Conseil de sécurité: la réunion convoquée en urgence après les frappes israéliennes contre l’Iran résonne d’appels à la retenue et à la diplomatie
Alors que les missiles et les avions de chasse se croisaient au-dessus de l’Iran et d’Israël, le Conseil de sécurité s’est réuni d’urgence, cet après-midi, à la demande de la République islamique d’Iran, soutenue en cela par quatre membres du Conseil (Algérie, Chine, Fédération de Russie et Pakistan), « pour traiter des violations de la Charte des Nations Unies et du droit international par Israël », selon l’explication du représentant iranien.
Rappelant les faits, Mme Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a rappelé qu’à 3 h 15 ce matin, heure locale, l’armée israélienne a mené des frappes en Iran visant des sites des gardiens de la révolution. Ces frappes, qui se poursuivaient cet après-midi, ont fait plusieurs victimes civiles, a précisé la haute fonctionnaire. De plus, « à l’heure où le Conseil se réunit, l’Iran lance des missiles contre Israël », a-t-elle ajouté.
Israël, a rapporté Mme DiCarlo, justifie ses frappes en disant qu’elles sont de nature préemptive et préventive. La Secrétaire générale adjointe a noté qu’elles ont ciblé des installations nucléaires, comme celles de Natanz, ainsi que des sites principaux du programme nucléaire iranien. Israël a attaqué les capacités de missile balistique de l’Iran et des scientifiques nucléaires iraniens de premier plan, a-t-elle encore décrit. Citant le Premier Ministre israélien, M. Benjamin Netanyahu, elle a noté que ces attaques, qui visaient à contrer une menace existentielle, se poursuivraient.
Mme DiCarlo s’est inquiétée que l’impact de ces frappes se soit déjà fait ressentir dans toute la région, avec notamment la fermeture des espaces aériens des pays voisins qui ont mis leurs forces de sécurité en haute alerte. Les houthistes auraient lancé des missiles en direction d’Israël touchant la Cisjordanie occupée et faisant des blessés, a-t-elle informé. Face à cette situation, elle a répété l’appel lancé par le Secrétaire général aux deux parties pour qu’elles fassent preuve de la plus haute retenue à ce moment crucial et pour qu’elles évitent à tout prix une escalade qui aboutirait à un conflit régional étendu.
La Secrétaire générale adjointe a rappelé que, dans une résolution adoptée hier, le 12 juin, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) demandait à l’Iran de coopérer pleinement avec l’Agence et de respecter la Charte des Nations Unies et le droit international afin de remédier de toute urgence aux problèmes de non-respect de l’accord sur les garanties. Elle a regretté que cette dernière escalade dangereuse intervienne au moment où ont repris, à Oman ce week-end, des faits diplomatiques importants et des pourparlers entre l’Iran et les États-Unis.
L’impact des frappes
Intervenant par visioconférence, M. Rafael Grossi, Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a indiqué que l’Agence était en contact avec les autorités iraniennes en ce qui concerne le sort des sites nucléaires. Le niveau de radioactivité aux alentours de Natanz est normal, a-t-il assuré, aucun impact n’étant constaté sur la population et l’environnement. Il a toutefois reconnu qu’il y aurait une contamination radiologique à l’intérieur des installations de Natanz. De plus, « nous n’avons pas suffisamment d’informations sur les sites de Fordou et d’Ispahan qui ont été aussi attaqués », a admis le Directeur.
M. Grossi a demandé à toutes les parties de faire montre de la plus grande retenue, rappelant la récente résolution du Conseil des gouverneurs de l’AIEA qui soutient une solution diplomatique.
La délégation iranienne a exprimé sa profonde préoccupation face aux frappes israéliennes, les qualifiant de violations du droit international et de la Charte des Nations Unies. Ces frappes ont visé des installations nucléaires pacifiques et des infrastructures civiles, y compris l’installation de Natanz placée sous la supervision de l’AIEA, s’est étonné le représentant. Il a condamné l’assassinat barbare et systématique des responsables militaires et des civils iraniens. Il a exhorté l’ONU et à l’AIEA à prendre une position ferme contre l’agression israélienne.
La réponse de l’Iran sera ferme
L’Iran a de plus accusé les États-Unis de complicité dans les actions d’Israël, affirmant que le soutien américain encourage l’agression israélienne et compromet la paix internationale. Il a réaffirmé le droit de son pays de se défendre et promis de répondre de manière proportionnée tout en exigeant la prise de responsabilité internationale pour les actions d’Israël. « Notre réponse sera ferme, légitime et dissuasive; nous allons défendre notre souveraineté et les principes du droit international car aucun agresseur ne devrait pouvoir agir en toute impunité », a lancé le représentant.
Comme de nombreuses délégations, le Koweït, parlant au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), a condamné les attaques d’Israël contre l’Iran en s’inquiétant du risque de faire dérailler les efforts diplomatiques en cours. Le représentant a encouragé à poursuivre les efforts de désescalade et de négociation entre les parties et a, lui aussi, appelé à la retenue et à la sagesse afin d’éviter l’élargissement du conflit.
Pour la Fédération de Russie comme pour d’autres délégations, ces attaques non provoquées, malgré les affirmations contraires d’Israël, constituent une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international. Ces aventures militaires poussent la région au bord d’une troisième grande guerre, a craint le représentant russe imputant la responsabilité de toutes leurs conséquences aux dirigeants israéliens et à ceux qui les encouragent.
Chronique d’une mort annoncée
Selon le Panama, nous lisons aujourd’hui la Chronique d’une mort annoncée, de Gabriel García Márquez. Les actions d’Israël sapent la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Iran, a condamné la Chine en demandant à Israël de cesser immédiatement toute action militaire et d’éviter d’exacerber les tensions. Cette attaque s’insère dans une série d’actions dangereuses d’Israël, avec les opérations militaires à Gaza et les frappes en Syrie, au Liban et au Yémen, au mépris du droit, a invectivé le Pakistan.
Ce Conseil doit faire en sorte que le pays agresseur rende des comptes, a réclamé la délégation avant de faire écho aux préoccupations de la plupart des intervenants aujourd’hui qui ont pointé le fait que les attaques contre l’Iran se sont produites au moment où se déroulent des négociations pour le règlement pacifique de la question du programme nucléaire iranien. C’est « moralement répugnant », s’est indigné le Pakistan.
L’idée de vouloir procéder à des frappes préventives sans mandat légal ne saurait être tolérée ou acceptée au sein de ce Conseil, a grondé l’Algérie. Ces attaques prétendument préventives ne préviennent que la paix, a ironisé le délégué rejetant les « justifications erronées » d’un État Membre qui agit hors du cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Le recours à la force sans autorisation du Conseil de sécurité hypothèque les fondements mêmes de l’ordre juridique international, a encore déploré l’Algérie pour qui le comportement d’Israël est indigne d’un État Membre. « Israël se comporte comme un État voyou », a tranché l’Algérie.
L’Iraq s’est, lui aussi, élevé contre cette agression et le viol de son espace aérien, des actions piétinant les résolutions du Conseil de sécurité qui exigent une réponse claire et sérieuse de la part de la communauté internationale, a plaidé la délégation.
« Il serait sage, pour les responsables de l’Iran, de négocier »
Pour la France comme pour d’autres États Membres, dont le Royaume-Uni, « Israël a le droit de se protéger et d’assurer sa sécurité ». La délégation, à l’instar du Panama, a fait valoir que « c’est la diplomatie qui doit désormais prévaloir ». Elle a regretté que l’Iran n’ait pas saisi les multiples opportunités de retour à l’accord de 2015 qui lui ont été présentées. De son côté, la République de Corée, en tant que pays voisin d’un autre pays qui viole gravement ses obligations en matière de non-prolifération, a exprimé sa grande préoccupation du fait de l’expansion continue du programme nucléaire iranien, en particulier l’accélération de la production d’uranium hautement enrichi.
« Israël a pris hier une action unilatérale », ont clarifié les États-Unis en réaction à certaines délégations insinuant le contraire. Israël nous a indiqué que cette attaque était une action nécessaire, a dit le délégué américain en rappelant qu’Israël a le droit de se défendre. Il a déclaré que « l’Iran ne saurait prendre pour cible des bases américaines ou tout autre intérêt américain dans la région », prévenant qu’à défaut, les conséquences seraient « immenses ». « Il serait sage, pour les responsables de l’Iran, de négocier », a pressé le délégué affirmant que son pays continuera de rechercher la paix par la diplomatie.
Les motifs d’Israël
« Israël a agi pour éviter sa destruction », a expliqué son représentant. « À l’heure où nous parlons, des cibles civiles en Israël sont frappées par des missiles balistiques iraniens », a poursuivi le délégué invitant le Conseil à « imaginer si le régime iranien parvenait à doter ces missiles de têtes nucléaires ». L’opération israélienne d’hier, appelée « Lion dressé » (Rising Lion), vise à faire en sorte que l’Iran n’ait pas l’arme nucléaire, a-t-il insisté. Décrivant la menace à laquelle son pays est confrontée, il a rappelé que « Khomeini promettait l’éradication d’Israël et que, dans la principale place de Téhéran, figure un décompte égrenant les jours restants jusqu’à la destruction d’Israël ». « Quand un État promet de nous détruire, nous le croyons, nous le prenons au sérieux », a-t-il déclaré estimant avoir auparavant laissé « sa chance à la diplomatie ».
Hier soir, l’attente s’est achevée, a raconté le délégué israélien satisfait d’avoir éliminé des hauts responsables militaires et politiques et frappé des capacités nucléaires, dont l’installation de Natanz. « L’attaque est un acte de préservation d’Israël, car nous n’avions plus le choix », a assuré le délégué. Il a revendiqué le droit de son pays de se défendre contre toute volonté d’extermination. Ce Conseil doit reconnaître la menace existentielle qu’est l’Iran, a-t-il dit en conclusion.
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