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Conseil de sécurité: un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream, la Russie accuse les États-Unis et annonce le dépôt d’un nouveau projet de résolution

9424e séance – matin
CS/15422

Conseil de sécurité: un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream, la Russie accuse les États-Unis et annonce le dépôt d’un nouveau projet de résolution

Un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le Conseil de sécurité s’est, cet après-midi, réuni à la demande de la Fédération de Russie, qui a annoncé son intention de présenter un projet de résolution, une initiative critiquée par certaines délégations, qui ont notamment invoqué l’absence de nouveaux éléments concluants dans le cadre des trois enquêtes nationales en cours. 

Pour justifier cette réunion, la quatrième à ce jour sur le sujet, la Russie a fait état de preuves accusant « Washington » d’avoir mené « cet acte criminel scandaleux », dans le but de « consolider sa domination sur l’Europe », dépendante des ressources énergétiques russes. Une hypothèse soutenue par deux intervenants invités à livrer leurs analyses, M. Dirk Pohlmann, un journaliste et documentariste allemand, et M. Jimmy Dore, un commentateur politique américain.  

Rejetant le « complot sans fondement » et les « théories absurdes et ridicules » « soutenues par l’Occident », qui ont fait surface après le sabotage des gazoducs, selon lesquelles la Russie serait coupable de cet acte de sabotage, les deux hommes ont assuré que de nouvelles preuves démontrent qu’il ne pouvait avoir été perpétré sans équipements militaires.  Impossible en outre d’ignorer, a souligné M. Dore, que le Président des États-Unis, M. Joe Biden, a clairement laissé entendre, le 9 février 2022, qu’il attaquerait le gazoduc Nord Stream  2 si la Russie envahissait l’Ukraine. 

Une telle opération a nécessité des plongeurs professionnels ou militaires, une chambre de décompression, ainsi qu’une forte quantité d’explosifs de type TNT, a développé M. Dore.  La station sismologique norvégienne NORSAR a indiqué qu’une magnitude de 2,1 à 2,3 avait été enregistrée lors de l’explosion, correspondant à une détonation de 650 à 900 kilogrammes de TNT, a-t-il rappelé.  Et alors qu’il est techniquement impossible de réaliser une telle opération depuis un petit voilier, a encore indiqué le journaliste, les navires américains USS Kearsarge et USS Gunstone Hall étaient tous deux capables de transporter un sous-marin de poche, qui aurait pu servir à l’installation d’explosifs à une telle profondeur. 

Compte tenu de la gravité des faits, le Conseil doit prendre acte de ces preuves « impartiales et objectives », la Fédération de Russie annonçant son intention de déposer un nouveau projet de résolution à ce sujet.

Sans se prononcer directement, quelques délégations, dont le Gabon, le Brésil, ou l’Équateur, ont en effet jugé nécessaire de progresser dans la détermination des circonstances, dont l’opacité donne libre cours à toutes sortes de suspicions et de spéculations.  Or les enquêtes actuelles menées au niveau national par l’Allemagne, le Danemark et la Suède ne sont pour l’heure parvenues à aucune conclusion, a-t-il été relevé par plusieurs membres du Conseil. 

Dans un contexte d’exacerbation des tensions géopolitiques, le Ghana, le Japon, les Émirats arabes unis, le Mozambique et la Chine ont exhorté les parties prenantes à fournir régulièrement au Conseil de sécurité des informations transparentes sur l’état d’avancement des enquêtes en cours. 

Mais pour le Royaume-Uni, l’Albanie, Malte ou la France, ces enquêtes sont complexes et il n’y a aucune raison de douter de leur sérieux et de leur impartialité.  Et le Conseil de sécurité ferait une bien mauvaise utilisation de son temps s’il commençait « à préjuger des résultats de ces enquêtes, à dicter la manière dont elles seront menées ou à les affaiblir d’une autre manière », a estimé le Royaume-Uni 

Au lieu de spéculer, la Russie devrait permettre à ces pays de mener à bien leurs investigations, ont recommandé les États-Unis, tandis que Malte mettait en garde contre les risques que comporterait l’ouverture de nouvelles enquêtes.  Le 27 mars dernier, la Fédération de Russie avait demandé la création d’une commission internationale indépendante pour faire la lumière sur le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 et en identifier les « auteurs, commanditaires, organisateurs et complices ».  Texte qui avait été rejeté, après n’avoir recueilli que 3 voix pour et 12 abstentions.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. DIRK POHLMANN, journaliste, s’est présenté comme un journaliste d’investigation et documentariste actif depuis 37 ans.  « Indépendant et à la solde de personne », il a dit avoir écrit et réalisé plus de 20 documentaires, principalement sur les opérations de renseignement durant la guerre froide, diffusés dans une trentaine de pays. Dans le cadre de son travail sur le sabotage de Nord Stream, il a indiqué avoir contacté et interviewé de nombreux chercheurs.  M. Pohlmann a déclaré qu’un an après ce « grave acte de terrorisme », on en sait toujours « étonnamment peu » sur ce qui s’est passé.  Nous ne savons pas qui est responsable, a-t-il ajouté, avant de rejeter la théorie du « complot sans fondement, soutenue par l’Occident », selon laquelle la Russie est le coupable dudit sabotage.  Il est juste de dire que les autorités allemandes, danoises, suédoises et d’autres pays occidentaux en savent assez pour ne pas vouloir en savoir plus.  La vérité ouvrirait une boîte de Pandore pour l’OTAN, a estimé l’intervenant.

Selon M. Pohlmann, il existe en réalité de nouvelles preuves, notamment techniques, liées à la profondeur du gazoduc –environ 80 mètres–, à la taille et aux matériaux de ses composants, acier et béton.  Une telle opération de sabotage aurait nécessité des plongeurs professionnels ou militaires, une chambre de décompression, ainsi qu’une forte quantité d’explosif de type TNT.  La station sismologique norvégienne NORSAR a indiqué qu’une magnitude de 2,1 à 2,3 avait été enregistrée lors de l’explosion, correspondant à la détonation de 650 à 900 kilogrammes de TNT.  Cette opération serait impossible à réaliser depuis un petit voilier, a encore indiqué le journaliste.  Les navires américains comme le USS Kearsarge et l’USS Gunstone Hall étaient tous deux capables de transporter un sous-marin de poche, ce qui aurait pu être utile pour le déploiement d’explosifs à une telle profondeur. 

M. Pohlmann a également cité un « éminent physicien » qui aurait déclaré que les rapports officiels sont non seulement contradictoires, mais remettent en cause des données physiques fondamentales, invalidant ainsi l’hypothèse de l’utilisation d’un explosif conventionnel.  En revanche, plusieurs éléments de preuve géophysiques solides, à savoir les formes d’ondes sismiques, le placement d’explosifs, les nuages d’aérosols post-explosion, les courants sous-marins, l’augmentation de la température au fond de l’océan avec une production réduite de biomasse concomitante et la détection de rayons gamma en Pologne suggèrent l’utilisation d’un explosif mille fois plus puissant. 

Or, a-t-il poursuivi, une charge explosive beaucoup plus petite aurait suffi à détruire le pipeline, ce qui soulève des doutes considérables quant à la nature de la charge explosive utilisée.  Les observations sont plutôt cohérentes avec une charge explosive de 1 à 4 kilotonnes équivalentes à de la TNT.  Compte tenu de la gravité de l’affaire, il est important que des preuves indépendantes et objectives soient collectées, sous l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU, a préconisé le journaliste. 

M. JIMMY DORE, commentateur politique, a rejeté les « théories absurdes et ridicules » qui ont émergé après le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le 26 septembre 2022.  Pourtant, a-t-il poursuivi, il est impossible d’ignorer que le Président des États-Unis, M. Joe Biden, avait clairement laissé entendre, le 9 février 2022, qu’il attaquerait le gazoduc Nord Stream 2 si la Russie envahissait l’Ukraine.  Pour preuve, il a cité Seymour Hersch, un journaliste d’investigation « génial », selon qui des plongeurs de la Marine des États-Unis, « sous couverture d’un exercice de l’OTAN », avaient placé les explosifs qui ont, trois mois plus tard, détruit trois des quatre gazoducs Nord Stream.

Quoi qu’il en soit, a poursuivi M. Dore, il s’agit d’une « guerre économique entre l’Ouest et la Russie visant à remplir les poches de capitalistes rapaces qui tirent en réalité les ficelles du Gouvernement des États-Unis et dictent sa politique étrangère ».  Et, tout cela sous le couvert de la défense de l’Ukraine contre une invasion russe « non provoquée ».  En réalité, a voulu M. Dore, l’histoire de la guerre en Ukraine a commencé bien avant le 24 février 2022, et ce sont les États-Unis et l’OTAN qui en sont responsables.  Les médias occidentaux ferment les yeux ou livrent une « fausse version » de la cause du conflit, a-t-il dénoncé.  Ces médias se gardent bien d’évoquer le coup d’État de 2014 contre le Gouvernement démocratiquement élu en Ukraine et orchestré par la CIA en lien avec les nazis ukrainiens, ou l’opinion de la population russophone du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. 

M. Dore a précisé qu’il s’exprimait devant le Conseil pour libérer les citoyens des États-Unis et de l’Europe de leur « amnésie » et pour leur rappeler la véritable cause non seulement de l’explosion des gazoducs, mais aussi de la guerre en Ukraine et de la déstabilisation au Moyen-Orient, notamment enLibye, en Iraq, en Afghanistan et en Syrie.  Dénonçant la « soif impérialiste » des Américains, pour qui la véritable menace est de nature économique, en particulier si la technologie et le capital allemands étaient associés aux ressources naturelles russes, il les a accusés de mener des guerres par procuration, en continuant à armer l’Ukraine « jusqu’aux dents » afin de prolonger la guerre et d’éviter la paix.  Même si c’est l’Ukraine qui est responsable du sabotage des gazoducs Nord Stream, a-t-il conclu.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a exprimé de profondes préoccupations sur la qualité des enquêtes menées au niveau national par l’Allemagne, le Danemark et la Suède, aucun résultat n’ayant été obtenu jusqu’à présent.  Dans le même temps, a‑t‑il affirmé, de plus en plus de preuves émergent au sein de la communauté des experts selon lesquelles le sabotage des gazoducs était « l’œuvre de Washington », motivée par le désir de consolider sa domination sur l’Europe, qui a un besoin urgent des ressources énergétiques de la Fédération de Russie.  En novembre dernier, a rappelé le délégué, la Russie a adressé aux autorités compétentes allemandes, danoises et suédoises des demandes d’assistance juridique et de formation d’équipes d’enquête conjointes.  Elle n’a reçu en retour que des « notes » formelles. Devant cette situation inacceptable, la Russie a soumis au Conseil un projet de résolution pour créer une commission d’enquête internationale indépendante, qui n’a pas été adopté malgré son caractère apolitique et la souplesse de ses éléments de langage.  Le principal argument de ses opposants était leur « prétendue confiance absolue » dans les enquêtes nationales, qui n’ont pourtant rien donné, alors que la Russie, la Chine et le Brésil s’en étaient justement inquiétés.  Tout ceci ressemble fort, selon le représentant, à une tentative de dénier aux membres du Conseil l’accès à des informations pourtant cruciales pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. 

Il ne s’agit pas d’un « petit délit de voyou » mais d’un attentat terroriste ayant eu de graves conséquences économiques et environnementales pour de nombreux pays, s’est indigné le délégué russe, selon qui tout indique une entreprise de dissimulation de l’identité des auteurs. Par exemple, les médias occidentaux mènent une campagne de plus en plus coordonnée pour promouvoir des versions « ridicules » des faits, comme si la Russie avait elle‑même fait sauter un gazoduc qui fonctionnait dans son intérêt.  Selon une autre version, le sabotage aurait été commis par quelques touristes sur un bateau, sans soutien de l’État; à en croire une autre, sur les ordres du commandant en chef des forces armées de l’Ukraine, mais à l’insu de son supérieur immédiat - le Président Zelenskyy.  Toutes ces versions, qui ont en commun de nier l’implication de Washington, ont « poussé comme des champignons après la pluie » après la publication, en début d’année, d’une enquête menée par le journaliste américain Seymour Hersh, dont la thèse, reprise par l’orateur, est que des explosifs auraient été placés par des plongeurs américains pendant l’été 2022 après des préparatifs de plusieurs mois et une rencontre entre les Chefs d’État américain et allemand.

Appelant à traduire en justice les responsables, le délégué a annoncé son intention de soumettre au Conseil un projet de résolution à ce sujet.  Le Conseil, a‑t‑il insisté, devrait prendre position et souligner la nécessité d’une enquête objective, sans quoi n’importe quel pays pourra être victime d’un tel attentat, commis par « un État enivré par le sentiment de sa propre impunité ». 

M. YUKIYA HAMAMOTO (Japon) a dénoncé les actes mettant en danger les infrastructures critiques, notamment énergétiques, qui constituent la « pierre angulaire de la vie moderne ».  À cette aune, il s’est dit extrêmement alarmé par l’incident concernant le gazoduc Nord Stream ainsi que par ses conséquences environnementales à long terme.  Le représentant s’est dit convaincu que les enquêtes ouvertes à ce sujet par les Gouvernements allemand, suédois et danois seront menées avec la plus grande équité et transparence.  Il a souhaité que leurs résultats soient rendus publics de manière transparente et communiqués dans les meilleurs délais au Conseil de sécurité.  Toutefois, afin d’assumer les responsabilités qui lui incombent pour le traitement des questions affectant la paix et la sécurité internationales, celui-ci doit disposer de faits, a-t-il noté en conclusion. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a rappelé que les explosions des gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont causé d’énormes pertes économiques et aggravé les tensions internationales.  Alertant sur l’incertitude géopolitique qui règne dans la région, le représentant a déploré l’attention insuffisante accordée aux impacts environnementaux de ces explosions.  Après avoir souligné l’urgence d’en déterminer les causes, le représentant a réitéré sa confiance dans les enquêtes menées par les autorités nationales du Danemark, de l’Allemagne et de la Suède.  Après avoir appelé à rendre publiques les conclusions préliminaires des enquêtes, le délégué a affirmé que le manque d’information fiables y compris concernant la guerre en Ukraine, alimente la spéculation et les accusations. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé qu’un an après les faits, le manque d’avancée sur ce dossier contribuait à « alimenter toutes sortes des suspicions et spéculations » de nature à remettre en cause la volonté des parties à faire aboutir les investigations.  Il a donc appelé l’ensemble des parties à s’engager dans « une dynamique inclusive, transparente et sans politisation ».  Il va de soi que toute entrave ou opacité sur le déroulement des investigations serait préjudiciable à sa crédibilité et à la confiance dans le contexte actuel, a-t-il ajouté, tout en jugeant important que la coopération et l’échange de données puisse prévaloir sur toute autre considération, en vue de privilégier la manifestation de la vérité.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur)a condamné le sabotage des gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et 2, et affirmé que rien ne justifie des attaques contre des infrastructures civiles essentielles, y compris énergétiques.  Regrettant que de tels actes aient mis en péril la navigation maritime et aérienne, il a craint un impact écologique aux conséquences incalculables en termes de contamination de la vie marine avec l’émanation de centaines de millions de mètres cubes de gaz dans l’atmosphère.  Le délégué a estimé que les informations fournies par l’Allemagne, le Danemark et la Suède, il y a un peu plus de deux mois, montrent le caractère complexe des enquêtes nationales qui comportent des aspects techniques, scientifiques et logistiques.  Il a souhaité que ces enquêtes se poursuivent conformément aux principes fondamentaux de l’état de droit. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a réitéré ses préoccupations concernant les actes de sabotage présumés contre les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Il a rappelé que son pays condamne tout acte de sabotage commis contre des infrastructures critiques.  Le Représentant a ensuite salué les informations fournies dans la lettre conjointe du Danemark, de l’Allemagne et de la Suède en date du 10 juillet dernier, et indiqué attendre les autres conclusions. 

M. GENG SHUANG (Chine) a rappelé que depuis le sabotage des gazoducs, son pays n’avait eu de cesse de demander l’ouverture d’enquêtes internationales, sans succès à ce jour.  Bien que des enquêtes nationales soient actuellement menées, il ne faudrait pas trop perdre de temps au risque de voir les éléments de preuves disparaitre, a‑t‑il averti.  Les États qui mènent ces enquêtes devraient les conclure rapidement, de manière indépendante et impartiale, sans politisation, a demandé le représentant. Il a également estimé que la Fédération de Russie, en tant que partie, ne devrait pas être écartée des processus. « Les pays devraient au contraire coopérer avec elle. » 

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est inquiété de la menace grave pesant sur les infrastructures et l’approvisionnement énergétiques, ainsi que sur l’environnement.  Les tensions sur les marchés de l’énergie qui ont suivi le sabotage des gazoducs ont mis en évidence la vulnérabilité en matière de fourniture en énergie, en particulier pour les pays en développement.  Rappelant la complexité des enquêtes, le délégué a fait savoir que Malte n’a pas de raison de croire qu’elles ne sont pas menées de manière impartiale, crédible et exempte de toute ingérence politique.  Ouvrir de nouvelles enquêtes comporterait des risques, a conclu le représentant. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a dit prendre très au sérieux les attaques menées contre les infrastructures civiles.  La communauté internationale reste, à juste titre, préoccupée par le sabotage des gazoducs Nord Stream, a-t-il noté, avant d’exprimer son appui aux enquêtes engagées en Allemagne, au Danemark et en Suède pour déterminer les responsabilités. L’actualisation des progrès de ces enquêtes, présentées en juin par ces trois pays, a mis en exergue le caractère sans précédent du sabotage et la complexité des investigations, a-t-il relevé, tout en exprimant sa pleine confiance dans leur impartialité.  Dans ce contexte, le représentant a estimé que le Conseil de sécurité ferait une mauvaise utilisation de son temps s’il commençait « à préjuger des résultats de ces enquêtes, à dicter la manière dont elles seront menées ou à les affaiblir d’une autre manière ». 

Le délégué a invité les membres du Conseil à prendre acte du fait que c’est la Fédération de Russie qui a convoqué cette réunion, et ce, en se disant préoccupée par la destruction d’infrastructures civiles.  « Pourtant, presque chaque jour de l’année marque l’anniversaire d’une attaque délibérée de la Russie contre des civils et des infrastructures civiles en Ukraine », a fait observer le représentant.  Il a ainsi rappelé le bombardement systématique des infrastructures énergétiques et portuaires ukrainiennes, qui a entraîné la destruction de plus de 280 000 tonnes de céréales, ainsi que les quelques 480 attaques perpétrées contre des écoles et des hôpitaux.  « Devrions-nous nous réunir tous les jours de l’année au Conseil à l’occasion de l’anniversaire de ces événements? » s’est-il interrogé. Il a en outre rappelé le « mépris total » dont a fait preuve la Russie à l’égard des infrastructures civiles en Syrie.  « L’hypocrisie de la Russie aujourd’hui n’a rien de nouveau », a conclu le représentant, pour qui ce pays ne pourra être pris au sérieux tant qu’il n’aura pas cessé ces attaques. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a rappelé plusieurs résolutions du Conseil de sécurité sur les enquêtes concernant les infrastructures civiles, et encouragé l’Allemagne, le Danemark et la Suède à transmettre les informations le plus rapidement possible en veillant à la plus grande transparence. Il s’est félicité des avantages liés à la coopération dans le partage des informations entre les différentes parties prenantes, ainsi que de la fiabilité des informations communiquées au Conseil.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), a déploré qu’en dépit du consensus selon lequel le sabotage des gazoducs Nord Stream est un acte menaçant la paix et la sécurité internationales, l’on ne soit toujours pas parvenus à faire la lumière sur ces attaques.  Dans ce contexte, il a souligné l’urgence de tirer ces faits au clair, de manière judiciaire, afin de ne pas éroder les principes fondés dans la Charte, dont l’application du principe de responsabilité et la coopération.  Il est donc important que le Conseil de sécurité soit informé des conclusions des enquêtes nationales en cours, a estimé le représentant. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a regretté la convocation de ce type de réunion du Conseil de sécurité.  Il a réitéré le soutien de la délégation américaine aux enquêtes approfondies et impartiales menées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède pour élucider les faits. La Russie devrait s’abstenir de spéculer et permettre à ces pays de conclure leurs travaux, a ajouté le délégué.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que son pays avait clairement exprimé sa préoccupation lorsque, voilà un an, des explosions sous-marines avaient touché les gazoducs Nord Stream.  Prenant au sérieux les informations indiquant que ces explosions sont le résultat d’un acte délibéré de sabotage, il a rappelé qu’il s’agissait de faits graves appelant des enquêtes approfondies.  Cependant, le délégué a mis en doute les motivations de la Russie lorsque celle-ci demande, pour la quatrième fois, une réunion du Conseil de sécurité sur ce sujet.  Depuis la dernière en juillet, a-t-il souligné, aucun élément nouveau, crédible et sérieux n’est apparu de nature à justifier un nouveau débat sur cette question. 

Par ailleurs, si la Russie montre tant de préoccupations au sujet des atteintes portées à une infrastructure européenne, elle-même continue d’infliger des « destructions quotidiennes massives » aux infrastructures civiles ukrainiennes.  De son point de vue, la réunion du jour a pour but de détourner l’attention du Conseil et d’alimenter des spéculations quant aux responsabilités dans le sabotage. Ne doutant ni du sérieux et de l’impartialité des enquêtes diligentées par les autorités compétentes allemandes, danoises et suédoises, le représentant français a déclaré comprendre qu’elles demandent du temps et des vérifications approfondies, « hors de toute interférence politique ». 

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a rappelé que les actes de sabotage comme ceux de Nord Stream relèvent d’un mépris des droits des populations concernées. À ce titre, elle a appelé les États Membres à assumer leurs responsabilités en vertu du droit international et les décisions prises par le Conseil de sécurité en matière de protection des infrastructures vitales.  La représentante les a également enjoint de maintenir leur unité face au sabotage des pipelines, en dépit de l’existence de divergences entre eux.  Saluant l’importance des enquêtes nationales menées au Danemark, en Allemagne et en Suède, elle a affirmé que leurs conclusions informeraient les futures décisions du Conseil et adresseraient un message vigoureux aux responsables.  Conformément aux dispositions de la résolution 2341 (2017) du Conseil de sécurité, l’ensemble des parties prenantes, notamment les opérateurs russes, doivent coopérer de bonne foi.  Face aux spéculations et la rhétorique qui alimentent les tensions géopolitiques, la représentante a exhorté les parties prenantes à fournir régulièrement des informations transparentes sur l’état d’avancement des enquêtes en cours. Enfin, elle a réitéré la demande d’un échéancier pour présenter leurs conclusions aux organisations internationales.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a constaté que lors de cette séance, les mêmes discours et positions ont été répétés à l’envi, sans aucun changement « sur ce que nous savons ou ne savons pas. » Elle s’est déclarée préoccupée par le caractère inacceptable des actes de sabotage des gazoducs et a réaffirmé son appui aux enquêtes diligentées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède.  Soulignant que les processus d’enquête sont complexes et que ces trois pays disposent de structures solides à cet effet, la déléguée a conclu par une invitation à la patience.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la Cheffe de la Mission d’assistance en Afghanistan incite à persévérer dans le dialogue avec les autorités afghanes de facto

9423e séance – matin
CS/15421

Conseil de sécurité: la Cheffe de la Mission d’assistance en Afghanistan incite à persévérer dans le dialogue avec les autorités afghanes de facto

Venue présenter au Conseil de sécurité, ce matin, le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales, la Représentante spéciale pour ce pays, également Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a plaidé pour une stratégie de modération et de dialogue avec les autorités afghanes de facto, afin de contribuer à une amélioration de la situation humanitaire et de promotion des droits des femmes et des filles, aujourd’hui strictement limités. 

Mme Roza Otunbayeva s’est toutefois montrée réaliste.  Si les Taliban se montrent « compréhensifs » quant au principe d’une gouvernance plus inclusive, il n’en reste pas moins que la poursuite du dialogue avec eux est sapée par les plus de 50 décrets qu’ils ont pris depuis un an, dont nombre ont des « conséquences dramatiques » sur les femmes et les filles, a-t-elle relevé, confirmant le gouffre qui sépare les politiques menées par les autorités talibanes du cadre normatif international.

La Représentante spéciale, qui a rappelé que, depuis le 20 juin dernier, la MANUA a publié trois rapports relatifs aux droits humains en Afghanistan, a fait observer que 46% des femmes afghanes interrogées dans le cadre de ces travaux s’opposent à une reconnaissance des Taliban, quelles que soient les circonstances.  Malgré ce sentiment de défiance d’une large part de la population, elle a estimé que la poursuite du dialogue avec les autorités de facto, en coordination avec la communauté internationale, constitue une occasion à saisir « pour le bien-être de millions de femmes qui doivent pouvoir contribuer à un Afghanistan ouvert ». 

Dans le contexte actuel, l’accès à l’éducation reste la plus grande priorité, les quatre cinquièmes des jeunes femmes et filles en âge d’étudier n’étant plus scolarisées, a souligné la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, qui a fait valoir la collaboration de son agence avec la MANUA et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en vue de placer les femmes afghanes au centre des processus décisionnels, conformément au programme pour les femmes et la paix et la sécurité. 

Mme Sima Sami Bahous a recommandé au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011) de réfléchir au rôle qu’il peut jouer dans la réponse aux violations des droits des femmes en Afghanistan.  Elle a d’autre part souhaité que l’on cesse de considérer la situation afghane comme une simple crise humanitaire, jugeant qu’il s’agit également d’une crise économique, de santé mentale, de développement « et bien plus encore ».  De même, elle a prié le Conseil de sécurité d’apporter son plein appui au processus intergouvernemental visant à codifier explicitement « l’apartheid sexiste » dans le droit international. 

Selon l’experte juridique internationale, Mme Kamira Bennoune, cette situation d’apartheid, aggravée par les dizaines de décrets qui privent les femmes de leurs droits fondamentaux, se traduit notamment par des privations arbitraires de liberté et des cas de torture, mais aussi par une augmentation alarmante du nombre de suicides féminins.  Certaines femmes évoquent une « mort progressive », a-t-elle expliqué, relayant les appels du Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Afghanistan et du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles en faveur d’une condamnation juridique internationale de cet état de fait.  De fait, il ne peut être question, selon elle, de reconnaître le régime taliban et encore moins de le laisser entrer à l’ONU tant que ce système d’apartheid entre les sexes persiste. 

Les membres du Conseil de sécurité se sont tour à tour émus des restrictions radicales imposées aux Afghanes, qu’ils ont unanimement condamnées.  Le Japon a cependant recommandé à la communauté internationale de se garder d’isoler les Taliban comme dans les années 90, préconisant plutôt un dialogue pragmatique.  La délégation japonaise a évoqué à ce sujet la réouverture de son ambassade à Kaboul en 2022. 

De son côté, la Chine a invité les bailleurs de fonds à se concentrer sur la survie de la population afghane en se gardant d’instrumentaliser l’assistance humanitaire pour faire pression sur le pays.  Elle s’est en outre indignée du gel par les États-Unis de 7 milliards de dollars d’actifs appartenant à la Banque centrale afghane.  Les États-Unis ont pour leur part indiqué que, depuis août 2021, ils ont fourni 2 milliards de dollars d’aide humanitaire aux pays, dont 969 millions au Programme alimentaire mondial (PAM). 

Le représentant de l’Afghanistan a, quant à lui, dressé un sombre bilan de l’action des autorités talibanes, constatant que les engagements de transparence et de collecte accrue de recettes n’ont pas abouti.  Il en va de même pour la promesse de réduction de la culture du pavot, certains chefs des Taliban s’adonnant encore à cette pratique, a-t-il dénoncé, avant de se faire l’écho des demandes de la diaspora et de groupes indépendants afghans.  Il a ainsi appelé à un dialogue de toutes les forces vives politiques du pays pour créer une feuille de route susceptible de conduire à un Afghanistan politiquement inclusif et représentatif, et empêcher qu’il ne devienne un sanctuaire du fanatisme et du terrorisme. 

Invitée par le Conseil, la République islamique d’Iran a rappelé qu’elle accueille des millions de réfugiés afghans sur son territoire.  Pointant le sous-financement du plan d’intervention humanitaire pour l’Afghanistan, elle a insisté sur l’importance d’une coopération collective pour permettre un retour sûr des réfugiés dans leur pays.  Elle s’est aussi inquiétée des conséquences de la situation afghane sur la sécurité régionale, la présence d’Al-Qaida constituant selon elle une « menace permanente ».  La délégation iranienne a enfin appelé, à l’instar de la Chine, à l’annulation des sanctions imposées à l’Afghanistan. 

Parmi les autres voisins de l’Afghanistan, l’Inde a mis l’accent sur la coopération bilatérale, tout en considérant que la paix et la stabilité du pays relèvent d’une responsabilité partagée.  Le Pakistan, qui ne reconnaît pas la légitimité du représentant de l’Afghanistan, s’est lui félicité de la « nette amélioration » de l’ordre public dans ce pays, en dépit des restrictions qui lui sont imposées. 

LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2023/678)

Déclarations

Mme ROZA OTUNBAYEVA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, a rappelé qu’à l’occasion de son discours d’acceptation du prix Nobel de la paix en 2001, le Secrétaire général de l’ONU, feu M. Kofi Annan, s’était interrogé sur le sort réservé aux filles qui naissent en Afghanistan.  Elle a également cité une jeune fille afghane du sud-ouest du pays, fille d’une veuve qui n’a jamais fréquenté l’école, qui a confié à la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) que sa principale préoccupation consiste à trouver suffisamment d’eau pour sa famille. Pour Mme Otunbayeva, ces exemples décrivent à souhait les dilemmes et complexités de l’Afghanistan actuel et montrent à quel point la réponse est malaisée.  Aujourd’hui, a-t-elle poursuivi, les communautés afghanes sont dévastées par les répercussions de deux années de sécheresse dans un pays où 80% de la population dépend de l’agriculture.  Or, les changements climatiques et l’absence d’eau ont des effets dévastateurs sur les habitants des zones affectées.  À tel point que « les familles qui ont tout sauf l’eau migrent vers là où il n’y rien que de l’eau », a-t-elle constaté, reprenant l’expression de « migration inversée » utilisée par un gouverneur provincial. 

La Représentante spéciale a ensuite indiqué que, depuis le 20 juin, date de son dernier exposé, la MANUA a publié trois rapports en lien avec les droits humains: sur l’impact des engins explosifs improvisés sur les civils; sur l’amnistie accordée par les autorités de facto à d’anciens membres du Gouvernement et à d’anciens membres des forces armées; et sur le traitement des détenus.  Ces rapports ont fait la lumière sur les violations du droit international commises par les autorités de facto, a-t-elle souligné, tout en précisant que les réponses de ces dernières sont annexées aux rapports.  « L’heure est venue d’appuyer un dialogue soutenu avec les différents représentants des autorités de facto pour respecter les normes internationales », a encouragé Mme Otunbayeva, avant de saluer la visite en Afghanistan de dignitaires religieux d’États membres de l’Organisation de la coopération islamique.  Une visite qui, selon elle, s’inscrit dans le cadre de la médiation « précieuse » du monde islamique, notamment sur les questions liées à l’éducation des filles, aux droits des femmes et à la bonne gouvernance. 

La Cheffe de la MANUA a aussi fait état de consultations entre les autorités de facto et les responsables tribaux, avec la création de conseils dans 34 provinces.  Elle a toutefois jugé prématuré de se prononcer sur ces conseils qui, à ses yeux, pourraient être « des instruments de contrôle ou des outils d’application des normes ».  Mme Otunbayeva a, d’autre part, noté que les Taliban ont nettement revu à la baisse la culture du pavot, ce qui sera évalué en octobre par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  À cet égard, elle a précisé que la MANUA a créé un groupe chargé de porter assistance aux cultivateurs ainsi qu’aux millions de toxicomanes dans le pays. Elle s’est par ailleurs déclarée préoccupée par le déficit de l’assistance humanitaire.  Plusieurs programmes ont dû fermer leurs portes à l’approche de l’hiver et des millions d’Afghans risquent d’être plongés dans la famine, a-t-elle alerté, avant d’appeler les donateurs à renforcer leur appui, notamment en faveur des femmes, des déplacés et des rapatriés. 

La MANUA, a-t-elle expliqué, adopte une stratégie de modération avec les autorités de facto et entend faire fonctionner les projets.  Si les Taliban se montrent compréhensifs quant à une gouvernance plus inclusive, la poursuite du dialogue avec eux est sapée par la cinquantaine de décrets qu’ils ont pris, dont nombre ont des conséquences dramatiques sur les femmes, a-t-elle regretté.  Ainsi, 46% des femmes afghanes interrogées affirment-elles que les Taliban ne devraient pas être reconnus, quelles que soient les circonstances, a fait observer Mme Otunbayeva, pour qui les politiques d’exclusion des femmes sont tout à fait inacceptables.  De l’avis de la Représentante spéciale, la stratégie révisée de dialogue, adoptée par l’ONU à l’égard des autorités de facto, nécessite une coordination étroite de la communauté internationale.  Alors que la « porte reste ouverte », il faut saisir l’occasion qui se présente pour le bien-être de millions de femmes qui doivent pouvoir contribuer à un Afghanistan ouvert, a-t-elle plaidé en conclusion.

Mme SIMA SAMI BAHOUS, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a indiqué qu’alors que le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions condamnant la répression dirigée contre les femmes et les filles afghanes, ONU-Femmes a, pour sa part, collaboré avec la MANUA et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour consulter régulièrement les femmes afghanes et essayer de les placer au centre du processus décisionnel, comme l’exige le programme pour les femmes et la paix et la sécurité.  De ces consultations, a-t-elle précisé, il ressort que l’accès à l’éducation reste la plus grande priorité puisqu’environ les quatre cinquièmes des jeunes femmes et filles en âge d’étudier ne sont pas scolarisées. De plus, l’influence des femmes sur la prise de décisions a considérablement diminué, y compris au sein des communautés, de la famille élargie et des ménages, en raison notamment de l’augmentation de la pauvreté, de l’imposition par les Taliban de normes patriarcales et de l’isolement croissant des femmes . Mme Bahous a ainsi relevé que seulement 22% des femmes consultées ont déclaré rencontrer d’autres femmes non membres de leur famille au moins une fois par semaine. 

Selon la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, les femmes afghanes disent aussi être confrontées à une liste toujours croissante de restrictions souvent appliquées avec plus de sévérité, en particulier par les membres masculins de la famille.  Elle a en outre constaté une baisse du taux d’emploi des femmes afghanes, estimé à 25% depuis la prise du pouvoir par les Taliban, contre 7% pour les hommes, ainsi qu’une augmentation du mariage et du travail des enfants.  De plus, 90% des jeunes femmes interrogées déclarent avoir une santé mentale mauvaise ou très mauvaise, avec des idées suicidaires omniprésentes, a-t-elle déploré, ajoutant que les femmes continuent d’exiger de la communauté internationale qu’elle leur fournisse des espaces pour discuter directement avec les autorités de facto.  Elles demandent également que les acteurs internationaux ne rencontrent pas les Taliban sans la présence de femmes dans leurs délégations, a poursuivi la responsable onusienne, selon laquelle 46% des femmes interrogées considèrent qu’il ne faut pas reconnaître les autorités de facto ou qu’elles ne devraient l’être qu’une fois qu’elles auront mis fin aux violations des droits liés à l’éducation, à l’emploi et à la participation des femmes à un gouvernement inclusif.

Mme Bahous a ensuite estimé que, par le passé, les voix des femmes afghanes n’ont que trop été ignorées.  Rappelant que les femmes ont été exclues de 80% des négociations de paix entre 2005 et 2020, elle a observé que les discussions autour de l’Accord de Doha en 2020 se sont seulement déroulées sans elles et ne faisaient aucunement référence aux droits des femmes.  « Ces échecs font partie de ce qui nous a amené là où nous en sommes aujourd’hui », a-t-elle regretté.  Pour cette raison, elle a recommandé au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011) de convoquer une session consacrée au rôle que le Comité peut jouer dans la réponse aux violations des droits des femmes en Afghanistan.  Elle a également souhaité que l’on cesse de considérer la situation en Afghanistan comme une simple crise humanitaire.  À ses yeux, il s’agit aussi d’une crise économique, d’une crise de santé mentale, d’une crise de développement « et bien plus encore ».  Il faut enfin que le Conseil de sécurité apporte son plein soutien au processus intergouvernemental visant à codifier explicitement « l’apartheid sexiste » dans le droit international, a-t-elle préconisé. 

Mme KARIMA BENNOUNE, experte juridique internationale, a dit coopérer avec les défenseuses afghanes des droits humains depuis près de 30 ans. Rappelant que, depuis août 2021, pas moins de 65 décrets des Taliban ont privé les femmes afghanes de la plupart de leurs droits fondamentaux, elle a indiqué que cette situation relevant de l’« apartheid » se traduit notamment par des cas de torture et a entraîné une augmentation du nombre de suicides.  Elle a ainsi rapporté les mots d’une femme ouzbèke de la province de Takhar ayant récemment tenté de mettre fin à ses jours:  « J’ai peur qu’ils interdisent aux femmes de respirer sans la permission d’un homme. »  Une manifestante de Kaboul parle, elle, de « mort progressive » due à la « situation d’apartheid entre les sexes », a-t-elle ajouté. 

L’experte a expliqué que des défenseuses afghanes des droits humains ont récemment entamé une grève de la faim pour protester contre les tentatives de normalisation des relations avec les Taliban entreprises par certains États, tout en exigeant une reconnaissance internationale de « l’apartheid des sexes » qui règne en Afghanistan.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à agir pour tenir les autorités de facto responsables de la destruction des droits des femmes.  À cet égard, Mme Bennoune a appuyé les appels du Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Afghanistan et du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles à promouvoir une condamnation juridique internationale de la situation.  Appelant à reconnaître « l’apartheid sexiste » dans le droit international, elle a fait valoir que l’Afrique du Sud a non seulement adopté cette terminologie au Conseil des droits de l’homme mais a aussi appelé à une réaction internationale semblable à celle qui avait contribué à mettre fin à l’apartheid racial. 

Mme Bennoune a d’autre part rappelé qu’elle avait publié en décembre 2022 une étude intitulée « L’obligation internationale de lutter contre l’apartheid sexiste en Afghanistan ».  À ses yeux, les Taliban ne se contentent pas de ne pas respecter les droits des femmes, leur oppression est « au cœur de leur système de gouvernance ». Compte tenu du fait que l’approche ordinaire des droits humains ne peut fonctionner dans le cadre d’un apartheid, elle a plaidé pour une action menée par le Conseil, sur la base de ses 10 résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité, et soutenue par des États de toutes les régions.  L’experte a également rappelé que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur la situation afghane et pourrait engager des poursuites contre certains auteurs présumés de crimes internationaux.  Elle a toutefois jugé que la responsabilité individuelle, bien qu’essentielle, n’est pas suffisante pour faire face à l’ampleur de cette crise. 

« L’approche de l’apartheid sexiste signifie qu’aucun État Membre ne peut être complice des actions illégales des Taliban ou les normaliser, et que tous les États Membres doivent prendre des mesures efficaces pour mettre fin à cette situation », a résumé Mme Bennoune.  Dès lors, il ne peut être question de reconnaître les Taliban et encore moins de les laisser entrer à l’ONU, en tout cas tant que leur système d’apartheid entre les sexes persiste.  Insistant sur le fait que l’objectif n’est pas d’isoler l’Afghanistan ou de lui couper l’aide humanitaire dont il a désespérément besoin, l’experte a estimé que la fourniture d’une aide fondée sur des principes et non discriminatoire constitue « une question de vie ou de mort ».  Elle a appelé le Conseil de sécurité et les autres organes compétents des Nations Unies à envisager d’adopter des résolutions qualifiant le traitement des femmes afghanes par les Taliban à la fois de persécution fondée sur le sexe et de cadre institutionnalisé d’apartheid fondé sur le sexe.  Selon elle, ces résolutions devraient exiger des États et de l’ONU qu’ils prennent des mesures efficaces pour mettre fin à ces graves violations du droit international. Elle a par ailleurs souhaité que le traité sur les crimes contre l’humanité, actuellement à l’étude, prenne en compte les questions de genre et fasse référence à l’apartheid sexiste. « Comme me l’a dit un jour une défenseuse afghane des droits humains, l’optimisme est la clef de la survie », a-t-elle conclu. 

M.ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), qui s’est ému des restrictions imposées aux femmes et aux jeunes filles, a toutefois estimé que la communauté internationale ne doit pas isoler les Taliban comme dans les années 90, mais plutôt s’engager dans un dialogue avec eux.  Il a salué le maintien de la présence de la MANUA en Afghanistan, rappelant que son propre pays a rouvert son ambassade à Kaboul en 2022.  À ce titre, le délégué a rappelé la signature, fin août, par le Japon et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), d’un document de coopération pour un projet visant à améliorer la production agricole grâce à des systèmes d’irrigation pris en charge au niveau communautaire.  Il a souhaité que ce projet permette non seulement de combler les graves pénuries alimentaires qui sévissent dans le pays, mais aussi d’aider le peuple afghan à regagner son autonomie.  Le représentant a, en conclusion, indiqué que, d’ici à novembre, une évaluation indépendante de l’approche internationale vis-à-vis de l’Afghanistan serait fournie conformément, à la résolution 2679 (2023) du Conseil de sécurité.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a présenté ses attentes concernant la prochaine évaluation de la situation en Afghanistan, qui devrait être transmise en novembre.  Il faut, en premier lieu, une feuille de route claire sur un processus politique et un dialogue avec les autorités de facto, qui devraient inclure une reconnaissance de leur contrôle du territoire sans pour autant légitimer leur pouvoir par défaut, a-t-elle estimé.  Des millions de vies dépendent de notre capacité à marcher sur cette corde raide, a reconnu la représentante, en appelant à veiller à ce que le peuple afghan ne soit pas doublement victime des politiques extrémistes et de l’inaction du Conseil de sécurité.  Pour que le processus politique se mette en place, il doit être cohérent, assorti d’un calendrier et d’objectifs concrets.  Il faut aussi une approche qui contraindra les autorités de facto à respecter les obligations des autorités de facto en vertu du droit international, à respecter les droits humains, dont ceux des femmes et des filles. 

La représentante, qui a exhorté à faire converger les différentes initiatives en cours, a voulu que les femmes y soient pleinement associées.  En outre, la déléguée a souligné l’importance de mesures de relance de l’économie afghane, en préconisant la réintégration de l’Afghanistan dans le système bancaire international.  Le secteur privé et les petites et moyennes entreprises ont besoin de capitaux, en particulier celles dirigées par les femmes, a-t-elle observé.  Concernant les problèmes sécuritaires, elle a appelé à veiller à ce que l’Afghanistan ne serve pas de base arrière aux organisations terroristes qui mènent des opérations contre d’autres États.  Elle a enfin exhorté à investir dans l’économie et la société afghanes pour leur donner les moyens de relever le défi des changements climatiques, notamment le développement des systèmes d’alerte précoce et la diversification des moyens de subsistance de la population. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a indiqué que le rapport à l’ordre du jour du Conseil établit l’absence d’amélioration des conditions de vie des femmes en Afghanistan, l’insuffisance de l’assistance humanitaire dans le pays, la multiplication du nombre de nécessiteux, ainsi que les obstacles dressés par les Taliban à l’acheminement de l’aide, autant de questions hautement préoccupantes.  Il a dénoncé ce qu’il a qualifié d’apartheid des femmes, en appelant à une réforme visant au renforcement des institutions afghanes.  Plusieurs organisations terroristes, dont Al-Qaida et l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorassan (EIIL-K), pourraient bénéficier d’un tel contexte, selon le délégué, qui a donc incité à resserrer la coordination dans la prévention et la lutte contre le terrorisme et le trafic d’armes.  L’Équateur a pris également note des efforts de dialogues bilatéraux et régionaux avec le régime des Taliban aux fins de promouvoir des politiques respectueuses des droits humains.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré reconnaître les acquis des Taliban en matière de lutte contre le terrorisme.  Mais les droits des femmes doivent rester une priorité de la communauté internationale, tout comme doit l’être la lutte contre la crise humanitaire dans ce pays où 40% de la population est confrontée à l’insécurité alimentaire aiguë, a-t-elle fait valoir.  Appelant les États Membres à soutenir le plan d’intervention humanitaire révisé de l’ONU pour l’Afghanistan, actuellement sous-financé, elle a souligné que, depuis 2011, le Royaume-Uni a contribué à hauteur de plus de 500 millions de dollars pour atténuer cette crise. À l’approche de l’hiver, davantage doit être fait, notamment en obtenant que l’aide humanitaire ne soit plus gérée uniquement pas des institutions dirigées par les hommes, a-t-elle ajouté. La représentante a également estimé que les Taliban doivent comprendre qu’une reconnaissance de leur autorité ne pourra pas se faire tant qu’ils excluent de la vie publique et privent de leurs droits 50% de la population afghane. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a pris note de la volonté de Kaboul de développer des contacts avec la MANUA et s’est réjouie du fait que l’ONU reste déterminée à maintenir une présence sur place et à fournir une assistance au peuple afghan.  Brossant le tableau des 20 dernières années, elle a rappelé que la guerre menée par les États-Unis et de leurs alliés a abouti à leur « fuite ignominieuse », amené au pouvoir ceux qu’ils combattaient et conduit le pays au bord de l’effondrement.  Selon elle, l’Afghanistan était devenu « un lieu d’expérimentation pour la stratégie régionale américaine, où l’on testait différents types d’armes et blanchissait des milliards de dollars. »  Elle a ajouté que la guerre contre le terrorisme a transformé le pays en un refuge pour les extrémistes de tous bords, dont une franchise de Daech.  Elle a en outre accusé les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN d’y avoir perpétré de nombreux crimes de guerre et d’en effacer les traces. 

« Dans ce contexte, les déclarations fracassantes de nos collègues américains sur leurs prétendues préoccupations concernant le sort des Afghans, notamment les femmes et les enfants qu’ils ont eux-mêmes trahis et abandonnés à leur sort, paraissent hypocrites », a-t-elle martelé, relevant que les Occidentaux se mobilisent moins pour la population afghane que pour « la guerre contre la Russie en Ukraine ».  Après s’être alarmée de la situation sécuritaire en Afghanistan, notamment des activités de l’État islamique d’Iraq et du Levant–Khorassan, elle a dénoncé le « soutien de services secrets étrangers » à ce groupe terroriste, faisant état de transferts d’hélicoptères de l’OTAN aux combattants de l’EIIL-K.  La déléguée s’est aussi inquiétée de la sécurité du personnel de la MANUA et des travailleurs humanitaires sur le terrain, tout en notant les efforts, « louables mais insuffisants », des autorités de facto.  Elle a d’autre part souligné le lien entre drogue et terrorisme, avant d’appeler à une aide régionale et internationale, notamment de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

Sur le plan humanitaire, la représentante a regretté que les efforts de l’ONU pour étendre l’assistance au-delà des besoins de base soit « bloquée par les donateurs occidentaux ».  Dénonçant la « réduction délibérée » de leur aide à l’Afghanistan « sous divers prétextes politisés », elle a établi une comparaison avec la somme de 1,83 milliard de dollars reçue cette année par les Nations Unies pour l’aide humanitaire à l’Ukraine, alors que l’Afghanistan et la plupart des autres situations de crise dans le monde souffrent d’un sous-financement chronique. 

La représentante a ensuite pris note des déclarations faites par les autorités de facto sur les droits fondamentaux des femmes et des filles à l’éducation et au travail, et a dit attendre avec impatience une résolution rapide de ces problèmes.  Elle a également appelé à la formation d’un gouvernement véritablement inclusif, avec la participation de tous les groupes ethno-politiques du pays.  La déléguée a par ailleurs appelé à une coopération régionale avec l’Afghanistan en vue d’un règlement global, indiquant à cet égard que son pays travaille à l’élaboration d’une approche commune dans le cadre du « processus de Moscou », dont une réunion est prévue le 29 septembre à Kazan.  Elle a précisé à cet égard que les Émirats arabes unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Türkiye, l’Indonésie et une délégation des Taliban y sont attendus. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) s’est tout d’abord alarmée de l’essor du trafic de méthamphétamines en Afghanistan, ainsi que de la poursuite des incidents frontaliers avec les pays voisins.  Elle a ensuite estimé que la ségrégation et l’exclusion des femmes et des filles par les autorités de facto pourraient constituer une persécution fondée sur le sexe et un crime contre l’humanité.  La représentante a rappelé que les récentes fermetures de salons de beauté et le licenciement de femmes travaillant dans des jardins d’enfants ont privé de nombreuses travailleuses afghanes de leurs dernières sources d’emploi et d’espace leur permettant de trouver un soutien communautaire en dehors de leur foyer.  Elle a demandé aux Taliban de revenir immédiatement et inconditionnellement sur toutes les politiques et pratiques qui restreignent les libertés fondamentales des femmes et des filles. 

La déléguée s’est aussi inquiétée de la détérioration de l’économie du pays, qui accentue encore la crise humanitaire.  Elle a regretté, à cet égard, que la fourniture de l’aide internationale montre des signes de faiblesse, notamment du fait de restrictions budgétaires. Enfin, après avoir réitéré son soutien à l’action de la MANUA et appelé le régime taliban à se conformer à la résolution 2681 (2023), elle a dit attendre avec intérêt les recommandations du Coordinateur spécial de l’évaluation de la situation en Afghanistan, M. Feridun Sinirlioğlu, sur la manière dont les Nations Unies peuvent renforcer plus efficacement leurs actions dans le pays.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom de l’A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a pris note de l’amélioration de la situation macroéconomique en Afghanistan, saluant la promotion par les autorités de facto du commerce et de la coopération régionale.  En revanche, il s’est dit préoccupé par la poursuite des violences contre les civils, en particulier les enfants, ainsi que par les exécutions extrajudiciaires et les arrestations arbitraires.  L’A3 est particulièrement préoccupé par les discriminations faites aux femmes et aux filles, et par la restriction de la liberté d’expression, a-t-il souligné.  Il a par ailleurs déploré que le Gouvernement actuel de l’Afghanistan soit entièrement composé d’hommes, parmi lesquels figurent des individus inscrits sur la liste des sanctions de l’ONU.  Le représentant a également constaté le manque de représentation de la diversité du peuple afghan et appelé les autorités de facto à revoir cette situation. Il a en outre demandé l’annulation de la mesure interdisant le travail des femmes dans le domaine humanitaire, avant de plaider pour l’égalité d’accès à l’éducation pour les garçons et les filles. 

Le représentant a ensuite exigé des réponses aux problèmes humanitaires auxquels le peuple afghan est confronté.  Il a appelé à fournir de toute urgence des vivres, de l’eau, des soins de santé et des abris, en particulier aux provinces reculées.  Il a aussi prié les donateurs d’accroître leur assistance à l’approche de l’hiver.  S’agissant de la situation sécuritaire, le délégué a constaté une baisse des incidents mais a encouragé les autorités à poursuivre la lutte contre le terrorisme et à assurer la sécurité des citoyens afghans.  Il a d’autre part demandé aux pays voisins d’intensifier leurs efforts pour stabiliser la situation en Afghanistan et à l’échelle régionale.  Avant de conclure, il a souligné que la stabilité politique du pays nécessite un processus inclusif et respectueux des droits humains et des valeurs démocratiques. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a évoqué trois questions urgentes aux yeux de son pays: les droits des femmes et des filles, l’accès à l’assistance humanitaire et le respect des droits humains en Afghanistan.  Fustigeant des restrictions qu’il a qualifiées d’injustifiables, il a appelé les Taliban à les lever sans délais.  Le délégué a insisté sur la participation des fonctionnaires femmes de l’ONU sur place, et jugé inacceptable toute entrave à l’acheminement de l’assistance humanitaire, soulignant que son pays avait fourni, depuis août 2021, 2 milliards de dollars d’aide humanitaire aux pays, dont 969 millions au Programme alimentaire mondial (PAM).  Alors que le rapport sur les activités de la MANUA fait état de 800 cas d’exécutions, d’exactions et de violations injustes des droits humains, le Conseil de sécurité devrait agir pour que les Taliban inversent la tendance actuelle et facilitent l’acheminement de l’aide humanitaire, a-t-il conclu. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a jugé « épouvantable » la situation des droits humains en Afghanistan, en particulier ceux des femmes et des filles.  Selon lui, les mesures discriminatoires, notamment l’accès à l’éducation et au travail, compromettront toute perspective de construction d’une société stable et prospère en Afghanistan.  Cela ne pourra jamais être réalisé sans l’inclusion adéquate et la participation significative des femmes à la vie publique et une éducation adéquate pour les filles.

Le représentant a ensuite estimé que les récents indicateurs économiques offrent une lueur d’espoir pour l’Afghanistan.  Il ne faut donc pas compromettre ces fondamentaux en suivant une voie politique qui aliène davantage des pans importants de la société afghane et continue d’isoler le pays, a-t-il préconisé.  Dans le cadre de ce processus, la communauté internationale doit assumer sa part.  Le retour prudent des avoirs gelés vers la Banque centrale afghane doit être un élément clef de toute stratégie visant à un engagement constructif avec les autorités de facto, a estimé le délégué, en lançant un appel aux États qui ont été ou sont encore plus impliqués dans l’histoire récente du pays.  Ils ont l’obligation politique et morale d’aider les Afghans à relever les défis politiques, économiques et humanitaires complexes auxquels ils sont confrontés. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que plus des deux tiers de la population afghane ont besoin d’aide, à commencer par les femmes, qui restent systématiquement exclues de l’éducation et du travail rémunéré, ainsi que de la vie politique, économique et sociale.  La violation de leurs droits continue de peser lourdement sur les perspectives économiques et humanitaires du pays entier.  En outre, a déploré la représentante, le travail humanitaire effectué par les femmes est en grande partie suspendu.  L’exclusion des femmes met en péril l’ensemble de l’action humanitaire, décourage le financement nécessaire et encourage le détournement économique.  Pour que l’Afghanistan puisse se relever, il a besoin de femmes qui peuvent déterminer leur propre avenir et participer activement à la vie publique et politique, a estimé la déléguée, pour laquelle cela commence à l’école. 

La représentante a ensuite apporté son soutien à la collecte de données à travers le pays et l’établissement de rapports pertinents, pour élaborer des solutions durables qui nécessitent une étroite collaboration avec les organisations de la société civile.  Elle a ensuite plaidé en faveur de mesures d’atténuation des conséquences des changements climatiques.  Pour elle, les Taliban n’obtiendront l’autonomie économique que s’ils parviennent à établir une relation de confiance avec la communauté internationale, a ajouté la représentante, en paraphrasant le Secrétaire général.  Pour la Suisse, cette confiance passe par une gouvernance inclusive et le respect des droits humains du peuple afghan dans son ensemble.

M. ZHANG JUN (Chine) a salué les mesures prises par les Taliban pour stabiliser la situation sécuritaire et augmenter les recettes de l’État.  Il a néanmoins regretté que des difficultés subsistent s’agissant de la situation humanitaire, des droits des femmes et des filles, et de la réponse à la menace terroriste.  Dans ce contexte, il a exhorté les autorités de facto à garantir l’inclusion des femmes, des filles et des minorités, tout en appelant la communauté internationale à maintenir le financement de l’assistance humanitaire.  À cet égard, le représentant a demandé aux bailleurs de fonds de donner la priorité à la survie de la population afghane, plutôt que d’instrumentaliser l’assistance humanitaire pour faire pression sur le pays. 

Le délégué s’est ensuite indigné du gel illégal de 7 milliards de dollars d’actifs appartenant à la Banque centrale afghane, dont 1,3 milliard ont été versés dans un fonds établi à l’étranger, soi-disant pour soutenir l’économie du pays.  Or, deux ans se sont écoulés et aucun montant n’a bénéficié à la population afghane, alors que ledit fonds aurait amassé 128 millions de dollars en intérêts. « C’est une nouvelle forme de pillage », a-t-il dénoncé, avant d’enjoindre aux États-Unis de rendre ces actifs « dans leur totalité et sans condition ».  Il a, d’autre part, appelé à la levée des mesures coercitives unilatérales qui, selon lui, entravent l’acheminement de l’assistance humanitaire.  La résolution 2615 (2021) du Conseil de sécurité stipule très clairement que l’octroi de l’aide humanitaire à la population ne constitue en rien une violation des sanctions du Conseil, a-t-il argué, avant d’inviter la MANUA à ajuster ses effectifs pour améliorer la situation sur le terrain. 

Constatant que les Taliban poursuivent leur oppression systématique des Afghanes, Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a affirmé que son pays « n’accepterait jamais cette politique de ségrégation ». Elle a rappelé que Paris avait coorganisé, pendant le segment de haut niveau de l’Assemblée générale, une réunion ministérielle pour dénoncer les discriminations systématiques imposées aux Afghanes par les Taliban.  Rappelant que la France continue à fournir de l’aide directement à la population afghane sur la base du principe « pour les femmes, par les femmes », la représentante a indiqué que plus de 140 millions d’euros avaient été versés depuis 2021.  Cette aide, a-t-elle précisé, se poursuivra dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la sécurité alimentaire, avec une contribution supplémentaire de 1,5 million au Programme alimentaire mondial (PAM) cette année, afin de prévenir le risque de famine pour les femmes et les filles.  La déléguée a rappelé que la résolution 2593 (2021) du Conseil de sécurité fixe cinq attentes en matière de lutte contre le terrorisme, d’aide humanitaire et de respect des droits humains, que « les Taliban continuent de fouler aux pieds », comme du reste la résolution 2681 (2023), adoptée à l’unanimité il y a six mois.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que, deux ans après la prise de pouvoir par les Taliban, la situation afghane demeure précaire, notamment en ce qui concerne les femmes et les filles.  Face aux politiques « radicales » de Kaboul, la communauté internationale s’efforce de coordonner son action, a-t-il salué, dénonçant les « règles sociales médiévales » adoptées par les autorités de facto.  Selon le représentant, les Taliban n’ont pas l’intention d’honorer leurs promesses au titre des droits humains, notamment du respect des droits fondamentaux des femmes. De plus, rien n’indique jusqu’à présent que la population, dont les deux-tiers dépend de l’assistance humanitaire, connaisse les progrès mentionnés par les Taliban.  Au contraire, ceux-ci continuent de « trahir la population afghane », ce qui est intolérable, a martelé le représentant, selon lequel un véritable « apartheid sexiste » est à l’œuvre en Afghanistan.  En conclusion, il a appelé les États Membres à faire preuve de solidarité avec le peuple afghan. 

M. NASEER AHMAD FAIQ, (Afghanistan), a constaté que, deux ans après la prise du pouvoir par les Taliban, la situation en Afghanistan n’a pas changé. Elle ne fait même que se détériorer dans les domaines humanitaire, sécuritaire et politique, a-t-il déploré, relevant qu’aujourd’hui, 90% de la population vit dans la pauvreté et que les deux tiers des Afghans luttent pour survivre.  La faim touche 20 millions de personnes, le chômage augmente et la migration se poursuit malgré les graves risques qu’elle comporte, a-t-il noté, avant de rappeler que les femmes et les filles sont confrontées à de strictes limitations en matière de mobilité, d’accès à l’éducation et de participation à la vie publique.  De plus, les expressions culturelles et artistiques sont supprimées et la population vit dans la peur constante de représailles, a ajouté le représentant. 

L’orateur a ensuite mis l’accent sur l’importance du soutien de la communauté internationale pour aider son pays à surmonter ses défis.  Il s’est félicité à cet égard des discussions organisées par l’ONU à Doha en mai dernier, de la nomination du Coordonnateur spécial pour l’amélioration de la situation en Afghanistan et de la récente réunion de haut niveau en faveur des femmes et des filles afghanes.  Ce sont des développements bienvenus, reconnus et appréciés par le peuple afghan, a-t-il dit, appelant à ce que ces efforts soient maintenus et renforcés, dans le but de « libérer l’Afghanistan des chaînes de l’apartheid sexiste, de la radicalisation et de l’extrémisme ».  Il s’agit, a-t-il souligné, de permettre aux femmes, aux filles et aux jeunes afghans de contribuer à la croissance et à la prospérité de leur pays. 

Malgré les défis, le peuple afghan reste déterminé, divers groupes travaillant sans relâche pour défendre les droits des citoyens et les valeurs nationales, a poursuivi le représentant.  Selon lui, la société civile, les femmes, les jeunes et les mouvements politiques sont mobilisés pour former un « programme national uni ». Pour preuve, a-t-il indiqué, la mission afghane auprès des Nations Unies a organisé le 16 septembre une réunion en ligne avec des représentants de l’armée afghane, des membres de la diaspora, des personnalités politiques afghanes indépendantes, des militants des droits humains ainsi que des dirigeants de partis et d’associations progressistes et démocratiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Ces acteurs demandent à la communauté internationale de maintenir la pression sur les Taliban pour qu’ils renoncent à leurs politiques anti-femmes, a-t-il souligné.  Ils demandent aussi à l’ONU de respecter sa promesse de classer le sort des femmes et des filles afghanes comme relevant d’un « apartheid sexiste ».  Ils demandent en outre que l’assistance humanitaire soit maintenue pour la population afghane et sollicitent l’attention prioritaire du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour la protection et la réinstallation des personnes ayant fui les persécutions des Taliban.  Enfin, a-t-il conclu, ces acteurs soutiennent les sanctions contre les autorités de facto pour violation des droits des femmes et s’opposent à la normalisation des liens avec eux jusqu’à ce qu’ils respectent les droits et la volonté des populations de l’Afghanistan. 

M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a souligné l’urgence de déployer une aide impartiale et sans conditions en Afghanistan, où il faut lever les sanctions unilatérales pour soutenir le redressement économique. La coopération régionale pourra faciliter le retour en toute sécurité des réfugiés afghans, qui pèsent lourdement sur la sécurité et la stabilité régionales.  La présence de Daech et des affiliés d’Al-Qaida sont des menaces pour l’Afghanistan, les pays voisins et la communauté internationale, a mis en garde le délégué, en dénonçant l’attentat terroriste en date du 13 août 2023, visant des civils innocents et des pèlerins dont deux Iraniens visitant le sanctuaire Shah-e-Cheragh à Chiraz.

Le représentant a ensuite dénoncé le manque d’inclusion ethnique et politique en Afghanistan, en appelant la formation d’un gouvernement représentatif de sa diversité.  Il a brocardé les mesures prises par les autorités de facto, qui affaiblissent les liens culturels, linguistiques et historiques des Afghans avec la langue farsi. Ces mesures qui menacent la stabilité et la sécurité de l’Afghanistan et violent les droits fondamentaux de tous les habitants doivent être levées, a insisté le délégué.  Pour sa part, l’Iran poursuit sa collaboration avec les pays voisins, les partenaires internationaux et l’ONU pour promouvoir une paix, une sécurité et une stabilité durables en Afghanistan, a indiqué le délégué, en soulignant le rôle de son pays dans l’acheminement de l’aide humanitaire en Afghanistan, notamment la nouvelle route de distribution qui passe par le port de Chabahar en Iran.  Il a plaidé le maintien des engagements avec les Taliban même s’ils n’ont pas respecté les leurs, avant de soutenir le processus de Moscou dont la prochaine réunion est prévue le 29 septembre à Kazan, en Russie. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a souligné les liens historiques et civilisationnels qui unissent l’Inde au peuple afghan, avant de rappeler les priorités de son pays en Afghanistan et son approche collective telle que définie dans la résolution 2593 (2021) du Conseil de sécurité.  La situation humanitaire désastreuse exige de donner la priorité à l’acheminement d’une aide humanitaire à la population civile, a estimé la déléguée, en soulignant celle déjà apportée par son pays.  L’Inde a aussi établi des partenariats avec plusieurs agences des Nations Unies sur le terrain, s’est-elle enorgueillie.  En conclusion, elle a dit attendre impatiemment l’évaluation intégrée et indépendante de la situation afghane par le Secrétaire général, comme demandée par la résolution 2679 du Conseil de sécurité.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a noté une évolution positive de la situation en Afghanistan, saluant l’amélioration de l’ordre public, la stabilisation du Gouvernement, la poursuite de la lutte contre Daech, le recul de la corruption et la progression du commerce avec les pays voisins.  Il s’est toutefois inquiété de la situation humanitaire, qui « reste grave », les deux tiers du peuple afghan ayant besoin d’une aide d’urgence.  Si les restrictions imposées aux femmes et aux filles restent en vigueur, un « espace » a été créé pour elles, a-t-il observé, avant d’assurer que son pays ne ménage aucun effort pour parvenir à une solution durable grâce à la concertation.  Il a d’autre part déploré que l’économie afghane soit paralysée par un système bancaire dysfonctionnel, ce qui entraîne une contrebande de dollars vers l’Afghanistan aux effets catastrophiques pour le Pakistan.  Il a appelé à relancer le système bancaire afghan en débloquant les avoirs nationaux gelés à l’étranger et en reprenant le financement pour le développement.  Constatant par ailleurs que la production d’opium a été réduite de 80%, il a jugé essentiel de fournir des cultures de substitution et des financements aux agriculteurs afghans. 

Le représentant s’est ensuite déclaré préoccupé par la présence de groupes terroristes en Afghanistan, qui menacent aussi les pays voisins.  Il s’est notamment alarmé de la menace représentée par le mouvement des Taliban du Pakistan, responsables de la mort de centaines de soldats et de civils pakistanais au cours de l’année écoulée. Rappelant à cet égard que, suite à des contacts établis par l’intermédiaire de la Représentante spéciale, des mesures devaient être prises contre ce mouvement, il a souhaité qu’elles se matérialisent de manière crédible.  Il a également rappelé que plus de 4 millions de réfugiés afghans ont trouvé refuge au Pakistan, avant d’inviter la communauté internationale et les autorités afghanes à collaborer avec son gouvernement pour s’assurer qu’aucun d’eux n’est membre d’un groupe terroriste et pour rapatrier les Afghans sans papiers. 

En conclusion, le représentant a plaidé en faveur d’une approche collaborative pour trouver des solutions et a dit compter sur le « Gouvernement intérimaire » pour qu’il coopère avec tous ses voisins.  Il a aussi espéré que l’évaluation indépendante sur l’Afghanistan permettra au Conseil de sécurité d’établir une feuille de route sur la normalisation de situation dans et avec ce pays.  Il a enfin appelé la communauté internationale à prendre en compte les priorités du Gouvernement et de la population de l’Afghanistan, notamment en fournissant un appui financier adéquat, en levant les sanctions et en accordant au régime en place une reconnaissance politique et une représentation auprès de l’ONU. 

Reprenant la parole, le représentant de l’Afghanistan a dit représenter son pays et les souffrances de la population devant le Conseil de sécurité et rejeté les allégations du Pakistan, pays qui, d’un côté, prétend être victime du terrorisme, et, de l’autre, appuie et normalise les groupes terroristes en Afghanistan.

Son homologue du Pakistan a dit ne pas considérer légitime « cette personne » qui prétend représenter l’Afghanistan.  Il est anormal que le Conseil l’ait invitée à intervenir devant lui, a-t-il affirmé. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale achève un débat de haut niveau marqué cette année par les fermes mises au point des « putschistes » d’Afrique

Soixante-dix-huitième session,
14e séance - matin
AG/12539

L’Assemblée générale achève un débat de haut niveau marqué cette année par les fermes mises au point des « putschistes » d’Afrique

Dans un contexte où la communauté internationale semble incapable de s’unir pour répondre aux tensions géopolitiques et autres défis du monde, comme l’a dit le Secrétaire général, 136 chefs d’État et de gouvernement, et 40 ministres se sont succédé à la tribune de l’Assemblée générale, dès le 19 septembre, pour deviser sur le thème « Rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale pour accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité ».  Choisissant d’abord de confirmer la méfiance, la Guinée, le Gabon, le Burkina Faso et le Mali se sont livrés à de fermes mises au point sur la prétendue « épidémie » de coups d’État qui, après celle de la COVID-19, s’abattrait désormais sur l’Afrique.  Ils ont vigoureusement dénoncé le fait que le Niger « ait été interdit d’accès à l’ONU ». 

Au dernier jour du Sommet qu’il a entamé la veille pour sauver les objectifs de développement durable (ODD), le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a dressé, devant l’Assemblée générale, le sombre bilan d’un monde où les divisions se creusent, les inégalités s’accentuent, les discours de haine se multiplient, l’autoritarisme est en marche et la démocratie est menacée.  À sa suite, les délégations ont lancé des appels à la solidarité, à la réforme du système financier international, à l’émergence d’un vrai multilatéralisme voire à un nouvel ordre mondial, s’alarmant de « la fragmentation de la gouvernance mondiale » dont l’Ukraine serait le symptôme. 

Au niveau régional, a embrayé le Président de la Guinée, M. Mamadi Doumbouya, l’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance imposé et inefficace qui a contribué à la corruption active des élites auxquelles l’on a accordé des certificats de démocrate en fonction de leur docilité, leur aptitude à brader les ressources nationales et la facilité avec laquelle elles cèdent aux injonctions des institutions internationales au service des grandes puissances. 

Le Président guinéen s’est moqué de ceux qui condamnent la prétendue « épidémie de coups d’État en Afrique ».  Les vrais putschistes, a-t-il lancé, sont ceux qui manipulent les constitutions pour se maintenir au pouvoir.  Il a justifié les « transitions militaires » par les promesses non tenues et la mauvaise répartition des richesses.  On aurait tort, a prévenu le Premier Ministre du Gabon, de prononcer des sentences sans nuance et de faire des amalgames faciles, désaccordés des réalités de notre contexte. 

Affirmant que son peuple n’était pas prêt à accepter une nouvelle « forfaiture électorale », M. Raymond Ndong a estimé que l’armée gabonaise n’avait d’autre choix que d’interrompre un processus frauduleux et dangereux pour la cohésion nationale.  Condamner le renversement de l’ancien Président, c’est dire qu’il aurait mieux valu laisser libre cours aux affrontements et compter les victimes. 

Devant les soupçons d’une main noire derrière tous ces bouleversements, le Président de la Guinée s’est senti insulté: nous mettre sous la coupe de telle ou telle puissance relève d’un mépris voire d’un racisme vis-à-vis d’un continent de plus de 1,3 milliard de personnes, à la jeunesse nombreuse et décomplexée.  Nous ne sommes ni pro ni anti-Américains, ni pro ni anti-Chinois, ni pro ni anti-Français, ni pro ni anti-Russes, ni pro ni anti-Turcs.  Nous sommes tout simplement pro africains.  Il n’y a pas de sentiment anti-français en Afrique, a précisé le Ministre du service civil du Burkina Faso, M. Bassolma Bazié, sans pour autant oublier d’attirer l’attention sur les « manigances moyenâgeuses » pour barrer l’accès du Niger à la tribune de l’Assemblée générale.  

Son homologue du Mali et Ministre des affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop, s’est catégoriquement opposé aux mesures coercitives de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union monétaire ouest-africaine.  Il a aussi réaffirmé l’opposition de son pays à toute intervention militaire au Niger qui constituerait une menace directe pour la région, à l’instar des conséquences désastreuses de l’intervention qu’a autorisée le Conseil de sécurité en Libye, contre l’avis des dirigeants africains. 

Ce que nous ne voulons plus, a averti le Ministre burkinabé, c’est l’arrogance, l’insolence et la suffisance.  Des indépendances factices aux guerres fratricides, de la démocratie électoraliste aux aides biaisées, des guerres de rapine au terrorisme malicieusement fabriqué, il y a une seule constante: nous dominer.  Nous décidons désormais de dire « non » à tous ces « amis qui nous veulent du bien » au point de nous menacer de guerre pour imposer leur amitié. 

Le temps où une poignée de nations définissaient les agendas, en espérant que les autres suivent, est révolu, a tranché aujourd’hui-même le Ministre indien des affaires étrangères. À l’heure où la polarisation Est-Ouest est si perceptible et le fossé entre le Nord et le Sud, si profond, écouter les autres et respecter leur point de vue n’est pas une faiblesse mais le fondement-même de la coopération et du succès, a commenté M. Subrahmanyam Jaishankar. 

C’est à l’initiative de l’Inde, a rappelé le Ministre, que l’Union africaine (UA) a été admise au G20 comme membre permanent, une avancée significative qui devrait inspirer les Nations Unies, en particulier le Conseil de sécurité.  L’ONU doit redevenir une plateforme diplomatique plutôt qu’une rampe de lancement pour campagnes hostiles contre des pays souverains, a ajouté le Vice-Ministre syrien des affaires étrangères, M. Bassam Sabbah, qui a qualifié les sanctions de « terrorisme économique ». 

Face aux défis actuels, nous devons et nous pouvons, ensemble et en tant que « nations unies », guérir nos divisions et trouver des solutions qui reflètent nos valeurs universelles et nos engagements, a encouragé le Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis, en fermant ainsi les portes du débat général. 

L’Assemblée générale tiendra une plénière jeudi 5 octobre à partir de 10 heures pour faire le suivi des résultats des grandes conférences de l’ONU sur les questions économiques et sociales.

SUITE ET FIN DU DÉBAT GÉNÉRAL

M. SUBRAHMANYAM JAISHANKAR, Ministre des affaires étrangères de l’Inde, a appelé à faire le bilan de « nos succès » et des défis tout en gardant des aspirations et objectifs communs.  Notant que le monde est entré dans une période de trouble exceptionnel, M. Jaishankar a mentionné les inégalités structurelles et un développement inégal, aggravés par la pandémie de COVID-19 et les répercussions des conflits en cours qui exercent des pressions sur les pays du Sud.  Par conséquent, les gains socioéconomiques engrangés ces dernières années s’érodent, a-t-il déploré, citant l’accès insuffisant aux ressources.  C’est avec un sens des responsabilités exceptionnelles que l’Inde a pris la présidence du G20, déterminée à se concentrer sur les préoccupations du plus grand nombre. 

À l’heure où la polarisation Est-Ouest est si perceptible et le fossé entre le Nord et le Sud, si profond, le sommet du G20 à New Delhi a mis en avant la diplomatie et le dialogue, qui sont les seules solutions efficaces.  L’ordre international étant diversifié, il faut tenir compte de tous les points de vue.  Les jours où une poignée de nations définissaient les agendas, en espérant que les autres suivent, est révolu, a prévenu le Ministre.  Dès lors, a-t-il martelé, trouver un terrain d’entente est impératif.  « Écouter les autres, respecter leur point de vue n’est pas une faiblesse », c’est le fondement même de la coopération et du succès. 

C’est dans cet esprit que l’Inde a entamé la présidence du G20, en faisant résonner la voix des pays du Sud au sommet, soit un total de 125 nations.  Par conséquent, s’est-il enorgueilli, des questions qui méritent une attention globale ont pu être examinées et les délibérations ont pu aboutir à des résultats significatifs pour la communauté internationale.  C’est à l’initiative de l’Inde, a souligné le Ministre, que l’Union africaine (UA) a été admise en qualité de membre permanent du G20.  Cette avancée significative devrait inspirer les Nations Unies, pour rendre le Conseil de sécurité plus moderne, car une représentation élargie est la condition préalable à l’efficacité et à la crédibilité. Après avoir énuméré divers autres défis, notamment ceux posés par les nouvelles technologies, les fractures numériques, l’égalité des sexes ou encore les changements climatiques, le dignitaire a expliqué, en conclusion, que son pays est passé du non-alignement au « Vishwa Mitra » (un ami du monde). 

Mme KAMINA JOHNSON SMITH, Ministre des affaires étrangères de la Jamaïque, a indiqué que, dans sa quête de paix, et face au « monstre à deux têtes de la violence et de la criminalité », la Jamaïque a misé sur ses forces de l’ordre et leur bon équipement. Avec succès, puisque la criminalité grave a baissé de 22% depuis le début de l’année, a-t-elle dit.  Nous sommes déterminés à user de tous les moyens légaux à notre disposition pour sauver des vies et promouvoir la cohésion sociale et la dignité de chacun, a-t-elle dit, en ajoutant que ces éléments font partie de la formation des forces de sécurité du pays.  Elle a cependant ajouté que cette guerre ne pourra être gagnée de manière isolée.  Les petits pays comme les nôtres, avec des frontières poreuses, ont besoin de partenariats mondiaux pour combattre la traite des êtres humains et les trafics d’armes et de stupéfiants, a dit Mme Johnson Smith.  « Les pays consommateurs importants de drogues doivent en faire plus pour prévenir le transport de drogues et combattre la criminalité transnationale organisée, qui a des conséquences graves pour des pays comme le nôtre dans la région. » 

La Ministre a ensuite appelé à la restauration de l’ordre et de la sécurité dans la « nation sœur d’Haïti », avant d’appuyer tous les efforts visant à la recherche de solutions emmenées par les Haïtiens eux-mêmes face aux défis qu’ils doivent relever.  Il n’y pas de solution facile mais ne rien faire ne peut être une option, a-t-elle tranché.  Elle a notamment appuyé l’idée d’une mission internationale de soutien à la sécurité afin d’épauler les forces de police haïtiennes dans leur lutte contre les gangs.  La Jamaïque contribuera à un tel effort, a-t-elle promis, en ajoutant que son pays a « entendu les appels de la majorité du peuple haïtien ».  Mme Johnson Smith a donc exhorté les membres du Conseil à mettre de côté leurs divergences et à répondre auxdits appels, en souhaitant l’adoption rapide d’une résolution autorisant une telle mission.  La situation ne fera qu’empirer si nous ne faisons rien, a-t-elle insisté. 

La Ministre a souligné la nécessité de prendre en compte un indice de vulnérabilité s’agissant de l’accès aux financements concessionnels afin d’aller au-delà du seul produit intérieur brut (PIB) par tête.  Elle a exhorté les principales économies, ainsi que les économies émergentes, à revoir à la hausse leurs ambitions climatiques et à honorer leurs engagements au titre de l’Accord de Paris.  « C’est une question de survie pour tous les pays et les peuples, en particulier pour les petits États insulaires en développement. » Enfin, elle a rappelé l’immoralité de la traite et de l’esclavagisme, ainsi que leurs conséquences négatives pour le développement de pays comme le sien.  Par conséquent, la Jamaïque réaffirme sa détermination à appuyer la demande d’une justice réparatrice en tant que voie nécessaire pour la dignité et la « guérison totale" des personnes d’ascendance africaine. 

M. TANDI DORJI, Ministre des affaires étrangères et du commerce extérieur du Royaume du Bhoutan, a estimé que les initiatives présentées dans « Notre Programme Commun » du Secrétaire général offrent l’occasion de trouver de nouvelles façons de travailler ensemble pour le bien commun, sans remettre en cause les accords ou les mandats existants. Pour sa part, le Bhoutan est heureux de s’engager de manière constructive dans la préparation du Sommet de l’avenir et d’œuvrer à l’élaboration d’un pacte numérique mondial et d’un pacte mondial pour l’environnement, ainsi qu’à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), a indiqué le Ministre.  Rappelant que le Bhoutan s’est engagé sur la voie du développement avec une philosophie holistique qui est celle du « bonheur national brut », il a noté que les ODD étaient naturellement en phase avec cette philosophie.  Le Bhoutan est aujourd’hui sur la bonne voie pour atteindre ces objectifs, a poursuivi M. Dorji, et après plus de cinq décennies de développement économique planifié, il doit être reclassé et sortir de la liste des pays les moins avancés (PMA).  À cette fin, le Gouvernement a misé sur une transition en douceur, a-t-il assuré, ajoutant que le treizième plan quinquennal de développement national, qui devrait commencer en 2024, est essentiel pour garantir une progression harmonieuse, durable et irréversible.  Il a espéré pouvoir compter sur le soutien et l’assistance continus des partenaires du développement du Bhoutan. 

Le Ministre a mis en avant les efforts reconnus de gestion durable de l’environnement qui ont été engagés pour lutter contre les effets des changements climatiques.  Le Bhoutan est déterminé à rester neutre en termes d’émissions de carbone et à respecter ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris, a-t-il dit.  M. Dorji a salué l’accord, conclu lors de la COP27, visant à fournir un financement pour les pertes et les préjudices subis par les pays vulnérables en première ligne de la crise climatique, en espérant que la COP28 permettra de rendre opérationnels les progrès sur cette voie. 

Arguant qu’un multilatéralisme efficace doit répondre aux préoccupations des nations les moins puissantes du monde, le Ministre a regretté que l’architecture de la gouvernance mondiale n’ait pas apporté l’équité et l’inclusion nécessaires.  La fragmentation, la polarisation et l’inégalité croissantes dans le monde ne font qu’inciter à renforcer le multilatéralisme, a-t-il fait valoir, et à faire preuve d’une plus grande détermination politique, de solidarité et de compassion.  Alors que le Bhoutan a toujours soutenu la réforme du Conseil de sécurité, le Ministre a souligné que cette réforme doit aller de pair avec la réforme de l’ensemble du système des Nations Unies.  Elle doit tenir compte des intérêts et des préoccupations de tous les États Membres, en particulier de ceux qui ne sont pas représentés ou qui sont sous-représentés, a-t-il demandé.  Il est impératif, selon lui, que le Conseil de sécurité évolue pour rester pertinent et efficace face aux défis multiformes de notre époque et, à cet égard, le Bhoutan soutient l’élargissement des catégories permanentes et non permanentes du Conseil de sécurité et plaide pour l’inclusion de l’Inde et du Japon en tant que membres permanents. 

M. STANLEY KAKUBO, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Zambie, a déploré le coût de la guerre, que ce soit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), au cœur du Soudan ou bien entre la Russie et l’Ukraine.  La guerre a laissé des cicatrices, mutilé les âmes des nations, fragmenté l’humanité. Dès lors, a-t-il martelé, l’humanité doit « gagner la guerre contre la guerre ».  Le Ministre a appelé la communauté mondiale à s’engager pour mettre en œuvre les accords existants et à renforcer les partenariats au niveau mondial, mettre en place une bonne gouvernance, défendre la dignité et les droits humains de tous et progresser plus vite sur la voie des objectifs de développement durable (ODD). 

M. Kakubo a plaidé en faveur d’une transition juste avec davantage d’actions climatiques pour les générations présentes et futures.  Il s’agit pour lui de garantir une réponse aux besoins uniques de chaque pays et d’instaurer la confiance dans nos systèmes.  C’est d’abord se pencher sur ceux qui croulent sous le fardeau de la dette et qui doivent avoir accès à des financements à des taux meilleurs et plus équitables, a-t-il soutenu.  Il a jugé impératif que les institutions financières internationales et les banques de développement multilatérales proposent davantage de financement à des taux préférentiels aux pays les moins avancés (PMA).  Malheureusement le coût exorbitant du capital reste, à ses yeux, un problème insidieux qui touche les pays du Sud, en particulier en Afrique. S’il a regretté que ce capital soit entre les mains des premières économies mondiales qui ont en le moins besoin, il a toutefois reconnu que quelques rares partenaires de développement ont tenu leurs engagements en matière d’aide publique au développement. Ainsi, le Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial, qui s’est tenu en juin dernier, a-t-il examiné, entre autres, une restructuration significative de la dette de son pays. 

Poursuivant, le Ministre s’est félicité de la proposition du Secrétaire général de mettre en place un cadre incitatif pour les ODD à hauteur de 500 milliards de dollars par an pour compenser les conditions de financement peu favorables rencontrées par certains pays ce qui permettra, selon lui, de changer la donne pour les PMA dans des secteurs critiques, telles que les énergies renouvelables, la protection sociale, la santé et la sécurité alimentaire ainsi que l’intelligence artificielle.  Il a ensuite abordé l’autonomisation des femmes et des filles, un élément décisif pour surmonter le problème de la pauvreté dans toute la société.  À cet égard, il a mis en avant la volonté de son pays d’éradiquer le fléau des mariages précoces, annonçant, pour finir, que la Zambie accueillera cette année, en collaboration avec l’Union africaine, une conférence à destination des leaders traditionnels et religieux d’Afrique dans l’objectif de promouvoir une culture du développement inclusif et la prévention de ce phénomène. 

M. LEJEUNE MBELLA MBELLA, Ministre des relations extérieures de la République du Cameroun, a salué le consensus international autour de sujets majeurs comme les changements climatiques, les ODD ou le financement du développement conformément au Programme d’action d’Addis-Abeba.  L’Union africaine met en œuvre l’Agenda 2063 afin de promouvoir une Afrique unie, de la bonne gouvernance, de la paix, de la prospérité et appelée à jouer un rôle majeur dans les affaires internationales, a-t-il dit, tout en concédant que les résultats attendus tardent à être visibles.  Il a déclaré que l’action n’a pas toujours suivi la parole donnée, en prenant l’exemple des promesses faites au titre de l’aide publique au développement (APD) qui n’ont pas été honorées.  Il a déploré la parcimonie et la conditionnalité des aides, en ajoutant que la volonté politique fait souvent défaut. 

Face à une telle situation, il a appelé à un « sursaut d’orgueil, au dépassement de soi » et à une conscience nouvelle mettant l’accent sur l’intérêt général et une science mise au service de l’humanité entière.  Il a également demandé une résolution des conflits par le dialogue et une architecture financière internationale « renouvelée », avant de mentionner la création d’une zone de libre-échange en Afrique.  Nous devons agir pour une réforme du Conseil de sécurité afin de donner à l’Afrique une représentation permanente et équitable, a-t-il dit, en rappelant que deux tiers des activités du Conseil ont trait à l’Afrique.  « Il faut corriger une telle injustice. »  Dans le droit fil du consensus d’Ezulwini, il a réclamé deux postes permanents et trois postes non permanents pour l’Afrique au Conseil. 

Il a détaillé la stratégie de mise en œuvre des ODD de son pays et l’objectif de faire du Cameroun un pays émergent d’ici à 2037.  Il a déclaré que la lutte contre Boko Haram se poursuit avec des résultats « observables », même si des efforts supplémentaires doivent être consentis.  Il a déclaré que la paix se restaure dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, grâce aux efforts de dialogue du Gouvernement et malgré les violences et les prises d’otages orchestrées par les séparatistes.  Il a déclaré que son gouvernement maintient sa main tendue à ceux qui ont pris les armes et les appelle à les déposer.  Dans un monde en pleine mutation, il est capital que nous prenions les mesures adéquates, a-t-il conclu. 

M. DENIS RONALDO MONCADA COLINDRES, Ministre des affaires étrangères du Nicaragua, qui lisait un message du Président du Nicaragua et de son Vice-Président, a constaté que nous vivons la fin du « modèle impérialiste, colonialiste, de pillage et de génocide ».  Il a assuré que le Nicaragua continue de mener toutes les batailles « pour une liberté authentique, pour la lumière et pour la vérité ». Il a noté qu’une partie du monde a commencéà revendiquer sa propre voix et son identité lors de cette Assemblée générale.  Le Ministre a demandé les transformations indispensables, y compris à l’ONU, dont la nature a été, selon lui, déformée pour en faire un  »organisme de servitude et de dépendance vis-à-vis des puissances ». 

Le Ministre a demandé que l’ONU fasse appliquer l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ), qui, en 1986, a condamné les États-Unis à reconnaître, au moins en partie, les coûts de la destruction, de l’agression permanente et de la douleur de centaines de milliers de familles, liés à la guerre « folle et revancharde » imposée au peuple du Nicaragua, dans ce qui a été appelé la « contre-révolution ».  M. Moncada Colindres s’est associé à la demande de tous les peuples et pays qui se sont exprimés depuis cette tribune pour dénoncer les mesures coercitives et unilatérales qui constituent un mode de guerre et déstabilisent, détruisent et imposent des changements de gouvernement, notamment par des coups d’État.  Il a assuré la solidarité du Nicaragua aux peuples palestinien, syrien, sahraoui, érythréen, cubain, vénézuélien, bolivien, chinois, russe et iranien, entre autres.  Le Ministre a également placé ses espoirs dans la récente réunion et l’élargissement des BRICS, qui aujourd’hui, avec le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ainsi que l’Argentine, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Éthiopie et l’Iran, représentent de nouvelles forces, pour lutter en faveur de « notre souveraineté économique et financière ». 

Face aux progrès de la science et des nouvelles technologies, y compris ceux « pompeusement » appelés intelligence artificielle, le Ministre a exigé l’inclusion de tous, à travers le droit de vivre pleinement le développement, et l’amélioration des conditions de travail, d’étude et de vie.  Il a insisté sur l’utilisation rationnelle et bénéfique des ressources de l’humanité, qui, entre les mains des « malveillants habituels », constituent des armes de destruction massive des pays, des peuples et des communautés.  Concluant sur un plaidoyer contre les sanctions unilatérales, M. Moncada Colindres a déclaré que ces sanctions « ne nous définissent pas, ne nous intimident pas, ne nous désactivent pas, et ne nous plient pas ». 

Mgr PAUL RICHARD GALLAGHER, Secrétaire pour les relations avec les États du Saint-Siège, a constaté un effritement de la confiance entre les nations au cours des dernières années, comme en témoigne l’augmentation du nombre et de la gravité des guerres.  En outre, le conflit en Ukraine a rendu encore plus évidente la crise qui affecte depuis longtemps le système multilatéral, qui doit être repensé en profondeur afin d’être en mesure de répondre aux défis de notre temps.  Ces événements ont entraîné une augmentation significative du nombre de réunions à l’ONU, avec une tendance marquée des États à imposer leurs propres idées, tendance que le pape François a appelé une « colonisation idéologique ».  Il est donc nécessaire de revenir au dialogue afin d’éviter de nouveaux conflits et d’atténuer les souffrances de l’humanité.  Selon le Secrétaire, les mots clefs d’un multilatéralisme efficace sont le dialogue, la responsabilité partagée et la coopération, dans la poursuite du bien commun. 

Le Saint-Siège est fermement convaincu que « le recours à l’énergie atomique à des fins militaires constitue un crime non seulement contre la dignité des êtres humains, mais contre tout avenir possible de notre maison commune ».  M. Gallagher a considéré urgent d’engager une véritable réflexion éthique sur l’intégration inclusive de l’intelligence artificielle dans notre vie quotidienne.  Alors que nous célébrons cette année le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a invité les États Membres à entreprendre une réflexion approfondie sur la défense de la dignité humaine.  « N’oublions jamais que le véritable test décisif pour déterminer si les droits de l’homme sont protégés est le degré de liberté de religion ou de conviction des individus dans un pays », a fait valoir le prélat.  Le Secrétaire a exprimé sa vive préoccupation face aux attaques menées contre les communautés chrétiennes à Jérusalem, qui portent atteinte à la coexistence entre les communautés. 

M. BASSAM SABBAH, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République arabe syrienne, a appelé à une coopération internationale renforcée pour relever les défis mondiaux.  Il a lancé un vigoureux réquisitoire contre la politique de « chaos créatif » des gouvernements américains dans sa région, les accusant de saper la sécurité et la stabilité, et d’avoir contribué à l’émergence du terrorisme.  Après avoir dénoncé la manipulation des principes de la Charte pour justifier les ingérences dans les affaires souveraines des nations, le Vice-Ministre s’est attardé sur la situation dans le Golan syrien dont la restitution à son pays est « un droit inaliénable et imprescriptible, qui ne saurait faire l’objet d’aucun compromis ni d’aucune pression ».  Il a défendu la cause palestinienne, avant de s’en prendre aux interventions des États-Unis et de la Türkiye dans son pays. 

Il a mentionné le pillage systématique des ressources nationales syriennes, en particulier dans les secteurs du pétrole et du gaz, dont les pertes sont estimées à 115 milliards de dollars.  Il a fustigé les sanctions unilatérales imposées par les États-Unis et ses alliés européens et réclamé leur levée immédiate.  Le Vice-Ministre a ensuite décrit les problèmes humanitaires exacerbés par le dernier tremblement de terre en Syrie et réitéré la volonté de son gouvernement de réintégrer tous les réfugiés syriens, malgré les recommandations « inhumaines » des pays occidentaux.  Il a argué l’engagement politique de son pays, soulignant les différentes initiatives dont sa participation au processus d’Astana ou le dernier Sommet de la Ligue arabe pour normaliser la situation. 

Enfin, le Vice-Ministre a réitéré le soutien de la Syrie à plusieurs nations, à commencer par la Russie, qui a le « droit de se défendre » contre des politiques occidentales agressives, et l’Iran, dont le retour au sein du Plan d’action global conjoint a été salué.  Il a également exprimé sa solidarité avec la Chine qui rejette toute ingérence à Hong-Kong, à Taiwan ou au Xinjiang, ainsi qu’avec Cuba, la Corée du Nord, le Venezuela, le Bélarus, le Nicaragua, le Zimbabwe et l’Érythrée, victimes comme la Syrie de mesures coercitives unilatérales de l’Occident.  Il s’agit là d’une forme de terrorisme économique qui n’est pas moins brutale que le terrorisme politique, a-t-il jugé, avant de conclure sur un plaidoyer pour que l’ONU redevienne une plateforme diplomatique plutôt qu’une tribune servant à lancer des campagnes hostiles contre des pays souverains. 

M. AHMED KHALEEL, Ministre d’État aux affaires étrangères des Maldives, a énoncé les six grandes priorités de son pays et d’abord la représentativité effective des petits États dans les organes décisionnels, raison pour laquelle les Maldives se sont portées candidates dans plusieurs conseils et comités, dont le Conseil de sécurité.  Ce dernier, a‑t‑il estimé, devrait être réformé pour garantir une représentation géographique plus équitable.  En deuxième lieu, le Ministre a attiré l’accent sur l’action environnementale son pays, appelant ensuite à réaliser les ambitions climatiques par une augmentation des financements et la mise en œuvre des dispositions juridiques contre la pollution plastique, notamment dans le milieu marin. 

Troisièmement, le Ministre s’est félicité des progrès en matière de connections numériques et matérielles établies entre les îles de l’archipel, qui ont élargi l’accès des citoyens aux soins médicaux, à l’éducation et aux services bancaires.  Il a néanmoins appelé à une révision des critères d’accès au crédit et aux subventions des institutions financières internationales pour tenir compte des spécificités des petits Etats insulaires en développement (PEID) et de la nécessité d’alléger le fardeau de la dette. 

La quatrième priorité, a‑t‑il poursuivi, est de faire des Maldives un exemple de l’égalité des sexes, en attribuant un rôle actif et équitable aux femmes dans les processus diplomatiques et décisionnels.  Cinquièmement, le Ministre a réitéré l’importance des libertés d’expression et de réunion pacifique, saluant le déroulement sans encombre du premier tour de l’élection présidentielle.  Il a réitéré l’engagement de son pays en faveur des droits de l’homme, réaffirmant son soutien au droit à l’auto-détermination du peuple palestinien et à la solution des deux États. 

Concluant sur la sixième priorité qu’est le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Ministre, il a néanmoins préconisé de se concentrer également sur les fléaux du terrorisme et de l’extrémisme violent, condamnant les récents autodafés dans plusieurs pays européens et appelant à une action globale et concertée pour combattre l’islamophobie et les discours de haine. Ensemble, nous avons le potentiel de réaliser la paix et d’œuvrer vers un développement durable, a‑t‑il conclu. 

M. KIM SONG (République populaire démocratique de Corée), s’est félicité des efforts de la communauté internationale pour mettre fin à la crise liée à la pandémie de COVID-19, tout en notant que le monde n’était pas encore libéré de l’instabilité qu’elle avait provoquée.  Il a fait part des privations que son pays avait endurées de ce fait, avant de souligner que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) avait surmonté ces épreuves par des efforts dans le domaine économique, l’amélioration du niveau de vie de sa population et, s’agissant de la pandémie, une « politique scientifique et transparente » visant à contrer les futures crises sanitaires. 

Le représentant a expliqué que tous les secteurs de la construction économique de la RPDC affichaient « une nette tendance à la croissance », y compris le secteur agricole en dépit de conditions météorologiques défavorables.  Il a rappelé la politique de logement gratuit de son pays pour les travailleurs, la distribution de produits laitiers aux enfants des crèches ou encore les efforts en matière de protection et d’amélioration des terres dans le but de renforcer la résilience de ce pays. 

Tout en soulignant l’importance du multilatéralisme, le représentant a dénoncé l’attitude de certains États Membres de l’ONU dans la péninsule coréenne, notamment « l’hystérie irresponsable de la confrontation nucléaire » menée par les États-Unis et les forces qui les suivent, et qui, en 2023, ont mis la péninsule coréenne « au bord du gouffre ». Il a notamment pointé du doigt les exercices militaires conjoints organisés par les États-Unis, l’envoi fréquent de sous-marins et bombardiers nucléaires stratégiques autour de la péninsule et l’alliance militaire entre ce pays, le Japon et la République de Corée, dont l’ambition est, selon lui, de mettre en place une « version asiatique de l’OTAN ».  Il s’est insurgé contre le « gouvernement fantoche » de la République de Corée obsédé par les politiques pro-américaines, dont il a dénoncé l’ingérence.  L’attitude hégémonique de ces États, a-t-il expliqué, prouve que la RPDC doit de toute urgence renforcer ses capacités d’autodéfense.  Dans ce contexte, il a aussi réclamé que l’ONU adhère strictement aux principes d’impartialité et d’objectivité et que le Conseil de sécurité ne soit pas instrumentalisé par des forces spécifiques pour poursuivre leurs objectifs géopolitiques.  Il a rappelé que ce même Conseil avait, il y a un mois, convoqué des réunions pour débattre « du droit légitime au lancement d’un satellite » et de la question des droits de l’homme en RPDC, alors même qu’il avait gardé le silence quand le Japon a déversé de l’eau « contaminée par des armes nucléaires » dans l’océan.  Il a donc appelé à réformer la composition du Conseil et à y renforcer la représentation des pays en développement.  Le délégué a conclu son intervention en fustigeant « le génocide économique » dont Cuba fait l’objet, en appelant au retrait immédiat des mesures coercitives contre la Syrie, le Venezuela ou l’Iran et en apportant le soutien de son pays au peuple palestinien. 

M. MARC HERMANNE GNINADOOU ARABA (Bénin) a dit que les efforts déployés ont permis à son pays de passer d’un taux de croissance de 4% en 2016 à 7,6% en 2019 et, depuis 2020, d’intégrer la catégorie des pays à revenu intermédiaire. Ces résultats renforcent notre conviction que le sous-développement n’est pas une fatalité.  Inlassablement, nous poursuivons l’amélioration des conditions de vie des populations à travers la réalisation d’actions phares en matière d’urbanisation et d’assainissement urbain, d’accès à l’énergie et à l’eau potable, d’une part ainsi qu’à l’éducation et aux soins de santé, d’autre part, a-t-il déclaré. Tout ceci se passe dans un environnement politique apaisé avec l’organisation réussie, en janvier de cette année, d’élections législatives libres et transparentes qui ont renforcé la pluralité dans le paysage politique national. 

Le représentant a déclaré que le règlement des défis politique et sécuritaire en Afrique de l’Ouest exige une coopération sous-régionale et internationale, ainsi qu’un engagement continu en faveur du développement durable et de la démocratie.  Dans un monde secoué par des convulsions et fracturé par les inégalités, il a estimé que les Nations Unies doivent demeurer pour les peuples de la planète, un phare d’espérance, de solidarité et d’humanisme. Il a appelé à une refondation des Nations Unies en vue d’adapter l’Organisation aux défis de l’époque et de rééquilibrer les rapports de force, notamment au Conseil de sécurité.  À cet égard, le Bénin plaide en faveur d’une réforme effective et immédiate, visant à rendre cet organe plus représentatif et efficace, notamment par le biais d’une augmentation du nombre de ses représentants, qu’ils soient permanents ou non permanents, conformément à la position africaine telle qu’exprimée par le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte. 

Enfin, le délégué a demandé une refondation de l’architecture financière mondiale, le système financier mondial peinant à juguler efficacement les impacts des crises mondiales sur les pays du Sud et à favoriser de façon significative le financement du développement durable.  Si nous voulons accroître nos chances d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, il s’avère impératif de garantir un environnement permettant un meilleur accès à des financements structurants et durables, a-t-il conclu. 

M. DAMIANO BELEFFI (Saint-Marin), réaffirmant son attachement au multilatéralisme, avec l’ONU en son centre, a appelé à la revitalisation de l’Organisation, « si nous voulons rechercher des solutions crédibles aux défis mondiaux ».  À cette fin, le représentant a estimé essentiel de rétablir la confiance dans le potentiel de l’ONU, son leadership et, surtout, entre ses membres et toutes les parties prenantes.  Pour être efficace, la gouvernance mondiale doit aussi devenir plus inclusive et responsable, en accordant plus d’espace à la participation de la société civile et du secteur privé, a-t-il recommandé. Rétablir la confiance passe en outre par la garantie d’un financement durable à travers une nouvelle génération d’investissements publics et privés dans les biens mondiaux, mais également en renforçant le filet de sécurité financière mondial pour aider les États Membres en temps de crise.  De fait, a-t-il résumé, les réformes doivent rester au centre de nos actions car elles sont cruciales pour la stabilité future et le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  À cet égard, Saint-Marin suit avec un intérêt particulier la réforme du Conseil de sécurité. 

Le représentant s’est alarmé de la multiplication des discours nucléaires qui renforcent l’image d’un avenir sombre plutôt que durable.  Pour sa part, Saint-Marin réaffirme son engagement en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires et attache une grande importance au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui compte actuellement plus de 90 États signataires.  Poursuivant, il a condamné l’agression russe contre l’Ukraine et s’est dit préoccupé par la crise alimentaire et nutritionnelle sans précédent qui touche des centaines de millions de personnes.  S’agissant des défis posés par les changements climatiques, le représentant a plaidé en faveur d’approches ambitieuses pour l’atténuation et l’adaptation et la mise en œuvre du fonds pour les pertes et les préjudices.  « Si nous échouons, les effets seront dévastateurs sur la planète ainsi que sur le développement et les droits de l’homme », a-t-il averti.

M. ROBERT RAE (Canada) a reconnu que les Canadiens s’inquiètent du coût de la vie, de l’intelligence artificielle, de l’ingérence étrangère et de la désinformation.  Les Canadiens vivent aussi les crises climatiques et environnementales, a-t-il poursuivi, en rappelant que son pays a connu cet été les feux de forêt les plus destructeurs de son histoire.  Il ne s’agissait pas d’une fenêtre sur notre avenir, mais plutôt d’un témoignage de notre présent, a-t-il mis en garde, en soulignant que la réponse à ces défis ne doit pas être complaisante, divisée ou nostalgique.  Il ne s’agit pas de pointer du doigt ou de chercher des panacées, mais plutôt de prendre des mesures concrètes pour aider à relever, tant au Canada que dans le monde entier, les défis auxquels nous sommes confrontés ensemble, a martelé le représentant. 

Pour sa part, le Canada admet plus d’immigrants que jamais auparavant, a informé le représentant.  Par ailleurs, son pays a fixé un prix pour le carbone en vue de contribuer à enrayer les changements climatiques à travers la réduction des émissions, ce qui est un « devoir partagé ».  S’agissant de la nécessité de garantir l’accès aux capitaux, à plus long terme et à des taux plus favorables, pour contribuer à la transformation verte de l’économie mondiale, le délégué a annoncé que le Canada a accepté de faire don d’une plus grande partie de ses droits de tirage spéciaux au Fonds monétaire international (FMI). 

Répondant à ceux qui dénoncent l’égalité des sexes comme étant un sujet « trop conflictuel » qui doit être mis de côté au profit d’un « compromis », le représentant a exprimé son profond désaccord.  Pour lui, l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas une question à troquer contre d’autres perceptions du progrès.  « L’égalité des sexes est un droit inaliénable », a-t-il tranché, et elle est au cœur de notre dignité.  Elle est le fondement de la liberté, de la justice et de la paix, et il ne peut y avoir de croissance économique durable si les possibilités offertes aux femmes sont supprimées.  Le représentant a également appelé à défendre les valeurs des sociétés libres et démocratiques, et à promouvoir l’universalité de l’accès aux soins de santé pour tous, y compris la santé et les droits sexuels et génésiques.  La construction de sociétés ouvertes et inclusives, la protection des droits de l’homme pour tous et le respect de l’état de droit profitent à tout le monde, a-t-il fait valoir. 

Sur la réforme du Conseil de sécurité, le représentant a pointé du doigt le pouvoir de veto des membres permanents qui empêche cet organe de réagir aux atrocités et aux agressions.  Le Canada appuie l’autolimitation du veto et soutient les efforts visant à élargir le nombre de membres élus du Conseil afin de garantir une représentation plus équitable d’un plus grand nombre de pays en développement.  Le représentant a mis au défi tous les membres permanents d’accepter pleinement et publiquement la nécessité de devenir plus efficaces, inclusifs et transparents, un appel qui ne s’arrête pas au Conseil de sécurité, selon lui, puisque tous les processus intergouvernementaux de tous les organes de l’ONU devraient devenir plus efficaces.  Le multilatéralisme a toujours évolué, a-t-il souligné, et les institutions internationales n’ont pas pour vocation d’être statiques, y compris l’architecture financière internationale. Sur la guerre en Ukraine, le représentant a martelé que la Russie est responsable de ses actes et devra en répondre devant la justice.  C’est à elle de mettre un terme à ce conflit. 

M. ODO TEVI (Vanuatu) a constaté un manque de progrès inquiétant dans la mise en œuvre du Programme 2030, et ce, dans un contexte de crises mondiales et d’incertitude sans précédent.  Pour sa part, Vanuatu mène une approche holistique axée sur le développement économique, social et environnemental, les indicateurs nationaux de bien-être, ainsi que sur l’édification d’une société pacifique fondée sur des institutions démocratiques.  La mise en œuvre des objectifs de développement durable constitue une entreprise nationale inclusive impliquant toutes les institutions de l’État, y compris la société civile.  Cette année, le Gouvernement de Vanuatu a convoqué un sommet national du peuple afin de définir une feuille de route pour le développement.  Alors que les petits États insulaires en développement (PEID) sont les plus petits contributeurs à la crise climatique, ils se trouvent en première ligne des crises, a-t-il noté. Ainsi, lorsque les cyclones tropicaux Judy et Kevin ont touché son pays, en mars de cette année, 66% de la population a été affectée. 

À l’approche de la COP28, le représentant a souligné l’impératif absolu de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius, tout en s’alarmant de la lenteur des progrès.  Ne pas y remédier équivaudrait à une « condamnation à mort » pour les petits États comme Vanuatu qui, avec un groupe de 18 pays, a présenté à l’Assemblée générale une résolution demandant à la Cour internationale de Justice (CIJ) un avis consultatif sur les changements climatiques.  Dans l’intervalle, le représentant a appelé au renforcement de la coopération régionale et internationale, de la coordination et de la gouvernance au moyen d’une approche multisectorielle destinée à prévenir et répondre aux urgences sanitaires dans les pays en développement.  Alors que l’accès au financement du développement demeure un défi permanent, il a considéré le projet d’indice de vulnérabilité multidimensionnelle comme une évolution positive.  À cet égard, il a salué la création de la table ronde regroupant le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale en tant que cadre de discussion sur la dette souveraine.

Après avoir remercié tous ceux qui ont aidé le Maroc après le récent tremblement de terre qui a fait des milliers de victimes, M. OMAR HILALE, (Maroc) a mentionné les efforts de son pays pour assister les familles affectées par la catastrophe et accélérer la reconstruction des zones concernées, dans le respect des traditions locales. Il a expliqué que la phase de secours a fait place à la reconstruction, et qu’un programme « robuste et ambitieux » est en train d’être mis en place, prévoyant 12 milliards de dollars sur cinq ans, financés par le budget de l’État, un fonds spécial et l’aide internationale.  C’est la preuve de la solidarité robuste de la société marocaine, s’est enorgueilli le délégué. 

Liant cette catastrophe naturelle à l’aggravation des dangers environnementaux et géopolitiques, M. Hilale a estimé que la communauté internationale doit se mobiliser davantage.  Il a cité les progrès technologiques et scientifiques, y compris dans le domaine de l’intelligence artificielle, comme source d’espoir pour surmonter ces défis, à condition que les fruits qui en découlent soient partagés de façon équitable.  Prônant la coopération et la solidarité au sein de l’ONU, il a annoncé que le Maroc ne s’épargnera aucun effort pour mettre en œuvre son projet holistique en phase avec le Programme 2030.  Une attention toute particulière sera portée à la question des femmes et des familles, avec une réforme du Code du statut personnel. 

Inquiet de l’essor des discours de haine, surtout sur les réseaux sociaux, M. Hilale a attiré l’attention sur la résolution de l’Assemblée générale, proposée par le Maroc et adoptée par consensus, déplorant la violence contre les livres sacrés, et notamment les actes d’autodafé contre le Coran.  De telles violations doivent cesser, a-t-il enjoint.  Il a en outre salué la candidature conjointe, avec l’Espagne et le Portugal, pour organiser la Coupe du monde, signant la réunion de « deux civilisations, deux continents, deux rives de la Méditerranée ».  En ce qui concerne le Sahara, Rabat demeure favorable à une solution politique à ce conflit régional « fabriqué », a dit le représentant.  Il n’y a pas d’alternative à l’autonomie au sein du territoire marocain, a-t-il déclaré.  Enfin, il a affirmé son soutien aux efforts internationaux pour parvenir à un règlement politique permanent en Libye et pour une Palestine indépendante avec Jérusalem-Est comme capitale. 

M. DENNIS FRANCIS, Président de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale de l’ONU, s’est remémoré son appel, lors de son discours d’ouverture, à l’unification des nations et à la volonté d’œuvrer ensemble, en toute solidarité.  Il a ensuite relevé le record récent d’orateurs à l’Assemblée générale qui a vu défiler 136 chefs d’État et de gouvernement, 40 ministres, ainsi que des centaines de représentants de la société civile et de parties prenantes des secteurs publics et privés, s’exprimer au cours des différentes sessions.  Il a néanmoins regretté la plus faible participation des femmes, à savoir 20 dirigeantes contre 23 l’année dernière, alors qu’il a réitéré l’importance, notamment lors de la Plateforme des femmes dirigeantes, de reconnaître la voix et les droits des femmes à tous les niveaux.  Soulignant l’importance de l’éducation pour la réalisation de cet objectif, il a insisté sur la nécessité d’œuvrer vers plus d’inclusivité afin de ne laisser personne pour compte. 

Le Président a ensuite mentionné la guerre en Ukraine parmi les thèmes récurrents de cette année, « un sujet chargé », a-t-il précisé.  Il est évident que la communauté internationale appelle au respect de l’indépendance politique, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, des principes établis par la Charte des Nations Unies, a-t-il rappelé.  Il a, par ailleurs, appelé les États Membres à redoubler d’efforts pour mettre fin à la prolifération nucléaire et pris note des appels à accorder l’attention requise aux conflits en Afrique, au Moyen-Orient et en Haïti. 

Le Président a également relevé les nombreux constats sur l’aggravation des changements climatiques.  Les effets destructeurs de la pollution et des catastrophes climatiques requièrent un plein engagement en faveur de l’action climatique afin de préserver la biodiversité et un accès équitable aux ressources vitales.  Il s’agit également, a-t-il poursuivi, d’évaluer la véritable vulnérabilité d’un État au-delà de son PIB afin d’agir au mieux pour renforcer la résilience.  Exhortant les États Membres à mettre en place, à la COP28, un plan d’action audacieux dans un esprit d’unité et de solidarité, il a rappelé la responsabilité des Nations Unies à préserver la souveraineté des États touchés par la crise climatique, un véritable défi qui ne devrait pas reposer sur leurs seules épaules. 

Ce ne sont pas simplement des appels mondiaux qui ont été lancés lors de cette Assemblée générale mais bien des appels existentiels qui se mesurent en vies perdues et en inégalités persistantes, a fait remarquer le Président.  Appelant à la mobilisation pour le Sommet de l’avenir, il a estimé qu’il est temps d’œuvrer à l’édification d’un monde plus durable et plus équitable.  Face aux défis actuels, nous devons et nous pouvons, ensemble et en tant que nations unies, guérir nos divisions et trouver des solutions qui reflètent nos valeurs universelles et nos engagements, a-t-il conclu.

Droits de réponse

Le Guyana a réagi aux allégations « excessives et mensongères » du Venezuela selon lesquelles le territoire du Guyana servirait de plateforme d’agression militaire contre d’autres États, dont le Venezuela.  Il a également rejeté la revendication « grotesque » de Caracas sur les deux tiers du Guyana.  De manière générale, la délégation a rappelé que le Guyana a toujours agi dans le plein respect du droit international à l’égard de son voisin et invité les autorités vénézuéliennes à faire de même.  À cette fin, son gouvernement exhorte le Venezuela à confirmer qu’il souscrit aux décisions de la Cour internationale de Justice (CIJ) s’agissant des revendications sur la frontière entre les deux pays.  Pour finir, le Guyana a indiqué qu’il n’acceptera aucune procédure qui contredirait les dispositions expresses de l’Accord de Genève de 1966 et contournerait la CIJ.

Le représentant du Belize a réagi à la déclaration que le Ministre des affaires étrangères du Guatemala a faite le 23 septembre dernier et dans laquelle il a affirmé que des ressortissants guatémaltèques étaient aux mains des Forces armées du Belize, « ce qui est une affirmation sans fondement et un pur mensonge », comme l’ont confirmé les rapports de vérification de l’Organisation des États américains (OAS).  Il a accusé le Guatemala de se livrer à des actes contraires au principe du bon voisinage et lui a rappelé que c’est le fleuve Sarstoon qui marque la limite entre les deux pays, selon la Convention qu’il a signée en 1958 avec le Royaume-Uni et le Guatemala.  Cette Convention stipule aussi que la libre navigation est accordée, sans harcèlement ni intimidation au Belize et au Guatemala.  Le représentant a demandé à ce dernier de participer de manière constructive aux discussions pour se mettre d’accord sur un protocole de confiance et de promotion de relations de bon voisinage dans les zones adjacentes au fleuve Sarstoon. 

Le Japon a assuré qu’il ne relâcherait jamais des eaux dangereuses dans ses eaux territoriales.  L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a-t-il rappelé, est impliquée dans les activités de vérification et a confirmé que « la teneur radioactive de ces eaux est négligeable ».

En réponse aux « allégations totalement fausses » de l’Arménie, l’Azerbaïdjan a déclaré que les mesures qu’elle a été « contrainte » de prendre pour répondre au recours illégal à la force par l’Arménie se fondent sur la Charte des Nations Unies et le droit international.  Le fait est que c’est Bakou qui a amorcé le processus de normalisation avec Erevan, sur la base de la reconnaissance mutuelle et du respect de l’intégrité territoriale de chacun.  De même, les insinuations de l’Arménie concernant l’existence d’une crise humanitaire ou encore d’un nettoyage ethnique dans le Haut-Karabakh sont sans fondement et ont pour seul objectif d’attiser les tensions.  Depuis la fin des mesures antiterroristes, les efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration se sont poursuivis et le Représentant spécial du Gouvernement azerbaïdjanais a rencontré les délégués des résidents arméniens. 

La République de Corée a regretté que les délégations aient à entendre tous les ans les accusations « absurdes » de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) visant la République de Corée.  La délégation a rappelé que son pays avait le devoir de protéger sa population des menaces nucléaires de la RPDC.  C’est pourquoi nous menons des exercices routiniers conjoints, « de nature défensive », a-t-elle précisé, qui respectent le régime international de non-prolifération.  S’agissant de la question des droits humains, la RPDC finance son programme balistique et nucléaire via, par exemple, le travail forcé.  Le Conseil de sécurité a donc tout à fait le droit de se pencher sur la question des droits humains en RPDC, a conclu la délégation.

Après avoir exprimé la volonté de son pays d’apporter une aide humanitaire « totalement désintéressée » au Maroc après le séisme, le représentant de l’Algérie a réfuté les « propos déformés » de ce dernier sur la déclaration de soutien du Président Tebboune aux Sahraouis.  La question du Sahara occidental, a-t-il martelé, est une « question de décolonisation » à laquelle l’Algérie n’est pas partie prenante.  Toutefois, son pays ayant choisi la justice, la liberté, les droits humains et l’autodétermination en raison de son histoire coloniale, le représentant a exhorté la communauté internationale et les Nations Unies à mettre en œuvre la résolution 1514 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux et à organiser un référendum d’autodétermination, tel que le mandat de la Mission au Sahara occidental le prévoit.  Selon lui, cette Mission a empêché ce référendum en promettant une « autonomie nébuleuse qui n’a convaincu personne », exhortant les États Membres à laisser les Sahraouis décider de leur avenir par le biais d’un référendum organisé par les Nations Unies.

Le représentant du Maroc a vivement réagi aux propos de son homologue de l’Algérie, regrettant « l’insulte faite aux Marocains depuis 50 ans » sur la prétendue défense d’un principe, tout en affirmant ne pas être partie prenante au conflit.  En défendant un référendum, a estimé le représentant, l’Algérie empêche le règlement conflit.  Mentionnant le transfert des populations dans les camps de Tindouf, il a accusé cette dernière de violer les principes qu’elle dit défendre.  Le représentant a brandi une copie d’une lettre de M. Abdallah Baali, datée du 22 juillet 2002, qui dit que l’Algérie demeure disposée à examiner une possible partition du territoire du Sahara entre le peuple sahraoui et le Royaume du Maroc, une idée rejetée catégoriquement par le Maroc qui ne veut pas diviser ses populations.  Le représentant a en effet accusé l’Algérie de vouloir saper l’unité du Maroc et de maintenir un agenda déstabilisateur dans la région, en armant un groupe rebelle qui a des connections avec le terrorisme international. Déplorant le refus de l’Algérie de participer aux tables rondes de l’ONU, il a vu un manque de décence et de courage chez les dirigeants algériens face au peuple marocain.  Il a conclu en opposant la stabilité des frontières et la contribution du Maroc à l’état de droit et au développement de la région, aux manquements de l’Algérie, y compris sur le respect de la liberté d’expression.

En réponse à l’Azerbaïdjan, le représentant de l’Arménie a condamné la nouvelle vague de violence dans la région du Haut-Karabakh.  Accusant Bakou d’avoir prémédité et planifié l’attaque comme en attestent les troupes azerbaïdjanaises massées à la frontière, il a critiqué Bakou pour sa campagne de désinformation, déjà utilisée en 2020 et 2022 pour présenter son agression comme une opération de lutte contre le terrorisme.  Il a dénoncé un recours à la force absurde et injustifiable, qui viole toutes les normes du droit international et humanitaire.  Il a dit craindre un nettoyage ethnique dans le Haut-Karabakh et souligné la nécessité pour la communauté internationale, à commencer par les Nations Unies, d’agir. 

La République populaire démocratique de Corée a jugé que la déclaration de la République de Corée était digne d’un « pompier pyromane ».  La délégation a dénoncé les exercices militaires agressifs des États-Unis et de la République de Corée et s’est interrogée sur la compatibilité du déploiement de moyens nucléaires stratégiques avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Selon elle, le lancement par la RPDC d’un satellite de reconnaissance militaire était une « contre-mesure adaptée » face à ces menaces militaires et un exercice justifié de son droit à la légitime défense.  La délégation a dénoncé l’insécurité que produisait l’alliance entre les États-Unis et ses forces « vassales » dans la péninsule coréenne.  Elle a en outre réitéré sa dénonciation du déchargement d’eau contaminée par le Japon dans l’océan, qu’elle a qualifié de « crime contre l’humanité ». 

Réagissant aux propos du Belize, la délégation du Guatemala a rappelé que son pays est reconnu comme un chef de fil de la lutte contre le narcotrafic. De même son pays a fait l’expérience des agissements de groupes de radicaux du Belize qui essaient de déstabiliser la région du fleuve Sarstoon, en violant l’intégrité territoriale de son pays.  Malgré ses provocations, il n’y a jamais eu de preuve de violations commises par des Guatémaltèques contre le territoire voisin, a soutenu la délégation, en assurant que son gouvernement veut travailler avec le Belize pour gérer les zones frontalières et préserver la sécurité des deux nations.  Nous nous en remettons à la compétence de la CIJ pour trancher tout différend.

Nous aurions aimé, a dit le représentant de l’Algérie, qu’au lieu de parler de nous, le Maroc parle de la question du Sahara occidental, un territoire occupé depuis plus de 50 ans.  Il a réaffirmé la position longue de son pays pour le droit à l’autodétermination des peuples.  La résolution 1514 est toujours d’actualité pour le peuple du Sahara occidental, a-t-il tranché, en rappelant que ce territoire est la dernière colonie en Afrique.  En ce qui concerne la partition du Sahara occidental, le représentant a renvoyé les États Membres à l’Accord sur la délimitation des frontières, signé le 11 avril 1976 par le Maroc et la Mauritanie, et enregistré auprès des Nations Unies le 9 février 1977.  Cet Accord fait simplement le partage du Sahara occidental entre ces deux États. Pour ce qui est des accusations de terrorisme adressées au Front POLISARIO, le représentant a relevé qu’à travers l’histoire, les mouvements de libération ont toujours été accusés de terrorisme, y compris le Front de libération nationale (FLN), pour diaboliser les résistants et les militants de la liberté.  Un tel argument n’a de toute évidence pas convaincu le Secrétaire général de l’ONU puisqu’il a reçu le Secrétaire général du Front POLISARIO, il y a une dizaine de jours.  Avant de conclure, le représentant a assuré du soutien de l’Algérie au Secrétaire général et à son Envoyé spécial dans leurs efforts pour trouver une solution à la question du Sahara occidental par voie référendaire. 

L’Azerbaïdjan a rejeté catégoriquement la déclaration de l’Arménie et les accusations infondées proférées par ce pays.  Les allégations arméniennes de nettoyage ethnique sont totalement infondées, a‑t‑il dit, en soulignant les mesures prises pour répondre aux besoins de la population locale.  « Ceux qui fuient sont de nationalité arménienne et le font de leur propre volonté. »  Il a rappelé que plus de 200 000 Azerbaïdjanais ont été déplacés en raison des agissements arméniens, avant de dénoncer le séparatisme arménien qui a échoué une bonne fois pour toutes.  « Il n’y aura pas de retour en arrière. »

Après l’intervention de la RPDC, le représentant du Japon a repris la parole une nouvelle fois pour indiquer que Tokyo continuera d’expliquer à la communauté internationale les efforts qu’il déploie de façon transparente et sur la base de preuves scientifiques.

Le représentant du Maroc a repris la parole pour exhorter son homologue de l’Algérie à participer aux tables rondes sur le Sahara.  Soulignant la « méconnaissance » des textes de l’ONU, il a déploré que l’Algérie ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité. La question du Sahara est un problème de paix et de sécurité, a-t-il poursuivi, et non une question de décolonisation.  L’Algérie, a souligné le représentant, n’aurait jamais accédé au Conseil de sécurité sans le principe de rotation, puisqu’il n’a même pas un seul soldat dans les opérations de maintien de la paix.  Le représentant a néanmoins précisé qu’il est à l’écoute des propositions algériennes sur la question du Sahara.

Répondant à nouveau à l’Azerbaïdjan, le représentant de l’Arménie l’a accusé de mépriser consciemment le droit international et de faire preuve d’un « parfait cynisme ».  Rappelant les pogroms de masse perpétrés contre les populations arméniennes dans le Haut-Karabakh en 1988, la destruction de leur patrimoine culturel au fil des siècles, ainsi que le racisme et les discriminations dont elles sont continuellement victimes, le représentant a reproché à l’Azerbaïdjan de ne prendre aucune mesure pour traduire les criminels en justice.  Il a nié l’existence d’un processus de réintégration des résidents arméniens en tant que citoyens égaux et a qualifié le déplacement forcé de plus de 20 000 personnes « d’étape finale du nettoyage ethnique », rendu possible par l’échec de la communauté internationale à réagir à des « signes clairement détectables ». L’Arménie continuera toutefois à appeler au respect du droit international et de la Charte des Nations Unies, a‑t‑il promis.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Non-alignés ou pro-Russes, les tenants d’un « nouvel ordre mondial », exposent leurs visions divergentes à l'Assemblée générale

Soixante-dix-huitième session,
12e et 13e séances – matin & après-midi
AG/12538

Non-alignés ou pro-Russes, les tenants d’un « nouvel ordre mondial », exposent leurs visions divergentes à l'Assemblée générale

Au cinquième jour du débat général, marqué notamment par le discours du Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, nombre des intervenants ont présenté devant l’Assemblée générale leurs perceptions et leurs souhaits quant à la gestation d’un nouvel ordre mondial.  Peu de dirigeants occidentaux s’étant exprimés aujourd’hui, les positions se sont distribuées entre tenants d’une analyse proche de celle de la Fédération de Russie et défenseurs du non-alignement, tous étant d’accord pour juger l’ordre actuel injuste et condamné. 

« Un nouvel ordre mondial est en train de naître sous nos yeux », a ainsi affirmé le Ministre russe, en évoquant une lutte entre une majorité d’États qui défendent une diversité civilisationnelle et une répartition plus équitable des richesses et une poignée d’autres qui « utilisent des méthodes néocoloniales d’assujettissement pour maintenir leur domination ».  « Ils font tout pour empêcher la formation d’un ordre mondial véritablement multipolaire et juste », a lancé M. Sergey Lavrov, qui a accusé les États-Unis et le « collectif occidental qui leur est subordonné » de mépriser le reste du monde, de multiplier les promesses et de contracter des obligations contraignantes pour s’y soustraire ensuite et de générer des conflits qui entravent la réalisation d’objectifs communs. 

M. Lavrov a pourtant jugé le processus « inexorable », mettant particulièrement en avant le rôle des BRICS et « d’autres associations qui offrent aux pays du Sud des opportunités de développement commun et défendent la place qui leur revient dans l’architecture multipolaire objectivement émergente ». Pour la première fois peut-être depuis la création de l’ONU en 1945, une véritable démocratisation des affaires mondiales existe, s’est-il félicité, y voyant une source d’optimisme pour tous ceux qui croient en la suprématie du droit international et souhaitent la renaissance de l’ONU en tant qu’organe central de coordination de la politique mondiale.

Si le monde actuel va si mal, c’est, pour Djibouti, en raison d’une lente érosion de la confiance mutuelle, attribuée à une compétition géopolitique récemment renforcée, mais aussi à une « résistance implacable au changement » des institutions mondiales créées après 1945 et à une inégalité « qui se creuse et se fossilise ».  « Depuis les dures tranchées de la périphérie », le Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines a quant à lui « posé trois questions obsédantes: Quoi de neuf?  Quel monde? Et qui donne les ordres? » 

« Comme en 1955, nous nous trouvons aujourd’hui à un carrefour stratégique », a estimé la Cheffe de la diplomatie de l’Indonésie, évoquant les principes de la Conférence de Bandung, fondés sur la solidarité mondiale et la responsabilité collective comme réponses au déficit de confiance et aux inégalités mondiales.  Son homologue du Mexique a appelé à un changement de paradigme de développement pour « redistribuer le pouvoir et la richesse et combler les écarts inacceptables entre les riches et les pauvres et entre les pays ».  Comme plusieurs autres intervenants, il a aussi préconisé une réforme en profondeur de l’architecture financière internationale pour « renforcer la solidarité mondiale et donner une voix à tous les peuples du Sud ».  Pour sa part, M. Lavrov a appelé à dépolitiser le G20 pour lui « permettre de faire ce pour quoi il a été créé »: élaborer des mesures généralement acceptables de gestion de l’économie et des finances mondiales. Comme lui, les responsables de plusieurs pays, dont le Bélarus, Saint-Kitts-et-Nevis ou le Venezuela, ont demandé la suppression des régimes de sanctions unilatérales, jugés incompatibles avec la réalisation des objectifs de développement durable dans les pays du Sud. 

Certains pays ont prôné des changements radicaux, comme l’Érythrée, qui a souhaité « un bouleversement complet » de l’architecture de gouvernance mondiale, supposant de profondes réformes de l’ONU.  Le Conseil de sécurité a été particulièrement visé, de nombreux pays demandant une meilleure représentation des pays du Sud. 

Beaucoup ont surtout souhaité une plus grande coopération pour résoudre les grands défis mondiaux.  Plusieurs exemples positifs ont été cités, en particulier l’adoption récente du traité sur la biodiversité marine (BBNJ), saluée aussi bien par le Samoa que la Nouvelle-Zélande ou l’Islande.  Mais là aussi, l’Occident a été sommé de respecter ses engagements, en particulier dans le domaine climatique.  Le Samoa, l’Égypte et Djibouti ont ainsi souhaité que la COP28, en fin d’année, permette de rendre opérationnel le plus rapidement possible le fonds pour les pertes et les préjudices décidé il y a un an à Charm el-Cheikh. 

Parmi les autres interventions du jour figuraient celles des Ministres des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, au lendemain de l’offensive du premier au Haut-Karabakh.  Réaffirmant les positions exprimées deux jours plus tôt devant le Conseil de sécurité, l’Arménie a accusé l’Azerbaïdjan de nettoyage ethnique dans la région de ce pays à population arménienne et de chercher à étendre le conflit à son propre territoire. L’Azerbaïdjan a défendu une opération antiterroriste limitée et d’ailleurs achevée, ajoutant que la population du Haut-Karabakh bénéficierait désormais des mêmes droits et protection que le reste de la population du pays. 

Par ailleurs, le Chef de la diplomatie du Mali a dit s’exprimer au nom du Président de la transition de son pays, du peuple malien et du « Chef d’État du Niger », M. Abdourahmane Tiani, arrivé au pouvoir par le coup d’État du 26 juillet, « empêché de s’exprimer » à la tribune de l’Assemblée générale.

L’Assemblée générale reprendra et conclura son débat général mardi 26 septembre, à partir de 9 heures. 

SUITE DU DÉBAT GÉNÉRAL

Déclarations

M. RALPH E. GONSALVES, Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines, a brossé un sombre tableau de la situation mondiale, rappelant que les cibles essentielles des objectifs du développement durable (ODD) ne seraient pas atteintes d’ici à 2030 et que la lutte contre les changements climatiques était « en panne », enregistrant même des reculs dans certains domaines, avec des conséquences pour l’humanité entière, notamment dans les pays les plus vulnérables. Le Premier Ministre a dénoncé des conflits « absurdes », s’inquiétant de la situation en Ukraine, où « les principaux adversaires -l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et la Fédération Russie- pourraient, sans le vouloir, ouvrir les portes d’une apocalypse nucléaire ».  Il a fustigé le refus des anciennes puissances coloniales de répondre aux exigences de réparation, ainsi que celui des plus grands émetteurs de carbone de fournir les ressources nécessaires pour l’adaptation, l’atténuation et les pertes et dommages des pays vulnérables.  M. Gonsalves a estimé que les grandes puissances et les grands blocs avaient tourné le dos au multilatéralisme au profit de réflexes impérialistes à visée hégémonique, déguisés en appels hypocrites à l’émergence d’un nouvel ordre mondial destiné à servir leurs intérêts.  « Depuis les dures tranchées de la périphérie, Saint-Vincent-et-les Grenadines pose trois questions obsédantes: Quoi de neuf?  Quel monde?  Et qui donne les ordres? » 

Appelant à se débarrasser de certaines « toiles d’araignée idéologiques », M. Gonsalves a rejeté la thèse erronée d’une lutte entre démocraties et autocraties, décrivant plutôt un affrontement entre puissances dominantes pour le contrôle des ressources mondiales.  Raillant la « schizophrénie historique » des grandes puissances, il a considéré que même si elles détiennent toutes les armes de la domination, elles restent accablées d’insécurités déconcertantes qui les transforment en « bêtes insensés » à leur propre détriment et au détriment de toute l’humanité.  Le Chef du Gouvernement a exhorté les États-Unis à mettre un terme aux sanctions unilatérales contre Cuba, le Nicaragua et le Venezuela.  Il est d’après lui « idiot » et « incorrect » de considérer Cuba comme un État parrain du terrorisme.  Il a encore regretté que l’utilisation du dollar comme arme contre le Venezuela ait provoqué l’effondrement de l’accord Petro Caribe qui bénéficiait largement à une dizaine de pays des Caraïbes, dont Saint-Vincent-et-les Grenadines.

Le Premier Ministre a affirmé qu’il était « grand temps que la République de Chine –Taiwan- sorte de l’isolement diplomatique ».  « La paix dans le détroit de Taiwan est un impératif pour la prospérité et la sécurité du monde entier », a-t-il affirmé.  Dénonçant la « douce musique » jouée par les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, États et entreprises, M. Gonsalves a déploré un manque de mesures de réparation effectives.  Selon lui, la COP28 sera un test décisif en la matière.  Une attention particulière doit être portée aux pays les plus vulnérables, comme les petits États insulaires en développement (PEID) des Caraïbes et du Pacifique, ainsi qu’aux communautés les plus pauvres des régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.  Il a exhorté l’Assemblée générale à soutenir l’initiative de Bridgetown et l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle concernant les PEID, cruciales pour réformer le financement du développement.  Il a également appelé à faire disparaître « l’emprise » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les questions de la fiscalité internationale qui devraient incomber à l’ONU. 

« Nous ne pouvons pas nous permettre de nous lasser de la question haïtienne », a-t-il enfin martelé, plaidant en faveur d’un véritable plan Marshall financé par la communauté internationale.  Dénonçant un « tabou », le Premier Ministre a abordé plus largement la question des réparations de la part des États européens à la suite d’un sous-développement hérité du génocide des peuples autochtones et de l’esclavage des corps africains.  « Le temps des maîtres et des esclaves est révolu et les jours de l’impérialisme sont comptés. »

Mme FIAMĒ NAOMI MATA’AFA, Première Ministre et Ministre des affaires étrangères et du commerce du Samoa, a passé en revue les catastrophes dévastatrices qui se sont produites ce dernier semestre en Afrique, en Asie, en Europe et en Amérique, décimant vies et moyens de subsistance.  Il faut se rendre à l’évidence, les effets des changements climatiques ont un impact de plus en plus profond et de plus en plus dévastateur sur nos vies, et les nier ne fera qu’aggraver la situation, a-t-elle prévenu.  Elle a appelé à s’attaquer à leurs causes profondes, rappelant que les scientifiques ont mis en garde contre des événements météorologiques plus fréquents et plus extrêmes, entraînant davantage de pertes en vies humaines et de dégâts aux infrastructures. 

La Première Ministre a recommandé de s’orienter vers des énergies propres et abordables, et d’évoluer vers des économies vertes et résilientes.  Protéger la nature doit être la priorité de chacun pour le bien de l’humanité, a-t-elle martelé, estimant que des solutions ciblées doivent être complétées par la garantie d’un financement climatique pour les pays en première ligne et par l’utilisation des meilleures sciences et technologies disponibles. 

C’est pourquoi, la prochaine COP28 doit inclure des engagements pour concrétiser la réalité imaginée, a-t-elle affirmé.  Elle a évoqué en particulier l’importance de rendre opérationnel le fonds pour les pertes et les préjudices le plus rapidement possible. 

De fait, franchir ce seuil de 1,5° C signifierait la fin de bon nombre de nos sociétés insulaires, a-t-elle averti, expliquant que la crise climatique cause des dommages à la biodiversité qui constitue le réseau de la vie dont son pays dépend pour ses moyens de subsistance et sa croissance économique. Elle a également plaidé pour une meilleure protection de la biodiversité et à veiller à une gestion durable des ressources marines, exhortant notamment à une ratification rapide du nouveau traité sur la protection de la biodiversité marine en haute mer.  À cet égard, la dignitaire a exhorté les États Membres à contribuer à la lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée qui prive les petits États insulaires en développement (PEID) de revenus indispensables à une époque de tensions budgétaires accrues. 

Au plan national, elle a attiré l’attention sur les maladies non transmissibles (MNT) qui représentent près de la moitié des décès dans son pays.  En outre, le Samoa enregistre l’un des taux d’obésité les plus élevés au monde, parmi les enfants notamment.  C’est pourquoi, a-t-elle informé, son gouvernement a fait des services de santé centrés sur la personne et de la lutte contre les MNT une priorité du Plan de développement du Samoa 2019-2025.  Elle a également insisté sur l’importance de moins dépendre de la nourriture industrielle importée.  La nutrition et l’exercice physique, associés à d’autres changements de mode de vie, contribueront le plus à la lutte contre les MNT, mais ces efforts doivent être renforcés par un soutien financier afin d’appuyer la sensibilisation et le renforcement des capacités des professionnels de la santé et de l’éducation.

M. TERRANCE MICHEAL DREW, Premier Ministre de Saint-Kitts-et-Nevis, regrettant l’existence de fortes disparités de revenus et de bien-être au niveau mondial, mais aussi la défiance croissante vis-à-vis des États, des organisations internationales et des médias traditionnels, a noté l’importance de la prévention, de la coordination et du partenariat.  Il a souligné que les pays en développement souffraient de plus en plus de fardeaux dont ils ne sont pas à l’origine, en rappelant notamment les injustices de l’esclavage, source de richesses pour les pays développés.  Il est donc temps, a déclaré M. Drew, de rechercher une forme de justice réparatrice et de justice climatique, car des pays comme Saint-Kitts-et-Nevis sont, alors même que leur empreinte carbone est négligeable, obligés de remédier à la crise climatique en empruntant à des taux exorbitants auprès des pays qui sont à l’origine du problème.  Dénonçant les insuffisances de l’architecture financière internationale, il a appelé à une réforme de sa gouvernance ainsi qu’à la mise en place d’un mécanisme multilatéral de gestion de la dette souveraine et d’un indice multidimensionnel de vulnérabilité.  Il s’agit, a-t-il précisé, de tenir compte d’indicateurs comme la dette des pays concernés ou encore les risques et coûts d’événements environnementaux catastrophiques, susceptibles d’effacer jusqu’à 5% du PIB. 

Concernant les progrès en matière de développement, le Premier Ministre a expliqué que la vision de son gouvernement reposait sur plusieurs piliers, comme la sécurité alimentaire, la transition vers une énergie verte, la diversification économique, ou encore les industries durables.  Il s’est félicité des investissements réalisés par Saint-Kitts-et-Nevis dans la production d’énergie géothermique, des leçons tirées de la pandémie de COVID-19, de l’adoption de lois sur l’intégrité de la vie publique et la bonne gouvernance ou encore des programmes qui s’adressent aux plus vulnérables comme les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les handicapés et la communauté rastafari. 

S’agissant de la prolifération d’armes illicites et indétectables qui entrent dans la région caraïbe, le Chef du Gouvernement a invité les États qui fabriquent ces armes à assumer une plus grande responsabilité dans la lutte contre leurs flux illégaux, qui constituent une vraie menace pour la sécurité et la stabilité nationales et régionales.  M. Drew a ensuite rappelé que certains pays continuaient à être victimes d’inégalités au niveau mondial: le Venezuela et Cuba, du fait des sanctions et des embargos qui les frappent et causent des souffrances à des peuples qui ne les méritent pas, ou encore Taiwan qui, tout en étant un partenaire fiable de développement pour Saint-Kitts–et-Nevis, compte 23 millions d’habitants qui ne sont pas adéquatement représentés à l’ONU.  Il a en outre appelé à une solution politique de toute urgence en Haïti. 

Abordant la question de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, le Premier Ministre a rappelé la nécessité d’un rôle et d’une présence renforcés des pays en développement du Sud au sein du Conseil pour mieux refléter les réalités géopolitiques contemporaines et renforcer son efficacité.  Il a jugé cette réforme essentielle, en rappelant que le monde était à la croisée de « ce qui est » et de « ce qui pourrait être ». 

M. JOSÉ ULISSES CORREIA E SILVA, Premier Ministre et Ministre de la réforme de Cabo Verde, a déclaré qu’en cette période de « crise intense », caractérisée par la résurgence de l’extrémisme, des attaques contre la démocratie et des coups d’État successifs en Afrique, son pays se range du côté de la liberté et du respect de la souveraineté des nations.  Sur cette base, il a condamné l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie ainsi que le recours aux coups de force pour accéder au pouvoir.  Selon une enquête récente, les deux tiers des Africains préfèrent la démocratie à toute autre forme de gouvernement, mais seulement 38% d’entre eux sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie dans leur pays. Des données qui laissent présager une meilleure gouvernance et une plus grande responsabilisation des citoyens, notamment à l’égard de fléaux tels que la corruption, a-t-il estimé.  Pour raffermir la confiance des citoyens dans la démocratie, le Premier Ministre a préconisé des systèmes électoraux et judiciaires crédibles, la liberté de la presse et des institutions publiques fortes. Il s’est dit prêt à travailler avec détermination aux côtés des États Membres pour lutter contre l’insécurité et favoriser la stabilité en Afrique de l’Ouest. 

Dans un monde de plus en plus interconnecté, l’insécurité se propage et ne respecte pas les frontières, a prévenu M. Silva.  Un « partenariat entre les nations » est donc essentiel pour surmonter les menaces à la sécurité mondiale, sanitaire et climatique ainsi qu’à la sécurité alimentaire.  Il s’est également inquiété des effets sur la région du trafic de drogue, du terrorisme et de la piraterie qui, tous, recèlent un potentiel pandémique énorme. Qui plus est, les défis liés à la réalisation des ODD continuent de s’accroître et nécessitent des réformes et des investissements accélérés.  Nous devons encore revoir l’architecture financière internationale, alléger la dette des pays les moins avancés (PMA) et augmenter considérablement les droits de tirage spéciaux, a-t-il ajouté, tout en simplifiant les règles régissant leur attribution.  Le Premier Ministre a plaidé en faveur d’une représentation juste des pays africains au sein du Conseil de sécurité et dans les institutions financières internationales. De même, le recours à l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle en tant que critère d’accès à un financement à faible coût et à long terme pour les petits États insulaires en développement (PEID) est essentiel. 

De façon générale, M. Silva a expliqué que l’Afrique doit croître davantage et être mieux intégrée à l’économie mondiale afin de produire, exporter et créer des emplois bien rémunérés.  À ce titre, des transformations structurelles en matière de connectivité, qui constitue une contrainte majeure à l’intégration économique africaine, sont nécessaires.  Il a fait savoir que le Portugal et Cabo Verde ont récemment signé un accord visant à convertir la dette bilatérale de ce dernier en financement climatique pour atteindre ces objectifs, tout en créant des possibilités d’investissement pour le secteur privé et des emplois qualifiés pour les jeunes.  Dans l’intervalle, le dirigeant a indiqué que son pays a pour ambition d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici à 2026, de diversifier son économie et de devenir une nation numérique. 

M. HAMZA ABDI BARRE, Premier Ministre de la Somalie, a critiqué la contradiction entre les promesses et la dure réalité à laquelle fait face le monde, pointant les conséquences négatives de l’inaction pour les personnes vulnérables lorsque le développement n’est pas réalisé.  Il faut raviver l’action, a-t-il exhorté, s’élevant contre la complaisance alors que le monde est à mi-parcours de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). Il faut trouver une solution innovante aux problématiques et aux crises et créer des partenariats effectifs pour que les promesses se transforment en politique et les engagements en mesures concrètes. 

La pandémie de COVID-19 a mis à nu les fragilités et démontré, dans le même temps, le pouvoir de la solidarité et la coopération lors de périodes difficiles.  C’est pourquoi M. Barre a proposé la création de plateformes de coordination des politiques à l’échelle mondiale et régionale pour collecter des données et des connaissances afin de protéger les communautés contre les pandémies.  Poursuivant, le Chef du Gouvernement a souligné la nécessité de refondre l’ordre financier mondial, rappelant les inégalités dans l’accès aux ressources lors de la pandémie.  Il s’agit, a-t-il dit, d’adapter un système financier obsolète et de corriger les maux historiques au bénéfice du progrès collectif. 

Le Premier Ministre a relevé les défis inédits marqués par une augmentation des violences, liées notamment aux nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle -une « menace terrifiante »-, les conflits armés et les coups d’État en hausse sur le continent africain.  Ces conflits sont une source de vive préoccupation, en raison notamment de leurs effets destructeurs sur les civils condamnés aux déplacements et à la pauvreté. À une époque marquée par la haine et la violence, la Somalie, a assuré M. Barre, reste guidée par les principes de l’islam noble.  Il a défendu la tolérance entre les différentes fois, la discrimination raciale et l’oppression qui visent les communautés musulmanes dans diverses régions du monde.  « Ce phénomène obscurantiste est une honte pour tous. » 

Le Chef du Gouvernement a salué le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général de l’ONU, qui vient rappeler que les conflits proviennent souvent de l’inaction face aux inégalités.  Abordant le volet des changements climatiques, il a, là encore, mis en relief les conséquences de l’inaction collective.  Au cours des dernières années, la Somalie a connu un cercle vicieux d’inondations et de sécheresses ayant conduit au déplacement de millions de personnes.  M. Barre a appelé la communauté internationale à appuyer son pays pour renforcer sa résilience. 

Pour finir, le Premier Ministre est revenu sur les progrès significatifs réalisés en Somalie, au cours de la décennie écoulée, vers la paix et la sécurité ainsi que sur le front économique.  Il s’est félicité des campagnes couronnées de succès lancées contre les groupes terroristes, notamment les Chabab.  Aujourd’hui, 45% des zones contrôlées par ce groupe terroriste ont été récupérées.  De fait, a-t-il expliqué, « si nous coopérons avec les communautés locales, les terroristes n’auront nulle part où se cacher », une approche qu’il recommande à l’échelle mondiale.  Pour finir, M. Barre a salué le courage et le sacrifice de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) ainsi que les pays contributeurs de troupes.  Son pays, a-t-il conclu, s’est engagé à la pleine mise en œuvre du plan de transition en matière de sécurité et à assurer l’ensemble des prérogatives en la matière après le départ de la mission en 2024. 

M. SALEUMXAY KOMMASITH, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la République démocratique populaire lao, a indiqué que tout en défendant le multilatéralisme, son pays était convaincu que l’ONU, pour pouvoir remplir efficacement son mandat, devait être réformée.  Il a appelé au dialogue en Ukraine et au Moyen-Orient, en estimant que l’unilatéralisme contrevenait aux principes de la Charte des Nations Unies et entravait le développement.  Il a en outre réitéré l’appel de son pays à lever l’embargo économique contre Cuba et à retirer ce pays de la liste des États soutenant le terrorisme. 

Notant que lors du Sommet du G77 et de la Chine qui s’est tenu à La Havane la semaine dernière, les chefs d’État et de gouvernement des pays en développement avaient identifié la science, la technologie et l’innovation comme des mécanismes moteurs du développement, le Vice-Premier Ministre a appelé de ses vœux un système de gouvernance mondiale fondé sur ces mécanismes.  Il a noté que l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) avait toujours été l’insuffisance du financement et la faible participation des pays en développement au processus décisionnel économique international.  Il a indiqué que son pays avait ajouté un dix-huitième ODD pour permettre à sa population de vivre à l’abri des munitions non explosées, un obstacle à la réalisation d’autres objectifs.  M. Kommasith a appelé à la poursuite d’une assistance de la communauté internationale dans cette tâche. 

S’agissant des autres ODD, le Vice-Premier Ministre a reconnu que nombre d’entre eux stagnaient ou régressaient et a indiqué que la République démocratique populaire lao cherchait actuellement à identifier ceux qui nécessitaient un soutien et des financements supplémentaires.  Il a rappelé que son pays disposait d’un capital naturel considérable avec des opportunités de développement des énergies renouvelables et d’investissement dans le captage et le stockage du carbone.  M. Kommasith a souligné que même si son pays faisait partie de ceux qui contribuaient le moins aux émissions mondiales, son gouvernement avait adopté une stratégie nationale sur les changements climatiques dont il a demandé qu’elle bénéficie de ressources financières et d’une assistance technique suffisantes en appelant à la concrétisation de l’engagement international à hauteur de 100 milliards de dollars de financement climatique pour les pays qui en ont le plus besoin. 

Il a conclu en soulignant que son pays était déterminé à renforcer l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), qui joue un rôle central dans la promotion de la paix, de la sécurité et du développement dans la région et a rappelé qu’en 2024, son pays assumerait la présidence de l’ASEAN sur le thème « ASEAN: renforcer la connectivité et la résilience ». 

M. DEMEKE MEKONNEN, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de l’Éthiopie, a estimé que la communauté internationale peut relever les défis actuels en faisant le pari de coopérer, plutôt que de privilégier «°des choix géopolitiques qui exacerbent les tensions ».  Il a donc appelé les États Membres à se réengager en faveur de la Charte des Nations Unies et à travailler ensemble pour un système multilatéral inclusif et solidaire qui pourra juguler l’inflation mondiale, les changements climatiques ou encore la menace nucléaire.  Réformer le Conseil de sécurité n’est pas un choix mais une nécessité absolue, a-t-il ajouté, estimant qu’allouer des sièges permanents pour l’Afrique serait moralement et politiquement justifié.  S’il a salué les efforts de financement entrepris pour aider l’Union africaine dans ses opérations de soutien à la paix, M. Mekonnen a toutefois appelé à lever les sanctions économiques appliquées aux pays en développement.  Par ailleurs, il a plaidé en faveur de la réforme du système onusien dans sa totalité pour le rendre « plus inclusif et efficace ». L’Éthiopie soutient les objectifs de développement durable (ODD), a poursuivi le Vice-Premier Ministre, et s’engage à accélérer ses réformes économiques et politiques pour les atteindre. À cet égard, il a demandé la pleine mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba. 

Par ailleurs, M. Mekonnen a souligné les efforts de stabilisation et de consolidation de la paix dans son pays, notamment via l’Accord de paix de Prétoria et la politique de justice transitionnelle.  Exprimant la solidarité de l’Éthiopie avec le Soudan, il a espéré que la paix serait bientôt retrouvée, à travers l’intégration régionale et la coordination des initiatives de paix.  Il a ensuite indiqué que l’Éthiopie continuera de promouvoir une approche concertée et la confiance mutuelle pour accroître l’intégration régionale et augmenter la connectivité entre les pays de la région.  L’intégration régionale, couplée à des projets de développement des infrastructures, a des effets positifs sur les citoyens, a-t-il estimé, en soulignant l’immense potentiel de l’Afrique.  Pour développer ce potentiel, il a néanmoins jugé nécessaire de mobiliser davantage de ressources et de résoudre rapidement la crise de la dette en Afrique, ce qui requiert une réforme de l’architecture financière internationale.  L’égalité, l’espoir et la justice devraient être la pierre angulaire de cette Assemblée générale, a-t-il conclu, tout en rappelant l’importance d’inclure toutes les nations et d’œuvrer pour le consensus global.

M. JOHN ROSSO, Vice-Premier Ministre et Ministre de l’immigration, des terres et de l’aménagement du territoire de Papouasie-Nouvelle-Guinée, a expliqué que son pays est confronté à des problèmes de relèvement suite à la pandémie de COVID-19, ainsi qu’en raison des changements climatiques et de la guerre menée contre l’Ukraine.  Ces questions sont abordées dans le nouveau Plan de développement quinquennal 2023-2027 de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, lancé en juillet de cette année.  Il a précisé que le Gouvernement entend accroître l’économie de 31 milliards à 57 milliards de dollars par an, d’ici à 2030, et créer un million d’emplois supplémentaires.  En outre, la « Vision 2050 », vise à faire passer la Papouasie-Nouvelle-Guinée dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure d’ici à 2030 et améliorer l’indice de développement humain d’ici à 2050. 

M. Rosso a indiqué que son pays accorde une attention particulière à la santé, un défi majeur étant la prévention et le contrôle des maladies non transmissibles, la santé reproductive et maternelle ainsi que la tuberculose.  Un partenariat de développement pour la santé est donc crucial pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui compte un nombre limité d’experts, de capacités et de ressources dans ce domaine.  Le financement du développement est un autre défi de taille, a-t-il poursuivi, la Papouasie-Nouvelle-Guinée ayant besoin de 26 milliards de dollars, au cours des cinq prochaines années, pour atteindre « l’aspiration de développement » de 57 milliards de dollars par an.  Pour maîtriser le risque d’endettement, le Gouvernement a mis en place des mesures pour mobiliser ses ressources nationales, notamment en lançant une réforme fiscale. 

Le Premier Ministre a ensuite exigé une réforme urgente du système financier international afin de relever les défis économiques et financiers auxquels sont confrontés les petits États insulaires en développement (PEID).  Il a également appelé à l’adoption d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle afin de prendre en compte les facteurs de vulnérabilité de ces pays.  Il faut en outre veiller à ce que l’application des lois « taille unique » de lutte contre le blanchiment d’argent ne constitue pas un obstacle à la croissance économique et au développement durable des petits pays en développement.

Le Chef de Gouvernement a aussi souligné l’urgence de lutter contre la crise climatique et exhorté les pays développés à tenir leur engagement de financement climatique de 100 milliards de dollars par an.  Il a fait savoir que son gouvernement compte signer l’Accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dès que les processus procéduraux et juridiques domestiques seront terminés.  Sur le plan politique, M. Rosso a assuré que le processus de paix de Bougainville est une priorité pour son gouvernement. 

M. JEYHUN BAYRAMOV, Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a dressé la liste des défis mondiaux transcendant les frontières et appelé à des actions audacieuses et concertées, malgré l’érosion du multilatéralisme.  S’inquiétant d’une exacerbation de l’intolérance, des discours de haine et de l’islamophobie, il a mis en avant la tradition séculaire de diversité et de multiculturalisme de son pays. 

Plaidant en faveur d’un système multilatéral revigoré et réformé, avec les Nations Unies en son centre, le Ministre a évoqué les initiatives mondiales proposées par son pays pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et en a appelé à la solidarité internationale pour en atténuer les effets persistants. Il a mis en avant l’assistance humanitaire, technique et économique d’une valeur de 300 millions de dollars que son pays a apportée à plus de 130 nations depuis 2020.  Il a aussi vanté les performances économiques de son pays et sa volonté de réaliser les objectifs de développement durable (ODD).  Il a par ailleurs mis en avant la transition de son pays « du statut de fournisseur traditionnel de pétrole brut à celui de fournisseur fiable de gaz naturel » et son rôle dans la sécurité énergétique du continent, rappelant que l’Azerbaïdjan fournit actuellement du gaz à 7 pays européen, qui seront 10 dans un avenir proche. 

Le Ministre s’est ensuite longuement étendu sur le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.  Affirmant que son pays avait entamé une normalisation des relations et offert la paix à son voisin, il a regretté que celui-ci ait « reproduit les schémas du passé en faisant mine de négocier, en revenant sur les engagements pris et en se livrant à des provocations politiques et militaires afin d’éviter de prendre des décisions concrètes ».  Accusant l’Arménie d’avoir soutenu la présence de plus de 10 000 hommes équipés d’armes lourdes sur le sol souverain de l’Azerbaïdjan, notamment en utilisant abusivement la route de Latchine, il l’a accusée de mener depuis des mois une « campagne de manipulation » basée sur des allégations fabriquées de blocus, de crise humanitaire ou de nettoyage ethnique, ajoutant que c’est l’Arménie qui entravait la livraison de marchandises à la région azerbaïdjanaise de Garabagh.

Le Ministre a présenté l’offensive menée le 19 septembre comme une série d’opérations militaires « limitées et proportionnées » de lutte contre le terrorisme pour préserver sa souveraineté, son intégrité territoriale et de protéger ses résidents, « dans le respect total des normes du droit humanitaire ».  Assurant que ces opérations avaient désormais cessé, il s’est félicité de l’ouverture, le 21 septembre, d’un dialogue entre son pays et les « résidents arméniens », ajoutant que tous les efforts ont été mobilisés pour répondre aux besoins immédiats des civils et que l’aide humanitaire leur parvient.  L’Azerbaïdjan est déterminé à réintégrer les résidents arméniens de la région du Garabagh dans la société azerbaïdjanaise en tant que citoyens égaux, sur la base de la Constitution, de la législation nationale et des engagements internationaux du pays, a-t-il assuré.

Le Ministre a ensuite évoqué une « opportunité historique » pour l’Azerbaïdjan et l’Arménie d’établir des relations de bon voisinage.  Appelant les acteurs internationaux désireux de soutenir le processus à s’engager de manière significative, il a en revanche invité « ceux qui ne sont pas en mesure de jouer un rôle d’intermédiaire honnête » à s’abstenir.  Il a aussi demandé que justice soit rendue pour les crimes de guerre graves et les crimes contre l’humanité dont il a accusé l’Arménie, lui demandant en particulier de faire la lumière sur le sort de près de 4 000 citoyens azerbaïdjanais portés disparus pendant le conflit.  Il a aussi appelé à faire respecter le droit au retour de quelque 300 000 Azerbaïdjanais, expulsés de force de leur terre ancestrale par l’Arménie entre 1987 et 1991. 

M. SERGUEI LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a déclaré qu’un « nouvel ordre mondial est en train de naître sous nos yeux », ajoutant que les contours de l’avenir se dessinent dans une lutte entre une majorité d’États qui prônent la diversité civilisationnelle et une répartition plus équitable et une poignée d’autres qui « utilisent des méthodes néocoloniales d’assujettissement pour maintenir leur domination ».  Il a accusé Américains et Européens, habitués à mépriser le reste du monde, de multiplier les promesses et de contracter des obligations contraignantes, avant de s’y soustraire.  L’Occident est un véritable « empire du mensonge », a-t-il dit, reprenant une expression du Président Putin. 

Après avoir accusé les États-Unis et le « Collectif occidental qui lui est subordonné » d’avoir cherché l’affrontement avec l’URSS puis, après la fin de la guerre froide, d’avoir trahi les assurances données à la Russie en matière d’architecture de sécurité européenne, M. Lavrov a rappelé qu’en 2021 les propositions russes visant à des accords sur des garanties mutuelles de sécurité en Europe sans modifier le statut de pays non aligné de l’Ukraine ont été rejetées avec arrogance.  Il a accusé l’Occident de continuer à militariser systématiquement le régime russophobe de Kiev, porté au pouvoir à la suite d’un coup d’État sanglant et utilisé pour préparer le déclenchement d’une guerre hybride contre la Russie. 

Disant avoir l’impression persistante que cet « Occident collectif » a décidé de donner à la doctrine Monroe une projection mondiale, M. Lavrov a dénoncé comme une nouvelle manifestation dangereuse de l’expansionnisme de l’OTAN la tentative d’étendre la zone de responsabilité du bloc à l’ensemble de l’hémisphère oriental sous le slogan de « l’indivisibilité de la sécurité de la région euro-atlantique et indopacifique » et par la création d’une série « d’alliances militaro-politiques miniatures » ouvertement focalisées contre son pays et la Chine, et menaçant l’architecture régionale inclusive développée autour de l’ASEAN. 

Les États du monde ne veulent plus vivre sous les ordres mais échanger sur un pied d’égalité, a affirmé M. Lavrov, qui a dénoncé une division artificielle de l’humanité en blocs hostiles du fait des conflits générés par les États-Unis et le « collectif occidental », laquelle entrave la réalisation d’objectifs communs.  « Ils font tout pour empêcher la formation d’un ordre mondial véritablement multipolaire et juste », a-t-il asséné. 

Pourtant, la logique du processus historique est inexorable, a déclaré M. Lavrov, qui a mis en avant en particulier le rôle des BRICS et d’autres associations qui offrent aux pays du Sud des opportunités de développement commun et défendent la place qui leur revient dans l’architecture multipolaire objectivement émergente.  « Pour la première fois peut-être depuis la création de l’ONU en 1945, une véritable démocratisation des affaires mondiales existe », a estimé le Ministre, y voyant une source d’optimisme pour tous ceux qui croient en la suprématie du droit international et souhaitent la renaissance de l’ONU en tant qu’organe central de coordination de la politique mondiale.

M. Lavrov a accusé l’Occident de continuer à se considérer comme supérieur au reste de l’humanité.  Il a dénoncé le recours à des mesures coercitives unilatérales comme une violation flagrante du principe de l’égalité souveraine des États, « pierre angulaire de l’ordre mondial créée après la Seconde Guerre mondiale », exigeant notamment la levée de celles qui frappent Cuba et la Syrie.  Il a de nouveau accusé l’OTAN d’avoir détruit l’État libyen, ouvrant les vannes à la propagation du terrorisme dans la région saharo-sahélienne et à des vagues de millions de migrants illégaux en Europe.

M. Lavrov a par ailleurs dénoncé « l’égoïsme de la minorité occidentale », l’illustrant par ses « tentatives obsessionnelles d’ ’ukrainiser’ l’ordre du jour international » en repoussant au second plan d’autres crises régionales non résolues, notamment au Moyen-Orient, a-t-il affirmé, les Palestiniens attendent depuis plus de 70 ans l’État qui leur est solennellement promis.

M. Lavrov a ensuite comparé et opposé l’engagement non tenu de l’Occident de fournir aux pays en développement 100 milliards de dollars par an pour financer des programmes d’adaptation aux changements climatiques et les 170 milliards de dollars dépensés depuis février 2022 par les États-Unis, l’OTAN et l’Union européenne pour soutenir le « régime raciste de Kiev ». 

Le Ministre a ensuite souligné l’urgence d’une réforme rapide de l’architecture de gouvernance mondiale existante.  Il a ainsi demandé une redistribution des quotas de vote au FMI et à la Banque mondiale afin de reconnaître le poids économique et financier réel des pays du Sud, et demandé que le G20 cesse d’être politisé et ait la possibilité de faire ce pour quoi il a été créé: élaborer des mesures généralement acceptables de gestion de l’économie et des finances mondiales.  Il a estimé que l’élargissement du Conseil de sécurité, « de plus en plus demandé » devrait se faire en éliminant la sous-représentation des pays de la majorité mondiale, ajoutant que les nouveaux membres, permanents ou non, devraient jouir de l’autorité à la fois dans leur région et au sein d’organisations mondiales telles que le Mouvement des pays non alignés, le Groupe des 77 ou l’Organisation de la coopération islamique.  Il a aussi demandé des « méthodes plus équitables » pour former le Secrétariat de l’ONU, affirmant que les critères en vigueur ne reflètent pas le poids réel des États dans les affaires mondiales et assurent artificiellement une « domination prohibitive » des citoyens des pays de l’OTAN et de l’UE.

Rappelant que « l’histoire ne dépend que de nous », M. Lavrov a conclu en citant le Secrétaire général sur la responsabilité particulière des dirigeants de parvenir à un compromis pour concevoir notre avenir commun pour le bien commun, estimant qu’il s’agissait d’une « bonne réponse à ceux qui divisent le monde en démocraties et autocraties et ne dictent à tout le monde que leurs règles néocoloniales ».

Mme RETNO LESTARI PRIANSARI MARSUDI, Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, a évoqué les principes de la Conférence de Bandung de 1955, fondés sur la solidarité mondiale et la responsabilité collective en tant que réponse au déficit de confiance et aux inégalités mondiales.  Comme en 1955, nous nous trouvons aujourd’hui à un carrefour stratégique qui entrave la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), en particulier dans les pays du Sud.  Si nous réalisons toutes les promesses prononcées cette semaine devant cette assemblée, la situation mondiale ne ressemblera plus à celle que nous voyons actuellement, a lancé la Ministre.  Le problème, a-t-elle ajouté, est que nous ne joignons pas le geste à la parole, d’où le déficit de confiance. 

Selon Mme Marsudi, un monde pacifique et prospère est un droit et une responsabilité collective de tous les pays, grands et petits, du Nord et du Sud, développés et en développement.  Le respect du droit international garantit que les différends seront réglés à la table des négociations plutôt que sur le champ de bataille.  La Ministre a évoqué « notre responsabilité collective » de sauver les peuples de Palestine et d’Afghanistan, en particulier les femmes et les filles.  Tandis que la chaîne d’approvisionnement mondiale demeure monopolisée par certains États, les pays en développement sont confrontés à des dettes et un manque de financement du développement. 

En tant que Présidente de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour cette année, la Ministre a prévenu qu’elle ne laissera pas la région devenir un « pion des rivalités ».  « L’Asie du Sud-Est doit plutôt être un épicentre de croissance dont tous les pays peuvent bénéficier de manière significative ».  Concernant le Myanmar, elle a exhorté la junte militaire à mettre en œuvre le consensus en cinq points. 

Mme ALICIA BÁRCENA IBARRA, Ministre des affaires étrangères du Mexique, s’est alarmée de la stagnation dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), appelant de ses vœux un changement de paradigme de développement, « qui redistribue le pouvoir et la richesse et comble les écarts inacceptables entre les riches et les pauvres et entre les pays ».  Selon elle, c’est précisément ce que s’efforce de faire le gouvernement du Président Andrés Manuel López Obrador en mettant en œuvre des politiques structurelles transformatrices.  « Nous sommes déterminés à éliminer la culture des privilèges », a clamé la Ministre, pour qui la durabilité environnementale est un élément fondamental des stratégies de développement.  Voyant dans les changements climatiques l’un des plus grands risques mondiaux, elle a averti que le coût de leurs effets affectera non seulement la croissance économique mais aussi les secteurs les plus vulnérables. Il importe donc de donner la priorité à l’adaptation, ce que fait valoir le Mexique en préconisant une réforme en profondeur de l’architecture financière internationale. 

Dénonçant à cet égard le manque de solidarité mondiale, la Ministre a estimé que l’époque actuelle nécessite « la somme de plus de volontés pour donner une voix à tous les peuples du Sud ».  C’est pourquoi, a-t-elle expliqué, le Mexique envisage de participer aux efforts du Groupe des 77 et la Chine visant à renforcer la position de négociation des pays du Sud.  Au niveau régional, le Mexique agit comme garant de la paix, comme l’atteste sa participation au dialogue entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN) et à la recherche de solutions politiques au Venezuela. S’agissant du conflit entre l’Ukraine et la Russie, Mme Bárcena a condamné l’invasion russe et reconnu que tout État souverain a le droit de recouvrer son intégrité territoriale.  Cependant, a-t-elle nuancé, « il est également vrai que la course aux armements nous éloigne encore plus d’une solution pacifique ».  Il faut donc « cesser de parler de guerre et commencer à parler de paix », a-t-elle plaidé. 

La Ministre s’est ensuite inquiétée de l’augmentation du trafic illicite d’armes à feu, faisant observer que 200 000 armes à feu sont introduites chaque année dans son pays et tombent entre les mains de la criminalité organisée.  Elle a averti que les efforts déployés par le Mexique pour lutter contre le trafic de drogue resteront limités tant que les pays de fabrication et d’origine des armes trafiquées n’assumeront pas leur responsabilité face à ce fléau.  Notant à ce propos que la violence des gangs à laquelle fait face Haïti est due en grande partie au trafic illicite d’armes, elle a souhaité que la communauté internationale agisse de manière décisive pour aider ce pays à retrouver sa stabilité. De même, elle a appelé à la levée de l’embargo économique « injustifié » que subit Cuba. 

Mme Bárcena a d’autre part rappelé que son pays fait face au défi de la mobilité humaine, avant d’insister sur l’urgence de lutter contre les causes structurelles de la migration.  Il convient, a-t-elle dit, de renforcer le développement intégral des pays d’origine avec le soutien de tous les pays, en particulier de ceux qui bénéficient le plus du travail des migrants.  À ses yeux, il est également essentiel d’évoluer vers des modèles de gestion des migrations offrant des espaces d’insertion qui facilitent, dans le respect des droits humains, l’intégration dans les sociétés d’accueil et le retour volontaire dans le pays d’origine.  À l’approche de l’échéance de 2030, a conclu la Ministre, nous devons avoir le courage de créer un monde égalitaire et juste, « où les droits ne sont pas des marchandises et où la nature n’est pas la victime inévitable de nos modes de production et de consommation ».

M. ENRIQUE MANALO, Secrétaire aux affaires étrangères des Philippines, a plaidé pour adapter les efforts à la réalité, en plaçant les personnes et les communautés au cœur de l’action.  Guidées par une politique étrangère indépendante, les Philippines travaillent activement avec les nations pour promouvoir un ordre international fondé sur des règles et prônent le règlement pacifique des différends, conformément au droit international.  Telle a toujours été la position de son pays concernant les différends en mer des Philippines occidentales, a indiqué M. Manolo en réitérant sa détermination à défendre sa souveraineté, ses droits et son intégrité territoriale.

En tant qu’archipel dont le destin est étroitement lié à l’océan, les Philippines sont un champion de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a affirmé le Secrétaire aux affaires étrangères, se disant fier d’être parmi les premiers États à signer cette semaine l’accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine, qui ouvre de nouvelles possibilités de coopération pour assurer la gestion responsable de la haute mer. La primauté de la Convention sur le droit de la mer a été réaffirmée, à ses yeux, par la sentence arbitrale de 2016 sur la mer de Chine méridionale, qui a réglé de manière définitive le statut des droits historiques et maritimes dans cette zone.  Le respect du droit international permet, selon M. Manalo, de faire en sorte que la zone indopacifique reste stable, en paix et ouverte. « Nous sommes guidés par ces principes. »

Abordant ensuite les menaces liées aux armes de destruction massive, le Secrétaire aux affaires étrangères a déploré une situation marquée par la course aux armements et l’émergence de nouveaux outils de guerre, notamment dans le cyberespace, qui sont venus transformer le panorama stratégique du XXIsiècle, raison de plus pour respecter l’état de droit.  À cet égard, il a annoncé l’organisation par son pays d’une réunion des pays de la région indopacifique en décembre, visant à prôner l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique.  Il s’agit d’établir davantage de responsabilité pour réduire les menaces dans l’espace, a-t-il précisé.  Pour finir, il a abordé la question des changements climatiques, qui doit être traitée dans le cadre d’une coopération multilatérale, car « nous avons besoin de solutions décisives, justes et durables, tenant compte des populations et préservant les individus les plus vulnérables » du fait de leur situation géographique.

Mme NANAIA MAHUTA, Ministre des affaires étrangères et des gouvernements locaux de Nouvelle-Zélande, a rappelé que, pour la première fois depuis des générations, il existait une possibilité très réelle d’un conflit entre grandes puissances et que, dans notre monde interconnecté et interdépendant, les sociétés humaines « prospéreraient ou périraient ensemble ».  Elle s’est dite choquée de voir un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU lancer une attaque non provoquée contre un État souverain, l’Ukraine, tenter d’annexer son territoire et faire la guerre à sa population civile, affirmant que son pays soutenait fermement les efforts visant à demander des comptes à la Russie devant la Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale. 

La Ministre a ensuite dénoncé les dangers des armes nucléaires et de leur « héritage toxique », visibles aussi dans la région du Pacifique, mais aussi les risques liés aux systèmes d’armes autonomes, et appelé à établir des normes claires sur l’utilisation responsable d’autres technologies nouvelles et émergentes comme l’intelligence artificielle.  Elle a rappelé l’engagement de son gouvernement dans la lutte contre les cybermenaces et l’extrémisme en ligne, notamment dans le cadre de l’Appel à l’action de Christchurch, qui mobilise des gouvernements, la société civile et les industriels du secteur pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes violents en ligne. 

S’agissant des crises humanitaires, la Ministre a rappelé que la nourriture ne devait pas être utilisée comme une arme et a regretté que l’instabilité et la violence dans de nombreuses régions ait placé des millions de personnes dans des situations humanitaires d’urgence cruelles et immorales.  Elle s’est aussi dite préoccupée par l’effritement de la prospérité et de la sécurité dans la région du Pacifique bleu et s’est félicitée, dans ce cadre, du rôle central du Forum des îles du Pacifique et de l’adoption d’une feuille de route pour ces pays, la Stratégie pour le continent du Pacifique bleu 2050.

Notant qu’aucun pays n’était à l’abri des impacts des changements climatiques, Mme Mahuta a souligné que les pays du Pacifique subissaient déjà des pertes et des dégâts irréversibles.  Elle a demandé aux grands émetteurs d’adapter leurs actions à l’objectif d’une limitation de l’augmentation des températures à 1,5 degré et d’éliminer progressivement l’utilisation des combustibles fossiles à l’échelle mondiale. 

La Ministre a présenté les mesures ambitieuses prises par son pays, qui s’est engagé à réduire ses émissions de 50% par rapport aux niveaux de 2005 d’ici à 2030.  La Nouvelle-Zélande aidera ses partenaires du Pacifique à se préparer et à répondre aux événements liés au climat, notamment sur la question prioritaire des pertes et des dommages, a-t-elle assuré.  Elle a par ailleurs salué l’adoption du traité mondial sur la biodiversité des océans et le lancement des négociations sur un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique.

En conclusion, Mme Mahuta s’est dite favorable à une réforme de l’ONU et du système multilatéral dans son ensemble en se félicitant à cet égard de la tenue du Sommet de l’avenir de l’année prochaine.

M. NABIL AMMAR, Ministre des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger de la Tunisie, a réitéré le soutien de son pays aux efforts du Secrétaire général pour promouvoir le multilatéralisme.  Le monde, a-t-il fait remarquer, traverse une phase délicate de multiplication des crises géopolitiques, d’augmentation de la pauvreté, de ralentissement dans la réalisation des objectifs de développement durable et d’élargissement du fossé entre le Nord et le Sud.  Ces éléments, a-t-il estimé, dessinent une image très éloignée des buts et des valeurs qu’incarnent les Nations Unies.  Il a donc appelé à renforcer la coopération et la solidarité internationale « sur la base de responsabilités communes mais différenciées ». 

Des centaines de millions de personnes avaient fondé de grands espoirs dans la réalisation du Programme 2030, a relevé le Ministre, qui a regretté que les résultats actuels ne soient pas à la hauteur.  À ce titre, il a réaffirmé le soutien de son pays au projet du Secrétaire général pour sauver les objectifs de développement durable et mis l’accent sur les mesures visant à pallier les problèmes de financement.  Il s’est félicité de la création par le Secrétaire général d’un groupe pour limiter les répercussions de la guerre en Ukraine sur les prix de l’alimentation et de l’énergie.  Dans le même élan, il a évoqué l’appel récent du Président de la Tunisie pour créer un stock stratégique mondial de céréales.

Pour M. Ammar, le système monétaire mondial a failli.  Censé fournir un soutien aux pays en développement, il a fini par élargir le fossé qui les sépare des pays développés, a-t-il estimé, relevant que les pays en développement doivent maintenant choisir entre le remboursement de leur dette et les besoins de leur population.  Il a lancé un appel à la réforme de la finance mondiale et préconisé des mesures pour faciliter le recouvrement des fonds pillés à l’étranger, afin qu’ils bénéficient aux populations des pays lésés. 

Nous devons faire tout notre possible pour relever le défi des changements climatiques, a affirmé le Ministre, soulignant que, pourtant, « nos pays ne sont pas responsables de l’état de la planète ».  Il a salué le lancement d’un Sommet sur l’ambition climatique par le Secrétaire général.  Dans ce cadre, il a plaidé en faveur de l’octroi de financements climatiques aux pays les plus touchés.

S’inquiétant de l’aggravation de la situation migratoire, le Ministre a insisté sur la nécessité d’une approche globale de l’immigration illégale qui repose sur ses causes profondes.  Cependant, a-t-il averti, il faut que toutes les parties assument leurs responsabilités: pays d’origine, de transit et de destination.  La Tunisie n’acceptera pas l’implantation voilée de migrants en situation irrégulière sur son territoire et condamne les exploitations politiques ou médiatiques de la situation.

Enfin, M. Ammar a rappelé que son pays s’est engagé dans le processus de Notre Programme commun du Secrétaire général, une vision qui implique un système mondial plus équilibré, « sans différence entre les États », a-t-il insisté.  Dans ce cadre, il a dénoncé « l’injustice historique infligée au peuple palestinien » et encouragé le Conseil de sécurité à fixer un cadre qui permette au peuple palestinien de construire un « État unique, contigu, sur la base des frontières de 1967 et avec Jérusalem comme capitale ».  Réclamant l’arrêt des actions militaires en Libye et de l’escalade de la violence au Soudan, il a estimé que nous nous trouvions maintenant à la croisée des chemins, préconisant le respect de l’humanité, de notre croyance en un destin commun et de la Charte des Nations Unies pour rendre sa crédibilité au système multilatéral.

Mme THÓRDÍS KOLBRÚN REYKFJÖRD GYLFADÓTTIR, Ministre des affaires étrangères de l’Islande, a souligné que l’humanité vivait désormais, plus que jamais dans l’histoire, dans un état d’interdépendance, pour le pire mais aussi pour le meilleur: les problèmes dans une région peuvent en affecter d’autres, mais les solutions trouvées quelque part peuvent aussi être appliquées partout, instantanément.  Hélas, c’est lorsqu’on en a le plus besoin que le multilatéralisme connaît sa crise la plus profonde, s’est-elle lamentée, estimant que nous étions tous « à la croisée des chemins ». 

Notant que seuls 15% des objectifs de développement durable sont en bonne voie pour 2030, la Ministre a insisté sur la nécessité d’actions concrètes et s’est engagée à maintenir le cap en Islande où, a-t-elle admis, le bilan est contrasté, comme dans la plupart des pays.  Elle a également mis en garde contre les risques climatiques accrus, rappelant que les plus vulnérables subissent le plus grand impact de ces crises.  Sur le plan de la coopération internationale, la Ministre a célébré l’accord BBNJ sur la biodiversité marine comme un triomphe du multilatéralisme, reconnaissant l’importance de ce type d’accords pour faire face aux défis environnementaux. 

Présentant la candidature de l’Islande au Conseil des droits de l’homme pour le mandat 2025-2027, Mme Gylfadóttir s’est inquiétée de la dégradation de ces droits à travers le monde —notamment en Afghanistan, en Iran, au Bélarus, au Soudan, au Myanmar ou en Israël et Palestine— et a salué les courageuses voix qui continuent de lutter pour les libertés.  Elle a critiqué les politiciens populistes qui sapent les valeurs démocratiques tout en se protégeant par les mêmes droits humains qu’ils attaquent.  Elle a également mis en garde contre les dangers de l’intelligence artificielle et a insisté sur la liberté d’expression comme un droit humain fondamental, non extensible aux « bots programmés pour propager la haine et les mensonges ». 

La Ministre a dénoncé l’agression russe en Ukraine et a rappelé que son pays présidait le Conseil de l’Europe quand il a décidé d’établir un Registre des dommages.  La Russie est l’agresseur et doit être arrêtée, a-t-elle tranché, appelant au soutien international en faveur de l’Ukraine qui défend, selon elle, notre système international.  L’ONU, « un miracle de l’esprit humain depuis sa création », reste l’institution la plus pertinente pour inventer des solutions aux problèmes internationaux, a-t-elle ajoutant, jugeant néanmoins nécessaire de la réformer, en particulier le Conseil de sécurité.  « Nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter », a-t-elle jugé.

M. SAMEH HASSAN SHOUKRY SELIM, Ministre des affaires étrangères de l’Égypte, a présenté le point de vue de son pays sur les priorités destinées à restaurer la confiance dans le multilatéralisme.  Rappelant que, dans un monde dont l’interdépendance et la mondialisation sont les principales caractéristiques, « personne n’est en sécurité si tout le monde ne l’est pas », il a estimé que le succès de la sécurité collective dans de telles conditions dépend de celui des efforts communs pour assurer l’application efficace et non sélective des principes de la Charte des Nations Unies. 

Les défis auxquels notre monde est confronté sont nombreux et interdépendants, a ajouté le Ministre, et la communauté internationale est loin d’avoir trouvé des solutions efficaces aux fléaux des conflits armés, de l’insécurité alimentaire et du terrorisme.  Pour lui, les graves implications du conflit en Ukraine ont clairement montré que la sécurité et la stabilité d’une partie au conflit ne peuvent être abordées à l’exclusion d’une autre et que la responsabilité de la résolution de la guerre incombe in fine « à nous tous, et pas seulement à ceux qui sont directement touchés ».  C’est dans cet esprit que l’Égypte a rapidement agi en créant un groupe de contact arabe et en participant à l’initiative des dirigeants africains pour mettre fin « à l’effusion de sang et rechercher un règlement pacifique de la crise russo-ukrainienne ». 

M. Selim a ensuite appelé à la réforme immédiate et radicale des mécanismes de gouvernance internationale, héritages inefficaces dans le monde actuel des systèmes de sécurité de l’après-guerre.  Ainsi a-t-il affirmé que seul l’octroi de deux sièges permanents du Conseil de sécurité à l’Afrique, avec pleins droits et privilèges, permettrait de corriger les injustices faites depuis des décennies « à notre continent ». L’Égypte aspire en outre à contribuer efficacement à la prospérité des BRICS, cela en défendant les intérêts et les ambitions du Sud, qui ne représente actuellement pas moins de 30% de l’économie mondiale, a-t-il dit. 

À propos des changements climatiques, le Ministre, qui a rappelé que son pays avait réussi à mobiliser un consensus international en faveur de la justice climatique lors de la COP27 tenue l’an passé à Charm el-Cheikh, a appelé à la concrétisation du fonds pour les pertes et les préjudices lors de la COP28,  qui aura lieu cet automne aux Émirats arabes unis.  Sur la question de l’eau, M. Selim, qui a rappelé que les 100 millions d’Égyptiens dépendent du Nil pour 98% de leurs besoins, a rejeté toute mesure unilatérale relative à la gestion des ressources en eau transfrontalières.  Il a cité comme mesure de cette nature le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne, affirmant que sa construction avait été lancée sans consultations préalables ni études suffisantes quant à ses effets sur les États riverains.  Il a reproché à l’Éthiopie de continuer d’exploiter ce barrage « en violation directe du droit international, de la Déclaration de principes de 2015 et de la Déclaration présidentielle de 2021 du Conseil de sécurité.  En dépit de ces agissements, il a assuré que l’Égypte demeure optimiste que l’Éthiopie saura contribuer à un accord sur le partage des eaux du Nil qui sauvegardera ses intérêts, ceux de son pays et ceux du Soudan.

M. FAISAL BIN FARHAN AL FURHAN AL-SAUD, Ministre des affaires étrangères de l’Arabie saoudite, a souligné l’importance capitale de la Charte des Nations Unies et du droit international, avant de dire que son pays fait son possible pour, à l’horizon 2030, répondre aux aspirations des générations futures, notamment par l’autonomisation des femmes et des jeunes.  Les droits humains revêtent une importance capitale pour l’Arabie saoudite, a-t-il également assuré, ajoutant que la législation nationale comporte des textes clairs à ce propos. 

Le Ministre a poursuivi en plaidant pour un règlement de la situation palestinienne, fondé sur le droit international, en vue d’un État palestinien indépendant, dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale.  Il a condamné les mesures unilatérales, arguant qu’elles violent le droit international et sapent les efforts vers une solution politique.  Sur la même lancée, il a fait part de son souci quant à l’instabilité en Syrie, en Iraq, au Yémen, en Libye, au Liban et au Soudan, qui fait planer des menaces sur la sécurité régionale et mondiale.  En outre, souhaitant que l’Afghanistan ne soit pas un refuge pour les terroristes, il a appelé au respect des droits du peuple dans le pays, y compris des droits de la femme.  Pour illustrer le rôle pacificateur de l’Arabie saoudite dans la région, il a mentionné la reprise des relations diplomatiques avec l’Iran.

Concernant la guerre en Ukraine, M. Al Furhan Al-Saud a appelé les belligérants à conclure un accord dans le respect du droit international.  Il a fait valoir que l’Arabie saoudite avait déployé des efforts soutenus en appui aux pays concernés, notamment pour obtenir la libération de prisonniers de nationalités diverses.  En outre, a-t-il mentionné, son pays a invité l’Ukraine à la trente-deuxième session des États arabes à Djedda.  Relevant par ailleurs l’importance des efforts visant à éliminer les armes nucléaires, il a exhorté la communauté internationale à honorer ses engagements. 

Se félicitant des succès de son pays contre le terrorisme, il a mis en garde contre toute forme d’atteinte aux « valeurs sacrées » et contre la propagation de la haine et de l’islamophobie, appelant à empêcher de brûler le saint Coran. Il s’est félicité à ce sujet de la récente adoption par le Conseil des droits de l’homme de la résolution portant sur la lutte contre la haine religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.  Enfin, le Ministre a assuré du rôle prépondérant que joue son pays en faveur de la stabilité des marchés mondiaux de l’énergie, assurant qu’il contribue à la fiabilité, la durabilité et la sécurité des marchés mondiaux du brut, pour garantir à l’échelle mondiale une économie saine tant pour les producteurs que pour les consommateurs, par exemple à travers la coopération avec l’OPEP+.

M. MAHAMOUD ALI YOUSSOUF, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de Djibouti, a jugé nécessaire de reconnaitre tacitement que la direction prise par le monde était opposée à l’accélération du Programme de développement durable à l’horizon 2030 dont la présente session de l’Assemblée générale a fait son objectif.  Il a déploré la suspicion mutuelle, qui freine la coopération internationale, et la « logique de club », qui s’oppose à un multilatéralisme intégré.  Il y a vu la conséquence d’une lente érosion de la confiance mutuelle, qu’il a attribuée à une « résistance implacable au changement » des institutions mondiales créées après 1945, à une inégalité « qui se creuse et se fossilise » et à une compétition géopolitique accrue.  Pour le Ministre, cette évolution n’est toutefois pas irréversible.  Il a appelé à un investissement massif dans les efforts multilatéraux, en particulier les Nations Unies, pour établir un système qui tienne compte des réalités géopolitiques du moment et dans lequel les groupes s’engageraient à renouer des liens de solidarité forts.

M. Youssouf a jugé accablant pour la crédibilité du système le retard pris dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).  Malgré les engagements pris, des pays sont aujourd’hui davantage dans le besoin qu’il y a une décennie, le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé qu’un tiers de l’économie mondiale serait en récession en 2023 et le PNUD a constaté que l’indice de développement humain baissait dans 9 pays sur 10, a énuméré le Ministre, qui a demandé une réforme urgente de l’architecture financière internationale, notamment pour réformer le régime de la dette, qui empêche les pays en développement et les pays les moins avancés d’investir dans les ODD.  Les moyens d’y parvenir sont identifiés, a rappelé le Ministre, qui a demandé qu’on prenne mieux en compte le plan de sauvetage du Secrétaire général.

Le Ministre a ensuite présenté les mesures prises par son pays pour réaliser les ODD, citant en particulier l’action climatique, Djibouti étant situé trouvant dans une région particulièrement vulnérable aux changements climatiques.  À cet égard, il a jugé urgent d’honorer les engagements pris dans l’Accord de Paris et s’est dit profondément déçu que la promesse de mobilise chaque année 100 milliards de dollars n’ait jamais été tenue.  Il s’est en revanche réjoui de la création d’un fonds pour les pertes et les préjudices décidé lors de la COP27 et a souhaité que la COP28 adopte les mesures qui en permettront la mise en œuvre la mise en place concrète. 

Au plan régional, le Ministre a apporté son soutien au Gouvernement somalien mais s’est inquiété du calendrier actuel de réduction des effectifs de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS).  Djibouti est en outre très préoccupé par la crise au Soudan et souhaite une accélération de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé au Soudan du Sud.  Rappelant la nécessité d’un accord de paix inclusif au Yémen, le Ministre s’est félicité du succès de transbordement de la cargaison du pétrolier Safer, rappelant le rôle de base arrière et de coordination que Djibouti avait joué à cette occasion et voyant dans toute l’opération un exemple modèle de coopération internationale.  Enfin, il a affirmé que son pays était disponible pour achever le processus de normalisation de ses relations avec l’Érythrée et trouver un règlement pacifique au différend frontalier qui oppose les deux pays. 

M. SERGEI ALEINIK, Ministre des affaires étrangères du Bélarus, a souligné le fossé entre la discussion et l’action au sein des Nations Unies, dressant un parallèle inquiétant avec la Société des Nations, qui n’avait pas réussi à éviter la Seconde Guerre mondiale et a été oubliée.  Selon lui, l’ONU, si elle veut éviter un sort similaire, devait agir plutôt que d’être un « observateur passif ».  Citant le diplomate américain George Kennan, qui estimait qu’un « certain degré de conflit est présent dans toutes les relations internationales », le Ministre a appelé au compromis pour régler les antagonismes.

Pour parvenir à réformer l’institution et à débloquer la situation actuelle, M. Aleinik a offert trois pistes de réflexion.  D’abord, il a exigé la fin de l’ostracisme politique, arguant que chaque État Membre devait être traité avec égalité et respect.  Il a ainsi réprouvé l’utilisation du terme « régime » pour qualifier certains États, et a dénoncé les tentatives de limiter la participation d’États Membres aux activités de l’organisation.  « Traitons-nous les uns les autres avec respect et égalité », a-t-il insisté. 

En second lieu, le Ministre a critiqué la politisation de l’ONU, soutenant que l’organisation était de plus en plus perçue comme un instrument de la politique étrangère des États Membres plutôt que comme une plateforme de coopération mondiale.  Les problèmes bilatéraux ne doivent pas être portés devant les organisations internationales », a-t-il recommandé, plaidant pour un retour à la mission originelle de l’ONU, qui est de servir les intérêts des peuples du monde. 

M. Aleinik a également proposé une classification des problèmes mondiaux en deux catégories, selon leur complexité et leur degré de conflictualité.  La première catégorie, qui regroupe les questions sécuritaires, est la plus délicate.  La seconde, plus facile et consensuelle, comprend des sujets comme les changements climatiques, les pandémies et la criminalité transnationale. Pour le Ministre, il convient de régler d’abord ces derniers avant de s’attaquer à ceux, plus épineux, de la 0première catégorie.  Il a cité comme exemple le succès de la résolution sur la lutte contre la traite des êtres humains présentée par le Belarus lors d’une récente session de l’ONU à Vienne

Abordant la crise alimentaire mondiale, le Ministre a estimé qu’elle était d’origine humaine et non d’ordre systémique.  Les sanctions unilatérales en sont pour lui la cause principale, et il a donc appelé à leur suppression immédiate.  Persuadé que nous assistons à un « glissement de pouvoir » de l’Occident vers le reste du monde, il a par ailleurs exhorté à élargir le nombre de membres permanents au Conseil de sécurité des Nations Unies, et il a annoncé la tenue d’une conférence internationale sur La sécurité eurasienne, à Minsk, les 26 et 27 octobre prochains.  Enfin, il a mentionné la situation en Ukraine, regrettant que ce pays soit devenu « une monnaie d’échange dans le grand jeu de l’Occident pour préserver son hégémonie mondiale », et a critiqué les livraisons d’armes occidentales, qui ne font selon lui que « poursuivre la guerre jusqu’au dernier Ukrainien ».

M. SAYYID BADR BIN HAMAD BIN AMOOD ALBUSAIDI, Ministre des affaires étrangères d’Oman, a rappelé que le dialogue était non seulement le principe cardinal de la politique internationale de son pays mais aussi une pratique effective, la plus à même de résoudre les conflits à travers le monde.  Réaffirmant son attachement au multilatéralisme, il a appelé la communauté internationale à respecter la Charte des Nations Unies, pour qu’un monde de prospérité, de dignité et de sécurité puisse voir le jour. « Nous continuerons à appuyer les causes justes et équitables », a ensuite déclaré le Ministre.  La cause palestinienne en fait partie, a-t-il défendu, avant de la qualifier d’injustice durant depuis plus de 70 ans.  Il s’est toutefois félicité que le peuple palestinien reste ferme en dépit de l’occupation israélienne brutale, et a fait part de son appui à la solution des deux États.

Mentionnant le conflit ukrainien, le Ministre a estimé que celui-ci, outre ses retombées humanitaires, posait des défis importants pour la paix internationale et le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement.  Il a invité les parties prenantes à entamer des négociations de paix.  Sur la question des changements climatiques, il a présenté le plan d’Oman pour encourager les investissements dans les projets d’énergie renouvelable, basé sur une stratégie de zéro émission de carbone d’ici à 2050, et a confirmé la participation de son pays à la prochaine COP28 en novembre à Doha.  Il a enfin défendu la « Vision 2024 » pour le développement durable d’Oman, qui inclut notamment un plan de modernisation du système éducatif, à tous les niveaux.  Une condition essentielle pour le développement. 

Concernant les droits humains, le Ministre a assuré que son pays visait à les renforcer, et à créer une communauté mondiale équitable, respectueuse des valeurs religieuses et culturelles.  Il a condamné les actes incitant à la violence, à la haine et à la discrimination basés sur la religion ou la race, exhortant la communauté internationale à les criminaliser.  Les défis mondiaux complexes d’aujourd’hui, notamment les changements climatiques, les épidémies mondiales, la traite des êtres humains et les conflits, nécessitent une coopération mondiale, a-t-il martelé.  Il a enfin appelé à la mise en œuvre des principes du droit international, en évitant le « deux poids, deux mesures ».  C’est seulement à cette condition que la confiance règnera entre les États et les peuples, a-t-il estimé. 

M. EAMON COURTENAY, Ministre des affaires étrangères de Belize, a relevé que le monde actuel est marqué par des promesses solennelles régulièrement non tenues et un nationalisme étroit.  Seuls 12% des ODD sont en bonne voie d’être atteints, et, pour la première fois, l’indice de développement humain a diminué à l’échelle mondiale pendant deux années consécutives, imposant un fardeau encore plus lourd aux plus vulnérables, s’est-il inquiété.  De même, il a déploré que les pays du G20, responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre, continuent de manquer à leur devoir de réduire drastiquement celles-ci, alors que les températures moyennes mondiales des trois derniers mois ont été les plus élevées jamais enregistrées. 

Le Ministre a ensuite plaidé pour une réforme urgente de l’architecture financière internationale, souhaitant que les politiques des institutions de celle-ci soient mieux alignées sur les objectifs en matière de climat et de développement. Il a aussi recommandé de réformer les critères d’éligibilité aux financements pour le développement, arguant que les critères actuels excluent certains pays vulnérables de l’accès à ces financements.  Il faut donc des critères qui tiennent compte de leurs besoins, a-t-il dit.  De plus, le Ministre a prôné un élargissement de la gouvernance des institutions financières internationales, afin d’y inclure la voix des pays en développement.  « Les décisions qui nous concernant ne peuvent plus être prises sans nous. »  De plus, pour donner un coup d’accélérateur à la réforme du Conseil de sécurité, M. Courtenay a appelé à la tenue de négociations fondées sur des textes. 

Par ailleurs, il a abordé la « terrible injustice et l’héritage empoisonné du génocide indigène, de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves », lesquels ne peuvent continuer à être ignorés sur le fond.  Les descendants d’esclaves continuent de lutter contre une discrimination raciale persistante et une marginalisation, a-t-il déploré en soulignant les effets dévastateurs d’un « traumatisme générationnel ».  Il a imputé notamment le sous-développement, la pauvreté et les inégalités structurelles qui minent des pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) aux conséquences de l’esclavage.  La CARICOM a présenté un plan en 10 points qui aborde « le cœur de la justice réparatrice telle que nous la concevons », a signalé le Ministre en expliquant la nécessité d’une telle justice pour pouvoir laver un tort historique aussi indélébile.  « Aux gouvernements des pays européens qui ont permis ce mal, nous disons que le temps de la rédemption, de la réparation et du respect est arrivé, et nous l’exigeons! » 

M. OSMAN SALEH MOHAMMED, Ministre des affaires étrangères de l’Érythrée, a dit craindre que les tentatives d’imposer un ordre mondial unipolaire au cours des 30 dernières années poussent de plus en plus la communauté mondiale vers le « précipice ».  Il a également regretté que, dans cette réalité mondiale calamiteuse, le continent africain reste marginalisé, contraint de supporter le poids de ces politiques destructrices.  Saluant les mouvements de résistance qui se développent en Afrique en réaction à l’esclavage moderne, au pillage incessant et à la domination d’anciennes puissances coloniales, il a dit voir dans les groupes terroristes Al-Qaida, Daech et autres Chabab des entreprises criminelles soutenues et financées par ces mêmes forces de domination à des fins politiques.  Rappelant à cet égard que son pays n’a pas été épargné par les actes de déstabilisation déclenchés par les « forces de l’hégémonie », il a estimé que les sanctions imposées à l’Érythrée de 2009 à 2018 constituent un autre acte récent de transgression nécessitant réparation et responsabilisation. 

Dans ce contexte, le Ministre s’est félicité de la « résistance vigoureuse et persistante » des peuples du monde.  Cette tendance montre selon lui que nous sommes à l’aube d’une nouvelle réalité, à un carrefour historique qui augure un nouvel ordre mondial.  Reconnaissant que ce changement ne sera « ni facile ni réalisable en peu de temps », il a souhaité qu’il s’appuie sur un bouleversement complet de l’architecture de gouvernance mondiale.  À ses yeux, toute mesure « cosmétique » ne ferait qu’engendrer de faux espoirs chez les peuples et les pays du monde qui aspirent à de véritables changements.  Dans ce cadre, l’ONU sera amenée à entreprendre de profondes réformes, a estimé l’orateur, pour qui les changements souhaités doivent être à la mesure des aspirations en matière de justice et d’état de droit, de respect de l’indépendance et de la souveraineté nationales, et d’avènement d’une nouvelle ère de partenariat. 

De l’avis de M. Mohammed, l’ONU doit être en mesure, en tant que principale plateforme internationale, de remplir son mandat avec « efficacité et puissance ». Pour ce faire, la réforme « tant attendue » du Conseil de sécurité ne peut selon lui se limiter à une augmentation du nombre et de la représentation géographique de ses membres. L’architecture du droit de veto et les autres « distorsions institutionnelles » qui empêchent le Conseil d’exercer ses responsabilités sur la base du droit international doivent être examinées en prenant pour modèle le bilan historique, a soutenu le Ministre, selon lequel les marchandages politiques et l’utilisation abusive de la qualité de membre pour promouvoir des intérêts nationaux étroits ne sont pas compatibles avec la responsabilité stipulée dans la Charte des Nations Unies.  Les membres de cet organe doivent refléter le large éventail des États Membres de l’ONU, a-t-il conclu, non sans inviter l’Assemblée générale à examiner ces « paramètres complexes » au cours de la présente session. 

M. ARARAT MIRZOYAN, Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, a relevé que, s’il y a quelques années, « nous envisagions le déclin du multilatéralisme, aujourd’hui nous assistons à l’érosion de ce principe même et de ses fondements », ajoutant qu’il ne s’agissait pas « d’une inférence théorique mais d’une réalité avec laquelle le peuple arménien du Caucase du Sud fait face à la situation depuis trois ans ». 

Affirmant que le Gouvernement arménien avait déployé des efforts importants « et dûment constatés » pour résoudra la crise qui oppose son pays à l’Azerbaïdjan, il a déploré n’avoir pas de partenaire pour la paix mais un pays qui déclare ouvertement que « le plus fort a raison » et utilise constamment la force pour perturber le processus de paix.  Il a estimé que la récente « offensive à grande échelle » contre le peuple autochtone du Haut-Karabakh démontrait « un mépris ouvert et un défi de l’Azerbaïdjan contre la communauté internationale » réunie à New York.  Pour lui, le message de l’Azerbaïdjan est clair: « Vous pouvez parler de paix et nous pouvons faire la guerre et vous ne pourrez rien changer. »

M. Mirzoyan a accusé l’Azerbaïdjan d’avoir « cyniquement défini l’atroce offensive à grande échelle qui a coûté des centaines de vies, dont des femmes et des enfants » comme une opération antiterroriste locale, alors qu’il s’agit en fait d’une « atrocité de masse planifiée et bien orchestrée » qui a débuté par le blocage, le 12 décembre 2022, du corridor de Latchine, seule route reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie et au monde extérieur.  Il a rappelé que, le 22 février dernier, la Cour internationale de Justice avait ordonné à titre provisoire à l’Azerbaïdjan d’assurer la libre circulation le long du corridor de Latchine, et que, lors d’une réunion, le 16 août dernier, du Conseil de sécurité, la majorité de ses membres avaient eux aussi insisté sur la nécessité de débloquer ce couloir.  Il a également rappelé la séance du Conseil tenue le 21 septembre 2023, après l’offensive de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh.

Pour le Ministre toutefois, il est clair que les problèmes ne peuvent pas être résolus simplement par des déclarations et des appels génériques.  Dénonçant le recours à la famine comme méthode de guerre et faisant état des inquiétudes exprimées hier par la conseillère spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour la prévention du génocide, il a averti que les affirmations selon lesquelles les Nations Unies ne sont pas présentes sur le terrain et n’ont donc pas la capacité de vérifier la situation ne pouvaient être une excuse pour l’inaction.  Il a demandé à la communauté internationale de condamner la reprise des hostilités et le ciblage des colonies civiles et a réclamé, comme déjà dans le passé, l’envoi immédiat au Haut-Karabakh d’une mission interinstitutions d’évaluation des besoins et d’établissement des faits.  Il s’est dit convaincu que des mécanismes doivent être mis en place pour garantir le retour des personnes déplacées depuis la guerre de 2020.  Il a ensuite demandé que soit mis en place un mécanisme international durable et viable pour empêcher le nettoyage ethnique de la population autochtone du Haut-Karabakh.  Il a également demandé que la communauté internationale exige le retrait de toutes les unités azerbaïdjanaises de toutes les colonies civiles du Haut-Karabakh.

La politique de nettoyage ethnique contre le Haut-Karabakh n’est qu’une partie d’un tableau plus vaste, a ensuite affirmé M. Mirzoyan, qui a accusé l’Azerbaïdjan de vouloir impliquer la République d’Arménie elle-même dans des actions militaires et d’élargir ainsi les hostilités.  Il en a vu la preuve dans la réticence de l’Azerbaïdjan à s’engager de manière constructive dans un processus de paix avec son pays, notamment en reconnaissant son intégrité territoriale, en retirant ses forces armées des territoires arméniens occupés et en délimitant la frontière interétatique. 

Le peuple arménien « défendra fermement notre souveraineté, l’indépendance et la démocratie et surmontera la guerre hybride déclenchée contre nous », a conclu M. Mirzoyan, après avoir réitéré la volonté de son pays de s’engager en faveur de la normalisation des relations et de l’établissement d’une paix durable.

M. BASSOLMA BAZIE, Ministre d’État et Ministre du service civil du Burkina Faso, a mis en garde contre l’ivresse du pouvoir, « l’hypocrisie diplomatique et les mensonges d’État » faisant courir l’ONU à sa perte.  Dénonçant la paralysie du Conseil de sécurité, il a avancé que les preuves de la dissonance entre les discours s’agissant du respect des valeurs de la Charte –droit à l’autodétermination, souveraineté des États, inviolabilité du territoire et respect du droit international, entre autres– se trouvaient en Libye, au Sahel et dans « la crise entre la Russie et l’Ukraine ».  Au sujet de la Libye, il a exigé des excuses de la communauté internationale pour l’avoir « saccagée et mise à genoux », avant que les eaux du déluge n’endeuillent le pays davantage.  Il a désigné la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA) et un ancien Président de la France, M. Nicolas Sarkozy, comme responsables de la chute du Colonel Kadhafi. 

Partant de ce constat, il a dressé un parallèle entre cette ingérence en Libye et la situation actuelle au Niger.  Du communiqué lu par les autorités du Niger, il en ressort que la France est, « de connivence avec le Secrétariat général de l’ONU », à la base de cette situation inqualifiable.  L’ONU ne doit en aucun cas être un instrument dans les mains d’un quelconque pays, fut-il la France.  Il a aussi mis en opposition les discours invitant au respect de la Charte et le fait que les dirigeants représentant le peuple frère du Niger aient été pratiquement interdits d’accès au Siège des Nations Unies.  Le Ministre burkinabé a solennellement appelé tous les peuples d’Afrique à se mobiliser davantage dans la fraternité « afin d’éviter que les impérialistes mettent le feu au Niger comme en Libye ».  La CEDEAO, l’UA et l’ONU, a-t-il insisté, doivent représenter les peuples, au lieu de servir une poignée de chefs d’État: « elles ne doivent pas être utilisées et instrumentalisées pour déstabiliser des pays frères en assassinant leurs leaders ».

Concernant l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie, le Ministre a reproché à plusieurs pays occidentaux, notamment les États-Unis et l’Union européenne (UE), de « déverser toute sorte de soutiens, notamment militaires », à l’Ukraine.  Les populations civiles ukrainiennes engagées comme volontaires, dont certains pilotent même des chars, sont félicitées et traitées de patriotes, s’est-il étonné.

Vivement critique envers la France tout au long de son intervention, il l’a accusée d’être « venue de nulle part imposer son instrument qu’est le G5 Sahel », alors que le Mali, le Burkina Faso, le Niger et d’autres pays se sont organisés sur leurs frontières communes en mutualisant leurs forces pour faire face au terrorisme.  Il a aussi très sévèrement critiqué la communauté internationale pour avoir imposé des sanctions au Burkina Faso à la suite du coup d’État du 30 septembre 2022, communauté internationale qu’il a qualifiée de « nébuleuse » et caractérisée par sa « non-assistance à un État en proie au terrorisme » et sa « complicité au pillage de l’Afrique », entre autres.  De son point de vue, cette communauté internationale devrait être traduite devant la Cour pénale internationale (CPI). 

Le Ministre a évoqué deux groupes armés agissant au Burkina Faso -les « forces de défense et de sécurité » et les « volontaires pour la défense de la patrie »- en des termes positifs, les qualifiant de « patriotes ». Or certains chefs d’État de la CEDEAO et de l’UA, s’est-il alarmé, tentent de faire croire à la communauté internationale que ce sont des milices:  « C’est cela, le mensonge éhonté d’État! »  Enfin, sur la question de la présence du groupe Wagner au Burkina Faso « chantée par une certaine presse téléguidée depuis l’Élysée », il a déclaré que ces groupes armés susdits constituaient en fait le groupe Wagner.  « Oui, Monsieur le Président, c’est nous, les Wagner du Burkina Faso! », s’est exclamé le Ministre.

M. DATO SERI PADUKA AWANG HAJI ERYWAN BIN PEHIN DATU PEKERMA JAYA HAJI MOHD YUSOF, Ministre des affaires étrangères du Brunéi Darussalam, a rappelé qu’à mi-parcours du Programme 2030, il est opportun de réfléchir à une vision commune d’un monde durable afin d’effectuer des ajustements dans les domaines exigeant des efforts supplémentaires.  Il s’est réjoui des réalisations nationales entreprises conformément au plan Wawasan Brunei 2035 visant à créer une économie dynamique et durable.  Il a toutefois indiqué que des défis liés à la collecte des données fiables a entravé le suivi et l’évaluation précise des progrès accomplis pour réaliser les ODD.  Il a parlé du lancement, dans son pays, du centre de l’ASEAN pour les changements climatiques, précisant que celui-ci permettra de renforcer la collecte de données sur l’action climatique.

Revenant sur le thème de cette session, le Ministre a rappelé la nécessité d’associer tolérance et respect aux principes de confiance et de solidarité.  À ce titre, il a fustigé la multiplication d’actes d’intolérance, dénonçant notamment les actions haineuses dirigées contre la foi islamique.  Notant que de tels actes sapent les efforts en faveur d’une paix durable, il a appelé à une action accrue contre la haine religieuse.  Il est inacceptable de justifier la haine religieuse, même sous le prétexte de la liberté d’expression, a-t-il tranché.  Le Ministre a ensuite réaffirmé le droit du peuple palestinien à l’autonomie, l’autodétermination et la paix, et dénoncé les politiques et pratiques agressives de la « puissance occupante », condamnant avec la plus grande fermeté les actions qui violent de manière flagrante les droits et la dignité du peuple palestinien.  Il a également exhorté les Nations Unies à maintenir leur engagement en faveur de la solution des deux États. 

Évoquant les répercutions multiples causés par la COVID-19, le Ministre a estimé que le monde était à un carrefour déterminant pour son avenir.  Il a déploré le manque de détermination commune face à une situation caractérisée par des crises humanitaires et une méfiance globale, et appelé à ne pas céder aux divisions.  Nous ne devons pas laisser la méfiance prendre le pas sur l’unité, a-t-il lancé. 

M. YVAN GIL PINTO, Ministre du pouvoir du peuple et des affaires étrangères du Venezuela, a critiqué l’interventionnisme des États-Unis dans le différend territorial opposant son pays au Guyana, différend qu’il a décrit comme « un conflit territorial vieux de plus de 200 ans sur notre territoire de Guayana Esequiba ».  Le Gouvernement des États-Unis, a-t-il détaillé, veut s’approprier les ressources pétrolières vénézuéliennes en utilisant la société Exxon Mobil, qui a incorporé dans son personnel des membres du Gouvernement du Guyana et accorde des concessions pétrolières dans une mer territoriale non délimitée, en violation totale du droit international.  Il n’est pas possible de disposer unilatéralement d’un territoire contesté, mais le Gouvernement du Guyana persiste dans son comportement illégal, a fustigé le Ministre avant de dénoncer l’intention du Gouvernement des États-Unis de militariser la situation. 

Plus largement, il a brocardé les provocations irresponsables des États-Unis, qui, en divisant le monde en blocs de pouvoir, exacerbe les conflits et entraîne l’humanité dans une course aux armement inquiétante.  Il a aussi dénoncé la politique d’agression américaine se manifestant par l’application illégale de mesures coercitives unilatérales à l’encontre d’un tiers de l’humanité.  C’est une attaque délibérée contre le droit au développement des peuples qui entrave la réalisation du Programme 2030, a-t-il fustigé.  Le Ministre a précisé que plus de 930 mesures coercitives unilatérales ont été appliquées contre le Venezuela par le Gouvernement américain « et ses complices », pour des pertes estimées à plus de 232 milliards de dollars, sans compter la chute brutale du PIB vénézuélien.  Il a également déploré la confiscation de milliards de dollars de ressources souveraines séquestrées dans le système financier international, dont 31 tonnes d’or séquestrées par le Gouvernement britannique à la Banque d’Angleterre. 

Le Ministre a exigé la fin complète, immédiate et inconditionnelle de toutes les politiques illégales de sanctions et de blocus auxquelles sont soumis le Venezuela, Cuba, l’Érythrée, l’Iran, le Nicaragua, la Syrie, le Zimbabwe « et d’autres nations sœurs ».  Pour y faire face, il a proposé la création d’une « zone libérée des mesures coercitives unilatérales » dans laquelle ces pays pourront effectuer leurs transactions financières et leurs paiements interbancaires.  Cela leur permettrait, a-t-il expliqué, d’assurer des investissements directs et de faire commerce légalement entre nations, sans risques, ni obstacles arbitraires ou punitifs de la part des puissances occidentales. 

Mme ANNE BEATHE TVINNEREIM, Ministre du développement international en Norvège, rappelant le soutien indéfectible de son pays aux principes de la Charte, a exprimé son inquiétude face à l’agression de la Russie envers l’Ukraine, pays voisin du sien.  Elle a appuyé la formule de paix du Président de l’Ukraine et a indiqué que la Norvège continuera de fournir l’aide civile, militaire et humanitaire aux Ukrainiens aussi longtemps qu’il le faudra.  Elle a également déploré les répercussions mondiales de cette guerre sur l’énergie, l’alimentation et l’inflation qui mettent en péril le Programme 2030 et détournent l’attention d’autres problèmes urgents.  Pourtant, les ODD et les objectifs de l’Accord de Paris doivent être atteints, a-t-elle exhorté, soulignant les efforts environnementaux de son pays pour réduire les émissions, faciliter la création d’emploi et améliorer l’accès aux ressources énergétiques.  Elle a également précisé les efforts pour améliorer la sécurité alimentaire, notamment les investissements dans les petits producteurs et la lutte contre le gaspillage, ainsi que pour assurer une gestion durable et multilatérale des océans en dépit des tensions géopolitiques.  Elle a en outre appelé à investir dans la couverture sanitaire universelle pour mieux se préparer aux futures pandémies. 

Revenant sur les tensions géopolitiques, la Ministre a souligné que sans dialogue, il est plus difficile de se comprendre et de résoudre les problèmes, appelant à un renouveau du dialogue régional au Moyen-Orient, en Colombie, dans la Corne de l’Afrique et en Afghanistan.  En outre, elle a mentionné l’importance des droits humains, notant que les sociétés prospèrent lorsque les femmes et les filles peuvent y participer sur un pied d’égalité et jouir de leurs droits sexuels et reproductifs.  Or les normes sont en train de s’éroder dans de nombreux endroits, s’est-elle inquiétée, soulignant que le potentiel humain est notre ressource la plus précieuse.  Elle a ensuite exhorté les États Membres de se mettre au travail pour trouver des solutions communes, revitaliser le Programme 2030 et honorer les engagements internationaux. 

M. ABDOULAYE DIOP, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, a dit s’exprimer au nom du Président de la transition, du peuple malien et du « Chef d’État du Niger », M. Abdourahmane Tiani, « empêché de s’exprimer » à la tribune.

M. Diop a rappelé qu’avant une décennie de violences aux conséquences dévastatrices, la région du Sahel était autrefois connue pour être un havre de paix, de cohésion sociale et de vivre ensemble.  Face aux menaces, le Mali a changé de paradigme et pris son destin en main, a-t-il affirmé, précisant que les forces de sécurité maliennes s’acquittent de leurs missions régaliennes.  Le peuple malien a confiance dans l’engagement du Gouvernement contre les groupes terroristes a -t-il assuré. 

Le Ministre a ensuite dénoncé les ingérences de puissances qui facilitent les activités de groupes armés terroristes au Mali et au Sahel.  Le 15 août 2022, le Mali a alerté le Conseil de sécurité sur les actes d’hostilité commis par la France, a-t-il expliqué.  Accusant la France d’avoir libéré des terroristes dans la zone frontalière du Burkina Faso, du Mali et du Niger, il a également dénoncé des manœuvres de déstabilisation visant à retarder ou empêcher des demandes de financements auprès des institutions internationales ou régionales. 

Rappelant qu’une action militaire ne suffit pas à enrayer de manière durable le terrorisme, M. Diop a plaidé en faveur d’une stratégie intégrée, tout en indiquant qu’après 10 ans de présence la réponse sécuritaire internationale n’est pas à la hauteur des menaces et ne tient pas compte des attentes des populations.  Alors qu’en 2013, l’insécurité ne concernait que les régions du nord, elle s’est, depuis, propagée au centre et au sud, a-t-il relevé.  Il a rappelé qu’en juin 2023 le Conseil de sécurité avait approuvé la demande de retrait sans délai de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui interviendra en décembre 2023, conformément à la résolution 2690 (2023) du Conseil de sécurité.

Réaffirmant l’attachement du Mali aux idéaux de la Charte de l’Organisation des Nations Unies, M. Diop a déploré l’incapacité du Conseil de sécurité à parvenir à un consensus pour dénoncer les actes barbares commis le 7 septembre à Gao, Bourem et Bamba.  De la part du Mali, la riposte aux terroristes sera immédiate, a-t-il averti. 

Le Ministre a réitéré sa solidarité et son soutien au Gouvernement et au peuple du Niger.  Il a dénoncé les actions et mesures coercitives prises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union monétaire ouest-africaine contre ce pays.  Réaffirmant l’opposition du Mali à toute intervention militaire au Niger, il a ajouté que celle-ci constituerait une menace directe pour la région et a rappelé les conséquences désastreuses de l’intervention menée en Libye et autorisée par le Conseil de sécurité en dépit de l’avis des dirigeants africains.  Si une telle situation se reproduisait au Niger, le Mali ne resterait pas les bras croisés, a-t-il averti.

M. Diop a réitéré son soutien à une réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus représentatif.  Il a également salué l’ouverture des BRICS à de nouveaux états africains ainsi que l’élargissement du G20 à l’Union africaine, qualifié d’encourageant mais insuffisant.  Enfin, réitérant son attachement à la coopération internationale, le Ministre a adressé une mention particulière à la Fédération de Russie et rappelé que l’alliance Mali-Burkina-Faso et Niger vise à renfoncer une intégration des peuples fondée sur la solidarité, le respect de la dignité, l’affirmation de la souveraineté et rejette toutes formes d’ingérence extérieure.

Mme REEM AL HASHIMY, Ministre d’État pour la coopération internationale des Émirats arabes unis, a relevé que la communauté internationale est capable de trouver des solutions innovantes aux problèmes grâce à ses institutions multilatérales fortes, ses cadres juridiques et la technologie.  C’est une volonté politique forte et une vision de l’avenir perspicace qui manquent, a-t-elle regretté, prônant une réforme du Conseil de sécurité en matière de droit de veto, de membres permanents et non permanents, et de méthodes de travail.  Elle a ensuite rappelé l’importance du respect du droit international, de l’intégrité territoriale, des solutions politiques, des valeurs communes, de la diversité politique et des disparités de développement, soulignant le rôle significatif des organisations internationales et régionales pour apaiser les tensions entre les puissances mondiales. 

Après avoir appelé l’Iran à mettre fin à son occupation de trois îles émiriennes et l’Iraq à se pencher sur les effets négatifs de sa loi sur la navigation maritime dans la région de Khor Abdullah, elle a précisé que les Émirats arabes unis œuvrent en faveur de l’intégration économique régionale et font leur possible pour empêcher les groupes armés de maintenir une présence dans la région.  Les conflits ne sont pas inévitables mais la sécurité et la prospérité ne peuvent être rétablies qu’avec une volonté politique, a-t-elle insisté, réitérant le soutien de son pays à l’établissement d’un État palestinien indépendant.  Condamnant les discours de haine et l’extrémisme, la Ministre a déploré qu’il y ait deux poids, deux mesures en matière de promotion de la tolérance.  Il est nécessaire de garantir les droits humains et de prohiber les pratiques racistes, a-t-elle exhorté, pointant également la discrimination envers les femmes en Afghanistan. 

Elle a ensuite appelé la communauté internationale à s’occuper des risques de prolifération nucléaire, tout comme de l’aide humanitaire aux peuples affectés par les conflits dans des pays où des sanctions sont appliquées, annonçant à cette occasion le lancement d’une plateforme numérique pour une meilleure gestion de l’aide internationale dans les pays concernés.  Par ailleurs, elle a appelé à des changements pour tenir les promesses de l’Accord de Paris.  Elle a donné les quatre axes sur lesquels la COP28, qui aura lieu dans son pays, se penchera pour accélérer la transition énergétique et renforcer la résilience des communautés.  La capacité de financement, l’amélioration de la structure financière internationale et la participation du secteur privé seront ici primordiaux, a-t-elle ajouté, appelant la communauté internationale à développer des solutions collectives.  L’action multilatérale pour le climat permettra aussi de minimiser la crise alimentaire, la pénurie d’eau et les répercussions des catastrophes naturelles, a-t-elle fait valoir.  L’action collective n’est plus une option mais un besoin urgent pour bâtir un avenir inclusif et durable, a-t-elle conclu.

Droits de réponse

La Chine a réagi à l’accusation des Philippines sur la prétendue violation du droit international en mer de Chine méridionale.  Mon gouvernement, a-t-elle dit, ne reconnaît pas la décision de la Cour d’arbitrage qui ne saurait compromettre notre souveraineté.  Nous sommes prêts à dialoguer avec les Philippines pour trouver des solutions communes à ce différend, a tout de même déclaré la Chine. À son tour, le Guatemala a répondu au Belize, en rappelant que plusieurs rapports publiés par les États d’Amérique du Sud ont reconnu sa culture de paix.  Nous avons également, a-t-il ajouté, une collaboration bilatérale, au niveau militaire.  Le Guatemala a insisté sur sa lutte contre le trafic de drogues et s’est présenté comme victime des attaques des groupes radicaux du Belize, au détriment de sa souveraineté.  Malgré ces provocations, les soldats guatémaltèques n’ont jamais riposté car leur pays honore ses engagements et s’en remet à la compétence de la Cour internationale de Justice (CIJ).  En attendant, a encore souligné le Guatemala, nous sommes l’un des principaux investisseurs au Belize.

L’Iran a réitéré sa souveraineté sur les îles d’Abou Moussa, de la Grande-Tounb et de la Petite-Tounb, qui feront toujours partie intégrante de son territoire. Il a tout de même exprimé sa volonté d’améliorer ses relations avec les Émirats arabes unis sans pour autant renoncer à sa souveraineté.  Répondant au Koweït, il a réaffirmé que sa politique étrangère est fondée sur le respect du droit international et les relations de bon voisinage.  Les différends sur l’exploitation d’hydrocarbures devraient être réglés dans le cadre de ces relations, a-t-il ajouté avant que les Émirats arabes unis ne soulignent que les trois îles font partie intégrante de son territoire.  Ils ont dénoncé leur occupation et accusé l’Iran de rester sourd aux appels à la médiation. Ils ont tenu à rappeler à l’Iran la nécessité de respecter la Charte des Nations Unies et le droit international, afin de parvenir à un règlement pacifique de ce contentieux, par le biais de négociations directes ou la saisine de la CIJ. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Assemblée générale: malgré la multiplication des crises, les petits États insulaires demandent l’avènement d’un véritable multilatéralisme

Soixante-dix-huitième session,
10e et 11e séances – matin & après-midi
AG/12536

Assemblée générale: malgré la multiplication des crises, les petits États insulaires demandent l’avènement d’un véritable multilatéralisme

La menace que fait peser la crise climatique sur les petits États insulaires en développement (PEID) et les multiples facettes des points de tension mondiaux ont animé, aujourd’hui, les interventions des chefs d’État et de gouvernement réunis à l’occasion du débat général de l’Assemblée générale, lesquels ont préconisé un multilatéralisme raffermi et une coopération toujours plus étroite entre les États, notamment au niveau régional. 

« Bon nombre d’entre nous, dirigeants des petites îles marginalisées de notre planète, entourées par la montée des eaux et brûlées par la hausse des températures, commençons à remettre en question ces démonstrations de fraternité feinte qui ne tiennent pas leurs promesses », a lancé d’emblée le Premier Ministre de Sainte-Lucie.  Il a dénoncé « l’inanité » de la communauté internationale lorsqu’il s’agit de prendre des mesures collectives en faveur des plus vulnérables, la réalisation du Programme 2030 au premier chef. 

Son homologue de la Barbade a dit craindre qu’il ne soit trop tard pour sauver la population des effets de la crise climatique « qui nous étouffe », trop tard pour réaliser les objectifs de développement durable, cette « promesse de dignité », et trop tard encore pour les petits États insulaires « qui, peut-être, n’existeront plus à l’avenir ».  « Il est désormais probable que davantage de personnes mourront de la faim en 2030 qu’en 2015 », s’est indignée la Première Ministre. 

Malgré des progrès tels que la création, par le Fonds monétaire international (FMI), du Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité, qui a permis de réduire l’instabilité macroéconomique des pays à revenu intermédiaire, elle a en outre constaté que quelque 60 pays demeurent confrontés à des défis énormes liés à la dette, au point de devoir choisir entre le développement et le renforcement de la résilience climatique. 

Face à cette situation, le Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda a prôné, pour sa part, l’adoption, par les institutions financières internationales, d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle afin de faciliter l’accès des petits États insulaires en développement (PEID) au financement concessionnel.  Les chefs de gouvernement des PEID ont également été nombreux à déplorer que les engagements financiers climatiques pris par les pays développés soient nettement inférieurs aux 100 milliards de dollars par an promis. 

Pour sa part, le Premier Ministre des Tuvalu a réclamé une « justice climatique » mettant l’accent sur les efforts d’atténuation, d’adaptation et de soutien aux nations les plus vulnérables, comme le prévoit la résolution proposée par Vanuatu concernant la demande d’un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ). 

Après avoir évoqué le conflit frontalier « dangereux et inutile » avec la République dominicaine, le Premier Ministre haïtien a reconnu que son pays se trouve plongé dans une profonde crise multidimensionnelle, l’insécurité engendrée par la violence des gangs ayant atteint un stade « critique ».  À ce titre, il a jugé urgent que le Conseil de sécurité autorise le déploiement d’une mission multinationale spécialisée, à composante policière et militaire, en appui à la Police nationale d’Haïti. 

Comme la faim et la paix, la lutte contre les changements climatiques relève de notre responsabilité collective, a martelé le Premier Ministre des Pays-Bas.  Or, les grandes menaces de notre temps, qu’il s’agisse des turbulences géopolitiques, des guerres, du terrorisme ou encore des vagues migratoires, surviennent à un moment où l’ensemble du système multilatéral traverse une « crise d’identité », selon les propos du Président de la Macédoine du Nord.  La seule véritable réponse à ces questions ne peut être qu’un multilatéralisme renouvelé, tenant compte des besoins spécifiques de chaque pays, tout en offrant une vision claire du bien commun, a-t-il argué. 

Le Premier Ministre de la Malaisie a toutefois constaté que l’aggravation des rivalités entre les puissances trahit un abandon graduel du multilatéralisme et des mécanismes de l’ONU au profit d’un « minilatéralisme » de façade, avec des effets délétères sur les petites nations situées dans des régions en proie à des conflits.  « Le monde ne peut pas se permettre une guerre froide 2.0 », a prévenu le Premier Ministre du Pakistan, en évoquant les conflits qui font rage en Ukraine et dans quelque 50 autres endroits dans le monde, sur fond de tensions accrues entre les puissances. 

Situé à un carrefour névralgique entre l’Asie et l’Europe, le Premier Ministre israélien a estimé pour sa part que son pays est appelé à devenir un « pont pour la prospérité entre les continents », dans la foulée des accords d’Abraham conclus en 2020. « La paix entre Israël et l’Arabie saoudite va véritablement façonner un nouveau Moyen-Orient », a-t-il prédit, en rejetant l’idée « erronée » voulant que les Palestiniens détiennent un « droit de veto » sur les relations entre l’État hébreux et ses voisins arabes. 

Après être revenu sur la récente « intervention militaire sans effusion de sang » menée afin de renverser Ali Bongo, le Premier Ministre du Gabon a jugé que le système de sécurité collective de l’ONU n’était qu’une « fiction » dans des régions comme le Sahel ou les Grands Lacs, devenus de véritables « épicentres de l’instabilité ».  À ses yeux, seule une transformation structurelle de l’architecture de paix et de sécurité de l’Organisation permettra de prévenir l’émergence de nouveaux conflits. 

On retiendra également l’intervention du Vice-Premier Ministre du Royaume-Uni qui a longuement parlé de la question de l’intelligence artificielle, saluant sa capacité à aider à inverser les changements climatiques, entres autres, tout en s’inquiétant de son utilisation à mauvais escient.  Selon lui, sa réglementation exigera une nouvelle forme de multilatéralisme impliquant gouvernements, entreprises technologiques et acteurs non étatiques d’influence.

L’Assemblée générale poursuivra son débat général demain, samedi 23 septembre, à compter de 9 heures. 

SUITE DU DÉBAT GÉNÉRAL

Déclarations

M. STEVO PENDAROVSKI, Président de la Macédoine du Nord, a estimé que l’attention portée au débat général sera plus grande que jamais cette année, l’état émotionnel de l’humanité étant aujourd’hui la peur: peur des guerres, de la famine, de la pauvreté et des catastrophes environnementales.  « Il est indéniable que l’ordre international a été profondément ébranlé en diverses parties du monde », a-t-il dit.  Il a condamné avec la plus grande fermeté l’agression perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, qui se poursuit avec « férocité ».  Pourtant, la Charte des Nations Unies est très claire: tous les différends doivent être réglés par des moyens pacifiques, par la négociation et le dialogue, en excluant l’usage de la force.  Lorsque qu’un membre permanent du Conseil de sécurité attaque illégalement un autre État Membre, c’est l’ensemble de l’architecture de sécurité planétaire qui est ébranlée, a-t-il noté. 

« La paix est le fondement de tout », a poursuivi le Président, qui s’est inquiété de la perte de confiance entre les États, essentielle à la coopération.  « Les alternatives au dialogue entre les nations sont effrayantes, et chaque report nous conduira à nouveau à la même menace, avec la différence que le prix à payer sera alors beaucoup plus élevé », a-t-il averti. 

Pour M. Pendarovski, la guerre en Ukraine crée un « état d’imprévisibilité générale et une boucle constante de crises », qui perturbent l’approvisionnement alimentaire et énergétique des plus vulnérables.  Le Président a exprimé son appui aux efforts du Secrétaire général visant à rétablir l’Initiative de la mer Noire, tout en condamnant le recours à la nourriture comme arme pour atteindre des objectifs militaires ou politiques.  Il a jugé incompréhensible que, dans la troisième décennie du XXIe siècle, des millions de personnes soient incapables de satisfaire leurs besoins humains élémentaires.  « Quelle sera notre autorité en tant que dirigeants politiques lorsque nous discuterons de démocratie, de droits de l’homme et de prospérité, alors que des millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, à la nourriture ou à l’éducation? » s’est-il interrogé. 

Rappelant que les changements climatiques ne connaissent pas de frontières, M. Pendarovski a fait valoir qu’une réponse efficace nécessite une action commune.  Or, les grandes menaces de notre temps -turbulences géopolitiques, guerres, terrorisme et vagues migratoires massives- surviennent à un moment où l’ensemble du système multilatéral traverse une crise d’identité ou de fonctionnalité, voire les deux.  Pour le Président, la seule véritable réponse ne peut être qu’un multilatéralisme renouvelé et renforcé, valorisant les besoins spécifiques de chaque pays tout en offrant une vision claire du bien commun.  « Il n’y a pas de meilleur endroit pour cette entreprise commune que l’ONU », a-t-il noté, en soulignant le besoin urgent de rétablir la prévisibilité et la prévention dans les relations internationales. 

À cet égard, le Président a posé pour condition préalable la réforme du système des Nations Unies, sur la base d’une plus grande représentation géographique reflétant la réalité du monde d’aujourd’hui.  Depuis son indépendance en 1991, Skopje a mis en place une culture de dialogue dans la résolution de ses problèmes internes, au moyen notamment de l’affirmation des droits des communautés ethniques qui composent le pays, a-t-il fait valoir.  En cette année « remplie de défis sans précédent », la Macédoine du Nord assume la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a en outre rappelé M. Pendarovski, qui a affirmé que son pays demeure l’un des plus grands promoteurs de la coopération régionale en Europe du Sud-Est, tout en respectant les critères d’adhésion à l’Union européenne, qu’il a souhaitée effective en 2030. 

M. BENJAMIN NETANYAHU, Premier Ministre d’Israël, a d’abord rappelé comment le prophète Moïse avait dit à son peuple que son avenir serait déterminé par le choix entre une bénédiction et une malédiction.  Ce choix est le même aujourd’hui, a-t-il constaté, entre la « bénédiction d’une paix historique » et la « malédiction de la guerre du terrorisme » menée par les « tyrans de Téhéran ». 

C’est pourtant cette menace qui a permis de rapprocher Israël « de nombreux États arabes », a estimé le Premier Ministre.  Si les précédents efforts de paix entre États arabes et Israël ont échoué, a-t-il expliqué, c’est parce qu’ils étaient « fondés sur une idée erronée », selon laquelle la paix avec les Palestiniens était un préalable aux autres accords de paix.  « Cela fait longtemps que je tente de faire la paix avec les Palestiniens », a insisté M. Netanyahu, qui a toutefois ajouté que les Palestiniens, qui « représentent 2% du monde arabe », ne devaient pas avoir « un droit de veto sur les traités de paix avec les autres États arabes ». 

Les Palestiniens abandonneront « le fantasme qui consiste à vouloir détruire Israël » quand les pays du monde arabe se réconcilieront avec Israël, a estimé M. Netanyahu, qui a détaillé le contenu des « accords d’Abraham », ces « quatre traités de paix conclus en l’espace de quatre mois en 2020 avec quatre pays arabes »: Émirats arabes unis, Bahreïn, Soudan et Maroc. Ces accords, avec leurs volets commercial et de coopération, sont un tournant de notre histoire et le signe d’une ère de paix, y compris avec les Palestiniens, a affirmé le Premier Ministre, qui s’est félicité de la « possibilité d’une réconciliation entre judaïsme et islam, entre Jérusalem et la Mecque, entre les descendants d’Isaac et les descendants d’Ishmael. 

M. Netanyahu a assuré qu’Israël, au carrefour de l’Asie et de l’Europe, pouvait devenir un pont pour la prospérité entre continents.  Il s’est réjoui de l’annonce, faite lors du récent Sommet du G20 par le Président Biden, le Premier Ministre indien Modi et des représentants arabes et européens, d’un plan pour un « corridor visionnaire » constitué d’oléoducs, de liens maritimes et ferroviaires et de câbles optiques, qui s’étendra de la péninsule arabique à Israël pour connecter l’Inde à l’Europe. « La paix entre Israël et l’Arabie saoudite va véritablement façonner un nouveau Moyen-Orient », a aussi anticipé M. Netanyahu, en montrant aux délégations une carte représentant Israël entouré de pays arabes hostiles en 1948, puis une autre représentant la situation d’aujourd’hui, avec une vaste zone de prospérité colorée en vert, allant du Soudan à l’Arabie saoudite. 

Revenant sur les relations de son pays avec les Palestiniens, M. Netanyahu a invité leur dirigeant Mahmoud Abbas à cesser de propager ses « théories du complot antisémites » contre le peuple juif et de « rémunérer des terroristes qui tuent des Juifs ».  L’antisémitisme doit être condamné, a insisté le Premier Ministre, et les Palestiniens doivent se réconcilier avec le droit des Juifs d’avoir un État. 

M. Netanyahu a ensuite accusé l’Iran de dépenser des milliards pour armer les terroristes et de continuer à s’adonner au « chantage nucléaire » tout en développant un programme de missiles et de « drones qui sèment la mort en Ukraine ».  Il a déploré l’indifférence des puissances occidentales vis-à-vis des violations par ce pays de l’accord sur le nucléaire et appelé au rétablissement des sanctions.

Enfin, le Premier Ministre a mis en garde contre les dangers de l’intelligence artificielle (IA).  « La promesse utopique de l’IA ne doit pas se transformer en dystopie », a-t-il déclaré, en appelant les nations qui, comme Israël, participent à la révolution de l’IA à se concerter pour « pleinement domestiquer » son potentiel. 

M. PRAVIND KUMAR JUGNAUTH, Premier Ministre de Maurice, a plaidé pour une intensification de la réduction des émissions de gaz à effet afin de s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris.  Même si l’on parvient à limiter la hausse des températures à 1,5 degré Celsius, les petits États insulaires en développement (PIED) sont confrontés à une menace existentielle, a-t-il prévenu, ajoutant que « dépasser ce seuil serait catastrophique ».  Pour garantir un avenir durable, nous devons collectivement éliminer l’utilisation des combustibles fossiles et accélérer la transition juste vers des sources d’énergie durables, en visant zéro émission nette à l’échelle mondiale d’ici à 2050, a préconisé le dirigeant, non sans rappeler que son pays est aux prises avec le stress hydrique, l’érosion côtière, la pollution marine et, surtout, une élévation du niveau de la mer de 5,6 millimètres par an, contre une moyenne mondiale de 3,3 millimètres. Ces défis combinés accroissent nos vulnérabilités inhérentes et mettent en péril nos objectifs de développement durable, a-t-il constaté, avant de détailler les actions menées par son pays pour répondre à cette urgence.

Outre les 2% de son PIB consacrés aux politiques environnementales et climatiques et la promulgation d’une loi sur les changements climatiques, Maurice a mis en œuvre une série de mesures d’adaptation telles que des programmes de réhabilitation côtière, de propagation des mangroves et de gestion des inondations, a précisé le Premier Ministre.  Il a également fait état d’une stratégie nationale d’atténuation, l’objectif étant de réduire les émissions de carbone de 40% et d’atteindre 60% de production d’énergie verte d’ici à 2030.  M. Jugnauth a cependant indiqué que pour appliquer les contributions nationales déterminées de son pays, 6,5 milliards de dollars sont nécessaires.  Si 2,5 milliards de dollars ont pu être engagés malgré les contraintes économiques, il reste à trouver les 4 milliards restants.  À l’instar de Maurice, tous les PEID ont besoin d’un soutien adéquat et prévisible, a-t-il souligné, avant d’appeler les institutions financières internationales et les partenaires de développement à faciliter cet accès au financement climatique. 

Le Premier Ministre a dit attendre avec impatience la mise en œuvre rapide du mécanisme de pertes et de dommages convenu lors de la COP27.  Il a aussi souhaité que les pays développés tiennent la promesse faite il y a 14 ans, lors de la Conférence de Copenhague, de fournir un financement climatique de 100 milliards de dollars par an.  Reste que, dans l’état actuel des choses, ce montant n’est plus suffisant, a-t-il argué, appelant à établir un nouvel objectif quantifié collectif. Jugeant à ce propos que le PIB par habitant ne peut être la seule mesure du développement d’un pays, il a exhorté les institutions financières internationales et les partenaires de développement à utiliser l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle développé par l’ONU dans leur prise de décisions.  Il a également souhaité que le Sommet de l’avenir de l’année prochaine permette d’aborder les questions de stabilité financière, d’inclusion financière et de viabilité de la dette, essentielles pour les PEID. 

Pour finir, le Premier Ministre a annoncé que son pays avait signé l’accord conclu au titre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer relatif à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale, un instrument juridiquement contraignant qui, selon lui, constitue une victoire pour le multilatéralisme et le droit international.  Encourageant tous les pays à le signer et à le ratifier, il a également déclaré attendre avec impatience la finalisation de l’instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin.

M. ANWAR IBRAHIM, Premier Ministre de la Malaisie, a rappelé que les fondateurs de l’ONU l’avaient bâtie sur une vision reléguant au passé la loi du plus fort. Or, a-t-il estimé, cette vision est aujourd’hui fortement ébranlée par des puissances qui laissent de plus en plus de côté les Nations Unies et l’impératif du multilatéralisme, se satisfaisant d’un « minilatéralisme ».  Il a ajouté que ces rivalités entre puissances affectaient notamment les plus petites nations dans des régions en proie à des conflits. 

Rappelant que son pays condamnait sans équivoque l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, le Premier Ministre a regretté que ce conflit se prolonge et appelé à des efforts multilatéraux renouvelés sous l’égide des Nations Unies pour le résoudre.  Il s’est par ailleurs inquiété de l’accélération du rythme de construction des colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés, qui constituent un obstacle insurmontable à la solution des deux États, en appelant la communauté internationale à agir pour faire cesser ces violations des droits de ces populations. 

Rappelant que son pays contribue à l’aide humanitaire destinée à l’Afghanistan, qui connaît sa troisième année de sécheresse consécutive, le Premier Ministre a appelé les autorités afghanes à mettre fin aux politiques de discrimination à l’égard des femmes et des filles, qu’il a estimées « contraires aux enseignements de l’islam, sans parler de la Charte des Nations Unies et du cadre multilatéral des droits humains ».

M. Ibrahim s’est dit « absolument horrifié » par la violence et l’instabilité qui affectent le Myanmar depuis le coup d’État de 2021, y voyant le « principal défi » auquel l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) est confrontée.  Dénonçant une « barbarie injustifiable », il a appelé les États Membres à maintenir la pression sur les autorités militaires pour mettre un terme aux atrocités et demandé au Myanmar d’appliquer sans tarder le consensus en cinq points de l’ASEAN.  Constatant que l’organisation régionale était confrontée à la rivalité entre grandes puissances dans la région de l’Asie-Pacifique, il a expliqué que son pays cherche à éviter d’exacerber la « course à la domination » en cours. 

Rappelant que l’été écoulé a été le plus chaud jamais enregistré sur Terre, le Premier Ministre a énuméré les effets négatifs des changements climatiques ressentis en Malaisie.  Assurant que son pays jouait son rôle sur ce front, il a appelé les pays développés à honorer leurs engagements en fournissant 100 milliards de dollars par an pour soutenir l’ambition climatique dans les pays en développement.  Des sommes encore plus importantes seront nécessaires dans un avenir proche, a-t-il averti. 

M. Ibrahim s’est inquiété du « fort retard » sur un tiers des cibles des objectifs de développement durable, qui connaissent soit une inertie soit un recul. Il s’est aussi préoccupé d’une situation économique mondiale caractérisée par des « inégalités sidérantes » en matière d’alimentation, de logement, d’éducation et de santé, appelant des réformes systémiques drastiques et une remise à plat totale des institutions internationales.

Le Premier Ministre s’est également inquiété de l’avènement d’une « nouvelle forme de racisme », caractérisée par des discriminations à l’encontre des musulmans. Il s’est dit « absolument scandalisé » que le fait de brûler le Coran puisse être légitimé au nom des droits humains, parlant de son côté « d’acte islamophobe qui alimente la haine ».  Appelant à ne pas rester les bras croisés face à de telles provocations, il en a appelé à la tolérance et à la compréhension interculturelle. 

M. ROBERT ABELA, Premier Ministre de Malte, s’est dit fier de représenter son paysune nation insulaire mais loin d’être isolée, qui assume consciemment un rôle unique, celui de construire des ponts et renforcer la compréhension entre les différentes traditions.  Preuve en est, s’est-il enorgueilli, l’accueil en début de ce mois de pourparlers entre les deux plus grandes puissances mondiales, les États-Unis et la Chine.  Membre non permanent du Conseil de sécurité, Malte continuera de travailler sans relâche avec ses partenaires en Europe et au-delà pour défendre la paix et l’état de droit, a-t-il promis.

Malheureusement, a déploré M. Abela, la nécessité de défendre ces valeurs a rarement été aussi urgente qu’aujourd’hui, alors que « nous sommes témoins de la violation du droit international » par la Fédération de Russie avec son attaque continue contre l’Ukraine.  La réponse de Malte à cette situation, comme à d’autres crises à travers le monde, est guidée par les valeurs de neutralité, a déclaré le Premier Ministre.  Cependant, a-t-il nuancé, « nous ne serons jamais neutres face à la douleur et à la souffrance causées par une invasion illégale ».  C’est dans cet esprit de paix, qu’il a appelé la Russie à retirer ses forces du territoire souverain de l’Ukraine et exhorté toutes les nations rassemblées ici à s’unir pour mettre fin à la guerre, dont les conséquences se répercutent dans le monde entier.  Il en a voulu pour preuve les 122 millions de personnes supplémentaires qui ont sombré dans la faim depuis 2019, avant d’exhorter Moscou à revenir à l’Initiative de la mer Noire.

Tout en étant neutre, Malte n’omet pas pour autant les problèmes auxquels sont confrontés ses voisins méditerranéens, a assuré M. Abela, qui s’est dit fier d’accueillir dans quelques jours le prochain sommet de UE-Med, qui regroupe neuf États membres de l’Union européenne situés sur la rive méditerranéenne, pour examiner le problème le « plus urgent » dans la région, la Libye.  À cet égard, il a jugé vital le rétablissement d’une Libye pacifique, stable et prospère, à travers un processus politique dirigé par les Libyens.  Il a souligné l’aide apportée par Malte à ce pays après le passage de la tempête Daniel. De même, il a évoqué la participation de son pays dans le cadre de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), autre illustration de l’importance que Malte attache au maintien et à la consolidation de la paix en Méditerranée. 

Revenant à la situation « inquiétante » dans le monde, de l’Ukraine au Mali, de la Libye au Niger, le Premier Ministre a appelé à ne pas céder au découragement, et à agir pour « faire la différence ».  Se voulant réaliste, car conscient qu’il n’y a pas de baguette magique, il a dit sa confiance dans le fait qu’agir ensemble fera la différence, notamment s’agissant de la menace des changements climatiques, dont les conséquences se font sentir partout dans le monde.  Il a salué « de tout cœur » l’initiative du Secrétaire général de l’ONU, visant à aider les États à accélérer leurs efforts au niveau mondial en la matière.  Il s’est aussi inquiété de l’élévation du niveau de la mer, une grave menace pour la sécurité, les moyens de subsistance et même l’existence de pays insulaires comme le sien. 

C’est pourquoi, a-t-il conclu, « nous avons fait du climat et des océans la priorité numéro un » de Malte durant son mandat au Conseil de sécurité des Nations Unies. 

M. MARK RUTTE, Premier Ministre et Ministre des affaires générales des Pays-Bas, a insisté sur le concept de responsabilité collective, un mot clef, selon lui, pour combattre les changements climatiques, lutter contre la faim et protéger la paix.  Il a mis en garde contre la myopie des gouvernements tentés de faire cavalier seul face à ces défis alors que chacun d’entre eux doit être considéré à l’échelle mondiale. Depuis trop longtemps, à l’ONU, certains intérêts pèsent plus lourd que d’autres, mais le monde a changé depuis 1945. Aujourd’hui, a noté M. Rutte, les 193 États Membres ont tous besoin les uns des autres puisque tous sont confrontés à une tâche commune: combattre les changements climatiques.  En la matière, les Pays-Bas jouent leur part en visant à bâtir une économie circulaire d’ici à 2050, en rendant leur secteur financier plus durable, ainsi qu’en luttant contre la déforestation et la perte de biodiversité.  Dans chacun de ces domaines, les partenariats sont essentiels, surtout avec les pays les plus durement touchés, a ajouté le Premier Ministre qui a fait savoir qu’il dialoguera aujourd’hui avec plusieurs PEID au sujet de l’expertise néerlandaise et de solutions innovantes pour s’adapter à la nouvelle donne climatique.  En outre, les Pays-Bas ont porté à 1,8 milliard d’euros d’ici à 2025 leur contribution annuelle au financement international de la lutte contre les changements climatiques, plus de la moitié de cette somme étant consacrée à l’adaptation. 

Les valeurs cardinales de l’ONU ont été bafouées le 17 juillet 2014, le jour où le vol MH17 a été abattu par la Fédération de Russie, a poursuivi le dirigeant néerlandais, qui a lié cet acte à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.  Face à cette agression, « c’est à nous, pays européens, de réagir.  De décrocher le téléphone.  De répondre à celui qui frappe à la porte.  Nous ne pouvons pas laisser un pays se débrouiller seul », a-t-il prévenu. À ceux qui hésitent et se demandent pourquoi s’impliquer, M. Rutte a répondu que cette guerre concerne tout le monde, soulignant que le comportement de la Russie va à l’encontre de « tout ce que nous défendons au sein des Nations Unies ».  Il a rappelé que la Charte, très claire à ce sujet, a été conçue pour des moments comme celui-ci, tout comme l’Assemblée générale est le lieu idoine pour demander des comptes.  Il a appelé à dénoncer la violation de la Charte par M. Putin et à exiger que la Russie rende « les enfants volés à l’Ukraine ».  Il a affirmé que la Russie est seule responsable de la guerre: il ne peut donc y avoir de solution partagée, mi-chèvre mi-chou, à ce conflit.  Un cessez-le-feu immédiat signifierait la victoire de la Russie, a analysé M. Rutte, pour qui M. Putin compte capitaliser sur l’essoufflement du soutien à l’Ukraine et l’enlisement du conflit.  Face à ce danger, le Premier Ministre néerlandais a appelé ses homologues à tirer les leçons du passé, décrocher leur téléphone et assumer leurs responsabilités. 

M. ANWAAR-UL-HAQ KAKAR, Premier Ministre du Pakistan, a rappelé que les conflits font rage en Ukraine et dans 50 autres endroits dans le monde, tandis que les tensions entre les puissances globales ne font que s’accroître.  « Le monde ne peut pas se permettre une guerre froide 2.0 », a-t-il dit, notant qu’il existe des défis bien plus considérables que l’humanité doit relever et qui exigent une action collective.  Il a souligné la nécessité que les engagements pris envers les pays développés lors de la COP28 soient honorés, notamment la fourniture de 100 milliards de dollars annuels de financement climatique et l’accélération des mesures de limitation des émissions.  Il a précisé que son pays est l’un des plus touchés par les conséquences des changements climatiques, en rappelant les graves inondations qui ont submergé un tiers de son territoire l’été dernier.  Il a espéré que les partenaires de développement du Pakistan contribueront au financement de son plan de résilience estimé à 13 milliards de dollars. 

Le Pakistan souhaite des relations pacifiques avec tous ses voisins, y compris l’Inde, a poursuivi le Premier Ministre, en rappelant que la situation au Jammu-et-Cachemire est l’un des plus anciens points à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Il a accusé l’Inde de ne pas s’être conformée aux résolutions de cet organe.  Depuis août 2019, l’Inde a déployé 900 000 hommes dans le territoire illicitement occupé du Jammu-et-Cachemire afin d’y imposer « la solution finale », a-t-il affirmé.  À cette fin, l’Inde a imposé des couvre-feux, emprisonné tous les véritables leaders de la région, recouru à des exécutions extrajudiciaires de personnes innocentes et détruit des villages entiers.  « Les puissances globales devraient convaincre New Dehli d’accepter l’offre du Pakistan de retenue mutuelle s’agissant des armes stratégiques et conventionnelles. » 

Le Premier Ministre a ensuite dit partager la préoccupation de la communauté internationale s’agissant des droits des femmes et des filles en Afghanistan, avant de plaider en faveur d’une assistance humanitaire continue pour ce pays.  Il a condamné les attaques terroristes transfrontalières lancées depuis l’Afghanistan contre son pays, notamment de Tehrik-eTaliban Pakistan (TTP) et de Daech, et a fait savoir que le Pakistan est en train de prendre les mesures nécessaires pour éliminer ce terrorisme externe.

De même, M. Kakar a appelé à remédier à la menace posée par les groupes d’extrême droite et fascistes, tels que les extrémistes inspirés par l’hindutva qui menacent les musulmans et les chrétiens d’Inde de génocide.  Enfin, il a exhorté à lutter contre l’islamophobie qui a pris, depuis les attaques du 11 septembre, des « proportions épidémiques », comme l’attestent les récents autodafés du Coran.  Le Premier Ministre a salué les projets législatifs du Danemark et de la Suède visant à interdire de brûler le Coran et autres provocations, avant de proposer la création d’un poste d’envoyé spécial chargé de lutter contre l’islamophobie.

Mme MIA AMOR MOTTLEY, Première Ministre, Ministre de la sécurité nationale et de la fonction publique, et Ministre des finances, des affaires économiques et des investissements de la Barbade, s’est inquiétée que malgré tous les efforts déployés, il soit trop tard pour sauver la population des effets de la crise climatique, des conflits ou de la malnutrition.  Il est désormais probable que davantage de personnes mourront de la faim en 2030 qu’en 2015, s’est-elle alarmée, en se demandant encore s’il sera aussi trop tard pour réaliser les ODD, cette « promesse de dignité ». Aujourd’hui, la question est de savoir si nous saurons faire preuve de la détermination nécessaire pour changer les choses et sauver nos démocraties, a-t-elle dit.  Elle a également appelé à établir un cadre réglementaire pour faire face à la menace de la désinformation et de l’intelligence artificielle. 

Pendant ce temps, les changements climatiques « nous étouffent », parfois littéralement, a poursuivi la Première Ministre, évoquant les inondations récentes en Libye. Pour y faire face, elle a jugé crucial que les entreprises pétrolières et gazières s’impliquent de façon crédible, notant qu’il est impossible de préserver les biens publics mondiaux uniquement avec l’argent public tandis que les marchés capitalistes poursuivent leur domination et leur accumulation de la richesse.  « Ces entreprises doivent assumer leurs responsabilités, et il nous incombe d’y veiller », a martelé Mme Mottley.  Exhortant à cesser de donner la priorité aux intérêts d’une poignée de personnes au détriment de tant d’autres , elle a rappelé le sort des 735 millions de personnes qui ont souffert de la faim l’an dernier, de ceux qui ont perdu leur famille dans les nombreuses crises des dernières années, ou encore « des petits États qui, peut-être, n’existeront plus à l’avenir ». 

La Première Ministre s’est ensuite félicitée de la création, par le Fonds monétaire international (FMI), du Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité qui a permis de réduire l’instabilité macroéconomique en allouant des fonds pour les pays à revenus intermédiaires et vulnérables.  De son côté, la Banque mondiale a reconnu la pertinence d’un moratoire sur les dettes.  Mais il reste beaucoup à faire, a-t-elle ajouté, quelque 60 pays demeurant confrontés à des défis énormes liés à la dette, au point de devoir choisir entre le développement et le renforcement de la résilience climatique.  Selon elle, ces problèmes sont exacerbés par l’échec du monde développé à accepter que la justice et la réparation sont des « obligations solennelles ».  De fait, Mme Mottley a indiqué qu’elle comptait aborder la question de la justice réparatrice avec l’Union européenne l’an dernier mais qu’elle n’avait pas pu le faire en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie.  « Il semblerait que certains ne soient pas prêts à faire la paix ailleurs », a-t-elle lancé. 

Appelant par ailleurs à trouver une solution pour Haïti, la Première Ministre a invité les acteurs politiques haïtiens à parvenir à un compromis afin de mettre sur pied un gouvernement d’unité nationale légitime, « pour que les viols et les meurtres cessent ».  En retour, la communauté internationale doit assurer le soutien institutionnel dont la population haïtienne a besoin.  Elle a ensuite dénoncé le fait que la population des pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) n’ait pas accès au pétrole vénézuélien à un prix favorable. 

M. SRETTHA THAVISIN, Premier Ministre de la Thaïlande, a expliqué que dans un contexte de paix fragile et de « déclin du développement humain », son pays était favorable au multilatéralisme et au renforcement du rôle de l’ONU.  Il a dit soutenir les efforts du Secrétaire général dans le cadre du Nouvel Agenda pour la paix et souligné que paix et développement durable sont liés au respect des droits humains, de la dignité humaine et des libertés.  C’est la raison pour laquelle le Gouvernement thaïlandais veut faire progresser l’égalité et la justice, a-t-il expliqué, notamment pour les plus vulnérables, un engagement reflété par la candidature de la Thaïlande pour l’ASEAN au Conseil de droits de l’homme pour le mandat 2025-2027. 

Le Chef du Gouvernement a annoncé que son pays allait investir davantage pour améliorer sa couverture maladie universelle créée en 2002 et garantir à tous les Thaïlandais le droit aux services de santé préventifs et curatifs.  Cet accès aux soins de santé garanti par le Gouvernement est l’une des leçons de la récente pandémie mondiale, a souligné M. Thavisin, en insistant sur le fait que la lutte contre les maladies contagieuses est une responsabilité partagée au niveau global qui exige une réforme et un renforcement de l’architecture de la santé mondiale.  Il a appelé de ses vœux un traité sur la pandémie qui permette de disposer d’infrastructures de santé publique mondiales « plus résilientes, réactives et prêtes pour l’avenir ». 

Appelant à l’accélération de la mise en œuvre du Programme 2030, il a rappelé que les gouvernements doivent « d’abord prendre soin de leurs populations » et lancé un appel en faveur d’une croissance plus équilibrée, humaine et durable, qui est au cœur de ce qu’il a appelé la « philosophie de l’économie de suffisance », une approche pilotée au niveau local que la Thaïlande pratique de longue date.  Il a aussi vanté le modèle thaïlandais d’agronomie durable, qui réinvente la manière dont les terres sont cultivées et dont l’approvisionnement en eau est géré.  Il a indiqué que son pays souhaitait former des partenariats régionaux et mondiaux pour le développement durable et la résilience par le biais de la coopération Sud-Sud, notamment entre pays de l’ASEAN. 

Le Premier Ministre a décrit la Thaïlande comme un grand exportateur de produits alimentaires et agricoles.  Le pays étant en première ligne des effets des changements climatiques, il a assuré qu’il fait le nécessaire pour garantir la sécurité alimentaire.  La Thaïlande, a-t-il indiqué, a mis en œuvre un mécanisme de finance verte, qui prévoit notamment l’émission d’obligations liées au développement durable pour stimuler la croissance et les investissements dans des projets environnementaux et sociaux.  Le pays ambitionne de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2040, et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.  Il a conclu son intervention en disant son espoir que le Sommet de l’avenir démontre la validité de « l’esprit du multilatéralisme, avec l’ONU à la barre ».

M. XAVIER ESPOT ZAMORA, Chef du Gouvernement de l’Andorre, a commencé son discours en citant le Secrétaire général de l’ONU qui a récemment affirmé: « L’ère du réchauffement global est terminée, c’est le moment de l’ébullition globale.  Le changement climatique est là.  Il est accablant.  Et ce n’est qu’un début. »  Constatant que les températures extrêmes qui avaient provoqué plus de 61 000 morts en Europe en 2022, la vague d’incendies sur le continent nord-américain et la côte méditerranéenne ou le phénomène el Niño sont désormais habituels, il a fait remarquer qu’ils poussent des populations à fuir leur pays et à devenir des réfugiés climatiques.  Il a prôné, pour respecter l’Accord de Paris, de grandes transformations et des mutations sociales et économiques. 

Le Chef du Gouvernement a invité, plus que jamais, à se souvenir des valeurs originelles de l’ONU, qui est née sur les ruines de la guerre la plus dévastatrice de l’histoire. Regrettant qu’une guerre d’usure soit aujourd’hui en cours sur le sol européen, il a condamné énergiquement la violation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine.  Il a rappelé que si le Yémen, le Pakistan, l’Éthiopie, le Sahel et d’autres territoires ne faisaient plus la une des médias, les populations de ces pays souffraient toujours de conflits plus ou moins actifs.  L’Andorre contribue au soutien des plus vulnérables, notamment des femmes et des enfants, à travers des programmes du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Comité internationale de la Croix-Rouge, a‑t‑il fait valoir. 

M. Zamora a rappelé que le 28 juillet dernier, l’Andorre avait fêté le trentième anniversaire de son adhésion en tant que cent quatre-vingt-quatrième État Membre de l’ONU et que son pays avait bénéficié de plus de 750 années de paix continue.  L’Andorre, a‑t‑il indiqué, a adopté un plan stratégique national pour la mise en œuvre du Programme 2030, en mettant l’accent sur l’ODD 4 pour garantir une éducation de qualité, inclusive, équitable et multilingue. 

Le Chef du Gouvernement a rappelé l’importance de la biodiversité et du cycle de l’eau pour son pays, plaidant pour que la vulnérabilité particulière des régions de haute montagne jouisse d’une attention spécifique dans les forums internationaux de lutte contre les changements climatiques.  Il a rappelé que l’Andorre était membre de la Coalition pour la neutralité carbone et avait été pionnière dans la mise en place d’une taxe verte moyennant l’établissement d’un prix du carbone à 30 euros la tonne, ce qui ne l’avait pas empêché de mettre en place la gratuité des transports publics.  Son pays, a‑t‑il ajouté, a adopté une loi sur l’économie circulaire qui fixe l’année 2035 comme horizon pour atteindre un modèle de production dans lequel la plupart des déchets seront réintroduits dans la chaîne de production. 

M. PHILIP JOSEPH PIERRE, Premier Ministre de Sainte-Lucie, a commencé par ironiser sur ce « défilé annuel de discours fleuris » et de démonstration publique de « fraternité feinte » qui ne tient pas ses promesses. 

« Bon nombre d’entre nous, dirigeants des petites îles marginalisées de notre planète, entourées par la montée des eaux et brûlées par la hausse des températures, commençons à remettre en question ces démonstrations de fraternité feinte qui ne tiennent pas leurs promesses », a-t-il confié, s’emportant contre l’inanité de la communauté internationale lorsqu’il s’agit de prendre des mesures collectives sur les questions critiques affectant les pauvres et les impuissants.  De fait, s’est-il demandé, comment rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale en faveur, notamment, du Programme 2030, objectif de cette session, lorsque « la confiance et l’espoir sont justement la monnaie dévaluée du dialogue mondial ». 

Le constat est sans appel pour M. Pierre, d’autant qu’il ne reste que sept ans avant l’année cible de 2030 et que les ODD sont en péril.  Pour lui, il est difficile de maintenir la foi et la croyance dans les principes de l’engagement mondial, quand toute son expérience postindépendance a été marquée par des attentes déçues et une « frustration institutionnelle ». 

D’autant plus que, dans les années 90, il a été le témoin impuissant de pays puissants utilisant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour démanteler les accords de commercialisation des bananes de Sainte-Lucie en Europe.  Des actions qui avaient plongé des centaines d’agriculteurs saint-luciens dans la pauvreté, tandis que ces pays déjà riches accordaient d’énormes subventions à leurs propres agriculteurs, a-t-il accusé.  Pire, s’est-il emporté, lorsque certains des pays des Caraïbes ont développé avec succès les industries de services financiers, ils ont été mis sur une liste noire et une liste grise, comme « des lépreux et des parias ». 

Cependant, la guerre Russie-Ukraine a selon lui permis de révéler de façon claire quelles capitales métropolitaines sont les véritables paradis fiscaux et lesquelles sont les véritables canalisateurs de l’argent illicite.  M. Pierre a également dénoncé les programmes dits de « passeport doré » (Golden Passport) émis par certains pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui restent incontestés et intacts, tandis que les programmes de citoyenneté par investissement, mis en œuvre dans sa région avec succès depuis des décennies, sont sapés. 

Sainte-Lucie est venue à cette soixante-dix-huitième session pour plaider en faveur de la justice dans les relations entre pays développés et pays en développement, a expliqué le Premier Ministre.  Il a mis en garde que son pays n’est plus disposé à venir à ce défilé annuel simplement pour « prêter notre voix en faveur de tel ou tel conflit mondial », ou condamner celui qui, d’année en année, est le « nouvel ennemi mondial ».  Il a aussi demandé justice pour les crimes contre l’humanité qui ont « arraché ses ancêtres » pour les réduire en esclavage sur les terres de l’hémisphère occidental, estimant urgent de proclamer une deuxième décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.  Le moment est venu pour que la question des réparations pour la traite transatlantique des esclaves devienne un élément central de l’agenda mondial et du travail de l’ONU, a-t-il lancé. 

M. SITIVENI LIGAMAMADA RABUKA, Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères, des changements climatiques, de l’environnement, du service public, de l’information et des entreprises publiques des Fidji, s’est inquiété des crises environnementales imprévisibles qui menacent l’humanité tout entière, de même que de la montée des tensions géopolitiques, y compris au cœur de la région des Fidji.  Il a appelé à partager la richesse commune pour qu’aucun État Membre ne soit laissé pour compte.  Or, l’élévation du niveau de la mer menace jusqu’à l’existence même des Fidji en tant qu’État, s’est-il alarmé.  Et pour ne rien arranger, les taux d’endettement des PEID s’envolent, avec des conséquencesdélétères sur la réalisation des ODD et des inégalités croissantes.  En outre, la pandémie a alourdi les charges pesant sur tous les secteurs de l’économie fidjienne - dont le tourisme, son épine dorsale.  M. Rabuka a appelé à une approche intégrée, un multilatéralisme efficace et à un engagement ciblé pour la paix et la sécurité.  Le Pacifique bleu, plus grand océan du monde et puits de carbone important, doit demeurer une zone de paix, a-t-il insisté. 

Le Premier Ministre a également appelé au respect des droits des peuples autochtones car selon lui, réduire les émissions ne suffit pas: il faut aussi venir en aide aux communautés vulnérables.  Il a dit attendre beaucoup de la prochaine COP28, et notamment de l’adoption définitive des modalités relevant des fonds pour les pertes et les préjudices.  Il a également appelé les pays développés à honorer leurs engagements en matière de financement climatique, à hauteur de 100 milliards de dollars par an.  De même, il a exhorté à faire de la réforme de l’architecture financière mondiale une réalité afin de financer la transition et l’adaptation climatique des nations les plus vulnérables. 

Les Fidji, pour leur part, développent une stratégie d’adaptation à la mobilité climatique, et ont déjà réinstallé six tribus côtières fidjiennes dont l’existence est menacée.  Les Fidji, a-t-il ajouté, sont aussi signataires de l’Accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine, et entendent le ratifier le plus tôt possible; tout comme l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatif aux subventions du secteur de la pêche, accord déjà entériné par le parlement fidjien la semaine dernière.  Enfin, M. Rabuka a fait savoir que les Fidji négocient pied à pied un nouveau traité pour combattre la pollution plastique et a exhorté les parties prenantes à travailler d’arrache-pied sur le texte « avant qu’il ne soit trop tard ». 

M. XAVIER BETTEL, Premier Ministre du Luxembourg, a invité les États Membres à faire montre d’unité pour répondre aux menaces globales, de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine au dérèglement climatique, de la pauvreté aux pandémies.  Être uni signifie pouvoir compter l’un sur l’autre, a-t-il expliqué, soulignant que son pays s’engage dans tous les domaines pour appuyer les buts et principes des Nations Unies.  Cet engagement prend la forme d’un appui aux objectifs de développement durable (ODD), a indiqué le dirigeant, pour qui, malgré les défis, « il ne saurait être question de baisser les bras ».  Le Luxembourg, a-t-il rappelé, consacre depuis plusieurs années 1% de son revenu national brut à l’aide publique au développement et concentre son appui sur les pays les moins avancés et les secteurs sociaux de base. 

Le Luxembourg contribue aussi aux efforts visant à mobiliser les ressources dont les pays en développement ont besoin pour sortir de l’endettement et assurer le financement des ODD, s’est enorgueilli le Premier Ministre, avant de plaider pour une action climatique à la hauteur des défis.  À cet égard, le Premier Ministre a appelé la communauté internationale à tenir l’objectif fixé par l’Accord de Paris de limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.  Il s’est engagé à soutenir, lors de la prochaine COP28, le nouveau fonds pour les pertes et les préjudices afin d’aider les pays en développement particulièrement vulnérables aux changements climatiques. M. Bettel a d’autre part annoncé que son gouvernement augmentera la contribution du Luxembourg au Fonds vert pour le climat de 25% pour la période 2024-2027. 

Les droits humains sont au cœur des politiques du Luxembourg, qu’il s’agisse de son appui au développement durable ou de son action climatique, a affirmé M. Bettel. En cette année marquant le soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a rappelé que son pays a porté une initiative humanitaire qui a abouti à la décision de l’Assemblée générale de créer, sous les auspices de l’ONU, une institution indépendante chargée de la question des personnes disparues en République arabe syrienne.  Cette institution, a-t-il détaillé, vise à garantir le droit des familles de connaître le sort de leurs proches disparus et le lieu où ils se trouvent, et de recevoir un soutien adéquat.  Il a également souligné l’engagement de son pays à lutter contre l’antisémitisme et d’autres formes d’intolérance ainsi que pour la protection et la protection des droits des personnes LGBTI. 

Le Premier Ministre a ensuite présenté la contribution de son pays au maintien de la paix et de sécurité internationales.  Il a rappelé que le Luxembourg a appuyé la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) en lui fournissant des capacités en matière de communication satellitaire et du personnel spécialisé. Après avoir regretté la décision des autorités maliennes de demander le retrait de cette mission, il a réitéré sa condamnation de la tentative de coup d’État au Niger, exigeant un retour à l’ordre constitutionnel et démocratique dans ce pays, qui était jusqu’alors l’un des pays partenaires de la coopération luxembourgeoise.  Enfin, après avoir à nouveau condamné la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, il a exprimé le soutien du Luxembourg au travail engagé par les autorités judiciaires ukrainiennes et la Cour pénale internationale pour que les auteurs de crimes de guerre répondent de leurs actes. 

Mme SHEIKH HASINA, Première Ministre du Bangladesh, a indiqué que, depuis sa prise de fonctions en 2009, le Bangladesh est devenu un pays à revenu intermédiaire grâce à des politiques publiques pragmatiques et des investissements d’avenir.  Le taux de pauvreté qui était de 41,5% en 2006 s’élevait à 18,7% en 2022, le taux d’extrême pauvreté passant, lui, de 25,1% à 5,6%.  Elle a souligné qu’un financement adéquat est capital pour la réalisation des ODD.  Malheureusement, l’architecture financière internationale n’est pas cohérente avec un tel objectif, a‑t‑elle noté, en ajoutant que les besoins en financement des pays en développement ne sont pas satisfaits, en particulier par temps de crise.  Elle a souligné la nécessité pour ces pays de disposer de financements concessionnels à taux d’intérêt peu élevé, assortis d’une conditionnalité minimale. 

La Première Ministre a indiqué que le filet de protection sociale dans son pays avait été élargi au bénéfice des femmes pauvres, des veuves, des personnes âgées et autres personnes marginalisées.  Cette année, 12 milliards de dollars ont été alloués à cette fin.  Elle a assuré que l’élimination des discriminations à l’encontre des femmes est de la plus haute importance pour son pays, et que près de 30% du budget est alloué à la promotion de l’autonomisation économique et sociale des femmes.  Nous souhaitons parvenir à une participation des femmes à hauteur de 50% dans tous les secteurs de la société d’ici à 2030, a‑t‑elle ajouté. 

Elle a ensuite rappelé la grande vulnérabilité du Bangladesh aux changements climatiques alors qu’il n’est responsable que de 0,47% des émissions globales.  Elle a demandé des actions audacieuses, urgentes et ambitieuses pour remédier au défi climatique, avant de passer en revue les efforts de son pays dans ce domaine.  Nous avons ainsi établi un fonds d’affectation pour financer les mesures d’adaptation et qui a été doté jusqu’à présent de 480 millions de dollars, a‑t‑elle fait savoir. 

Mme Hasina s’est par ailleurs dit vivement préoccupée par la fin de l’Initiative de la mer Noire et appeléà son rétablissement.  Pour des pays comme le mien, un accès continu à des engrais est capital, a‑t‑elle signalé. Elle a souhaité que le Bangladesh puisse quitter en 2026 la catégorie des pays les moins avancés.  Les crises mondiales actuelles ne devraient pas nous faire dérailler de notre trajectoire, a‑t‑elle dit, en demandant un soutien international lors de cette période de transition. 

Enfin, la Première Ministre a abordé la situation des réfugiés rohingya au Bangladesh, en indiquant que la situation est devenue insupportable.  Leur présence prolongée a de graves conséquences, et les frustrations découlant de l’incertitude entourant leur retour pourraient alimenter l’extrémisme, a‑t‑elle mis en garde.

M. MOHAMMED SHIA’ AL SUDANI, Premier Ministre de l’Iraq, a déclaré que le succès de l’ONU dépend avant tout de la solidarité et l’entraide entre les peuples.  Il a indiqué que le Gouvernement qu’il dirige a engagé des réformes politiques, économiques et juridiques destinées à restaurer la confiance envers la classe politique et construire un Iraq solide et uni, répondant aux besoins et aspirations du peuple iraquien.  Des avancées considérables ont été réalisées en un temps record, s’est-il félicité, le climat économique étant à présent favorable à la conclusion d’accords régionaux et internationaux pour attirer des investissements étrangers massifs.  Le Premier Ministre a notamment évoqué le projet de la « Route du développement », l’un des plus modernes du Proche-Orient, qui vise à relier les secteurs commerciaux et économiques les plus importants au niveau régional. 

Il a reconnu la nécessité de mettre un terme au fléau de la corruption dans son pays par le biais notamment de poursuites judiciaires.  Or, nos partenaires doivent nous aider à engager les poursuites visant les personnes corrompues, lesquelles sont souvent liées aux réseaux terroristes et doivent restituer aux Iraquiens ce qu’elles leur ont volé, a-t-il dit.  Pour lui, la stabilité de l’Iraq permettra au pays de faire pleinement partie du concert des nations et peser dans les processus de décisions qui engagent le devenir du monde.  Notre souhait premier est d’établir des relations de bon voisinage avec les pays de la région, tout en rejetant les ingérences dans les affaires intérieures de l’Iraq, et ce, quelles que soient les raisons invoquées, y compris sécuritaires, a également souligné le Chef du Gouvernement.  Il a en outre jugé essentiel que soient levés tous les obstacles qui, dans son pays, empêchent la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises.  C’est en retrouvant cette liberté que nous pourrons, grâce à l’intégration économique et politique, endiguer les risques de conflit, a-t-il dit, avant d’annoncer la tenue, d’ici à la fin de l’année, d’une conférence à Bagdad sur la stabilité et l’intégration économique régionale. 

Le Premier Ministre a par ailleurs assuré que son gouvernement a fait du retour des réfugiés vers les zones libérées une priorité absolue.  C’est en ce sens que nous nous efforçons d’inscrire dans la loi les droits humains et que nous dotons nos forces de sécurité de moyens pour protéger les citoyens dans toutes les collectivités et provinces iraquiennes, a-t-il expliqué.  S’agissant des changements climatiques, il a indiqué que les autorités spécialisées du pays mènent une lutte acharnée contre les effets délétères de la sécheresse « pour que nous ne mourrions pas de soif » et afin de sauver les écosystèmes.  Il a également indiqué que l’Iraq organise la création d’un bloc de pays de la région pour assurer une gestion commune de l’utilisation des ressources en eaux transfrontalières et pour préserver l’environnement.  Il a cité la Stratégie nationale 2023-2030 pour combattre la pollution et l’accent mis par les autorités iraquiennes pour démanteler, à l’horizon 2025, les réseaux qui opèrent à la croisée du trafic de drogues et du terrorisme.  Investir dans la jeunesse est vital pour aider l’Iraq à s’épanouir dans des emplois verts et du secteur numérique mais aussi dans le domaine sportif, où nos athlètes femmes excellent déjà, a-t-il aussi souligné.  Il a conclu son intervention en appelant à lutter, par le dialogue et dans le cadre du droit, contre l’islamophobie et l’extrémisme, et souhaité le rétablissement de la souveraineté de la Syrie sur l’ensemble de son territoire, ainsi que la constitution d’un État de Palestine viable. 

M. GASTON ALPHONSO BROWNE, Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda, a exhorté les pays les moins fortunés, qui subissent de façon disproportionnée les conséquences des nombreuses crises internationales, à s’unir.  Il a mentionné à cet égard la création conjointe, par les Tuvalu et son propre pays, de la Commission des petits États insulaires sur les changements climatiques et le droit international, constituée après avoir requis, il y a deux ans en marge de la COP26 à Glasgow, l’avis du Tribunal international du droit de la mer (TIDM).  Il a souligné l’importance des océans pour les petits États insulaires en développement (PEID), non seulement pour leur subsistance et comme élément clef de leur patrimoine et de leur identité, mais aussi comme puits de carbone vital, dans un contexte de températures record.  Le Premier Ministre a également prôné l’adoption par les institutions financières internationales de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle concernant les PEID, un outil essentiel pour accéder aux financements. Il a annoncé que cet enjeu serait défendu lors de la prochaine réunion conjointe du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. 

En vue de la conférence internationale sur les PEID de 2024, où seront évoqués les changements climatiques et les répercussions économiques d’événements mondiaux tels que l’incursion russe en Ukraine, M. Browne a appeléà une stratégie audacieuse pour faire face à ces défis interconnectés.  Abordant la question du climat, il a mis en lumière les liens entre la justice réparatrice et la justice climatique.  Les pays qui ont payé le plus lourd tribut humain supportent aujourd’hui le fardeau climatique le plus lourd, a-t-il observé.  Évoquant le prochain sommet de la COP28 à Dubaï, le Premier Ministre a averti que l’Accord de Paris était en train de s’effriter, et a exigé que le fonds pour les pertes et les préjudices, longtemps différé, soit rendu opérationnel et suffisamment financé.  Si la COP28 échoue dans cette mission cruciale, elle risque de saper la confiance mondiale, a-t-il prévenu. 

Le Premier Ministre a ensuite mentionné plusieurs problématiques liées au voisinage d’Antigua-et-Barbuda.  Il a d’abord exhorté les États-Unis à réviser leurs embargos sur Cuba et le Venezuela, soulignant que les sanctions actuelles sont « cruelles » et ne font qu’exacerber les crises humanitaires.  Il a ensuite mentionné les difficultés auxquelles Haïti est confronté, ajoutant que les erreurs historiques de la France avaient laissé des séquelles sur le développement du pays.  Il a insisté sur la nécessité d’une intervention urgente et coordonnée pour rétablir la gouvernance et l’état de droit en Haïti. S’agissant de la sécurité dans les Caraïbes, M. Browne a pointé du doigt l’impact dévastateur des armes à feu illégales, qui posent des défis considérables aux forces de l’ordre et dont la majorité, a-t-il noté, proviennent des États-Unis.  Plus alarmant encore, il a évoqué les risques liés aux « armes autonomes », couplées à des intelligences artificielles, et a appeléà l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant pour les interdire.  Pour finir, le Ministre a regretté le « manque d’action transformative » malgré des discours abondants sur la justice financière et climatique, exhortant les nations puissantes à jouer leur rôle pour façonner un monde plus juste et inclusif. 

M. RAYMOND NDONG SIMA, Premier Ministre du Gabon, est longuement revenu sur les événements récents survenus dans son pays, ajoutant que tout observateur attentif, honnête et de bonne foi de la vie politique gabonaise de ces dernières années avait pleinement conscience de la dégradation de la situation.  Il a assuré que, pour éviter « une nouvelle forfaiture électorale », les forces de défense et de sécurité gabonaises avaient décidé d’interrompre un processus frauduleux et dangereux pour la cohésion nationale. 

Le Premier Ministre a ajouté que les forces armées avaient opté pour cette voie afin de conjurer le risque d’un incendie dont l’embrasement aurait ébranlé les fondements même de la société gabonaise et n’aurait pas épargné les nombreuses populations étrangères vivant au Gabon.  En conséquence, a‑t‑il encore dit, cette intervention militaire « sans effusion de sang et sans aucun dégât matériel constaté, a été un moindre mal », la population l’ayant approuvée dans sa très large majorité.  « Condamner un tel processus c’est soutenir qu’il aurait mieux valu laisser les affrontements se faire et venir constater ultérieurement le nombre de victimes », a‑t‑il plaidé. 

Le Premier Ministre a déclaré que son gouvernement de transition s’était engagé sans délai dans une démarche inclusive pour préparer les réformes et revenir à un jeu institutionnel ordinaire qui permette la dévolution du pouvoir par les élections. Il a annoncé la tenue, la semaine prochaine, d’une conférence de presse au cours de laquelle il indiquera le calendrier des consultations de l’ensemble de la classe politique ainsi que de la société civile, précisant qu’il mettrait à profit cette occasion pour « décliner le chronogramme des différentes étapes qui nous conduiront à de nouvelles élections ».  Il en a profité pour lancer un appel solennel à l’ensemble des partenaires bilatéraux, régionaux et multilatéraux du Gabon pour accompagner et soutenir l’élan populaire de salut national en vue de renforcer les fondements de l’état de droit et de la démocratie pour une prospérité partagée. 

Le Premier Ministre a ensuite estimé que le système de sécurité collective et indivisible prôné par la Charte des Nations Unies apparaît comme une fiction dans de nombreuses régions du monde en proie aux soubresauts de la guerre, notamment en Afrique, où la région du Sahel, la Corne de l’Afrique, la région des Grands Lacs sont devenues de véritables épicentres de l’instabilité.  Dans la plupart de ces régions, la prédation des ressources naturelles constitue une source importante de conflictualité au point qu’elles deviennent une véritable malédiction pour les pays qui les possèdent. La situation exige donc, de chacun des membres de la communauté, une réappropriation des objectifs de la Charte « et une réconciliation avec les aspirations des peuples du monde ». Il a plaidé pour une véritable transformation structurelle de l’architecture de paix et de sécurité de l’Organisation, ainsi que pour l’adaptation des mécanismes de promotion de la paix et de la sécurité dans un contexte global de crises et de conflits en constante mutation. Il a notamment préconisé le renforcement de la prévention et de la consolidation de la paix pour empêcher la résurgence de crises en période de transition ou que naissent de nouveaux conflits. 

En matière d’environnement, le Premier Ministre a fait savoir que son pays vient de bénéficier d’une restructuration de 3% de sa dette en échange d’un engagement à investir 163 millions de dollars dans la préservation de ses écosystèmes marins.  Il a invité les partenaires financiers internationaux à multiplier les initiatives de conversion de dette pour faire face aux défis du réchauffement climatique, de la perte de la biodiversité et du développement durable.  C’est par une approche multilatérale et la réinvention de nos réponses que nous pouvons efficacement relever les défis multiformes qui se posent à l’humanité, a‑t‑il ajouté. 

M. MANASSEH DAMUKANA SOGAVARE, Premier Ministre des Îles Salomon, s’est inquiété des difficultés mondiales à mettre en œuvre les ODD.  Pour tenter de sauver le Programme 2030, le pays a révisé sa Stratégie nationale de développement pour 2016-2035.  Les Îles Salomon ont ainsi priorisé la résilience de l’infrastructure, la connectivité numérique, le transfert de technologie, l’investissement, le commerce et la réforme du secteur énergétique, a-t-il expliqué.  Appelant à la mise en œuvre immédiate des six priorités du Programme d’action de Doha 2022-2031, il a également salué l’inclusion de son pays dans la phase pilote des systèmes d’alerte précoce, en vue de renforcer la résilience aux chocs. 

Le Premier Ministre a demandé davantage de volonté politique des pays riches pour soutenir les pays les moins avancés (PMA), tout en valorisant la coopération Sud-Sud.  Il a également salué les initiatives chinoises, telles que Une Ceinture et une Route, pour accélérer la mise en œuvre des ODD.  Il a par ailleurs prôné une réforme de l’architecture financière internationale, plaidant pour que les PEID occupent une place permanente dans les institutions financières internationales, et pour qu’y soit adopté l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle.  M. Sogavare a réitéré son appel à l’arrêt de tous les conflits, y compris la guerre en Ukraine.  « Les épées doivent maintenant être converties en charrues », a-t-il exhorté. Il a également appelé à un Conseil de sécurité plus démocratique et transparent.  Évoquant la menace des changements climatiques, il a souligné l’importance du fonds pour les pertes et dommages et a salué les délibérations de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur l’initiative de Vanuatu pour la justice climatique.  En matière de droits humains, il a annoncé la ratification par son pays de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. 

M. Sogavare a également appelé au respect du droit à l’autodétermination, en évoquant les cas de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, et s’est opposé à l’embargo imposé par les États-Unis à Cuba, qu’il a par ailleurs remerciée de son soutien médical.  Concernant les océans, le Premier Ministre s’est félicité de l’adhésion des Îles Salomon à l’Accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine et a annoncé qu’un sommet sur la mise en œuvre de l’ODD nº14.4 se tiendrait l’année prochaine à Honiara, avec notamment l’ambition de renforcer le leadership du Pacifique dans la gestion des pêcheries de thon.  Passant aux enjeux nucléaires, M. Sogavare a condamné l’historique des essais nucléaires dans le Pacifique, et a souligné que la région n’a jamais eu son mot à dire, exigeant une indemnisation.  Il a mis en avant l’engagement ferme des Îles Salomon envers un Pacifique sans armes nucléaires et a critiqué la décision du Japon de déverser des eaux usées de Fukushima dans l’océan. 

M. PHAM MINH CHINH, Premier Ministre du Viet Nam, a déclaré que la confiance, la sincérité et la solidarité sont les trois conditions pour que l’ONU et ses États Membres parviennent à surmonter les défis mondiaux, et à promouvoir la paix et la coopération aux niveaux national, régional et mondial.  Il a identifié plusieurs crises complexes nécessitant un tel effort collectif par lequel les pays doivent placer les intérêts communs au-dessus des intérêts particuliers.  Les tensions géopolitiques accrues, la fragmentation inquiétante du multilatéralisme et la crise des ressources sont autant de problèmes appelant des réponses de la part des dirigeants du monde entier, a‑t‑il dit.  Selon lui, les populations doivent être le moteur de la croissance économique comme de la mise en œuvre des solutions climatiques qu’ils auront contribué à définir.  Il a en outre plaidé pour le renforcement du rôle centrale de l’ONU par le biais d’un soutien concret et volontaire au plan de relance des ODD du Secrétaire général. 

Par ailleurs, il a exhorté les États-Unis, dans un souci d’unité, à lever l’embargo contre Cuba. Le développement durable devient réel quand il permet des retombées positives pour chaque individu en matière d’emploi, de sécurité sociale et de prévention des catastrophes et des épidémies, a‑t‑il souligné.  À cet égard, il a indiqué que son gouvernement investit de longue date dans une économie plus intelligente, circulaire, verte et numérique, ajoutant qu’il est nécessaire de réformer les institutions financières et monétaires internationales pour libérer les PMA du piège de la dette.  Ces pays, les plus vulnérables aux changements climatiques, doivent bénéficier d’une assistance financière, technologique et en matière de gouvernance digne de ce nom, a‑t‑il souligné.  Le Viet Nam, où le taux de pauvreté a été réduit à 2%, est désormais un partenaire fiable et un membre actif et responsable de la communauté internationale, a‑t‑il dit, notant que la sécurité alimentaire des 100 millions de personnes qui forment sa population est garantie depuis deux décennies.  Enfin, il a demandé que les différends en mer de Chine soient réglés par les seules voies légales du droit international et du droit international maritime.

M. NTSOKOANE SAMUEL MATEKANE, Premier Ministre du Lesotho, a estimé que les avancées obtenues par l’ONU en 78 ans d’existence sont trop flagrantes pour être niées.  Qu’il s’agisse de prévenir la troisième guerre mondiale, de renforcer les fondements de la sécurité mondiale ou de faire progresser le développement économique, l’Organisation a laissé une marque indélébile dans l’histoire, a-t-il observé, estimant toutefois que, face aux défis actuels, le système multilatéral n’est plus adapté à ses objectifs.  « Il nous appartient de faire de cette décennie un tournant », a déclaré le dirigeant, avant de saluer le thème retenu pour le débat: « reconstruire la confiance et raviver la solidarité mondiale ».  Selon lui, le défi que représentent des perspectives économiques inégales et incertaines est au cœur des problèmes mondiaux, alors que les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) se sont inversés en termes de pauvreté, d’emploi, de santé et d’éducation.  Dans ce contexte, a relevé M. Matekane, les petites économies en développement sans littoral, comme le Lesotho, sont les plus durement touchées, car elles ne sont pas encore pleinement intégrées aux marchés mondiaux.  Il a donc appelé à uniformiser les règles du jeu en ce qui concerne l’architecture financière mondiale et à parler d’une seule voix pour exiger la démocratisation et la réforme des institutions de Bretton Woods. 

Le Premier Ministre a ensuite joint sa voix à l’appel lancé aux pays du G20 pour qu’ils fournissent des mesures de relance des ODD à hauteur d’au moins 500 milliards de dollars par an.  Les engagements internationaux pris doivent être respectés, a-t-il souligné, applaudissant en outre la récente décision du G20 d’accréditer l’Union africaine en tant que membre officiel.  En dépit des défis auxquels il fait face en tant que PMA, le Lesotho n’entend pas rester les bras croisés dans le processus de réalisation des ODD.  M. Matekane a ainsi fait état de l’organisation en mars dernier d’un événement de haut niveau sur la nutrition et la sécurité alimentaire, dont l’objectif était de mobiliser des engagements et des investissements dans la lutte contre la faim et la malnutrition sur le continent. Il a aussi rappelé qu’il y a deux mois, il a lancé le Plan-cadre de coopération des Nations Unies pour le développement durable, qui vise à encadrer la mise en œuvre du Programme 2030. 

Évoquant les effets dévastateurs des changements climatiques, « l’un des formidables défis de notre époque », le Premier Ministre s’est réjoui qu’il existe une « lueur d’espoir » pour son pays.  En effet, a-t-il expliqué, le Lesotho dispose d’eau, de soleil et de vent en abondance, ce qui offre des opportunités d’innovation et de partenariats dans la production d’énergies renouvelables et la création d’emplois.  Il a d’autre part annoncé que son pays accueillera en octobre une conférence internationale sur l’eau et l’hydrogène.  Notre objectif est de produire de l’énergie propre pour un usage domestique et pour l’exportation vers les pays voisins, a expliqué le Chef du Gouvernement, non sans exhorter les pays développés à respecter leur engagement de verser 100 milliards de dollars par an aux pays en développement pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris.  Enfin, après avoir décrit la consolidation de la paix comme une condition préalable au développement, il a appelé à la mise en œuvre du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects et à l’élimination totale des armes nucléaires et autres armes de destruction massive.

M. SAMDECH MOHA BORVOR THIPADEI HUN MANET, Premier Ministre du Cambodge, a estimé qu’il est temps de restaurer une sécurité stratégique entre les nations et de rétablir la confiance dans un ordre international régi par des règles.  Nous devons avant toute chose donner la priorité aux besoins de développement et faire en sorte que les conflits actuels ne s’aggravent pas, a-t-il dit.  Il a ensuite détaillé les progrès notables accomplis en vue du développement du Cambodge. Le taux de pauvreté a ainsi diminué ces deux dernières décennies pour atteindre un taux annuel de 1,6%.  Il a précisé que le taux de croissance de l’économie devrait être de 5,6% cette année.  Le Cambodge devrait sortir d’ici à 2027 de la catégorie des pays les moins avancés, grâce à des politiques publiques saines, à sa stabilité politique et à une distribution équitable des fruits de la croissance, a-t-il dit. 

Le Premier Ministre a ensuite indiqué que son pays continuera de mener une politique étrangère neutre et indépendante.  Le Cambodge n’autorisera aucune base militaire étrangère sur son territoire, comme l’énonce clairement sa constitution, et ne permettra à aucun pays ou groupe d’user de son territoire contre un autre pays, a-t-il souligné.  Il a ensuite demandé la fourniture d’un appui financier et technique pour déminer entièrement le Cambodge d’ici à 2025, en insistant sur la dangerosité de ces « assassins cachés ».  En tant que pays contributeur de troupes, le Cambodge a par ailleurs décidé de postuler pour devenir membre du Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix pour les années 2025-2026.  Enfin, le Premier Ministre a pleinement appuyé la Déclaration politique adoptée lors du Sommet sur les ODD en vue de leur réalisation d’ici à 2030.

M. IRAKLI GARIBASHVILI, Premier Ministre de la Géorgie, a rappelé que son pays avait connu une agression militaire à grande échelle en 2008 et qu’il continue à en subir les conséquences, puisque 20% du territoire géorgien est encore occupé par la Fédération de Russie et que des centaines de milliers de personnes ont été déplacées de leurs foyers suite à ce conflit.  Il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle persuade la Fédération de Russie de participer aux discussions internationales de Genève et de mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu de 2008 négocié par l’Union européenne (UE). 

Malgré cette situation, le Premier Ministre s’est félicité du rythme positif de la croissance dans son pays, de l’augmentation de son PIB et de taux de chômage et de pauvreté à des niveaux historiquement bas.  Il a expliqué que son pays avait élaboré et approuvé l’an dernier un programme de réformes intitulé « Vision 2030 – Stratégie de développement de la Géorgie » qui couvre des domaines aussi variés que l’économie, le social, la bonne gouvernance, la justice et la protection des droits humains.  Il a par ailleurs insisté sur les investissements importants consentis par son pays dans le système éducatif, les soins de santé et la protection sociale. 

Pour M. Garibashvili, tous ces efforts démontrent la volonté de la Géorgie de rejoindre la famille européenne à laquelle elle appartient.  Cette priorité géopolitique du pays lui fait, selon lui, mériter son statut de candidat à l’UE, comme le démontrent la signature de l’Accord d’association, mais aussi l’Accord de libre-échange complet et approfondi et le régime d’exemption de visa conclus avec cette dernière. 

Rappelant la contribution de la Géorgie aux missions de l’OTAN et notamment le sacrifice de ses soldats en Afghanistan, le Premier Ministre a évoqué la solidarité de son pays avec le peuple ukrainien, l’aide humanitaire accordée à l’Ukraine ou encore l’accueil de 2º200 étudiants ukrainiens, et a assuré que son pays respectait toutes les sanctions adoptées en réponse à la guerre.  Il a également rappelé la philosophie fondamentale de son gouvernement qui, du fait de la situation géographique du pays, est d’éviter la guerre à tout prix pour garantir la sécurité de sa population.  De la même manière, il a déclaré que la Géorgie était prête à discuter avec ses voisins de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan pour contribuer à une paix durable dans le Caucase du Sud. 

M. Garibashvili s’est félicité que la Géorgie soit devenue un pôle régional qui attire les investisseurs internationaux, développe des corridors de transport stratégiques et participe à plusieurs initiatives internationales et projets d’infrastructure qui visent à améliorer la connectivité Est-Ouest.  Il a aussi évoqué plusieurs grands projets de modernisation de son pays, comme celui des chemins de fer géorgiens, la construction du port en eau profonde d’Anaklia sur la côte orientale de la mer Noire, ou encore le projet phare de l’UE sur le câble sous-marin de la mer Noire, qui vise à renforcer la sécurité énergétique en Europe et dans la région du Caucase du Sud. Tous ces projets de transformation apporteront des emplois, de la croissance économique et de la prospérité à la population géorgienne et à toute la région, a-t-il affirmé, avant d’appeler, dans cette perspective, au renforcement des partenariats internationaux avec son pays pour bâtir un avenir durable, marqué par la paix. 

M. LEO VARADKAR, Taoiseach d’Irlande, s’est félicité que son pays ait atteint 80% de ses objectifs de développement durable (ODD), tout en regrettant leur stagnation, voire régression, au niveau mondial.  Concernant le financement climatique, il a confirmé l’engagement de l’Irlande à fournir au moins 225ºmillions d’euros par an d’ici à 2025 pour les pays en développement.  Évoquant le triste souvenir de la Grande Famine irlandaise au milieu du XIXe siècle, il a mis en lumière les efforts de son pays dans les domaines de l’alimentation, de l’agriculture et de la nutrition -300 millions d’euros dépensés dans ces domaines en 2023- et a par ailleurs rappelé l’augmentation des dépenses en matière de santé, de 15% en trois ans) et la position de l’Irlande parmi les trois principaux donateurs pour ce qui est de l’égalité des sexes.  Il a enfin jugé essentiel que les discussions sur le fonds pour les pertes et les dommages aboutissent à de véritables progrès. 

Le Chef du Gouvernement a fermement condamné l’invasion russe de l’Ukraine, qualifiée « d’acte d’agression impérialiste et brutal » qui a non seulement causé d’immenses souffrances en Ukraine, mais a également accru l’insécurité alimentaire, énergétique et économique à l’échelle mondiale.  Disant comprendre les « critiques légitimes » sur l’incapacité du monde développé à réagir avec la même intensité de sentiment et d’action aux conflits et aux souffrances qui se déroulent ailleurs, il a estimé que ce n’était pas au peuple ukrainien d’en payer le prix.  Celui-ci mérite un soutien inconditionnel de chaque État Membre de ces Nations Unies, a-t-il insisté.  M. Varadkar a en outre blâmé la Russie pour ses menaces nucléaires et a plaidé pour un monde sans armes nucléaires, encourageant les États à rejoindre la Déclaration politique sur l’usage des armes explosives dans les zones peuplées, initiée par l’Irlande et adoptée en novembre dernier à Dublin. 

Concernant le conflit israélo-palestinien, M. Varadkar a souligné l’impasse récurrente dans laquelle est plongée la communauté internationale, et a insisté sur l’importance de la loi internationale et des droits de l’homme comme fondements d’une paix juste et durable.  L’Irlande détient le plus long record ininterrompu de service dans les missions de maintien de la paix des Nations Unies, s’est enorgueilli le Taoiseach.  Pour finir, il a appelé à une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, y compris à l’abolition du droit de veto, jugé anachronique.  Il a conclu en célébrant les valeurs de paix, de compromis et de dévouement, faisant référence au vingt-cinquième anniversaire de l’Accord du vendredi saint, qui a permis d’instaurer la paix en Irlande du Nord. 

M. DICKON MITCHELL, Premier Ministre de la Grenade, a indiqué que son pays célébrera, en février prochain, le cinquantième anniversaire de son indépendance, un moment approprié pour son gouvernement et ses citoyens de réfléchir à son rôle dans le concert des nations.  Il a salué la résilience de son peuple qui, malgré des pertes tragiques, a fait face à la pandémie de COVID-19.  Alors que le monde poursuit son chemin vers le redressement et la reconstruction, cette expérience a mis en avant l’importance de la coopération internationale, a-t-il relevé, invitant à tirer les leçons de ces trois dernières années de tragédie et d’adversité. 

Abordant, par ailleurs, les objectifs de développement durable (ODD), le Premier Ministre s’est enorgueilli des progrès significatifs de son pays en matière d’éducation de qualité pour tous les citoyens.  Il a partagé l’expérience du lancement pilote d’un collège communautaire axé sur l’économie verte, pour encadrer les jeunes en décrochage scolaire et les préparer au marché de l’emploi.  De même, il s’est félicité des nombreux progrès vers la réalisation de l’égalité des sexes, citant l’initiative « Spotlight », dans le cadre d’un partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui vise à mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles. 

Il a également informé que son pays s’est lancé dans la transition vers une économie bleue, rappelant que la majorité des Grenadiens, en particulier la communauté des pêcheurs, dépendent fortement de l’océan pour leur subsistance.  Il a ensuite énuméré les diverses actions visant cet objectif, notamment la création de zones marines protégées supplémentaires, ainsi que des cadres législatifs et politiques, tous destinés à protéger l’intégrité et à soutenir la gestion des zones marines de l’île.  De plus, la politique forestière du pays fournit un cadre global pour assurer la résilience et la durabilité de cette ressource verte limitée à travers un certain nombre d’orientations stratégiques.  Enfin, le Premier Ministre s’est longuement attardé sur les mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions, insistant sur l’importance de résoudre le problème du financement nécessaire pour faire face à leur impact. 

M. KAUSEA NATANO, Premier Ministre des Tuvalu, a assuré que l’ONU est source d’espoir pour son pays.  Car elle donne la confiance et la capacité de naviguer en ces temps incertains.  Pour réaliser le thème de cette soixante-dix-huitième session, il faut rétablir la confiance entre les nations et dans les organisations internationales, a déclaré le Chef du Gouvernement, qui a déploré que l’érosion de la confiance ait entravé les progrès vers les objectifs de développement durable (ODD).  Il faut accorder la priorité aux efforts de consolidation de la paix, a-t-il poursuivi. 

Les Tuvalu sont confrontés aux changements climatiques et à la montée du niveau des océans qui mettent en péril sa capacité à réaliser les ODD, a poursuivi M. Natano.  « Nous ne demandons pas de la sympathie, nous voulons des solutions! » a-t-il lancé, en réclamant une justice climatique qui mette l’accent sur les efforts d’atténuation, d’adaptation et de soutien des nations les plus vulnérables.  Il a dit souscrire à la résolution proposée par Vanuatu visant à demander un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) afin de renforcer la responsabilité des États de sauvegarder le système climatique.  Un avis favorable de la CIJ donnerait un coup de pouce moral pour éliminer les combustibles fossiles et confronter les pollueurs face à leurs responsabilités, a-t-il estimé.  Il a ajouté que, la semaine dernière, le Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda et lui-même avaient présenté devant le Tribunal international du droit de la mer à Hambourg leur argumentation en vue d’une demande d’avis consultatif similaire, relatif aux obligations des États parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de protéger et préserver le milieu marin face aux conséquences des changements climatiques.  Tous les États Membres doivent soutenir cette initiative en faveur de la justice climatique, a-t-il ajouté. 

S’agissant de la transition numérique, M. Natano a dévoilé le projet « Future Now » de son gouvernement visant à faire des Tuvalu une « nation numérique » dans laquelle personne n’est laissé sur le bord du chemin.  Les Tuvalu se doteront des outils nécessaires à la mise en œuvre des solutions innovantes qui répondent aux préoccupations climatiques et environnementales.  Pour contrer la menace de la montée des océans, l’exécutif a lancé la Coalition contre les menaces de la montée des océans dont l’objectif est de déclencher l’action de la communauté internationale en faveur des petits États insulaires en développement (PEID) et d’autres pays confrontés à des défis similaires. 

Le Premier Ministre a également appelé à une action mondiale plus forte en vue de l’élimination de la production et de la consommation de combustibles fossiles, en demandant l’adoption d’un nouveau traité visant à réduire la dépendance à l’égard de ces derniers.  Enfin, M. Natalo a demandé que Taiwan puisse participer aux travaux des institutions spécialisées et des mécanismes pertinents des Nations Unies, ainsi qu’à la levée du blocus contre Cuba. 

M. ARIEL HENRY, Premier Ministre et Ministre de la culture et de la communication de la République d’Haïti a déclaré que le monde, à la veille de l’échéance de 2030, va mal, s’inquiétant notamment de l’insécurité alimentaire, engendrée par les conflits et les violences, et de l’inflation impactant Haïti, dont la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. M. Henry s’est également alarmé de la dégradation outrancière de la situation sécuritaire en Haïti où la population subit quotidiennement les attaques violences des gangs armés.  Il a rapporté que la détérioration de la situation a engendré une nouvelle crise humanitaire, faisant plus de 16 500 déplacés.  Selon les estimations, 4,9 millions de personnes se trouvent dans l’insécurité alimentaire et près de la moitié de la population vit avec moins de 2 dollars par jour.  Ceci fait perdre à la population haïtienne tout espoir d’un avenir meilleur, at déploré. 

À ce titre, le Premier Ministre a jugé urgent que le Conseil de sécurité autorise le déploiement d’une mission multinationale spécialisée, à composante policière et militaire, en appui à la Police nationale d’Haïti, afin de combattre les gangs et de rétablir la sécurité.  De même, il a lancé un appel pressant à la coopération internationale pour accompagner, à moyen et long terme Haïti sur les questions sécuritaires, mais aussi celle du développement durable.  Le Premier Ministre a ensuite indiqué qu’il s’est attelé à l’objectif de remettre le pouvoir à des élus capables de rétablir les institutions de l’État et d’adresser les grands défis politiques et socioéconomiques auxquels le pays fait face. 

Le Premier Ministre a ensuite alerté sur la situation inquiétante qui s’est développée ces dernières semaines à la frontière haïtiano-dominicaine, créant un conflit dangereux et inutile entre les deux pays, la République dominicaine ayant, selon lui, contesté de façon inamicale et agressive le droit d’Haïti d’exploiter la rivière Massacre.  Il a rappelé l’importance accordée par son pays au dialogue et à la négociation pour favoriser un partage équitable des ressources hydriques binationales. 

M. SIAOSI ‘OFAKIVAHAFOLAU SOVALENI, Premier Ministre des Tonga, a d’emblée averti que les menaces liées aux changements climatiques ont atteint un niveau existentiel, tout particulièrement pour les petits États insulaires en développement (PEID) comme le sien.  « La fréquence et la gravité accrues des cyclones, l’élévation du niveau de la mer provoquée par la fonte des glaces polaires, le plastique et la pollution de nos océans, ainsi que les vagues de chaleur et les incendies, causent des souffrances à mon pays, à notre population et à notre région du Pacifique », a‑t‑il souligné.  Il a toutefois relevé que, selon le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il est encore possible de limiter à 1,5 degré Celsius l’augmentation des températures par rapport aux niveaux préindustriels si les émissions culminent d’ici à 2025 et sont réduites de moitié d’ici à 2030.  Encourageant les États Membres à tout faire pour atteindre cet objectif, le dirigeant s’est réjoui de « lueurs d’espoir » telles que la mise en place du fonds pour les pertes et les préjudices.  Dans le même ordre d’idées, il s’est prononcé pour la création d’un fonds Pacifique afin d’offrir une assistance directe aux PEID de cette région.  M. Sovaleni a ajouté que les Tonga, récemment nommées « championnes du financement climatique dans le Pacifique », porteront cette problématique dans tous les forums internationaux.  Il a déploré à cet égard que les engagements financiers climatiques pris par les pays développés soient nettement inférieurs aux 100 milliards de dollars par an promis à partir de 2020 et a plaidé pour davantage de justice climatique. 

Le Premier Ministre a rappelé que les dirigeants du Pacifique appellent depuis des décennies la communauté internationale à agir d’urgence en faveur du climat.  S’ils se sont sentis encouragés par l’adoption par consensus de la résolution de l’Assemblée générale, dirigée par Vanuatu et un groupe de pays, demandant à la Cour internationale de Justice de rendre un avis consultatif sur les obligations des États en matière de changements climatiques, ils constatent aussi que l’absence d’accès rapide au financement les empêche de progresser.  M. Sovaleni a donc appelé à revoir les mécanismes de financement pour que la priorité soit donnée aux besoins de financement à court terme après une catastrophe et à la réduction des risques à long terme.  De même, il a plaidé pour l’adoption de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle concernant les PEID et souhaité que sa mise en œuvre intègre l’accès de ces États à un financement « à faible coût et à long terme ». 

Le Chef de Gouvernement a ensuite applaudi l’adoption de l’Accord sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ).  Il s’est notamment réjoui que ce nouvel accord reconnaisse les circonstances particulières des PEID comme celles du Pacifique.  Il est désormais impératif que cette reconnaissance se traduise par un renforcement concret des capacités, un transfert de technologies marines et un soutien suffisant, pour permettre au Pacifique de devenir un leader encore plus proactif en matière de sauvegarde, de préservation et d’utilisation durable de l’océan et de ses ressources, a‑t‑il affirmé. 

M. OLIVER DOWDEN, Vice-Premier Ministre, Chancelier du Duché de Lancaster et Secrétaire d’État du Bureau du Cabinet du Royaume-Uni, a rappelé le soutien du Royaume-Uni à l’Ukraine et a déploré les conséquences de ce conflit auquel la Russie pourrait mettre fin immédiatement.  Il a ensuite établi l’intelligence artificielle comme étant la plus grande transformation que le monde ait connue, bouleversant fondamentalement l’éducation, les affaires, les soins de santé, la défense, la gouvernance et l’ONU.  Les gouvernements doivent maintenant comprendre et contrôler le pouvoir transformateur qu’offre l’intelligence artificielle sans en connaître la myriade de possibilités.  Selon lui, l’intelligence artificielle pourrait nous aider à inverser les changements climatiques, améliorer les chaînes d’approvisionnement, détecter les signes de maladies chroniques ou de pandémies, ou encore accroître la productivité des entreprises et des gouvernements.  L’intelligence artificielle peut surtout devenir un outil de démocratisation qui permettra à tout un chacun de par le monde de s’autonomiser, a-t-il ajouté. 

Malheureusement, l’intelligence artificielle peut aussi être utilisée à mauvaise escient, a-t-il poursuivi, citant le piratage de données bancaires et gouvernementales et la duperie des électeurs grâce à des contenus faussés.  Les principaux risques proviendront donc de la mauvaise utilisation de cette technologie de pointe, a-t-il averti, exhortant les gouvernements à déterminer, ensemble, les risques pour mieux les anticiper.  Il a déploré que la compétition mondiale pousse certaines sociétés et pays à œuvrer pour la création d’une superintelligence qui dépasserait de loin l’intelligence humaine.  La communauté internationale doit se prémunir des implications négatives de l’intelligence artificielle tout autant qu’en saisir les opportunités, a-t-il insisté. Si, par le passé, les dirigeants ont régulé les développements scientifiques et technologique a posteriori, ils doivent cette fois-ci légiférer en parallèle, a-t-il estimé, appelant les législateurs à s’entourer d’experts pour réaliser cette tâche. 

Il a noté que les actions les plus significatives doivent être menées avec les entreprises technologiques et les acteurs non étatiques d’influence, ce qui exige une nouvelle forme de multilatéralisme.  En novembre prochain, le sommet britannique sur l’intelligence artificielle permettra d’évaluer les risques sécuritaires des technologies de pointe.  Convaincu que les gouvernements ferment les yeux sur le consensus scientifique lié au risque d’extinction de l’humanité par l’intelligence artificielle, M. Dowden a appelé la communauté internationale à s’entourer d’experts et à se réunir plus régulièrement.  Il a également annoncé que le Royaume-Uni a décidé de mettre sur pied une équipe spéciale avec l’ambition qu’elle devienne une structure permanente avec un accès international.  C’est une culture de normes, de transparence et d’échange d’idées qui doit inspirer les gouvernements dans cette tâche inédite mais passionnante, a-t-il martelé. Si nous ne connaissons pas les risques, nous savons néanmoins que la puissance de l’action dépendra de la coopération entre les nations, a-t-il conclu. 

M. VIVIAN BALAKRISHNAN, Ministre des affaires étrangères de Singapour, a dépeint le monde comme un endroit troublé par les ravages causés par les pandémies, les catastrophes naturelles et maintenant la guerre d’invasion de la Russie contre l’Ukraine.  Il a évoqué notamment le violent coup d’État au Myanmar qui a privé le peuple de la paix et du développement.  Tous les pays doivent travailler ensemble pour élaborer des solutions multilatérales cohérentes et concrètes, a-t-il recommandé en soulignant que l’ONU offre un cadre stable pour « prospérer, exercer notre autonomie et tracer notre propre avenir pour notre peuple ».  Ravi que le Sommet sur l’ambition climatique, les trois réunions de haut niveau sur la santé et la réunion préparatoire du Sommet de l’avenir aient redynamisé le système multilatéral, le Ministre a proposé plusieurs pistes pour arriver à un système multilatéral plus résilient et prêt pour l’avenir. 

Déjà, a-t-il prôné, le système multilatéral devrait refléter nos intérêts à long terme en tant que communauté mondiale.  Il a notamment visé la lutte contre les changements climatiques, l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique et les normes technologiques, des domaines dans lesquels les gouvernements devraient conjuguer leurs intérêts nationaux avec les intérêts collectifs à long terme.  « Le système multilatéral fonctionne grâce au compromis et à la compréhension mutuelle, non par le blocage. »   

M. Balakrishnan a aussi souhaité que les États Membres respectent la diversité des expériences, des systèmes et des idées au sein du système multilatéral, arguant qu’il n’existe pas de modèle unique pour organiser un pays.  Il a fait valoir que la diversité des peuples et des nations peut conduire au croisement des idées et à l’élaboration d’un plus grand nombre d’options politiques pour faire face aux nombreux défis.  L’ONU est d’ailleurs une plateforme indispensable pour partager les expériences dans des domaines allant du développement durable aux droits de l’homme, a-t-il soutenu.  Le Ministre a espéré que le Sommet de l’avenir donne l’occasion de renforcer le système multilatéral en tenant compte de la diversité des points de vue et en construisant un cadre commun pour l’avenir. 

S’agissant de la révolution de l’intelligence artificielle, à son avis, le monde doit se préparer aux risques et répartir équitablement les avantages.  Dès aujourd’hui, a-t-il conseillé, il faut commencer un dialogue mondial inclusif à l’ONU pour gérer cette technologie et prendre les précautions nécessaires.  Il a salué à cet égard la décision du Secrétaire général de convoquer un organe consultatif de haut niveau sur l’intelligence artificielle pour étudier ces questions importantes.  L’activité du Groupe de travail à composition non limitée des Nations Unies sur la sécurité des technologies de l’information et de communication (TIC), présidé par Singapour, peut offrir des enseignements utiles pour l’intelligence artificielle, a-t-il signalé avant de dire attendre avec intérêt l’adoption du pacte numérique mondial lors du Sommet de l’avenir en 2024.  Il a assuré que cela est possible, se basant sur l’exemple de l’Accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine. 

Mme PENNY WONG, Ministre des affaires étrangères de l’Australie, a affirmé, en tant que membre du Forum des îles du Pacifique, qu’elle croit en la souveraineté et la solidarité des États bordés par cet océan.  Ainsi soutient-elle la transition de la région vers les énergies renouvelables, en aidant certains pays à renforcer leur résilience climatique et à bénéficier de ses contributions au financement des mesures d’adaptation et d’atténuation.  C’est le cas des Palaos, où jusqu’à un cinquième des besoins énergétiques du pays seront couverts par de nouveaux systèmes de stockage solaire et par batteries, grâce à un mécanisme de financement des infrastructures pour le Pacifique préparé par Canberra, a illustré la Ministre.  Soulignant le besoin de prendre en compte les cas particuliers des PEID pour leur accorder des financements adaptés, elle a salué les travaux du Groupe de haut niveau sur l’élaboration d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour les petits États insulaires en développement. 

Par ailleurs, elle a dit soutenir l’objectif de l’ASEAN de jouer un rôle de chef de file dans la promotion de la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité dans la région. L’ASEAN a raison d’affirmer que les différends doivent être résolus de manière pacifique, a ajouté la Ministre. « De nouvelles mesures visant à prévenir les conflits entre grandes puissances constituent une priorité australienne, et nous espérons qu’elle sera partagée par les États Membres tout au long de cette Assemblée générale. »  La Ministre a plaidé pour des mesures modestes, axées sur une réassurance stratégique mutuelle, des mesures de réduction des risques militaires et l’ouverture de lignes de communication à tous les niveaux.  À son avis, la communication ne doit jamais être refusée comme s’il s’agissait d’une punition ou offerte à titre de récompense.  Étant donné la manière dont un conflit peut être déclenché, il serait avantageux selon elle de conclure des accords plus clairs entre pays maritimes –tous les pays maritimes de manière égale– pour prévenir les actions dangereuses en mer. 

Comme ce sont les armes nucléaires qui posent le plus grand risque de catastrophes, la Ministre a appelé à redoubler d’efforts pour parvenir à un monde qui en soit exempt. Elle a assuré vouloir continuer d’œuvrer avec d’autres au renforcement du TNP, « malgré ceux qui cherchent à lui porter atteinte « pour leurs propres gains ».  Enfin, cette semaine, a-t-elle annoncé, l’Australie s’est jointe au Japon et aux Philippines pour demander instamment des progrès sur un traité d’arrêt de la matière fissile, ce qui comblerait une lacune cruciale de notre architecture de désarmement, en arrêtant la production des matières nécessaires à la création d’armes nucléaires. 

M. ABDULLATIF BIN RASHID AL ZAYANI, Ministre des affaires étrangères du Royaume de Bahreïn, a réaffirmé son attachement à la coopération internationale fondée sur la confiance mutuelle, avant de se féliciter de la récente signature de l’accord global d’intégration de sécurité et de prospérité entre les États-Unis et le Bahreïn.  Soutenant le droit du peuple palestinien à établir un État indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale, le Ministre a appelé au renforcement de la coexistence pacifique entre les peuples de la région.  Exprimant également son soutien à la prolongation de la trêve humanitaire au Yémen, il a insisté sur la nécessité de rechercher des solutions pacifiques durables aux crises en Syrie, au Liban, au Soudan, en Libye et en Afghanistan, de manière à préserver l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de ces pays et soutenir leur processus de développement.  M. Al Zayani a en outre appeléà redoubler d’efforts pour mettre fin à la guerre en Ukraine en tenant compte des pays voisins.  Le Ministre s’est félicité par ailleurs des développements régionaux positifs symbolisés par le retour de la Syrie au sein de la Ligue des États arabes et la reprise des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran. 

Insistant sur la nécessité de promouvoir les valeurs de tolérance et une culture de paix et de dialogue entre les religions, il a appelé à soutenir la proposition d’adoption d’une convention internationale pénalisant les discours de haine et empêchant l’utilisation abusive des libertés, des médias et plateformes numériques à des fins de mépris religieux, d’incitation au terrorisme et d’intolérance.  Désireux de revitaliser les efforts communs en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, il a réaffirmé la nécessité d’intensifier ceux déployés dans la prévention de la prolifération des armes de destruction massive. 

Le Ministre a ensuite exhorté la communauté internationale à intensifier les efforts pour atteindre la croissance et la prospérité, saluant la création future par le Royaume d’Arabie ´saoudite d’une organisation mondiale de l’eau.  Il a réitéré la détermination de son gouvernement à promouvoir des partenariats efficaces avec l’ONU et ses agences spécialisées afin de soutenir les objectifs de développement commun.  Partageant les réalisations du plan de relance économique de son pays, M. Al Zayani s’est réjoui du taux de croissance national de 5% et de la contribution du secteur non pétrolier au PIB culminant à 83%.  Il a rappelé la deuxième place occupée par le Bahreïn parmi les pays à développement humain très élevé dans le monde arabe, selon le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et s’est félicité de sa première place parmi les pays arabes dans l’indice de Bâle sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  Enfin, réaffirmant l’importance accordée à un environnement durable, il a réitéré l’engagement du pays à réduire les émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2035.

M. TOBIAS BILLSTRÖM, Ministre des affaires étrangères de la Suède, a déploré le comportement de la Russie qui fait montre d’un « mépris absolu pour la vie humaine ».  La mobilisation de moyens militaires et l’instrumentalisation des ressources alimentaires au service de ses ambitions politiques et impérialistes sapent la sécurité européenne et la sécurité alimentaire mondiale, a-t-il dénoncé.  Il a applaudi les efforts de l’Union européenne, via l’établissement de corridors de solidarité qui permettent à l’Ukraine d’exporter ses céréales, ainsi que les efforts d’aide humanitaire, menés conjointement avec la Suède, pour augmenter les productions locales.  Rappelant que le non-respect de la souveraineté d’un État constitue une violation flagrante du droit international, il a averti que la Russie ne s’arrêterait pas à l’Ukraine.  Il a ainsi justifié la décision de son pays de se porter candidat à l’OTAN, rompant ainsi avec plus de deux siècles de tradition de non-alignement militaire.  Ce choix augmentera la sécurité de la Suède et, avec la candidature de la Finlande, celle de la région euro-atlantique, a-t-il argué.  Le délégué a ensuite déploré les attaques russes et les souffrances du peuple ukrainien, exigeant que la Russie soit tenue responsable de ses crimes.  C’est pourquoi la Suède soutient la création d’un tribunal pour le crime d’agression commis par la Russie, ainsi que la formule pour la paix proposée par l’Ukraine et toute initiative qui se base sur le respect du droit international. 

Saluant l’opportunité de redynamisation que constituait le Sommet sur les objectifs de développement durable (ODD), il a détaillé la contribution généreuse, efficace et transparente de la Suède à l’aide au développement international.  Il a néanmoins rappelé que des institutions multilatérales fortes sont primordiales pour atteindre les ODD et mobiliser d’importants financements privés et publics.  Il a ensuite appelé la communauté internationale à se mobiliser à la COP28 pour davantage de financements publics et privés afin d’augmenter la résilience des communautés locales face aux changements environnementaux.  Il s’est félicité des avancées technologiques réalisées en Suède pour aider à la transition environnementale et atteindre les ODD.  Par ailleurs, il a souligné les opportunités sans précédent qu’offrent les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle pour atteindre les ODD.  Afin de développer leur potentiel et atténuer les risques, il a prôné une vision commune et le développement d’un pacte numérique mondial. 

Les pays où la démocratie, l’état de droit et les droits humains sont bien ancrés ont de meilleurs indicateurs de développement, a-t-il poursuivi, estimant qu’il est nécessaire d’œuvrer pour des sociétés démocratiques pour atteindre les objectifs du Programme 2030.  Déplorant les récents actes d’intolérance envers la communauté musulmane en Suède, il a condamné ces actes et réitéré l’importance des libertés qui ont toujours fait de son pays une terre d’accueil, libre et ouverte. Il a annoncé que son gouvernement révisera les lois sur les rassemblements publics.  Il a ensuite réitéré que l’agression russe sur l’Ukraine et les menaces nucléaires mettent en péril la sécurité en Suède.  Selon lui, le multilatéralisme est la meilleure chance de préserver les objectifs de non-prolifération. 

M. FREDERICK AUDLEY MITCHELL, Ministre des affaires étrangères des Bahamas, a déclaré que son pays n’acceptait pas « l’évangile du non » prêché par les « ex-maîtres coloniaux » pour les réparations de l’esclavage, comme du reste pour les changements climatiques, dont son pays est victime, alors qu’il n’est pas responsable de cette crise.  Il a ensuite exhorté au déploiement d’une force multinationale en Haïti, remerciant le Gouvernement kényan de son offre de la diriger pour améliorer la sécurité et fournir une aide humanitaire.  Le Ministre a annoncé l’intention des Bahamas d’y participer, comme la Jamaïque et d’autres pays des Caraïbes. 

Après avoir appelé à la levée du blocus économique et financier injuste imposé à Cuba, M. Mitchell s’est lancé dans une diatribe contre la relation asymétrique qui prévaut entre les pays caraïbéens et leurs partenaires commerciaux de l’Union européenne qui, avec l’OCDE, se sont arrogés le rôle de « gendarmes du monde en matière de taxation » et dans le domaine bancaire. L’ONU est donc l’instance universelle adéquate pour élaborer une « nouvelle architecture d’administration fiscale internationale » reposant sur une représentation égale des États Membres, a estimé M. Mitchell. 

M. ARNOLDO RICARDO ANDRÉ TINOCO, Ministre des affaires étrangères du Costa Rica, a expliqué que son pays, soucieux de lutter contre la militarisation des nouvelles technologies, avait l’intention, avec l’Autriche et le Mexique, de présenter un projet de résolution à l’Assemblée générale pour réglementer le recours aux systèmes d’armements autonomes.  Aussi a-t-il lancé un appel à tous les États Membres pour qu’ils s’engagent à réduire de manière significative et irréversible leurs dépenses militaires.  « Notre seule arme doit être le droit international »! a tranché le Chef de la diplomatie costaricienne, pour qui la sécurité humaine doit être le socle sur lequel repose un nouveau pacte mondial. M. Tinoco a ensuite rappelé que le Costa Rica est le pays américain qui accueille sur son territoire le plus grand nombre de migrants par rapport à sa population, avec plus de 270 000 demandes d’asile enregistrées pour l’instant cette année.  Et ce, alors que nous sommes un pays à revenu intermédiaire et que nos ressources sont limitées.  Raison pour laquelle il s’est prononcé en faveur de mesures permettant d’encadrer les flux migratoires de manière sécurisée et d’un appui financier pour intégrer ces réfugiés dans le tissu social du pays.  Le Ministre a également demandé que soit réformée l’architecture financière internationale, y compris des banques régionales de développement, pour changer les modalités d’accès à l’aide publique au développement.  Enfin, évoquant les changements climatiques, M. Tinoco a expliqué que le Costa Rica était pionnier dans le mouvement de reforestation, auquel sont associées les populations autochtones du pays.  Il organisera d’ailleurs les 7 et 8 juin 2024 un événement de haut niveau afin de revoir à la hausse son ambition climatique, particulièrement s’agissant de la viabilité des océans, a précisé le Ministre.

Droits de réponse

La représentante de l’Inde a déploré « l’attitude malveillante » du Pakistan visant à détourner l’attention de la communauté internationale de la question des droits humains.  Rappelant que l’Inde est la plus grande démocratie du monde, elle a appelé le Pakistan à « balayer devant sa porte ».  La déléguée a affirmé que le Pakistan accueille le plus grand nombre de terroristes au monde.  Enfin, elle a appelé ce pays à agir pour la paix en Asie du Sud en cessant le terrorisme transfrontière, en quittant les territoires indiens occupés de manière illégale et en mettant un terme aux graves violations des droits humains à l’encontre des minorités au Pakistan. 

Réagissant aux affirmations des Îles Salomon, la déléguée du Japon a expliqué que les eaux déversées en mer ont été purifiées, démontrant une concentration de tritium largement inférieure aux normes réglementaires pour l’eau potable fixée par l’OMS.  Elle a ajouté que des experts ont analysé le récent déversement et que si celui-ci devait dépasser les normes internationales, le Japon cesserait immédiatement.  Le pays continuera à fournir les informations demandées par la communauté internationale en toute transparence, a-t-elle assuré

La représentante du Pakistan a déclaré que le Jammu-et-Cachemire ne fait pas partie de l’Inde, ne l’a jamais été et ne le sera jamais.  Le Conseil de sécurité a décidé, dans une résolution, que le statut final de ce territoire serait déterminé par sa population lors d’un plébiscite appuyé par les Nations Unies, a-t-elle rappelé.  Elle a affirmé que l’Inde, parrain du terrorisme, doit rendre des comptes pour ces crimes de guerre et pour ces violations des droits humains dans les territoires occupés.  Aujourd’hui, a-t-elle accusé, l’Inde exporte le terrorisme à l’échelle mondiale en soutenant et finançant les Taliban qui ont mené de nombreuses attaques contre des civils et des cibles militaires au Pakistan.  La représentante a enfin condamné la répression des minorités musulmanes, chrétiennes et des dalit en Inde citant des attaques contre les lieux de culte et les meurtres de personnes de confession musulmane ou chrétienne. 

Le représentant de la République islamique d’Iran a répondu aux propos tenus par le Premier Ministre israélien ce matin, après avoir remercié les gardes de sécurité de l’ONU d’avoir expulsé de la salle, mardi, le « soi-disant ambassadeur de ce régime ».  Il a ensuite accusé Israël de nombreuses atrocités et dénoncé ses campagnes de désinformation contre son pays, les jugeant « risibles ».  Ces allégations ont été exprimées par Israël dans cette enceinte, a-t-il déploré, expliquant que son pays a ainsi été accusé, de façon totalement infondée, d’avoir fourni des armes à la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine.  Le Gouvernement israélien tente de détourner l’attention de la communauté internationale de ses propres méfaits, selon le délégué iranien, alors qu’il abrite sur son territoire des réseaux terroristes et commet des crimes depuis sept décennies contre le peuple palestinien.  Le « régime israélien » est une menace à la paix et la sécurité dans la région et le monde, a-t-il ajouté en regrettant qu’il empêche la création d’une zone exempte d’armes nucléaires.  Le délégué a aussi déploré la menace de l’usage de la force par Israël contre l’Iran.  Il a réaffirmé son droit à l’autodéfense conférée par le droit international et la Charte des Nations Unies.  « Nous sommes prêts à rétorquer en cas d’agression d’Israël », a prévenu le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Lutte contre la tuberculose: les États s’engagent à faire progresser la science, les finances et l’innovation pour juguler une épidémie mondiale

Soixante-dix-huitième session,
Réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose, matin & après-midi
AG/12537

Lutte contre la tuberculose: les États s’engagent à faire progresser la science, les finances et l’innovation pour juguler une épidémie mondiale

Une réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose, organisée aujourd’hui en marge du débat annuel de l’Assemblée générale, a rassemblé des dirigeants, ministres de la santé, présidents d’organisations internationales et non gouvernementales et représentants de la société civile.  En début de session, les États Membres ont approuvé une déclaration politique visant à faire progresser la science, les finances et l’innovation, et à tirer parti de leurs bienfaits pour mettre fin d’urgence à l’épidémie mondiale de tuberculose, « en particulier en assurant un accès équitable à la prévention, au dépistage, aux traitements et aux soins ».  Le texte est désormais en attente d’une approbation formelle par l’Assemblée générale.  Près de cinq ans après la première déclaration politique consacrée à la lutte contre la tuberculose, en 2018, les États ont ainsi réaffirmé leur volonté de juguler l’épidémie mondiale d’ici à 2030, conformément aux objectifs de développement durable (ODD). 

« Nous sommes rassemblés pour revitaliser notre engagement et mettre fin à la tuberculose », a déclaré M. Dennis Francis, Président de l’Assemblée générale, notant que la déclaration était un outil essentiel pour parvenir à son éradication en 2030.  Il a déploré que l’on n’ait toujours pas mis fin à une « maladie ancienne » alors que les moyens techniques sont disponibles.  Un constat partagé par M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Président de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS): « pendant des millénaires, nos ancêtres ont souffert et sont morts de cette maladie sans savoir ce dont il s’agissait, ce qui la causait ou comment arrêter sa progression.  Aujourd’hui, nous avons des connaissances et des outils dont ils n’auraient pu que rêver ». 

Mme Amina Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a rappelé que la tuberculose demeure la maladie infectieuse la plus meurtrière du monde avec 1.5 million de victimes par an, soulignant la « menace majeure » que font planer les formes pharmacorésistantes.  Mme Marisol Touraine, Présidente du conseil d’administration d’Unitaid, a fait part de son inquiétude quant à la progression des souches résistantes, qui aurait accéléré pendant la pandémie de la COVID-19. Son organisation, a-t-elle expliqué, finance des essais cliniques pour développer des traitements plus faciles et moins toxiques contre la tuberculose résistante.

La question de la pharmacorésistance figurait également au cœur des préoccupations exprimées par M. Peter Sands, Directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.  Selon lui, ce trait particulier de la maladie exige des moyens techniques adaptés.  « Il faut des outils de diagnostic complexes qui puissent détecter les résistances microbiennes », a-t-il relevé. 

Les intervenants se sont accordés sur le fait que la tuberculose était une maladie aux profondes implications sociales.  La pauvreté, notamment, serait l’un des facteurs majeurs de susceptibilité.  Chaque jour, 650 enfants en meurent, s’est indignée Mme Touraine, qualifiant ce bilan d’« insupportable, parce que c’est une maladie de la pauvreté ».  Dans le même esprit, M. Ghebreyesus a rappelé que la majorité des 10 personnes qui sont mortes de la tuberculose pendant les quelques minutes de son intervention sont « pauvres, marginalisées, mal nourries ». M. Sands a qualifié la tuberculose de « pandémie des pauvres », prônant un système inclusif qui englobe les personnes les plus marginalisées de la société. 

La dimension sociale de la lutte contre la tuberculose a fait l’objet de discussions en marge de la session plénière, lors d’une table ronde consacrée ce matin aux actions multisectorielles.  Dans ce cadre, Mme Binika Shrestha, survivante de la maladie et membre de la Campagne nationale de la jeunesse contre la tuberculose au Népal, a relevé que de nombreuses personnes sont poussées vers la précarité à cause du coût des traitements. 

Durant ce premier débat, sur le thème intitulé « Accélérer les initiatives multisectorielles pour assurer une offre de soins équitables et de qualité contre la tuberculose, qui soient centrés sur les personnes, et s’attaquer aux déterminants de la tuberculose dans le contexte de la couverture sanitaire universelle », de nombreux pays ont soutenu le principe d’un accès gratuit aux soins.  La Pologne, la Russie et la Thaïlande ont relevé que cette mesure avait contribué à leurs progrès contre la maladie.  L’Estonie et la République dominicaine ont insisté sur le fait qu’outre la gratuité, l’accès aux soins et au diagnostic doit être ouvert à tous, notamment aux migrants et aux réfugiés, quel que soit leur statut.

Selon M. Budi Gunadi Sadikin, Ministre de la santé de l’Indonésie et modérateur de la première table ronde, la nature multifactorielle de la tuberculose exige la coopération de plusieurs branches du gouvernement, afin de répondre aux problèmes de logements insalubres, de pauvreté ou de malnutrition. Un constat également émis par le Paraguay, qui souligne la nécessité de travailler avec des secteurs divers au sein du gouvernement, l’épidémie ne répondant pas qu’à des facteurs sanitaires. Outre la mobilisation de plusieurs branches du gouvernement, plusieurs intervenants ont prôné la coopération entre tous les acteurs de la lutte – systèmes de santé publics et privés, société civile, organisations gouvernementales, bailleurs de fonds…  Les malades et survivants, tout particulièrement, devraient être intégrés aux processus.  Ainsi, selon M. Sadikin, « il faut mobiliser l’ensemble de la société, y compris les survivants, les soignants, la société civile, notamment pour lutter contre la discrimination ».

La stigmatisation représenterait une entrave majeure au progrès de la lutte contre la maladie.  De peur d’être exclues, de nombreuses personnes hésiteraient à se faire diagnostiquer ou à obtenir des soins.  Mme Handaa Enkh-Amgalan, survivante de la tuberculose et autrice du livre « Stigmatized: Le voyage d’une jeune fille mongole de la stigmatisation et de la maladie à l’autonomisation », a appelé à lutter contre ce problème. Mme Shrestha a témoigné qu’elle avait dû elle aussi cacher sa maladie à sa famille.  « Si l’on se limite à traiter la tuberculose comme quelque chose de purement médical, cela entraîne stigmatisation et abandon. » La République dominicaine, notamment, a expliqué avoir mis en place des programmes scolaires pour lutter contre la stigmatisation des malades.

Enfin, l’accès aux soins et au diagnostic doit être amélioré, ont relevé de nombreux intervenants.  Les centres de lutte contre les maladies tentent notamment de résoudre ce problème sur le plan technique, en développant des traitements plus brefs, à même de traiter rapidement les patients.  Mais, a relevé le Président de l’Assemblée générale, les discriminations entravent les efforts de santé publique, et il faut également résoudre la dimension sociale du problème.  « Par où commencer?  Il faut innover, que ce soit en sciences sociales ou pour des systèmes de recherche essentiels qui garantissent l’accès aux soins. »

Les participants ont enchaîné l’après-midi avec une deuxième table ronde ayant pour thème: « Mettre l’accent sur des financements adéquats et durables à l’échelle nationale, régionale et internationale pour garantir l’équité dans la prestation de services de lutte contre la tuberculose, les stratégies innovantes, ainsi que pour la recherche-développement de nouveaux outils de diagnostic, de vaccins et de médicaments ». 

Coprésidé par MM. Alexandru Rafila, Ministre de la santé de la Roumanie , et Kalumbi Shangula, Ministre de la santé et des services sociaux de la Namibie, cet évènement a donné l’occasion à Mme Jamilya Ismoilova, Conseillère régionale en matière de changement de comportement social et de genre chez Abt Associates Inc. en Asie centrale, qui représentait la société civile, de mettre en avant le rôle des communautés dans la lutte contre la tuberculose, puisque leur connaissance du terrain et leurs connexions avec la base permettent de mieux détecter les cas de tuberculose et de faciliter les soins.  Faisant un parallèle avec la pandémie de COVID-19, elle a plaidé pour une mobilisation similaire de la communauté internationale autour de la tuberculose en vue de combler le manque de financement chronique pour trouver un vaccin contre cette maladie infectieuse qui reste la plus mortelle au monde.  Il s’agit également de fidéliser les agents de santé et de répondre aux besoins en termes de médicaments face à cette maladie. Les sources de financement traditionnelles ne sauraient suffire, a-tranché Mme Ismoilova.  Par conséquent, les gouvernements doivent allouer les ressources nécessaires au renforcement des systèmes de santé en vue de parvenir à une couverture sanitaire universelle.  Elle a notamment préconisé des subventions ciblées pour les services de santé au niveau communautaire.  Les financements internationaux alloués à la lutte contre la tuberculose doivent augmenter, a-t-elle exigé en arguant que leurs retours sur investissements sont énormes, surtout dans les pays à revenu faible et intermédiaire. 

Lui emboitant le pas, le docteur Antonio Brito, Membre du Parlement et Président du Groupe parlementaire brésilien sur la tuberculose, a apporté le témoignage de l’un des pays à la plus forte prévalence de tuberculose dans sa région et où les coûts pour les patients restent énormes.  Il a mis en avant le rôle des parlements dans la lutte contre cette maladie.  Au Brésil, cela va bien au-delà du simple cadre législatif.  Des recommandations ont été faites pour éliminer cette maladie en tant que problème de santé publique, et la commission interministérielle mise en place à cet effet doit remédier au problème du sous-financement de cette lutte. Le Parlement supervise l’affectation des ressources pour veiller à leur rentabilité et garantir qu’elles parviennent à ceux qui en ont le plus besoin, a-t-il expliqué.  Avant de conclure, le docteur Brito a encouragé les parlements du monde à unir leurs forces dans le cadre de cette lutte et à agir maintenant.

Répondant à une question sur le fort engagement des États-Unis dans la lutte contre la tuberculose, le docteur Atul Gawande, Administrateur adjoint pour la santé mondiale à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), a rappelé qu’il s’agit de la maladie infectieuse la plus mortelle au monde.  Il a pointé du doigt les écarts entre le monde en développement et le monde développé où cette « maladie des négligés » a été pratiquement éradiquée.  Aujourd’hui, a-t-il martelé, on sait ce qu’il faut faire – dépister, traiter et suivre les cas contacts dans toutes les communautés. Ce n’est donc pas faute de solution que l’on ne vient pas à bout de cette maladie, mais plutôt faute de volonté et de moyens, a déploré le docteur Gawande.  Concrètement, on peut dépister la maladie en une journée, les traitements existent et fonctionnent et on sait comment traiter les personnes qui sont cas contacts.  Pour sa part, USAID s’est engagé à réduire les coûts des traitements et assure des transferts de technologie vers des fabricants africains, a-t-il expliqué, en mettant en avant l’importance du financement des capacités locales de lutte contre la tuberculose.  Sur une note positive, il a évoqué les recherches en cours à l’Université Johns Hopkins qui développe actuellement un traitement de longue durée qui consiste en une seule injection par mois. 

Son collègue, le docteur Mark Hatherill, Directeur de l’Initiative sud-africaine pour un vaccin contre la tuberculose (SATVI) à l’Université du Cap, a fait un parallèle entre l’approche du vaccin anti-COVID-19 et celle du vaccin contre la tuberculose.  « Pour la première fois un candidat prometteur est à notre portée. »  Si confirmé, son impact sera transformateur et pourrait faire économiser des milliards de dollars en traitement, a-t-il fait valoir.  En attendant, le docteur Hatherkill a encouragé à faire avancer les sept autres vaccins les plus prometteurs qui en sont à la phase de test, notamment ceux à ARN messager.  Il a également plaidé pour des partenariats avec les pays les plus touchés par la tuberculose et pour un programme d’investissement dédié uniquement à la recherche et au développement des vaccins, en notant que l’un des plus grands freins à leur développement reste le nombre de tests réalisés.  Il ne fait pas de doute à ses yeux qu’il appartient aux pays développés de s’investir davantage dans la recherche vaccinale contre la tuberculose. 

Concrètement, il faut sortir du silence autour de cette maladie pour pouvoir y mettre un terme, d’autant plus que le nombre de malades est à nouveau en hausse dans le monde, a-t-il été souligné.  Cette responsabilité incombe au premier chef aux gouvernements et aux dirigeants, ont encore fait valoir de nombreux intervenants du segment interactif de cette réunion qui était largement dominé par des représentants de la société civile, y compris des médecins.  Des appels multiples ont été lancés pour des investissements plus forts de la part des partenaires, mais aussi pour davantage de partenaires, y compris du secteur privé.  Le fait que 80% des décès de la tuberculose surviennent dans le monde en développement, est, pour certains, la principale explication de l’absence de vaccin contre cette maladie à ce jour. 

Pour la première fois, une déclaration politique reconnait le droit à la science, ont salué les participants.  Mais cela ne suffit pas.  Les États Membres, ont-ils estimé, doivent combler les lacunes en matière de diagnostic et de traitement au niveau national et cela ne sera possible que si ces services deviennent plus accessibles.  En fin de compte, pour les militants et représentants présents dans la salle aujourd’hui, la lutte contre la tuberculose est bien une lutte pour les droits humains.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité examine les conséquences humanitaires immédiates et politiques à terme de l’opération militaire de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh

9422e séance – après-midi      
CS/15418

Le Conseil de sécurité examine les conséquences humanitaires immédiates et politiques à terme de l’opération militaire de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh

Après l’opération militaire lancée lundi par l’Azerbaïdjan contre les séparatistes de la région à la population arménienne du Haut-Karabakh, le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi à la demande de la France et en présence des Ministres des affaires étrangères de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan.  Si toutes les délégations ont pris note de l’annonce d’un cessez-le-feu, elles ont aussi appelé à un règlement durable du conflit entre les deux pays par la voie de la négociation et ont réclamé un accès humanitaire sans entrave aux populations dans le besoin. 

Chargé de présenter les faits aux membres du Conseil, M. Miroslav Jenča, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a rappelé que c’est le 19 septembre que l’Azerbaïdjan a annoncé le lancement « d’activités antiterroristes dans la région économique du Karabakh » après la mort de deux civils et quatre policiers dans des incidents impliquant des mines terrestres, qui auraient été posées par les forces armées arméniennes.  Tout en précisant que l’ONU, absente de la région, n’est pas en mesure de vérifier les diverses affirmations et allégations, il a fait état d’une « grave escalade des opérations militaires », de victimes, y compris au sein de la population civile, et de l’évacuation de plusieurs milliers de personnes.  Il a aussi pris note de l’annonce, hier, d’un cessez-le-feu. 

Le représentant de la Fédération de Russie a apporté quelques précisions sur le rôle du contingent de la force de paix russe présente au Haut-Karabakh depuis deux ans, dont cinq membres ont été tués, qualifiant d’« infondée et absolument inacceptable » toute tentative d’accuser son pays d’inaction dans un contexte « difficile ». 

Les membres du Conseil ont fait écho à « l’extrême préoccupation » exprimée par les dirigeants de l’ONU, en particulier quant à la population civile du Haut-Karabakh, dont la situation humanitaire était déjà très difficile depuis plusieurs mois en raison du blocage du corridor de Latchine, qualifié de « blocus » par la Ministre des affaires étrangères de la France.  Comme l’a précisé M. Jenča, les questions relatives à la liberté de mouvement des civils et à l’accès humanitaire avaient été sources de tensions entre Bakou et Erevan.  Le Ministre des affaires étrangères de Malte a d’ailleurs rappelé que le Conseil de sécurité avait été amené à se pencher sur cette question le 16 août dernier

Ainsi, la Suisse a appelé au respect inconditionnel du droit international, en particulier du droit humanitaire et des minorités.  Elle a insisté pour que les acteurs humanitaires, dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), puissent mener à bien leurs missions impartiales et que l’acheminement rapide et sans entrave de l’aide humanitaire soit garanti au profit des population dans le besoin.  L’accès humanitaire est également une préoccupation majeure pour Malte ou l’Équateur.  Les États-Unis ont demandé que l’Azerbaïdjan assure, comme il s’y est engagé publiquement, l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire le long du corridor de Latchine menant au Haut-Karabakh.  Le Brésil et la Suisse ont fait observer que cette escalade intervient alors que, le 18 septembre, un convoi d’aide humanitaire avait pu transiter par le corridor de Latchine pour la première fois depuis des semaines et ont souhaité que ce « signe positif » soit préservé. 

Replaçant les événements des derniers jours dans le contexte plus large des violations régulières du cessez-le-feu conclu à l’issue de la « guerre de 44 jours » de l’automne 2020, M. Jenča a estimé que la priorité absolue est désormais d’empêcher la reprise des hostilités et de ramener la situation sur le terrain politique et diplomatique.  Comme l’a fait remarquer le Ghana, en cette période de multiplication des défis sécuritaires, le continent européen et le reste du monde ne peuvent guère se permettre une nouvelle escalade des tensions dans l’enclave. 

La Fédération de Russie, qui a dit tenir plus que quiconque à la résolution rapide de la crise, a affiché son intention de continuer à jouer un rôle de premier plan dans le processus de normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, affirmant que la réconciliation devrait s’accompagner de garanties de sécurité et du respect des droits de la population du Haut-Karabakh.

Le rôle que le Conseil pourrait jouer a fait débat.  À l’origine de la séance, la France a condamné l’opération de Bakou, qui a en revanche obtenu le soutien de la Türkiye.  Pour la France, le Conseil doit apporter son soutien au Premier Ministre arménien, du fait de son engagement pour trouver une solution négociée avec l’Azerbaïdjan.

Le Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, qui a dénoncé une « agression planifiée » et « barbare » visant à parachever un nettoyage ethnique de la population arménienne du Haut-Karabakh, a reproché au Conseil de n’avoir pas réagi de manière adéquate lorsqu’il avait été saisi en décembre 2022.  Il l’a exhorté à agir cette fois en condamnant la reprise des hostilités et le ciblage des infrastructures civiles, à déployer immédiatement une mission interinstitutionnelle de l’ONU au Haut-Karabakh pour surveiller et évaluer la situation humanitaire, sécuritaire et des droits humains, et à envisager le déploiement d’une opération de maintien de la paix.  « Il n’existe pas d’alternative au rôle du contingent russe de maintien de la paix dans la région », a toutefois fait savoir le représentant russe.

Au contraire, le Chef de la diplomatie azerbaïdjanaise a dénoncé une tentative de l’Arménie d’exploiter le Conseil afin de tromper la communauté internationale.  Rejetant tout projet de « nettoyage ethnique », il a expliqué que l’objectif de l’opération était de détruire une quantité considérable de matériel militaire entreposé illégalement sur son territoire par l’Arménie et utilisé par des séparatistes.  Les mesures antiterroristes ont atteint leurs objectifs, a-t-il ajouté, estimant qu’on aurait pu arriver au même résultat de manière pacifique si l’Arménie avait honoré ses engagements au titre de la Déclaration trilatérale.  Il a également assuré que les installations administratives, sociales, éducatives, médicales et religieuses arméniennes seront dorénavant assurées conformément aux lois de l’Azerbaïdjan et aux normes du droit international humanitaire. 

LETTRE DATÉE DU 13 SEPTEMBRE 2022, ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’ARMÉNIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2022/688)

Déclarations

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a présenté la chronologie de la crise en rappelant, que le 19 septembre, l’Azerbaïdjan avait annoncé le lancement « d’activités antiterroristes dans la région économique du Karabakh » après la mort de deux civils et quatre policiers dans des incidents impliquant des mines terrestres, qui auraient été posées par les forces armées arméniennes. L’Azerbaïdjan affirme avoir informé la force de maintien de la paix de la Russie et le centre commun russo-turc de surveillance de ses activités, et présenté celles-ci comme visant à empêcher des provocations à grande échelle de la part des forces armées arméniennes, neutraliser leurs infrastructures militaires, et assurer leur retrait et la restauration de l’ordre constitutionnel de la République d’Azerbaïdjan. 

Le Sous-Secrétaire général a fait état d’une « grave escalade des opérations militaires », de victimes, y compris au sein de la population civile, et de l’évacuation de plusieurs milliers de personnes.  La force russe de maintien de la paix, qui a elle-même subi des pertes, a documenté de nombreuses violations du cessez-le-feu, a‑t‑il ajouté, tout en précisant que l’ONU, qui n’est pas présente dans les régions concernées, n’est pas en mesure de vérifier les diverses affirmations et allégations. 

M. Jenča a fait état de « l’extrême préoccupation » du Secrétaire général, ainsi que du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Volker Türk.  Le Secrétaire général, a‑t‑il rappelé, exhorte toutes les parties concernées au strict respect du cessez-le-feu, conformément à la déclaration commune du 9 novembre 2020, et à la mise en œuvre de leurs obligations, notamment en ce qui concerne le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. 

Le Sous-Secrétaire général a rappelé que l’escalade a fait suite à la livraison, la veille, de produits alimentaires et médicaux essentiels à travers le corridor de Latchine et la route d’Aghdam et que, ces derniers mois, les questions relatives à la liberté de mouvement des civils et à l’accès humanitaire avaient été sources de tensions entre Bakou et Erevan.  Il a pris note des préoccupations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) concernant l’impact humanitaire des derniers événements sur les personnes déjà vulnérables, du fait de l’accès extrêmement limité aux services de base et soins de santé au cours des derniers mois.

M. Jenča a ensuite appelé à replacer les événements des derniers jours dans le contexte plus large des violations régulières du cessez-le-feu. Il a pris note de l’annonce, hier, d’une cessation des hostilités et a dit comprendre que les représentants de la population locale et du Gouvernement de l’Azerbaïdjan s’étaient rencontrés plus tôt aujourd’hui pour un premier échange, une mesure qu’il a jugée positive. 

Le Sous-Secrétaire général a appelé à une cessation « crédible et durable » des hostilités, avertissant que toute nouvelle escalade serait cause de nouvelles souffrances humaines et ferait reculer encore davantage les efforts de paix soutenus par la communauté internationale.  Pour l’ONU, la protection et les besoins essentiels de la population civile, y compris leurs droits humains, doivent être la priorité absolue.  D’autre part, la seule voie à suivre est celle d’un véritable dialogue entre le Gouvernement de l’Azerbaïdjan et les représentants de la région, ainsi que l’engagement de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan dans un processus de normalisation.  Il a annoncé que le Secrétariat resterait en contact étroit avec tous les acteurs concernés et se tenait prêt à soutenir les efforts de paix en cours comme à répondre aux besoins humanitaires. 

Mme CATHERINE COLONNA, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a indiqué que son pays avait demandé la tenue en urgence de cette réunion, « compte tenu de la gravité de la situation au Haut-Karabagh ».  Après avoir massé depuis plusieurs semaines une importante quantité de troupes et de matériel militaire, l’Azerbaïdjan a décidé, le 19 septembre, de lancer une opération militaire de grande envergure, a-t-elle rappelé, ajoutant que cette opération avait touché la population civile.  Elle a condamné cette opération qui contrevient au principe de règlement pacifique des différends.  Notant qu’un cessez-le-feu a été annoncé hier, la Ministre française a jugé essentiel qu’il soit respecté. 

Pour la France, ce n’est pas l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan qui est en jeu ici, ce sont les conditions d’une paix juste et durable, a poursuivi la Ministre avant de rappeler que le Haut-Karabagh fait l’objet, depuis plusieurs mois maintenant, d’un blocus qui l’empêche de s’approvisionner en nourriture, en médicaments et en énergie.  Elle a considéré que l’Azerbaïdjan porte la responsabilité du sort de la population.  Ainsi, a-t-elle souligné, si l’Azerbaïdjan souhaite réellement parvenir à une solution pacifique et négociée, il doit dès à présent fournir des garanties tangibles. À cet égard, la Ministre française a exhorté ce pays à s’engager de bonne foi dans les discussions, à assurer l’amnistie aux forces qui ont accepté le cessez-le-feu et de rétablir, sans délai et sans condition, la circulation par le corridor de Latchine, conformément à l’ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice le 22 février 2023.  Enfin, l’Azerbaïdjan doit accepter une présence internationale humanitaire au Haut-Karabagh alors que l’hiver approche, a-t-elle ajouté. 

Elle a appelé le Conseil à apporter son soutien actif à la définition des paramètres d’une solution négociée entre Bakou et Stepanakert, et à rester vigilant face à toute tentative visant à « entraîner l’Arménie dans ces événements tragiques et à en prendre prétexte pour remettre en cause son intégrité territoriale ». Enfin elle a estimé que le Conseil doit apporter son soutien au Premier Ministre Pachinian, notant son engagement pour trouver une solution négociée avec l’Azerbaïdjan

M. IAN BORG, Ministre des affaires étrangères, des affaires européennes et du commerce de Malte, a fait part de sa vive préoccupation face à l’escalade militaire menée par l’Azerbaïdjan contre les Arméniens du Haut-Karabakh. Ces affrontements surviennent quelques semaines à peine après que le Conseil de sécurité a appelé les parties à s’engager dans un dialogue constructif afin de désamorcer la crise. Le Ministre a condamné toute action susceptible de mettre la vie des civils en péril, les personnes vulnérables au premier chef.  Il a ainsi déploré les déplacements de population et les destructions engendrés par les hostilités, tout en demandant la levée immédiate des obstacles à la livraison de l’aide humanitaire à ceux qui en ont le plus besoin.  Une rhétorique agressive et dangereuse, combinée à la propagation de la désinformation et de la mésinformation, ne feront qu’engendrer la méfiance entre les parties, a-t-il mis en garde. Afin de faire baisser les tensions et de parvenir à un règlement pacifique du conflit, le Ministre a exhorté les parties à s’abstenir de toute violence et à reprendre le dialogue et la diplomatie, avec la participation de l’Union européenne.  Il a réaffirmé en terminant son soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. 

M. AHMED BIN ALI AL SAYEGH, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a plaidé pour le dialogue et une solution pacifique à cette crise avant de saluer le cessez-le-feu conclu hier dans la région.  Notant que celui-ci a été soutenu par la Russie, il y a vu la confirmation que toutes les parties concernées ont choisi la voie du calme et de la désescalade.  Il a appelé toutes les parties à s’engager à protéger les civils et à prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et leur sûreté en cas de tensions accrues.  Il a salué le rôle joué par les équipes russes de maintien de la paix, et regretté profondément la perte de vies civiles.  Insistant sur la nécessité de maintenir et de stabiliser le cessez-le-feu, et pour les parties concernées de faire preuve de retenue et d’éviter toute escalade, le Ministre s’est dit encouragé par les pourparlers qui ont eu lieu aujourd’hui à Yevlakh et a espéré qu’ils permettront de renforcer la compréhension entre les parties.

M. TARIQ AHMAD, Ministre d’État chargé de l’Asie du Sud et du Commonwealth du Royaume-Uni, s’est dit de plus en plus préoccupé par les fortes pressions qui s’exercent sur la population du Haut-Karabakh dont les besoins humanitaires sont importants et ne cessent de croître.  Rappelant que son pays avait été encouragé par un mouvement limité de biens humanitaires via les routes de Latchine et d’Aghdam en début de semaine, il a regretté que cette possibilité de progrès ait été bloquée par l’annonce par l’Azerbaïdjan du début d’une opération militaire.  Il a également rappelé que le Royaume-Uni avait exhorté ce dernier à mettre fin à son recours à la force, à s’abstenir de toute nouvelle escalade et à reprendre le dialogue. 

Tout en reconnaissant pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, le Ministre a estimé que la puissance militaire ne pouvait être utilisée pour résoudre les tensions entre les communautés.  De même, il a jugé essentiel que les pourparlers reprennent avec les représentants des Arméniens du Haut-Karabakh, sur la base d’un plan crédible visant à garantir les droits et la sécurité de tous les habitants de la région.  « La poursuite du recours à la violence ne fera que compromettre les progrès timides vers un accord de paix durable entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie », a-t-il souligné.  Se félicitant de l’annonce d’un cessez-le-feu faite hier, il a demandé instamment à toutes les parties de le respecter, de mettre fin à la violence et d’engager d’urgence un dialogue ouvert sur un avenir sûr pour les habitants de cette région. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a appelé l’Azerbaïdjan à mettre un terme à ses activités militaires sur le territoire, à commencer par celles pouvant toucher les civils.  Elle a également exhorté les parties à respecter le droit international, et l’Azerbaïdjan à protéger les civils et à traiter humainement les combattants séparatistes.  Il faut que Bakou assure, comme elle s’y est engagée publiquement, l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire le long du corridor de Latchine menant au Haut-Karabakh, a insisté la représentante.  À ce propos, elle a indiqué que, depuis le début de la crise dans la région, les États-Unis ont accordé une aide humanitaire de 24 millions de dollars aux populations « qui ont besoin de nous ».  Enfin, elle a souligné que la seule solution à cette crise est la fin des violences et l’instauration d’une paix négociée et durable. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) s’est dite profondément préoccupée par les opérations militaires lancées par l’Azerbaïdjan en début de semaine, qui font peser un fardeau supplémentaire sur la population civile de la région du Haut-Karabakh, alors qu’elle souffre déjà d’une situation humanitaire très difficile.  Rappelant que le recours à la force pour résoudre les conflits n’est pas acceptable, la représentante a pris note du cessez-le-feu annoncé hier et demandé un arrêt durable des hostilités, considérant que la situation actuelle reste fragile. 

La représentante a rappelé au respect inconditionnel du droit international, en particulier du droit international humanitaire et des droits des minorités.  Elle a insisté pour que les acteurs humanitaires, dont le Comité international de la Croix-Rouge, puissent mener à bien leurs missions impartiales et que l’acheminement rapide et sans entrave de l’aide humanitaire soit garanti au profit des population dans le besoin.  L’évolution positive observée ces derniers jours dans le corridor de Latchine et sur la route d’Aghdam doit être maintenue.  La Suisse appelle en outre au respect des obligations découlant de la déclaration trilatérale de novembre 2020 et des décisions de la Cour internationale de justice.

La représentante a appelé à « ne pas en rester aux paroles éphémères » et à rechercher l’unité nécessaire pour agir en faveur d’un règlement pacifique et d’une paix durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, laquelle devra être acquise par la poursuite d’un dialogue à la table des négociations. La paix doit être basée sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, ainsi que sur la protection des droits des minorités, a rappelé la représentante, qui a assuré que son pays « se tient à disposition des parties si elles le souhaitent ».

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a fait état d’une forte intensification de la confrontation armée au Haut-Karabagh le 19 septembre dernier, causant la mort de civils ainsi que de cinq soldats de maintien de la paix russes et une aggravation de la situation humanitaire.  Malgré cette situation difficile, le contingent russe s’efforce de protéger la population et, avec la coopération des représentants arméniens du Karabakh et des autorités azerbaïdjanaises, de faire cesser les hostilités a-t-il assuré.  Quelque 5 000 civils ont été évacués des zones les plus dangereuses, dont plus d’un millier d’enfants, et reçoivent une aide humanitaire. 

Dans ce contexte, le représentant a considéré toute tentative d’accuser son pays d’inaction comme « infondée et absolument inacceptable ».  Un accord a été conclu le 20 septembre sur la cessation complète des hostilités et le début des négociations entre les représentants de la population arménienne du Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan, a-t-il indiqué.  La priorité absolue est désormais d’empêcher la reprise des hostilités et de ramener la situation sur le terrain politique et diplomatique, a-t-il ajouté.

La Fédération de Russie continue de jouer un rôle de premier plan dans le processus de normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, et tient plus que quiconque à la résolution rapide de la crise, a affirmé le représentant, qui a rappelé que le Président russe s’est entretenu avec son homologue azerbaïdjanais et le Premier Ministre arménien.  Pour la Fédération de Russie, la réconciliation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan devrait s’accompagner de garanties de sécurité et du respect des droits de la population du Haut-Karabakh.  En 2022, a rappelé le délégué, Erevan a reconnu que le Haut-Karabakh fait partie du territoire de l’Azerbaïdjan à l’occasion des sommets organisés sous les auspices de l’Union européenne.  Toutefois, a-t-il ajouté, les déclarations issues de ces sommets, signées par l’Arménie, ne faisaient pas mention de la nécessité de garantir les droits et la sécurité de la population arménienne du Haut-Karabakh. 

Pour le représentant, il faut maintenant élaborer une feuille de route en vue de l’intégration juridique de la population du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan, assortie de garanties de sécurité strictes.  Les déclarations des sommets trilatéraux pour 2020-2022, qui ont jeté les bases juridiques du processus de normalisation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, restent le fondement d’un règlement durable de la crise.  « Il n’existe pas d’alternative au rôle du contingent russe de maintien de la paix dans la région », a-t-il ajouté. Dans l’intervalle, la Fédération de Russie entend faciliter la normalisation des relations entre les deux pays, y compris l’élaboration d’un traité de paix, le déblocage des voies de communication, la délimitation de la frontière et l’établissement de contacts humanitaires.

M. SERGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a profondément regretté la montée des tensions et la perte de vies humaines résultant des violences de mardi dernier dans le Haut-Karabakh.  Condamnant des « actions unilatérales », il a dénoncé les attaques contre des zones peuplées, qui ont fait des dizaines de victimes, y compris des civils et des soldats de la paix russes, mettant en péril la fragile stabilité obtenue après le cessez-le-feu de 2020.  Saluant le cessez-le-feu conclu hier, il a exhorté les parties à s’efforcer de sauvegarder les droits et la sécurité de la population civile et à éviter toute nouvelle escalade. 

Le délégué a fait part de son appui à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan.  Conscient que le conflit dure depuis des générations, il a jugé essentiel d’éviter la logique de représailles et de s’abstenir de toute tentative de modifier le statut politique du territoire par la force. 

Réitérant l’appel du Brésil à la réouverture du corridor de Latchine, afin que les civils bénéficient d’un accès sans entrave à la nourriture et aux médicaments, il a demandé instamment à toutes les parties d’explorer les mécanismes permettant d’éviter l’isolement.  L’acheminement de l’aide humanitaire par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) via le corridor de Latchine et la route d’Aghdam, en début de semaine, est un signe positif, a-t-il dit. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a déclaré que rien ne saurait justifier le recours à la force militaire, en violation du droit international et du droit humanitaire international, ainsi que des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.  Il a appelé à la mise en œuvre du cessez-le-feu récemment et a souhaité que celui-ci serve de moyen de désescalade des tensions, en vue d’obtenir les garanties nécessaires de sécurité et de stabilité pour les habitants de la région.  Il a ensuite attiré l’attention du Conseil sur le problème de la liberté de circulation dans le corridor de Latchine, et de ses répercussions graves sur la situation humanitaire.  Le représentant a jugé essentiel de faciliter l’accès sans restriction à l’aide humanitaire afin d’éviter que la situation de la population civile ne se détériore.  Le représentant a ensuite appelé les parties à reprendre le dialogue et les négociations sous l’égide du Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe  (OSCE), entre autres.

M. GENG SHUANG (Chine) a appelé au respect du cessez-le-feu pour qu’un retour au calme devienne effectif le plus tôt possible et que l’acheminement humanitaire puisse parvenir sans entrave vers les populations dans le besoin. Ces deux pays voisins ne peuvent pas s’éloigner l’un de l’auteur, ils doivent reprendre la voie du dialogue dans l’intérêt de leur population et de la sécurité régionale et internationale, a ajouté le délégué.  Il les a assurés de l’appui de la Chine à tous les efforts diplomatiques qui seront engagés pour régler le différend, conformément aux normes du droit international et dans le cadre des accords conclus préalablement entre les parties. 

Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a déclaré que l’opération « antiterroriste » menée par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh il y a deux jours rappelle la fragilité de la paix dans la région.  Elle s’est toutefois dite encouragée par l’accord de cessez-le-feu conclu entre les parties et fait sien les appels en faveur de la cessation immédiate des hostilités. En cette période marquée par la multiplication des défis sécuritaires, le continent européen et le reste du monde ne peuvent guère se permettre une nouvelle escalade des tensions dans l’enclave, a-t-elle souligné.  Elle a donc encouragé les parties à faire preuve de retenue et à coopérer avec le contingent russe de maintien de la paix dans le cadre des accords convenus antérieurement. 

S’agissant de la réintégration du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan, la représentante a préconisé une approche fondée sur la réconciliation et le dialogue.  Ces développements ne doivent pas faire dérailler les accords de cessez-le-feu antérieurs, ni les progrès réalisés en vue d’un règlement global du différend entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, a-t-elle prévenu, évoquant notamment la démarcation des frontières.  La déléguée a ensuite réitéré son appel en faveur d’un accès humanitaire sans entrave aux personnes dans le besoin et de la libre circulation des personnes, des marchandises commerciales et des transports le long du corridor de Latchine. 

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) s’est dit très préoccupé par l’escalade de la violence militaire au Haut-Karabakh ayant conduit à des dizaines de morts et des centaines de blessés, dont des civils et des soldats de maintien de la paix russes.  Il s’est inquiété de la crise humanitaire que traverse la population de cette région. Appelant les parties à mettre un terme à la violence, il s’est félicité de l’accord de cessez-le-feu atteint hier entre l’Azerbaïdjan et les représentants de la population du Haut-Karabakh, sous l’égide de la force de maintien de la paix russe.  Il a exhorté les parties à respecter cet accord ainsi que la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 qui avait alors permis la fin des hostilités.

Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a condamné les combats qui ont éclaté entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, causant de nombreux morts et des déplacements de population.  Ces événements surviennent alors que la reprise des convois humanitaires des dernières semaines au Haut-Karabakh laissait entrevoir des signes de désescalade. La reprise des hostilités ne fait selon elle que compliquer le règlement politique de la crise et aggraver la situation humanitaire.  À ses yeux, seule une solution politique fondée sur la mise en œuvre de l’accord tripartite de 2020 permettra de « sortir de ces cycles de violence meurtrière », de mettre en œuvre le cessez-le-feu et de parvenir à un règlement durable du conflit.  La représentante a exprimé l’espoir que l’accord de cessez-le-feu conclu hier et les négociations en cours permettront de ramener la paix dans l’enclave, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des parties. Enfin, elle a appelé celles-ci à faciliter l’accès humanitaire sans entrave aux personnes dans le besoin. 

M. HAMAMOTO YUKIYA (Japon) a exprimé sa profonde préoccupation face à la détérioration de la situation et a appelé à la cessation immédiate des hostilités, l’Azerbaïdjan devant mettre un terme à ses activités militaires. Tout changement unilatéral visant à aggraver la situation n’est pas acceptable, a ajouté le représentant.  Il a noté que, pas plus tard qu’hier, il a été convenu de suspendre toute activité militaire, ajoutant toutefois que, même si la confrontation a cessé, la situation sur le terrain reste incertaine. 

Dans ces conditions, le Conseil de sécurité doit rester saisi de cette situation pour peser positivement sur la suite des événements, a estimé le représentant. À ses yeux, le Conseil doit tout particulièrement suivre de près l’évolution de la situation humanitaire au Haut-Karabakh, la vie des personnes les plus vulnérables, notamment les personnes malades, les personnes âgées, les femmes et les enfants, ne devant y être en aucun cas menacée.  L’accès humanitaire des organisations internationales doit être assuré pour protéger la sécurité et les besoins de la population locale, a-t-il ajouté. 

M. IGLI HASANI, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’Albanie, s’est inquiété des récents développements sur le terrain, notant que les arguments avancés par les parties divergent fortement.  Alors que l’Azerbaïdjan estime que l’Arménie organise des actes subversifs qui le pousse à lancer des mesures de lutte contre le terrorisme, pour l’Arménie, il s’agit d’une attaque militaire de grande envergure contre la population civile d’origine arménienne du Haut-Karabakh, a-t-il analysé.  Cela reflète l’énorme méfiance et le fossé qui existent entre les deux parties.  Il a appelé les parties à accorder la priorité à la protection des civils et à la préservation des zones résidentielles et des infrastructures civiles.  C’est une obligation en vertu du droit international, leur a-t-il rappelé avant d’appeler à la retenue, au calme, et au dialogue.  S’agissant de l’accord de cessez-le-feu qui a été conclu hier, le Ministre s’est félicité que « la raison a triomphé » et a appelé à son respect.  De même, il a salué la tenue aujourd’hui, à Yevlakh, de la réunion entre les représentants du Gouvernement central azerbaïdjanais et les représentants de l’ethnie arménienne qui y vit.  Les premiers résultats sont encourageants, a-t-il constaté en incitant les parties à s’appuyer sur ces résultats et à aller de l’avant pour trouver des solutions appropriées et mutuellement acceptables. 

M. ARARAT MIRZOYAN, Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, a fait observer que « l’agression planifiée » de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh avait été lancée le 19 septembre, au moment même où l’Assemblée générale commençait à débattre des moyens de sauvegarder la Charte des Nations Unies.  Cette opération militaire a placé la totalité du territoire sous les tirs indiscriminés de missiles et d’artilleries, a-t-il ajouté, accusant l’Azerbaïdjan d’avoir utilisé ces armes illégales au regard du droit international et du droit international humanitaire que sont les armes à sous-munition. 

Pour le Ministre, l’intensité et la cruauté de l’offensive montrent clairement que l’agression « barbare » de l’Azerbaïdjan, qui a pris pour cible délibérée les populations et les infrastructures civiles, constitue l’acte final d’une tragédie visant l’exode irréversible des habitants du Haut-Karabakh et le parachèvement du nettoyage ethnique de la population arménienne de la région.  Il a décrit l’agression actuelle comme étant le point culminant d’un blocus de dix mois du corridor de Latchine et de la famine forcée imposée à la population du Haut-Karabakh, avant d’évoquer la grave pénurie de nourriture, de médicaments, de carburant, de gaz naturel, d’électricité et d’autres biens essentiels qui a précipité les populations vulnérables du territoire au bord de la catastrophe humanitaire. 

Lorsque l’Azerbaïdjan a bloqué le corridor de Latchine et que l’Arménie a appelé à une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre 2022, celui-ci n’a pas réagi de manière adéquate, a déploré M. Mirzoyan. Pour lui, maintenant que l’Azerbaïdjan a recommencé à recourir à la force contre la population du Haut-Karabakh, que cette population est expulsée de force de ses maisons et risque de l’être expulsée de son pays; maintenant que beaucoup de ceux qui défendent leurs familles et leur droit à vivre librement et dignement dans leur pays depuis trente ans risquent d’être arrêtés et poursuivis en masse; et maintenant qu’abondent les preuves irréfutables qu’une politique de nettoyage ethnique et d’atrocités massives est en cours, « le Conseil de sécurité des Nations Unies doit agir ». 

Le Ministre a ainsi exhorté le Conseil à condamner la reprise des hostilités et le ciblage des infrastructures civiles, à exiger le plein respect des obligations découlant du droit international humanitaire, y compris celles liées à la protection des civils, en particulier des femmes et des enfants, et des infrastructures civiles critiques, et à déployer immédiatement une mission interinstitutionnelle de l’ONU au Haut-Karabakh.  Celle-ci aurait pour but de surveiller et d’évaluer la situation humanitaire, sécuritaire et des droits humains, d’assurer un accès sans entrave des agences des Nations Unies et d’autres organisations internationales au Haut-Karabakh, conformément aux principes humanitaires, et d’assurer le retour dans leur foyer des personnes déplacées au cours de l’agression actuelle, ainsi qu’à la suite de la guerre de 2020. 

Il faut en outre exiger le rétablissement immédiat de la liberté et de la sécurité de circulation des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine, conformément aux ordonnances de la CIJ, a insisté le Ministre.  Il a, de même, plaidé pour la mise en place d’un mécanisme international de dialogue entre les représentants du Haut-Karabakh et les responsables de Bakou pour aborder les questions liées aux droits et à la sécurité des Arméniens du territoire.  M. Mirzoyan a enfin demandé que soit examiné la possibilité d’établir une force de maintien de la paix mandatée par les Nations Unies pour que soient assurées de façon pérenne la stabilité et la sécurité au Haut-Karabakh.

M. JEYHUN AZIZ OGLU BAYRAMOV, Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a déploré la tentative de l’Arménie d’exploiter le Conseil de sécurité afin de tromper la communauté internationale, y voyant un « abus irresponsable » et une violation flagrante de la Charte des Nations Unies. En fait, a-t-il poursuivi, cette réunion survient alors que les mesures antiterroristes ont déjà pris fin et que le dialogue en vue de la réintégration à l’Azerbaïdjan des Arméniens de souche du Garabagh a commencé concrètement sur le terrain.  Lors d’une réunion tenue aujourd’hui, le représentant spécial de l’Azerbaïdjan pour le dialogue avec les résidents arméniens a d’ailleurs présenté les plans du Gouvernement en matière de réintégration et traité des questions liées à la restauration des infrastructures.  À la demande des résidents arméniens, la livraison de carburant pour les écoles, les hôpitaux et autres services d’urgence, ainsi que l’aide humanitaire, devraient reprendre prochainement, a-t-il annoncé. 

Or, un tel dialogue était auparavant impossible en raison de « l’obstruction » de la partie arménienne, a déclaré le Ministre, qui s’appuyait sur une forte présence militaire illégale sur le sol souverain de l’Azerbaïdjan. Pour lui, ce que l’Arménie tente de présenter comme une attaque contre les résidents pacifiques de la région n’est en fait qu’une mesure antiterroriste visant à désarmer les formations armées stationnées illégalement sur le territoire azerbaïdjanais.  De même, la tentative de l’Arménie d’accuser son pays de violer la déclaration trilatérale du 10 novembre 2020 est également sans fondement.  Le Ministre a accusé l’Arménie d’avoir maintenu un nombre considérable d’effectifs équipés d’armes lourdes sur le territoire de l’Azerbaïdjan, notamment en abusant du corridor de Latchine.  Il a ensuite détaillé l’important matériel neutralisé en seulement 24 heures, photos à l’appui, en affirmant qu’aucun État souverain ne tolérerait une présence militaire illégale aussi importante sur son sol. 

Bakou a mis en garde depuis plusieurs semaines contre « l’aventure militaire imminente » de l’Arménie, a rappelé le Ministre, qui a énuméré les multiples violations de la Déclaration trilatérale par les formations armées arméniennes, présentées comme la preuve que l’Arménie n’a pas abandonné ses revendications territoriales contre son pays et qu’elle n’a pas l’intention de cesser d’alimenter le séparatisme sur son territoire. 

M. Bayramov a rappelé qu’à la suite d’efforts diplomatiques internationaux, y compris de la part de membres du Conseil de sécurité, une livraison de biens humanitaires via les corridors d’Aghdam et de Latchine a finalement été effectuée le 18 septembre par le CICR, après des semaines de retards « artificiels » causés selon lui par des obstructions illégitimes de l’Arménie et de son « régime fantoche ».  Pour le Ministre, après avoir échoué à imposer son « faux discours » humanitaire à la communauté internationale, l’Arménie a eu recours à la provocation militaire dès le lendemain, dans l’espoir qu’un regain de tension l’aiderait à rejeter la faute sur Bakou.  Présentant de nouveau des photos, il a dénoncé les explosions meurtrières perpétrées par un groupe de sabotage arménien qui ont coûté la vie à deux civils et quatre policiers azerbaïdjanais.  C’est donc en réponse à ces actes subversifs que les forces armées azerbaïdjanaises ont lancé des mesures antiterroristes.  Selon M. Bayramov, ces mesures visaient exclusivement à neutraliser des cibles militaires sur son territoire souverain. Il a rejeté les accusations selon lesquelles des civils auraient été ciblés délibérément par les forces armées azerbaïdjanaises, ainsi que toute notion de « nettoyage ethnique ». 

La protection des installations administratives, sociales, éducatives, médicales et religieuses arméniennes seront dorénavant assurées conformément aux lois de l’Azerbaïdjan et aux normes du droit international humanitaire, a assuré le Ministre.  Les mesures antiterroristes ont donc atteint leurs objectifs, ce qui aurait pu se faire de manière pacifique si l’Arménie avait honoré ses engagements au titre de la Déclaration trilatérale.  De fait, la présence militaire « illégale et continue » de l’Arménie sur le territoire de l’Azerbaïdjan demeure selon lui l’obstacle le plus sérieux au processus de normalisation entre les deux pays. Malgré ces défis, il a réaffirmé une fois de plus sa volonté d’entreprendre de véritables négociations avec son voisin, sur la base du respect des intérêts légitimes de chacun. 

Mme ANNALENA BAERBOCK, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a affirmé que beaucoup trop de personnes avaient été tuées en l’espace de deux jours seulement, tandis que des milliers d’autres avaient été contraintes de fuir leur domicile.  « L’Azerbaïdjan a choisi de créer des faits accomplis par la force », a-t-elle constaté, condamnant fermement l’assaut de Bakou et l’appelant à cesser définitivement et complètement ses opérations militaires.  Prenant note des informations faisant état d’un cessez-le-feu, elle en a appelé à un arrêt complet de la violence. « L’Azerbaïdjan a la responsabilité de protéger de manière fiable et complète la population civile vivant dans le Haut-Karabakh », a-t-elle martelé, ajoutant que l’exode forcé des Arméniens du Karabakh n’était pas acceptable. 

Estimant « difficile d’imaginer les difficultés qu’endure la population du Haut-Karabakh depuis « la fermeture effective du corridor de Latchine par les autorités de Bakou », elle a regretté que juste au moment où des fournitures humanitaires avaient enfin été autorisées à entrer dans le Haut-Karabakh, Bakou n’ait pas tenu ses promesses répétées de s’abstenir de recourir à la force.  Elle a appelé à maintenir le corridor de Latchine ouvert pour des raisons humanitaires, mais aussi parce qu’« il constitue un pont culturel et social pour les Arméniens de souche vivant au Haut-Karabakh ».  La Ministre a demandé instamment à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie de reprendre le dialogue en vue d’une paix durable grâce à la médiation de l’Union européenne.  « Aucun pays ne doit utiliser cette situation pour déstabiliser la démocratie arménienne », a-t-elle averti. 

M. BURAK AKÇAPAR, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Türkiye, a rappelé que des pourparlers commençaient et qu’une paix « juste et durable » semblait enfin se dessiner.  Il a appelé toutes les parties, les tierces parties et les acteurs internationaux à tirer parti de l’occasion offerte de contribuer au règlement de ce conflit, rappelant que la Türkiye avait lancé un processus de normalisation avec l’Arménie. 

Le Vice-Ministre a toutefois estimé qu’au cours des trois dernières années, la partie arménienne avait rechigné à pleinement mettre en œuvre l’accord trilatéral de 2020.  Il a regretté que malgré l’accord, des activités militaires se soient ensuite poursuivies au Haut-Karabakh et que des armes lourdes aient été utilisées contre la population de l’Azerbaïdjan, estimant que ce dernier avait essayé de régler la situation par le dialogue avec l’Arménie, se heurtant à une attitude non coopérative.  Le délégué a également affirmé que les démarches pour réintégrer la population arménienne de la région au sein de l’Azerbaïdjan avaient été refusées. Dénonçant des accusations infondées lancées par la partie arménienne, basées sur des rapports de soi-disant experts, il a estimé que cela contrevenait aux tentatives de négocier de bonne foi. 

« Après avoir souffert de cette situation pendant trois ans, l’Azerbaïdjan n’avait pas d’autre choix que de prendre les mesures qu’il estimait nécessaire pour sa propre sécurité », a affirmé M. Akçapar.  Il a rappelé que, quelques heures avant le début des opérations, l’Azerbaïdjan avait perdu sept civils dans deux explosions de mines installées par des groupes armés.  Il a souhaité que les contacts en cours permettent de mettre fin à conflit ancien et a lancé un appel pour que les résidents arméniens du Haut-Karabakh vivent en paix en Azerbaïdjan.  Il a également appelé l’Arménie à ne pas répéter ses erreurs passées et à ne pas manquer une occasion historique d’aboutir à la paix. 

M. JOSEP BORRELL FONTELLES, Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré que l’Azerbaïdjan a la responsabilité de garantir le plein respect des droits et de la sécurité des Arméniens du « Karabakh ».  Il a souligné que le recours à la force pour résoudre les différends n’est pas acceptable, et a condamné l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan, déplorant les victimes et les pertes en vies humaines causées par cette escalade.  Il a pris note des annonces respectives de cessez-le-feu et espéré que la cessation des hostilités sera maintenue.  Il a souligné que la population locale a un besoin urgent d’aide humanitaire et a appelé au respect de ses droits et de sa sécurité. 

Il a demandé à l’Azerbaïdjan de garantir un accès humanitaire sans entrave à la population civile dans le besoin, notamment par la réouverture complète du corridor de Latchine, la Commission européenne ayant annoncé le décaissage d’urgence d’une aide humanitaire de 500 000 euros. L’Azerbaïdjan doit également s’engager dans un dialogue transparent avec les Arméniens du Haut-Karabakh pour que soient garantis leurs droits et leur sécurité, y compris leur droit de vivre dignement dans leur foyer, a-t-il insisté.  Il a rappelé que l’UE soutient pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie avant d’appeler à la reprise des négociations entre ces deux pays sur toutes les questions en suspens, afin de conclure un traité de paix.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Assemblée générale: les pays les moins avancés exposent leurs griefs et réclament des réformes du système financier mondial pour bâtir leur futur

Soixante-dix-huitième session,
8e et 9e séances plénières – matin & après-midi
AG/12534

Assemblée générale: les pays les moins avancés exposent leurs griefs et réclament des réformes du système financier mondial pour bâtir leur futur

Les appels à de profonds changements se sont poursuivis en ce troisième jour de débat général de l’Assemblée générale des Nations Unies.  Outre la réforme du Conseil de sécurité, il a aujourd’hui beaucoup été question de réformer l’architecture financière internationale: des initiatives réclamées d’urgence par les pays les moins avancés (PMA), dont 15 se sont exprimés aujourd’hui. 

Il ne suffit pas d’appeler à la prospérité pour tous si les règles commerciales et les systèmes financiers aggravent la pauvreté des nations, a ainsi sèchement souligné le Président du Malawi, un PMA en proie au choléra, à la sécheresse et aux cyclones.  « Annulez les dettes »! a-t-il d’ailleurs scandé à la tribune, affirmant que seul ce type d’actes forts pourrait permettre de rattraper les pertes économiques de la pandémie de COVID-19 et les deux années de progrès perdues à cause de la guerre en Ukraine.  D’ici là, il compte continuer de « frapper aux portes des institutions financières qui restent trop lentes, trop insensibles et trop rigides ». 

Même son de cloche de son homologue zimbabwéen, qui a parlé d’une architecture « excluante », incapable de fournir aux PMA les ressources nécessaires pour les aider à financer leur développement en matière de santé et d’environnement.  Outre l’annulation et la restructuration de la dette, le dirigeant a réclamé des prêts concessionnels à long terme ainsi qu’un accès accru aux droits de tirage spéciaux (DTS) non utilisés.  « Pour rétablir la confiance, il est impératif que le Nord tienne ses promesses et écoute les voix du Sud », a ajouté le Chef de l’État tanzanien; mais il a concédé que le Sud devrait aussi, de son côté, augmenter ses recettes nationales en mettant fin à l’hémorragie de ses ressources naturelles et aux sorties illicites de capitaux. 

L’aide publique au développement (APD) a, elle aussi, été brocardée.  « Politiquement orientée », elle est synonyme d’aumône organisée, a lancé le Président du Congo, qui a ironisé sur « les subventions au compte-goutte, distillées au rythme des intérêts propres des donateurs ».  Le dirigeant du Burundi a dit ressentir aussi de la « mauvaise foi » dans cette forme d’aide, puisqu’en parallèle, les ressources offertes pour assurer la relance de son pays –et son indépendance économique- régressent. 

Sur le plan de la gouvernance, il n’a pas échappé au Président de la Guinée qu’après la pandémie de COVID-19, l’Afrique est aujourd’hui frappée par une « épidémie de coups d’État », en particulier les pays francophones du sud du Sahara.  Il l’a expliquée par des promesses non tenues, par l’apathie de la population et le « tripatouillage des constitutions » aux dépens des intérêts nationaux, ainsi que par la mauvaise répartition de la richesse.  Dénonçant l’héritage politique des pays colonisateurs et l’imposition insidieuse et inefficace du modèle démocratique aux Africains, il n’en a pas moins mis en garde ses homologues contre la corruption des élites africaines.  Car le putschiste, a glissé le dirigeant guinéen, n’est pas seulement celui qui prend les armes pour renverser un régime, mais également ceux, « plus nombreux », qui ont recours à la duplicité pour « manipuler la Constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir ». 

Le conflit au Soudan a par ailleurs préoccupé les dirigeants des pays voisins.  Le Président de la République centrafricaine a ainsi relevé que 51 077 réfugiés soudanais et tchadiens avaient déjà été enregistrés dans la préfecture centrafricaine de la Vakaga, exposant sa population à des risques humanitaires et sécuritaires.  Son homologue du Soudan du Sud a aussi indiqué que l’afflux de réfugiés soudanais et de rapatriés du Soudan du Sud avait mis à rude épreuve les communautés sud-soudanaises.  Le dirigeant soudanais a répondu en affirmant faire son possible pour mettre fin à la guerre, attribuant les échecs des négociations à l’« intransigeance » des rebelles, qu’il souhaite voir désignés comme « groupes terroristes » par la communauté internationale.  Rappelant que son gouvernement avait accepté l’initiative de paix lancée par le Soudan du Sud, l’Ouganda et la Türkiye, il a concédé que la guerre touchait massivement les populations civiles et pouvait embraser toute la région.  Il a lancé un appel pour obtenir aide alimentaire, médicaments et abris: « nos besoins sont énormes », a-t-il déclaré. 

Le dirigeant d’un autre pays en proie à un conflit meurtrier, le Chef de l’État yéménite, a appelé la communauté internationale à veiller à ce que les fonds destinés au Yémen ne tombent pas dans l’escarcelle des rebelles houthistes, « lesquels continuent de violer le système bancaire et de mener des actions de blanchiment ». Faute de cette assistance, les institutions du Yémen resteront faibles et sous-financées, a averti le Président. 

En écho aux appels des PMA, le Président du Conseil européen a appelé à accroître la capacité de prêt des institutions financières internationales, rappelant qu’en 60 ans, le pouvoir de financement de la Banque mondiale, proportionnellement à la production mondiale, avait été divisé par 7.  La Ministre des affaires étrangères de la France a appelé tous les États à endosser le « Pacte de Paris pour les peuples et la planète » qui prévoit notamment la réallocation de 100 milliards de DTS. 

Les efforts nationaux ne suffiront pas à eux seuls à garantir le succès des objectifs de développement durable (ODD), a prévenu le Président de Sri Lanka qui, comme les PMA, a plaidé pour une solidarité mondiale et averti qu’une absence de restructuration de l’ordre budgétaire mondial ferait échouer la lutte contre les changements climatiques.  « Il est encore temps de rectifier le tir car la crise n’a pas atteint son paroxysme », a-t-il voulu croire, en misant sur le prochain Sommet de l’avenir en 2024. 

Aspirant lui aussi à un avenir meilleur, le Président de l’État de Palestine a rappelé que le processus de paix israélo-palestinien se trouve dans une impasse « en raison de la politique israélienne ».  Il a exhorté l’ONU et son Secrétaire général à convoquer une conférence de paix afin de sauver la solution des deux États et empêcher une détérioration de la situation qui menacerait « non seulement la région, mais aussi le monde entier ». 

Le débat général de la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale reprendra demain, vendredi 22 septembre, à 9 heures.

SUITE DU DÉBAT GENERAL

Déclarations

M. RASHAD MOHAMMED AL-ALIMI, Président du Conseil présidentiel du Yémen, a expliqué que son pays reste concentré sur la recherche de la paix afin de faire cesser les souffrances du peuple yéménite, rétablir la confiance dans les institutions nationales et continuer le développement durable.  Saluant les pays qui soutiennent l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Yémen, le Président a remercié tout particulièrement l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour leur solidarité.  L’appui de ces « pays frères » a empêché l’effondrement complet de nos institutions attaquées par les milices houthistes soutenues par l’Iran, a-t-il affirmé, reconnaissant toutefois qu’en dépit de cette dynamique régionale et internationale, « les problèmes demeurent ».  Il a d’autre part exprimé sa gratitude à l’Arabie saoudite, au Sultanat d’Oman et à l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour leurs efforts de médiation, formant l’espoir que les houthistes admettront que seul un État fondé sur l’état de droit peut permettre de rétablir la stabilité et la sécurité. 

Pour l’heure, le Président a appelé la communauté internationale à la méfiance quant aux intentions des houthistes, mettant en garde contre tout « autosatisfecit » lié aux accords passés avec les miliciens.  Selon lui, les houthistes utilisent les accords de paix comme moyen de gagner du temps et des ressources.  Il faut donc obtenir des garanties solides et s’assurer que tout accord de paix débouche sur des résultats tangibles, a-t-il souhaité.  Les victimes doivent en bénéficier en priorité, mais il convient également de ranimer la confiance du peuple dans les institutions légitimes et de reconstruire des relations de voisinage, notamment avec les pays du Conseil de coopération du Golfe, a poursuivi le Chef de l’État.  Dans le même temps, il a jugé important de renforcer l’économie du pays pour que le Gouvernement puisse fournir des services et mettre fin à l’action des milices. Pour cela, a-t-il dit, les grandes puissances doivent envoyer un message fort aux houthistes, leur disant de ne pas renverser le système constitutionnel.  De même, pour permettre au pays de passer des secours d’urgence au développement durable, la communauté internationale doit veiller à ce que les fonds destinés aux institutions nationales ne tombent pas dans les mains des houthistes, « lesquelles continent de violer le système bancaire et de mener des actions de blanchiment ». 

Faute de cette assistance, les institutions du Yémen resteront faibles et sous-financées, a averti le Président, pour qui chaque report de l’aide internationale occasionne des souffrances supplémentaires pour les Yéménites. À cet égard, il a signalé que le budget de l’État yéménite ne peut plus faire face aux besoins, en raison notamment des attaques houthistes contre les installations pétrolières du pays.  S’il n’y avait pas les donations de l’Arabie saoudite, nous ne pourrions pas honorer nos obligations de base, a-t-il expliqué, non sans saluer les annonces de contributions des Émirats arabes unis, des États-Unis et de l’Union européenne.  Appelant en outre la communauté internationale à condamner les ingérences du « régime iranien » et de le soumettre à des sanctions, il a signalé une augmentation des attaques houthistes en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.  Ces actions visent à déstabiliser la région et à saper tout processus politique, a dénoncé le Président, qui a aussi demandé aux États Membres de respecter l’embargo sur les armes et d’empêcher l’Iran de fournir des capacités militaires aux houthistes.  Enfin, après avoir réaffirmé l’attachement du Yémen aux traités internationaux dont il est partie, en particulier dans le domaine des droits humains, il a exprimé son soutien au peuple palestinien et a adressé ses condoléances à la Libye et au Maroc. 

M. FAUSTIN ARCHANGE TOUADERA, Président de la République centrafricaine, a d’abord exprimé sa solidarité aux peuples du Maroc et de la Libye, durement frappés par des catastrophes naturelles.  Il a espéré que ces catastrophes interpellent la communauté scientifique quant à l’urgence d’identifier les régions du monde vulnérables aux événements climatiques extrêmes et de donner les informations nécessaires aux États concernés afin d’en limiter les dégâts.  Il a également évoqué l’arrivée massive de milliers de jeunes Africains sur l’île italienne de Lampedusa, à la recherche d’un eldorado en Europe, conséquence selon lui des pillages des ressources des pays d’Afrique, des ravages de la colonisation, de l’esclavage et de l’impérialisme occidental.  Il a cependant salué la solidarité internationale et l’action de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans cette tragédie. 

M. Touadera a ensuite évoqué le confit armé interne « d’une rare cruauté » qui a éclaté au Soudan en avril dernier, alors même que le pays était sur la voie de la normalisation.  Il a noté que 51 077 réfugiés soudanais et tchadiens ont déjà été enregistrés dans la préfecture centrafricaine de la Vakaga, ce qui expose la population de son pays, « certes résiliente », à des risques d’aggravation de la situation humanitaire et d’insécurité.  Le Président en a appelé à la solidarité internationale en faveur des réfugiés et à prendre en compte l’impact de cette crise sur la géopolitique régionale. 

La persistance des conflits dans le monde, comme en Ukraine, a-t-il poursuivi, soulève des interrogations quant à l’efficacité de certains mécanismes de prévention et de règlement pacifique des différends.  C’est pourquoi M. Touadera a réaffirmé sa volonté de réforme du Conseil de sécurité, afin d’en augmenter le nombre de membres africains permanents et non permanents. « Ce ne sera que justice », a-t-il déclaré. 

Il a également dénoncé les blocus économiques unilatéraux frappant le peuple centrafricain avec la reconduction, le 29 juillet 2023, de l’embargo sur les armes contre le pays.  Une « décision cynique », selon lui, « motivée par des rapports fallacieux et tronqués », qui traduisent une volonté d’instrumentaliser les régimes des sanctions à des fins de pression politique.  À travers les embargos sur les armes et diamants reconduits depuis plus de 10 ans, il ne s’agit rien de moins pour le Président centrafricain que de pérenniser l’insécurité et la mainmise sur les ressources naturelles du pays au profit de puissances étrangères, peu importe que ces embargos compromettent gravement les capacités du pays à réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Concernant les changements climatiques, il a regretté que les promesses de financement des pays historiquement émetteurs ne bénéficient pas aux « victimes innocentes » de la surexploitation des ressources comme la République centrafricaine. 

Enfin, M. Touadera a dénoncé les campagnes de désinformation et de dénigrement menées par certains médias occidentaux contre son pays.  Le 30 juillet dernier, une nouvelle Constitution a été adoptée par son peuple avec une majorité écrasante de 95,3% et un taux de participation de plus de 57%, a-t-il fait valoir avant d’assurer que le Gouvernement poursuit l’exécution de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine.  Il a dissous neuf groupes armés, s’est-il félicité.

M. LAZARUS McCARTHY CHAKWERA, Président du Malawi, a fait remarquer que lorsque les dirigeants du monde parlent d’avenir à la tribune de l’Assemblée générale, ils parlent d’un avenir qui ne leur appartient pas, mais qui appartient à leurs enfants et petits-enfants.  Il ne suffit pas d’appeler à la prospérité pour tous, a-t-il poursuivi, si les règles commerciales et les systèmes financiers continuent d’aggraver la pauvreté des autres nations.  Pour ce qui concerne son pays, il a parlé de son plan de mise en œuvre des 17 ODD, qui lui a permis d’être en bonne voie sur cinq d’entre eux (faim, santé, éducation, eau et vie aquatique), tout en regrettant que les autres n’aient encore pu être atteints.  Soulignant que son pays avait besoin de soutien pour sauvegarder ces progrès réalisés et renforcer la résilience de son économie, il a expliqué que le Malawi avait connu cette année à la fois la pire épidémie de choléra de son histoire, une sécheresse entraînant des pertes agricoles importantes et un cyclone faisant plus d’un millier de morts et un demi-million de déplacés. 

Les PMA ont besoin de décisions et d’actions sur le financement climatique, a-t-il rappelé, exigeant des actes forts s’agissant de l’annulation de leurs dettes.  « Annulez les dettes! » a martelé le Président à la tribune, en rappelant que seul ce type de mesures pourrait permettre de rattraper les pertes économiques de la pandémie de COVID-19 et les deux années supplémentaires de progrès « perdues à cause de la guerre en Europe de l’Est ».  L’argent dépensé pour le service de la dette devrait plutôt servir à la reconstruction des routes, écoles, hôpitaux, entreprises et moyens de subsistance, a-t-il déclaré.

M. Chakwera a indiqué que son pays voulait non seulement renforcer sa résilience économique, mais aussi continuer, pour combler les déficits de financement des ODD, à « frapper aux portes des institutions financières qui restent trop lentes, trop insensibles et trop rigides ».  Si le Malawi est attaché à un système international fondé sur des règles, ces règles, qui ont longtemps joué contre les PMA, doivent être changées, a-t-il prié.  C’est pourquoi le Malawi est également favorable à une « réforme radicale » du Conseil de sécurité, a-t-il poursuivi, fondée sur des valeurs de démocratie, d’inclusion, de responsabilité et de confiance.  Il a relevé à cet égard, comme un élément significatif, qu’à l’occasion de cette session de l’Assemblée générale axée sur la confiance et la solidarité, un seul chef d’État parmi les membres permanents du Conseil, le Président des États-Unis, s’était présenté à la tribune. « Ce n’est pas ainsi que l’on construit la confiance et que l’on fait preuve de solidarité. »  Faisant écho aux mots du Président Joseph Biden, il a insisté sur le fait que l’Afrique devait avoir des sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU avec droit de veto. 

Le Président du Malawi a conclu son intervention en appelant de ses vœux une ONU réformée et un « nouveau paradigme de développement » qui tienne compte des intérêts du monde en développement, en matière d’innovation, de résilience climatique, de développement des capacités de chaque continent à faire face aux futures pandémies, et qui encourage les jeunes à prendre les commandes pour atteindre les ODD.

M. TANETI MAAMAU, Président de Kiribati, s’est félicité que cette session de l’Assemblée générale vise à « reconstruire la confiance et raviver la solidarité mondiale ».  Face aux tensions, aux disparités économiques et aux défis provoqués par les pandémies, les crises et les catastrophes climatiques, cet appel souligne la nécessité pour les pays de rétablir la confiance dans la coopération et la diplomatie multilatérales, a-t-il salué, appelant à un engagement mutuel pour forger des partenariats stratégiques.  Il a souligné le fait qu’aucune nation ne peut prospérer dans l’isolement et qu’il importe de travailler ensemble, comme l’a démontré l’expérience pandémique.  Dans ce contexte, le Président a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur des objectifs de développement durable (ODD), rappelant qu’en 2018, Kiribati a été l’un des rares États Membres à présenter son rapport national volontaire.  Dans l’optique de 2030, il a invité les pays à faire preuve d’ambition et de mobilisation pour garantir la réalisation à temps de ces objectifs.  Toutefois, rien ne garantit que les ODD seront atteints, a-t-il reconnu, craignant dès lors que la sortie de Kiribati de la catégorie des pays les moins avancés (PMA) ne soit pas durable.

Le Président a ensuite rappelé que, depuis son indépendance en 1979, Kiribati a bénéficié de 44 années de gouvernance stable et pacifique.  Tout en reconnaissant que son pays manque des capacités et des compétences nécessaires à son développement, il a souligné la concorde confessionnelle qui y règne et la volonté de son gouvernement de parvenir à l’équilibre entre les sexes et à l’égalité des chances.  Kiribati a ainsi renforcé ses politiques et ses lois pour soutenir et autonomiser les femmes et les filles, les personnes handicapées, les seniors, les chômeurs, les jeunes et les enfants, s’est-il enorgueilli.  Le Chef de l’État a également souligné l’attachement de son pays aux buts et principes de la Charte des Nations Unies.  Il s’est toutefois alarmé des menaces liées à l’existence d’armes nucléaires, au rejet d’eaux traitées nucléairement et à la fuite de matières radioactives dans l’océan Pacifique.  Assurant que Kiribati continuera de promouvoir la non-prolifération et l’élimination totale des armes nucléaires, M. Maamau s’est prononcé pour le versement de compensations aux habitants de l’île Christmas qui ont été exposés aux essais nucléaires. 

Après avoir plaidé pour l’intensification de la lutte contre la corruption, le Président a souligné les efforts de son gouvernement pour améliorer la prospérité nationale, notamment par le biais de l’apprentissage et du renforcement des capacités.  Saluant le soutien des partenaires de développement, il a souhaité que cet appui soit coordonné pour garantir une distribution juste et inclusive de ressources limitées.  L’objectif, a-t-il dit, est d’accélérer la réalisation des ODD, en dépit des défis auxquels Kiribati est confronté, qu’il s’agisse de son isolement géographique, de la dispersion de ses îles au sein de sa zone économique exclusive ou de sa vulnérabilité aux changements climatiques.  Mais ces efforts s’avèrent très coûteux, a-t-il fait valoir.  Pour exploiter durablement nos ressources océaniques, nous avons besoin d’une aide financière et d’un accès aux capacités, technologies et équipements appropriés, a-t-il insisté, invitant également les pays développés à consacrer à l’adaptation aux changements climatiques davantage de fonds que ce que prévoit l’Accord de Paris.  Cela permettrait notamment financer les pertes et dommages et de faciliter les investissements dans l’alerte précoce, a-t-il conclu. 

M. EMMERSON DAMBUDZO MNANGAGWA, Président du Zimbabwe, s’est réjoui de la consolidation de la démocratie et de l’état de droit dans son pays, à la suite des élections générales organisées cette année.  Pourtant, a-t-il protesté, le Zimbabwe est soumis depuis 23 ans à des sanctions économiques « illégales et unilatérales imposées par certains pays occidentaux », visant à « soumettre » la volonté souveraine du peuple zimbabwéen.  Il a exigé leur levée inconditionnelle, comme celles imposées à des pays comme Cuba.  Malgré ces sanctions, le peuple du Zimbabwe maîtrise son destin en utilisant ses propres ressources intérieures.  Au cours des trois dernières années, le pays a connu la croissance économique la plus rapide d’Afrique australe, a affirmé le Président.  En outre, le Zimbabwe donne la priorité à l’élimination de la pauvreté et à l’amélioration de la qualité de vie de sa population, en particulier celle des zones rurales.  L’autonomisation et le renforcement des capacités des petits agriculteurs ont permis de parvenir à la sécurité alimentaire et nutritionnelle au niveau national.  Cette année, le pays deviendra d’ailleurs exportateur net de son blé.

Cependant, le Zimbabwe n’a pas été épargné par les effets négatifs des changements climatiques, a souligné M. Mnangagwa.  C’est pourquoi le Gouvernement continue de réaliser les investissements nécessaires pour renforcer la résilience de ses infrastructures face aux changements climatiques et que des barrages sont construits dans tout le pays.  Un programme ambitieux, mais réalisable, vise à creuser des forages alimentés à l’énergie solaire dans chacun des 35 000 villages du pays.  « Le Zimbabwe est ouvert aux affaires », a lancé le Président: des pôles d’innovation et des parcs industriels créés au sein des établissements d’enseignement supérieur incitent les étudiants à se tourner vers le développement et la production de biens et de services.

Réformer les institutions financières mondiales est essentiel pour débloquer des financements pour les pays en développement, a poursuivi le Président.  L’architecture actuelle est selon lui « excluante ».  Dominée par quelques États, elle est incapable de fournir à ces pays les ressources nécessaires pour financer leur développement en matière de santé et d’environnement.  Les lacunes du dernier cycle d’allocation de droits de tirage spéciaux (DTS) doivent être corrigées, a-t-il ajouté.  Soutenant le plan de relance proposé par le Secrétaire général, le Président a en outre demandé des prêts concessionnels à long terme, un accès accru aux DTS non utilisés, ainsi que la possibilité d’avoir recours à des modalités telles que l’annulation et la restructuration de la dette.  De même, la mise en place d’une architecture de sécurité mondiale juste et inclusive est devenue urgente.  « Le maintien de la paix et de la sécurité ne devrait jamais être l’apanage de quelques privilégiés », a argué le Président, avant de réaffirmer les appels de l’Afrique à une réforme du Conseil, conformément au Consensus d’Ezulwini et à la Déclaration de Syrte.

M. JOSÉ RAMOS-HORTA, Président du Timor-Leste, a déclaré qu’au cours des 20 dernières années, depuis l’indépendance de son pays, les indicateurs économiques et sociaux du Timor-Leste n’ont cessé de progresser, notamment en termes d’espérance de vie, de réduction de la pauvreté et de mortalité infantile.  Cela est dû presque entièrement à la solidarité cubaine, a-t-il précisé, même si notre propre gouvernement continue de contribuer pour une part importante au financement des programmes de coopération sanitaire en cours.  Aujourd’hui, 96,1% des habitants ont l’électricité et les panneaux solaires sont largement utilisés au profit des foyers pauvres et isolés, a-t-il encore indiqué, et l’accès à Internet s’améliorera considérablement dans les prochaines années grâce au déploiement de la fibre optique. 

Le Chef de l’État a aussi salué les progrès réalisés ces dernières années en matière de promotion du leadership des femmes au niveau national, 34% des sièges au Parlement national étant occupés par des femmes.  Après avoir souligné le lancement, en 2022, d’un plan d’action national pour mettre fin à la violence basée sur le genre au cours de la prochaine décennie impliquant la société civile, il a attiré l’attention sur le rôle accru que joue son pays au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et l’adhésion prochaine du Timor-Leste à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  Par ailleurs, il a considéré que la communauté internationale devrait accroître son appui aux pays fragilisés par un conflit afin de les aider à relever les défis du développement, de la stabilité et la de résilience. 

M. Ramos-Horta a jugé essentiel que le Conseil de sécurité réforme son fonctionnement et sa composition, selon lui « anachroniques », pour répondre efficacement aux crises au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée.  « Le Timor-Leste condamne l’invasion, la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine », a ajouté le Président, notant que les conséquences économiques et environnementales de la guerre touchent le peuple ukrainien, mais aussi les Russes et le reste du monde.  Enfin, pour répondre aux défis climatiques, les pays les moins avancés et les petits État insulaires en développement devraient pouvoir bénéficier des efforts combinés visant à débloquer des financements grâce à l’allégement de la dette, à rationaliser le financement international sur la base des taux d’intérêt les plus bas, et à augmenter l’aide publique au développement. 

M. SALVA KIIR MAYARDIT, Président du Soudan du Sud, a indiqué que son pays était attaché au multilatéralisme et à la coopération internationale, qui selon lui sont les meilleurs moyens d’atteindre des objectifs et aspirations communs.  Il a insisté sur la nécessité de rétablir la confiance et la solidarité sur la base de l’égalité souveraine de tous les États pour relever les défis du développement.  Le Soudan du Sud, a-t-il expliqué, a à cette fin élaboré un plan prévoyant sept cibles pour atteindre les ODD, dans lequel l’éducation est clef. 

Le Président a cité quelques exemples des progrès réalisés dans ce domaine par son pays, notamment l’inclusion dans la Constitution de l’accès garanti à l’éducation gratuite, l’éducation étant prévue comme un droit humain de chaque enfant.  Il a également rappelé qu’une loi avait été votée pour interdire le mariage des enfants et permettre aux filles de recevoir une éducation au même titre que les garçons. Il a enfin expliqué que son pays avait revalorisé les salaires des enseignants pour leur permettre de « joindre les deux bouts ».  Concernant les soins de santé, autre ODD prioritaire, M. Kiir a souligné que son pays fait le nécessaire pour que le système de santé permette à tous d’accéder à des soins de bon niveau, à des prix abordables. 

Concernant les changements climatiques, il a indiqué vouloir promouvoir non seulement l’utilisation durable des terres mais aussi la production d’énergies renouvelables, en coopérant avec ses partenaires internationaux. Il a jugé juste, dès lors, d’appeler les pays développés à diminuer leurs propres émissions de 45% et à s’engager davantage pour soutenir les pays en développement, notamment par le biais du fonds pour les pertes et dommages.  À ce titre, il a estimé que le Sommet africain sur le climat, qui s’est tenu début septembre à Nairobi au Kenya, avait représenté un tremplin pour raviver la solidarité et mettre en œuvre le Programme 2030.

Le Président a reconnu que le Soudan du Sud avait connu des « difficultés depuis 2013 » mais que le pays avait tourné la page en signant l’Accord de paix revitalisé de 2018, lui permettant désormais de se consacrer à sa stratégie de développement, de consolider la paix et de stabiliser son économie.  Plusieurs dispositions de cet accord de paix doivent encore être mises en œuvre, a-t-il indiqué, notamment des élections transparentes, libres et régulières en 2024. À ce titre, il a insisté sur le dialogue renoué avec la société civile et l’opposition pour s’assurer que le processus de paix soit « aux mains des citoyens ».  Il a aussi lancé un appel aux Nations Unies pour que soit levé l’embargo sur les armes qui vise le Soudan du Sud, un embargo qui a jusqu’à présent entravé la mise en œuvre des modalités de sécurité nécessaires à l’organisation de ces élections. 

Évoquant en conclusion le conflit au Soudan voisin, il a indiqué que l’afflux de réfugiés soudanais et de rapatriés du Soudan du Sud avait mis à rude épreuve les communautés sud-soudanaises.  Il a donc demandé à la communauté internationale, dans l’attente d’une stabilisation de la situation dans ce pays, de mettre à disposition des ressources et un soutien durable pour aider les réfugiés et déplacés au Soudan du Sud.

M. MAMADI DOUMBOUYA, Président de la Guinée, a souligné qu’après la pandémie de COVID-19, l’Afrique est aujourd’hui frappée par une « épidémie de coups d’État », en particulier les pays francophones du sud du Sahara.  Pendant que le monde condamne, impose des sanctions et s’émeut, à juste titre, de la « brusque » réapparition de cette pratique que l’on croyait révolue, le Président a souhaité que la communauté internationale ait « l’honnêteté » de ne pas dénoncer les seules conséquences de ces coups de force, mais aussi d’en examiner les causes profondes.  « Le putschiste n’est pas seulement celui qui prend les armes pour renverser un régime », a-t-il argué, mais également ceux, plus nombreux, qui ont recours à la duplicité pour manipuler la Constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir.  Le Président a visé ainsi « ceux en col blanc qui modifient les règles du jeu pendant la partie pour conserver les rênes du pays ».  La « rectification institutionnelle » à laquelle il a pris part le 5 septembre 2021 n’était à ses yeux qu’une conséquence du chaos qui fissurait le tissu social de son pays. 

Pour expliquer la multiplication des coups d’État en Afrique de l’Ouest, M. Doumbouya a cité les promesses non tenues, l’apathie de la population, le « tripatouillage des constitutions » aux dépens des intérêts nationaux.  Qui plus est, la mauvaise répartition de la richesse engendre des « inégalités sans fin », la famine et la misère. L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui lui a été imposé par l’Occident et qui s’adapte mal aux réalités et aux coutumes africaines, a-t-il analysé en tirant la conclusion que ce modèle démocratique « insidieusement » imposé aux Africains par l’Occident ne fonctionne pas.  Ce modèle a contribué « à entretenir un système d’exploitation et de pillage de nos ressources par les autres », a-t-il regretté avant de dénoncer aussi la corruption des élites africaines considérées comme des démocrates « en fonction de leur docilité ou de leur aptitude à brader les ressources et les biens de leurs peuples », ou encore « à céder aux injonctions d’institutions internationales au service des grandes puissances ».  Dans ce contexte, il a dit comprendre, « sans les approuver », ceux qui ont cédé à ce qu’on leur demandait. 

Pour sa part, cependant, M. Doumbouya a affirmé n’avoir pour seule préoccupation que le bien-être de son peuple.  Bien que le Sahel traverse l’une des crises les plus graves de sa « très vieille histoire », il saura y faire face, a-t-il assuré.  À cette fin, il a jugé que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) devrait revenir à sa vocation économique et cesser de se mêler de politique pour privilégier le dialogue.

« Nous, Africains, sommes fatigués, épuisés des catégorisations dans lesquelles les uns et les autres veulent nous cantonner », a poursuivi le Président, en s’insurgeant contre ces classements « insultants » qui les placent sous l’influence des Américains, des Français ou encore des Russes. « Nous ne sommes ni pros ni anti-Américains, ni pro ni anti-Chinois, ni pro ni anti-Français; nous sommes tout simplement pro-Africains », a-t-il martelé.  Avec plus d’un milliard d’Africains dont environ 70% de jeunes « totalement décomplexés », il est temps selon lui de prendre conscience que les règles issues de l’après-guerre, lorsque les États africains n’existaient pas, sont périmées.  Le moment est venu « d’arrêter de nous faire la leçon, d’arrêter de nous traiter comme des enfants », a conclu M. Doumbouya, pour qui cette « infantilisation est du plus mauvais effet pour une jeunesse africaine qui s’est émancipée ».

M. EVARISTE NDAYISHIMIYE, Président du Burundi, a considéré que la confiance et la solidarité, en tant valeurs qui devraient caractériser les relations entre les États, sont fragilisées car mises au service d’intérêts particuliers. Nous devons les libérer, a-t-il plaidé, pour qu’elles soient des valeurs partagées et retrouvent leur sens originel « perdu de manière fracassante avec la colonisation et l’expansion d’autres idéologies égoïstes qui veulent que les pays moins développés soient enfoncés davantage au profit des pays riches ».  Pour le Chef de l’État, la colonisation a raté son tournant car elle aurait pu créer une solidarité par la rencontre des cultures et des savoir-faire et par un partenariat mutuellement bénéfique à la place d’un partenariat « de dépendance ».  Il a blâmé les effets du néocolonialisme caractérisés par l’ingérence multiforme dans les affaires intérieures des États en développement, l’injuste rémunération des matières premières et les fortes exigences imposées par les institutions de Bretton Woods.  Pour le Président, « l’aide au développement et autre partenariat pour le développement sont autant de termes imprégnés de mauvaise foi ».  Ces termes prolifèrent pour voiler l’hypocrisie alors que les ressources mises en action pour espérer des rendements économiques susceptibles d’assurer la relance, elles, régressent, a-t-il jugé. Fort de ce constat, il a appelé à transcender les besoins et les intérêts des États, la solidarité internationale devant veiller à ce que tous les pays puissent interagir entre eux sur un pied d’égalité. 

Le Chef de l’État a ensuite assuré que son gouvernement et le peuple burundais sont déterminés à optimiser les dividendes d’une paix et d’une réconciliation nationale « si chèrement acquises ».  Pour cela, a-t-il expliqué, notre cheval de bataille est la promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre toute forme d’injustice.  Il a mis l’accent sur les efforts consentis en matière d’amélioration de la gestion de la chose publique et de renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance.  En instaurant un climat propice aux affaires, le Burundi est devenu un lieu sûr pour les opportunités en matière d’investissement et d’activités économiques diverses, a assuré M. Ndayishimiye.  En outre, pour gagner le pari économique, son pays met à l’avant-garde les jeunes et les femmes, lesquels sont de réels acteurs du développement socioéconomique, à travers la promotion de l’entrepreneuriat, l’innovation et l’esprit de créativité. 

S’agissant de la situation sur le plan régional, le Président a souligné que, dans le cadre de sa direction de la Communauté d’Afrique de l’Est, il a initié une série d’actions en vue du retour à la paix et à la sécurité dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).  Le Burundi participe également aux opérations de maintien de la paix et à la lutte contre le terrorisme en République centrafricaine (RCA) et en Somalie, ce qui témoigne d’après lui de la volonté du peuple burundais de contribuer à l’avènement d’un monde meilleur et plus solidaire.  Le dirigeant a réitéré son appel à la solidarité internationale pour la pacification de l’est de la RDC, et réaffirmé à ce sujet son soutien indéfectible aux processus de paix de Luanda et de Nairobi ainsi qu’à l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, dont le Mécanisme régional de suivi est présidé par le Burundi.  Il a de nouveau condamné les ingérences extérieures dans les affaires des États, y compris au nom des droits de l’homme, tout en s’insurgeant également contre les changements anticonstitutionnels de pouvoir qui représentent un sérieux revers en termes d’acquis démocratiques enregistrés depuis plusieurs années en Afrique.  L’ordre constitutionnel et l’état de droit doivent primer avant tout, a insisté M. Ndayishimiye, le Burundi restant fermement attaché au règlement pacifique des conflits par la voie du dialogue, de la coopération, de la concertation et de la négociation.

M. ALEKSANDAR VUČIĆ, Président de la République de Serbie, a déclaré que son pays était sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne (UE), mais qu’il n’était pas pour autant prêt à tourner le dos aux amitiés traditionnelles bâties depuis des siècles.  En tant que Président d’une petite nation, il ne souhaite pas s’arroger le droit de parler des relations entre grandes puissances; il peut, en revanche, parler des horribles conséquences du non-respect du droit international.  La tentative de découper son pays en morceaux, qui avait officiellement commencé en 2008 par la déclaration unilatérale de l’indépendance du Kosovo, n’est pas encore achevée.  De son point de vue, la violation de la Charte des Nations Unies dans le cas de la Serbie fut le précurseur de nombreux problèmes d’aujourd’hui. 

Le Président a jugé « hypocrites » les déclarations de son homologue américain et du Chancelier allemand puisque presque toutes les puissances occidentales ont violé à la fois la Charte et la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.  M. Vučić a fait référence à « un évènement sans précédent dans l’histoire du monde », quand les 19 pays les plus puissants de la planète ont pris la décision -sans implication du Conseil de sécurité, a‑t‑il insisté– d’attaquer et de punir brutalement la Serbie, pays souverain sur le sol européen, soi-disant pour empêcher un désastre humanitaire.  Quand le Président de la Fédération de Russie a utilisé ces mêmes prétextes, ces mêmes mots, pour attaquer l’Ukraine, lesdits pays « ne riaient plus ».  Le Président a ensuite protesté contre la manière dont le « soi-disant Kosovo » a obtenu son indépendance en 2008, événement qu’il a interprété comme « la décision illégale de sécession de la province autonome du Kosovo-Metohija ».  Cette décision a été prise à un moment où le Gouvernement serbe s’était engagé en faveur de l’intégration européenne et euro-atlantique.  Depuis, 70% des Serbes de la province du Kosovo-Metohija ont quitté leur foyer.  « Belle loi, belle justice », a ironisé le Président, dénonçant un deux poids, deux mesures: les agresseurs de la Serbie d’hier donnent aujourd’hui des leçons d’intégrité territoriale s’agissant de l’Ukraine.  La Serbie, elle, soutient l’intégrité territoriale de l’Ukraine, fidèle à ses principes, indépendamment de son amitié séculaire avec la Russie.  « Pour nous, toute violence est la même, toute violation de la Charte des Nations Unies est la même », a insisté M. Vučić. 

Aujourd’hui, au « Kosovo-Metohija, province méridionale de la République de Serbie », l’autorité séparatiste d’Albin Kurti, Premier Ministre du Kosovo, s’exerce de manière brutale contre les Serbes, a dénoncé le Chef de l’État, et la communauté internationale « détourne le regard en haussant les épaules ».  Il a appelé à ce que l’intégrité territoriale de la Serbie soit respectée comme celle de chaque État Membre de l’ONU, à ce qu’un ordre international basé sur des règles prévale, afin que personne ne disparaisse dans un « conflit darwiniste entre puissances ».  La République de Serbie, son gouvernement et toutes les institutions œuvrent pleinement à la préservation du dialogue avec Pristina, sous les auspices de l’UE, a assuré M. Vučić.  Toutefois, le déséquilibre qui l’amène à devoir constamment faire des concessions ne mène à rien.  Du point de vue du Président, la discussion avec le Gouvernement de M. Kurti ressemble plus à un monologue qu’à un dialogue, car il est difficile d’expliquer pourquoi, plus de 10 ans après la signature de l’Accord de Bruxelles, une communauté des municipalités à majorité serbe n’a pas été formée au Kosovo.  La confiance des Serbes est très ébranlée, a prévenu le Président. 

M. CHARLES ANGELO SAVARIN, Président de la Dominique, a souligné la nécessité urgente de financer la lutte contre les changements climatiques et de travailler à l’atténuation de leurs conséquences.  Regrettant que le conflit en Ukraine se prolonge, « alors que le monde entier réclame la fin de cette terrible guerre », il a rappelé que la dernière estimation de la Banque mondiale concernant la reconstruction de l’Ukraine s’élevait à 411 milliards de dollars.  Appelant à la fin des combats, il a soutenu la déclaration commune du G20 publiée à l’issue du sommet de New Delhi.  Le Président a rappelé qu’en 2010, l’Occident avait qualifié de « Printemps arabe » des soulèvements ayant abouti à la chute de plusieurs gouvernements sans qu’il soit question de sanctions ou d’interventions militaires pour les rétablir.  « Quelle est la différence entre le Printemps arabe et l’Été africain? » s’est-il ensuite interrogé, appelant à tenir compte de la sagesse des dirigeants de l’Union africaine, opposés à une intervention militaire qui, selon lui, « ne servirait certainement pas le peuple africain ». 

M. Savarin est revenu sur les défis considérables auxquels sont confrontés les petits États insulaires en développement (PEID), pris en étau entre leur manque de ressources financières et le coût des pertes dues aux changements climatiques.  Il s’est félicité de l’organisation du Dialogue de haut niveau sur le financement du développement et de l’appel lancé par le Secrétaire général en faveur d’un sommet sur l’ambition climatique.  Le Président a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre le fonds « pertes et dommages », créé lors de la COP27, pour permettre aux économies des PEID de se redresser après les catastrophes.  Il a expliqué qu’au cours des 30 dernières années, les PEID n’avaient pas reçu de soutien suffisant de la part des partenaires du développement et des institutions financières internationales, les contraignant à emprunter à des conditions défavorables et les poussant vers des niveaux d’endettement insoutenables.  Le Président a rappelé le soutien de son pays à la mise en place de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle.  En outre, il a qualifié d’indispensable la réforme des institutions financières internationales, rappelant le soutien de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), présidée par son pays, à l’initiative de Bridgetown pour la restructuration des dettes souveraines.

M. Savarin s’est félicité de l’accord créant un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Il a également salué l’engagement pris par les parties de transférer des technologies marines afin d’aider les pays en développement à mettre en œuvre l’accord et à en tirer profit.

Qualifiant de désastreuse la situation en Haïti, État membre de la CARICOM, le dirigeant a estimé qu’elle méritait une intervention internationale urgente et appelé le Conseil de sécurité à agir de manière décisive en ce sens. Il a aussi rappelé que la Dominique réclamait, comme l’écrasante majorité des États Membres, la levée du blocus économique imposé par les États-Unis à Cuba.  Il a aussi réaffirmé son soutien à la levée des sanctions contre le Venezuela qui « constituent une violation des droits humains du peuple vénézuélien ».  Enfin, rappelant que les tempêtes Erika en 2015 et Maria en 2017 avaient respectivement coûté à la Dominique l’équivalent de 90% et de 226% de son PIB, il a compati aux souffrances du Maroc et de la Libye, récemment affectés par des catastrophes naturelles. 

M. RANIL WICKREMENSINGHE, Président de Sri Lanka, a rappelé que, l’an dernier à la même époque, son pays a traversé la période la plus difficile de son histoire récente sur les plans social, économique et politique.  Même nos traditions démocratiques ont été menacées par les tentatives visant à occuper notre parlement et à le paralyser, a-t-il déploré, ajoutant toutefois qu’une transition politique a pu se mettre en place.  Il a indiqué que les réformes qu’il a depuis initiées visent d’une part à reconstruire la confiance entre le peuple et le Gouvernement et d’autre part, à jeter les bases de la stabilisation et de la reprise économiques.  Assurant que les Sri-Lankais bénéficient déjà des résultats positifs de ces mesures dans leur vie quotidienne, il a dit vouloir conduire le pays vers une reprise et une croissance durables, avec le soutien de la communauté internationale. 

Sur le plan géopolitique, le Président a noté l’émergence de nouveaux centres de pouvoir dans le cadre d’un monde multipolaire. Nous voyons un monde où les anciennes rivalités des grandes puissances et les tensions se sont ravivées dans une guerre ouverte, a-t-il observé, déplorant que, parallèlement, les divisions Nord-Sud se creusent en raison de la fracture numérique, de la crise financière, de la dette, et de la transition énergétique. De plus, a alerté le Chef de l’État, contrairement à la promesse de 2030, nous assistons aujourd’hui à des niveaux de pauvreté et de faim jamais vus depuis des décennies.  De fait, les pays neutres et non alignés du Sud, comme Sri Lanka, se trouvent une fois de plus « coincés dans le jeu des puissances mondiales », a-t-il regretté, non sans rappeler les appels à l’unité et à la solidarité lancés à l’ONU, au G20, au sommet des BRICS et au G7 pour construire un avenir inclusif. 

Le Président a ensuite signalé que les impacts financiers de crises telles que les changements climatiques et la pandémie de COVID-19 entravent la capacité des petits pays endettés comme le sien à progresser dans la réalisation des ODD ainsi que dans l’adaptation et l’atténuation.  Malgré cela, Sri Lanka « ne fuit pas sa responsabilité envers la planète », a-t-il affirmé, évoquant le plan national d’ambition climatique présenté l’an dernier lors de la COP27. Grâce à ce dispositif, nous aurons, d’ici à 2030, 70% d’énergies renouvelables dans la production d’électricité, nous augmenterons la couverture forestière de 32% et nous réduirons les émissions de gaz à effet de serre de 14,5%, s’est-il enorgueilli, promettant également d’éliminer progressivement le charbon d’ici à 2040 et d’atteindre le « zéro net » d’ici à 2050.  Reste que le dérèglement climatique a des implications sur les engagements pris en faveur de l’énergie propre, de la sécurité alimentaire, de la disponibilité de l’eau potable et des moyens de subsistance des agriculteurs, a concédé le Chef de l’État, pour qui l’urgence de mobilisation des financements climatiques est aujourd’hui plus grande que jamais. À cet égard, il a regretté que les pays riches ne tiennent pas leurs promesses en matière d’assistance pour l’atténuation et l’adaptation, et de compensation pour les pertes et les dommages. 

Pour M. Wickremesinghe, les efforts nationaux ne suffiront pas à eux seuls à garantir le succès des ODD et à inverser les changements climatiques.  Une solidarité mondiale est donc nécessaire pour restructurer l’architecture financière internationale, a-t-il plaidé, avertissant qu’une absence de restructuration de l’ordre budgétaire mondial ferait échouer la lutte pour inverser les changements climatiques et atteindre les ODD.  « Il est encore temps de rectifier le tir car la crise n’a pas atteint son paroxysme », a-t-il voulu croire, avant de souhaiter que ces questions soient abordées en priorité lors du Sommet de l’avenir en 2024.

M. DENIS SASSOU NGUESSO, Président de la République du Congo, a vu la question du climat comme « la plus pressante de toutes les urgences ». La montée continuelle du niveau des mers qui met en péril les pays insulaires, la désertification déferlante, la canicule suffocante qui emporte chaque fois plus de personnes, les inondations répétitives et les coulées de boue soudaines, autant de phénomènes aussi dangereux que dévastateurs qui interpellent désormais jusqu’aux plus sceptiques d’entre nous, a-t-il constaté.  C’est dans cet esprit, et en sa qualité de Président de la Commission climat du bassin du Congo, que le Président Nguesso a lancé, lors de la COP27 en Égypte, l’Initiative de la « Décennie mondiale de l’afforestation » pour une biodiversité et un couvert végétal plus dense, au service de l’humanité.  S’inscrivant dans cet élan, son pays s’est engagé à accueillir, en octobre prochain, un sommet des trois bassins des écosystèmes de biodiversité et des forêts tropicales (Amazonie, Bornéo-Mékong et Congo), comme réponse collective et concertée de ces trois poumons verts de la planète à l’insécurité climatique, a-t-il annoncé. 

Le Président a ensuite abordé la question du développement agricole en Afrique, soulignant la nécessité impérieuse de protéger les terres arables des incidences néfastes des changements climatiques.  L’Afrique, a-t-il recommandé, doit dès à présent opérer un bond qualitatif pour disposer demain d’une nourriture suffisante et de qualité et conjurer à tout jamais le spectre de la famine et de l’exode de ses populations.  Pour cela, il a souligné son besoin urgent d’agriculture moderne, soutenue notamment par des dispositifs performants d’irrigation et de mécanisation, une agriculture qui lui permette de réduire de manière significative ses importations alimentaires, celles-ci étant aujourd’hui encore trop élevées.  Le Président a souhaité avoir des partenariats techniques et financiers efficients pour pouvoir réaliser des avancées substantielles dans ce secteur.  Toutefois, a-t-il déclaré, l’Afrique n’a nullement besoin de ces partenariats sous-tendus par des « aides publiques au développement politiquement orientées et synonymes d’aumône organisée ».  « Les subventions au compte-gouttes, distillées au rythme des intérêts propres des donateurs, ne permettront certainement pas l’essor réel et effectif de notre continent… qui, du reste, n’en a nul besoin », a tranché le Président. 

En sa qualité de Président du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, il a fait valoir que la Conférence de réconciliation interlibyenne n’aura de sens que si elle est inclusive, constructive et consensuelle. Il en a appelé « une fois encore » à l’accompagnement de la communauté internationale, à commencer par les pays de la sous-région et les organisations qui les regroupent, pour soutenir au mieux les efforts de médiation.  Le Président a, enfin, rappelé « l’impérieuse nécessité de réformer » le Conseil de sécurité, afin d’assurer une représentation plus juste de tous les continents et de tous les peuples du monde, rappelant la position commune de l’Afrique, « une position conciliante et consensuelle, scellée à Ezulwini ».  Il a réitéré « l’exigence africaine » de voir deux de ses États y siéger en tant que membres permanents, avec droit de veto.  « Ce ne serait que justice devant l’histoire! »

M. WILLIAM SAMOEI RUTO, Président du Kenya, a regretté la paralysie dans lequel le monde actuel est plongé, déplorant l’échec des systèmes de paix et de sécurité, l’inadéquation du développement et le manque d’action climatique sur fond de progrès technologiques et d’énormes richesses.  C’est dans ces moments que le multilatéralisme et l’action collective internationale sont les plus nécessaires, a‑t‑il noté, en dénonçant une « clique hostile de formations géopolitiques » qui défie les valeurs et principes fondamentaux des Nations Unies.  Soulignant l’impunité de certains acteurs de la scène mondiale et les dysfonctionnements d’un Conseil de sécurité « antidémocratique, non inclusif et non représentatif », il a regretté la méfiance omniprésente entre Nord et Sud, entre riches et pauvres, ou encore entre pollueurs émetteurs et victimes. 

Le Président a rappelé les contributions de son pays aux efforts de paix dans différentes régions, citant non seulement l’Accord de paix de Djouba sur le Soudan, le Dialogue intercongolais, les négociations entre les Gouvernements de la Somalie et du Somaliland, mais aussi la visite et le plan de paix en 10 points d’une délégation africaine pour la paix à Moscou et à Kyïv. S’agissant d’Haïti, où le Kenya est prêt à jouer son rôle dans le cadre du possible déploiement d’un « soutien multinational à la sécurité », M. Ruto a demandé au Conseil de sécurité d’approuver une résolution en ce sens, dans un but humanitaire et en vue d’aider à la tenue d’élections libres et équitables en Haïti. 

Le Chef de l’État a souligné que le « spectacle tragique » de jeunes Africains embarqués sur des esquifs pour risquer leur vie à la recherche d’opportunités à l’étranger est un témoignage des échecs du système économique mondial.  Sur ces questions, il a souligné que le sommet africain sur le climat de Nairobi avait proposé un changement de paradigme en reconnaissant que l’action climatique et les ODD doivent être poursuivis simultanément.  Le développement, a‑t‑il insisté, est donc un impératif fondamental, et la croissance verte le seul moyen durable d’y parvenir.  Pour exploiter les ressources de l’Afrique, sa jeunesse, son potentiel d’énergies renouvelables ou encore ses terres arables, le Président a rappelé que la Déclaration de Nairobi faisait du déblocage des financements à grande échelle, et donc de la réforme du système financier international, une priorité. 

Il a présenté les quatre grands axes d’intervention possibles de cette réforme, à commencer par l’appel lancé à la communauté internationale en faveur d’une « nouvelle architecture de la dette souveraine » pour prolonger la durée de cette dernière et prévoir un délai de grâce de 10 ans.  En deuxième lieu, la Déclaration de Nairobi encourage les institutions financières internationales à accorder davantage de prêts concessionnels, à des conditions financières favorables.  En troisième lieu, elle demande une réorganisation des marchés financiers, notamment celle du système d’évaluation des risques de certains pays employé par les agences de notation de crédit qui, comme l’a montré la crise financière, se sont trop fréquemment trompées.  Pour finir, la Déclaration de Nairobi réclame un mécanisme public mondial de financement du climat, financé par une taxe mondiale sur le carbone et sur le commerce des combustibles fossiles, et par une taxe sur les émissions des transports aériens et maritimes.  Fort de cette feuille de route, M. Ruto a conclu son intervention en disant compter, pour la concrétiser, sur une « nouvelle charte mondiale du financement climatique », qui devrait être négociée dans le cadre de l’Assemblée générale et de la COP notamment. 

M. WESLEY SIMINA, Président desÉtats fédérés de Micronésie, a relevé qu’en 2015, l’année où le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été adopté, la communauté internationale a également entériné l’Accord de Paris, instrument clef pour lutter contre la crise climatique et « point culminant du multilatéralisme ».  Malheureusement, le monde n’a pas su déployer les efforts nécessaires pour limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 1,5 degré Celsius.  Les dommages causés par la crise climatique s’accumulent chaque jour en Micronésie, s’est alarmé le Président, et ils continueront de s’aggraver à un rythme plus rapide encore à mesure que les points de bascule seront atteints.  Pour y remédier, il a préconisé une approche contraignante inspirée du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, qui constitue à ses yeux le « meilleur accord environnemental » ratifié par les États Membres.  Ce traité pourrait servir de modèle pour un nouvel accord visant à réduire le méthane, véritable « chalumeau poussant la planète du réchauffement climatique à l’ébullition globale ».  Bien qu’il s’agisse d’une menace existentielle pour son pays et de nombreux autres petits États insulaires en développement (PEID), les principaux émetteurs, y compris ceux des pays en développement, ne se sont pas encore engagés à mettre à jour leurs contributions déterminées au niveau national, a-t-il déploré. 

Cette semaine, la Coalition de la haute ambition sur les changements climatiques, dont fait partie l’archipel, a publié un appel fort à l’action pour demander aux principaux émetteurs de s’engager à réduire leurs émissions d’au moins la moitié d’ici à 2030 et de fixer leurs objectifs de zéro émission nette au plus tard à 2050.  Même si la Micronésie a des émissions négligeables, elle s’est engagée à réduire de 65% ses émissions de CO2 liées à la production d’électricité d’ici à 2030, a annoncé M. Simina.  Le dirigeant a réitéré son appel à la nomination d’un Représentant spécial pour le climat et la sécurité et à la pleine opérationnalisation du fonds pour les pertes et dommages lors de la COP28.  En outre, son pays a récemment adopté un amendement à sa constitution afin de reconnaître le droit à un environnement sain.  La Micronésie fait partie du groupe de pays qui ont plaidé pour que l’Assemblée générale demande à la Cour internationale de Justice (CIJ) d’émettre un avis consultatif sur les obligations des États et les conséquences des changements climatiques au regard du droit international. 

En première ligne des changements climatiques, la Micronésie n’a pas besoin de plus de promesses, mais de plus d’action, a analysé le Président. Il incombe à la communauté internationale de s’attaquer aux sources des facteurs de stress qui perturbent l’océan. Selon lui, l’adoption récente de l’Accord sur la diversité biologique marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ) n’aurait pas été possible sans la contribution des PEID du Pacifique comme la Micronésie, qui s’est engagée activement dans les négociations.  C’est pourquoi M. Simina a été le premier Chef d’État à signer cet accord hier.  La quatrième Conférence internationale sur les PEID examinera en 2024 la création de partenariats internationaux ainsi que la manière dont la connectivité Internet peut changer la vie des insulaires, en rendant la télémédecine et l’éducation à distance accessibles sur chaque île isolée. 

Confronté aux effets néfastes de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire, l’énergie et les finances, le Président a plaidé ensuite pour une réforme en profondeur du Conseil de sécurité, devenu « archaïque et inefficace » face aux défis sécuritaires du monde contemporain, en élargissant le nombre de membres permanents et non permanents, y compris un siège réservé aux PEID.

M. JAKOV MILATOVIĆ, Président de la République du Monténégro, a expliqué que son élection il y a à peine quatre mois ne laissait aucun doute quant à l’orientation politique souhaitée par ses concitoyens: renforcer l’état de droit, développer la prospérité, garantir la cohésion sociale et l’égalité des chances.  Il a souligné l’importance de l’état de droit en tant que clef pour déverrouiller le potentiel économique et améliorer le niveau de vie dans son pays, avec une politique de tolérance zéro à l’égard de la corruption et de la criminalité organisée. « Pour mieux atteindre nos objectifs politiques plus larges, nous fondons notre politique étrangère sur trois piliers: le premier consiste à accélérer notre intégration dans l’Union européenne (UE); le deuxième à renforcer encore la crédibilité du Monténégro en tant que membre de l’OTAN; le troisième favorise les meilleures relations possibles avec les pays voisins des Balkans. »  Partisan d’une société monténégrine inclusive, le Président a affirmé que son pays s’engage à aborder le passé sans parti pris, « en appelant les choses telles qu’elles sont, comme les victimes de ces événements tragiques s’attendent à ce qu’elles soient appelées ». 

Après avoir condamné l’agression non provoquée et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine, le dirigeant a invité la communauté internationale à intensifier ses efforts pour lutter contre les changements climatiques, en mettant en œuvre l’Accord de Paris.  Il s’est dit fier que le Monténégro ait été le premier pays à inscrire l’engagement en faveur des ODD dans le cadre national à travers sa stratégie de développement durable.  Une réforme fiscale et du marché du travail particulièrement importante a abouti à une augmentation du salaire et de la pension minimums, suivi par d’autres réformes de la sécurité sociale.  M. Milatović a appeléà une réponse mondiale à la crise des réfugiés et des migrants, fondée sur le partage des responsabilités.  Aujourd’hui, s’est-il enorgueilli, il y a plus de réfugiés ukrainiens par habitant au Monténégro que dans n’importe quel autre pays d’Europe. 

Par ailleurs, le Monténégro reste déterminé sur la voie d’un avenir euro-atlantique. C’est dans cet esprit, a précisé le Président, qu’il a soumis sa candidature pour un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2026-27.  En tant que pays européen, a-t-il assuré, nous sommes convaincus que l’adhésion du Monténégro à l’UE, ainsi que de l’ensemble de la région des Balkans occidentaux, renforcera encore notre position contre les « influences malveillantes des pays tiers », et fournira un exemple positif à tous les candidats des Balkans, à savoir que « l’élargissement de l’UE est encore possible ». 

M. MAHMOUD ABBAS, Président de l’État de Palestine, a ouvert son discours sous les applaudissements de l’Assemblée, en proclamant: « Ceux qui pensent que la paix peut prévaloir au Moyen-Orient sans le peuple palestinien jouissant de ses pleins droits se trompent. »  Après avoir rappelé que les territoires occupés défient plus de 1 000 résolutions de l’ONU et violent les principes du droit international, le Président a assuré l’Organisation de la confiance et de l’espoir qu’il garde, notamment dans la mise en œuvre de solutions exigeant la fin de l’occupation israélienne et la réalisation de l’indépendance de l’État de Palestine pleinement souverain, avec Jérusalem-Est comme capitale, selon les frontières du 4 juin 1967.  De même pour le règlement de la question des réfugiés palestiniens, qui doit se faire conformément aux résolutions pertinentes, en particulier la 194 (III). 

Alertant sur le risque de la transformation du conflit politique en conflit religieux, dont « Israël portera l’entière responsabilité », il a dénoncé des attaques commises par le « gouvernement raciste de droite » sur des sites islamiques et chrétiens, en particulier la mosquée Al-Aqsa, reconnue comme un lieu de culte exclusivement réservé aux musulmans, selon un rapport de la Société des Nations datant de 1930. 

Le Président Abbas a dénoncé le silence de la communauté internationale concernant les violations flagrantes du droit international commises par Israël.  Réaffirmant son intention de réclamer justice auprès des instances internationales compétentes, il a pointé du doigt Israël ainsi que le Royaume-Uni et les États-Unis pour leur rôle dans la « fatidique Déclaration Balfour ».  Il a exigé une reconnaissance, des excuses, des réparations et des compensations conformément au droit international. « Nous n’oublierons pas la douleur, nous n’oublierons pas l’histoire », a-t-il averti. 

Rappelant que le processus de paix se trouve dans une impasse « en raison de la politique israélienne », il a exhorté l’ONU et son Secrétaire général à convoquer une conférence de paix afin de sauver la solution des deux États et empêcher une détérioration de la situation qui menacerait non seulement la région, mais aussi le monde entier.  « Nous exigeons la protection. » 

Le Président a enjoint les États favorables à la solution des deux États, mais ne reconnaissant pas la Palestine, notamment les États-Unis et certains pays européens, à reconnaître l’État de Palestine.  Au nom de la paix et de la justice, et par respect pour le droit international, il a exigé la mise en place de mesures dissuasives à l’égard d’Israël, et ce, jusqu’à ce que le pays honore ses obligations telles que présentées dans une déclaration écrite du Ministre des affaires étrangères de l’époque, Moshe Sharett. 

Face à « l’odieuse occupation israélienne », M. Abbas a dit continuer d’avoir besoin de l’aide financière de la communauté internationale, en plus d’un appui financier à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Venant aux élections tenues en Palestine récemment, il a déploré que le Gouvernement israélien empêche la tenue de celles prévues à Jérusalem-Est. 

Après avoir plaidé en faveur d’une criminalisation du déni de la Nakba palestinienne et appelé à désigner le 15 mai journée internationale de commémoration, le Président Abbas s’est adressé à son peuple, qu’il soit en Palestine, dans les camps de réfugiés ou qu’il s’agisse de la diaspora, en s’exclamant: « Nous célébrerons l’indépendance de notre État à Jérusalem, notre capitale éternelle.  Ils la voient lointaine, nous la voyons proche. » 

M. CHARLES MICHEL, Président du Conseil européen, a rappelé que le système des Nations Unies est aujourd’hui « ankylosé, entravé par des forces hostiles ».  Il a alerté sur l’érosion de la confiance, craignant la menace d’une « dangereuse confrontation bipolaire ».  Pour remettre la coopération sur les rails, il a donc préconisé de restaurer la confiance, résoudre les problèmes les plus urgents et réparer le système des Nations Unies.  La confiance, a‑t‑il souligné, est fondée sur le respect de la Charte des Nations Unies.  Dans ce cadre, il a déploré la « guerre de conquête » menée par la Russie en Ukraine et ses répercussions sur le crédit dont jouit l’ONU.  Pour y remédier, il a détaillé un plan de réforme du Conseil de sécurité et assuré du soutien de l’Union européenne concernant les propositions de changement présentées par le Secrétaire général dans « Notre Programme commun ». 

En premier lieu, M. Michel a prôné la réforme du droit de veto, jugeant choquant qu’un membre permanent du Conseil de sécurité oppose son veto à des sanctions contre lui-même, quand bien même il viole la Charte des Nations Unies. Rappelant que la Charte prévoit qu’un membre du Conseil de sécurité s’abstienne lors d’un vote dont il est l’objet, il a exhorté les autres pays siégeant au Conseil à invoquer cette clause contre la Russie.  Il a assuré la France et le Mexique du soutien de l’Union européenne concernant leur initiative pour limiter l’exercice du droit de veto dans les cas d’atrocités de masse.  De même, il a appelé de ses vœux un nouveau mécanisme conjuguant prise de décisions à la majorité et usage modéré du droit de veto. 

M. Michel s’est également prononcé en faveur d’une meilleure représentativité au sein du Conseil de sécurité, notant qu’à ce jour, 60 pays n’y ont encore jamais siégé.  Il a déploré la quasi-absence de régions entières du monde, en Afrique, Amérique du Sud, Caraïbes et Asie.  Ce manque de représentativité, a‑t‑il averti, érode la légitimité du Conseil.  Enfin, il a proposé d’intégrer dans cet organe les organisations régionales ou continentales, lesquelles représenteraient « un nouveau niveau de légitimité » dans le monde actuel. 

Face aux changements climatiques, le Président du Conseil européen a estimé qu’il était dans l’intérêt de tous les pays avancés d’appuyer les efforts des pays en développement vers la neutralité carbone.  Ces pays ne bénéficieraient que d’un quart des investissements privés mondiaux, alors même que le G20 serait responsable de 80% des émissions, a‑t‑il fait remarquer.  Soulignant l’ampleur du défi, il a rappelé que, selon l’Agence internationale de l’énergie, le « zéro carbone » exige 5 000 milliards d’euros par an d’investissements mondiaux –soit 4% du PIB mondial– dès 2030 et jusqu’en 2050. 

Enfin, il s’est inquiété de la situation économique des économies les plus vulnérables, fragilisées par la pandémie et la guerre en Ukraine.  « Personne ne doit être contraint de choisir entre la réduction de la pauvreté et le verdissement de l’économie », a‑t‑il estimé, préconisant la mise en place d’un système financier « plus robuste, plus juste, et mieux préparé au XXIe siècle ».  Il a réclamé notamment la réforme du système de Bretton Woods pour le rendre plus équitable, plus inclusif et plus efficace, soutenant aussi le stimulus des ODD présenté par le Secrétaire général.  Enfin, il a appelé à accroître la capacité de prêt des institutions financières internationales, rappelant qu’en 60 ans, le pouvoir de financement de la Banque mondiale, proportionnellement à la production mondiale, avait été divisé par 7. 

M. RUSS KUN, Président de la République de Nauru, le « plus petit État Membre de cette auguste instance », s’est demandé si l’ONU allait être réformée de manière à permettre à tous ses membres de bénéficier de la paix, de la prospérité, du progrès et de la viabilité.  Une étape cruciale sera à cet égard la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), qui a pris du retard, a-t-il regretté, en blâmant l’insuffisance des financements alloués aux pays en développement.  Aussi faut-il de toute urgence prendre des mesures audacieuses et nouer des partenariats fondés sur le respect mutuel entre égaux, en nous appuyant sur un système de catégorisation des vulnérabilités plus précis et nuancé.  « Sur la base des mesures existantes de l’aide publique au développement, Nauru n’est éligible ni à des subventions ni à des prêts », a-t-il déploré, en vantant les mérites de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle (MVI), qui garantirait que son pays reçoive une assistance à sa juste mesure. 

Une autre voie pour accélérer la mise en œuvre du Programme à l’horizon 2030 sera pour le Président la reconnaissance et l’intégration de la situation spécifique des petits États insulaires en développement (PEID) à tous les niveaux.  Une telle opportunité se présentera lorsque nous nous réunirons pour la conférence des PEID en mai de l’année prochaine à Antigua-et-Barbuda, s’est-il réjoui, en plaidant pour l’adoption d’un programme d’action plus ciblé et doté de ressources complètes, avec des solutions pratiques pour accélérer leur développement durable.  Le soutien des partenaires du développement et de la communauté internationale, y compris le financement, sera essentiel à cet égard.  M. Kun a par ailleurs demandé la nomination d’un Représentant spécial du Secrétaire général sur la sécurité climatique. 

Nauru, a-t-il poursuivi, se félicite de l’adoption plus tôt cette année de l’instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ), appelant à un soutien international pour renforcer la capacité à ratifier et mettre en œuvre ce traité.  Le dirigeant a en particulier rappelé l’importance de garantir une pêche durable, en veillant à ce qu’il n’y ait pas de surpêche, à ce que des prix équitables soient payés aux PEID pour le poisson pêché dans leurs eaux et à éliminer la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. 

La vision nationale à long terme de Nauru envisage un avenir dans lequel les partenariats individuels, communautaires, commerciaux et gouvernementaux contribuent à une qualité de vie durable pour tous les Nauruans.  Un pilier clef sera de garantir la santé de notre population.  Toutefois, Nauru reste vulnérable aux épidémies de maladies transmissibles, a prévenu le Chef de l’État.  En effet, la pandémie de COVID-19 a démontré la nécessité urgente d’investir massivement pour renforcer les besoins institutionnels et infrastructurels d’un système de santé fragile. Notre pays, a ajouté le Président, a besoin de soutien et d’expertise technique pour développer des solutions innovantes afin de lutter contre les risques viraux, par exemple la médecine électronique et le développement et l’utilisation de technologies numériques. 

M. ÚMARO SISSOCO EMBALÓ, Président de la Guinée-Bissau, a encouragé les États Membres à introduire les changements requis dans l’architecture internationale de paix et de sécurité ainsi que dans le système financier mondial pour être à la hauteur des enjeux contemporains.  La réforme du Conseil de sécurité, jugée depuis longtemps nécessaire, a rappelé le dirigeant, doit prendre en compte la position de l’Union africaine afin d’assurer une représentation réaliste et plus juste, cohérente avec le rôle de plus en plus prépondérant de l’Afrique dans la construction et le maintien de l’équilibre mondial.  Depuis son entrée en fonction à la tête de l’État en 2020, M. Embaló a expliqué que son pays s’était focalisé sur le dialogue, la consolidation de la paix, la stabilité politique ainsi que le développement social et économique au niveau national et dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest et au-delà.  Des principes, a‑t‑il ajouté, qui l’ont également guidé au cours de son mandat de Président de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui s’est achevé en juillet dernier. 

Le Président a ensuite réitéré sa grande préoccupation face à la répétition des coups d’État et aux reculs en matière de démocratie et d’état de droit dans certains pays de la sous-région d’Afrique de l’Ouest, en « violation flagrante des résultats des urnes ».  Il a ensuite rappelé qu’il présidait aussi depuis un an l’Alliance des dirigeants africains contre le paludisme, grâce à laquelle plus de 1,5 milliard de cas ont été évités et 10,5 millions de vies sauvées sur le continent depuis 2000.  Après avoir réaffirmé que, cette année, le peuple de la Guinée-Bissau célèbre ses 50 ans d’existence en tant qu’État indépendant et souverain, M. Embaló a conclu en réaffirmant l’engagement de son pays et de son peuple à continuer à travailler avec l’ONU et à coopérer avec tous les gouvernements et peuples amis. 

M. BAJRAM BEGAJ, Président de l’Albanie, s’est félicité des changements survenus en Albanie depuis son adhésion à l’ONU et a rappelé que le pays achevait son deuxième mandat de membre non permanent du Conseil de sécurité.  M. Begaj a également tenu à souligner le rôle de son pays en matière de paix et de stabilité dans les Balkans, rappelant que l’Albanie a fait le choix d’une « politique d’amitié et de relations de bon voisinage ».  Avec le Kosovo, l’Albanie s’est engagée en faveur de la paix et entend renforcer sa contribution aux efforts de paix, a‑t‑il souligné.

Indiquant que le dialogue entre le Kosovo et la Serbie se poursuivait dans le cadre des efforts de médiation de l’Union européenne et avec l’appui des États-Unis, le Président a réaffirmé son attachement à la prospérité, l’intégrité et la reconnaissance du Kosovo. Estimant que la présence de citoyens serbes au Kosovo reflète la modernité du pays, il a souhaité que la situation soit similaire pour les citoyens albanais se trouvant en Serbie.  Malgré des efforts dans le domaine de la paix et la sécurité, M. Begaj a fait part de sa préoccupation concernant l’insuffisance de l’investissement dans la région.

Après avoir rappelé le passé de l’Albanie, marqué notamment par des guerres, le Président a réitéré son attachement à l’ordre international fondé sur des règles.  Les relations entre États doivent être basées sur l’égalité et non sur la loi du plus fort, a‑t‑il fait valoir, condamnant fermement l’agression contre l’Ukraine.  Insistant sur le lien indéfectible entre les objectifs de développement durable et la sécurité internationale, il a considéré que le conflit russo-ukrainien remettait en question le développement durable dans la région et dans le monde. Il a également déploré le détournement des sources de financement en raison des incertitudes causées par la guerre.

Le Chef de l’État s’est toutefois félicité de la tenue du Sommet sur les objectifs de développement durable qui doit permettre la revitalisation des efforts conjoints de mise en œuvre du Programme 2030.  À cet égard, il a insisté sur la nécessité d’appuyer les pays en développement dans sa réalisation.  M. Begaj a jugé nécessaire d’entamer une réforme incluant les pays en développement afin qu’ils participent activement à l’économie internationale.  Après avoir réaffirmé son attachement aux droits humains, condition sine qua non de la prospérité et de l’épanouissement, il a annoncé la candidature de l’Albanie au Conseil des droits de l’homme en insistant sur le désir de coopérer « main dans la main » avec les autres pays.

M. ABDEL-FATTAH AL-BURHAN ABDELRAHMAN AL-BURHAN, Président du Conseil souverain de transition du Soudan, a rappelé que son peuple était la victime d’une guerre lancée par les Forces d’appui rapide.  Ces dernières, a‑t‑il affirmé, bénéficieraient de l’assistance de factions tribales et d’autres acteurs venus de l’étranger, dont des mercenaires.  Elles auraient commis des actes de pillage, de viol, de meurtre, et de destruction de bien civils et publics. « Elles ont aussi tenté d’effacer notre histoire en détruisant des registres et des musées et libéré des prisonniers, dont des terroristes. »  Auteurs de nettoyages ethniques et d’actes de torture au Darfour, à Khartoum et ailleurs, selon lui, ces groupes seraient coupables de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Le Président a lancé un appel à la communauté internationale pour que ces groupes et leurs alliés soient désignés comme groupes terroristes, une mesure qu’il a estimée nécessaire pour protéger non seulement le peuple soudanais, mais aussi le monde entier. 

M. Al-Burhan a affirmé avoir fait son possible pour mettre fin à la guerre.  Il a attribué les échecs des négociations à l’intransigeance des rebelles, rappelant que son Gouvernement avait accepté l’initiative de paix lancée par le Soudan du Sud, l’Ouganda et la Türkiye.  Cette guerre, a‑t‑il estimé, n’est pas un conflit entre belligérants armés, comme on l’entendrait souvent, puisqu’elle touche massivement les populations civiles.  En outre, a‑t‑il ajouté, elle constituerait une menace pour la paix nationale et internationale, dans la mesure où les rebelles recrutent dans divers pays du monde.  « Elle peut se propager et mettre le feu à toute la région », a‑t‑il averti. 

Saluant les efforts des Nations Unies, de son Secrétaire général, de ses organismes ainsi que d’autres agences et nations alliées, il a précisé que son pays tentait d’éliminer les obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Ce faisant, il a appelé les nations à remplir leurs promesses en matière d’aide alimentaire, de médicaments et d’abris.  « Nos besoins sont énormes », a‑t‑il ajouté. 

M. Al-Burhan a affirmé que son gouvernement était prêt à honorer ses engagements et à transférer le pouvoir au peuple.  Sur ce point, un consensus règne au sein des forces armées, a‑t‑il assuré.  Il a proposé un transfert du pouvoir sous la forme d’élections pacifiques et légitimes, avec une période de transition courte et un gouvernement civil. Dans ce but, il s’est dit prêt à poursuivre le dialogue avec tous les acteurs impliqués. 

Il a enfin exprimé sa volonté de soutenir les femmes, les enfants et toutes les catégories de personnes vulnérables pour qu’elles puissent jouir pleinement de leurs droits.  Réaffirmant son engagement envers les ODD, il a souligné les répercussions négatives du gel de l’aide humanitaire sur leur réalisation, ainsi que sur la crise alimentaire et le sort des personnes déplacées.  À ce titre, il a lancé un appel aux agences et aux bailleurs de fonds internationaux.

M. HAN ZHENG, Vice-Président de la Chine, a jugé que le monde était dans une situation qui n’était guère reluisante.  Il a attiré l’attention sur plusieurs domaines d’action prioritaires, à commencer par la nécessité de veiller à ce que les intérêts sécuritaires de tous les pays soient protégés de manière égale, sans qu’aucun ne soit lésé.  Une sécurité complète axée sur la coopération, plutôt que sur la concurrence, et sur le dialogue plutôt que sur la confrontation, est indispensable, a-t-il défendu.  La Chine appuie tous les efforts déployés pour mettre fin pacifiquement à la crise ukrainienne, a dit le Vice-Président en déclarant qu’elle est prête à y concourir. Il a également assuré du soutien de son gouvernement au peuple palestinien, en faisant valoir la solution des deux États. 

La Chine, a-t-il dit, s’oppose à l’hégémonisme, à l’unilatéralisme et à la « mentalité héritée de la guerre froide cultivée par un certain nombre d’États ».  La communauté internationale doit résister collectivement à ces agissements, a-t-il dit, en rappelant le soutien historique de la Chine à Cuba pour s’opposer aux ingérences extérieures et à l’embargo qui lui a été imposé. 

Le dirigeant a ensuite exprimé l’opposition de son gouvernement à l’utilisation d’armes nucléaires et à la guerre nucléaire, avant de souligner que la Chine est le seul membre permanent du Conseil de sécurité à s’être engagé à ne pas se servir de ce type d’armes.  Il s’est ensuite enorgueilli du succès de l’initiative Route de la soie, qui fête cette année son dixième anniversaire.  Il faut maintenant mettre en œuvre l’Accord de Paris et les pays développés doivent en faire davantage pour s’acquitter de leurs obligations et assurer un financement viable du monde en développement, a exhorté M. Han. 

Pour lui également, nous devons rester ouverts et inclusifs et faire progresser la civilisation humaine dans son ensemble, tout en respectant le contexte spécifique à chaque pays, et en s’abstenant d’instrumentaliser la notion des droits humains pour s’ingérer dans les affaires intérieures des autres.  Il faudra en outre faire en sorte que la gouvernance mondiale soit réformée, pour qu’elle reflète les équilibres existants, a préconisé le Vice-Président.  La Chine ne se lancera jamais dans l’expansion et l’hégémonie, a-t-il assuré, en rappelant cependant que son pays est déterminé à défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale, en parachevant son unification.

M. TIÉMOKO MEYLIET KONÉ, Vice-Président de la République de Côte d’Ivoire, rappelant que le contexte actuel est marqué par une incertitude croissante, a tenu à alerter sur le manque de ressources pour parvenir à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Se penchant sur les questions sécuritaires, il a déploré une hausse mondiale des dépenses de sécurité, et invité à un règlement pacifique de la guerre en Ukraine.  Après avoir souligné son engagement dans la lutte contre le terrorisme, le Vice-Président a rappelé que les groupes terroristes mettaient en péril des décennies de progrès dans des secteurs clef tels que l’éducation, la santé ou encore la culture.  À ce titre, il a enjoint l’ONU et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO) à examiner les modalités de financement du plan d’actions prioritaires antiterroristes, adopté par la CEDEAO en 2019, afin d’en accélérer la mise en œuvre. 

M. Koné a réitéré son engagement en faveur de la lutte contre les effets des changements climatiques, précisant que la Côte d’Ivoire œuvrait à renforcer la résilience des populations dans un premier temps, avant de développer une « conscience citoyenne ».  Dans cette perspective, le Vice-Président a exhorté les parties prenantes de la COP15 à poursuivre leur soutien en faveur de la mise en œuvre de l’Initiative d’Abidjan.  Il a également demandé aux partenaires bilatéraux et multilatéraux de tenir leurs engagements financiers au titre de l’Accord de Paris sur le climat et de faciliter le fonds pour les pertes et dommages créé lors de la COP27. Le Vice-Président s’est également félicité du succès du Sommet africain sur le climat et de la détermination du continent à faire entendre sa voix lors de la COP28. 

Après être revenu sur les effets de la pandémie de COVID-19 sur l’économie de la Côte d’Ivoire, M. Koné a rappelé que son pays s’est doté en 2019 d’un régime dénommé « Couverture maladie universelle ».  Il s’est dit enthousiaste à l’idée de pouvoir procéder à un partage d’expériences et de contribuer ainsi au renforcement des systèmes de couverture sanitaire. Le Vice-Président a également indiqué que la Côte d’Ivoire consolide ses avancées démocratiques, rappelant que des élections municipales, régionales et sénatoriales avaient été organisées au mois de septembre dernier. 

Abordant la question des objectifs de développement durable (ODD), M. Koné a rappelé que des plans nationaux de développement avaient concouru à l’amélioration des ODD en Côte d’Ivoire.  Toutefois, ces progrès sociaux se trouvent fortement fragilisés en raison de l’afflux massif de réfugiés provenant des pays voisins, a-t-il averti, affirmant qu’il était urgent de recourir au multilatéralisme pour faire face aux difficultés actuelles.  Dans la continuité du discours du Secrétaire général de l’ONU et conformément à la vision du Président Alassane Ouattara, M. Koné a enjoint les membres de l’Assemblée à s’interroger sur la nécessité de réformer la gouvernance mondiale à tous les niveaux, en vue de renforcer la solidarité entre les nations. 

Mme JESSICA ALUPO, Vice-Présidente de l’Ouganda, a souhaité une revitalisation de l’Organisation pour relever les défis actuels.  À cet égard, elle a prôné une réforme du Conseil de sécurité, afin de le rendre plus représentatif et de remédier aux « injustices historiques commises à l’encontre des peuples africains ».  Son pays étant le nouveau Président du Mouvement des pays non alignés, la Vice-Présidente a souligné l’importance de cette alliance au sein de l’ONU et sa pertinence pour servir les intérêts de ses États membres.  Elle a également insisté sur l’importance de la coopération Sud-Sud, saluant « la solidarité dont font preuve les pays du Sud pour soutenir leurs homologues ». 

S’alarmant des problèmes de financement des pays du Sud, Mme Alupo a appelé de ses vœux une réforme de l’architecture financière mondiale. Elle a évoqué les répercussions économiques de la pandémie de COVID-19 en Ouganda et dans d’autres pays en développement sur les plans de l’emploi, des chaînes d’approvisionnement, de la chute des investissements étrangers et de l’augmentation de la pauvreté.  La Vice-Présidente a souligné la nécessité de réaliser les objectifs de développement durable (ODD).  Dans ce cadre, elle a mentionné les initiatives phares de son pays, dont l’organisation d’une conférence nationale annuelle en présence de toutes les parties prenantes.  Selon elle, l’Ouganda enregistre des progrès constants dans la mise en œuvre du Programme 2030, lesquels devraient être présentés lors du forum politique de haut niveau pour le développement durable organisé sous les auspices du Conseil économique et social, en juillet 2024. 

Cependant, a averti le la Vice-Présidente, les changements climatiques compromettent la réalisation des ODD.  L’Ouganda, a-t-elle assuré, prend des mesures audacieuses en faveur du climat, que ce soit en matière d’accès à une énergie abordable et durable, d’augmentation de la couverture forestière et des zones humides, ou en promulguant une agriculture « intelligente ».  Préoccupée par le fait que les pays qui émettent le moins de gaz à effet de serre sont ceux-là même qui sont les plus affectés par les changements climatiques, elle a appelé les nations développées signataires de l’Accord de Paris à respecter leurs engagements de fournir 100 milliards de dollars par an aux pays en développement jusqu’en 2025. 

Sur le plan de la paix et de la sécurité, Mme Alupo a souligné l’importance de résoudre les conflits par la coopération et la diplomatie.  Elle a rappelé l’engagement de son pays auprès de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), de la Communauté d’Afrique de l’Est et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.  L’Ouganda, a-t-elle rappelé, se classe parmi les premiers pays mondiaux en termes d’accueil de réfugiés, et travaille avec l’ONU et d’autres partenaires pour s’attaquer aux causes profondes des déplacements. 

Estimant que son pays avait encore du travail en matière d’égalité des sexes, la Vice-Présidente s’est réjouie que plus de 34,9% des sièges parlementaires et exécutifs soient occupés par des femmes.  En matière de droits fondamentaux, elle a rappelé que la Constitution de l’Ouganda stipule que « les valeurs culturelles et coutumières sont compatibles avec les droits de l’homme et les libertés fondamentales ».  À ce titre, Mme Alupo a prôné une approche des droits de l’homme respectueuse des valeurs culturelles d’autrui.  Les questions des droits humains, a-t-elle insisté, « ne doivent pas devenir le facteur modérateur de nos relations à long terme avec nos partenaires de développement ».

M. MOHAMMED JALLOW, Vice-Président de la Gambie, a appelé, en tant que pays faisant partie des pays les moins avancés (PMA), à la mise en œuvre résolue du nouveau Programme d’action de Doha afin d’éviter que la décennie 2022-2031 soit celle des engagements non tenus.  Eu égard aux dures réalités économiques actuelles dans les pays du Sud, de nombreux pays en développement sont confrontés à un fardeau de dette insoutenable qui compromet leur capacité à sortir de la pauvreté, a-t-il ajouté.  Ainsi a-t-il considéré essentiel, dans le contexte de la reprise économique postpandémie, de trouver de toute urgence des moyens de remédier à ce fardeau, « car la plupart de nos pays courent le risque d’être de véritables laissés-pour-compte ». 

Le Chef de l’État a rappelé que l’objectif des PMA est de reconstruire leur économie en créant un environnement politique propice à une reprise rapide de la croissance.  Dans cette optique, il a souhaité que la communauté internationale intensifie ses efforts à travers des initiatives nouvelles pour trouver des solutions durables au problème de la dette.  Il a rappelé que la question de l’allégement de la dette des PMA est liée à la nécessité d’une réforme plus approfondie des institutions financières internationales et de leurs mécanismes de prise de décisions.  « Nous nous joignons à d’autres pays en développement pour appeler à des réformes qui garantissent notre plus grande participation à ces mécanismes », a déclaré M. Jallow, qui a salué en ce sens la récente désignation d’un siège permanent pour l’Union africaine au sein du G20. « Cela amplifiera considérablement la voix et la participation de l’Afrique aux débats sur les questions géopolitiques et dans les initiatives mondiales de développement qui concernent le bien-être de sa population. » 

Sur la question des changements climatiques, qui touchent durement et de façon disproportionnée l’Afrique, le Président gambien a relevé que si le monde ne manque ni d’engagements en matière d’action climatique ni de ressources financières à la hauteur des ambitions collectives, la volonté politique pour agir vite et de manière décisive fait défaut.  Quand sera respecté l’engagement annuel de consacrer 100 milliards de dollars pour lutter contre le réchauffement de la planète, et allons-nous bientôt nous mettre d’accord sur les modalités du fonds pour les pertes et dommages en vue de la tenue la COP28? a-t-il demandé. « Nous appelons les États Membres et la communauté internationale à remplir d’urgence leurs engagements envers la Terre nourricière! » 

Par ailleurs, le Chef de l’État a attiré l’attention sur les défis auxquels l’Afrique de l’Ouest est confrontée en matière de développement, de gouvernance démocratique, d’état de droit, de paix et de sécurité.  Il a assuré à cet égard que si la Gambie est elle-même aux prises avec ses défis régionaux, elle est véritablement déterminée à faire grandir sa jeune démocratie, à renforcer ses institutions, à protéger et à promouvoir les droits et libertés fondamentaux, ainsi que l’autonomisation des femmes et des jeunes.  « Nous profitons désormais de plus en plus des dividendes de la démocratie et nous pensons qu’elle constitue la meilleure forme de gouvernance pour notre peuple. »  

M. TEODORO NGUEMA OBIANG MANGUE, Vice-Président de la Guinée équatoriale, s’est élevé contre l’ingérence de certains pays dans les affaires intérieures d’autres pays et le pillage de leurs ressources naturelles, qui continuent d’être un facteur déterminant de sous-développement, de conflit et d’instabilité.  Pour lui, l’Afrique mérite une attention prioritaire dans les initiatives d’appui et de financement du développement, avec une matérialisation décisive des engagements pris en faveur du développement durable.  Préoccupé par les crises répétées que subit Haïti, le dignitaire a proposé d’organiser une conférence des Nations Unies pour ce pays, afin d’analyser cette situation en profondeur et de trouver une solution durable à ses tourments. 

Le Vice-Président a ensuite réitéré avec insistance la nécessité de réformer le système des Nations Unies, notamment le Conseil de sécurité, le continent africain continuant d’être victime de l’injustice historique d’être le seul sans représentation permanente au sein de cet organe.  Et ce, malgré le fait que la plupart des questions à l’ordre du jour sont des questions africaines, s’est-il étonné.  L’Afrique, dans le cadre du consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte, réclame depuis plus de 15 ans l’attribution de deux sièges permanents et deux sièges non permanents supplémentaires, a rappelé M. Obiang Mangue. 

Le Vice-Président a rejeté catégoriquement l’imposition unilatérale de mesures coercitives en violation de la Charte des Nations Unies et du droit international.  Ainsi s’est-il élevé contre le blocus commercial, économique et financier imposé à Cuba il y a plusieurs décennies.  Il a enfin annoncé l’intention de son pays d’élaborer le Plan stratégique 2035 de diversification économique, espérant que ses partenaires l’accompagneront dans sa mise en œuvre. 

M. PHILIP ISDOR MPANGO, Vice-Président de la République-Unie de Tanzanie, a estimé que, depuis des décennies, les appels persistants du Sud à la paix, au progrès et à la prospérité pour tous étaient restés sans réponse.  Il a regretté que les principes de solidarité, de fraternité, de non-ingérence ou d’égalité entre les nations, légués par les pères fondateurs de l’ONU, soient en train de s’étioler.  Ajoutant que la paralysie du multilatéralisme entraînait « le déplacement des plaques tectoniques géopolitiques et la création de nouveaux blocs », M. Mpango a déploré une érosion de l’état de droit et un retour à l’unilatéralisme.  Il a appelé à la réforme immédiate du système des Nations Unies et des institutions financières internationales dont il a jugé l’efficacité « plus que jamais remise en question ». 

Évoquant la pandémie de COVID-19, les changements climatiques, les conflits armés, l’insécurité alimentaire, la pauvreté persistante, les inégalités croissantes et les crises de l’énergie et de la dette qui se profilaient, le Vice-Président s’est inquiété des résultats décevants obtenus sur le front des objectifs de développement durable (ODD).  Il a notamment blâmé les promesses de financement et de transfert de technologie non tenues par le Nord et la faible marge de manœuvre budgétaire de la plupart des pays africains.  « Pour rétablir la confiance, il est impératif que le Nord tienne ses promesses et écoute les voix du Sud », a-t-il martelé, ajoutant que le Sud devait augmenter ses recettes nationales, notamment en mettant fin à l’hémorragie de ses ressources naturelles et aux sorties illicites de capitaux. 

M. Mpango a prié les États Membres de prendre dûment en considération le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général dont les priorités « correspondent parfaitement à l’esprit et à l’essence du thème de cette session de l’Assemblée générale ».  Il a rappelé qu’en mars 2023, la Tanzanie était le douzième contributeur des 125 pays participant aux missions de maintien de la paix de l’ONU.  Il a aussi appelé l’Organisation à traquer et condamner ceux qui alimentent les conflits en Afrique afin de « tirer profit du commerce des armes ou de s’ouvrir une voie ensanglantée vers les richesses minérales ». 

Le Vice-Président s’est dit découragé de constater qu’à mi-parcours, à peine 15% des 169 cibles des ODD étaient en voie d’être atteintes, tandis que 37% d’entre elles avaient soit stagné, soit même régressé par rapport aux valeurs de référence de 2015.  Il a précisé qu’en juillet 2023, la Tanzanie avait présenté son deuxième rapport national volontaire qui montrait des progrès significatifs concernant les ODD 2 à 7, notamment en termes de sécurité alimentaire, de disponibilité des médicaments, de mortalité infantile, d’égalité des sexes et d’approvisionnement en eau et en électricité.  M. Mpango a toutefois reconnu des progrès limités concernant les ODD 1, 8 et 10 et indiqué que son pays restait déterminé à faire mieux en augmentant ses recettes nationales et en capitalisant sur les partenariats public-privé. 

Le Vice-Président s’est inquiété des conclusions du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) selon lequel le monde n’est pas sur la bonne voie pour atteindre la limite de 1,5 degré Celsius fixée par l’Accord de Paris et l’Afrique se réchauffe à un rythme supérieur à celui de la planète.  Plaidant en faveur d’une action « urgente et concertée » des États Membres pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer les mesures d’atténuation et d’adaptation, il a demandé que soient facilités les investissements nécessaires.  En conclusion, appelant les belligérants du monde entier à faire taire leurs armes, il a cité l’adage: « œil pour œil et tout le monde finit aveugle ». »

M. KEITH ROWLEY, Premier Ministre de Trinité-et-Tobago, s’est inquiété de l’état de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) qui ne peut que pousser au « pessimisme ».  À ses yeux, le monde est « en péril », du fait des crises en cascade qui secouent différentes régions du globe.  Les investissements dans les instruments de guerre ont largement dépassé les investissements dans les instruments de paix, a déploré M. Rowley, aux dépens des plus vulnérables et de l’esprit du multilatéralisme, objectif même de l’ONU.  « Est-ce là l’héritage que nous voulons laisser aux générations futures »?  Son pays, a-t-il assuré, s’engage à jouer son rôle pour parvenir au développement durable ainsi qu’à la paix et à la sécurité pour tous. 

Cependant, a alerté le Premier Ministre, la capacité de Trinité-et-Tobago à naviguer en toute sécurité vers la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 est entravée par des menaces, notamment la prolifération et l’utilisation d’armes à feu illégales.  Une situation qui s’est aggravée en grande partie à cause de la disponibilité des armes, couplée au trafic illégal depuis les pays de fabrication vers les territoires presque sans défense des Caraïbes.  Sur une population de 1,4 million d’habitants, a ainsi témoigné M. Rowley, Trinité-et-Tobago a connu plus de 600 meurtres l’année dernière, dont 90% impliquant des armes de poing et, de plus en plus, des armes d’assaut.  Cette année, le bilan a été porté à 400 meurtres violents.  Il s’agit d’une crise partagée par presque tous les territoires des Caraïbes et qui s’ajoute aux défis qui font obstacle à la réussite des ODD, s’est lamenté le Premier Ministre. 

Trinité-et-Tobago, tant individuellement qu’en tant que membre de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a tenté de concevoir des solutions pour relever ces défis de manière significative et holistique, a expliqué le Chef du Gouvernement, citant le récent symposium régional de la CARICOM, accueilli par son pays, pour aborder la criminalité et la violence en tant que problème de santé publique.  Conscient de la nécessité d’une coopération à tous les niveaux, il a fait part de son plein attachement au Traité sur le commerce des armes et à ses objectifs déclarés, et de son engagement à continuer à travailler en collaboration avec ses partenaires régionaux et internationaux, en particulier les États-Unis, pour endiguer de toute urgence le commerce illicite d’armes à feu illégales, dont la plupart sont produites par des fabricants et promoteurs d’armes basés dans ce pays.  M. Rowley a encore mis en garde contre la prolifération des crimes violents qui, alliée à d’autres crises, constitue un terreau susceptible de déstabiliser n’importe quel pays. 

Par conséquent, a poursuivi le Premier Ministre, Trinité-et-Tobago, alors qu’elle mène sa propre bataille dans ce domaine, reste profondément préoccupée par les développements en Haïti, et salue la décision du Gouvernement du Kenya de proposer son aide pour diriger une unité multinationale dans ce pays.  Il a exhorté la communauté internationale à collaborer avec Haïti pour parvenir à une solution crédible à la crise actuelle, qui garantirait que le pays et son peuple ne soient pas laissés pour compte, avant de conclure sur l’emblématique titre du chanteur de calypso David Rudder, « Haïti, je suis désolé »! 

M. KYRIAKOS MITSOTAKIS, Premier Ministre de la Grèce, a mis l’accent sur les changements climatiques et les migrations dont la gestion sera au cœur de la candidature de la Grèce pour la période 2025-2026 au Conseil de sécurité et, si élue, au centre de son mandat, de pair avec la sécurité maritime.  La communauté internationale doit adopter une approche collective face à ces défis, a exhorté le Premier Ministre.  Appelant à agir pour la gestion des migrations irrégulières, le Chef du Gouvernement grec a jugé la mise en œuvre des accords internationaux existants comme un échec.  Insistant encore sur les conséquences des catastrophes naturelles comme les derniers incendies survenus dans le nord de son pays, M. Mitsotakis a observé qu’il ne s’agit plus d’une crise réservée au Sud.  Une bataille très inégale avec la nature est livrée dans le sud de l’Europe, en particulier vers la Méditerranée, a‑t‑il témoigné.  Face à cela, la Grèce a pris des propositions ambitieuses pour la décarbonisation de notre île, a annoncé le Premier Ministre en précisant que le Gouvernement investit dans les recherches sur les technologies vertes et les énergies renouvelables dont l’énergie éolienne. 

Le Gouvernement grec, a‑t‑il fait savoir, agit également de manière résolue pour l’atténuation sur le long terme, et l’adaptation à court terme.  M. Mitsotakis a proposé aux dirigeants de la Croatie, de Chypre, de la France, de l’Italie, de Malte, du Portugal, de la Slovénie et de l’Espagne de reconnaître que les circonstances exigent d’agir en dehors du cadre à long terme de l’Union européenne.  Il faut trouver et mettre en œuvre un plan de financement pour relever les nouveaux défis, a‑t‑il expliqué.  Il a annoncé l’organisation d’un forum pour l’adaptation mondiale afin de réfléchir collectivement, de relancer la coopération, d’accéder à de nouveaux financements et de travailler à l’adaptation à court terme.  Il faut investir davantage dans les nouvelles technologies et les modèles de prévision avancée, a‑t‑il recommandé, en soulignant que « notre première obligation est la protection de la vie humaine ». 

S’agissant du défi des migrations, a continué M. Mitsotakis, la Grèce fournit abri et protection à des centaines de milliers de réfugiés et demandeurs d’asile et fait tout ce qui est en son pouvoir pour sauver des dizaines de milliers de vies en mer.  « La Grèce sera toujours un pays ouvert qui accueillera ceux qui fuient persécutions et violences, ceux qui cherchent un avenir meilleur en utilisant les voies d’accès légales. »  Pour ce qui est de l’immigration, le Premier Ministre a signalé que la politique de la Grèce est « dure, mais juste », ayant pour but de prévenir les migrations illégales et d’améliorer l’efficacité des systèmes de retour.  Cette politique facilite la migration sûre, régulière et ordonnée et répond rapidement aux demandes d’asile. 

Sur la relation de la Grèce avec la Türkiye, le Premier Ministre a dit que le différend portant sur la délimitation de leurs zones maritimes en mer Égée est un problème important pouvant être résolu en appliquant le droit international, notamment la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Pour ce qui concerne Chypre, il faut une solution viable, acceptable pour tous, a‑t‑il reconnu.  Athènes soutient pleinement les efforts menés par l’ONU pour faciliter la reprise des négociations, a dit le Premier Ministre se fondant sur les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU. M. Mitsotakis a par ailleurs réitéré sa condamnation de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. 

M. PUSHPA KAMAL DAHAL ‘PRACHANDA’, Premier Ministre du Népal, a passé en revue les réalisations de son pays dans le cadre d’une transition réussie menée à l’échelle nationale depuis 2008.  II s’est engagé à achever la tâche restante en matière de justice transitionnelle qui figure en tête de son agenda politique.  Le projet de loi proposé, issu d’un processus consultatif plus large, adopte une approche centrée sur la victime et reconnaît la réparation comme un droit de la victime, a précisé le Premier Ministre, assurant qu’il n’y aura « pas d’amnistie générale » pour les violations graves des droits de l’homme. 

Aujourd’hui, alors que la trajectoire politique du Népal s’est stabilisée, l’attention se porte sur l’agenda de la transformation économique, a confié M. Dahal, annonçant que son pays sortira de la catégorie des pays les moins avancés (PMA) d’ici à 2026.  En attendant, en tant que Président du Groupe des PMA, il reste activement engagé dans toutes les enceintes pertinentes, y compris au sein du système des Nations Unies, pour protéger et promouvoir l’intérêt collectif des PMA, appelant à un régime commercial international juste et équitable. 

Le Chef du Gouvernement a souligné que les pays montagneux vulnérables comme le Népal subissent de plein fouet les changements climatiques, alertant sur la fonte des glaciers de l’Himalaya qui menace plus de 2 milliards de personnes.  Le Népal, dont la superficie est constituée à 45% de forêts riches en biodiversité et à 15% de hautes montagnes, émet peu de gaz à effet de serre et contribue de manière significative à la préservation écologique, mais, a pointéM. Dahal, il a injustement souffert de la crise climatique. 

Ce type d’inadéquation doit être résolu par un mécanisme de compensation en faveur des pays qui contribuent positivement au verdissement de la planète, a‑t‑il martelé.  Pour sa part, le Premier Ministre a indiqué rester pleinement engagé en faveur de la mise en œuvre efficace de l’Accord de Paris. 

Outre les changements climatiques, le Premier Ministre a évoqué les conséquences de la pandémie de COVID-19 et de la concurrence géopolitique accrue sur les progrès durement acquis dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Il a donc appelé à un soutien international tout en saluant l’appel du Secrétaire général pour une augmentation du financement des ODD à hauteur de 500 milliards de dollars par an.  Enfin, il a rappelé que le Népal, en tant que deuxième pays contributeur de troupes et de policiers aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, a répondu « à chaque appel et sans aucune réserve ».  Il a de nouveau demandé une part équitable des postes de direction au quartier général et sur le terrain pour les pays contributeurs de troupes et de policiers. 

M. AHMAD NAWAF AL-AHMAD AL-SABAH, Premier Ministre de l’État du Koweït, rappelant les nombreux défis mondiaux, a souligné l’importance de la coopération internationale et du partenariat et s’est référé à la vision du Secrétaire général dans son rapport Notre Programme commun.  Rappelant les efforts de son pays pour améliorer les relations avec l’Iraq, le Premier Ministre a dit sa surprise devant la décision de la Cour suprême fédérale iraquienne déclarant « inconstitutionnelle » la loi de ratification de l’accord sur la réglementation de la navigation maritime dans la zone de Khor Abdallah, signé en 2012, entre les deux gouvernements.  Ce jugement comprend plusieurs contradictions historiques à l’encontre de l’État du Koweït, a protesté M. Al-Sabah.  Il s’est également étonné de la décision de l’Iraq d’annuler le protocole d’échanges sécuritaires signé entre les forces des deux pays il y a quelques jours.  Cela aura des répercussions négatives sur la sécurité maritime et sur la navigation dans la région de Khor Abdallah, a prévenu le Premier Ministre pour qui les deux accords restent en vigueur.  Il a ajouté que l’État du Koweït prendra des mesures concrètes et décisives pour remédier aux répercussions de ce jugement et aux contradictions historiques qu’il contient.  Le Premier Ministre a appelé l’Iraq à faire preuve de sa bonne foi et à poursuivre les réunions des équipes techniques en charge de la délimitation des frontières.  En tout cas, a promis M. Al-Sabah, le Koweït se réserve le droit de prendre les mesures juridiques nécessaires pour sauvegarder ses droits légitimes sur la base du droit international. 

Sur la question palestinienne, le Premier Ministre a informé que son gouvernement a écrit à la Cour internationale de Justice (CIJ) pour demander son avis sur les répercussions de l’occupation israélienne et les violations du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.  S’agissant du Soudan, il a exhorté les parties à mettre immédiatement un terme au combat, à recourir au dialogue et à retourner au processus politique pour sauvegarder la paix et la sécurité. Il a dit soutenir les initiatives de l’Arabie saoudite et des États-Unis à cet égard.  En ce qui concerne le Yémen, M. Al-Sabah a renouvelé son appui aux efforts de l’ONU à travers son Envoyé spécial afin d’aboutir à un règlement global du conflit.  Concernant la Syrie, il a recommandé d’intensifier les efforts afin de trouver une solution politique purement syrienne, dans le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Le Premier Ministre a ensuite appelé l’Iran à prendre des mesures sérieuses pour rétablir la confiance, entamer un dialogue basé sur la non-ingérence dans les affaires internes des États et maintenir la sûreté et la liberté de la navigation internationale.  Il a rejeté toute prétention sur le champ gazier d’Al-Durra qui est une propriété commune entre l’État du Koweït et le Royaume d’Arabie saoudite.  Enfin, a conclu le Chef du Gouvernement, son pays, dans le cadre de sa vision de développement, a pris l’engagement d’assurer la neutralité carbone à l’horizon de l’an 2050.

M. ALEXANDER SCHALLENBERG, Ministre fédéral des affaires européennes et internationales de l’Autriche, a énuméré les grands défis de notre époque, marquée par des conflits violents, des crises climatiques et un recul des droits humains.  Utilisant la métaphore du tremblement de terre pour illustrer le sentiment général d’incertitude, tandis que se creusent des failles dans nos systèmes de commerce et de sécurité, il a estimé que « nous vivons dans un temps entre les temps ».  Se montrant critique envers les « populistes polarisants qui diffusent de fausses informations », le Ministre a rappelé que les réponses simples aux questions complexes n’étaient que des formes dangereuses de pensée magique, comme « cela a été douloureusement prouvé le 24 février de l’année dernière, lorsque la Russie a brutalement envahi l’Ukraine ». 

Affirmant que la coopération, le pacifisme et le multilatéralisme étaient dans l’ADN de l’Autriche, M. Schallenberg a rappelé que Vienne était « fière d’abriter l’un des sièges des Nations Unies et plus de 50 organisations internationales ». Selon lui, l’ordre international basé sur des règles a rempli son office pendant près de huit décennies, mais il n’est plus adaptéà son objectif et ne pourra sans doute pas durer encore 80 ans.  Il a donc plaidé pour un Conseil de sécurité plus inclusif et représentatif, suggérant de l’ouvrir à de nouveaux pays, notamment africains. L’Autriche défendra cet objectif lors de sa candidature pour un siège non permanent en 2026, a‑t‑il fait savoir.  

Qualifiant l’Autriche contemporaine de « pays florissant, socialement stable, économiquement prospère, et protecteur de l’environnement, dont la capitale, Vienne, a été élue à plusieurs reprises ville la plus agréable à vivre au monde », plus d’un siècle après avoir chu de son piédestal impérial, il a mis en garde contre les abus du recours à l’histoire pour justifier la violence.  « Vous ne pouvez pas construire un avenir en restant coincés dans le passé », a‑t‑il défendu, affirmant que le multilatéralisme restait la meilleure alternative pour garantir la prospérité et la sécurité.  En conclusion, M. Schallenberg a insisté sur le besoin de dialogue et de compromis, rejetant la notion de « avec nous ou contre nous » et exhortant à un multilatéralisme pragmatique.  Selon lui, cette approche nécessitera de « l’endurance, de la patience stratégique et une bonne dose de réalisme », mais « nous en émergerons plus forts, plus prospères et plus résistants », a‑t‑il espéré. 

M. MAHAMAT SALEH ANNADIF, Ministre d’État, Ministre des affaires étrangères, des Tchadiens de l’étranger et de la coopération internationale du Tchad, a regretté que le rêve commun de bâtir un monde stable et paisible et l’espoir d’une vie meilleure cèdent le pas à l’angoisse et à l’incertitude des conflits armés, du terrorisme, des changements climatiques, des migrations à grande échelle, du sous-développement, de la pauvreté, des crises politiques, économiques et financières.  Saluant le thème de cette soixante-dix-huitième session, le Ministre a appelé les nations à accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).  Cette action devrait se faire sans exclusive et sans préjudice pour rétablir la confiance.  M Annadif a fait le point sur la matérialisation du Programme 2030 dans son pays.  Le Gouvernement a ainsi inscrit les ODD au nombre des priorités de la « Vision 2030: le Tchad que nous voulons » et de ses plans nationaux de développement pour les périodes 2017-2023 et 2024-2028. 

Cette mise en œuvre, a rappelé le Ministre, a été marquée, entre autres, par la chute des cours des matières premières sur les marchés mondiaux, les attaques de la secte Boko Haram, la pandémie de COVID-19, les changements climatiques, les conflits intercommunautaires dans les pays voisins avec des effets directs sur la population tchadienne, ainsi que les conflits politico-militaires.  Selon lui, cette situation est aujourd’hui aggravée par la guerre en cours au Soudan voisin.  Quelque 400 000 nouveaux réfugiés se sont ajoutés aux 600 000 réfugiés déjà installés au Tchad depuis plusieurs années.  « Sur une population totale de 17 millions d’habitants, près de 2 millions sont des réfugiés.  C’est un fardeau bien lourd pour le Tchad », a résumé le Ministre.  M. Annadif a demandé une action rapide et concertée de la communauté internationale pour faire face à cette catastrophe humanitaire sans équivalent. 

Le Ministre a poursuivi en disant que depuis le décès du Président Idriss Deby, le Tchad est engagé dans un processus de transition politique inclusif et transparent.  Le premier jalon fut la conclusion de l’Accord de Doha entre le Gouvernement et les mouvements politico-militaires en août 2022.  Cet accord, a‑t‑il ajouté, a permis le retour aux pays de nombreux Tchadiens exilés ou réfugiés.  Aujourd’hui, le Gouvernement d’union nationale est à pied d’œuvre pour la tenue du référendum constitutionnel qui déterminera la forme de l’État et qui ouvrira la voie au rétablissement progressif de l’ordre constitutionnel.  Des reformes administratives, judicaires, sécuritaires et militaires sont en cours, a rapporté M. Annadif.  En outre, « des gestes d’apaisement allant de l’ouverture de l’espace politique à la grâce présidentielle ont contribuéà détendre le climat au sein de la classe politique ». Cette dynamique a permis la mise en place d’un cadre de concertation des partis politiques sur des bases plurielles.  Concernant la crise soudanaise, le Ministre a appelé à un cessez-le-feu durable.  Il n’y a pas de solution militaire à ce conflit, a‑t‑il tranché. Enfin, M. Annadif a demandé la réforme du Conseil de sécurité telle que reflétée dans le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte.  Il a encouragé la création d’un État palestinien indépendant et souverain vivant en sécurité aux côtés de l’État d’Israël et exigé la levée de l’embargo imposé à Cuba.

M. ROBERT DUSSEY, Ministre des Affaires étrangères du Togo, a commencé par exprimer son inquiétude quant à l’état « peu reluisant » du monde, se demandant si nos engagements étaient « à la hauteur » et rappelant l’urgence de rétablir la confiance et la solidarité globales.  Il a énuméré les multiples défis auxquels fait face l’Afrique et en particulier son pays, le Togo.  Dans la litanie de « vulnérabilités », la plus préoccupante est selon lui le terrorisme, que le Gouvernement togolais entend combattre avec une stratégie multisectorielle, conciliant les approches sécuritaires et de développement. 

Le Ministre a ensuite insisté sur les efforts de son pays en matière de protection environnementale.  Le Togo ambitionne de protéger 90% de ses côtes d’ici à 2025 et il a lancé un programme de reboisement d’un milliard d’arbres, ayant aussi interdit le glyphosate, a-t-il détaillé.  Il a également mis en avant les initiatives pour promouvoir les énergies renouvelables, notamment à travers le projet Cizo qui consiste à fournir des kits d’énergie solaire aux populations rurales vulnérables.  Il a exhorté à une action mondiale plus efficace contre les changements climatiques lors de la COP28, mais il a surtout mis en exergue l’importance de trouver une voie africaine face aux défis régionaux et internationaux.  « L’Afrique sait ce qu’elle veut.  Les peuples africains et du Sud global sont frustrés car ils se sentent insultés, déshumanisés », a-t-il souligné. 

Insistant sur le pacifisme profond du Togo, M. Dussey a vanté les succès de son pays en tant que médiateur, citant en exemple la libération de 49 soldats ivoiriens le 6 janvier dernier.  Il a appelé à la cessation des hostilités dans les différents foyers de tension dans le monde et en particulier en Afrique de l’Ouest, avant de dénoncer les ingérences extérieures, affirmant que l’Afrique doit rester maîtresse de son destin.  « Les ingérences ne sont plus les bienvenues dans une Afrique qui a conscience de ses propres responsabilités », a-t-il clamé.  Le Ministre a aussi mentionné la crise soudanaise et les consultations menées par le Togo pour parvenir à un compromis et ouvrir un couloir humanitaire.  Il a incité les parties en conflit à adopter la voie du dialogue.  Abordant la question de la gouvernance, il a annoncé le Forum de la paix et de la sécurité de Lomé, dont la première édition se tiendra au mois d’octobre, avant de critiquer le statu quo au Conseil de sécurité de l’ONU et d’exiger une représentation plus équitable pour le continent africain. 

Il a réaffirmé que l’Afrique cherche des relations fondées sur l’égalité et le respect mutuel. « La réalité du monde, c’est qu’il n’a plus de centres de gravité monopolistique.  Le centre du monde est désormais ici et nulle part ailleurs », a-t-il déclaré, précisant que la réforme de « l’architecture multilatérale mondiale » avait été identifiée comme un sujet clef du prochain (neuvième) Congrès Panafricain de 2024, prévu à Lomé.  Selon le Ministre, l’Afrique doit éviter de s’impliquer dans des rivalités extérieures et se concentrer sur ses propres combats, qui sont, entre autres, « la lutte contre le néocolonialisme, la lutte contre la pauvreté, l’industrialisation du continent et la prospérité économique, le combat pour la paix, la lutte contre la désafricanisation de l’Afrique et pour la renaissance africaine et la dignité ».  En conclusion, il a répété sa fatigue face au paternalisme, au mépris, à la condescendance, et à l’arrogance. 

Mme DOMINIQUE HASLER, Ministre des affaires étrangères, de l’éducation et du sport du Liechtenstein, a fait appel à la « responsabilité commune » afin de sauvegarder l’ordre international pour les générations futures, en agissant pour une ONU plus forte, plus équitable et plus résiliente, et en promouvant l’état de droit illustré par la Charte des Nations Unies, « le traité le plus réussi jamais adopté ». Mais, en tant que dirigeants, « faisons-nous réellement suffisamment d’efforts pour mettre ces promesses en pratique »? s’est-elle interrogée, pointant du doigt la guerre de colonisation que la Russie mène contre son voisin, l’Ukraine.  Se lever ensemble contre cet acte d’agression signifie, avant tout, défendre l’ordre juridique international. La Ministre a salué à cet égard le défi « admirablement relevé » par l’Assemblée générale face à un Conseil de sécurité paralysé par le recours au veto, soulignant le rôle central désormais dévolu à cette Assemblée dans un Nouvel Agenda pour la paix.  De fait, a-t-elle étayé, « c’est ensemble que nous avons appelé au retrait complet de toutes les troupes russes du territoire ukrainien et défini les paramètres d’une paix juste, et c’est ensemble que nous devons franchir la prochaine étape évidente: garantir la responsabilité pénale des individus pour cet acte d’agression ». 

Abordant la problématique des changements climatiques, Mme Hasler a reconnu que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour gagner ce combat.  Si elle a placé ses espoirs dans la COP28, elle s’en est remise, en dernier ressort, à la loi qui « doit nous guider ». C’est pourquoi le Liechtenstein a soutenu la demande d’un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) qui aidera à clarifier les questions juridiques complexes liées aux changements climatiques.  S’agissant du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui reste, à ses yeux, l’une des expressions les plus réussies d’un terrain d’entente de la dernière décennie, la Ministre a reconnu que le chemin est encore long à parcourir au regard du nombre croissant de personnes vivant dans l’extrême pauvreté depuis la pandémie de COVID-19.  De même, au rythme actuel, il faudra des siècles pour atteindre l’égalité totale entre les sexes.  Mme Hasler a évoqué les innombrables femmes qui souffrent de violence et d’oppression dans le monde entier, dénonçant les situations de persécution systématique liée au genre, de l’Afghanistan à l’Iran, en passant par le Bélarus et le Myanmar. 

Mme CATHERINE COLONNA, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a commencé par rappeler les principes directeurs de la politique internationale française, dans le contexte de l’agression russe contre l’Ukraine.  Le premier d’entre eux est l’égalité entre États, le respect de leur intégrité territoriale et de leur souveraineté, « principes sur lesquels personne ne peut ni ne doit transiger ».  Puis la Ministre a défendu la sécurité alimentaire, pour laquelle la France se bat en finançant des livraisons du Programme alimentaire mondial au bénéfice des pays les plus fragiles et en facilitant l’exportation des céréales ukrainiennes.  Elle a ensuite évoqué l’inviolabilité du patrimoine historique, « que ce soit à Mossoul et à Tombouctou hier, à Odessa ou à Lviv, aujourd’hui », ainsi que la lutte contre l’impunité des crimes, et le soutien de la France à la Cour pénale internationale (CPI).  « Ce qui se joue en Ukraine nous concerne tous.  Si nous laissons nos principes communs être transgressés là-bas, ils le seront partout », a insisté Mme Colonna. 

Elle a ensuite abordé le rôle croissant de la France dans la solidarité internationale, le pays étant devenu le quatrième acteur mondial en termes d’aide, aux côtés des États-Unis, du Japon et de l’Allemagne.  Le Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial, qui s’est tenu à Paris les 22 et 23 juin et « a permis de tracer un chemin pour rehausser les financements publics et privés », a abouti au « Pacte de Paris pour les peuples et la planète », a-t-elle expliqué.  Elle a appelé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à endosser ce pacte, conçu pour « affronter en même temps la pauvreté, les changements climatiques et la perte de biodiversité, en faisant en sorte qu’aucun pays n’ait à choisir entre ces objectifs ».  Puis elle a évoqué diverses initiatives, telles que l’accueil prochain de la coalition pour l’alimentation scolaire, à Paris en octobre, et la réunion de reconstitution du Fonds international de développement agricole (FIDA) en décembre.  Elle a également annoncé l’accroissement significatif de l’aide alimentaire de la France, portée à 900 millions d’euros et bénéficiant à 67 pays.  Sur le front environnemental, la Ministre a vanté l’engagement financier de la France en faveur du climat, à hauteur de 7,6 milliards d’euros en 2022, avant d’annoncer que la France accueillera la Conférence des Nations Unies sur l’océan en juin 2025 et s’engagera pour la protection des forêts.  Puis, elle a critiqué le régime des Taliban pour leur politique de ségrégation et de violence contre les femmes, et a souligné l’engagement continu de la France auprès des Casques bleus et des travailleurs humanitaires.  « Nous devons mieux les protéger », a déclaré la Ministre. 

En ce qui concerne les crises internationales, Mme Colonna a appelé à des solutions pacifiques et inclusives dans des régions conflictuelles comme le Haut-Karabakh, le Soudan, et la République démocratique du Congo.  La France, a-t-elle indiqué, continuera de soutenir les organisations régionales africaines dans des crises comme celle au Niger, en mettant l’accent sur le rôle vital de ces organisations, comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), pour instaurer la paix et la stabilité. « En Afrique, nous croyons aux solutions africaines aux crises africaines, et nous soutenons les organisations régionales africaines à chaque fois qu’elles demandent l’appui de leurs partenaires », a-t-elle affirmé, défendant également une plus grande présence africaine au Conseil de sécurité.  Dans un contexte de recomposition du Moyen-Orient, elle a enfin annoncé la participation de la France à la troisième conférence dite « de Bagdad », soulignant la volonté de la France de contribuer à des projets concrets de coopération régionale. 

M. DAN JØRGENSEN, Ministre de la coopération pour le développement et de la politique climatique globale du Danemark, a rappelé que, depuis plus de 40 ans, son pays a réalisé l’objectif consistant à consacrer au moins 0,7% de son produit national brut à l’aide au développement.  Or même si tous les pays respectaient l’objectif en question, cela ne couvrirait que 10% du déficit de financement actuel, ce qui n’est tout simplement pas acceptable, a déclaré le Ministre.  Cette année, le Danemark a décidé d’augmenter « à un niveau jamais atteint » son financement climatique basé sur des subventions: 745 millions de dollars, dont environ 60% seront alloués aux mesures d’adaptation.  Et en 2024, nous doublerons notre contribution au Fonds vert pour le climat pour atteindre environ 234 millions, a promis le Ministre. Il a expliqué que Copenhague augmentera également son soutien à l’institution danoise de financement du développement, lui permettant de tripler sa contribution annuelle au financement climatique dans les pays en développement, de 300 millions de dollars aujourd’hui à environ 900 millions d’ici à 2030. 

Pour mobiliser des financements pour le développement et l’action climatique, nous devons également mieux exploiter l’énorme potentiel des institutions financières internationales, a poursuivi M. Jørgensen.  Les banques de développement, dont la Banque mondiale, doivent lever non pas des milliards, mais des milliers de milliards de dollars pour l’action climatique et les ODD, a expliqué le Ministre, en soulignant à quel point l’architecture financière internationale doit être revisitée. 

Pour le Danemark, le manque de respect flagrant de la Russie envers les principes les plus fondamentaux de l’ONU est une « tragédie » pour l’Organisation.  Raison pour laquelle son pays, a indiquéM. Jørgensen, soutient tous les efforts visant à mettre fin à l’agression russe contre l’Ukraine, à commencer par la formule de paix du Président Zelenskyy.  Il a également demandé que soient établies les responsabilités complètes de la guerre d’agression illégale menée par la Russie contre l’Ukraine.  Hier, a ensuite informé le Ministre, le Danemark était fier de signer le traité international historique (BBNJ) pour protéger la haute mer qui a été adopté plus tôt cette année, permettant ainsi de faire progresser l’ODD 14.  Cette adoption revêt également une énorme valeur symbolique, a-t-il estimé, montrant qu’en dépit des tensions et des divisions croissantes, il est encore possible de rassembler et de trouver un terrain d’entente. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Les États Membres se réengagent en faveur d’une couverture sanitaire universelle, « parce que la santé ne peut être une question de revenu »

Soixante-dix-huitième session,
Réunion de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle, matin & après-midi
AG/12535

Les États Membres se réengagent en faveur d’une couverture sanitaire universelle, « parce que la santé ne peut être une question de revenu »

Les États Membres ont approuvé aujourd’hui une déclaration politique par laquelle ils proclament que chaque être humain a le droit de jouir du plus haut niveau de santé physique et mentale possible et se réengagent en faveur d’une couverture sanitaire universelle.  Cette déclaration, qui doit encore être formellement adoptée par l’Assemblée générale, survient quatre ans après l’adoption en 2019 de la première Déclaration sur le sujet, par laquelle les États Membres s’engageaient à mettre en œuvre des politiques « à haut impact » pour protéger la santé des personnes. 

Dans cette nouvelle déclaration, approuvée au début d’une réunion de haut niveau riche de plus d’une centaine d’interventions, les États Membres reconnaissent par ailleurs que la couverture sanitaire universelle est fondamentale pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD), non seulement ceux liés à la santé et au bien-être, mais aussi ceux relatifs à l’éradication de la pauvreté, à l’accès à l’éducation, à l’égalité de genre ou encore à l’édification de sociétés pacifiques et inclusives.  Ils réaffirment en outre le rôle premier des États dans la mise en place d’une telle couverture. 

Les États Membres prennent également note des graves lacunes sanitaires révélées par la récente pandémie de COVID-19, aucun progrès n’ayant en effet été enregistré depuis 2019 dans l’expansion de la couverture sanitaire dans le monde.  Ils notent aussi la gravité du sous-financement des systèmes de santé nationaux, notamment en ce qui concerne l’allocation de fonds publics et externes. Ils déplorent également la pénurie en travailleurs de la santé, puisque 10 millions devraient manquer d’ici à 2030. 

« La santé est un droit pour tous, une question fondamentale de justice sociale, d’équité et de droits humains », a réagi le Président de l’Assemblée générale, M. Dennis Francis, sitôt le texte approuvé.  Il a rappelé que chaque année des millions de personnes sombrent dans la pauvreté en raison du coût de leurs soins de santé.  « Santé et développement durable sont les deux faces d’une même pièce », a-t-il rappelé, appuyé par la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina Mohammed. 

« La santé ne peut être une question de revenus », a abondé le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, en faisant siens ces mots de Nelson Mandela.  Il a souligné que 4,5 milliards de personnes ne sont pas totalement couvertes par les services de santé essentiels et que 2 milliards font face à des difficultés financières, c’est-à-dire qu’ils doivent choisir entre l’achat de médicaments ou de nourritures.  En outre, près de 800 femmes meurent chaque jour de complications liées à un accouchement et 100 000 personnes meurent chaque jour de façon prématurée en raison d’une maladie non transmissible. 

Le Chef de l’OMS a surtout rappelé que l’instauration d’une couverture sanitaire universelle est un défi politique, non pas technique.  « C’un choix politique. »  À ce titre, il a estimé que cette déclaration envoie un signal fort, avant de rappeler que le renforcement des soins de santé primaire dans le monde permettrait de sauver pas moins de 60 millions de vies. 

« Faisons le choix politique de la couverture sanitaire universelle. »  Même son de cloche du côté de Mme Rebecca Akufo-Addo, Première Dame du Ghana, qui a estimé que le monde ne fait pas assez d’efforts pour instaurer une couverture sanitaire universelle, y compris au sein des pays développés où des écarts dans l’accès aux soins subsistent.  Elle a exhorté ces pays à aider les pays en développement pour la distribution de médicaments génériques.  « La santé doit être accessible à tous, si nous le voulons, nous y arriverons », a-t-elle dit. 

Tous les intervenant se sont félicités de l’approbation de cette déclaration, à l’instar du Président du Chili qui a rappelé combien la rivalité l’avait emporté sur la coopération pendant la pandémie, s’agissant notamment de l’accès aux vaccins.  « Le droit à la santé est un droit humain qui doit être garanti pour tous », a-t-il déclaré, tandis que le Président du Monténégro a rappelé qu’il ne peut y avoir de « prospérité sans santé ».

« La couverture sanitaire universelle est une question de droit humain », a renchéri le Ministre de la santé de l’Irlande, qui a indiqué que la rétention du personnel de santé est un axe majeur de sa politique sanitaire.  Son homologue de l’Iraq s’est engagé à mettre en place une telle couverture, tandis que la Ministre de la santé de l’Estonie a loué les avantages de la numérisation quant à l’accès aux prestations médicales.  « La condition de la santé c’est la paix », a-t-elle dit, en condamnant vigoureusement la guerre en Ukraine. 

La Ministre des affaires étrangères des Tonga a, elle aussi, fait le pari de l’innovation pour renforcer l’offre de soins, notamment par le recours à la télémédecine, tandis que le Ministre de la santé de la Roumanie a souligné la nécessité de réorienter les systèmes de santé vers les soins primaires.  « Ce sont eux qui nous permettront de mettre en place une couverture sanitaire universelle. »  « Cette couverture est le Saint Graal en matière de santé », a appuyé la Ministre de la santé du Timor-Leste, qui a rappelé que la santé est un « droit tout autant qu’un devoir ».

Les appels à une solidarité internationale renforcée se sont également multipliés lors de cette réunion, à l’instar de celui lancé par le Ministre de la santé de la Jamaïque qui a appelé à regagner le terrain perdu pendant la pandémie.  « Il faut une solidarité mondiale en vue de renforcer les capacités des pays en développement dans le domaine de la santé », a déclaré le Ministre des relations extérieures du Cameroun, en soulignant l’importance, à ce titre, de l’aide publique au développement.   

« La résilience des Libanais est totale mais la solidarité internationale reste fondamentale », a appuyé le Ministre de la santé du Liban.  Le Ministre de la santé et de l’assainissement de la Sierra Leone a indiqué que l’absence de couverture sanitaire universelle en Afrique a une incidence négative sur la santé des populations, moins d’adultes étant à même de pouvoir obtenir un traitement pour les maladies non transmissibles.  Son homologue du Mali a exhorté la communauté internationale à épauler son gouvernement dans l’extension d’une telle couverture au Mali, y compris dans les zones en crise. 

De son côté, la Ministre de la santé d’Antigua-et-Barbuda a attiré l’attention sur la vulnérabilité des petits pays insulaires en développement dans l’approvisionnement en vaccins.  « Il ne peut y avoir de priorité plus impérieuse que le bon financement des systèmes de santé », a-t-elle insisté.  La Ministre des affaires étrangères du Mexique a indiqué que deux millions de personnes vont être couvertes dans son pays grâce aux efforts de son gouvernement, avant de s’élever contre la marchandisation de la santé.  « On ne doit pas gagner de l’argent grâce à des problèmes de santé. » 

Le Ministre de la santé de la Slovaquie a appelé à élaborer un budget mondial pour investir à l’échelle nationale, tandis que le Premier Ministre du Japon a indiqué que le G7 est conscient de la nécessité de renforcer le système sanitaire mondial pour se préparer pandémies.  Cinq milliards de dollars ont été donnés par le Japon, a-t-il dit.  « L’heure est venue pour les leaders du monde de parvenir à la couverture universelle d’ici à 2030, y compris dans les pays en développement. »  C’est une priorité absolue pour l’UE, a renchéri la Commissaire aux affaires intérieures de l’Union européenne

Des notes quelque peu dissonantes sont néanmoins venues de certaines délégations.  Le Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie a ainsi déclaré que l’application d’une telle couverture doit aider en premier lieu ceux qui en ont besoin sans créer des problèmes supplémentaires.  Les réfugiés autorisés à résider temporairement sur le territoire doivent donc avoir accès aux mêmes soins de santé, tandis que les migrants illégaux ne devraient pas avoir les mêmes droits, a-t-il tranché. 

De son côté, le Ministre de la santé de Singapour a rappelé que la tâche fondamentale des systèmes de santé est de prendre soin des malades, ce qui est difficile lorsque la population vieillit.  Plus de ressources doivent donc être investies dans les soins préventifs, tels que la promotion de modes de vie sains, a-t-il dit.  Enfin, le Vice-Ministre de la santé de la Fédération de la Russie a déploré la politisation de cette réunion à l’encontre de son pays.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: appels des pays du Sud à la diplomatie et à la négociation pour permettre une sortie de la crise en Ukraine

Reprise de la 9421e séance – après-midi  
CS/15420

Conseil de sécurité: appels des pays du Sud à la diplomatie et à la négociation pour permettre une sortie de la crise en Ukraine

Le Conseil de sécurité a achevé, cet après-midi, son débat public consacré au maintien de la paix et de la sécurité en Ukraine, l’occasion pour la petite dizaine d’intervenants qui n’avaient pas pu s’exprimer hier d’exposer leurs points de vue sur cette crise.

Cette réunion avait été marquée, hier, par la première intervention en personne depuis l’hémicycle du Président ukrainien, M. Volodymyr Zelenskyy, qui a présenté, à grands traits, sa « formule pour la paix ». Le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergey Lavrov, avait souligné pour sa part qu’en l’état, aucune négociation n’était possible avec « les putschistes néonazis de Kiev » et présenté sa propre chronologie de la crise ukrainienne.

Aujourd’hui, le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Sierra Leone, a insisté sur l’importance du respect des objectifs et des principes de la Charte des Nations Unies par le biais d’un multilatéralisme efficace.  Il a donc invité les États Membres à s’engager dans la diplomatie et la négociation pour relever le pari difficile du règlement des conflits et de la promotion de solutions pacifiques, « une responsabilité qui incombe en premier au Conseil de sécurité ».  Le Ministre a également mis l’accent sur l’importance de l’égalité, de l’équité et de la cohérence dans l’application du droit international, y compris en ce qui concerne l’amélioration des recours et des réparations en cas de violation du droit international. 

Appelant à éviter toute mesure qui mettrait en danger les possibilités de dialogue et de négociation, la Secrétaire d’État aux affaires étrangères de l’Inde a posé la question de savoir s’il existe à ce stade une solution acceptable pour les deux parties et, à défaut, pourquoi le Conseil de sécurité, pourtant mandaté pour cette tâche, est-il devenu « inefficace, voire obsolète ». 

Le Directeur général du Département des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud a lui aussi épinglé l’échec du Conseil de sécurité sur ce dossier, en regrettant que cela sape sa crédibilité. Le Conseil devrait veiller à ce que l’intégrité territoriale, la souveraineté et les droits des personnes reçoivent toute son attention, qu’il s’agisse de l’Ukraine, de la Palestine ou d’autres conflits, a-t-il exigé avec le soutien de l’Indonésie

L’Argentine a martelé que seuls le dialogue et la diplomatie mèneront à une sortie de crise, un point de vue partagé par le Ministre du pouvoir populaire pour les affaires étrangères du Venezuela qui a dénoncé le « scénario de la confrontation » en Ukraine avant d’appeler à changer de cap et à miser sur un dialogue sincère pour construire un mécanisme de sécurité européen plus juste et équilibré.  Les Nations Unies ont un rôle de premier plan à jouer afin d’éviter l’escalade et l’arrivée à un point de non-retour, a souligné le Ministre.  Le dignitaire a fait observer que l’initiative des dirigeants africains pour l’Ukraine s’inscrit dans cette logique, en ce qu’elle cherche à faciliter la fin de cette guerre à travers un processus diplomatique et des négociations. 

La réunion a également été marquée par l’intervention du Grand Chancelier de l’Ordre souverain de Malte qui a indiqué que selon les estimations, d’ici à la fin 2023, 224 milliards de dollars auront été dépensés dans ce conflit.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.