Conférence sur l’océan: la mobilisation pour le traité sur la haute mer et contre la pollution plastique et la pêche illicite ne faiblit pas
PLÉNIÈRE - NICE, FRANCE, 12 juin – Au quatrième jour de la Conférence sur l’océan, qui se tient à Nice jusqu’au 13 juin, États Membres, entités onusiennes, organisations internationales et représentants de la société civile ont poursuivi sans relâche leur mobilisation contre la pollution plastique et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Ce sont toutefois les appels en faveur de la ratification du traité sur la haute mer (dit « Accord BBNJ »), ainsi que les annonces et engagements fermes, qui ont à nouveau dominé les débats, faisant espérer une entrée en vigueur dans un avenir proche.
Évoquant « un formidable raz-de-marée d’engagements », l’ONG High Sea Alliance a indiqué que la Conférence a débuté avec 31 des 60 ratifications nécessaires, précisant que, dès lundi en fin de journée, 18 pays supplémentaires avaient déposé leur instrument et 18 autres avaient signé le traité. Cette tendance s’est maintenue tout au long de la semaine, au point que l’on comptait, ce jeudi, 50 ratifications et 136 signatures. « Avec seulement 10 ratifications supplémentaires nécessaires, l’entrée en vigueur du traité pourrait ne prendre que quelques semaines », s’est félicitée sa représentante, évoquant « un moment historique ».
Lui emboîtant le pas, l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) a appelé les États à aller au-delà des promesses et à ratifier ce traité afin d’assurer sa mise en œuvre effective, et la protection de 30% des océans. Elle a également encouragé la communauté internationale à adopter la nouvelle déclaration de la Coalition de la haute ambition pour le traité sur la biodiversité en haute mer.
Auparavant, plusieurs pays, dont la Belgique et la République du Congo, avaient annoncé avoir officiellement ratifié ce nouveau jalon de la Convention sur le droit de la mer. Le Forum des îles du Pacifique a, quant à lui, assuré que 50% de ses 17 États et territoires s’en étaient déjà acquitté. D’autres comme le Canada, le Panama et Oman se sont engagés à le faire très prochainement. Ainsi, l’Accord BBNJ entrera bientôt en vigueur, ce qui permettra à sa première Conférence des Parties d’avoir lieu en temps voulu et aux aires marines protégées en haute mer de commencer à être mises en œuvre, a applaudi la Fondation Oceano Azul, dont l’enthousiasme a été partagé par l’ONG Ocean Alliance.
De son côté, le Ministre de la justice de la Belgique, en charge de la mer du Nord, a annoncé la candidature de son pays pour accueillir le secrétariat de l’Accord BBNJ. « Fort de notre engagement en faveur du multilatéralisme et de notre rôle de leader dans les sciences marines, nous sommes bien placés pour devenir le cœur diplomatique de la gouvernance mondiale des océans », a-t-il dit. Le Chili avait lui aussi fait acte de candidature ces dernier jours.
Haro sur la pollution plastique, la pêche illicite et la surpêche
L’UICN a cependant appelé les différentes parties prenantes à faire preuve de la même détermination lors de la phase finale, en août prochain, des négociations en vue d’un traité sur les plastiques, afin qu’il tienne compte de l’ensemble du cycle de vie du plastique et place la biodiversité au cœur de ses préoccupations. Une urgence absolue quand on sait que l’océan « s’étouffe avec 11 millions de tonnes de plastique chaque année », a alerté Mme Rabab Fatima, Secrétaire générale adjointe et Haute Représentante pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement.
Autre dossier prioritaire, la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée a continué d’être plébiscitée par les délégations. La Colombie a notamment souligné son rôle de chef de file dans les efforts qui ont conduit à l’adoption, en 2022, de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) interdisant les subventions à la pêche préjudiciables, facteur clef de l’épuisement général des stocks de poissons dans le monde. Lui aussi en pointe sur cette question, le Forum des îles du Pacifique a assuré que protéger les stocks halieutiques de sa région est « rentable pour tous ».
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a, pour sa part, précisé qu’entre 2020 et 2022, les États ont dépensé 10,7 milliards de dollars par an en soutien à la pêche, « dont 65% risquent de promouvoir une pêche non durable à moins d’être accompagnée d’une gestion et d’une application rigoureuses ». En réponse à cette tendance préoccupante, elle a indiqué avoir adopté, la semaine dernière, une recommandation sur l’élimination du soutien gouvernemental à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, renforçant ainsi les efforts déployés au sein de l’OMC. Une initiative qu’a appuyée la Chambre de commerce internationale (CCI), au nom d’une coalition d’organisations et de réseaux d’entreprises de premier plan.
S’agissant de la surpêche, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a relevé que cet autre fléau pour le milieu marin touche aujourd’hui 37,7% des stocks de poissons, contre 10% en 1974. Alors que l’objectif de développement durable n°14 reçoit le moins d’aide au développement (APD) de tous les ODD, avec seulement 3 milliards de dollars en 2022, contre un objectif de 175 milliards de dollars, elle s’est alarmée que nous dépensions 35 milliards de dollars par an en subventions à la pêche, dont 22 milliards liés à la pêche illégale, à la surpêche et à la surcapacité.
Besoin urgent de financements
La sous-dotation de l’ODD 14 a bien sûr suscité de nouveaux commentaires indignés, mais aussi des propositions de nouveaux modèles de financement pour traduire les ambitions en actions concrètes. L’UICN a ainsi appelé à dépasser le financement fragmenté, projet par projet, et à adopter une approche coordonnée et mondiale qui canalise les capitaux de manière efficace et équitable, en particulier vers les communautés et les pays en première ligne. « Des taxes de solidarité aux instruments d’assurance et aux obligations bleues, les outils financiers émergent, mais nous avons maintenant besoin d’une plateforme pour les déployer à grande échelle », a-t-elle expliqué, se prononçant pour la création d’un mécanisme de financement « One Ocean », afin d’orienter les ressources vers la résilience marine et des économies positives pour les océans.
Il est tout aussi important de veiller à ce que la coopération au développement aide les pays, notamment ceux en développement qui sont confrontés à des obstacles financiers, techniques, institutionnels qui limitent leur capacité à effectuer la transition vers des secteurs océaniques durables, a ajouté l’OCDE. Bien que l’APD liée à l’océan soit passée de 3,5 milliards de dollars en 2022 à 5 milliards de dollars en 2023, 80% restent concentrés sur les transports, la pêche et la conservation, a-t-elle noté, jugeant possible d’en faire davantage pour débloquer de nouvelles sources de croissance durable, en particulier les énergies renouvelables offshore, la biotechnologie marine et l’aquaculture durable.
Il convient maintenant de mobiliser des capitaux par le biais de mécanismes de financement robustes, a abondé la Chambre de commerce internationale (CCI), plaidant pour des obligations bleues, des financements mixtes et des instruments liés à la durabilité, qui réduisent les risques liés aux investissements durables dans les océans, en particulier dans les économies en développement.
Dans ce contexte, le Secrétaire général du Forum des îles du Pacifique a appelé à établir un financement accessible et accéléré pour les petits États insulaires en développement (PEID) par l’intermédiaire du Fonds de résilience du Pacifique. Reconnaissant que les PEID sont « parmi les moins bien équipés » pour répondre aux défis de la dégradation et du réchauffement de l’océan, le Fonds vert pour le climat a constaté que les défis en matière de financement subsistent, de la fragmentation des environnements d’investissement et de l’architecture financière, à l’aversion au risque en passant par les longs délais et les juridictions complexes.
« C’est pourquoi la prochaine conférence sur le financement du développement, qui se tiendra fin juin, est si importante », a souligné son représentant, indiquant avoir, pour sa part, engagé plus de 1,3 milliard de dollars en financement climatique et mobilisé 1,5 milliard de dollars supplémentaires en cofinancement pour 33 projets liés aux océans dans plus de 70 pays.
Neutralité de l’Autorité internationale des fonds marins
Il a enfin été question de la question controversée de l’exploitation des fonds marins. Rappelant qu’elle est le seul organisme intergouvernemental chargé de gérer les ressources minérales de ces grands fonds au-delà des juridictions nationales, « patrimoine commun de l’humanité », l’Autorité internationale des fonds marins a dit s’acquitter de ce mandat depuis près de trois décennies avec un objectif unique: « garantir que l’exploration et l’exploitation potentielle des minéraux des fonds marins soient menées au bénéfice de tous, en particulier des États en développement, et dans le plein respect de la protection de l’environnement ».
Dans ce contexte, la représentante de l’Autorité a indiqué qu’il n’appartient pas à cet organisme de se prononcer pour ou contre l’exploitation minière en eaux profondes. « Cette décision incombe entièrement aux pays, qui devront la prendre en fonction des meilleures données scientifiques disponibles, des besoins du marché, des facteurs économiques, des préoccupations environnementales et de la consultation de leurs administrés », a-t-elle ajouté.
À la suite des prises de position du Président du Brésil et du Secrétaire général de l’ONU, qui ont tous deux déclaré à Nice que les fonds marins « ne peuvent pas devenir le Far West », elle a préféré opter pour la neutralité: « quel que soit votre camp, nous devons tous convenir qu’une gouvernance fondée sur des règles est la seule voie fiable », a-t-elle déclaré, voyant dans une gouvernance efficace des océans « non pas un concept abstrait mais une nécessité ». De fait, elle a appelé à tirer parti du pouvoir de transformation des institutions créées par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui, a-t-elle affirmé, procure un cadre institutionnel pour que tous les États puissent œuvrer de concert autour d’une cause commune.
La Conférence sur l’océan se réunira de nouveau en plénière demain, vendredi 13 juin, à partir de 16 heures pour décider de l’adoption de son document final.
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