Session de 2022, Réunion spéciale en matière fiscale,
Matin & après-midi
ECOSOC/7073

L’ECOSOC se penche sur le défi de l’équilibre des recettes fiscales entre pays, dans le contexte d’une numérisation croissante des activités économiques

La coopération en matière fiscale, nécessaire pour mobiliser efficacement les ressources en faveur du développement durable, en particulier après la COVID-19, a été examinée, aujourd’hui, au Conseil économique et social (ECOSOC), sous deux angles différents: la fiscalité des entreprises et les flux financiers illicites.  De retour dans la salle de l’ECOSOC rouverte après deux ans de restrictions liées à la pandémie, le Conseil a néanmoins tenu cette « réunion spéciale » en format hybride. 

Une coopération internationale plus étroite est nécessaire pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites, a d’emblée affirmé la Vice-Secrétaire générale de l’ONU.  Mme Amina J. Mohammed a souligné par exemple l’importance d’une réforme de la fiscalité internationale sur les sociétés extractives, en citant le Groupe de travail mondial sur les industries extractives qui la recommande pour sortir efficacement de la pandémie et accélérer la transition vers l’équité, la durabilité et la résilience. 

La première discussion a porté sur les difficultés rencontrées par les pays en développement pour tenter de collecter les impôts sur les sociétés dans un monde de plus en plus numérisé et globalisé.  De nombreuses entreprises sont en effet en mesure de vendre leurs produits sans forcément maintenir une présence sur le terrain et donc souvent sans être assujettis au système fiscal du pays concerné.  « Cette imposition est-elle encore adaptée?  Le contrat social est-il respecté?  Le facteur travail n’est-il pas trop imposé par rapport au facteur capital?» a demandé le Président de l’ECOSOC, M. Collen Kelapile, pour lancer le débat. 

La capacité de faire des affaires à distance depuis un pays sans avoir à s’acquitter de l’impôt est une question cruciale, a reconnu la Vice-Présidente du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale.  D’où l’importance des travaux de ce comité qui a conçu et présenté, dans le Modèle de convention fiscale des Nations Unies de 2021, une approche alternative pour l’imposition des services numériques automatisés. 

La discussion du matin a été l’occasion de promouvoir différentes approches pour résoudre ces difficultés.  Plusieurs orateurs ayant soulevé le problème de la faible représentation des pays en développement à l’élaboration des règles de fiscalité internationale, un expert du Nigéria, parmi d’autres intervenants, a invité à écouter davantage ces pays quand ils font des propositions pour la réforme du système fiscal international.  Son homologue de la Chine s’est montré optimiste à cet égard, en constatant que les pays en développement ont de plus en plus voix au chapitre dans les arcanes multinationaux de discussion sur la fiscalité, comparativement à il y a quelques années. 

La Directrice adjointe du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE  était là pour rappeler le nouveau cadre fiscal international soumis à l’appréciation des États depuis octobre 2021, communément appelé « solution des deux piliers ».  Si le pilier 1 entend garantir une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre pays, concernant les grandes multinationales, y compris celles du numérique, la solution à deux piliers n’a pas l’ambition de résoudre tous les problèmes de fiscalité au monde, a prévenu la conférencière.  C’est à chaque pays d’établir comment ces piliers s’appliquent à lui sur le plan national, a aussi tenu à préciser une journaliste spécialisée sur ces questions.  La Directrice des programmes fiscaux au Forum africain sur l’administration fiscale (ATAF) a regretté pour sa part que la solution à deux piliers n’ait pas abordé les deux questions fondamentales pour les administrations fiscales africaines: les juridictions de résidence et du marché, et les flux financiers illicites. 

La réduction de ces flux a d’ailleurs été jugée prioritaire, dans la réforme des systèmes fiscaux internationaux et nationaux, par une intervenante de la Norvège participant à la discussion de l’après-midi.  Elle a relevé qu’il n’existe toujours pas de définition convenue des flux financiers illicites, ce qui illustre les défis complexes en la matière.  Soutenant la proposition du Groupe de haut niveau sur la responsabilité financière internationale, la transparence et l’intégrité pour la réalisation du Programme 2030, elle a fait remarquer que l’expression « intégrité financière » oblige à se demander avant tout si nos actions sont conformes à l’intention de la loi. 

La clef du succès réside dans une volonté commune de lutter contre la fraude et les crimes fiscaux, a ajouté son homologue de la Finlande en saluant le soutien de la population de son pays  au principe de payer des impôts pour maintenir l’État-providence.  Puisque la réunion était axée sur la coopération en matière fiscale, l’intervenante a vanté la longue tradition de coopération de la Finlande avec d’autres pays nordiques en matière de répression des crimes fiscaux. 

La collecte de l’impôt n’est plus adaptée aux nouveaux modèles économiques numérisés, a reconnu en conclusion le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques en invitant à aider les pays en développement à y faire face.  Il faut remédier à la faiblesse des institutions qui empêche les pays concernés d’exercer leurs droits de contrôle des flux et ressources économiques, notamment les ressources naturelles.  Au niveau international, il faut améliorer les normes, les lois et les politiques fiscales internationales pour corriger les déséquilibres dans les systèmes financiers et commerciaux internationaux, a conclu le Président de l’ECOSOC. 

RÉUNION SPÉCIALE SUR LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE FISCALE

Déclarations liminaires

M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a indiqué que le thème de la réunion spéciale, cette année, est « Renforcer la coopération en matière fiscale pour la reprise post-COVID-19 et au-delà: envisager l’avenir de la fiscalité des entreprises et enrayer les flux financiers illicites liés à la fiscalité ».  Il a campé les enjeux de cette réunion, en rappelant que l’imposition des entreprises est une source cruciale de revenus pour les gouvernements, en particulier pour la réalisation du Programme de développement à l’horizon 2030.  Il a expliqué que cette imposition est aujourd’hui remise en question par la numérisation des activités économiques.  Les entreprises sont en effet en mesure de vendre leurs produits sans forcément maintenir une présence sur le terrain.  « Cette imposition est-elle encore adaptée?  Le contrat social est-il respecté?  Le facteur travail n’est-il pas trop imposé par rapport au facteur capital?»  Il a aussi estimé que toute réforme de la fiscalité doit répondre aux besoins spécifiques des pays en développement et satisfaire à la nécessité de réduire les inégalités mondiales.  Les perspectives des pays en développement doivent être ainsi prises en compte pour apporter des solutions inclusives, a-t-il insisté. 

Le Président a indiqué qu’un autre défi pour la mobilisation des ressources fiscales est posé par les flux financiers illicites.  Ces flux, notamment en provenance de pays en développement riches en ressources naturelles, tarissent les ressources à disposition pour soutenir la croissance et la création d’emplois ou lutter contre les conséquences des changements climatiques.  Les pays doivent accroître leurs efforts pour substantiellement diminuer ces flux en vue de leur élimination, a-t-il recommandé, en défendant des règles nationales et une coopération internationale renforcées.  Il a suggéré d’autres pistes telles que la lutte contre l’évasion fiscale, l’élimination des sociétés écran ou bien encore le renforcement des lois contre le blanchiment.  « Je suis persuadé que cette réunion permettra d’explorer les pistes concrètes pour remédier aux flux financiers illicites. » 

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a résumé les défis du moment à savoir les flux financiers illicites dans le secteur extractif, les répercussions de la pandémie de COVID-19, les incidences fiscales de l’économie numérique et mondialisée, la guerre en Ukraine et le fait que le monde est encore loin des objectifs climatiques convenus à Paris il y a 7 ans.  Le relèvement et l’élimination des inégalités sont au cœur du rapport sur Notre programme commun, du Secrétaire général, a rappelé Mme Mohammed.  Pour réduire les inégalités, rétablir la confiance et veiller à ce que les financements soient investis dans le développement durable pour tous, une coopération internationale plus étroite est nécessaire pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites.  Le Groupe de travail mondial sur les industries extractives a constaté que la réforme de la fiscalité internationale sur les sociétés extractives est une exigence essentielle pour sortir efficacement de la pandémie et accélérer la transition vers l’équité, la durabilité et la résilience, a-t-elle indiqué en plaidant pour un nouveau contrat social entre les entreprises, les gouvernements et les citoyens, un contrat devant inclure une fiscalité progressive comme fondement du développement durable.  Dans les réformes des systèmes fiscaux, les décideurs devraient intégrer l’égalité des sexes pour soutenir une croissance inclusive, a aussi suggéré Mme Mohammed. 

Déplorant le fait que dans l’économie numérique mondialisée, la valeur ajoutée créée à distance ne soit toujours pas assujettie à l’impôt dans le pays où l’activité économique a lieu, la Vice-Secrétaire générale a salué les négociations en cours menées par le G20 sur une convention multilatérale qui donnerait des droits d’imposition aux autorités fiscales des pays concernés.  Des analyses sont nécessaires pour assurer une répartition équitable des recettes fiscales entre les marchés où se déroule l’activité économique, souvent dans les pays en développement, a ajouté Mme Mohammed.  C’est en soutien à ces efforts que le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale a conçu et présenté, dans le Modèle de convention fiscale des Nations Unies de 2021, une approche alternative pour l’imposition des services numériques automatisés.  Alors que les pays continuent de déterminer les options qui s’offrent à eux, il est important qu’ils tiennent compte de leurs réalités et de leurs situations spécifiques afin de parvenir à des systèmes fiscaux équitables et efficaces, a plaidé la Vice-Secrétaire générale. 

Dans les économies en développement, la réforme est particulièrement essentielle dans le secteur extractif parce qu’elle peut stimuler la croissance et le développement durable en particulier dans les pays en développement dotés de ressources naturelles, y compris celles nécessaires à la transition verte, a estimé Mme Mohammed.  Dénonçant le « paradoxe de l’abondance » dans ces pays, elle a déclaré que pour que les industries extractives contribuent avec succès au développement durable, la gouvernance des ressources extractives doit être améliorée pour renforcer la durabilité environnementale, la transparence, la prise de décision inclusive et la responsabilité.  Il faut notamment investir les rentes des industries extractives dans le développement durable des populations locales.  Il faut également diversifier les économies et réduire la dépendance à long terme aux revenus des industries extractives, créer une fiscalité directe des revenus et de la propriété afin d’améliorer la résilience financière du secteur, et aligner le secteur extractif sur les objectifs de développement durable (ODD) et l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Cela nécessite la mise en place d’incitations fiscales pour encourager les pratiques durables dans le secteur extractif ainsi que le transfert des subventions accordées aux combustibles fossiles vers les énergies renouvelables, a encore recommandé Mme Mohammed 

Mme LISELOTT MARGARETA KANA, Vice-Présidente du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, a rappelé que le but du Comité est d’aider les pays à mobiliser leurs ressources en faveur du développement durable, en élargissant leur base fiscale, en renforçant leur administration fiscale et en luttant contre l’évasion fiscale.  « Cela est essentiel à la réalisation du Programme 2030. »  Elle a souligné les outils développés par le Comité à cette fin, y compris une actualisation du modèle de convention fiscale, et les conseils apportés sur la taxe carbone ou le règlement des contentieux fiscaux.  Elle a précisé que le travail du Comité sur les liens entre imposition, échanges commerciaux et accords d’investissement vise à parvenir à un équilibre entre besoins de rentrées fiscales et investissements pour le développement durable et l’action climatique. 

Mme Kana a ensuite évoqué le défi de l’imposition dans un contexte de numérisation des activités économiques.  La capacité de faire des affaires à distance depuis un pays sans avoir à s’acquitter de l’impôt est une question cruciale, a-t-elle dit, en attendant avec impatience les discussions de ce jour. Elle a rappelé que le Comité est un organe qui produit des normes et prodigue des conseils aux pays en développement pour répondre aux défis en matière fiscale.  « Nous sommes fiers de fournir une assistance pratique aux pays en développement et d’apporter une perspective fiscale aux travaux du Conseil. » 

Table ronde 1

L’avenir de la fiscalité des entreprises dans un monde numérique et globalisé 

Comment assurer la participation effective des pays en développement dans la construction d’un cadre fiscal international plus robuste?  Tel fut la préoccupation majeure des intervenants à cette table ronde animée par Mme BELEMA OBUOFORIBO, Directrice du «IBFD Knowledge Centre» et Présidente du Centre d’Études en Fiscalité Africaine (CSAT).  Elle a d’emblée rassuré sur le fait que des efforts sont faits pour impliquer davantage les pays en développement dans la réglementation des questions fiscales à l’échelle internationale. 

Le constat est clair pour la plupart des spécialistes fiscaux: le système actuel d’imposition internationale des entreprises, hérité du début du XXe siècle, est désormais désuet.  Il permet en effet aux multinationales d’exploiter la complexité, les failles et les inadéquations des règles fiscales internationales à des fins d’optimisation fiscale et pour transférer leurs profits vers des juridictions à fiscalité faible ou nulle.  Dans le même temps, les entreprises se plaignent d’être parfois victimes de la double imposition, à la fois dans les « juridictions de marché », c’est-à-dire là où elles mènent leurs activités et où se trouvent les consommateurs, et dans les pays où sont basés leur siège. 

Pour éviter la double imposition et la non-imposition, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a proposé, en octobre 2021, une « approche unifiée » visant à accorder aux juridictions de marché le droit d’imposer une part accrue des profits des entreprises multinationales.  Cette approche dite des deux piliers cible à la fois les acteurs de l’économie digitale et l’ensemble des multinationales. 

Selon M. MATHEW GBONJUBOLA, qui est Coprésident du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies et Directeur du Département de la politique et des conseils fiscaux du Nigéria, les règles actuelles de fiscalité internationale tendent à favoriser les recettes des pays développés au détriment des pays en développement.  Il a estimé que ces derniers ne sont pas écoutés quand ils font des propositions pour la réforme du système fiscal international.  Il a par exemple dénoncé la pratique des pays développés qui présentent des centaines de pages sous forme de propositions à la veille des pourparlers, handicapant ainsi la capacité des pays en développement à les étudier tous en profondeur du fait du manque d’experts dans leurs délégations. 

Même si elle a partagé cet avis, Mme YAN XIONG, également membre du Comité d’experts des Nations Unies et Directrice générale adjointe de la Direction de la fiscalité internationale de la Chine, a salué le fait que les pays en développement sont de plus en plus écoutés dans les arcanes multinationaux de discussion sur la fiscalité, ce qui ne fut pas toujours le cas il y a quelques années.  Selon elle, il y a des raisons d’être optimiste. 

Le Commissaire à la Commission des services financiers du Belize, M. STEPHEN COAKLEY-WELLS, a pour sa part dénoncé les systèmes fiscaux « importés » qui sapent les efforts des administrations fiscales des pays en développement.  Lui aussi a insisté sur l’importance d’écouter les avis des pays en développement à qui revient en dernier ressort la décision politique d’adopter les modifications faites dans les instances internationales. 

Les réformes de l’OCDE sont en fait des propositions soumises aux pays, y compris ceux en développement, a tempéré Mme GRACE PEREZ-NAVARRO qui est Directrice adjointe du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.   Elle a rappelé que le nouveau cadre fiscal international soumis à l’appréciation des États depuis octobre 2021, communément appelé « solution des deux piliers », est le fruit des négociations menées au cours de la dernière décennie sous la coordination de l’OCDE.  Le pilier 1 garantira une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition entre pays concernant les grandes multinationales, y compris celles du numérique.  Il permettra de réattribuer une partie des droits d’imposition sur ces entreprises de leurs pays d’origine aux pays de marché dans lesquels elles exercent des activités commerciales et réalisent des bénéfices, qu’elles y aient ou non une présence physique.  Le pilier 2 entend encadrer la concurrence fiscale en matière d’impôt sur les bénéfices des sociétés en introduisant un impôt minimum mondial que les pays peuvent prélever pour protéger leur base d’imposition.  Elle a précisé que pour l’OCDE, il est clair que la solution à deux piliers n’a pas l’ambition de résoudre tous les problèmes de fiscalité au monde. 

À sa suite justement, Mme MARILOU UY, Directrice du Secrétariat du Groupe des 24, a dit que les pays en développement doivent déterminer ce qui les arrange dans ces nouvelles propositions.  Selon elle, il faut aussi regarder la structure de gouvernance de ces instances internationales dans lesquelles les pays en développement n’ont pas souvent voix au chapitre.  C’est à chaque pays d’établir comment ces piliers s’appliquent à lui sur le plan national, au cas par cas, a avancé Mme LEE SHEPPARD, journaliste spécialisée sur les questions fiscales.  Il est vrai que chaque pays doit voir comment gérer ces changements, mais il faut que ces modifications soient à l’avantage des pays en développement, a ajouté Mme ALLISON CHRISTIANS de la faculté de droit de l’Université McGill (Canada). Selon l’universitaire, il faut développer une gouvernance inclusive et créer un forum mondial sur la gouvernance fiscale pour aider à modifier les processus décisionnels, notamment en s’assurant que les pays en développement soient les premiers entendus lors des négociations.  On peut par exemple s’assurer que la direction des discussions soit tournante, a-t-elle suggéré. 

Par ailleurs, Mme MARY BAINE, Directrice des programmes fiscaux au Forum africain sur l’administration fiscale (ATAF), a précisé que la solution à deux piliers n’a pas abordé les deux questions fondamentales des administrations fiscales africaines: la question de la juridiction de résidence et celle du marché et la question des flux financiers illicites.  La Chine a marqué sa disponibilité à assister d’autres pays en développement à améliorer leur système fiscal, dans l’optique de favoriser la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Même son de cloche pour les États-Unis  qui sont prêts à appuyer les efforts des pays en développement en la matière.  Mais déjà, il faudrait que les pays en développement aient des politiques fiscales crédibles, a argué l’Indonésie, tandis qu’Oman et la Thaïlande ont appelé au renforcement des capacités fiscales de ces pays. 

La Banque mondiale a suggéré aux pays en développement de se pencher aussi sur l’élargissement de leur assiette fiscale, notamment pour ceux qui regorgent de ressources naturelles.  La représentante d’une organisation de la société civile qui milite pour le financement du développement a rappelé que l’on a tendance à parler pour les pays en développement, alors que ceux-ci ont déjà clairement transmis leurs préoccupations.  En effet, a-t-elle rappelé, le Groupe des 77 et la Chine (G77) a toujours demandé que les questions fiscales internationales soient discutées au sein des instances onusiennes, alors que les pays africains n’ont de cesse d’appeler à l’élaboration d’une convention fiscale internationale.  Elle a aussi rappelé que le tiers des pays n’a pas pris part aux négociations de l’OCDE. La solution des deux piliers ne semble dès lors pas être une solution mondialement agréée, a-t-elle conclu. 

Mme BJØRG SANDKJÆR, Secrétaire d’État au développement international de Norvège, a vu comme prioritaire la réduction des flux financiers illicites dans la réforme des systèmes fiscaux internationaux et nationaux.  Il faut prendre des mesures politiques audacieuses au niveau mondial et apporter une aide aux administrations fiscales nationales, a-t-elle notamment conseillé, tout en se désolant qu’il n’y ait toujours pas de définition convenue des flux financiers illicites.  Cela illustre, selon elle, les complexités et les défis liés à la recherche d’une voie commune pour aller de l’avant.  La Ministre a aussi prôné l’intégrité financière, épousant la proposition du Groupe de haut niveau sur la responsabilité financière internationale, la transparence et l’intégrité pour la réalisation du Programme 2030.  Elle a fait remarquer que l’expression « intégrité financière » est basée sur des valeurs et un changement de mentalité.  Elle a ainsi proposé de se demander avant tout si nos actions sont conformes à l’intention de la loi.  Elle a aussi noté que la solution à deux piliers de l’OCDE a sensibilisé le public au fait que chacun doit payer une part juste d’impôts là où sont réalisées les activités imposables.  Enfin, elle a souligné que les solutions numériques ont le potentiel de soutenir la collecte de recettes supplémentaires et d’améliorer l’équité et la responsabilité.  Cependant, les résultats dépendent fortement du cadre politique et des ressources humaines, a conclu Mme Sandkjær. 

Table ronde 2

Lutter contre les différents aspects fiscaux des flux financiers illicites pour réaliser les objectifs de développement durable

Le modérateur de la discussion, M. MUHAMMAD ASHFAQ AHMED, Membre du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, a fait le constat que le monde est mal outillé pour mener « la lutte contre les différents aspects des flux financiers illicites ».  Pour avancer, il faut répondre à certaines questions, a-t-il dit, notamment pour savoir quelles sont les principales considérations à prendre en compte pour une approche intégrée de la lutte contre les flux financiers illicites liés à la fiscalité. 

Mme BJØRG SANDKJÆR, Secrétaire d’État au développement international de la Norvège, a vu comme prioritaire la réduction des flux financiers illicites dans la réforme des systèmes fiscaux internationaux et nationaux.  Il faut prendre des mesures politiques audacieuses au niveau mondial et apporter une aide aux administrations fiscales nationales, a-t-elle notamment conseillé, tout en se désolant qu’il n’y ait toujours pas de définition convenue des flux financiers illicites.  Cela illustre, selon elle, les complexités et les défis liés à la recherche d’une voie commune pour aller de l’avant.  Elle a aussi prôné l’intégrité financière, épousant la proposition du Groupe de haut niveau sur la responsabilité financière internationale, la transparence et l’intégrité pour la réalisation du Programme 2030.  Elle a fait remarquer que l’expression « intégrité financière » est basée sur des valeurs et un changement de mentalité.  

Elle a ainsi proposé de se demander avant tout si nos actions sont conformes à l’intention de la loi.  La Secrétaire d’État a aussi noté que la solution à deux piliers de l’OCDE a sensibilisé le public au fait que chacun doit payer une part juste d’impôts là où sont réalisées les activités imposables.  Enfin, elle a souligné que les solutions numériques ont le potentiel de soutenir la collecte de recettes supplémentaires et d’améliorer l’équité et la responsabilité.   Cependant, les résultats dépendent fortement du cadre politique et des ressources humaines, a conclu Mme Sandkjær.   

Mme TARJA VALSI, Directrice adjointe de l’Unité des relations avec la clientèle à la Division de la lutte contre l’économie souterraine de l’Administration fiscale de la Finlande, a prévenu que la clef du succès réside dans une volonté commune de lutter contre la fraude et les crimes fiscaux.   Selon une étude récente de comportement, jusqu’à 96% des Finlandais sont d’accord pour dire que payer des impôts est important pour maintenir l’État-providence, a révélé la Directrice.   Il apparait que la volonté commune en Finlande est largement opposée à la fraude, notamment fiscale, a-t-elle précisé.   Tout l’appareil gouvernemental doit être impliqué pour s’y opposer, a ajouté Mme Valsi en soulignant à cet égard l’importance d’un partenariat solide au sein de différents organismes gouvernementaux, entre les différentes juridictions et avec la société civile.  Mme Valsi a également vanté la longue tradition de coopération de la Finlande avec d’autres pays nordiques en matière de répression des crimes fiscaux, car les sociétés de ces pays sont très similaires et ont le même genre de problèmes.  Enfin, pour accroître une part équitable de l’impôt pour chaque pays du monde, Mme Valsi a recommandé d’opter pour des solutions mondiales, afin d’améliorer les normes, les lois et les politiques fiscales internationales.   

M. IBRAHIM ASSANE MAYAKI, Directeur général de l’Agence de développement de l’Union africaine-Nouveau Parlement pour le développement de l’Afrique, a dit que pour faire face aux défis de l’évasion fiscale, il faut en premier lieu accélérer le recouvrement des actifs volés des pays africains et renforcer à cet égard les normes fiscales internationales.  Les pays développés doivent faire preuve de leadership, a-t-il dit invitant le G20 à prendre ses responsabilités.  M. Mayaki a aussi mis en exergue l’importance des échanges d’informations fiscales entre les pays et les recommandations du Groupe FACTI demandant l’élaboration d’un pacte mondial sur l’intégrité financière, le renforcement du partage des informations et l’amélioration de la coopération internationale de lutte contre les fraudes fiscales aux frontières.  Tous les pays doivent adhérer aux 14 recommandation du Groupe FACTI, a encouragé M. Mayaki. 

M. MÁRCIO VERDI, Secrétaire exécutif du Centre interaméricain de l’administration fiscale, a reconnu que les administrations fiscales nationales n’ont pas les capacités de lutter contre les flux financiers illicites et l’évasion fiscale qui exigent des renforcements de capacités.  Évoquant les nouvelles formes de fraudes fiscales, il a recommandé de se doter de modèles fiscaux modernes pour contrôler les flux financiers, ce que les pays membres du Centre interaméricain n’ont pas encore.  En outre, les administrations fiscales doivent être dotées de moyens financiers pour qu’elles puissent mener à bien leur travail.  Il faut également du personnel spécialisé pour chaque produit, notamment pour le secteur minier, a encore suggéré M. Verdi soulignant le caractère particulier de chaque minerai. 

Un rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur l’évasion fiscale dans le secteur minier a justement été cité par Mme IRENE OVONJI-ODIDA, Commissaire au Mbeki Panel, Facti Panel, ICRICT Illicit Financial Flows (IFFS) And Extractives Impact On Developing Countries And Solutions.  Ce rapport montre que les règles actuelles élaborées par les pays du Nord entraînent 600 millions de dollars de pertes de revenus chaque année pour les pays africains sub-sahariens.  Les règles sont biaisées et l’asymétrie de l’information profitent aux pays développés, a-t-elle ajouté.  Dénonçant le rôle aggravant des paradis fiscaux, elle a exigé l’élaboration d’un nouveau pacte fiscal mondial afin de mettre à jour les normes et les règles dans le secteur minier et pour prendre en considération les contextes nationaux de chaque pays.  Ces négociations doivent être menées au sein des Nations Unies, a-t-elle souhaité.  Mme Ovonji-Odida a aussi souligné l’importance des échanges d’informations entre les pays sur les détails des projets miniers en cours ou à venir.  Les pays d’accueil et les pays des sièges des sociétés doivent pouvoir taxer les profits de ces entreprises, a plaidé la Commissaire qui a demandé aux pays africains d’adapter ou de supprimer leurs codes miniers, de même que leurs incitations fiscales octroyant un taux d’imposition en deçà de 15%. 

C’est un « nouveau pacte mondial fiscal » pour faire disparaître les flux financiers illicites qu’a recommandé pour sa part Mme ROLA DASHTI, Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale de l’Asie occidentale.  Ce cadre devra abandonner l’approche fragmentée actuelle, a-t-elle préconisé.  M. ALEX COBHAM, Directeur exécutif de Tax Justice Network, a rapporté que les pertes fiscales de l’année dernière ont atteint 483 milliards de dollars.  Il a demandé l’élaboration d’une convention fiscale des Nations Unies qui aidera à lever les fonds pour réaliser les ODD.  Il faut « traquer les richesses anonymes » grâce à cet organe international ou convention internationale sur la fiscalité internationale d’ici à 2024, a-t-il dit.  Pour la Commissaire au Mbeki Panel, l’ECOSOC est le lieu approprié pour réaliser ces recommandations. 

Le Nigéria et le Bangladesh ont tous deux réclamé le rapatriement des actifs volés des pays en développement après avoir dénoncé les paradis fiscaux et le manque de capacités dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.  Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui a, à son tour, souligné l’importance d’une structure mondiale de lutte contre les flux financiers illicites, a fait part d’un partenariat avec « Tax without Borders » qui vise le renforcement de capacités dans 53 pays dans la lutte contre l’évasion fiscale.  De plus, a dit le FMI, sans une bonne gouvernance et la transparence des administrations fiscales, il n’y aura pas d’amélioration de l’assiette et des recettes fiscales.  Il a invité les pays à travailler avec le Fonds dans la lutte contre l’évasion fiscale. 

Un représentant de la société civile a dénoncé le fait que rien ne s’est passé dans la lutte contre les flux financiers illicites depuis 2016.  Il a dénoncé les propositions de l’OCDE sur la question, estimant qu’elles profitent aux pays développés et aux multinationales des pays riches.  Combien de décennies faut-il attendre pour que ces multinationales paient leurs parts ? a questionné le représentant qui a également demandé la convocation de la Quatrième Conférence internationale sur le financement du développement.  Ce sera l’occasion d’ouvrir la voie à une convention fiscale internationale, a-t-il conclu. 

Déclarations de clôture

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques, a indiqué que la collecte de l’impôt n’est plus adaptée aux nouveaux modèles économiques numérisés.  Il convient d’aider les pays en développement à y faire face.  Il a souligné les conséquences économiques de la pandémie, avant d’insister sur le défi des flux financiers illicites.  Il a plaidé pour des réformes afin de lutter plus efficacement contre l’optimisation et l’évasion fiscale.  Il a aussi appelé de ses vœux une coopération internationale renforcée, avant d’insister sur l’importance de disposer d’informations de qualité.  En conclusion, le Secrétaire général adjoint a détaillé les efforts de l’ONU pour renforcer les capacités fiscales des pays en développement. 

Le Président de l’ECOSOC a insisté, pour ses remarques de clôture, sur la nécessité pour les pays en développement d’améliorer leurs mécanismes de collecte de l’impôt, dans un contexte de numérisation de l’économie.  Il doit être remédié à ces défis, a rappelé le Président, en rappelant l’importance des montants économiques en jeu.  Faisant allusion au thème de la seconde table ronde, il a estimé que la réponse aux flux illicites exige de corriger les déséquilibres dans les systèmes financiers et commerciaux internationaux.  Il faut remédier à la faiblesse des institutions qui empêche les pays concernés d’exercer leurs droits de contrôle des flux et ressources économiques, notamment les ressources naturelles.  Enfin, le Président a appelé à répondre aux asymétries d’information, entre pays mais aussi entre pays et redevables, qui favorisent l’évasion fiscale. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.