9424e séance – matin
CS/15422

Conseil de sécurité: un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream, la Russie accuse les États-Unis et annonce le dépôt d’un nouveau projet de résolution

Un an après le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le Conseil de sécurité s’est, cet après-midi, réuni à la demande de la Fédération de Russie, qui a annoncé son intention de présenter un projet de résolution, une initiative critiquée par certaines délégations, qui ont notamment invoqué l’absence de nouveaux éléments concluants dans le cadre des trois enquêtes nationales en cours. 

Pour justifier cette réunion, la quatrième à ce jour sur le sujet, la Russie a fait état de preuves accusant « Washington » d’avoir mené « cet acte criminel scandaleux », dans le but de « consolider sa domination sur l’Europe », dépendante des ressources énergétiques russes. Une hypothèse soutenue par deux intervenants invités à livrer leurs analyses, M. Dirk Pohlmann, un journaliste et documentariste allemand, et M. Jimmy Dore, un commentateur politique américain.  

Rejetant le « complot sans fondement » et les « théories absurdes et ridicules » « soutenues par l’Occident », qui ont fait surface après le sabotage des gazoducs, selon lesquelles la Russie serait coupable de cet acte de sabotage, les deux hommes ont assuré que de nouvelles preuves démontrent qu’il ne pouvait avoir été perpétré sans équipements militaires.  Impossible en outre d’ignorer, a souligné M. Dore, que le Président des États-Unis, M. Joe Biden, a clairement laissé entendre, le 9 février 2022, qu’il attaquerait le gazoduc Nord Stream  2 si la Russie envahissait l’Ukraine. 

Une telle opération a nécessité des plongeurs professionnels ou militaires, une chambre de décompression, ainsi qu’une forte quantité d’explosifs de type TNT, a développé M. Dore.  La station sismologique norvégienne NORSAR a indiqué qu’une magnitude de 2,1 à 2,3 avait été enregistrée lors de l’explosion, correspondant à une détonation de 650 à 900 kilogrammes de TNT, a-t-il rappelé.  Et alors qu’il est techniquement impossible de réaliser une telle opération depuis un petit voilier, a encore indiqué le journaliste, les navires américains USS Kearsarge et USS Gunstone Hall étaient tous deux capables de transporter un sous-marin de poche, qui aurait pu servir à l’installation d’explosifs à une telle profondeur. 

Compte tenu de la gravité des faits, le Conseil doit prendre acte de ces preuves « impartiales et objectives », la Fédération de Russie annonçant son intention de déposer un nouveau projet de résolution à ce sujet.

Sans se prononcer directement, quelques délégations, dont le Gabon, le Brésil, ou l’Équateur, ont en effet jugé nécessaire de progresser dans la détermination des circonstances, dont l’opacité donne libre cours à toutes sortes de suspicions et de spéculations.  Or les enquêtes actuelles menées au niveau national par l’Allemagne, le Danemark et la Suède ne sont pour l’heure parvenues à aucune conclusion, a-t-il été relevé par plusieurs membres du Conseil. 

Dans un contexte d’exacerbation des tensions géopolitiques, le Ghana, le Japon, les Émirats arabes unis, le Mozambique et la Chine ont exhorté les parties prenantes à fournir régulièrement au Conseil de sécurité des informations transparentes sur l’état d’avancement des enquêtes en cours. 

Mais pour le Royaume-Uni, l’Albanie, Malte ou la France, ces enquêtes sont complexes et il n’y a aucune raison de douter de leur sérieux et de leur impartialité.  Et le Conseil de sécurité ferait une bien mauvaise utilisation de son temps s’il commençait « à préjuger des résultats de ces enquêtes, à dicter la manière dont elles seront menées ou à les affaiblir d’une autre manière », a estimé le Royaume-Uni 

Au lieu de spéculer, la Russie devrait permettre à ces pays de mener à bien leurs investigations, ont recommandé les États-Unis, tandis que Malte mettait en garde contre les risques que comporterait l’ouverture de nouvelles enquêtes.  Le 27 mars dernier, la Fédération de Russie avait demandé la création d’une commission internationale indépendante pour faire la lumière sur le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 et en identifier les « auteurs, commanditaires, organisateurs et complices ».  Texte qui avait été rejeté, après n’avoir recueilli que 3 voix pour et 12 abstentions.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. DIRK POHLMANN, journaliste, s’est présenté comme un journaliste d’investigation et documentariste actif depuis 37 ans.  « Indépendant et à la solde de personne », il a dit avoir écrit et réalisé plus de 20 documentaires, principalement sur les opérations de renseignement durant la guerre froide, diffusés dans une trentaine de pays. Dans le cadre de son travail sur le sabotage de Nord Stream, il a indiqué avoir contacté et interviewé de nombreux chercheurs.  M. Pohlmann a déclaré qu’un an après ce « grave acte de terrorisme », on en sait toujours « étonnamment peu » sur ce qui s’est passé.  Nous ne savons pas qui est responsable, a-t-il ajouté, avant de rejeter la théorie du « complot sans fondement, soutenue par l’Occident », selon laquelle la Russie est le coupable dudit sabotage.  Il est juste de dire que les autorités allemandes, danoises, suédoises et d’autres pays occidentaux en savent assez pour ne pas vouloir en savoir plus.  La vérité ouvrirait une boîte de Pandore pour l’OTAN, a estimé l’intervenant.

Selon M. Pohlmann, il existe en réalité de nouvelles preuves, notamment techniques, liées à la profondeur du gazoduc –environ 80 mètres–, à la taille et aux matériaux de ses composants, acier et béton.  Une telle opération de sabotage aurait nécessité des plongeurs professionnels ou militaires, une chambre de décompression, ainsi qu’une forte quantité d’explosif de type TNT.  La station sismologique norvégienne NORSAR a indiqué qu’une magnitude de 2,1 à 2,3 avait été enregistrée lors de l’explosion, correspondant à la détonation de 650 à 900 kilogrammes de TNT.  Cette opération serait impossible à réaliser depuis un petit voilier, a encore indiqué le journaliste.  Les navires américains comme le USS Kearsarge et l’USS Gunstone Hall étaient tous deux capables de transporter un sous-marin de poche, ce qui aurait pu être utile pour le déploiement d’explosifs à une telle profondeur. 

M. Pohlmann a également cité un « éminent physicien » qui aurait déclaré que les rapports officiels sont non seulement contradictoires, mais remettent en cause des données physiques fondamentales, invalidant ainsi l’hypothèse de l’utilisation d’un explosif conventionnel.  En revanche, plusieurs éléments de preuve géophysiques solides, à savoir les formes d’ondes sismiques, le placement d’explosifs, les nuages d’aérosols post-explosion, les courants sous-marins, l’augmentation de la température au fond de l’océan avec une production réduite de biomasse concomitante et la détection de rayons gamma en Pologne suggèrent l’utilisation d’un explosif mille fois plus puissant. 

Or, a-t-il poursuivi, une charge explosive beaucoup plus petite aurait suffi à détruire le pipeline, ce qui soulève des doutes considérables quant à la nature de la charge explosive utilisée.  Les observations sont plutôt cohérentes avec une charge explosive de 1 à 4 kilotonnes équivalentes à de la TNT.  Compte tenu de la gravité de l’affaire, il est important que des preuves indépendantes et objectives soient collectées, sous l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU, a préconisé le journaliste. 

M. JIMMY DORE, commentateur politique, a rejeté les « théories absurdes et ridicules » qui ont émergé après le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le 26 septembre 2022.  Pourtant, a-t-il poursuivi, il est impossible d’ignorer que le Président des États-Unis, M. Joe Biden, avait clairement laissé entendre, le 9 février 2022, qu’il attaquerait le gazoduc Nord Stream 2 si la Russie envahissait l’Ukraine.  Pour preuve, il a cité Seymour Hersch, un journaliste d’investigation « génial », selon qui des plongeurs de la Marine des États-Unis, « sous couverture d’un exercice de l’OTAN », avaient placé les explosifs qui ont, trois mois plus tard, détruit trois des quatre gazoducs Nord Stream.

Quoi qu’il en soit, a poursuivi M. Dore, il s’agit d’une « guerre économique entre l’Ouest et la Russie visant à remplir les poches de capitalistes rapaces qui tirent en réalité les ficelles du Gouvernement des États-Unis et dictent sa politique étrangère ».  Et, tout cela sous le couvert de la défense de l’Ukraine contre une invasion russe « non provoquée ».  En réalité, a voulu M. Dore, l’histoire de la guerre en Ukraine a commencé bien avant le 24 février 2022, et ce sont les États-Unis et l’OTAN qui en sont responsables.  Les médias occidentaux ferment les yeux ou livrent une « fausse version » de la cause du conflit, a-t-il dénoncé.  Ces médias se gardent bien d’évoquer le coup d’État de 2014 contre le Gouvernement démocratiquement élu en Ukraine et orchestré par la CIA en lien avec les nazis ukrainiens, ou l’opinion de la population russophone du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. 

M. Dore a précisé qu’il s’exprimait devant le Conseil pour libérer les citoyens des États-Unis et de l’Europe de leur « amnésie » et pour leur rappeler la véritable cause non seulement de l’explosion des gazoducs, mais aussi de la guerre en Ukraine et de la déstabilisation au Moyen-Orient, notamment enLibye, en Iraq, en Afghanistan et en Syrie.  Dénonçant la « soif impérialiste » des Américains, pour qui la véritable menace est de nature économique, en particulier si la technologie et le capital allemands étaient associés aux ressources naturelles russes, il les a accusés de mener des guerres par procuration, en continuant à armer l’Ukraine « jusqu’aux dents » afin de prolonger la guerre et d’éviter la paix.  Même si c’est l’Ukraine qui est responsable du sabotage des gazoducs Nord Stream, a-t-il conclu.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a exprimé de profondes préoccupations sur la qualité des enquêtes menées au niveau national par l’Allemagne, le Danemark et la Suède, aucun résultat n’ayant été obtenu jusqu’à présent.  Dans le même temps, a‑t‑il affirmé, de plus en plus de preuves émergent au sein de la communauté des experts selon lesquelles le sabotage des gazoducs était « l’œuvre de Washington », motivée par le désir de consolider sa domination sur l’Europe, qui a un besoin urgent des ressources énergétiques de la Fédération de Russie.  En novembre dernier, a rappelé le délégué, la Russie a adressé aux autorités compétentes allemandes, danoises et suédoises des demandes d’assistance juridique et de formation d’équipes d’enquête conjointes.  Elle n’a reçu en retour que des « notes » formelles. Devant cette situation inacceptable, la Russie a soumis au Conseil un projet de résolution pour créer une commission d’enquête internationale indépendante, qui n’a pas été adopté malgré son caractère apolitique et la souplesse de ses éléments de langage.  Le principal argument de ses opposants était leur « prétendue confiance absolue » dans les enquêtes nationales, qui n’ont pourtant rien donné, alors que la Russie, la Chine et le Brésil s’en étaient justement inquiétés.  Tout ceci ressemble fort, selon le représentant, à une tentative de dénier aux membres du Conseil l’accès à des informations pourtant cruciales pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. 

Il ne s’agit pas d’un « petit délit de voyou » mais d’un attentat terroriste ayant eu de graves conséquences économiques et environnementales pour de nombreux pays, s’est indigné le délégué russe, selon qui tout indique une entreprise de dissimulation de l’identité des auteurs. Par exemple, les médias occidentaux mènent une campagne de plus en plus coordonnée pour promouvoir des versions « ridicules » des faits, comme si la Russie avait elle‑même fait sauter un gazoduc qui fonctionnait dans son intérêt.  Selon une autre version, le sabotage aurait été commis par quelques touristes sur un bateau, sans soutien de l’État; à en croire une autre, sur les ordres du commandant en chef des forces armées de l’Ukraine, mais à l’insu de son supérieur immédiat - le Président Zelenskyy.  Toutes ces versions, qui ont en commun de nier l’implication de Washington, ont « poussé comme des champignons après la pluie » après la publication, en début d’année, d’une enquête menée par le journaliste américain Seymour Hersh, dont la thèse, reprise par l’orateur, est que des explosifs auraient été placés par des plongeurs américains pendant l’été 2022 après des préparatifs de plusieurs mois et une rencontre entre les Chefs d’État américain et allemand.

Appelant à traduire en justice les responsables, le délégué a annoncé son intention de soumettre au Conseil un projet de résolution à ce sujet.  Le Conseil, a‑t‑il insisté, devrait prendre position et souligner la nécessité d’une enquête objective, sans quoi n’importe quel pays pourra être victime d’un tel attentat, commis par « un État enivré par le sentiment de sa propre impunité ». 

M. YUKIYA HAMAMOTO (Japon) a dénoncé les actes mettant en danger les infrastructures critiques, notamment énergétiques, qui constituent la « pierre angulaire de la vie moderne ».  À cette aune, il s’est dit extrêmement alarmé par l’incident concernant le gazoduc Nord Stream ainsi que par ses conséquences environnementales à long terme.  Le représentant s’est dit convaincu que les enquêtes ouvertes à ce sujet par les Gouvernements allemand, suédois et danois seront menées avec la plus grande équité et transparence.  Il a souhaité que leurs résultats soient rendus publics de manière transparente et communiqués dans les meilleurs délais au Conseil de sécurité.  Toutefois, afin d’assumer les responsabilités qui lui incombent pour le traitement des questions affectant la paix et la sécurité internationales, celui-ci doit disposer de faits, a-t-il noté en conclusion. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a rappelé que les explosions des gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont causé d’énormes pertes économiques et aggravé les tensions internationales.  Alertant sur l’incertitude géopolitique qui règne dans la région, le représentant a déploré l’attention insuffisante accordée aux impacts environnementaux de ces explosions.  Après avoir souligné l’urgence d’en déterminer les causes, le représentant a réitéré sa confiance dans les enquêtes menées par les autorités nationales du Danemark, de l’Allemagne et de la Suède.  Après avoir appelé à rendre publiques les conclusions préliminaires des enquêtes, le délégué a affirmé que le manque d’information fiables y compris concernant la guerre en Ukraine, alimente la spéculation et les accusations. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé qu’un an après les faits, le manque d’avancée sur ce dossier contribuait à « alimenter toutes sortes des suspicions et spéculations » de nature à remettre en cause la volonté des parties à faire aboutir les investigations.  Il a donc appelé l’ensemble des parties à s’engager dans « une dynamique inclusive, transparente et sans politisation ».  Il va de soi que toute entrave ou opacité sur le déroulement des investigations serait préjudiciable à sa crédibilité et à la confiance dans le contexte actuel, a-t-il ajouté, tout en jugeant important que la coopération et l’échange de données puisse prévaloir sur toute autre considération, en vue de privilégier la manifestation de la vérité.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur)a condamné le sabotage des gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et 2, et affirmé que rien ne justifie des attaques contre des infrastructures civiles essentielles, y compris énergétiques.  Regrettant que de tels actes aient mis en péril la navigation maritime et aérienne, il a craint un impact écologique aux conséquences incalculables en termes de contamination de la vie marine avec l’émanation de centaines de millions de mètres cubes de gaz dans l’atmosphère.  Le délégué a estimé que les informations fournies par l’Allemagne, le Danemark et la Suède, il y a un peu plus de deux mois, montrent le caractère complexe des enquêtes nationales qui comportent des aspects techniques, scientifiques et logistiques.  Il a souhaité que ces enquêtes se poursuivent conformément aux principes fondamentaux de l’état de droit. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a réitéré ses préoccupations concernant les actes de sabotage présumés contre les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Il a rappelé que son pays condamne tout acte de sabotage commis contre des infrastructures critiques.  Le Représentant a ensuite salué les informations fournies dans la lettre conjointe du Danemark, de l’Allemagne et de la Suède en date du 10 juillet dernier, et indiqué attendre les autres conclusions. 

M. GENG SHUANG (Chine) a rappelé que depuis le sabotage des gazoducs, son pays n’avait eu de cesse de demander l’ouverture d’enquêtes internationales, sans succès à ce jour.  Bien que des enquêtes nationales soient actuellement menées, il ne faudrait pas trop perdre de temps au risque de voir les éléments de preuves disparaitre, a‑t‑il averti.  Les États qui mènent ces enquêtes devraient les conclure rapidement, de manière indépendante et impartiale, sans politisation, a demandé le représentant. Il a également estimé que la Fédération de Russie, en tant que partie, ne devrait pas être écartée des processus. « Les pays devraient au contraire coopérer avec elle. » 

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est inquiété de la menace grave pesant sur les infrastructures et l’approvisionnement énergétiques, ainsi que sur l’environnement.  Les tensions sur les marchés de l’énergie qui ont suivi le sabotage des gazoducs ont mis en évidence la vulnérabilité en matière de fourniture en énergie, en particulier pour les pays en développement.  Rappelant la complexité des enquêtes, le délégué a fait savoir que Malte n’a pas de raison de croire qu’elles ne sont pas menées de manière impartiale, crédible et exempte de toute ingérence politique.  Ouvrir de nouvelles enquêtes comporterait des risques, a conclu le représentant. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a dit prendre très au sérieux les attaques menées contre les infrastructures civiles.  La communauté internationale reste, à juste titre, préoccupée par le sabotage des gazoducs Nord Stream, a-t-il noté, avant d’exprimer son appui aux enquêtes engagées en Allemagne, au Danemark et en Suède pour déterminer les responsabilités. L’actualisation des progrès de ces enquêtes, présentées en juin par ces trois pays, a mis en exergue le caractère sans précédent du sabotage et la complexité des investigations, a-t-il relevé, tout en exprimant sa pleine confiance dans leur impartialité.  Dans ce contexte, le représentant a estimé que le Conseil de sécurité ferait une mauvaise utilisation de son temps s’il commençait « à préjuger des résultats de ces enquêtes, à dicter la manière dont elles seront menées ou à les affaiblir d’une autre manière ». 

Le délégué a invité les membres du Conseil à prendre acte du fait que c’est la Fédération de Russie qui a convoqué cette réunion, et ce, en se disant préoccupée par la destruction d’infrastructures civiles.  « Pourtant, presque chaque jour de l’année marque l’anniversaire d’une attaque délibérée de la Russie contre des civils et des infrastructures civiles en Ukraine », a fait observer le représentant.  Il a ainsi rappelé le bombardement systématique des infrastructures énergétiques et portuaires ukrainiennes, qui a entraîné la destruction de plus de 280 000 tonnes de céréales, ainsi que les quelques 480 attaques perpétrées contre des écoles et des hôpitaux.  « Devrions-nous nous réunir tous les jours de l’année au Conseil à l’occasion de l’anniversaire de ces événements? » s’est-il interrogé. Il a en outre rappelé le « mépris total » dont a fait preuve la Russie à l’égard des infrastructures civiles en Syrie.  « L’hypocrisie de la Russie aujourd’hui n’a rien de nouveau », a conclu le représentant, pour qui ce pays ne pourra être pris au sérieux tant qu’il n’aura pas cessé ces attaques. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a rappelé plusieurs résolutions du Conseil de sécurité sur les enquêtes concernant les infrastructures civiles, et encouragé l’Allemagne, le Danemark et la Suède à transmettre les informations le plus rapidement possible en veillant à la plus grande transparence. Il s’est félicité des avantages liés à la coopération dans le partage des informations entre les différentes parties prenantes, ainsi que de la fiabilité des informations communiquées au Conseil.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), a déploré qu’en dépit du consensus selon lequel le sabotage des gazoducs Nord Stream est un acte menaçant la paix et la sécurité internationales, l’on ne soit toujours pas parvenus à faire la lumière sur ces attaques.  Dans ce contexte, il a souligné l’urgence de tirer ces faits au clair, de manière judiciaire, afin de ne pas éroder les principes fondés dans la Charte, dont l’application du principe de responsabilité et la coopération.  Il est donc important que le Conseil de sécurité soit informé des conclusions des enquêtes nationales en cours, a estimé le représentant. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a regretté la convocation de ce type de réunion du Conseil de sécurité.  Il a réitéré le soutien de la délégation américaine aux enquêtes approfondies et impartiales menées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède pour élucider les faits. La Russie devrait s’abstenir de spéculer et permettre à ces pays de conclure leurs travaux, a ajouté le délégué.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que son pays avait clairement exprimé sa préoccupation lorsque, voilà un an, des explosions sous-marines avaient touché les gazoducs Nord Stream.  Prenant au sérieux les informations indiquant que ces explosions sont le résultat d’un acte délibéré de sabotage, il a rappelé qu’il s’agissait de faits graves appelant des enquêtes approfondies.  Cependant, le délégué a mis en doute les motivations de la Russie lorsque celle-ci demande, pour la quatrième fois, une réunion du Conseil de sécurité sur ce sujet.  Depuis la dernière en juillet, a-t-il souligné, aucun élément nouveau, crédible et sérieux n’est apparu de nature à justifier un nouveau débat sur cette question. 

Par ailleurs, si la Russie montre tant de préoccupations au sujet des atteintes portées à une infrastructure européenne, elle-même continue d’infliger des « destructions quotidiennes massives » aux infrastructures civiles ukrainiennes.  De son point de vue, la réunion du jour a pour but de détourner l’attention du Conseil et d’alimenter des spéculations quant aux responsabilités dans le sabotage. Ne doutant ni du sérieux et de l’impartialité des enquêtes diligentées par les autorités compétentes allemandes, danoises et suédoises, le représentant français a déclaré comprendre qu’elles demandent du temps et des vérifications approfondies, « hors de toute interférence politique ». 

Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a rappelé que les actes de sabotage comme ceux de Nord Stream relèvent d’un mépris des droits des populations concernées. À ce titre, elle a appelé les États Membres à assumer leurs responsabilités en vertu du droit international et les décisions prises par le Conseil de sécurité en matière de protection des infrastructures vitales.  La représentante les a également enjoint de maintenir leur unité face au sabotage des pipelines, en dépit de l’existence de divergences entre eux.  Saluant l’importance des enquêtes nationales menées au Danemark, en Allemagne et en Suède, elle a affirmé que leurs conclusions informeraient les futures décisions du Conseil et adresseraient un message vigoureux aux responsables.  Conformément aux dispositions de la résolution 2341 (2017) du Conseil de sécurité, l’ensemble des parties prenantes, notamment les opérateurs russes, doivent coopérer de bonne foi.  Face aux spéculations et la rhétorique qui alimentent les tensions géopolitiques, la représentante a exhorté les parties prenantes à fournir régulièrement des informations transparentes sur l’état d’avancement des enquêtes en cours. Enfin, elle a réitéré la demande d’un échéancier pour présenter leurs conclusions aux organisations internationales.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a constaté que lors de cette séance, les mêmes discours et positions ont été répétés à l’envi, sans aucun changement « sur ce que nous savons ou ne savons pas. » Elle s’est déclarée préoccupée par le caractère inacceptable des actes de sabotage des gazoducs et a réaffirmé son appui aux enquêtes diligentées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède.  Soulignant que les processus d’enquête sont complexes et que ces trois pays disposent de structures solides à cet effet, la déléguée a conclu par une invitation à la patience.

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