Vingt et unième session,
3e & 4e séances plénières, matin & après-midi
DH/5468

Le Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones salue la volonté de travailler sur un instrument contraignant pour le respect du principe de consentement libre, préalable et éclairé

« Une note d’espoir » a marqué la fin de la deuxième journée de la vingt et unième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones.  Au terme d’une discussion sur le thème principal, le Président de l’Instance, M. Darío José Mejía Montalvo, a salué la volonté de certains États de travailler sur un instrument contraignant réglementant les activités des entreprises et leurs relations avec les peuples autochtones en mettant l’accent sur le consentement préalable, libre et éclairé. 

Si le Mexique a manifesté son intérêt et sa volonté de s’engager sur cette voie, les États-Unis ont également ouvert la porte au dialogue afin d’étudier quelle serait la meilleure façon de répondre à cet appel des peuples autochtones, a annoncé le Président. 

« Voilà l’espoir qui est le nôtre », s’est réjoui M. Montalvo. 

Le thème principal de cette session est « Peuples autochtones, entreprises, autonomie et principes des droits humains relatifs au devoir de précaution, notamment le consentement libre, préalable et éclairé ».

L’Instance poursuivra ses travaux demain, mercredi 27 avril, à partir de 15 heures.

Discussion sur le thème « Peuples autochtones, entreprises, autonomie et principes des droits humains relatifs au devoir de précaution, notamment le consentement libre, préalable et éclairé »

La discussion a commencé avec la présentation du rapport de la réunion du groupe d’experts internationaux sur le même thème, ténue en décembre 2021.  M. GEOFFREY ROTH (États-Unis), membre de l’Instance, a indiqué qu’à l’issue de la réunion de quatre jours qui a porté sur l’examen du non-respect, par les entreprises, des normes internationales garantissant les droits des peuples autochtones à l’autodétermination, aux territoires, aux ressources et au consentement libre, préalable et éclairé, il a été recommandé à l’Instance d’entreprendre une étude approfondie des initiatives entrepreneuriales des peuples autochtones, et aux États de réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales au regard du droit international des droits de l’homme.  Les gouvernements sont encouragés à élaborer et mettre en œuvre des plans d’action nationaux en vue de l’application des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme y compris des mesures spécifiques pour protéger les droits des peuples autochtones et faciliter leur participation effective à ce processus.  Les entreprises ont également été appelées à maintenir un dialogue constructif avec les peuples autochtones afin d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé pour toutes les décisions et activités de l’entreprise qui les concernent.  Les entreprises et les investisseurs doivent en outre adopter une politique de tolérance zéro à l’égard des attaques dont sont victimes les défenseurs autochtones dans le cadre de leurs activités 

Dans une étude consacrée aux peuples autochtones et aux conflits liés aux ressources au Sahel et dans le bassin du Congo, présentée par Mme HINDOU OUMAROU IBRAHIM (Tchad), membre de l’Instance, en collaboration avec M. VITAL BAMBANZE (Burundi), membre de l’Instance, les deux auteurs ont ensuite formulé des recommandations portant sur la réforme des institutions internationales et régionales, et le soutien financier.  Au niveau national, ils ont notamment appelé à élaborer des politiques avec la participation d’organisations des peuples autochtones, et à veiller à l’inclusion de ces derniers dans les politiques, programmes et partenariats.  Ils ont également formulé des propositions sur la participation des communautés locales à la gestion durable des ressources naturelles. 

À son tour, M. DARÍO JOSÉ MEJÍA MONTALVO (Colombie), Président de l’Instance, qui présentait un rapport sur les droits des peuples autochtones dans le contexte de l’approvisionnement énergétique mondial, a insisté sur le besoin de faire participer les peuples autochtones dans l’élaboration des plans énergétiques au niveau mondial et à l’intérieur des États. 

Le débat s’est ensuite cristallisé sur la lenteur du Gouvernement norvégien à appliquer une décision de la Cour suprême de ce pays dans l’affaire Fosen, initiée en 2016.  Mme ANNE NUORGAM (Finlande), membre de l’Instance, a indiqué que le parc éolien Fosen, le plus grand du nord de l’Europe, a été établi sur le territoire sami sans le consentement libre et préalable de ce peuple autochtone qui a ensuite porté l’affaire devant la justice.  La Cour suprême de Norvège a rendu un verdict unanime le 21 octobre 2021 remettant en cause la validité de l’autorisation du projet.  Toutefois, les éoliennes continuent de fonctionner en dépit du verdict de la Cour qui stipule que la zone d’implantation ne peut pas être utilisée.  Six mois après, le Gouvernement norvégien n’a rien fait face à cette violation des droits humains des Sami et n’a pas non plus indiqué quand les éleveurs pourront jouir de leur culture dans cette région, a déploré Mme Nuorgam qui a demandé au Gouvernement de la Norvège les raisons de son inaction.  Le Président du Parlement sami de Finlande a demandé à l’Instance d’aider à mettre en œuvre la décision de la Cour suprême.  Au nom des pays nordiques (Danemark, Islande, Norvège et Suède), la Finlande s’est préoccupée de l’augmentation des représailles contre les défenseurs des droits humains des peuples autochtones. 

L’Union européenne (UE) a mis l’accent sur le comportement responsable des entreprises, les engageant à prendre des mesures pour éviter de violer les droits des peuples autochtones.  Pour sa part, l’UE a mis en place des mécanismes leur permettant de déposer des plaintes et a établi un fonds doté de 7 millions d’euros pour les défenseurs des droits des peuples autochtones, a fait savoir la délégation. 

Asian Indigenous People Act a recommandé de faciliter un engagement constructif et efficace avec les gouvernements, les organisations intergouvernementales et les organismes internationaux compétents afin de soutenir le dialogue en ouvrant la voie à l’autodétermination des peuples autochtones.  Des partenariats seront également nécessaires pour soutenir cette mobilisation politique.  Sur ce dernier point, plusieurs délégations ont appelé à réexaminer le principe de partenariat avec les peuples autochtones afin de surmonter la complexité des défis auxquels ils sont confrontés.  Pour que le respect et l’autorité soient reconnus, la gouvernance doit s’exercer de façon à affirmer l’autodétermination de tous et de leur permettre de prospérer équitablement y compris les Maoris, a estimé la Nouvelle-Zélande

Pour le Guyana, il faut inclure les peuples autochtones dans les plans et stratégies de développement et de création d’emplois à faible émission de carbone et équiper les communautés en énergie renouvelable.  Au Burundi, le Gouvernement a créé des « coopératives collinaires », et leur offre des crédits à travers des banques de développement pour les Batwa.

L’Association des femmes peules et des peuples autochtones du Tchad a déploré un cadre juridique défaillant pour défendre les droits des peuples autochtones, notamment en matière de justice et d’accès aux services de base.  Elle a recommandé l’octroi d’une formation et des moyens de gestion durable des ressources et des résolutions de conflits.  L’Afrique du Sud a dénoncé les lacunes juridiques au niveau international pour obliger les entreprises à respecter les droits fondamentaux des peuples autochtones, y compris le droit de recours pour les victimes.  Le principe de consentement libre, préalable et éclairé est foulé au pied, a-t-elle déploré.  Préoccupée du fait qu’au Pérou, les prérogatives de l’État comme la police et la justice sont au service des entreprises extractives, l’Organisation nationale des femmes autochtones en Amazonie a recommandé à l’Instance de faire pression sur le Gouvernement péruvien pour qu’il adapte sa législation à la Convention 169 de l’OIT.  De son côté, l’Assemblée des Premières Nations a appelé à remédier au fait que les lois coutumières autochtones et la Charte des Nations Unies sont irréconciliables. 

Les États-Unis ont annoncé que s’agissant du nouvel instrument sur les entreprises transnationales, ils sont favorables à une approche dans le sens des principes directeurs des Nations Unies basés sur le consensus et un processus multipartite.  Mais, ont-ils ajouté, un traité est trop rigide pour satisfaire les différentes préoccupations.  Quant à la façon d’améliorer le respect des droits humains par les entreprises transnationales, nous sommes prêts à envisager d’autres instruments « contraignants ou non contraignants » avec les États Membres et les communautés autochtones afin de faire fond sur les progrès réalisés en vertu des grands principes des Nations Unies.

L’Australie a rappelé sa joie d’avoir été coauteur des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.  Le Gouvernement a en outre élaboré un guide australien pour les entreprises qui donne des instructions pour la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et pour le respect du consentement libre, préalable et éclairé. 

Le Mexique a dit que les États doivent soutenir les mesures favorables aux entrepreneurs autochtones.  Sur le plan international, la délégation a appelé à un instrument contraignant sur la responsabilité des entreprises en matière de protection.  Elles doivent s’engager à respecter les droits humains et mener des études préalables pour tenir compte des intérêts et des droits des peuples autochtones.  Le délégué a aussi appelé les multinationales à protéger les défenseures et les femmes gardiennes des sites et des cultures autochtones.  La Coordination nationale des femmes autochtones du Mexique a demandé la suspension de la réforme constitutionnelle autochtone.  Elle s’est opposée à la disparation de l’Institut national de langues autochtones et demandé des sanctions contre les dégâts matériels et physiques subis par les femmes et enfants autochtones à cause de l’implantation d’entreprises minières sur leurs terres. 

La Fédération de Russie a invité à s’inspirer des expériences de gestion autonome des 180 peuples autochtones de son pays qu’ils ont développées depuis 1 000 ans.  Leur expérience peut servir aux régions du monde.  Pour l’Espagne, il est évident qu’il existe différentes interprétations de l’application du principe de consentement libre, préalable et éclairé.  Il existe également une bonne base sur laquelle travailler, par exemple la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones, les principes directeurs sur les entreprises et les droits humains et les différentes législations nationales.  Il faut poursuivre les travaux pour faire en sorte que les peuples autochtones aient l’impression que cet instrument est efficace et est à même de défendre leurs droits et que ça ne soit pas uniquement pour la forme. 

L’Agence de coopération espagnole par l’entremise du programme autochtone promeut depuis 10 ans un dialogue entre les peuples autochtones, les entreprises et les gouvernements.  Elle promeut également des pratiques et procédures exemplaires pour sensibiliser aux normes internationales et consultations en matière de principe de précaution, de garantie du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.  L’Espagne s’engage en outre à protéger les défenseurs des droits humains en danger comme en 2021 où elle a accueilli 14 dirigeants environnementaux autochtones d’ascendance africaine sur un total de 24 personnes qui avaient été accueillies en 2021. 

Selon le Fonds pour le développement des peuples autochtones d’Amérique et des Caraïbes, le projet d’instrument international juridiquement contraignant pour réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales au regard du droit international des droits de l’homme est important pour intégrer le secteur privé et prendre des mesures positives favorables à la réalisation des droits humains 10 ans après l’adoption de ces principes.  Nous sommes très loin de leur application systématique et efficace, a regretté le représentant pour qui la persistance des abus des entreprises est source de vive préoccupation et frustration.  Cela devrait devenir une priorité des États et des entreprises. 

Au Kenya, le JAMII ASILIA CENTRE a dénoncé l’expulsion des peuples autochtones de leurs terres ancestrales ouvrant la porte à une réserve nationale qui a provoqué la perte de la tradition et de la culture autochtones.  Ces difficultés sont aggravées par les changements climatiques et le Gouvernement n’applique pas les recommandations de l’Union africaine sur la question demandant de restituer les terres ancestrales aux peuples autochtones et offrir des compensations.  En Australie, l’Association des peuples autochtones a affirmé avoir une plainte contre la loi australienne qui permet la destruction des sites autochtones en toute légalité par les entreprises.  Où irons-nous lorsque nos sites traditionnels seront détruits?  Le principe de consentement libre, préalable et éclairé est contourné par cette loi, a protesté la représentante qui a demandé l’aide de l’Instance. 

De nombreuses délégations de peuples autochtones ont en fait prié l’Instance de leur venir en aide et ont recommandé des actions à l’instar l’association ROCHUN qui a demandé la levée de la loi martiale au Myanmar et d’examiner la situation des peuples autochtones dans ce pays.  La Communauté internationale des peuples autochtones de Russie a mis en garde contre le soi-disant souci dont font preuve les entreprises russes pour les peuples autochtones: « sachez qu’avant tout, ce sont des mensonges, de la propagande. »  La Native American Rights Fund a dit qu’elle est très préoccupée s’agissant du traitement des peuples autochtones comme une simple partie prenante dont les intérêts doivent être mis en équilibre avec l’intérêt des filières industrielles.  Les peuples autochtones ne sont pas de simples parties prenantes.  Ils sont les détenteurs des droits juridiques, a rappelé la représentante de cette ONG. 

L’Indonésie a exigé que l’Instance ne soit pas utilisée par des groupes hostiles à son gouvernement pour saper le principe de souveraineté nationale, d’indépendance et d’intégrité territoriale.  L’Éthiopie a dit que le concept de peuples autochtones et son utilisation dans le contexte éthiopien sont erronés.  Ce classement ne s’applique pas à l’Éthiopie car nous sommes composés d’une mosaïque de citoyens et nous sommes tous Éthiopiens et habitants du pays.  La déléguée a prié d’ôter toute notion néfaste à l’Éthiopie dans le rapport à l’avenir. 

L’Ukraine a accusé la Fédération de Russie des graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme étant donné que depuis l’occupation de la Crimée en 2014 et le 24 février dernier, les troupes russes se sont livrées à des exécutions arbitraires, à des disparitions forcées de la population locale, y compris des Tatars de Crimée.  La Russie refuse de reconnaître le droit des Tatars de Crimée au consentement libre, préalable et éclairé, a ajouté le représentant qui a demandé le soutien de l’Instance et des Nations Unies de garantir l’application de ce principe pour tous les peuples autochtones. 

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