premier rapport depuis sa prise de fonctions le 1er juillet.  Elle a rappelé que 2019 marque le dixième anniversaire de la création de son mandat, y voyant le moment idoine pour évaluer les progrès, identifier les lacunes et mettre en exergue les actions stratégiques qui s’imposent pour réaliser, d’ici à 2030, un monde exempt de peur et de violence à l’encontre des enfants.

Mme M’jid a expliqué que son bureau avait publié à cet effet un rapport thématique intitulé « Keeping the Promise: Ending violence against Children by 2030 ».  Ce document, a-t-elle indiqué, souligne que des progrès ont été réalisés dans l’élaboration de cadres juridiques et politiques renforcés, ainsi qu’en matière de collecte de données et de preuves.  Il fait également état d’une meilleure cohérence et coordination entre les parties prenantes concernées, y compris les enfants.  Mais ce rapport illustre également que les progrès sont beaucoup trop lents pour espérer atteindre l’objectif de créer un monde exempt de violence à l’encontre des enfants d’ici à 2030.

La Représentante spéciale a rappelé que la violence à l’encontre des enfants demeure un phénomène caché et répandu qui sape la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Un enfant meurt toutes les cinq minutes suite à des actes de violence, et chaque année, au moins un milliard d’enfants souffrent d’une forme de violence ou d’une autre.  C’est la moitié des enfants du monde, s’est-elle indignée.  Mme M’jid a aussi relevé que de plus en plus de défis menacent les gains obtenus jusqu’à présent à la faveur des enfants, à commencer par les changements climatiques, les conflits à long terme, la gravité des catastrophes humanitaires, ainsi que l’augmentation du nombre d’enfants en déplacement, les défis que représentent les nouvelles technologies, le terrorisme et l’extrémisme violent.

Elle a également alerté que la violence par les pairs est en hausse, que ce soit sous forme de brimades ou en raison de la violence des gangs.  Le prix de la violence est énorme, tant pour l’enfant que pour la société dans son ensemble.  Un enfant en souffrance crée des familles, des communautés, et sociétés et des nations en souffrance.  Et selon certaines estimations, le coût financier de cette violence avoisinerait 7 000 milliards de dollars par an, a-t-elle prévenu.

Face à cette situation, Mme M’jid a appelé à agir « mieux et plus vite » sur plusieurs fronts, notamment en plaçant les enfants en tête de l’agenda politique.  « La violence contre les enfants est une urgence silencieuse à laquelle il faut mettre fin », a-t-elle souligné, paraphrasant le Secrétaire général.  Elle a dit la nécessité urgente de mobiliser le leadership international et de stimuler l’action, notamment aux échelons national et local, pour prévenir et réagir à toutes les formes de violence, dans quel que contexte que ce soit, en veillant à ne pas laisser de côté les enfants les plus vulnérables.  Elle a aussi appelé à maintenir l’attention sur les enfants en tant que groupe distinct, ainsi que sur l’ensemble du cycle de vie des enfants et des jeunes.

La Représentante spéciale a en outre jugé qu’une coopération plus efficace s’impose.  « Les vies des enfants ne sont pas divisées en catégories thématiques pour correspondre aux mandats des organisations qui travaillent en leur nom », a-t-elle lancé, relevant qu’ils sont souvent exposés à plusieurs formes de violence.  Et tout cela nécessite un financement et des investissement adéquats dans l’enfance ainsi que des données ventilées fiables.  Mme M’jid a aussi appelé à une plus grande participation aux processus de création, de mise en œuvre et de suivi des politiques aux niveaux national et local, lesquelles, a-t-elle ajouté, doivent être accompagnées de mesures efficaces de reddition des comptes.

Il faut également assurer une participation significative des enfants, a-t-elle poursuivi.  Se mettre à l’écoute des enfants et les traiter comme des participants actifs, jouissant de leurs droits, est essentiel pour espérer réaliser des progrès notables dans la création d’un monde où les enfants pourraient vivre libres de violence, a-t-elle affirmé.

Mme M’jid a ensuite fait savoir que son bureau est en train de finaliser une feuille de route pratique et axée sur les résultats pour orienter le travail de son mandat.  « Il faut agir mieux et plus vite, non seulement au nom des enfants d’aujourd’hui, mais également au nom du milliard d’individus qui naîtront d’ici à 2030, les enfants qui hériteront du monde post-ODD », a-t-elle affirmé. 

Dialogue interactif

Le Japon a voulu en savoir plus sur la manière de renforcer la coopération entre les États et les différents acteurs.  Il a également demandé à connaître des exemples d’acteurs qui pourraient jouer un rôle de premier plan pour combattre les violences contre les enfants.

L’Algérie a indiqué que l’amendement de sa Constitution avait permis de réaliser des avancées dans la lutte contre les violences à l’encontre des enfants.  Elle a également appelé à combattre le mariage d’enfants en Afrique.

Le Maroc a relevé que la participation active des enfants aux débats fait face à des obstacles, et a voulu savoir quelles mesures pourraient être mises en place pour faciliter le dialogue entre ces derniers et les instances publiques.

L’Espagne a cité une étude de la société civile sur les conséquences économiques de la violence, que ce soit en termes sanitaires, juridiques, sociaux ou éducatifs, qui chiffre ce coût à 1 milliard d’euros pour 2015.

Le Mexique a indiqué qu’il avait élaboré un plan d’action en s’appuyant sur la participation d’enfants et a voulu savoir comment impliquer d’autres acteurs à ses travaux.

L’Union européenne s’est préoccupée du sort des enfants handicapés qui ont quatre fois plus de chances de subir des violences, tandis que le Portugal s’est interrogé sur le rôle du secteur de la santé dans la lutte contre les violences infligées aux enfants.  La délégation a également souhaité savoir s’il existe un groupe d’enfants particulièrement oublié dans cette discussion.  À son tour, la Slovénie a demandé comment renforcer la coopération entre les régions sur la question des violences contre les enfants.

Comment mettre en place une politique plaçant l’enfant au cœur des politiques de lutte contre les violences dont il est victime? s’est interrogé de son côté le Brésil, qui a par ailleurs expliqué que son programme pour les enfants, qui met l’accent sur la petite enfance, est le fruit d’une compréhension qu’un plein épanouissement des enfants est essentiel dans le cadre d’une démarche plurisectorielle. 

Relevant qu’un nombre important d’enfants subissent des violences aux mains de leurs tuteurs, ou au sein de leurs institutions ou écoles, l’Afrique du Sud a recommandé de réfléchir à des mesures de protection particulière pour ces situations. 

Enfin, le Qatar a rappelé qu’il avait été l’un des premiers pays à avoir soutenu la création du mandat de la Représentante spéciale. 

En réponse à ces commentaires et questions, Mme Najat Maalla M’jid a souligné que la violence à l’égard des enfants impose d’adopter des politiques plus larges, intégrant toutes les parties prenantes, car beaucoup de secteurs sont impliqués.  Elle a estimé que la prévention de toutes les formes de violence à l’encontre des enfants ne relève pas uniquement de l’objectif de développement durable 16.2 mais de l’ensemble des objectifs de développement durable.  Dès lors, une réponse efficace repose sur une approche intégrée, a-t-elle souligné. 

Concernant la coopération, Mme M’jid a souligné que la politique de protection ne doit pas reposer uniquement sur les ministères.  « C’est une politique d’État qui doit être adossée à un budget et à des indicateurs.  Il s’agit de l’articuler et la traduire à tous les niveaux, national, régional et local », a-t-elle indiqué.  Elle a mis en exergue le rôle des associations au niveau local ou national et encouragé l’établissement de conventions de partenariat, car il « suffit d’un seul dysfonctionnement dans la chaîne pour que le travail soit fragilisé ».  Il faut fédérer, a insisté à plusieurs reprises la Représentante spéciale, qui a appelé à associer le secteur privé, l’ensemble des mécanismes communautaires et « surtout les enfants » pour réussir la mise en œuvre de politiques intégrées. 

Afin de fédérer toutes ces parties prenantes, Mme M’jid a suggéré, sur le plan régional, la tenue de réunions régulières pour favoriser les échanges d’expertises entre régions ainsi qu’au sein d’une même région.  C’est d’ailleurs, a-t-elle indiqué, une approche qu’elle compte « renforcer ».

Elle a également appelé à travailler sur les défis rencontrés par les uns et les autres, notant que la tenue de ces « réunions croisées » entre régions permettrait en outre de renforcer la visibilité.  La Représentante spéciale a par ailleurs signalé que les violences à l’égard des enfants représentent un problème majeur de santé publique.  Quant aux priorités de son mandat, elle a plaidé pour des actions conjointes qui auront plus d’impacts. 

Elle a vivement encouragé la participation des premiers concernés: les enfants.  Leurs voix et perspectives doivent être entendues et visibles et cela est, à ses yeux, « un impératif », car ce sont les principaux acteurs du changement.  Dès lors, elle a invité l’assistance à les informer, les consulter et écouter leurs initiatives.  Plus, elle a exhorté la participation de tous les enfants, y compris les moins visibles et les plus vulnérables.  Elle a suggéré de travailler sur les perceptions et d’écouter les enfants sans tabou.  Beaucoup d’initiatives proposées par les enfants « coûtent moins cher » que ce que nous proposons et sont bien plus rentables, a-t-elle indiqué. 

Exposé de la Directrice exécutive adjointe de l’UNICEF

Mme CHARLOTTE PETRI GORNITZKA, Directrice exécutive adjointe de l’UNICEF, a déclaré qu’il n’y a pas de meilleur moment pour faire le point sur les progrès réalisés en termes de droits de l’enfant et sur le travail qui reste à faire, en rappelant que cette année marque le trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, « le traité des droits de l’homme le plus largement ratifié de l’histoire ».

Elle a ensuite présenté le rapport intitulé « Suite donnée aux textes issus de la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants » (A/74/240), duquel il ressort qu’un enfant né aujourd’hui a de bien meilleures chances de survivre et de s’épanouir qu’en 2008.  Plus d’enfants vivent au-delà de leur cinquième anniversaire et sont scolarisés, plus d’enfants sont vaccinés et le nombre d’enfants avec des retards de croissance a baissé de 25% entre 2000 et 2018.  De plus, 25 millions de mariages précoces ont pu être empêchés au cours de la dernière décennie, avec des progrès notoires en Asie du Sud en particulier.  Néanmoins, a-t-elle indiqué, le rapport rappelle aussi que la discrimination et les désavantages continuent de priver les enfants des services et soutiens dont ils ont besoin.  Quinze mille enfants meurent chaque jour de maladies évitables et traitables, a souligné l’intervenante, et 121 millions d’enfants en âge d’aller à l’école primaire et secondaire ne sont pas scolarisés, sans oublier qu’un enfant sur cinq dans le monde vit dans une zone de conflit, soit 420 millions d’enfants.

Passant au rapport du Secrétaire général intitulé « Les filles » (A/74/246), Mme Gornitzka a indiqué que ces dernières font toujours face à des défis sérieux, notamment dans les zones rurales où elles sont confrontées à la discrimination et un accès inégal aux services de base comme l’eau et l’éducation.  Elles sont également plus vulnérables à la violence de genre, au travail forcé et au travail « invisible » non rémunéré, voire aux mutilations génitales féminines.  Ce rapport appelle à davantage d’investissements dans les femmes et les filles en milieu rural, et au lancement de réformes politiques et juridiques pour mettre fin aux pratiques néfastes, ainsi qu’à une réforme du droit foncier et sur l’héritage.

La Directrice exécutive adjointe a également présenté un rapport consacré aux droits de l’enfant qui met l’accent sur un autre groupe d’enfants vulnérables: ceux sans protection parentale.  Ces enfants sont beaucoup plus susceptibles d’être exclus, de subir la violence et les abus et d’être exploités, a expliqué la représentante de l’UNICEF.  De plus en plus d’États Membres prennent conscience de l’impératif d’agir pour protéger ces enfants en adoptant ou renforçant leurs législations nationales en ce sens ou encore en misant sur la prévention et la réunification de ces enfants avec leurs parents.  Il faut néanmoins aller plus loin, a-t-elle estimé, et le rapport appelle en particulier à ne plus institutionnaliser ces enfants et à investir davantage dans la protection, les services sociaux et une prise en charge familiale des enfants dans les communautés.

Mme Gornitzka a conclu en affirmant que ces rapports sont la preuve qu’il est possible de progresser et qu’il faut maintenant mobiliser la volonté politique et les investissements nécessaires pour atteindre chaque enfant, où qu’il soit, et lui apporter le soutien dont il a besoin.

Débat général

Intervenant au nom du Groupe des États d’Afrique, M. LAZAROUS KAPAMBWE (Zambie), a appelé les partenaires à appuyer les programmes de santé communautaire, en particulier contre le paludisme saisonnier, compte tenu du fait que près de 13 millions d’enfants sahéliens âgés de 3 à 59 mois n’ont pas été en mesure de bénéficier du programme de prévention recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) faute de financement. 

Soulignant que des « poches d’extrême pauvreté » persistent même dans les pays riches, et que les enfants représentent la plupart des personnes vivant dans la pauvreté, M. Kapambwe a jugé fondamental de faire de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles une réalité afin de pouvoir atteindre l’ensemble des objectifs de développement durable qui concernent les enfants.  De la même façon, il est indispensable de promouvoir l’éducation et de maintenir les filles à l’école, en répondant à leurs besoins en termes d’hygiène, notamment les adolescentes en zone rurale, ce qui réduirait les taux de mariages d’enfants et de grossesses précoces. 

Le représentant a notamment précisé que chaque année, dans les pays en développement, environ 21 millions de filles âgées de 15 à 19 ans tombent enceintes et quelque 16 millions accouchent.  On estime également que, chaque année, 2 millions de filles de moins de 15 ans tombent enceintes et 2,5 millions de moins de 16 ans accouchent.  Il s’est félicité de constater que la lutte contre le mariage d’enfants est en passe d’être institutionnalisée en Afrique.  Vingt des 30 pays ciblés par la campagne « Mettre fin au mariage d’enfants en Afrique », qui a été impulsée par le Président zambien, ont d’ailleurs lancé des campagnes nationales à cette fin. 

M. Kapambwe a par ailleurs déploré qu’en 2017, plus de 12 millions d’enfants ont perdu leurs deux parents des suites du VIH/sida; et que 1,2 million d’enfants âgés de 0 à 9 ans vivent avec le virus, ajoutant que 52% de ces enfants recevaient une thérapie antirétrovirale.  Il a souligné que les transferts de fonds contribuent à améliorer l’accès à la santé, à l’éducation et à la nutrition, au renforcement des réseaux sociaux et à l’accès au traitement contre le VIH/sida. 

M. COLLEN VIXEN KELAPILE (Botswana), s’exprimant au nom de la Communauté de développement des États de l’Afrique australe (SADC), a indiqué que la SADC et ses États membres se sont attelés aux questions d’extrême pauvreté, de faim, de conflits violents et aux impacts des changements climatiques qui affectent les jeunes et surtout les enfants de manière disproportionnée.  Elle lutte aussi contre certaines pratiques comme le mariage précoce, dont sont victimes 125 millions de femmes africaines mariées avant leurs 18 ans, avec des conséquences désastreuses sur leur éducation et leurs perspectives sociales et économiques.  À cet égard, la SADC a adopté une loi sur l’élimination du mariage précoce en 2016 et a enregistré des progrès importants sur ce point, elle a aussi agi en réinscrivant à l’école les filles enceintes après leur accouchement, et en enrôlant les responsables religieux dans ce combat.

La SADC a également développé des programmes d’assistance aux orphelins et enfants vulnérables auxquels elle garantit un ensemble de services minimums.  Ses États membres reconnaissent le rôle fondamental de la famille pour élever et inculquer aux enfants les valeurs sociales de base et les protéger de tous les abus au travail, sexuels et émotionnels.  Elle a également adopté des stratégies de lutte contre la violence fondée sur le genre et instauré des foyers communautaires pour en accueillir les victimes. 

Par ailleurs, la SADC demeure préoccupée par les effets dévastateurs de la pandémie de VIH/sida, en raison de la surexposition de la région depuis deux décennies, dont les adolescents et les enfants sont les premières victimes.  La Communauté présentera cette année un projet de résolution consacré, entre autres, à la promotion de la santé des filles.

Mme MONA JUUL (Norvège), intervenant au nom des pays baltes et nordiques, a tout d’abord salué l’engagement de la « courageuse » Greta Thunberg, qui pousse les dirigeants à agir et à prendre leurs responsabilités pour le temps présent et les générations futures.  Des millions de jeunes dans le monde soutiennent ce message sans ambiguïté, s’est-elle félicitée. 

Trente ans après l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant, elle a constaté que davantage d’enfants bénéficient d’une éducation et ont leur mot à dire sur les questions qui affectent leur vie.  Des mesures sont prises à bon escient pour assurer l’égalité et lutter contre les discriminations.  Dans le même temps, a-t-elle relevé, beaucoup reste à faire pour ne laisser aucun enfant pour compte et pour que chaque enfant jouisse du droit de ne pas être soumis à la violence.

Si la Convention relative aux droits de l’enfant est l’instrument des droits de l’homme le plus largement ratifié, d’importants défis demeurent pour garantir aux enfants la protection qu’ils méritent, notamment face à la violence et à la pauvreté, a souligné la représentante.  Pour les pays nordiques et baltes, l’éducation représente une « priorité vitale », a-t-elle ajouté.  Si l’on veut atteindre les groupes les plus marginalisés, il importe de mettre l’accent sur l’éducation des filles et soutenir le principe d’une éducation inclusive tenant compte du cas des enfants handicapés.  Dans ce cadre, a-t-elle précisé, la Norvège et le Danemark intensifient leur soutien au fonds « Education Cannot Wait » visant à offrir une éducation de qualité aux enfants et aux jeunes affectés par les crises et les conflits.  Enfin, a conclu la déléguée, les enfants ont le droit d’être associés aux décisions qui les concernent car ils hériteront des problèmes de l’actuelle génération restés sans solution.  « Nous avons donc plus que jamais besoin de Greta Thunberg et des défenseurs des droits des enfants pour renforcer la promotion et la protection des droits de l’enfant », a-t-elle dit. 

M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne (UE), a tout d’abord indiqué que sa délégation présenterait un projet de résolution inédit consacré aux enfants sans protection parentale.  En effet, depuis l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant, aucune résolution n’a abordé ce thème, a-t-il relevé.  Il a estimé que face à ces situations, les efforts devaient en premier lieu tenter de prévenir la séparation, si cela est dans l’intérêt de l’enfant.  Lorsque cela n’est pas possible, un enfant privé de son environnement familial, ou pour l’intérêt duquel il vaudrait mieux qu’il n’y reste pas, doit avoir droit à une protection spéciale et à une assistance fournie par l’État, a insisté le délégué.

M. Gonzato s’est inquiété du large nombre d’enfants qui sont privés de protection parentale à cause de la violence, de conflits armés, de catastrophes naturelles et humaines et des migrations.  Il a également cité les crises économiques, les problèmes sociaux, la discrimination ou encore la pauvreté.  En effet, les enfants privés de soins parentaux font partie des cibles les plus vulnérables pour le trafic d’êtres humains et les abus, dont les abus sexuels, a-t-il alerté.

Le délégué a encouragé les États à adopter des stratégies nationales sur les droits de l’enfant qui abordent les besoins spécifiques des enfants sans protection parentale.  L’Union européenne encourage également le développement de solutions de protection alternatives de qualité, plutôt que l’institutionnalisation. 

Sans accès à une protection appropriée et de qualité, les enfants privés de protection parentale font souvent face à une spirale descendante d’exclusion économique et sociale, et à une marginalisation avec des conséquences sur le long terme pour eux et leurs communautés, a-t-il prévenu.

Exposé du Président du Comité des droits de l’enfant

M. LUIS ERNESTO PEDERNERA REYNA, Président du Comité des droits de l’enfant, a présenté les derniers travaux de celui-ci.  Il a notamment indiqué que face à la persistance des défis auxquels font face les enfants dans le monde, le Comité avait demandé, en mars 2019, aux États parties de réaffirmer leur engagement en faveur de la Convention relative aux droits de l’enfant en s’engageant à prendre une mesure spécifique et mesurable pour la promotion, la protection et la réalisation des droits de l’enfant.  Trente-deux promesses ont été reçues à ce jour.

M. Pedernera Reyna est ensuite revenu sur le statut des ratifications et accessions à la Convention et ses protocoles facultatifs.  Il a noté que la Convention est l’instrument de l’ONU bénéficiant du plus haut taux de ratifications et accessions, avec l’exception de seulement un État, les États-Unis.  En revanche, ses trois protocoles facultatifs continuent d’être caractérisés par un rythme assez lent de ratification.  En ce qui concerne la présentation des rapports par les États Membres, la situation pourrait également être meilleure.

Sur les activités menées par le Comité, son Président a expliqué que celui-ci avait revu et adopté ses observations finales sur les rapports soumis par 22 États parties.  Il a également adopté des décisions sur 21 cas en référence au protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, et a reçu plus de 300 plaintes.  Le Comité a adopté son dernier commentaire général sur les droits de l’enfant et le système judiciaire juvénile, lequel fait état de préoccupations concernant les « tendances » relatives à l’âge minimum de responsabilité criminelle et le recours « systématique » à la privation de liberté.  Le Comité travaille actuellement à l’élaboration d’un commentaire sur les droits de l’enfant dans l’environnement numérique.  Il a également adopté une nouvelle série de lignes directrices pour la mise en œuvre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Avant de conclure, M. Pedernera Reyna a rappelé que la situation financière des Nations Unies restant un défi, il était urgent que les États Membres honorent leurs responsabilités.

Dialogue interactif

La Suisse a salué le travail pour combattre l’exploitation des enfants à l’ère numérique et s’est jointe à l’appel du Comité pour appuyer la participation active des enfants dans les affaires qui les concernent, à commencer par les changements climatiques.  La délégation a également demandé des précisions sur les défis à la réalisation des droits de l’enfant. 

L’Union européenne a appelé à veiller à ce que les enfants privés de leur milieu familial ne soient pas laissés pour compte, regrettant que cette catégorie d’enfants soit exclue du Programme 2030.  Il est impératif de prendre des mesures de protection à l’égard des enfants et adolescents privés de leur famille, a renchéri l’Allemagne, qui s’est en outre inquiétée du sort des enfants touchés par les crises humanitaires.

L’Espagne a voulu savoir quelle question relevant de la Convention mériterait d’être actualisée ou modifiée.  Quels sujets feront l’objet de futures recommandations?

Quelle est l’action du Comité pour garantir davantage de transparence en ce qui concerne la révision des paramètres censés aider les États à mettre en œuvre leurs obligations prises, a demandé à son tour la Fédération de Russie, avant que le Japon ne réaffirme sa détermination à poursuivre l’élaboration de son plan d’action afin de parvenir à l’élimination des violences contre les enfants. 

La Norvège a appelé à la tenue d’un dialogue sur la manière de garantir les droits de l’enfant, en particulier les plus vulnérables. 

Le Royaume-Uni a parlé des efforts qu’il déploie au niveau national pour dispenser des formations en ligne et lancer des campagnes de sensibilisation à l’attention du plus grand nombre.  En vue de la conférence internationale qu’il organisera prochainement sur la prévention de la violence sexuelle en temps de conflit, il a voulu savoir quelles mesures pourraient garantir que les enfants qui en sont victimes ne soient pas laissés pour compte. 

Répondant aux questions des délégations, M. Pedernera Reyna a estimé que la plus grande nouveauté réside dans l’article 12 de la Convention, qui prévoit la participation des enfants.  Il s’agit, a-t-il dit, d’un article très important qui a ébranlé les relations traditionnelles entre les institutions, les adultes et les enfants.  « Nous, les adultes, n’attachons pas suffisamment d’importance à certaines questions comme le droit au jeu », a-t-il confié, jugeant essentiel le dialogue direct avec les enfants.  « Parfois, les enfants ne comprennent pas certains rituels des adultes, c’est pourquoi il faut remettre les choses à plat pour que l’on puisse mieux entendre ce qu’ils ont à nous dire », a-t-il ajouté. 

S’agissant du droit de l’enfant de grandir en milieu familial, M. Pedernera Reyna a rappelé que le préambule de la Convention stipule que la famille est le lieu naturel où l’enfant doit grandir et s’épanouir.  « Nous savons que ce n’est pas toujours le cas.  C’est pourquoi, il est important de consolider le rôle des familles et des communautés qui doivent épauler les familles dans les soins et l’éducation prodigués aux enfants », a-t-il estimé.

Il a ensuite indiqué que les prochaines recommandations du Comité porteront sur les enfants et le milieu numérique.  « Nous n’avons pas encore déterminé les sujets qui feront l’objet de recommandations générales mais des sujets comme les changements climatiques, les questions de genre, la maternité et les “ventres loués” ont été évoqués pendant le débat en plénière au sein du Comité », a-t-il précisé. 

Au sujet de la transparence, M. Pedernera Reyna a assuré que tous les débats du Comité sont retransmis par Internet et sont consultables sur le Webcast.  Le site du Comité contient toutes les informations sur la procédure à suivre pour saisir le Comité, a-t-il ajouté, ainsi que toutes les recommandations générales, les observations et le contenu des débats. 

Enfin, se félicitant du grand nombre de contributions reçues par son Comité, M. Pedernera Reyna a indiqué que son Comité travaille avec d’autres organes de traités et des représentants spéciaux. 

Exposé de la Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants

Mme MAUD DE BOER-BUQUICCHIO, Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, s’est penchée sur la question relative aux droits des enfants nés de mère porteuse, et plus particulièrement dans le contexte de la maternité de substitution internationale. 

Elle a expliqué que ce phénomène entraîne des problèmes juridiques et éthiques complexes en ce qui concerne l’attribution de la filiation et la responsabilité parentale.  Le sujet de la gestation pour autrui est en soi complexe, et cette complexité, a-t-elle fait observer, est aggravée par l’absence de consensus international du point de vue juridique, normatif, politique ou éthique.  Elle a relevé que les États ont adopté différents modèles de législation sur cette question, allant de l’interdiction à la réglementation ou à l’absence de réglementation.  Et ce vide réglementaire, ainsi que les disparités existantes en ce qui concerne les contrats de maternité de substitution internationaux, exposent souvent les enfants nés de mère porteuse à des violations de leurs droits fondamentaux, a-t-elle déploré.

La Rapporteuse spéciale a indiqué que bien que toutes les formes de maternité de substitution ne soient pas assimilables à la vente d’enfants, cette pratique, en particulier sous sa forme commerciale avec la participation d’intermédiaires, implique souvent des pratiques abusives dans lesquelles les enfants sont commercialisés comme de simples marchandises.  Plusieurs scandales ont mis en évidence les abus qui peuvent survenir dans ce contexte, a rappelé Mme Boer-Buquicchio, qui présentait là son sixième et dernier rapport. 

Elle a recommandé la mise en place de mécanismes de réglementation et de contrôle stricts afin d’empêcher tout cas de vente et d’exploitation d’enfants dans le contexte de la gestation pour autrui.  S’ils ne sont pas correctement réglementés, a-t-elle averti, les contrats de maternité de substitution risquent de compromettre les droits fondamentaux de l’enfant à la dignité humaine, le droit d’identité, y compris la nationalité, l’accès aux origines et le droit à la vie familiale.

Mme Boer-Buquicchio a également souligné le « besoin indéniable » d’élaborer des normes, des études empiriques et des recherches plus poussées sur l’impact de ce phénomène sur le long terme sur toutes les parties prenantes concernées, non seulement les enfants, mais également les mères porteuses, les donneurs de gamètes et les futurs parents.  Et le point de départ d’une discussion sur toute forme de formation de la famille induite par un tiers, comme dans le contexte de l’adoption, est qu’il n’existe pas, en droit international, de droit d’avoir un enfant.  En effet, a-t-elle martelé, un enfant n’est pas un bien ou un service que l’État peut garantir ou fournir, et toute tentative dans ce sens contrevient aux normes énoncées dans la Convention relative aux droits de l’enfant. 

Or, a-t-elle poursuivi, tous les enfants nés de substitution ont le droit de jouir de leurs droits fondamentaux, et ne doivent en aucun cas faire l’objet d’une discrimination fondée sur la façon dont ils ont été conçus.  Il est, dès lors, important que les États gardent cela à l’esprit, car, a-t-elle prédit, ils seront inévitablement confrontés à des mères porteuses basées à l’étranger, souvent dans des pays qui n’effectuent pas de contrôle individualisé et risquent également de ne pas procéder à des vérifications des antécédents judiciaires. 

Elle a recommandé aux États de ne pas accepter ou reconnaître automatiquement les ordonnances de filiation émanant de ces juridictions, les appelant par ailleurs à créer des garde-fous pour garantir les droits fondamentaux des enfants nés de conventions de maternité de substitution.  Selon la Rapporteuse spéciale, ces garanties minimales devraient en premier lieu être conçues pour prévenir le délit de vente d’enfants et se concentrer sur le consentement libre et éclairé des mères porteuses et sur le rôle des intermédiaires.  Réglementer les aspects financiers des contrats de maternité de substitution conformément aux normes éthiques réduirait considérablement la motivation des intermédiaires, a-t-elle ajouté. 

Mme Boer-Buquicchio a aussi jugé essentiel de créer un mécanisme et un cadre juridique pour l’attribution du lien de filiation juridique et de la responsabilité parentale en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant après la naissance. 

Inversement, dans le contexte des accords internationaux de maternité de substitution, les juridictions autorisant la gestation pour autrui devraient vérifier que les parents éventuels venant de l’étranger seront en mesure de retourner dans leur pays d’origine avec leur enfant né de la mère porteuse.  Compte tenu de la divergence des approches de la maternité de substitution dans le monde, elle a souligné que les garanties minimales devraient idéalement être élaborées dans le cadre d’un instrument international.  Les solutions intermédiaires pourraient inclure une loi type à adapter et contextualiser dans diverses juridictions et/ou un ensemble de principes minimaux convenus d’un commun accord régissant la pratique dans une perspective multidimensionnelle et globale des droits de l’homme.

Ainsi, elle a salué le projet de filiation de la Conférence de La Haye de droit privé international, encourageant l’inclusion de garanties de droits humains.  Elle s’est, de même, félicitée des efforts déployés par le Service social international pour élaborer des principes internationaux pour la protection des droits de l’enfant dans le contexte de maternité de substitution. 

Sur un autre registre, la Rapporteuse spéciale a tenu à attirer l’attention de l’assistance sur l’aspect « obscur » de l’évolution rapide des technologies de l’information et des communications qui permet à des prédateurs d’abuser et d’exploiter sexuellement des enfants. 

Dialogue interactif

Les États-Unis ont affirmé que leur droit « robuste » permet de protéger les enfants, y compris ceux nés de mère porteuse.  La délégation a estimé que la question de la gestation pour autrui ne tombe pas sous le coup du mandat de la Rapporteuse spécial et qu’il n’est donc pas approprié qu’elle propose des recommandations prescriptives à ce sujet. 

L’Espagne a voulu savoir quelles étaient les types de structures susceptibles de protéger les droits des enfants issus de mère de substitution, tandis que l’Irlande s’est déclarée en faveur de l’établissement de mécanismes de contrôle dans le cadre de la maternité de substitution.  Elle a d’ailleurs encouragé les États Membres à assurer la tenue d’un registre sur cette question. 

L’Union européenne a voulu savoir comment déterminer l’intérêt d’un enfant né d’une mère porteuse ainsi que le rôle des intermédiaires. 

L’heure est venue d’élaborer des normes internationales pour harmoniser les différentes approches juridiques en matière de gestation pour autrui, a concédé la Fédération de Russie, qui a toutefois appelé la Rapporteuse spéciale à s’abstenir de promouvoir des « concepts controversés ».

Le Royaume-Uni a voulu savoir comment réglementer la naissance d’enfants nés de violence sexuelle en période de conflit.  Il a également annoncé qu’une conférence sur les abus en ligne se tiendra les 11 et 12 décembre prochain à Addis-Abeba avec « WePROTECT Global Alliance » sous les auspices de l’Union africaine dans le but de sensibiliser sur les dangers de l’exploitation sexuelle en ligne.

Réagissant à ces commentaires, Mme Maud De Boer-Buquicchio a d’emblée reconnu que la question dont elle a été saisie est « complexe et controversée » et que cette problématique ne relève pas uniquement des droits de l’enfant.  Elle a, à cet égard, invité à se pencher sur les conséquences sur le long terme de la maternité de substitution et souhaité que la communauté internationale puisse adopter un instrument international sur cette question.  Mais « nous n’en sommes pas encore là », a-t-elle fait observer. 

En traitant de la maternité de substitution, elle a admis qu’il y a peu de problèmes graves qui se présentent car souvent, la mère porteuse et les futurs parents passent un accord initial.  Cependant, a-t-elle nuancé, souvent la mère de substitution ne peut pas revenir sur sa décision.  Ici, a-t-elle expliqué, d’autres droits entrent en jeu.  Une autre question revient à évaluer la capacité des parents à s’occuper de cet enfant. 

Savoir si la Conférence de la Haye doit ou non évoquer cette question ne relève pas de mes prérogatives, a estimé la Rapporteuse spéciale, qui a laissé le soin aux experts de se pencher sur la question.  Pour ce qui est de la tenue de registres auxquels l’enfant pourrait accéder, elle a jugé la démarche très importante, notamment du point de vue du droit de la santé.  Il est en effet important de connaître ses origines pour déterminer certaines maladies génétiques, a-t-elle expliqué.  Elle a aussi évoqué le risque que l’intermédiaire exerce des pressions psychologiques avant la naissance vis-à-vis de la mère de substitution, estimant que c’est là qu’intervient la question de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme Boer-Buquicchio a, par ailleurs, insisté sur le fait que le débat d’aujourd’hui ne porte pas sur des situations dans lesquelles se présentent des cas de vente d’enfants, mais sur les droits des enfants nés de mères porteuse.  « Je ne parle pas de traite mais de vente, et cette question, a-t-elle martelé, relève absolument de mon mandat. »  Elle a salué l’engagement du Royaume-Uni à examiner la question de l’exploitation sexuelle en ligne et a également voulu sensibiliser sur la situation des enfants victimes de viols qui ne sont pas accueillis à bras ouverts dans leurs familles. 

Exposé de l’Expert indépendant chargé de l’étude mondiale sur les enfants privés de liberté

M. MANFRED NOWAK, Expert indépendant chargé de l’étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté, a rappelé qu’en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, la détention d’enfants n’est autorisée qu’en dernier recours, dans le cas où des solutions non privatives de liberté ne sont pas disponibles ou ne sont pas jugées adéquates.  Or, a-t-il noté, les données recueillies pour cette étude mondiale donnent une image totalement différente.  On recense en effet 1,5 million d’enfants qui, chaque année dans le monde, sont privés de leur liberté individuelle par décision d’un tribunal ou d’une autorité administrative.  Les chiffres réels des enfants privés de liberté de facto dans tous les types d’établissements sont bien plus élevés et peuvent dépasser sept millions d’enfants par an dans le monde, a-t-il affirmé, citant notamment les hôpitaux psychiatriques et établissements spéciaux pour enfants handicapés, les gardes à vue et détentions provisoires, ainsi que les centres de détention pour migrants ou les camps militaires.

De plus, les enfants derrière les barreaux sont le plus souvent membres des groupes les plus vulnérables, discriminés, exclus et oubliés de nos sociétés contemporaines.  Ils appartiennent aux couches les plus pauvres, aux minorités ethniques et religieuses, aux peuples autochtones, aux familles de migrants ou de réfugiés, à la communauté LGBTI, ou sont des enfants handicapés mentaux ou physiques.  Ces enfants sont trop souvent séparés de leur famille ou abandonnés par leurs parents et contraints de vivre dans la rue.  Ils sont victimes d’abus, de négligence et d’exploitation.  Nos sociétés, a souligné M. Nowak, semblent avoir oublié une vérité très simple: les enfants ne devraient pas être détenus, car la privation de liberté signifie la privation de droits, de liberté d’action, de visibilité, d’opportunités et d’amour.  De fait, a-t-il fait valoir, lorsqu’un enfant commet un crime, nos sociétés doivent pardonner et recourir à des solutions non privatives de liberté tendant à la réintégration dans la société et à la réhabilitation et ne pas recourir à des mesures punitives. 

L’Expert a également fait observer que la détention des enfants est contre-productive, extrêmement onéreuse, et nuit à leur santé et à leur développement.  Elle constitue une forme de violence structurelle que les États se sont engagés à éliminer au titre de l’objectif 16.2 de développement durable, a-t-il ajouté, jugeant que les enfants ne devraient pas grandir dans des cellules ou des institutions pénitentiaires. 

M. Nowak a précisé que cette étude mondiale est la première tentative scientifique de comprendre l’ampleur de la situation des enfants privés de liberté dans le monde.  Les données recueillies indiquent une certaine diminution du nombre d’enfants détenus dans des prisons et des centres de détention provisoire, a indiqué l’Expert indépendant.  D’après lui, au moins 410 000 enfants sont arrêtés chaque année dans le contexte de l’administration de la justice, un chiffre qui n’inclut pas les enfants placés en garde à vue, dont le nombre est estimé à près d’un million par an.  Sur ce total, 94% des enfants détenus dans l’administration de la justice sont des garçons, ce qui montre que les mesures de déjudiciarisation s’appliquent plus facilement aux filles qu’aux garçons.  Bien que la privation de liberté puisse être justifiée dans des cas exceptionnels pour la prévention du crime et de la violence, elle est encore largement utilisée dans le cadre de l’administration de la justice, a-t-il observé, imputant cet état de fait au manque de ressources et à la corruption généralisée au sein de l’administration de la justice, mais aussi aux politiques « répressives contre le crime » conduisant à une criminalisation excessive du comportement des enfants. 

De plus, bien que le Comité des droits de l’enfant se soit prononcé pour une augmentation de l’âge minimum de la responsabilité pénale à au moins 14 ans, plus de 120 États maintiennent l’âge minimum à un niveau inférieur.  Estimant que les enfants qui commettent des crimes doivent être considérés comme des victimes et non comme des auteurs, il a appelé à appliquer des mesures de déjudiciarisation à tous les stades du système de justice juvénile afin de transférer les enfants dans le système de protection de l’enfance, si possible en coopération étroite avec leurs familles.  Il a aussi rappelé que, si la privation de liberté est inévitable dans les circonstances de crimes extrêmement violents, la Convention relative aux droits de l’enfant exige qu’elle ne soit appliquée que pendant la période la plus courte possible.  Les peines capitales et corporelles, ainsi que les peines de prison à perpétuité et autres peines de prison dépassant plusieurs années, ne devraient jamais être infligées à un enfant et la garde à vue ne devrait jamais dépasser 24 heures.  De même, a-t-il soutenu, la détention provisoire devrait être évitée et ne jamais dépasser 30 jours jusqu’à ce qu’une accusation soit portée au pénal et jamais plus de six mois jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu. 

M. Nowak a ensuite alerté qu’il y a actuellement au moins 330 000 enfants maintenus en détention par l’immigration, souvent pendant de longues périodes, ce qui constitue une violation flagrante du droit international.  Les recherches menées dans le cadre de l’étude mondiale montrent en outre que la rétention des migrants est particulièrement préjudiciable à la santé physique et mentale des enfants et les expose au risque d’atteintes et d’exploitation sexuelles.  De fait, les États devraient interdire toutes les formes de détention des enfants et de leurs familles liées à la migration, donner aux enfants réfugiés un accès rapide aux procédures d’asile et à l’assistance humanitaire et veiller à ce que les enfants migrants et réfugiés ne soient jamais séparés de leur famille, a souligné l’Expert indépendant. 

Il a par ailleurs indiqué que le nombre total d’enfants placés dans des institutions semble avoir diminué ces dernières années, passant de 8 millions à environ 5,4 millions.  Ce chiffre reste cependant alarmant, a-t-il dit.  Bien que seul un pourcentage relativement faible de ces enfants (12,8%) ait été privé de liberté par une décision formelle d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a observé à juste titre que « le placement d’un enfant dans un établissement de soins équivaut à une privation de liberté », a-t-il rappelé.  Il a invité les États à adopter une politique globale de désinstitutionalisation en développant des structures de type familial et des solutions similaires non privatives de liberté. 

Notant, d’autre part, qu’environ 35 000 enfants sont actuellement détenus dans le cadre de conflits armés, il a également recommandé aux États de reconnaître ces enfants principalement comme des victimes et de donner la priorité à leur réadaptation et à leur réintégration.  De plus, il est selon lui nécessaire de ne pas détenir, poursuivre ou punir les enfants uniquement sur la base de leur appartenance à des forces ou groupes armés.  Or, a-t-il observé, ces dernières années, des groupes armés non étatiques, qualifiés de « terroristes », ont recruté des milliers d’enfants, ce qui contrevient au droit international, et les données rassemblées dans l’étude suggèrent qu’au moins 1 500 enfants ont été détenus dans le contexte de la sécurité nationale.  En dehors des conflits armés, ces enfants risquent davantage d’être détenus sans inculpation ni procès pendant de longues périodes et d’être poursuivis devant des tribunaux pour adultes ou des tribunaux militaires sans garanties de justice appropriées, a relevé l’Expert indépendant. 

M. Nowak a exhorté les États à créer un système approprié de collecte de données au niveau national, associant tous les ministères et autres organismes publics concernés, et les a encouragés à ratifier le troisième protocole facultatif qui prévoit une procédure de communication afin de permettre aux enfants de demander davantage de réparations pour les violations de leurs droits fondamentaux.  Enfin, il les appelés à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à mettre en place des mécanismes nationaux de prévention indépendants, dotés d’une expertise particulière pour se rendre dans des lieux où les enfants sont ou pourraient être privés de liberté. 

Dialogue interactif

La Belgique a relevé que les données ventilées sur les enfants en détention ne sont pas disponibles dans tous les pays du monde et que cette absence ne permet donc pas de dresser un tableau complet de la situation.  Elle a voulu savoir comment garantir un bon partage des informations en vue d’assurer une amélioration du sort des enfants en détention. 

La Fédération de Russie a estimé que les informations contenues dans le rapport de l’Expert pourraient alimenter les travaux d’organes compétents en matière de justice juvénile.  Elle s’est inquiétée de l’absence de limites raisonnables concernant l’âge et la personnalité juridique des enfants.  Elle a également exprimé son désaccord avec les recommandations en faveur de la création d’un mécanisme de suivi et de diffusion des résultats de l’étude, rappelant à cet égard son opposition à la création de toute structure bureaucratique superflue.  Enfin, elle a jugé que les réponses apportées pourraient constituer une approche efficace si elles n’étaient pas isolées mais menées dans le cadre des travaux d’un État pour améliorer la situation des mineurs. 

Quelles que soient les conditions de détention, la migration constitue toujours un élément aggravant pour les enfants, a relevé pour sa part le Liechtenstein, qui a voulu en savoir davantage sur les violences sexuelles dont sont victimes les enfants privés de liberté en situation de conflit. 

Quel rôle peut-on envisager pour le système onusien et pour la société civile dans le suivi de cette étude mondiale? a demandé à son tour la Suisse, qui a par ailleurs voulu savoir ce que l’Expert retient de ses contacts avec ces enfants privés de liberté.  Et quelles sont les meilleures pratiques recueillies? a ajouté le Mexique, qui a expliqué avoir lancé une initiative intitulée « Itinéraire de migration intégral » avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de l’Organisation internationale pour les migrations et de l’UNICEF.  Il a aussi mis en place des modèles de prise en charge des enfants migrants afin de leur permettre une meilleure intégration. 

L’Union européenne, qui a rappelé qu’elle avait financé la réalisation de cette étude, a souhaité savoir comment interpréter les chiffres contenus dans le rapport en termes méthodologiques. 

La Colombie a indiqué qu’elle avait fourni des informations pour l’élaboration de l’étude qui représente à ses yeux un exemple réussi de la coopération internationale et interinstitutions. 

Autre contributeur financier de cette étude, l’Autriche a voulu connaître des exemples positifs de formation du personnel judiciaire et des forces de police.  Par ailleurs, comment diffuser de manière efficace les éléments contenus dans ce rapport?

À son tour, le Qatar a insisté sur l’importance de l’éducation pour mettre les enfants à l’abri des éléments susceptibles de les priver de liberté. 

Il était temps d’avoir une étude montrant la situation mondiale des enfants privés de liberté, a commenté pour sa part le Maroc, qui a souhaité obtenir davantage d’éléments sur l’âge minimum de la responsabilité pénale. 

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a insisté sur la nécessité pour les enfants associés à des groupes armés de bénéficier d’une aide pour leur réinsertion.

Reprenant la parole, M. Manfred Nowak a mis en exergue la diminution du pourcentage des enfants privés de liberté, un chiffre qui est passé de 8 millions, selon des données de 2006, à 5,4 millions.  Il a imputé cette tendance à la baisse à l’adoption, par les États Membres, de mesures encouragées par l’ONU, notamment en Europe de l’Est ou en Asie. 

Il a également indiqué que le nombre d’enfants placés en détention préventive était passé d’un million par an à environ 410 000 aujourd’hui.  Ces résultats encourageants sont le produit de mesures déployées par les États durant toutes les étapes de la procédure judiciaire, s’est-il félicité. 

L’Expert a ensuite expliqué que les données utilisées dans l’étude émanent de sources différentes, notamment de questionnaires recueillis par l’ONU ou de bulletins officiels publiés par les États.  Malheureusement, la base de données est loin d’être complète, a-t-il reconnu, proposant aux États de l’actualiser chaque deux ans. 

S’agissant du paragraphe 100 de son rapport sur le cadre juridique, l’Expert a fait observer à la Fédération de Russie que la mention qui y est faite d’être à l’écoute de la voix des enfants découle de l’article 12 de la Convention.

Mais, a-t-il enchaîné, cette étude mondiale n’est que le départ d’un processus, et il revient à l’ONU de décider quand elle sera officiellement lancée.  Soulignant que cette étude requiert un suivi très étroit, il a précisé que c’est aux États Membres de déterminer les moyens appropriés à mettre en œuvre.  L’Expert a ensuite salué le Qatar qui l’a invité à participer à une séance de diffusion afin de faire connaître cette étude mondiale.  Une séance similaire se déroulera en Australie et en Afrique du Sud. 

Suite du débat général

M. SAM TERENCE CONDOR (Saint-Kitts-et-Nevis), qui s’exprimait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a placé les efforts pour assurer le respect des droits de l’enfant dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030, en proposant de faire une analyse du lien intrinsèque qui existe entre ces droits et le développement durable.  Une telle étude permettrait selon lui de faire la lumière sur l’impact d’un accès à la santé et à l’éducation des enfants; la protection des enfants migrants au lendemain de catastrophes naturelles et de crises humanitaires; la prévention et la protection des enfants face à la violence; mais aussi de lever les barrières qui empêchent les enfants d’avoir accès aux ressources nécessaires pour leur survie, leur croissance et leur développement.

Il a ensuite indiqué que dans sa région, l’un des plus grands problèmes de santé des enfants sont les forts taux d’obésité.  Les politiques régionales en faveur de la couverture sanitaire universelle essayent d’y remédier, a-t-il expliqué, notamment à travers la promotion de régimes alimentaires sains et l’éducation physique à l’école ainsi qu’une meilleure nutrition tant sur le plan national que régional.  Le représentant a également parlé de campagnes de vaccination nationales et régionales et de programmes d’allaitement maternel pour veiller à ce que les enfants soient protégés à la fois contre les maladies transmissibles et non transmissibles. 

M. Condor a également expliqué que les pays de la CARICOM avaient grandement profité des efforts canalisés vers les efforts nationaux et régionaux de lutte contre le VIH/sida.  Il a précisé que les États membres de la CARICOM continuent d’améliorer leurs législations pour garantir le droit à l’éducation dès le plus jeune âge, et pour faire respecter le caractère obligatoire de l’éducation primaire et secondaire.  Il s’est dit fier de la parité des inscriptions au primaire et au secondaire et a fait état d’une révision des programmes scolaires pour mettre l’accent sur les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.

Avant de conclure, le représentant n’a pas manqué de parler de l’impact des catastrophes naturelles qui frappent régulièrement sa région, et en particulier de l’ouragan Dorian, qui a frappé les Bahamas et ravagé les écoles, les maisons et les communautés sur son passage. 

M. HAU DO SUAN (Myanmar), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a expliqué que celle-ci se focalise actuellement sur quatre domaines prioritaires.  Il a tout d’abord cité l’investissement social pour sortir les enfants de la pauvreté et le renforcement des cadres législatifs dans plusieurs secteurs, en particulier la prévention de toutes les formes de violence et la protection des droits de l’enfant à l’éducation, à la santé et aux services de base.  Une amélioration des systèmes de données dans tous les secteurs des droits de l’enfant est en cours, notamment en ce qui concerne la prévalence de la violence, les impacts des changements climatiques et la mise à disposition de données ventilées par sexe.  Il a également parlé de l’intensification de la coopération avec les agences de l’ONU et avec les organisations intergouvernementales dans le but de renforcer les systèmes régionaux, la collaboration transfrontière et les politiques nationales et régionales de promotion des engagements internationaux en faveur de l’enfance. 

Parallèlement, la Commission de l’ASEAN pour la promotion et la protection des droits de l’enfant a été établie pour préparer des lignes directrices pour l’élimination de la traite des enfants et des mariages d’enfants et s’attaquer à l’exploitation en ligne et aux brimades en milieu scolaire.  L’ASEAN œuvre également à la rédaction d’une déclaration sur la protection des enfants de toutes formes d’exploitation et d’abus en ligne. 

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a noté qu’en dépit des progrès réalisés pour assurer la protection et le bien-être des enfants, il demeure des problèmes auxquels la communauté internationale doit répondre.  Ainsi, a-t-elle relevé, si on constate des mesures plus strictes pour protéger les enfants contre l’exploitation, ces derniers restent vulnérables aux violations de leurs droits qui sont d’ailleurs souvent négligés.  Mais, aux yeux de la représentante, les enfants sont d’abord les premières victimes des conflits armés.  À cet égard, a-t-elle souligné, l’année écoulée a été la pire année pour ces enfants.  Les enfants vivant sous occupation étrangère sont régulièrement détenus et soumis à la torture.  « Cette triste réalité est celle du territoire du Jammu-et-Cachemire, sur lequel un voile des ténèbres s’est abattu après son annexion par l’Inde, le 5 août. »  La déléguée a fait état d’arrestations arbitraires et d’enlèvements d’enfants par les forces d’occupation.  Elle a comparé le sort des populations locales à une « vie en cage ».  Ces faits, a-t-elle affirmé, sont d’ailleurs repris dans les rapports du Conseil des droits de l’homme.  Elle a donc appelé l’UNICEF à assumer ses responsabilités pour protéger les enfants du Jammu-et-Cachemire occupé, car « il ne peut y avoir de témoins silencieux ». 

Mme AKANE MIYAZAKI (Japon) a déclaré que voici 25 ans que son pays a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant.  Dans ce cadre, le Japon a réaffirmé son engagement pour les droits de l’enfant, notamment en rejoignant l’initiative de l’UNICEF « Une promesse mondiale: pour chaque enfant, tous ses droits ».  Le Japon travaille en outre avec la société civile, qui a d’ailleurs participé à l’élaboration du Plan national d’action visant à mettre fin à la violence faite à l’enfant. 

Suivant une recommandation du Comité des droits de l’enfant, le Japon a amendé sa loi sur le bien-être et renforcé ses outils de protection et de prévention de la violence, notamment pour interdire les châtiments corporels.  Le Japon applique également cette politique à l’étranger et a, dans ce contexte, contribué à hauteur de 5,9 millions de dollars au Fonds pour l’élimination de la violence envers les enfants.  Cet argent sert à financer 12 projets humanitaires en Ouganda et au Nigéria.  Il a, par exemple, permis de libérer 1 900 enfants des mains de groupes armés au Nigéria, a indiqué le représentant. 

Mme AL ABTAN (Iraq) s’est réjouie du trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui sera célébré en novembre prochain, et a rappelé que son pays a ratifié cet instrument des droits de l’homme en 1994.  Dans ce cadre, le Gouvernement iraquien s’emploie à promouvoir et à protéger les droits de l’enfant, comme en atteste sa contribution à la campagne d’information menée par l’UNICEF dans le pays.  La représentante a d’autre part rappelé que l’Iraq vient de créer un département consacré exclusivement à la protection des enfants sans abri.  Le pays a aussi adopté une loi sur l’éducation obligatoire pour empêcher le travail des enfants, en particulier dans le milieu informel.  La déléguée a salué à cet égard la collaboration de son pays avec la communauté internationale et les agences onusiennes pour mettre fin à ce fléau et offrir aux enfants un environnement « loin de toutes violations ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Cinquième Commission: selon le secrétaire général, l’ONU aura besoin de 2,87 milliards en 2020, si elle survit d’abord au déficit « le plus vertigineux de la décennie »

Soixante-quatorzième session,
2e séance – matin
AG/AB/4330

Cinquième Commission: selon le secrétaire général, l’ONU aura besoin de 2,87 milliards en 2020, si elle survit d’abord au déficit « le plus vertigineux de la décennie »

Le Secrétaire général a proposé, ce matin, à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires, un projet de budget de 2,87 milliards de dollars pour 2020, le premier budget annuel depuis les années 70.  En demandant une enveloppe de 2,7% de moins par rapport à 2019, M. António Guterres a poussé un cri d’alarme face au déficit financier de l’Organisation, « le plus vertigineux de la décennie ».  « Nous risquons d’entamer le mois de novembre sans argent pour payer les salaires », a-t-il averti.

Le passage d’un budget biennal à un budget annuel a été un pas « énorme » vers une budgétisation plus réaliste et plus axée sur les résultats, s’est félicité le Secrétaire général, avant de présenter aux États Membres son enveloppe pour 2020 qui montre une baisse de 79,2 millions de dollars et de 96 postes par rapport à 2019, « malgré les initiatives supplémentaires et les nouvelles activités », s’est-il enorgueilli.  Outre les 643,9 millions de dollars destinés aux missions politiques spéciales, M. Guterres a cité l’allocation de 3,3 millions supplémentaires à des projets de coopération technique, de 2,4 millions à la culture du changement et au perfectionnement du personnel, de 17,8 millions au Mécanisme international* pour la Syrie et de 18,2 millions à l’appui aux activités découlant des résolutions des principaux organes de l’ONU. 

Toutefois, les gains de la réforme budgétaire sont mis en péril par la crise financière « grave » que traverse l’ONU, a mis en garde le Secrétaire général.  « L’équation est simple: sans liquidités, le budget ne peut pas être proprement exécuté », a-t-il mis en garde, soulignant que le manque de liquidités a compromis l’exécution des mandats en 2019.  Si les États Membres ne prennent pas les mesures qui s’imposent pour régler ce déficit, « le plus vertigineux de la décennie », a-t-il averti, nous risquons d’épuiser les réserves de liquidités des opérations de paix fermées et d’entamer le mois de novembre sans argent pour payer les salaires.  Déjà, la semaine dernière, M. Guterres a été contraint de prendre des mesures extraordinaires pour survivre à une « pénurie sans précédent de cash », en gelant le remplacement des postes vacants.  Il suffirait pourtant, a-t-il tranché, que les États Membres paient leurs contributions à temps et dans leur intégralité.

La « rétention délibérée » des contributions ou les « coupes arbitraires » ne devraient pas avoir leur place à l’ONU, a dénoncé l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  Mais c’est une réalité à laquelle nous avons affaire depuis des années, a déploré l’organisation régionale, appelant à mettre fin à ces « contraintes artificielles », sous peine de mettre l’ONU en échec.  « Ce n’est pas maintenant qu’il faut utiliser les liquidités pour affaiblir l’Organisation », a renchéri le Canada.  Les esprits les plus brillants du Secrétariat devraient pouvoir se concentrer sur la réforme et la réalisation des mandats plutôt que sur la gestion des liquidités et la survie quotidienne, a estimé à son tour l’Union européenne (UE).

« Nous ne ménagerons aucun effort dans notre recherche de gains d’efficience », ont confirmé les États-Unis pour lesquels le passage à un budget annuel est l’occasion de prendre du recul et de réévaluer les ressources vraiment nécessaires à la réalisation des mandats.  Les États-Unis ont d’ailleurs noté que « peu de départements et de bureaux ont saisi cette occasion pour identifier et éliminer les doublons ».  Ils s’en sont également pris à la pratique budgétaire consistant à rajouter des dépenses et à actualiser les coûts à posteriori, craignant que l’enveloppe proposée ne gonfle de 200 millions de dollars. L’annualisation du budget devrait permettre de venir à bout de cette pratique, se sont-ils réjouis.

Loin de partager cet enthousiasme, le Groupe des 77 et la Chine ont reproché à M. Guterres son « mépris » de la procédure budgétaire, en vertu de laquelle l’Assemblée doit d’abord statuer sur les programmes de l’ONU, sur la base des recommandations du Comité du programme et de la coordination (CPC), avant de se prononcer sur le budget.  Or, c’est la première fois que le plan-programme est soumis à l’Assemblée sans recommandation du Comité, a déploré le Groupe, comparant la situation à celle d’un État qui n’aurait « ni plan, ni priorité nationale pour bâtir son budget ».  Examiner un projet de budget sans l’approbation du Comité est tout simplement « inacceptable », a tranché la Fédération de Russie, une position résumée par la Chine dans le vieil adage: « La préparation assure le succès et l’impréparation, l’échec. »

Le Secrétaire général a répondu en rappelant aux États Membres la spécificité du système onusien, qui le contraint à mettre en œuvre un budget en 2019, sur la base de programmes adoptés par l’Assemblée générale à la fin 2016, avant même sa prise de fonction.  « Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de pays dans le monde qui mettent en œuvre leur budget sur la base de programmes et plafond budgétaires décidés trois ans avant », a taclé M. Guterres. 

Le Myanmar et la Syrie ont tous deux dénoncé le financement par le budget ordinaire des Mécanismes d’enquête dans leurs pays, pour des montants respectifs de 15 et 17,8 millions de dollars.  S’agissant, en particulier, du Mécanisme international pour la Syrie, la Fédération de Russie s’est demandé par quel tour de passe-passe il a atterri dans le budget ordinaire alors qu’il était censé être financé par des contributions volontaires.

La Commission a adopté sans vote un projet de résolution recommandant à l’Assemblée d’autoriser les Comores, Sao Tomé-et-Principe et la Somalie à participer à ses votes jusqu’à la fin de sa soixante-quatorzième session.  Elle tiendra sa prochaine séance publique vendredi 11 octobre, à partir de 10 heures, sur l’amélioration de la situation financière de l’ONU.

* Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables.

PLANIFICATION DES PROGRAMMES ET PROJET DE BUDGET-PROGRAMME POUR 2020 (A/74/6 - Sect. 2 à 36)

Déclaration liminaire

Avant d’en venir à sa proposition budgétaire, le Secrétaire général de l’ONU a d’abord voulu dire quelques mots sur l’état actuel du processus de réforme, d’autant plus qu’il s’agit du premier budget présenté conformément à cet agenda.  M. ANTÓNIO GUTERRES est donc revenu sur les résolutions que l’Assemblée générale a adoptées comme feuilles de route pour le pilier « paix et sécurité », le système du développement et la gestion de l’Organisation.  Ces initiatives, a estimé le Secrétaire général, feront de l’ONU une organisation plus agile et plus efficace dans l’exécution de ses mandats et plus réactive et responsable vis-à-vis des États Membres.

En 2020, a-t-il expliqué, les efforts porteront sur la mise en œuvre des réformes, en en tirant les avantages et en faisant les ajustements nécessaires.  Pour ce faire, a prévenu le Secrétaire général, il nous faut des fonds adéquats et constants.  Les réformes avancent, a-t-il assuré, après s’être attardé sur quelques éléments. 

Le Secrétaire général est ensuite entré dans le vif du sujet.  En 2017, a-t-il rappelé, les États Membres ont approuvé le plus grand changement dans le processus de planification et de budgétisation depuis les années 70.  Le passage d’un budget biennal à un budget annuel a été un pas « énorme » vers une budgétisation plus réaliste et un accent plus marqué sur les résultats.  Cette initiative va améliorer la fiabilité des estimations et nous permettre de nous adapter plus rapidement aux changements apportés aux mandats.  L’initiative va aussi nous permettre d’ajuster notre planification, en nous fondant sur la véritable performance des programmes, et donc d’améliorer l’exécution des mandats et d’avoir des administrateurs véritablement comptables de leurs actes. 

La proposition budgétaire actuelle est un processus, a poursuivi le Secrétaire général, en rappelant que l’Assemblée générale a fixé une période d’essai jusqu’en 2022.  Nous tiendrons compte, a-t-il assuré, des directives que nous donneront les États Membres sur le format maintenant que l’on commence à préparer le budget annuel pour 2021.

Pour 2020, il a attiré l’attention sur les informations concernant les trois piliers de la réforme et la manière dont ils devraient contribuer à des résultats concrets.  Certains de ces résultats sont soulignés dans la proposition présentée aujourd’hui.  Ma proposition budgétaire s’aligne, en effet, directement avec les priorités fixées par l’Assemblée générale, a souligné le Secrétaire général.  Pour la première fois, le document comprend le Plan-cadre qui met en lumière l’orientation politique des Nations Unies, les objectifs et les stratégies à long terme et les futurs défis.

La seconde partie est le Plan-programme, a expliqué le Secrétaire général.  Pour la première fois, la proposition budgétaire comprend un programme de planification et de performance ainsi que les ressources affectées et non affectées à des postes.  Ceci nous a permis d’écourter le cycle d’environ deux ans et de rapprocher les rapports sur les plans, les budgets et la performance du point de mise en œuvre.  La proposition budgétaire comprend des informations plus riches et plus concrètes sur le travail de l’Organisation et la manière dont elle contribue aux résultats.  Plus d’un millier d’exemples illustrent les changements que l’Organisation a contribué à apporter, soit le double du nombre des précédents indicateurs de résultats. 

Pour présenter une planification plus souple, nous indiquons pour la première fois, « un défi » et « une réponse » pour chaque sous-programme pour montrer comment l’Organisation entend tenir compte des anciennes performances et des enseignements tirés.  Nous présentons les informations dans un format plus accessible et l’accent est mis sur ce que nous faisons pour nos bénéficiaires.  La nature changeante de notre travail est décrite au fil des ans avec des explications sur les variations.  Le résultat de ce processus, s’est réjoui le Secrétaire général, est plus substantiel et plus proche de la réalité de notre travail.  Les administrateurs de programme ont adopté une approche moins en silo dans leur planification pour veiller à ce que les différents domaines de leur travail soient reflétés.

La troisième partie de la proposition budgétaire, a poursuivi le Secrétaire général, porte sur les ressources nécessaires aux postes et aux objets de dépense autres que les postes.  Pour faire notre travail et parvenir aux résultats escomptés, nous avons besoin de 2,87 milliards de dollars, a précisé le Secrétaire général, ce qui représente une croissance nulle par rapport à 2019, malgré les initiatives supplémentaires et les nouvelles activités.  Conformément à la méthodologie budgétaire, la proposition comprend une somme de 71,6 millions de dollars pour la première actualisation des coûts, portant le montant total à 2,94 milliards de dollars.  Il s’agit là, a dit le Secrétaire général, d’une baisse de 96 postes.  La proposition budgétaire, a-t-il ajouté, prévoit aussi la somme de 643,9 millions de dollars pour les missions politiques spéciales.

Ces chiffres reflètent quatre domaines de changements et d’abord, pour maximiser l’appui à la réalisation des objectifs de développement durable, nous proposons, a expliqué le Secrétaire général, d’accroître le financement des projets de coopération technique de 3,3 millions de dollars, soit 10%.  Deuxièmement, nous comptons consacrer une somme de 2,4 millions de dollars à la culture du changement et le perfectionnement du personnel.

Troisièmement, nous proposons une somme de 17,8 millions de dollars, dont 60 postes temporaires, pour le Mécanisme international pour la Syrie. Quatrièmement, nous ajoutons une somme de 18,2 millions de dollars pour appuyer les activités découlant des résolutions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité, du Conseil économique et social et du Conseil des droits de l’homme.  Mais, a précisé le Secrétaire général, nous avons fait des réductions de 59,2 millions de dollars, sans affecter la pleine mise en œuvre des mandats.  Pour la première fois, a-t-il fait observer, l’Organisation a eu recours à Umoja pour préparer la proposition budgétaire.

L’Organisation, n’a pas caché M. Guterres, fait face à une crise financière grave.  L’équation est simple: sans liquidités, le budget ne peut pas être proprement exécuté.  Pour cet exercice biennal, a-t-il averti, l’exécution du budget n’est plus tirée par la planification des programmes mais la disponibilité des fonds.  En 2019, les administrateurs ont reçu l’ordre d’ajuster les recrutements et les dépenses non affectées aux postes.  Cela n’a fait que compromettre l’exécution des mandats et empêcher les efforts visant à se concentrer davantage sur les résultats.

Cela veut dire aussi, a estimé le Secrétaire général, que les structures de dépense ne sont plus une indication fiable des véritables besoins.  Elles indiquent plutôt que l’argent n’a pu être dépensé, comme et quand il fallait, parce qu’il n’a tout simplement pas été reçu à temps.  Le Secrétaire général a donc exhorté les États Membres à ne pas réduire les ressources, en se fondant sur les structures de dépense des années précédentes.  Cela ne ferait, a-t-il prévenu, qu’aggraver une situation déjà alarmante.  Au contraire, je vous exhorte à nous permettre d’utiliser l’argent non dépensé, même s’il s’agit d’une petite somme, pour compléter les réserves de liquidités.

Au début de l’année, a rappelé le Secrétaire général, j’avais proposé des mesures pour résoudre la crise financière de l’ONU.  Certaines mesures ont été bien reçues mais rien n’a été fait pour contenir la crise du budget ordinaire.  Ce mois-ci, a-t-il prévenu, nous allons vivre le déficit le plus vertigineux de la décennie.  Nous risquons d’épuiser les réserves de liquidités des opérations de paix fermées et entamer le mois de novembre sans argent pour payer les salaires.

La situation aurait été pire, a affirmé le Secrétaire général, s’il n’avait pas travaillé depuis janvier pour couper les dépenses, aligner les véritables taux de vacances de poste avec les taux approuvés et gérer l’argent mois par mois.  Sans ces mesures, a-t-il souligné, nous n’aurions pas été capables d’assurer le débat général de l’Assemblée générale et les réunions de haut niveau qui se sont tenues en septembre.

La semaine dernière, a-t-il aussi indiqué, j’ai pris des mesures extraordinaires pour survivre à une pénurie sans précédent de cash.  Les postes vacants n’ont pas été pourvus.  Les voyages seront limités aux voyages essentiels, les réunions pourront être annulées ou reportées, la diffusion en ligne des manifestations non mandatées ne sera plus disponible et l’appui aux réunions sera ajusté.  Le Secrétariat ne pourra plus assurer la gestion des manifestations non mandatées après 18 heures.  Ces mesures, a prévenu le Secrétaire général, vont affecter le travail à New York, à Genève, à Vienne et à Nairobi, sans oublier les commissions régionales.

Notre travail et nos réformes sont menacés, a martelé le Secrétaire général, qui a appelé les États Membres à honorer leur obligation de payer leurs contributions à temps et dans l’intégralité et à envisager des mesures pour lever les obstacles structurels à une gestion plus efficace des ressources.  La mise en œuvre pleine et efficace de notre programme de travail dépend de l’appui financier des États Membres qui doivent adopter un budget réaliste et payer leurs contributions à temps, pour maintenir l’ONU sur un socle financier pendant toute l’année.  Le Secrétaire général a dit attendre l’appui « enthousiaste » des États Membres.

Premier rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (A/74/7)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/74/6).  Il prend note que le montant des ressources demandées pour 2020 s’élève à 2 868,3 millions de dollars avant actualisation des coûts, y compris un montant de 643,9 millions de dollars, ce qui représente une diminution de 79,2 millions de dollars (2,7%) par rapport au montant révisé du crédit ouvert pour 2019.  Les recommandations que fait le CCQAB aboutiraient à réduire de 11 380 700 dollars au total, avant actualisation des coûts, l’enveloppe proposée.

Dans ses commentaires, le Comité note qu’un effectif total de 10 064 postes est proposé, ce qui représente une augmentation nette de 25 postes par rapport à 2019.  Le Comité constate de nouveau avec préoccupation que la composition du tableau d’effectifs proposée pour le Secrétariat dans le projet de budget fait apparaître une fois de plus une augmentation du nombre des postes de classe D-1 et de rang supérieur et déplore l’absence d’information concernant les mesures prises pour inverser cette tendance, en dépit des demandes formulées par l’Assemblée générale dans ses résolutions.

Il note aussi que le montant total des quotes-parts hors budget ordinaire est estimé à 369,5 millions de dollars, soit une augmentation de 25,2 millions de dollars (7,3%) par rapport à 2019, alors que celui des ressources extrabudgétaires est porté à 12,4 milliards de dollars pour 2020, soit une augmentation nette de 78,2 millions de dollars (0,6%) par rapport à l’année dernière.

Le projet de budget prévoit également une liste de propositions supplémentaires, notamment les crédits concernant les projets de construction en cours; le projet de budget de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda; les incidences administratives et financières des recommandations de la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies; et l’état d’avancement de la gestion souple de l’espace de travail au Siège de l’ONU.  Le Comité consultatif note également que dans sa résolution 2476 (2019), le Conseil de sécurité a décidé de créer une mission politique spéciale en Haïti, qui remplacera la mission actuelle, à compter du 16 octobre 2019.

En outre, un certain nombre d’autres propositions pourraient avoir une incidence sur le projet de budget pour 2020, notamment les prévisions révisées concernant les mandats nouveaux et élargis découlant des décisions du Conseil des droits de l’homme et du Conseil économique et social et la proposition du Secrétaire général sur le dispositif de prestation de services centralisée au Secrétariat.

Le Comité consultatif estime toutefois que le projet de budget-programme pour 2020 ne répond pas pleinement aux demandes spécifiques formulées par l’Assemblée générale dans sa résolution 72/266.  Tout en étant conscient des difficultés que pose le passage à un exercice budgétaire annuel, le Comité consultatif estime que la tâche est rendue plus difficile encore du fait de la présentation fragmentée de l’information budgétaire, de l’absence d’informations sur les variations entre les ressources demandées pour 2020 et les crédits ouverts pour 2019 et des incidences qu’a la présentation révisée sur la procédure d’examen elle-même.  Globalement, il estime que la nouvelle présentation budgétaire proposée par le Secrétaire général, en ne faisant pas clairement et explicitement le lien entre les ressources demandées et les activités dont le Secrétariat est chargé en vertu de son mandat, ne favorise pas la cohérence d’ensemble du budget.

Dans la nouvelle présentation, l’information relative aux programmes et l’information financière pour chaque sous-programme ou composante se trouvent dans plusieurs parties du fascicule budgétaire et du document complémentaire, alors qu’auparavant elles étaient présentées ensemble, le document complémentaire venant apporter des précisions pour permettre une analyse approfondie des diverses catégories de dépenses.  Par ailleurs, le Comité consultatif rappelle ses observations selon lesquelles les cadres de budgétisation axée sur les résultats devraient continuer de faire état de mesures spécifiques des résultats et que les listes détaillées de produits par programme devraient continuer à figurer dans le document budgétaire.

Le Comité considère que la liste complète des produits, qui rend compte de toutes les activités à mener aux fins de l’exécution des mandats et permet de justifier dans le détail les ressources demandées, doit figurer dans le projet de budget, dont il fait partie intégrante, et non pas dans le document complémentaire, qui n’est pas un document officiel de l’Organisation publié dans les six langues officielles.

Le Comité consultatif recommande que, pour les projets de budget annuel devant encore être établis au cours de la période expérimentale (2021 et 2022), l’Assemblée générale prie le Secrétaire général de veiller à ce que les observations formulées ci-dessus soient prises en compte en vue de remédier aux défauts constatés.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MAJED S. F. BAMYA (Palestine) a souligné « l’urgence et la complexité » du passage au premier budget-programme annuel en presque 45 ans.  Il a noté que, depuis l’adoption d’une budgétisation par programme en 1974, son groupe ne cesse d’insister sur l’importance de la planification des programmes et du Comité du programme et de la coordination (CPC) dans l’accomplissement des mandats onusiens.  En tant que « fervent défenseur du CPC », a-t-il poursuivi, le G77 et la Chine souhaitent insister sur l’importance de ses travaux en tant que « principal organe » de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC) en matière de planification, programmation et coordination.  À leurs yeux, le CPC et « son travail acharné » sont en effet les garants de la capacité de l’Assemblée à guider et à assurer un suivi de la planification des programmes, notamment afin d’éviter les doublons.

Dans ce cadre, le représentant a exprimé la vive préoccupation de son groupe face au manque de respect par le Secrétaire général des décisions prises par l’Assemblée dans sa résolution 72/266 A.  « Une période probatoire, comme celle dans laquelle nous nous trouvons, n’est pas sans difficultés, mais cela ne saurait expliquer le mépris apparent de certaines règles et procédures établies », a déploré le représentant, en référence notamment au « format des programmes et sous-programmes ».

C’est la première fois que le plan-programme est soumis à l’Assemblée sans la moindre recommandation du CPC », a ainsi regretté le représentant.  Mon groupe s’attend à ce que ce soit aussi la dernière, a-t-il martelé, insistant sur le respect de l’ordre chronologique de présentation du plan-programme, puis du budget-programme.  Dans ce cadre, le représentant s’est dit extrêmement préoccupé par le séquençage de l’élaboration par le Secrétariat du budget-programme, « qui nous est présenté sans un plan-programme approuvé dans une enceinte intergouvernementale ».  Cette situation, s’est-il emporté, est l’équivalent d’un État qui n’aurait « pas de plan ou priorité nationale pour bâtir son budget ».  Le suivi intergouvernemental du processus budgétaire et des orientations programmatiques offert par le CPC ne saurait être « sous-estimé, et encore moins ignoré », a-t-il insisté.

Compte tenu du calendrier serré de la Cinquième Commission, le représentant a indiqué que son groupe est prêt à faire preuve de souplesse.  Il a toutefois insisté sur le respect à l’avenir de la séparation entre le processus d’examen du plan-programme et du budget, en dépit de leur lien étroit.  C’est, selon lui, d’autant plus important « qu’aucun accord sur les sections du budget ne peut être convenu sans se baser sur les programmes et sous-programmes correspondants ».

M. JOÃO PEDRO VALE DE ALMEIDA, de l’Union européenne, a indiqué que plus que jamais l’ONU est appelée à relever de nouveaux défis de manière flexible et intégrée.  Elle doit être plus dynamique dans un monde en évolution rapide et efficace pour servir les peuples.  En passant à un cycle budgétaire annualisé, le budget-programme devrait être capable de refléter cette réalité et le besoin de souplesse, a estimé le délégué.  Il devrait être stratégique avec un niveau global de ressources qui assure une prestation efficace à la fois au Siège et encore plus sur le terrain.  Le budget devrait fournir suffisamment de flexibilité au Secrétaire général et à son équipe pour obtenir des résultats tout en attirant des gains d’efficacité à tous les niveaux de l’Organisation.

Des progrès ont déjà été réalisés à cet égard, a indiqué M. Vale de Almeida et l’Union européenne reste un fervent supporter du programme de réforme.  Il a ajouté que d’autres mesures auraient pu et doivent être prises pour renforcer la réactivité du budget-programme.  Toutefois, a temporisé M. Vale de Almeida, les esprits les plus brillants du Secrétariat devraient se concentrer sur la réforme et la délivrance des mandats, et non sur la gestion des liquidités et la survie quotidienne en espèces.  Il a appelé dans la foulée les États Membres à verser la totalité de leurs contributions en temps opportun afin d’éviter de rendre le processus budgétaire trop rigide. 

Le délégué a promis que, lorsque la Cinquième Commission examinera les propositions du Secrétaire général, l’Union européenne fera en sorte que « nos décisions collectives » lui permettent de faire face aux menaces à la paix et à la sécurité internationales, de défendre les principes de l’état de droit et les droits de l’homme, pour soutenir les objectifs de développement durable et pour prendre des mesures contre le réchauffement climatique.  Cette Commission joue un rôle clef en appui à la vision du Secrétaire général et aux mesures visant à améliorer les structures et à parvenir à une décentralisation plus intelligente, à plus de transparence et à une responsabilisation plus robuste.  Tout cela doit être reflété dans le projet de budget-programme.  En tant que fervent défenseur d’un multilatéralisme efficace, l’Union européenne, a déclaré son délégué, réitère son engagement à fournir les ressources nécessaires à l’Organisation pour qu’elle puisse remplir les mandats que les États Membres lui ont confiés.  « Nous continuerons également d’appuyer le processus de réforme pour que l’ONU fonctionne plus efficacement », a assuré M. Vale de Almeida.

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a déclaré que le passage au budget annualisé est une occasion pour l’ONU d’améliorer ses processus de budgétisation.  En même temps, nous ne devrions pas perdre de vue les procédures établies et éprouvées qui ont facilité les discussions rigoureuses et saines sur le budget au cours des dernières années.  L’ASEAN, a ajouté le représentant, a pris note des commentaires du CCQAB sur le nouveau format de présentation du budget et reconnaît qu’il est possible de l’améliorer.  Nous reconnaissons aussi que la transition est extrêmement complexe, et nous encourageons le Secrétariat à s’appuyer continuellement sur les meilleures pratiques, a dit M. Gafoor qui a aussi indiqué que, même si le budget ordinaire n’a pas augmenté en termes réels, les mandats des Nations Unies continuent de multiplier régulièrement.  Nous devons être réalistes.  Nous ne pouvons pas exiger de l’Organisation qu’elle fasse plus tout en lui donnant moins.

L’ASEAN, a-t-il dit, réitère sa ferme conviction que les ressources de l’ONU doivent être alignées avec les mandats.  Les réductions arbitraires ou la rétention délibérée des contributions ne devraient pas avoir leur place à l’ONU mais c’est une réalité à laquelle nous avons affaire depuis des années.  Si rien n’est fait, a prévenu le représentant, ces contraintes « artificielles » ne feront que mettre l’ONU en échec.  Le Secrétaire général a exprimé son engagement à produire des résultats sur le terrain et les États Membres devraient faire leur part pour soutenir sa volonté de produire des résultats en joignant l’acte à la parole.  

Au nom de la Suisse et du Liechtenstein, M. JÜRG LAUBER (Suisse) a estimé qu’« une ONU forte est une ONU capable de mettre en œuvre efficacement les mandats qui lui sont confiés par les États Membres ».  Cela signifie que l’Organisation doit disposer des moyens nécessaires pour s’acquitter de ses mandats.  Le représentant a salué les propositions de réforme qui ont été adoptées jusqu’à présent et leur mise en œuvre « rapide ».  Il est cependant nécessaire, a-t-il dit, d’aller beaucoup plus loin.  Il a voulu que l’on trouve une solution au problème persistant de liquidités.  Dans ce cadre, le représentant a soutenu le renforcement du « rôle de directeur administratif » confié au Secrétaire général.  En contrepartie, ce dernier doit garantir une « entière redevabilité » et une transparence vis-à-vis des États Membres.  Cela implique que les États Membres renoncent à une microgestion de l’Organisation telle que certains de ces États vont même jusqu’à supprimer des postes.

Le représentant a ensuite insisté sur la nécessité d’accorder à la prévention des conflits et à la médiation des ressources financières suffisantes pour exploiter tout leur potentiel.  « Il est moins cher de prévenir que de guérir », a-t-il rappelé.  Il a également appuyé fermement la poursuite des auteurs des crimes les plus graves dans le cadre du volet onusien sur l’établissement des responsabilités.  Nous soutenons donc l’intégration du Mécanisme international pour la Syrie au budget ordinaire de l’ONU, a-t-il précisé, voulant aussi que l’on n’oublie pas le pilier « droits de l’homme » du budget-programme.

M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD (Canada) a apporté son appui au projet de budget-programme du Secrétaire général et à l’idée d’augmenter le financement de la coopération technique de 3,3 millions de dollars.  S’il aurait souhaité que cette augmentation ait été plus importante, le représentant a tout de même estimé que « c’est le bon message à transmettre ».  Le bon message, a-t-il expliqué, c’est notre détermination à doter le Secrétaire général des moyens qu’il faut pour réaliser les activités sur le terrain.  C’est un message important, a insisté le représentant.  Il s’est également félicité de l’enveloppe prévue pour le perfectionnement du personnel lequel doit être capable de réaliser des tâches qui ne sont plus les mêmes qu’il y a plusieurs années.  Le représentant a conclu, en exhortant tous les États Membres à payer leurs contributions dans les délais.  « Ce n’est pas maintenant qu’il faut utiliser les liquidités pour affaiblir l’Organisation », a-t-il prévenu.

Mme CHERITH NORMAN CHALET (États-Unis) a salué le nouveau format du budget, qualifiant le passage à un exercice annuel de « succès majeur » pour le Secrétaire général.  La représentante a jugé que le nouveau format budgétaire apporte « davantage de clarté », concernant notamment les écarts par objet de dépense, et permet de produire des données agrégées et standardisées.  Tout en saluant le fait que les indicateurs de performance viennent remplacer, « à juste titre », les indicateurs de résultats, la représentante a toutefois estimé qu’il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les indicateurs de performance, notamment en utilisant des données pluriannuelles relatives à la performance.

Le passage à un budget annuel est également l’occasion de prendre du recul et de réévaluer les ressources nécessaires à la réalisation des mandats, a poursuivi la représentante, notamment à la lumière des quatre départements créés dans le cadre des réformes du Secrétaire général.  « Cependant, peu de départements et de bureaux ont saisi cette occasion pour identifier et éliminer les doublons », a-t-elle mis en garde, annonçant l’intention de sa délégation d’examiner cette question avec soin au cours de cette session.  « Nous ne ménagerons aucun effort dans notre recherche de gains d’efficience », a-t-elle insisté.

La pratique consistant à rajouter des dépenses et à réévaluer à posteriori les coûts est une autre source de préoccupation, a poursuivi la représentante qui a dit s’attendre à des dépenses supplémentaires de 200 millions de dollars.  Certains de ces ajouts sont « véritablement inattendus » et nous ferons en sorte qu’ils soient inscrits au budget, a-t-elle précisé.  « En revanche, beaucoup de ces soi-disant ajouts sont en réalité des engagements prévus ».  La représentante a rejeté cette pratique courante, selon elle, notamment dans les projets de construction.  Une pratique plus acceptable, a-t-elle estimé, consisterait à inclure en amont les estimations de fluctuation de coûts dans l’esquisse budgétaire, pour que ces dépenses additionnelles soient analysées à l’aune de l’ensemble du budget.  Par exemple, les estimations révisées du Conseil des droits de l’homme devraient avoir une ligne budgétaire propre.  « À terme, nous nous attendons à ce que le montant des ajouts diminue dans le cadre du budget annuel et à ce que la pratique d’actualisation des coûts soit éliminée », a indiqué la représentante.

Mme XUE AILONG (Chine) a insisté sur le fait que le plan-programme doit toujours être dirigé par les États Membres.  Comme le dit un vieil adage chinois: « La préparation assure le succès et l’impréparation, l’échec. »  Le processus de préparation doit tendre à la très large participation des États Membres et tenir compte, autant que possible, de leurs intérêts et leurs aspirations.  Le plan-programme doit aussi davantage se concentrer sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 car le plan-programme, c’est « la ligne directrice » des activités des Nations Unies.  Les États Membres doivent pouvoir assurer le suivi des programmes pour en améliorer l’efficacité, la transparence et la responsabilité.  À son tour, la représentante a plaidé pour le respect des fonctions du Comité du programme et de la coordination (CPC) et a insisté pour que la préparation du budget se fonde sur le plan-programme.  La logique intrinsèque de la budgétisation est en effet que l’on parte des mandats établis, aille aux programmes et aux sous-programmes et enfin aux budgets-programmes.  

Le financement, a martelé la représentante, est la fondation de la gouvernance de l’ONU et le budget-programme est la garantie qu’elle pourra accomplir sa mission et jouer son rôle.  Elle a conseillé à la Cinquième Commission de renforcer la supervision et la gestion des ressources extrabudgétaires pour veiller à leur utilisation transparente, fondée sur des règles et alignées avec les politiques des Nations Unies.  Le budget annualisé, a poursuivi la représentante, doit strictement se conformer aux résolutions de l’Assemblée générale dont la résolution 72/266 A sur le nouveau modèle de gestion pour l’Organisation.  Avant de terminer, la représentante a rappelé que la Chine est à 100% un pays en développement.  Mais, a-t-elle ajouté, c’est un pays responsable qui est le deuxième plus grand contributeur au budget ordinaire de l’ONU et à celui des opérations de paix.  À ce titre, s’est enorgueillie la représentante, la Chine a déboursé la somme de 1,4 milliard de dollars par an, « ce qui n’est pas rien ». 

Mme HMWAY HMWAY KHYNE (Myanmar) a exprimé ses réserves concernant les éléments du budget-programme liés au Mécanisme d’enquête « soi-disant » indépendant pour le Myanmar, fruit selon elle des résolutions « très polarisées, partielles, discriminatoires » du Conseil des droits de l’homme à l’encontre de son pays.  La représentante a rappelé que son gouvernement avait rejeté le Mécanisme et qu’il n’entend pas coopérer avec cette structure, qui « gaspille des ressources pour rien ».  Au total, a précisé la représentante, 35 millions de dollars ponctionnés du budget ordinaire déjà « précaire » de l’Organisation sont alloués à pas moins de sept mécanismes centrés sur le Myanmar.  Ces mécanismes, a-t-elle dénoncé, produisent des rapports « sensationnalistes » et « biaisés », outrepassent leur mandat et « font preuve d’hostilité envers un Gouvernement démocratiquement élu », en violation de la souveraineté nationale. 

À lui seul, le Mécanisme d’enquête coûtera à l’ONU 15 millions de dollars en 2020, a-t-elle indiqué.  Financé à 100% par le budget ordinaire, il représente 26% du total des dépenses pour les questions juridiques de l’ONU, a précisé la représentante, appelant à rediriger ces « dépenses disproportionnées » vers l’appui au retour dans l’État rakhine des réfugiés actuellement au Bangladesh.  De manière générale, la représentante a condamné la pratique consistant à inclure les résultats des résolutions « politisées » du Conseil des droits de l’homme dans le budget des questions juridiques.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a apporté son appui au projet de budget-programme du Secrétaire général, aux ressources financières consacrées aux postes et à la formation du personnel et au Mécanisme indépendant pour la Syrie.  La représentante a rappelé qu’en 2018, son pays a débloqué la somme 500 millions de dollars pour l’ONU et 2 millions de dollars pour le système des coordonnateurs résidents. 

M. TOSHIYA HOSHINO (Japon) a insisté sur l’importance de la transparence et de la redevabilité, « même dans le cadre d’un budget annuel ».  Aussi, le représentant a-t-il annoncé l’intention de son gouvernement d’examiner dans le détail la méthodologie utilisée pour ce premier budget annuel, afin notamment de déterminer si les augmentations de ressources et les coupes sont justifiées.  Le représentant a pris note de l’enveloppe proposée d’un montant de 2,87 milliards de dollars.  Il s’est dit prêt à en débattre de manière constructive et détaillée.  Il a dit attendre davantage d’informations sur les décisions ayant une incidence budgétaire non encore incluses dans la proposition de budget.

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a reconnu l’effort fait par le Secrétaire général pour relever les défis et s’est félicité d’un projet de budget caractérisé par une vision réaliste des besoins.  Il a appelé à une accélération du rythme des réformes pour « enraciner » la culture de gestion axée sur les résultats, fondée sur les principes de transparence et de responsabilité.  Le représentant a également dit apprécier le renforcement des initiatives de développement durable.  Le système des Nations Unies pour le développement, les missions politiques spéciales et les mécanismes des droits de l’homme doivent recevoir les ressources nécessaires.  Le représentant a salué les commentaires du CCQAB qui « nous aideront à concevoir et à trouver l’équilibre » pour que le Secrétariat ait les moyens nécessaires pour exécuter les mandats.     

M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a émis des réserves sur le budget-programme en général et sur l’inclusion, dans les estimations globales, de crédits qui n’ont pas été approuvés par le Comité du programme et de la coordination (CPC).  Le représentant y a vu une violation flagrante de la méthodologie agréée mais aussi de la discipline budgétaire.  Sur quels critères, s’est-il demandé, le Secrétaire général base-t-il ses « initiatives personnelles » dont celle d’inscrire dans le budget-programme les contributions hors-budget?  Les ressources demandées doivent dûment être séparées, a-t-il martelé, et seules comptent celles qui ont été approuvées par le CPC.  Examiner une proposition budgétaire sans l’approbation du Comité est tout simplement « inacceptable », a tranché le représentant.  

Il a invité la Cinquième Commission à prendre note de la lettre que sa délégation a envoyée au Secrétaire général le 24 avril 2019, dans laquelle elle souligne qu’avant l’adoption des résolutions de l’Assemblée générale sur le « soi-disant » Mécanisme indépendant pour la Syrie, ce dernier n’avait jamais présenté les incidences budgétaires, comme le prévoit l’article 153 du Règlement intérieur.  Les résolutions de l’Assemblée, dit encore la délégation dans sa lettre, ne comportent aucune référence aux « quotes-parts » au « budget ordinaire de l’ONU » ou au « budget-programme de l’ONU ».  Bien au contraire, il est prévu que le Mécanisme soit financé par des contributions volontaires, c’est-à-dire des sources extrabudgétaires.  Pourquoi l’enveloppe du Mécanisme figure-t-elle tout à coup dans le projet de budget et avec quelle autorisation? s’est demandé le représentant.

Il s’est aussi étonné d’une proposition budgétaire dont la principale caractéristique est un manque patent d’informations utiles.  Où se trouvent les informations sur la mise en œuvre par le Secrétariat des recommandations et des organes chargés du suivi des programmes? a, par exemple, demandé le représentant qui s’est par ailleurs inquiété que la Cinquième Commission veuille maintenant s’attaquer à l’harmonisation des programmes alors qu’elle a déjà un calendrier chargé.  

M. AJEEB (République arabe syrienne) a rejeté la mise en place du Mécanisme international, « soi-disant » impartial et indépendant.  Mon gouvernement, a-t-il martelé, ne reconnaît pas le mandat du Mécanisme, dont les activités sont « illégales ».  Il a par conséquent rejeté toute mention du Mécanisme dans le projet de budget 2020.  Le représentant a ainsi estimé que la résolution 71/248 de l’Assemblée générale portant création du Mécanisme avait été adoptée en l’absence d’un consensus, en violation des dispositions de la Charte selon lesquelles l’Assemblée ne peut se saisir d’une situation inscrite à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Le représentant a ajouté que la Syrie n’a pas été consultée sur cette initiative et a ajouté que le Mécanisme ne respecte pas les règles et procédures établies en matière de collecte de preuves.  Le représentant a par conséquent exhorté les États Membres à « ne pas coopérer avec cette entité illégale » et à « ne pas impliquer les Nations Unies dans son financement ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: les parties au Mali doivent dialoguer dans l’esprit de l’Accord de paix, prévient le Représentant spécial du Secrétaire général

8636e séance – matin
CS/13977

Conseil de sécurité: les parties au Mali doivent dialoguer dans l’esprit de l’Accord de paix, prévient le Représentant spécial du Secrétaire général

Il est « extrêmement important » que toutes les parties poursuivent le dialogue « dans le cadre de l’esprit de l’Accord de paix, qui demeure le socle pour un retour à la paix et à la stabilité au Mali », a prévenu ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), M. Mahamat Saleh Annadif, alors que le Conseil de sécurité examinait le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation dans ce pays.

Adressée par visioconférence depuis Bamako aux signataires de l’Accord d’Alger de 1995 comme aux membres du Conseil de sécurité, cette mise en garde intervient dans un contexte politique qualifié de « pas important » pour la classe politique et la société civile, à savoir le lancement des préparatifs d’un dialogue national inclusif.  Ce dialogue, qui devait initialement porter sur des consultations des parties prenantes sur la révision de la Constitution, a progressivement englobé les réformes politiques et institutionnelles majeures prévues dans l’Accord.

Malgré une diminution significative du nombre d’attaques contre des civils et du nombre de civils tués et blessés durant les trois derniers mois, le climat politique malien est aussi caractérisé, selon M. Annadif, par un « malaise ».  Ce dernier est apparu après la désignation par le Président malien Ibrahim Boubacar Keita de trois facilitateurs censés diriger l’organisation et la tenue du dialogue, à savoir le Médiateur de la République, Baba Akhib Haïdara, l’ancien Premier Ministre, Ousmane Issoufi Maïga, et l’activiste politique et ancienne Ministre du Gouvernement, Aminata Dramane Traoré. 

Cette tension a été aggravée par l’annonce faite par le Gouvernement de sa volonté de revoir certaines dispositions de l’Accord de paix durant ce dialogue, a fait observer le Représentant spécial.  Conséquence directe: certains partis d’opposition, dont la coalition Front pour la sauvegarde de la démocratie dirigée par le Chef de l’opposition Soumaïla Cissé, ont exprimé des réserves quant au choix des facilitateurs tandis que d’autres ont annoncé qu’ils ne participeraient pas au dialogue national inclusif, indique le rapport. 

Reconnaissant des retards dans la mise en œuvre de certaines dispositions de l’accord, le représentant du Mali a dit « comprendre l’impatience » des partenaires.  Ces retards sont justifiés a-t-il dit, par « le déficit de ressources financières » et « la détérioration de l’environnement sécuritaire », en particulier dans le centre du Mali où les « forces du mal » montent les populations les unes contre les autres, « alimentant les violences intercommunautaires ». 

« La multiplication des attaques terroristes ces dernières semaines dans la région du Sahel, souligne l’urgence pour la communauté internationale de s’investir davantage à nos côtés », a-t-il poursuivi, appelant la Communauté internationale à fournir à la Force conjointe du G5 Sahel « les moyens humains, matériels et financiers nécessaires à la réalisation de son mandat ». 

La situation sécuritaire reste en effet source de préoccupations dans le nord et le centre du pays, notamment avec des attaques des groupes terroristes contre les civils, ainsi que contre les forces de la MINUSMA et la Force conjointe du G5 Sahel, a reconnu le représentant de la Côte d’Ivoire.  Selon lui, le Conseil se trouve donc dans « l’urgence de poursuivre le renforcement des capacités logistiques et opérationnelles des Forces armées maliennes, notamment dans la collecte et l’analyse d’informations.  Il doit également faire preuve de pragmatisme et changer de paradigme en matière de lutte antiterroriste, y compris en s’appuyant sur les acquis du G5 Sahel. 

La protection des civils et la mobilisation de fonds nécessaires à la Force conjointe du G5 Sahel pour lui permettre de surmonter ces défis doivent être prioritaires pour le Conseil de sécurité, a aussi plaidé le représentant de l’Afrique du Sud, appelant dans le même temps les autorités maliennes et le Conseil à soutenir la médiation et le dialogue religieux, interethnique et intercommunautaire partout au Mali.

La menace représentée par les groupes terroristes exige en effet de conduire une approche globale de la situation au Mali, prenant en compte les aspects sécuritaires, humanitaires et de développement, ont plaidé l’Indonésie et la Chine.  Pour ces pays, il est déterminant de rétablir la présence de l’État dans le nord du pays, déployer les services sociaux de base, progresser dans la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et d’aligner le régime de sanctions aux principes des Nations Unies.  Les sanctions doivent permettre de soutenir les efforts de paix, et non de les saper, a approuvé l’Afrique du Sud. 

Certes, la communauté internationale ne peut rester passive face à ces attaques.  Mais la MINUSMA est une mission de maintien de la paix et non une mission de lutte contre le terrorisme, ont objecté les États-Unis, pour qui on ne peut pas continuer de soutenir une mission si les parties refusent de mettre pleinement en œuvre leur propre accord. 

Soulignant le peu de progrès réalisés par le Gouvernement malien et les signataires dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et observant que certaines parties s’en sont même retirées, la représentante américaine a déclaré: « Cela n’est pas acceptable. »  Pour elle, il est « impossible » de laisser passer une autre année sans mise en œuvre de l’Accord de paix, dont la signature remonte à 2015.  Sinon, a-t-elle prévenu, il faudra opter pour une autre approche de la paix et de la sécurité au Mali. 

LA SITUATION AU MALI - S/2019/782

Déclarations

M. MAHAMAT SALEH ANNADIF, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), intervenant par visioconférence depuis Bamako, a souligné que le rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali est présenté à un moment où « les nouvelles qui viennent de ce pays ne sont pas réjouissantes ».  Il a déploré les attaques « macabres » sur Boulikessi et Mondoro de la semaine dernière, ainsi que la mort, il y a 48 heures, d’un Casque bleu à Aguelhok et la blessure d’un autre aux environs de Bandiagara. 

Le Représentant spécial a néanmoins estimé que des avancées significatives ont été enregistrées dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, notamment les réformes politiques et institutionnelles, les questions liées à la défense, la sécurité et le développement socioéconomique. 

Au titre de ces avancées, il a cité la promulgation, en juillet dernier, de la Loi d’entente et de la loi établissant les principes fondamentaux de la création, de l’organisation et du contrôle de la zone de développement des régions du Nord, laquelle pose les « bases de la relance du développement au niveau local ». 

M. Annadif a aussi relevé la tenue, en septembre à Bamako, de l’atelier qui a validé les termes de références du dialogue national inclusif et son lancement officiel par le Premier Ministre Boubou Cisse.  Il a noté à cet égard que les principales réformes politiques et institutionnelles prévues par l’Accord figurent « en bonne place » dans les termes de référence validés. 

Depuis hier, 7 octobre, les débats ont été engagés au niveau local, et se poursuivront au niveau des cercles puis des régions, avant de remonter vers la capitale pour le débat national fin octobre ou début novembre, a-t-il précisé en félicitant la classe politique malienne et la société civile pour « ce pas important ».  Le Représentant spécial a aussi lancé un appel aux différentes sensibilités pour qu’elles prennent part au débat de manière à garantir une participation massive et « véritablement inclusive ».

Cependant, a regretté M. Annadif, la non-tenue de la trente-huitième session du Comité de suivi de l’Accord (CSA) prévue à Kidal le 17 septembre a créé « un malaise » entre les parties signataires, amplifié par l’annonce par le Gouvernement de sa volonté de revoir certaines dispositions de l’Accord à l’occasion du dialogue national inclusif.  Il a donc jugé « extrêmement important » d’appeler toutes les parties prenantes à poursuivre le dialogue dans le cadre de l’Accord qui demeure « le socle » pour un retour à la paix et à la stabilité au Mali. 

Abordant le pilier défense et sécurité de l’Accord, le Représentant spécial a expliqué que la planification du redéploiement des 1006 combattants issus du Mécanisme opérationnel de coordination, et désormais partie intégrante des Forces de défense et de sécurité maliennes, est « en bonne voie ».  Cet effectif sera porté à près de 1840.  Quant à la nomination d’un secrétaire permanent du Conseil de sécurité nationale, elle devrait, selon lui, faciliter l’adoption de la politique nationale de défense et de sécurité indispensable pour la mise en œuvre cohérente de la réforme du secteur de la sécurité au Mali. 

Avec le démarrage des activités du cadre politique de gestion de la crise du Centre, le Gouvernement malien « affiche sa détermination à remédier à la situation », s’est encore félicité M. Annadif.  Grâce à ces efforts conjugués avec ceux de la MINUSMA, il a relevé une diminution significative du nombre d’attaques contre des civils et du nombre de civils tués et blessés durant les trois derniers mois.  Il a appelé à une présence accrue des FDSM dans le Centre, en coordination avec la MINUSMA.  Il a enfin indiqué que le Gouvernement prévoit le démarrage, dès le 11 octobre, du programme de réhabilitation communautaire, qui prendra en charge le désarmement et le démantèlement des groupes d’autodéfense et les jeunes à risque, en particulier dans les régions du Centre.

Par ailleurs, la situation humanitaire dans le Centre continue de se dégrader, a averti le Chef de la MINUSMA.  Avec la reprise du cycle de la violence, le nombre des déplacements internes avoisine les 171 000, soit le chiffre le plus élevé depuis 2015.  Pour faire baisser le niveau de violence, il a jugé essentiel le retour des services de l’État, sécuritaires, judiciaires et sociaux. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER, Président du comité des sanctions établi par la résolution 2374 (2017), a indiqué que le comité s’était réuni cinq fois depuis janvier dernier et a précisé le thème de ces réunions.

Ainsi, le 7 février, il a tenu des consultations officieuses pour examiner le rapport à mi-parcours du Groupe d’experts sur le Mali, soumis au Conseil de sécurité en accord avec le paragraphe 4 de la résolution 2432 (2018).  Le 12 avril, les membres du Comité ont entendu un exposé de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten, sur la violence sexuelle au Mali.  En mars, le comité a signé avec INTERPOL un accord visant à publier et diffuser les notices spéciales d’INTERPOL et des Nations Unies.  En août, le Groupe d’experts a présenté son rapport aux membres du Conseil de sécurité. 

M. Singer Weisinger a aussi informé le Conseil de sécurité de son intention de se rendre à Bamako du 16 au 18 octobre prochain.  Il profitera de l’occasion pour s’entretenir avec les autorités et s’informer de la situation sécuritaire, de même que des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali.  Il examinera aussi les moyens de s’engager avec les autres pays de la région pour promouvoir la paix et la stabilité au Mali.  Depuis sa mise en place, le comité a inscrit huit personnes sur la Liste des sanctions, a-t-il indiqué par ailleurs.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a salué les actions menées par les autorités maliennes, notamment le lancement le 16 septembre dernier du dialogue politique qui devrait permettre à toutes les forces vives du pays de faire entendre leur voix sur les questions relatives aux réformes politiques et constitutionnelles.  La Côte d’Ivoire appelle les parties prenantes à privilégier l’intérêt national et à accorder une place aux femmes. 

La situation sécuritaire dans le nord et le centre du pays demeure une source de préoccupation; les attaques de groupes terroristes restent récurrentes, visant tant les civils, que les forces de la MINUSMA et la Force G5 Sahel.  Le Conseil de sécurité se trouve dans « l’urgence de poursuivre le renforcement des capacités logistiques et opérationnelles des Forces armées maliennes, notamment dans la collecte et de l’analyse des informations », a déclaré le représentant, se félicitant de l’adoption par le Gouvernement malien du Plan de sécurisation intégrée du centre, qui devrait contribuer à réduire les violences et les tensions intercommunautaires. 

Au regard de la situation humanitaire, le délégué a noté que le nombre de déplacés internes ne cesse de croître, citant le dernier rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour qui le nombre de ces personnes est passé de 84 300 en janvier à 168 500 en juillet de cette année.  « Tous ces paramètres, ainsi que les signaux inquiétants qui se multiplient imposent à notre Conseil d’aller plus loin et de faire preuve de pragmatisme dans le soutien à la lutte contre le terrorisme en Afrique.  Cela implique un changement de paradigme en matière de lutte contre le terrorisme, qui doit être envisagé à l’échelle sous-régionale, s’appuyant sur les acquis du G5 Sahel », a-t-il conclu. 

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a salué la qualité et l’engagement constant de la MINUSMA, qui a souffert d’attaques récemment et perdu au moins 38 soldats maliens.  La communauté internationale ne peut rester passive face à ces attaques et le conseil doit redoubler d’efforts, a-t-elle ajouté, estimant que la MINUSMA n’était « pas une mission ordinaire » et que la crise au Mali perdurait de manière dangereuse.  Les organisations terroristes opèrent en nombre inacceptable et le statu quo n’est pas acceptable, a-t-elle ainsi affirmé. 

La représentante a loué les efforts en cours pour stabiliser la situation dans le centre du pays en faveur du rétablissement de l’autorité de l’État et de la réconciliation et encouragé une plus grande participation des femmes au dialogue inclusif national.  Toutefois, elle a jugé la tendance très inquiétante: le Gouvernement et les signataires ont fait peu de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger au cours des trois mois écoulés et le manque de progrès dans le dialogue entre les parties, dont certaines se sont retirées faute de moyens, n’est pas acceptable.  On ne peut continuer de soutenir une mission si les parties refusent de mettre pleinement en œuvre leur propre accord a insisté Mme Craft.

Par ailleurs, la MINUSMA est une mission de maintien de la paix et ne peut être une mission de lutte contre le terrorisme, a prévenu Mme Craft, qui a noté que le G5 Sahel avait déjà déployé une force conjointe pour faire face à ces problèmes, force à laquelle participent les États-Unis.  Pour la représentante, il est donc impossible de laisser passer une autre année sans mise en œuvre des Accords d’Alger de 2015.  Si c’est le cas, il faudra opter pour une autre approche de la paix et sécurité au Mali, a-t-elle averti.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a salué les progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, notamment du processus de désarmement.  Toutefois, il a exprimé des inquiétudes concernant la situation dans le nord et le centre du Mali et insisté sur la nécessité d’accélérer les efforts pour assurer le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes.  Il est déterminant de rétablir la présence de l’État et de s’occuper de la situation sécuritaire dans le nord du pays, a-t-il insisté. 

Le représentant a salué les efforts de réconciliation dans le centre du pays, efforts qui sont soutenus par les partenaires internationaux.  Il a ajouté que les efforts menés en faveur de la réconciliation nationale, du rétablissement de la présence de l’État et la fourniture des services de base à la population devaient être prioritaires, de même que la réponse aux défis de sécurité.

À cet égard, M. Syihab a remercié la MINUSMA et salué ses efforts d’ajustement à la situation.  Pour l’Indonésie, il est indispensable de conduire une approche globale de la situation au Mali prenant en compte à la fois les aspects sécuritaires, humanitaires et le développement.  Le représentant a donc appelé la communauté internationale à progresser dans la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.

M. HAITAO WU (Chine) a estimé que le processus de paix et réconciliation, même s’il avance lentement, avait connu quelques progrès, notamment avec le dialogue politique qui s’est engagé entre les parties.  C’est pourquoi la communauté internationale doit continuer d’examiner la situation par la voie d’un soutien à la paix, à la stabilité et au développement.  Le régime de sanctions doit donc suivre les principes des Nations Unies, a plaidé le représentant, insistant sur les besoins en développement du Mali.

Le représentant a également déclaré que le terrorisme qui frappe le Mali devait être combattu de manière collective.  C’est pour cette raison que la Chine a octroyé 300 millions de yuans pour soutenir la Force conjointe du G5 Sahel.  La Chine, qui a déployé 420 Casques bleus au Mali, estime aussi qu’il faut dans le même temps, continuer de soutenir la MINUSMA, compte tenu du contexte difficile dans lequel la Mission est déployée.  Le soutien doit pouvoir lui permettre notamment de protéger ses soldats, a conclu le représentant. 

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a déclaré que les récentes attaques dans le pays venaient rappeler la nécessité urgente pour la communauté internationale d’apporter un soutien ferme et concret aux efforts des pays de la région dans leur combat contre le terrorisme.  Après avoir constaté la persistance de la « menace jihadiste », le représentant a exhorté à davantage de synergies et à privilégier des mécanismes et initiatives susceptibles d’affaiblir les terroristes et d’ouvrir de nouvelles perspectives en vue d’un retour à la paix.  Dans cet objectif, le dialogue national inclusif est le cadre idoine pour aborder les questions les plus épineuses, a estimé M. Esono Mbengono. 

Prenant note du report de la trente-huitième session du Comité de suivi de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali, le représentant a appelé toutes les parties maliennes à s’abstenir de se retirer du dialogue et à poursuivre les négociations.  Ce travail conjoint devrait rapidement conduire à la redistribution des services sociaux de base, des services publics, notamment au déploiement des éléments des Forces de défense et de sécurité maliennes reconstituées dans les régions du Nord, a-t-il estimé. 

M. Esono Mbengono a appuyé par ailleurs le communiqué du Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine tenu le 25 juillet dernier, ainsi que la Déclaration de Ouagadougou du 14 septembre, qui réaffirme le principe du respect de l’intégrité territoriale des États.  Il a de même soutenu le Plan quinquennal d’action d’un milliard de dollars de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) visant à l’intensification de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, y compris le trafic des armes, du tabac et des drogues. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a salué le lancement du dialogue national inclusif, qui doit contribuer à des réformes politiques et institutionnelles qui forgeront le futur État du Mali et répondront aux défis présentés par la situation dans le nord et dans le centre du pays , afin de préserver la souveraineté et l’intégrité du pays.  La pleine mise en œuvre de cet accord est essentielle et les femmes doivent participer de manière active au processus de dialogue, a poursuivi le représentant, qui s’est dit préoccupé par l’instabilité qui perdure dans le nord et le centre du pays.  Il a ainsi condamné les récentes attaques, qui ont fait de nombreux morts et a demandé que les auteurs de ces attentats soient traduits en justice.

Les hostilités intracommunautaires au centre du pays provoquent elles aussi des pertes en vies humaines -dont celles de femmes et d’enfants- et sont préoccupantes, a poursuivi le représentant.  La protection des civils doit être une priorité et le Conseil doit soutenir et donner les moyens de régler les conflits par le truchement de médiation et d’un dialogue interethnique, religieux et entre communautés partout au Mali, a-t-il insisté.

M. Matjila a salué les efforts consentis en matière de désarmement, démobilisation et réintégration, qui contribuent au redéploiement des forces maliennes au nord et au centre du pays et l’action de la MINUSMA qui aide le Gouvernement à rétablir les services destinés à la population.  Mais la communauté internationale doit de son côté mobiliser les fonds nécessaires.  Ainsi, la Force conjointe du G5 Sahel reste importante et les Nations Unies doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les défis auxquels elle est confrontée soient surmontés.

Quant aux sanctions, l’Afrique du Sud estime qu’elles doivent permettre de soutenir les efforts de paix, et non de les saper.  Il faut donc veiller à ce qu’elles ne les entravent pas de quelque manière que ce soit.  Pour le représentant, si la lutte antiterroriste n’est pas convenablement menée, tous les pays de la région en souffriront.

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a assuré que son gouvernement s’attelait actuellement « à l’organisation très prochaine du dialogue national inclusif », avant de préciser que le processus visait à établir un inventaire approfondi des problèmes puis de proposer un plan d’action avec des échéances prédéfinies.  Les consultations ont déjà commencé et doivent se terminer avant la fin du mois, a-t-il précisé.

Sur le plan de la sécurité, le représentant s’est félicité de « progrès tangibles ».  Il a évoqué notamment l’intégration de 2 000 ex-combattants au sein du programme de désarmement, démobilisation et réintégration.  La moitié d’entre eux a reçu la formation nécessaire pour pouvoir rejoindre les rangs de « l’Armée nationale reconstituée », a-t-il assuré.

Évoquant la situation dans le centre du Mali, M. Konfourou s’est inquiété: « les groupes terroristes, de narcotrafiquants, de trafiquants de migrants et autres sont bien déterminés à déstabiliser davantage le Mali, les pays voisins et la région ».  Selon lui, ces « forces du mal » montent les populations les unes contre les autres, « alimentant les violences intercommunautaires ».  Il a annoncé l’adoption d’un « Plan de sécurisation intégré des régions du centre du Mali », doté de mesures politiques et sécuritaires.

« La multiplication des attaques terroristes ces dernières semaines dans la région du Sahel, souligne l’urgence pour la communauté internationale de s’investir davantage à nos côtés », a estimé M. Konfourou.  Il a appelé à fournir à la Force conjointe du G5 Sahel « les moyens humains, matériels et financiers nécessaires à la réalisation de son mandat ».  Il a ajouté que les États membres du G5 Sahel étaient « pleinement conscients que le tout sécuritaire ne saurait apporter une paix durable » et qu’ils travaillaient ensemble à la mise en œuvre du « Programme d’investissements prioritaires » afin d’offrir des opportunités aux populations, en particulier à la jeunesse. 

Le Fonds de développement durable, l’instrument financier dédié au développement des régions du nord du Mali, a été doté de 72 millions de dollars, a encore expliqué le représentant.  Au 28 juin, le Gouvernement a déjà alloué 21% du budget national aux autorités locales sur les 30% prévus par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, s’est-il félicité, estimant que ces efforts financiers constituaient « une illustration parfaite de la volonté du Gouvernement malien de respecter l’Accord ».

La Commission justice, vérité et réconciliation, commencera ses auditions publiques en décembre prochain, a par ailleurs annoncé le représentant.  Jusqu’ici, elle a reçu 14 191 dépositions de victimes et elle conserve désormais tous les faits survenus au Mali entre 1960 et 2019, a précisé le représentant, qui a ajouté que son mandat avait été prorogé jusqu’au 21 décembre 2021.

« Je comprends l’impatience de mes partenaires concernant les retards constatés dans la mise en œuvre de certaines dispositions de l’Accord », a concédé M. Konfourou.  Il les a justifiés par « la détérioration de l’environnement sécuritaire » et « le déficit de ressources financières », appelant les partenaires du Mali à « honorer leurs engagements ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Syrie: le Conseil de sécurité escompte une première réunion de la Commission constitutionnelle d’ici au 30 octobre 2019

8635e séance – matin
CS/13976

Syrie: le Conseil de sécurité escompte une première réunion de la Commission constitutionnelle d’ici au 30 octobre 2019

Le Conseil de Sécurité a adopté ce matin une déclaration présidentielle, lue par le Représentant permanent de l’Afrique du Sud, par laquelle il se félicite que le Secrétaire général ait annoncé, le 23 septembre dernier, que le Gouvernement de la République arabe syrienne et la Commission syrienne de négociation avaient conclu un accord au sujet d’une commission constitutionnelle « crédible, équilibrée et inclusive » placée sous les auspices de l’ONU à Genève.

Le Conseil estime que la création de cette commission constitutionnelle, qui sera « dirigée et contrôlée par les Syriens », doit marquer le début d’un processus politique visant à mettre fin au conflit syrien conformément aux dispositions de sa résolution 2254 (2015) et dans le plein respect des aspirations légitimes de tous les Syriens.

Par cette déclaration, le Conseil soutient sans réserve l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Geir Pedersen, et l’initiative prise par l’ONU pour que la première réunion de la Commission constitutionnelle se tienne à Genève d’ici au 30 octobre 2019.

*S/RST/2019/12

Déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité se félicite que le Secrétaire général ait annoncé, le 23 septembre 2019, que le Gouvernement de la République arabe syrienne et la Commission syrienne de négociation avaient conclu un accord au sujet d’une commission constitutionnelle crédible, équilibrée et inclusive placée sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies à Genève.

Le Conseil estime que la création de cette commission constitutionnelle, qui sera dirigée et contrôlée par les Syriens, doit marquer le début d’un processus politique visant à mettre fin au conflit syrien conformément aux dispositions de sa résolution 2254 (2015) et dans le plein respect des aspirations légitimes de tous les Syriens.

Le Conseil salue l’action diplomatique menée par l’Envoyé spécial du Secrétaire général, qui a permis que la République arabe syrienne et l’opposition syrienne finalisent leur accord en vue de la création de la Commission constitutionnelle, et souligne qu’il soutient sans réserve l’Envoyé spécial, M. Pedersen et l’initiative prise par l’Organisation des Nations Unies pour que la première réunion de la Commission constitutionnelle se tienne à Genève (Suisse) d’ici au 30 octobre 2019.

Le Conseil réaffirme qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit en Syrie, lequel ne pourra être réglé que par l’application intégrale de la résolution 2254 (2015).

Le Conseil réaffirme son plein attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Soudan du Sud: le Conseil de sécurité salue les progrès politiques mais demeure préoccupé par la situation humanitaire « désastreuse »

8634e séance – matin  
CS/13975

Soudan du Sud: le Conseil de sécurité salue les progrès politiques mais demeure préoccupé par la situation humanitaire « désastreuse »

Le Conseil de sécurité a adopté ce matin une déclaration présidentielle par laquelle il se déclare préoccupé par la « situation désastreuse » sur le plan humanitaire et économique et dans le domaine des droits de l’homme et ce, en dépit des premiers progrès accomplis dans l’application de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, qualifié de « grand pas en avant » et de « véritable espoir de paix et de stabilité durable » pour le pays.

Le Conseil salue en particulier les récentes réunions « encourageantes » entre le Président Salva Kiir et Riek Machar, qu’il invite à se rencontrer régulièrement afin de régler les questions de fond en suspens pour permettre la formation d’un gouvernement provisoire d’union nationale revitalisé, selon le calendrier arrêté par les parties le 3 mai.

Le Conseil demande aux parties d’accélérer la mise en œuvre des dispositions transitoires de sécurité et de poursuivre les consultations sur la question du nombre d’États et de leurs frontières en vue de trouver une solution commune.  Il dit « s’attendre à constater que des progrès réels auront été accomplis dans tous ces domaines lorsqu’il effectuera sa visite » prévue dans la seconde partie du mois.

En revanche, il se déclare préoccupé par la situation désastreuse sur le plan humanitaire et économique et dans le domaine des droits de l’homme au Soudan du Sud et condamne toutes les violations de l’Accord revitalisé et de l’Accord du 21 décembre 2017 sur la cessation des hostilités, la protection des civils et l’accès humanitaire.  Il note en particulier le recours persistant, par les parties au conflit, à la violence sexuelle comme tactique contre la population civile.

Le Conseil se félicite du rôle que joue l’Autorité intergouvernementale pour le développement dans l’avancée du processus de paix et prend note de sa recommandation en faveur d’un sommet ordinaire en vue d’examiner les questions en suspens.  Il salue également le « rôle essentiel » joué par la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) et exige que le Gouvernement de la République du Soudan du Sud et les groupes de l’opposition cessent de faire obstacle aux activités de la Mission et du Mécanisme de vérification et de surveillance du cessez-le-feu. 

Le Conseil demande aux parties qui ne sont pas signataires de l’Accord revitalisé de renoncer à toute violence sur ce territoire et aux groupes armés non signataires de protéger les installations médicales et le personnel médical ainsi que les civils, et d’autoriser l’accès rapide du personnel, du matériel et des fournitures humanitaires, sans restriction ni entrave et en toute sécurité, aux régions concernées.

Le Conseil appelle enfin à mettre fin « de toute urgence » à l’impunité et amener à répondre de leurs actes les auteurs de violations du droit international humanitaire et de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits au Soudan du Sud. 

Déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité souligne que l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, signé il y a un an, constitue un grand pas en avant dans le processus de paix et offre un véritable espoir de paix et de stabilité durables au Soudan du Sud, et prend note de la diminution des violences politiques et du retour à Djouba de certains représentants de partis de l’opposition. 

Le Conseil se félicite des récentes réunions entre le Président Salva Kiir et Riek Machar, qu’il juge encourageantes, et invite les hauts responsables des parties à l’Accord revitalisé à continuer de se rencontrer régulièrement afin de régler les questions de fond en suspens pour permettre la formation d’un gouvernement provisoire d’union nationale revitalisé, selon le calendrier arrêté par les parties le 3 mai, qui figure dans un communiqué de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).

Le Conseil se réjouit des premiers progrès accomplis dans l’application de l’Accord revitalisé, y compris la création de certains mécanismes et institutions prévus dans l’Accord, les activités de consolidation de la paix entreprises conjointement au niveau local et la mise en place de conditions plus propices à l’acheminement de l’aide humanitaire dans de nombreuses régions.

Le Conseil demande aux parties à l’Accord revitalisé d’accélérer la mise en œuvre des dispositions transitoires de sécurité et de poursuivre les consultations sur la question du nombre d’États et de leurs frontières en vue de trouver une solution commune. 

Le Conseil demande instamment au Gouvernement de la République du Soudan du Sud de verser le montant restant des fonds qu’il s’est engagé à décaisser pour mettre en œuvre l’Accord revitalisé de manière transparente et responsable et de continuer à dégager des fonds à cette fin.

Le Conseil se déclare préoccupé par la situation désastreuse sur le plan humanitaire et économique et dans le domaine des droits de l’homme au Soudan du Sud et condamne toutes les violations de l’Accord revitalisé et de l’Accord du 21 décembre 2017 sur la cessation des hostilités, la protection des civils et l’accès humanitaire, y compris le conflit en cours dans la région de l’Équatorie et le recours persistant, par les parties au conflit, à la violence sexuelle comme tactique contre la population civile.

Le Conseil se félicite du rôle que joue l’IGAD dans l’avancée du processus de paix au Soudan du Sud et prend note de la recommandation qu’elle a formulée, à savoir qu’elle tienne un sommet ordinaire en vue d’examiner les questions en suspens, y compris la situation de Riek Machar.  Il encourage l’IGAD à nommer la personne qui assurera la présidence permanente de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée. 

Le Conseil salue le rôle essentiel joué par la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), le Mécanisme de vérification et de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité et la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée dans l’application de l’Accord, et exige que le Gouvernement de la République du Soudan du Sud et les groupes de l’opposition cessent de faire obstacle aux activités de la MINUSS et du Mécanisme de vérification.

Le Conseil demande aux parties qui ne sont pas signataires de l’Accord revitalisé de renoncer à toute violence, d’adhérer aux accords de cessation des hostilités et de chercher à régler par la voie politique les points de l’Accord revitalisé qu’elles jugent problématiques, et demande également aux parties à l’Accord revitalisé de dialoguer avec les non-signataires dans un esprit constructif et sans recourir à la violence.

Le Conseil demande en outre à toutes les parties à l’Accord revitalisé et à tous les groupes armés non signataires au Soudan du Sud de protéger les installations médicales et le personnel médical, ainsi que les civils et les biens de caractère civil, y compris les écoles, de permettre la libre circulation des personnes et d’autoriser l’accès rapide du personnel, du matériel et des fournitures humanitaires, sans restriction ni entrave et en toute sécurité, aux régions concernées, conformément aux principes de l’aide humanitaire, notamment les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, pour que l’aide puisse être acheminée à toutes les personnes qui en ont besoin.

Le Conseil s’attend à constater que des progrès réels auront été accomplis dans tous ces domaines lorsqu’il effectuera sa visite en octobre 2019.

Le Conseil engage les parties à l’Accord revitalisé à continuer, conformément aux dispositions de l’accord de paix, de prendre des mesures pour faire en sorte que les femmes participent pleinement à la formation du Gouvernement provisoire d’union nationale revitalisé, et demande à toutes les parties à l’Accord revitalisé et à tous les groupes armés au Soudan du Sud de mettre fin à tous les actes de violence sexuelle et fondée sur le genre et de mettre un terme au recrutement et à l’utilisation d’enfants soldats, au meurtre et à la mutilation ou aux violences sexuelles à l’encontre des enfants, et à libérer tous les enfants qui ont été recrutés à ce jour.

Le Conseil prend note du rapport du Secrétaire général sur les sites de protection des civils de la MINUSS et encourage toutes les parties concernées à poursuivre leurs discussions de fond en vue de trouver un moyen durable d’assurer la sécurité de ces sites. 

Le Conseil souligne qu’il faut de toute urgence mettre fin à l’impunité et amener à répondre de leurs actes les auteurs de violations du droit international humanitaire et de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits au Soudan du Sud.  Le Conseil prend note à cet égard du Chapitre V de l’Accord revitalisé et demande qu’il soit mis en œuvre.

Le Conseil rappelle avec insistance que les activités qui font peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité du Soudan du Sud peuvent faire l’objet de sanctions en application des résolutions 2206 (2015), 2290 (2016), 2353 (2017), 2428 (2018) et 2471 (2019), et déclare qu’il se tiendra prêt à ajuster les mesures énoncées dans ces résolutions en fonction de l’application de l’Accord et de la tenue par les parties de leurs engagements, notamment en ce qui concerne le cessez-le-feu.

Le Conseil exprime de nouveau son appui au peuple du Soudan du Sud et réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la République du Soudan du Sud.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.