Financement du développement: l’ECOSOC réfléchit aux moyens de mieux tirer parti de la fiscalité et de gérer la dette
À l’ouverture du forum du Conseil économique et social sur le suivi du financement du développement, qui se tient du 25 au 28 avril, les participants ont entendu l’appel du Secrétaire général du l’ONU à « sauver de toute urgence les objectifs de développement durable » et à venir au secours des pays les plus vulnérables à une économie mondiale sous pression. Dans un message adressé au forum par la voix de sa Vice-Secrétaire générale, M. António Guterres a souligné que le financement du développement reste précisément l’une des solutions pour atteindre ces objectifs et faire sortir de la crise de nombreuses économies au bord de l’insolvabilité.
Une note du Secrétaire général dont étaient saisis les participants alerte du risque de « voir l’écart se creuser entre certains groupes de pays et de perdre ainsi une décennie en matière de développement durable », mettant en péril la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec pour conséquences « 77 millions de personnes supplémentaires vivant dans des conditions d’extrême pauvreté en 2021 ainsi qu’une augmentation spectaculaire des inégalités ».
Face à ces perspectives particulièrement sombres, le Secrétaire général a assuré que le système financier, « qui a les poches pleines », peut sauver les ODD et aider les pays les plus touchés par la pandémie de COVID-19 à surmonter la crise. Il a ainsi rappelé que le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement, qu’il a récemment créé, recommande aux pays de rapidement mobiliser des financements auprès de toutes les sources à disposition, la communauté internationale étant invitée à remplir ses engagements en matière d’aide publique au développement (APD) et les institutions financières à favoriser les mécanismes de financement d’urgence, y compris ceux du FMI.
Lors d’une table ronde, les participants, dont le Président de l’Indonésie, M. Joko Widodo, ont tâché de partager leurs solutions de financement des ODD en vue de permettre aux pays en développement de répondre efficacement aux conséquences socioéconomiques de la pandémie mais aussi de la guerre en Ukraine. L’élargissement de « l’espace fiscal », ou assiette fiscale, a été au cœur des échanges. M. Widodo a assuré à cet égard que, durant sa présidence du G20, son pays poursuivrait les efforts en cours destinés à permettre que 100 milliards de dollars sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) soient reversés aux pays les plus en difficulté. C’est le prix à payer pour aider ces pays qui ont atteint les plus hauts risques en matière de dette extérieure et les près de 160 millions de personnes que la pandémie de COVID-19 a plongées dans l’extrême pauvreté, a-t-il dit.
M. Pedro Sánchez, Président du Gouvernement de l’Espagne, a attiré l’attention sur les conséquences dramatiques de la « guerre en Ukraine » sur la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables avant d’estimer que le premier enseignement à tirer de la pandémie est que le monde « a besoin d’un système multilatéral puissant avec, en son cœur, l’ONU et ses États Membres pleinement mobilisés pour sauver les ODD ». Il a prôné des systèmes fiscaux “progressifs et équitables” dans les pays en développement pour tirer au maximum profit de l’élargissement de la marge fiscale, favoriser l’accès aux mécanismes de financement du développement et faciliter le retour sur le marché des capitaux.
L’Union européenne (UE), de son côté, a rappelé qu’après deux ans de pandémie, elle a déjà partagé près de 500 millions de doses de vaccin avec les pays à revenu intermédiaire et pris des mesures pour alléger le fardeau de la dette des pays les plus touchés. Elle a encouragé à impliquer les entreprises du secteur privé pour augmenter les rentrées fiscales et mieux financer les ODD.
À cela, la Ministre éthiopienne de la santé a réagi en déplorant l’asséchement de la base fiscale éthiopienne due à la pandémie et l’absence d’accès aux vaccins, plaidant pour que soit apportée une aide financière majeure aux pays en développement. Ces pays ont besoin de toujours plus de ressources pour parvenir à réaliser les ODD, a reconnu le Directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), M. Bo Li, qui a proposé trois pistes pour des progrès tangibles dans ce domaine: des réformes nationales systémiques, l’attraction de fonds privés et des institutions renforcées.
M. Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), n’a pas mâché ses mots en affirmant que l’ONU « a le devoir de continuer à montrer au système la réalité de la situation de quasi-banqueroute dans laquelle se trouve une soixantaine de pays à faible revenu ». L’ONU doit selon lui alerter sur l’urgence d’une situation d’instabilité économique qui a déjà des répercussions politiques et sécuritaires pour 1,7 milliards de personne.
L’alignement de l’architecture de la dette mondiale sur les ODD a été l’objet d’une seconde discussion. Les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), par la voix du Premier Ministre de la Grenade, ont souligné que le critère du PIB par habitant ne reflétant pas leur vulnérabilité, il est temps d’adopter d’autres critères « multidimensionnels » pour leur donner accès à des types de financement plus favorables. Le Ministre fidjien de l’économie a, comme de nombreux orateurs, appelé la Banque mondiale et le FMI à examiner d’autres moyens de fonctionnement du service de la dette. « Une annulation pure et simple de la dette est la solution dont ont besoin certains pays », n’a pas hésité à dire Mme Iolanda Fresnillo (Eurodad). Évoquant un passé colonial qui perdure, elle a invité à reconnaître que « travailler avec des créanciers privés ne fonctionne pas » et demandé la création d’un groupe de travail intergouvernemental chargé de mettre fin à cette crise de la dette.
Enfin, M. Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a présenté le rapport du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement pour 2022, et a appelé les États Membres à respecter leurs engagements en matière d’APD.
Le forum reprendra ses travaux demain, mardi 26 avril, à 10 heures.
FORUM DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT
Déclarations liminaires
M. COLLEN VIXEN KELAPILE, Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que l’ambition d’un développement durable pour tous fait face aujourd’hui à sa plus grande menace depuis l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 il y a sept ans. Il en a voulu pour preuve que la pandémie de COVID-19 a pesé d’un poids exorbitant sur les progrès en matière de développement, ce qui, notamment, a contribué à l’aggravation de la situation des plus pauvres et des plus vulnérables. Des millions de personnes dans le monde ont été poussées plus profondément dans l’extrême pauvreté et les inégalités ont augmenté, creusant encore le fossé entre pays développés et pays en développement, a-t-il souligné. Alors que nous continuons à mesurer l’impact des émissions de carbone sur le climat et qu’une crise géopolitique entraîne des flux de réfugiés et provoque de graves perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales des produits de première nécessité, les tendances macroéconomiques concernant les pays les moins avancés (PMA) et les pays à faible revenu ne sont pas bonnes, s’est encore inquiété le Président de l’ECOSOC. Dans ce contexte, il a estimé que la coopération internationale, la solidarité mondiale et le multilatéralisme restent les moyens les plus sûrs de résoudre ces défis mondiaux. En effet, pour M. Kelapile, « ce n’est que par une action urgente et coordonnée que nous pourrons mobiliser les ressources qui permettront d’inverser positivement la tendance, de sortir les gens de l’extrême pauvreté, de stopper les effets les plus délétères des changements climatiques et d’atteindre les objectifs de développement durable ». Rappelant que le forum sur le suivi du financement du développement, fort d’une participation universelle, est « la plateforme mondiale dont nous avons besoin pour faire progresser l’action face à ces défis », il a appelé ses membres, à travers le document final qu’ils adopteront par consensus, à montrer au grand public la solidarité des États Membres en ces temps difficiles.
M. MOKGWEETSI E. K. MASISI, Président de la République du Botswana, a rappelé que la mise en œuvre du Programme 2030 dépend principalement de la question du financement, dans un contexte où la pandémie a vidé les coffres et anéanti des réserves financières patiemment constituées, reléguant de nombreux pays à un niveau d’endettement et de dépenses sans précédent. La pandémie a rappelé la nécessité de générer des réserves fiscales durables et des systèmes fiscaux progressifs, sans quoi les gouvernements auront du mal à lutter contre la pauvreté et les inégalités, à fournir une éducation et des soins de santé de qualité, et à atteindre une croissance économique durable, tout en tenant compte des facteurs environnementaux - autant d’éléments faisant partie intégrante du Programme 2030.
Selon M. Masisi, il incombe à tous les pays de favoriser les avancées nécessaires pour débloquer le financement du développement. Il s’agit notamment de respecter les engagements internationaux antérieurs, de renforcer la mobilisation des recettes nationales, et de mettre en place des institutions et des systèmes de bonne gouvernance. Plus important encore, les programmes financiers devraient être réévalués, afin d’injecter l’élan nécessaire pour stimuler le développement économique. Depuis les premiers jours de la pandémie, l’économie mondiale s’est contractée à des niveaux sans précédent et plus de 120 millions de personnes dans le monde sont tombées dans l’extrême pauvreté, a-t-il déploré. Il a noté que, rien qu’en Afrique, de nombreux États n’ont pas été en mesure de mettre en place des politiques fiscales solides en raison de dettes en suspens et de l’augmentation des taux d’intérêt et des frais de service.
En guise de solutions, le Président du Botswana a préconisé aux gouvernements « la prudence » en matière d’emprunts, afin de disposer de ressources financières suffisantes pour les consacrer efficacement à la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). Il a aussi demandé de réduire les coûts d’emprunt pour alléger le fardeau de la dette. Le Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement et ses principes directeurs devraient selon lui constituer un élément clef de la discussion, avec un accent mis sur les domaines suivants: la dette et sa soutenabilité; la résolution des problèmes systémiques; et la coopération internationale au développement. Alors que le forum politique de haut niveau pour le développement durable se tiendra dans environ deux mois et que les pays préparent leurs examens nationaux volontaires, M. Masisi a imploré les parties de donner une priorité renouvelée au financement du développement, en mettant l’accent sur la réduction des coûts d’emprunts.
M. ABDULLA SHAHID, Président de la soixante-seizième session de l’Assemblée générale, a d’abord fait remarquer que les pays en situation particulière sont confrontés à des vulnérabilités croissantes concernant l’accès au financement. Selon lui, les mesures de réponse à court terme visant à lutter contre l’inflation, les inégalités en matière de vaccins et les écarts de revenus doivent être complétées par des stratégies à plus long terme tenant compte des « vulnérabilités multidimensionnelles ». Le soutien international doit comprendre, entre autres, l’augmentation des investissements, la facilitation des échanges et la réaffectation des droits de tirage spéciaux aux pays en situation particulière. Deuxièmement, le rétrécissement de l’espace budgétaire et le fardeau de la dette constituent des « goulots d’étranglement majeurs » pour le développement. La soutenabilité, la restructuration et la transparence de la dette doivent donc être considérées comme des « priorités », a plaidé le Président de l’Assemblée générale. Il a rappelé que ces questions feront partie des discussions lors du débat thématique sur la dette, qui se tiendra à la fin du mois de mai. Troisièmement, la mise en œuvre intégrale des engagements pris dans des cadres multilatéraux convenus, tels que le Programme 2030, la Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, l’Accord de Paris et le Mécanisme COVAX, est absolument nécessaire, selon le Président.
« Nous savons quoi faire », a-t-il martelé. « Nous avons discuté et négocié ces cadres. Il nous faut maintenant mobiliser la volonté politique de les mettre en œuvre. » Une attention particulière doit être accordée aux besoins identifiés dans les programmes d’action pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral, les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays d’Amérique centrale, a-t-il ajouté.
Des ressources et des investissements supplémentaires devraient aussi être alloués aux pays en situation particulière pour la réduction des risques et le renforcement de la résilience face à l’aggravation de la pauvreté, aux changements climatiques, aux catastrophes naturelles, aux vulnérabilités liées à la dette et à l’insécurité alimentaire, particulièrement préoccupante compte tenu de la crise en Ukraine.
En guise de solution, M. Shahid a préconisé l’accès à un financement à long terme, y compris au financement public international, aux prêts des banques de développement, pour permettre aux pays de mieux réagir à la crise et de se redresser plus durablement. Il a appelé à renforcer les capacités, à mettre en place des institutions plus fortes et à arriver à une meilleure gouvernance afin de garantir que le financement du développement soit durable et stimule la croissance. Avant de conclure, M. Shahid a attiré l’attention sur les opportunités de développement liées au tourisme durable. Il organisera la semaine prochaine un débat thématique de haut niveau sur la façon dont le tourisme peut améliorer le sort des individus et de la planète, et mener à la prospérité.
Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU et Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable, a transmis un message du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, par lequel celui-ci s’alarme de ce que l’économie mondiale est soumise à de fortes pressions liées à une reprise inégale après la pandémie de COVID-19, à la bombe à retardement de la crise climatique, aux inégalités en matière de vaccins et à la guerre en Ukraine. De nombreuses économies sont au bord d’une spirale descendante d’insolvabilité, de réductions d’investissements cruciaux, de contraction économique et de hausse du chômage, a également indiqué Mme Mohammed au nom de M. Guterres. Pour ce dernier, des décennies de progrès en matière de développement durable étant en train de s’éroder -puisque la Banque mondiale prévoit qu’un quart de milliard de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté cette année et que l’insécurité alimentaire pourrait frapper quelque 323 millions de personnes-, les ODD doivent être sauvés de toute urgence.
Mme Mohammed a rappelé que le financement du développement reste l’une des principales solutions pour préserver et atteindre ces objectifs, le Secrétaire général ayant créé à cette fin le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement, lequel vient de rendre son premier rapport. Dans ce document, a-t-elle rappelé, le Groupe recommande notamment que les pays mobilisent des financements de manière rapide et souple, auprès de toutes les sources à disposition, la communauté internationale étant invitée dans ce cadre à remplir ses engagements en matière d’aide publique au développement (APD) et à soutenir un accès rapide à un financement durable à long terme. Les institutions financières internationales, quant à elles, doivent accorder la priorité à la souplesse et à la rapidité d’action, en accompagnant des mécanismes de financement d’urgence capables de débourser des fonds rapidement et sans conditions inutiles, a-t-elle ajouté. L’accès à la facilité de crédit et aux instruments de financement du Fonds monétaire international (FMI) doit être augmenté et la limite cumulative étendue, indique encore le rapport, comme l’a rappelé l’intervenante.
Après avoir ajouté que de nouvelles séries d’injections de capitaux seront nécessaires pour les banques multilatérales de développement, y compris au niveau régional, Mme Mohammed a rappelé que le Secrétaire général appelle depuis un certain temps à une réforme de l’architecture financière internationale, car « le système ne parvient pas à bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin ». Par ailleurs, elle a souligné l’importance de réduire les risques croissants d’endettement en élargissant l’éligibilité des pays nécessitant une aide d’urgence à ce niveau et de mettre au point de nouveaux mécanismes de conversion de dettes. « Ces mesures contribueraient à préserver les dépenses essentielles et à libérer des ressources pour un investissement immédiat dans la réalisation des objectifs de développement durable », a-t-elle ainsi déclaré.
En outre, la Vice-Secrétaire générale a rappelé les demandes du Secrétaire général en matière d’accès équitable aux vaccins et aux traitements contre la COVID-19, d’alignement des budgets nationaux et des systèmes fiscaux sur le financement des ODD et la mise en œuvre de l’Accord de Paris. « Nous avons besoin d’une solidarité mondiale, soutenue par une volonté et une ambition politiques fortes », a déclaré Mme Mohammed au nom du Secrétaire général avant de rappeler aux pays développés qu’ils doivent remplir « de toute urgence » leur engagement de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour l’action climatique dans les pays en développement.
Le système financier international a les poches pleines, a dit Mme Mohammed, avant d’assurer que les États Membres ont les moyens de faire en sorte que tous les pays traversent la crise en gardant intactes leurs perspectives de développement. « Ce sont précisément les forums multilatéraux tels que le forum de l’ECOSOC sur le financement du développement qui doivent donner une impulsion forte à l’action collective. » « Le Secrétaire général et moi-même vous exhortons à faire preuve d’ambition et de la volonté politique nécessaire à la résolution des problèmes criants de financement auxquels nous sommes confrontés et pour sauver tant les gains de développement durement acquis que les ODD », a-t-elle conclu.
Mme NISREEN ELSAIM, du Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques, a insisté sur l’inquiétude ressentie par les jeunes face aux inégalités sociales, aux situations inhumaines telles que la guerre en Ukraine, à la pandémie, ainsi qu’aux changements climatiques. Elle a appelé à agir et à mobiliser davantage de ressources financières. Elle a « exigé » des gouvernements qu’ils prennent des mesures rapides pour « redonner espoir aux jeunes ». L’oratrice a également appelé à agir, sans attendre, pour que le financement du développement aille « là où il est nécessaire » et permette de véritables mesures de développement. Beaucoup de jeunes intelligents, capables, pleins d’idées sont prêts à contribuer à bâtir un avenir en commun, a-t-elle assuré. « C’est maintenant ou jamais qu’il faut agir. »
Table ronde 1: Financer les objectifs de développement durable (ODD) en élargissant l’assiette fiscale, pour une reprise inclusive et durable
Tenue au format hybride, la première table ronde du forum a été l’occasion pour les participants, dont le Président de l’Indonésie et celui du Gouvernement de l’Espagne, de réfléchir aux moyens de financer les ODD en élargissant l’assiette fiscale afin de permettre aux pays en développement de répondre durablement et de manière efficace aux crises en cours. Elle était présidée par M. JUKKA SALOVAARA (Finlande), en sa qualité de Vice-Président de l’ECOSOC.
Le modérateur de la discussion, au cours de laquelle sont intervenus des ministres et des représentants de délégations et de la société civile, M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a d’emblée donné le ton. « Les chiffres qui figurent dans le rapport du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement dessinent des perspectives sombres pour les six prochains mois et nous exhortent à trouver des réponses rapides et à grande échelles pour aider la soixantaine de pays les plus vulnérables qui ont déjà épuisé toutes leurs ressources fiscales pour faire face à la pandémie de COVID-19 », a-t-il lancé, invitant les intervenants à partager leurs solutions pour accroître les capacités de réponse de la communauté collective à la crise mondiale.
Le Président de l’Indonésie, M. JOKO WIDODO, a assuré que, durant sa présidence du G20, son pays poursuivrait les efforts en cours destinés à permettre que 100 milliards de dollars sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) soient reversés aux pays les plus en difficulté. Il en va de ce prix pour aider ces pays qui ont atteint les plus hauts risques en matière de dette extérieure et les près de 160 millions de personnes que la pandémie de COVID-19 a plongées dans l’extrême pauvreté, a-t-il dit. Le Président indonésien a également déclaré que son pays demeure engagé à promouvoir la réalisation des ODD par le biais de programmes de financements mixtes, comme le programme « Indonesia One », et d’une gestion budgétaire prudente, redevable et tournée vers un avenir vert et durable.
M. PEDRO SÁNCHEZ PÉREZ-CASTEJÓN, Président du Gouvernement de l’Espagne, a attiré l’attention sur les conséquences dramatiques de la « guerre en Ukraine » sur les pays les plus vulnérables, ceux « qui ont déjà souffert dans des proportions cataclysmiques de la pandémie ». Selon lui, le premier enseignement à tirer de cette dernière, c’est que le monde a besoin d’un système multilatéral puissant avec, « en son cœur, l’ONU et ses États Membres pleinement mobilisés pour sauver les ODD ». Augmenter la marge fiscale des pays en développement, favoriser leur accès aux mécanismes pérennes de financement du développement et faciliter leur retour sur le marché des capitaux, cela sera d’autant plus efficace que nos systèmes fiscaux seront progressifs et équitables, a-t-il ajouté.
De son côté, la représentante de l’Union européenne (UE) a rappelé qu’après deux ans de pandémie, l’UE a déjà partagé près de 500 millions de doses de vaccin avec les pays à revenu intermédiaire. Les membres de l’UE soutiennent la résilience de ces pays au niveau local par des programmes spécialisés d’une valeur de 800 millions d’euros à date, a-t-elle ajouté. Elle a en outre invité les participants à se pencher sur le rapport « Investir dans le développement durable de l’UE », qui détaille les mesures mises en œuvre pour élargir l’assiette fiscale des pays et alléger ainsi le fardeau de la dette des pays les plus touchés. La représentante a aussi souligné la nécessité d’impliquer le secteur privé et ses entreprises, rouages essentiels pour engranger des rentrées fiscales. « C’est tout le sens de dispositifs européens comme Global Gateway et le Fonds européen pour le développement. »
Un exemple d’asséchement de la base fiscale a été donné par Mme LIA TADESSE GEBREMEDHINA, Ministre de la santé de l’Éthiopie, qui a fait état d’une telle situation dans son pays, due à la pandémie, et a témoigné des conséquences de l’absence d’accès aux vaccins. Malgré plus de 23 millions de doses administrées, les objectifs de vaccination sont encore loin, a-t-elle regretté en y voyant un obstacle évident à la réalisation des perspectives de développement en Éthiopie. La Ministre a dès lors plaidé pour que tous les pays qui le nécessitent bénéficient d’une aide pour renforcer la vaccination. Elle a jugé urgent d’apporter une aide financière majeure aux pays en développement, ainsi que les sommes promises au titre de l’aide publique au développement (APD). Des arrangements opérationnels doivent être mis en place, a-t-elle prôné en demandant aussi d’augmenter l’injection de liquidités et de lutter contre l’insoutenabilité de la dette.
Les faiblesses mises au jour par la pandémie ont aussi été décrites par la Ministre de la coopération internationale en faveur du développement de la Suède, Mme MATILDA ERNKRANS, qui a plaidé pour une « approche pansociétale » pour lutter contre la COVID-19. La Suède a fourni d’importantes contributions au système COVAX dans un esprit de souplesse, a-t-elle signalé. Elle a tenu à souligner que les femmes sont davantage frappées par la pandémie du fait de leurs emplois moins rémunérés et plus précaires, ce que la Suède combat via une politique résolument « féministe ».
Le Vice-Ministre des finances de la République démocratique populaire lao, M. BOUNLEUA SINXAYVORAVONG, a indiqué que son pays a inscrit les ODD dans sa politique nationale. Confronté à une grave contraction de son activité économique, notamment dans le secteur des services, et à des recettes fiscales en forte baisse, le Gouvernement lao a dû réduire ses dépenses, a-t-il reconnu en exposant ses difficultés à réduire la dette publique, alors que les dépenses liées aux intérêts ont fortement augmenté. Pour élargir l’assiette fiscale, le pays lutte contre l’évasion fiscale, numérise le système à grande vitesse et réduit ses dépenses, a-t-il résumé.
Les pays en développement ont besoin de toujours plus de ressources pour parvenir à réaliser les ODD, a souligné à son tour le Directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), M. LI BO, qui a constaté que même si les pays à faible revenus mettent en place des réformes ambitieuses, cela leur permet au mieux de combler la moitié de leurs lacunes en matière de financement. « Alors que faire? » M. Li a préconisé des réformes nationales systémiques, l’attraction de fonds privés et le renforcement des institutions. Le soutien des pays donateurs est également crucial, a-t-il ajouté en mentionnant aussi l’importance du soutien continu des banques multilatérales de développement et du FMI (emprunts ciblés, renforcement des capacités), qui constitue un troisième moyen d’action.
La représentante de l’organisation Third World Network, Mme BHUMIKA MUCHHALA, a pointé un grand problème de liquidités. Près de 99 pays à faible revenu ont besoin d’une aide financière rapide pour accéder aux vaccins et améliorer leur système de santé, et pour cela, ils ont besoin de droits de tirage spéciaux, dont elle a estimé le montant total à 1 500 milliards de dollars.
Le représentant de la Colombie, au nom d’un groupe de pays qui soutiennent les pays à revenu intermédiaire, a estimé qu’accroître l’assiette fiscale exige un soutien anticyclique du système économique mondial plus marqué en raison du caractère multidimensionnel des défis. Financer le développement durable va au-delà du revenu par habitant: cela passe par la « durabilisation » de l’aide et de l’allégement du fardeau de la dette, a dit le délégué. À cet égard, il a appelé la communauté internationale à reconnaître cette vulnérabilité multidimensionnelle en adoptant les mesures nécessaires au renforcement des capacités des banques multilatérales, à la réalisation de l’équité vaccinale et à l’accélération des transferts technologiques par le biais de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de ses partenaires du Mécanisme COVAX.
De son côté, le représentant des Philippines a plaidé pour une amélioration de l’administration fiscale en la numérisant pour la simplifier. « Le premier enseignement à tirer de la pandémie est qu’il existe un lien direct entre environnement et pandémies, les nouvelles maladies émergeant car les hommes empiètent brutalement sur les écosystèmes », a soutenu le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a par ailleurs plaidé à son tour pour une approche globale impliquant le secteur privé afin d’anticiper plus efficacement les prochaines pandémies.
Le représentant du Comité des ONG pour le financement du développement a jugé qu’un tel effort collectif est inséparable des luttes politiques incitant les gouvernements à prendre leurs responsabilités au profit des plus démunis face aux crises. La représentante du Groupe de la société civile pour le développement a, quant à elle, appelé à la tenue d’une nouvelle conférence mondiale sur la question du financement du développement, cela pour qu’y soit réaffirmé l’engagement « sans exclusive ni condition » de tous les États Membres au service des peuples de la planète.
Clôturant la table ronde, l’Administrateur du PNUD a fait siens les propos du Secrétaire général: « le système financier mondial a les moyens de faire face à la crise! » a-t-il clamé, avant de rappeler que le nerf de la guerre est l’adaptation des capacités de réponse à une crise multidimensionnelle. « Si nous avions fait en sorte que les pays à faible revenu aient le même taux de vaccination que les pays développés, ce qui était tout à fait possible, le PIB mondial aurait augmenté en 2022 de 16% », a-t-il affirmé. Selon lui, l’ONU a le devoir de continuer à montrer la réalité de la situation de quasi-banqueroute dans laquelle se trouve une soixantaine de pays à faible revenu. « Elle doit alerter sur l’urgence d’une situation d’instabilité économique qui a déjà des répercussions politiques et sécuritaires et menace le quotidien de 1,7 milliard de personnes, comme l’indique le rapport », a-t-il conclu.
Table ronde 2: Aligner l’architecture de la dette mondiale sur les objectifs de développement durable (ODD): de quoi avons-nous besoin?
La table ronde de l’après-midi, qui a tenté d’apporter des pistes pour arriver à aligner l’architecture de la dette mondiale sur les ODD, était animée par Mme REBECA GRYNSPAN, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
Dans une déclaration liminaire diffusée par vidéo, M. KEITH MITCHELL, Premier Ministre de la Grenade, a axé son intervention sur les crises mondiales telles que la pandémie, exacerbées par les conflits et les tensions politiques ayant des conséquences sur la sécurité alimentaire et énergétique. L’assiette fiscale se réduit pour de nombreux pays et entrave la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-il déploré en constatant que c’est une conséquence du niveau élevé de dette publique. Il a noté que, dans ce contexte, les problèmes de dette perdurent. Il a attiré l’attention sur les PEID qui sont confrontés à des intérêts plus élevés, à une relance plus lente, à des déséquilibres fiscaux, à une baisse des recettes et à des prix d’importation toujours plus élevés.
Les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) sont confrontés à des défis accrus en termes de gestion de la dette et réclament une assistance au développement, a plaidé le Ministre en rappelant, « encore une fois », que le PIB par habitant ne reflète pas leur vulnérabilité. Il a donc recommandé d’utiliser d’autres critères, multidimensionnels, pour faciliter l’accès à des types de financement plus favorables, ainsi qu’à des aides, afin d’élargir leur assiette fiscale. M. Mitchell a aussi appelé à pouvoir utiliser rapidement les DTS.
La question du jour est urgente à résoudre, a alerté la Secrétaire générale de la CNUCED, Mme Grynspan, en soulignant qu’une « tempête parfaite » se profile: crise de la dette, de l’énergie, sous fond de tensions économiques entraînées par la pandémie et les changements climatiques. On peut s’attendre à un resserrement des plateformes financières, alors que les taux d’intérêts augmentent, entraînant une augmentation des intérêts de la dette. Les pays en développement consacraient déjà 16% de leur revenu au remboursement de leur dette, les PEID y consacrent même plus de 30%, a-t-elle aussi noté. Le rapport de la CNUCED a mis au jour la magnitude de ce défi, a-t-elle signalé avant de prévenir que, en 2020, les pays en développement ont transféré plus de 1 000 milliards de dollars à des créanciers étrangers à cause de l’accumulation de cette dette. « Cela exige une réponse ambitieuse, dont l’un des piliers est la réforme de l’architecture de la dette », a appuyé Mme Grynspan.
M. AIYAZ SAYED-KHAIYUM, Ministre de l’économie, des services civils et des communications des Fidji, s’exprimant par visioconférence, a rappelé que les pays tels que le sien n’ont pas choisi d’être en première ligne face aux catastrophes naturelles. La guerre en Ukraine les touche aussi, avec la hausse des prix du carburant, a-t-il ajouté. Le Ministre a expliqué que toutes les ressources fiscales ont été utilisées pour ne pas que les Fidjiens tombent dans la pauvreté, mais que les Fidji ont été à leur tour punies par l’architecture du système financier mondial, « conçue pour le bénéfice des pays riches, mais pas pour nous ». Il a jugé cela « profondément injuste » et a rejeté la faute sur le passé colonial, qui perdure dans l’architecture du système. Les Fidji ont dû emprunter des centaines de millions de dollars, a-t-il poursuivi en faisant remarquer qu’il est difficile d’emprunter à des faibles taux d’intérêt. De plus, a-t-il dit, 10% de la charge de la dette des Fidji sont liés directement aux changements climatiques. Si la dette est soutenable, « le système ne fonctionne pas, car le coût de la dette change », a-t-il conclu en se joignant aux appels lancés à la Banque mondiale et au FMI pour examiner d’autres moyens de fonctionner.
La contribution de M. ABDUL AZIZ ALRASHEED, Vice-Ministre des affaires étrangères et des politiques macrofiscales de l’Arabie saoudite, s’exprimant par visioconférence, n’a pas pu être résumée en raison de problèmes techniques affectant l’interprétariat.
Mme Grynspan a ensuite donné la parole à M. WERNER HOYER, Président de la Banque européenne d’investissement et Président du Conseil des banques multilatérales de développement, qui s’est dit convaincu de l’urgence absolue à mettre en œuvre les ODD. Il a appelé à ne pas se cacher derrière la pandémie ou la guerre pour s’affranchir des responsabilités. Il a réclamé davantage de fonds pour l’adaptation aux changements climatiques avant de condamner la Russie, responsable selon lui de la hausse des prix des matières premières, de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêts, qui nuisent aux perspectives économiques pour les pays et menacent le règlement de leur dette. Le FMI s’attend à des défauts de paiement sur la dette souveraine ces prochains mois, a-t-il prévenu. Se réjouissant de la mise en œuvre du cadre de règlement de la dette, de la création d’un fonds pour la résilience par le FMI, de la création de droits de tirage spéciaux, il a appelé à une stratégie de partage des risques, tout en veillant à éviter les phénomènes d’« écoblanchiment ». L’Union européenne (UE) réfléchit à la création d’obligations vertes, a-t-il aussi indiqué. Certes, les fonds pour des obligations vertes sont présents, mais « il faut s’assurer que ce qui est vert le soit vraiment », a-t-il schématisé.
S’exprimant également par visioconférence, M. CLAY LOWERY, Vice-Président exécutif pour la recherche et les politiques de l’Institut pour la finance internationale, a axé son intervention sur la contribution du secteur privé. Il a appelé à promouvoir la transparence, le dialogue et la coopération entre créditeur et débiteur, et à éviter le plus possible les restructurations. Il a aussi rappelé l’importance grandissante des facteurs écologiques et sociaux dans le domaine du financement. Les débiteurs souverains doivent davantage reconnaître le facteur environnemental, a-t-il souligné.
Abordant la question sous un autre angle, Mme IOLANDA FRESNILLO, s’exprimant au nom d’Eurodad, a pointé que l’augmentation de la dette menace les droits des femmes et des minorités. Selon elle, une annulation pure et simple de la dette est la solution dont ont besoin certains pays. Selon Mme Fresnillo, il ne sert à rien d’accorder encore plus d’emprunts aux pays endettés: cela équivaudrait à ajouter de l’huile sur le feu. Elle a appelé à aller au-delà de la transparence et des principes volontaires. Travailler avec des créanciers privés ne fonctionne pas, selon elle. « Comme l’a dit le ministre des Fidji, on a l’impression d’un passé colonial qui perdure. » Les créanciers ont la haute main et les solutions sont basées sur leurs propres intérêts, pas ceux des pays débiteurs, a-t-elle argumenté. Dans ce contexte, l’oratrice a appelé à créer sans tarder un groupe de travail intergouvernemental afin d’établir un cadre pour réduire cette crise de la dette.
Son intervention a été accueillie par des applaudissements dans la salle et la modératrice l’a remerciée pour cette déclaration « puissante et passionnée ». La discussion s’est ensuivie avec une première intervention du Costa Rica, qui a rappelé que les besoins sont urgents en Amérique latine. L’Indonésie a donné le témoignage des effets de la pandémie sur les pays en développement, ces effets rendant plus complexe la gestion de la dette et entraînant des situations désastreuses. La délégation indonésienne a appelé à utiliser des instruments novateurs tels que des financements mixtes pour le développement durable. Il faut aussi une participation efficace du secteur privé dans les accords de restructuration de la dette, a poursuivi l’Espagne qui a aussi appelé à la garantie de flux financiers stables.
La Fédération de Russie, en réponse à M. Hoyer, a jugé infondé de rejeter la faute de la crise alimentaire et énergétique actuelle sur un seul pays. Elle a tancé les pays occidentaux pour avoir lancé une « guerre de protectionnisme » ayant affolé l’inflation, accusant aussi les agences de notation de « néocolonialisme ». La délégation russe a pris fait et cause pour les pays fortement endettés victimes de l’architecture du système monétaire actuel. À ce propos, le Malawi a exprimé le sentiment désagréable d’être toujours à la traîne, crise après crise. Une simple suspension ne fera que décaler le problème, selon la délégation qui a plaidé pour une promotion de la participation du secteur privé afin d’avoir des programmes de développement réellement transformateurs.
Le Zimbabwe a réclamé des sources financières prévisibles pour garantir son développement. La numérisation fiscale est une opportunité mais elle est aussi un défi, a-t-il commenté en se demandant comment taxer l’économie numérique et comment collecter des recettes dans ce domaine. Il a, lui aussi, appelé à une « annulation totale » de la dette. C’est « une institution permanente chargée de la dette » qu’il faudrait, a professé le Global Policy Forum qui n’a pas vu d’autre solution pour réaliser le Programme d’action d’Addis-Abeba.
« Qui paie la note? » a demandé l’organisation Égalité entre les sexes. « Les enfants », « les femmes », « le Sud », a-t-elle répondu. Voilà pourquoi l’annulation de la dette est nécessaire, ainsi que la création d’un processus de restructuration sous l’égide des Nations Unies, a plaidé l’ONG.
Les conférenciers ont commenté les déclarations, comme Mme Grynspan qui a appelé à faire attention aux pays à revenu intermédiaire qui sont eux aussi confrontés à des difficultés. M. Alrasheed a rappelé que la dette sert à financer le développement et à se construire un espace fiscal. Il faut être conscient que les grands créanciers actuels sont différents de ceux d’il y a quelques années, a-t-il souligné également. Il a appelé à éviter toute polarisation politique autour de la question de la dette, sans quoi la question ne se résoudra jamais. Il faut que les pays en difficulté demandent à restructurer leur dette, à dépasser les peurs de stigmatisation, a ajouté M. Hoyer avant de faire remarquer que les obligations vertes fonctionnent bien et de recommander de les déployer à d’autres ODD: obligations bleues, obligations pour les services de santé, obligations liées à l’éducation. Mme Grynspan a conclu la table ronde en disant entendre les appels à réformer l’architecture du système. Elle a jugé important de les prendre en compte.
Débat général
Mme MARTA LUCIA RAMIREZ DE RINCON, Vice-Présidente et Ministre des affaires étrangères de la Colombie, au nom du Groupe de pays de même sensibilité pour la promotion des pays à revenu intermédiaire, a appelé à l’augmentation rapide des taux de vaccination dans ces pays, cela sous l’égide de l’OMS, et à l’utilisation du critère de vulnérabilité pour élargir l’allocation d’aides destinées à la lutte contre les défis multidimensionnels posés par la crise sanitaire mondiale. Elle a précisé que 70% de la population mondiale vit dans des pays à revenu intermédiaire, ce qui nécessite de rééquilibrer le système économique mondial. Elle a plaidé pour une adaptation de l’octroi d’aides aux circonstances exceptionnelles imposées par la pandémie.
M. SAULOS KLAUS CHILIMA, Vice-Président du Malawi, qui s’exprimait au nom des pays les moins avancés (PMA), a déploré à son tour le faible taux de vaccination dans ces pays. Pour réaliser l’équité vaccinale, il a appelé à l’allégement de la dette et à une APD fondée sur les bourses, conformément aux préconisations du Programme d’action de Doha. Il a également exhorté les pays développés à respecter leur engagement de dédier 100 milliards de dollars au financement climatique et d’aider les PMA à sortir de l’isolement numérique afin de leur permettre à leurs employés et étudiants de télétravailler ou de suivre des cours à distance dans de bonnes conditions.
M. ARIEL HENRY, Premier Ministre de la République d’Haïti, a réclamé un soutien plus concret aux PMA comme le sien. Au moment où les États subissent le double choc de la pandémie et du conflit en Ukraine, il est plus qu’urgent d’agir, et une action mondiale, concertée, ainsi qu’une solidarité efficace sont nécessaires pour parvenir à la réalisation du Programme 2030, a-t-il estimé. Il a également engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts, constatant que les financements ne conviennent pas aux défis d’aujourd’hui. La situation des PMA est critique, et leurs défis, immenses. Une action globale, commune, est nécessaire, pour bâtir des économies plus inclusives, réduire la pauvreté et atteindre les ODD, a déclaré le Premier Ministre.
Au nom cette fois du Groupe des États d’Afrique, M. CHILIMA, Vice-Président du Malawi a relevé que les États d’Afrique étaient les plus durement frappés par les crises. Leurs lacunes en termes de financement sont gigantesques et leurs vulnérabilités face à la dette n’ont fait qu’augmenter. Il a également appelé à mettre un terme aux inégalités vaccinales. L’ordre économique mondial doit être repensé et un nouvel ordre financier doit être mis en œuvre. La solidarité mondiale est plus que nécessaire, a souligné M. Chilima qui a appelé à mettre sur pied un instrument spécialisé dans la lutte contre les flux financiers illicites et l’évasion fiscale.
Mme HALA ELSAID, Ministre de la planification et du développement économique de l’Égypte, a appelé à remédier aux défis financiers qui entravent la réalisation des ODD, réalisation qui est profitable tant aux pays en développement que développés. Au plan national, elle a expliqué qu’aux côtés de l’ONU, son pays privilégie un cadre intégré identifiant les lacunes à combler en termes de financement du développement. L’Égypte accorde la priorité à la recherche de mécanismes innovants et de partenariats public-privé, a-t-elle précisé. Elle a rappelé l’engagement de son pays à mettre en place des mécanismes efficaces en vue de l’avènement d’un monde meilleur pour tous.
Mme LUZ KEILA GRAMAJO VÍLCHEZ, Secrétaire de la planification et de la programmation de la présidence du Guatemala, a plaidé pour une coopération accrue des institutions financières internationales avec les pays à revenu intermédiaire, qui sont les plus touchés sur le plan socioéconomique par les événements climatiques extrêmes et la pandémie de COVID-19. Elle a jugé essentiel de lutter contre les flux financiers illicites, qui privent ces pays de près de 50 milliards de dollars, autant de ressources importantes qui pourraient servir à financer durablement leurs infrastructures et services publics.
Mme MATILDA ERNKRANZ, Ministre de la coopération internationale pour le développement de la Suède, s’est inquiétée de l’augmentation de l’instabilité politique due à l’invasion russe de l’Ukraine, et exprimé ses craintes quant à une « décennie perdue » en matière de développement durable. Elle a affirmé qu’il ne sera pas possible d’atteindre les ODD sans investissement dans une croissance inclusive et verte, ni sans réponse mondiale équitable fondée sur les principes de ne laisser personne de côté. Le vaccin contre la COVID-19 doit être mis à disposition de tous, et l’ensemble des créanciers doivent être impliqués dans un système de relance verte et ne plus contribuer à l’industrie fossile.
M. FLEMMING MØLLER MORTENSEN, Ministre de la coopération pour le développement du Danemark, a appuyé l’appel à remédier aux déséquilibres dans le système financier mondial. Plus que jamais, le monde ne peut rester inactif, et chacun doit faire sa part, a-t-il estimé. Il a indiqué que le Danemark consacrera 60% de son financement climatique au renforcement de la résilience, particulièrement pour les PMA et les pays en développement sans littoral. Depuis 2022, le Danemark ne soutient aucune initiative basée sur les énergies fossiles sur la planète, a-t-il ajouté. Le Ministre a aussi appelé à attirer davantage de capitaux privés en faveur du développement durable.
M. FRANZ FAYOT, Ministre de la coopération au développement et des affaires humanitaires du Luxembourg, a déclaré que son pays continue à consacrer près de 1% de son PNB à l’APD, cela en mettant l’accent sur le soutien au PMA et aux pays les plus vulnérables. Rappelant l’expérience du Luxembourg en matière de financement du développement durable via la mise en œuvre partagée d’obligations vertes, il a jugé qu’aujourd’hui plus que jamais, la communauté internationale doit consolider les efforts multilatéraux de paix et de développement durable.
M. SOSTEN GWENGWE, Ministre des finances du Malawi, a souligné que les perspectives de croissance à court terme de son pays sont particulièrement sombres en raison des répercussions délétères de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine. Il faudrait remettre à plus tard la réalisation des ODD et nous concentrer sur les objectifs nationaux de redressement, a-t-il confié, ajoutant toutefois qu’à travers la Vision Malawi 2063, son gouvernement œuvre à l’élaboration d’une économie prospère et autonome toujours axée sur la réalisation des ODD d’ici à 2030 et la captation de capitaux privés.
M. SIMON CUEVA, Ministre de l’économie et des finances de l’Équateur, a fait part de l’adoption par son pays d’un plan national de développement durable à l’horizon 2025. Pour le mettre en application, il faut une politique fiscale adéquate, a-t-il reconnu avant d’expliquer comment, grâce au soutien de la communauté internationale, son pays a mobilisé des ressources nouvelles et renforcé ses capacités. Il a notamment cité une initiative de récupération verte, avec la collaboration du PNUD.
M. SUHARSO MONOARFA, Ministre de la planification nationale de l’Indonésie, a déclaré que dans le cadre de sa présidence du G20, l’Indonésie poursuivra ses efforts pour reconstruire en mieux en faveur d’une économie inclusive, sans changer de cap pour financer et réaliser les ODD. Il a jugé les financements mixtes essentiels afin que les pays en développement puissent développer leurs capacités financières.
M. ARKHOM TERMPITTAYAPAISITH, Ministre des finances de la Thaïlande, a souligné que les répercussions à long terme de la pandémie persistent, imposant à des pays comme le sien de trouver un juste équilibre entre économie et durabilité, inclusivité et protection de l’environnement. À cet égard, il a noté que son gouvernement promeut des modèles biocirculaires basés sur l’innovation verte, notamment numérique.
M. RODOLFO SOLANO QUIRÓS, Ministre des affaires étrangères du Costa Rica, a souhaité pour que les efforts de relance après la pandémie soient responsables et visent l’élaboration d’un système socioéconomique inclusif et vert, propice à l’édification d’un monde plus égalitaire et prospère. Le Costa Rica plaide ainsi pour la création de fonds financiers tournés vers le développement durable et gérés par des banques multilatérales octroyant des prêts à des conditions favorables, quels que soient les revenus des pays, a expliqué le Ministre.
Mme ANITA VANDENBELD, Secrétaire parlementaire du Ministre du développement international du Canada, a appelé à une action multilatérale ambitieuse afin notamment de soutenir les solutions locales. Il convient aussi d’investir dans l’adaptation des pays du Sud aux changements climatiques, a-t-elle insisté. Mme Vandenbeld s’est aussi déclarée favorable à l’inclusion de davantage de catégories de pays dans les dispositifs d’aide à la réduction de la dette.
M. CHRISTOPHER COYE, Ministre d’État des finances, du développement économique et des investissements du Bélize, a déploré qu’on ne puisse vraiment parler de relance post-COVID-19 à propos de petits États comme le sien. Souhaitant avancer, « respirer », il a appelé les pays développés à aider les petits pays à se reconstruire un espace fiscal.
M. SOLTAN BIN SAAD AL-MURAIKHI, Ministre des affaires étrangères du Qatar, a expliqué que son pays est chef de file en matière de financement du développement durable ayant un impact positif et répondant aux besoins fondamentaux des pays les moins avancés. À cet égard, il a souligné que la cinquième conférence consacrée à ces pays que Doha accueillera en mars 2023 sera un moment charnière pour évaluer l’état de mise en œuvre du programme d’action pertinent.
Mme MARINA SERENI, Vice-Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de l’Italie, a notamment indiqué que son pays avait contribué, à ce stade, à hauteur de 385 millions d’euros à l’initiative COVAX. Elle a ensuite appelé à fournir d’urgence des solutions durables pour surmonter les défis de la dette auxquels sont confrontés les pays en développement.
« Sans financement, pas d’ODD; sans Addis [-Abeba], pas de New York », a formulé Mme PILAR CANCELA RODRÍGUEZ, Secrétaire d’État à la coopération internationale de l’Espagne. Constatant l’augmentation des différences et des inégalités entre pays, elle a appelé à continuer les réformes dans le domaine du financement et, pour cela, à avoir un système financier mondial cohérent et robuste. Une des leçons de la pandémie est la nécessité de mettre en œuvre un nouveau contrat social, avec en son cœur l’égalité de genre et les droits humains, a-t-elle conclu.