9015e séance – matin
CS/14859

Conseil de sécurité: à l’exception de la Russie, les délégations saluent les acquis de l’Accord final de paix en Colombie, malgré la violence persistante

Un « exemple » de l’avis de la France, une « source d’inspiration » selon le Kenya et l’Inde, une « démonstration de sérieux » pour le Brésil: les membres du Conseil de sécurité ont majoritairement loué, ce matin, les avancées liées à la mise en œuvre de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable en Colombie, à la suite de la présentation par le Représentant spécial des derniers développements dans ce pays, aujourd’hui engagé dans un cycle électoral sur fond de violence persistante.  La mission russe a toutefois fait entendre une voix discordante en jugeant le Gouvernement colombien incapable de garantir la sécurité des parties à l’Accord, une prise de position amèrement regrettée par le Président colombien, qui a rappelé la Fédération de Russie à sa responsabilité en Ukraine. 

Avec la mise en œuvre de l’Accord final conclu en 2016, la Colombie rappelle au monde que même un conflit armé long de plus de cinq décennies, avec un bilan de millions de victimes, peut être résolu par le dialogue, jetant les bases de la réconciliation et de la non-répétition, a tranché le Représentant spécial et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie.  Il y a vu le fruit de la persévérance de l’État colombien et des ex-combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP), mais aussi du soutien déterminé de la société civile, des victimes et des communautés de toutes les régions. 

Pour M. Carlos Ruiz Massieu, de nombreux défis subsistent néanmoins pour consolider la paix, à commencer par la violence croissante dans certaines régions, en particulier dans l’Arauca, qui ciblent les communautés autochtones et afrocolombiennes, les anciens membres des FARC-EP, les défenseurs des droits humains et les dirigeants sociaux.  Cela étant, le haut fonctionnaire s’est félicité que, pour la deuxième fois depuis la signature de l’Accord, des élections aient pu être organisées sans violence le 13 mars dernier.  Un scrutin marqué par l’augmentation du nombre de femmes candidates et élues au Congrès, mais aussi par l’élection des représentants des 16 « circonscriptions électorales spéciales de transition pour la paix » et par la participation au vote des ex-FARC-EP et des membres du parti Comunes

Avec l’élection présidentielle du 29 mai prochain, le gouvernement dirigé par M. Duque devra passer le relais à une nouvelle administration, la troisième depuis la conclusion de l’Accord, a rappelé le Représentant spécial en invitant les parties, la société civile et les acteurs politiques à reconnaître les progrès accomplis.  Parmi ceux-ci, il a cité les travaux de la Commission Vérité, qui doit rendre en juin son rapport final.  Il a également souligné le caractère historique des premières auditions de la Juridiction spéciale pour la paix, attendues dans les prochaines semaines.  Il a enfin estimé que les garanties de sécurité énoncées dans l’Accord ont le potentiel de stimuler la réintégration, la participation politique et la justice transitionnelle, tout en faisant avancer la réforme agraire et la lutte contre les drogues illicites. 

Affirmant s’appuyer sur une approche de la paix « basée sur la légalité », le Président Duque a mis l’accent sur la réintégration des personnes soumises à la violence, dont dépend la mise en place d’une paix véritable dans différents territoires de la Colombie.  Malgré les obstacles qui entravent ce processus, au premier rang desquels la détérioration des conditions de sécurité dans plusieurs régions, la majorité des plus de 13 000 ex-combattants poursuivent leur réintégration politique, sociale et économique dans la vie civile avec le soutien du Gouvernement, a-t-il assuré, ajoutant que son gouvernement a également fait de la réparation des victimes une priorité.  Des dizaines de milliers de Colombiens « lacérés » par la violence pendant des décennies sont ainsi indemnisés par l’État, qui entend en outre leur permettre d’avoir une influence sur les décisions politiques locales. 

Le Chef de l’État colombien a toutefois reconnu des affrontements continuent d’opposer l’Armée de libération nationale (ELN) et des groupes dissidents des FARC-EP dans certaines régions du pays, en relation avec le trafic de stupéfiants.  À cet égard, il a fait valoir les efforts de substitution des cultures, déployés par son gouvernement pour répondre à la menace du trafic de drogue, tout en constatant que la consommation de stupéfiants ne cesse d’augmenter dans un certain nombre de pays qui devraient, selon lui, assumer leur « coresponsabilité » dans cette situation. 

À l’instar du Kenya, qui, au nom des trois membres africains du Conseil (Gabon, Ghana et Kenya) a vu dans le processus de paix colombien « une source d’inspiration pour de nombreux pays qui cherchent à mettre fin à de longues guerres civiles », la grande majorité des délégations ont salué les acquis indéniables de six années de mise en œuvre de l’Accord final de paix et les perspectives de réconciliation qu’ils supposent.  Toutes se sont en revanche inquiétées de l’intensification des violences dans certaines régions.  L’Irlande s’est particulièrement alarmée du niveau élevé de déplacements, de séquestrations, d’actes d’intimidation et d’assassinats ciblés, jugeant que ces incidents montrent l’importance du travail de la Commission nationale des garanties de sécurité pour lutter contre les groupes armés illégaux.  Un avis partagé par la Norvège, qui a recommandé l’adoption d’une politique publique visant à démanteler les groupes armés illégaux. 

La France a, pour sa part, estimé qu’au-delà de la lutte contre la violence, il importe d’offrir des opportunités socioéconomiques viables aux populations qui ont souffert du conflit et de faire davantage en matière de réforme rurale et d’accès à la terre et au logement.  Sur la même ligne, les États-Unis ont souhaité que les dirigeants actuels et à venir de la Colombie continuent de soutenir la mise en œuvre du versant économique et de développement de l’Accord final, y voyant le « projet d’une génération ». 

À contre-pied des autres délégations, la Fédération de Russie a, elle, pointé la « non-exécution de l’Accord final », relevant que l’emploi même du terme d’anciens combattants « montre bien que le pays est loin d’être réconcilié ». Accusant le Secrétaire général d’enjoliver la situation dans son rapport, elle a jugé le Gouvernement colombien incapable de garantir la sécurité des parties à l’Accord, parlant même d’un « carnage » en lien avec le contrôle du trafic de drogue.   Six conflits armés se déroulent simultanément entre le Gouvernement et divers groupes rebelles, a-t-elle constaté, non sans déplorer l’absence de représentants de la société civile à cette réunion.  En réponse, le Président Duque a évoqué la situation en Ukraine en fustigeant « les pays qui parlent de paix tout en menant une guerre ». 

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRÉSSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53) - S/2022/267

Déclarations

M. CARLOS RUIZ MASSIEU, Représentant spécial et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, a déclaré qu’avec l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable et sa mise en œuvre, la Colombie rappelle au monde que même un conflit armé long de plus de cinq décennies, avec un bilan de millions de victimes, peut être résolu par le dialogue, jetant les bases d’une réconciliation et d’une non-répétition.  Ces avancées, a-t-il dit, sont le fruit de la persévérance de l’État colombien et des ex-FARC-EP, mais aussi du soutien déterminé de la société civile, des victimes et des communautés de toutes les régions.  Bien des défis demeurent néanmoins pour consolider la paix, à commencer par la violence croissante dans certaines régions, a-t-il reconnu, avant de s’appesantir sur l’importance du cycle électoral.  Pour la deuxième fois depuis la signature de l’Accord, des élections ont pu être organisées sans violence, en partie grâce au dépôt réussi de milliers d’armes des ex-FARC-EP.  Les récentes élections ont également vu une augmentation du nombre de femmes candidates et élues au Congrès, malgré la persistance de violences fondées sur le genre, s’est-il félicité, ajoutant que ce scrutin a aussi permis d’élire les représentants de 16 nouvelles circonscriptions dans les régions touchées par le conflit.  La démocratie colombienne sera, sans nul doute, enrichie par la voix accrue des victimes au Congrès, a souligné le haut fonctionnaire qui a espéré que le nouveau Congrès, qui entrera en fonction en juillet, fera progresser le programme législatif en suspens de l’Accord final. 

En dépit des défis, notamment sécuritaires, les anciens membres des FARC-EP et les membres du parti Comunes ont pu faire campagne et voter pour la deuxième fois depuis la signature de l’Accord, a poursuivi le Représentant spécial, assurant que la grande majorité des plus de 13 000 anciens combattants accrédités restent engagés dans le processus de paix.  De plus, près des deux tiers d’entre eux prennent maintenant part à des initiatives collectives et individuelles génératrices de revenus, ce qui est crucial pour le succès à long terme de leur réintégration.  Pour M. Massieu, la pérennité du processus reste cependant conditionnée aux efforts visant à mettre fin à la violence qui continue de menacer les anciens combattants désireux de se construire une nouvelle vie.  Faisant état d’une récente visite dans l’Arauca, région encore sujette à la violence, il a dit avoir informé les autorités de la situation critique des populations et appelé les groupes armés à respecter le droit international humanitaire.  Dans le département de Putumayo, a-t-il ajouté, la violence fait payer un lourd tribut aux communautés autochtones et afrocolombiennes sous la forme de meurtres, de déplacements et de recrutement de mineurs.  L’Accord a été conçu pour non seulement mettre fin au conflit avec les FARC-EP, mais aussi pour s’attaquer aux facteurs profondément enracinés qui continuent de sous-tendre cette dynamique de violence, a rappelé M. Massieu.  De fait, si elles sont mises en œuvre de manière coordonnée, les garanties de sécurité énoncées dans l’Accord ont le potentiel de stimuler des domaines clefs tels que la réintégration, la participation politique et la justice transitionnelle, tout en faisant avancer l’application de la réforme agraire et la lutte contre les drogues illicites, a-t-il soutenu. 

Soulignant l’importance d’une utilisation efficace des institutions et des mécanismes ad hoc conçues par le Gouvernement et les ex-FARC-EP, M. Massieu a mis en exergue un projet pilote mené avec l’appui des Nations Unies pour améliorer les capacités des anciens combattants à localiser les champs de mines.  Il s’est par ailleurs réjoui qu’après des années de travail, la Commission Vérité publie en juin prochain son rapport final, rédigé à partir des témoignages de milliers de victimes et de tous les acteurs du conflit.  Le Représentant spécial a également souligné le caractère historique des premières auditions de reconnaissance de responsabilité qui seront effectuées par la Juridiction spéciale pour la paix dans les prochaines semaines.  Dans ce cadre, les anciens commandants des FARC-EP, les membres de la force publique et les tiers auront un espace pour démontrer leur attachement à la vérité et aux droits des victimes, qui sont « la raison d’être du système global de vérité, de justice et de non-répétition », a-t-il dit, y voyant un pas décisif pour la définition des sanctions qui seront prononcées par la Juridiction spéciale. 

Enfin, après avoir signalé que le gouvernement dirigé par M. Duque devra prochainement passer le relais à une nouvelle administration, la troisième depuis la signature de l’Accord final, il a invité les parties, la société civile et les acteurs politiques à reconnaître les progrès accomplis, à faire progresser les éléments en suspens et à relever les défis qui subsistent.  Dans ce contexte, a-t-il conclu, le soutien continu du Conseil de sécurité sera plus important que jamais. 

M. IVÁN DUQUE MÁRQEZ, Président de la Colombie, a dénoncé les agissements des groupes armés qui cherchent selon lui à remettre en question la stabilité des institutions de son pays.  Pourtant, a-t-il assuré, la Colombie reprend « à bras-le-corps » les principes de la paix tels que consacrés dans l’article 22 de la Constitution colombienne, dans laquelle il est dit « sans ambages » que le devoir premier de l’État est de garantir la vie, les droits et les libertés de tous les citoyens, « partout et tout le temps ».  Sur cette base, M. Duque a reconnu qu’au cours des 40 dernières années, la Colombie s’est engagée dans plusieurs processus de paix avec des groupes armés illicites, dont certains ont été couronnés de succès.  Mais six ans après la signature de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, entre le Gouvernement colombien et les ex-FARC-EP, des affrontement continuent d’opposer l’Armée de libération nationale (ELN) et des groupes dissidents des FARC-EP dans certaines régions du pays, en relation avec le trafic de stupéfiants. 

L’approche de la paix « basée sur la légalité » privilégiée par mon gouvernement a pour but de corriger ou d’améliorer les éléments nécessaires, a expliqué M. Duque.  S’appesantant sur la réintégration des personnes soumises à la violence, il a indiqué que si celle-ci ne se passe pas bien, cela peut avoir une incidence sur la mise en place d’une paix véritable dans les différents territoires de la Colombie.  Malgré les obstacles qui entravent le processus de réintégration, au premier rang desquels la détérioration des conditions de sécurité dans plusieurs régions, la majorité des plus de 13 000 ex-combattants poursuivent leur réintégration politique, sociale et économique dans la vie civile avec le soutien du Gouvernement, a souligné le Chef d’État.  Plus de 85% de ces personnes disposent d’une carte de sécurité sociale et ont la possibilité de suivre des formations et de bénéficier un jour d’une retraite. 

Le Gouvernement a également fait de la mise en œuvre de la loi pour la réparation des victimes une priorité, a poursuivi M. Duque.  Il a assuré que les dizaines de milliers de Colombiens qui pendant des décennies ont été « lacérés par la violence » sont indemnisés par l’État, qui a également l’intention de leur permettre d’avoir une influence sur les décisions politiques dans les zones les plus touchées par la violence.  Le Président a ensuite évoqué des plans de développement plus nombreux que par le passé, 16 au total, fruits de 14 cycles de consultations des différentes communautés qui ont permis à la Colombie d’investir quatre milliards de dollars dans ces 170 municipalités où vivent 600 000 Colombiens, dont 200 000 qui ont été victimes de la violence. 

Selon le Président, 13 000 agriculteurs colombiens peuvent aujourd’hui vendre sans intermédiaire et, grâce à des systèmes de microcrédit, générer des sources de revenu durable.  Autres éléments notables, s’est-il félicité, la substitution des cultures, qui concerne 50% de toutes les zones éradiquées, pour faire face à la menace du trafic de drogue, assorti d’un « déminage humanitaire » des sols.  Relevant cependant que la consommation de stupéfiants ne cesse d’augmenter dans un certain nombre de pays où transitent les drogues, il a appelé ces derniers à assumer leur « coresponsabilité » dans cette situation.  Il n’y a pas d’ennemi de la paix dans les institutions publiques et démocratiques de notre pays, les seuls ennemis sont ceux qui par la violence ont voulu remettre en question l’existence même de notre pays aujourd’hui, a accusé M. Duque.  « La paix en Colombie n’est pas une question politique, ni électorale, il ne s’agit pas non plus d’une question idéologique », a conclu le Chef d’État.  Nous avons encore beaucoup à faire, a-t-il reconnu, mais les réalisations de la Colombie sont indéniables. 

Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre d’État pour l’Asie du Sud et centrale, l’Afrique du Nord, l’ONU et le Commonwealth, a déclaré que la Colombie est un exemple important qui démontre que la résolution des différends n’est possible que par des moyens pacifiques et le dialogue.  Il a noté que cette année marque un tournant pour le système de justice transitionnelle, évoquant notamment les premières condamnations prononcées par la Juridiction spéciale pour la paix.  Malgré les progrès réalisés, il s’est inquiété du fait que certains groupes continuent d’être touchés de manière disproportionnée par la violence, les déplacements et le confinement.  À cet égard, il s’est dit alarmé par l’augmentation des incidents violents et de l’insécurité dans plusieurs régions, ce qui a coûté la vie à d’anciens combattants, des écologistes, des défenseurs des droits humains, des femmes leaders et des leaders des communautés autochtones et afro-colombiens.  Il s’est déclaré choqué par le meurtre de Jorge Santofimio à Putumayo, estimant que son engagement pour la protection de l’environnement et la paix avaient fait de lui un exemple des bienfaits qui découlent d’une réintégration réussie. 

Pour briser ce cycle de violence, le Ministre a exhorté le Gouvernement à continuer d’intensifier ses efforts pour assurer une protection adéquate et la sécurité, améliorer la présence de l’État dans les zones touchées par le conflit, et renforcer les institutions capables d’enquêter et de poursuivre les responsables de ces crimes.  Alors que la Colombie envisage les prochaines élections présidentielles le mois prochain, il a appelé à nouveau tous les acteurs politiques à veiller à ce que le scrutin soit pacifique et inclusif, et que les partis élus maintiennent leur engagement à la pleine mise en œuvre de l’Accord final. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est déclaré très inquiet au sujet du processus de paix colombien, notant que le Conseil a mis en jeu sa réputation sur ce dossier.  Les raisons de notre inquiétude ne font que grandir, a dit le délégué.  Il a notamment pointé la non-exécution de l’Accord final, relevant en outre que l’emploi même du terme d’anciens combattants montre bien que le pays est loin d’être réconcilié.  Il a indiqué que le fil directeur du rapport dont le Conseil est saisi, est bel et bien l’inquiétude.  Le Gouvernement colombien est incapable de garantir la sécurité des parties à l’Accord final, a tranché le délégué, en insistant sur le « carnage » qui se déroule en Colombie notamment pour le contrôle du trafic de drogue. 

La situation est tellement grave que le Gouvernement a dû prendre des mesures d’urgence pour remédier à la situation, a poursuivi le délégué.  Il a rappelé que 315 participants à l’Accord final ont été tués depuis sa signature.  De plus, six conflits armés se déroulent simultanément en Colombie entre le Gouvernement et divers groupes rebelles, tandis que 53 000 personnes sont déplacées.  Il a regretté que les représentants de la société civile n’aient pas pu présenter leurs évaluations aujourd’hui au Conseil.  Il a par ailleurs estimé que le rapport du Secrétaire général enjolive la réalité. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) qui s’exprimait au nom du Gabon, du Ghana et du Kenya (A3), a salué la réussite des dernières élections en Colombie qui devrait donner une impulsion pour arriver à une plus grande inclusion politique des communautés touchées par le conflit.  Le processus de paix colombien reste une source d’inspiration pour de nombreux pays qui cherchent à mettre fin à de longues guerres civiles, a remarqué le représentant pour qui l’ampleur et l’ambition de l’Accord final reflètent l’audace de la vision du Gouvernement colombien et des FARC-EP.  M. Kimani, qui a exprimé son admiration pour les victimes et les survivants, a appelé à mettre en œuvre de manière intégrale de l’Accord final dont le succès repose sur la pleine réinsertion des anciens combattants dans la société colombienne. 

L’A3, a indiqué le représentant, appelle à garantir la sécurité des anciens combattants y compris ceux d’origine autochtone et afrocolombienne.  M. Kimani a dit « appuyer » les plans du Forum de haut niveau sur les populations autochtones visant à élaborer une feuille de route pour 2022 afin de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les anciens combattants d’origine autochtone et afrocolombienne.  Il faut allouer des ressources adéquates et fiables à cette initiative, a-t-il précisé.  Selon M. Kimani, la justice transitionnelle reste la pierre angulaire du processus de paix en particulier les progrès de la Juridiction spéciale pour la paix qui doit être autonome et indépendante. 

Soulignant l’association complémentaire entre le commerce illicite de stupéfiants et les conflits armés, y compris le terrorisme, le représentant a salué l’arrestation du baron de la drogue « Otoniel » qui devrait faciliter le démantèlement des organisations criminelles et de leurs réseaux de soutien.  Il a exhorté le Gouvernement à développer les infrastructures rurales, ainsi qu’à mettre en œuvre le Programme national intégral de substitution des cultures illicites.  L’A3 est préoccupé face à la violence persistante qui cible les anciens combattants, les communautés touchées par le conflit, y compris les communautés afrocolombiennes et autochtones, les dirigeants sociaux, les femmes bâtisseuses de la paix et les militantes des droits de l’homme, a exprimé le représentant.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par les informations faisant état de l’intensification de la violence par les groupes armés, y compris l’Ejército de Liberación Nacional (ELN), et de leurs attaques contre des civils innocents.  En conclusion, M. Kimani a encouragé la mise en œuvre urgente auprès des plus vulnérables des garanties de sécurité par la Commission nationale chargée de ces questions, en tenant compte des besoins sexospécifiques. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a reconnu les progrès réalisés en Colombie depuis la signature de l’Accord final il y a cinq ans, avant de se féliciter que des milliers d’anciens combattants aient pu être réintégrés dans leurs communautés respectives et que les FARC aient pu être transformées en parti politique reconnu. Néanmoins, il s’est inquiété de l’augmentation de la violence sexuelle et sexiste et du recrutement des enfants qui risquent de « balayer les progrès atteints ».  Face à la réalité des attaques perpétrées par les groupes armés et les gangs contre des représentants de la société civile et des défenseurs des droits humains, mais aussi contre des femmes et des militants LGBTI, le représentant a exhorté le Gouvernement colombien à redoubler d’efforts pour démanteler ces groupes et gangs.  Parmi les freins au processus de paix, il a cité les menaces que subissent les anciens combattants qui ont rendu les armes et l’absence de réforme foncière comprenant le droit à l’accès à la terre pour les victimes du conflit.  Après s’être félicité de l’organisation des deuxièmes élections parlementaires depuis la signature de l’Accord final, le représentant a particulièrement salué la mise en place de six districts électoraux spéciaux pour donner la voix aux populations historiquement exclues dans les zones frappées par le conflit. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a salué les réalisations de l’Accord final en Colombie ainsi que le soutien apporté par le Gouvernement du Président Duque à sa mise en œuvre.  Il faut maintenant construire sur ces acquis, a-t-elle préconisé, reconnaissant toutefois que d’importants défis subsistent.  Pour la représentante, le gouvernement qui succédera à l’Administration de M. Duque aura une responsabilité très lourde mais aussi une « occasion en or » de finaliser les dispositions de l’Accord.  Qualifiant à cet égard de « nouveau pas en avant » les récentes élections au Congrès, marquées par une participation accrue des femmes, elle s’est également réjouie de la signature d’un pacte pour la non-violence par 13 partis politiques. 

Toutefois, a-t-elle nuancé, bien que le contexte soit globalement calme, des inquiétudes demeurent en raison de la persistance de la violence dans plusieurs régions, notamment dans l’Arauca.  Traiter cette violence doit rester une priorité des autorités colombiennes, a recommandé la déléguée.  Elle a conseillé pour cela de pleinement mettre en œuvre les mécanismes de sécurité tout en appuyant les initiatives communautaires, véritable ciment de la paix.  À cet égard, les efforts déployés par le Gouvernement, à commencer par sa stratégie de réintégration des anciens combattants, montrent qu’il faut travailler avec la société dans son ensemble, a relevé la représentante, avant de saluer les avancées réalisées en matière de justice réparatrice basée sur les survivants.  Elle a également applaudi le fait que la Juridiction spéciale pour la paix diversifie les sujets traités et s’intéresse notamment aux violences sexistes et sexuelles liées au conflit.  Pour conclure, elle a souhaité que le processus électoral menant au prochain scrutin présidentiel reste pacifique et contribue à installer une paix durable dans le pays. 

M. CHRISTOPHER P. LU (États-Unis) s’est félicité que les élections législatives récentes se soient déroulées « sans accroc significatif », saluant aussi le nombre sans précédent de femmes élues au Congrès et la participation de communautés sous-représentées jusqu’à présent.  Il a ensuite jugé fondamental pour le Gouvernement et la société colombienne de continuer de mettre en œuvre l’Accord final, avant de dire qu’il attend avec impatience la publication au mois de juin du rapport de la Commission Vérité.  Nous savons que les conclusions de ce rapport seront difficiles et encourageons les acteurs à y réfléchir, a dit le représentant.  Il a constaté que la violence s’est accrue dans plusieurs départements du pays, à l’encontre une fois de plus de défenseurs des droits humains et de travailleurs sociaux, provoquant notamment le déplacement de communautés autochtones.  Le délégué a par ailleurs observé que, au cours de la période à l’examen, la mise en œuvre de l’Accord final a été beaucoup plus lente que souhaitée.  Notant que l’opérationnalisation du versant économique et de développement est le « projet d’une génération », il a appelé les dirigeants actuels et à venir de la Colombie à continuer de soutenir cette mise en œuvre, en renforçant la sécurité dans les zones rurales, en garantissant une réforme foncière dans les zones concernées, et en assurant l’accès à la justice. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a estimé que la présence du Président Iván Duque à cette session est une démonstration du sérieux de l’engagement de la Colombie dans la mise en œuvre de l’Accord final.  Avec la proximité de l’élection présidentielle en Colombie, nous sommes heureux de voir que la consolidation de la paix est une priorité consensuelle dans la société colombienne, a—t-il déclaré.  Il a dit comprendre que la route est longue et qu’il y a toujours de nouveaux obstacles à surmonter.  Seulement cinq ans se sont écoulés depuis la signature de l’accord historique avec les FARC, soit le tiers de la période estimée pour la pleine mise en œuvre de ses dispositions.  Le représentant a dit espérer que la prochaine administration du pays saura donner une continuité aux efforts de ces dernières années.  Il a estimé que l’affrontement entre les groupes armés illégaux et les organisations criminelles, ainsi que les économies illicites et le contrôle territorial inefficace par l’État sont des défis incontournables pour le prochain gouvernement colombien.  Le Brésil attend avec intérêt le rapport final de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition, un document fondamental pour la société colombienne pour surmonter la violence du passé et continuer à consolider la paix, a jugé le délégué.  Enfin, il a appelé les membres du Conseil à ne pas perdre de vue que leur rôle est circonscrit à la vérification de la mise en œuvre de l’Accord final.  Les stratégies de développement et la sécurité sont des prérogatives de l’État colombien, a-t-il tranché. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a insisté sur le travail qu’accomplit la société civile colombienne, avant de se féliciter de la tenue des élections législatives, un jalon important qu’il convient de saluer.  Il a insisté sur le nombre sans précédent de femmes candidates, tout en appelant de ses vœux une participation accrue des femmes autochtones.  Il a loué les « avancées indéniables » dans l’application de l’Accord final, avant de souligner la nécessité de remédier aux causes profondes de la violence.  Les chiffres avancés dans le rapport à l’examen sur le nombre d’incidents violents et le rôle des enfants sont inquiétants, a déclaré le délégué.  Il a appuyé le travail de la Juridiction spéciale pour la paix et de la Commission Vérité, coexistence et non-répétition.  Le Conseil de sécurité a apporté un appui exemplaire au processus de paix colombien, a conclu le représentant du Mexique. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) s’est félicité de l’augmentation du taux de femmes élues qui est passé de 19% à 30% aux dernières élections législatives.  Il s’est toutefois préoccupé des menaces, des intimidations et de la violence politique qui ont touché certains candidats aux élections, en particulier les femmes et les membres de la communauté afro-colombienne, et a condamné les tentatives de groupes armés illégaux d’interférer avec le processus politique.  En attendant l’élection présidentielle, il est essentiel que les candidats et les électeurs puissent participer à l’exercice de la démocratie sans crainte d’intimidation ou de violence, a souligné le délégué. 

Poursuivant, M. Flynn s’est préoccupé du niveau élevé de déplacements, de séquestrations, d’actes d’intimidation et d’assassinats ciblés et de leur impact croissant sur les communautés et les dirigeants autochtones et afrocaribéens.  Ces incidents montrent l’importance du travail de la Commission nationale des garanties de sécurité pour lutter contre les groupes armés illégaux et créer un environnement sûr en Colombie, a estimé le représentant, notant que les garanties de sécurité contenues dans l’Accord sont fondamentales pour ceux qui ont déposé les armes pour travailler à une Colombie pacifique.  Saluant par ailleurs l’approche centrée sur la victime du système de justice transitionnelle colombien, M.  Flynn a souligné que la pleine reconnaissance de la responsabilité des auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité sera un moment déterminant pour la vérité et la réconciliation en Colombie. 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) s’est dit encouragé par les progrès réalisés ces derniers mois dans la mise en œuvre de l’Accord final en citant les réformes en milieu rural, la mise en place de cultures de substitution et la tenue en juin 2022 des premières audiences de la Juridiction spéciale pour la paix.  Il s’est notamment félicité que les dernières élections aient pu être organisées pour la première fois dans 167 municipalités des zones rurales touchées par les conflits et que des alliances politiques encourageantes aient pu être observées.  Tout en s’inquiétant des menaces que constituent les activités criminelles de différents groupes armés, le représentant a salué les progrès réalisés par les autorités colombiennes en matière de sécurité, d’accès au logement et de garanties foncières telles qu’inscrites dans l’Accord final.  Après s’être vanté de six décennies de fructueuses relations bilatérales entre l’Inde et la Colombie, le délégué a noté que le commerce entre ces deux pays a augmenté de 20% l’année dernière malgré les bouleversements causés par la pandémie.  Alors que la mise en œuvre du processus de paix colombien constitue une source d’inspiration pour la communauté internationale, le représentant a assuré que l’Inde continuera d’appuyer les efforts de la Colombie sur le chemin de la paix durable. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que, dans un monde « secoué par les conflits », la Colombie est « un exemple pour la communauté internationale ».  Qualifiant l’Accord final d’ « acquis historique », elle s’est félicitée que l’ancienne guérilla ait déposé les armes, que les anciens combattants se réintègrent peu à peu et que la justice ouvre la voie à la réconciliation.  Elle a salué la tenue sans perturbations majeures des élections au Congrès.  L’élection, pour la première fois, des représentants des 16 circonscriptions pour la paix est une avancée, a noté la déléguée, émettant l’espoir que la campagne présidentielle se poursuivra sans tension et que les élections se tiendront de manière sûre et inclusive, dans toutes les régions du pays.  Elle s’est cependant déclarée préoccupée par la poursuite des violences, en particulier dans la région d’Arauca, avertissant que chaque massacre, chaque assassinat, chaque déplacement de population est un danger pour l’Accord final. Bien que les garanties de sécurité restent insuffisantes à ses yeux, elle a jugé positif que la Commission nationale des garanties de sécurité se soit réunie pour la première fois depuis un an.  Elle a souhaité que cette instance se réunisse plus régulièrement, comme cela est prévu dans l’Accord, afin d’accélérer le démantèlement des groupes armés. 

La représentante a d’autre part appelé au renforcement de la présence de l’État dans les régions reculées.  Dans ces zones, il importe de lutter contre la violence mais aussi d’offrir des opportunités socioéconomiques viables aux populations qui ont souffert du conflit, a-t-elle soutenu, estimant en outre que davantage doit être fait en matière de réforme rurale et d’accès à la terre et au logement.  Elle s’est cependant félicitée des progrès constants de la Juridiction spéciale pour la paix, jugeant que l’ouverture de trois nouveaux cas démontre la maturité de ce système.  Selon elle, les premières peines réparatrices marqueront un tournant en plaçant les victimes au cœur du processus. 

MME MONA JUUL (Norvège) s’est félicitée du nombre de femmes élues lors des élections législatives, qui n’a jamais été aussi élevé.  Des victimes authentifiées, issues de zones rurales touchées par le conflit, ont également été élues pour représenter les circonscriptions électorales transitoires pour la paix, a-t-elle encore salué, en soulignant que les victimes doivent rester au centre des préoccupations dans les années à venir.  Il faut faire davantage d’efforts pour assurer la protection des enfants, des défenseurs des droits et des chefs autochtones et veiller à ce que les auteurs d’attaques contre eux soient traduits en justice, a exhorté la déléguée.  Il a plaidé pour que la mise en œuvre complète des dispositions de l’Accord final relatives aux garanties de sécurité soit finalisée face aux violences persistantes.  Cela exige d’exécuter rapidement les ordonnances émises à l’intention du Gouvernement après la décision de la Cour constitutionnelle qui a jugé « inconstitutionnelle » la loi sur les droits de la personne, a indiqué la représentante.  En outre, elle a recommandé d’adopter une politique publique visant à démanteler les groupes armés illégaux, politique à laquelle les représentants de la société civile devraient être autorisés à apporter leur contribution. 

M. JUN ZHANG (Chine) a indiqué que le processus de paix en Colombie est une source d’inspiration qui devrait œuvrer pour le développement durable du peuple colombien.  Il a espéré que le prochain gouvernement colombien poursuivra la mise en œuvre de l’Accord final.  Le représentant a cependant constaté que la violence a redoublé dans de nombreuses régions et le processus d’intégration des anciens combattants patine.  Il a aussi plaidé pour un plus grand engagement des femmes dans le processus de paix. Le délégué a appelé le Gouvernement à accélérer les réformes actuelles, avec le soutien des pays de la région.  Pour le représentant, le processus de paix en Colombie est irréversible, et la mission onusienne devrait renforcer son soutien au pays. 

Le Président de la Colombie a repris la parole pour saluer cette séance historique et saluer le message positif envoyé par le Conseil aujourd’hui au peuple colombien.  S’agissant de l’égalité hommes-femmes, il a indiqué que la Colombie a accompli des progrès importants, soulignant le nombre sans précédent de femmes soldats et précisant que les bénéficiaires des programmes de redistribution des terres sont pour moitié des femmes.  Nous avons dû faire face à la dissidence des FARC et de l’ELN, a rappelé M.  Duque. 

Il a aussi signalé que le taux d’homicide est au plus bas dans son pays, mentionnant la réduction tendancielle sur les années du nombre de meurtres de dirigeants sociaux.  Ces groupes armés sont des groupes terroristes que nous devons combattre, a déclaré le Président.  «  Nous continuerons d’investir dans la sécurité et le développement social de la Colombie. »  Il a aussi reconnu que la démocratie colombienne doit encore être renforcée.  Le Président a par ailleurs évoqué sa tristesse par rapport à ce qui se passe en Ukraine et fustigé les pays qui parlent de paix tout en menant une guerre.  Accepter le dialogue avec l’État tout en continuant de conduire des actions violentes revient à discréditer ce dialogue, a déclaré le Président, en insistant sur la robustesse accrue des institutions colombiennes. 

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