Conseil de sécurité: les Grands Lacs connaissent une dynamique encourageante malgré l’insécurité à l’est de la RDC, estime l’Envoyé spécial dans la région
Le Conseil de sécurité a entendu aujourd’hui l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs qui a fait état d’une dynamique encourageante de dialogue, de coopération et d’intégration, et plus généralement d’une volonté continue de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité.
Six mois après son dernier exposé devant le Conseil, M. Huang Xia, qui présentait le dernier rapport en date du Secrétaire général portant sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région, a toutefois déploré que cette dynamique positive ait été perturbée par la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC, exacerbée par la reprise des activités militaires du Mouvement du 23 mars (M23) durant le dernier trimestre de l’an dernier. Pour l’Envoyé spécial, cette situation est d’autant plus déplorable qu’elle intervient près de 10 ans après la signature des Déclarations de Nairobi de décembre 2013 par le Gouvernement de la RDC et les rebelles du M23, dans lesquelles ce groupe armé, défait militairement, s’était engagé à ne plus reprendre les armes.
L’inquiétude de nombreux membres du Conseil a été renforcée par les déclarations d’un expert indépendant, M. Dinesh Mahtani, qui a expliqué que les conflits qui se déroulent aujourd’hui dans les Grands Lacs sont de plus en plus liés à des dynamiques venues d’autres parties du continent africain et sont en outre susceptibles de servir de terrain d’entrainement pour des insurgés ou des terroristes qui pourraient ensuite rentrer aguerris dans leur pays d’origine et y constituer une menace pour la sécurité.
Ces propos ont été illustrés par le représentant du Burundi, qui a affirmé que le groupe RED-Tabara, né après le coup d’état manqué de 2015 au Burundi et basé dans l’est de la RDC, collabore avec d’autres groupes terroristes, dont les Forces démocratiques alliées (ADF) et constitue une menace pour la paix dans toute la région.
En dépit de cette fragilité sur le plan sécuritaire, l’Envoyé spécial s’est dit convaincu qu’il est encore possible de consolider les acquis importants enregistrés à ce jour dans la région et d’avancer progressivement vers une paix durable. Il faut toutefois pour cela que des efforts soient fournis au moins à trois niveaux, a expliqué M. Xia.
Le premier niveau demeure l’urgence d’une coopération accrue en matière de sécurité, illustrée, entre autres, par les opérations conjointes de la RDC et de l’Ouganda, le mémorandum d’entente entre le Burundi et la RDC pour relever les défis sécuritaires à leur frontière commune ou encore les consultations régulières entre les chefs des services de renseignement des pays de la région. Au nom des trois membres africains du Conseil (A3), le Kenya a, lors de la discussion, salué les résultats fructueux du second conclave régional des chefs d’État sur la RDC, tenu à Nairobi le 21 avril dernier, avant de rappeler que, pour les dirigeants de la région, tous les groupes armés en RDC avaient désormais un choix clair à faire entre un désarmement pacifique ou la confrontation avec les armées des pays concernés. Le Kenya a en outre souhaité le soutien du Conseil de sécurité à cette initiative régionale audacieuse.
Pour M. Xi, le deuxième niveau d’action repose sur un dialogue direct et permanent au plus haut niveau entre les dirigeants de la région, afin d’apaiser les tensions et de renforcer la confiance.
Quant au troisième, il est celui de l’appui continu de la communauté internationale à la région. L’Envoyé spécial a donc appelé les membres du Conseil de sécurité, ainsi que les membres du Groupe international de contact sur la région, à accompagner les efforts de dialogue régional. Il a, quant à lui, annoncé son intention de poursuivre, en collaboration étroite avec les autres institutions garantes de l’Accord-cadre, ses démarches de bons offices en appui aux efforts diplomatiques visant à l’amélioration des relations de bon voisinage entre les pays des Grands Lacs.
Il ne suffit pas de faire face à la situation sécuritaire, il faut aussi mettre l’accent sur la promotion de la coopération économique en facilitant la liberté de déplacement des biens et des personnes, a plaidé le Rwanda. À ce propos, les A3 ont rappelé que la pauvreté était à la fois une cause profonde et une conséquence des conflits dans la région. Pour eux, l’exploitation illégale, la concurrence et l’exportation des ressources naturelles, y compris par les acteurs internationaux et les groupes armés, doivent être résolus afin que ces ressources soient une bénédiction et non plus une malédiction.
En ce sens, l’Envoyé spécial a dit vouloir promouvoir une meilleure appropriation nationale et régionale de l’Initiative régionale sur les ressources naturelles, soutenue par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Le Secrétaire exécutif de celle-ci, M. João Samuel Caholo, a promis qu’elle veillerait à ce que les groupes armés ne soient pas financés par l’exploitation des ressources minières ou naturelles. La plupart des membres du Conseil ont également insisté sur le renforcement de la participation des femmes pour promouvoir une paix durable dans la région, et soutenu la récente création d’un réseau régional de femmes entrepreneurs.
Par ailleurs, l’Envoyé spécial a assuré que son Bureau continuera à soutenir les efforts des pays de la région en matière de lutte contre l’impunité et de promotion des droits humains. Dans ce domaine, le Burundi a assuré le Conseil de sa volonté de continuer les réformes en matière de justice, y compris transitionnelle. La RDC a, pour sa part, dit poursuivre les réformes du système de défense et de sécurité́ pour neutraliser les forces négatives. Pour combattre l’impunité, les États-Unis se sont dits déterminés à travailler avec d’autres États Membres pour faire un usage vigoureux du régime de sanctions prévu par la résolution 1533 du Conseil de sécurité. La Chine a elle aussi insisté sur l’importance de contrer les activités illicites d’exploitation des ressources naturelles, mais a souhaité que soit évitée toute utilisation à mauvais escient des mesures coercitives du Conseil.
LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS
Déclarations
M. HUANG XIA, Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, a présenté le dernier rapport du Secrétaire général portant sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région. Il a indiqué que depuis sa dernière intervention devant le Conseil, le 20 octobre 2021, la situation dans la région avait été caractérisée par une dynamique encourageante de dialogue, de coopération et d’intégration, et globalement par une volonté continue de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité.
L’Envoyé spécial a toutefois déploré que cette dynamique positive ait été perturbée par la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC, exacerbée par la reprise des activités militaires du Mouvement du 23 mars (M23) au dernier trimestre de l’année dernière, avec l’attaque de plusieurs positions des forces armées de la RDC (FARDC). Cette situation est d’autant plus déplorable qu’elle intervient près de 10 ans après la signature des Déclarations de Nairobi de décembre 2013 par le Gouvernement de la RDC et les rebelles du M23, dans lesquelles ce groupe armé, défait militairement, s’était engagé à ne plus reprendre les armes. M. Xia a appelé le groupe armé à déposer les armes, soulignant que les populations de l’est de la RDC n’avaient que trop souffert et la région ne pouvait s’autoriser une énième crise. M. Xia a en particulier déploré le fait que les Forces démocratiques alliées (ADF) et d’autres groupes armés locaux continuent de commettre des atrocités contre les populations civiles. Pour parvenir à leurs fins macabres, les ADF semblent toujours bénéficier d’un réseau de recrutements dans la région, voire au-delà, comme l’ont confirmé les récentes arrestations effectuées lors des opérations conjointes de la RDC et de l’Ouganda.
Tout cela vient nous rappeler combien la paix dans l’est de la RDC demeure encore extrêmement fragile et combien nous devons encore redoubler d’efforts collectivement pour parvenir à une région totalement débarrassée des affres de la guerre, a constaté l’Envoyé spécial. En dépit de cette fragilité, il s’est dit convaincu qu’il est encore possible de consolider les acquis importants enregistrés à ce jour dans la région et d’avancer progressivement vers une paix durable.
Encore faut-il, pour cela, que des efforts soient fournis au moins à trois niveaux, a expliqué M. Xia.
Le premier niveau demeure l’urgence d’une coopération accrue en matière de sécurité, illustrée, entre autres, par les opérations conjointes de la RDC et de l’Ouganda, le mémorandum d’entente entre le Burundi et la RDC pour relever les défis sécuritaires à leur frontière commune ou encore les consultations régulières entre les chefs des services de renseignement des pays de la région.
Le second niveau repose sur un dialogue direct et permanent au plus haut niveau entre les dirigeants de la région afin d’apaiser les tensions et de renforcer la confiance. À ce propos, l’Envoyé spécial a salué la normalisation des relations entre le Rwanda et l’Ouganda, marquée notamment par la réouverture de la frontière commune, et celle des relations entre le Burundi et le Rwanda. Il a félicité les chefs d’État de la région pour la consolidation de cette tendance encourageante, avant de rendre hommage au leadership du Président Kenyatta qui, à deux reprises au cours de ce mois d’avril, a accueilli à Nairobi ses pairs de la région au cours de deux sommets importants consacrés aux défis sécuritaires qui persistent dans l’est de la RDC.
Le troisième niveau d’action est celui de l’appui continu de la communauté internationale à la région. Dans ce contexte, M. Xia a appelé les membres du Conseil de sécurité, ainsi que les membres du Groupe international de contact sur la région, à accompagner les efforts de dialogue régional.
M. Xia a ensuite présenté le programme qu’il entend suivre dans les prochains mois. Il compte ainsi poursuivre, en collaboration étroite avec les autres institutions garantes de l’Accord-cadre, les démarches de bons offices en appui aux efforts diplomatiques visant à l’amélioration des relations de bon voisinage entre les pays de la région. Ensuite, il envisage, toujours aux côtés des autres institutions garantes de l’Accord-cadre et avec l’appui de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), d’apporter tout le soutien nécessaire au déploiement effectif de la cellule opérationnelle du Groupe de contact et de coordination sur les mesures non militaires. En collaboration avec la MONUSCO, son Bureau va également continuer à apporter un appui technique et logistique au processus de paix de Nairobi. Si nécessaire, il contribuera aussi aux efforts de rapatriement des combattants désarmés du M23 et ceux des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). L’Envoyé spécial entend aussi promouvoir une meilleure appropriation nationale et régionale de l’Initiative régionale sur les ressources naturelles.
Par ailleurs, dans le cadre des efforts de promotion de l’autonomisation économique des femmes comme stratégie pour la consolidation de la paix, le Bureau de l’Envoyé spécial, en partenariat avec le Forum du secteur privé de la CIRGL, ONU-Femmes et la Commission économique pour l’Afrique, avait cofacilité le lancement, en décembre 2021, du réseau des femmes entrepreneurs des Grands Lacs. M. Xia a promis de maintenir un dialogue suivi avec les institutions régionales sur les politiques de genre et poursuivre l’accompagnement de ce réseau afin qu’il puisse saisir les opportunités des dynamiques d’intégration régionale en cours, notamment de l’élargissement de la Communauté d’Afrique de l’Est à la RDC.
Tant que l’impunité qui alimente le cycle de violence et qui favorise le recrutement par les groupes armés prévaudra, il sera difficile de rétablir la confiance entre les populations et les gouvernements, a toutefois constaté l’Envoyé spécial. C’est pourquoi son Bureau continuera à soutenir les efforts des pays de la région en matière de lutte contre l’impunité et de promotion des droits humains.
M. JOÃO SAMUEL CAHOLO, Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), s’est particulièrement inquiété des conséquences des activités de groupes armés non-étatiques dans la région des Grands Lacs, en particulier en RDC, au Soudan du Sud et en République centrafricaine. Il a dit que la RDC fait face à une recrudescence d’attaques de la part de groupes armées et de groupes terroristes islamistes qui terrorisent les civils et pillent des villages, notamment dans l’est du pays. Parmi ces groupes armés il a cité les Forces démocratiques alliées (ADF), , la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), la Force de résistance patriotique d’Ituri (FRPI) ou encore le Mouvement du 23 mars (M23).
Il a précisé que le Président de la RDC a déclaré un état de siège en Ituri et au Nord Kivu qui est examiné tous les 15 jours par le Parlement. Tout en se félicitant que les FARDC, avec le soutien de la MONUSCO, aient repris le contrôle de plusieurs villages, il a regretté la persistance de violences, avec une présence préoccupante du M23 au Nord Kivu. Il a indiqué que le 1er avril, le groupe a annoncé un cessez-le feu sur la ligne de front. Face à cette situation, il a exhorté le Conseil de sécurité à appuyer les efforts régionaux et à aider les FARDC à protéger des vies innocentes. Il a également indiqué que la CIRGL veillera à ce que les groupes armés ne soient pas financés par l’exploitation des ressources minières ou naturelles.
S’agissant de la RCA, il a regretté que la Feuille de route conjointe pour la paix ne soit pas respectée et que se multiplient les incidents violents. Il a exhorté les pays concernés à veiller à la bonne mise en œuvre du processus de paix et de la feuille de route. Pour ce qui est du Soudan du Sud, il a cité la montée des tensions en mars qui se sont traduits par des accrochages entre le Mouvement/l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition et les forces armées gouvernementales. Il a appelé le Conseil de sécurité à redoubler d’efforts pour pousser les parties à respecter l’accord de paix. M. Caholo a également touché mot de la situation en République du Soudan, saluant notamment la signature de l’Accord de paix de Djouba.
La couverture de cette intervention, faite en visioconférence, a été entravée par des problèmes de transmission.
M. DINESH MAHTANI, expert indépendant de la région des Grands Lacs, a constaté que la réunion d’aujourd’hui fait suite à des développements préoccupants sur place. Ces dernières semaines, le M23, qui a fui l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et s’était rendu aux autorités ougandaises et rwandaises en 2013, est réapparu dans la province du Nord-Kivu, faisant resurgir le spectre d’une crise sécuritaire régionale. Les Forces démocratiques alliées (ADF), réapparues depuis 2013 et responsables de massacres ciblés ou aveugles contre des civils également dans le Nord-Kivu, ont, entre-temps, trouvé un nouvel allié, l’État islamique, qui a salué les attentats-suicides perpétrés par les ADF à Kampala l’an dernier, incitant du coup l’armée ougandaise à se déployer dans le Nord-Kivu avec l’approbation de Kinshasa.
Par le passé, l’insécurité dans les Grands Lacs était largement confinée à la région elle-même, a souligné l’expert. Cependant, les conflits qui s’y déroulent sont aujourd’hui de plus en plus liés à la dynamique d’autres parties du continent africain. « On sait maintenant, par exemple, qu’un certain nombre d’insurgés mozambicains sont venus s’entraîner dans les camps des ADF juste au moment où l’insurrection à Cabo Delgado a commencé à se manifester en 2017. Ils ont voyagé par voie terrestre du Mozambique à l’est de la RDC, en passant par la Tanzanie et le Burundi, traversant la province du Sud-Kivu de la RDC avant de se rendre dans le Nord-Kivu. Là, dans les camps des ADF, ils ont appris les tactiques de combat, transmettant cette expertise et cette formation à leurs compagnons insurgés lorsqu’ils sont retournés au Mozambique. À peu près à la même époque, de jeunes radicaux en provenance du Kenya et de la Tanzanie, y compris d’anciens éléments du groupe terroriste somalien Chebab, ont également commencé à migrer vers l’ouest en direction des camps de l’ADF dans l’est de la RDC, tandis que de nombreux autres se sont dirigés vers le sud pour rejoindre l’insurrection au Mozambique, dont l’État islamique se réclame également.
« Ces Africains de l’Est qui se sont retrouvés au Congo et au Mozambique ne sont que quelques-uns des jeunes hommes que l’État islamique pourrait chercher à soutenir par un financement continu, avec des transferts d’argent provenant de l’étranger, notamment d’Afrique du Sud », a expliqué l’expert. Radicalisés encore davantage par leur expérience du champ de bataille en RDC et au Mozambique, ils sont susceptibles de constituer une menace pour la sécurité de leur pays d’origine s’ils y retournent un jour, a-t-il mis en garde. Il n’est donc pas étonnant que les gouvernements d’Afrique de l’Est soient inquiets: ils n’ont pas seulement à faire face aux Chabab, une filiale d’Al-Qaida, mais à l’État islamique, qui cherche également à renforcer sa présence sur leur sol.
Dans ce contexte, l’insécurité dans l’est de la RDC, alimentée par la présence de dizaines de groupes armés locaux et étrangers éparpillés de la province de l’Ituri jusqu’à celle du Tanganyika, prend un nouveau sens, a poursuivi M. Mathani. Parallèlement à la poursuite de leurs propres objectifs –s’emparer de territoires, piller les ressources naturelles locales, attaquer les forces de sécurité et terroriser les civils– ces groupes armés sont désormais les agents et les collaborateurs de criminels et de djihadistes qui cherchent à renforcer leur influence dans l’est de la RDC.
C’est en partie pour ces raisons que les gouvernements des Grands Lacs et de l’Afrique de l’Est ont maintenant accepté de lancer des opérations militaires conjointes contre les groupes armés en RDC, a relevé l’expert. L’idée d’une force conjointe, approuvée par les dirigeants régionaux à Nairobi, la capitale du Kenya, peut au moins être interprétée comme une expression vigoureuse de la part de la RDC et de ses voisins pour instaurer enfin la sécurité dans l’est de la RDC et, ce faisant, « supprimer le terrain de jeu des djihadistes », même si la victoire est loin d’être acquise.
D’autres opérations militaires en RDC, sous la forme de la force conjointe proposée, sont maintenant sur la table, mais elles présentent des risques importants, a analysé M. Mathani. Pour commencer, de nombreux groupes armés que les gouvernements régionaux proposent d’attaquer dans l’est de la RDC ont parfois été les mandataires de ces mêmes gouvernements régionaux les uns contre les autres. La confiance entre deux des voisins de la RDC dans la région des Grands Lacs a été ébranlée ces dernières années et, malgré les signes d’un récent réchauffement des liens entre eux, il n’est pas certain que cette solidarité puisse être maintenue si les parties sont, dans l’est de la RDC, replongées dans une situation « où elles ne sont pas totalement sûres des motivations de l’autre ». L’expert a affirmé que des responsables de ces deux pays lui ont régulièrement fait part de leur conviction que leurs homologues de l’autre côté de la frontière sont en fait impliqués dans le soutien au M23 ou aux ADF.
Outre le déficit de confiance régional, il existe de sérieux défis à la mise en œuvre d’une force conjointe, a fait observer l’expert, qui a posé de multiples questions: Comment une telle mission, composée d’États d’Afrique de l’Est, dont l’Ouganda, pourrait-elle s’intégrer à la mission existante de l’Ouganda au Nord-Kivu? Comment s’installerait-elle également à côté de la Brigade d’intervention de la force de la MONUSCO, qui est également composée en partie de troupes kenyanes ? Même si toutes ces forces pouvaient exercer la pression nécessaire et coordonnée sur les groupes armés congolais et les pousser à se rendre, l’institution nationale qui gère le désarmement en RDC dispose-t-elle de ressources suffisantes pour mettre en œuvre une démobilisation et une réintégration en douceur des différentes factions armées au sein de la société ? Et qu’adviendra-t-il des membres des groupes armés étrangers qui se rendent ou sont faits prisonniers ?
Alors que l’utilisation de la force devrait éventuellement constituer une composante importante de tout exercice visant à neutraliser les groupes armés, il est crucial que les parties intéressées œuvrent de concert à mettre en œuvre la stratégie de la RDC sur la démobilisation des groupes armés et à consolider la confiance entre les voisins de la RDC. Sans cela, une intervention militaire étrangère pourrait simplement créer une cascade de problèmes sur le terrain, auxquels Kinshasa pourrait avoir du mal à faire face, a prévenu M. Mathani. En attendant, le démantèlement des groupes armés et terroristes pourrait être mieux réalisé si la région renforçait le partage des renseignements et les partenariats entre forces de police afin de mieux contrôler les frontières, les réseaux de recrutement et les mouvements des combattants, les financements occultes et le soutien matériel, a-t-il conclu.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a indiqué que le dialogue entre les États de la région devait prévaloir pour répondre aux menaces sécuritaires. La reprise des armes par le M23 constitue un risque majeur de déstabilisation pour la région, qui est déjà en proie aux attaques contre les civils et les forces de sécurité perpétrées par de nombreux groupes armés, dont les Forces démocratiques alliées (ADF) et la CODECO. Pour la représentante, il importe que toute initiative militaire régionale tienne compte des actions de la MONUSCO et de son mandat. De même, alors que la Mission a subi de lourdes pertes, la sécurité de ses casques bleus doit être assurée. Il importe aussi de relancer le rapatriement des anciens combattants, notamment ceux du M23, et le programme désarmement-démobilisation-réintégration doit être mis en œuvre dans les plus brefs délais au niveau des provinces.
Pour la France, il est également important de continuer à traiter les causes profondes des conflits, notamment l’élimination des tensions par des voies politiques et diplomatiques. De même, la coopération régionale doit promouvoir la bonne gestion des ressources naturelles. En outre, Mme Broadhurst a déclaré que l’égalité des droits des femmes et la parité dans la vie politique étaient des objectifs prioritaires, saluant l’établissement d’un réseau de femmes-entrepreneurs dans la région.
Au Burundi, des progrès ont eu lieu en termes de gouvernance et d’état de droit, a estimé Broadhurst, qui a rappelé que ces premiers gestes avaient conduit l’Union européenne à lever les restrictions financières pesant sur le pays. Enfin, la représentant a appelé à poursuivre la mise en œuvre de l’ensemble des objectifs de la Stratégie régionale des Nations Unies, notamment en ce qui concerne les questions de santé, étant donné que le virus Ébola vient de ressurgir en RDC et que la COVID-19 continue de sévir. La France soutient le développement d’une stratégie régionale pour répondre à l’impact socioéconomique des épidémies, a-t-elle ajouté, promettant que l’Union européenne continuerait de soutenir la lutte contre l’impunité et la réconciliation dans la région.
M. CÍCERO TOBIAS DE OLIVEIRA FREITAS (Brésil) s’est particulièrement inquiété de la situation sécuritaire, notamment la menace posée par les groupes armés dans les pays de la région des Grands Lacs. Il a souligné les événements tragiques intervenus en Ituri (RDC) le 5 avril dernier avant de condamner toutes les attaques et provocations contre la MONUSCO. Afin de protéger les acquis du processus de paix, il a jugé impératif d’accélérer la mise en œuvre du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration (DDR). Il faut également s’assurer que les anciens combattants, les femmes et les jeunes aient accès à des opportunités économiques qui leur fournissent les outils pour améliorer leurs conditions de vie dans la période postpandémique, a-t-il ajouté. Dans cet esprit, il a salué la pertinence de la Stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix et la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs pour la période 2020-2030, jugeant que celle-ci apporte cohérence et exhaustivité aux initiatives de consolidation de la paix. Mettant l’accent sur l’appropriation locale pour parvenir à une paix et à une prospérité durables dans la région, le représentant a salué le rôle moteur et constructif joué par la CIRGL et le Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC. Il a aussi salué l’admission de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) à la fin du mois de mars, en estimant que cette adhésion ouvre une nouvelle voie pour renforcer la coopération régionale.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est félicitée de la signature de plusieurs accords bilatéraux entre les États de la région, de la réouverture complète, le 7 mars, de la frontière Gatuna/Katuna entre le Rwanda et l’Ouganda et de l’échange de visites entre les dirigeants et les hauts fonctionnaires de la région, tous des faits qu’elle a considérés comme des mesures positives. Un autre développement important, selon elle, est l’admission de la RDC dans la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).
Cependant, a-t-elle mis en garde, malgré le rapprochement en cours entre les États de la région, les causes profondes des conflits sont trop complexes pour être considérées comme résolues et les défis trop profonds. La situation sécuritaire reste volatile, avec une hausse des incidents transfrontaliers et des affrontements continus à l’intérieur des pays. Les ADF et la CODECO ont multiplié les attaques contre les civils dans l’est de la RDC, malgré l’état de siège et les opérations militaires conjointes. « Le retour meurtrier du M23, ainsi que les attaques enregistrées en Ouganda et au Burundi, exigent une attention régionale accrue », s’est alarmée la représentante.
Dans ce contexte, l’Albanie estime qu’aucun règlement militaire ne peut à lui seul résoudre les problèmes sécuritaires dans la région. Nos efforts doivent également être axés sur les besoins des populations locales, au-delà de la sécurité et du contrôle territorial, a estimé Mme Dautllari. Pour s’attaquer à la courbe persistante des conflits, il est de la plus haute importance « d’éteindre le feu qui continue de brûler », en premier lieu l’exploitation illégale et le trafic des ressources naturelles. Ce phénomène a un effet multiplicateur, en alimentant la prolifération des armes et le financement des groupes armés. Si la représentante s’est félicitée que les Ministres des Mines aient examiné les recommandations formulées à Khartoum, elle a jugé impératif de les mettre en œuvre rapidement pour mettre fin aux souffrances des populations causées par l’utilisation abusive des ressources naturelles. « Au contraire, les ressources naturelles peuvent et doivent être une force de changement », a-t-elle ajouté.
M. MARTIN KIMANI (Kenya), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya)a noté qu’avec la RDC qui a rejoint officiellement la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), cette dernière comptera 300 millions d’habitants, et ses 7 États membres continuent d’entreprendre l’un des exercices les plus poussés d’intégration du commerce, de l’investissement, de la libre-circulation des personnes et, en définitive, de la fédération politique. Il s’est félicité des résultats fructueux du second conclave régional des chefs d’État sur la RDC à Nairobi le 21 avril dernier. Le conclave, a-t-il expliqué, a convenu d’une initiative à deux volets pour appuyer la sécurité et la stabilité dans l’est de la RDC: entamer un processus politique sous la direction du Président Uhuru Kenyatta pour faciliter les consultations entre la RDC et les groupes armés dans le pays; et accélérer la mise en place d’une force régionale sous la direction de la RDC, pour aider à contenir et, le cas échéant, combattre les forces négatives. Les dirigeants de la région ont également appelé tous les groupes armés en RDC à participer de manière inconditionnelle au processus politique pour résoudre leurs griefs. À défaut de le faire, ces groupes armés congolais seraient considérés comme des forces négatives et combattus militairement par la région. Les dirigeants de la région ont aussi appelé tous les groupes armés étrangers en RDC à désarmer et retourner sans condition et immédiatement dans leur pays d’origine, au risque de se voir opposer une action militaire. Le représentant a ensuite appelé le Conseil de sécurité à soutenir cette initiative régionale audacieuse.
Le délégué a en outre appelé la communauté internationale à soutenir un désarmement adapté au contexte, qui comprenne notamment le désengagement et la réintégration des anciens combattants des groupes qui utilisent des idéologies et des méthodes terroristes dans leurs opérations. Sur le plan économique, il a relevé que la pauvreté est à la fois une cause profonde et une conséquence des conflits dans la région des Grands Lacs. L’exploitation illégale, la concurrence et l’exportation des ressources naturelles, y compris par les acteurs internationaux et les groupes armés, doivent être résolues afin que ces ressources soient une bénédiction et non plus une malédiction, a-t-il appuyé.
M. JUN ZHANG (Chine) s’est inquiété de la recrudescence des violences et des activités des groupes armés dans l’est de la RDC. « Pour régler les questions régionales il faut accroître la coopération régionale » a insisté le représentant, avant de saluer les efforts de normalisation de la situation entre l’Ouganda et le Rwanda d’une part et le Rwanda et le Burundi d’autre part. Il a également salué la tenue à Kinshasa en février du dixième sommet du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération à Kinshasa.
Le délégué a exhorté la communauté internationale à respecter le rôle de chef de file des pays et organisations de la région en rappelant que les pays de la région étaient interdépendants en termes de sécurité. Il a donc appelé à accorder une solution accrue aux solutions non militaires et à extirper la pauvreté des communautés locales. Il a, en particulier, appelé à contrer les activités illicites d’exploitation des ressources naturelles, tout en évitant que les mesures coercitives du Conseil de sécurité ne soient utilisées à mauvais escient.
Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande)a considéré que l’adhésion de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) est une étape importante en termes d’intégration économique régionale et de coopération, la stabilité régionale dépendant de celle dans l’est de la RDC. Or, la situation sécuritaire dans cette région reste fragile et l’on constate une augmentation des activités des groupes armés, y compris des attaques contre des civils, s’est-elle inquiétée. Pour la représentante, les opérations militaires conjointes menées actuellement par la RDC et l’Ouganda doivent l’être dans le respect des obligations découlant du droit international. Mais les défis auxquels la région est confrontée ne peuvent être relevés uniquement par des moyens militaires, a-t-elle relevé. Elle a donc jugé essentiel d’adopter une approche cohérente pour s’attaquer aux causes profondes et aux moteurs du conflit. La participation significative des femmes aux efforts de consolidation de la paix est également essentielle et il est positif de voir un engagement envers le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, a ajouté la représentante.
M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) a demandé à la communauté internationale d’encourager les dernières évolutions positives survenues dans la région des Grands Lacs. Il a salué la détermination des dirigeants de la région à remplir les engagements relatifs à l’Accord-cadre de 2013, notamment la mise en œuvre d’un plan visant à éliminer la menace des groupes armés par des mesures à la fois militaires et non militaires. Le représentant s’est également félicité du conclave sur la RDC tenu le 21 avril à Nairobi, qui a conduit à l’adoption d’une approche à deux volets pour la sécurité et le processus politique visant à assurer une paix durable dans la région. Il a appelé tous les groupes armés à désarmer et à respecter les conditions posées pour le dialogue. Les activités de groupes armés tels que les Forces démocratiques alliées (ADF) et le M23 sont préoccupantes et doivent être traitées avec fermeté, a-t-il ajouté.
Le délégué a dit sa préoccupation face à la multiplication des attentats terroristes dans la région ces derniers mois, notamment en Ouganda et en RDC. Selon lui, les liens des groupes armés dans la région avec les groupes terroristes en dehors de la région doivent être surveillés en permanence et étouffés dans l’œuf. Il a ensuite constaté que l’exploitation illégale, le trafic et le commerce illicite des ressources naturelles avaient exacerbé le conflit armé dans la région des Grands Lacs. C’est pourquoi il a appelé à améliorer les processus de traçabilité et de certification des ressources naturelles, notamment l’or, compte tenu de ses liens avec le financement des groupes armés. Il a enfin salué les efforts visant à accroître la participation des femmes et des jeunes dans les processus politiques et la consolidation de la paix dans la région.
Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) s’est félicitée de la normalisation en cours des relations entre le Rwanda et l’Ouganda, qui s’est traduite par la réouverture du poste frontière de Gatuna/Katuna. Pour elle, l’autonomisation économique de la région reste un facteur clef pour la consolidation de la paix. C’est pourquoi, elle a salué les efforts de la communauté internationale pour promouvoir la croissance et le développement économique.
Compte tenu du rôle accru des femmes dans l’avènement de sociétés pacifiques et prospères, la déléguée a souligné l’importance de garantir leur participation pleine et entière dans les domaines économiques et sociaux. Elle a estimé que la création d’un réseau de « femmes entrepreneurs » de la région des Grands Lacs était un exemple concret de la détermination de la région à atteindre cet objectif de promotion des femmes et de leur rôle.
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a salué les mesures prises dans la région des Grands Lacs en vue d’une intégration économique régionale et a pris note favorablement de l’admission de la République démocratique du Congo dans la Communauté d’Afrique de l’Est. Le représentant s’est dit encouragé par la création d’un groupe de contact et de coordination pour faire face aux groupes armés dans l’est de la RDC par des moyens non militaires. Mais il s’est dit préoccupé par la poursuite des violences intercommunautaires et la hausse des activités des groupes armés.
Les États-Unis sont déterminés à travailler avec d’autres États membres pour faire un usage vigoureux du régime de sanctions prévu par la résolution 1533 du Conseil de sécurité, a affirmé M. Mills. Le représentant a insisté sur la nécessité de rendre des comptes pour mettre fin à l’impunité de ceux qui alimentent les conflits en RDC et dans la région des Grands Lacs. À cet égard, les États-Unis jugent la coopération entre la MONUSCO et le Bureau de l’Envoyé spécial pour les Grands Lacs très importante pour identifier et mettre en œuvre des solutions politiques qui endigueront le flux d’éléments armés, d’armes et de ressources naturelles qui menacent la paix et la stabilité de la RDC.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a relevé qu’en plus de l’insécurité, les graves violations et atteintes aux droits humains, commis par des acteurs non étatiques et étatiques dans l’est de la RDC, sont également en augmentation. Un dénominateur commun derrière ces développements négatifs est la rivalité liée aux ressources naturelles, a-t-elle constaté. Pour réduire la menace qui pèse sur les civils, y compris les enfants, elle a appelé à s’attaquer aux causes profondes de ce conflit. Les mesures militaires doivent s’accompagner d’un dialogue politique concerté, d’efforts de consolidation de la paix et de projets visant à promouvoir le développement économique et social. Cela doit se faire autant en RDC que dans le reste des Grands Lacs, a-t-elle ajouté. De plus, la participation des femmes est essentielle pour promouvoir une paix durable dans la région. Elle a salué le travail des acteurs régionaux pour assurer aux femmes la pleine et égale participation aux processus de paix et aux activités politiques.
M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a noté avec préoccupation l’activité accrue des groupes armés tels que les ADF, la CODECO et le M23, dans les provinces orientales de la RDC, en plus des incursions et incidents transfrontaliers. Il a condamné les violences qui se sont produites ces dernières semaines, en particulier l’attaque contre le personnel de la MONUSCO, au cours de laquelle un membre de la Mission a été tué. « Les attaques délibérées contre le personnel de maintien de la paix constituent des crimes de guerre » a-t-il rappelé, avant d’appeler à enquêter sur cette situation, ainsi que sur le crash d’un hélicoptère dans la région de Rutshuru, qui a causé la mort de huit personnes.
Le représentant a estimé que, malgré des mesures extraordinaires comme l’imposition au Kivu de l’état de siège depuis bientôt un an, la recrudescence de la violence montre qu’il n’existe pas de solution purement militaire. C’est pourquoi il est important de s’attaquer aux causes profondes de la violence, y compris les discours de haine qui génèrent des tensions intercommunautaires, a-t-il plaidé. Il a appelé également à accorder la priorité à la mise en œuvre des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration dans la région et à d’autres mesures, non militaires, qui favorisent la création d’opportunités économiques pour la population.
Enfin, M. Gomez a appelé à renforcer la coopération judiciaire entre les pays de la région. Il a mis l’accent sur la lutte contre l’impunité pour des crimes tels que l’exploitation et le trafic illicite des ressources naturelles, ainsi que le transfert irresponsable d’armes légères et de petit calibre, en rappelant que ces deux phénomènes entretiennent matériellement les cycles de violence et représentent un obstacle au développement de la région.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a constaté qu’en dépit de l’opération militaire conjointe menée par les armées congolaise et ougandaise et les efforts des Casques bleus de la MONUSCO, une hausse de l’activité des groupes armés illégaux dans l’est de la RDC reste d’actualité. La normalisation à long terme en RDC ne peut être atteinte uniquement par des moyens militaires, a-t-elle souligné. Tous les efforts doivent être déployés pour améliorer la situation socioéconomique de la région, mettre en œuvre efficacement les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants et faire progresser les processus de réconciliation nationale. Mais l’exploitation illégale des ressources naturelles, utilisées par les militants pour financer leurs activités et améliorer leurs capacités de combat, reste également un problème aigu, a noté la représentante.
Dans l’ensemble, la déléguée a considéré comme positive la dynamique du dialogue entre les pays de la région des Grands Lacs et leur volonté de développer une coopération pratique pour stabiliser la situation dans la région. Elle a également salué le rôle des organisations sous-régionales telles que la Communauté de développement de l’Afrique australe et la CIRGL. Elle a espéré que la réunion des chefs d’État et de gouvernement du mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération, qui s’est tenue en février de cette année, contribuera à renforcer la coopération sous-régionale et à accélérer le processus de paix.
M. JAMES PAUL ROSCOE (Royaume-Uni) s’est dit extrêmement préoccupé par la fragilité de la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs, en raison des activités des groupes armés, dont les Forces démocratiques alliées (ADF), la CODECO et RED Tabara. Il a estimé que la réapparition du M-23 et les liens signalés entre l’ADF et Daech en Afrique centrale rappelaient brutalement la nécessité de remédier au vide sécuritaire dans l’est de la RDC. Il s’est aussi dit préoccupé par la situation humanitaire dans la région, marquée par le déplacement de 16 millions de personnes, et par les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, principalement dans l’est de la RDC.
Pour le Royaume-Uni, les défis multidimensionnels auxquels sont confrontés les pays de la région des Grands Lacs nécessitent une réponse multidimensionnelle. Le représentant a salué la normalisation des relations entre le Rwanda et l’Ouganda. Il a exhorté les pays de la région à améliorer la coopération régionale et transformer les engagements en actions concrètes pour répondre aux défis sécuritaires, améliorer l’accès humanitaire et réduire les violences. Dans ce contexte, il a invité l’Envoyé spécial, M. Xia, et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs à continuer à travailler en étroite coordination, y compris avec la MONUSCO, pour aider les pays de la région à s’attaquer de manière globale à la menace posée par le M23 et d’autres groupes armés, à favoriser le renforcement de la confiance entre les États de la région et à permettre la mise en œuvre de la Stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix et la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs.
Enfin, compte tenu des liens entre exploitation illégale des ressources naturelles et financement des groupes armés dans la région des Grands Lacs, le représentant a particulièrement appuyé l’imposition de sanctions à l’encontre des personnes et entités responsables de cette exploitation.
M. CLAVER GATETE (Rwanda) a expliqué que cette réunion intervenait à un moment où les économies des pays des Grands Lacs sont en train de surmonter les effets de la pandémie de COVID-19 qui a aggravé la situation dans la région. Il s’est félicité de la normalisation des relations entre plusieurs pays de la région avant de saluer en particulier l’adhésion de la RDC à la Communauté d’Afrique de l’Est. Le représentant a jugé indispensable le succès d’un processus de désarmement, démobilisation réintégration (DDR) pour créer et maintenir une paix durable dans la région des Grands Lacs. Il a prévenu qu’il ne suffisait pas de faire face à la situation sécuritaire, sans mettre l’accent sur la promotion de la coopération économique en facilitant la liberté de déplacement des biens et des personnes.
M. ZEPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) a réfuté les allégations contenues dans le rapport du Secrétaire général faisant allusion à la présence supposée, dans le Sud-Kivu, les 5 et 19 janvier, de groupes armés burundais, notamment la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara), qui aurait publié deux communiqués dans lesquels « elle a déclaré s’être accrochée à deux reprises avec une coalition de la Force de défense nationale du Burundi, des Imbonerakure et des milices dans la province du Sud-Kivu ». Si les autorités burundaises n’ont pas réagi publiquement à ces allégations, c’est qu’elles ne jugeaient pas opportun de donner suite à des rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux, a indiqué le représentant, qui a toutefois tenu à dire que le Burundi ne s’était pas déployé sur le territoire de la RDC.
Le groupe terroriste Red Tabara, basé dans l’est de la RDC, né après le coup d’État manqué de 2015 au Burundi, collabore avec d’autres groupes terroristes dont les ADF et constitue une menace pour la paix dans toute la région, a affirmé le représentant, qui l’a également accusé de traverser parfois la frontière avec le Burundi pour s’en prendre à des civils sans défense.
M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a rappelé l’importance de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour l’instauration de la sécurité, de la paix et de la stabilité. Il a appelé à pacifier l’est de la RDC afin de mettre fin aux souffrances inqualifiables de la population et permettre aux ressources de contribuer à la prospérité de la RDC et celle de la région. Il a invité les signataires, les garants et les partenaires multi-sectoriels à œuvrer dans cette optique. Cet élan dans la destinée de la région des Grands Lacs ne doit pas être gaspillé mais plutôt capitalisé, a-t-il déclaré. Le représentant a ensuite épinglé les défis qui retardent et compromettent la stabilité dans la région notamment l’activisme des groupes armés comme les ADF, la CODECO et le M23.
La RDC, a ajouté le délégué, poursuit les réformes du système de défense et de sécurité pour neutraliser les forces négatives. Les opérations militaires conjointes dans le cadre de l’état de siège ainsi que la coopération militaire vont se poursuivre de manière couplée avec les mesures non militaires. Il a indiqué que la RDC est actuellement en pourparlers avec les groupes armés et a demandé à la communauté internationale, au Conseil de sécurité ainsi qu’au Groupe de contact et de coordination, un soutien clair qui obligerait les groupes armés opérant à l’est à se rendre et à déposer les armes pour s’inscrire dans le schémas de désarmement, démobilisation et réintégration. Le représentant a également exhorté la région à se mobiliser pour lutter contre l’exploitation illégale des ressources naturelles ainsi que le trafic illégal d’armes et de munitions. S’agissant des droits de l’homme, le délégué a rassuré le Conseil que son gouvernement continue les réformes de la justice y compris la justice transitionnelle. Il a enfin encouragé à rétablir confiance dans la région des Grands Lacs.