En cours au Siège de l'ONU

Session de 2022,
Forum sur le suivi du financement du développement, 5e et 6e séances, matin et après-midi
ECOSOC/7080

Financement du développement: le forum de l’ECOSOC débat de la lutte contre les flux financiers illicites et de l’investissement privé dans les efforts de réalisation des ODD

Le forum sur le suivi du financement du développement s’est penché, aujourd’hui, sur la construction d’une fiscalité juste et efficace, construction qui résulterait notamment d’une lutte plus efficace contre les flux financiers illicites.  Les pays en développement ont estimé que la taxation devait être au cœur des programmes nationaux d’action en faveur du développement, y compris ceux dédiés à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).  Les délégations ayant pris la parole dans le cadre d’une table ronde sur ces questions ont également jugé que la transparence des entreprises doit être le corollaire de la lutte internationale contre les flux financiers illégaux en lien avec la fiscalité.  Des représentants de la société civile, pour leur part, ont plaidé pour la création, à l’ONU, d’un organe intergouvernemental chargé de réformer le système fiscal mondial et pour la tenue d’une quatrième conférence sur le financement du développement. 

La Ministre norvégienne de la coopération internationale, qui a qualifié d’inclusifs et pertinents les dispositifs et règles communes de lutte contre les exemptions fiscales des multinationales du numérique de l’OCDE et du G20, a en outre estimé que la coopération en matière fiscale gagnerait à être renforcée en impliquant la société civile et les médias.  « Mettons en valeur nos productions de base pour qu’elles puissent augmenter nos recettes fiscales nationales », a déclaré quant à lui le représentant du Zimbabwe, qui a ajouté que le secteur informel contribuant à hauteur de « 70-80% du PIB de nos pays », il est temps de le « ramener dans le système fiscal formel ».

La société civile, dont la représentante de l’organisation « Tax Justice Network Africa », rappelant que 240 milliards de dollars de recettes générés aux entreprises sont perdus chaque année en raison de l’évitement fiscal des multinationales, a proposé qu’il soit trouvé, à l’ONU, « une solution d’ensemble applicable à toutes ces dernières ».  Les autres représentants de la société civile ont ainsi plaidé en faveur de la création d’un organe fiscal universel agissant sous l’égide des Nations Unies. 

Sur le recouvrement des avoirs criminels, la Russie a souhaité que soit renforcé le cadre de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), « qui effectue déjà un travail remarquable en ce domaine », une proposition que la modératrice a repris dans ses conclusions. 

Le forum a également débattu du renforcement des investissements privés dans le financement des objectifs de développement durable, les participants, parmi lesquels le Président du Ghana, attirant l’attention sur la nécessité d’optimiser les financements mixtes privés-publics.  À ce propos, M. Blanchard, membre d’un fonds de pension canadien, a invité les États et les institutions financières à être ambitieux « pour passer des millions aux milliards ».  Selon lui, nouer en amont de nouveaux partenariats avec les pays dans lesquels le secteur privé compte investir doit permettre l’établissement d’écosystèmes propices à des investissement massifs devant abonder durablement les domaines ciblés par les ODD. 

Soulevant la question de la bonne gouvernance, les représentants du Malawi et du Zimbabwe ont, eux, appelé les administrations publiques à se réformer en profondeur pour faciliter les investissements privés dans le secteur clef de l’industrie extractive, cette activité étant l’objet « de luttes communautaires inquiétantes ».  Toute exploitation partagée des ressources naturelles devra bénéficier aux communautés locales, a insisté le représentant zimbabwéen.  Une des façons d’attirer les investissements est que l’ONU concentre la prise de décisions fiscales et celles portant sur les investissements étrangers directs, ont estimé pour leur part des représentants de la société civile, dont « Society For International Development ». 

Enfin, les participants au forum ont recommandé de combiner de manière optimale les fonds publics et privés, les capitaux générés devant être conformes aux critères de gouvernance environnementale agréés au plan mondial en vue contribuer de façon décisive à la mise en œuvre des ODD d’ici à 2030. 

Le forum sur le suivi du financement du développement poursuivra ses travaux demain, jeudi 28 avril, à 10 heures, pour une quatrième et dernière journée de session. 

FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Table ronde 3: Construire une fiscalité juste et efficace et lutter contre les flux financiers illicites

Mme ANNE BEATHEKRISTIANSEN TVINNERHEIM, Ministre de la coopération internationale de la Norvège, s’est demandé comment rebâtir l’économie mondiale de façon plus verte et inclusive dans le contexte de la pandémie et de la guerre en Ukraine, laquelle a perturbé brutalement les coûts de l’énergie et des produits alimentaires de première nécessité.  Selon elle, tant que les flux illicites et la corruption seront récompensés par la richesse et la tromperie, tant que politiquement l’utilisation abusive du pouvoir permettra à certains de prospérer, l’émancipation des démocraties ne sera pas possible.  Dans ce contexte, elle a appelé à l’adoption de règles communes, dans les cadres inclusifs et pertinents de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20.  Nous devons faire fonds sur les mécanismes existants pour consacrer une approche holistique et soutenir, comme le fait la Norvège, la coopération en matière fiscale au travers de la Banque mondiale mais aussi en impliquant la société civile et les médias, a encore recommandé Mme Tvinnerheim. 

Au Nigéria, une initiative de croissance des recettes fiscales a été lancée en 2019 pour s’attaquer au faible ratio recettes/PIB, a indiqué à son tour le Prince CLEM AGBA, Ministre d’État, du budget et de la planification du Nigéria.  En parallèle d’un programme national visant une augmentation de 15% des recettes fiscales, le Gouvernement a lancé un « plan 2.0 » pour améliorer les performances de gestion en matière d’imposition.  Le Gouvernement a également mis en place une législation permettant d’améliorer l’environnement commercial et politique pour l’essor de ses petites et moyennes entreprises.  Concernant l’équité au sein de l’espace fiscal mondial et les flux financiers illicites, le Ministre nigérian a reconnu l’importance pour tous les pays de lutter contre ces flux.  Il a indiqué que le Nigeria fait partie des 12 pays africains pilotes au sein d’un projet lancé par la Conférence économique africaine (CEA), en collaboration avec la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), visant à établir des estimations statistiques des flux financiers illicites originaires Afrique.

M. PAVEL ERNESTO ISA CONTRERAS, Vice-Ministre de la planification au Ministère de l’économie, de la planification et du développement de la République dominicaine, a estimé nécessaire d’accroître la pression fiscale, voulant miser sur les ressources nationales qui permettent de fournir les biens publics indispensables au bien-être des populations.  L’expérience nous a montré que la coopération peut faire la différence dans des domaines comme l’eau et l’assainissement, a témoigné le Vice-Ministre.  Il a également fait remarquer que le secteur privé peut aider à accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).  Il a suggéré, pour dépasser la dichotomie secteur public/secteur privé, de doter leur coopération d’une base institutionnelle robuste et transparente.  Insistant sur la transparence et la démocratie, M. Contreras a encouragé les États à être les chefs de file de ces efforts.  Il a conclu en se demandant s’il faut imposer les plus riches ou taxer les plus pauvres, ajoutant que la réponse ne peut que dépendre de la situation spécifique des pays. 

M. AUGUSTUS FLOMO, Vice-Ministre de la gestion économique du Ministère des finances et du développement du Libéria, a remarqué que si les opinions des experts en fiscalité divergent toujours sur la définition d’un système fiscal « juste et efficace », un consensus demeure sur le fait qu’il devrait être simple, transparent et facile à comprendre pour la population.  Élargir l’assiette fiscale constitue un effort important, a reconnu le Vice-Ministre tout en y voyant un effort nécessaire pour disposer des avoirs permettant de fournir les services publics et de mener les réformes de l’administration.  Les pays en développement ont besoin d’aide pour appliquer ces programmes alors que la pandémie a frappé fort, a-t-il noté.  L’accent est en général mis sur les réformes fiscales et administratives: simplification, numérisation, renforcement des capacités pour la gestion des recettes, réduction de la taille du secteur informel en facilitant le processus d’enregistrement des entreprises.  Le Libéria a mis en place de tels mécanismes robustes, ainsi que des mesures de lutte contre la contrebande par le biais des douanes nationales, a indiqué le Vice-Ministre.  Il a cependant mis en garde contre l’augmentation d’impôts qui risque de ralentir l’activité économique et pourrait être ressentie comme injuste.  Il faut veiller à l’équité et à ne pas faire augmenter les inégalités, a-t-il prévenu.

Mme ANTONETTE TIONKO, Sous-Secrétaire du « Corporate Affairs Group and the Revenue Operations Group » du Département des finances des Philippines, a plaidé pour la création d’une société solidaire fondée sur une classe moyenne qui ne connaisse pas la pauvreté.  Dans ce cadre, les réformes fiscales sont essentielles pour dégager des recettes supplémentaires, venant de sources plus durables, pour financer les infrastructures, a-t-elle dit.  Elle a indiqué que le Gouvernement des Philippines a levé des dérogations à la TVA et applique des taxes nouvelles sur le pétrole mais aussi les boissons, l’objectif général étant de fournir à moyen terme aux entreprises plus de 19 milliards de réductions fiscales.  L’investissement public dans le infrastructures atteint désormais 5% du PIB aux Philippines, a-t-elle aussi fait valoir.  Mme Tionko a conclu en appelant à rendre efficaces et transparents les flux fiscaux, ce qui passe par la modernisation et la rationalisation des systèmes fiscaux nationaux et internationaux. 

Pour M. YOSHIKI TAKEUCHI, Secrétaire général adjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le partage d’informations est essentiel pour contrer les flux financiers illicites, ainsi que l’élaboration de nouvelles normes et outils.  Plus de 160 juridictions acceptent désormais d’échanger des informations entre elles, une coopération internationale inimaginable il y a encore 50 ans, s’est réjoui M. Takeuchi.  Il a expliqué que les efforts visant à moderniser la fiscalité relative aux activités numériques permettent aux membres de l’OCDE d’agir sur un pied d’égalité.  Tous les pays, qu’ils soient en développement ou développés, peuvent bénéficier de telles mesures, a-t-il relevé.  Toutefois, les pays en développement ont besoin d’aide pour la mise en place de normes, ainsi que d’informations pour lutter contre les crimes financiers et pour identifier la localisation des flux financiers illicites.  M. Takeuchi a estimé que les pays en développement devraient voir leurs recettes fiscales augmenter de 1,4% à moyen terme.  Des recherches indépendantes montrent que les pays africains ont pu bénéficier des mesures prises par l’OCDE, dont les instruments facilitent la coopération, l’échange d’informations entre juridictions et la signature de traités bilatéraux efficaces, a poursuivi M. Takeuchi.  Il a indiqué qu’une bonne collecte de la TVA avait été un succès pour mobiliser des revenus: l’Australie a ainsi récolté 1,4 milliard de dollars au cours des quatre premières années de collaboration avec l’OCDE et le Costa Rica, 25 millions au cours des trois premiers mois. 

Lors de la discussion, les pays ont estimé que la taxation devait être au cœur des programmes nationaux d’action en faveur du développement.  La transparence des entreprises doit être le corollaire de la lutte internationale contre les flux financiers illégaux en lien avec la fiscalité, a-t-il aussi été dit.  La société civile, de son côté, a plaidé pour la création, à l’ONU, d’un organe intergouvernemental chargé de réformer le système fiscal mondial et la tenue d’une quatrième conférence sur le financement du développement.

Le Secrétaire exécutif du Forum africain sur l’administration fiscale, M. LOGAN WORT, a préconisé, pour surmonter les difficultés soulevées par les panélistes, la prise de décisions politiques fortes pour mobiliser des ressources nationales destinées à la réalisation effective des ODD.  Les gouvernements pourraient notamment agir sur l’assiette fiscale pour ne pas dépendre de ressources uniques, a-t-il suggéré en leur recommandant aussi d’introduire différentes taxes sur les sociétés et les capitaux, et de taxer le secteur informel et les individus extrêmement riches.  Concernant la récupération des fonds qui quittent illicitement l’Afrique, il a souhaité l’établissement de normes de comportement responsable des entreprises les plus puissantes et il a plaidé pour une approche pangouvernementale reposant sur un échange accru d’informations entre les différents acteurs de la vie économique. 

Mme CHENAI MUKUMBA, de «Tax Justice Network Africa », a rappelé, au nom de la société civile, que 240 milliards de dollars de recettes liés aux entreprises sont perdus chaque année en raison de l’évitement fiscal des multinationales.  Il nous faut trouver, à l’ONU, une solution d’ensemble applicable à toutes ces dernières, a-t-elle dit, défendant l’idée de la création d’un organe fiscal universel porté par les Nations Unies. 

La représentante de la Finlande a quant à elle jugé indispensable que le point de vue des pays en développement soit systématiquement pris en compte dans le cadre des discussions multilatérales sur toutes les questions fiscales. 

Il faut aussi se doter de systèmes fiscaux efficaces et transparents, a poursuivi le représentant du Zimbabwe en rappelant le consensus sur la nécessité d’un élargissement de l’espace fiscal des pays en développement, pour financer les ODD.  Mettons en valeur nos productions de base pour qu’elles puissent augmenter nos recettes fiscales nationales, a-t-il conseillé.  Le représentant a relevé à ce propos que, le secteur informel contribuant à hauteur de « 70 à 80% du PIB de nos pays », il est temps de le « ramener dans le système fiscal formel ».

Le représentant de la Fédération de Russie est intervenu pour indiquer que, récemment, le Gouvernement de son pays avait achevé l’unification de tous les réseaux de lutte contre l’évasion fiscale, un moyen, a-t-il estimé, de renforcer la cohésion sociale.  Sur le retour des avoirs criminels, il a souhaité que soit renforcé le cadre pertinent de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui effectue déjà un travail remarquable en ce domaine. 

Une convention des Nations Unies sur la fiscalité, serait-elle du domaine de l’envisageable? a demandé la modératrice, Mme OLGA ALGAYEROVA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe (CEE).  À sa suite, le représentant de la République dominicaine a déploré une concurrence entre régimes fiscaux à l’échelle internationale, une course au moins-disant, et par conséquent, un contexte international compliqué.  Il a aussi déploré l’absence de système fiscal adapté au caractère informel des microentreprises: il faudrait les imposer, sans que cela représente un trop grand sacrifice pour elles. 

Reprenant la parole, le Ministre du budget et de la planification nationale du Nigéria a insisté sur les efforts déployés dans son pays pour créer un plus grand espace fiscal et investir dans les ODD.  Il a déploré la volatilité des prix de l’énergie, notamment le pétrole, « hors de contrôle des pays producteurs » tels que le Nigéria, dont le pétrole est la principale source de recette fiscale.  Concernant le cadre de l’OCDE et son approche basée sur « deux piliers », le Ministre a expliqué que son pays ne l’accepte pas car lesdits piliers ne tiennent pas compte de potentielles répercussions négatives sur le Nigéria et d’autres pays.  « Les règles ne devraient pas empiéter sur notre capacité à légiférer et sur la Constitution nigériane », a-t-il conclu.

La modératrice a clos les débats en promouvant l’établissement d’un cadre permettant de répondre aux lacunes existantes concernant le recouvrement des avoirs et les chevauchements, et pour surmonter « les affres de la fragmentation » et les défis induits par les flux financiers illicites, dont les approches existantes n’ont pas permis d’entamer la vigueur.

Table ronde 4: Renforcement des investissements privés dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD)

M. NANO DANKWA AKUFO-ADDO, Président du Ghana, a déclaré à titre liminaire que remettre les pays sur la bonne voie en matière de développement durable nécessite plus que jamais de combler des lacunes en matière notamment de soins de santé et de connectivité numérique.  Les secousses mondiales ont rendu les ODD encore plus difficiles à atteindre, mais elles doivent renforcer notre volonté et ne pas nous accabler, a-t-il encouragé, estimant qu’elles doivent plutôt inciter à agir de manière intelligente et stratégique.  Le Président ghanéen a préconisé de faciliter la mobilisation des financements novateurs et durables du secteur privé, en mettant en concordance les opérations innovantes et autres projets verts des entreprises avec les ODD.  Exploiter les potentiels de chacun sera le moyen le plus sûr de ne laisser personne sur le bas-côté de la reprise, a-t-il affirmé. 

Les tendances sont toutefois peu prometteuses s’agissant du financement des ODD dans les pays les moins avancés (PMA), a estimé M. SOSTEN ALFRED GWENGWE, Ministre des finances et des affaires économiques du Malawi, en en déduisant la nécessité de redoubler d’efforts pour assurer la fourniture de biens de base aux populations de ces pays particulièrement vulnérables.  Il a suggéré de redynamiser les moteurs du développement et de rééquilibrer les financements, conformément à la lettre du Programme d’action de Doha, qui réaffirme qu’il faut investir dans les PMA et y renforcer l’assistance technique et les garanties d’assurance des investissements.  Tout le monde, pays partenaires, acteurs du service privé, institutions financières internationales, banques multilatérales et organisations citoyennes, devra mettre la main à la patte, a-t-il dit. 

M. NARANTSOGT SANJAA, Vice-Ministre des finances de la Mongolie, a résumé les progrès et les défis rencontrés par son pays dans la mise en œuvre des ODD.  Depuis 2015, le pays a pris de nombreuses mesures, a-t-il dit en citant d’abord la vision 2050 qui a été approuvée en 2020 par le Gouvernement.  Pour parvenir aux ODD d’ici à 2030, un plan de reprise -intégré dans la vision 2050- prend aussi en compte la pandémie et les difficultés économiques du moment.  Le nouveau programme de reprise mongol comprend 95 projets pour un budget de 95 milliards de dollars, a précisé le Vice-Ministre.  M. Sanjaa a jugé important de renforcer les investissements pour réaliser les ODD mais aussi pour surmonter les difficultés économiques actuelles.  Une loi sur les investissements privés va bientôt être votée, a-t-il annoncé, assurant que le Gouvernement fait de son mieux pour renforcer les intérêts des entrepreneurs en améliorent les mesures existantes.  Une banque de développement est en cours d’élaboration pour que les exportations aillent de l’avant, a-t-il signalé, disant aussi que les services publics mongols sont améliorés.  Si le Gouvernement mongol veut créer un climat propice aux investissements, les infrastructures publiques restent néanmoins confrontées aux mêmes problèmes que les autres pays en développement dus à des retards de paiement et à une dette qui pèse lourd.  M. Sanjaa a donc demandé à l’ECOSOC de collaborer avec les institutions financières et toutes les parties prenantes pour venir en aide à la Mongolie. 

M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD, Premier Vice-Président et Chef de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, a appelé à « sortir des sentiers battus ».  Il veut « accélérer », « changer de cap », passer des « milliards » aux « milliers de milliards ».  Les PMA sont pour l’instant sur une « pente savonneuse », les investissements publics souvent au point mort, a noté M. Blanchard qui ne pense pas que l’argent viendra du secteur public de sitôt.  « Il faut donc se tourner vers le secteur privé », a-t-il déduit.  Mais il faudra « être intelligent » pour interagir avec le secteur privé et « faire preuve de prudence », entre les organisations philanthropiques, qui jouent un rôle crucial, les « personnes qui envoient des fonds », les petites et moyennes entreprises et les « investisseurs institutionnels », comme la Caisse de dépôt et de placement du Québec que M. Blanchard représente.  M. Blanchard a par ailleurs jugé les institutions de Bretton Woods vieillissantes et inadaptées aux nouvelles échelles des sommes d’argent qui circulent: « elles ne permettent pas d’exploiter notre plein potentiel ».  Pour lui, la seule manière d’arriver à une échelle de « milliers de milliards », c’est de passer par des investisseurs institutionnels, a-t-il tranché. 

M. Blanchard a appelé à « réduire les risques réglementaires », à « aider davantage les projets les plus juteux ».  Il a aussi appelé à « réfléchir à un financement mixte qui fonctionnerait mieux ».  « Il faut revoir à la hausse, voir grand, penser grand », en prenant les financements mixtes plus au sérieux: pour M. Blanchard, le salut passera par eux. 

M. RODOLFO LAHOY JR, représentant de la société civile, est intervenu par vidéo, mais l’interprétariat a été interrompu en raison d’une mauvaise qualité du son.

Lors du débat interactif, M. Gwengwe, Ministre des finances et des affaires économiques du Malawi, a appelé le secteur public à se réformer en profondeur pour faciliter les investissements privés, comme cela est le cas au Malawi dans l’économie de l’extraction.  Efficacité et rapidité sont essentielles, a-t-il dit, ajoutant que dans le secteur agricole, il faut que l’État desserre ses contrôles sur les biens et laisse les activités et les investissements se développer de façon fluide.  S’agissant de la numérisation, il a estimé important de partager plus librement les informations auprès des investisseurs potentiels sur les spécificités des pays qui font appel à eux. 

Le représentant du Zimbabwe a appuyé les propos de l’intervenant du Malawi, ajoutant qu’en Afrique australe, l’industrie extractive fait déjà l’objet de luttes communautaires inquiétantes.  Toute exploitation partagée des ressources naturelles devra bénéficier aux communautés locales, a-t-il insisté. 

Les représentants de la société civile, dont Society For International Development, ont de nouveau formé le souhait que l’ONU concentre la prise de décisions fiscales mais aussi celles concernant les investissements directs étrangers venus du privé.  Il n’est plus possible de continuer avec des modèles commerciaux mondiaux non durables, a-t-il été répété.  Pour la société civile, il est temps de faire un premier bilan de ce que veut et peut faire le secteur privé dans la mise en œuvre des ODD, la voie suivie au cours de la décennie écoulée n’ayant été en rien novatrice puisque ce sont les marchés financiers qui ont gardé la main. 

Table ronde 5: Augmenter le financement concessionnel aligné sur les stratégies nationales de développement durable

M. IVÁN DUQUE MÁRQUEZ, Président de la Colombie, a indiqué que la Colombie a remis sur pied un système de soins d’urgence, mis en place un programme de vaccination massif, et un programme à l’intention des plus vulnérables atteignant 11 millions de ménages.  L’an dernier, le pays a connu 10,6% de croissance, a fait valoir le Président qui a dit tabler sur 5% cette année.  Sur le plan multilatéral, le Président a jugé urgent de recapitaliser la Banque interaméricaine de développement, « ainsi que différents fonds ».  Il s’est également adressé aux pays développés qui devraient, selon lui, s’atteler d’urgence à alléger la dette et à venir en aide aux pays en développement, sans quoi ces derniers ne pourront pas réunir les financements nécessaires pour s’adapter aux changements climatiques.  Il sera également fondamental de trouver des mécanismes budgétaires appropriés pour que les mécanismes destinés à l’action climatique ne soient pas mis en concurrence avec les mécanismes à plus court terme.  M. Duque a appelé tous les bailleurs de fonds à venir en aide aux pays en développement comme la Colombie, et les investisseurs institutionnels à faire des investissements « correspondant aux besoins de la population », comme des créations d’emplois. 

M. FRANCISCO ANDRÉ, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, a axé son intervention sur le financement accordé de façon concessionnelle aux PMA et aux pays en situation particulière comme les petits États insulaires en développement (PEID).  Comme mesure de soutien à ces pays, il a cité le « pacte lusophone » scellé entre le Portugal et plusieurs pays africains lusophones qui contribue à développer la réduction des risques de catastrophe.  Le Portugal s’intéresse aussi particulièrement à la question de l’indice de pauvreté multidimensionnelle et au danger climatique dans le processus de délivrance d’une aide financière concessionnelle.

M. ERIVALDO ALFREDO GOMES, Secrétaire aux affaires économiques internationales au sein du Ministère de l’économie du Brésil, a déploré une « inadéquation entre offre et demande ».  Avant la COVID-19, un grand nombre de pays étaient déjà peu résilients face aux secousses économiques, a-t-il rappelé.  Aujourd’hui, les économies se remettent sur pied tant bien que mal et, « patatras », elles subissent un nouveau un choc avec la guerre en Ukraine, qui entraîne une inflation galopante, une crise alimentaire et énergétique, et une crise des réfugiés.  Dans de telles conditions, des financements favorables pour les pays en développement sont absolument nécessaires, a-t-il fait remarquer en réclamant en outre des instruments novateurs.  Or les banques de développement optent parfois pour des stratégies ne correspondant pas aux besoins sur le terrain, a-t-il prévenu, d’où l’inadéquation déjà mentionnée.  Il a insisté sur l’importance de trouver des « outils novateurs » et de renforcer les capacités du secteur privé dans le monde en développement.  En 2018, l’OSCE estimait que 1 300 milliards de dollars d’investissements étaient nécessaires pour réaliser les ODD, a-t-il cité.  M. Gomes a aussi appelé à utiliser au mieux les plateformes de financement conjoint et les institutions de développement pour innover et générer des résultats concrets. 

Une solution recommandée par Mme TITTA MAJA, Directrice générale du Département de la politique de développement du Ministère des affaires étrangères de la Finlande, est de combiner les fonds publics et privés.  Cette optimisation des capitaux devrait à son avis contribuer de façon décisive à la mise en œuvre des ODD d’ici à 2030.  Elle a aussi appelé à créer des instruments de réduction des risques et des structures novatrices afin de faciliter l’investissement dans le développement par des bailleurs de fonds privés et de faciliter l’avènement d’un monde plus vert et égalitaire.  Les investissements devraient toujours être conformes aux critères de gouvernance environnementale agréés au plan mondial, a-t-elle souligné à cet égard. 

Il faut réorienter les flux privés vers le développement d’une économie décarbonisée et résiliente, y compris dans les pays les plus fragiles, a recommandé à son tour M. REMY RIOUX, Président du Club de financement du développement international, club qui regroupe plus de 500 membres du monde entier.  Nombre d’institutions financières nous accompagnent au plan régional pour avancer dans la mise en œuvre d’initiatives innovantes pour, entre autres, aligner les budgets sur les ODD, encourager l’excellence entrepreneuriale au plan local et aider les pays à surmonter la crise sanitaire et climatique.  Les ressources concessionnaires sont nécessaires pour les pays les plus endettés, a-t-il reconnu en souhaitant que l’ONU les aide à canaliser les fonds.  Il a espéré que la discussion sur ce point se poursuivra dans le cadre des réunions du G20. 

Mme CARMEN MADRIZ, Directrice générale par intérim du Département « Caraïbes » de la Banque interaméricaine de développement, a souligné l’importance d’adapter les approches, méthodes et outils de financement afin de répondre aux mieux aux besoins des pays, « qui sont aussi des clients et des marchés ».  Nous pouvons compter sur nos propres modèles commerciaux pour attirer des capitaux destinés à soutenir la réalisation des ODD, a-t-elle affirmé, assurant que c’est ainsi que les choses fonctionnent dans la région des Caraïbes, où les solutions appliquées et les enseignements tirés le sont collectivement.  L’assistance au développement doit être coordonnée et cadrée par des feuilles de route claires, a-t-elle ajouté. 

Abordant la question de la finance des actions en matière de climat, Mme MAMI MIZUTORI, Représentante spéciale du Secrétaire général pour la réduction des risques de catastrophe, a jugé important que tous les pays puissent investir dans ce domaine.  Face aux crises multiples et multidimensionnelles, qui font exploser les demandes de financement, Mme Mizutori a noté que les appels à davantage de collaboration entre bailleurs de fonds, secteur privé, acteurs institutionnels, ont bien été entendus.

La Thaïlande entend parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050, a indiqué la représentante de ce pays qui vise aussi l’objectif zéro émission de carbone d’ici à 2065.  Elle a invité tous les autres pays à suivre cette voie.  La feuille de route thaïlandaise a été conçue pour apporter une stabilité dans les investissements, une vision locale et à long terme du développement, ainsi que des « obligations ODD », révélatrices de la participation du secteur privé dans l’effort: obligations « vertes », obligations « stabilité », obligations « incidence sociale », par exemple, a-t-elle énuméré. 

Le représentant des Philippines a appelé à se diriger vers des efforts de redressement plus durables et coordonnés pour que personne ne soit laissé pour compte.  Il a fait appel aux partenaires de développement pour lutter contre la perte de biodiversité et les changements climatiques, et espéré poursuivre sur la voie d’une collaboration étroite tracée durant la pandémie.

Le représentant de la Colombie, au nom d’un groupe de pays à revenu intermédiaire, a remarqué que l’aide au financement joue un rôle crucial pour riposter contre les changements climatiques et la perte de biodiversité.  La réunion qui sera prochainement organisée par le Secrétaire général pour traiter des lacunes dans ces pays quant à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 est attendue avec impatience, a-t-il dit.  Parmi les obstacles à surmonter, le représentant colombien a déploré une augmentation des prix des produits de base et des médicaments.  Pour mieux aider les pays à revenu intermédiaire, il a appelé à adopter des instruments de mesures allant au-delà du PIB dans la définition de critères d’éligibilité pour des accès aux financements.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.