En cours au Siège de l'ONU

Débats houleux à la Troisième Commission lors de la présentation de plusieurs rapports de pays sur la situation des droits de l’homme

Soixante-treizième session
31e & 32e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4242

Débats houleux à la Troisième Commission lors de la présentation de plusieurs rapports de pays sur la situation des droits de l’homme

Les différents dialogues entre les titulaires de mandats de procédures spéciales et la Troisième Commission ont été parfois houleux aujourd’hui, du fait de l’examen de plusieurs situations de pays.  Certains des pays concernés ont violemment réagi en dénonçant des rapports politisés, soutenus une fois encore par un certain nombre d’autres États ou groupes opposés par principe aux mandats de pays.  Les rapports présentés montrent au mieux des améliorations lentes dans la situation des droits de l’homme de pays concerné, au pire des violations multiples et persistantes.

C’est une « farce », a lancé le délégué du Bélarus à propos du rapport concernant son pays, quand son homologue de la République islamique d’Iran dénonçait une « manipulation » et le représentant du Burundi des « appétits géopolitiques », allant jusqu’à menacer les membres de la Commission d’enquête de traduire en justice les auteurs du rapport pour « diffamation et tentative de déstabilisation » de son pays.

Le représentant de la Somalie a, lui, estimé que son pays n’avait « pas à rougir » de la comparaison avec le reste du monde dans un domaine comme la représentation des femmes au Parlement, alors que l’Érythrée, qui vient -comme la Somalie- d’être élue au Conseil des droits de l’homme, a estimé que l’Examen périodique universel (EPU) restait le meilleur outil pour aborder la question des droits de l’homme de manière constructive.  L’Observateur permanent de l’État de Palestine a été le seul à pleinement saluer les conclusions formulées dans l’exposé du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, M. Michael Lynk.

Le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, M. Doudou M. Diène, a regretté que le Gouvernement du Burundi ait tenté de s’opposer à ce dialogue avec la Troisième Commission et a jugé urgent que les autorités fassent cesser les violations des droits de l’homme et en poursuivent les auteurs.  En réaction, le représentant du Burundi l’a encouragé à « emboîter le pas à son prédécesseur en remettant aussi son tablier ». 

Abondant dans le même sens, le Bélarus a dit ne plus ressentir aujourd’hui le besoin de « s’impliquer » et à même invité certains États à « renoncer à intervenir pour ne pas participer à ce chantage ».  Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme pour ce pays, M. Miklós Haraszti, avait dit ne pas pouvoir faire état d’améliorations de fond par rapport à sa dernière présentation, ajoutant que la plupart des raisons qui avaient motivé la création de son mandat six ans plus tôt étaient toujours valables aujourd’hui, voire s’aggravaient encore.

Pour sa part, le représentant de la République islamique d’Iran, elle aussi objet d’un rapport, a dénoncé un gaspillage des ressources de l’Organisation dans la publication, chaque année, de « quatre rapports identiques » sur la situation des droits de l’homme dans son pays.  La répétition, quatre fois par an, des mêmes accusations ne prouvent pas que ces accusations sont vraies, a-t-il souligné, y voyant plutôt la manipulation à laquelle se livrent certains États.  Il n’y a pas de situation spéciale en Iran, a affirmé le représentant, arguant de la dynamique de la démocratie iranienne.  Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, M. Javaid Rehman, s’était notamment inquiété de la poursuite des exécutions de mineurs, ajoutant que le pays était « probablement celui qui a exécuté le plus de mineurs durant ces 10 dernières années ».  Il avait aussi évoqué la situation des minorités et la répression violente de certaines manifestations.  M. Rehman a toutefois déclaré qu’il était en train d’examiner l’impact socioéconomique des sanctions unilatérales, qui sont pour lui une source de grave préoccupation et a rappelé qu’il souhaitait engager un dialogue avec le pays et s’y rendre.

Plus modéré, le représentant de l’Érythrée a mis l’accent sur les espoirs de pays dans la Corne de l’Afrique consécutifs à la signature cet été d’un accord de paix entre son pays et l’Éthiopie. « Nous sommes déterminés à accélérer nos efforts pour que la paix, la sécurité et la justice prévalent », a-t-il affirmé, tout en rappelant l’impact négatif des sanctions sur la pleine jouissance des droits de l’homme et la coopération et l’intégration régionales.  La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme pour ce pays, Mme Sheila B. Keetharuth, a pour sa part, estimé que la récente élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme pour les trois prochaines années allait lui imposer de nouvelles obligations, ce qui peut laisser espérer des évolutions positives.  Mais pour l’instant, les Érythréens attendent toujours, a-t-elle fait observer.  Attirant l’attention sur les quelque 9 000 personnes qui ont traversé la frontière depuis son ouverture cet été alors même qu’ils ont encore besoin de visas de sortie, elle a demandé: « que fuient-elles, puisqu’elles ne peuvent fuir la paix? ».

Pas de grand contentieux entre le représentant de la Somalie et l’Expert indépendant chargé par le Secrétaire général d’examiner la situation des droits de l’homme en ce pays, M. Bahame Tom Mukirya Nyanduga.  Le représentant a noté que le rapport tenait compte des progrès accomplis par son pays tout en mettant en lumière les difficultés qui subsistent, et a demandé que la question des droits de l’homme soit placée dans le contexte de situations de conflit qui perdurent.  L’Expert indépendant s’est en particulier inquiété des recrutements d’enfants soldats, par les Chabab mais aussi les forces régulières.  Il a surtout souhaité que son rapport puisse contribuer aux efforts de la communauté internationale pour que plus jamais la Somalie ne retombe dans le statut d’État défaillant qu’il a été pendant 30 ans, et s’est préoccupé du transfert des responsabilités en matière de sécurité de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) aux forces nationales.

La Troisième Commission poursuivra demain, jeudi 25 octobre à partir de 10 heures, l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ces aspects.  Elle dialoguera avec six autres titulaires de mandats de procédures spéciales sur la promotion des droits de l’homme.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

M. MICHAEL LYNK, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a en premier lieu fait état du refus de toute coopération opposé par le Gouvernement israélien à ses services, tout comme cela avait été le cas avec ses prédécesseurs.  Il s’est donc vu refuser l’accès tant en Israël que dans les territoires palestiniens occupés, bien que la coopération des États Membres avec les titulaires de mandat de procédures spéciales des Nations Unies soit une obligation fondamentale, inscrite dans les Articles 104 et 105 de la Charte des Nations Unies.  Tout en faisant observer que cela ne pouvait pas remplacer sa présence sur les territoires palestiniens, il a remercié la Jordanie d’avoir accueilli sa mission sur son sol et les organisations non gouvernementales palestiniennes de s’être déplacées jusqu’à lui.

En présentant le contenu de son rapport, M. Lynk a insisté sur deux points qu’il a jugés alarmants: la chute libre de l’économie de Gaza, décrite par la Banque mondiale, et les colonies israéliennes.  Concernant Gaza, le Rapporteur spécial a précisé avec quelques chiffres: l’économie de la bande, « déjà anémique », s’est contractée de 6% durant le premier trimestre de 2018, le chômage a atteint les 53%, avec celui des jeunes atteignant les 70%.  Les Palestiniens vivant à Gaza n’ont accès qu’à cinq heures d’électricité par jour et 97% de l’eau potable y est contaminée par l’eau de mer.  « Les Nations Unies ont annoncé, en 2012, que Gaza serait invivable d’ici à 2020 », a-t-il signifié, précisant que, pour lui, cet état était déjà atteint.

Rappelant par ailleurs que la Marche du retour, entamée à la fin du mois de mars dernier, continue toujours sept mois plus tard.  M. Lynk a expliqué que les forces de sécurité israéliennes avaient tué, dans ce contexte, plus de 200 Palestiniens -dont plus de 40 enfants– et blessé plus de 23 000 d’entre eux, la moitié nécessitant une hospitalisation dans les centres de santé de Gaza déjà surchargés.  Il a joint sa voix à toutes celles qui, au sein de la communauté des droits de l’homme, dénoncent le fait qu’Israël ne respecte pas les principes de base sur le recours à la force, aux termes desquels les armes et la force meurtrière ne doivent être utilisées qu’en dernier recours et seulement en cas de menaces de mort imminentes.

En ce qui concerne la colonisation, le Rapporteur spécial a déclaré que, à l’heure même de son intervention, le village de Khan Al-Ahmar en Cisjordanie était menacé de complète démolition par Israël.  Un des objectifs d’Israël est de dégager le « corridor E1 » sur lequel se trouve cette petite et vulnérable communauté de bédouins, de façon à construire des habitations pour les Israéliens, a-t-il expliqué.  « Les implantations israéliennes sont une grave violation du droit international et les colonies civiles en territoires occupés constituent un crime de guerre aux termes du Statut de Rome », a-t-il dénoncé.  De même, l’annexion de territoires est strictement interdite, alors même qu’Israël a formellement annexé Jérusalem-Est et le Golan syrien, « une action qui n’a pas été reconnue par la communauté internationale et qui a été condamnée avec force », a rappelé M. Lynk.  Il a de même déploré que la Knesset ait adopté, depuis plusieurs années, un nombre de lois donnant le feu vert à une plus grande expansion de l’annexion israélienne. 

M. Lynk a déploré que, depuis 50 ans, la communauté internationale a été peu encline à transformer en actes ses déclarations concernant les territoires palestiniens occupés.  Dans une telle situation, la responsabilisation internationale est à la fois une nécessité et un devoir, a-t-il affirmé.   Enfin, le Rapporteur spécial a salué la communauté des défenseurs des droits de l’homme, palestiniens, israéliens et internationaux, qu’il a présentés comme « la personnification du langage universel des droits de l’homme et de l’humanité ».  « Si nous arrivons un jour à une paix juste et bienveillante au Moyen-Orient, nous le devrons à ces braves témoins et militants », a-t-il conclu.

Déclaration

Au titre de pays concerné, M. RIYAD H. MANSOUR, État de Palestine, a salué les conclusions formulées par M. Lynk dans son rapport, y compris celles faisant état de « violations continues » des droits des Palestiniens par la Puissance occupante.  L’Observateur permanent a ainsi dénoncé la persistance de la politique de colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés, notamment à Jérusalem-Est, où Israël n’a selon lui de cesse de construire des nouveaux bâtiments pour y loger des colons.  M. Mansour a également condamné les confiscations de biens, les déplacements forcés et les menaces constantes dont sont victimes les citoyens palestiniens, en particulier les communautés bédouines.  Il ne s’agit pas là d’une liste d’exactions exhaustives, a-t-il précisé, mais simplement un aperçu des violations quotidiennes que subissent les Palestiniens, au mépris des résolutions pertinentes de l’ONU.

M. Mansour a en outre confirmé les éléments du rapport faisant état d’une « détérioration continue » des conditions de vie à Gaza, suite notamment aux répressions violentes des manifestations pacifiques récentes, dans lesquelles des centaines de personnes ont trouvé la mort.  Le recours à la force létale contre des manifestants pacifiques est contraire au droit international et à la liberté d’association, a-t-il dénoncé, approuvant les conclusions du Rapporteur spécial sur ce point.

S’agissant des éléments du rapport consacrés à l’occupation israélienne des territoires occupés, le représentant palestinien a pointé du doigt le refus continu d’Israël de se retirer de la Cisjordanie.  Il a demandé à M. Lynk s’il pouvait s’exprimer sur les « tentatives agressives » d’Israël d’étendre son occupation dans la zone et de légaliser son annexion par voie législative.   M. Mansour a enfin dénoncé le manque de coopération d’Israël avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.  Il a appelé le Secrétaire général à prendre des mesures pour faire en sorte qu’à l’avenir, Israël coopère avec le Rapporteur spécial.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Michael Lynk, la Turquie a regretté que les droits inaliénables du peuple palestinien continuent d’être menacés et a dénoncé les efforts entrepris pour lui faire accepter le statu quo dans l’humiliation.  La Turquie a critiqué le recours excessif à la force ainsi que le projet de colonisation illégale y compris à Jérusalem-Est.  Elle a également fait part de sa préoccupation concernant le déplacement des Bédouins.  Malgré les efforts voulant discréditer l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), les services de cette agence sont, à son avis, essentiels et la Turquie a accru sa contribution annuelle.  La Turquie a demandé quelle était la situation s’agissant des 13 000 ordres de destruction de logements en suspens et leur implication sur les Palestiniens. 

Au nom du Mouvement des pays non alignés, le Venezuela a réaffirmé sa solidarité avec le peuple palestinien et réitéré son soutien à sa ‘.  Il a pointé du doigt la situation et ses souffrances face à des décennies d’une occupation qui lui dénie ses droits fondamentaux, y compris à l’autodétermination.  Il est temps pour une paix juste et durable pour ce peuple palestinien, Israël et la paix dans le monde, estime le Mouvement, qui condamne le recours à une force excessive à l’encontre des Palestiniens et réaffirme sa préoccupation face à la situation grave qui prévaut à Gaza et l’aggravation de la crise humanitaire.

La Fédération de Russie a dénoncé les conditions d’occupation israélienne depuis plus d’un demi-siècle et regretté une situation compliquée en l’absence de progrès et la poursuite des activités de colonisation.  Tout cela affecte la patience du peuple palestinien et les derniers évènements témoignent de cette situation inquiétante.  La Fédération de Russie appelle à un recours proportionné à la force et rejette par ailleurs les actes terroristes.  Pour elle, la formule des deux États est la seule réaliste pour mener à la fin du conflit.  Elle rejette aussi toute démarche révisionniste.

La Norvège a rappelé son soutien au mandat du Rapporteur spécial et s’est dite préoccupée par la situation des droits de l’homme en Palestine, ainsi que par le plan de construction de nouvelles colonies.  Elle a regretté l’incidence de cette situation sur Gaza et a appelé toutes les parties à faire preuve de contrôle.  Elle a également évoqué les détentions administratives contre les Palestiniens, notamment les enfants.

L’Afrique du Sud a déploré la situation dans tout le territoire palestinien occupé et regretté l’absence de coopération de la Puissance occupante.  Elle regrette en particulier les incidences du déni du droit à l’eau et les atteintes à la dignité des Palestiniens et défend leur droit inaliénable à l’autodétermination.

Cuba a critiqué l’ignorance systématique de la part d’Israël et des États-Unis des différentes résolutions du Conseil de sécurité et du mandat du Rapporteur spécial.  Cuba soutient la reconnaissance de l’État de Palestine par l’ONU et rejette l’action unilatérale que constitue le déplacement de la représentation diplomatique des États-Unis.  Cuba réclame une solution juste, pacifique et durable.  Le Nicaragua a demandé au Rapporteur spécial comment la communauté internationale pourrait faire en sorte qu’Israël agisse de manière « plus responsable » et que son système juridique fonctionne « de façon transparente, conformément aux règles de droit international ».

La République de Corée s’est déclarée très préoccupée par les violations des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et les autres territoires arabes occupés.  Elle condamne les « meurtres aveugles » de femmes et d’enfants manifestants, ainsi que la poursuite des politiques de colonisation et d’expulsion des Palestiniens, qui suscitent l’indignation et la condamnation de la communauté internationale.  La République de Corée condamne en outre l’illégalité de l’ouverture des locaux de l’ambassade américaine à Jérusalem-Est au regard des résolutions des Nations Unies.  Elle est solidaire avec le peuple palestinien dans sa lutte pour l’autodétermination.

Le Brésil s’est dit préoccupé par les conclusions formulées dans le dernier rapport de M. Lynk, notamment celles liées à la détérioration des conditions de vie quotidienne des habitants de Gaza et à la situation des droits de l’homme à Jérusalem-Est.  Le Brésil note aussi les retards très importants dans la mise en œuvre de la solution des deux États.  Il a demandé à M. Lynk quelles mesures pourraient être prises par Israël pour garantir l’accès des Palestiniens à la santé sans pour autant remettre en cause la sécurité du pays, notamment dans le cadre du blocus de Gaza.

La République islamique d’Iran a condamné les intimidations et violations israéliennes en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans le Golan arabe syrien, avant d’ajouter qu’Israël ne pourrait pas se comporter de la sorte sans le soutien indéfectible des États-Unis et l’apathie de la communauté internationale.  Elle appelle les États Membres à réagir de façon plus énergique au refus d’Israël de coopérer avec le Rapporteur spécial.

L’Égypte a demandé au Rapporteur spécial quelles mesures la communauté internationale pouvait prendre pour mettre fin à l’occupation prolongée des territoires palestiniens et faire en sorte qu’Israël, en tant que Puissance occupante, s’acquitte de ses obligations vis-à-vis des Nations Unies.

La Syrie a condamné les « pratiques criminelles » d’Israël et les « violations systématiques » des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et les autres territoires arabes occupés, dont le Golan arabe syrien.  Elle condamne aussi le refus d’Israël de mettre en œuvre « des centaines de résolutions » des Nations Unies appelant le pays à mettre fin à l’occupation.  Elle condamne enfin les pressions exercées par certains États sur les Nations Unies pour que ces dernières changent de perspective sur la question palestinienne, notamment des pressions financières et via le retrait d’agences de l’ONU.

La Chine est préoccupée par la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés et condamne tous les actes de violence qui prennent pour cible des civils.  Elle réaffirme son appui à la « ’ » des Palestiniens et à la solution des deux États, avec la création d’un État palestinien indépendant d’après le tracé des frontières d’avant 1967.

L’Union européenne a constaté la démolition des Accords d’Oslo, tout en mettant l’accent sur l’un des succès de ces Accords, à savoir la création d’institutions palestiniennes solides.  L’Union européenne condamne la poursuite de la colonisation israélienne et appelle à infléchir le cours actuel de la situation sur le terrain en prenant des mesures susceptibles de ramener la confiance entre les parties.  Elle souhaite que le Rapporteur spécial définisse une liste de priorités, issues des conclusions de son rapport.

Le Sénégal a jugé regrettable la persistance des violations des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et a appelé à mettre fin à ces violations, à l’occupation israélienne et au blocus de Gaza.  Elle a enfin exhorté Israël à redoubler d’efforts pour améliorer ses relations avec le Rapporteur spécial. 

L’Indonésie s’est dite préoccupée par le refus d’Israël de faciliter l’accès du Rapporteur spécial aux territoires palestiniens occupés.  Elle salue la mise en place d’une commission d’enquête au Conseil des droits de l’homme et demande aux Nations Unies d’obliger Israël à répondre devant la justice des violations des droits de l’homme perpétrées par le pays dans les territoires palestiniens occupés.  Elle condamne la persistance de la politique de colonisation israélienne.

Réponses

Dans ses réponses, M. MICHAEL LYNK a énuméré les différentes législations adoptées par le Parlement israélien concernant l’annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.  Il a cité les tentatives menées pour légaliser une centaine de colonies illégales et faire cesser ainsi toute demande de la part des propriétaires palestiniens.  Pour le Rapporteur spécial, c’est là une manière de vouloir faire taire les propriétaires légitimes en leur offrant une compensation mais en ne leur rendant pas leurs terres.  À ses yeux, tout ceci est illégal aux termes de la quatrième Convention de Genève.

En ce qui concerne les ordres de démolition dans la zone C occupée de Cisjordanie, M. Lynk a souligné qu’il était presque impossible pour les 180 000 à 300 000 personnes qui y vivent d’obtenir un permis légal de rénovation ou de construction.  Le Rapporteur spécial s’est en outre élevé contre la détention administrative d’enfants, qui les empêche d’aller à l’école.  Il a rappelé la mort de 40 enfants qui « manifestaient pacifiquement » au cours de la Grande Marche du retour.

En dépit de ce tableau sombre, le Rapporteur spécial a voulu voir quelques lueurs d’espoirs, notamment s’agissant du village bédouin palestinien qui n’a pas été détruit malgré les ordres donnés pour sa démolition, notamment de la part de la haute Cour israélienne.  Il y a vu le résultat de l’activisme des défenseurs des droits de l’homme, mais aussi en partie de la détermination des missions européennes, qui ont, à plusieurs reprises, exprimé leur opposition à cette démolition.  Pour M. Lynk, la leçon à tirer de cet exemple est qu’avec la conjonction d’un militantisme unifié sur le terrain et de pressions diplomatiques, ces tendances inquiétantes portant atteinte aux droits de l’homme peuvent être inversées.

Quant aux recommandations, elles sont « infinies », mais peuvent se résumer dans l’immédiat à un appel à la levée du blocus sur Gaza, a poursuivi le Rapporteur spécial.  Pour lui, la communauté internationale doit insister sur la fin de ce blocus, qui dure depuis 11 ans.  Il a appelé, en outre, à la cessation des activités qui renforceraient l’occupation, telles que les relations avec les banques qui financent des activités.  Il a appelé les Nations Unies à soutenir une étude sur la question de savoir si Israël est toujours l’occupant légal des territoires occupés après 50 ans.

Déclaration liminaire

M. JAVAID REHMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a d’abord rappelé qu’il avait été nommé à la suite de la disparition soudaine de sa prédécesseur Asma Jahangir, à laquelle il a rendu hommage.  Il a ajouté qu’après sa nomination, il avait écrit au Gouvernement iranien pour demander sa coopération et solliciter une invitation à visiter le pays.  M. Rehman a dit avoir, depuis lors, réitéré son intention de chercher un engagement constructif lors de réunions avec des représentants du Gouvernement.  Il a salué ces échanges de vues chaleureux et remercié le Gouvernement iranien pour ses commentaires sur son premier rapport.

S’agissant du rapport présenté ce jour, M. Rehman a indiqué qu’il a été préparé pendant la phase initiale de son mandat et qu’il ne vise donc pas à présenter une image exhaustive de la situation des droits de l’homme en Iran aujourd’hui, mais plutôt la méthodologie qu’il compte employer.

Dans ce rapport, M. Rehman se félicite notamment de la décision de l’Iran de modifier sa loi sur le trafic de stupéfiants.  Il note que de nombreuses condamnations à mort, liées au trafic de drogue, ont été commuées et que le nombre des exécutions à la suite de condamnations liées à la drogue a nettement diminué.  Le Rapporteur spécial précise également qu’il a réitéré ses inquiétudes quant aux violations du droit à la vie et au respect des normes de procédure régulière en Iran, en particulier pour les jeunes délinquants.  C’est donc avec tristesse qu’il a fait état de l’exécution, il y a trois semaines, de Zeinad Sekaanvand, reconnue coupable du meurtre de son mari, en 2012, alors qu’elle avait 17 ans.  Ses affirmations selon lesquelles elle aurait été contrainte à confesser le meurtre, battue après son arrestation et victime de violences conjugales n’ont, semble-t-il pas, été prises en compte de façon adéquate pendant son procès, a-t-il expliqué.

Les exécutions se poursuivent malgré les amendements au Code pénal islamique en 2013, lesquels permettent aux juges de prononcer des peines alternatives pour les délinquants juvéniles s’ils étaient atteints de troubles mentaux ou s’ils n’avaient pas pris conscience de la nature du crime, a relevé M. Rehman, notant que de nombreux autres jeunes délinquants sont actuellement dans le couloir de la mort.  Dans ces conditions, il appelle les autorités iraniennes à abolir la pratique consistant à condamner à mort des enfants et à commuer toutes les sentences de mort prononcées contre des enfants, conformément au droit international.

Le Rapporteur spécial s’est aussi dit préoccupé par le traitement des minorités religieuses et ethniques en Iran, notamment les membres de la communauté baha’ie.  Selon lui, trois prisonniers kurdes ont été exécutés le mois dernier sans avoir, semble-t-il, bénéficié d’un procès équitable et après avoir subi des tortures en détention.  M. Rehman a donc appelé le Gouvernement à accorder des droits égaux à toutes les personnes vivant dans le pays, y compris pendant les procédures pénales, comme le stipule l’article 19 de la Constitution iranienne.

Observant que les défis auxquels les Iraniens sont confrontés ont été illustrés, ces derniers mois, par de nombreuses manifestations à travers le pays, le Rapporteur spécial a précisé que plusieurs de ces protestations avaient été marquées par la mort de manifestants à la suite de la répression menée par les forces de sécurité.  Le Rapporteur spécial s’est également dit inquiet de l’impact négatif des sanctions sur la jouissance par les Iraniens de leurs droits économiques et sociaux.  Il a souligné qu’il s’efforcerait d’évaluer cet impact dans le cadre de son mandat.

M. Rehman s’est enfin déclaré préoccupé par le sort des personnes arrêtées pendant les manifestations, exhortant le Gouvernement à veiller à ce que tous ceux qui sont emprisonnés pour avoir exercé pacifiquement leur liberté d’opinion et d’expression soient libérés, notamment pour avoir protesté publiquement contre le port du voile obligatoire.  Dans le même ordre d’idée, il a exprimé sa profonde inquiétude concernant le traitement d’un certain nombre de défenseurs des droits de l’homme, d’acteurs de la société civile et d’avocats.

Le respect des droits de l’homme devrait être au cœur des réponses à apporter aux défis auxquels la République islamique d’Iran est actuellement confrontée, a estimé le Rapporteur spécial, qui a appelé de ses vœux une « coopération cordiale » étendue entre le Gouvernement et son mandat, en dépit de vues potentiellement divergentes.

Déclaration

Au titre de pays concerné, M. MOHAMMAD HASSANI NEJAD PIRKOUHI (République islamique d’Iran) a dénoncé le gaspillage des ressources de l’Organisation qui consiste à réaliser, chaque année, quatre rapports identiques sur la situation des droits de l’homme dans son pays.  La répétition quatre fois par an des mêmes accusations ne prouvent pas que ces accusations sont vraies, a-t-il souligné.  À ses yeux, cette répétition démontre plutôt la manipulation à laquelle se livrent certains États.

Pour le représentant, le mandat du Rapporteur spécial évoque une « sélectivité contraire à l’université des droits de l’homme », qui ne sert que les intérêts politiques de quelques États.  En outre, lesdits États sont aussi les auteurs des « pires violations des droits de l’homme dans l’Histoire », a-t-il accusé. 

Il n’y a pas de situation spéciale en Iran, a affirmé le représentant, arguant de dynamique de la démocratie iranienne.  À ses yeux, les cas documentés dans le rapport du Rapporteur spécial ne sont pas suffisamment graves pour justifier un rapport dédié.  À titre d’exemple du respect des droits de l’homme en Iran, le représentant a par ailleurs mentionné le nombre de manifestations pacifiques qui s’y tiennent quotidiennement, un phénomène selon lui sans précédent dans la région.  Pour M. Hassani Nejad Pirkouhi, cela démontre bien à quel point l’Iran est une société dynamique et ouverte.

Le représentant a dénoncé le « mécanisme vicié » que représente le groupe de nomination des Rapporteurs spéciaux, dont Israël fait notamment partie.  « Peut-on être plus vicié que cela? », s’est-il interrogé, et « qu’en est-il du principe de l’égalité souveraine des États? ».  « Nous n’avons pas de leçon à recevoir de la part de pays hypocrites qui ne respectent pas les droits de l’homme chez eux », a poursuivi M. Hassani Nejad Pirkouhi. 

Le représentant a ensuite dénoncé les « politiques agressives et les démarches biaisées » des États-Unis contre son pays et il a invité le Rapporteur spécial à se rendre en Iran pour mesurer l’ampleur des conséquences négatives des mesures coercitives unilatérales américaines.  M. Hassani Nejad Pirkouhi a notamment cité un arrêt non appliqué de la Cour internationale de Justice (CIJ) qui somme, selon lui, les États-Unis de lever les entraves aux importations iraniennes de médicaments et de matériels nécessaires pour l’aviation civile.

M. Hassani Nejad Pirkouhi a enfin dénoncé les accusations, selon lui, sans fondement du rapport contre son gouvernement et les mauvais traitements qu’il imposerait à des minorités.  Depuis des milliers d’années, l’Iran abrite des minorités qui cohabitent de manière pacifique, a-t-il affirmé.  L’Iran est la cible d’une « guerre bien réelle » financée par les États-Unis, pour qui les droits de l’homme ne sont qu’un prétexte, a accusé le représentant en conclusion.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Javaid Rehman, le Venezuela, qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés (MPNA), a rappelé la position exprimée la veille par le Mouvement, opposée à la sélectivité et l’exploitation des droits de l’homme à des fins politiques.  Il a de nouveau cité à cet égard la récente réunion ministérielle de Bakou, lors de laquelle les États Membres du Mouvement ont souligné l’importance du rôle du Conseil des droits de l’homme et de son mécanisme, l’Examen périodique universel (EPU).  Le Pakistan a fait ensuite une déclaration dans le même sens, souhaitant en outre davantage de cohérence entre les travaux de la Troisième Commission et du Conseil des droits de l’homme, et rappelant le rôle central de l’EPU.

Dans le même sens, Cuba a dénoncé la « claire motivation politique » qui a présidé à la création de ce mandat, le jugeant incompatible avec un esprit productif et y voyant un obstacle à la coopération.  Le Bélarus, qui a salué la coopération de l’Iran avec les organes conventionnels sur les droits de l’homme, a dénoncé à son tour le caractère unilatéral et imposé de tels mandats et a demandé au Rapporteur spécial pourquoi il ne s’opposait pas aux mesures coercitives unilatérales contre l’Iran, qui sont contraires à la Charte de l’ONU et violent les droits des Iraniens.  La République arabe syrienne, qui rejette l’utilisation des enceintes et mécanismes des Nations Unies pour cibler certains pays, a souhaité savoir comment le Rapporteur spécial abordait la décision des États-Unis de se retirer de l’accord passé par l’Administration précédente et comment il appréhendait les sanctions contre l’Iran au regard de la situation des droits de l’homme.

Le Burundi a, lui aussi, salué la coopération de l’Iran avec les mécanismes de l’ONU et s’est dit préoccupé par une tendance à utiliser la Troisième Commission à des fins politiques.  Pour analyser la situation des droits de l’homme de manière objective, l’ONU dispose d’un mécanisme adéquat: l’Examen périodique universel (EPU).  La République populaire démocratique de Corée (RPDC) s’est, une nouvelle fois, dite opposée à toute procédure spécifique et a estimé que l’Iran avait obtenu des résultats excellents en matière de défense de sa population sur le plan économique et social, alors même qu’il fait l’objet de sanctions très dures qui interdisent notamment l’importation de médicaments et constituent une violation des droits de l’homme, ce qui devrait être traité de manière prioritaire par le Rapporteur spécial.

La Chine a plaidé pour un dialogue constructif entre les pays sur la base d’un respect mutuel.  Opposée, elle aussi, par principe aux rapports de pays, elle a affirmé comprendre les défis rencontrés par l’Iran en tant que pays en développement et a salué ses efforts dans le domaine des droits humains.  La Fédération de Russie a estimé que l’attention portée à l’Iran était exagérée et contraire aux principes fondamentaux de coopération entre les États.  Plutôt que de produire des rapports discrédités, la communauté internationale devrait plutôt attirer ce pays vers un dialogue sur les droits de l’homme, alors même que l’Iran a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de coopérer avec les organes conventionnels de l’ONU.

L’Union européenne s’est dite encouragée par l’engagement pris par l’Iran sur la question des droits de l’homme mais a fait part de sa préoccupation sur certains cas.  Elle a souhaité en savoir davantage sur la situation concernant la peine de mort, notamment à l’encontre des mineurs.  De même, elle a interrogé le Rapporteur spécial sur les activités de journalistes qui ont fait l’objet d’attaques et demandé plus de précisions sur la situation des femmes et des filles dans ce pays. 

Plusieurs autres pays occidentaux, notamment européens, ont rappelé leur opposition de principe à la peine de mort et se sont alarmés de la poursuite d’exécutions, en particulier de mineurs.  Ainsi, l’Allemagne, si elle salue la baisse du nombre des exécutions et les efforts d’accueil des réfugiés afghans dans le pays, juge que la situation reste inquiétante au regard du nombre élevé des exécutions de mineurs et exhorte l’Iran à y remédier.  Elle a aussi appelé le pays à respecter ses obligations internationales en matière de droits de l’homme pour les personnes détenues.  Enfin, elle a demandé à M. Rehman d’évaluer ses possibilités de se rendre dans le pays.  De même, la République tchèque et la Norvège se félicitent de la baisse des exécutions et des amendements apportés à la législation antidrogue, mais restent préoccupées par la poursuite des exécutions, notamment des mineurs, et par les atteintes à la liberté d’expression.  La Norvège s’inquiète en outre de l’absence de respect des procédures judiciaires et de la répression contre la presse et les défendeurs des droits de l’homme et a demandé à M. Rehman comment il comptait agir sur ces sujets alors qu’il n’a pas la possibilité de se rendre en Iran.

La Suisse s’est félicitée des premiers échanges entre M. Rehman et les autorités iraniennes, mais a elle aussi condamné la poursuite des exécutions et réitéré son appel aux autorités pour qu’elles respectent la Convention relative aux droits de l’enfant et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Appelant l’Iran à instaurer immédiatement un moratoire officiel sur la peine de mort, la Suisse a demandé au Rapporteur spécial comment il comptait encourager le pays à interdire les exécutions de personnes âgées de moins de 18 ans au moment de l’infraction. 

Encouragé par les différents progrès réalisés par l’Iran, notamment par la baisse significative des exécutions, le Canada reste toutefois, lui aussi, préoccupé par l’exécution de mineurs ainsi que par les détentions arbitraires et les discriminations à l’encontre des femmes et des minorités religieuses.  Il a demandé au Rapporteur spécial comment il entendait intégrer les données de l’Examen périodique universel (EPU) dans ses travaux.  Pour sa part, le Royaume-Uni est préoccupé par le traitement réservé aux membres de minorités religieuses et aux manifestants.

Les États-Unis ont exhorté l’Iran à autoriser M. Rehman à se rendre dans le pays afin qu’il puisse exercer son mandat sans entrave.  Ils ont aussi condamné la répression des manifestations de décembre 2017 et l’arrestation de milliers de personnes, avec les mauvais traitements que cela a entraînés.  Ils ont enfin exprimé leur inquiétude quant à la détention de 800 personnes qui attendent dans des prisons de pouvoir exercer leurs libertés fondamentales. 

Le Japon a rappelé qu’il avait participé aux efforts de l’Iran dans le domaine des droits de l’homme et a dit s’attendre à de nouveaux progrès concernant les minorités religieuses grâce à l’amendement apporté au Conseil islamique.  Sur un plan général, il a demandé quels conseils le Rapporteur spécial pourrait donner pour faire progresser les droits des femmes et des minorités religieuses en Iran.

Réponses

Dans ses réponses, M. JAVAID REHMAN a d’abord expliqué la nature de son mandat, issu du droit international des droits de l’homme.  Son mandat est « très clair », surtout si vous « regardez ma méthodologie », a-t-il affirmé.  Il lui permet de parler à tous les interlocuteurs, qu’ils soient étatiques ou non étatiques.  De plus, a-t-il insisté, il dispose d’un « code de conduite » qui est « très strict » et qu’il suit dans la transparence la plus totale.  Ce qui est important, pour lui, est bien le « contenu » et non la « source ».

S’agissant de la question des exécutions de mineurs, une des principales préoccupations évoquées par les différentes délégations, M. Rehman a fait observer que l’Iran est probablement le pays qui a exécuté le plus de mineurs durant ces 10 dernières années, y compris cinq depuis le début de cette année.  Il a rappelé que le Code pénal islamique maintient la peine de mort pour les garçons à partir de 15 années lunaires et les filles âgées d’au moins 9 années lunaires pour les infractions qui relèvent du qisas (loi du talion) ou celles appelées houdoud, telles que l’homicide et l’adultère.  À cet égard, il a rappelé à l’Iran ses obligations dans le cadre de la Convention des droits de l’enfant.

Quant à la liberté d’opinion et d’expression, le Rapporteur spécial a évoqué l’interdiction du réseau social très populaire « Telegram ».  De même, il a fait part de son inquiétude vis-à-vis du harcèlement des employés du service en langue persane de la BBC et notamment le gel de leurs avoirs.  Concernant la situation des femmes et des filles, M. Rehman a rappelé que le mariage était légal à partir de 13 ans pour les filles. Il a aussi évoqué la situation des minorités notamment les baha’is.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs indiqué qu’il était en train d’examiner l’impact socioéconomique des sanctions unilatérales, qui sont pour lui une source de grave préoccupation.  En conclusion, il a dit attendre une réponse à sa demande écrite de visiter le pays et réitéré son souhait d’engager un dialogue avec le pays.

Déclaration liminaire

Mme SHEILA B. KEETHARUTH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, a rappelé que c’était la sixième et dernière fois qu’elle se présentait devant la Troisième Commission, puisque ses fonctions prendront fin à la fin du mois.   Elle a rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait prolongé, en juillet, son mandat d’un an et que son successeur avait déjà été nommé.

La Rapporteuse spéciale a ensuite félicité les dirigeants érythréens et éthiopiens pour la Déclaration conjointe de paix et d’amitié signée le 9 juillet 2018, nourrissant les espoirs d’une issue possible à la situation de « ni guerre ni paix » existant entre les deux pays et d’un impact positif sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, un pays qui, a-t-elle rappelé, a été élu membre du Conseil des droits de l’homme pour la période 2019-2021.

Faisant état de la situation des droits de l’homme dans le pays, Mme Keetharuth a expliqué que le contexte institutionnel et légal n’avait pas changé et que le pays n’avait toujours pas, entre autres, de constitution, de justice indépendante, d’assemblée législative pour débattre des questions d’importance nationale et adopter des lois, ni de systèmes de contre-pouvoir protégeant les citoyens d’un exercice excessif du pouvoir de l’État.  Elle a également fait état de l’absence de liberté de la presse et d’espace d’expression des citoyens, ainsi que du non-respect de l’état de droit et de la faiblesse des institutions. 

Concernant les violations et abus des droits de l’homme, la Rapporteuse spéciale a noté la persistance des tendances aux détentions arbitraires, morts en détention, disparitions forcées, infractions au droit à la liberté d’expression et de religion.  En fait, les violations des droits de l’homme largement documentées par la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée se poursuivent.  Les arrestations de masse sont pensées pour instiller la peur, les prisonniers ne sont pas autorisés à exercer leurs droits fondamentaux pour remettre en cause la légalité de leur détention et les membres de la famille des détenus n’étaient pas informés de ces arrestations.  La Rapporteuse spéciale a cité de nombreux exemples.

Avec la réouverture de la frontière entre l’Éthiopie et l’Érythrée, des centaines d’Érythréens, en majorité des femmes et des enfants, ont franchi la frontière et se sont rendus dans des centres installés en Éthiopie le long de la frontière, a déclaré la Rapporteuse spéciale.  L’Éthiopie a indiqué qu’elle respecterait son obligation internationale de non-refoulement suite aux craintes exprimées par les réfugiés, car, malgré l’ouverture de la frontière, les Érythréens ne sont toujours pas autorisés à quitter leur pays sans un visa de sortie.  Mme Keetharuth a également rappelé que ceux qui fuient le régime pour échapper le service militaire obligatoire et sans limite de temps ou à cause de la situation économique du pays, encourent toujours le risque de se faire emprisonner ou pire, abattre.  Elle s’est aussi inquiétée du sort des réfugiés érythréens en Libye, reçus dans des centres de détention aux conditions inférieures aux normes internationales.

La Rapporteuse spéciale a rappelé que l’Érythrée devra passer, en 2019, son Examen périodique universel (EPU) dans le cadre du troisième cycle de cette procédure.  Elle a rappelé que, lors des deux premiers cycles, l’Érythrée avait « pris note » respectivement de 15% et 54% des recommandations qui lui avaient alors été présentées, et qu’elle en avait accepté respectivement 50% et 46%.  Toutefois, a fait observer Mme Keetharuth, il est impossible de savoir dans quelle mesure les recommandations acceptées ont été mises en œuvre.  Alors que l’Érythrée va devenir pour trois ans un membre du Conseil des droits de l’homme, le processus de l’EPU n’en prend que plus d’importance pour elle, a-t-elle estimé.

Mme Keetharuth a dit avoir pris note de l’élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme et des engagements volontaires qu’elle a souscrit à cette occasion.  Elle a estimé que le pays devrait donc, notamment, assumer ses responsabilités pour protéger et promouvoir l’ensemble des droits de l’homme, prendre en considération les recommandations qui lui ont été adressées par la Commission d’enquête sur les droits de l’homme dans le pays, coopérer avec les mécanismes de droits de l’homme, inviter les titulaires de mandat de procédures spéciales à se rendre dans le  pays, protéger de toute intimidation ou représailles des survivants de violations des droits de l’homme et ceux qui coopèrent avec les organes relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies et faire concrètement et de manière tangible progresser les droits de l’homme sur le terrain.

Enfin, rappelant que la paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée devait être dûment célébrée, la Rapporteuse spéciale a souhaité qu’elle se traduise pour les Érythréens par une amélioration de la situation des droits de l’homme.

Déclaration

Intervenant au titre de pays concerné, M. SAID (Érythrée) a commencé par affirmer qu’en matière de droits de l’homme, un partenariat international mené au travers d’un dialogue constructif était la meilleure voie, et non la politisation, la sélectivité et la stigmatisation.

Alors que la paix apparaît dans la Corne de l’Afrique, les Érythréens sont optimistes, après des années de résilience face à l’adversité, a poursuivi le représentant.  Pour M. Said, l’état d’esprit est positif et les diverses ressources employées de manière justifiée pour maintenir la paix et la sécurité pendant des décennies seront redirigées vers d’autres secteurs vitaux afin d’accélérer le progrès socioéconomique, consolider l’état de droit et renforcer les institutions.  « Nous sommes déterminés à accélérer nos efforts pour que la paix, la sécurité et la justice prévalent », a-t-il affirmé.

Le représentant a toutefois rappelé l’impact négatif des sanctions sur la pleine jouissance des droits de l’homme, qui ne saurait être sous-estimé.  Ces sanctions portent aussi atteinte à la coopération et à l’intégration régionales.  M. Said a donc appelé la communauté internationale et le Conseil de sécurité à mettre fin aux sanctions « injustifiées ».

Quant aux droits de l’homme, c’est l’Examen périodique universel qui est le meilleur outil pour aborder la question de manière constructive, a encore affirmé le représentant, qui a conclu en remerciant les pays qui avaient placé leur confiance en l’Érythrée et voté en sa faveur lors de l’élection au Conseil des droits de l’homme.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Sheila B. Keetharuth, les Comores ont, au nom du Groupe des États d’Afrique, estimé que les droits de l’homme devraient être abordés de manière juste et équitable et qu’à cet égard, l’Examen périodique universel (EPU) restait la seule procédure équitable permettant de mesurer l’évolution des droits de l’homme dans tous les pays.  Pour le Groupe des États d’Afrique, les rapports spécifiques ne servent pas cet objectif.  Le Groupe salue les différentes mesures prises par le Gouvernement érythréen dans le domaine des droits de l’homme et invite la communauté internationale à reconnaître cette évolution et à soutenir les efforts en cours.  De même, le Burundi a salué la coopération de l’Érythrée avec les mécanismes des Nations Unies et l’accord signé avec l’Éthiopie, qui contribuera à la stabilité dans toute l’Afrique de l’Est.  Pour ce pays, la communauté internationale devrait prendre acte des progrès réalisés par l’Érythrée et le Conseil des droits de l’homme devrait notamment s’abstenir de toute prise de position politisée, qui ne contribue pas à un dialogue constructif et apaisé.

Plusieurs autres délégations ont, une nouvelle fois, rappelé leur opposition de principe aux mandats de pays.  La République islamique d’Iran a en particulier dénoncé le chevauchement résultant de l’examen à la Troisième Commission de ces questions avec la procédure de l’EPU et le Conseil des droits de l’homme à Genève.  Cuba a répété que ce type d’examen n’était pas compatible avec l’esprit de dialogue qui devrait présider aux travaux de la Troisième Commission.  La Fédération de Russie a constaté que l’examen du rapport se faisait sur un plan politique et ne pouvait contribuer à l’amélioration de la situation des droits de l’homme dans ce pays.  C’est de façon constructive et avec la pleine participation de pays concerné que ces questions doivent être examinées, le meilleur mécanisme à cet égard étant l’EPU.  Quant à la Chine, elle a réaffirmé son souhait d’un dialogue constructif dans le domaine des droits de l’homme et a estimé que la communauté internationale devrait reconnaître les progrès accomplis dans ce domaine par l’Érythrée et lui apporter une aide afin que le pays puisse renforcer ses capacités. 

L’Éthiopie a estimé que les développements survenus dans la Corne de l’Afrique portaient des promesses d’amélioration pour la situation des droits de l’homme dans la région.  Elle salue les efforts déployés sur ce plan par l’Érythrée, notamment dans sa mise en œuvre des recommandations issues de l’Examen périodique universel.  Elle encourage le Gouvernement érythréen à poursuivre ses réformes et encourage, dans ce cadre, la protection des droits de l’homme.

La Suisse a salué la signature de l’accord de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie, jugeant qu’il ne pouvait être que bénéfique pour la stabilité dans la région.  À la suite à ces développements prometteurs, elle a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles devraient être les priorités et opportunités pour renforcer le respect des droits de l’homme en Érythrée.  Saluant, elle aussi, l’accord de paix, l’Union européenne s’est dite prête à apporter un soutien pratique dans le cadre de la réforme du service national érythréen.  Mais l’Union européenne reste préoccupée par la situation des droits de l’homme en Érythrée et espère que son élection au Conseil des droits de l’homme s’accompagnera d’un respect de ses responsabilités en la matière.  Appelant le Gouvernement érythréen à offrir un accès illimité à la Rapporteuse spéciale, l’Union européenne l’a aussi exhorté à faire des réformes juridiques et institutionnelles pour faire progresser les droits de l’homme.

Après avoir rappelé son appui au mandat de la Rapporteuse spéciale, l’Allemagne a pris note, elle aussi, de l’évolution positive dans la région, mais s’est dite préoccupée par le peu d’amélioration de la question des droits de l’homme dans le pays.  Elle a invité le Gouvernement à faire preuve de volonté politique en prenant des mesures concrètes, notamment en mettant fin au service militaire obligatoire de durée indéfinie ainsi qu’aux détentions arbitraires et aux mauvais traitements à l’égard des prisonniers.  Pour la République tchèque, qui salue les efforts accomplis par l’Érythrée, des réformes sont encore nécessaires sur la voie de la démocratie.  En ce sens, la prochaine étape devrait être l’organisation des premières élections pluralistes depuis plus de 20 ans.  Après avoir, à son tour, estimé qu’il fallait encourager l’Érythrée à intensifier ses efforts pour permettre la jouissance des droits de l’homme à toute la population, la Grèce a appelé le Gouvernement à respecter les droits de propriété, notamment ceux des communautés étrangères installées dans le pays.

S’il reste préoccupé par la situation des droits de l’homme en Érythrée, le Royaume-Uni considère néanmoins que l’évolution dans la région donne des possibilités au Gouvernement.  Il attend avec impatience de pouvoir se pencher, début 2019, sur l’Examen périodique universel de l’Érythrée, afin de constater l’évolution du pays.  Le Royaume-Uni aimerait aussi savoir comment l’Érythrée pourrait utiliser son élection au Conseil des droits de l’homme pour intensifier ses réformes.

Pour les États-Unis, l’amélioration de la situation en Érythrée devrait permettre de réduire le nombre de personnes qui fuient le pays chaque mois.  Les États-Unis exhortent le Gouvernement à respecter ses obligations découlant du droit international afin que les jeunes soient en mesure de choisir leur carrière et puissent participer au développement socioéconomique du pays.  Ils demandent aussi la libération des personnes arrêtées de manière arbitraire.  Saluant l’accord conclu entre l’Érythrée et l’Éthiopie, ils aimeraient, eux aussi, savoir si ce rapprochement est susceptible d’entraîner une amélioration de la situation des droits de l’homme. 

Réponses

Dans ses réponses, Mme SHEILA B. KEETHARUTH a dit voir dans l’accord de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée un « potentiel de changement » qui doit être exploité dans l’intérêt de tous les pays concernés.  Or, a-t-elle insisté, les différentes violations mentionnées dans sa présentation sont récentes.  Il y a une longue liste illustrée par des arrestations de masse: ce sont des pratiques qui doivent changer et l’Érythrée se doit d’assumer ses responsabilités en matière de promotion de ses droits conformément à ses obligations internationales.  Or, à ce stade, la Rapporteuse spéciale « n’a rien perçu ».

Dès lors, que faire? s’est interrogée Mme Keetharuth.  D’abord, ouvrir les prisons, a-t-elle affirmé.  C’est pour elle une priorité, et les familles doivent être informées sur la situation des leurs.  Des personnes sont en prison depuis 1994, s’est-elle scandalisée, citant le cas de témoins de Jehova qui avaient alors 20 ans.

Quant aux conditions de détentions, elle a invité le Gouvernement de l’Érythrée à mettre en pratique les Règles Nelson Mandela pour le traitement des détenus.

S’agissant de son accès au pays, la Rapporteuse spéciale a estimé que l’élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme devrait en principe le faciliter.  Cela dit, a-t-elle insisté, le non-accès ne l’a jamais empêchée de mener à bien sa mission.

Mme Keetharuth s’est dite en accord avec le Groupe des États d’Afrique pour estimer que les droits de l’homme devaient être abordés dans une approche non sélective, avant d’ajouter: « c’est ce que j’ai fait notamment au cours des six dernières années ».  La Rapporteuse spéciale a en outre expliqué qu’elle aurait aimé donner davantage de précisions sur le potentiel de l’EPU, soulignant qu’un rapport à mi-parcours était en cours de rédaction mais qu’elle n’avait pas eu l’occasion de le consulter.  Elle a également évoqué le service militaire obligatoire en appelant à sa réduction. 

Enfin, Mme Keetharuth a vu des raisons d’être optimistes au regard des évolutions actuelles, mais a ajouté que les Érythréens attendaient toujours.  Elle a, en conclusion, attiré l’attention sur les quelque 9 000 personnes qui ont traversé la frontière depuis son ouverture en demandant: « Que fuient-elles, puisqu’elles ne peuvent fuir la paix? ».

Déclaration liminaire

M. MIKLÓS HARASZTI, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, qui présentait son dernier rapport après six années en tant que Rapporteur, a tout d’abord regretté de ne pouvoir faire état d’améliorations de fond par rapport à sa dernière présentation.  Hélas, a-t-il dit, la plupart des raisons qui ont motivé l’établissement de ce mandat, il y a six ans, sont toujours valables aujourd’hui et certaines se détériorent.

Selon M. Haraszti, le triste sort réservé à la liberté d’expression est l’une des principales caractéristiques de l’oppression des droits de l’homme à l’échelle du système bélarussien.  Il a ainsi déploré que les amendements à la loi sur les médias du 14 juin, qui entreront en vigueur le 1er décembre, mettent fin à l’anonymat des publications dans les médias en ligne et imposent l’enregistrement de toutes les plateformes en ligne.  Ces restrictions, a-t-il dit, ferment le dernier espace public où la liberté d’expression était relativement possible, compte tenu du contrôle quasi-total de la parole dans les médias hors ligne, lesquels appartiennent pour la plupart à l’État.  M. Haraszti a aussi dénoncé la répression ciblée lancée au début d’août dernier contre les médias, qui a conduit à l’arrestation d’au moins 16 journalistes indépendants sous prétexte qu’ils échangeaient leur mot de passe pour accéder à un service de presse géré par l’État.

De même, a poursuivi le Rapporteur spécial, la liberté de réunion pacifique continue d’être appliquée de manière très restrictive au Bélarus.  Sans autorisation, nul ne peut organiser une réunion pacifique ni même un piquet composé d’une personne.  La semaine dernière, le 14 octobre, la police a arrêté 14 personnes qui manifestaient pacifiquement contre la construction d’une usine de piles à Brest, a-t-il indiqué, précisant que certains se sont vu infliger des amendes, d’autres des peines de prison, ce qui, selon lui, illustre la réalité quotidienne des citoyens qui souhaitent exercer leurs droits.

M. Haraszti a ensuite évoqué les « infâmes violations systémiques », notamment du droit à des élections libres et du nécessaire pluralisme dans la vie politique.  Après 20 ans, a-t-il relevé, deux membres symboliques de l’opposition ont été désignés pour siéger au Parlement, ce qui ne peut en rien changer le manque de représentation réelle des différents points de vue au Parlement national.  De plus, a fait remarquer le Rapporteur spécial, les autorités s’en tiennent obstinément à la domination par l’État de l’économie.  Une participation de 70 à 80% du Gouvernement va de pair avec la suppression des droits sociaux et des droits des employés, y compris le droit des syndicats à s’organiser.  Sur le plan individuel, a-t-il souligné, la domination de l’État empêche les employés de quitter leur emploi et relève presque du travail forcé.

Le Bélarus reste par ailleurs le seul pays d’Europe et de l’ex-Union soviétique à nier le droit à la vie et à appliquer la peine de mort, avec de fréquentes exécutions, a poursuivi M. Haraszti, pour qui il est particulièrement regrettable que le pays ne tienne pas compte des mesures provisoires ordonnées par le Conseil des droits de l’homme, qui ont pour objet de contribuer au rétablissement d’une procédure régulière dans les cas de peine capitale.

L’examen récent par le Conseil des droits de l’homme du rapport du Bélarus, le premier de ces 21 dernières années, aurait pu être l’occasion pour les autorités bélarussiennes de faire état des progrès qu’elles prétendent avoir accomplis, a encore commenté le Rapporteur spécial.  Or, au-delà d’un simple engagement formel, les réponses aux questions posées n’ont révélé aucun résultat tangible, a-t-il résumé, indiquant notamment qu’aucune explication n’avait été présentée quant au non-respect des mesures provisoires adoptées par le Conseil pour les personnes condamnées à mort.  La seule évolution positive des droits de l’homme au cours des six dernières années concerne la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a-t-il conclu, évoquant par ailleurs la création d’un mouvement politique, « Tell the Truth », dénué toutefois du droit de présenter des candidats de son propre chef.

Déclaration

Au titre de pays concerné, Mme VASILEVSKAYA (Bélarus) a fait valoir que ce rapport spécifique allait contre les principes des Nations Unies relatifs au dialogue et au respect mutuel entre les États.  Malgré les efforts insensés qu’il a déployés en ce sens, le Bélarus ne ressent plus aujourd’hui le besoin de s’impliquer dans la « farce » qui est à l’origine de ce mandat, a-t-elle ajouté.

Voilà pourquoi nous avons demandé à certains États de renoncer à intervenir pour ne pas participer à ce chantage, a poursuivi la représentante.  Notre pays ne correspond pas à la situation présentée, a-t-elle insisté, jugeant que le mandat de Rapporteur spécial sur le Bélarus n’était plus nécessaire.  En effet, a-t-elle poursuivi, les indications selon lesquelles nous ne coopérerions pas ne correspondent pas à la réalité.  Nous ne cachons rien et respectons les droits fondamentaux, a assuré Mme Vasilevskaya, soulignant que son pays était un pays ouvert où peuvent entrer sans visa les ressortissants de plus de 80 États.  « De quel visa avez-vous besoin si nos portes sont ouvertes? », a-t-elle lancé à M. Haraszti.

Il est indispensable de mettre fin aux confrontations dans les relations avec les États, a conclu Mme Vasilevskaya, qui a jugé intolérable d’exploiter les mécanismes visant à promouvoir et protéger les droits fondamentaux à des fins de manipulation politique.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Miklós Haraszti, la République arabe syrienne a appuyé la prise de position du Bélarus et réaffirmé son refus de toute politisation des mécanismes des droits de l’homme, accusant « certains pays » de s’en servir dans leur propre intérêt et pour attaquer d’autres États. 

Les États-Unis ont regretté le refus de coopération du Bélarus et l’absence de progrès dans les réformes électorales.  Ils lancent un appel au Gouvernement afin qu’il cesse de bloquer des agences de médias et respecte la liberté d’expression.  Ils sont en outre préoccupés par les restrictions excessives imposées à la société civile.

L’Union européenne a félicité le Rapporteur spécial pour ses travaux ces six dernières années, malgré le manque de coopération de pays concerné.  Constatant quelques éléments positifs, elle s’est néanmoins dite préoccupée par l’absence de progrès en matière de droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression.  Les prétendus progrès sont superficiels, il n’y a pas d’engagement de fond, a-t-elle déploré, observant que la situation n’a plus changé depuis 2011.  L’Union européenne appelle les autorités bélarussiennes à autoriser les acteurs de la société civile à participer aux activités de l’État et à faciliter l’accréditation des journalistes.  Elle demande aussi un moratoire sur l’application de la peine de mort comme première étape vers son abolition.  Évoquant, enfin, la tenue prochaine d’élections, l’Union européenne a voulu savoir quelles mesures positives pourraient contribuer à des réformes démocratiques au Bélarus.

La plupart des autres intervenants ont, à l’image de la Pologne, déploré le manque de coopération du Bélarus avec le Rapporteur spécial et se sont montrés inquiets tant de la poursuite de l’application de la peine de mort que des restrictions aux activités de la presse et de la société civile en général.  C’est le cas notamment de la Norvège, préoccupée par l’imposition de nouvelles condamnations à la peine de mort cette année encore, et qui demande un moratoire immédiat, première étape vers l’abolition, ou de la République tchèque, qui aimerait savoir quelles conséquences auront les récents amendements adoptés à la loi sur les médias.  L’Allemagne, qui note toutefois que le Rapporteur spécial a fait état de quelques améliorations, comme l’enregistrement d’organisations non gouvernementales et la création d’un mouvement politique, n’en déplore pas moins la situation d’ensemble.  Elle estime que le suivi de la situation des droits de l’homme par le Conseil des droits de l’homme restait nécessaire pour éviter de nouveaux reculs.  Évoquant l’impossibilité faite à M. Haraszti de se rendre dans le pays, elle a souhaité savoir en quoi cela avait entravé son travail.

La Lituanie, qui constate le refus obstiné du Bélarus de recevoir le Rapporteur spécial dans le cadre de son mandat, a par ailleurs dénoncé les restrictions mentionnées dans le rapport en matière de liberté d’expression.  Elle aimerait savoir comment la communauté internationale pourrait encourager le Bélarus à permettre un débat avec des militants et des défenseurs des droits de l’homme.  Le Royaume-Uni s’est dit préoccupé notamment par le traitement réservé à la communauté LGBTI.

Réponses

M. MIKLÓS HARASZTI a estimé que les propos de la délégation bélarussienne signifiaient que le pays ne voulait pas participer à cette discussion, que ce soit au Bélarus ou à l’extérieur du pays.  Mais, a-t-il fait remarquer, pour faire progresser les droits de l’homme, il faut discuter coopérer et s’impliquer.

En réponse aux questions des autres délégations sur les voies à suivre pour obtenir une telle coopération de la part du Bélarus, il a redit que la communauté internationale et les mécanismes des droits de l’homme des Nations-Unies devraient clairement dire que la coopération est la voie à suivre.  Il a également souhaité que ce mandat ne cède pas, à l’avenir, devant les forces de la non-coopération.  « La situation internationale sur le plan géopolitique peut changer à tout instant mais elle ne devrait pas changer notre détermination de dire au Bélarus qu’il doit s’acquitter de ses obligations internationales » a affirmé le Rapporteur spécial.

Des visites in situ, M. Haraszti a estimé qu’au-delà de démontrer l’ouverture et la volonté de coopérer, elles faciliteraient la coopération entre les différents acteurs des institutions des droits de l’homme au sein du pays.  « Ce mandat a justement été créé par l’ONU pour permettre au titulaire de mandat de faciliter cette coopération » a-t-il ajouté. 

Sur la peine de mort, M. Haraszti a estimé que le comportement du Bélarus était irrationnel: « C’est le seul pays en Europe à exercer cette prérogative antédiluvienne d’exécuter un de ces citoyens ».  Déplorant que tout le pouvoir soit exercé par l’Exécutif, il a néanmoins constaté qu’il suffirait dès lors d’une signature pour mettre un terme à la pratique de la peine de mort.  « Cela démontrerait que le pays est prêt à rejoindre la communauté internationale dans ce domaine et je trouve incompréhensible que le Président ne l’ait pas encore fait! », a-t-il ajouté.

À la question « très intéressante » de la Lituanie, M. Haraszti a expliqué que le droit à l’environnement était particulièrement important pour ce pays concerné par la catastrophe de Tchernobyl.  Il a souhaité que les limitations à la liberté de réunion ne soient plus appliquées aux citoyens qui défendent le droit à l’environnement. 

M. Haraszti s’est également associé aux préoccupations signifiées par certaines délégations quant aux droits de la communauté LGTBI.

Quant aux progrès et à la coopération que l’on pourrait espérer du pays avec le prochain titulaire du mandat, M. Haraszti a estimé qu’il faudrait « une révolution copernicienne » pour que le Bélarus reconnaisse que tous les citoyens étaient des titulaires de droits.  Il a insisté sur le fait qu’il fallait abolir l’article 190-1 du Code pénal du pays, qui permet de punir toutes les activités publiques non autorisées.  « C’est très oppressif », a-t-il commenté; « il faudrait reconnaître que se rassembler pour prendre la parole en public est un droit pour tout citoyen ».

S’il a reconnu que l’État avait droit à la clarté et la transparence quant à ceux qui exercent leur droit de réunion, le Rapporteur spécial a précisé en conclusion que l’État n’était pas pour autant en droit de le nier de manière arbitraire « comme c’est le cas depuis plus de 20 ans ».

Déclaration liminaire

M. BAHAME TOM MUKIRYA NYANDUGA, Expert indépendant chargé par le Secrétaire général d’examiner la situation des droits de l’homme en Somalie, qui présentait les résultats de sa cinquième mission dans le pays a salué le processus électoral de 2016/2017, une réalisation majeure en dépit des menaces des Chabab de les interrompre.

L’Expert indépendant a noté qu’au cours de la période examinée, le Gouvernement fédéral s’était engagé dans le processus d’adoption d’une Constitution permanente en prévision des élections de 2020.  Il a rappelé que la Somalie était actuellement régie par une Constitution provisoire adoptée le 12 août 2012.  Ce processus intérimaire a été marqué par une augmentation notable du nombre des femmes dans le Parlement, passant de 14% en 2012 à 24,7% en 2016, a-t-il fait observer.

Pourtant, et malgré la promotion de femmes à de hauts postes au sein du Gouvernement, les droits des femmes restent bafoués, en raison de la prévalence des violences basées sur le genre, a déploré M. Nyanduga, qui a cité de nombreux cas de viol impunis et mis en cause l’absence d’un système judiciaire et de législation adéquat.

Néanmoins, l’Expert indépendant a relevé les efforts entrepris dans ce sens, notamment au Puntland et au Somaliland, qui ont, d’ores et déjà, adopté une législation.  Le Cabinet fédéral a, pour sa part, adopté une loi sur l’offense sexuelle, en mai 2018, mais celle-ci fait face à une rude opposition des chefs religieux.

Les enfants aussi continuent de subir les violences en dépit de l’accession de la Somalie à la Convention relative aux droits de l’enfant, a fait observer l’Expert indépendant, qui a rappelé que les Chabab recrutaient sans cesse des enfants soldats et s’est fait l’écho de recrutement de quelque 300 enfants dont l’âge varierait entre 5 et 11 ans dans la région du Bas-Chébéli.  À cet égard, M. Nyanduga a salué le travail de l’UNICEF, ainsi que de la société civile, qui offrent des programmes de réhabilitation destinés aux enfants sauvés des mains de ces groupes.

Selon l’Expert indépendant, cette situation reflète l’absence de protection et de sécurité des enfants dans les zones sous le contrôle des Chabab.  Mais le recrutement des enfants par les forces de sécurité constitue aussi un motif de préoccupation, a ajouté M. Nyanduga.  Il a évoqué les menaces au droit à la vie posées notamment par les mines, en plus des nombreuses victimes des attaques des Chabab, d’opérations militaires menées par les forces de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), ou encore du fait des attaques de drones ou d’avions non identifiés, en plus des combats entre clans.

M. Nyanduga a souligné nombre de mesures adoptées par le Gouvernement pour améliorer la sécurité des personnes et la promotion des droits de l’homme.  Pour lui, la réforme de la justice et de la sécurité est la clef pour restaurer la loi et l’ordre dans le pays.

S’agissant justement de la sécurité, M. Nyanduga a fait part de sa préoccupation après la suspension, en septembre dernier, par les dirigeants des États fédérés du pays, de leur coopération avec le Gouvernement fédéral.  Quant à la justice, l’Expert indépendant a cité en exemple les cours mobiles mis en place par le Programme des Nations Unies pour le développement dans le sud du pays, où les infrastructures judiciaires ont été totalement détruites.

Par ailleurs, M. Nyanduga a fait état du processus en cours d’établissement d’une commission nationale des droits de l’homme.  Il a exhorté le Gouvernement à la rendre opérationnelle le plus tôt possible en lui allouant les ressources nécessaires et en lui garantissant une indépendance conformément aux Principes de Paris.

Pour finir, M. Nyanduga a souhaité que son rapport puisse contribuer aux efforts de la communauté internationale pour que plus jamais la Somalie ne retombe dans le statut d’État défaillant qu’il a été pendant 30 ans.

Déclaration

M. DHAKKAR (Somalie), au titre de pays concerné, a salué l’intervention de l’Expert indépendant, notant que son rapport mettait en avant les progrès accomplis tout en mettant en lumière les difficultés qui subsistent, la Somalie traversant des difficultés depuis près de 20 ans.

Malgré cela, nous avons progressé sur le front des droits fondamentaux et nous nous sommes engagés à poursuivre nos améliorations, notamment en renforçant la protection des droits des enfants et en créant un environnement constitutionnel et législatif propice aux femmes, a souligné le représentant.  De plus, a-t-il poursuivi, nous sommes fiers que nos femmes soient davantage représentées dans notre Parlement, leur taux de représentation étant passé de 14% à 25%, ce qui permet, selon lui, de ne pas avoir à rougir de la comparaison avec le reste du monde.

Insistant sur la nécessité de placer la question des droits de l’homme dans le contexte de situations de conflit qui perdurent, M. Dhakkar a constaté que des violations de ces droits étaient commises dans le monde entier, mais le plus souvent en cas de conflit armé.  Dans ce contexte, les communautés les plus vulnérables souffrent le plus, a-t-il déploré, estimant que la communauté internationale devrait se concentrer de façon plus visible sur la prévention, la gestion et la résolution des conflits. 

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Bahame Tom Mukirya Nyanduga, l’Union européenne a insisté sur l’importance de l’engagement pris dans le cadre du Forum de partenariat avec la Somalie.  Le relèvement du pays, après presque 25 ans de conflit, est en cours, s’est-elle félicitée, saluant le rôle de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), que l’Union européenne appuie.  Elle a par ailleurs exprimé sa préoccupation face aux violations des droits fondamentaux, notamment à l’égard des femmes, au recrutement d’enfants soldats et au recours à la peine de mort.  Insistant pour que soit respectée la liberté d’expression, l’Union européenne a exhorté les autorités somaliennes à renforcer l’état de droit et à lutter contre l’impunité.  Elle plaide aussi pour que soient accélérées l’adoption et la mise en œuvre d’une législation contre les violences sexuelles.  L’Union européenne aimerait savoir comment la communauté internationale pourrait accompagner la Somalie dans le soutien des droits fondamentaux.

Djibouti a rappelé que la Somalie a été élue au Conseil des droits de l’homme pour la période 2019-2021 et l’en a félicitée, formant le vœu que cette participation joue un rôle positif pour la situation dans le pays.  S’agissant du rapport, la délégation a voulu savoir quelles conséquences auraient un retrait prématuré de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) dans le domaine de la protection des droits de l’homme.  Elle a aussi demandé si des efforts de rationalisation de l’ONU pourraient accroître l’efficacité de ses activités en Somalie.

Le Royaume-Uni a mis l’accent sur l’importance de préserver les progrès à la suite au dernier Forum de partenariat sur la Somalie.  Félicitant le pays pour ses progrès dans le domaine des droits de l’homme, notamment au travers du processus politique et de la création d’un Ministère des femmes, il s’est toutefois dit préoccupé par le manque de responsabilisation des auteurs de violations des droits de l’homme.  Dans ce contexte, il a demandé comment l’ONU et la Mission d’assistance pourraient assurer une synergie avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Les États-Unis ont salué les progrès réalisés par la Somalie en matière de protection des droits de l’homme, notamment au travers d’efforts contre le recrutement d’enfants soldats dans les forces de l’armée et des milices.  Alors que le pays se prépare à ses premières élections crédibles, il est également crucial que les journalistes puissent exercer leur mission d’information sans entrave, ont-ils fait valoir.  Dans ce contexte, les États-Unis ont demandé à savoir comment le Gouvernement somalien était prêt à mettre en œuvre son plan « Une voix pour une personne » et contribuer à la tenue d’élections libres et transparentes.

Réponses

Dans ses réponses, M. BAHAME TOM MUKIRYA NYANDYGA a expliqué que l’amélioration de la situation des droits de l’homme, notamment dans les États fédérés, était « un véritable enjeu », étant donné qu’il fallait des ressources pour renforcer les capacités tant de l’État fédéral que des États fédérés.  Les secteurs de la justice et des droits de l’homme ayant été pris pour cible dans le conflit, il est impossible pour le Gouvernement de s’acquitter de ses fonctions dans ces domaines, a-t-il expliqué.

Reconnaissant les progrès faits par le Gouvernement fédéral depuis 2012, l’Expert indépendant a cependant regretté que des difficultés frappent encore le secteur de la justice.  « Il fut un temps où certains tribunaux militaires assumaient des fonctions de poursuites de civils » a-t-il expliqué.  Il a ensuite cité certaines améliorations, permises notamment grâce à l’assistance du Royaume-Uni, qui ont abouti à l’établissement, à Mogadiscio, d’un campus des tribunaux qui rassemble tous les acteurs du secteur de la justice, « un lieu sûr pour les procureurs, les magistrats, les juges, les policiers ».  M. Nyandyga a regretté que ce système n’ait pas été reproduit au niveau des différents États fédérés.

M. Nyandyga a expliqué que les systèmes traditionnels de justice mis en place par les anciens étaient efficaces, mais qu’ils traitaient parfois de questions pénales et que c’était pour cela que la communauté internationale devait aider à la réforme de la justice.  Il a expliqué que le système de justice traditionnelle était en train d’être institutionnalisé, notamment en incorporant certaines normes traditionnelles en une sorte de code.  « La Somalie, comme toute société traditionnelle, a une vraie richesse en termes de coutumes et nous essayons de codifier les lois positives et de garantir que les décisions des anciens soient mises en œuvre, notamment en enregistrant les décisions prises pour qu’elles soient suivies par le plus grand nombre » s’est-il félicité.  L’Expert indépendant a néanmoins noté que, sur des questions telles que les violences sexistes, les chefs traditionnels qui se chargent de ces dossiers ne rendent pas toujours la justice.  Il a cité le cas du Puntland.

M. Nyandyga a également rappelé la responsabilité « majeure » du Gouvernement somalien en termes de sécurité, notamment lorsque les responsabilités actuellement assurées en la matière par l’AMISOM seront transférées aux forces somaliennes.  Il a dit craindre que, « pour une raison ou une autre dans le cadre du calendrier fixé par le Conseil de sécurité, ce transfert ne soit pas complet tel qu’escompté ».  S’il constate que la communauté internationale déploie de nombreux efforts, l’Expert indépendant craint que, si l’AMISOM se retire avant que les forces somaliennes ne soient pleinement opérationnelles, il en résulte « de nombreuses difficultés pour le processus de démocratisation qui doit s’achever d’ici à 2019 ».

Déclaration liminaire

M. DOUDOU DIÈNE, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, a présenté son rapport final, qui a clôturé le second terme du mandat de sa Commission.  Il a regretté que le Gouvernement burundais ait déclaré persona non grata les membres de la Commission d’enquête et ait tenté de s’opposer à ce dialogue avec la Troisième Commission.

M. Diène a expliqué que sa Commission d’enquête avait recueilli près d’un millier de témoignages de victimes, témoins ou auteurs présumés de violation et d’atteinte aux droits de l’homme.  Il a noté que la Commission était le seul mécanisme international à même d’enquêter « de manière indépendante, impartiale et rigoureuse » sur la situation des droits de l’homme qui prévaut dans le pays.

Les témoignages collectés confirment la persistance de violations graves des droits de l’homme, a expliqué M. Diène, qui en a cité un certain nombre: exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, arrestations et détentions arbitraires, tortures et traitements cruels, inhumains ou dégradants, violences sexuelles et violations des libertés d’expression, d’association, de réunion et de circulation.

Les personnes visées étaient en majorité des opposants au Gouvernement et au parti au pouvoir ou encore des personnes perçues comme telles: membres ou sympathisants de partis politiques d’opposition, Burundais tentant de fuir le pays, journalistes et membres d’organisations de la société civile, a précisé le Président de la Commission d’enquête.  Son constat, a-t-il relevé, rejoint celui établi par le Conseil de sécurité dont les membres ont, dans une déclaration à la presse publiée le 22 août 2018, « fermemnent condamné toutes les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits commises au Burundi ».

La Commission d’enquête a également constaté que des membres, y compris haut placés, du service national de renseignement et de la police demeuraient les agents étatiques les plus impliqués dans les violations graves des droits de l’homme, a poursuivi M. Diène.  Celui-ci s’est aussi inquiété du rôle croissant des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir CNDD-FDD, dans le contrôle de la population et les violations des droits de l’homme, qui pour certaines sont constitutives de crimes contre l’humanité.  Il s’agit d’actes qui, pour la Commission d’enquête, entraînaient la responsabilité de l’État, puisque commis sous les ordres et la supervision d’agents étatiques.

M. Diène a déploré le climat d’appels à la haine et à la violence de la part d’autorités, et ce, dans l’impunité généralisée.  La Commission d’enquête a en effet conclu, après une étude détaillée, que « la justice n’est pas indépendante, et ce, depuis plusieurs années », ce qui fait douter de la capacité du système judiciaire burundais à poursuivre les auteurs des violations des droits de l’homme.  Il y a là un déficit que la Cour pénale internationale pourrait venir combler pour les crimes commis entre avril 2015 et octobre 2017, a suggéré M. Diène.

Enfin, M. Diène a estimé que ce contexte préjudiciable aux droits civils et politiques avait eu un « impact direct » sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels d’une grande partie de la population.  À ses yeux, le Burundi, qui était un pays en développement, est « redevenu un pays d’urgence humanitaire », où la population, en besoin d’abris, d’eau, d’hygiène, d’éducation, de nutrition, de protection et de soins de santé, est passée d’un million de personnes en février 2016 à plus de 3,5 millions au début 2018.  Il a également accusé le Gouvernement d’avoir aggravé la situation en augmentant les taxes, en créant de nouveaux impôts et en recouvrant de force des « contributions sans base légale », comme celle qui porte sur les élections de 2020.

M. Diène a conclu en jugeant urgent que le Gouvernement burundais fasse cesser les violations des droits de l’homme qui perdurent et en poursuivent les auteurs, et impératif qu’il coopère avec les instruments internationaux de droits de l’homme.  Pour lui, ces mesures « seraient particulièrement significatives dans le contexte de la préparation des élections de 2020 ».

Déclaration

Au titre de pays concerné, M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) a déploré que, plus de trois ans après la tentative de changement de régime par une insurrection et un coup d’État fomentés de l’extérieur en 2015, le pays continue de subir un « harcèlement politico-diplomatique sans précédent ».  Il a ainsi jugé que le rapport présenté à la Troisième Commission était « insultant et dénigrant », « conçu à l’image de ses auteurs », lesquels sont « téléguidés par un laboratoire étranger très bien connu depuis 2015 ».

Ce rapport est tellement honteux, a souligné le représentant, que ses auteurs n’ont pas daigné se réserver un minimum de professionnalisme, d’intégrité et de respect du principe du contradictoire et des règles des Nations Unies.  De fait, il a dénoncé des « allégations mensongères et erronées » contenues dans le rapport.  M. Shingiro a demandé à la Troisième Commission de ne « lui accorder aucun crédit ».  En outre, vu le caractère diffamatoire du rapport, le Burundi se « réserve le droit légitime de traduire en justice les auteurs » pour diffamation et tentative de déstabilisation du Burundi.

Au lieu d’accomplir sa mission techniquement, la Commission s’en écarte pour verser dans l’ingérence politique, notamment en s’attaquant au dernier référendum constitutionnel et à la justice burundaise, qui relèvent exclusivement du pouvoir régalien de l’État burundais, a poursuivi le représentant.  De façon générale, le rapport incrimine, selon lui, le Gouvernement burundais tout en couvrant « les crimes odieux de l’opposition radicale pourtant revendiqués publiquement ».  Il ne contient en revanche aucun paragraphe sur les crimes commis par les insurgés et les putschistes opérant sous le parapluie de certains acteurs extérieurs, a-t-il accusé.

Tout en réitérant son attachement au respect des droits humains, le représentant a rejeté la tendance dangereuse de certains pays à vouloir transformer certains organes de l’ONU en outil de pression politique et de régulation de la géopolitique des pays en développement en général, en Afrique en particulier.  Il a enfin signalé une divergence d’appréciation entre les organes onusiens, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général, via son Envoyé spécial, faisant état d’une situation nettement améliorée au Burundi, alors que le Conseil des droits de l’homme constate au travers de la Commission d’enquête une situation alarmante. 

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Doudou Diène, l’Union européenne a estimé que les conclusions de ce deuxième rapport étaient toujours aussi préoccupantes, certaines violations graves pouvant être constitutives de crimes contre l’humanité.  Renouvelant son appel à toutes les parties concernées pour qu’elles prennent en compte les recommandations du rapport, l’Union européenne a demandé à connaître l’opinion de M. Diène sur les perspectives pour la lutte contre l’impunité et l’ouverture d’une enquête sur le Burundi par la CPI.  L’Espagne a invité le Gouvernement du Burundi à coopérer avec le Conseil des droits de l’homme et ses mécanismes.  Elle lui demande de faciliter les visites de la Commission d’enquête et de lui apporter toutes les informations nécessaires.

La France a rappelé son attachement aux procédures indépendantes mandatées par le Conseil des droits de l’homme.  Elle respecte l’intégrité des procédures spéciales du Conseil et rejette toute forme d’intimidation contre ses membres.  Pour la France, l’amélioration de la situation au Burundi passe par la levée des suspensions d’organisations non gouvernementales internationales et la mise en œuvre des recommandations du rapport de la Commission d’enquête.  À ce sujet, elle a souhaité savoir comment les organisations régionales peuvent contribuer à une meilleure prise en compte des droits et lutter contre l’impunité au Burundi.

Le Luxembourg a jugé préoccupante la situation des droits de l’homme au Burundi, de même que le refus des autorités de travailler de bonne foi avec la Commission d’enquête.  Selon la délégation, les nombreux cas d’abus et de violations avérés sont suffisants pour que la communauté internationale assume ses responsabilités et prenne les mesures nécessaires pour permettre à la Commission d’enquête de poursuivre son travail.  La Slovénie a déploré le climat général d’impunité dans le pays.  Elle a souhaité savoir comment le Président de la Commission d’enquête qualifierait la situation des enfants en matière de droits de l’homme et de bien-être.

L’Italie et la Belgique ont estimé que la Commission d’enquête était le seul mécanisme permettant de se faire une idée sur la situation des droits de l’homme dans ce pays.

L’Allemagne a déploré l’absence de coopération entre le Burundi et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et s’est dite grandement préoccupée par la persistance de graves violations.  Elle a appelé le Gouvernement à tout mettre en œuvre pour élargir l’espace politique et travailler à un système inclusif en vue des élections de 2020.  Enfin elle a souhaité savoir ce que la communauté internationale peut faire pour appuyer la société civile et les défenseurs des droits au Burundi.  Également inquiète face à la situation des droits de l’homme au Burundi et à l’absence de coopération du Gouvernement avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et la Commission d’enquête, la Norvège a lancé un appel au Gouvernement afin que les organisations non gouvernementales puissent reprendre leurs activités sans restriction et que des élections libres aient lieu en 2020.

La République tchèque et les Pays-Bas ont salué l’adoption de la résolution sur la situation au Burundi par le Conseil des droits de l’homme au mois de septembre, qui proroge le mandat de la Commission d’enquête jusqu’en 2019.  En outre, les Pays-Bas aimeraient savoir ce que la Commission d’enquête pourrait tirer de la récente reprise des travaux entre le Gouvernement et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Le Royaume-Uni a reconnu les mesures prises pour lever certaines restrictions au Burundi et a appelé le Gouvernement à se fonder sur ces mesures pour engager de nouvelles réformes.  C’est vital pour les élections libres en 2020, a-t-il commenté, appelant les autorités du pays à rétablir sa coopération avec le Conseil des droits de l’homme de manière prioritaire et à garantir la mise en œuvre des Accords d’Arusha.

Les États-Unis ont exprimé leur préoccupation face aux violations et à la suspension d’ONG et de médias dans le but de limiter l’espace civil et politique.  Le refus du Gouvernement de coopérer avec le Haut-Commissariat est contraire à ses obligations internationales, ont-ils ajouté, avant de demander à M. Diène s’il avait constaté des modifications de l’environnement des droits de l’homme après la tenue du référendum. 

La Fédération de Russie a estimé que la tenue du référendum au Burundi relevait des affaires intérieures de l’État, constatant que les prévisions pessimistes de certains pays ne s’étaient pas concrétisées.  Ce sont aux Burundais de décider de leur sort en sachant qu’il n’y a pas d’autres moyens de sortir du conflit que par le dialogue et l’organisation d’une élection présidentielle libre.

Le Pakistan a estimé que le Gouvernement burundais coopérait avec les organes conventionnels et le Secrétariat de l’ONU, apportant ainsi la preuve de son attitude positive.  Soulignant que les droits de l’homme sont indivisibles et doivent être protégés collectivement, le Pakistan estime que c’est l’Examen périodique universel qui est le mécanisme le plus adapté pour traiter ces questions.  Pour l’Inde, qui a rappelé que la responsabilité des droits de l’homme repose sur l’État concerné, le mandat de la Commission d’enquête devrait être établi sur la base de la coopération et du dialogue, en respectant la souveraineté du pays.  Elle aussi estime que c’est l’EPU qui constitue l’outil adéquat pour examiner la situation des droits de l’homme dans un pays.

Le Maroc a lui aussi souligné la nécessité d’un dialogue constructif pour prévenir les violations des droits de l’homme.  Il estime que, dans le cas du Burundi, le Conseil des droits de l’homme a opté pour la confrontation en nommant une Commission d’enquête qui ne jouit pas du crédit nécessaire à son mandat.

Au nom du Groupe des État d’Afrique, les Comores ont estimé que le processus d’amélioration des droits de l’homme au Burundi ne pourra se faire que dans le cadre d’un dialogue franc et sincère.  Or, ont-elles constaté, la tendance actuelle vise à faire du Conseil des droits de l’homme un organe politique, ce qui compromet son mandat et sape les principes d’indivisibilité et d’interdépendance des droits fondamentaux.  Aucun État n’est en mesure de donner des leçons aux autres, ont insisté les Comores, jugeant que l’EPU constituait toujours le mécanisme permettant d’examiner les situations des pays de façon constructive.

Au nom du Mouvement des pays non alignés, le Venezuela a répété que les questions de droits de l’homme devaient être abordées dans le respect de la souveraineté des États.  Au nom de la cohérence entre les travaux du Conseil des droits de l’homme et la Troisième Commission, le Mouvement rappelle que l’EPU est le mécanisme le plus approprié pour traiter les questions des droits de l’homme sur la base d’un dialogue constructif.  Dans le même ordre d’idée, la Chine a fait valoir que le Burundi avait redoublé d’efforts pour assurer sa stabilité et que cela devrait être reconnu par la communauté internationale.  Elle a demandé à la communauté internationale de protéger la souveraineté du Burundi et de s’abstenir de toute politisation des questions liées aux droits de l’homme.

Plusieurs autres pays ont rappelé leur opposition de principe aux rapports spécifiques par pays et redit que l’EPU était le mécanisme idoine pour examiner la situation des droits de l’homme dans chaque État.  Ce fut le cas du Myanmar, pour qui le Gouvernement du Burundi devrait être en mesure d’améliorer la situation des droits de l’homme sur le plan national plutôt que d’être soumis à des pressions politiques de la part de la Commission d’enquête.  C’est le cas aussi du Bélarus qui rejette comme politiquement motivées les procédures spéciales et leurs rapports biaisés.  Cuba et la République populaire démocratique de Corée ont fait valoir des arguments semblables, alors que la République islamique d’Iran jugeait contre-productifs les mandats de pays, qui ne permettent pas, selon elle, un engagement constructif ni ne contribuent au dialogue nécessaire aux travaux de la Troisième Commission.

Réponses

Dans ses réponses, M. DOUDOU DIÈNE a rappelé que la Commission d’enquête qu’il dirige avait pour mandat, confié par le Conseil des droits de l’homme, de documenter les violations des droits de l’homme, d’identifier ses responsables et d’émettre des recommandations pour la promotion de la justice.  Il s’est attardé longuement sur les remarques faites par le représentant du Burundi selon lequel les membres de la Commission d’enquête seraient sous la coupe d’autres institutions de nature politique et sur l’annonce « grave » de ce dernier de poursuites pénales contre ces mêmes membres de la Commission, un discours qu’il a qualifié de « sans précédent ».

M. Diène a également tenu à se défendre des propos du représentant du Burundi qui l’accusait, en tant qu’Africain, de « vendre l’Afrique ».  Il s’est alors enquis du niveau auquel le Burundi mettait le principe d’universalité ainsi que le rôle des enquêteurs et juristes africains.  Il a dit noter avec attention les déclarations du Burundi, « indicatives de la gravité des questions que l’on a voulu montrer dans notre rapport ».

La Commission d’enquête a rédigé un rapport de 250 pages, s’est-il encore défendu, qui « n’est pas de la littérature, mais une enquête précise, minutieuse, factuelle et rigoureuse ».  Il a demandé au Burundi de lire le rapport et de lui indiquer quels étaient les points factuels non confirmés.  Il a également repris le Burundi, qui arguait que le seul lieu où la situation des droits de l’homme devait être légitimement débattue était l’Examen périodique universel, et a rappelé que le Burundi n’avait accepté que 120 recommandations sur les 250 émises lors du dernier cycle de l’EPU.

M. Diène a signalé attendre trois actes forts de la part du Gouvernement burundais après le référendum: l’arrêt ou la diminution des violations des droits de l’homme lors du processus électoral, qui est de nature à favoriser les actes de violence; le règlement de la question de l’impunité, parce que les violations des droits de l’homme perdurent et que leurs auteurs n’ont pas été punis; et la coopération du Burundi avec tous les mécanismes régionaux et internationaux mis en place sur la question des droits de l’homme.

M. Diène a signalé un oubli dans ce débat, celui de la question des réfugiés burundais, qui, en dehors des populations présentes sur le territoire, étaient les plus vulnérables.  « Contraints de quitter le pays pour des raisons diverses et se trouvant dans des conditions extrêmement difficiles, ils ne sont pas toujours traités avec dignité et respect » a-t-il déploré.  Il est donc important que la communauté internationale soit vigilante quant au respect des droits de l’homme des réfugiés et notamment que leur consentement soit pris en compte en cas de retour sur le territoire burundais.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: une Mission d’enquête de l’ONU conclut à une « catastrophe planifiée » contre les Rohingya au Myanmar

8381e séance – après-midi
CS/13352

Conseil de sécurité: une Mission d’enquête de l’ONU conclut à une « catastrophe planifiée » contre les Rohingya au Myanmar

En dépit de l’opposition de certains de ses membres, le Conseil de sécurité a, cet après-midi, pu entendre l’exposé du Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, théâtre selon lui d’une « catastrophe planifiée » et d’un « système d’oppression institutionnalisé » s’exerçant contre la communauté musulmane des Rohingya, « de la naissance à la mort ».

Il a fallu en effet un vote de procédure pour permettre la tenue de cette séance, l’opposition de la Bolivie, de la Chine, de la Fédération de Russie et de la Guinée équatoriale n’ayant pas suffi pour bloquer la demande faite par neuf autres membres le 16 octobre dernier, alors que l’Éthiopie et le Kazakhstan se sont abstenus.

En invitant un mécanisme spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’une question relative à un pays en particulier à lui présenter un exposé, le Conseil de sécurité agirait de manière inédite.  Accéder à cette requête créerait un fâcheux précédent », avaient mis en garde les adversaires de cette réunion dans leur réponse

Avant de faire rapport la semaine prochaine à la Troisième Commission chargée des questions humanitaires, sociales et culturelles, le Président de la Mission d’établissement des faits, M. Marzuki Darusman, a donc pu présenter les principales conclusions d’un document de 444 pages sur les allégations de violations de droits de l’homme perpétrées au Myanmar, fruit d’une année d’enquête menée dans « un esprit d’objectivité et d’impartialité », ce qu’ont vivement contesté la Chine et la Fédération de Russie, rappelant que la Mission n’a pas été autorisée à se rendre au Myanmar. 

Si les attaques menées par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan ont sans aucun doute contribué à l’escalade et doivent être condamnées, M. Darusman a principalement mis en cause la Tatmadaw, l’armée du Myanmar, qui aurait procédé à des opérations de « nettoyage » dans une soixantaine de villages de l’État rakhine, et se serait rendue coupable de massacres à grande échelle, y compris de femmes, d’enfants et de personnes âgées, ainsi que de viols massifs en réunion, d’incendies et de pillages.  Selon des estimations « prudentes », au moins 10 000 Rohingya ont trouvé la mort à ce jour, plus de 725 000autres se sont exilés au Bangladesh voisin et au moins 392 villages ont été partiellement ou totalement rasés.

« Répandues et systématiques », « brutales et largement disproportionnées », ces violences répondent à un modus operandi qui constitue selon le Président de la Mission, un véritable « mode d’emploi » de la déstabilisation et de l’« extrémisme ».  Il a mis en cause une « chaîne de commandement très claire », qui agit dans une « impunité totale », à commencer par le chef d’état-major du Myanmar, Min Aung Hlaing. 

« Le rapport de la Mission confirme nos inquiétudes », a estimé le Myanmar, pour qui l’enquête s’appuie sur des entretiens avec des groupes spécifiques de personnes déplacées à Cox’s Bazar et d’autres recueillis auprès d’organisations non gouvernementales et de défense des droits de l’homme qui avaient, à l’en croire, « leur agenda ».  Le Myanmar a non seulement rejeté catégoriquement l’expression « intentions génocidaires », prêtées à la Tatmadaw dans le cadre de ses « opérations antiterroristes », mais a annoncé que Naypyidaw n’accepterait jamais un appel à la saisine de la Cour pénale internationale (CPI).

Car c’est bien cette saisine qui a été demandée aujourd’hui par le Président de la Mission d’établissement des faits, suivi sur ce point par les Pays-Bas, la France ou encore le Pérou.  M. Darusman a en outre demandé que le Conseil impose des sanctions individuelles ciblées contre les individus responsables de crimes graves, en particulier six généraux de la Tatmadaw identifiés dans son rapport.

Outre la lutte contre l’impunité, la France a invité le Conseil de sécurité à rester mobilisé autour de deux autres priorités: le soutien humanitaire aux Rohingya qui se trouvent encore dans l’État rakhine et aux réfugiés dans les camps du Bangladesh; et la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine.  Si le Myanmar a bien créé sa propre Commission d’enquête, il s’avère, a tranché le Royaume-Uni, que « celle-ci n’est ni indépendante, ni transparente, ni respectueuse des normes internationales, sans compter son refus de coopérer avec les autres mécanismes ».  « Jamais je n’ai pensé un jour », a-t-elle confié, « que j’assisterai dans ma carrière de diplomate à un débat de cette nature, après les génocides à Srebrenica et au Rwanda, contre lesquels le Conseil de sécurité avait mis du temps à réagir.  Cette fois-ci, le Conseil doit assumer ses responsabilités », a-t-elle tranché et envisager l’adoption d’une résolution, a ajouté le Bangladesh.

Pour ce dernier, la priorité est la garantie d’un retour volontaire et durable des réfugiés « en toute sûreté et dans la dignité » dans leur terre ancestrale.  Cette situation « complexe », ont souligné la Bolivie, la Chine et la Fédération de Russie ne saurait être réglée que par la voie politique et diplomatique entre Naypyidaw et Dhaka.  La Chine en a voulu pour preuve le retour imminent du premier contingent de rapatriés, à l’issue de la dernière réunion du Groupe de travail conjoint Myanmar-Bangladesh. 

LA SITUATION AU MYANMAR S/2018/926 ET S/2018/938

Vote sur la tenue de la réunion

Dans une lettre datée du 16 octobre 2018, adressée au Président du Conseil de sécurité (A/2018/926), la Côte d’Ivoire, les États-Unis, la France, le Koweït, les Pays-Bas, le Pérou, la Pologne, le Royaume-Uni et la  Suède, demandent au Conseil de tenir une réunion sur la situation au Myanmar pour que la présidence de la Mission d’établissement des faits sur le Myanmar informe officiellement ce dernier de la question, ce qui permettra de recevoir de plus amples renseignements sur la situation et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales.

Dans leur réponse contenue dans une lettre datée du 18 octobre 2018, adressée au Président du Conseil (S/2018/938), la Bolivie, la Chine, la Fédération de Russie et la Guinée équatoriale estiment qu’en invitant un mécanisme spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’une question relative à un pays en particulier à lui présenter un exposé, le Conseil de sécurité agirait de manière inédite.  En outre, soulignent-elles, il n’entre pas dans le mandat de la Mission d’établissement des faits de faire rapport au Conseil de sécurité.  Accéder à cette requête créerait un fâcheux précédent pour le Conseil et aurait de graves conséquences.  Cela affaiblirait également le mandat de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme, et empiéterait sur les travaux d’autres organes de l’Organisation des Nations Unies, un exposé de la Mission d’établissement des faits étant déjà programmé devant la Troisième Commission la semaine prochaine, rappellent ces délégations. 

C’est donc par 9 voix pour, 4 voix contre et les abstentions de l’Éthiopie et le Kazakhstan que le Conseil a accepté de tenir la réunion. 

Le représentant de la Chine a insisté sur le fait que la Charte des Nations Unies confie des mandats « clairs » à chaque organe des Nations Unies.  Elle ne dispose pas que des mécanismes de procédure spéciale concernant des pays spécifiques rendent compte de leur travail au Conseil de sécurité.  La Mission d’établissement des faits au Myanmar, en tant que mécanisme créé par le Conseil des droits de l’homme, n’a donc pas vocation à informer le Conseil, d’autant que le mandat qui lui a été confié ne le prévoit pas, a-t-il dit.  Le représentant a attiré l’attention sur ce « précédent ».

Son homologue de la Fédération de Russie a aussi vu un « précédent », en violation de la Charte et du mandat de la Mission d’établissement des faits.  Ceux qui ont demandé la tenue de cette réunion brisent le consensus observé jusqu’à ce jour sur le Myanmar, a souligné le représentant, estimant qu’il s’agissait jusqu’ici d’avoir une approche constructive pour résoudre la situation complexe dans l’État rakhine.  Or, a-t-il poursuivi, le rapport de la Mission est « nuisible » car il ne contient pas suffisamment d’informations pour pouvoir dire ce qui se passe exactement contre les Rohingya.  En conséquence, le représentant a dit ne voir ni l’utilité ni la valeur ajoutée qu’il y a à discuter de cette question au Conseil de sécurité, après que la Troisième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles s’en soit déjà saisie.  « Évitons les doublons et concentrons-nous sur la mise en œuvre des accords bilatéraux », a plaidé le représentant. 

Au nom de tous ceux qui ont demandé la réunion, la déléguée du Royaume-Uni a déclaré que le rapport de la Mission d’établissement des faits contient bien des informations sur les crimes internationaux les plus graves commis au Myanmar contre des populations civiles, en particulier les Rohingya.  Le rapport, a-t-elle ajouté, contient en outre des recommandations au Conseil de sécurité, l’organe, qui selon la Charte, est chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Or, ce qui se passe au Myanmar relève bien des questions de paix et de sécurité internationales, a-t-elle souligné pour justifier le soutien des pays comme le sien à la tenue de ce débat. 

Peu convaincu, le représentant de la Bolivie a rappelé qu’un mécanisme des droits de l’homme a été autorisé à présenter ses conclusions au Conseil de sécurité, lequel n’est pas l’enceinte habilitée à débattre de ces questions.  Notre position ne préjuge en rien de l’importance qu’elle attache à la situation au Myanmar, a précisé le délégué.

Déclarations

M. MARZUKI DARUSMAN, Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, a expliqué que les conclusions du rapport de 444 pages qu’il a présenté en septembre dernier au Conseil des droits de l’homme sur les allégations de violations de droits de l’homme perpétrées au Myanmar, sont le fruit d’une année d’enquête menée dans « un esprit d’objectivité et d’impartialité ».  Nous invitons quiconque prétendant que ce document est biaisé ou qu’il ne s’appuie que sur un seul type de sources à lire ces 444 pages, dans lesquelles figurent aussi une présentation détaillée de notre méthodologie, a-t-il lancé.  Notre rapport, a poursuivi M. Darusman, conclut que les récents développements dans l’État rakhine relèvent d’« une catastrophe prévisible et planifiée », une catastrophe qui aura « un impact sur plusieurs générations, peut-être même toujours », a-t-il mis en garde.

Il a fait état d’opérations de « nettoyage » menées par la Tatmadaw, l’armée du Myanmar, dans six villages, avec des massacres à grande échelle et autres meurtres de civils, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées; de viols massifs en réunion; de maisons incendiées et de pillages.  La Mission, a poursuivi le Président, a vérifié des opérations similaires dans 54 localités différentes dans le nord de l’État rakhine.  Plus de 725 000 Rohingya ont pris la fuite et au moins 392 villages ont été partiellement ou totalement détruits.  Les estimations selon lesquelles 10 000 Rohingya auraient été tués sont des estimations « prudentes », a souligné.  Les modus operandi des attaques « répandues et systématiques » sont d’une « similitude frappante ».  Si les attaques lancées par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan ont contribué à l’escalade et doivent être condamnées, les opérations des forces de sécurité doivent néanmoins être dénoncées comme brutales et largement disproportionnées.  Elles ont été menées au mépris complet de la vie et de la dignité humaines et en violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a souligné M. Darusman.

Ces crimes ont été commis sur fond de politiques et de pratiques mises en œuvre par l’État depuis des décennies et qui ont largement marginalisé les Rohingya, dans le cadre d’un « système d’oppression institutionnalisé » s’exerçant contre eux « de la naissance à la mort », a ajouté le Président.  Les déplacements massifs des populations et les villages incendiés ont été suivis de l’annexion des terres abandonnées.  Des villages entiers ont été rasés de même que toute trace des communautés Rohingya.  Celles qui sont restées dans l’État rakhine encourent des risques graves et les réfugiés de retour seraient condamnés à vivre comme des « sous-hommes » et à s’exposer à des meurtres de masse.  Aussi « horrible et intense » soit-elle, la situation des Rohingya ne doit pas être appréhendée séparément: la Mission a en effet trouvé des modus operandi similaires à l’œuvre dans d’autres États du Myanmar, en particulier ceux de Kachin et Shan, où des violations des droits de l’homme sont imputables à l’armée, principalement. 

L’armée du Myanmar est au cœur de la situation actuelle, a estimé le Président, qui a mis en cause une « chaîne de commandement très claire », qui agit dans une « impunité totale ».  Le Conseil de sécurité a le pouvoir de mettre fin à ce cycle de violences, a-t-il estimé.  Une prévention efficace dépend d’un bon établissement des responsabilités, a-t-il analysé.  « Une histoire d’atrocités, associée à l’impunité et à la fragilité des institutions publiques, est un élément déclencheur de violations supplémentaires. »  Malheureusement, ce « cocktail toxique » a prévalu et persisté trop longtemps au Myanmar, a constaté le Président. 

En l’absence d’un bon établissement des responsabilités, il ne saurait y avoir de retour durable, sûr et digne de ce nom des Rohingya qui sont au Bangladesh, a poursuivi M. Darusman.  Enfin, il ne saurait y avoir de réconciliation durable sans établissement des responsabilités, a-t-il insisté.  Les questions complexes de citoyenneté, le profond enracinement de la discrimination et de l’oppression et le manque de confiance entre communautés ne pourront être surmontés sans une approche basée sur l’état de droit et les droits de l’homme.  « Malheureusement, au Myanmar, la responsabilité doit venir de la communauté internationale », a constaté à regret le Président.  « Le Conseil de sécurité doit renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale ou tout autre tribunal international ad hoc », a-t-il pressé. 

Le Conseil devrait également imposer des sanctions individuelles ciblées contre les responsables des crimes graves, en particulier les six généraux de la Tatmadaw identifiés dans le rapport de la Mission, et en premier lieu le chef d’état-major Min Aung Hlaing.  Pour quiconque souhaiterait délibérément « provoquer un conflit et alimenter l’extrémisme », les évènements au Myanmar pourraient servir de véritable « mode d’emploi », a résumé le Président, avant d’exhorter l’ONU et le Conseil à « agir » de manière décisive.  Les Rohingya et le peuple du Myanmar, « de fait le monde entier », l’espère, a lancé M. Darusman au Conseil.

« À quoi servent les Nations Unies et le Conseil de sécurité s’ils doivent se garder d’intervenir lorsque de graves crimes sont commis par un État contre sa propre population? », s’est demandé Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni).  Mon pays, a-t-elle dit, constate bien que le Gouvernement du Myanmar ne met pas en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine que dirigeait feu Kofi Annan.  Parmi ces recommandations, la représentante a cité le retour volontaire, sûr et durable des musulmans rohingya.  La communauté internationale doit faire tout son possible pour atteindre cet objectif et il est primordial, a estimé la représentante, que le Conseil de sécurité se saisisse de cette question et ce faisant, honore son mandat et envoie, par la même occasion, un message clair à tous les gouvernements qui voudraient traiter leur population de la sorte.

La représentante a ajouté que si le Myanmar a bien créé sa propre Commission d’enquête, il s’avère que celle-ci n’est ni indépendante, ni transparente, ni respectueuse des normes internationales, sans compter son refus de coopérer avec les autres mécanismes.  Si elle veut qu’on lui fasse confiance, elle doit remplir ces conditions, a martelé la représentante.  Je n’ai jamais pensé un jour, a-t-elle confié, que j’assisterais dans ma carrière de diplomate, à un débat de cette nature, après les génocides à Srebrenica et au Rwanda, contre lesquels le Conseil de sécurité avait mis du temps à réagir.  Cette fois-ci, le Conseil doit assumer ses responsabilités, a-t-elle conclu. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a considéré que le rapport de la Mission d’établissement des faits était extrêmement préoccupant, rappelant que ses conclusions se fondaient sur 875 entretiens poussés avec des victimes et des témoins, qui ont démontré la dimension récurrente et systématique de l’action des Forces de sécurité du Myanmar.  Aussi est-il indispensable d’établir les responsabilités pour les crimes commis, le Conseil de sécurité devant renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale (CPI), a recommandé la représentante.  Selon elle également, le Conseil doit faire usage de tous les outils à sa disposition pour faire une véritable différence sur le terrain, y compris en établissant un régime de sanctions ciblées et en imposant un embargo sur les armes au Myanmar.  « Il est temps d’agir maintenant », a tranché Mme Grégoire Van Haaren.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a demandé à M. Darusman, d’informer le Conseil de sécurité sur la situation des Rohingya encore présents au Myanmar et des mesures prises par le Gouvernement pour les protéger.  « Les faits sont têtus et ne peuvent être tus », a-t-elle prévenu, réitérant son opposition à l’approche de certains membres du Conseil de sécurité qui plaident pour que l’on accorde plus de temps au Gouvernement du Myanmar.  Pourquoi? s’est demandé la représentante, estimant que la cause profonde de cette situation est le statut de « citoyens de seconde zone » des musulmans rohingya au Myanmar.  Énumérant quelques faits assimilables aux crimes graves attribués par le rapport de la Mission à l’armée du Myanmar, Mme Haley a dit qu’il ne s’agit pas d’indexer les uns ou les autres ou de répartir les responsabilités.  Mais, a-t-elle souligné, il est de la responsabilité du Gouvernement de protéger sa population et de traduire en justice les auteurs des crimes car, a-t-elle dit, du point de vue des États-Unis, la question du Myanmar est également une question de justice. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a indiqué que les 875 témoignages recueillis ainsi que la variété des sources d’information utilisées attestent de la solidité du travail de la Mission d’établissement des faits.  Il a souligné l’importance pour le Conseil de continuer à s’appuyer sur les travaux des procédures créées par le Conseil des droits de l’homme pour accomplir pleinement son mandat de maintien de la paix et la sécurité internationales. 

Le représentant a ensuite rappelé que depuis les violences d’août 2017, la France n’a cessé de souligner sa préoccupation et d’appeler à la mobilisation du Conseil de sécurité face à ce qui avait été qualifié de « nettoyage ethnique ».  Il s’est dit très préoccupé par les conclusions du rapport selon lesquelles des accusations de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, en particulier contre les Rohingya dans l’État rakhine et aussi dans les États Kachin et Shan, pourraient être retenues contre l’armée et les forces de sécurité birmanes.  Il a notamment cité la conclusion selon laquelle « sur la base de motifs raisonnables, des facteurs permettant d’établir l’intention génocidaire sont présents ».  Il a aussi évoqué les attaques et les violences sexuelles imputables à l’armée dans les villages, y compris contre des enfants, ce qui constituerait des violations graves du droit international humanitaire qualifiables de « crimes de guerre ». 

M. Delattre est aussi revenu sur la condamnation, le 3 septembre dernier, de deux journalistes de l’Agence Reuters à 7 ans de prison par la justice birmane alors qu’ils préparaient un reportage sur de graves allégations de violations des droits de l’homme dans l’État rakhine, dernier exemple selon M. Delattre, du climat de peur qui entrave les efforts d’enquête sur place. 

Le représentant a invité le Conseil à rester mobilisé autour de trois priorités: le soutien humanitaire aux Rohingya qui se trouvent encore dans l’État rakhine et aux réfugiés dans les camps au Bangladesh; la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission consultative qui avait proposé une feuille de route acceptée par le Gouvernement birman et endossée par le Conseil de sécurité.  Il a plus particulièrement réitéré l’importance des recommandations relatives à la question de la citoyenneté, de la révision de la loi de 1982, ainsi qu’à l’égalité des droits, y compris le droit d’accès aux services publics pour toute personne appartenant à la communauté rohingya. 

Comme troisième priorité, le représentant a cité la lutte contre l’impunité.  Il a rappelé la décision du 6 septembre de la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale concluant à la compétence de la CPI pour connaître de la déportation alléguée des Rohingya au Bangladesh.  Il a salué la décision de la Procureure de la CPI d’ouvrir un examen préliminaire sur ces allégations.  Il a aussi estimé importante la décision du Conseil des droits de l’homme de créer un mécanisme d’enquête indépendant et permanent et appelé à soutenir l’opérationnalisation rapide de ce mécanisme. 

M. BADER ABDULLAH N.  M. ALMUNAYEKH (Koweït) a constaté que, plus de 14 mois après le début des violences dans l’État rakhine, plus de 720 000 Rohingya avaient été déplacés à Cox’s Bazar, au Bangladesh, et que ces déplacements se poursuivent.  Le Gouvernement du Myanmar, a-t-il observé, n’a toujours pas répondu aux recommandations du Conseil de sécurité et de la Commission consultative visant à traiter des causes profondes de la crise, à mettre fin à la crise des réfugiés et à faciliter leur retour dans la sûreté et la dignité.  Selon le représentant, les causes profondes de la crise sont à chercher dans la manière dont les autorités traitent les Rohingya et appréhendent la question de leur citoyenneté.  L’établissement des responsabilités est d’une importance « capitale » s’agissant des allégations de crimes graves.  Le Conseil de sécurité, a-t-il recommandé, devrait envisager des mesures spécifiques et donner naissance à une « feuille de route » pour protéger la minorité rohingya. 

Force est de reconnaître, s’est résigné M. OLOF SKOOG (Suède), qu’en dépit du suivi du Conseil, peu de progrès ont été accomplis.  Car si une architecture « rudimentaire » pour le rapatriement des réfugiés a été mise en place, la situation en matière de sécurité et des droits de l’homme dans l’État rakhine est bien loin d’être correctement traitée.  Ainsi, plus de 100 000 personnes sont cantonnées dans des camps de déplacés.  Le Gouvernement ne les a pas fermés durablement.  La liberté de mouvement est toujours limitée de même que celle des médias.  Chaque mois, des centaines de Rohingya continuent de fuir vers le Bangladesh.  Le représentant a aussi dénoncé le fait que les recommandations de la Commission Annan sont peu ou pas appliquées et qu’il n’y a toujours pas de processus global pour résoudre la question de la citoyenneté.  Tout cela, a-t-il tranché, appelle à une action constante du Conseil et il faut surtout qu’un accès total et sans entrave soit accordé à l’ONU et à ses partenaires humanitaires dans l’État rakhine. 

Il faudrait mettre pleinement en œuvre, a ajouté la représentante, le mémorandum d’accord signé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Le représentant a aussi attiré l’attention sur le « new deal » proposé par feu Kofi Annan pour créer les conditions nécessaires au retour des réfugiés d’une manière sûre, volontaire et durable.  Il a en outre conseillé d’envisager tous les moyens pour garantir l’établissement des responsabilités pour les crimes commis.  Il a enfin plaidé pour plus de financements pour les camps de réfugiés aux alentours de Cox’s Bazar au Bangladesh puisque moins de la moitié du Plan de réponse humanitaire est couvert.  Il a en particulier demandé que l’on accorde une attention particulière aux survivants de la violence sexuelle et sexiste, femmes et hommes, garçons et filles. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que les faits relatés dans le rapport montrent que « le problème est grave et doit être traité en conséquence ».  Elle a donc insisté sur la nécessité d’établir les responsabilités et sur l’urgence pour toutes les parties de mettre un terme à toutes les violences.  Elle a également appelé le Gouvernement du Myanmar à assurer la protection des civils sans discrimination et à prendre toutes les mesures possibles pour réduire les tensions entre communautés.  Parmi ces mesures, la représentante a cité la nécessité de traiter des causes profondes des tensions, dont la question de la citoyenneté et la discrimination s’agissant du développement, comme le recommande d’ailleurs la Commission consultative sur l’État rakhine.  Le Gouvernement doit aussi coopérer avec tous les mécanismes des Nations Unies, y compris la Mission d’établissement des faits; lever les restrictions à la liberté de mouvement pour faciliter l’accès de toutes les communautés aux services de base, et veiller à la mise en œuvre de l’accord de rapatriement, a conclu la représentante. 

M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a déclaré que la situation des droits de l’homme au Myanmar appelle un règlement durable répondant aux causes profondes de la crise.  Il a estimé que garantir l’obligation de rendre des comptes est essentiel et a jugé nécessaire que le Gouvernement intensifie ses efforts en vue d’améliorer la situation.  La question de la responsabilité des actes perpétrés est essentielle pour la stabilité nationale, a insisté le représentant qui a salué les dialogues bilatéraux récents entre le Bangladesh et le Myanmar pour faciliter le retour des réfugiés dans des conditions acceptables.  Mais l’ampleur et la gravité de la situation humanitaire exigent des donateurs un effort supplémentaire pour aider le Bangladesh à faire face à l’afflux de réfugiés à sa frontière, a-t-il estimé.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a émis le vœu de voir l’appui humanitaire de la communauté internationale se poursuivre, quand le Myanmar et le Bangladesh organiseront le retour volontaire, sûr et durable des musulmans rohingya.  Il a également espéré que le Gouvernement du Myanmar mettra en œuvre tous les engagements pris à l’égard de la Commission consultative, tel que son représentant s’y est engagé en septembre dernier devant l’Assemblée générale.  La Guinée équatoriale, a souligné le représentant, apprécie que le Bangladesh et le Myanmar discutent, comme en attestent les nombreuses réunions bilatérales qu’ils ont tenues.  Au cours de la dernière réunion organisée en août dernier, ils ont discuté, a rappelé le représentant, des moyens de mettre en œuvre l’accord de rapatriement signé par eux et le HCR.  La Guinée équatoriale souhaite que ce genre de réunions se poursuive et apprécie le rôle de facilitateur de la Chine. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a dit attendre avec impatience les résultats des réunions techniques tenues récemment par le Groupe de travail conjoint du Myanmar et du Bangladesh, de même que des efforts des autorités du Myanmar pour faciliter la mise en œuvre du mémorandum d’accord signé par le HCR et le PNUD.  Il a pris note également des conclusions de la Mission d’établissement des faits des Nations Unies et du fait que la Cour pénale internationale (CPI) estime que la question du déplacement forcé des Rohingya relève de sa compétence.  Le délégué a souligné l’importance de la résolution 39/2 du Conseil des droits de l’homme, qui a décidé d’établir un nouveau mécanisme indépendant pour collecter, préserver et analyser les preuves des violations du droit international perpétrées au Myanmar. 

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a déclaré que les images décrites par le rapport lui rappellent celles que les Ivoiriens ont vécues lors de leur « guerre intestine ».  Au sortir de la crise, les Ivoiriens se sont dit: « plus jamais ça » et ont gravé dans leur Constitution, le droit à la vie.  Ce que la Côte d’Ivoire veut pour son peuple, elle le veut aussi pour les autres peuples », a dit le représentant, ajoutant que c’est pour cette raison que sa délégation a rejoint le groupe de celles qui ont demandé cette réunion.  Le représentant a constaté qu’en dépit des efforts déployés, d’énormes défis persistent en matière d’acheminement de l’aide humanitaire et du retour des réfugiés rohingya.  Il a exhorté les autorités du Myanmar à redoubler d’efforts dans la mise en œuvre du Mémorandum d’accord signé le 6 juin dernier avec le HCR et le PNUD.  Nous sommes convaincus, a conclu le représentant, qu’au Myanmar, une paix durable doit reposer sur des solutions consensuelles qui prennent en compte les préoccupations de toutes les parties. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a exprimé sa grave préoccupation face aux conclusions de la Mission d’établissement des faits et condamné les atrocités commises dans l’État rakhine, en particulier celle qui fait état de « l’extrême vulnérabilité des Rohingya, conséquence des politiques et pratiques mises en œuvre par l’État pendant des décennies ».  Il s’est également dit convaincu de la nécessité de se pencher sur les causes profondes de la crise, nommément les questions de la citoyenneté des musulmans rohingya et du rétablissement de leurs droits et libertés.  Le représentant a appelé tous les États Membres et les organisations internationales à apporter leur soutien au Bangladesh, qui fait face à un afflux sans précédent de réfugiés à sa frontière.  Il a souligné l’importance pour le Conseil de sécurité de contribuer de manière positive à la recherche d’une solution à la crise et d’éviter les « polarisations inutiles ». 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré « qu’une fois de plus », le Conseil de sécurité a manqué une occasion de préserver le consensus, à cause de « l’attitude irresponsable » d’un groupe d’États qui a insisté pour entendre l’exposé du Mécanisme d’établissement des faits.  À cause de ce groupe d’État, le Conseil de sécurité tient « une réunion étrange » et discute d’un document déjà largement contesté lors de sa présentation au Conseil des droits de l’homme.  Tout le monde sait que le Myanmar n’a pas coopéré avec cette Mission et que cette dernière ne s’est même pas rendue dans le pays.  Elle a écrit son rapport à partir de l’étranger et a interrogé des témoins qui ne vivent pas au Myanmar et qui ont un avis aussi biaisé que les conclusions auxquelles elle est parvenue, a dénoncé le représentant.  L’on voit bien, a-t-il dit, que les délégations qui ont voulu ce débat, ne se soucient guère de la question des musulmans rohingya.  Ce qu’elles veulent, c’est continuer d’exercer « le pouvoir d’une ancienne métropole ».  On connaît déjà l’étape suivante: elles vont faire pression et adopter des sanctions contre le Myanmar, sans jamais tenir compte des mesures déjà mises en place par Naypyidaw. 

La situation dans l’État rakhine est complexe, a prévenu le représentant.  Elle ne peut être réglée que par la voie politique et diplomatique entre Naypyidaw et Dhaka.  La communauté internationale doit se limiter à aider les deux pays à mettre en œuvre l’accord de rapatriement qu’ils ont signé.  Pour sa part, la Fédération de Russie s’opposera à l’approche qui consiste à ne montrer du doigt que le Gouvernement du Myanmar, sans jamais ouvrir les yeux sur les « activités terroristes » de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), a conclu son représentant. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a estimé que l’audition de l’exposé du Président de la Mission d’établissement des faits n’était pas propice au règlement de la question de l’État rakhine, alors que des progrès réels ont été accomplis, comme en témoignent les missions conjointes effectuées par le HCR et le PNUD en septembre et en octobre.  Le Groupe de travail conjoint Myanmar-Bangladesh vient de se réunir et le premier contingent de rapatriés devrait prendre la route vers le Myanmar qui s’est d’ailleurs déclaré favorable à leur arrivée.  Après avoir fait part des nombreuses initiatives bilatérales, le représentant s’est dit préoccupé par le sort des déplacés auxquels son pays a fourni une assistance, notamment une aide alimentaire.  La question de l’État rakhine est complexe, a prévenu, à son tour, le représentant, ajoutant qu’il s’agit d’une situation qui exige des efforts de longue haleine.  La communauté internationale devrait se féliciter des résultats obtenus de haute lutte jusqu’ici et nous devrions encourager le Myanmar et le Bangladesh à poursuivre le dialogue.  Le Conseil de sécurité, a aussi estimé le représentant, doit continuer d’appuyer l’Envoyé spécial dans sa mission de bons offices et la communauté internationale, s’employer à éradiquer la pauvreté dans l’État rakhine, en respectant la souveraineté du Myanmar.  Le représentant a tenu à rappeler que la Mission d’établissement des faits ne s’est pas rendue au Myanmar.  Par conséquent, elle ne peut parvenir qu’à des conclusions « biaisées » et « non crédibles », a-t-il tranché. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a dit soutenir les efforts déployés par les acteurs régionaux pour aider le Bangladesh et le Myanmar à trouver un accord et à le mettre en œuvre pour le rapatriement des musulmans rohingya.  Il a cité les réunions organisées en juin et septembre dernier, sous les auspices de la Chine.  Ce sont ce genre de processus qu’il faut renforcer et promouvoir, a souligné le représentant qui a appelé la communauté internationale à coordonner ses efforts pour accompagner le processus du retour des musulmans rohingya.  Il y a plusieurs manières d’agir au sein des Nations Unies: encourager le dialogue bilatéral ou politiser les questions et surtout celles des droits de l’homme.  La Bolivie ne demandera jamais à quiconque la permission pour agir, a prévenu le représentant. 

Malheureusement, a regretté M. HAU DO SUAN (Myanmar), en cette Journée des Nations Unies, nous sommes rassemblés ici en violation des buts et principes de la Charte, des règles et procédures du Conseil de sécurité et de toute logique humaine.  Nous assistons à l’érosion de l’intégrité institutionnelle et morale des Nations Unies à cause de la tentative flagrante de certains membres du Conseil de prendre en otage la question des droits de l’homme pour servir leurs objectifs politiques.  Le représentant a rappelé que lorsque la Mission d’établissement des faits a été mise sur pied en mars 2017, le Myanmar s’y était opposé car son mandat était clair: elle disait déjà qui étaient les « meurtriers » et qui étaient « les victimes ».  Dès sa création, la Mission était une initiative biaisée et à motivation politique. 

Son rapport, a poursuivi le représentant, qui repose d’ailleurs sur des témoignages et pas sur des preuves concrètes, ne fera qu’attiser encore les tensions et potentiellement saper les efforts du Gouvernement de créer une cohésion sociale si nécessaire dans l’État rakhine.  Le 28 août dernier, a rappelé le représentant, le Myanmar avait déjà douté de la sincérité de la Mission.  Le fait qu’avant de présenter son rapport au Conseil des droits de l’homme, elle ait choisi de sortir à la hâte une version non éditée, la veille même du débat public du Conseil de sécurité sur la situation au Myanmar, a fait des inquiétudes légitimes sur son objectivité, son impartialité et sa crédibilité.  Le représentant a aussi remis en question la méthodologie de la Mission qui a interrogé des groupes particuliers de personnes déplacées à Cox’s Bazar et collecté des informations auprès d’ONG et d’organisations des droits de l’homme qui avaient déjà leur agenda.  En conséquence, la Mission n’apporte aucun fait nouveau et son rapport ressemble à s’y méprendre à ceux des organisations des droits de l’homme qui n’ont de compte à rendre à personne. 

La crise humanitaire dans l’État rakhine a commencé avec les attaques injustifiées et préméditées de l’Armée du salut de l’État d’Arakan dont les activités sont à peine mentionnées par la Mission, ce qui peut être interprété comme un soutien aux terroristes extrémistes musulmans, a estimé le représentant.  Mon Gouvernement, a-t-il affirmé, a créé une Commission d’enquête indépendante qui travaillera en toute indépendance, impartialité et objectivité sur un rapport à paraître dans un an.  Il faut donner du temps et de l’espace à la Commission, a plaidé le représentant.  En attendant, des mesures judiciaires ont été prises contre les officiers de l’armée et de la police mais aussi contre des civils qui ont violé les règles d’engagement après l’incident d’Inn Din.  D’autres mesures administratives ont été prises contre des hauts gradés de l’armée nationale chargés des opérations de sécurité à Rakhine. 

Mon Gouvernement, a prévenu le représentant, rejette catégoriquement l’expression « intentions génocidaires » pour qualifier les mesures antiterroristes des Forces de sécurité dans l’État rakhine.  Le Myanmar, qui n’est pas partie au Statut de Rome, rejette également la décision douteuse de la CPI qui se targue de sa compétence alors que les voies de recours nationales n’ont pas encore été épuisées.  Le Myanmar n’acceptera jamais les appels à la saisine de la CPI, a averti le représentant.  Prendre des mesures unilatérales au mépris de la situation sur le terrain et exercer des pressions politiquement motivées ne peuvent que compromettre la volonté politique et la coopération entre le Gouvernement du Myanmar et la communauté internationale, a encore prévenu le représentant. 

Mon pays, a-t-il rappelé, est toujours dans une période délicate de transition vers une démocratie pleinement opérationnelle.  Ce n’est pas par la révolution que l’on construit la démocratie et notre leader, Daw Aung San Suu Kyi, a dit le représentant, a choisi une voie pacifique où la réconciliation et le consensus national exigent énormément de patience et de sagesse politique.  Il a d’ailleurs cité l’Envoyée spéciale du Secrétaire général, Mme Christine Burgena, qui a déclaré à la fin de sa mission au Myanmar le 20 octobre, qu’il faut de la patience et davantage de confiance pour faire avancer le processus de paix vers une « solution de l’intérieur »

Avant de conclure, le représentant a dénoncé la distribution, hier, à la Troisième Commission, de pamphlets « dépourvus de toute éthique et de toute civilité ».  Ce n’était pas l’acte d’un dissident frustré ou d’un activiste des droits de l’homme ignorant des règles de procédure.  Non, s’est indigné le représentant, c’était l’acte du Président de la Mission d’établissement des faits qui a été nommé par le Conseil des droits de l’homme, un organe subsidiaire de l’Assemblée générale.  On ne peut tolérer une telle hypocrisie dans cet auguste organisation mondiale.  On ne peut tolérer des pamphlets qui insultent un État Membre de l’ONU.  Ma délégation condamne cet acte et demande des explications convaincantes au Président de la Mission, a conclu le représentant. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a déclaré que pour son pays la priorité est de garantir le retour volontaire et durable des « déplacés de force » rohingya dans leur terre ancestrale, dans la sûreté et dans la dignité.  En effet, le Bangladesh n’a aucun intérêt à retarder le rapatriement et à faire perdurer la crise, les réfugiés rohingya ayant désormais dépassé le million.  Nous avons accepté d’amorcer, le plus tôt possible, le rapatriement d’un petit nombre d’individus vérifiés par les autorités du Myanmar, a dit le représentant.  Chaque élément a été scrupuleusement négocié dans les arrangements bilatéraux conclus entre les deux gouvernements et il revient maintenant au Myanmar de prouver son adhésion à toutes les dispositions, a tranché le représentant. 

Chaque fois que des Rohingya opteront pour un retour volontaire dans l’État rakhine, comptant sur un climat propice à leur retour, le Bangladesh mettra en place tous les arrangements pour faciliter le processus.  C’est, a rappelé le représentant, ce qui a été réaffirmé le mois dernier à la réunion ministérielle entre la Chine, le Bangladesh et le Myanmar, en présence du Secrétaire général et de son Envoyée spéciale.

Le représentant a réitéré la position de son pays: le Myanmar doit abolir toutes les lois discriminatoires, créer un environnement favorable à la confiance et ouvrir aux Rohingya la voie vers la citoyenneté; et enfin prévenir les atrocités contre ces derniers en garantissant responsabilité et justice.  Rappelant aussi l’adhésion de son pays aux conclusions de la Mission d’établissements des faits, le représentant a souligné que son pays n’a pas tendance à utiliser à la légère les termes de crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou nettoyage ethnique.  Mais, a-t-il estimé, la responsabilité première de rendre justice revient au Gouvernement national.  Il a donc dit vouloir voir émerger du Myanmar un processus judiciaire indépendant et impartial.  Une reconnaissance « honnête » des faits rapportés par la Mission servirait la cohésion sociale, pour autant que la volonté politique existe, a ajouté le représentant. 

Pour prévenir la résurgence des crimes commis, le Conseil de sécurité, a estimé le représentant, pourrait aussi envisager une résolution car ce serait faire affront aux victimes que de reléguer le suivi du rapport de la Mission à la seule Assemblée générale.  Il faudrait aussi, a ajouté le représentant, créer un fonds d’affection spécial pour les victimes, en attendant une décision judiciaire sur les réparations et les indemnisations.  En tant que partie au Statut de Rome, le Bangladesh compte bien coopérer avec la CPI, tout en continuant à tendre la main « à ses voisins au Myanmar », a conclu le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Deuxième Commission: la politique israélienne actuelle étouffe l’économie palestinienne, selon les délégations.

Soixante-treizième session,  
22e séance – matin
AG/EF/3506

Deuxième Commission: la politique israélienne actuelle étouffe l’économie palestinienne, selon les délégations.

La bande de Gaza, inhabitable d’ici à 2020 si la situation de blocage perdure?  Une prédiction aussi proche qu’inquiétante à laquelle ont été confrontées les délégations durant les travaux de la Deuxième Commission (questions économiques et financières) ce matin.

Des travaux sur « une question tout à fait spéciale », a noté le Président de la Deuxième Commission, M. Jorge Skinner-Kleé Arenales, la dégradation des conditions de vie des Palestiniens ou, selon l’intitulé, la « Souveraineté permanente du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles ».

Les délégations se sont vu présenter un « rapport vraiment inquiétant », de l’aveu du Président.  Ce document, produit par la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), dresse un bilan des conséquences économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé.

On y lit que 2,5 millions de Palestiniens dépendent de l’aide internationale, qu’1,8 million n’ont pas accès à l’eau potable et qu’« en raison du bouclage de Gaza, des opérations militaires récurrentes et des divisions internes entre Palestiniens, Gaza deviendra invivable d’ici à 2020 ». 

La bande de Gaza, où près de 2 millions de Palestiniens continuent de pâtir des conséquences des escalades militaires successives, aggravées par des bouclages renforcés depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007; le rapport de la CESAO décrit des restrictions limitant l’accès des Palestiniens aux terres dans la zone de jointure et aux alentours des implantations israéliennes, ce qui empêche la population de mener des activités agricoles de base toute l’année.  Il fait également état des répercussions sur la productivité et sur la valeur ajoutée du secteur de l’olive.

Les délégations ont été nombreuses à s’inquiéter de ces répercussions sur la vie des Palestiniens.  Cuba a mentionné le contrôle quasi total des autorités israéliennes sur l’eau, la confiscation de terres, la destruction d’arbres et de structures hydrauliques et électriques, ou encore la détérioration des écosystèmes marins en raison du rejet d’eaux usées dans la mer.  Bahreïn a dénoncé le manque d’accès à l’eau potable et aux services médicaux.

Économiquement, « si la main-d’œuvre palestinienne est utilisée par Israël, cela ne permet pas pour autant de développer une économie palestinienne productive », a aussi noté l’Observateur de l’État de Palestine, en signalant que les coûts de production ont augmenté et que le secteur agricole rencontre nombre de difficultés.

L’État de Palestine a pris note que le rapport du Secrétaire général dénonce « les actes d’agression économique d’Israël et les répercussions sur l’économie palestinienne ».  Il a suggéré aux États Membres et aux organisations de se baser sur ce rapport pour adopter des politiques obligeant Israël à respecter ses obligations.  Il a aussi évoqué une résolution du Conseil des droits de l’homme appelant à établir une liste des entreprises israéliennes opérant dans le Territoire palestinien occupé et des implantations israéliennes, « qui pillent l’économie palestinienne ».

Un droit à deux vitesses semble aussi prévaloir: alors que les colons israéliens bénéficient du droit national israélien, les Palestiniens sont soumis au droit militaire de la Puissance occupante.  Ce système juridique parallèle favorisant les colons israéliens sur les Palestiniens a indigné le Groupe des 77 et la Chine.  À cela s’ajoutent des mesures discriminatoires et des zonages qui privent les Palestiniens de la zone C et de Jérusalem-Est de procéder à des constructions.

Il est presque impossible pour les Palestiniens d’obtenir des permis de construire, a expliqué la Palestine.  Les destructions de maisons semblent en revanche fréquentes: pour le rapporteur de la CESAO, la destruction de biens et d’infrastructures continue de produire une situation coercitive en Cisjordanie où les permis de construire sont impossibles à obtenir pour les Palestiniens dont les maisons ont été démolies.  « Ce sont des mesures punitives contre les Palestiniens soupçonnés d’avoir commis des attaques », a expliqué le Rapporteur.  L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a ajouté que durant la première moitié de 2018, Israël a détruit ou saisi 197 infrastructures appartenant aux Palestiniens, déplacé 174 personnes et touché près de 5 000 Palestiniens.  Plus encore, plus de 13 000 ordres de démolition d’infrastructures palestiniennes sont en attente d’exécution en Cisjordanie.

Le Groupe des États arabes, pour qui la politique d’Israël équivaut à un transfert de population sur le Territoire palestinien occupé, a noté que le nombre de colons a doublé depuis la signature de l’accord de paix et les implantations israéliennes couvrent 40% de la Cisjordanie.  « Ceux qui souffrent de l’occupation ont besoin des Nations Unies », a ajouté la Syrie.

Le sous financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a également préoccupé des délégations dont l’Indonésie, le Venezuela et le Bangladesh.  La déléguée sud-africaine a exhorté les États Membres qui ont coupé leur financement de l’Office de revoir leur position.  Une des missions de l’UNRWA est d’assurer la scolarité des enfants palestiniens, sachant que 490 145 élèves sont confrontés à des obstacles pour recevoir une éducation de qualité, selon le rapport.  Il est en outre « scandaleux que les étudiants soient victimes d’humiliation, de harcèlement et de violence », a dénoncé le Bangladesh.

La représentante d’Israël, incarnant sa réponse d’une expérience personnelle d’attaque terroriste, a de son côté évoqué la vision d’enfants palestiniens terrorisant la population israélienne, « avec des cocktails molotov accrochés à des cerfs-volants ou des ballons ».  Elle a trouvé « regrettable que des délégations utilisent l’ONU pour de mauvaises raisons alors que ce pourrait être un espace de dialogue ».

Les travaux de la Deuxième Commission reprendront vendredi 26 octobre pour le traditionnel dialogue avec les commissions régionales.

SOUVERAINETÉ PERMANENTE DU PEUPLE PALESTINIEN DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST, ET DE LA POPULATION ARABE DANS LE GOLAN SYRIEN OCCUPÉ SUR LEURS RESSOURCES NATURELLES 

Présentation de rapport

M. MOUNIR TABET, Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), a présenté le rapport de la CESAO contenu dans la note du Secrétaire général A/73/87-E/2018/69 sur les répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne sur les conditions de vie du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé.

D’après les informations contenues dans le rapport, qui proviennent de diverses sources des Nations Unies collectées jusqu’en mars 2018, M. Tabet a déclaré que les Palestiniens étaient victimes d’un double système juridique: l’un, favorable aux Israéliens, et l’autre, réservé aux Palestiniens, accompagné de mesures discriminatoires et de zonages qui privent les Palestiniens dans la zone C et Jérusalem-Est de pouvoir construire.

Israël continue d’utiliser une force excessive, note le rapport: 80 Palestiniens dont 17 enfants ont été tués durant la période couverte.  Le 30 mars 2018, 18 Palestiniens ont été tués et 800 blessés par l’armée israélienne, qui a tiré près des barrières de séparation.  M. Tabet a parlé d’une augmentation du nombre des victimes depuis 2016.

Les auteurs ne sont pas punis, a-t-il poursuivi.  Au contraire, les forces de sécurité accompagnent les colons israéliens lorsqu’ils attaquent les Palestiniens et leurs biens.  M. Tabet a aussi évoqué le sort d’enfants détenus en détention administrative sans chef d’accusation ni jugement et ce, pour une période indéfinie.  La maltraitance et la torture ont été multipliées par 4 depuis 2013 sans reddition de comptes du côté israélien. 

La destruction de biens et d’infrastructures continuent de produire une situation coercitive en Cisjordanie où les permis de construire sont impossibles à obtenir pour les Palestiniens dont les maisons ont été démolies.  Ce sont des mesures punitives contre les Palestiniens soupçonnés d’avoir commis des attaques, a expliqué le rapporteur.

Un tiers de la zone C a été désignée « terre de l’État » et a été allouée aux Israéliens plutôt qu’à la population locale, ce qui revient à des déplacements par la force de Palestiniens: une « entrave à la Convention de Genève » et un « crime de guerre », pour le rapporteur.  La politique israélienne favorise l’implantation en Cisjordanie et les colons israéliens s’y installent de plus en plus, allant ainsi à l’encontre du droit international humanitaire.  En mai 2017, pour la première fois depuis 1992, les autorités israéliennes ont officiellement approuvé la création d’une nouvelle colonie dans la zone C, et ce, indépendamment de la création d’autres colonies à travers la légalisation rétroactive d’avant-postes.

En ce qui concerne Gaza, près de 2 millions de Palestiniens de la bande continuent de pâtir des conséquences des escalades militaires successives, aggravées par des bouclages renforcés depuis que le Hamas a pris le pouvoir dans la bande de Gaza en 2007.  Des restrictions limitent l’accès des Palestiniens aux terres dans la zone de jointure et aux alentours des implantations israéliennes, ce qui les empêche de mener des activités agricoles fondamentales toute l’année et a des répercussions sur la productivité et sur la valeur ajoutée du secteur de l’olive.  Ainsi, le taux de rendement des oliviers situés dans la zone de jointure a diminué de 55% à 65% ces quatre dernières années par rapport à des oliviers accessibles toute l’année.

Concernant l’eau, dans la zone C, près de 95 000 personnes reçoivent moins de 50 litres d’eau par personne et par jour, soit la moitié du minimum recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Les coupures d’eau continuent de perturber la vie quotidienne et entravent les programmes de développement en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.  Quelque 1,8 million de Palestiniens ont besoin d’une assistance humanitaire en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène, a poursuivi M. Tabet.  Il a ajouté que 22% de la population palestinienne de Cisjordanie, soit 649 000 personnes, pâtissent soit du manque d’accès à l’eau soit de la mauvaise qualité de celle-ci.  Environ 156 000 personnes ne sont raccordées à aucun réseau de distribution d’eau ou reçoivent de l’eau moins d’une fois par semaine.

Une grande partie de la côte est aussi polluée par les déchets.  La détérioration des infrastructures et du réseau de fourniture d’électricité à Gaza a eu de graves conséquences sur le fonctionnement des stations de traitement des eaux, de pompage des eaux usées et de traitement de l’eau potable ou courante.  Un quart de la population n’est pas raccordée au réseau d’assainissement, et le niveau de pollution est quatre fois plus important que la limite fixée dans les normes de salubrité de l’environnement.  Chaque jour à Gaza, environ 108 millions de litres d’eaux usées sont versées dans la mer Méditerranée sans avoir été traitées ou seulement partiellement, et 73% du littoral est pollué par ces eaux usées.

Concernant la situation socioéconomique dans le Territoire palestinien occupé, M. Tabet a souligné que mettre fin à l’occupation était le seul moyen de permettre aux Palestiniens d’avancer dans la voie de la réalisation des objectifs de développement durable.  Quelque 2,5 millions de Palestiniens, soit la moitié de la population, ont besoin d’une aide humanitaire.

En raison du bouclage de Gaza, des opérations militaires récurrentes et des divisions internes entre Palestiniens, Gaza deviendra invivable d’ici à 2020, selon le rapport.  Sans l’aide internationale et sans les services fournis par l’ONU, Gaza serait déjà invivable depuis des années.  Environ 80% des Palestiniens à Gaza bénéficient d’une aide, y compris alimentaire, ce qui leur permet de consacrer leurs maigres ressources à d’autres produits essentiels, d’éviter que leur situation alimentaire et leurs moyens de subsistance ne se dégradent davantage et de limiter les répercussions du recours à des mécanismes de survie néfastes.

La situation économique du Territoire palestinien occupé s’est dégradée en 2017, a affirmé M. Tabet.  L’économie souffre depuis longtemps de restrictions en matière de circulation, d’accès et de commerce qui maintiennent le volume des investissements extrêmement bas et ont entraîné une érosion de la base de production.  D’importantes aides financières octroyées par la communauté internationale ont permis d’atténuer les effets de ces restrictions sur la croissance en stimulant la consommation publique et privée.  D’après les données les plus récentes, un taux de croissance de 2,4% a été enregistré en 2017, imputable principalement à la Cisjordanie, alors qu’il n’était que de 0,5% à Gaza.

Environ 1,6 million de Palestiniens (soit 31,5 % de la population) se trouvent en situation d’insécurité alimentaire.  La prévalence de cette situation est particulièrement élevée dans la bande de Gaza, où 40 % des ménages connaissent une insécurité alimentaire, soit plus du triple qu’en Cisjordanie (13%). 

Concernant l’éducation, environ 490 145 élèves (dont 249 147 filles) dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé éprouvent des difficultés à accéder à une éducation de qualité dans un environnement sûr, répondant aux besoins de l’enfant.  « En Cisjordanie, les élèves vivent dans un climat de coercition » a dit M. Tabet, causé par des violences et des actes de harcèlement et d’intimidation commis par les forces armées et les forces de sécurité israéliennes ainsi que par les colons.

L’UNRWA indique qu’en raison du manque de fonds et de terrains pour construire des écoles, 70,2% de ses établissements scolaires (accueillant 271 000 élèves) continuent d’avoir recours à un système de classes alternées, ce qui fait que les enfants de réfugiés ont moins d’occasions de participer à des activités ludiques et créatives que les élèves des autres établissements.

En matière de santé publique, le bouclage de Gaza et les divisions entre Palestiniens continuent de fortement compromettre la disponibilité et la qualité des soins de santé dans la bande de Gaza ainsi que l’accès aux soins de santé des patients et des professionnels de la santé qui résident en dehors de cette zone.  À Gaza, on estime à 140 000 le nombre d’enfants de moins de 5 ans qui souffrent de malnutrition chronique et d’un retard de croissance.

Concernant le Golan syrien occupé depuis 1967, le rapport rappelle que dans sa résolution 497 (1981), le Conseil de sécurité a décidé que la décision prise par Israël d’imposer ses lois, sa juridiction et son administration dans le territoire syrien occupé des hauteurs du Golan était nulle et non avenue et sans effet juridique sur le plan international.  L’ONU estime que 23 000 colons israéliens vivent dans 34 implantations illégales dans le Golan syrien occupé. 

« Les effets négatifs de 51 ans d’occupation israélienne sont contraires au droit international humanitaire et aux droits de l’homme; certaines pratiques sont considérées comme discriminatoires, et d’autres s’assimilent à une peine collective », a conclu M. Tabet, qui a rappelé que « le droit international était un droit absolu », et que l’« on ne réalisera pas la paix tant que l’on ne s’attaquera pas aux causes de ces violences ».

Discussion générale

M. ABDULLAH ABU SHAWESH, Observateur de l’État de Palestine, a affirmé que des centaines de lois discriminatoires avaient été adoptées par Israël pour priver les Palestiniens de leurs ressources naturelles, les empêchant par là même d’atteindre les objectifs de développement durable.  L’occupation israélienne a mis à mal les structures économiques palestiniennes, s’est inquiété l’Observateur.  Si la main-d’œuvre palestinienne est utilisée par Israël, cela ne permet pas pour autant de développer une économie palestinienne productive, a-t-il ajouté, en signalant que les coûts de production ont augmenté et que le secteur agricole rencontre nombre de difficultés.  L’Observateur a noté que le rapport du Secrétaire général dénonce les actes d’agression économique d’Israël et les répercussions sur l’économie palestinienne.

M. Shawesh a cité des exemples de destruction de bâtiments palestiniens, dont certains étaient parfois vieux de centaines d’années, sous prétexte que ces constructions étaient illégales.  Or, a observé l’Observateur, il est presque impossible pour les Palestiniens d’obtenir des permis de construire.  Il a suggéré aux États Membres et aux organisations de se baser sur ce rapport pour adopter des politiques obligeant Israël à respecter ses obligations internationales.  L’observateur a aussi évoqué une résolution du Conseil des droits de l’homme appelant à établir une liste des entreprises israéliennes opérant dans le Territoire palestinien occupé et des implantations israéliennes, qui pillent l’économie palestinienne.  Il a demandé aux délégations de s’en emparer pour que ces implantations respectent le droit international.

M. MAHMOUD EL ASHMAWY (Égypte), au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), a constaté le caractère discriminatoire des pratiques d’Israël décrites dans le rapport, notamment le double système juridique.  « Développer un droit national israélien pour les colons et un droit militaire israélien pour les Palestiniens a compliqué et restreint la vie quotidienne des Palestiniens », a-t-il souligné.  Il s’est également inquiété que 5 413 structures palestiniennes aient été démolies depuis 2009, et que les permis de construire soient presque impossibles à obtenir pour les Palestiniens.  Le représentant a estimé que le secteur du tourisme, une des plus grandes opportunités de la Palestine, et notamment l’accès des touristes à la mosquée al-Aqsa, pourrait améliorer la situation économique à Jérusalem-Est.  Il a dès lors regretté que cet aspect n’ait pas été traité par la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO).  « Le Groupe des 77 et la Chine aimerait que la CESAO examine cette question », a-t-il déclaré.

M. AHMED ALKUWARI (Qatar), au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a commenté le rapport de la Commission économique et sociale pour l’Asie et la Pacifique (CESAP) sur la question qui dénonce la poursuite des violations systématiques des droits de l’homme et du droit international humanitaire par Israël, en conséquence de ses politiques illégales, oppressives et destructives.  Le rapport de la CESAP considère que les pratiques et les mesures prises par Israël dans le Territoire palestinien occupé et le Territoire syrien occupé du Golan sont contraires aux résolutions du Conseil de sécurité, au droit international humanitaire et aux droits de l’homme.  Ces pratiques ainsi que les punitions collectives d’Israël constituent une atteinte grave à la quatrième Convention de Genève, a argué le représentant.

En dépit de nombreux appels de la communauté internationale à stopper ces politiques et mesures illégales, et en dépit du fait que les colonisations posent le plus grand obstacle à la réalisation de la solution des deux États, Israël n’a pas seulement continué mais a intensifié ses actions illégales notamment son entreprise de colonies illégales sans fin dans le Territoire occupé palestinien y compris Jérusalem-Est.  Différentes sources avancent que durant la première moitié de 2018, l’expansion des colonies israéliennes a continué à un taux sans précédent, a indiqué le représentant en signalant plus de 6 000 logements supplémentaires en Cisjordanie y compris à Jérusalem-Est qui permettraient à 27 000 colons israéliens de s’installer dans les colonies du Territoire palestinien occupé.  Le représentant a rappelé aux États Membres que la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité les invite à établir une distinction, dans leurs relations respectives, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967.

Il faut aussi se rappeler que la bande de Gaza et ses deux millions d’habitants se trouvent sous le blocus israélien depuis 11 ans, a poursuivi le délégué, notant la grave détérioration des conditions socioéconomiques, l’augmentation des taux de chômage et la pollution de l’eau potable qui en résultent.  Plus de 5 000 Palestiniens ont été blessés par des tirs israéliens et plus de 170 ont été tués, y compris au moins 31 mineurs, depuis le 30 mars 2018, selon une organisation de défense des droits de l’homme israélienne.  Le représentant a poursuivi en citant un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) qui dit que durant la première moitié de 2018, Israël a détruit ou saisi 197 infrastructures appartenant aux Palestiniens, déplacé 174 personnes et touché près de 5 000 Palestiniens.  Plus encore, plus de 13 000 ordres de démolition d’infrastructures palestiniennes sont en attente d’exécution dans différents endroits de Cisjordanie.  Le rapport estime qu’environ un tiers de la population palestinienne de Jérusalem-Est, soit 100 000 personnes, vit dans des bâtiments qui ne sont pas approuvés par les autorités israéliennes, ce qui expose ces appartements au risque de destruction.

Dans le même temps, Israël continue son exploitation des ressources naturelles, la ségrégation, l’isolement, et l’obstruction des déplacements des Palestiniens par de multiples mesures: l’annexion, le mur de l’apartheid, des centaines de points de contrôle et la punition collective systématique de toute la population civile palestinienne.  Tout cela mène à la conclusion qu’Israël est plus intéressé à consolider son régime colonial sur la terre palestinienne que de parvenir à une paix et sécurité justes, a conclu le délégué, qui a appelé à mettre un terme à ces violations.  Israël doit respecter le droit international, a-t-il martelé.  « La question de la responsabilité est tout aussi urgente que résoudre la crise humanitaire. »

Au nom du Groupe des États arabes, M. KHALID SAEED MOHAMED AL SHUAIBI (Oman) s’est inquiété de voir « la terre historique palestinienne » pillée, les ressources naturelles des Palestiniens spoliées et leur droit au développement nié.  Le Groupe est très préoccupé par les chiffres relatifs à l’usage de la force par Israël et par le fait que cet État ne réponde pas de ses actes pour l’usage excessif de la force et les exécutions extrajudiciaires.  M. Al Shuaibi a également dénoncé la violence et le harcèlement des colons, qui empêchent les Palestiniens de jouir de leurs droits fondamentaux.  « Ces violences sont commises avec la connivence des forces de sécurité israélienne », a-t-il avancé, affirmant que les colons violent les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la 2334 (2016).

En outre, M. Al Shuaibi a noté que le nombre de colons a doublé depuis la signature de l’accord de paix et les implantations israéliennes couvrent 40% de la Cisjordanie.  Ces colons, a remarqué le représentant, bénéficient d’un accès préférentiel à des services.  Selon lui, la politique d’Israël équivaut à un transfert de population sur le Territoire palestinien occupé, ce qui est contraire au droit international.  M. Al Shuaibi a également dénoncé les destructions de maisons et de villages palestiniens.  En conclusion, le Groupe arabe a appelé les États Membres à prendre les mesures nécessaires et à ne pas permettre à leurs entreprises d’établir des relations avec les biens produits dans les colonies illégales.

M. KHALED MOHAMMED H. ALMANZLAWIY (Arabie saoudite) a évoqué l’ampleur des violations de la Puissance occupante israélienne et ses répercussions sur les territoires palestiniens occupés.  L’occupation est un frein au développement durable de la Palestine, a-t-il estimé, et l’usage de la force par les forces de sécurité israéliennes contre des personnes qui se battent pour leur liberté est excessif.  « Non seulement Israël punit tous les Palestiniens, mais il viole aussi les droits des morts », a déclaré le représentant, arguant qu’Israël ne respecte pas les sites religieux musulmans.

M. Almanzlawiy a dit approuver les conclusions du rapport sur les conséquences économiques de l’occupation.  Il a constaté que d’ici à 2020, il ne sera tout simplement plus possible de vivre à Gaza, à cause du blocus, du taux de chômage et du manque d’accès aux soins de santé.  La dégradation de la sécurité alimentaire est aussi un problème, avec 1,5 million de Palestiniens qui en souffrent, en particulier les femmes.  Préoccupée, l’Arabie saoudite voudrait mettre fin aux souffrances du peuple palestinien, a dit le représentant en souhaitant également que ce peuple puisse jouir de tous ses droits et obtienne un État indépendant, avec Jérusalem-Est comme capitale.  En dix ans (2008 à 2018), 8 milliards de dollars ont été mobilisés par l’Arabie saoudite, qui a exigé qu’Israël se retire de tous les territoires occupés, y compris le Golan occupé et le territoire libanais, a rappelé le délégué avant de conclure que « l’initiative arabe de paix est toujours une solution légitime pour résoudre ces questions ».

Mme ODHAV (Afrique du Sud) a réitéré le soutien ferme et indéfectible de sa délégation au peuple palestinien.  Elle a condamné à nouveau les violations flagrantes des droits de l’homme par les forces israéliennes contre les Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé et dans le Golan syrien occupé, en premier lieu l’utilisation excessive de la force y compris les meurtres de Palestiniens protestataires.  La déléguée a aussi condamné la violence horrible des colons israéliens contre les Palestiniens, comme mentionné dans le rapport du Secrétaire général.  Mérite aussi la condamnation, a poursuivi la représentante, le sabotage systématique du bien-être économique et social du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ainsi que la population arabe dans le Golan syrien occupé.  La déléguée sud-africaine a en outre exhorté les États Membres qui ont coupé le financement de l’UNRWA à revoir leur position.  Avant de conclure, elle a déclaré qu’elle était gravement préoccupée par le rapport du Secrétaire général qui indique que le conflit israélo-palestinien est loin de s’améliorer mais qu’au contraire la situation est plus que jamais instable et inacceptable.

Mme ROSALIA LUCIA CUE DELGADO (Cuba) a dit qu’Israël prive le peuple palestinien de son droit au développement puisque celui-ci ne peut disposer de son droit souverain sur ses ressources naturelles.  Parmi les effets négatifs de l’occupation israélienne, la représentante a mentionné le contrôle quasi total sur l’eau, la confiscation de terres, la destruction d’arbres et de structures hydrauliques et électriques, ou encore la détérioration des écosystèmes marins en raison du rejet d’eaux usées dans la mer.  L’occupation a entraîné une grave détérioration des conditions sociales et économiques du peuple palestinien, a continué la représentante, ce qui l’éloigne chaque jour davantage des objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Cuba s’est aussi alarmée du taux de pauvreté de 29% dans le Territoire palestinien occupé et même de 54% à Gaza, aggravée par la pénurie de fournitures et de services médicaux et le manque d’aliments ou d’accès à l’eau potable.  La représentante a condamné l’occupation militaire du territoire palestinien par Israël, ses politiques illégales et ses pratiques colonisatrices, les violations des droits de l’homme et les crimes de guerre systématiques.  La délégation a rejeté la décision unilatérale du Gouvernement des États-Unis de transférer sa représentation diplomatique dans la ville de Jérusalem et a réitéré sa solidarité avec le peuple palestinien.

M. AL-LAITHI (Iraq) a relevé que les pratiques des forces d’occupation sioniste et leur politique d’implantation continuent de violer le droit international, le droit international humanitaire et le droit des droits de l’homme.  Le règlement de la paix en Palestine permettrait d’assurer la paix dans la région, a souligné le représentant, ajoutant que le peuple palestinien a le droit à des réparations en raison de l’exploitation de ses ressources naturelles et des conséquences de l’occupation.  Il s’est félicité des efforts menés par les organisations pour soulager les souffrances des peuples vivant sous occupation mais a estimé qu’il fallait davantage de soutien économique.  Il a fait part de sa préoccupation au sujet du manque de ressources de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  Enfin, l’Iraq a réaffirmé sa position ferme consistant à soutenir les droits des populations vivant dans le Territoire palestinien occupé, notamment celui de vivre dans un État indépendant, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Mme ROUA SHURBAJI (Syrie) a évoqué la situation des Syriens vivant dans le Golan occupé et des violations commises contre eux.  Elle a listé les pratiques israéliennes contraires au droit international: colonies de peuplement illégales, annexions, confiscations de terre, restriction de l’accès aux terres, discriminations quant au prix de l’eau payé par les agriculteurs syriens.  Les Israéliens continuent d’exploiter les ressources naturelles, imposent leurs programmes scolaires et forent pour trouver du pétrole, a-t-elle affirmé.  Elle a regretté le manque de mesures juridiques contre ces violations du droit international et réclamé des positions claires contre ces violations de la part des Nations Unies.

Mme Shurbaji a dénoncé le fait qu’Israël « impose son droit dans le Golan occupé ».  Ces lois sont nulles et non avenues; Israël n’a aucun pouvoir juridique sur ces terres, a dit la représentante.  « Nous n’avons pas besoin de preuves supplémentaires pour montrer qu’Israël viole des centaines de résolutions des Nations Unies.  La poursuite de ces violations depuis le premier jour sont bien connues.  Ceux qui souffrent de l’occupation ont besoin des Nations Unies », a-t-elle déclaré.  Elle a espéré que les prochaines résolutions de l’Assemblée générale ne resteraient pas dans les placards.

M. AHMED ALKUWARI (Qatar) a souligné que le rapport montrait la souffrance des populations arabes.  Le refus par Israël d’accorder des permis de construire ainsi que son exploitation des ressources naturelles dans les territoires occupés sont des pratiques prouvées, y compris à Jérusalem-Est et dans le Golan, a déclaré le représentant.  « Le rapport parle de problèmes que rencontrent des milliers d’enfants qui ne peuvent pas avoir accès à une éducation de qualité », a-t-il déploré, en soulignant en outre les attaques perpétrées contre des écoles et des enseignants.  Ces enfants sont la clef du développement, donc c’est là qu’il faut agir, selon lui.  « Le droit à l’éducation ne saurait être refusé en aucun cas. »  Indiquant que son pays avait donné des millions de dollars à l’UNRWA, le représentant a souligné le rôle positif du Qatar pour parvenir à la stabilité et atteindre la paix.  Enfin, s’appuyant sur l’objectif du Programme 2030 de construire des sociétés à l’abri de la crainte et de la violence, il a appelé à adopter des mesures plus efficaces pour assurer l’autodétermination des peuples occupés.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) s’est dit très préoccupé par les données présentées dans le rapport sur les répercussions économiques et sociales de l’occupation israélienne dans le Territoire palestinien occupé et le Golan syrien occupé.  Il a relevé notamment l’insécurité alimentaire et le fait que les États-Unis ne fournissent plus de fonds à l’UNRWA, estimant que cette crise de financement ne fera qu’aggraver la situation pour des personnes vivant déjà dans des conditions très précaires.  L’exploitation illégale des ressources par des tiers accroît les inégalités entre les peuples et empêche le peuple palestinien de se diriger vers un développement économique, a noté le représentant.  Il a demandé qu’Israël cesse sa politique expansionniste et respecte le droit international.

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) s’est dite très préoccupée par la souffrance du peuple palestinien en raison de l’occupation israélienne depuis des décennies, occupation qui va à l’encontre de toutes les résolutions des Nations Unies.  Les politiques d’Israël ont anéanti le droit du peuple palestinien au développement, a-t-elle ajouté, citant les chiffres alarmants du chômage. Elle s’est inquiétée également du sous-financement de l’UNRWA et en particulier du retrait du plus grand contributeur.  L’Indonésie est convaincue que la possibilité de développement durable en Palestine repose sur la fin de l’occupation et la solution des deux États.  Elle a signalé que son pays avait lancé une « Semaine de solidarité pour la Palestine » à Jakarta, avant d’annoncer son engagement à fournir 2 millions de dollars d’aide pour le renforcement des capacités des Palestiniens, notamment dans l’agriculture et les technologies de l’information et des communications (TIC).  L’Indonésie continuera de fournir un soutien à la Palestine; elle reste engagée pour la réalisation de son indépendance.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) est profondément frustré par la poursuite de l’occupation des territoires palestiniens qui dure depuis près de 50 ans, ainsi que par les violations systématiques des droits de l’homme, les attaques aveugles contre les civils, la poursuite des occupations illégales par Israël, et la détérioration des conditions socioéconomiques des Palestiniens.  Il s’est alarmé de l’augmentation du taux de pauvreté dans le Territoire occupé palestinien, passé de 26% à 29% entre 2011 et 2017, ce taux étant en outre de 54% à Gaza.  Il a ajouté que 1,6 million de Palestiniens, soit 31,5% de la population, sont dans une situation d’insécurité alimentaire.  En outre, a-t-il ajouté, 490 145 élèves sont confrontés à des obstacles pour accéder à une éducation de qualité dans un environnement sain et adapté aux enfants.  « Il est scandaleux que les étudiants soient victimes d’humiliation, de harcèlement et de violence », a dénoncé le représentant.

M. Bin Momen a encore montré du doigt la persistance de la crise énergétique et les pratiques israéliennes contre les terres palestiniennes.  Il a exhorté la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il cesse de violer systématiquement le droit international et les droits de l’homme, et pour qu’il mette fin à ses mesures restrictives afin de permettre d’instaurer les conditions favorables à la croissance de l’économie palestinienne.  Il l’a également exhorté à résoudre la crise financière de l’UNRWA.

Mme FATHIMATH RAFA SHAREEF (Maldives) a qualifié la politique d’Israël de « violation flagrante des droits de l’homme », et réclamé qu’aucun pays ne puisse bénéficier ainsi d’une immunité vis-à-vis du droit international.  Demandant une attention accrue de la communauté internationale, elle a jugé extrêmement inquiétant que 2,5 millions de Palestiniens aient besoin d’une aide internationale, qu’1,8 million n’aient pas accès à l’eau potable, et que Gaza devienne invivable d’ici à 2020.  Les populations vulnérables comme les enfants sont de plus en plus des cibles de l’armée israélienne, et l’usage de gaz et de balles en caoutchouc se répand, tout comme les incarcérations d’enfants, s’est-elle inquiétée.  Les Maldives ont rappelé leur attachement à une solution de deux États, seule solution pour parvenir à la paix.  La représentante a appelé Israël à rendre les terres des territoires occupés et du Golan à leurs propriétaires respectifs.

Mme AL ALI (Émirats arabes unis) a souligné que la communauté internationale devait respecter la réalisation des objectifs de développement durable.  Invoquant l’objectif 11 pour une paix durable, elle a rappelé le droit inaliénable du peuple palestinien à un État indépendant.  La représentante a réclamé une évolution juste et pérenne de la Palestine et du territoire du Golan occupé.  Depuis 2011, les Émirats arabes unis ont donné plus de 130 millions de dollars à cette cause, y compris pour financer l’UNRWA étant donné le rôle crucial que joue cette agence dans les territoires.  L’éducation joue un rôle fondamental, a rappelé la représentante.  C’est pourquoi les Émirats ont contribué à hauteur de 15 millions de dollars pour soutenir les programmes de l’UNRWA, pour la période scolaire 2018, afin d’aider plus de 500 000 enfants.  Les Émirats arabes unis fournissent également une assistance pour reconstruire des hôpitaux, des centres de santé et d’autres infrastructures; ils offrent du carburant et de l’électricité aux hôpitaux de la bande de Gaza.  La représentante a enfin souligné l’importance de parvenir à une solution globale pour la région.

M. HUSAIN EBRAHIM (Koweït) s’est demandé comment envisager que la Palestine parvienne au développement durable si elle ne peut parvenir à la paix et à la sécurité et si elle ne peut préserver son patrimoine en raison de la politique et de l’occupation israélienne.  Il a relevé que le rapport du Secrétaire général a mis en lumière « les pratiques immorales israéliennes », mises en œuvre en toute impunité, notamment celles qui violent le droit des droits de l’homme et le droit international humanitaire.  Le Koweït défend les droits des Palestiniens, et veut que cette occupation israélienne prenne fin.  M. Ebrahim a condamné toutes les pratiques et politiques brutales d’Israël, qui ne sauraient se justifier, rappelant que l’occupation est en soi une grave violation du droit international. Le représentant a rappelé le soutien du Koweït à toutes les mesures prises pour renforcer la souveraineté des Palestiniens sur leur territoire et leurs ressources naturelles et a engagé la communauté internationale à faire preuve de solidarité pour mettre fin à cette tragédie qui dure depuis trop longtemps. 

M. HAJILARI (République islamique d’Iran) s’est dit très alarmé par le rapport du Secrétaire général qui illustre les pratiques systématiques d’Israël contre le peuple palestinien, victime de violations quotidiennes de ses droits fondamentaux.  Ce rapport montre que les Palestiniens ne peuvent progresser vers le développement durable tant qu’ils subissent l’occupation israélienne.  Les répercussions prolongées se font sentir à plusieurs niveaux et se sont accumulées au fil du temps.  Il a cité quelques exemples comme la destruction de maisons, la confiscation des terres, les restrictions au mouvement, la détention d’enfants palestiniens, le recours excessif à la violence par des colons, le déplacement des populations, et l’exploitation de ressources palestiniennes.  Le blocus équivaut à un châtiment collectif condamné par le droit international, a-t-il lancé.  Le représentant a exhorté la communauté internationale à prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à cette occupation illégale et à mettre en place une trajectoire pour parvenir à la croissance économique et à la réalisation des objectifs de développement durable.

Mme KEMPINSKY (Israël) a annoncé qu’elle venait d’Haïfa, une ville multiculturelle où toutes les religions cohabitent.  « On y comprend que le bien-être de tout le monde est plus important que nos différences. »  Mais elle a des souvenirs plus douloureux: son frère blessé par un attentat terroriste.  Son quotidien ressemblait à celui des enfants israéliens qui vivent aujourd’hui près de la frontière et doivent craindre les missiles ou les « cocktails molotov accrochés à des cerfs-volants ou des ballons ».  Elle a cité des exemples d’attaques terroristes récentes, parlé d’attaques à la voiture bélier « quotidiennes », et déploré que des enfants palestiniens « s’emparent de couteaux dans leur cuisine pour sortir tuer des Israéliens, avant d’avoir terminé le lycée ».  « Les couteaux et les ciseaux pourraient être utilisés pour faire du bricolage à la place, ou des ateliers créatifs », a-t-elle estimé.  Mme Kempinsky a dit rêver d’un quotidien plus sécurisé: « vivre dans le sud sans avoir peur pour mes enfants ».  « Je ne veux pas avoir peur des voitures, je veux regarder des passants dans la rue parce que leur manteau est chouette et pas parce qu’ils cacheraient un couteau. »  Elle a trouvé regrettable que des délégations utilisent l’ONU pour de mauvaises raisons alors que ce pourrait être un espace de dialogue.

M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a particulièrement déploré les violations des droits des femmes et des enfants palestiniens.  Alors que l’éducation est considérée comme un droit fondamental pour tous, les enfants dans le Territoire palestinien occupé continuent d’être exposés à la peur, à des traumatismes et à des blessures graves, et ils sont souvent dans l’incapacité d’aller à l’école.  Les familles ne sont même pas en mesure d’assurer les fournitures scolaires de base, a regretté le représentant, qui a demandé à Israël de mettre les droits des enfants au-dessus de toute autre considération.  Soulignant que le Programme 2030 vise à ne laisser personne de côté, il a déclaré que cela inclut le peuple palestinien.  À cet égard, il est essentiel que le peuple palestinien ait accès aux ressources en eau et à l’électricité.  La pauvreté ne peut pas être éradiquée lorsque les infrastructures en Palestine y compris à Gaza sont constamment détruites et l’électricité continuellement coupée.  La Namibie s’identifie à la situation palestinienne pour avoir vécu la rigueur du régime de l’apartheid, a souligné le représentant, qui a jugé inconcevable que de telles mesures puissent être utilisées de nos jours dans un État occupé.

Mme ISABEL PATRICIA BAJAÑA (Nicaragua) s’est félicitée de l’élection de l’État de Palestine à la présidence du Groupe des 77 et la Chine pour l’année 2019, ce qui représente « un pas historique à l’ONU ».  La représentante a souligné que la réalisation des objectifs de développement durable est inconcevable pour les Palestiniens, notant que 51 ans d’occupation israélienne ont imposé de graves limitations au développement économique et social du Territoire palestinien occupé et du Golan syrien occupé.  Elle a cité les répercussions négatives des pratiques et politiques systématiques telles que la destruction de propriétés et d’infrastructures, la confiscation de terre, l’expansion des implantations illégales, ainsi que les restrictions prolongées à la circulation et au commerce.

La représentante a jugé regrettable que la Deuxième Commission ne parvienne pas à un consensus sur un sujet qui met en avant les principes mêmes de ses travaux.  Elle a réaffirmé que la Palestine a le même droit que les autres à vivre en paix, à recevoir de l’aide au développement, à la coopération et à des investissements pour parvenir au développement durable.  Elle a espéré que le projet de résolution qui sera présenté par le G77 et la Chine sera adopté et permettra d’atténuer les difficultés économiques et sociales des populations civiles palestiniennes et syriennes qui vivent sous occupation étrangère et, en dernier recours, contribuera aux efforts internationaux pour rétablir la paix, l’unité et le bien-être des peuples.

M. MOHD SUHAIMI AHMAD TAJUDDIN (Malaisie) a regretté que la communauté internationale n’ait pas pris les mesures nécessaires pour agir en faveur des Palestiniens en souffrance.  Citant le rapport, il a déploré qu’Israël viole le droit international humanitaire et les droits de l’homme, affectant ainsi les opportunités économiques des Palestiniens et des populations arabes.  En procédant à des déplacements de populations et à des restrictions de mouvements, Israël a ignoré de manière flagrante les pressions du droit international, a dénoncé M. Tajuddin.  Ces violations peuvent être vues comme destinées à perturber les occasions de paix, a-t-il supposé.

Citant les chiffres montrant l’épuisement des ressources, il a regretté une situation insupportable qui conduit à ce que Gaza ne soit plus vivable en 2020.  Qualifiant les actions de l’armée israélienne d’« aveugles », il a réaffirmé qu’une solution de deux États respectant les frontières de 1967 était la seule solution viable, et appelé la communauté internationale à être plus dynamique, et à des négociations bilatérales pour parvenir à cet objectif.  La Malaisie continuera à offrir toute son assistance au peuple palestinien, a assuré M. Tajuddin. 

M. OMAR E. O. ALSHAMES (Libye) a dénoncé la politique d’occupation d’Israël et les restrictions aux libertés de mouvement et de circulation des marchandises.  La Puissance occupante poursuit la construction du mur de séparation qui prive les Palestiniens de l’accès à leurs terres.  La bande de Gaza s’est transformée en prison, ce qui représente une violation du droit international, a encore relevé le représentant.  Le peuple palestinien ne peut pas bénéficier des fruits du développement durable puisqu’il ne contrôle pas ses ressources naturelles et que ses terres sont confisquées.  Ceci s’applique également au Golan syrien.  Le représentant a déploré que les pratiques israéliennes violent la Convention de Genève de 1949.

M. ALHADDAD (Bahreïn) a dénoncé la poursuite des pratiques et politiques israéliennes qui violent notamment le droit des droits de l’homme et le droit international humanitaire, qui interdit la confiscation de biens privés.  La destruction de structures palestiniennes sous prétexte d’absence de permis de construire est injustifiée, d’autant que la politique de colonisation se poursuit. En outre, l’accès aux terres est freiné en raison des restrictions, ce qui a des répercussions sur l’activité agricole et l’économie, a-t-il noté.  Il a enfin dénoncé le manque d’accès à l’eau potable et aux services médicaux, qui freinent le développement de la Cisjordanie et de Gaza.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Myanmar et la République populaire démocratique de Corée inaugurent les examens de situation de pays devant la Troisième Commission

Soixante-treizième session,
29e & 30e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4241

Le Myanmar et la République populaire démocratique de Corée inaugurent les examens de situation de pays devant la Troisième Commission

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a commencé aujourd’hui à entendre les exposés d’experts chargés de situations de pays, en l’occurrence du Myanmar et de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), au grand dam des États concernés et du Mouvement des pays non alignés, opposés` par principe à cette « exploitation des droits de l’homme à des fins politiques ». 

La Commission a également dialogué avec les Rapporteurs spéciaux sur les questions relatives aux minorités, sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et sur les droits culturels, tous faisant état d’une détérioration dans leur thématique respective.

S’agissant du Myanmar, Mme Yanghee Lee, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans ce pays, a déploré que le Gouvernement continue de lui interdire tout accès, malgré les engagements pris en faveur d’une transition démocratique.  Le Gouvernement n’agit pas pour établir véritablement la paix et la réconciliation, et ne semble pas vouloir enquêter sur les violations des droits de l’homme, a ajouté la Rapporteuse spéciale, invitant la Conseillère d’État –Aung Sang Suu Kyi, qu’elle n’a pas nommée- à « se souvenir de son long combat pour la démocratie » et à utiliser son influence morale et politique pour mettre un terme aux exactions.

Plus d’un million de réfugiés de différentes ethnies et religions vivent dans des conditions précaires au Bangladesh, en Inde et en Thaïlande après avoir fui les persécutions de l’armée du Myanmar, a précisé Mme Lee, qui a dénoncé une situation « semblable à l’apartheid » dans les camps de réfugiés de l’État rakhine, où tout semble fait pour renforcer la ségrégation des communautés musulmanes.

Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, mandatée par le Conseil des droits de l’homme pour établir les circonstances des récentes allégations de violations des droits de l’homme dans le pays, M. Marzuki Darusman a confirmé cet état des lieux.  Interdit lui aussi d’entrée au Myanmar, il n’en a pas moins dénoncé l’institutionnalisation d’un système d’oppression affectant la vie des Rohingya de leur naissance à leur mort, ajoutant que leur imposer aujourd’hui un retour serait les « contraindre à revivre les mêmes souffrances ». 

Dans la matinée, le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, M. Fernand de Varennes, avait lui aussi évoqué la situation des Rohingya dans son exposé sur le thème de l’apatridie, jugeant « choquant » de voir cette minorité sans citoyenneté, avec peu ou pas d’accès aux services publics, confrontée à un avenir sombre.  Cela ne peut que « conduire au désespoir et créer un terrain fertile pour la radicalisation », avec des menaces potentielles pour la paix et la sécurité, a-t-il soutenu.

Le Myanmar s’est élevé contre cet « examen à la loupe », estimant être traité de manière discriminatoire, depuis 1995, malgré sa « coopération continue ».  Dénonçant dans ces rapports des « intentions politiques cachées », il a notamment jugé contreproductive la demande de la Rapporteuse spéciale de renvoyer à la Cour pénale internationale les cas de violations des droits de l’homme.  De telles attitudes ne vont pas entraîner un dialogue constructif avec les Nations Unies, a-t-il mis en garde.

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), M. Tomas Ojea Quintana, a pour sa part amèrement regretté qu’alors qu’un processus de rapprochement est amorcé entre les deux Corées et avec les États-Unis, la question des droits de l’homme soit restée en dehors de l’ordre du jour du dialogue de haut niveau en cours.  Pourtant, a-t-il fait valoir, nul n’est besoin de rappeler les résultats de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en RPDC établie par l’ONU en 2014, qui avait mis en évidence de multiples violations des droits de l’homme.  À ces accusations, la RPDC, fidèle à sa position de principe, n’a pas répondu.

Tout aussi traditionnellement, le Mouvement des pays non alignés a, par la voix du Venezuela, rappelé à l’occasion du premier débat interactif sur une situation de pays, son opposition de principe à ce type de mandat, qu’il juge sélectif et politisé.  Afin de respecter « la non-ingérence, l’impartialité, la non-sélectivité et la transparence » et pour assurer une meilleure complémentarité entre le Conseil des droits de l’homme et la Troisième Commission en évitant les doubles emplois, le Mouvement rappelle que le mécanisme approprié pour traiter des situations de droits de l’homme dans chaque État est l’Examen périodique universel.

Autre expert entendu par la Commission, M. Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a rappelé que, depuis l’adoption voilà 20 ans de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, plus de 3 500 défenseurs ont été assassinés.  Ces dernières années, la situation des défenseurs s’est même dégradée partout dans le monde, s’est-il alarmé, dénonçant en particulier les « initiatives sournoises » visant à critiquer la légitimité des défenseurs et à multiplier les législations pour entraver l’action de la société civile.

Mme Karima Bennoune, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a, quant à elle, présenté son dernier rapport thématique en regrettant que le respect de la diversité culturelle soit menacé par « ceux-là mêmes qui défendent diverses formes de suprématie et de discrimination ».

Enfin, en réponse aux différents Rapporteurs spéciaux qui ont regretté que certains de leurs collègues ne puissent présenter leurs rapports en personne devant la Troisième Commission cette année, le Secrétariat de la Commission a assuré qu’un seul titulaire de mandat de procédure spéciale risquait de ne pouvoir apparaître devant les délégations, pour 65 invités.

La Troisième Commission poursuivra demain, mercredi 24 octobre à partir de 10 heures, son dialogue avec des titulaires de mandats de procédures spéciales concernant la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, en République islamique d’Iran, en Érythrée, au Bélarus, en Somalie et au Burundi.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

M. FERNAND DE VARENNES, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, a présenté son rapport consacré cette année à « L’apatridie: une question qui concerne les minorités », en expliquant que plus des trois quarts des quelque 10 millions d’apatrides reconnus dans le monde sont des personnes appartenant à des minorités, se basant sur un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) publié en novembre 2017 et intitulé « Nous sommes chez nous, ici: apatrides en quête de citoyenneté »

L’apatridie dans le monde est un problème de minorités puisqu’une grande partie des apatrides du monde appartiennent à des minorités spécifiques, a justifié M. de Varennes.  Pour le Rapporteur spécial, celles-ci semblent être la cible de politiques, pratiques ou législations potentiellement discriminatoires, marginalisant ainsi davantage les minorités déjà exposées aux violations des droits de l’homme.

Dans son exposé, axé sur les principales recommandations et conclusions portant sur le thème de l’apatridie ainsi que sur sa mission en Slovénie, M. de Varennes a estimé « choquant » de voir des minorités, comme par exemple les Rohingya de Myanmar, sans citoyenneté, avec peu ou pas d’accès aux services publics, à l’éducation, à l’emploi et un avenir sombre pour eux et pour les générations futures.  Cela ne peut que « conduire au désespoir et créer un terrain fertile pour la radicalisation - et des menaces potentielles pour la paix et la sécurité », a-t-il averti.

Les minorités spécifiques sont les groupes les plus touchés par le manque de protection de la citoyenneté.  Une poignée de minorités représente une proportion étonnamment élevée de la population apatride du monde, a encore expliqué le Rapporteur spécial.  Selon le HCR, ce schéma est récurrent, se reproduisant même dans de nouveaux contextes.  C’est le cas par exemple de millions de personnes appartenant aux minorités religieuses en Inde qui ne sont pas en mesure de formaliser leur statut de citoyenneté, et qui risquent de grossir les rangs des apatrides dans un avenir proche.

Le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que l’essence de la conclusion sous-jacente du rapport est que l’apatridie ne se produit pas simplement: elle implique trop souvent des pratiques discriminatoires et un mépris des droits de l’homme des minorités considérées indignes ou indésirables.  Ce n’est ni accidentel ni neutre: à l’instar de la minorité juive allemande avant la Seconde Guerre mondiale, les minorités continuent trop souvent à être jugées « indignes » de la citoyenneté, ce qui les empêche d’accéder aux services publics de base, y compris dans certains cas, l’éducation et l’exercice d’autres droits de l’homme fondamentaux.

M. de Varennes a, par ailleurs, félicité l’Union africaine et ses États membres pour leurs progrès dans l’élaboration d’un protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur les aspects spécifiques du droit à la nationalité et de l’élimination de l’apatridie en Afrique.  Cela pourrait servir d’inspiration pour rédiger une résolution éventuelle reconnaissant formellement, dans le droit coutumier, l’obligation d’octroyer la citoyenneté aux enfants nés dans un État et qui, autrement, seraient apatrides, a suggéré le Rapporteur spécial.

Enfin, le Rapporteur spécial a salué le travail du HCR et des États qui font partie du Groupe des Amis de la Campagne pour l’élimination de l’apatridie d’ici 2024

Abordant par ailleurs sa visite en Slovénie, où il a dit avoir été frappé par le ferme attachement et la tradition du pays à la reconnaissance et à la protection des droits de l’homme, M. de Varennes a pu mesurer les actions positives entreprises de longue date à l’égard de minorités telles que les communautés hongroise et italienne.  Il existe néanmoins des domaines dans lesquels des mesures plus concrètes doivent être prises pour garantir dans la pratique les droits fondamentaux des minorités, a ajouté le Rapporteur spécial, qui a invité le Gouvernement à mettre en œuvre une législation complète pour la protection de toutes les minorités, tout en respectant le statut constitutionnel actuellement établi des Hongrois, des Italiens et des Roms. 

M. de Varennes, qui a également visité le Botswana, a dit avoir prévu de se rendre au Cameroun, en Lettonie, en Estonie et en Malaisie « si sa requête trouve un écho favorable » auprès des autorités de ces pays.

Pour finir, M. de VARENNES a regretté que certains de ses collègues ne puissent pas présenter leurs rapports en personne devant la Troisième Commission, cette année, du fait que des propositions présentées en juillet « pour accommoder les Rapporteurs spéciaux tout en respectant les limites de temps et la cohérence des regroupements » aient été écartées. 

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Fernand de Varennes, l’Union européenne a assuré qu’elle reste engagée en faveur des droits des minorités dans le cadre de la lutte contre les discriminations.  L’Union européenne, qui reconnaît l’importance de l’échange entre États Membres de bonnes pratiques relatives aux apatrides, aimerait savoir quelles sont les exigences qui conditionnent l’octroi de la nationalité et qui constituent des discriminations. 

L’Espagne a exprimé son inquiétude face à la situation des minorités qui sont apatrides.  Les États ne peuvent nier ou priver de manière arbitraire certaines personnes de leur nationalité, a-t-elle fait valoir, ajoutant que la protection de ces personnes passe par la consolidation de l’état de droit.  Sur ce plan, elle a souhaité savoir quels étaient les mécanismes qui pourraient garantir que le déni de nationalité ne soit pas une discrimination.  L’Autriche a rappelé qu’elle est le principal parrain de la résolution sur les minorités ethniques, linguistiques et autres.  Elle a demandé quels sont les principaux objectifs du forum de cette année sur les minorités et quelles mesures légales permettraient de réduire l’apatridie. 

Le Mexique a souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial sur les mesures supplémentaires que son gouvernement pourrait prendre pour collecter des données à la naissance parmi les communautés isolées et nomades, ce qui permettrait à ces personnes de ne pas avoir à prouver leur nationalité.

L’Iraq a affirmé être l’un des pays les plus divers en termes d’ethnies et de langues.  Il a rappelé que sa Constitution garantit le droit des minorités et que le Parlement iraquien avait adopté, en 2012, une loi garantissant l’enregistrement de ces groupes à la naissance.  De plus, la langue kurde est devenue une langue officielle au même titre que l’arabe car « chacun fait partie de la société iraquienne ».  La République arabe syrienne a rappelé les conséquences destructrices de l’utilisation de terminologies comme « majorité » et « minorité ».  Le rapport ne parle pas des raisons réelles de la perte de citoyenneté imposée à des Syriens, a-t-elle regretté, alors que ces raisons sont connues et sont liées à l’occupation israélienne et aux pays pratiquant le terrorisme.

La Fédération de Russie a mis l’accent sur l’acuité de la question de l’apatridie, du fait que les apatrides sont soumis à plus de discriminations que les autres par le simple fait qu’ils souffrent de la privation de leur citoyenneté.  Elle a dénoncé la création, dans deux États baltes, d’un statut de non-citoyen réservé notamment aux anciens citoyens de l’Union soviétique et à leurs enfants, parlant de « non-sens juridique » et demandant une correction de la situation.  Elle a en outre évoqué la discrimination religieuse à laquelle se livrent les autorités ukrainiennes.

La Lettonie a répondu à la Fédération de Russie que les « non-citoyens » du pays originaires de l’ex-URSS n’étaient pas considérés comme apatrides.  C’est le seul groupe de non-citoyens qui a une résidence permanente en Lettonie et bénéficie des autres privilèges liés à la citoyenneté, si ce n’est qu’il n’a pas le droit de voter et de travailler dans les structures de sécurité du pays.  L’Ukraine a rappelé que, du fait de sa situation historique, beaucoup de minorités vivent dans le pays.  Or les minorités nationales sont touchées par l’agression russe.  En outre, l’Ukraine fait de l’éducation une priorité de développement, comme en atteste la réforme de 2017, laquelle vise à la transformation du système éducatif de façon novatrice et inclusive, notamment à l’égard des minorités.  En travaillant dans la langue officielle –l’ukrainien-, on permettra aux Ukrainiens d’origine hongroise de participer aux structures de l’État, a fait valoir la délégation. 

La Hongrie a déclaré partager les préoccupations du Rapporteur spécial sur l’apatridie.  Elle juge essentiel de fournir aux minorités des droits collectifs et de protéger leurs droits communautaires.  Elle s’est par ailleurs déclarée inquiète par la discrimination à l’encontre des minorités religieuses et par le déni du droit à l’éducation des minorités dans leur langue.  C’est pourquoi la Hongrie est préoccupée par la loi ukrainienne limitant les droits des minorités en la matière et aimerait savoir quel aspect du mandat du Rapporteur spécial vise à réagir à ce problème.  

La Slovénie -pays visité par M. de Varennes- a déclaré distinguer les minorités historiques et les communautés migrantes, dispersées sur le territoire.  À ce sujet, elle a voulu savoir comment le Gouvernement devrait prendre en considération les différences qui existent entre ces groupes de communautés.  Elle a aussi demandé à M. de Varennes d’indiquer les bonnes pratiques rencontrées à cet égard.  Le Cameroun s’est présenté comme une « mosaïque de peuples et de cultures ».  Maintenir la cohésion entre toutes ces composantes est un défi que relève le Gouvernement.  Le Cameroun, qui a remercié le Rapporteur spécial de la demande de visite, a lui aussi souhaité obtenir des exemples de bonnes pratiques dans la gestion des minorités linguistiques quand elles se mêlent aux minorités ethniques. 

Le Myanmar a dit compter sur son territoire 135 groupes ethniques minoritaires, assurant faire de leur protection une priorité.  Exprimant son opposition à la terminologie de « minorité rohingya », il a dit partager la préoccupation du Rapporteur spécial sur la situation dans l’État rakhine.  Compte tenu de la complexité de cette situation, le Gouvernement a mis le développement au centre des solutions, notamment en émettant des cartes de citoyenneté.  Si le Myanmar reconnaît que l’apatridie peut être la cause de migrations, il rappelle que l’octroi de la nationalité relève de la décision souveraine des États. 

L’Inde a réagi aux références faites au pays par le Rapporteur spécial, en affirmant que les minorités jouissaient en Inde d’une série de sauvegardes prévues par la Constitution.  Actuellement en préparation, le projet de registre est régi par la loi sur la citoyenneté, a ajouté la délégation, décrivant ce processus comme « transparent, avec des possibilités égales pour tous ».

Réponses

Dans ses réponses, M. FERNAND DE VARENNES a d’abord rappelé que l’absence de discriminations était un droit fondamental des membres des minorités.  Dès lors, la question de la nationalité ne peut être simplement une prérogative des États: elle doit aussi être conforme au droit international des droits de l’homme.  L’apatridie est la situation dans laquelle se trouve une personne qui n’a pas de citoyenneté, a-t-il rappelé, elle ne doit pas être une question d’appartenance à une minorité.

Sur l’éducation et les langues des minorités, le Rapporteur spécial a rappelé que, dans son rapport précédent publié en 2017, il avait identifié ces deux points comme étant des priorités de son mandat.  Il a précisé que, jusqu’à l’an dernier, il ne s’était pas occupé des minorités linguistiques mais que, depuis lors, il avait élaboré les premières directives pratiques sur le droit des minorités à l’éducation et à leurs langues. 

Concernant les bonnes pratiques, le Rapporteur spécial a noté que certains pays avaient de très bonnes pratiques sur les minorités linguistiques notamment le Canada, où le français est la langue d’une minorité linguistique mais aussi une des deux langues officielles, avec l’anglais.

Enfin, M. de Varennes a rappelé que les questions relatives aux minorités religieuses et à la propagande haineuse via les médias sociaux étaient d’autres thèmes prioritaires de son mandat, de même que la prévention des conflits ethniques.

Concluant sur l’importance de la protection des droits humains des minorités, le Rapporteur spécial a estimé que la prévention des conflits concernait en particulier les minorités religieuses, ces mêmes minorités qui étaient visées par la propagande haineuse sur les médias sociaux. 

Déclaration liminaire

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a rappelé que 20 ans ont passé depuis l’adoption par l’Assemblée générale de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, et malgré son rôle positif, il n’en demeure pas moins que ce sont plus de 3 500 défenseurs qui ont été assassinés et autant de familles ravagées.  Encore ce bilan ne tient-il pas compte des centaines de milliers d’autres personnes bafouées dans leur dignité, attaquées, calomniées ou encore emprisonnées injustement, a ajouté le Rapporteur spécial.  Si des avancées ont été réelles, elles n’ont pourtant pas été suffisantes pour enrayer un panorama aujourd’hui « alarmant » pour les militants des droits humains, a poursuivi M. Forst, expliquant ainsi le thème choisi pour son rapport, cette année, qui tente d’évaluer la mise en œuvre de la Déclaration sur la base d’une enquête mondiale couvrant 140 États.

Ces dernières années, la situation des défenseurs des droits de l’homme s’est dégradée, partout dans le monde, s’est alarmé M. Forst, qui s’est dit « plus que jamais préoccupé ».  En effet, a-t-il poursuivi, depuis plus de quatre ans, et en poursuivant le travail amorcé par ses deux prédécesseurs, il n’a eu de cesse d’alerter sur les attaques grandissantes perpétrées contre les défenseurs des droits de l’homme.  Il s’est notamment élevé contre les « initiatives sournoises visant à critiquer la légitimité des défenseurs, à multiplier les législations pour entraver l’action de la société civile et à remettre en question l’existence même de ce mandat ».  Pire!  Même des États qui semblaient jusque-là épargnés « sombrent progressivement dans les abîmes de l’autoritarisme », a-t-il dénoncé.

Ce rapport doit être l’occasion de « nous interroger, vous interroger, vous les États Membres » des Nations Unies sur ce que « nous n’avons pas réussi à faire ou à mieux faire » depuis 20 ans et à répondre à des questions dont on ne peut faire l’économie, a poursuivi le Rapporteur spécial.  Les questions sont les suivantes: « Comment déconstruire les discours portés par des autoritarismes décomplexés?  Comment s’attaquer aux causes profondes, systémiques qui sont le terreau des attaques perpétrées contre les défenseurs? »  Et enfin, « Comment s’assurer que les engagements forts pris par les États à New York, il y a 20 ans, ne soient pas une coquille vide? »

En attendant, M. Forst a attiré l’attention des États sur les deux annexes qui accompagnent son rapport.  L’une est une « tentative pour imaginer l’avenir » dans les 20 années à venir et l’autre préfigure un prochain rapport qui sera rendu public en fin d’année, a-t-il expliqué.  Ce dernier couvrira la situation des défenseurs des droits de l’homme, avec une rentrée par pays.  Quelque 140 pays sont concernés. 

Pour finir, M. Forst a salué les Gouvernements du Honduras et de la République de Moldova pour leur coopération lors de sa visite officielle et la Colombie pour son invitation à se rendre dans ce pays.  Il a dit espérer que le début de dialogue avec la République démocratique du Congo et la requête envoyée au Gouvernement de l’Afrique du Sud puissent se matérialiser par des visites en 2019.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Michel Forst, l’Espagne a souligné que la protection des défenseurs des droits de l’homme figurait parmi ses engagements en tant que membre du Conseil des droits de l’homme.  Elle a souhaité savoir quelles sont les mesures jugées efficaces pour lutter contre les conséquences négatives pour les défenseurs qui collaborent avec le mandat du Rapporteur spécial.  Plus largement, l’Union européenne, qui a rappelé son engagement en faveur des droits des défenseurs des droits de l’homme, a demandé des exemples de bonnes pratiques des États pour protéger les défenseurs de droits et s’en prendre aux activités visant à limiter leur action.  La Slovénie a rappelé que toutes les parties prenantes avaient élaboré des lois de protection pour les défenseurs et que, pourtant, ces derniers courent encore de grands risques dans de nombreuses régions du monde.  Dès lors, comment faire en sorte que les défenseurs puissent mener leurs activités sans crainte et que l’on lutte mieux contre l’impunité, si l’État refuse de coopérer?  La Belgique, elle aussi, a noté que beaucoup restait à faire pour créer un environnement sûr pour les défenseurs des droits de l’homme avec un débat libre.

Pour la France, il faut tout faire pour que les principes de la Déclaration de 1998 permettent aux défenseurs des droits de mener librement leurs activités.  Il faut aussi lutter contre les discriminations dont les défenseurs sont victimes, notamment les femmes, ainsi que contre toutes les pratiques du musèlement, qui peuvent aller jusqu’à l’assassinat.  La France rappelle qu’une réunion consacrée aux défenseurs se tiendra, à Paris, du 29 au 31 octobre.  Qu’attend le Rapporteur spécial du Sommet de Paris, a demandé la Suisse, qui a noté que M. Forst s’était prononcé en faveur de la production de récits positifs et valorisants de la défense des droits de l’homme et a demandé quel serait le meilleur moyen d’y parvenir.

La République tchèque a rappelé que chaque jour, une personne est tuée en défendant les droits des autres.  Réaffirmant son soutien à ces défenseurs, elle a estimé que l’introduction de lignes directrices pourrait servir d’outil au renforcement de la coopération.  Elle a demandé au Rapporteur spécial comment ces outils pourraient dépasser les limites d’une région.  Le Liechtenstein, qui est préoccupé la diminution constante de l’espace réservé aux défenseurs des droits de l’homme, a voulu connaître les recommandations du Rapporteur spécial.  Ce sont des recommandations portant sur la défense des défenseurs des droits de l’homme en ligne que l’Estonie a, pour sa part, demandée au Rapporteur, tout en appelant une vigilance continue pour que les défenseurs puissent participer aux échanges internationaux sans crainte de représailles.

Le Canada a noté les progrès accomplis en 20 ans.  Mais, a-t-il demandé, alors que les représentants des États critiquent de plus en plus les défenseurs des droits de l’homme et, en dépit des efforts de la société civile pour faire reconnaître leurs droits, comment la communauté internationale peut-elle offrir un recours aux défenseurs victimes de violation commise par des États censés les protéger?

La Pologne, qui a rappelé avoir connu un régime communiste oppressif, a affirmé accorder une grande importance au travail des défenseurs des droits de l’homme.  Elle a demandé quelles mesures pratiques pourraient être prises par la communauté internationale pour encourager les États Membres à consolider leur législation en la matière.  Consciente du rôle central des défenseurs des droits dans la protection des droits de l’homme, l’Irlande a rappelé que plus de 1 000 de ces défenseurs avaient payé leur action de leur vie et que de nombreux autres faisaient l’objet de représailles.  Elle a demandé au Rapporteur spécial s’il y a eu des évolutions dans ce domaine cette dernière année.  À cet égard, la Norvège a dit attendre le rapport mondial sur les défenseurs des droits de l’homme, qui sera présenté en décembre.

Pour l’Islande, les politiques des gouvernements ne doivent pas entraver l’action des défenseurs des droits de l’homme.  Or ces derniers font l’objet d’attaques et de menaces, notamment dans le domaine de l’environnement.  Est-ce qu’une nouvelle approche est nécessaire pour améliorer la protection de ces défenseurs, a-t-elle demandé.

L’Australie a souligné qu’en vertu de la Déclaration, tous les défenseurs de droits devaient être protégés, et a mis l’accent sur les droits des défenseurs des droits de l’homme des autochtones et des femmes, qui figurent parmi les groupes les plus vulnérables.  Elle a encouragé le Rapporteur spécial à poursuivre son travail avec les organes conventionnels et les organes des Nations Unies. 

Pour le Mexique, la Déclaration a constitué un changement de paradigme fondamental pour les défenseurs des droits de l’homme.  Renouvelant son engagement en faveur de la protection de ces personnes, il a estimé que tous les États devaient créer un environnement sûr et propice au travail des défenseurs.  La Colombie a rappelé le rôle des défenseurs des droits de l’homme, indispensable selon elle à la réalisation pleine et entière des droits visés par la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Elle a rappelé qu’elle avait instauré un nouveau système de prévention et d’alerte précoce pour protéger ces personnes et s’est dite impatiente d’accueillir le Rapporteur spécial.

Les Émirats arabes unis ont réaffirmé leur engagement en faveur de la protection des défenseurs, notamment pour répondre aux exigences du bien-être de la société.  Ils se sont déclarés prêts à travailler avec les parties prenantes sur la question fondamentale des défenseurs des droits.

Les États-Unis se sont dits préoccupés par les violations des droits des défenseurs, notamment par la détention de plusieurs d’entre eux au Bahreïn, au Cameroun, en Chine, en Égypte, à Cuba, au Nicaragua, en Fédération de Russie, au Soudan du Sud, en Syrie, au Tadjikistan et au Venezuela.  Ils ont exhorté ces Gouvernements à mener des enquêtes crédibles sur ces cas.

La Fédération de Russie a noté que le rapport du Rapporteur spécial fait état d’obligations liées à la Déclaration, un texte qui n’est pas juridiquement contraignant.  Elle a reproché au Rapporteur spécial de vouloir soustraire les défenseurs des droits à la juridiction nationale applicable sur le territoire où ils agissent.  Elle a cependant estimé, comme M. Forst, que toute poursuite de personne coopérant avec l’ONU devait être condamnée.

La Chine, qui croit à l’égalité de tous devant la loi, estime que les défenseurs des droits ne devraient pas se voir accorder de droits spéciaux.  Ceux qui commettent des actions criminelles en affirmant défendre les droits doivent être traduits en justice.  La Chine a en outre dénoncé comme sans fondement les affirmations de M. Forst sur la façon dont elle s’en prend aux criminels, et a invité les États-Unis à s’occuper des violations des droits commises sur leur propre territoire.  Cuba aussi s’en est prise aux États-Unis, se disant frappée par la façon dont ce pays prétend défendre les défenseurs des droits alors qu’il est impliqué dans les pires scandales des droits de l’homme dans le monde entier.  Elle a notamment cité le « blocus criminel » imposé à Cuba par les États-Unis.  En outre, Cuba rejette toute tentative de politisation de cette question, de même que les tentatives visant à présenter des prisonniers comme des défenseurs des droits de l’homme.

Enfin, la République islamique d’Iran s’est déclarée convaincue que la diversité des défenseurs des droits reflète la diversité d’une société, mais estime que ces défenseurs ne doivent pas devenir une plateforme pour certains groupes ou intérêts ayant des visées politiques. 

Réponses

Dans ses réponses, M. MICHEL FORST, a averti que « beaucoup d’entre vous n’allez pas aimer le rapport que je présenterai en décembre parce que vous y trouverez des détails sur les défenseurs des droits dans vos pays… ».  À propos de la réunion de Paris prévue à la fin de ce mois, il a expliqué qu’il ne s’agissait pas de réunir une centaine de défenseurs des droits mais de voir ce qui a été fait en 20 ans pour les protéger.  « Beaucoup a été fait », a-t-il reconnu, ajoutant qu’il s’était rendu dans plus de 25 pays cette année.  Il a en outre dit avoir pensé que l’ONU pourrait faire davantage et a appelé les États Membres à pousser les Nations Unies à adopter une stratégie globale sur la question.

Le Rapporteur spécial a dit vouloir remercier la Fédération de Russie d’avoir rappelé que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme n’était pas un instrument contraignant.  Elle reprend cependant des références claires à des instruments contraignants, a-t-il expliqué, avant de rappeler qu’il s’agissait d’un ensemble de droits auxquels tous les États avaient décidé de souscrire.  La Déclaration n’était peut-être pas contraignante, mais les droits qu’elle contient, eux, le sont.

Rappelant enfin qu’il existe en effet différentes catégories de défenseurs des droits de l’homme et notamment des femmes, M. Forst a conclu en annonçant que son prochain rapport porterait sur les défenseuses des droits de l’homme.

Déclaration liminaire

Mme KARIMA BENNOUNE, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, qui présentait son dernier rapport thématique sur « l’universalité et la diversité culturelle », a regretté que le respect de la diversité culturelle soit menacé par notamment ceux qui cherchent à imposer des identités et des manières d’être monolithiques, ceux-là mêmes qui « défendent diverses formes de suprématie et de discrimination ».

Souvent, la diversité culturelle est encore interprétée à tort comme étant contraire à l’universalité, y compris par certains gouvernements et d’autres acteurs qui en abusent pour excuser des violations des droits de l’homme, et par d’autres qui s’opposent totalement à ce concept, a poursuivi la Rapporteuse spéciale.  Pour Mme Bennoune, l’universalité fait aujourd’hui l’objet d’attaques soutenues de diverses origines, y compris de ceux qui abusent de la culture et des justifications des droits culturels.

Pour la Rapporteuse spéciale, cette situation pose de nombreux défis pour tous les droits de l’homme, y compris les droits culturels.  Pour y faire face, elle a invité à réfléchir à un « renouveau fondamental de l’universalité » pour nourrir la tradition de la Déclaration universelle des droits de l’homme au cours des 70 prochaines années.

Pour Mme Bennoune, « l’universalité n’est pas une arme contre la diversité culturelle et cette dernière n’est certainement pas une arme contre l’universalité ».  Au contraire, les deux principes se renforcent mutuellement.  C’est pourquoi la Rapporteuse spéciale a dit s’inscrire, dans ce monde polarisé, en faveur d’une approche multidirectionnelle sophistiquée. 

Mme Bennoune s’est particulièrement intéressée au sort des femmes, dont les droits culturels régulièrement menacés doivent être défendus avec rigueur, en particulier dans un monde où les femmes sont dénigrées ouvertement, notamment par des dirigeants.  De même, elle a évoqué les faits d’assimilation forcée qui ont parfois été imposés, notamment aux peuples autochtones, aux minorités et aux personnes vivant sous le colonialisme, ainsi que le dédain avec lequel leurs ressources culturelles ont souvent été traitées.

L’universalité concerne la dignité humaine et non l’homogénéité, a plaidé la Rapporteuse spéciale.  Cependant, a-t-elle poursuivi, il est également important de reconnaître la « diversité des diversités », non seulement entre les collectivités humaines, mais aussi au sein de celles-ci.  Ce concept brise le mythe des blocs culturels homogènes et remet en cause le pouvoir de toute personne ou institution d’imposer une interprétation aux ressources culturelles, a fait observer la Rapporteuse spéciale, pour qui il devrait aussi, dans chaque pays, exister des dispositions et des mécanismes pour protéger ceux qui décident de sortir du cadre culturel et religieux.

En conclusion, la Rapporteuse spéciale a invité l’assistance à se joindre à elle pour approfondir la discussion sur ces questions, lors d’un événement parallèle organisé le jour même en présence du prix Nobel de littérature Wole Soyinka.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Karima Bennoune, l’Union européenne a observé que l’universalité des droits de l’homme était aujourd’hui menacée par différents acteurs.  Elle a aussi jugé important de reconnaître et mettre en valeur la diversité culturelle dans le cadre des droits de l’homme.  Mais elle estime aussi qu’il faut éviter d’utiliser la culture pour justifier la violation des droits de l’homme et aimerait l’avis de la Rapporteuse spéciale sur la question de l’éducation aux droits de l’homme.

La Fédération de Russie a jugé « originale » la démarche de Mme Bennoune, estimant contradictoires nombre des idées avancées dans son rapport.  Elle a ainsi dénoncé le parallèle effectué entre les traditions culturelles et les normes universelles et rejeté les positions de la Rapporteuse spéciale sur la légalité des traditions et de l’héritage non matériel.  La Fédération de Russie demande à la Rapporteuse spéciale de ne pas imposer de nouvelles catégories de droits et l’a invitée à travailler dans le strict périmètre du droit international.

Réponses

Dans ses réponses, Mme KARIMA BENNOUNE a expliqué être impatiente de fêter le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, y voyant un moment important pour soutenir l’universalité, d’autant que son propre mandat fêtera ses 10 ans l’année prochaine.

Elle a remercié l’Union européenne pour avoir mis l’accent sur l’éducation aux droits de l’homme, qu’elle juge essentielle à la promotion de l’universalité et la diversité culturelle.  « J’ai été troublée par les discours d’atavisme culturel qui sont devenus populaires dans le monde universitaire, notamment dans le monde anglophone » a–t-elle expliqué, avant d’ajouter que les institutions académiques devraient trouver des moyens de remettre en question ce relativisme.  « L’éducation aux droits de l’homme est importante et devrait être financée à tous les niveaux, que ce soit pour les étudiants et pour le grand public » a-t-elle encore déclaré.  À la Fédération de Russie, la Rapporteuse spéciale a dit avoir de son mandat une vision différente qui se fonde sur des normes internationales.

Abordant la question de la famille, Mme Bennoune a expliqué que cette dernière pouvait jouer un rôle très positif dans les droits de l’homme mais qu’elle pouvait aussi être un lieu de violation des droits de l’homme.  « Ce n’est pas parce qu’elle peut jouer un rôle positif qu’il faut accepter les violations des droits de l’homme qui existent en son sein » a-t-elle affirmé.  Elle s’est en outre dite en accord avec le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme quand il dit que les traditions sont souvent utilisées pour soutenir le statu quo et, donc, maintenir des relations de pouvoir, et que ce sont les plus marginalisés qui ont le plus à perdre d’une approche axée sur les traditions en matière de droits de l’homme.  « La culture évolue avec le temps et, historiquement, à certains endroits et à certaines époques, l’esclavage ou encore la domination était justifiée au nom de valeurs traditionnelles », choses qui sont considérées aujourd’hui comme tout à fait répugnantes, a-t-elle fait observer.  Pour la Rapporteuse spéciale, il existe aussi dans le cadre culturel le droit de faire de nouveaux choix par rapport aux valeurs actuelles et abandonner certaines pratiques.

Déclaration liminaire

Mme YANGHEE LEE, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a entamé son exposé en faisant état d’une « lueur d’espoir » pour que justice soit rendue au peuple du Myanmar.  En septembre, en effet, le Conseil des droits de l’homme, aidé par une note conceptuelle de la Rapporteuse spéciale, a adopté une résolution établissant un nouveau Mécanisme indépendant chargé de collecter, préserver et analyser les preuves des plus graves crimes et violations du droit international commis au Myanmar depuis 2011 et de préparer des procès pénaux équitables.  La résolution, a ajouté Mme Lee, prévoit aussi la création d’un fonds de soutien aux victimes qui ne prouvera son utilité que s’il sert à assurer la subsistance et la quête de justice de ces personnes.

Déplorant que le Gouvernement du Myanmar continue de lui interdire l’accès à son territoire, rendant difficile son évaluation de la situation des droits de l’homme sur place, Mme Lee a émis l’espoir qu’il change de position quant à son mandat et à celui de la Mission d’établissement des faits présidée par M. Marzuki Darusman.  À ses yeux, le refus d’accès est contraire aux engagements pris en faveur d’une transition démocratique, du respect de l’état de droit et de protection des droits humains.  Dans ces conditions, le Gouvernement ne fait pas ce qui est nécessaire pour établir véritablement la paix et la réconciliation, et ne semble pas vouloir enquêter sur les violations des droits de l’homme, a accusé la Rapporteuse spéciale. 

Observant que la défense du Gouvernement consiste à rappeler que sa composante civile n’a pas de contrôle sur sa branche militaire, Mme Lee a indiqué ce n’était qu’en partie vrai, les responsables civils ayant de réels pouvoirs mais choisissant, tacitement ou explicitement, de ne pas en user.  À cet égard, a-t-elle souligné, la Conseillère d’État devrait se souvenir de son long combat pour la démocratie et recourir à toute son influence morale et politique pour mettre un terme aux atrocités, violations et abus commis au Myanmar.

Pour Mme Lee, le Gouvernement pourrait décider de réformes afin de faire cesser le rétrécissement constant de l’espace démocratique.  Au lieu de cela, ses actions et inactions contribuent à une dégradation de la situation.  Des informations font ainsi régulièrement état de poursuites engagées contre des avocats, des journalistes et des militants dans l’exercice de leurs droits et libertés légitimes.  De plus, a constaté la Rapporteuse spéciale, les projets de développement que mène le Gouvernement, parfois avec des investissements étrangers, ont le plus souvent des répercussions négatives sur les communautés locales et l’environnement.

Dans les États kachin et shan, plus de 100 000 personnes restent déplacées depuis 2011, a poursuivi Mme Lee, notant que les accès à l’aide humanitaire, déjà faibles, continuent de se réduire, y compris pour les organisations humanitaires.  À ce sujet, des informations font apparaître que le Gouvernement a le projet de fermer des camps, ce qui est contraire aux normes du droit international.  Dans l’État kachin, les déplacés ont été relogés dans des lieux qu’ils n’ont pas choisis et avec peu de soutien.  Dans l’État rakhine, des personnes qui vivaient dans des camps depuis 2012 auraient récemment été transférées dans des logements neufs à l’intérieur de ces camps alors qu’elles demandaient à rentrer chez elles.  Cette situation semblable à l’apartheid contribue à renforcer la ségrégation des communautés musulmanes, la population de ces camps étant entièrement composée de Kaman et de Rohingya, a encore accusé la Rapporteuse spéciale.

S’agissant des Rohingya, Mme Lee a dit avoir été informée de cas de harcèlement et d’extorsion ainsi que de travail forcé.  De surcroît, la campagne gouvernementale visant à imposer des cartes de vérification nationales aux Rohingya serait au point mort. Or, sans ce document, les populations concernées ne peuvent se déplacer, utiliser l’électricité, commercer ou encore pêcher.

Au total, a souligné la Rapporteuse spéciale, plus d’un million de réfugiés de différentes ethnies et religions vivent dans des conditions précaires au Bangladesh, en Inde et en Thaïlande en raison des persécutions que leur ont fait subir le Gouvernement et l’armée du Myanmar. Si des plans sont mis en œuvre pour les rapatrier, rien n’indique que les lieux où ils rentreraient soient sûrs, a-t-elle mis en garde.  Dans l’État chin frontalier de l’Inde, par exemple, des affrontements continuent d’opposer l’Armée de l’Arakan et l’armée du Myanmar, a-t-elle précisé, faisant également état de heurts à la frontière avec la Thaïlande et dans le nord de l’État rakhine, frontalier du Bangladesh.      

Mme Lee s’est par ailleurs félicitée de la décision de la chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) selon laquelle la CPI pourrait exercer sa juridiction sur les expulsions présumées de Rohingya vers le Bangladesh. Pourtant, en dépit des accusations de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité dans l’État rakhine, et de crimes de guerre et contre l’humanité dans les États shan et kachin, le Gouvernement du Myanmar continue de nier toute responsabilité. De fait, a concédé la Rapporteuse spéciale, les efforts menés au travers de la CPI et du Conseil des droits de l’homme afin d’obtenir une forme de redevabilité pourraient se révéler insuffisants pour combattre l’impunité au Myanmar.

Notant que la mise en place du futur Mécanisme indépendant constitue une étape intérimaire, Mme Lee a estimé que la communauté internationale doit continuer de s’employer à faire traduire devant la CPI les personnes reconnues coupables de crimes graves. Le Conseil de sécurité doit faire montre d’unité et en référer sans délai à la CPI, a-t-elle plaidé, appelant d’autre part l’Assemblée générale à soutenir la mise en œuvre des résolutions du Conseil des droits de l’homme sur le Myanmar.

Pour finir, Mme Lee a jugé intolérable le non-respect par le Myanmar de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, à laquelle il est partie, et des obligations liées aux traités internationaux en matière d’enquêtes et de procès sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

Déclarations

M. POVEDO BRITO (Venezuela), au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé la position de principe du Mouvement, encore réaffirmée en avril 2018 lors de sa dix-huitième Conférence, tenue à Bakou, à savoir que les droits de l’homme sont universels et interdépendants et que cette question doit être traitée par le biais d’une approche constructive et non sous le prisme politique.  Il s’agit de respecter la non-ingérence, l’impartialité, la non-sélectivité et la transparence, a insisté le représentant.  À cet égard, le Mouvement des pays non alignés s’élève contre la sélectivité et l’exploitation des droits de l’homme à des fins politiques.  Il appelle à une plus grand cohérence et complémentarité entre le Conseil des droits de l’homme et la Troisième Commission, afin d’éviter les doubles emplois et les chevauchements.  Dans ce cadre, l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme constitue le mécanisme le plus approprié, dans ce contexte, pour examiner la situation des droits de l’homme dans tous les pays, a conclu le représentant.

M. HAU DO SUAN (Myanmar), au titre de pays concerné, a affirmé que, depuis 1995 et malgré une coopération continue, le Myanmar continuait d’être traité de manière discriminatoire.  Cet examen à la loupe dure depuis 26 ans.  Certes, le rapport fait mention des efforts du Gouvernement dans quelques domaines mais il persiste dans sa critique sur la base d’éléments non vérifiés, sans tenir compte des développements dans le pays, a-t-il accusé.  Pour le représentant, le rapport relève d’une volonté non exprimée et d’intentions politiques cachées.  Il a notamment jugé décourageant et contreproductif la demande de la Rapporteuse spéciale de renvoyer à la Cour pénale internationale (CPI) les cas de violations des droits de l’homme.

De telles attitudes ne vont pas entraîner un dialogue constructif entre le Myanmar et les Nations Unies, a poursuivi le représentant, qui a estimé que la Rapporteuse spéciale était allée bien au-delà de son mandat.  Il a toutefois fait part de la détermination de son pays à continuer à coopérer pour montrer notre bonne foi.

Il n’y a pas de solutions miracles, il faut de la patience, a insisté M. Suan, qui s’est élevé contre l’imposition de programmes de l’étranger, affirmant que cela ne faciliterait pas le processus.  Il a cité la coopération de son pays avec divers représentants du Secrétaire général et avec l’ONU en général, affirmant que ce genre de relations constituait la pierre angulaire de la politique étrangère de son pays.  Il a aussi évoqué des « efforts concrets » pour faire face à la question de l’État rakhine, rendant responsable de l’actuelle situation l’héritage colonial.

Le représentant a également abordé la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante nationale qui, a-t-il assuré, va s’acquitter de son mandat en toute transparence.  Il a parlé des efforts menés sur le plan national pour encourager la paix et la réconciliation nationale, indiquant pour finir que l’établissement d’une Union fédérale et le parachèvement des normes démocratiques était le but ultime du Gouvernement de son pays.  En dépit des défis, le Gouvernement du Myanmar œuvre à établir cette union basée sur la démocratie et le fédéralisme pour le bénéfice de tous ses citoyens, a conclu M. Suan.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Yanghee Lee, plusieurs délégations, telles que le Burundi, Cuba, ou encore la République populaire démocratique de Corée (RPDC), ont réitéré leur opposition permanente au rapport de pays qui « ne sont pas objectifs » et ont dénoncé la sélectivité des procédures des Rapporteurs spéciaux.  La République démocratique populaire lao a ainsi insisté sur le fait que l’Examen périodique universel était la seule voie à suivre en matière de droits de l’homme.  La Chine a, quant à elle, appelé à respecter la souveraineté du pays et a lui fournir une assistance constructive.

Le Bangladesh a déploré que la Rapporteuse spéciale n’ait pas eu accès au Myanmar et que, malgré la volonté du Bangladesh, il soit très difficile de commencer le processus de rapatriement des Rohingya, à moins que des efforts significatifs soient fournis pour traiter des racines de leurs mauvais traitements.  Autre pays d’accueil des Rohingya, la Malaisie a déploré les conséquences à long terme de cette crise, qui « affecte toute la région » et a jugé nécessaire de mobiliser des mécanismes internationaux pour mettre les auteurs de crimes devant les tribunaux.  Le Japon a déclaré partager les préoccupations de la communauté internationale, alors que la République de Corée se disait préoccupée par la lenteur des progrès sur le terrain et rappelait la nécessité de créer des conditions pour le retour digne des personnes déplacées chez elle.

Un grand nombre de délégations occidentales, telles que la Suisse, les États-Unis, l’Union européenne ou la Norvège, se sont inquiétées de la situation sur place et ont déploré qu’après les progrès de ces dernières années le Myanmar connaisse un rétrécissement de son espace démocratique.

D’autres délégations ont particulièrement insisté sur la liberté de la presse et l’emprisonnement des journalistes sur le terrain, telles que les États-Unis, l’Allemagne, la République tchèque et l’Australie. 

Le Royaume-Uni a, pour sa part, demandé comment encourager la participation au niveau national.  L’Irlande a demandé à la Rapporteuse spéciale ce qui pouvait être fait pour faire face aux risques sur le long terme.  Enfin, le Canada a demandé à Mme Lee dans quels domaines avaient été réalisés les plus grands progrès et enregistrés les revers les plus significatifs.

Réponses

Dans ses réponses, Mme YANGHEE LEE a évoqué tout d’abord les progrès réalisés dans les domaines du développement économique, au niveau des infrastructures, avec beaucoup d’amélioration au niveau de la santé et de l’éducation avec la possibilité d’accès aux élèves vivant dans les régions éloignées.  S’agissant des points négatifs, la Rapporteuse spéciale a cité l’espace démocratique, la liberté d’expression, des médias, et de réunion.  Ce sont là des domaines qui nécessitent beaucoup d’amélioration.

Face aux discours de haine, Mme Lee a préconisé un cadre législatif très ferme: il faut respecter le Plan d’action de Rabat, a-t-elle insisté à cet égard.  S’agissant de la Commission nationale d’enquête mise en place au Myanmar, elle a appelé à travailler sur le plan national en faveur de solutions sur le plus long terme.

Quant à savoir ce qui peut être fait de plus, la Rapporteuse spéciale a cité, en premier lieu, un soutien au Bangladesh, qui a été « extrêmement généreux » avec les réfugiés.  Il faut que les promesses entendues ici soient suivies d’effet, a insisté Mme Lee, qui a appelé les donateurs à honorer leurs promesses.  Pour appuyer les réformes et réagir à l’injustice, elle a considéré la création du Mécanisme indépendant décidé par le Conseil des droits de l’homme comme un premier pas.  Les auteurs de crimes graves doivent être poursuivis et la Rapporteuse spéciale a appelé le Conseil de sécurité à référer ces questions à la Cour pénale internationale (CPI).  Si le Conseil de sécurité ne parvient pas à s’entendre sur une telle mesure, la communauté internationale doit envisager la création d’un tribunal ad hoc, a-t-elle conclu.

Déclaration liminaire

M. MARZUKI DARUSMAN, Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, a rappelé que son organe avait été mandaté par le Conseil des droits de l’homme pour établir les faits et les circonstances des récentes allégations de violations et abus des droits de l’homme au Myanmar, et ce, afin d’assurer la redevabilité des auteurs et la justice pour les victimes.

Le rapport de la Mission, qui compte 444 pages, montre le mépris flagrant de l’armée du Myanmar, connue sous le nom de « Tatmadaw », pour la vie et la dignité humaine et pour le droit international en général, a accusé M. Darusman.  Il présente des tendances atroces de violations des droits de l’homme infligées non seulement aux Rohingya mais aussi à l’ethnie rakhine, aux musulmans Kaman, aux minorités ethniques et religieuses dans les États kachin et shan et, entre autres, aux défendeurs des droits bamar.  Il montre que ces violations sont liées aux pratiques et tactiques du Tatmadaw, qui encouragent et permettent les attaques de civils et le viol de femmes et de filles.  Il analyse comment les chefs sont en charge de ces violations et comment ils ont pu agir en toute impunité.  M. Darusman a de plus expliqué que son rapport était basé sur une enquête d’une année, en accord avec les principes d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité. 

M. Darusman a ensuite expliqué que les Rohingya avaient toujours été et étaient encore sujets à des traitements particulièrement brutaux, et que c’étaient les « opérations de déminage » du Tatmadaw qui avaient provoqué l’exode de masse des Rohingya vers le Bangladesh.  Des pratiques d’un tel niveau de violence ne peuvent se comprendre sans le contexte des politiques et pratiques de l’État du Myanmar depuis des décennies, qui ont mené à la constante marginalisation des Rohingya et à l’ostracisme à leur égard, a poursuivi le Président de la Mission.

Ces politiques, a expliqué M. Darusman, ont abouti à l’institutionnalisation d’un système d’oppression affectant la vie des Rohingya de leur naissance à leur mort, ce qui a entraîné une diminution de la population.  Ce système existe toujours et les Rohingya encore présents dans le pays ne sont pas en sécurité, a-t-il poursuivi.  De même, imposer un « retour des Rohingya dans le pays pour faire face aux mêmes conditions qu’ils ont fuies serait les contraindre à revivre les mêmes souffrances », a-t-il averti.

M. Darusman a en outre répété que les violations des droits de l’homme au Myanmar n’étaient pas limitées à l’État rakhine et que ses investigations dans les États kachin et shan avaient mis en lumière des tendances similaires.

Et maintenant que faire? s’est interrogé le Président.  L’impunité a détruit le pays et fait dérailler toutes les tentatives de réformes démocratiques, a-t-il déploré.  Pour M. Darusman, une responsabilisation au sens large permettrait la transformation du pays en une société basée sur l’état de droit, l’égalité, la non-discrimination et le respect des droits de l’homme.

Déclaration

Au titre de pays concerné, M. YE MINN THEIN (Myanmar) a déclaré que le rapport de la mission d’enquête reposait sur la base de discours importés qui ne pourront qu’accroître les tensions et faire obstacle sur le chemin de la paix.  C’est un rapport biaisé, basé sur des groupes qui ont leur propre objectif, a accusé le représentant.  Pour le Myanmar, la « crise humanitaire » a été provoquée par l’attaque préméditée du groupe terroriste Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA) à l’encontre des postes de police en août 2017.  La Mission a ignoré ces attaques terroristes, a-t-il déploré.

Le Gouvernement du Myanmar, quant à lui, est déterminé à lutter contre les violations des droits de l’homme dans l’État rakhine ou dans tout autre lieu dans le pays.  « Nous prendrons les mesures adéquates contre tout auteur en cas de preuves évidentes.  Il n’y aura pas d’impunité », a assuré le représentant.  Cependant, la délégation rejette de façon catégorique la référence à « l’intention de génocide » appliquée aux actions légitimes de lutte contre le terrorisme menées par les forces de sécurité dans l’État rakhine.  Les conclusions de la Mission sont fondées sur des preuves invérifiées et sans aucun fondement, a-t-il conclu.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Marzuki Darusman, de nombreuses délégations, dont les États-Unis, l’Islande, la République tchèque ou encore l’Australie -qui a expliqué avoir imposé des sanctions financières à la République populaire démocratique de Corée (RPDC)- ont appelé à mettre un terme à l’impunité et à traduire en justice les auteurs des violations des droits de l’homme.  L’Arabie saoudite s’est en particulier préoccupée des discriminations qui touchent les communautés musulmanes du pays.

Les pays de la région ont notamment insisté sur la nécessite de garantir un retour des réfugiés, à l’image de la Thaïlande, de l’Indonésie, de Singapour et du Bangladesh, lequel a en outre demandé la mise en place d’un fonds d’affectation spéciale pour les victimes.  Les Philippines ont félicité le Bangladesh pour son hospitalité.  Le Japon a, quant à lui, insisté sur l’importance pour le Myanmar de procéder aux enquêtes lui-même.

D’autres délégations, majoritairement occidentales, ont demandé à ce que le dossier soit renvoyé devant la Cour pénale internationale (CPI), qui s’est déclarée compétente pour enquêter sur les crimes commis au Myanmar et notamment ceux de déportations forcées.  Sont intervenues en ce sens l’Allemagne, la France ou encore le Liechtenstein.  L’Union européenne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont en outre fait référence au nouveau Mécanisme décidé, en septembre, par le Conseil des droits de l’homme et ont appelé à sa mise en œuvre.

La Fédération de Russie a en revanche dénoncé le rapport et déploré que les informations qu’il contient soient basées sur une seule catégorie de sources, ce qui l’empêche d’être objectif.  Elle a regretté que les analyses du rapport ne remontent qu’à 1962 alors même que « les problèmes du Myanmar sont les conséquences du lourd héritage du colonialisme britannique ».

Réponses

Dans ses réponses, M. MARZUKI DARUSMAN a d’abord apporté quelques précisions visant à répondre au représentant du Myanmar, notamment sur le fait que la Mission n’a pas interrogé d’autres groupes ethniques en dehors des camps de Cox’s Bazaar.  Cela est dû au fait, a-t-il expliqué, que la Mission d’établissement des faits s’est vu interdire l’accès au Myanmar.  Cependant, a-t-il insisté, « nous confirmons le contenu du rapport ».

Rappelant que ce n’est pas la première fois qu’un mécanisme mis en place par les Nations Unies se voit interdire l’accès d’un pays, M. Darusman a répété que, sur la base de « notre méthodologie, nous maintenons nos conclusions ».  Il a, en outre indiqué que tout un passage de son rapport avait été consacré à l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA) et qu’avant la publication du rapport, un exemplaire avait été remis à la Mission du Myanmar à Genève pour qu’elle réagisse.  Cela n’a entraîné aucune réaction de la part de cette délégation, a précisé M. Darusman.

Quant à la question d’être patient ou non, la patience et la confiance en toute impunité sont dangereuses, a poursuivi le Président de la Mission.  Le délégué du Myanmar a déclaré que la surveillance durait depuis 20 ans, mais pourquoi cela dure-t-il depuis si longtemps? s’est interrogé M. Darusman.  Il y a eu huit variétés de commissions d’enquête sur le Myanmar, seul pays à en avoir connu autant, mais aucune n’a pu se rendre sur place.  Pour la Mission, la patience n’est pas la solution pour régler le problème du Myanmar.

M. Darusman a également évoqué le rôle des médias sociaux et l’incitation à la haine.  Il a, en conclusion, souhaité que la communauté internationale reconnaisse l’impératif du principe de responsabilité, avec le renvoi soit à la Cour pénale internationale, soit à un tribunal international.  Pour lui, il est essentiel que la communauté internationale délibère sur la meilleure ligne de conduite à adopter.

Déclaration liminaire

M. TOMAS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), s’est dit bien conscient, au moment de présenter son rapport, de la complexité et des vicissitudes du processus de dénucléarisation en cours, mais n’en a pas moins regretté que la question des droits de l’homme soit restée en dehors de l’ordre du jour du dialogue de haut niveau en cours.  Il s’est dit amer face à l’absence complète de toute référence à cette question lors des 10 mois de discussions.

Alors que la Déclaration de Panmunjom et la déclaration conjointe RPDC-États-Unis disent vouloir promouvoir la paix et la prospérité des peuples de Corée du Sud et du Nord, il n’a été fait mention dans aucune d’entre elles de la situation des droits de l’homme au Nord, a poursuivi le Rapporteur spécial.  À ce jour, a-t-il regretté, il n’y a eu aucun engagement, ni indication ou stratégie pour traiter cette question délicate.

Nul n’est besoin de rappeler à la communauté internationale les résultats de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en RPDC établie par les Nations Unies en 2014, qui a fait état de graves violations des droits de l’homme, y compris la liberté d’expression, la discrimination, l’absence de liberté de mouvement, du droit à la nourriture et à la vie, a poursuivi M. Quintana, qui a également rappelé les détentions arbitraires, tortures, exécutions et disparitions forcées menées dans d’autres pays.

 Aujourd’hui, a déploré M. Quintana, « nous devons faire face à l’amère réalité, qui est que les progrès en matière de situation géopolitique n’ont pas été accompagnés par un changement substantiel en matière de droits de l’homme ».  Alors que le monde est témoin des rencontres entre les dirigeants des deux pays, le peuple de la RPDC continue de souffrir de sévères restrictions en matière de liberté, ainsi que d’insécurité alimentaire chronique, en plus de la pénibilité des conditions de vie, a-t-il dit.

Pour le Rapporteur spécial, parachever la paix, la dénucléarisation et la prospérité doit reposer sur de multiples actions, avec des implications sur les droits de l’homme, y compris l’aide humanitaire, le développement de projets d’infrastructures, les progrès au niveau des libertés.  Tout cela doit aussi s’accompagner d’un défi historique: l’ouverture du pays à la coopération technique en matière de droits de l’homme et la mise en place d’un mécanisme crédible de surveillance.

C’est pourquoi, et sur la base du rapprochement actuel, M. Quintana a exhorté à saisir l’opportunité de la reprise des canaux de dialogue sur la paix et la dénucléarisation pour asseoir les bases d’un dialogue sur les droits de l’homme avec le Gouvernement de la RPDC.

Enfin, tout en rappelant que la RPDC lui refusait toujours l’entrée du pays, le Rapporteur spécial a expliqué que sa mission en République de Corée et au Japon lui avait permis de collecter, évaluer et faire des vérifications de la situation dans le pays.  Le Rapport peut ainsi décrire les conditions de vie déplorables et les sévères restrictions à la liberté.  En conclusion, M. Quintana a lancé un appel aux autorités de la RPDC pour leur dire que l’heure est venue d’ouvrir la question des droits de l’homme, pour mettre fin à l’ère de l’isolement et de permettre l’accès du pays. 

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Tomas Ojea Quintana, toutes les délégations ont accueilli favorablement le rapprochement entre les deux Corées.  En revanche, les réactions sur la situation des droits de l’homme en RPDC ont été mitigées.

Parmi les pays de la région, la République de Corée a insisté sur la nécessité de coopérer alors que le Japon qualifiait la situation en RPDC d’unique au monde et appelait au retour des victimes, notamment celles d’enlèvement.  La Chine a, pour sa part, rejeté les propos du Rapporteur spécial concernant les rapatriements forcés de citoyens de la RPDC entrés en Chine, insistant sur le fait que « tous ceux qui sont entrés sur le territoire chinois de manière illégale ne sont pas des réfugiés mais des clandestins ».

La Chine s’est d’ailleurs associée aux délégations qui se sont une fois encore élevées contre la procédure des mandats de pays et ont défendu l’Examen périodique universel comme seul outil d’examen des droits de l’homme valable.  Parmi ces délégations, la Fédération de Russie, la République arabe syrienne, Cuba, le Bélarus, le Burundi, le Myanmar, la République démocratique populaire lao et la République islamique d’Iran ont répété que la responsabilité fondamentale en matière de droits de l’homme reposait sur les États et qu’il était important de respecter la souveraineté de ces derniers.

En revanche, l’Australie, la Norvège, l’Allemagne, les États-Unis, la République tchèque, le Royaume-Uni, l’Argentine et l’Union européenne ont déploré les violations des droits de l’homme et de la liberté d’expression et se sont dits inquiets.  L’Union européenne a également demandé au Rapporteur spécial si l’évolution actuelle des relations intercoréennes pouvait avoir une incidence sur les droits de l’homme et comment on pouvait utiliser l’Examen périodique universel pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays.

Réponses

Dans ses réponses, M. TOMAS OJEA QUINTANA a d’abord jugé regrettable l’absence du représentant de la RPDC à l’occasion de ce dialogue, alors qu’un processus est enclenché dans le cadre de pourparlers de paix et du rapprochement entre la République de Corée et la RPDC, qui ouvre de nombreuses possibilités.  Il a formé le vœu que l’année prochaine, « nous pourrions bénéficier de sa présence et engager un dialogue constructif ».

S’agissant des possibilités qu’offre le processus en cours, M. Quintana a appelé à mettre en œuvre toute l’ingéniosité nécessaire à travers la formulation de propositions concrètes, notamment à l’occasion des nombreux projets d’infrastructures qui seront lancés et qui toucheront divers secteurs, comme le développement économique, les routes ou le tourisme.  Ces initiatives auront une incidence très forte sur les droits de l’homme en RPDC, notamment sur les travailleurs, en particulier les femmes.  Dès lors, a suggéré M. Quintana, il faut proposer aux parties des stratégies concrètes.

Concernant les visites de titulaires de mandats de procédures spéciales en RPDC, M. Quintana a rappelé qu’à ce jour, le Gouvernement avait refusé quelque contact que ce soit avec le Rapporteur spécial aussi bien ici à New York qu’à Genève.  Mais il s’est dit déterminé à créer un espace de dialogue.  Quant à la responsabilisation et à la lutte contre l’impunité, ce sont des concepts qui sont au centre des travaux de la Troisième Commission et il faut les transcrire dans la réalité.  Au Burundi, qui avait souligné la priorité de s’occuper d’abord des problèmes politiques et ensuite de la question des droits de l’homme, il a dit ne pas être d’accord avec cette approche, car, selon lui, le traitement doit se faire de « manière simultanée ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Quatrième Commission: les délégations insistent sur l’importance de l’espace pour le développement durable

Soixante-treizième session,
13e séance – après-midi
CPSD/673

Quatrième Commission: les délégations insistent sur l’importance de l’espace pour le développement durable

La Quatrième Commission (questions de politiques spéciales et décolonisation), a entamé, cet après-midi, l’examen de la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace, l’occasion pour de nombreuses délégations d’attirer l’attention sur le succès d’UNISPACE+50, mais aussi d’insister sur le potentiel que recèle l’espace pour le développement durable

En ouverture du débat, les délégations ont également entendu la Présidente du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), souligner que le Programme 2030 est étroitement lié à la perspective plus large de la sécurité de l’espace.  « Le développement mondial continue de dépendre de l’utilisation d’outils spatiaux, ce qui suppose la viabilité à long terme des activités spatiales et de l’environnement spatial lui-même », a notamment expliqué Mme Rosa María Ramírez de Arellano y Haro.

De nombreuses délégations, dont la Suisse, ont rendu hommage au Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE +50) qui s’est tenue en juin dernier.  La Chine a notamment estimé que celle-ci avait constitué une étape cruciale pour la coopération internationale sur un usage pacifique de l’espace, tandis que la Présidente du COPUOS s’est félicitée du fait que cette Conférence avait fait avancer les discussions sur la formulation de nouvelles orientations concernant la gouvernance mondiale des activités spatiales. 

La Suisse a rappelé que le projet de résolution adopté à l’issue d’UNISPACCE+50 sera présenté, ce vendredi, à l’Assemblée générale, un texte qui, a expliqué la délégation, met en exergue l’importante contribution des technologies spatiales à la résolution des défis globaux et promeut le renforcement de la coopération internationale.  Il donne également au Comité des Nations Unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique le mandat de développer un programme « Espace 2030 ».

La Chine a toutefois regretté qu’aucun accord n’a pu aboutir à l’issue des activités du Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales qui a achevé son mandat en juin en arrêtant un préambule et 21 recommandations.  Même son de cloche du côté de la Fédération de Russie qui a de plus déploré que certaines parties se sont opposées à la proposition russe de proroger d’un an le mandat du Groupe afin de lui permettre d’établir un éventail complet de lignes directrices.

De son côté, l’Union européenne a mis l’accent sur le fait que les activités spatiales et les technologies liées à l’espace permettent de faire face aux défis majeurs tels que les changements climatiques, la gestion des catastrophes, la sécurité alimentaire, le développement des transports et la protection des ressources environnementales.  Elles sont aussi un accélérateur de compétitivité industrielle qui va bien au-delà du secteur de l’espace, et, en conséquence, contribuent à développer l’emploi.

Vantant les capacités de l’Union européenne dans ce domaine, le représentant a insisté sur le système de satellite Galileo et du système Copernic, capables de libérer le potentiel de l’espace en tant que vecteur de croissance.

L’utilité des technologies spatiales pour réduire les risques de catastrophes naturelles a été mise en exergue par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) qui, par la voix de la Thaïlande, a d’ailleurs jugé nécessaire d’accroître le rôle du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) en tant que plateforme pour promouvoir l’assistance technique aux pays en développement.

Convaincue que l’espace extra-atmosphérique ne doit être utilisé qu’à des fins pacifiques, la délégation a par ailleurs demandé qu’une délimitation claire soit définie, pas seulement pour clarifier la limite entre l’espace aérien et l’espace extra-atmosphérique, mais surtout dans la perspective de bénéficier d’un solide cadre juridique spatial.  Elle a aussi souhaité qu’un accès égalitaire à l’orbite géostationnaire soit accordé aux satellites, spécialement pour les pays en développement.

Lui emboitant le pas, l’Afrique du Sud a d’ailleurs souligné que les bénéfices de l’espace extra-atmosphérique devaient être partagés entre tous les États, quel que soit leur niveau de développement scientifique, technique et économique, et pas seulement entre puissances spatiales.

Pour la Chine, l’exploration spatiale et l’utilisation des ressources constituant des activités nouvelles, les règles internationales méritent d’ailleurs d’être progressivement ajustées dans le cadre du Traité sur l’espace extra-atmosphérique et doivent faire la part entre les progrès technique et scientifique et le besoin de réguler toute exploitation commerciale, dont le partage des bénéfices. 

L’Argentine a aussi demandé que soient pris en compte les risques inhérents à l’exploitation spatiale comme la saturation de l’orbite géostationnaire, les débris, l’emploi de l’énergie nucléaire et l’envoi d’armes dans l’espace extra-atmosphérique.  La Fédération de Russie a regretté que la discussion sur la gestion de la circulation dans l’espace soit politisée et a jugé urgent de procéder à des évaluations convergentes de ces engins, mettant toutefois en garde contre les solutions imparfaites qui pourraient rompre l’équilibre dans l’espace.

La République populaire démocratique de Corée est également intervenue pour vivement dénoncer le fait qu’aucun de ses experts n’aient pu assister aux conférences organisées par le Bureau des affaires spatiales des Nations Unies en raison du « comportement immoral et outrageant » du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1718 (2006) qui a par ailleurs « obstinément refusé nos lancements de satellites pacifiques ».

La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 24 octobre, à partir de 15 heures.

COOPÉRATION INTERNATIONALE TOUCHANT LES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L’ESPACE

Déclaration liminaire

La Présidente du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), Mme ROSA MARÍA RAMÍREZ DE ARELLANO Y HARO (Mexique), a indiqué que le rapport COPUOS sur les travaux de sa soixante et unième session, contenu dans le document A/73/20, donne un aperçu complet des travaux du Comité et de ses organes subsidiaires au cours de cette année.  Au sein du Groupe de travail plénier de la Quatrième Commission, elle présentera le projet de résolution générale concernant les travaux du Comité et de ses deux sous-comités.

Elle a souhaité la bienvenue au Bahreïn, au Danemark et à la Norvège au sein du Comité, qui compte désormais 87 États membres, ainsi qu’à la Fondation européenne de la science, représentée par le Comité européen pour la science spatiale, et à UNISEC-Global, l’observateur permanent le plus récent.  L’augmentation du nombre de membres du Comité témoigne, selon elle, de l’importance que la communauté internationale attache à la coopération internationale dans le domaine des activités spatiales.  Elle montre également clairement le rôle essentiel que joue le Comité en tant que plateforme unique pour la gouvernance mondiale des activités spatiales et le maintien de l’espace à des fins pacifiques.

Le Comité et ses sous-comités poursuivent leurs travaux en vue de parvenir à un consensus sur un certain nombre de sujets importants et délicats relatifs à la gouvernance mondiale des activités spatiales, ainsi qu’à la sûreté, la sécurité et la durabilité des activités spatiales, y compris les activités spatiales actuelles et émergentes qui, a-t-elle souligné, revêtent une importance fondamentale pour les pays émergents, les puissances spatiales et les pays en développement.  

Elle a rappelé que cette année marque le cinquantième anniversaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, aussi appelée UNISPACE+50.  Cette Conférence, a-t-elle indiqué, a fait avancer les discussions sur la formulation de nouvelles orientations concernant la gouvernance mondiale des activités spatiales.  UNISPACE+50 appuie également les efforts plus larges du Secrétaire général visant à engager le dialogue avec les États Membres afin de renforcer l’action de l’ONU.  Il vise notamment à renforcer la contribution de l’espace à la réalisation des buts et objectifs du Programme de développement durable à l'horizon 2030 par le biais d’une approche intersectorielle unique des sciences spatiales, de la technologie, des politiques et du droit, ainsi que l’élaboration du programme « Espace 2030 ».  

En effet, a-t-elle fait observer, le Programme 2030 est étroitement lié à la perspective plus large de la sécurité de l’espace.  Le développement mondial continue de dépendre de l’utilisation d’outils spatiaux, ce qui suppose la durabilité à long terme des activités spatiales et de l’environnement spatial lui-même, a expliqué l’intervenante.  Elle a affirmé que les travaux à venir visant à établir le programme « Espace 2030 » sont essentiels pour réaliser le Programme 2030 et pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Les relations réciproques et le dialogue entre les grandes puissances spatiales et les puissances émergentes constituent des conditions préalables fondamentales à la satisfaction de ces exigences, a-t-elle conclu.   

Débat général

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a souhaité que la coopération internationale soit renforcée pour ce qui a trait à l’exploration spatiale et les usages pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.  Elle a aussi jugé nécessaire d’accroître le rôle du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) en tant que plateforme pour promouvoir l’assistance technique aux pays de développement.  Concernant le Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence (UN-SPIDER), elle a également demandé qu’il soit renforcé en même temps que les centres régionaux pour la science et les technologies spatiales.  Plus globalement, la déléguée a finalement appelé à réduire le fossé technologique entre les pays.

Mme Krisnamurthi a ajouté qu’en raison des catastrophes naturelles qui frappent l’Asie du Sud-Est, l’ASEAN prend très au sérieux l’utilité des technologies spatiales pour réduire les risques et mieux se préparer.  Ces technologies, a-t-il précisé, permettent d’améliorer les systèmes d’alerte et les opérations de secours et donc de sauver plus de vies.  L’ASEAN compte aussi forger des coopérations régionales plus étroites en matière de technologies spatiales, notamment au travers de son Centre de recherche pour les technologies et les applications spatiales (ARTSA) qui servira de plaque tournante au niveau régional.

Convaincue que l’espace extra-atmosphérique ne doit être utilisé qu’à des fins pacifiques, elle a demandé qu’une délimitation claire soit définie, pas seulement pour clarifier la limite entre l’espace aérien et l’espace extra-atmosphérique, mais surtout dans la perspective de bénéficier d’un solide cadre juridique spatial.  Elle a aussi souhaité qu’un accès égalitaire à l’orbite géostationnaire soit accordé aux satellites de ce type, spécialement pour les pays en développement.

M. GUILLAUME DABOUIS, délégué de l'Union européenne, a estimé que les activités spatiales et les technologiques liées à l’espace continuent d’aider à faire face aux défis majeurs tels que les changements climatiques, la gestion des catastrophes, la sécurité alimentaire, le développement des transports et la protection des ressources environnementales.  Elles sont aussi un accélérateur de compétitivité industrielle qui va bien au-delà du secteur de l’espace et, en conséquence, contribuent à développer l’emploi.  Les États membres de l’Union européenne soutiennent avec force le travail du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, a-t-il déclaré.  « Nous soulignons aussi l’importance du cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50).  « L’Union européenne a développé une unique et puissante capacité industrielle liée à l’espace, ce qui nous permet de prendre une part majeure dans les initiatives concernant l’espace », a-t-il déclaré.  Il a rappelé que l’Union européenne dispose du deuxième budget le plus important pour les activités dans l’espace extra-atmosphérique dans le monde.  Notre technologie fait de nous un poids lourd sur le marché mondial de l’espace et notre objectif est d’être une puissance autonome.  Nos programmes ont fait des progrès impressionnants ces dernières années, s’est-il enorgueilli.  Quand le système de satellite Galileo sera pleinement opérationnel en 2020, il offrira des services qui permettront de gérer les transports maritimes et terrestres avec précision, des transactions bancaires plus fiables, et des systèmes de sauvetage performants.  Il fournira également des opportunités commerciales dans une large variété de services, a-t-il déclaré.

Le représentant a également vanté les mérites du système Copernic et du programme de suivi de la terre de l’UE, « sans doute le plus rapide système de collecte de données climatiques », qui permet d’organiser des opérations de sauvetage.  Pour apporter les bénéfices de l’espace aux citoyens et pour libérer le potentiel de l’espace en tant que vecteur de croissance, il est nécessaire de stimuler l’intégration de l’espace dans la société pour encourager la compétitivité et assurer l’accès et l’utilisation de l’espace dans un environnement sécurisé, a-t-il ajouté.

Le représentant a relevé qu’un défi important consiste à mener des opérations novatrices dans le domaine de la recherche, et à exploiter les opportunités de données et de signaux applicationnels grâce aux systèmes Galileo et Copernic.  Il a, en outre, souligné le rôle clef de l’Agence spatiale européenne pour la science fondamentale.

L’exploration est inhérente à la nature humaine.  Et l’exploration de l’espace présente un intérêt mondial et doit être ouverte aux partenariats.  UNISPACE+50 a été une occasion unique de souligner que l’espace contribue à atteindre les objectifs de développement durable à l’horizon 2030, a-t-il souligné.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a reconnu l’intérêt commun à l’humanité et le droit souverain de chaque État à participer à l’exploration spatiale à des fins exclusivement pacifiques selon les règles du droit international, en toute équité et sans discrimination. 

Les technologies spatiales et les informations qu’elles collecteront permettront des applications dans le domaine du développement durable et d’élaborer des plans d’action plus efficaces, a-t-il espéré, notamment s’agissant des changements climatiques, de la biodiversité et des risques sismiques.  Mais il demande que soient pris en compte les risques inhérents à l’exploration spatiale comme la saturation de l’orbite géostationnaire, les débris, l’emploi de l’énergie nucléaire et l’envoi d’armes dans l’espace extra-atmosphérique.

M. KITTITHEP DEVAHASTIN NA AYUTHAI (Thaïlande) a indiqué que le Gouvernement de son pays est déterminé à faire en sorte que l’espace extra-atmosphérique soit utilisé de manière pacifique pour le bénéfice de tous, tout en soulignant que le défi croissant que posent les débris spatiaux renforce la nécessité d’une utilisation responsable, pacifique et sûre de l’espace.  Il a ajouté que la Thaïlande préparait une législation relative à l’espace qui couvrirait l’observation de la Terre, les communications spatiales et l’exploration spatiale.  Puissance spatiale émergente, la Thaïlande souhaite utiliser pleinement les avantages de la technologie spatiale pour contribuer au développement durable, a-t-il déclaré, ajoutant que la technologie spatiale renforçait déjà les activités de son pays en matière de réduction des risques de catastrophe.  Appelant au partage des connaissances et au transfert non discriminatoire de technologies afin de combler les lacunes technologiques existantes entre les pays développés et les pays en développement, il a annoncé que le satellite Thaïlande, Système d’observation de la Terre, phase 2 », devrait être lancé en 2020 et facilitera la gestion des catastrophes et de l'eau, ainsi que des programmes de sécurité nationale.

M. DEEPAK MISRA (Inde) a souligné que la coopération permettait de réduire substantiellement les coûts et les risques induits par les programmes spatiaux.  Mais si cette activité s’est largement construite sur cette coopération, il faut bien noter qu’un certain nombre d’acteurs privés opèrent désormais à des fins commerciales, que ce soit pour faire du tourisme spatial ou de l’extraction de ressources, a-t-il noté. Pourtant, notre dépendance aux systèmes en orbite nous expose à des risques variés - collision, météo spatiale, ou cyberattaques- qui nécessitent des normes internationales de collaboration, a-t-il expliqué.  « Spécialement dans le contexte des ponts étroits qui connectent l’usage pacifique de l’espace et les menaces sur la sécurité nationale. »

À propos du programme spatial indien, il a rappelé qu’il était non seulement « bien établi » et « hautement rentable », mais aussi qu’il se focalisait davantage sur les besoins de développement que sur l’exploration proprement dite.  Si elle a effectivement lancé avec succès des missions vers la Lune et Mars ces dernières années, ce sont les missions à base de satellite qui ont été le pilier de l’activité spatiale de l’Inde afin de couvrir ses besoins de communications.  On parle ici de besoins cartographiques, météorologiques, de surveillance des ressources naturelles, mais aussi de télémédecine et de télééducation, a-t-il précisé.  Il a assuré que l’Inde avait établi 200 accords de coopération avec 50 pays, dont, pour citer les plus récents, l’Algérie, le Brunei, l’Indonésie, Oman et l’Afrique du Sud.  Elle a aussi fourni de l’aide à ses pays voisins pour faire de l’inventaire horticole, de la cartographie forestière et de la visualisation d’étalement urbain.

Le programme spatial indien demeure enfin focalisé sur des usages pacifiques de l’extra-atmosphérique et très impliqué dans les forums de discussions, a expliqué son délégué.

M. DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse) a rappelé que le projet de résolution adopté à l’issue d’UNISPACCE+50 sera présenté ce vendredi à l’Assemblée générale.  Ce texte, a-t-il indiqué, met en exergue l’importante contribution des technologies spatiales à la résolution des défis globaux et promeut le renforcement de la coopération internationale.  Il donne également au Comité des Nations Unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique le mandat de développer un programme « Espace 2030 », a souligné le représentant, avant de préciser que ce mandat sera présenté à l’Assemblée générale en 2020.  La Suisse se félicite de cet effort qui devrait permettre de renforcer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ainsi que la gouvernance globale des activités spatiales.

Un sujet qui suscite l’engagement actif de la Suisse est le renforcement de la santé globale à travers l’utilisation des technologies digitales et en particulier des technologies satellitaires, a poursuivi le délégué.  Il s’agit par exemple de l’observation par satellite des facteurs environnementaux propices à la propagation des épidémies ou de l’utilisation des communications satellitaires pour le diagnostic médical à distance. 

Le représentant a rappelé que cette année marque la fin du Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales.  Le Groupe a finalisé neuf lignes de conduite qui s’ajoutent aux 12 lignes approuvées en 2016, a-t-il précisé, ajoutant que pour la Suisse il s’agit d’un succès majeur qui couronne 10 années d’intenses négociations au sein du Comité.

En conclusion, il a soutenu la tenue, en 2019, d’une nouvelle réunion conjointe entre la Première et la Quatrième Commissions sur les questions de sécurité dans l’espace et de viabilité à long terme des activités spatiales.  La Suisse part du principe qu’il est nécessaire que la communauté spatiale et celle du désarmement poursuivent le dialogue sur ces questions.  En outre, elle approuve l’adhésion des cinq États qui ont déposé leur candidature au statut d’États membres du COPUOS.

M. WOUTER HOFMEYR ZAAYMAN (Afrique du Sud) a souligné que les bénéfices de l’espace extra-atmosphérique devaient être partagés entre tous et non seulement entre puissances spatiales.  Tous les États doivent pouvoir y accéder quel que soit leur niveau de développement scientifique, technique et économique, a-t-il souligné.  Il a rappelé que le Document final adopté lors de la Conférence UNISPACE+50, à Vienne, proposait un programme « Espace 2030 » destiné à combler le fossé entre les États et à faciliter la coopération internationale.

Le Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales extra-atmosphérique s’est mis d’accord sur un préambule et 21 recommandations que les puissances spatiales sont désormais libres de mettre en œuvre et qui représentent un ensemble significatif de règles.  Aussi, a-t-il appelé les États à les appliquer.  Quant aux questions qui n’ont pu être résolues, elles pourront être discutées dans le cadre du COPUOS, a-t-il indiqué, en rappelant que son pays préside l’un des sous-comités du COPUOS sur la science et la technologie.

M. KIM SONG (République populaire démocratique de Corée) a souligné que le développement de l’espace extra-atmosphérique était désormais d’une grande importance pour les pays en développement.  À ce titre, a-t-il prolongé, la coopération transnationale et interrégionale est devenue essentielle.  « L’infini de l’espace extra-atmosphérique n’est plus le monopole de quelques pays développés et la porte de la science spatiale de pointe est ouverte à tous les États Membres des Nations Unies », s’est-il réjoui.  À ce titre, la RPDC maintient son indépendance quant à son usage de l’espace et s’assure que son développement en la matière est destiné à améliorer l’économie du pays et la vie de ses habitants.  En tant qu’État partie au Traité sur l'espace extra-atmosphérique, a-t-il rappelé, la RPDC remplit toutes ses obligations de sécurité et de transparence.

C’est pourquoi, il s’est ému qu’aucun de ses experts n’ait pu assister aux conférences organisées par le Bureau des affaires spatiales des Nations Unies.  En cause, a-t-il souligné, le Comité 1718 du Conseil de sécurité qui les en a empêché.  « C’est une violation flagrante de notre droit légitime et un dédain des lois relatives à l’espace et de la Charte des Nations Unies. »  La délégation a protesté dans les termes les plus forts contre « ce comportement immoral et outrageant » de ce Comité, qui a par ailleurs « obstinément refusé nos lancements de satellites pacifiques ».  Il a aussi regretté que le Bureau des affaires spatiales n’ait pris aucune mesure pour résoudre cette situation.  Aux yeux du délégué, le rôle des Nations Unies devrait être d’encourager les échanges et la coopération internationale pour promouvoir l’utilisation de l’espace sur un pied d’égalité par les États qui se conforme aux principes de sa Charte.

M. LIO GANGQUIANG (Chine) a estimé que la Conférence UNISPACE+50, qui s’est tenue en juin dernier, avait constitué une étape cruciale pour la coopération internationale sur un usage pacifique de l’espace.  La Chine soutient le projet de résolution transmis à l’Assemblée générale à l’issue de ce rendez-vous, car il reflète les aspirations de la communauté internationale, et se tient prête à se joindre aux efforts pour sa mise en œuvre.  Quant au programme « Espace 2030 » développé à cette occasion, il doit représenter des pays aux capacités spatiales différentes d’une façon équilibrée.  Le Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales a achevé son mandat en juin en arrêtant un préambule et 21 recommandations, mais aucun accord n’a pu aboutir.  La Chine se tient donc prête à poursuivre ses consultations sous les auspices du COPUOS.

L’exploration spatiale et l’utilisation des ressources constituant des activités nouvelles, les règles internationales devraient être progressivement ajustées dans le cadre du Traité sur l’espace extra-atmosphérique afin de faire la part entre les progrès technique et scientifique et le besoin de réguler toute exploitation commerciale, dont le partage des bénéfices. 

De son côté, la Chine a déjà avancé en signant plus de 100 accords de coopération spatiale avec plus de 30 pays et organisations internationales notamment dans le cadre de son initiative « Une Ceinture et une Route » en Asie centrale.  La Chine a aussi lancé des invitations aux pays qui souhaitent participer aux activités à bord de la future station spatiale chinoise et accueillera bientôt la conférence des Nations Unies sur la gestion spatiale et la réduction du risque.

M. BOREN BAR-EL (Israël) a expliqué que depuis des millénaires, le peuple juif a toujours trouvé espoir et inspiration dans l’espace, et, avec la création de l’État d’Israël, l’innovation et les progrès technologiques sont devenus une partie centrale et tangible de son identité.  La nation ancienne d’Israël est aujourd’hui la start-up nation, a affirmé son représentant, indiquant qu’Israël est devenu un leader mondial en high-tech, cyber-science et médecine alors que sa nouvelle frontière est l’innovation dans l’espace.

Dès 1988, Israël a placé son premier satellite sur orbite (Ofek 1), et, 15 ans plus tard, Israël a envoyé son premier astronaute dans l’espace, Ilan Ramon.  Les jeunes israéliens souhaitent être impliqués dans le domaine de l’innovation spatiale, comme en témoigne le dernier projet israélien de nano-satellite, a remarqué le représentant, expliquant que ce projet était celui de deux étudiantes spécialisées dans les satellites et passionnées par la découverte. L’Agence spatiale israélienne (ISA), son personnel hautement qualifié et ses technologies avancées, sont « prêts et souhaitent contribuer à l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, a assuré M. Bar-El. 

Remarquant que l’espace extra-atmosphérique n’a pas de frontières, il a mis en exergue le potentiel énorme que cela représente pour la coopération bilatérale et multilatérale, soulignant au passage le soutien d’Israël au Bureau des affaires spatiales de l’ONU.  C’est à travers les travaux de ce Bureau qu’Israël cherche à améliorer sa coopération avec d’autres nations sur des questions allant des systèmes satellitaires à orbite de hauteur moyenne, à l’exploration de l’espace et l’observation de la terre, en passant par le suivi environnemental et la navigation à distance.  Israël appuie d’ailleurs une plateforme au sein du Bureau des affaires spatiales pour favoriser l’implication des femmes et des filles dans les études STEM et sur les questions spatiales, a indiqué le représentant.  Il a également rappelé qu’en 2017, la France et Israël ont lancé un microsatellite exceptionnel, capable de faire des observations très précises de la terre et de la mer.  Le représentant a également évoqué des projets conjoints avec la NASA, notamment dans les nanosciences, et sa coopération avec le Programme des Nations Unies pour l’exploitation de l’information d’origine spatiale aux fins de la gestion des catastrophes et des interventions d’urgence.

M. ELTON KHOETAGE HOESEB (Namibie) a indiqué que le Rapport sur l’utilisation pacifique de l’espace extraatmosphérique nous rappelle que l’humanité a réussi à surmonter ses différences sur terre pour mettre en place des projets dans l’espace, ce qui signifie que l’on peut construire un monde meilleur.

Il a indiqué que l’Université de Namibie a reçu le Centre de données sur l’espace et offre des programmes de troisième cycle en études spatiales.  Le représentant a aussi souligné la nécessité de fournir des soutiens techniques à travers la coopération internationale pour améliorer l’accès aux bases de données, aux infrastructures liées à l’espace, au renforcement des capacités, et au transfert de technologies.  Il a parlé de l’importance d’assurer une participation équitable des hommes et des femmes dans le domaine des activités dans l’espace extra-atmosphérique.  La science et la technologie de l’espace sont fondamentales pour atteindre les objectifs de développement durable, et honorer les engagements pris dans le Cadre de Sendai, et en vertu de l’Accord de Paris.  Enfin, il a fait part de ses préoccupations concernant les possibilités de développement de technologies malignes et d’une course aux armements dans l’espace.

M. TAREK AHMED MAHFOUZ AHMED MAHFOUZ (Égypte) a souligné l’importance d’un travail commun pour que l’espace extra-atmosphérique ne soit utilisé qu’à des fins pacifiques et que les intérêts de tous les peuples soient pris en compte indépendamment de leurs niveaux de développement.  Il n’est plus possible de considérer le Traité sur l’espace de 1967 comme un instrument suffisant, a estimé le représentant avant d’appeler la communauté internationale à développer des instruments juridiquement contraignants pour combler ses lacunes et éviter une militarisation de l’espace.

« Le système juridique international actuel ne permet pas de le faire », a-t-il constaté, d’où l’impératif de le consolider.  C’est dans cet esprit que l’Égypte est favorable à des négociations sur un instrument juridiquement contraignant pour éviter la course aux armements dans l’espace. 

Récemment, l’Égypte a créé l’agence spatiale égyptienne en vue de contribuer à son développement durable, a expliqué le représentant.  Cette agence est chargée de la formation dans le domaine spatial et coopère avec différentes universités et centres de recherches dans le but de mettre au point des technologies spatiales favorables au développement, a-t-il précisé.

Mme OLGA MOZOLINA (Fédération de Russie) a souligné que les activités dans l’espace extra-atmosphérique sont importantes pour les activités humaines, saluant au passage le « bel accomplissement » de la Conférence UNISPACE+50.  Elle a insisté sur la sécurité de l’espace extra-atmosphérique lors des situations de conflit, ainsi que de la conservation de l’espace extra-atmosphérique.

La représentante a regretté que certaines parties se sont opposées à la proposition russe de proroger d’un an le mandat de Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales, afin d’établir un éventail complet de lignes directrices.

Elle s’est inquiétée du manque de compréhension qui entoure les 21 recommandations et le préambule qui ont été agréés jusqu’à présent, jugeant par ailleurs nécessaire de trouver une issue à l’impasse qu’a dû affronter le Groupe de travail et d’enclencher un nouveau cycle.

La représentante a aussi proposé qu’à la prochaine session du Sous-Comité scientifique et technique, il soit demandé de se mettre d’accord sur le nouveau Groupe de travail concernant ses pouvoirs de négociation.  En outre, les négociations sur la durabilité des activités dans l’espace extra-atmosphérique ne devraient pas être règlementées.

Un autre problème d’actualité est la gestion de la circulation dans l’espace et la politisation des discussions à ce sujet.  À cet égard, « un des stéréotypes véhiculés est que la circulation dans l’espace relève de manœuvres d’engins spatiaux qui pourraient se diriger vers d’autres engins et que l’on n’aurait pas suffisamment de données pour les prévoir ».  Or le vrai problème, selon elle, est la constellation d’engins et de débris spatiaux.  Elle a jugé urgent de procéder à des évaluations convergentes de ces engins, mettant toutefois en garde contre des solutions imparfaites qui pourraient rompre l’équilibre dans l’espace.

M. DILIP KUMAR PAUDEL (Népal) a estimé que tous les pays, quels que soient leur taille, leur niveau de développement économique ou scientifique, devraient avoir un accès à la technologie liée à l’espace.  De plus, les pays les moins avancés et les pays les moins avancés sans littoral devraient pouvoir bénéficier proportionnellement des accomplissements remarquables de la technologie de l’espace.  « Leur accès à ces technologies devrait être pris en considération », a-t-il déclaré, convaincu par ailleurs que les activités dans l’espace extra-atmosphérique devraient rester exemptes d’armes et de course à l’armement.

Le représentant a estimé que les applications de la science de l’espace, comme les communications par satellites, la télédétection, la cartographie de la terre ou encore la gestion des catastrophes naturelles, entre autres, sont des instruments indispensables pour l’amélioration de la vie de peuples, et la protection des ressources naturelles, et ce, dans la perspective de la réalisation des objectifs de développement durable.  Il a noté qu’UNISPACE+50 a été un moment important qui a permis de souligner le rôle significatif de l’espace extra-atmosphérique dans le domaine des objectifs de développement durable, du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015–2030 et l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Le représentant a conclu en appelant urgemment la communauté internationale à travailler avec tous les acteurs, afin d’utiliser l’espace de façon vraiment pacifique, en conformité avec le droit international pertinent.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: près de 14 millions de yéménites menacés par la famine, prévient le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires

8379e séance – après-midi
CS/13550

Conseil de sécurité: près de 14 millions de yéménites menacés par la famine, prévient le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence a présenté cet après-midi aux membres du Conseil de sécurité, un bilan alarmant de la situation humanitaire au Yémen où près de 14 millions de personnes sont désormais menacées par la famine. 

M. Mark Lowcock a rappelé que si l’an dernier, il avait déjà tiré la sonnette d’alarme, cette fois la situation est pire: il y a 3,5 millions de personnes gravement menacées par la famine, en plus des 8 millions qui bénéficient déjà de l’aide de l’ONU.  Les évaluations actuellement en cours, qui pourraient prendre en compte des critères de préfamine, rajouteraient trois autres millions de personnes à ces chiffres.  « Ce ne seraient plus 11, mais 14 millions » de personnes qui seraient alors concernées, dont femmes, enfants et personnes âgées, a-t-il prévenu.

Or, les combats qui se poursuivent, notamment à Hodeïda, où se situe le plus grand port du pays, empêchent l’acheminement de l’aide humanitaire, s’est alarmé le Coordonnateur des secours d’urgence, avant de déplorer qu’en plus de cette crise, le Gouvernement yéménite a décidé de renforcer les restrictions à l’importation de produits essentiels comme le riz, le sucre, le lait et même le carburant. 

L’aide seule, a-t-il reconnu, ne peut répondre aux besoins de tous les Yéménites.  Il faut d’autres mesures à caractère politiques et économiques.  À ce titre, il s’est réjoui de l’annonce faite par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis de verser une enveloppe de 70 millions de dollars pour payer les salaires de 135 000 enseignants.  « C’est trop peu et trop lent » pour inverser la courbe de la famine, a néanmoins estimé le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires.  Les chiffres du Coordonnateur des secours d’urgence sont « terrifiants », d’autant qu’ils touchent un nombre élevé d’enfants, victimes de malnutrition aigüe, a commenté la délégation du Royaume-Uni, dont le Gouvernement a fait don de 120 millions de dollars pour la lutte contre la malnutrition. 

M. Lowcock a appelé toutes les parties prenantes à faire tout leur possible pour obtenir une cessation des hostilités dans et autour de toutes les infrastructures et installations essentielles pour les importateurs d’aide humanitaire et de produits commerciaux; la protection des fournitures de nourriture et de biens dans tout le pays; une injection plus importante et plus rapide de devises dans l’économie yéménite par le biais de la Banque centrale; et une augmentation des fonds alloués aux opérations humanitaires.  « Les belligérants doivent saisir cette occasion pour s’engager pleinement et ouvertement avec l’Envoyé spécial et mettre fin au conflit », a-t-il ajouté. 

Les membres du Conseil doivent agir « de manière décisive » pour contraindre les houthistes à revenir à la table des négociations, a pressé le représentant du Yémen qui a dit craindre que les réunions du Conseil de sécurité ne s’inscrivent dans une routine consistant à énumérer des chiffres qui sont oubliés dès que la séance est levée.  Il faut engager un processus politique, a ajouté la Fédération de Russie, d’autant que l’histoire du Yémen montre que l’option militaire ne marche pas.  Le conflit ne prendra fin qu’autour de la table des négociations, et « pas sur le champ de bataille », a acquiescé son homologue des États-Unis. 

La représentante de la France a, à son tour, lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles s’engagent pleinement avec l’Envoyé spécial puisque « seule une solution politique permettra de mettre fin durablement aux souffrances des Yéménites.  Il faut renforcer le soutien des Nations Unies pour encourager les parties à œuvrer à la désescalade et établir des mesures de confiance pour favoriser les négociations de paix, a encouragé la Chine.  Les membres du Conseil doivent « présenter un front uni » dans leur appel aux parties yéménites, a conseillé le représentant de la Pologne. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré que son intervention portera essentiellement sur la famine au Yémen.  L’an dernier, a-t-il dit, 107 provinces sur les 333 que compte le Yémen, étaient identifiés comme courant un risque de famine.  Un autre décompte est en cours et le résultat initial devrait être connu à la mi-novembre.  Par ailleurs, le nombre de morts liés à la famine est difficile à comptabiliser, même si les travailleurs humanitaires estiment que ce nombre est à la hausse.  À la fin de l’année dernière, une agence avait estimé qu’environ 130 enfants de moins de 5 ans, mourraient chaque jour d’une maladie liée à la faim, soit environ 50 000 en un an. 

Même si les évaluations de cette année ne sont pas encore connues, le Secrétaire général adjoint conseille de reconnaître qu’il y a maintenant « un danger imminent de grande famine au Yémen ».  Je sais, a-t-il dit, que des membres du Conseil vont répondre que cette sonnette d’alarme avait déjà été tirée l’année dernière, sans qu’une famine ne se produise.  « C’est vrai.  Nous avons alerté sur un risque de famine l’année dernière.  Mais ce sont les efforts et les réponses apportés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires qui ont permis de limiter les dégâts.  Ce que je vous décris aujourd’hui est pire que les autres fois », a martelé M. Lowcock.

Développant son argumentaire, le Coordonnateur des secours d’urgence a déclaré que la situation est différente car aujourd’hui, ce sont 3,5 millions de personnes qui sont gravement menacées par ce risque de famine, en plus des 8 millions qui bénéficient de l’appui des Nations Unies.  « Ça fait un total de 11 millions », a-t-il dit.  Par ailleurs, les évaluations en cours, prenant notamment en compte des facteurs de préfamine pourraient rajouter, trois autres millions de personnes.  « Ce ne serait plus 11, mais 14 millions », a-t-il encore déclaré, soit la moitié de la population yéménite, et en particulier les enfants et les personnes âgées au système immunitaire fragilisé. 

Or, a-t-il alerté, les combats se poursuivent à Hodeïda, matérialisés notamment par des attaques aériennes et des combats intenses.  Ces combats ont bloqué la distribution de silos de grains capables de nourrir 3,7 millions de personnes; fait fuir 570 000 personnes, fermé la route allant du port d’Hodeïda à Sanaa, la capitale et perturbé le commerce.  Des entrepôts pleins d’aide humanitaire sont occupés depuis plus de deux mois.  Sans une cessation des hostilités, principalement autour d’Hodeïda, les secours d’urgence seront tout simplement submergés, a prévenu le Coordonnateur, ajoutant que pour tous, le moment est venu de bien comprendre ces mises en garde. 

Concernant l’aspect économique de la crise, le Secrétaire général adjoint a déclaré que depuis 2015, le produit national brut a baissé de 50%, détruisant 600 000 emplois.  Des centaines de milliers de fonctionnaires ne reçoivent plus leurs salaires, tandis que plus d’un million et demi de familles ne reçoivent plus d’aide sociale.  Plus de 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.  Les agences humanitaires mènent la plus grande opération au monde: quelque 200 organisations travaillent dans le cadre du Plan de réponse humanitaire des Nations Unies et offrent une aide à tous les 333 districts cette année.  Quelque 8 millions de personnes reçoivent une assistance vitale ce mois-ci. 

Parce que l’aide ne peut répondre aux besoins de tous les Yéménites, le Coordonnateur des secours d’urgence a appelé à une injection substantielle de devises et à la reprise des paiements des retraités, des enseignants et des professionnels de la santé.  Aujourd’hui, a-t-il annoncé, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont annoncé une enveloppe de 70 millions de dollars pour payer 135 000 enseignants dans le pays.  Toutefois, a dit craindre M. Lowcock, « c’est trop peu et trop lent » pour inverser la courbe de la famine.  Paradoxalement, s’est-il étonné, le Gouvernement du Yémen s’apprête à renforcer les restrictions sur l’importation de produits essentiels.  Désormais pour importer du riz, du sucre, du lait, de l’huile et les produits dérivés du pétrole, il faut avoir une ligne de crédit à la Banque centrale du Yémen.  Mais seule une poignée de ces lignes a été approuvée depuis le mois de juin, la plupart, ces derniers jours. 

Les restrictions actuelles ont déjà des effets alarmants, et leur prorogation serait une sentence de mort pour un nombre incalculable de civils, et surtout les femmes et les enfants. 

Le Coordonnateur des secours d’urgence a donc appelé toutes les parties prenantes à faire tout leur possible pour obtenir une cessation des hostilités dans et autour de toutes les infrastructures et installations essentielles pour les importateurs d’aide humanitaire et de produits commerciaux; la protection des fournitures de nourriture et de biens dans tout le pays et une injection plus importante et plus rapide de devises dans l’économie yéménite par le biais de la Banque centrale et une augmentation des fonds alloués aux opérations humanitaires.  « Les belligérants doivent saisir cette occasion pour s’engager pleinement et ouvertement avec l’Envoyé spécial et mettre fin au conflit ». 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a salué le fait que l’ONU puisse faire rapidement rapport au Conseil conformément à la résolution 2417 (2018).  Les chiffres cités par le Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, sont terrifiants tout autant que l’ampleur de la crise qui touche des millions de civils, notamment une malnutrition aigüe pour un nombre élevé d’enfants de moins de 5 ans, en particulier dans la province d’Hodeïda.  Elle a mis aussi en exergue la gravité de la situation humanitaire, appelant à davantage de soutien en termes d’assistance.  À cet égard, elle a indiqué que le Royaume-Uni contribuait à hauteur de 120 millions de dollars pour traiter la question de la malnutrition.  Mais cela ne suffit pas, a-t-elle déclaré, en insistant sur l’accès humanitaire. 

Elle a aussi dénoncé le non-paiement des salaires des fonctionnaires publics et la cherté de la vie qui rend les denrées de première nécessité hors de portée des Yéménites.  Les houthistes devraient notamment cesser de s’ingérer dans l’aide humanitaire, a-t-elle dit, en appelant également à épargner les infrastructures civiles.  Il importe que les opérations militaires soient menées dans le respect du principe de proportionnalité.  Seul un règlement pacifique permettra le retour de la stabilité et de la paix, a-t-elle tranché.  Elle a dit attendre d’autres informations concernant les progrès faits dans les mesures de confiance. 

M. BADER ABDULLAH N.  M. ALMUNAYEKH (Koweït) a reconnu que la situation humanitaire au Yémen ne cesse de se détériorer, plaçant plus de 3,5 millions de Yéménites face à un risque de famine.  Cela est essentiellement dû, a-t-il estimé, à des causes économiques, dont le non versement des salaires et la dépréciation du rial.  Le représentant a donc jugé que la communauté internationale a l’obligation de contribuer à inverser cette dépréciation, en soutenant la Banque centrale yéménite et la collecte des impôts dans l’ensemble du territoire pour assurer le versement des salaires.  Il a salué les efforts déployés par l’Arabie saoudite qui vient de déposer une somme de 200 millions de dollars à la Banque centrale du Yémen pour soutenir le rial, cumulant ainsi un total de plus de 3 milliards de dollars.  L’Arabie saoudite a également offert 70 millions de dollars pour le versement des salaires, a retenu le représentant.

L’autre cause de la situation, a-t-il poursuivi, est l’action des milices houthistes qui, contrôlant une partie du pays, empêchent l’acheminement de l’aide humanitaire.  Ils ont bloqué 690 camions et 84 navires chargés de carburant et d’aide humanitaire, a accusé le représentant.  Ils ont également pris le contrôle du port d’Hodeïda, dont des silos de céréales.  Ils ont transformé le port en état-major, a-t-il affirmé, en appelant à des actions contre ce groupe qui a intenté un coup d’État contre un gouvernement légitime et qui lance des attaques à l’arme lourde contre l’Arabie saoudite. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a exprimé ses condoléances aux victimes du cyclone qui s’est abattu sur le Yémen.  Compte tenu du conflit et de la situation actuelle à Hodeïda, de la dégradation de la situation humanitaire, de même que les conditions de vie économiques, du rétrécissement des services médicaux et de la famine, qui ont fait de nombreux morts civils, il a invité les parties au conflit à créer un climat propice à l’acheminement de l’aide humanitaire et à garantir la circulation des marchandises pour stabiliser les prix et subvenir aux besoins fondamentaux du peuple yéménite. 

Il a salué par ailleurs les efforts de l’Organisation mondiale de la Santé et du Programme alimentaire mondial (PAM), et d’autres agences, qui s’efforcent d’endiguer l’épidémie du choléra dans le pays.  Il faut renforcer le soutien des Nations Unies pour encourager les parties à œuvrer à une désescalade des hostilités et établir des mesures de confiance pour favoriser les négociations de paix, a-t-il encouragé. 

Pour sa part, la Chine a apporté de l’aide, notamment des denrées alimentaires et des médicaments.  Il a assuré que son pays s’acquittera de sa responsabilité à ce propos. 

Après avoir dépeint une situation humanitaire qui s’est aggravée depuis la dernière réunion du Conseil sur le Yémen il y a un mois, Mme ANNE GUEGUEN (France) a indiqué qu’il est plus que jamais essentiel de garantir le respect du droit international humanitaire, la protection des civils, l’accès et les acheminements humanitaire et commercial et le redressement de l’économie yéménite.  Pour la France, il ne s’agit là de rien de plus que de mettre en œuvre la Déclaration présidentielle adoptée récemment par le Conseil de sécurité. 

Tout d’abord, a estimé la représentante, il est indispensable de protéger les civils des bombardements comme des tirs d’artillerie, notamment dans une ville aussi densément peuplée que Hodeïda et de permettre aux civils de se déplacer librement et en sécurité.  Les infrastructures civiles doivent être protégées, a ajouté la représentante, avant d’exprimer tout le soutien et l’admiration de la France pour les efforts des acteurs humanitaires sur le terrain, y compris ceux qui travaillent dans les mécanismes de réponse rapide dans les provinces d’Hodeïda et ailleurs au Yémen.

Elle a aussi insisté pour que l’accès humanitaire et commercial soit garanti et que les ports d’Hodeïda et Salif restent ouverts et accueillent au moins autant de denrées essentielles, notamment de nourriture et d’essence, qu’avant le mois de décembre dernier.  Il est tout aussi urgent que le Programme alimentaire mondiale (PAM) puisse accéder aux silos contenant les denrées indispensables à la population, et les acheminer dans la province d’Hodeïda et dans le reste du pays, tout comme le carburant.  L’artère principale entre Hodeïda et Sanaa doit rester accessible et la France appelle les parties à tout mettre en œuvre dans cette perspective. 

Enfin, a conclu la représentante, la France invite à accentuer les efforts pour contenir l’inflation galopante des denrées alimentaires, la chute continue du rial et l’absence de rémunération d’une grande partie des Yéménites.  Elle a ainsi lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles s’engagent pleinement avec l’Envoyé spécial afin de relancer le dialogue et faire avancer le processus politique; puisque « seule une solution politique permettra de mettre fin durablement aux souffrances des Yéménites ».

M. KAREL J.  G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a déclaré que le nombre de personnes en situation de préfamine au Yémen est de 11 millions, cette crise étant entièrement le fait de l’homme.  Il a exhorté les parties à prendre des mesures concrètes pour y remédier, le Conseil devant assurer le suivi de ces mesures.  Le délégué a exhorté les milices affiliées aux houthistes à abandonner tous les entrepôts humanitaires qu’ils occupent depuis deux mois à Hodeïda.  Le Gouvernement doit remédier de toute urgence aux retards enregistrés dans les importations en raison du décret 75, avant que les importations de biens essentiels ne diminuent encore.  Le représentant a appelé la Coalition à lever les restrictions indues sur les importations commerciales et de demander que le port d’Hodeïda reste ouvert.  Il a insisté sur les nombreuses violations du droit international humanitaire par les parties et exhorté ces dernières à ne pas entraver les déplacements du Groupe d’experts du Comité créé en vertu de la résolution 2140 (2014) du Conseil de sécurité et du Groupe d’éminents experts du Conseil des droits de l’homme.  Enfin, le délégué a demandé une solution politique négociée et exhorté les parties à assumer leurs responsabilités.  Dans le cas contraire, le Conseil devra envisager d’autres mesures, a-t-il estimé.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a aussi pointé le fait que la situation des civils empire de jour en jour au Yémen à tel point qu’on risque d’assister à la pire famine depuis 100 ans.  Elle a jugé alarmant que près de 4 millions de Yéménites risquent de plonger dans l’insécurité alimentaire d’ici à la fin de l’année si les conditions ne s’améliorent pas.  Le pays pourrait connaître une autre vague d’épidémie du choléra tant le nombre des cas suspectés ne cesse d’augmenter.  Elle s’est attardée sur la situation très alarmante des enfants qui requiert une attention particulière du Conseil car « toutes les 10 minutes un enfant yéménite meurt de causes liées à la guerre et parfaitement évitables, et que des milliers d’autres ont d’ores et déjà été tués ou blessés ». 

Presque tous les enfants auraient besoin d’aide puisque, et d’après les estimations, 1 million d’autres enfants risquent de sombrer dans la famine portant le nombre total à 5,2 millions tandis qu’environ 400 000 enfants de moins de 5 ans souffrent d’une malnutrition grave dont 36 000 vont mourir cette année.  La représentante s’est inquiétée de l’escalade des affrontements et des bombardements à Hodeïda et dans ses environs, lesquels risquent de bloquer l’acheminement de l’aide humanitaire et des denrées de première nécessité. 

En raison de la dépréciation rapide du rial yéménite, les prix de ces denrées atteignent un niveau record.  Comment vivre avec moins d’1,90 dollar par jour? a-t-elle demandé, jugeant critique l’ouverture du port et l’accès à toutes les routes conduisant à Hodeïda.  La protection des civils doit être garantie et des mesures, prises pour soutenir le taux de change et protéger l’économie, a-t-elle suggéré, en proposant également au Conseil de « présenter un front uni » dans son appel à toutes les parties pour qu’elles fassent montre de leur engagement en faveur d’un processus politique sous l’égide de l’ONU, sans conditions préalables et dans le but de parvenir à une solution pacifique pour le bien du peuple yéménite. 

M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que la situation au Yémen, « où se déroule la plus grave crise humanitaire du monde », mérite l’attention du Conseil de sécurité, d’autant que la moitié de la population est menacée par la famine.  La communauté internationale doit apporter une aide humanitaire, sans discrimination et quelle que soit le groupe telle ou telle partie du pays.  Les ports et les aéroports doivent rester ouverts pour que l’aide puisse être acheminée.  On ne pourra pas améliorer la situation, en s’appuyant uniquement sur l’aide alimentaire ou humanitaire.  Il faut engager un processus politique, d’autant que l’histoire de ce pays montre que l’option militaire ne marche pas.  La Fédération de Russie appuie donc les efforts de l’Envoyé spécial et est d’avis que la crise au Yémen, comme dans d’autres régions du Moyen-Orient, est liée à l’absence d’une architecture politique globale.  La Fédération de Russie travaille d’ailleurs avec d’autres partenaires, à l’élaboration d’une telle architecture, a conclu son représentant. 

M. TAYE ATSKE SELASSIE AMDE (Éthiopie) a noté, à son tour, que l’accès à la ville et au port d’Hodeïda demeure difficile alors qu’ils sont déterminants.  C’est la pire crise humanitaire que connaît le monde d’aujourd’hui, a-t-il dénoncé, avant de saluer les contributions des Émirats arabes unis pour payer les salaires par le truchement du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).  L’utilisation du port d’ Hodeïda est d’une importance cruciale pour la protection et la survie de la population civile, a-t-il encore souligné, avant d’exhorter la communauté internationale à travailler à une solution politique qui tienne compte des souffrances du peuple yéménite et respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays.  Il a demandé à toutes les parties d’œuvrer de conserve avec l’Envoyé spécial pour relancer le processus de négociations. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré qu’à l’évidence, le Conseil n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités concernant le maintien de la paix et la sécurité internationales et la protection des 22 millions de Yéménites en situation de vulnérabilité.  Il a estimé que, d’ici à la fin de l’année en cours, environ 50 000 enfants de moins de 5 ans mourront de malnutrition et de maladies et estimé qu’une partie de la communauté internationale les a abandonnés, favorisant du même coup l’avancée de l’extrémisme violent qui conduit au terrorisme.  Il a condamné les rebelles houthistes et leurs crimes pour lesquels ils devront être traduits en justice.  Il a condamné, avec la même vigueur, les attaques menées par les membres de la Coalition contre des civils et des infrastructures vitales pour la lutte contre l’épidémie de choléra.  Il a exigé le lancement de l’enquête transparente et crédible demandée par le Conseil pour identifier et juger les responsables du bombardement d’un autobus en août dernier, qui a ravi la vie de dizaines d’enfants.  « L’impunité est inacceptable », a-t-il tancé. 

Le représentant s’est aussi alarmé d’une éventuelle escalade de la violence dans la ville et le port d’Hodeïda qui risque de restreindre encore l’accès à la nourriture, aux médicaments et au carburant.  Un seul navire, s’est-il lamenté, est arrivé au port depuis novembre 2017.  Il s’est aussi inquiété des conséquences négatives de l’application du décret 75 sur les importations de biens essentiels et considéré que le Gouvernement devrait revenir sur ces mesures.  Il a mis l’accent sur la nécessité d’un cessez-le-feu humanitaire et sur les négociations interyéménites     

M. OLOF SKOOG (Suède) a mentionné quelques chiffres « saisissants » de la crise yéménite.  Si cette situation économique perdure, ce sont 5,6 millions de personnes de plus qui seront en insécurité alimentaire dans les prochains mois, portant le nombre de personnes en situation de préfamine à 14 millions, a-t-il prévenu.  « Cela veut dire qu’il y a 14 millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui s’endorment chaque soir l’estomac vide. » Le délégué a déclaré que la crise économique est la conséquence directe du conflit, ce lien étant le plus visible à Hodeïda où les affrontements font non seulement des victimes civiles mais entravent aussi les opérations humanitaires et les exportations.  Le représentant a plaidé pour un cessez-le-feu durable, un accès humanitaire sans entrave, y compris en maintenant ouverts les ports d’Hodeïda et de Salif, et un respect en toutes circonstances du droit international humanitaire.  Seule une solution politique négociée pourra mettre fin à cette guerre « vaine », a conclu le représentant. 

M. NARCISO SIPACO RIBALA (Guinée équatoriale) a déclaré que compte tenu des données économiques, la communauté internationale doit tout faire pour soutenir le rial, qui a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis le début du conflit.  Le représentant a soutenu les propositions de l’Envoyé spécial, qui a mis sur la table un plan de secours économique incluant la Banque mondiale, les donateurs étrangers, ceux de la région et les institutions onusiennes.  Alors que le Yémen est également confronté à l’une des pires cas de choléra, la Guinée équatoriale apprécie la campagne de vaccination mise en place par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a conclu le représentant.

M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a résolument appuyé l’appel des Nations Unies à toutes les parties pour qu’elles épargnent les civils, facilitent la liberté de circulation et protègent les hôpitaux, cliniques et établissements scolaires, conformément au droit international humanitaire et aux droits de l’homme.  Il a salué à cet égard les efforts coordonnés des parties prenantes, en particulier les agences onusiennes, les ONG et les pays du Golfe, pour fournir une assistance humanitaire à la population d’Hodeïda.  Il a également fait sien l’appel de l’ONU à toutes les parties pour qu’elles respectent le droit international humanitaire et s’abstiennent d’utiliser des engins explosifs dans les zones habitées.  Toutes les parties au conflit devraient aussi faciliter la poursuite et l’expansion des importations commerciales dans tous les ports, notamment en remédiant aux retards liés au décret 75 du Gouvernement et à d’autres restrictions.  Il a exhorté toutes les parties à une désescalade immédiate de la violence, à la fin de l’offensive contre Hodeïda et à un cessez-le-feu sans conditions.  Il les a aussi exhortées à répondre aux questions complexes grâce à un règlement politique inclusif. 

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a déclaré qu’il était particulièrement préoccupé par la poursuite des combats au Yémen notamment autour du port d’Hodeïda, principale porte d’entrée d’environ 90% de l’aide humanitaire et 70% des importations du pays.  Les affrontements pour le contrôle de ce port stratégique entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et provoquent la flambée des prix des produits de première nécessité, a ajouté le représentant. 

Face à la grave détérioration de la situation humanitaire au Yémen, la Côte d’Ivoire appelle toutes les parties à la cessation immédiate des hostilités, a lancé M. Ipo.  Il a affirmé « qu’il n’y a pas d’autre solution alternative qu’un règlement politique de la crise au Yémen ».  Il a exhorté les belligérants à reprendre les négociations dans le cadre du plan de paix de l’Envoyé spécial des Nations Unies.  Il a aussi appelé les mêmes belligérants à lever toutes les entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations en détresse. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a encouragé toutes les parties au conflit au Yémen à s’abstenir de prendre pour cible des civils, des infrastructures civiles et le personnel humanitaire.  Mon pays est l’un des principaux contributeurs à l’assistance humanitaire au Yémen, a rappelé le représentant, qui a souligné l’importance de traiter les causes profondes du conflit.  « Il n’y a pas d’autre solution qu’une solution politique », a-t-il estimé, avant d’ajouter que le conflit ne prendrait fin qu’autour de la table des négociations, « pas sur le champ de bataille ». 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a affirmé que la communauté internationale et le Conseil avaient été maintes fois mis en garde et qu’en conséquence, « nous ne saurions prétendre que nous ne savions pas » ce qui se passe au Yémen.  Il a exprimé sa profonde inquiétude face à la situation humanitaire délicate après les bombardements aériens et les affrontements armés autour d’Hodeïda, qui rendent la route, qui relie cette ville à la capitale Sanaa, pratiquement impraticable.  D’autre part, l’épidémie de choléra a coûté la vie à 2 500 personnes et depuis le début du conflit, le nombre de personnes mortes ou blessées dépasse les 16 000, chiffre « effarant », qui ne fait qu’augmenter. 

La guerre, la maladie et la faim ne sont pas les seuls défis auxquels le Yémen se heurte puisque le dernier cyclone a fait aussi des victimes et jeté sur les routes d’autres familles.  Plus de 70% des importations et de l’assistance humanitaire passent par le port d’Hodeïda, a-t-il tenu à rappeler, alertant sur le risque que le nombre de personnes menacées de faim passe de 8 à 13 millions.  Il a en conséquence appelé les parties au conflit à favoriser un processus pacifique du règlement du conflit, et ce, sans condition et dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Yémen.  Il a appuyé le processus de paix et de dialogue social et a invité les parties à se rallier à ce processus. 

M. AHMED AWAD AHMED BINMUBARAK (Yémen) a déclaré que le Conseil de sécurité doit continuer d’apporter son soutien à son pays, auquel aucun autre ne peut imposer sa volonté.  Il a critiqué la délégation des houthistes, qui a choisi de ne pas se rendre à Genève, alors que « nous sommes prêts à dialoguer avec l’Envoyé spécial et à prendre part à toute consultation de nature à conduire à la fin de la crise au Yémen ».  Il a mis sur le compte de l’« idéologie extrémiste de l’Iran » la détérioration de la situation humanitaire.  Les milices houthistes, a-t-il accusé, « torturent, tuent, déplacent » les populations civiles, notamment dans la ville de Taïz.  Le nombre de mines terrestres est de deux millions, a-t-il alerté, avant de faire état de 20 000 enfants-soldats, dont 316 tués et 564 mutilés.  Les milices auteurs de ces crimes s’en prennent aux acteurs humanitaires, ils revendent au marché noir les articles acquis illégalement, a accusé le représentant.  Selon lui, les houthistes seraient entrés par effraction dans les locaux du Programme alimentaire mondial (PAM) à Hodeïda et se seraient emparés de 4 000 tonnes d’aide humanitaire.  Human Rights Watch a fait en outre état d’attaques perpétrées par les houthistes contre les civils, victimes d’enlèvements et de violations des droits de l’homme multiples.  « Les milices houthistes aiment torturer, violer les détenus », forçant leurs familles à payer des rançons pour les remettre en liberté, a encore affirmé le délégué.

Le Yémen connaît une situation difficile sur le plan économique à cause de la guerre et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement a pris des mesures pour répondre aux besoins des importateurs de produits de base, avec la mise en place de prix fixes.  Nous avons également injecté 100 millions de dollars à la Banque centrale pour qu’elle réponde aux besoins des petits commerçants, a poursuivi le représentant, qui a précisé que l’industrie pétrolière avait été priée de ne pas laisser l’inflation s’installer.  L’organisation d’un atelier avec des chefs d’entreprise yéménites a été en outre annoncée pour garantir l’entrée dans le pays d’articles de première nécessité.  Le délégué a saisi cette occasion pour demander à tous les bailleurs de fonds d’honorer leurs engagements en vertu du Plan de réponse humanitaire pour 2018.  Nous craignons que les réunions du Conseil de sécurité ne s’inscrivent dans une routine consistant à énumérer des chiffres qui sont oubliés dès que la séance est levée, a avoué le représentant, avant de prier cet organe d’agir de manière décisive pour contraindre les houthistes à revenir à la table des négociations.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission : les délégations manifestent leurs inquiétudes face à l’augmentation des attaques à l’arme chimique dans le monde

Soixante-treizième session,
15e séance – matin
AG/DSI/3608

Première Commission : les délégations manifestent leurs inquiétudes face à l’augmentation des attaques à l’arme chimique dans le monde

Amenés à débattre de la question des autres armes de destruction massive, notamment chimiques et biologiques, les délégués de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) ont focalisé, ce matin, leur attention sur la situation sécuritaire.  De nombreuses délégations ont, en effet, fait part de leurs inquiétudes face à la recrudescence de l’utilisation d’armes chimiques, tout en notant dans le même temps certains signaux positifs relatifs à l’évolution des mécanismes de surveillance et de vérification.

Brossant un tableau général de la situation, la France a ainsi rappelé que, ces dernières années, du gaz moutarde avait été utilisé par Daech, une attaque à l’agent neurologique avait été perpétrée en Malaisie et un empoisonnement avec une substance innervante avait eu lieu en Grande Bretagne.  Depuis la réapparition des armes chimiques en Syrie, s’est inquiété le représentant, l’usage d’agents toxiques s’est multiplié à travers le monde.

L’Allemagne l’a elle aussi noté: les normes concernant le non-recours à de telles armes n’ont fait que s’éroder ces derniers temps du fait de violations répétées.  Le Canada a même parlé de « tabou brisé » en la matière.  Ce dernier a d’ailleurs appelé tous les États à s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques et du droit international humanitaire.  La Suisse -comme beaucoup d’autres pays- a plus particulièrement dénoncé l’usage répété d’armes chimiques par la Syrie tel que constaté par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.  « C’est une violation sans précédent des normes régissant les armes chimiques », s’est-elle alarmée. 

À cela s’ajoutent les préoccupations soulevées hier par les États-Unis quant au respect de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques par l’Iran.  D’après la délégation américaine, ce pays essaierait de se procurer, à des fins offensives, des analgésiques opioïdes.  Arguant que ces produits n’ont rien à faire en dehors du circuit médical, elle a considéré que la quatrième session extraordinaire de la Conférence des Parties à la Convention offre l’occasion de traiter de la menace spécifique posée par le fentanyl et autres analgésiques opioïdes.

Les États-Unis ont également proposé au Directeur général de l’OIAC d’ajouter la famille des Novitchok à l’Annexe de la Convention sur les produits chimiques, arguant que ces agents neurotoxiques de fabrication militaire n’ont d’autre utilité que de blesser ou tuer, « comme l’on a vu dans les villes britanniques de Salisbury et d’Amesbury ».  Le Canada a d’ailleurs exhorté la Fédération de Russie à déclarer son « programme offensif » auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Seule Cuba a fait retentir un autre son de cloche sur cette question, la délégation ayant accusé les Américains et leurs alliés d’avoir lancé des représailles contre le régime syrien sans mandat du Conseil de sécurité et « au nom d’une prétendue utilisation d’armes chimiques » qui n’avait pas encore été vérifiée par l’OIAC.

À ce propos, les délégués ont accueilli favorablement à une quasi-unanimité la décision prise lors de la quatrième séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques de doter l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) d’un mandat visant à attribuer la responsabilité des attaques à l’arme chimique.  

Comme l’ont très bien expliqué la Suisse, le Canada et la France, étant donné que le Conseil de sécurité n’a pas réussi à renouveler le Mécanisme d’enquête conjoint du fait du veto russe, les États parties à la Convention sur les armes chimiques ont décidé d’instituer un mécanisme permettant d’identifier l’origine de ces armes, ainsi que les acteurs responsables.  Pour beaucoup de pays, ces nouvelles prérogatives permettront à l’OIAC d’encore mieux remplir sa mission.

Pour sa part, l’Algérie a insisté sur l’importance d’empêcher l’apparition de nouvelles armes de destruction massive en renforçant le rôle de la Conférence du désarmement, notamment en ce qui concerne les armes radiologiques et au phosphore.  Le Kazakhstan a, quant à lui, jugé le moment venu d’entamer les négociations sur une convention internationale pour la répression des actes de terrorisme chimique et biologique.

Le Népal a par ailleurs appelé à promouvoir la coopération internationale pour renforcer les capacités des pays en développement dont certains, a-t-il souligné, manquent encore de ressources techniques et financières pour se conformer aux différents traités de désarmement et de non-prolifération ou pour remplir leurs obligations périodiques d’inspection.  Dans une même veine, l’Afrique du Sud a demandé à l’OIAC de désigner les laboratoires référents en Afrique qui pourraient être utilisés en cas d’attaques par des armes de destruction massive ou catastrophes naturelles. 

Les délégations ont également parlé de la Convention sur les armes biologiques, le Japon ayant notamment souligné son rôle crucial pour la sécurité internationale.  Des préoccupations ont toutefois été soulevées à maintes reprises au sujet de son état financier et de nombreux appels ont été lancés à l’intention des États qui ont des arriérés à payer.

La Première Commission, qui a entamé la question de la militarisation de l’espace extra-atmosphérique en fin de séance, poursuivra ses travaux demain, mercredi 24 octobre, à partir de 10 heures.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Déclarations sur les autres armes de destruction massive (suite)

M. ENRIQUE JOSÉ MARÍA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a indiqué que son pays est partie aux Conventions sur les armes chimiques et sur les armes biologiques et a exhorté les États à ne pas mener des actes contraires aux objectifs de ces Traités.  Il a également constaté que la mise en œuvre des engagements pris au titre de de ces Traités exige la coopération internationale.  À cette fin, il a insisté sur le transfert de technologies et de savoir dans le domaine scientifique pour réduire le fossé entre pays développés et pays en développement.

Le représentant a réitéré sa condamnation du recours à l’arme chimique et s’en est remis à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour ce qui est des efforts de vérification.

Mme SABRINA DALLAFIOR (Suisse) a rappelé que les Conventions sur les armes chimiques et biologiques sont des piliers fondamentaux du droit international et du régime de désarmement et de non-prolifération.  Mais, a-t-elle insisté, le respect des règles est encore plus important.  À cet effet, elle a dénoncé l’usage répété d’armes chimiques par la République arabe syrienne tel que constaté par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.  « C’est une violation sans précédent des normes régissant les armes chimiques », a-t-elle insisté.  Elle a aussi qualifié d’« illégal » l’emploi d’un agent innervant au Royaume-Uni, et demandé à la Fédération de Russie de clarifier son origine.

Elle a souhaité que la condamnation de l’emploi de ces armes soit collective, que les violations fassent l’objet d’enquêtes et que les responsables répondent de leurs actes.  À ses yeux, les États doivent poursuivre les responsables et il ne peut pas y avoir d’impunité pour ces crimes.  Étant donné que le Conseil de sécurité n’a pas réussi à renouveler le Mécanisme conjoint d’enquête, la Suisse a soutenu la décision de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques d’instituer en son sein un mécanisme permettant d’identifier l’origine de ces armes, ainsi que les acteurs responsables.  Elle a finalement félicité l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) qui a, selon elle, toujours rempli sa mission de façon impartiale.

Préoccupée par les défis de taille auxquels le monde fait face avec les armes biologiques, Mme Dallafio a appelé à mettre en œuvre au niveau national la Convention sur l’interdiction des armes biologiques (CIAB).  La Suisse a aussi estimé que la Convention doit être portée par des mécanismes plus performants, notamment pour rester en phase avec les rapides progrès de la science.  Elle s’est enfin dite très inquiète face aux difficultés financières de la CIAB.

Pour Mme ROSEMARY MCCARNEY (Canada) le tabou contre l’utilisation des armes chimiques a été brisé avec l’utilisation de substances toxiques comme armes en Syrie, en Iraq, en Malaisie et au Royaume-Uni.  Elle a appelé tous les États à s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques et du droit international humanitaire.  Elle a plus particulièrement exhorté la Syrie à déclarer et à détruire les agents chimiques qu’elle conserve.  Elle a exhorté également la Fédération de Russie à déclarer son « programme offensif » auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). 

Constatant que de nombreuses attaques chimiques en Syrie demeurent non attribuées en raison du veto opposé par la Russie au renouvellement du Mécanisme d’enquête conjoint au Conseil de sécurité, la représentante a accueilli favorablement la décision prise lors de la quatrième séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques qui dote  l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) d’un mandat visant à attribuer la responsabilité des attaques à l’arme chimique.  Il est inacceptable pour les États parties de mépriser leurs obligations aux termes de la Convention, a-t-elle souligné.  Pour sa part, le Canada a déjà fourni une contribution de 41 millions de dollars pour soutenir les efforts de destruction, de surveillance, de vérification et d’enquête sur les armes chimiques en Syrie, en Iraq et en Libye.

M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN (Égypte) a rappelé que le Moyen-Orient est caractérisé par l’instabilité et des tensions qui découlent de guerres imposées.  Il a insisté sur le fait que l’Égypte est partie au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et respecte ses obligations à ce titre.  Toutefois, elle a regretté que la mesure pour la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient n’ait toujours pas été suivie d’effet.  L’Égypte souhaite que cette zone cesse d’être entravée par un pays.

Opposée à toutes les armes de destruction massive partout, en tout temps, l’Égypte a voté en faveur des Conventions sur les armes chimiques et biologiques.  Selon son représentant, il y a des contradictions claires dans les positions de certains États qui appellent à respecter les Conventions alors qu’ils n’exigent pas d’Israël qu’elle adhère au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Ces États, a-t-il dénoncé, n’appuient pas non plus des négociations pour que le Moyen-Orient soit exempt d’armes de destruction massive.

M. ANDREJS PILDEGOVICS (Lettonie) a constaté que la Convention sur les armes chimiques a été défiée à de nombreuses occasions au cours de ces dernières années, que ce soit en Iraq, en Syrie, en Malaisie ou au Royaume-Uni.  « Cela pose une menace sérieuse sur l’ordre juridique international, notamment sur le régime de désarmement et de non-prolifération que nous nous sommes engagés à protéger et à soutenir », a-t-il déclaré.

Le représentant s’est déclaré consterné par la tentative de cyberattaque dont a été la cible l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en avril.  « Nous soutenons l’intention de l’Organisation de renforcer ses capacités à cet égard », a-t-estimé.  La Lettonie a, en outre, regretté profondément qu’il n’ait pas été possible de renouveler le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint, en novembre dernier.  En revanche, le représentant a salué la décision prise lors de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques.  Il a aussi accueilli avec bienveillance l’adoption, par l’Union européenne, d’un nouveau régime de sanctions autonome dont le but est de combattre la prolifération des armes chimiques.

Mme SOCORRO FLORES LIERA (Mexique) s’est inquiétée de la récente décision des États-Unis de se retirer du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (Traité FNI), soulignant que c’est un instrument clef en matière de désarmement qui a créé la stabilité entre les puissances.  Sa disparition risque d’avoir des conséquences importantes pour la communauté internationale dans son ensemble en réduisant la confiance et en déclenchant une nouvelle course aux armements, a-t-elle averti.  Elle a appelé les États-Unis et la Russie à résoudre leurs différends par la voie diplomatique.  Elle a également demandé que tous ceux qui disposent d’armes nucléaires de les détruire conformément aux traités qui constituent le régime de désarmement.

Le nombre de rapports faisant état d’attaques à l’arme chimique était inimaginable, il y a quelques années, a poursuivi la représentante.  Elle a déploré que la communauté internationale soit le témoin de tels faits qui violent le droit international.  Elle a rappelé que le Mexique avait renoncé de manière irréversible aux armes de destruction massive, soulignant, par ailleurs, que la Convention sur les armes chimiques est le seul instrument qui interdit ces armes. Cet instrument a fonctionné, il a contribué au maintien de la paix et de la sécurité et L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) s’est d’ailleurs vu attribuer le prix Nobel de la paix.  Aussi, a-t-elle appelé tous les États à collaborer avec l’OIAC et à veiller à ce qu’il ne subsiste aucun espace d’impunité pour les auteurs de telles attaques.

M. SANDEEP KUMAR BAYYAPU (Inde) a estimé que la Convention sur les armes chimiques est un instrument modèle pour l’élimination d’une catégorie entière d’armes de destruction massive.  Il a fermement dénoncé l’utilisation des armes chimiques qui représente à ses yeux un mépris total pour l’humanité et a appelé à tenir pour responsables les auteurs d’actes aussi odieux.  L’Inde partage les préoccupations générales concernant les allégations d’utilisation d’armes chimiques dans les différentes parties du monde et estime que les enquêtes sur ces questions doivent être impartiales.  Il importe aussi de préserver la crédibilité et l’intégrité de la Convention.  L’Inde possède le deuxième plus grand nombre d’installation déclarées et reçoit parmi le plus grand nombre d’inspections par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), a-t-il rappelé.  Nous avons aussi le plus grand nombre de vérifications impeccables, s’est-il félicité.

Il s’est par ailleurs félicité de l’adoption du programme intersession 2018-2019 de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes biologiques.

Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) a rappelé que son pays est partie aux Conventions sur les armes chimiques et biologiques.  Elle a estimé prioritaire de demander aux États-Unis de compléter le processus de destruction de leur arsenal d’armes chimiques.  Elle a également demandé une mise en œuvre pleine et entière de l’article 11 de la Convention sur les armes chimiques qui porte sur le développement économique et technologique.

Dénonçant les applications et point de vue partiaux sur ces Conventions, elle a critiqué l’attaque menée par les États-Unis et leurs alliés contre la Syrie « au nom d’une prétendue utilisation d’armes chimiques » par le régime de Damas.  Il s’agit, à ses yeux, d’une action unilatérale menée sans l’aval du Conseil de sécurité qui constitue une violation flagrante des normes internationales.  Elle a souligné que la seule manière de garantir les Conventions sur les armes chimiques et biologiques est d’appliquer leurs normes et mécanismes.  Enfin, elle a insisté sur le fait qu’aucune mesure adoptée par le Conseil de sécurité, ou initiative « sélective et discriminatoire » prise par un groupe de pays en dehors du cadre multilatéral, ne sera jamais au-dessus des décisions de l’Assemblée générale.

Mme NATASHA MALEKANE (Afrique du Sud) a demandé à tous les États parties qui possèdent des armes chimiques d’accélérer la destruction de leurs stocks, constatant toutefois que l’existence de nombreuses armes chimiques abandonnées posent de graves défis.  Elle s’est inquiétée du fait que des armes chimiques ont été utilisées à plusieurs reprises ces dernières années.  Elle a salué le travail effectué par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), se disant toutefois préoccupée par la polarisation des organismes en son sein.  Elle a appelé à veiller à sa neutralité.

La représentant a demandé à l’OIAC de renforcer l’assistance aux pays en développement et de désigner les laboratoires référents en Afrique qui pourraient être utilisés en cas d’attaques par des armes de destruction massive ou catastrophes naturelles.  Elle a souligné que l’universalisation des Conventions sur les armes chimiques et les armes biologiques est essentielle à l’élimination de ces engins et a appelé tous les États à les rejoindre.

M. ASSYLBEK TAUASSAROV (Kazakhstan) a souligné que les Conventions sur les armes chimiques et biologiques sont des instruments juridiques essentiels pour orienter les efforts multilatéraux en faveur de l’élimination complète de certains types d’armes de destruction massive sous un contrôle international stricte.

Le Kazakhstan reste déterminé à travailler avec tous les États pertinents, ainsi que les organismes et régimes internationaux pour parvenir aux objectifs fixés par la Convention sur les armes biologiques.  Seule la participation de tous les pays, sans aucune distinction, à cette Convention établira un socle solide pour l’interdiction totale des biotechnologies à des fins militaires, a expliqué le représentant.  Il a précisé que, conformément à la résolution 1540 du Conseil de sécurité, le Kazakhstan avait mis en place un système efficace de contrôle des exportations et des transferts de biens et de technologies dont les normes correspondent aux exigences les plus strictes, tout en reconnaissant qu’il est impératif d’améliorer ce système en permanence.

Soulignant la menace terroriste dans ce domaine, le représentant a appelé à commencer les négociations sur une convention internationale pour la répression des actes de terrorisme chimique et biologique, qui a été proposée il y a deux ans et dont la pertinence est, selon lui, de plus en plus évidente.  En général, il a préconisé que le développement des biosciences et technologies se fasse systématiquement sous supervision des États parties à la Convention.  « Il ne faut pas laisser les recherches biologiques franchir la ligne ténue de la morale et devenir une menace pour la sécurité », a-t-il tranché.  Dans ce contexte, il a rappelé que le séminaire régional des États parties de l’Asie centrale à la Convention sur les armes biologiques aura lieu les 23 et 24 octobre à Almaty, au Kazakhstan.

S’agissant de la Convention sur les armes chimiques, le Kazakhstan estime que l’utilisation potentielle de ses armes doit être abordée dans le cadre du droit international de manière impartiale et transparente.  En attendant, la mise en place d’un mécanisme de renforcement de la Convention devrait uniquement se faire par amendements.

M. FRANK GROOME (Irlande) s’est inquiété du risque que des armes de destruction massive tombent aux mains d’acteurs non étatiques et a jugé impératif de renforcer la coopération internationale.  Sa délégation est extrêmement préoccupée par le fait que la communauté internationale ait toujours à faire face à des cas d’utilisation d’armes chimiques alors même qu’elles sont interdites par le droit international.  Il en a profité pour réitérer le soutien de sa délégation au travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), martelant que l’intégrité et la stricte application de la Convention sur les armes chimiques sont essentielles.

Le représentant a dit demeurer interloqué par le fait que le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU n’ait pas été renouvelé par le Conseil de sécurité, regrettant que certains pays, en utilisant leur droit de veto, aient empêché qu’il y ait une reddition de comptes pour l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.  Il les a invités à réfléchir à l’impact négatif de leur décision.  « Les violations de la Convention sur les armes chimiques doivent être suivies d’actions », s’est impatienté le représentant, sans quoi on encourage ceux qui osent utiliser ces armes à le faire.  C’est dans cet esprit que l’Irlande a rejoint le Partenariat international contre l’impunité dans l’utilisation d’armes chimiques l’année dernière, a expliqué le représentant. 

M. NOBUGISHE TAKAMIZAWA (Japon) a souligné que le recours aux armes chimiques est une violation grave du droit international et que la communauté internationale doit condamner unanimement les auteurs de ces actes.  Le Japon s’est félicité de la décision de doter l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) d’un mandat et d’outils pour identifier les auteurs d’attaques chimiques.  Il a averti que les menaces sont, actuellement, aggravées par la possibilité que des acteurs non étatiques puissent acquérir des armes chimiques.  Désireux d’avancer vers l’universalisation de la Convention sur les armes chimiques, il a ensuite encouragé les États non parties à réfléchir à une accession rapide.  Il a insisté sur les obligations au titre de la Convention. Prenant l’exemple de son propre pays, le délégué a rappelé que le Japon a déjà détruit 51 000 des 63 000 armes chimiques abandonnées en Chine.  « Ces progrès ont été rendus possibles par des efforts conjoints sur le terrain avec la Chine, a-t-il précisé.  Sans cette coopération, nous n’aurions pas pu mener à bien ce projet difficile. »

À propos de la Convention sur les armes biologiques, il a souligné son rôle crucial pour la sécurité internationale.  Insistant sur l’importance de la coordination, le Japon a d’ailleurs l’intention d’organiser des ateliers et séminaires dans le cadre des Nations Unies.  « Les efforts des parties prenantes pour parvenir à une coopération commune est clef pour mettre en œuvre les deux Conventions », a-t-il conclu.

Pour M. PETER BEERWERTH (Allemagne) le rapide développement des connaissances dans le domaine des biotechnologies et des sciences de la vie doit être soigneusement contrôlé étant donné leur double potentiel.  Des cas de tentatives d’attaques montrent qu’il faut adopter des mesures sur le plan national, a-t-il indiqué.  À cet égard, il a salué le programme de travail intersession et des réunions d’experts organisées l’été dernier mais s’est inquiété de la situation financière de la Convention sur les armes biologiques, appelant les États à verser sans tarder leurs contributions et s’assurer que la Convention dispose de bases financières solides et pérennes.

En ce qui concerne la Convention sur les armes chimiques, la destruction des stocks en Libye, en Allemagne, ainsi que ceux de l’Iraq sont encourageantes.  En revanche, les dispositions concernant le non-recours à de telles armes ont été continuellement défiées ces derniers temps.  Les États parties doivent rester déterminés à empêcher l’érosion de cette Convention, a-t-il insisté, soulignant que la situation en Syrie, où le régime utilise des armes chimiques contre sa population, reste vivement préoccupante.  Le représentant a exhorté la Syrie à déclarer et détruire ses stocks existants de manière complète et vérifiable.  Il faut également s’assurer qu’il n’y ait aucune impunité.  Mais, a-t-il estimé, il ne suffit pas de poursuive en justice les responsables, il faut aussi renforcer la crédibilité de la Convention.

M. SURENDRA THAPA (Népal) a réaffirmé sa position de principe selon laquelle la paix et la sécurité internationales ne peuvent être assurées que via la destruction générale et complète de toutes les armes de destruction massive. « Leur utilisation par qui que ce soit est déplorable.  C’est un crime contre l’humanité et les auteurs devraient être tenus pour responsables », a-t-il déclaré.  En tant qu’État partie à la Convention sur les armes chimiques, le Népal a régulé de façon attentive les mouvements transfrontières des biens chimiques, a indiqué le représentant.  Il a émis l’espoir que la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques, qui se tiendra le mois prochain, sera une opportunité pour la renforcer.

Le représentant a ensuite fait observer qu’en dépit de leur engagement indéfectible dans le désarmement et la non-prolifération, certains des pays les moins développés manquent encore de ressources techniques et financières pour se conformer aux différents traités de désarmement et de non-prolifération et que d’autres ne peuvent remplir leurs obligations périodiques d’inspections.  Il a appelé à promouvoir la coopération internationale pour renforcer les capacités des pays en développement à appuyer le désarmement et la non-prolifération.

M. YANN HWANG (France) a estimé qu’avec la République populaire démocratique de Corée, la communauté internationale fait face à la plus grosse crise de prolifération du XXIsiècle.  Même s’il s’est félicité des progrès réalisés quant à cette crise, il a souligné que la RPDC poursuit son programme balistique et nucléaire et demeure donc une menace pour la paix et la sécurité internationales.  Il a rappelé que le programme nucléaire nord-coréen est intimement adossé à son programme balistique et que son développement témoigne d’une volonté d’acquérir une arme nucléaire capable d’atteindre l’Asie, l’Océanie et « peut-être même » l’Amérique du Nord et l’Europe.  Il a rappelé que la RPDC détenait aussi des armes chimiques et qu’elle avait employé un agent neurologique sur l’un de ses ressortissants. La France lui a demandé de prendre des mesures concrètes et vérifiables pour démanteler ces programmes illégaux, a-t-il indiqué.

Sur l’Iran, le représentant a considéré que l’Accord de Vienne est robuste et renforce la non-prolifération.  À ce titre, et puisqu’il n’y a pas d’alternative efficace, il doit continuer à être mis en œuvre.  La France reste néanmoins très préoccupée par le programme balistique iranien.

Depuis la réapparition d’armes chimiques en Syrie, la France a aussi noté la multiplication de son utilisation par Daech, en Malaisie, mais aussi en Grande Bretagne avec l’utilisation d’un agent chimique d’origine russe.  En l’absence de mesures de sanctions, le représentant a appelé à un renforcement nécessaire des moyens de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  À ce titre, il s’est réjoui de la décision d’accroître les pouvoirs d’enquêtes de l’organisation, mais aussi de toutes les initiatives parallèles comme le Partenariat international contre l’impunité dans l’utilisation des armes chimiques qui, a-t-il relevé, a publié plusieurs centaines de noms de personnes impliquées dans l’emploi et le transfert d’agents chimiques.

M. MUSTAPHA ABBANI (Algérie) a appelé les pays concernés à se débarrasser de leurs stocks d’armes chimiques, dans le respect des termes de la convention de l’OIAC.  Il a exprimé son rejet absolu de ces armes par qui que soit et quelque motif avancé.  Il a espéré, en revanche, le renforcement de la coopération internationale pour des activités pacifiques dans le domaine chimique, afin de faciliter le transfert de technologies vers les pays en développement.  Il a souhaité la mise en œuvre totale de la Convention sur les armes biologiques et a jugé nécessaire d’établir un mécanisme de contrôle.

Le représentant a insisté sur l’importance d’empêcher l’apparition de nouvelles armes de destruction massive en renforçant le rôle de la Conférence du désarmement, notamment en ce qui concerne les armes radiologiques et au phosphore.  L’Algérie appuie, par ailleurs, la mise en place d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient, car il s’agirait d’un pas pratique pour renforcer la paix et la sécurité dans le monde entier.

M. JEHANZEB KHAN (Pakistan) a jugé essentielle la contribution des Conventions contre les armes chimiques et biologiques et a appelé à l’universalisation et la mise en œuvre de tous leurs articles.  La Convention sur les armes biologiques joue un rôle clef dans la sécurité globale, a-t-il jugé, et fait la promotion d’une coopération internationale dans l’usage pacifique des sciences de la vie.  Selon lui, la meilleure manière de renforcer cette Convention, c’est via un cadre multilatéral.

Convaincu qu’il faut continuer de renforcer la crédibilité de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), il a averti que la détourner de son mandat l’exposerait à des instrumentalisations politiques.  Il a condamné l’usage des armes chimiques en toutes circonstances, et a considéré que les responsables doivent rendre des comptes.  Le rôle de l’OIAC dans ce cadre est clairement défini par la Convention, a-t-il insisté.  Et elle doit être renforcée en donnant la priorité à la destruction complète des armes chimiques.  Il a dit attacher la plus haute priorité aux dispositions de la convention prévoyant la coopération et l’assistance pour favoriser l’utilisation de la chimie à des fins pacifiques.  Il a aussi demandé qu’une série de mesures soit prise pour faire face à la menace que représentent les acteurs non étatiques.

Mme DELL HIGGIE (Nouvelle-Zélande) a réaffirmé l’absolue nécessité de se conformer au droit international humanitaire et de ne pas permettre l’impunité des auteurs de violations.  Toute utilisation d’armes chimiques est une violation flagrante de la Convention sur les armes chimiques, a-t-elle insisté.  Chaque utilisation, un crime international.  Il est donc décevant que la communauté internationale soit témoin de ces violations, 143 utilisations ayant été enregistrées en Syrie entre octobre 2015 et octobre 2018, dont 17 cas rien qu’en 2018, a déploré la représentante.  La Nouvelle-Zélande est également perturbée par l’impunité dont les auteurs de ces crimes bénéficient et s’est donc félicitée de la décision d’accorder des capacités d’attribution universelle à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Sur les armes biologiques, la Nouvelle-Zélande reconnaît la nécessité de préserver les avancées effectuées depuis 100 ans et espère pouvoir travailler en ce sens le mois prochain lors de la quatrième Conférence des États parties à la Convention sur les armes biologiques.

M. MARCIN KAWALOWSKI (Pologne) a expliqué l’importance primordiale de l’application de la Convention sur les armes chimiques.  Le soutien de la communauté internationale à cette Convention est d’autant plus important cette année à la lumière des menaces fondamentales auxquelles elle doit faire face, a-t-il indiqué.  À ce titre, il a noté que les utilisations répétées d’armes chimiques, notamment en Syrie, en Iraq, en Malaisie et au Royaume-Uni, mettent à mal le fondement même de la Convention, à savoir l’interdiction complète de ces armes.  Cela soulève aussi des questions par rapport à l’intégrité de la Convention et à la crédibilité de l’OIAC, qui, au sens plus large, sont des questions pour l’avenir, a poursuivi le représentant, avant de constater que le consensus à l’OIAC n’existe plus et « que nous sommes toujours loin de le retrouver ». 

Cette situation ne doit pas pour autant être une excuse pour l’inaction, a estimé le délégué.  Et cette position a d’ailleurs été reflétée par de nombreux pays lorsqu’ils ont demandé la convocation d’une conférence des États parties à la Convention.

C’est dans ce contexte que la Pologne présentera, comme par le passé, le projet de résolution sur l’application de la Convention.  Le représentant a évoqué les difficultés de concilier des positions parfois divergentes et mutuellement exclusives, et a assuré que la Pologne, qui est le seul sponsor de ce texte, « a fait son possible » pour présenter un texte à la fois factuel et actuel. 

M. FAIZAL CHERY SIDHARTA (Indonésie) a indiqué que son pays est fermement engagé dans la mise en œuvre entière et non discriminatoire des dispositions de la Convention sur les armes chimiques.  L’an dernier, le Gouvernement indonésien a établi l’autorité nationale de la Convention sur les armes chimiques, qui évalue notamment l’utilisation des substances chimiques à des fins pacifiques.

Le représentant s’est déclaré satisfait que la réunion de 2017 des États parties à la Convention sur les armes biologiques ait atteint un consensus pour un programme intersession de 2018 à 2020. Il a pris note avec intérêt des résultats de la réunion d’experts qui s’est tenue à Genève en août dernier, car « elle contribue de façon significative à une compréhension plus substantielle de chaque question et permet de renforcer la Convention ». Parmi les autres domaines clefs de la Convention qui nécessitent un renforcement, il a cité la coopération internationale dans le domaine de l’assistance et des échanges de toxine, ainsi que l’utilisation d’agents biologiques à des fins pacifique.  À cet égard, les dispositions de l’Article 10 de la Convention doivent être strictement suivies, a-t-il estimé

Enfin, il a fait part de ses préoccupations concernant la situation financière de la Convention et a encouragé toutes les parties à trouver une solution permanente à cette question.

M. TALAL RASHID N. M. AL-KHALIFA (Qatar) a rappelé que la possession d’armes de destruction massive est une violation flagrante des obligations juridiques et morales et de l’engagement pris en faveur de leur élimination au regard de la communauté internationale.  À cet égard, il s’est dit extrêmement préoccupé par l’éventuelle utilisation par des terroristes de ces armes.  Il faut éviter à tout prix que cela se produise, conformément à la résolution 1540, qui a rappelé la réalité de cette menace et demandé aux États d’éviter d’appuyer des acteurs non étatiques, a-t-il souligné. 

Le représentant a ensuite affirmé que les violations des dispositions de la Convention sur les armes chimiques sont inacceptables et doivent être condamnées par la communauté internationale et leurs auteurs tenus pour responsables.  L’utilisation de ces armes par quiconque, indépendamment des circonstances, est une violation flagrante des conventions internationales comme cela s’est passé en Syrie à plusieurs reprises, a—t-il dénoncé en outre.

M. GYORGY MOLNAR (Hongrie) a présenté le projet de résolution sur la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction.  Il a précisé qu’en plus de mises à jour techniques, le projet de cette année reflète les progrès dans l’universalisation de la Convention sur l’interdiction des armes bactériologiques et des décisions prises lors de la Conférence des États parties de 2017, concernant le processus intersession pour la période avant la prochaine Conférence d’examen.  Il reflète aussi la situation financière grave de la Convention, qui nécessite des actions urgentes de la part des États parties.  Le représentant a déclaré qu’il souhaitait que la Hongrie reste le seul auteur de cette résolution.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a noté que l’utilisation active d’armes chimiques est en hausse, notamment en Syrie.  Condamnant l’utilisation des armes chimiques par quiconque, il a jugé que l’incident de Salisbury est un autre exemple de la violation de la Convention sur les armes chimiques.  À ses yeux, un acte de ce type ne peut pas rester sans réponse puisqu’il sape la justice et érode les normes de la Convention.  Il s’est en outre félicité de la décision qui renforce les pouvoirs d’enquête de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en lui permettant de mieux identifier les responsables.

Rappelant également le rôle important joué par la Convention sur les armes biologiques, il a jugé qu’il s’agit d’une bonne base multilatérale.  Rappelant que son pays octroie la plus grande importance à la biosûreté, il a souligné que l’Ukraine a organisé plusieurs ateliers sur la mise en œuvre de la Convention.  La mise en œuvre de la résolution 1540 et d’autres résolutions connexes est une question prioritaire pour l’Ukraine.  Selon son délégué, c’est un instrument important pour lutter contre l’obtention de ces armes par des acteurs non étatiques.

Déclarations sur l’espace extra-atmosphérique (aspects du désarmement)

M. FAIZAL CHERY SIDHARTA  (Indonésie), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, s’est opposé à tout déploiement d’armes dans l’espace.  Il a insisté sur l’importance du respect le plus strict des traités en la matière, y compris les instruments bilatéraux.  Il a également jugé nécessaire de commencer des travaux de fond pour prévenir une course aux armements dans l’espace et ainsi que sur la menace de l’emploi, ou l’emploi de la force.  Il a noté l’adoption, par l’Assemblée générale, de résolutions sur le déploiement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique et sur des mesures pratiques visant à prévenir une course à l’armement, à commencer par la création d’un groupe d’experts.

Le Mouvement continue d’être préoccupé par le déploiement de système de missiles et de défense antimissiles qui ont contribué à l’érosion accrue du climat sécuritaire international.  À cet égard, il a jugé que l’abrogation du Traité concernant la limitation des systèmes de missiles antimissiles balistiques (Traité ABM) a des conséquences négatives sur la sécurité internationale tout comme le déploiement de missiles stratégiques avancés.

M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN (Égypte) au nom du Groupe des États arabes, a considéré comme essentielle l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique.  Selon lui, les conventions qui encadrent cet usage doivent tenir compte des évolutions et des déclarations de certains États qui développent de nouvelles technologies capables d’attaquer des objets spatiaux.  « L’espace est le patrimoine commun de l’humanité, a-t-il insisté.  Toutes les activités spatiales doivent donc respecter les normes établies par les Nations Unies. »

Il a jugé nécessaire d’adopter un instrument juridiquement contraignant pour se prémunir d’une course aux armements dans l’espace, tout en prenant en compte les intérêts de tous les États.  Il ne faut pas restreindre le droit à l’utilisation pacifique de l’espace qui doit être exempt de tous conflits militaires, a-t-il souligné.  L’instrument en question devrait donc prévoir l’interdiction du déploiement d’armes offensives ou défensives et de tout essai militaire.  Revenant sur l’importance de la coopération dans le domaine de l’espace extra-atmosphérique, il a demandé à inclure les pays en développement pour que ceux-ci bénéficient également des progrès en la matière. 

M. MOHD SUHAIMI BIN AHMAD TAJUDDIN (Malaisie) au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) se félicite de la création d’un groupe d’experts gouvernementaux pour examiner la question de la course aux armes dans l’espace et chargé de formuler des recommandations pour établir un accord juridiquement contraignant pour prévenir le déploiement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique.  Il a souhaité que le premier groupe de travail intersession, qui doit se réunir en 2019, soit inclusif.  Il s’agit de questions complexes et pertinentes étant donné l’évolution rapide de nouvelles techniques spatiales, a noté le délégué, qui a souligné qu’il revient à tous les États de s’assurer de l’utilisation pacifique de l’espace.

Le représentant a suggéré la tenue de réunions ad hoc au sein des Première et Quatrième Commissions, jugeant que les mécanismes des Nations Unies sont les mieux placés pour favoriser les débats et sortir de l’impasse institutionnelle qui existe en la matière.  Il a par ailleurs souhaité associer le secteur privé aux travaux car il s’agit d’un acteur clef dans l’espace.

Mme ANNE KEMPPAINEN, déléguée de l’Union européenne, a souligné que l’espace est un bien commun mondial.  Selon elle, renforcer la sécurité et la nature pacifique de l’espace n’est possible que via la coopération internationale.  « Nous avons développé une industrie spatiale qui nous permet de mener une activité de grande ampleur », a-t-elle rappelé, en précisant que l’Union européenne a le deuxième budget spatial du monde.

À ses yeux, l’espace est autant un bien commun qu’une responsabilité et nécessite donc une gouvernance mondiale.  Le Traité de l’espace de 1967 et d’autres instruments des Nations Unies sont, à ce titre, la pierre angulaire de cette coopération.  Elle a ensuite souligné l’importance de la transparence et des mesures de renforcement de la confiance qui permettent de pérenniser l’usage pacifique de l’espace.  Selon elle, le code de conduite international pour les activités menées dans l’espace extra-atmosphérique est également un instrument pertinent pour préserver l’intégrité de l’environnement spatial.

Déterminés à promouvoir des comportements responsables dans l’espace, les États de l’UE veulent prémunir le monde d’une course aux armements dans l’espace.  Préoccupé par le développement d’armes antisatellites, l’Union européenne continue d’avoir des réserves sur le projet de traité relatif à la prévention du déploiement d’armes dans l’espace et de la menace ou de l’emploi de la force contre des objets spatiaux.  Selon elle, un nouvel instrument juridiquement contraignant doit être complet, effectif et vérifiable.

Par ailleurs, elle s’est dite inquiète par rapport au projet de résolution relatif au non-placement en premier d’armes dans l’espace, avertissant que ce texte augmente le risque de conflits dans l’espace car il ne répond pas à des questions complexes comme la définition de ce qu’est une arme dans l’espace.

Enfin, elle a noté les risques posés par l’envoi de constellations de milliers de satellites qui peuvent engendrer des collisions.  Elle a indiqué que les nouvelles technologies de surveillance spatiale, le retrait de débris spatiaux ou la mise en orbite de satellite de service pourraient jouer un rôle important pour assurer l’usage durable de l’espace.  Elle a donc appelé à renforcer la coopération internationale et à établir les normes d’un comportement responsable.  Un instrument juridiquement non contraignant pourrait aider à atteindre ces objectifs, notamment s’il est basé sur les travaux du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique et permet d’établir un mécanisme volontaire pour la programmation des manœuvres susceptibles de présenter un risque pour la vie ou la propriété sur Terre.  Ce système de notification pourrait également comprendre les rentrées à haut risque d’objets spatiaux, a-t-elle suggéré.

Mme YLEEM D.S. POBLETE (États-Unis) a indiqué que la Russie a déployé récemment un objet dans l’espace qui « ne ressemblait à rien de vu précédemment » et s’est dite préoccupée par ces activités qui ne semblent pas normales.  Quel est cet objet spatial?  Quelle est sa mission?  Les intentions ne sont pas claires, selon elle. Un responsable russe a déclaré qu’il s’agissait d’un « nouveau type d’arme pour les troupes spatiales », s’est inquiétée la représentante, tandis qu’un représentant militaire russe a évoqué un système de combat laser.  Par ailleurs, la Russie a revendiqué être en train de développer des systèmes de missiles qui pourront être lancés par des aéronefs pour détruire des satellites américains.  Ces activités ne correspondent pas à la rhétorique diplomatique de la Russie, qui est en train de développer des capacités pour attaquer des satellites dans l’espace, a-t-elle relevé.

Pour la représentante, cette situation impose d’adopter des mesures contraignantes.  Or le traité proposé, ainsi que le projet de résolution sur le non-déploiement en premier ne sont pas pertinents venant de la part d’un pays qui a violé ses obligations à maintes reprises.  Elle a donc appelé à rejeter cette « résolution Potemkine » de la Russie, jugeant que ces initiatives « hypocrites et vides de sens » ne sont pas la réponse adéquate au renforcement de la confiance.  « Les États-Unis préfèreraient que l’espace reste exempt de conflit mais ils seront prêts à relever toute forme de défi si nos adversaires transforment l’espace en théâtre de guerre », a-t-elle prévenu.

Depuis le début de l’ère spatiale, il y a 60 ans, a poursuivi la représentante, il était acquis que toutes les nations peuvent utiliser pacifiquement l’espace et les Nations Unies considèrent que ces activités peuvent concerner la sécurité nationale.  Les États-Unis souhaitent continuer à œuvrer en faveur de la confiance et de la stabilité dans l’espace mais les projets de traité et de résolution sur le non-déploiement en premier ne sont pas des instruments adéquats pour atteindre ces objectifs, a-t-elle conclu.

Mme SABRINA DALLAFIOR (Suisse) a souligné les risques d’attaques, de conflits armés et de collisions qui animent l’espace extra-atmosphérique.  Constatant avec satisfaction les progrès réalisés sur cette question dans de nombreux organes, elle a souligné les travaux de la Conférence du désarmement pendant lesquels la course aux armements dans l’espace a été sérieusement étudiée.  Elle a espéré que ceux-ci permettront de préparer le terrain pour de nouveaux instruments.

Au-delà de ces progrès, elle a jugé que beaucoup reste à faire pour établir des normes.  La Première Commission doit jouer un rôle fédérateur sur ce sujet, a-t-elle ajouté, et redoubler d’efforts pour travailler de façon plus consensuelle.  

Droits de réponse

La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a rejeté les accusations sans fondement de la France, soulignant que son gouvernement avait pris des mesures en matière de dénucléarisation de la péninsule.  Plutôt que de la saluer, le représentant français fait des allégations sans fondement, s’est indigné le représentant.  Jugez-vous donc que les armes nucléaires sont sûres entre vos mains et pas dans les nôtres? a lancé le délégué qui, a ensuite conseillé à France de suivre l’exemple de son pays et de se séparer de ses armes nucléaires. 

Le représentant de la Syrie a rejeté catégoriquement tout usage d’armes de destruction massive ou chimiques.  « C’est un crime contre l’humanité injustifiable », s’est-il exclamé.  Il a rappelé que dans le rapport présenté au Conseil de sécurité en juin 2014, il était notifié que la Syrie avait respecté ses obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques et que toutes les matières chimiques que son pays avait en stock avaient été livrées à l’OIAC.  Il a, par ailleurs, estimé que le Mécanisme conjoint d’enquête n’avait pas honoré son mandat, raison pour laquelle il n’a pas été reconduit.

Rejetant toutes les allégations hostiles à son pays, il a renvoyé la Suisse, le Canada et l’Allemagne à leurs propres manquements.  Il a notamment accusé le Canada d’avoir participé à l’élaboration de la première arme nucléaire au monde, d’avoir fourni des expertises aux groupes terroristes qui sévissent en Syrie et d’avoir accueilli sur son sol les terroristes des Casques blancs.  Il a ensuite accusée l’Allemagne d’avoir violé les conventions sur les armes de destruction massive en accueillant des armes nucléaires sur son territoire et en fournissant à Israël des sous-marins capables d’accueillir des têtes nucléaires.

À son tour, la France a salué les efforts diplomatiques en cours qui ont déjà permis de réduire la tension dans la péninsule coréenne, tout en appelant à ne pas ignorer le fait que la RPDC poursuit ses programmes nucléaires et balistiques.  Ce que la France attend ce sont des mesures vérifiables, complètes et irréversibles sur les armes nucléaires, balistiques et chimiques.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Deuxième Commission: le renforcement des partenariats mondiaux est l’une des clefs pour atteindre les objectifs de développement durable

Soixante-treizième session,
21e séance – matin
AG/EF/3505

Deuxième Commission: le renforcement des partenariats mondiaux est l’une des clefs pour atteindre les objectifs de développement durable

Les partenariats public-privé, sur le plan national ou international, sont la clef du succès du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ont convenu les délégations de la Deuxième Commission (questions économiques et financières) ce matin, en apportant des précisions sur leur potentiel et sur les conditions qu’ils doivent remplir.  Partant du principe que le développement durable ne peut être mis en œuvre au prix des seuls efforts des gouvernements et de l’ONU, les délégations ont appelé à utiliser l’objectif 17 du Programme, intitulé « Partenariats pour la réalisation des objectifs », pour encourager de tels partenariats.

Les organismes du système des Nations Unies favorisent de plus en plus les formes de partenariat permettant une collaboration plus poussée et plus stratégique et privilégiant l’innovation, l’adaptabilité et l’efficacité, indique le Secrétaire général dans son rapport sur la question.  Pour accélérer cette évolution positive et l’inscrire dans la durée, il faut se tourner encore davantage vers des partenariats qui mobilisent plus efficacement les ressources et les compétences du secteur privé.

Reconnaissant le rôle actif de l’ONU comme bâtisseur de ponts entre les gouvernements et les autres acteurs du développement, la République de Corée a fait remarquer que le secteur privé aligne de plus en plus ses intérêts sur les exigences du développement durable et que des initiatives multipartites émergent.  L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a d’ailleurs salué le fait que 3 834 partenariats avaient déjà été enregistrés en juin dernier et a espéré qu’ils permettront des synergies.  Les partenariats avec les entreprises du secteur privé, la société civile, le monde universitaire et scientifique sont importants pour compléter les efforts des gouvernements, ont reconnu nombre de délégations.

Plusieurs intervenants ont toutefois recommandé de veiller à la transparence, à la cohérence, à l’appropriation et au contrôle intergouvernemental.  La hausse des partenariats dans la plupart des organismes des Nations Unies doit s’accompagner, selon le Brésil, d’efforts équivalents pour l’adoption de mécanismes concrets de gouvernance et de politique de gestion des risques.  L’ONU doit également pratiquer une « diligence suffisante » (« due diligence ») afin d’éviter de s’engager avec des entreprises qui ont des antécédents douteux en termes de respect des droits de l’homme, de normes du travail et environnementales et de promotion de l’égalité entre les sexes. 

La République de Corée a appelé à créer davantage de plateformes de partenariats multipartites et à développer les efforts collectifs pour tirer parti des initiatives existantes au sein du système des Nations Unies, comme le Bureau des Nations Unies pour les partenariats (BNUP), le Pacte mondial et ses relais régionaux, et l’initiative Impact universitaire de l’ONU.  Le Pacte mondial entend amener les entreprises à adopter des politiques et des actions durables et socialement responsables, a précisé la Thaïlande.

La réforme du système des Nations Unies pour le développement arrive d’ailleurs à point nommé pour s’adapter au contexte du Programme 2030 et renforcer les partenariats multipartites en vue de favoriser la réalisation des objectifs de développement durable, en particulier dans les pays en développement, a fait observer le Togo.  Pour sa part, l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) a rappelé que le document final de la troisième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement -les Orientations de Samoa- adopté en 2014, met fortement l’accent sur les partenariats « authentiques et durables ».  Rappelons qu’à l’occasion de cette conférence, 75 nouveaux partenariats avaient été enregistrés.

En ce qui concerne les activités opérationnelles de développement, sur lesquelles les délégations avaient commencé à se pencher hier, le Ghana a souligné combien elles sont « précieuses pour soutenir les efforts nationaux de développement ».  Même son de cloche du côté de l’Éthiopie, pour qui la réforme du système des Nations Unies pour le développement n’est pas un choix mais une nécessité pour les pays en développement, qui ont besoin d’appui pour la mise en œuvre du Programme 2030.  Dans cette lignée, les intervenants ont espéré que le nouveau système des coordonnateurs résidents tiendra compte des besoins particuliers et des priorités des pays en développement.  Pour ce qui est des équipes pays, le Pakistan a demandé de veiller à l’équilibre géographique dans leur composition et à les doter de ressources suffisantes.  Le nouveau système doit être indépendant, impartial et transparent, a résumé l’Iran, à l’instar de nombreuses délégations, qui ont également plaidé pour un financement prévisible et durable, en évitant toute fragmentation des ressources.

Enfin, comme dans les débats d’hier, la coopération Sud-Sud a été plébiscitée.  La République dominicaine a souligné sa capacité d’apporter des approches novatrices fondées sur des expériences positives dans la mise en œuvre des politiques de développement, sans pour autant se substituer à la coopération Nord-Sud.  La coopération triangulaire a également tout son intérêt, a fait valoir la Guinée, car elle permet, par l’intermédiaire des organismes du système des Nations Unies, un transfert des compétences entre les pays du Sud qui contribue efficacement à l’amélioration des conditions de vie des populations bénéficiaires.  Régionalement, a relevé le Maroc, la coopération Sud-Sud doit se placer dans la perspective d’une Afrique nouvelle, et se concentrer sur l’agriculture, le transfert des technologies, les partenariats public-privé et l’éducation supérieure.  Beaucoup de pays misent sur la Conférence de haut niveau prévue en mars prochain à Buenos Aires, qui sera l’occasion de faire le bilan des progrès depuis l’adoption du Plan d’action de Buenos Aires il y a 40 ans.

Demain, à partir de 10 heures, la Deuxième Commission se penchera sur la question de la souveraineté permanente du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles.

ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES DE DÉVELOPPEMENT

Suite du débat général

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a souligné que le rôle des Nations Unies reste essentiel pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  L’examen récent de la mise en œuvre de la résolution de l’ECOSOC préconise des mesures tangibles pour renforcer les liens entre fonctions politiques et opérationnelles, a dit Mme Lodhi, en précisant que le Pakistan attend la mise en œuvre de toutes les mesures de réforme.  La représentante a mis en avant ses préoccupations particulières: le système des Nations Unies pour le développement doit continuer à mettre l’accent sur le développement mais il n’y a pas de solution unique; et les coordonnateurs résidents doivent donner une orientation qui inclue tout le monde et soit adaptée aux besoins de chaque pays. 

L’équilibre géographique doit aussi être respecté dans la composition des équipes, a-t-elle ajouté, souhaitant également que les équipes pays bénéficient de ressources suffisantes.  Les États Membres doivent continuer d’être consultés et de participer activement à la mise en œuvre des réformes.  Quant à la coopération Sud-Sud, Mme Lodhi a estimé qu’elle devient de plus en plus essentielle pour renforcer les capacités des pays en développement, mais souligné qu’elle complète la coopération Nord-Sud et ne saurait la remplacer.  Le Pakistan est très impliqué dans la coopération Sud-Sud et le couloir Chine-Pakistan en est un exemple exceptionnel. 

Mme SARVESTANI (République islamique d’Iran) a estimé que le nouveau système des Nations Unies pour le développement doit être indépendant, impartial et transparent.  Il doit collaborer avec les pays grâce à un dialogue ouvert et en respectant les priorités nationales, a-t-elle ajouté.  Le système de coordonnateur résident doit pouvoir répondre aux priorités spécifiques des États et faire rapport au pays hôte, a préconisé la représentante.  Elle a poursuivi en exprimant ses inquiétudes concernant le déséquilibre existant entre ressources centrales et non centrales pour le financement des activités opérationnelles de développement menées par l’ONU.  Le système des Nations Unies pour le développement doit s’orienter vers une architecture transparente et mieux soutenir la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a-t-elle souhaité.  Quant à la coopération Sud-Sud, la représentante a souligné qu’elle apporte une contribution positive au multilatéralisme. 

Mme MERYEM HAMDOUNI (Maroc) a soutenu l’approche multilatérale du système des Nations Unies pour le développement.  Le Maroc a relevé quelques paramètres essentiels, comme la refonte du système des coordinateurs résidents.  Leur renforcement est crucial, a-t-elle souligné.  La nécessité d’assurer un équilibre entre les ressources centrales et non centrales est aussi un point auquel tient le Maroc.  Affirmant que la coopération Sud-Sud, qui œuvre sur la base de l’égalité, n’est plus un slogan vide, mais une véritable composition de politiques de développement, le Maroc souhaite travailler de manière constructive sur la base de la solidarité et de partenariats forts, pour relever les défis du développement.  Régionalement, a poursuivi la déléguée, la coopération Sud-Sud doit se placer dans la perspective d’une Afrique nouvelle, et se concentrer sur l’agriculture, le transfert des technologies, la création de partenariats publics-privés dans différents secteurs, et la formation dans l’éducation supérieure, secteurs dans lesquels le Maroc a de bonnes compétences.

M. LUANOKHOM (République démocratique populaire lao) a considéré que les PMA, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID) avaient besoin de plus d’investissements pour répondre à leurs besoins.  Ces pays contribuent par eux-mêmes à la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a-t-il souligné.  Il a espéré que l’alignement du système des Nations Unies pour le développement avec les objectifs de développement durable accoucherait de progrès.  La réforme des coordinateurs résidents est aussi une bonne chose, a souligné M. Viengviseth, qui a encouragé la relance de ce système pour la réalisation de mandats plus forts.  Il s’est dit toutefois préoccupé par les déséquilibres entre formes de financement centrales et non centrales.  « Si cette tendance demeure, cela aura un effet négatif sur nos résultats », a-t-il prévenu.  Le représentant a aussi demandé aux pays donateurs de consacrer davantage de leur part de PIB à l’aide accordée aux PMA, pour que ces derniers puissent véritablement mettre en œuvre le programme de développement mondial.

M. GEBEYEHU GANGA GAYITO (Éthiopie) a fait valoir que la réforme du système des Nations Unies pour le développement n’est pas un choix mais une nécessité pour les pays en développement, qui ont besoin d’appui pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Il est nécessaire de changer de paradigme, a-t-il lancé.  À son avis, le système devrait se concentrer sur le développement durable et en premier lieu sur l’élimination de la pauvreté.  Le nouveau système de coordonnateur résident devrait aider les États à agir conformément à leurs priorités nationales, a-t-il ajouté.  Il a aussi préconisé de renforcer l’appropriation nationale et la direction par le pays lui-même, en suivant une approche adaptée à chaque pays.  Il faut aussi assurer un financement prévisible et durable, en évitant toute fragmentation des ressources.  L’Éthiopie accueille l’une des équipes de pays les plus importantes du monde de même que la Commission économique pour l’Afrique, a rappelé le représentant, avant de souligner la nécessité d’éviter les doublons.  Il a également plaidé en faveur de la coopération Sud-Sud en exprimant la nécessité de la revitaliser. 

M. DIRJI (Bhoutan) a salué la mise en œuvre du nouveau système de coordonnateur résident en janvier, qui correspond à la sortie prévue du Bhoutan de la liste des pays les moins avancés (PMA).  Selon lui, cela permettra d’assurer une transition sans heurt, durable et irréversible.  La réorientation des travaux des Nations Unies en matière de développement permettra une nécessaire orientation stratégique dont le Bhoutan a besoin, a-t-il estimé. 

Pour M. PHILIP FOX-DRUMMOND GOUGH (Brésil), la réforme du système des coordinateurs résidents et le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement sont de bonnes choses, mais il ne saurait y avoir de modèle unique.  Le Brésil souhaite signaler que dans le contexte des examens quadriennaux complets des activités opérationnelles de développement de l’ONU, la coopération Sud-Sud doit être encouragée.  À ce sujet, il a misé sur la conférence de haut niveau prévue en mars prochain à Buenos Aires, qui sera l’occasion de faire le bilan des progrès depuis l’adoption du Plan d’action de Buenos Aires il y a 40 ans, et de regarder vers le futur et la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Mme MADELIN ESTHER LUNA (République dominicaine) a espéré que le nouveau système des coordinateurs résidents tiendra compte des besoins particuliers des pays sur le terrain.  Elle a répété qu’il n’existait pas de mesure unique, et a invité à respecter les différences régionales.  La coopération Sud-Sud a un rôle capital à jouer pour la réalisation des objectifs de développement durable grâce à des approches novatrices fondées sur des expériences positives dans le contexte de politiques de développement.  Cette coopération Sud-Sud est un complément, pas un remplacement de la coopération Nord-Sud, a-t-elle rappelé.  Elle a loué le système de coopération entre les pays et le monde, tourné vers la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

M. OMAR CISSÉ (Guinée) a estimé que l’on ne peut parler de coopération Sud-Sud sans évoquer la coopération triangulaire.  En effet, ces deux formes de coopération ont le potentiel de transformer les politiques et approches des pays en développement vis-à-vis de la fourniture de services en apportant des solutions qui sont efficaces, des initiatives locales et adaptées au contexte de chaque pays.  Il a relevé que par l’intermédiaire des organismes du système des Nations Unies, le transfert des compétences entre les pays du Sud contribue efficacement à l’amélioration des conditions de vie des populations bénéficiaires. 

M. Cissé a ensuite demandé que les partenaires engagés dans les efforts de développement tiennent compte des intérêts et spécificités de chaque pays en développement.  Il a ainsi rappelé les propos du Président de la Guinée au moment de l’indépendance: « toute aide qui ne nous aide pas à nous passer de l’aide doit être repoussée ». 

Mme MONICA BOHAM (Ghana) a dit que les activités opérationnelles des Nations Unies pour le développement sont précieuses pour soutenir les efforts nationaux et assurer la mise en œuvre du Programme 2030.  Le nouveau système de coordonnateur résident est un pas dans la bonne direction, a ajouté la représentante, estimant qu’il est nécessaire d’impliquer les États et d’adapter les projets de développement à leurs priorités.  Elle s’est dite préoccupée par le déséquilibre entre les ressources de base et les autres, estimant qu’un financement prévisible est indispensable: il faut selon elle envisager d’autres sources de financement.  Quant à la coopération Sud-Sud, elle offre à son avis un potentiel énorme pour aider les pays en développement à réaliser le Programme 2030.  Elle s’est dite optimiste et attend un renforcement de cette coopération lors de la prochaine Conférence de haut niveau qui aura lieu à Buenos Aires l’année prochaine.

M. JAIME ANDRÉS GNECCO DAZA (Colombie) a dit que la coopération Sud-Sud et triangulaire est un instrument remarquable pour la Colombie, qui contribue à renforcer le positionnement du pays sur la scène régionale et internationale.  Depuis 2010, la Colombie a appliqué six stratégies de coopération régionale.  Le pays estime que la coopération Sud-Sud est importante pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Le représentant a manifesté son intérêt pour l’élaboration de méthodes visant à évaluer cette coopération internationale.  La Colombie est prête à soutenir le processus issu de la Conférence sur la coopération Sud-Sud qui aura lieu à Buenos Aires.

Mme RABOHALE (Afrique du Sud) a réaffirmé que l’élimination de la pauvreté était le défi le plus important sur le plan mondial, et qu’il était le but principal des objectifs de développement durable.  La réforme du système des Nations Unies pour le développement va dans ce sens, s’est-elle réjouie, pour revitaliser les partenariats mondiaux en faveur du développement durable.  Elle a encouragé la revitalisation du système des coordinateurs résidents, et appelé à des réunions régulières et des exposés d’information réguliers sur les modèles de financement. 

Concernant les réformes, la représentante a appelé à une meilleure prestation des activités opérationnelles de développement tout en respectant l’espace politique des pays.  Le processus ne doit pas être politisé mais garder le cap sur l’élimination de la pauvreté et la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-elle souligné, avant de réaffirmer que la coopération Sud-Sud ne remplaçait pas non plus l’aide publique au développement.  Elle s’est dit impatiente de la tenue de la Conférence de haut niveau sur la coopération Sud-Sud en mars prochain pour redéfinir la coopération Sud-Sud.

Vers des partenariats mondiaux

Présentation de rapports

Mme OLAJOBI MAKINWA, Chef des relations intergouvernementales et de l’Afrique du Pacte mondial des Nations Unies, a présenté le rapport du Secrétaire général (A/73/326) sur le Renforcement de la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et tous les partenaires intéressés, en particulier le secteur privé.  Cela fait déjà trois ans que la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 a commencé et il est urgent que l’Organisation s’emploie à tirer pleinement parti des possibilités de collaboration avec le secteur privé et les autres partenaires, note le rapport.  Les organismes des Nations Unies s’accordent largement à dire que l’accomplissement des objectifs de développement durable passera nécessairement par le renforcement significatif des alliances et des partenariats, en particulier avec le secteur privé.  Il est également communément admis que, pour cela, l’action doit être renforcée et mieux coordonnée à l’échelle du système.

L’ensemble des organismes du système tendent à favoriser de plus en plus les formes de partenariat permettant une collaboration plus poussée et plus stratégique et privilégiant l’innovation, l’adaptabilité et l’efficacité.  Pour accélérer cette évolution positive et l’inscrire dans la durée, il faut se tourner davantage encore vers des partenariats qui mobilisent plus efficacement les ressources et les compétences du secteur privé.  L’Organisation s’attache également à promouvoir plus activement les nouveaux modes de financement et les innovations nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable, et son rôle à cet égard sera donc amené à se transformer considérablement dans les années à venir.  Ce rapport a pour objet d’accompagner cette transformation en fournissant plusieurs recommandations visant à favoriser une stratégie plus forte en matière de partenariats à l’échelle du système afin de renforcer l’efficacité de la collaboration avec le secteur privé et d’accélérer les progrès vers la réalisation du Programme 2030. ​

​M. PETRU DUMITRIU, Inspecteur du Corps commun d’inspection, a présenté la note du Secrétaire général (A/73/186) introduisant le rapport du Corps commun d’inspection (JIU/REP/2017/8) sur les partenariats entre le système des Nations Unies et le secteur privé dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030, soulignant qu’il s’agissait d’une tentative pour améliorer les partenariats avec le secteur privé.  Le Corps commun d’inspection a examiné les éléments de base nécessaires pour mettre en place des partenariats fructueux et pour protéger l’image, la réputation et les valeurs de l’Organisation des Nations Unies.  Le présent examen part de la conviction largement partagée que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 donne une impulsion extraordinaire à la relance de l’engagement du secteur privé au service des objectifs de l’ONU.  Cette nécessaire relance, non seulement est imposée par le mandat conféré par le Programme 2030, mais aussi reflète l’évolution des conditions de l’action collective mondiale et la montée en puissance d’entités non gouvernementales, qui sont en mesure d’intervenir plus rapidement que les processus intergouvernementaux multilatéraux.  Sans méconnaître les garanties existantes en matière de diligence raisonnable et de gestion des risques, le rapport du Corps commun d’inspection souligne la nécessité de renforcer l’efficacité du système des Nations Unies dans sa coopération avec le secteur privé pour appuyer le Programme 2030 et intégrer la notion de durabilité dans les modèles économiques de ses organismes.  Il formule, à cet égard, 12 recommandations. 

Mme FEDERICA PIETRACCI, Spécialiste hors classe de la gestion des programmes du secrétariat du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination, a présenté la note du Secrétaire général (A/73/186/Add.1) portant ses observations et celles du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination sur le rapport du Corps commun d’inspection et ses 12 recommandations.  Les organismes du système des Nations Unies accueillent favorablement le rapport du Corps commun d’inspection et souscrivent dans l’ensemble aux conclusions et recommandations qui y sont formulées.  Ils notent que leurs besoins et objectifs particuliers en termes de collaboration avec le secteur privé varient en fonction de leur mission et de leur mandat, mais également de leur taille, et qu’un modèle unique de partenariat est par conséquent voué à poser des problèmes et à rencontrer des limites.  Ils soutiennent donc l’idée consistant à faire évoluer les cadres de collaboration et à privilégier dorénavant une démarche tendant à impulser les partenariats plutôt qu’à simplement offrir une protection contre les risques.

M. DATO’ SRI MUHAMMAD SHAHRUL IKRAM YAAKOB (Malaisie), s’exprimant au nom de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), a salué le fait qu’en juin dernier, on en était déjà à 3 834 partenariats enregistrés par les parties prenantes qui contribuent à la réalisation des objectifs de développement durable.  Néanmoins, il faut renforcer les efforts pour élargir les alliances et les partenariats, notamment avec le secteur privé.  Le délégué a souhaité que l’ONU tienne compte, en élaborant des partenariats en Asie du Sud-Est, du fait que l’ASEAN compte en son sein les pays en situation particulière de divers groupes. 

M. Yaakob a dit espérer que les partenariats mondiaux permettront de construire des synergies nécessaires pour la réalisation de la vision 2025 de l’ASEAN et du Programme 2030.  Il a souligné que l’intégration des pays en développement dans les partenariats permettrait à ces derniers de tirer pleinement parti de leur potentiel économique.  Pour sa part, l’ASEAN entend renforcer la coopération dans des domaines tels que: la sécurité transfrontière; la prévention de l’extrémisme violent; l’autonomisation de la femme; la réalisation des objectifs de développement durable; et l’intégration de la communauté régionale et mondiale dans un monde de plus en plus numérisé, afin que personne ne soit laissé à la traîne.  Le programme de la Communauté économique de l’ASEAN 2025 identifie les partenariats public-privé comme un outil important de prise de décision afin de renforcer le développement économique et social.  Ces partenariats avec le secteur privé doivent respecter les priorités de développement des États, a précisé le représentant.

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador), parlant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a souligné le rôle central des politiques publiques au niveau mondial, régional, national et local afin de réaliser le développement durable, tout en soulignant la contribution précieuse du secteur privé, de la société civile, du monde universitaire, des mouvements et de la société.  Il a estimé que les partenariats multipartites, ainsi que les ressources et l’ingéniosité des acteurs concernés, sont importants pour compléter les efforts des gouvernements dans la réalisation des objectifs de développement durable, en particulier dans les pays en développement.  En même temps, les gouvernements doivent promouvoir des pratiques commerciales conformes aux lois et priorités de développement du pays.

M. Escalante Hasbún a exhorté les membres de la CELAC à continuer de promouvoir le travail dans les différents secteurs, et la coopération entre eux, dans le but d’obtenir des résultats concrets.  Aux institutions spécialisées, fonds et programmes des Nations Unies, il a recommandé de continuer à collaborer activement avec les autres parties prenantes, y compris la société civile, le secteur privé et les fondations en vue de la diversification des sources potentielles de financement, en particulier les ressources de base, pour leurs activités opérationnelles de développement.  Enfin, il a prôné une approche responsable sur la question des partenariats avec l’ONU, en recommandant de veiller à la transparence, la cohérence, l’appropriation et le contrôle intergouvernemental des partenariats.

 M. FARZANA ZAHIR (Maldives), s’exprimant au nom de de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a rappelé que l’objectif 17 de développement durable sur les partenariats est un complément et non un substitut à l’aide publique au développement qui doit rester le mécanisme central de financement du développement.  Les Orientations de Samoa, a-t-il rappelé, mettent l’accent sur les partenariats, notamment par le biais du cadre de partenariats des petits États insulaires en développement dont le comité de coordination identifie les opportunités de partenariat et assure le suivi de leur mise en œuvre.  Il a souligné que le rapport du Secrétaire général laisse voir que la moitié des partenariats engagés par les PEID sont sur la bonne voie, mais qu’un grand nombre font face à de nombreux obstacles de diverse nature.

M. ROBERT SACHSO LORENTZ (Allemagne), parlant au nom de l’Union européenne, a réaffirmé que les ressources, l’intelligence et la créativité du secteur privé, ainsi que celles de la communauté scientifique et des collectivités locales étaient indispensables à la mise en œuvre des objectifs de développement durable, et qu’elles devaient se renforcer mutuellement.  Les fonds publics et privés doivent intervenir en synergie, a aussi rappelé le représentant qui a appelé à réunir toutes les ressources financières et non financières pour réaliser le Programme 2030.  L’innovation, le savoir-faire et les technologies permettront d’employer au mieux les ressources publiques en plaçant le monde sur une voie résiliente, a-t-il prédit.

Les activités de partenariat se sont développées mais sont encore sous utilisées, a poursuivi le représentant.  De l’avis de M. Lorentz, le Secrétaire général a raison de dire qu’il était nécessaire de développer des partenariats multipartites.  De bons partenariats ne peuvent être fondés que sur des principes qui respectent les Nations Unies, a-t-il précisé.  Les partenariats devraient aussi profiter des cadres règlementaires pour l’alignement sur les objectifs de développement durable.  Il a insisté sur une approche cohérente au sein du système des Nations Unies tout en recommandant la souplesse nécessaire pour s’adapter.  Il a encouragé le Secrétaire général à continuer sur cette voie, en assurant que les États membres de l’UE se tenaient prêts à s’y engager. 

 M. SHUMSKY (Bélarus) a estimé que les partenariats sur le plan national et international sont la clef du succès de la réalisation du Programme 2030, comme stipulé dans l’objectif 17.  Néanmoins, il a regretté la forte tendance à continuer à considérer le secteur privé comme une source de financement et non comme un partenaire à part entière.  Au Bélarus, un système institutionnel dirigé par un coordonnateur œuvre à la réalisation des objectifs de développement durable; ce système est ouvert au secteur privé ainsi qu’aux milieux de la science et de la technique.  Le représentant a espéré que le nouveau système de coordonnateur résident de l’ONU permettra de créer ensemble des projets pour réaliser les objectifs.  Le Bélarus a pour sa part lancé une initiative de réseau de coordonnateurs régionaux, a-t-il indiqué.

Mme AL BAKER (Qatar) a dit que le Programme 2030 est un repère, un cadre global pour éliminer la pauvreté et parvenir à une société inclusive.  Pour le réaliser, la participation de toutes les parties prenantes est nécessaire, a-t-elle rappelé en plaidant pour des partenariats efficaces entre secteur public et privé, y compris avec les universités, et pour leur renforcement.  La politique étrangère du Qatar se fonde sur la coopération et les partenariats afin de relever des défis communs.  Le pays veut renforcer son rôle régional et international, a indiqué la déléguée, en faisant valoir que le Qatar fournit volontairement une aide au développement à plusieurs pays, notamment des PMA, et s’efforce d’honorer ses engagements.  La représentante s’est dite confiante dans le fait que les partenariats mondiaux pourront permettre de réaliser les objectifs de développement durable de façon équilibrée et dans le respect des priorités nationales.

M. KORAWAT WUTTIWONG (Thaïlande) s’est félicité des recommandations du rapport du Secrétaire général visant à permettre aux agences de l’ONU d’utiliser le potentiel des partenariats avec le secteur privé, les universités, les entreprises et la société civile.  La Thaïlande soutient pleinement le travail du Pacte mondial des Nations Unies qui entend amener les entreprises à adopter des politiques et des actions durables et socialement responsables, conformément à ses 10 principes et au Programme 2030.  « Nous reconnaissons le rôle déterminant des réseaux locaux du Pacte mondial », a-t-il ajouté, en faisant mention du réseau local en Thaïlande.  Celui-ci a fourni des formations et partagé les meilleures pratiques et les leçons apprises.

Le représentant a prôné le renforcement de la collaboration et de la coordination entre les réseaux locaux du Pacte mondial et le système des Nations Unies au niveau des pays.  Au niveau mondial, il s’est félicité des efforts déployés notamment par le Bureau des Nations Unies pour les partenariats.  La coordination est cruciale pour améliorer les impacts, assurer la cohérence et éviter des fragmentations, a-t-il souligné.  Nous saluons et soutenons également la poursuite de la participation et des contributions du secteur privé dans les forums des Nations Unies, notamment par le biais du Forum politique de haut niveau, a ajouté le représentant.

 M. CARDONA Équateur) a mentionné son Plan national de développement 2017-2021, qui intègre des éléments novateurs pour la garantie des droits et le développement des personnes tout au long de leur vie.  Un dialogue pluriel et démocratique a été mené pour l’élaboration du plan, avec la participation du secteur privé, d’universitaires, de la société civile et des gouvernements locaux.  La démarche s’est basée sur le critère de coresponsabilité et de participation collective à la promotion d’une croissance soutenue et inclusive, du développement social et de la protection de l’environnement, de la lutte contre les inégalités et la discrimination.  La représentante a réitéré son soutien au multilatéralisme et à la réciprocité comme principe directeur.  En juin 2018, l’Équateur a par ailleurs souscrit plus de 100 accords d’investissement avec des représentants d’entreprises privées dans 13 secteurs productifs, qui portent sur plus de 9 milliards de dollars, et a lancé un programme pour motiver et autonomiser les jeunes.

M. PHILIP FOX-DRUMMOND GOUGH (Brésil) a fait savoir que le réseau local brésilien du Pacte mondial est le troisième au monde, et qu’il a fourni une formation à près de 22 000 personnes, contribuant à éveiller les consciences et à susciter l’engagement envers les principes de développement durable.  En outre, le Brésil estime que les partenariats doivent être fondés sur des politiques, des règlementations et des mesures incitatives correctes pour combler les lacunes de financement.  En 2017, il a lancé une stratégie nationale pour les investissements d’impact, en collaboration avec plus de 60 secteurs, qui impliquent le gouvernement comme le secteur privé, la communauté scientifique et académique et la société civile.

La hausse des partenariats dans la plupart des organismes des Nations Unies doit s’accompagner, selon M. Gough, d’efforts équivalents pour l’adoption de mécanismes concrets de gouvernance et de politique de gestion des risques.  À cet égard, il a estimé que les principes du Pacte mondial fournissent un bon point de départ.  Il est également nécessaire de renforcer les fonctions qui veillent à une « diligence suffisante » (« due diligence ») afin d’éviter que l’ONU ne s’engage avec des entreprises qui ont des antécédents douteux en termes de respect des droits de l’homme, de normes du travail et environnementales et de promotion de l’égalité entre les sexes.

 Mme JEON YU JIN (République de Corée) a rappelé que le développement durable ne pouvait être mis en œuvre qu’avec les seuls efforts des gouvernements.  Les partenariats publics-privés, la société civile, le secteur académique doivent aussi y participer, a-t-il estimé.  Reconnaissant le rôle actif de l’ONU comme bâtisseur de ponts entre pays et parties prenantes, il a fait remarquer que le secteur privé alignait de plus en plus ses intérêts sur les exigences du développement durable, et que des initiatives multipartites émergeaient.

Le représentant a appelé à créer davantage de plateformes de partenariats multipartites et à développer les efforts collectifs pour tirer parti des initiatives existantes au sein du système des Nations Unies, comme le Bureau des Nations Unies pour les partenariats (BNUP), le Pacte mondial et ses relais régionaux, et l’initiative Impact universitaire de l’ONU.  Il a aussi appelé à utiliser les forums existants comme l’ECOSOC et le Forum du secteur privé parrainé par l'ONU.  Appelant à plus de coordination au sein de l’ONU et à davantage utiliser les intérêts du secteur privé dans le développement durable, il a rappelé que les Nations Unies étaient appréciées dans le monde des affaires pour l’étendue de leur réseau et leur influence à travers le monde.

Mme TIFOUMNAKA KOUBODENA (Togo) a noté que la communauté internationale était engagée à réduire la pauvreté et les inégalités dans le monde en s’appuyant sur les partenariats et la collaboration avec le secteur privé pour réaliser les objectifs de développement durable.  Le financement de ces objectifs est évalué à environ 5 000 à 7 000 milliards de dollars par an, a-t-il rappelé, mais le Togo ne perd pas de vue que l’ONU joue un rôle central dans la réalisation de ces objectifs.  La réforme du système des Nations Unies pour le développement arrive d’ailleurs à point nommé pour s’adapter au contexte du Programme 2030 et renforcer les partenariats multipartites en vue de favoriser la réalisation des objectifs de développement durable, en particulier dans les pays en développement.

Pour la construction de sociétés durables et résilientes, le secteur privé devient un partenaire privilégié au Togo: le gouvernement a commencé à travailler avec lui ainsi qu’avec la société civile.  Un accent particulier est mis sur le développement du secteur des affaires, notamment via l’établissement de pôles agricoles, industriels et manufacturiers à forte main-d’œuvre, dans le but de créer de la richesse.  En outre, un dialogue permanent a été instauré entre le gouvernement et le secteur privé sur le processus de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a annoncé Mme Koubodena.  Le Togo a d’ailleurs organisé aujourd’hui le deuxième forum national des organisations de la société civile sur les objectifs de développement durable pour échanger sur la territorialisation des objectifs à l’échelle locale.

 M. VICTOR (Nigéria) a noté que l’objectif 17 du Programme de développement durable exprime clairement l’importance de partenariats réussis et inconditionnels entre les secteurs public et privé.  Un partenariat socialement responsable avec le secteur privé est un moteur essentiel de croissance inclusive et de création d’emploi, a-t-il ajouté.  Malgré l’importance de l’APD, un partenariat stratégique avec le secteur privé peut contribuer au financement du développement et le représentant a souligné qu’il doit fournir des résultats mutuellement bénéfiques.  En raison de la contribution du secteur privé à l’économie nigériane, le gouvernement a récemment établi un comité consultatif sur les partenariats avec le secteur privé.  Le représentant a relevé que des efforts plus poussés sont nécessaires pour débloquer des fonds financiers, en particulier de la part des principaux investisseurs institutionnels, et qu’il faut forger des partenariats pour lutter contre les flux financiers illicites.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Sixième Commission: face aux défis émergents, les délégations appellent à une adaptation constante du droit international

Soixante-treizième session,
21e séance – matin
AG/J/3580

Sixième Commission: face aux défis émergents, les délégations appellent à une adaptation constante du droit international

Au deuxième jour de l’examen des premiers chapitres thématiques du rapport* annuel de la Commission du droit international (CDI), les membres de la Sixième Commission, chargée des affaires juridiques, ont insisté, ce matin, sur l’importance d’adapter le droit international aux défis croissants auxquels est confrontée la communauté internationale.

C’est là la mission de la CDI, a estimé d’entrée de jeu le Portugal.  Une mission qui exige l’engagement de tous les États Membres.  La CDI est l’organe subsidiaire de l’Assemblée générale chargé du développement progressif et de la codification du droit international.

Nous devons revitaliser la relation entre la CDI et l’Assemblée générale, tout en évitant de reproduire les débats juridiques qui ont cours à l’Assemblée, a insisté le représentant du Brésil, tandis que son homologue de l’Argentine invoquait le rôle normatif unique de l’Assemblée.  Selon le Brésil, la Commission devrait concentrer son énergie sur les questions les plus pressantes aux yeux des États Membres, et se réunir à New York de façon régulière afin de favoriser une participation plus large des petits États.

Pour être en mesure de s’acquitter de son mandat, a justement rappelé le délégué de Maurice, la Commission doit pouvoir compter sur les informations fournies par les États, ce qui place les pays en développement dans une position désavantageuse.  La CDI doit donc veiller à renforcer les capacités des États, notamment les petits États insulaires en développement et les pays africains, afin qu’ils puissent participer pleinement à ses travaux. 

À cette fin, la Slovénie a vu dans l’adoption des projets de conclusion relatifs aux accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités un instrument permettant de compenser le manque de capacités des petits États.  Le rapport de la CDI offre en la matière une aide « inestimable », a renchéri l’Allemagne.

À son tour, l’Espagne a encouragé la CDI à se pencher sur le développement progressif du droit international, bien que l’environnement politique actuel ne soit « pas propice » à la codification.  Allant plus loin, ce pays a toutefois déploré le « manque d’ambition » qui caractérise le travail de la Commission, avec pour résultat « des textes au contenu normatif ambigu ou insuffisant » et une « terminologie empreinte de prudence, qui n’ose pas franchir le seuil de la normativité ».

Illustrant encore la nécessité de s’adapter aux nouvelles réalités, le Brésil a noté, comme l’Irlande, que depuis sa création, il y a 70 ans, seulement sept femmes ont été membres de la CDI, soit le même nombre qu’à la Conférence de San Francisco de 1945, où sont nées les Nations Unies.  Alors que l’Organisation a atteint, l’an dernier, la parité pour les postes de direction, la Commission « semble figée en 1948 ».

Pour sa part, Maurice a vu dans l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international une question « urgente » qui devrait être inscrite au programme à court terme de la CDI.  Ce sujet, a renchéri la Slovénie, s’insère dans le débat plus large portant sur les changements climatiques, qui nécessite l’adoption de solutions universelles fondées sur le droit international, dans la foulée des derniers rapports scientifiques.

Le caractère « scientifique, technique et politique » de cette question requiert plutôt que l’élévation du niveau de la mer soit traitée par des entités scientifiques et gouvernementales, a contré la République tchèque, mettant en garde contre le risque de « fragmentation » du droit international. 

Ce sujet n’est « pas assez mûr » pour faire l’objet d’un examen par la Commission, a argué la Grèce, avant de rappeler, tout comme la Slovaquie, que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer demeure l’instrument  international pertinent en la matière.

La Sixième Commission poursuivra son examen du rapport de la Commission du droit international demain, mercredi 24 octobre, à partir de 10 heures.

*A/73/10

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-DIXIÈME SESSION

Suite des déclarations sur les chapitres I à V, XII et XIII du rapport

M. PAULO ALEXANDRE COLAÇO PINTO MACHADO (Portugal) s’est dit en désaccord avec ceux qui estiment que le mandat de la Commission du droit international est rempli et qu’elle n’a rien de plus à faire.  Les nouveaux défis et les défis croissants auxquels la communauté internationale fait face exigent une adaptation constante du cadre du droit international.  Or la Commission du droit international (CDI) est apte à remplir cette tâche.  Cela exige un engagement de tous les États, a estimé le représentant.

Abordant la question de la détermination du droit international coutumier, le représentant a dit saluer le texte des projets de conclusion dans son ensemble.  Mais le Portugal estime tout de même que l’absence de réaction, en tant que preuve de l’acceptation du droit, doit être considérée « avec une extrême précaution ».  Accorder une telle importance à l’absence de réaction risque de faire porter un fardeau énorme aux États qui n’ont pas les moyens de réagir à certaines mesures.  Cela risque même de renforcer les inégalités entre pays, y compris de manière involontaire, a mis en garde le représentant.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’interprétation des traités, le Portugal estime que les interprétations des experts des organes de traités ne doivent pas être perçues comme étant la pratique des États.  Faire ou dire autrement pourrait mettre en question le principe de l’indépendance desdits experts et minimiser leurs contributions en tant que gardiens des traités, a conclu son représentant. 

M. MARTIN SMOLEK (République tchèque) s’est félicité de l’adoption des projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Le rôle de ces accords et pratique ultérieurs ne peut se comprendre que dans le contexte de l’ensemble des règles d’interprétation des traités contenues dans les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne.  Ces projets de conclusion n’affectent en rien la validité des dispositions pertinentes de ces articles, a-t-il dit.  Le délégué a pointé cette tendance au sein de la Commission consistant à choisir comme sujets certains aspects de questions complexes à des fins d’analyse théorique pure et mis en garde contre les risques de « fragmentation ».

M. Smolek a salué ensuite l’adoption des projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, qu’il a jugés « bien structurés » et « succinctement formulés ».  Il a dit en outre apprécier l’accent mis sur la méthodologie concernant le processus de détermination des deux éléments de détermination du droit international coutumier, la pratique générale et l’opinio juris.  Certaines questions traitées par les projets de conclusion, telles que la pertinence de la pratique des organisations internationales ou bien encore le rôle des États particulièrement affectés, font l’objet de divergences.  Il a, en outre, affirmé que le paragraphe 3 du projet de conclusion 10 sur l’absence de réaction s’étendant dans le temps à une pratique pouvant constituer la preuve de l’acceptation de cette pratique comme étant le droit (opinio juris) ne reflète pas la pratique des États.

Enfin, le délégué a exprimé des doutes s’agissant de l’inscription du sujet « l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international » au programme de travail à long terme de la Commission.  Ce sujet est à dominante scientifique, technique et politique et devrait être traité par des entités scientifiques et par un forum intergouvernemental ayant mandat pour traiter des questions relatives au droit de la mer, afin de préserver l’intégrité de ce droit, a conclu M. Smolek.

M. RISHY BUKOREE (Maurice) a considéré que la CDI a su, au cours des 70 dernières années, s’acquitter de ses fonctions en appuyant les États Membres et l’Assemblée générale dans le développement et la codification du droit international.  L’élévation du niveau de la mer est une question « urgente », a déclaré le représentant, en encourageant la CDI à inscrire ce sujet à son programme de travail à court terme afin de se prononcer sur les implications juridiques de cette question sur le droit de la mer, le statut juridique des îles et les migrations humaines. 

La Commission compte sur la réception d’informations de la part des États pour se prononcer sur une question spécifique, a noté le représentant, ce qui place certains États, notamment africains, dans une position désavantageuse.  Il a donc appelé la Commission à renforcer les capacités des États dans ce domaine et à faire en sorte que les petits États insulaires en développement puissent participer pleinement aux travaux de la Commission.

M. METOD SPACEK (Slovaquie) a salué l’adoption par la CDI des 13 projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Pour le délégué, ces conclusions viendront enrichir la Convention de Vienne sur le droit des traités, notamment ses articles 31 et 32.  La délégation émet néanmoins des réserves quant à la valeur ajoutée des projets de conclusion 11, 12 et 13 qui ont été présentés sans référence claire au traité concerné. 

De plus, la Slovaquie soutient l’ensemble des 16 projets de conclusion en rapport avec la détermination du droit international coutumier.  Toutefois, certaines interrogations persistent quant au projet de conclusion 16 intitulé « Droit international coutumier particulier ».  Le délégué a noté qu’il existe parfois des liens géographiques entre États qui mettent en œuvre certains aspects du droit international coutumier.  En effet, le paragraphe 1 du projet de conclusion précité souligne qu’« une règle de droit international coutumier particulier, qu’elle soit régionale, locale ou autre, est une règle de droit international coutumier qui ne s’applique qu’entre un nombre limité d’États ».  La délégation estime qu’on aurait dû fournir un exemple patent pour illustrer cette conclusion.  Enfin, s’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Spacek a considéré que cette question relève davantage de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan) a noté l’adoption de deux ensembles de projets de conclusion, assortis de commentaires, sur les accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités et sur la détermination du droit international coutumier.  Il a déclaré que la pratique générale et l’opinio juris sont bien les deux éléments de la détermination du droit international coutumier, la présence d’un seul de ces éléments ne suffisant pas.  La règle coutumière de l’immunité des États va de pair avec le principe de souveraineté des États, a-t-il noté.

Le délégué a réaffirmé la primauté de la pratique des États dans la formation du droit international coutumier, le rôle des organisations internationales n’étant pas équivalent.  Selon lui, le projet de conclusion 16 sur le droit international coutumier particulier est « vague ».  Il a ensuite souligné l’importance d’un dialogue robuste entre la CDI et la Sixième Commission, avant de rappeler que le Soudan s’est opposé à l’inscription de la compétence pénale universelle dans le programme de travail de long terme.  Il a en effet vu dans cette inscription une « prise d’otage » par la Commission de ce thème qui est un « instrument de conflit international ».  La CDI ne devrait pas s’aventurer dans ce domaine, a conclu le délégué.

M. GEORGE RODRIGO BANDEIRA GALINDO (Brésil) a noté que seulement sept femmes ont été membres de la CDI depuis sa création, il y a 70 ans, soit 3% de ses effectifs.  Il s’agit, a relevé le représentant, du même taux qu’à la Conférence de San Francisco de 1945, où ont été créées les Nations Unies.  Malgré les progrès réalisés depuis 73 ans en termes de parité hommes-femmes et l’atteinte de la parité pour les postes de direction de l’ONU, la Commission « semble figée en 1948 ». 

Nous devons revitaliser la relation entre la CDI et l’Assemblée générale, a poursuivi M. Bandeira Galindo, en mettant l’accent sur la codification et le développement progressif du droit international, et en évitant de reproduire les débats juridiques qui se déroulent à l’Assemblée générale.  À cet égard, la Commission devrait concentrer son énergie sur les questions les plus pressantes aux yeux des États Membres, et se réunir à New York de façon régulière.  Il a cité en exemple l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au programme à long terme de la CDI, un sujet qui aborde plusieurs aspects du droit international et qui devrait être traité avec prudence. 

Selon M. BORUT MAHNIC (Slovénie), les conclusions et commentaires relatifs aux accords et à la pratique ultérieurs, dans le contexte de l’interprétation des traités, fournissent un outil utile aux personnes chargées d’interpréter les traités et permettent de compenser le manque de capacités des petits États tels que la Slovénie.  Il a mis en garde contre une réinterprétation des dispositions des traités qui nécessiterait leur amendement. 

Bien que le droit international soit de plus en plus régi par les traités, il a expliqué que la détermination du droit international coutumier permet aux États et aux organisations internationales qui ne sont pas parties aux traités d’accepter et de mettre en œuvre certaines règles.  Abordant l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au programme à long terme de la CDI, M. Mahnic a estimé que cette question s’insère dans le débat plus large sur les changements climatiques, qui nécessite l’adoption de solutions universelles fondées sur le droit international, dans la foulée des derniers rapports scientifiques. 

Mme KERLI VESKI (Estonie) s’est félicitée de l’adoption par la CDI de 13 projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Elle a appelé, comme le Rapporteur spécial, à une plus grande précision sur la pertinence de la pratique des organisations internationales sur les 16 projets de conclusion et les commentaires relatifs à la détermination du droit international coutumier. 

L’Estonie est en accord avec la notion énoncée au premier paragraphe du projet de conclusion 6, concernant la détermination du droit international coutumier, que l’inaction peut, dans certaines circonstances, être considérée comme la pratique d’un État.  En terminant, la représentante a salué la décision de la CDI d’inclure comme sujets les principes généraux du droit et l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international à son programme de travail.

Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a salué l’adoption en seconde lecture des 13 projets de conclusion portant sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Elle a noté que ces travaux ont permis de compléter les dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Elle a mis en garde sur l’usage de certains concepts usités dans des contextes particuliers et dans le cadre d’autres études, notamment sur la question de « la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite ».  La Grèce souligne aussi qu’en cas de silence d’une partie à un traité, notamment sur des litiges frontaliers, on ne peut conclure que ladite partie accepte le statu quo, surtout si une action de sa part était attendue. 

Au sujet de la détermination du droit international coutumier, la Grèce souscrit au projet de conclusion 4 qui relève que « la conduite d’autres acteurs ne constitue pas une pratique pouvant contribuer à la formation, ou à l’expression, de règles de droit international coutumier, mais peut être pertinente aux fins de l’appréciation de la pratique visée aux paragraphes 1 et 2 ».  La déléguée a ajouté tout de même que les actes et la conduite d’autres acteurs, s’ils sont acceptés par les États, pourraient à terme concourir à la détermination du droit coutumier.

Sur le nouveau sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la Grèce estime qu’il n’est pas sujet à codification dans l’état actuel des débats.  Même si les préoccupations de nombreux États sur cette question sont réelles et légitimes, le phénomène est encore en cours d’évolution, a argué Mme Telalian, tout en rappelant que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer reste l’accord international de référence.  En conclusion, la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international n’est « pas assez mûre » pour être examinée par la CDI.

M. CHRISTOPHE EICK (Allemagne) a remercié le Rapporteur spécial Georg Nolte pour son travail portant sur les « accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ».  Pour la délégation, ce rapport offrira une aide « inestimable » dans le cadre de l’interprétation des traités.  En effet, les conclusions offrent des conseils utiles s’appuyant sur la pratique.  Ainsi, les conclusions stipulent par exemple que les accords ultérieurs devraient être juridiquement contraignants pour être pris en considération.  Ensuite, ces conclusions contribuent à la codification du droit international qui est de plus en plus invoqué ces dernières années, notamment dans le contexte de l’augmentation du nombre d’organisations internationales. 

M. VISHNU DUTT SHARMA (Inde) s’est félicité du travail de la CDI qui a permis l’adoption de projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier et sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Les projets de conclusion sur ce sujet sont fondés sur une analyse exhaustive de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, a expliqué le représentant, et constituent un guide utile pour l’interprétation des articles 31 et 32 de la Convention.  La Cour internationale de Justice (CIJ) a reconnu que le droit coutumier est une source du droit international, bien que des difficultés subsistent sur l’identification du droit international coutumier applicable à certaines situations, a-t-il noté.  Les projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier peuvent donc servir à combler les lacunes sur cette question.

M. JAMES KINGSTON (Irlande) a déploré le nombre insuffisant de femmes au sein de le CDI, celles-ci ne représentant que 12% de ses membres.  « 70 ans après sa création, il est décourageant que la sous-représentation des femmes demeure un défi. »  S’agissant des projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, le délégué a souhaité une clarification du projet de conclusion 6 qui a pour objet d’indiquer comment les accords et la pratique ultérieurs, en tant que moyens d’interprétation, doivent être identifiés.  Il a en revanche salué le libellé du paragraphe 1 du projet de conclusion 10 sur l’accord des parties au sujet de l’interprétation d’un traité.  Ces conclusions et commentaires devraient constituer un outil très utile pour les praticiens, a-t-il dit.

M. Kingston a ensuite salué l’adoption des projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, avant de se réjouir de l’inscription de la compétence pénale universelle au programme de travail à long terme de la CDI.  « Étant donné la nature technique et juridique de ce sujet, la Commission est tout indiquée pour appuyer les États dans l’identification de ses principes de base, y compris une définition de la compétence pénale universelle, sa nature et sa portée et la prise en compte de la pratique des États sur ce sujet. »  Enfin, le délégué a indiqué que son pays est disposé à examiner plus avant le sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.

De façon générale, M. CARLOS JIMÉNEZ PIERNAS (Espagne) a déploré « le manque d’ambition » qui caractérise le travail de la CDI, avec « des textes au contenu normatif ambigu ou insuffisant », ainsi qu’« une terminologie empreinte de prudence, qui n’ose pas franchir le seuil de la normativité ».  Il a invité la Commission à se pencher sur le développement progressif du droit international, tout en reconnaissant que « l’environnement politique international n’est pas propice à la codification ».  

S’agissant des accords et de la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, il a noté que les projets de conclusion s’en tiennent aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Il a jugé « équilibré » le traitement réservé à la pratique des organisations internationales dans la conclusion 12, et « acceptable » la conclusion 13.  Le représentant s’est toutefois dit en désaccord avec l’approche restrictive adoptée à l’égard des acteurs non étatiques tels que les mouvements de libération nationale face à l’occupation ou au colonialisme.

M. Jiménez Piernas s’est félicité de l’adoption des projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, tout en réitérant des réserves quant à la méthodologie à l’égard d’un texte qui admet sa « non compétence normative ».  Il a toutefois dénoncé le traitement discutable réservé à la jurisprudence, qui constitue pourtant le fondement du droit coutumier. 

M. ANDREI METELITSO (Bélarus) a salué l’adoption, en seconde lecture, de deux ensembles de projets de conclusion, assortis de commentaires, sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités et sur la détermination du droit international coutumier.  Il serait utile, a proposé le représentant, que les projets de la CDI fassent l’objet d’une publication des Nations Unies.  S’agissant des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, il a indiqué, à propos du projet de conclusion 2 que la pratique d’un seul État ne suffit pas.  Sur le projet de conclusion 11, le délégué a en outre indiqué qu’un État peut exprimer son désaccord devant le fait qu’une décision adoptée dans le cadre d’une conférence des parties constitue un accord ultérieur ou une pratique ultérieure.

En ce qui concerne la détermination du droit international coutumier, le délégué a dit partager le projet de conclusion 12 sur les résolutions d’organisations internationales et de conférences intergouvernementales.  Une telle résolution ne peut pas, en elle-même, créer une règle de droit international coutumier, a-t-il souligné.  Enfin, il a abordé la question de la compétence pénale universelle en rappelant que la Commission travaille d’ores et déjà sur deux sujets connexes.  Il faudrait attendre la fin des travaux sur ces deux sujets avant de le traiter, a conclu le délégué du Bélarus.

M. MARIO OYARZABAL (Argentine) a déclaré que le travail de la CDI a contribué à l’établissement de relations internationales plus prévisibles.  Il a salué l’inclusion du point de vue des acteurs non étatiques dans les projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, estimant qu’ils constituent un équilibre entre la participation croissante des individus et organisations internationales, d’une part, et la souveraineté des États et le caractère consensuel du droit international, d’autre part.  Le représentant a toutefois considéré que le projet de conclusion 10 sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, qui implique que le silence pourrait constituer l’acceptation de la pratique ultérieure des États, impose une charge excessive de surveillance de la pratique des États. 

S’agissant de la détermination du droit international coutumier, le représentant a relevé que le projet de conclusion 4.3 indique que la conduite des acteurs non étatiques ne constitue pas une pratique pertinente, mais qu’elle peut contribuer à l’évaluation de la pratique des États.  De plus, se référant à la conclusion 6 sur les formes de pratique, le représentant a considéré que l’inaction des États pourrait être considérée comme une approbation.  Enfin, il a rappelé le rôle normatif unique de l’Assemblée générale en tant qu’organe « démocratique et représentatif » de la communauté internationale. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Cinquième Commission: passes d’armes entre le G77, Cuba et les États-Unis sur les raisons de la précarité financière de l’ONU

Soixante-treizième session,
8e séance – matin
AG/AB/4296

Cinquième Commission: passes d’armes entre le G77, Cuba et les États-Unis sur les raisons de la précarité financière de l’ONU

La « précarité » de la situation financière de l’ONU, marquée par le creusement du déficit budgétaire, l’assèchement des liquidités disponibles et la flambée des contributions non acquittées, est principalement imputable au « refus volontaire et unilatéral » d’un seul État de verser à temps ses contributions, ont affirmé le Groupe des 77 et la Chine devant la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires qui examinait les moyens dont dispose l’ONU pour s’acquitter de ses mandats.  Accusés, les États-Unis ont rejeté une lecture « déformée » de la situation.

Au 30 septembre 2018, il manquait au budget ordinaire et à celui des opérations de maintien de la paix la somme totale de 3,6 milliards de dollars.  Pour ne prendre que l’exemple du budget ordinaire, le déficit de 365 millions de dollars a été résorbé par une ponction de 353 millions dans les fonds de réserves et pour les 12 millions restants, par des emprunts aux comptes des opérations de maintien de la paix achevées.  La Chine a souligné le caractère rarissime de cette situation.  « Cela n’est ni une bonne pratique budgétaire, ni une pratique viable », a renchéri le Groupe des 77, pour qui cette « instabilité » financière grandissante est avant tout imputable au non-paiement par les États Membres de leurs contributions, et notamment au « refus volontaire et unilatéral » d’un seul État de payer près de la moitié du total des arriérés.  Il est « inacceptable » qu’année après année cet État s’accroche à ses privilèges et réclame des plafonds maximums de contribution, sans pour autant s’acquitter de ses obligations financières, s’est indigné le Groupe des 77. 

Les États-Unis s’enorgueillissent sans cesse d’être le « principal contributeur » de l’Organisation, alors qu’ils lui doivent plus de 1,6 milliard de dollars, soit 58% du total des contributions, a ajouté Cuba.  Les 800 millions dus aux opérations de maintien de la paix entravent l’exécution des mandats du Conseil de sécurité, dont les États-Unis sont pourtant un membre permanent.  Cuba a vu dans la propension américaine à retenir les contributions jusqu’à la fin de l’année, un moyen de « faire chanter » l’ONU, alors même qu’ils profitent de la principale distorsion du barème des quotes-parts, après avoir imposé au fil des ans une baisse du plafond de 39,89% en 1946 à 22% actuellement.  À l’inverse, Cuba a affirmé que sa volonté de s’acquitter en temps voulu de ses contributions auprès de l’Organisation se heurtait à la réalité du blocus américain qui dure depuis 1956.  Ce qui entrave la capacité de Cuba de s’acquitter de ses obligations financières, ont rétorqué les États-Unis, se sont surtout les agissements de son régime.  La répression exercée contre le peuple cubain est la raison même de l’embargo.

Suggérer que nous ne nous acquittons pas de nos obligations est « complètement faux », ont poursuivi les États-Unis, affirmant que les sommes prétendument dues à l’Organisation étaient « déformées », compte tenu des écarts entre l’année fiscale onusienne et américaine.  Nous avons déjà versé en 2018, 1,4 milliard de dollars au titre des opérations de maintien de la paix et 151 millions au titre du budget ordinaire, auxquels s’ajouteront 250 millions supplémentaires pour le budget ordinaire à la fin du mois, ont affirmé les États-Unis.

Nous comprenons que pour certains États Membres, les calendriers budgétaires compliquent la situation, a reconnu la Nouvelle-Zélande qui a conseillé à ces pays de recourir aux mécanismes mis en place par les Nations Unies pour faciliter les paiements.  L’Organisation ne peut fonctionner correctement avec de tels problèmes de trésorerie, a-t-elle prévenu.  La Zambie, un des pays les moins avancés (PMA) qui ne peut honorer à temps et en totalité ses obligations financières à cause des faibles perspectives de la croissance mondiale, a rejeté toute idée d’augmenter les quotes-parts.

La santé financière de l’ONU ne dépend pas seulement de la fiabilité des fonds versés, mais également des normes appliquées dans la façon dont ces fonds sont utilisés, a tout de même rappelé l’Union européenne.  Le Secrétariat, a embrayé le Japon, doit rechercher « davantage de gains d’efficacité » et prendre des mesures pour réaliser plus d’économies, y compris via une utilisation « parcimonieuse » des dépenses liées aux voyages.  Des approches novatrices dans la gestion budgétaire, une concentration plus nette sur la budgétisation axée sur les résultats, une plus grande insistance sur le rapport coût-efficacité, le renforcement de la discipline budgétaire et l’intégration de la gestion budgétaire et de celle des performances sont des exigences « inévitables », a martelé la Chine, soucieuse que « chaque centime de nos contribuables » soit bien dépensé et bien justifié.

L’Inde a tenu à soulever la question « récurrente » des retards dans le remboursement des pays contributeurs de contingents, de personnel de police et d’équipements.  Le Pakistan a précisé que l’ONU leur devait encore 221 millions de dollars, au 30 septembre 2018.  La Fédération de Russie a demandé au Secrétariat de présenter, dans ses prochains rapports, des informations sur l’évolution des sommes dues par l’ONU à ses prestataires de services. 

La Cinquième Commission tiendra sa prochaine séance publique vendredi 26 octobre, à partir de 10 heures, sur les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens.

AMÉLIORATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L’ONU

Rapport du Secrétaire général sur la situation financière de l’Organisation des Nations Unies (A/73/443)

Dans ce rapport, le Secrétaire général examine la situation financière à l’aune des quatre grands indicateurs habituellement utilisés, à savoir le montant des contributions mises en recouvrement, le montant des contributions non acquittées, la situation de trésorerie et le total des montants dus aux États Membres.  

S’agissant du budget ordinaire, le Secrétaire général parle d’une situation précaire, avec un déficit de 365 millions de dollars au 30 septembre 2018, après épuisement des réserves de 353 millions de dollars.  Le déficit final est donc de 12 millions de dollars, couvert par des emprunts sur les comptes d’opérations de maintien de la paix achevées.  Sur les 2,5 milliards mis en recouvrement en 2018, 1,1 milliard restaient impayés au 30 septembre 2018.

Pour ce qui est des opérations de maintien de la paix dont l’exercice budgétaire court du 1er juillet au 30 juin, au 30 septembre 2018, le montant total mis en recouvrement était de 4,9 milliards de dollars, celui des contributions reçues, de 4,3 milliards et celui des arriérés, d’un peu plus de 2,5 milliards.  Les sommes à rembourser aux États Membres s’élevaient au total à 221 millions de dollars, dont 92 millions au titre des contingents et des unités de police constituées, 43 millions au titre du matériel appartenant aux contingents pour les missions en cours et 86 millions au titre du matériel appartenant aux contingents pour les missions terminées.

Concernant les tribunaux pénaux internationaux, au 30 septembre 2018, le montant des contributions non acquittées s’élevait à 68 millions de dollars: 7,7 millions de dollars pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda, 30,1 millions de dollars pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et 30,4 millions de dollars pour le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. MOHAMED FOUAD AHMED (Égypte) s’est dit fortement préoccupé par la « précarité » de la situation de trésorerie de l’Organisation.  Il a noté, comme le Secrétaire général, que les déficits sont de plus en plus importants et apparaissent plus tôt dans l’année.  Il a également pris note du fait que ces déficits ont été couverts par des emprunts sur les comptes d’opérations de maintien de la paix achevées.  « Cela n’est ni une bonne pratique budgétaire, ni une pratique viable », a-t-il prévenu.

Le représentant s’est également dit préoccupé par les montants dus aux pays fournisseurs de contingents ou d’effectifs de police, en dépit des efforts de l’Organisation pour les réduire.  Il est « inacceptable », a-t-il estimé, que l’ONU n’ait toujours pas remboursé 76 États Membres, dont la majorité sont des pays en développement.  Le représentant a jugé « ironique » que les deux pays auxquels l’Organisation doit la plus grande somme d’argent soient aussi des pays qui se sont acquittés de l’intégralité de leurs contributions.

M. Ahmed s’est dit encouragé par l’augmentation du nombre d’États Membres qui se sont acquittés de l’intégralité de leurs contributions par rapport à l’an dernier à la même période.  Malgré cette évolution positive, s’est-il alarmé, l’ONU traverse une instabilité plus importante cette année que les années précédentes.  Nous sommes fermement convaincus que le non-paiement des contributions et le « refus volontaire et unilatéral » de les payer sont les premiers facteurs de cette situation, a-t-il affirmé, estimant qu’environ la moitié des montants sont dus par un seul État. 

« Il est inacceptable qu’année après année, des États Membres s’accrochent à leurs privilèges et réclament des plafonds sans pour autant s’acquitter de leur contribution financière envers l’Organisation », a dénoncé le représentant.  « Ceux qui demandent des responsabilités spéciales doivent se montrer à la hauteur de ces responsabilités, intégralement, en temps voulu et sans conditions », a martelé M. Ahmed.

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme DIANA MINYI LEE (Singapour) s’est dite ravie que, par rapport à l’année dernière, davantage d’États Membres aient payé toutes leurs contributions au budget ordinaire et au budget du maintien de la paix.  Il est essentiel, a-t-elle souligné, que l’ONU reçoive suffisamment de ressources pour s’acquitter des mandats que lui ont confiés les États Membres.  L’ASEAN, a prévenu la représentante, est déçue que l’ONU continue à subir une situation financière « précaire » avec des déficits plus importants et apparaissant plus tôt dans l’année.  Cette année, a souligné la représentante, nous sommes devant une situation où le Fonds de roulement et le Compte spécial ont été épuisés, obligeant le Secrétariat à emprunter aux opérations de maintien de la paix achevées.  Non seulement, ce n’est pas une bonne pratique budgétaire mais elle n’est pas non plus viable, a prévenu la représentante.

L’incertitude financière est le résultat des contributions non payées et, dans certains cas, retenues « volontairement, délibérément et unilatéralement ».  Au 30 septembre 2018, trois membres permanents du Conseil de sécurité devaient toujours payer leurs contributions au budget des opérations de maintien de la paix et voire pour des missions dont ils ont élaboré eux-mêmes les mandats.  L’ASEAN rappelle que les responsabilités spéciales dans les domaines de la paix et de la sécurité internationales sont assorties de responsabilités financières réelles.  Il est de notre responsabilité à tous de respecter nos engagements financiers intégralement, en temps voulu et sans conditions, a martelé, à son tour, la représentante.    

M. JAN DE PRETER, délégué de l’Union européenne, a rappelé la responsabilité qui incombe à chaque État Membre de verser sa quote-part à l’ONU dans son intégralité et dans les délais convenus.  En dépit du nombre stable des États qui se sont acquittés dans l’intégralité de leur contribution au budget ordinaire, le représentant s’est dit préoccupé par l’augmentation du niveau de contributions non acquittées.  La Secrétaire générale adjointe à la gestion a été très claire dans son évaluation de la situation, a-t-il rappelé, citant les « graves problèmes de trésorerie » auxquels fera face l’Organisation durant ces derniers mois de 2018, si des contributions suffisantes ne sont pas versées.  Il a ainsi appelé les États Membres qui n’ont pas encore versé l’intégralité de leur contribution en 2018 à régler la question en priorité.

S’agissant des opérations de maintien de la paix, le représentant s’est dit préoccupé par l’augmentation importante des contributions non acquittées et la diminution des liquidités disponibles.  Il a exhorté les États Membres à s’acquitter de leurs obligations financières, notamment pour permettre à l’Organisation de verser les sommes dues aux pays fournisseurs de contingents et d’effectifs de police.

Concernant les tribunaux pénaux internationaux, le représentant a indiqué que, si la situation de trésorerie était pour l’instant positive, le résultat final de l’année dépendra en grande partie de la capacité des États Membres à s’acquitter de leurs contributions restantes.

La santé financière ne dépend pas seulement de la fiabilité des fonds versés, a toutefois nuancé le représentant.  « Elle dépend aussi des normes appliquées dans la façon dont ces fonds sont utilisés », a-t-il affirmé, appelant l’ONU à utiliser « plus judicieusement et de manière plus responsable » son budget.

Également au nom de l’Australie et du Canada, Mme FINNIAN CHESHIRE (Nouvelle-Zélande) s’est dite préoccupée par les conséquences des impayés d’un milliard au budget ordinaire et de 1,7 milliard à celui des opérations maintien de la paix.  Cette situation est une « injustice » pour les États Membres qui se sont acquittés de leurs contributions.  Elle oblige en effet les pays contributeurs de contingents, de personnel de police et d’équipements à porter un fardeau financier, en attendant que les contributions soient payées.  L’Organisation ne peut fonctionner correctement avec de graves problèmes de trésorerie, s’est impatientée la représentante qui a exhorté les États concernés à payer leur dû le plus tôt possibleElle a dit comprendre que pour certains d’entre eux, les structures et calendriers budgétaires compliquent la situation mais elle les a encouragés à recourir aux mécanismes mis en place aux Nations Unies pour faciliter les paiements.  Un financement fiable, a-t-elle souligné, participe de la vision qu’a le Secrétaire général de la réforme de l’ONU.  Si tous les États Membres s’engagent à appuyer en totalité, en temps voulu et sans conditions leurs contributions, alors ils continueront à édifier l’ONU la plus forte possible, a-t-elle conclu

M. WATARU OTSUKA (Japon) a rappelé que tous les États Membres avaient la responsabilité de verser « intégralement et ponctuellement » leurs contributions auprès de l’Organisation, à l’instar du Japon qui, en dépit de ses nombreuses « priorités nationales », s’est acquitté de l’intégralité de ses contributions.  Toutefois, aux yeux de M. Otsuka, la situation financière des Nations Unies « peut et doit également » être améliorée par des efforts du Secrétariat.  Le représentant a appelé ce dernier à rechercher « davantage de gains d’efficacité » et à prendre les « mesures adéquates pour réaliser plus d’économies », y compris via une utilisation « parcimonieuse » des dépenses liées aux voyages.

Pour toute nouvelle demande de dépenses supplémentaires, M. Otsuka a insisté sur l’importance de déterminer « un niveau réaliste » de ressources « à la fois nécessaires et suffisantes ».  C’est selon lui le rôle le plus important de la Cinquième Commission: « passer au peigne fin les éventuels besoins supplémentaires du budget actuel, en respectant scrupuleusement la discipline budgétaire ».  Le représentant a également appelé à une utilisation « efficace, efficiente et responsable » du budget approuvé.

Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) a déclaré que l’ONU fait face à l’un des moments les plus complexes de ses 73 ans d’existence.  Pendant deux années consécutives, la tendance à réduire les budgets s’est renforcée tout comme la norme consistant à « faire plus avec moins ».  Chaque année et plus d’une fois, le Secrétaire général doit revenir devant nous pour nous demander de payer nos contributions et chaque année, a fait observer la représentante, nous constatons que la vaste majorité des États font de plus en plus d’efforts pour payer leur dû en totalité, en temps voulu et sans conditions.  Dans ce contexte, a estimé la représentante, la situation particulière des pays en développement, qui ont des difficultés à remplir leurs engagements financiers, pour des raisons échappant à leur contrôle, doit être prise en compte.

Nous savons tous qui est responsable de la précarité financière actuelle, a poursuivi la représentante qui a jugé « alarmant » que les sommes attendues par l’ONU soient dues par les États-Unis qui pourtant n’hésitent jamais à mettre en avant leur statut de « principal contributeur », alors qu’ils doivent plus de 1,6 milliard de dollars à l’Organisation soit 58% du total des contributions.  Les plus de 800 millions de dollars qu’ils doivent actuellement au budget des opérations de maintien de la paix empêchent l’exécution des mandats que le Conseil de sécurité, dont les États-Unis sont un membre permanent, a approuvés.  L’ONU se voit donc condamnée, a fait remarquer la représentante, à accumuler les dettes vis-à-vis des pays fournisseurs de contingents, dont beaucoup sont des pays en développement qui ne peuvent toucher aux soldes excédentaires des opérations achevées.

Ce n’est un secret pour personne que la principale raison pour laquelle les États-Unis retiennent leurs contributions jusqu’à la fin de l’année est de « faire chanter » l’ONU, alors qu’ils tirent profit de la principale distorsion du barème des quotes-parts, imposant au fil des ans une baisse du plafond de 39,89% en 1946 à 22% actuellement.

Il est « choquant et scandaleux », s’est emportée la représentante, de voir les États-Unis parler de la « rentabilité » de leurs investissements aux Nations Unies, montrant par là qu’ils considèrent la paix et la sécurité internationales, le développement et les droits de l’homme, comme une entreprise.  Il est « honteux », a-t-elle ajouté, de les voir pleurer sur l’argent qu’ils doivent à l’ONU alors que ce sont leurs entreprises qui réalisent le plus de profits de la présence de l’ONU sur le territoire américain, laquelle présence représentait en 2016 près de 1,6 milliard de dollars au trésor américain.  Malgré cela, les États-Unis tentent une fois de plus d’imposer leur volonté aux autres États Membres et de réduire encore une contribution au budget ordinaire, qui est déjà inférieure à ce qu’elle devrait être, en vertu du principe de la capacité de payer.  En revanche, pour honorer ses obligations, Cuba n’hésite pas à surmonter les obstacles et à consentir aux sacrifices découlant du blocus économique, commercial et financier que lui impose les États-Unis depuis 56 ans.  Ce blocus affecte, entrave et parfois empêche le paiement de nos contributions à l’Organisation et à d’autres organisations internationales, a rappelé la représentante. 

M. HASEEB GOHAR (Pakistan) a déploré le déficit du budget ordinaire de 365 millions de dollars au 30 septembre 2018, ainsi que les contributions non acquittées au budget ordinaire et aux opérations de maintien de la paix pour un montant total de 3,6 milliards de dollars, principalement en raison des retards dans le versement des contributions.  Le représentant a rappelé que son pays était l’un des plus importants fournisseurs de contingents et d’effectifs de police des opérations de maintien de la paix et que 156 Casques bleus pakistanais avaient trouvé la mort sur le terrain.  Malgré ces sacrifices, a-t-il déploré, l’ONU devait encore 221 millions de dollars aux pays fournisseurs de contingents et d’effectifs de police au 30 septembre 2018.  De manière générale, le représentant a souligné que la situation financière de l’ONU avait un impact sur les liquidités disponibles.  « Les incidences négatives du non-paiement doivent être prises au sérieux », a-t-il insisté, appelant l’ONU à tout faire pour verser intégralement et ponctuellement les sommes dues aux pays fournisseurs de contingents et d’effectifs de police.

M. MAHESH KUMAR (Inde) a constaté qu’au fil des ans, les mandats de l’Organisation ont augmenté mais les budgets ont diminué en termes réels et nominaux.  Pour compliquer encore les choses, les arriérés ont également augmenté.  Cette situation, a prévenu le représentant, met « dans une situation inconfortable » les États qui auraient pu bénéficier d’une mise en œuvre efficace des mandats et ceux qui ont payé leurs contributions en temps voulu.  C’est un problème récurrent pour de nombreux États, dont l’Inde, qui ont participé à des opérations de maintien de la paix achevées et qui attendent les remboursements.  Toutefois, a rassuré le représentant, l’Inde continue de soutenir les Nations Unies, comme en témoigne son rang de plus grande contributrice de contingents.  L’Inde fait partie des 43 États Membres qui ont entièrement payé leurs contributions.  Elle a même payé à l’avance et en totalité son dû au budget ordinaire pour 2019.  Mais le représentant a rappelé qu’en dehors des 221 millions de dollars d’impayés aux États Membres, des remboursements plus importants relatifs aux lettres d’attribution, soit 164 millions de dollars, et aux indemnisations en cas de décès ou d’invalidité, soit 8 millions, sont toujours en suspens.  Nous devrions pour le moins avoir une date butoir pour les remboursements, y compris ceux pour les opérations achevées, a conclu le représentant. 

Mme CHRISTINE KALAMWINA (Zambie) a rappelé que, d’après les estimations du Fonds monétaire international (FMI), la croissance économique mondiale en 2018 serait de 3,7%, soit la même qu’en 2017, une stagnation attribuée à une situation moins favorable dans les marchés émergents et les pays en développement.  Les facteurs, a-t-elle poursuivi, sont liés à des conditions financières défavorables, aux tensions géopolitiques et au prix élevé du pétrole.  De fait, a poursuivi Mme Kalamwina, les pays les moins avancés (PMA), dont la Zambie, font face à des défis économiques et politiques qui les empêchent d’honorer à temps et en totalité leurs obligations financières vis-à-vis de l’Organisation.

Au regard de ces défis, la représentant a donc rejeté toute idée d’augmenter les quotes-parts.  Étant donné la faible croissance économique mondiale, Mme Kalamwina a estimé que tout changement de nature à augmenter ces contributions ne ferait que freiner encore davantage la faculté des États à verser leurs contributions.  La représentante a salué l’augmentation de 137 en 2017 à 141 cette année du nombre d’États qui se sont acquittés dans l’intégralité de leurs contributions au 30 septembre.  Elle a toutefois noté que le montant des arriérés et des contributions non payées risquait de « paralyser » l’exécution des mandats et a donc encouragé les États qui ont des problèmes de paiement à soumettre à l’ONU un échéancier pluriannuel.

M. FU DAOPENG (Chine) s’est dit préoccupé par des impayés de 1 milliard de dollars au budget ordinaire et de 2,5 milliards à celui des opérations de maintien de la paix.  C’est la première fois depuis des années, a-t-il déploré, que les réserves sont épuisées et que le déficit final, 12 millions de dollars, ait dû être absorbé par des emprunts aux missions de maintien de la paix achevées.  Les ressources financières sont le « pilier » et un appui important de la gouvernance de l’ONU, a souligné le représentant.  Une situation financière saine n’est pas seulement la base de l’exécution des mandats mais elle est aussi la garantie de la réforme de l’ensemble du système de l’ONU.  La Chine, pays en développement qui a payé la totalité de ses contributions en 2018, appelle les autres à faire de même et à démontrer ainsi leur appui à la cause des Nations Unies, au multilatéralisme et aux efforts de réforme du Secrétaire général.

Les efforts pour améliorer la gestion budgétaire et imposer une stricte discipline financière ne doivent jamais cesser, a prévenu le représentant.  Des approches novatrices dans la gestion budgétaire, une concentration plus nette sur la budgétisation axée sur les résultats, une plus grande insistance sur le rapport coût-efficacité, le renforcement de la discipline budgétaire et l’intégration de la gestion budgétaire et de celle des performances sont des exigences « inévitables » de la gestion budgétaire de l’ONU, a martelé le représentant qui a demandé au Secrétariat de prendre des mesures efficaces pour améliorer la gestion globale des performances, mettre en œuvre la discipline financière et utiliser les ressources financières de manière plus efficace, de sorte que la responsabilité financière soit garantie et que « chaque centime de nos contribuables » soit bien dépensé et justifié.

M. DMITRY S. ALYAKIN (Fédération de Russie) a demandé au Secrétariat de présenter, dans ses prochains rapports, des informations sur l’évolution des sommes dues par l’ONU à ses prestataires de services.  Selon le représentant, les arriérés de contributions dus à un « manque de ponctualité » de la part des États Membres ont un impact négatif sur le fonctionnement de l’Organisation.  Il a toutefois noté l’augmentation du nombre d’États qui se sont acquittés de leurs contributions dans leur intégralité au 30 septembre par rapport à l’an dernier.  « Nous souhaitons que chacun suive leur exemple », a-t-il dit.  Le représentant a rappelé que son pays a été un des premiers États Membres à verser l’intégralité de sa contribution au budget ordinaire cette année et qu’il s’acquittera en temps voulu de ses contributions au titre des opérations de maintien de la paix.  Il a appelé tous les États Membres à faire de même et à verser « ponctuellement et sans condition aucune » leurs contributions à l’ONU.

Le Gouvernement des États-Unis « prend très au sérieux » ses obligations internationales, a affirmé Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis).  Souhaitant clarifier les informations présentées aujourd’hui et citées par plusieurs délégations, la représentante a affirmé que les sommes prétendument dues par son pays à l’Organisation étaient « déformées » en raison, selon elle, des écarts entre les années fiscales de l’ONU et des États-Unis, ainsi que d’autres facteurs.  « Suggérer que nous ne nous acquittons pas de nos obligations est complètement faux », a-t-elle insisté, rappelant que les États-Unis ont déjà versé cette année 1,4 milliard de dollars au titre des opérations de maintien de la paix et 151 millions au titre du budget ordinaire.  Plus tard, ce mois-ci, a-t-elle ajouté, mon pays versera 250 millions supplémentaires au budget ordinaire.  De manière générale, a affirmé Mme Norman-Chalet, les États-Unis, « en tant que principal contributeur de l’Organisation », versent chaque année 10 milliards de dollars à l’ensemble du système onusien, en contributions obligatoires et volontaires.

À ceux qui souhaiteraient « instrumentaliser » cette séance pour marquer des points politiques, la représentante a rappelé que ce qui entrave la capacité de Cuba à s’acquitter de ses obligations financières auprès de l’ONU, sont surtout les agissements de son régime actuel.  Les dernières actions de Cuba dans ce bâtiment, a-t-elle accusé, ne sont pas celles d’un « contributeur responsable » qui prend au sérieux les services offerts à tous les États Membres et qui respecte l’utilisation de cet espace pour un dialogue constructif.  Cela révèle en outre les efforts du régime cubain pour « détourner l’attention de la communauté internationale de la façon dont il traite son peuple ».  C’est la raison même de l’embargo actuel: la répression perpétuelle qu’exerce le Gouvernement cubain contre son peuple et son échec à répondre aux exigences d’une société libre et juste.

Droit de réponse

La représentante de Cuba a souligné que son pays s’acquitte toujours à temps et sans conditions de ses obligations à l’égard l’ONU même si les montants sont modestes.  Elle a condamné le chantage dont est victime l’ONU de la part des États-Unis qui retiennent délibérément leurs contributions.  Les divergences d’opinions font partie des Nations Unies et du multipartisme, a-t-elle rappelé à son homologue, sans oublier d’ajouter que chaque année, l’Assemblée générale condamne le blocus économique, financier et commercial américain imposé à Cuba depuis 56 ans.  Les États-Unis ne cessent de fouler au pied le droit international et la Charte des Nations Unies, non seulement en ne s’acquittant pas de leurs contributions mais aussi en n’honorant pas leurs obligations morales.

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