Reprise de la session de 2023
3e & 4e séances plénières, Matin & après-midi
AG/COL/3369

Le Comité spécial de la décolonisation ouvre sa session de fond 2023 et examine la situation en Nouvelle-Calédonie

Le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (Comité spécial des Vingt-Quatre) a entamé, aujourd’hui, sa session de fond 2023 en dressant le bilan de la situation en Nouvelle-Calédonie, ainsi que dans plusieurs territoires administrés par le Royaume-Uni, entre autres.  Il a également adopté trois projets de résolution par consensus. 

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, la France a rappelé les démarches politiques entreprises par son gouvernement en vertu de l’Accord de Nouméa depuis les trois référendums sur l’indépendance du territoire.  Des compétences économiques, sociales et culturelles ont été transférées aux institutions locales, a-t-il noté.  Et le droit à l’autodétermination reste reconnu comme un principe de valeur constitutionnelle. 

Le représentant français a également indiqué que les discussions ont permis d’acter un consensus pour faire évoluer les mesures transitoires sur le gel du corps électoral, jugeant qu’il est temps de revenir progressivement au droit commun pour 11 000 Calédoniens privés du droit de vote.  

Une pétitionnaire du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a contesté les résultats « illégitimes » du troisième référendum, organisé en décembre 2021 en pleine pandémie et qui auraient « volé » l’indépendance du peuple kanak. Le droit français s’y refusant, elle a demandé à une instance internationale impartiale d’achever le processus de décolonisation du territoire. 

Dans un discours enflammé, le Ministre principal de Gibraltar a déclaré de son côté que l’autodétermination du peuple du Rocher était « aussi inaliénable qu’indiscutable ».  « Nous recherchons, et continuerons à rechercher, un traité qui respecte notre passé, reconnaît notre présent et assure notre avenir », a affirmé M. Fabian Picardo, en rappelant que la Commission européenne, le Royaume-Uni, l’Espagne et Gibraltar œuvrent depuis plus de vingt mois à l’élaboration d’un document qui « permettra à tous d’être gagnants ». 

L’utilisation du Rocher à des fins militaires et la défense de ses propres intérêts nationaux expliquent l’importance accordée par la Puissance administrante britannique à Gibraltar, a rétorqué l’Espagne, déplorant une situation exacerbée par les « déséquilibres » découlant de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. 

Le Premier Ministre des Îles Vierges britanniques est revenu quant à lui sur la crise qui a éclaté l’an dernier suite à la décision du Royaume-Uni d’imposer sa domination sur l’île, une approche « colonialiste » qui ne reflète pas selon lui l’idée d’un « partenariat moderne ».  Dans cette optique, M. Natalio Wheatley a demandé que soit dépêchée une mission du Comité sur son territoire. 

La question des Îles Turques et Caïques, des Îles Vierges américaines, de la Polynésie française et des Tokélaou a également été examinée au cours de cette séance. 

Après avoir adopté, en matinée, son programme de travail pour la présente session, le Comité a adopté son projet de résolution annuel consacré à la diffusion d’informations qui prie le Secrétaire général de développer davantage l’information fournie sur le site Web de l’ONU consacré à la décolonisation. 

Venue présenter le rapport du Secrétaire général sur cette question, la Cheffe du Service des campagnes de communication du Département de la communication globale (DCG), Mme Nanette Braun, a indiqué que 45 communiqués de presse ont été publiés entre avril 2022 et mars 2023, en français et en anglais, sur des enjeux liés à la décolonisation.  Au cours de cette période, les pages consacrées à la décolonisation ont été visités plus de 100 000 fois, soit une augmentation de 28% par rapport à la même période l’an dernier. 

La Cheffe de l’Unité de la décolonisation au Département des affaires politiques (DPPA), a indiqué pour sa part que son service a mis à jour les notes du Secrétariat pour chacun des territoires non autonomes figurant à l’ordre du jour du Comité, en mettant l’accent sur les questions de genre.  Entre 2021 et 2022, le site Internet du Département consacré à la décolonisation a enregistré une hausse de fréquentation de 68% et du nombre d’utilisateurs de 47%, s’est par ailleurs félicitée Mme Josiane Ambiehl. 

Le Comité a ensuite adopté un projet de texte portant sur les renseignements relatifs aux territoires non autonomes communiqués en application de l’alinéa de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies.  Ce texte prie notamment les puissances administrantes concernées de communiquer régulièrement des renseignements relatifs à la situation économique et sociale et à l’éducation, de même que sur l’évolution politique et constitutionnelle des territoires dont elles sont respectivement responsables. 

Enfin, le Comité a entériné un projet de résolution sur l’envoi de missions de visite et de missions spéciales dans les territoires. 

Le Comité spécial des Vingt-Quatre poursuivra ses travaux demain, mardi 13 juin, à partir de 10 heures.

Diffusion d’informations sur la décolonisation 

S’exprimant au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela) a lancé un appel au DCG et au DPPA pour que ces deux départements multiplient les initiatives visant à faire la lumière sur les difficultés auxquelles les territoires non autonomes sont confrontés et y sensibilisent l’opinion publique internationale.  Pour le représentant, ils doivent s’employer à disséminer, dans les six langues officielles, toutes les informations pertinentes qui seraient de nature à permettre à ces territoires de progresser vers la réalisation de leur droit inaliénable à l’autodétermination.  Au moment où l’attention de la communauté internationale est accaparée par d’autres défis de taille, le désir de liberté et de justice de millions de personnes est depuis trop longtemps resté sans réponse, a rappelé le délégué, qui a saisi l’occasion pour demander aux puissances administrantes de respecter aussi le droit de tous les peuples des territoires non autonomes de tirer les bénéficies de leurs propres ressources naturelles.  Alors que nous sommes entrés dans la quatrième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme (2021-2030), combien de temps faudra-t-il patienter encore pour que les droits des peuples des territoires autonomes soient enfin respectés et que les pratiques néocoloniales prennent fin, s’est demandé le représentant en conclusion.

M. ALEJANDRO GONZÁLEZ BEHMARAS (Cuba), qui s’est associé à l’intervention du Venezuela, a appelé au renforcement de la diffusion de l’information sur les questions de décolonisation traitées par le Comité, comme le demande la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance.  La communauté internationale doit accompagner ce processus d’élargissement par le biais notamment du DCG, a dit le délégué.  Il a également appelé à systématiser la communication publique des délibérations du Comité pour faire adhérer les populations aux processus de décolonisation, cela en évitant tout déséquilibre dans le traitement linguistique de ses travaux. 

M. DIEGO PARY RODRÍGUEZ (Bolivie) a rappelé les responsabilités premières du Comité, à savoir intensifier les efforts de médiation afin que puissent être trouvés des accords entre puissances administrantes et peuples non autonomes. Il a assuré la présidence du Comité de l’engagement de son pays à appuyer ses travaux, notamment en accompagnant les territoires non autonomes pour « qu’ensemble, nous mettions fin au colonialisme ».  « Un peuple qui aime la liberté sera toujours libre », a-t-il conclu en citant Simón Bolivar. 

M. JASSER JIMÉNEZ (Nicaragua) a condamné le recours à des pratiques néocoloniales modernes telles que l’exploitation économique, les limitations d’accès aux nouvelles technologies, le recours croissant à des mesures coercitives unilatérales « illégales et contraires à la Charte », en espérant que des progrès seront réalisés sur ces questions d’ici à 2030.  En plus des 17 territoires non autonomes figurant à l’ordre du jour du Comité, les peuples de l’État de Palestine, de Porto Rico et du Golan syrien continuent de lutter pour leur indépendance, a-t-il rappelé. 

Explication de position 

Avant l’adoption des projets de résolution, le représentant de Cuba a rappelé que l’Article 73 de la Charte des Nations Unies stipule que les puissances administrantes doivent communiquer régulièrement au Secrétaire général des renseignements statistiques et autres relatifs aux conditions économiques et sociales des territoires non autonomes dont ils sont respectivement responsables.  C’est absolument fondamental, a-t-il souligné, car ce n’est qu’avec des données fiables que l’on pourra procéder à une analyse équitable et exhaustive des situations particulières des 17 territoires non autonomes et prendre des décisions beaucoup plus adaptées aux particularités de chaque territoire.  Or, toutes les puissances administrantes ne respectent pas leurs obligations, a-t-il déploré, s’associant à l’appel lancé par l’Assemblée générale dans de multiples résolutions pour qu’ils honorent leurs obligations. 

Question de Gibraltar  

M. FABIAN PICARDO, Ministre principal de Gibraltar, a déclaré que le droit à l’autodétermination du peuple du « Rocher » était aussi inaliénable qu’indiscutable, soulignant qu’aucune concession ne serait faite à sa souveraineté.  Alors que nous naviguons actuellement dans les méandres des négociations en vue de parvenir à un traité entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, notre patrie, a-t-il assuré, n’est pas, et ne sera jamais, une monnaie d’échange.  « Nous recherchons, et continuerons à rechercher, un traité qui respecte notre passé, reconnaît notre présent et assure notre avenir », a poursuivi l’intervenant, en rappelant que des responsables de la Commission européenne, du Royaume-Uni, de l’Espagne et de Gibraltar œuvrent depuis plus de 20 mois à l’élaboration d’un document qui permettra à tous d’être gagnants.  L’Espagne ayant cédé Gibraltar il y a 300 ans en signant un traité international contraignant, il n’est pas question de rétrocession, a-t-il insisté.  Et ce n’est pas parce qu’une tierce partie revendique aujourd’hui notre territoire qu’il existe un « conflit de souveraineté » relatif à Gibraltar.  Les offres britanniques de soumettre la revendication à l’examen de la Cour internationale de Justice (CIJ) ayant été rejetées, il n’y a donc pas de différend en suspens, a affirmé le Ministre principal, mais seulement le droit inaliénable de son peuple à décider de l’avenir de son territoire. 

M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER (Espagne) a appelé au respect de la Charte et de la résolution 1514 de l’Assemblée générale.  Il a indiqué que c’est l’utilisation militaire du Rocher qui explique l’importance accordée par la Puissance administrante à la défense, sur le territoire de Gibraltar, de ses seuls intérêts.  Le Brexit a placé Gibraltar dans une situation très compliquée, a-t-il poursuivi, s’inquiétant d’une exacerbation des déséquilibres provoqués par la situation coloniale en raison de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.  Le représentant a exhorté le Royaume-Uni à hâter, avec le Gouvernement espagnol, la décolonisation de Gibraltar « dans le respect de l’intégrité territoriale » de ce dernier. Il a espéré un changement de cap britannique « pour que l’on puisse définitivement tourner la page de la colonisation de Gibraltar ». 

M. RICHARD BUTTIGIEG, Président du Groupe pour l’autodétermination de Gibraltar, en tant que seul pétitionnaire invité à s’exprimer sur cette question, a réagi vivement au fait que les Nations Unies, par le biais du Comité, maintienne Gibraltar sur la liste des territoires non autonomes « à décoloniser ».  L’Espagne ne devrait pas se bercer d’illusions: la population de Gibraltar, « maître de son destin », ne cédera à aucune pression, a-t-il lancé.  Nous ne voyons pas la nécessité d’un processus de décolonisation pour Gibraltar, pour la raison que sa situation n’a plus rien de coloniale, s’est-il exclamé, invitant « de nouveau » le Comité à organiser une visite à Gibraltar pour constater cela sur place.  Pourquoi le Comité ne le fait pas alors que nous lui demandons de venir depuis près de dix ans? s’est-il impatienté.

Question des Tokélaou 

M. FAIPULE KELIHIANO KALOLO, Ulu o Tokélaou, qui s’est présenté comme la voix des anciens et du peuple, a indiqué qu’il intervenait devant le Comité après trois années d’absence dues à la pandémie de COVID-19.  Il a salué l’efficacité du Gouvernement néo-zélandais dans sa gestion de la pandémie, les Tokélaou étant l’un des « pays » au monde présentant le taux de mortalité le plus bas.  Le Gouvernement néo-zélandais, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), ont, ensemble, organisé avec succès la distribution de vaccins auprès de toutes les communautés des Tokélaou, a-t-il rappelé.  Le Chef du Gouvernement a ensuite déclaré que les Tokélaou comptent plus que jamais sur les contributions des Nations Unies et d’autres partenaires de développement en vue d’organiser un processus démocratique d’autodétermination dans un avenir proche.  Il a souhaité à ce propos que les Tokélaou puissent, aux fins de réussite d’un tel processus, s’appuyer sur un modèle de gouvernance « qui intègre notre culture ». 

Au nom de la Nouvelle-Zélande, Puissance administrante des Tokélaou, M. DON HIGGINS, Administrateur de Tokélaou, s’est félicité du nouveau dialogue engagé sur la question de l’autodétermination des Tokélaou, à l’approche du centième anniversaire de l’Administration néozélandaise.  L’autodétermination de l’archipel reste un objectif primordial pour la Nouvelle-Zélande comme pour les Tokélaou, a-t-il rappelé, en soulignant les progrès effectués au cours des dernières années en vue de la réalisation de cet objectif.  Il a toutefois souligné l’importance de procéder à un examen exhaustif des possibilités offertes au peuple des Tokélaou avant de passer à un processus de décision formel.  À ses yeux, la tenue de discussions ouvertes et transparentes fondées sur le respect mutuel constitue la pierre angulaire de cet engagement. 

Mme ANNA KONARA MOKONO (Papouasie-Nouvelle-Guinée), également au nom des Fidji, a jugé essentiel que les modifications principales apportées depuis juin dernier concernant le processus d’autodétermination des Tokélaou soient prises en compte dans le projet de résolution.  Parmi ces avancées, elle a cité l’élection qui s’est tenue en janvier dernier, qui illustre selon elle le caractère démocratique de l’archipel.

Question des Iles Vierges britanniques 

M. NATALIO WHEATLEY, Premier Ministre et Ministre des finances des Îles Vierges britanniques, a expliqué que les principales priorités de son nouveau gouvernement sont le développement durable, la transformation économique et la réforme de la gouvernance.  Sur ce dernier point, il a fait allusion à la crise ayant éclaté l’an dernier avec le Royaume-Uni, qui a approuvé une décision lui permettant d’imposer directement sa domination sur l’île « à sa guise ».  Il a souligné que le gouvernement du territoire s’est clairement engagé en faveur d’une réforme de la gouvernance, et qu’en aucun cas, la vitesse à laquelle sont menées lesdites réformes ne devrait servir d’occasion au gouverneur britannique d’imposer une autorité potentiellement délétère qui pourrait nuire à la population des Îles.  Aussi M. Wheatley a-t-il demandé au Royaume-Uni de revenir sur une telle décision, qui n’est pas le reflet d’un partenariat moderne, et de travailler en toute bonne foi avec son gouvernement.  Nous devrions faire fond sur les progrès récents du dialogue plutôt que marche arrière, dans une approche qui ne peut être taxée que de colonialiste, a poursuivi le Premier Ministre.  Il a ensuite demandé que soit dépêchée une mission du Comité spécial des Vingt-Quatre dans son territoire en 2023 et déployée une assistance de la part des départements concernés des Nations Unies pour aider les Îles Vierges britanniques à mettre en place des campagnes d’éducation au niveau local et parvenir à une bonne gouvernance. 

M. WALTON ALFONSO WEBSON (Antigua-et-Barbuda) a déclaré que les Îles Vierges britanniques subissent encore les effets du colonialisme, précisant que son pays partage des liens culturels très forts avec ce territoire qui, a-t-il ajouté, ont démontré à maintes reprises qu’elles sont capables d’être autonomes, sur le plan économique notamment.  Il faut à présent que ce territoire le soit pour prendre localement des décisions politiques nécessaires à la réalisation de ses aspirations.  Soulignant que le territoire doit être en mesure de s’autogouverner socialement et politiquement, il a appelé le Gouvernement britannique à travailler main dans la main avec celui des Îles Vierges britanniques « pour progresser vers la pleine souveraineté » de celles-ci. 

Mme NERYS NAKIA DOCKERY (Saint-Kitts-et-Nevis) a fait siens les propos de d’Antigua-et-Barbuda, ajoutant que son pays reste déterminé à contribuer à la poursuite de la démocratisation de la région des Caraïbes.  Or, a-t-elle dit, parvenir à une gouvernance autonome, démocratique et à part entière de nos pays sera impossible tant que subsisteront les inégalités politiques que perpétuent certains systèmes coloniaux et postcoloniaux. Elle a appelé la Puissance occupante à aider les Îles Vierges britanniques à développer leurs propres institutions « sous la surveillance du Comité spécial des Vingt-Quatre ». 

M. CARLTON RONNIE HENRY (Sainte-Lucie) a lui aussi plaidé pour l’avènement d’un gouvernement autonome des Îles Vierges britanniques, y compris pour permettre l’accélération de la mise en œuvre des objectifs de développement durable dans les Caraïbes.  La décolonisation doit permettre aux territoires non autonomes de cheminer vers le développement durable, a-t-il ainsi jugé avant d’appeler le Royaume-Uni à lever tous les freins à l’instauration d’un gouvernement autonome dans les Îles Vierges britanniques.

M. ELIEZER BENITO WHEATLEY, du Centre pour la science et la politique de l’Université de Cambridge, a fait état d’un « déficit démocratique » entre les territoires non autonomes et le Royaume-Uni.  L’autorité unilatérale de ce dernier qui se donne le droit d’empiéter de façon constitutionnelle dans les affaires des Iles Vierges, sans redevabilité, est une source constante de tensions, a-t-il indiqué.  Il a demandé aux autorités britanniques de soumettre des rapports et de cesser de prétendre que ces territoires ont été décolonisés et qu’il n’y a pas lieu de dialoguer à ce propos.  « Il faut une décolonisation complète de ces territoires », a-t-il clamé, exhortant le Royaume-Uni à revoir sa position en faveur d’un « véritable partenariat ». 

Question de la Polynésie française  

Mme MAREVA LECHAT-KITALONG, Déléguée aux affaires internationales, européennes et du Pacifique de la Polynésie française, a déclaré que la Décennie internationale de l’élimination du colonialisme a été marquée par un silence, « seule réponse obtenue depuis le siège vide de la France ».  Selon elle, la Puissance administrante n’a jamais répondu aux requêtes d’information soumises au nom de la Polynésie française. Elle a souhaité que ce dialogue soit initié dès cette année, et que la Puissance administrante respecte la voie démocratique du peuple.  En juin 2023, un parti indépendantiste a remporté trois sièges à l’Assemblée nationale française, a-t-elle rappelé, « une victoire sans équivoque ».  Le Gouvernement de la Polynésie française appuie pleinement le processus de décolonisation et d’autodétermination sous supervision des Nations Unies, a assuré Mme Lechat-Kitalong.  Elle a ensuite proposé des libellés et des amendements au projet de résolution concernant le territoire.

M. CARLYLE G.  CORBIN, The Dependency Studies Project, a rappelé que les conclusions de l’évaluation demandée par les gouvernements de la Polynésie française, des Îles Vierges britanniques et des Bermudes ont été présentées lors du séminaire sur la décolonisation qui s’est tenu à Bali le mois dernier.  La délégation de pouvoirs aux territoires, a-t-il relevé, contribue à la décolonisation mais ce n’est pas non plus un transfert de pouvoir tel que prévu par la Déclaration sur la décolonisation.  L’évaluation a également été l’occasion d’examiner l’évolution politique et constitutionnelle des territoires, notamment le degré d’engagement de la puissance administrante à s’acquitter de ses obligations au regard de la Charte. L’intervenant a noté que l’on a tendance à promouvoir un jeu à somme nulle où les territoires se voient offrir l’indépendance immédiate ou un statut modernisé, qui suppose un degré de permanence et de dépendance politique.  Il a estimé que l’ONU devrait jouer un rôle pour garantir le respect des normes minimales d’autonomie, avant de souligner que réforme coloniale n’équivaut pas à décolonisation. 

Question de la Nouvelle-Calédonie  

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que dans l’hypothèse où les trois référendums ne concluraient pas à l’indépendance, l’Accord de Nouméa prévoyait que les partenaires politiques se réuniraient pour examiner la situation ainsi créée.  Il a indiqué que les forces politiques calédoniennes ont été invitées à deux reprises à Paris, que quatre déplacements ministériels ont eu lieu en Nouvelle-Calédonie depuis un an, et que toutes les parties prenantes ont été reçues par la Première Ministre Elisabeth Borne, en avril.  En outre, le Ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, s’est rendu sur le territoire du 1er au 5 juin, et a présenté le bilan de l’Accord de Nouméa et l’audit de la décolonisation. 

Le représentant a affirmé que les compétences économiques, sociales et culturelles ont été transférées aux institutions locales, en particulier les politiques relatives aux ressources naturelles.  Parmi les compétences qui restent régaliennes, les affaires étrangères sont une compétence partagée puisque la Nouvelle-Calédonie a progressivement pris sa place dans la diplomatie régionale.  Les forces de l’ordre sont aussi un vecteur d’insertion professionnelle.  Et le droit à l’autodétermination reste reconnu comme un principe de valeur constitutionnelle. 

Le délégué a indiqué que les discussions ont permis d’acter un consensus pour faire évoluer les mesures transitoires sur le gel du corps électoral, en vigueur depuis 1998 et toléré par la Cour européenne des droits de l’homme à condition de rester provisoire.  Il est désormais temps de revenir progressivement au droit commun pour 11 000 Calédoniens, kanaks et non kanaks, nés sur le territoire mais aujourd’hui privés du droit de vote, ainsi que les citoyens français installés parfois depuis plusieurs décennies en Nouvelle-Calédonie et qui participent à la vie de ce territoire.  Le représentant a ajouté que le dialogue se poursuivra au mois d’août à Paris pour des consultations trilatérales.  La France, a-t-il assuré, est déterminée à bâtir un consensus et à poursuivre le cheminement vers un projet commun, respectueux du bilan de l’Accord de Nouméa.

M. MAX HUFANEN RAI (Papouasie-Nouvelle-Guinée), au nom également des Fidji, a pris note de l’évolution de la situation dans le territoire qui est « encore et toujours à la croisée des chemins ».  Il a notamment imputé la faute au dernier référendum d’autodétermination qui s’est tenu en pleine pandémie de COVID-19, et au cours duquel près de la moitié des votants potentiels ne se sont pas rendus aux urnes.  Le délégué a salué les efforts de toutes les parties prenantes de la Nouvelle-Calédonie pour trouver une solution définitive afin que les Néo-Calédoniens soient maîtres de leur destin.  Le représentant a appelé à aller au-delà des interprétations subjectives du terme d’autodétermination.  Il a par ailleurs jugé stupéfiant que la situation financière du Comité ne lui permette pas de mener à bien la visite prévue de longue date dans le territoire. 

M. PHILIPPE GOMES, Groupe Politique Calédonie-Ensemble au Congrès de Nouvelle-Calédonie, a appelé à ouvrir, après trente-cinq années d’accords, une nouvelle ère basée sur le respect des trois référendums qui ont montré la volonté du peuple calédonien de demeurer dans la « grande case » de la communauté française.  Pour M. Gomes, il conviendra également de réaffirmer l’unité du peuple calédonien que la séquence référendaire a fragmenté, cela en facilitant la participation démocratique de tous aux processus politiques et économiques et à la vie culturelle.  Il faudra aussi réinventer le droit à l’autodétermination, indépendantistes et non-indépendantistes devant se retrouver autour d’un référendum de projets, a ajouté le pétitionnaire. 

Mme MAGALIE TINGAL, Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), a affirmé que suite à l’adoption de l’Accord de Nouméa, les indépendantistes ont tenu parole « malgré et à cause du sang versé ».  Depuis décembre 2021, quand la France a maintenu la tenue du troisième référendum malgré le traumatisme de la pandémie, nous n’avons cessé d’en contester les résultats « illégitimes » qui ont « volé », selon elle, l’indépendance du peuple kanak.  Le droit français s’y refusant, elle a demandé à une instance internationale impartiale d’achever le processus de décolonisation du territoire. 

Mme LAURA VENDEGOU, élue non indépendantiste de la province Sud (Rassemblement-Les Républicains), a estimé que le poids de la colonisation a été effacé par la tenue du premier référendum de 1958, choix renouvelé trois fois depuis.  Les indépendantistes n’ont pas le monopole de la parole kanak, a-t-elle affirmé, en invitant ces derniers à ouvrir des espaces communs. 

M. GIL BRIAL, élu non indépendantiste - Mouvement Populaire Calédonien, Les Loyalistes, a déclaré, « au nom de ceux que les indépendantistes appellent souvent les autres” », qu’il est chez lui en Nouvelle-Calédonie et qu’il n’a pas « d’ailleurs ».  « Nous sommes légitimes et nous ne sommes pas des colons », a-t-il dit, expliquant être descendant de bagnards.  Il a qualifié la gouvernance de la France d’exemplaire.

Question des Îles Turques et Caïques  

M. BENJAMIN ROBERTS, Turks and Caicos Forum, a affirmé que la pandémie de COVID-19 avait été l’occasion pour les « autorités de supervision coloniales autoproclamées » de « refourguer » à la population de l’archipel des vaccins comme un « mauvais revendeur de pièces automobiles ».  Des débats réguliers ont eu lieu au Parlement pour approuver des législations pour verser des compensations aux personnes ayant souffert à cause de ce vaccin, a-t-il poursuivi, en s’émouvant de ne pas entendre parler de ce problème.  Il a ensuite évoqué le cas du gouverneur qui a été remplacé depuis, « un homme arrogant » « avec une tendance à la transparence pas franchement très marquée ».  Il a enfin demandé une visite du Comité dans les Îles Turques et Caïques, en raison du non-respect de l’Article 73 de la Charte par la Puissance administrante. 

M. ALPHA GIBBS, Turks & Caicos Heritage Foundation, a dénoncé la violation constante des droits humains du peuple des Îles Turques et Caïques par la Puissance administrante.  Selon lui, il n’existe aucune preuve que le Royaume-Uni fasse quelque progrès que ce soit pour s’acquitter de ses obligations au titre de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies. 

Question des Îles Vierges américaines  

M. CHRISTOPHER RUSSELL, de l’organisation « OWA », a jugé que le destin du peuple des Îles Vierges américaines « ne peut nous être refusé plus longtemps ».  Il a fustigé le statut inhumain de ce peuple privé de son droit à l’autodétermination, ajoutant que l’Université des Îles Vierges et de nombreux groupes d’intérêt font l’objet d’ingérences répétées et douteuses de la part d’éléments de la Puissance administrante.  Pour lui, le Comité doit effectuer sans délai une visite sur place pour non seulement faciliter le processus d’autodétermination mais aussi empêcher que d’autres fausses informations sur la situation réelle dans le territoire ne soient divulguées. « On ne peut plus être les habitants d’une colonie en 2023 », a-t-il conclu.

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