9013e séance – matin
CS/14857

Conseil de sécurité: l’Ukraine et la Fédération de Russie confrontent de nouveau leurs visions radicalement différentes du conflit qui les oppose

Une nouvelle séance du Conseil de sécurité consacrée à la guerre en Ukraine, la treizième depuis l’annonce de l’« opération militaire spéciale » par la Russie dans ce pays le 23 février dernier, a été à nouveau l’occasion d’entendre, ce matin, des récits concurrents de la situation sur le terrain, la Fédération de Russie et l’Ukraine s’accusant mutuellement des pertes civiles et des déplacements de population provoqués par le conflit.  Cette séance a également vu une multiplication d’appels en faveur de l’inclusion des femmes ukrainiennes au processus de paix. 

Le bilan a été encore alourdi, le 8 avril, par le bombardement de la gare de Kramatorsk qui a fait une cinquantaine de morts et une centaine de blessés.  Les membres du Conseil ont dénoncé cette attaque, que l’Ukraine a attribuée à la Russie, qui a vigoureusement démenti.  Assimilable à un crime contre l’humanité pour la France, elle a été jugée « odieuse » et « inqualifiable » par le Directeur des situations d’urgence du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), M. Manuel Fontaine, qui a expliqué que cet attentat a frappé un nœud de communication et d’évacuation crucial pour des familles désespérées essayant de fuir. 

« Dans mes 31 années d’humanitaire, jamais je n’ai vu autant de destructions causées en si peu de temps », a-t-il assuré au lendemain d’une mission d’une semaine en Ukraine.  Sur les 3,2 millions d’enfants ukrainiens restés dans leur pays, près de la moitié risquent de manquer de nourriture, a-t-il expliqué.  Par ailleurs, 1,4 million de personnes sont privées d’eau courante et 4,6 millions d’autres n’y ont qu’un accès limité.  « La situation est particulièrement grave à Marioupol et Kherson où des familles vivent depuis des semaines sans eau courante ni services sanitaires et sans accès régulier aux vivres et aux soins médicaux », s’est alarmé le haut fonctionnaire, pour qui le bilan de 142 enfants tués –183 selon l’Ukraine– est très probablement « bien plus élevé ». 

Quant à elle, de retour de Moldova, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Sima Bahous a dit avoir été impressionnée par la mobilisation des organisations locales de femmes, qui se démènent pour prêter assistance, notamment sur le plan psychosocial, aux personnes vulnérables déracinées, 95 000 personnes en tout, en mettant l’accent sur une dimension genre trop souvent négligée.  « Au péril de leur vie », les femmes sont tout aussi actives en Ukraine, où elles représentent 80% de tous les travailleurs des secteurs de la santé et social, a-t-elle relevé, en saluant celles qui continuent de siéger au parlement, « alors que les bombes s’abattent autour de Kiev ». 

La Directrice exécutive d’ONU-Femmes a appelé le Conseil de sécurité à se servir de tous les moyens à sa disposition pour que les Ukrainiennes prennent enfin part aux efforts de négociation, l’expérience ayant montré que la paix est plus viable lorsque celles-ci sont consultées et cessent d’être considérées uniquement comme des victimes pour devenir des « actrices majeures du changement ».  Un appel repris à leur compte par le Mexique, le Royaume-Uni, le Kenya et la Norvège, notamment.  Mme Bahous a également relayé l’appel des autorités moldaves, qui demandent un soutien aux frontières pour endiguer le risque de traite humaine, à laquelle jeunes femmes et adolescents non accompagnés sont particulièrement exposés. 

Face à la « cruauté inhumaine » de l’occupant, qui a transformé la vie de millions de femmes et d’enfants en « cauchemar », le représentant ukrainien a annoncé que le bureau du Procureur général de son pays vient d’établir un mécanisme spécial pour documenter les violences sexuelles commises par des soldats russes, Kiev se disant prêt à appuyer le principe d’enquêtes internationales.  Le délégué russe a décrit de son côté des Ukrainiennes « pétries de nationalisme » capables d’un « comportement sauvage », comme l’attesterait une vidéo montrant l’une d’entre elles décapitant à l’aide d’une faucille un soldat russe sur fond de chants patriotiques. 

S’exprimant par visioconférence, la Présidente de l’organisation « La Strada-Ukraine », Mme Kateryna Cherepakha, s’est livrée à un véritable réquisitoire contre la Fédération de Russie, accusée de « déportations forcées » de civils et de meurtres de femmes.  Et les lignes téléphoniques de son ONG sont assaillies quotidiennement d’appels à l’aide de survivantes de violence sexuelle et de viols dans les territoires occupés, a-t-elle relaté, tout en notant que de nombreux incidents ne seront jamais connus car de multiples victimes ont déjà été tuées par les « envahisseurs » russes. 

Fustigeant le « tissu de mensonges » que constitueraient les dénégations du Kremlin quant à la responsabilité de l’attaque contre la gare de Kramatorsk, le délégué de l’Ukraine a ironisé sur la ligne de défense de la Russie, qui consiste à dire que les Ukrainiens s’entretueraient.  Les bilans officiels ne peuvent d’ailleurs inclure les victimes de Marioupol, puisque la Russie, a encore accusé le délégué ukrainien, fait désormais appel à des crématorium mobiles pour escamoter les corps et s’épargner ainsi une mauvaise « publicité de type Boutcha ». 

La « présomption d’innocence » est piétinée par les « Occidentaux », s’est insurgé le délégué russe, qui les a accusés de relayer des « infox » sur les évènements de Boutcha, pour donner plus de poids à la « propagande » des « Ukraino-nazis », inspirée des « méthodes de Joseph Goebbels ».  Malheureusement, « la mise en scène n’est toujours pas à la hauteur », a poursuivi le délégué.  Selon lui, c’est un missile ukrainien « obsolète » qui aurait frappé la gare de Kramatorsk, et des cadavres retirés de la morgue d’Irpin seront sans doute prochainement présentés comme ceux des victimes de tirs russes. 

« Nous savons que la Russie n’attaque pas les civils, à l’exception des zones résidentielles, des écoles, des hôpitaux, des théâtres, des jardins d’enfants et des gares.  Et aussi que les hommes, les femmes, les filles et les enfants ukrainiens ne sont pas considérés comme des civils par la Russie », a ironisé de son côté l’Albanie.  La Chine a pour sa part appelé au dialogue et aux négociations, seules voies possibles pour créer les conditions d’un cessez-le-feu. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ EN UKRAINE

Déclarations

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a pris la parole au sujet de l’adoption de l’ordre du jour, affirmant ne pas s’opposer à l’ajout du point traité ce jour, tout en relevant que la problématique des hommes et des enfants semble y avoir été ajoutée, ce qui rend le thème universel.  Selon lui, il serait dès lors judicieux de supprimer deux autres points, à savoir les lettres de la Fédération de Russie et de l’Ukraine de 2014.  Sur cette base, il a demandé à la présidence du Conseil d’officialiser le nouveau point et de supprimer les deux anciens afin que l’adoption de l’ordre du jour ne présente plus de difficultés dans les mois à venir. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que le point de l’ordre du jour ne fait pas préjudice aux lettres de 2014.  Même si l’ampleur de la situation en Ukraine s’est étendue bien au-delà des circonstances de 2014, il est important de reconnaître son histoire et les membres voudront peut-être se référer à ces éléments à l’avenir.  En tant que tels, ces points de l’ordre du jour devraient être maintenus, a-t-elle déclaré. 

Reprenant la parole, le délégué de la Fédération de Russie a souhaité que ses observations soient prises en compte. 

En sa qualité de Présidente du Conseil, Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a rappelé que le processus de radiation d’un point de l’ordre du jour peut prendre trois ans avant d’aboutir.  Elle a donc proposé que cette question soit abordée séparément et qu’elle fasse l’objet de discussions dans les jours qui viennent. 

Mme SIMA BAHOUS, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a indiqué être rentrée hier de Moldova, où les conséquences de la « guerre absurde en Ukraine » se font ressentir douloureusement, alors que ce « petit pays avec un grand cœur » est toujours aux prises avec la pandémie de COVID-19.  Alors qu’il s’efforce de réaliser ses priorités de développement national, il a ouvert ses frontières « et ses foyers » à celles et ceux qui fuient les bombardements en Ukraine, et la majorité de ces réfugiés sont des femmes, des enfants, des personnes âgées, 95 000 personnes en tout. 

Après avoir relayé plusieurs témoignages recueillis sur place auprès de réfugiés ukrainiens, la haute fonctionnaire a indiqué que les organisations locales de défense des droits des femmes s’étaient adaptées du jour au lendemain à la nouvelle donne.  À leur demande, ONU-Femmes leur prête assistance et joue un rôle de coordination pour que la dimension genre de cette crise bénéficie d’une réponse adéquate, notamment la fourniture d’une prise en charge psychosociale pour les jeunes femmes déracinées par le conflit.  Mme Bahous a condamné vigoureusement les viols et violences sexuelles, au sujet desquels les allégations se multiplient, avant d’exiger des enquêtes indépendantes. 

Une guerre de cette magnitude entraîne des répercussions bien au-delà des frontières de l’Ukraine, a poursuivi la Directrice exécutive, à qui le Gouvernement de Moldova a dit qu’il doit absolument bénéficier d’un soutien élargi aux frontières pour endiguer le risque de traite humaine, qui s’accroît à mesure que la situation s’aggrave.  Les jeunes femmes et les adolescents non accompagnés sont particulièrement en danger, a-t-elle prévenu.  Aussi Mme Bahous a-t-elle appelé à ce que tous les pays renforcent leurs efforts de lutte contre la traite, saluant d’ores et déjà la coopération des pays hôtes à cet effet. 

« Malgré toutes ces horreurs », les femmes continuent d’être au service de leurs communautés et de soutenir les déplacés : elles représentent 80% de tous les travailleurs du secteur de la santé et du secteur social en Ukraine et beaucoup d’entre elles ont choisi de continuer à assumer leurs fonctions de parlementaires dans l’enceinte de la Verkhovna Rada, « alors que les bombes s’abattent autour de Kiev ».  Quant aux organisations de femmes en Ukraine, elles ont changé leur façon de travailler pour mieux répondre aux besoins immédiats de la population qu’elles servent et ce, « au péril de leur vie ». 

Mme Bahous a ensuite appelé le Conseil de sécurité à se servir de tous les moyens à sa disposition pour que les femmes fassent partie de la solution.  L’expérience nous a montré, a-t-elle rappelé, que la participation des femmes rend la réponse et le relèvement plus efficace et viable et que les organisations de femmes ont des compétences uniques pour aider, non seulement les femmes, mais également d’autres groupes de personnes vulnérables.  Il est donc essentiel que les femmes soient consultées et participent à tous les processus décisionnaires relatifs à la crise et à la recherche de la paix, a insisté la Cheffe d’ONU-Femmes.  « Il ne faut pas les considérer seulement comme des victimes, mais comme des actrices majeures du changement », a-t-elle résumé, constatant cependant que les femmes sont largement absentes des efforts de négociations actuelles. 

« Dans mes 31 années d’humanitaire, je n’ai jamais vu autant de destructions causées en si peu de temps », a déclaré M. MANUEL FONTAINE, Directeur des situations d’urgence du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) qui revient d’une semaine en Ukraine.  Il a indiqué que l’attaque odieuse de vendredi contre la gare de Kramatorsk a frappé un nœud de communication et d’évacuation crucial, touchant des familles désespérées essayant de fuir.  « Cette attaque est inqualifiable. »  Il a ensuite précisé que sur les 3, 2 millions d’enfants ukrainiens restés chez eux, près de la moitié risquent de manquer de nourriture. Près d’1,4 million de personnes n’ont pas accès à l’eau courante et 4,6 millions d’autres n’ont qu’un accès limité.  La situation est particulièrement grave à Marioupol et Kherson où des familles vivent depuis des semaines sans eau courante et services sanitaires et sans accès régulier à la nourriture et au soins médicaux.  Il a estimé que 142 enfants ont été tués et 229 blessés, tout en jugeant très probable que le bilan réel soit bien plus élevé.  M. Fontaine a dénoncé les attaques contre les hôpitaux et les écoles.  La fermeture des écoles touche 5,7 millions d’enfants, a-t-il indiqué, avant de saluer les efforts des autorités pour assurer une continuité scolaire. 

M. Fontaine a rappelé que près de deux tiers des enfants ukrainiens ont été déplacés en six semaines seulement, avant de pointer les risques accrus de violence pesant sur les enfants non accompagnés.  Les femmes font face à des risques similaires, a ajouté le Directeur, en se disant très préoccupé par les allégations de violence sexuelle.  Il a ensuite indiqué que l’UNICEF fait face en Ukraine à des conditions extrêmement difficiles, les hostilités en cours l’empêchant d’accéder à ceux qui ont besoin d’assistance dans de nombreuses zones du pays.  Selon le représentant de l’UNICEF, si nombre de ceux qui ont pu fuir au début de la guerre ont pu trouver refuge dans d’autres pays, on ne sait comment s’en sortiront ceux qui sont à présent déplacés, ces personnes ayant été exposées à la violence depuis plus longtemps et pouvant avoir moins de ressources à leur disposition. 

Il s’est dit très préoccupé par les risques des restes explosifs de guerre pour les enfants, notant que l’est de l’Ukraine était déjà l’une des zones les plus minées au monde avant même la récente escalade.  Il a précisé que l’UNICEF veille sur la santé et les droits des femmes et des filles face aux risques grandissants de violence et insisté sur la nécessité de protéger les mineurs isolés.  Enfin, M. Fontaine a exhorté ceux qui ont le pouvoir de faire cesser cette guerre d’en user, la vie et l’avenir de millions d’enfants étant entre leurs mains. 

Mme KATERYNA CHEREPAKHA, Présidente de l’organisation «La Strada-Ukraine», s’exprimant par visioconférence, a dit parler au nom d’organisations diverses de la société civile ukrainienne, ainsi qu’en tant que militante des droits des femmes, mère et maintenant aussi en tant que personne déplacée.  Elle a relevé que les femmes et les enfants représentent la plus grande partie des personnes déplacées et des réfugiées et sont particulièrement vulnérables aux risques de violence et d’exploitation sexiste. 

Mme Cherepakha a indiqué qu’au cours des évacuations, les populations arborant des signes indiquant clairement qu’elles sont des civiles, non armées, et portant des enfants, sont brutalement tuées par les troupes russes.  Elle a cité l’exemple de l’attaque du 8 avril contre la gare de Kramatorsk, ainsi que les frappes contre des maternités et les hôpitaux pédiatriques, les jardins d’enfants, ou encore le bombardement du théâtre à Marioupol le 18 mars dernier où des femmes, des enfants, des familles avaient trouvé refuge, et alors même que des panneaux visibles depuis le ciel mentionnait le mot « ENFANTS ».  Elle a aussi parlé d’appels de femmes de Marioupol informant de la déportation forcée de civils, y compris d’enfants non accompagnés, par les troupes russes vers Donetsk et même vers la Fédération de Russie.  Elle a ensuite cité des cas précis de femmes tuées par les forces russes, notamment celui de Larysa Osypenko, directrice de jardin d’enfants de Kyivska, tuée par les occupants à cause de sa profession.  « Vous ne devez pas élever de nazis », lui a-t-on dit.  Elle a mentionné également le harcèlement de femmes journalistes et humanitaires, y compris le cas de Julia Payevska (Tyra), infirmière bénévole ukrainienne qui, depuis de nombreuses années, sauvaient la vie des gens sur les territoires occupés par les Russes à l’est de l’Ukraine.  Cette dernière a été capturée et son sort n’est pas connu, a-t-elle déplorée. 

Mme Cherepakha a indiqué que les lignes téléphoniques de son organisation reçoivent au quotidien des appels à l’aide de femmes qui parlent de violence sexuelle et de viol.  De nombreux survivantes restent en danger dans les territoires occupés, coupées de l’aide.  Elle a estimé que de nombreux cas de violence ne seront jamais connus car de nombreuses victimes ont déjà été tuées par les envahisseurs russes.  Nous ne voulons pas que vous nous regardiez seulement comme des victimes, a—telle déclaré, précisant que les femmes ukrainiennes sont actives dans le secteur de la paix et de la sécurité.  Elles sont bénévoles, militantes, journalistes, militantes des droits humains.  Elle a appelé le Conseil de sécurité, les institutions internationales et les gouvernements à manifester leur solidarité avec les Ukrainiennes avec des actions concrètes.  « Trouvez et utilisez les outils pour stopper l’agression russe et assurez-vous que vos décisions ne sont ni bloquées ni ignorées », a-t-elle plaidé. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que lorsque des hommes comme Putin déclarent la guerre, ce sont des femmes et des filles qui sont déplacées, victimes d’abus sexuels et de traite.  Illustrant son propos, elle a rappelé que samedi dernier une gare a été frappée par un missile russe sur un reste duquel on pouvait lire « pour les enfants ».  Ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine dépasse l’entendement, a-t-elle dit.  Elle a indiqué que lors de son déplacement récent en Roumanie et en Moldova, elle a vu de ses propres yeux les répercussions atroces de cette guerre qui a fait 11,6 millions de déplacés alors que 90% des réfugiés sont des femmes et des enfants.  Qui plus est, les séparations familiales exposent les jeunes filles à un risque accru de violence sexiste et de traite, a-t-elle relevé.  Tout ceci exige, selon la déléguée, que les organisations humanitaires puissent compter sur des ressources supplémentaires, et de répondre dès à présent à la violence sexuelle, a-t-elle estimé balayant le prétexte à l’inaction selon lequel les données sont incomplètes pour prévenir la violence sexiste.  Ces actes horribles rappellent également qu’il faut prévenir ces phénomènes et veiller au respect des droits des femmes et des filles, a ajouté la représentante en insistant sur l’importance de leur accès à la justice et de tout faire pour traduire les coupables en justice.  Notant les nombreuses femmes ukrainiennes qui sont activement engagées dans la défense de leur pays, elle a exigé la pleine participation des femmes aux processus de négociation et de paix. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté que l’agression russe contre l’Ukraine continue de causer des souffrances à 44 millions de personnes, qualifiant de « catastrophiques » les actions brutales et destructrices de l’armée russe contre les personnes et les infrastructures civiles.  Il a rappelé que des crimes innommables ont été commis et que la situation est particulièrement grave pour les femmes et les enfants, a souligné que celles-ci sont confrontées à des risques accrus de violence sexiste, de traite, d’exploitation et de violence sexuelle liées au conflit.  Leurs besoins doivent être une priorité dans la réponse humanitaire, a-t-il exigé, avant de signaler que la situation des enfants est encore pire : 4,3 millions d’entre eux ont été chassés de chez eux, tandis que ceux qui restent dans le pays sont pris au piège et que 121 000 auraient été expulsés de force vers la Russie.  Selon Save the Children, a précisé le délégué, 22 écoles sont attaquées chaque jour en moyenne depuis le début de la guerre en Ukraine, ce qui est criminel. 

Le représentant a rappelé à la Russie qu’une guerre ne peut pas être gagnée par des massacres.  Pendant les conflits dans les Balkans, à la fin des années 1990, les crimes contre des civils innocents n’ont aidé aucun de leurs auteurs à gagner la guerre, a-t-il ainsi rappelé en affirmant que celle-ci ne fera pas exception, et en regrettant à ce sujet que la Russie, avec son droit de veto, ait pris le Conseil de sécurité en otage.  Il s’est cependant félicité que l’Assemblée générale ait mis par trois fois la Russie « au pied du mur ».  Il a également rappelé qu’en vertu du droit international, un chef militaire est responsable des crimes de guerre commis par ses troupes, ce qui fait que le commandant russe impliqué dans l’occupation de Boutcha devra répondre des accusations de viol, pillage et meurtre de centaines de civils ukrainiens.  Assurant que, loin de « l’effet Tefal » évoqué par certains, ces crimes vont poursuivre le Kremlin, le représentant a rappelé que 5 600 enquêtes ont été ouvertes jusqu’à présent par le Procureur général de l’Ukraine.  « Nous savons que la Russie n’attaque pas les civils, à l’exception des zones résidentielles, des écoles, des hôpitaux, des théâtres, des jardins d’enfants et des gares.  Et aussi que les hommes, les femmes, les filles et les enfants ukrainiens ne sont pas considérés comme des civils par la Russie », a ironisé le représentant. 

Avant de conclure, le délégué a rappelé que le Président Putin est aussi un père.  « Auriez-vous accepté que vos filles soient dans la même situation que le petit Yuri, 11 ans, qui, contraint de quitter son domicile, terrifié, a raconté à des journalistes que, chaque fois qu’il y a un bombardement, son cœur s’arrête », a-t-il lancé à l’adresse du Chef du Kremlin.  Alors, a-t-il poursuivi, arrêtez les bombardements et ordonnez à vos soldats encore en vie de rentrer chez eux.  À ses yeux, il est temps que les Russes reprennent leurs esprits et se soulèvent contre cette sauvagerie. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a dit qu’il est encore sous le choc de l’attaque abominable contre la gare de Kramatorsk vendredi dernier qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.  Les attaques indiscriminées doivent cesser, a ordonné le représentant préoccupé par la multiplication des allégations de violence sexuelle.  La France, a ajouté M. de Rivière, soutient l’action des Nations Unies sur place pour établir les faits et les responsabilités.  Il a condamné les destructions d’infrastructures de santé et leurs conséquences sur l’accès à la santé sexuelle et reproductive.  Rappelant que les attaques contre les hôpitaux peuvent constituer des crimes de guerre, la guerre bouleverse aussi la vie des enfants ukrainiens, a insisté M. de Rivière qui a appelé le Secrétaire général à se saisir des outils mis en place par ce Conseil pour protéger les enfants contre les graves violations les visant.  La France soutient aussi l’action des Nations Unies pour prévenir les risques de traite. 

Poursuivant, le représentant a martelé que face à cette agression aux conséquences insupportables sur les femmes et enfants d’Ukraine, la France reste entièrement mobilisée.  Il a appelé à une cessation immédiate des hostilités, à un retrait total des troupes russes de l’intégralité du territoire ukrainien et à un plein accès humanitaire.  Près de 500 tonnes de matériel humanitaire ont été envoyées par la France qui a aussi offert 100 millions d’euros pour la réponse humanitaire.   La France a déployé un dispositif d’accueil et d’accompagnement pour les femmes et enfants ukrainiens.  Près de 10 000 enfants ukrainiens arrivés en France ont déjà pu être scolarisés.  Pour M. de Rivière, la lutte contre l’impunité doit être menée avec vigueur.  La France appuie le travail d’enquête et de documentation mené par la Cour pénale internationale, dans le respect de son indépendance.  Une contribution exceptionnelle de 500 000€ a également été accordée au fonds dédié.  La France, a enfin dit le représentant soutient la pleine mise en œuvre de l’agenda Femmes, paix et sécurité, dans toutes ses dimensions.  Il ne pourra y avoir de solution durable au conflit sans la pleine participation des femmes, a insisté M. de Rivière. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a condamné l’attaque du 8 avril 2022 contre la gare de Kramatorsk qui a fait de nombreuses victimes civiles, notamment des femmes et des enfants.  Il a rappelé que les enfants doivent être protégés par toutes les parties conformément au droit international applicable.  Après avoir rappelé que 4,3 millions de réfugiés ont fui l’Ukraine vers les pays voisins, dont 90% sont des femmes et des enfants, le représentant s’est inquiété des conséquences sur les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.  Il s’est aussi dit préoccupé par l’insécurité alimentaire croissante et le manque d’accès aux services sociaux essentiels dans des villes comme Marioupol, Tchernihiv, Soumy et Kharkiv.  Le représentant a condamné les informations faisant état de traite de personnes, de violence sexuelle et sexiste, y compris de viol, et autres abus.  Il a souligné la nécessité de demander des comptes pour toutes les violations alléguées du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme avant de réitérer son appel à mener des enquêtes immédiates, indépendantes et impartiales pour établir les faits et constituer des preuves permettant de traduire en justice les auteurs de ces atrocités. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a condamné le récent attentat meurtrier contre la gare de Kramatorsk et annoncé, en sa qualité de coprésident du Groupe de travail sur les femmes, la paix et la sécurité, que le Conseil de sécurité organisera prochainement une réunion pour examiner en profondeur la question de la vulnérabilité des Ukrainiennes aux violences sexuelles, à l’exploitation et à la traite ainsi que pour proposer des mesures pour y remédier.  Le représentant s’est ensuite dit préoccupé par la participation insuffisante des femmes au processus politique, alors qu’elles devraient être incluses dans tous les canaux possibles de dialogue et de négociation.  « Comme ailleurs dans le monde, les Ukrainiennes doivent participer pleinement, à égalité et de manière significative aux processus décisionnels et aux négociations de paix », a insisté le délégué, en réitérant l’appel du Mexique à une cessation immédiate des hostilités, à un accès libre et inconditionnel pour la passage de l’aide humanitaire et à la recherche d’une solution diplomatique au conflit, « sans exclusion ». 

M. T. S. TIRUMURTI (Inde) a salué la générosité des pays voisins de l’Ukraine qui ont accueilli les réfugiés ukrainiens avec compassion et dignité.  Il a insisté sur les conséquences graves de la situation actuelle pour les enfants, en rappelant que plus de 900 écoles ont été touchées en Ukraine.  Il a également engagé à ne pas oublier la situation des étudiants étrangers, y compris les étudiants indiens, précisant que son Gouvernement a facilité le retour d’Ukraine de 22 500 ressortissants indiens, pour la plupart étudiants.  Le délégué s’est ensuite dit très préoccupé par l’aggravation de la situation en Ukraine et demandé la fin des hostilités.  La diplomatie est la seule voie à suivre, a-t-il dit.  Il a estimé qu’il est de l’intérêt de tous d’œuvrer, au sein de l’ONU comme à l’extérieur, à un règlement du conflit.  Il s’est également opposé à toute politisation de l’action humanitaire qui doit répondre aux principes d’humanité, de neutralité, de partialité et d’indépendance. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a dénoncé l’attaque de Kramatorsk par la Fédération de Russie vendredi dernier contre des civils innocents, principalement des femmes et des enfants, et la nouvelle tentative de fermeture des voies d’évacuation pour ceux tentant de fuir.  Les violences sexuelles liées aux conflits peuvent constituer un crime de guerre et les responsables doivent rendre des comptes, a-t-il exigé, pas seulement ceux qui physiquement posent de tels actes, mais aussi les commandants militaires qui ne veulent prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour les arrêter.  Il a relevé que les femmes âgées, les femmes handicapées et les groupes marginalisés, y compris les Roms et LGBTQI+, sont particulièrement vulnérables dans ce conflit.  Il a salué ces femmes et tous ces gens qui font encore le choix désespéré et héroïque de rester au lieu de fuir le conflit.  Une crise de la protection de l’enfance est en train d’émerger, au vu du nombre d’enfants non accompagnés et séparés qui augmente, a aussi relevé le représentant en soulignant la responsabilité commune de répondre.  Évoquant le traumatisme de la guerre et de la séparation familiale qui auront des effets à vie, il a appelé à atténuer ces impacts, notamment par le biais de services psychosociaux et de santé mentale. 

Le délégué a rappelé que ce mois marque un an depuis que le Conseil a adopté la résolution 2573 (2021) sur la protection des civils, un texte parrainé par tous les membres du Conseil, y compris la Fédération de Russie.  Ce jour-là, nous avons envoyé un message uni de condamnation des attaques contre des civils ou des biens à caractère civil, a-t-il relevé.  « Douze mois plus tard, où est cette unité en Ukraine? » a-t-il lancé en évoquant des milliers de biens civils, dont des centaines d’écoles et de jardins d’enfants détruits, en grande partie à cause de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.  Les répercussions de cette guerre vont bien au-delà des frontières de l’Ukraine et iront aussi au-delà de cette génération, a-t-il estimé.  Il a appelé à veiller à inclure directement et substantiellement les femmes dans les pourparlers de paix.  Avant la guerre, l’Ukraine était une société où les femmes participaient pleinement et équitablement à la vie publique, a-t-il rappelé. 

Mme MONA JUUL (Norvège) s’est dit profondément choquée par les atrocités commises contre des civils dans des lieux qui ont été tenus par les forces russes, citant notamment des informations crédibles sur des exécutions extrajudiciaires de civils.  Elle a exigé le respect de la protection des civils et des droits de l’homme qui sont des obligations en droit international humanitaire et en droit international des droits de l’homme.  Pourtant, le fait est qu’il existe aujourd’hui un risque accru de violence sexiste, d’exploitation sexuelle, d’abus et de traite pour les femmes et filles en Ukraine, a-t-elle mis en garde, constatant que leur santé et droits sexuels et reproductifs ont été gravement compromis en raison des déplacements de personnes et de la destruction ciblée des établissements de santé.  Pour beaucoup, y compris les réfugiés, cela signifie la perte quasi totale de l’accès à une assistance essentielle, parfois vitale.  Dès lors, la réponse humanitaire doit être sensible au genre et à l’âge, afin d’éviter et de combler les lacunes en matière de protection, a souhaité la déléguée. 

Pour la Norvège il est également impératif que les droits des femmes soient respectés et que leur participation pleine, égale et significative soit assurée dans tout processus politique, pourparlers et négociations concernant l’avenir de l’Ukraine et de son peuple, a poursuivi la représentante.  Elle a exprimé sa préoccupation par rapport aux informations selon lesquelles plus de 60% des enfants ukrainiens sont désormais déplacés à la suite de « l’invasion illégale de la Russie ».  Elle a appelé à la cessation immédiate des attaques et des menaces d’attaques contre les écoles, les élèves et les enseignants, conformément à la résolution 2601 (2021) et à la déclaration sur la sécurité dans les écoles, rappelant aussi l’obligation des parties au conflit de faciliter la poursuite de l’éducation.  Dans cet esprit, la représentante a souligné l’importance de l’enquête en cours sur la situation en Ukraine par la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que par le Conseil des droits de l’homme sur toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Elle a conclu en appelant la Russie à cesser ses attaques contre la population civile ukrainienne et à mettre fin à cette guerre insensée. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déclaré qu’en cette septième semaine de conflit en Ukraine, son pays reste préoccupé par les signalements quotidiens de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Il a appelé les parties et les acteurs pertinents à mettre au point des dispositions prévoyant un répit pour les populations civiles, à commencer par les enfants.  Ces derniers ne devraient jamais être déracinés et leur intégrité physique devrait être une préoccupation constante pour les États Membres, a-t-il insisté.  Il a jugé indispensable la mise en œuvre de la résolutions 2601 (2021) sur la protection de l’éducation et des écoles en temps de conflit, ainsi que le résolution 2573 (2021) qui appelle à protéger les infrastructures civiles.  Les cas de violence sexuelle doivent quant à eux faire l’objet d’enquêtes indépendantes et leurs auteurs doivent être traduits en justice, a-t-il ajouté.  Il a appelé la communauté internationale à coopérer avec la commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme, y compris en identifiant les auteurs de violations.  Le représentant a par ailleurs relevé que le conflit en cours en Ukraine est responsable du déplacement d’enfants le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale et que ces mineurs sont exposés aux crimes sexuels et à l’exploitation.  Il a ensuite appelé à permettre un accès libre et sans entrave à l’aide humanitaire en Ukraine, dans le respect des principes de neutralité et d’indépendance. 

M. BING DAI (Chine) a déclaré que les femmes et les enfants devraient être protégés.  À cet égard, il a appelé les parties à respecter le droit international humanitaire et les infrastructures civiles.  Les femmes et les enfants doivent être prioritaires dans les évacuations et les soins médicaux, a ajouté le représentant qui a déploré le fait que des femmes et des enfants figurent parmi les victimes de l’incident à Kramatorsk.  Il a demandé une enquête indépendante pour en faire la lumière.  Le délégué de la Chine a salué le geste des pays accueillant les réfugiés en notant que les besoins de ces derniers, notamment en termes d’aide internationale, de conseils psychosociaux et d’éducation.  Le représentant a aussi dit être préoccupé par le fait que des femmes et des enfants auraient été exposés à des violences.  Il faut prendre des mesures pour empêcher ces abus, a-t-il souhaité.  Le délégué a ensuite prôné le dialogue et des négociations, les seules voies possibles pour créer les conditions d’un cessez-le-feu.  Il faut au préalable créer un environnement propice aux négociations, a-t-il reconnu en prévenant que les sanctions et l’envoi d’armes ne ramèneront pas la paix.  « Les populations du monde en paient le prix. »  En conclusion, le représentant a appelé les parties à tout faire pour ramener la paix en Ukraine. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) s’est inquiété des informations faisant état de multiplication de violence sexuelle par des soldats et de traites des personnes par des réseaux criminels transfrontaliers.  Il a indiqué que les attaques perpétrées contre 89 hôpitaux sapent en particulier les droits des femmes et des filles à un accès sûr à la santé, relevant de plus que le conflit perturbe l’accès à l’éducation pour les enfants.  Le représentant a ensuite appelé à assurer une participation significative des femmes dans le processus de négociation en cours et souhaité que les mécanismes de reddition de comptes tiennent compte de la dimension genre de cette crise.  Une approche sexospécifique de tous les efforts humanitaires permettra en outre de mieux faire entendre la voix des femmes et de mieux répondre à leurs besoins. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a jugé primordial que des enquêtes indépendantes et impartiales soient diligentées pour établir les responsabilités dans les incidents de violence sexuelle qui font l’objet de multiples allégations.  Il a appelé à un cessez-le-feu et à l’ouverture de corridors humanitaires partout où c’est nécessaire, en vue de fournir une aide dans des conditions optimales de sécurité.  Le représentant a également réitéré l’appréciation de son gouvernement à l’égard des pays voisins de l’Ukraine, qui continuent de se mobiliser pour l’accueil d’urgence des réfugiés.  Il les a encouragés à accorder le même accueil à toutes les personnes en détresse sans distinction d’origine ou de race, y compris les ressortissants et étudiants africains, en insistant sur le respect de leur dignité et sur la nécessité d’un traitement équitable pour toutes les personnes en détresse. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dénoncé les pays occidentaux qui veulent ternir la réputation de la Russie au sujet l’opération militaire spéciale qui se déroule en Ukraine en déformant les faits et en relayant la propagande ukrainienne.  La présomption d’innocence est piétinée par nos collègues, s’est insurgé le délégué, en ciblant son homologue albanais.  Il a estimé que ces « fake news » s’inspirent de celles propagées par les Casques blancs en Syrie, déclarant avoir à sa disposition des preuves irréfutables du caractère fallacieux des accusations ciblant la Russie sur ce qui s’est passé à Boutcha.  Il a affirmé que les provocations des « Ukraino-nazis » s’inspirent des méthodes employées par Joseph Goebbels, lorsque ce dernier accusait l’Armée rouge de crimes.  « Goebbels aurait été fier de ses successeurs ukrainiens. » 

Malheureusement, la mise en scène n’est toujours pas à la hauteur, a poursuivi le délégué, en indiquant que les experts ont réfuté les accusations sur Boutcha.  Il a également affirmé avoir la certitude que c’est un missile ukrainien qui a frappé la gare de Kramatorsk, précisant que l’armée russe n’utilise pas le type de missile obsolète qui a été utilisé dans cette frappe et que l’armée ukrainienne est la seule à employer.  Le numéro de série de ce missile ukrainien peut d’ailleurs être vu sur de vidéos, a affirmé le délégué selon lequel la provocation de Kramatorsk a été éventée comme celle de Boutcha.  Il a mis en garde contre les futures provocations que prépareraient les Ukrainiens dans certaines localités, notamment Irpin.  On va transporter des morts depuis la morgue de la ville pour les présenter comme des victimes de tirs russes, a-t-il prédit, dénonçant le mépris total des « Ukraino-nazis » pour le droit international. 

Affirmant que la Russie ne vise pas les populations civiles, il a fustigé la « russophobie » qui fait toujours recette en Ukraine, notant que la réalité sur le terrain est bien différente de celle présentée par les médias occidentaux.  Il a indiqué que les femmes ukrainiennes, pétries de nationalisme, sont capables d’un « comportement sauvage », en mentionnant une vidéo montrant une femme ukrainienne décapitant un soldat russe avec une faucille sur fond de chants patriotiques. L’opération militaire spéciale de la Russie est indispensable pour préserver la sécurité de la Russie et des pays voisins de l’Ukraine, a martelé le délégué selon lequel il existe une Ukraine toute autre, différente de celle dont il a parlé, et qui veut la paix. 

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a précisé que le Conseil de sécurité n’aurait pas tenu cette séance « sans la violation armée de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine par la Fédération de Russie ».  Le Conseil a régulièrement parlé de la question des « femmes, et la paix et la sécurité », a-t-il rappelé en soulignant que, le plus souvent, il s’agissait d’applaudir le rôle des femmes en tant que bâtisseuses de paix et d’exhorter à les faire participer à la prise de décisions à tous les niveaux.  Il a invité les membres du Conseil à « faire une pause » pour laisser le poids de la souffrance des femmes s’installer dans leurs esprits.  De chaque côté de la violence de cette guerre se trouvent des femmes, a-t-il argué, faisant référence aux femmes qui subissent les effets de la guerre en Ukraine et aux mères de soldats de la Fédération de Russie qui doivent attendre en se demandant si leurs fils rentreront sains et saufs.  Il est donc extrêmement inapproprié à son avis de ne voir ni femmes ni mères autour de la table des négociations.  Le délégué a donc appelé les parties à les inclure dans les négociations en cours pour un cessez-le-feu. 

Si la guerre dure plus longtemps, elle nuira à la fourniture en nourriture et en énergie, et partant à la sécurité de plusieurs millions de gens, a observé M.  Kimani.  Il a prédit la destruction de moyens de subsistance, l’augmentation de la pauvreté et l’avènement de crises économiques.  Pour un monde qui commence à peine à se relever de la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine est un coup double, a-t-il fait remarquer, tout en prévenant de la possibilité de décès prématurés, de l’instabilité politique et de l’escalade d’autres conflits.  De ce fait, la réponse humanitaire et en termes de développement ne doit laisser aucun pays ou aucune région de côté, a-t-il plaidé.  À cet égard, le représentant a exhorté le Secrétaire général à rallier l’ONU, les grandes économies et les institutions financières internationales pour qu’elles conçoivent des instruments en soutien aux pays les plus vulnérables, en particulier les pays du Sud. 

Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDON, Ministre dÉtat pour l’Asie du Sud et centrale, l’Afrique du Nord, l’ONU et le Commonwealth, et Représentant spécial du Premier Ministre du Royaume-Uni pour la prévention de la violence sexuelle dans les conflits, a rappelé d’emblée que les Conventions de Genève contiennent de nombreuses dispositions qui offrent des protections spéciales aux femmes et aux filles en tant que civiles dans les zones de conflit.  Pourtant, les forces d’invasion de Putin ignorent même le principe le plus fondamental de ces Conventions à savoir la distinction entre civils et combattants, s’est-il indigné dépeignant les attaques commises par les Russes dans les zones civiles comme rien de moins que barbares. 

De nouveaux rapports brossent un tableau profondément troublant, a-t-il regretté, notamment des allégations de viols et de violences sexuelles à l’intérieur des frontières de l’Ukraine.  Au-delà des frontières, les femmes et les filles ukrainiennes déplacées sont confrontées à des risques accrus de traite et d’exploitation sexuelle par des gangs criminels.  À ses yeux, les preuves de crimes de guerre commis en Ukraine exigent de la communauté internationale de faire davantage pour soutenir l’Ukraine et ceux qui sont confrontés à une violence aussi indicible.  Le vote visant à suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme a été la preuve de la volonté collective de le faire, a souligné le Ministre avant d’appeler à travailler sans relâche maintenant pour enquêter sur ces crimes et demander des comptes au Président Putin et à ses forces.  C’est pourquoi le Royaume-Uni a travaillé en étroite collaboration avec des partenaires pour renvoyer l’invasion de l’Ukraine à la CPI, pour établir une commission d’enquête par l’intermédiaire du Conseil des droits de l’homme et une mission d’experts de l’OSCE, a expliqué Lord Ahmad de Wimbledon. 

Le Ministre a également insisté sur le fait que les femmes ukrainiennes ont aidé à construire la société libre, démocratique et ouverte que craint le Président Putin, avant de plaider pour leur pleine participation à tous les niveaux dans le processus de construction d’une paix durable.  Tout règlement de paix doit également refléter l’impact disproportionné de ce conflit sur les femmes et les filles, a estimé le Ministre pour lequel la discussion d’aujourd’hui est un appel de ralliement à la communauté internationale pour qu’elle reconnaisse l’impact de cette guerre illégale sur les femmes et les enfants ukrainiens et qu’elle demande des comptes à la Russie pour ses crimes. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a estimé, tout d’abord, que le représentant de la Fédération de Russie serait « plus à sa place dans le box des accusés d’un tribunal en charge des crimes de guerre en Ukraine ».  Observant que le « représentant de Putin ne nous a épargné aucun mensonge », il a ajouté ironiquement que « l’on sait, ici à New York, que les Russes mentent dès lors que l’on voit leurs lèvres bouger ».  Après avoir rappelé que, selon l’écrivain George Orwell, le totalitarisme et la corruption de la langue sont étroitement liés, il a dit faire très attention à l’interprétation de ses propos vers le russe.  Il a ainsi constaté que le nouveau point de l’ordre du jour, consacré au « maintien de la paix et de la sécurité en Ukraine », a été présenté par le représentant russe, dans sa langue, comme « sur l’Ukraine », ce qui vise, selon lui, à « imposer une vision alternative de la réalité ».  Tout en saluant l’ajout de ce nouveau point, qui servira à traiter de l’actuelle agression russe contre son pays, il a souhaité que la demande russe de suppression des points relatifs aux lettres de 2014 sur l’annexion de la Crimée ne soit pas acceptée par le Conseil. 

Le délégué a ensuite rappelé que, le 24 mars, l’Assemblée générale a adopté une résolution sur les conséquences humanitaires de cette guerre, exigeant que les civils, y compris les journalistes, les travailleurs humanitaires et les personnes vulnérables soient protégés.  La Russie a voté contre, montrant ainsi que les femmes et les enfants sont pour elle des « cibles potentielles », a-t-il cinglé, notant que cette approche s’est vérifiée sur le terrain.  Évoquant les massacres perpétrés à Boutcha et d’autres localités ukrainiennes pendant l’occupation russe, il a déclaré que les enquêtes sur ces faits ne font que commencer mais que la tentative de la Russie de nier sa responsabilité apparaît futile à tous.  Il a notamment relevé que des missiles semblables à ceux qui ont frappé, le 8 avril, la gare de Kramatorsk, faisant une cinquantaine de morts et plus d’une centaine de blessés parmi les civils qui attendaient d’être évacués de la zone de guerre, ont été déployés par la Russie sur le territoire bélarusse.  Selon lui la Russie tente de maquiller ses actions, comme elle l’avait fait pour le vol MH17 abattu au-dessus de l’Ukraine en 2014.  Pour cela, elle recourt à un tissu de mensonges en affirmant que les Ukrainiens se tuent entre eux.  Dans ce contexte, l’ampleur des crimes commis contre des enfants est sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a-t-il poursuivi, faisant état, selon les chiffres de son gouvernement, de 183 enfants tués et 342 blessés depuis le début de l’invasion, ce qui n’inclut toutefois pas les victimes de Marioupol.  Dans cette ville, le bilan reste inconnu, a-t-il dit, non sans avertir que, soucieuse de s’épargner une « publicité de type Boutcha », la Russie fait désormais appel à des crématorium mobiles pour faire disparaître les corps. 

Soulignant que la « cruauté inhumaine » de l’occupant russe a transformé la vie de millions de femmes et d’enfants en cauchemar, le délégué s’est dit particulièrement préoccupé par le sort des femmes et des jeunes déplacés et réfugiés, qui sont exposés à toutes sortes d’abus, à la traite et à l’exploitation sexuelle.  Remerciant la représentante de la société civile ukrainienne d’avoir fourni des exemples sur la répression épouvantable des femmes militantes dans les territoires occupés par la Russie, il a répété que le retrait des forces russes met au jour des crimes abominables, notamment à l’encontre de femmes et d’enfants. Face à ces horreurs, le bureau du Procureur général de l’Ukraine coopère avec les organismes d’enquête et a lancé un mécanisme spécial pour documenter les violences sexuelles commises par des soldats russes, a-t-il indiqué, réaffirmant que son pays est prêt à appuyer les institutions internationales pour que des investigations soient menées.  À cet égard, il a signalé le fait que les envahisseurs ont déjà sorti plus de 21 000 enfants d’Ukraine et ont déjà engagé des procédures d’adoption, en violation de la quatrième Convention de Genève. Enfin, après avoir rendu hommage aux femmes ukrainiennes qui, à tous les niveaux, contribuent à la paix et à la sécurité dans leur pays, notamment celles qui sont membres des forces armées et les défenseuses des droits humains, il cité les mots d’une lettre écrite par un enfant de 9 ans dont la mère a été tuée par des soldats russes lors de leur repli.  Si de telles lettres sont rédigées, « c’est que les choses ont très mal tourné, y compris au Conseil de sécurité », a-t-il regretté, attribuant le blocage de cet organe au fait que la Russie est un membre permanent, doté du droit de veto.  Pour le représentant, le Kremlin doit être arrêté pour sauver les générations futures du fléau de la guerre, conformément à la Charte de l’ONU. 

M.  KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a déclaré que près de 2,6 millions des réfugiés Ukrainiens sont arrivés en Pologne dont l’écrasante majorité sont des femmes et des enfants.  Des rapports font état de violence sexuelle commises par des soldats russes contre des femmes et des filles ukrainiennes qui fuient le pays, a-t-il précisé demandant de répondre aux besoins spécifiques des femmes et des enfants.  Il a indiqué que les autorités polonaises ont mis en place, dans les centres de transit frontalier et les centres d’accueil, des mesures d’identification et d’enregistrement des noms des personnes qui y arrivent, des noms et cartes d’identité des personnes avec lesquelles les réfugiés quittent les sites, des documents d’information pour les personnes originaires d’Ukraine qui traversent la frontière polono-ukrainienne et des dépliants en ukrainien, polonais et anglais.  L’accès des réfugiés au marché du travail devient une priorité, a-t-il poursuivi en signalant une nouvelle loi adoptée en Pologne qui permet aux Ukrainiens de vivre et de travailler légalement dans le pays pendant au moins 18  mois, avec la possibilité de demander un permis de séjour pour trois années supplémentaires. En outre, l’État polonais aide financièrement les municipalités à trouver un logement à long terme, des emplois et des places dans les écoles pour les réfugiés ukrainiens, a encore fait savoir le délégué en ajoutant qu’il explore les moyens de soutenir l’intégration des Ukrainiennes sur le marché du travail. 

Poursuivant, le représentant a dit que Varsovie accueille 100  000 enfants réfugiés dont 15  000 sont déjà inscrits dans les écoles.  Ces enfants suivront le programme scolaire de l’Ukraine et recevront un enseignement en ukrainien, a-t-il précisé.  Les étudiants ukrainiens de l’enseignement supérieur ont également la possibilité de poursuivre leurs études dans les universités polonaises, a annoncé le représentant citant d’autres mesures.  Cependant, les besoins augmentent chaque jour, a-t-il constaté avant de saluer les Ukrainiennes qui ont rejoint le mouvement de protestation pro-européen et qui, depuis lors, ont dirigé les efforts de secours, aidé à financer l’armée ukrainienne, et fourni des soins médicaux, de la nourriture et des services sociaux aux populations déplacées.  Le représentant a estimé que les femmes ukrainiennes représentées au sein du Gouvernement jouent un rôle clef dans l’élaboration de politiques qui seront cruciales pour atténuer les effets de la guerre au lendemain du conflit. 

M. ION JINGA (Roumanie) a indiqué que son pays est une des principales destinations des réfugiés ukrainiens et qu’il met tout en œuvre pour les accueillir de la meilleure des façons.  Il a précisé que son gouvernement assurait d’abord une réponse d’urgence tenant compte de tous les aspects de la crise humanitaire dès la prise en charge aux points de franchissement de la frontière avant de développer des mécanismes de protection.  Il a cité la mise en place de six groupes de travail chargés de définir des mesures d’inclusion et des politiques de protection dans les domaines de la santé, de l’éducation, du travail, du logement, des personnes vulnérables, des enfants et de la jeunesse.  Il a expliqué que chacun de ces groupes développe des plans d’action sectoriels en collaboration avec les experts des ministères pertinents, les agences de l’ONU et les représentants de la société civile.  Par ailleurs, il a précisé que 650 000 citoyens ukrainiens sont entrés en Roumanie entre le 10 février et le 4 avril 2022, dont 80 000 se trouvent toujours sur le territoire roumain.  Il a ajouté que les 4 400 citoyens ukrainiens qui ont effectué une demande d’asile bénéficient d’un soutien matériel, financier, sanitaire et psychologique.  Enfin, il s’est félicité de la collaboration de son pays avec l’UNICEF pour fournir un soutien juridique et psychologique aux familles et mineurs non accompagnés ukrainiens. 

Mme ANTJE LEENDERTSE (Allemagne) s’est dite choquée par les conséquences de l’agression russe sur la situation des femmes et des enfants en Ukraine avant d’évoquer les images de corps de civils gisant morts dans les rues de Boutcha et Irpin parmi lesquels se trouvaient ceux de femmes et de filles victimes de violence sexuelle et de viols par des soldats russes et des mercenaires.  En outre, des corps de femmes et de filles tuées auraient été brûlées ou écrasées par les auteurs pour couvrir leurs actes, a-t-elle relevé.  Elle a assuré que ces crimes ne resteront pas sans réponse, ajoutant que son pays soutient pleinement le travail de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine.  La déléguée s’est félicitée que le Conseil des droits de l’homme ait mis en place une commission d’enquête sur ces cas, avant de saluer aussi le lancement d’un organisme indépendant d’enquête par le Procureur de la CPI, M.  Karim Khan.  Ces mécanismes de responsabilisation devront tenir le plus grand compte de la dimension genre de l’agression russe contre l’Ukraine, a-t-elle conseillé. 

La représentante s’est inquiétée des conséquences de la guerre sur la perturbation de l’éducation des enfants ukrainiens dont plus de la moitié ont été déplacés.  Elle a salué les efforts de l’UNICEF pour fournir des kits éducatifs aux enfants des familles fuyant la violence et aider à reconstruire les écoles et les jardins d’enfants endommagés.  Elle a précisé que son pays a décidé de consacrer 20  millions d’euros à l’UNICEF pour soulager les souffrances des enfants ukrainiens dans le cadre du programme humanitaire global de 370  millions d’euros pour l’Ukraine.  Enfin, Elle a indiqué que l’Allemagne a consacré 600  000 euros au travail d’ONU-Femmes en Ukraine et en République de Moldova. 

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