En cours au Siège de l'ONU

Trentième anniversaire de la Déclaration des droits des minorités: le Secrétaire général dénonce l’inaction et la négligence

Soixante-dix-septième session,
Réunion de haut niveau sur les minorités, Matin & après-midi
AG/12448

Trentième anniversaire de la Déclaration des droits des minorités: le Secrétaire général dénonce l’inaction et la négligence

L’Assemblée générale a célébré, aujourd’hui le trentième anniversaire de l’adoption de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, l’occasion pour le Secrétaire général de constater que la « dure vérité » est que le monde est loin d’avoir rempli ses objectifs.

Nous ne traitons pas de lacunes, nous faisons plutôt face à une inaction pure et simple et à de la négligence dans la protection des droits des minorités, a dénoncé M. António Guterres qui a appelé la communauté internationale à se montrer à la hauteur des engagements pris en 1992.

Le Secrétaire général a décrit une situation peu louable de minorités confrontées à des contraintes d’assimilation et de persécution, aux préjugés, à la discrimination, aux stéréotypes, à la haine, ainsi qu’aux violences.  De même, on voit des minorités dépouillées de leurs droits politiques et civils, leur culture étouffée, leurs langues supprimées, et leurs pratiques religieuses restreintes.  Appelant les gouvernements à agir, il a aussi insisté sur la participation des minorités elles-mêmes, notant que les sociétés qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus dynamiques.

Sur un ton empreint d’émotion, la lauréate du prix Nobel de la paix en 2018, Mme Nadia Murad, a évoqué sa propre expérience de Yézidie, avant d’appeler les États à adopter des mesures concrètes pour que les idéaux de la Déclaration deviennent réalité.  Huit ans après la destruction de nos villages par les islamistes de Daech, la plupart des Yézidis vivent toujours dans des camps au Kurdistan, a-t-elle regretté.

De son côté, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a constaté que les crises concomitantes de la pandémie de COVID-19, les changements climatiques, la pollution de l’environnement, l’impact de la guerre et des conflits et les crises financières, affectent de manière disproportionnée les minorités, une situation exacerbée par les inégalités structurelles et la marginalisation.  Mme Ilze Brands Kehris a également relevé que ces dernières années, la résurgence du nationalisme a semé des graines de mécontentement parmi les populations majoritaires, faisant des minorités des boucs émissaires.  Il n’y a pas de temps à perdre, a insisté la haute fonctionnaire, plaidant pour une réponse qui prenne la forme d’une célébration de la diversité.

Les délégations ont également entendu le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, M. Fernand de Varennes, appeler à la création d’une instance permanente des minorités, une idée soutenue par le Président de l’Assemblée générale, ainsi que par le Président du Club de Madrid, M. Danilo Türk. 

Attirant l’attention sur les bonnes pratiques, le Président de l’Autriche a cité l’exemple de la gestion partagée, entre l’Italie et l’Autriche, des questions liées à la minorité germanophone du Sud-Tyrol, M. de Varennes saluant pour sa part un exemple mondial en matière de protection d’une minorité.  La Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Italie a d’ailleurs souhaité que la commémoration cette année du cinquantième anniversaire du statut d’autonomie du Sud-Tyrol germanophone, fruit d’une négociation entre l’Autriche et l’Italie sous les auspices des Nations Unies, soit une source d’inspiration pour régler d’autres sources de conflits ailleurs dans le monde.

Adoptée par consensus en 1992, la Déclaration susmentionnée a pour objet la promotion et la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques et, à ce titre, de contribuer à la stabilité politique et sociale des États.  La Déclaration reste à ce jour le seul instrument international des Nations Unies relatif aux droits de la personne qui est entièrement consacré aux droits des minorités.  Elle fournit des orientations et des normes fondamentales pour aider les gouvernements à respecter leurs obligations en matière de droits des minorités, tout en permettant à ces dernières de demander des comptes aux dirigeants.

RÉUNION DE HAUT NIVEAU AFIN DE CÉLÉBRER LE TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ADOPTION DE LA DÉCLARATION DES DROITS DES PERSONNES APPARTENANT À DES MINORITÉS NATIONALES OU ETHNIQUES, RELIGIEUSES ET LINGUISTIQUES (A/RES/76/168)

Déclarations liminaires

M. CSABA KŐRÖSI, Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, a rappelé que la signature de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques avait suscité beaucoup d’espoir il y a 30 ans, mais qu’il restait beaucoup à faire.  Il a invité les États Membres à des efforts renouvelés pour reconnaître la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques et mettre en œuvre la Déclaration dans leur pays.  La question des minorités doit être considérée non comme un problème mais comme une force, a-t-il souligné.  Pour avancer, M. Kőrösi a appelé à renforcer « ce sur quoi nous nous sommes déjà d’accord ».  Il a également invité les États à s’inspirer des meilleures pratiques en rappelant que la protection des minorités est dans l’intérêt de sociétés paisibles et durables.  Les sociétés qui valorisent la diversité sont des sociétés plus dynamiques, a-t-il notamment fait observer. 

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a souligné que la Déclaration a consacré trois vérités fondamentales.  Premièrement, les droits des minorités sont des droits humains.  Deuxièmement, la protection des minorités fait partie intégrante de la mission des Nations Unies.  Et troisièmement, la promotion de ces droits est vitale pour faire avancer la politique et la stabilité sociales et la prévention des conflits à l’intérieur et entre les pays.  Selon lui, la dure vérité est que 30 ans après l’adoption de la Déclaration, le monde est loin d’avoir rempli ses objectifs.  Nous ne traitons pas de lacunes, nous faisons face à une inaction pure et simple et la négligence dans la protection des droits des minorités, a-t-il constaté.  Il a évoqué les cas de minorités confrontées à des contraintes d’assimilation et de persécution, aux préjugés, à la discrimination, aux stéréotypes, à la haine, ainsi qu’aux violences.  De même, on voit des minorités dépouillées de leurs droits politiques et civils, leur culture étouffée, leurs langues supprimées, et leurs pratiques religieuses restreintes.

M. Guterres a indiqué que plus des trois quarts des apatrides du monde appartiennent à des minorités, et que la pandémie de COVID-19 a révélé des schémas d’exclusion et de discrimination profondément enracinés affectant de manière disproportionnée les communautés minoritaires.  Il a également noté que les femmes des groupes minoritaires ont souvent été les plus mal loties face à une escalade de violence basée sur le genre.  Elles étaient plus enclines à perdre leur emploi et les moins ciblées pour bénéficier des avantages fiscaux en rapport avec la pandémie.  Appelant à se montrer à la hauteur des engagements pris en 1992, il a exhorté à un leadership politique et une action résolue, invitant chaque État Membre à prendre des mesures concrètes pour protéger les minorités et leur identité.  Et dans chaque action et décision, les minorités elles-mêmes doivent être significativement incluses en tant que parties prenantes égales, a-t-il souligné, notant que cette participation est dans l’intérêt de tous, car un État qui protège les droits des minorités est un État plus paisible.  De même, les économies qui nécessitent la pleine participation des minorités sont plus prospères.  Et les sociétés qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus dynamiques.  « Œuvrons ensemble pour faire de la Déclaration une réalité pour les minorités du monde entier », a-t-il lancé, notamment en plaçant les droits humains au cœur de toutes nos actions.

Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a rappelé que la Déclaration s’appuie sur l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pour élaborer une compréhension commune du « contenu minimum » de ces droits.  Ce texte reconnaît également que la promotion et la protection des droits humains des personnes appartenant à des minorités est une obligation inhérente qui est dans l’intérêt de la société dans son ensemble.  Mais 30 ans plus tard, cet engagement est loin d’avoir été honoré, a-t-elle déploré. 

La Sous-Secrétaire générale a constaté que les minorités sont encore souvent victimes de discrimination, d’exclusion et de marginalisation.  Les crises concomitantes de la pandémie de COVID-19, les changements climatiques et la pollution de l’environnement, l’impact de la guerre et des conflits et les crises financières, affectent de manière disproportionnée les minorités, une situation exacerbée par les inégalités structurelles et la marginalisation.

Elle a également relevé que ces dernières années, la résurgence du nationalisme a semé des graines de mécontentement parmi les populations majoritaires, faisant des minorités des boucs émissaires.  Les discours et les crimes de haine sont en hausse dans le monde entier.  Les défenseurs des droits des minorités font face à une augmentation de harcèlements et d’intimidations.  Et les premiers signes avant-coureurs que les droits ne sont pas respectés se sont transformés en sonnette d’alarme.  Il n’y a pas de temps à perdre, a-t-elle lancé.

Selon elle, la réponse doit prendre la forme d’une célébration de la diversité, où des identités pluralistes, multiples et multicouches favorisent la compréhension et le respect mutuel.  Elle a également insisté sur l’importance de la participation de la société civile, notamment des représentants des minorités.  De même, elle a appelé à renforcer les mécanismes de l’ONU, notamment le Rapporteur spécial et le Forum sur les questions relatives aux minorités.  Constatant que la mise en œuvre de la Déclaration est au point mort et a même régressé dans certains cas, elle a aussi souligné que l’action des États Membres est urgente pour faire des droits des minorités une priorité de l’agenda international.

Après avoir salué l’audience dans une dizaine de langues, M. FERNAND DE VARENNES, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, a rappelé que la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités est le seul instrument mondial traitant directement des minorités.  Il a précisé que l’adoption de ce texte en 1992 intervenait à une époque sombre qui a conduit à des efforts importants pour tenter de parvenir à la paix et à la justice par l’égalité et la dignité.  C’était aussi l’époque de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, du Haut-Commissariat de l’OSCE pour les minorités nationales et des critères de Copenhague qui incluaient l’état de droit, les droits humains, le respect et la protection des minorités.  Il a aussi expliqué que le règlement de la question du Sud-Tyrol entre l’Autriche et l’Italie est l’une des grandes réussites en matière de prévention des conflits et de respect des droits humains des minorités.

Rappelant que la Déclaration n’était censée être qu’un premier pas vers une meilleure reconnaissance et protection des minorités, le Rapporteur spécial a salué les nombreuses initiatives prises pour protéger les communautés vulnérables et accroître leur visibilité et leur présence au sein de l’ONU.  Illustrant son propos, il a cité la création de l’Instance permanente sur les questions autochtones, du forum pour les personnes d’ascendance africaine et des fonds de contributions volontaires pour appuyer leur participation aux travaux des Nations Unies, sans oublier les années ou décennies spéciales consacrées pour attirer l’attention sur la situation de communautés vulnérables. 

M. de Varennes a estimé que ce trentième anniversaire de la Déclaration est l’occasion de boucler une histoire inachevée, s’inquiétant de l’émergence d’une nouvelle période particulièrement sombre, marquée par l’augmentation spectaculaire des discours de haine dans les médias sociaux ciblant massivement les minorités.  Alors que nous sommes témoins de discours antisémites, islamophobes, anti-roms et anti-asiatiques, et que des minorités sont diabolisées et victimes d’atrocités, voire de crimes contre l’humanité et de génocide, le Rapporteur spécial s’est aussi inquiété du nombre sans précédent de conflits internes violents dans le monde.  Il a ensuite appelé à la création d’un forum permanent des minorités et d’un fonds de contribution volontaire afin de poursuivre plus efficacement la réalisation de la promesse de justice, d’égalité et de dignité pour tous. 

Mme NADIA MURAD, Lauréate du Prix Nobel, ambassadrice de bonne volonté de l´Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour la dignité des survivants de la traite des personnes et Présidente de Nadia’s Initiative, a expliqué qu’elle a grandi en tant que fière membre de la petite communauté yézidie dans un grand pays, l’Iraq, « que nous aimions malgré les difficultés ».  Elle a regretté la culture de discrimination dont était victime la minorité yézidie, ainsi que les autres minorités iraquiennes, privés de tout droit et invisibles institutionnellement.  Elle a indiqué qu’il s’agissait malheureusement de la réalité de nombreuses minorités à travers le monde, dénonçant qu’un grand nombre de nations refusent de reconnaître leurs minorités.  Elle a ensuite appelé les États à adopter des mesures concrètes pour que les idéaux de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques deviennent réalité.

Mme Murad a rappelé que la marginalisation des minorités en Iraq a rendu, non seulement les Yézidis vulnérables, mais aussi l’ensemble de l’Iraq, Daech ayant compris que les minorités qu’ils attaquaient ne seraient pas protégées.  Huit ans après la destruction de nos villages par les islamistes de Daech, la plupart des Yézidis vivent toujours dans des camps au Kurdistan, a-t-elle regretté.  Elle a indiqué que les minorités en Iraq demandent la sécurité et une législation contre la discrimination, avant d’appeler au respect de la diversité de toutes les minorités dans les pays où elles vivent.  « Nous n’allons pas baisser les bras, mais nous allons avoir besoin de votre aide », a conclu Mme Nadia Murad, alertant des terribles conséquences de l’inaction pour les minorités.

Débat général

Le Président de l’Autriche a cité l’exemple de la gestion partagée, entre l’Italie et l’Autriche, des questions liées à la minorité germanophone du Sud-Tyrol, avant de préciser qu’il s’est excusé officiellement en 2020 auprès de la minorité slovène d’Autriche pour les injustices subies en matière linguistique. Aujourd’hui, l’éducation dans les langues minoritaires est un enrichissement pour les enfants des diverses minorités évoluant côte-à-côte.  Justement, le Président de la Slovénie a salué la coopération entre la Slovénie et ses voisins concernant la protection des droits des minorités, notamment avec l’Italie et l’Autriche, expliquant que son pays fait partie de l’une de régions parmi les plus diverses d’Europe.

Le Président de la Confédération suisse, qui s’est présenté comme appartenant à la minorité italienne de la Suisse, a indiqué que son pays, réputé pour avoir quatre langues officielles (allemand, français, italien et romanche), s’est engagé à continuer de défendre les minorités, mais aussi d’œuvrer pour changer le regard porté sur les minorités.  Il faut de l’écoute, du courage, du temps et de la patience pour tirer parti de cette richesse, a-t-il expliqué.  Le Président des Comores a évoqué la menace de la disparition des langues des groupes minoritaires.  Perdre une langue c’est perdre une partie des savoirs universels, a-t-il dit, avant d’appeler à la protection de ces langues.

Pour le Président du Zimbabwe, il est crucial de renforcer la formation des enseignants des langues locales afin de promouvoir la participation des groupes minoritaires dans la vie socioéconomique.  Le Premier Ministre de la Macédoine du Nord a dit que son gouvernement protège les nombreuses minorités du pays.  Elles peuvent librement utiliser leur langue et défendre leurs droits.  Le Premier Ministre du Monténégro a expliqué que son pays perçoit ses minorités comme un pilier fort d’un pays multilinguistique et multireligieux.  Dans un monde avec de plus en plus de divisions, le Monténégro célèbre la diversité en tant que force.  C’est d’ailleurs pourquoi la lutte contre la pandémie de COVID-19 se faisait dans toutes les principales langues du pays.

Le Ministre des affaires étrangères de la Lituanie a déploré que les enseignements en langue minoritaires soient prohibés au Bélarus et que le principe de protection des minorités serve de prétexte par certains pays pour agresser d’autres États.  Il a évoqué l’invasion russe de l’Ukraine et a invité la communauté internationale à rejeter les discours fallacieux prenant prétexte de la protection des minorités.  Abondant dans le même sens, le Ministre des affaires étrangères de la Pologne a déploré la répression brutale des Tatars de Crimée par la Fédération de Russie, de même que la persécution des minorités polonaises au Bélarus.  Mis sur la sellette, le Ministre des affaires étrangères du Bélarus a estimé que les interventions ciblant le Bélarus sont dénuées de tout fondement, invitant les États à se garder de régler leurs problèmes au détriment de leurs voisins.

Le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Kazakhstan a expliqué que le Gouvernement a créé un modèle de vie en harmonie qui fait qu’aujourd’hui, le concept de minorité ne trouve plus sa place dans la nation.  La représentante de Bahreïn s’est réjouie du fait que dans le royaume, tous les citoyens jouissent des mêmes droits et de l’égalité des chances qui est protégée par la constitution, appelant dans la foulée à lutter contre les conflits idéologiques et l’extrémisme.  Le Ministre de l’éducation et des sciences du Kirghizistan a évoqué l’Assemblée du peuple qui regroupe les représentants des 29 groupes ethniques qui composent le pays.  De même, un Conseil religieux rassemble 17 organisations religieuses afin de promouvoir le dialogue interreligieux dans le pays.

À son tour, le Ministre des affaires étrangères du Pakistan a dit que son gouvernement continue d’avancer vers des politiques qui protègent les droits des minorités pour ensuite déplorer que l’Inde soit en train de devenir un pays de « suprémacistes hindouistes », où se propage la violence contre les minorités.  Il a parlé d’une volonté de vider l’Inde de musulmans, avec le parrainage de l’État, citant notamment le cas du Jammu-et-Cachemire où une majorité de musulmans est brimé par l’Inde.  Il a appelé à la communauté internationale à demander des comptes à ce pays, et le Secrétaire général à convoquer un dialogue mondial contre l’islamophobie.

Il est surprenant que le Pakistan évoque la question des minorités alors qu’il a lui-même toujours violé leurs droits, a retorqué l’Inde.  Son représentant a dénoncé le fait que des milliers de filles issues de groupes minoritaires sont enlevées et mariées de force au Pakistan.  Le Jammu-et-Cachemire, a-t-il ajouté, fera toujours partie de l’Inde.

La Vice-Premier Ministre, Ministre des affaires étrangères et européennes de la Croatie, notant que son pays est celui abritant le plus grand nombre de minorités en Europe, a jugé important que les organisations internationales incluent la question des minorités dans leur mandat.  La Ministre du Gouvernement de Panama a noté que son pays compte sept groupes ethniques qui évoluent librement ainsi qu’une université des peuples autochtones, qui vise à former leurs dirigeants pour qu’ils puissent œuvrer au développement de leur peuple.  Le Sous-Secrétaire aux affaires étrangères de l’Argentine a rappelé que son pays a accueilli des millions de gens issus des minorités au cours des siècles passés.  Issu de la même région, le Ministre de affaires étrangères du Nicaragua a demandé de lutter contre les discriminations historiques, et notamment de respecter la propriété des peuples autochtones sur leurs terres.  Depuis 2007, le Gouvernement du Nicaragua a d’ailleurs entrepris un programme pour garantir aux familles des peuples autochtones une sécurité juridique sur leurs propriétés foncières.

Le Ministre des affaires étrangères de la Roumanie a plaidé pour l’interculturalité, notant qu’il n’y a pas de solution unique, ainsi que pour des politiques de défense et protection des minorités tenant compte de l’histoire de chaque pays.  La Ministre d’État des affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la diaspora de Côte d’Ivoire a aussi expliqué que son gouvernement a pris des mesures pour assurer l’épanouissement de tous les groupes ethniques du pays.  Il en est de même dans mon pays, a renchéri le Vice-Ministre de l’éducation et du développement humain du Mozambique, tandis que le Ministre des affaires étrangères de Sri Lanka a témoigné que le Gouvernement se mobilise pour lutter contre l’intolérance religieuse.

Le Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie a rappelé que l’histoire du XXe siècle a fait que le tiers de la population hongroise ait acquis d’autres nationalités.  La défense et la protection des minorités sont donc un devoir pour le pays qui insiste sur le principe de réciprocité entre États dans ce domaine.  Il a également rappelé que la Hongrie est un pays chrétien et qu’elle se fait le devoir d’apporter protection aux chrétiens partout dans le monde, ces derniers représentant le groupe religieux le plus persécuté au monde.  La représentante de l’Afrique du Sud a expliqué que son pays comprend plusieurs minorités et que son gouvernement s’efforce de protéger les droits des minorités culturelles et religieuses.  La sagesse africaine magnifie la diversité et la coexistence pacifique, a souligné la Ministre des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur.  Selon elle, c’est l’ignorance qui sous-tend ces agissements discriminatoires contre les minorités.

Au nom de la société civile, l’ONG « Orphelins coptes » a expliqué avoir mis sur pied un système de mentorat par les « grandes sœurs » qui éduquent leurs cadettes musulmanes et chrétiennes à la tolérance religieuse.  Pour sa part, le Groupe international pour le droit des minorités a décrié le fait que dans les sociétés, il y a beaucoup de haine dirigée contre les minorités.  Il faut éviter que les accidents de naissance ne déterminent la valeur des individus, a dit son délégué.

À son tour, la Ministre des affaires étrangères du Timor Leste a précisé que l’article 16 de la Constitution du pays offre des garanties de protection aux neuf groupes ethniques du pays ainsi qu’aux 20 langues autochtones qui y sont pratiquées.  Face aux dangers de « l’ethnocentrisme qui menace 7 000 langues, 7 000 cultures, 7 000 philosophies et 7 000 visions du monde », la représentante du Paraguay a appelé la communauté internationale à construire une culture de la rencontre.  De son côté, le Ministre de la justice du Ghana a souligné la nécessité de mettre sur pied des services de promotion des langues minoritaires.  Après avoir rappelé que son pays accueillit 1,1 million de rohingya qui ont fui une discrimination religieuse, le Ministre des affaires étrangères du Bengladesh a souligné les efforts de son pays pour garantir une éducation en immersion dans les différentes langues maternelles et célébrer avec la même ferveur les cultes hindouiste, bouddhiste et musulman.

La représentante de l’Indonésie, a dit le souci de son pays de préserver les 668 langues locales parlées sur son territoire, et vanté la création d’un mécanisme institutionnel garantissant qu’aucune loi locale ne soit discriminante, tandis que le Ministre des affaires étrangères de la Slovaquie a cité la protection de 13 minorités nationales et appelé à entendre les voix des minorités.  Après avoir rappelé que la Russie a attaqué l’Ukraine en Crimée et dans le Donbass sous un faux prétexte de protection de la minorité russophone, la Vice-Ministre de la justice de l’Ukraine a alerté que depuis 2014, l’agression russe a eu une incidence terrible sur le droit des minorités en Ukraine où plus de 100 groupes ethniques coexistent pacifiquement.

Si le représentant de la République de Moldova a souligné les efforts de son pays pour protéger les droits des minorités qui constituent 20% des trois millions d’habitants de son pays, celui de la Géorgie a cité l’adoption d’une stratégie nationale des droits humains 2022-2030 qui met l’accent sur le droit des minorités.  Le représentant de l’Azerbaïdjan, composé de 30 nationalités, a cité l’adoption de lois pour protéger les minorités linguistiques, et l’existence de 50  journaux publiés dans des langues minoritaires.  Il a par ailleurs regretté que la communauté internationale n’ait pas réagi à la destruction de sites religieux azéri par l’Arménie dans le Haut-Karabakh.

Relevant que les populations minoritaires représentent 20% de la population mondiale, le Ministre adjoint à la coopération du Costa Rica a expliqué que la protection des minorités n’est pas une option mais une obligation.  Après avoir précisé que le droit des minorités est consacré par la constitution italienne, la Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Italie a souhaité que la commémoration, cette année, du cinquantième anniversaire du statut d’autonomie du Sud-Tyrol germanophone, fruit d’une négociation entre l’Autriche et l’Italie sous les auspices des Nations Unies, soit source d’inspiration pour régler d’autres sources de conflits dans le monde.  Les représentants de Singapour et de la Malaisie ont revendiqué des législations ambitieuses en matière de droits des minorités.

La représentante des peuples autochtones de la Colombie a jugé essentiel la participation des minorités à l’élaboration des politiques pour s’assurer que ces politiques répondent aux besoins des autochtones.  Inquiétée par la stigmatisation des minorités et le développement de groupe d’extrême droite, la Vice-Ministre des affaires étrangères de Cuba a particulièrement fustigé la discrimination croissante dont sont victimes les autochtones et personnes d’ascendance africaine aux États-Unis.

À son tour, le Ministre de l’Asie du Sud, de l’Afrique du Nord, des Nations Unies et du Commonwealth du Royaume-Uni a cité la mise en œuvre de 70 mesures pour s’attaquer aux discriminations sous toutes leurs formes au Royaume-Uni avant de dénoncer particulièrement le nettoyage ethnique en cours au Myanmar dont sont victimes les musulmans rohingya, le ciblage de communautés minoritaires en Iran et en Afghanistan, ainsi que les crimes contre les musulmans ouïghour en Chine.  Face à toutes ces crises, le Ministre britannique a jugé indispensable la mise en œuvre de la Déclaration.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie a dit la volonté de son pays de participer à la coopération internationale pour assurer la protection des minorités nationales, avant de regretter la russophobie agressive promue par les pays occidentaux.  Il a particulièrement fustigé les actions des « néo-nazis qui ont mis en place des politiques criminelles pour chasser les russophones du territoire ukrainien ».  De son côté, la représentante des États-Unis a dit la détermination de l’Administration Biden de s’attaquer au leg systémique du racisme et de la discrimination aux États-Unis avant d’assurer la volonté de défendre les groupes minoritaires partout et en tout temps.

La représentante de la Belgique a appelé la communauté internationale à mettre l’accent sur les formes croisées de discriminations auxquelles se heurtent les filles et les femmes issues de minorités, suivie de son homologue du Népal qui a cité la publication de livres scolaires dans 20 langues autochtones et de la Mongolie qui a indiqué que son pays reconnaît comme un droit constitutionnel l’accès à l’enseignement dans la langue maternelle.  Vantant la tolérance religieuse de son pays, le représentant grec a cité l’existence de 240 mosquées en Grèce, ce qui en fait le pays européen comptant le plus grand nombre de mosquées proportionnellement à sa population.

Se présentant comme un homosexuel juif né à Montréal de père maghrébin et de mère européenne de l’est, le représentant du Canada, intervenant alternativement en anglais et en français, s’est vanté d’appartenir à un pays respectant les plus hautes normes de respect de la diversité et répondant à toutes les ambitions de la Déclaration.

« Nos 24 langues officielles et nos 60 langues minoritaires parlées par 40 millions de personnes font de l’Union européenne un territoire unique » a déclaré le Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme qui s’est dit persuadé que la pleine réalisation des droits des minorités promeut la cohésion sociale et joue un rôle essentiel pour prévenir les conflits.  Contestant les déclarations des représentants des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union européenne sur la situation des Ouighour, le représentant de la Chine a assuré que les 56 ethnies du Xinjiang vivent en parfaite harmonie.  Il a appelé à cesser d’exploiter les droits humains à des fins politiques avant d’accuser le Conseil des droits de l´homme d’être un outil au service de la politique américaine.  La représentante de la Türkiye a regretté que la minorité turque ne soit toujours pas reconnue en Grèce avant de rejeter les propos du représentant de l’UE accusant la Türkiye de ne pas respecter les droits de ses minorités.

Deuxièmes interventions

Le Pakistan a souligné que le Jammu-et-Cachemire est un territoire disputé, comme l’atteste les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Il a dénoncé le terrorisme auquel se livre l’Inde, sa campagne de destruction de mosquées ainsi que les appels au génocide de musulmans.  Il a appelé l’Inde à mettre fin à la persécution des minorités, menacées de génocide imminent et la communauté internationale d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

La République islamique d’Iran a dénoncé les accusations sans fondement proférées contre elle, appelant notamment le Royaume-Uni à contrer l’islamophobie sur son territoire.

À son tour, l’Inde a invité le Pakistan à lire sa déclaration sur le statut des minorités.

Remarques de clôture

M. DANILO TÜRK, Président du Club de Madrid, a relevé qu’un long chemin a été parcouru depuis le lancement des négociations sur la rédaction de la Déclaration, rappelant qu’à l’époque, peu d’États y étaient favorables.  Au fur et à mesure, les pays se sont engagés sur la question, même si le sujet fait toujours l’objet de négligence.  Cela est dû, a-t-il expliqué, à la sensibilité de la question sur le plan politique.  La question des minorités est complexe et les droits individuels ne permettent pas de régler tous les problèmes, a noté M. Türk pour qui des mesures supplémentaires s’imposent.  Parmi les conditions propices, il a cité la paix, le règlement pacifique des différends et la non-ingérence, avant de noter que le droit individuel n’est pas une panacée, mais le socle nécessaire pour répondre aux besoins des minorités.  La non-discrimination est essentielle, et les États Membres doivent prendre les mesures qui s’imposent pour que les minorités puissent réellement jouir de leurs droits, a-t-il souligné, insistant en outre sur l’importance d’un dialogue constant entre minorités et majorités au sein des États.  Lutter contre les discours de haine est également essentiel.  Il a par ailleurs estimé que l’ONU n’a pas toujours été à la hauteur de la question des minorités qui, a-t-il ajouté, doit figurer en tête des priorités de la communauté internationale.  Il a espéré qu’à l’avenir la question des minorités se verra accordée davantage d’attention qu’à l’heure actuelle, évoquant notamment l’idée de créer une nouvelle entité.

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a insisté sur la nécessité de permettre aux minorités d’accéder à une éducation dans leur langue minoritaire, saluant ensuite ceux parmi les États Membres qui se sont engagés à promouvoir l’éducation à la tolérance.  Il a aussi appuyé la proposition de créer, au sein de l’ONU, d’une instance permanente dédiées aux minorités.  Nous sortirons tous perdants si nous échouons à appliquer la Déclaration, a souligné le Président qui a appelé à ne pas laisser les 30 prochaines années être marquées par l’inaction.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Dominé par la guerre en Ukraine, le débat annuel de l’Assemblée générale bruisse d’appels à la paix et à la solidarité avec le monde en développement

Soixante-dix-septième session,
4e & 5e séances plénières – matin, après-midi & soir
AG/12446

Dominé par la guerre en Ukraine, le débat annuel de l’Assemblée générale bruisse d’appels à la paix et à la solidarité avec le monde en développement

L’ombre portée de la guerre en Ukraine a presque fait oublier l’effacement progressif de la pandémie de COVID-19 lors de l’ouverture, aujourd’hui, du débat annuel de l’Assemblée générale, organisé entièrement en présentiel pour la première fois depuis trois ans.  Si les appels à la paix se sont multipliés, bon nombre des chefs d’État qui se sont succédé à la tribune ont aussi plaidé pour davantage de solidarité avec les pays en développement, premières victimes des crises en cascade, dans la foulée de la proposition formulée par le Secrétaire général d’un « plan de relance des objectifs de développement durable ».  Le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale a quant à lui insisté sur l’urgence climatique, rejoint par une majorité d’intervenants, inquiets d’un point de non-retour.   

« Notre monde est au plus mal », a d’emblée constaté M. António Guterres, pour qui l’une des rares lueurs d’espoir, dans ce monde « en proie au tumulte », est venue de l’Initiative céréalière de la mer Noire, conclue par l’Ukraine et la Fédération de Russie, avec le concours de la Türkiye et de l’ONU.  Mais, tout encourageant qu’il soit, ce fruit de la « diplomatie multilatérale en action » ne suffira pas pour assurer l’acheminement des denrées vers ceux qui en ont besoin, a concédé le Chef de l’Organisation, avant d’avertir que, faute d’une stabilisation du marché des engrais, c’est l’offre même de produits alimentaires qui pourrait poser problème en 2023.   

Alors que les tensions géopolitiques sapent le travail du Conseil de sécurité et les possibilités de coopération internationale, « nous ne pouvons pas continuer comme ça », a martelé le Secrétaire général, en se disant partisan d’une « coalition mondiale » pour agir de concert en faveur de la paix, de l’action humanitaire et de la lutte contre le dérèglement climatique.  Dans ce monde où 94 pays, majoritairement africains et abritant 1,6 milliard d’habitants, subissent tout à la fois les retombées de la pandémie, la flambée des prix de la nourriture et de l’énergie liée au conflit en Ukraine, le fardeau d’une dette écrasante, l’inflation galopante et le manque d’accès aux services financiers, il a souhaité que le prochain sommet du Groupe des Vingt (G20), en novembre à Bali, soit l’occasion de lancer un « plan de relance des objectifs de développement durable » (ODD) au profit des pays en développement.   

Sur cette même ligne, le Président de la France a appelé à la lucidité sur la situation des pays à revenu faible ou intermédiaire, que la crise de la COVID-19 a considérablement aggravée.  M. Emmanuel Macron a ainsi exhorté les pays du G20 à respecter leur engagement de consacrer aux pays en développement 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), en précisant que 30% de ceux-ci devaient être réservés aux pays africains et aux pays les plus pauvres à travers la planète.  Un appel partagé par le Président sénégalais, M. Macky Sall, tandis que le Président de la République centrafricaine, M. Faustin Archange Touadera, pointait le « déficit persistant » d’appui financier de la communauté internationale et réclamait le rétablissement du programme de facilité élargie de crédit (FEC), suspendu par le Fonds monétaire international (FMI).  

Le Président Sall, en tant que Président en exercice de l’Union africaine, a présenté son continent comme « l’Afrique des solutions », qui peut miser sur ses « gouvernements à la tâche » et sur sa « jeunesse vibrante et créative ». Un continent qui souhaite donc « engager avec tous ses partenaires des rapports réinventés, qui transcendent le préjugé selon lequel qui n’est pas avec moi, est contre moi ». Il a plaidé pour un multilatéralisme et une collaboration respectueuse des différences.

Fustigeant pour sa part le « retour à l’âge des impérialismes » que traduit selon lui l’invasion russe de l’Ukraine, M. Macron a assumé son choix de dialoguer avec la Russie pour tenter de faire progresser une solution au conflit.  Il a toutefois jugé qu’une négociation ne sera possible que « si l’Ukraine souveraine le souhaite et si la Russie l’accepte ».  Il a ajouté que Moscou ne saurait imposer son point de vue par la force ni par le biais de « simulacres de référendums » dans des territoires actuellement occupés.  « Comment tolérer qu’un membre permanent du Conseil de sécurité participe à une guerre génocidaire de conquête et d’anéantissement », s’est quant à lui ému le Président de la Lituanie, M. Gitanas Nausėda, exhortant la communauté internationale à exclure la Russie des forums internationaux.  Bien que notre approvisionnement énergétique en pâtisse, nous imposons des sanctions à la Russie, comme 50 autres pays, a rappelé la Présidente de la Slovaquie, Mme Zuzana Čaputová, défendant une position contraire à celle du Brésil de M. Jair Messias Bolsonaro, hostile aux mesures coercitives unilatérales et « sélectives ». 

De son côté, le Président de la Türkiye a présenté son pays comme une « force de médiation » entre la Russie et l’Ukraine, assurant que ses initiatives diplomatiques visent à rallier les parties à la cause de la paix et à faciliter un règlement « une fois pour toutes ».  M. Recep Tayyip Erdoğan a estimé à cet égard que l’Initiative céréalière de la mer Noire a redonné confiance à la communauté internationale dans l’utilité de l’ONU.  Soucieux de voir l’Organisation gagner en inclusivité, il s’est prononcé pour une réforme profonde du Conseil de sécurité, de même que son homologue centrafricain partisan d’une représentation plus juste de tous les continents et que le Premier Ministre du Japon, M. Kishida Fumio, dont le ton était également ferme pour inciter à renforcer le régime de non-prolifération nucléaire.   

Évoquant à son tour les effets négatifs du conflit ukrainien sur la sécurité alimentaire et énergétique dans le contexte climatique, le Président des Seychelles a, une nouvelle fois, invité les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement à regarder au-delà de la référence du revenu national brut, arguant qu’il existe un large consensus sur la nécessité d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour l’accès aux financements concessionnels.  À l’instar de son homologue des Îles Marshall, M. Wavel Ramkalawan a également rappelé que l’élévation du niveau de la mer constitue une menace existentielle pour les petits États insulaires en développement (PEID), avant de réclamer des actions climatiques audacieuses « au lieu de promesses et d’engagements non tenus ».   

Des solutions à la crise du climat existent, a assuré le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, faisant état d’avancées en matière de coopération scientifique et de diplomatie climatique.  « Mais encore faudrait-il que nous ayons envie de les mettre en pratique », a ajouté M. Csaba Kőrösi, saluant au passage l’apport précieux des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), tandis que l’Émir du Qatar mettait en garde contre les appels à l’arrêt des investissements dans les énergies fossiles, alors qu’il faut encore les substituer par des alternatives respectueuses de l’environnement.   

Enfin, à la veille de l’intervention du Président du pays hôte, les États-Unis, retardée en raison des funérailles à Londres de la Reine Elizabeth II, le Président de la Colombie a sommé Washington de cesser sa « guerre contre la drogue », afin de sauver de la destruction la forêt amazonienne et des plantes essentielles comme la coca.  « Le Frankenstein de l’humanité a laissé le marché et la cupidité agir sans plan, au détriment de la rationalité humaine », a asséné M. Gustavo Petro Urrego.   

Le débat général se poursuivra demain, mercredi 21 septembre, à 9 heures.

RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR L’ACTIVITÉ DE L’ORGANISATION - A/77/1

Déclarations liminaires

« Notre monde est au plus mal », a averti, dès ses premiers mots, M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, en évoquant les inégalités qui se creusent et les défis qui se propagent.  Dans ce monde « en proie au tumulte », il a néanmoins distingué une « image de promesse et d’espoir », montrée en photo à l’écran, celle du Brave Commander, un navire chargé de céréales ukrainiennes destinées aux populations affamées de la Corne de l’Afrique.  Ce bateau battant le pavillon de l’ONU « symbolise ce que le monde peut accomplir lorsque nous agissons ensemble », a affirmé le Chef de l’Organisation, avant de saluer l’Initiative céréalière de la mer Noire, rendue possible par l’Ukraine et la Fédération de Russie elles-mêmes, avec le concours de la Türkiye.  « D’aucuns pourraient parler de miracle sur mer; en réalité, c’est la diplomatie multilatérale en action. »  Chaque navire participant transporte non seulement des vivres mais aussi de l’espoir, a souligné M. Guterres, appelant maintenant à l’action pour atténuer la crise alimentaire mondiale.  Cette année, le monde a assez de nourriture; ce qui pose problème, c’est l’acheminement.  Mais si le marché des engrais n’est pas stabilisé, c’est l’offre même de produits alimentaires qui pourrait poser problème l’an prochain, a-t-il prévenu, constatant que, déjà, les récoltes des agriculteurs en Afrique de l’Ouest et au-delà sont moindres en raison du prix et de la disponibilité des engrais.  Il est donc essentiel, selon lui, de supprimer les obstacles à l’exportation des engrais et de leurs composants, y compris l’ammoniac, qui ne sont pas soumis à des sanctions. 

Ce besoin d’action se heurte toutefois à une « mer agitée », a observé le Secrétaire général.  En effet, un hiver de mécontentement mondial se profile, une crise du coût de la vie fait rage, la confiance s’effrite, les inégalités explosent, la planète brûle, les gens souffrent et les idéaux de la Charte des Nations Unies sont en danger.  Face à aux crises qui menacent l’avenir même de l’humanité, de la guerre en Ukraine à l’urgence climatique et à la perte de biodiversité, en passant par la situation financière désastreuse des pays en développement, la communauté internationale n’est, hélas, « ni prête ni disposée » à y faire face, a-t-il dit, déplorant également l’absence de garde-fous dans l’utilisation des nouvelles technologies.  À côté d’avancées comme les neurotechnologies, les cryptomonnaies ou la blockchain, les plateformes de médias sociaux « monétisent l’indignation, la colère et la négativité », a pointé M. Guterres, dénonçant la prolifération des discours de haine et de la désinformation.  De plus, nos données sont achetées et vendues pour influencer notre comportement, des logiciels espions échappent à tout contrôle, l’intelligence artificielle compromet l’intégrité des systèmes d’information et « nous ne disposons pas ne serait-ce que d’un embryon d’architecture mondiale globale pour faire face à tout cela ».

Pour le Chef de l’ONU, les progrès sur ces questions sont « pris en otage par les tensions géopolitiques », lesquelles sapent le travail du Conseil de sécurité et les possibilités de coopération internationale.  « Nous ne pouvons pas continuer comme ça », a-t-il martelé, avertissant qu’après avoir évolué vers un « G-2 », nous risquons de nous retrouver avec un « G-zéro », sans coopération ni dialogue ni règlement collectif des problèmes.  Or, aucun grand problème mondial majeur ne peut être résolu par une coalition de volontaires, a affirmé le Secrétaire général, qui a plaidé pour une « coalition mondiale », notamment dans le domaine de la paix. 

« Aujourd’hui, je voudrais présenter trois domaines dans lesquels cette coalition mondiale doit de toute urgence surmonter ses divisions et agir de concert », a poursuivi le Secrétaire général en s’exprimant en français.  Alors qu’une grande partie de la planète continue d’avoir les yeux rivés sur l’invasion russe en Ukraine, a-t-il relevé, en citant les dernières informations « extrêmement perturbantes » sur la découverte de sites funéraires à Izioum, les conflits et les crises humanitaires se propagent, souvent loin des projecteurs.  De surcroît, le déficit de financement de l’appel humanitaire mondial lancé par l’ONU s’élève à 32 milliards de dollars, un montant sans précédent, et les bouleversements sont partout, a-t-il noté, citant pêle-mêle les situations dramatiques en Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Haïti, en Éthiopie, en Libye, en Iraq, en Israël et en Palestine, au Myanmar, au Sahel et en Syrie.  « Et la liste est encore longue. »  Il a aussi évoqué les menaces à la sécurité des centrales nucléaires, l’échec de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et l’absence d’accord sur le nucléaire iranien, avant de se réjouir de « quelques lueurs d’espoir », comme la trêve au Yémen et l’enracinement de la paix en Colombie.  Le Nouvel Agenda pour la paix qu’il esquisse dans son rapport sur « Notre Programme commun » vise à promouvoir les outils diplomatiques de règlement pacifique des conflits, a-t-il fait valoir.  Enchaînant en espagnol, le Secrétaire général a recommandé de mettre au premier plan le leadership de femmes et la consolidation de la paix, en plaidant pour le renforcement de la prospective stratégique, l’élargissement du rôle des groupes régionaux et la prise en compte des droits humains en matière de prévention. 

Quant à la crise climatique, « enjeu déterminant de notre époque », elle doit être la priorité absolue de chaque gouvernement et organisation multilatérale, a poursuivi M. Guterres.  Mettant en garde contre une « catastrophe » planétaire, il a dit en avoir été témoin au Pakistan, où un tiers du pays est submergé par une « mousson monstrueuse ».  Et nous n’avons encore rien vu, a-t-il renchéri, avant de dénoncer un monde « accro aux combustibles fossiles » et d’appeler à demander des comptes à ceux qui continuent d’investir dans ce secteur.  « Les pollueurs doivent payer », a lancé le Secrétaire général, exhortant les économies développées à taxer les bénéfices exceptionnels des compagnies exploitant les énergies fossiles et à reverser ces fonds aux pays dans lesquels la crise climatique occasionne des pertes et aux personnes mises en difficulté par la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.  À quelques mois de la COP27 en Égypte, il a aussi enjoint les dirigeants à relever leur ambition et à investir dans les énergies renouvelables, l’adaptation aux chocs climatiques et la gestion des dommages dus aux catastrophes.  Nous devons également faire en sorte que la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité soit un succès, tout en redoublant d’efforts pour négocier un accord international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation de la diversité biologique marine, a-t-il ajouté.

Alors que 94 pays, majoritairement africains et où vivent 1,6 milliard d’habitants, se retrouvent confrontés aux retombées de la pandémie de COVID-19, à l’envolée des prix de la nourriture et de l’énergie, au fardeau d’une dette écrasante, à l’inflation galopante et au manque d’accès aux services financiers, les objectifs de développement durable (ODD) sont menacés et les pays en développement les premiers touchés, a alerté le Secrétaire général.  Pour y répondre de manière concertée, il a appelé au lancement d’un « plan de relance des ODD » à l’occasion du prochain sommet du G20 à Bali.  Dans le cadre de ce plan, les banques multilatérales de développement doivent accorder davantage de prêts à des conditions favorables aux pays en développement pour les aider à investir dans les ODD.  Parallèlement, l’Initiative de suspension du service de la dette du G20 doit être améliorée, tandis que les créanciers doivent envisager des mécanismes permettant de réduire le fardeau de la dette, tels que la conversion de créances en mesures d’adaptation climatique.  En outre, le produit intérieur brut (PIB) ne doit pas être le seul critère d’octroi de prêts, il convient de tenir compte de la vulnérabilité des pays en développement dans toutes ses dimensions, a-t-il précisé, avant d’exhorter le Fonds monétaire international (FMI) et les principales banques centrales à développer sensiblement leurs facilités de trésorerie, notamment par le biais de droits de tirage spéciaux (DTS).  Enfin, les gouvernements doivent renforcer des fonds spécialisés comme l’Alliance du vaccin (Gavi), le Fonds mondial et le Fonds vert pour le climat afin qu’ils disposent de ressources additionnelles pour financer les ODD, a préconisé M. Guterres, formant le vœu que les États Membres se saisiront également de sa proposition de « nouvelle donne mondiale » afin de transformer ces idées en solutions lors du Sommet de l’avenir en 2024. 

M. CSABA KŐRÖSI, Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, a commencé par rappeler sa devise reposant sur des solutions fondées sur la solidarité, la durabilité et la science.  « Nous avons besoin de solidarité parce que les inégalités ont atteint des sommets; nous avons besoin de durabilité parce que nous devons à nos enfants de laisser un monde vivable; nous avons besoin de la science car elle nous offre des preuves neutres pour nos actions », a expliqué M. Kőrösi.

« Nous sommes réunis aujourd’hui, au moment le plus important de ces quarante dernières années », a poursuivi le Président de l’Assemblée générale.  Des chaleurs extrêmes aux inondations dévastatrices - les changements climatiques ont ébranlé nos communautés, a-t-il ajouté, mettant en garde contre notre consommation et nos méthodes de production, qui « lacèrent » notre planète - de ses sols à ces cieux.  Pour lui, le monde vit dans un état de crise humanitaire permanent.

De fait, a-t-il détaillé, plus de 300 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire et de protection, soit une augmentation de 10% depuis le mois de janvier dernier.  Sous l’effet des changements climatiques, de la pandémie de COVID-19 et des conflits, la faim dans le monde a atteint des niveaux alarmants. 

Au cours des six derniers mois, l’inflation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie a plongé au moins 70 millions de personnes dans la pauvreté.  L’inflation a atteint des sommets inégalés depuis 40 ans.  Un quart de l’humanité vit dans des zones de conflit, au milieu des combats et de l’instabilité politique et la violence à travers le monde a rarement été aussi féroce, s’est alarmé le Président.

Qui aurait pu imaginer que la guerre reviendrait en Europe?  Que la menace nucléaire serait de retour dans les discours politiques pour régler un différend avec un voisin? s’est exclamé M. Kőrösi, dont l’intervention a été prononcée en plusieurs langues -anglais, français, arabe, russe-.  Voilà 203 jours que l’Assemblée générale a adopté une résolution condamnant l’agression militaire contre l’Ukraine et pourtant l’effusion de sang et les souffrances n’ont pas encore cessé, s’est-il écrié.

Durant cette période, les Nations Unies et leurs partenaires ont offert de la nourriture et un abri à des millions de réfugiés de ce pays, a fait observer le Président, qui a aussi vu un motif d’espoir dans l’accord historique sur les exportations commerciales de céréales en provenance du grenier du monde, un motif d’espoir.  La diplomatie est à l’œuvre pour libérer les engrais afin que les pénuries que nous voyons aujourd’hui ne deviennent pas les famines de demain, a-t-il ajouté.  Les inspecteurs nucléaires des Nations Unies sont à pied d’œuvre sur l’un des principaux sites nucléaires européens, prévenant ainsi une éventuelle catastrophe.

Rappelant le thème du soixante-dix-septième débat général -« Un tournant décisif: des solutions transformatrices face à des défis intriqués »- M. Kőrösi a, en outre, exprimé sa solidarité avec les populations du Pakistan, où des inondations dévastatrices ont emporté des centaines de villages.  Or, pour lui, en matière de lutte contre les changements climatiques, les solutions existent et sont ancrées dans les avancées réalisées en matière de coopération scientifique et de diplomatie climatique.  Mais, faudrait-il encore que « nous ayons envie » de les mettre en pratique, a-t-il pressé, citant, à cet égard, l’action du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui s’est révélé être un outil précieux pour soutenir les décisions politiques visant à lutter contre les changements climatiques et à s’adapter à ses conséquences.

Dès lors, il s’agit pour M. Kőrösi de reproduire le succès du GIEC dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation et de la biodiversité, puisque nous disposons d’ores et déjà d’un point de départ empirique et universellement accepté pour agir.  C’est pourquoi, une fois cette semaine de haut niveau terminée, le Président a prévu de lancer une série de consultations avec la communauté scientifique, afin, a-t-il dit, de transférer la connaissance depuis les « microscopes jusqu’aux microphones ».

Pour M. Kőrösi, la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale sera également essentielle pour préparer le sommet sur les objectifs de développement durables de 2023 et le Sommet de l’avenir de 2024.  L’année prochaine, a-t-il rappelé, il s’agira d’évaluer l’objectif 6 -relatif à « l’eau propre et l’assainissement »- lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau - la première depuis 1977.  L’heure pour M. Kőrösi de sensibiliser sur cette question, car l’eau, dont le problème est triple -trop, pas assez, ou pas potable- est appelée à devenir le prochain grand facteur de conflit dans le monde, a-t-il averti, offrant la possibilité de changer la vie de 2,1 milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable. 

Au cours de la session, il s’agira également d’évaluer le Cadre de Sendai et de tirer des conclusions pour améliorer la résilience face aux catastrophes, a poursuivi le Président, jugeant essentiel que ces opportunités débouchent sur des résultats concrets.

Pour M. Kőrösi, les éléments constitutifs de la transformation sont à notre disposition.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Cadre de Sendai, l’Accord de Paris, le Programme d’action d’Addis-Abeba et Notre Programme commun vont tous dans le même sens, a-t-il insisté, se disant encouragé par le fait que les propositions du Secrétaire général et les importantes initiatives des États Membres se soutiennent mutuellement.

M. Kőrösi a appelé au respect universel de l’État de droit, insistant en particulier sur les droits des femmes, car à l’heure « où nous parlons », la moitié de l’humanité est trop souvent exclue de la prise de décisions et des postes de direction.  C’est pourquoi, le Président de l’Assemblée générale voit dans la réunion de haut niveau pour promouvoir la Plateforme des femmes d’influence prévue pour cet après-midi et organisée en collaboration avec ONU-Femmes, une réponse à cet appel.  C’est dans cet esprit qu’il a invité à un engagement substantiel sur cette question qui, a-t-il rappelé, a trait à l’équité et à l’égalité, mais surtout à la dignité humaine.

Sur toutes ces questions, M. Kőrösi a dit se réjouir de travailler en étroite collaboration avec le Secrétaire général, le Conseil de sécurité, l’ECOSOC et d’autres institutions clefs de l’ONU.  Il a promis d’aider les États Membres à identifier des solutions transformatrices, axées sur l’impact, systémiques et durables.  De même, il a dit avoir l’intention de coopérer avec toutes les parties prenantes - la société civile, les jeunes, les femmes et la communauté scientifique. 

Le Président a promis d’œuvrer durant son mandat pour que la revitalisation des Nations Unies et de l’Assemblée générale se poursuive et de faire progresser les négociations sur la réforme du Conseil de sécurité: il est grand temps que le Conseil représente la population mondiale de manière plus équitable et qu’il reflète les réalités du XXIe siècle, a-t-il plaidé, y voyant une question de crédibilité pour toute notre organisation et notre ordre multilatéral.

Pour finir, M. Kőrösi a appelé à saisir les opportunités qui se présentent à nous car les choses s’améliorent lorsque nous les rendons meilleures.  Alors, « agissons! » a-t-il lancé, se disant convaincu que notre chance est « ici et maintenant! » 

Ouverture du débat général

M. JAIR MESSIAS BOLSONARO, Président du Brésil, a tout d’abord estimé que la responsabilité collective de l’Assemblée générale consiste à saisir l’ampleur des défis et à construire des réponses qui tirent leur force des objectifs communs à tous.  À cette aune, c’est ce que fait chaque pays au niveau national qui lui donne l’autorité d’agir à l’international, a-t-il dit, estimant pouvoir s’exprimer sur le programme de santé publique sur la base des réalisations de son gouvernement qui, pendant la pandémie de COVID-19, a tout fait pour sauver des vies et préserver les emplois.  Tout en protégeant le revenu des familles, notamment les plus nécessiteuses, nous avons lancé un vaste programme de vaccination qui comprend la production de vaccins, a rappelé le Chef d’État.  Plus de 80% des 210 millions d’habitants du Brésil ont déjà été vaccinés et ce, volontairement et dans le respect de la liberté individuelle, a-t-il précisé, avant d’indiquer que, dans un souci de croissance durable et inclusive, son pays avait mis en œuvre des réformes économiques dans le but d’améliorer les moyens de subsistance de sa population. 

Grâce aux mesures anticorruption de l’actuelle administration, mais aussi à l’apurement de l’endettement de la compagnie pétrolière nationale Petrobras « hérité de la gauche au pouvoir », à la modernisation des services publics et à un programme de privatisations, le pays a aujourd’hui une économie en pleine reprise, un taux d’emploi élevé et une faible inflation, s’est enorgueilli M. Bolsonaro.  Dans ce contexte, la pauvreté a commencé à reculer au Brésil, a-t-il relevé, signalant que, d’ici à la fin de 2022, 4% des familles brésiliennes vivront avec moins de 1,90 dollar par jour, contre 5,1% en 2019.  De même, le chômage a baissé de 5 points de pourcentage, atteignant 9,1%, « du jamais vu depuis sept ans », tandis que les prix de l’essence et de l’électricité ont chuté respectivement de 30% et 15% à la faveur d’une politique de rationalisation fiscale.  Avec une prévision de croissance de 3% cette année, « nous avons la tranquillité d’esprit de ceux qui sont sur le bon chemin », celui d’une prospérité partagée tant en interne qu’à l’extérieur, a souligné M. Bolsonaro, avant de noter que son pays est désormais l’un des plus grands exportateurs mondiaux de denrées alimentaires et s’apprête à avoir la plus grande récolte céréalière de son histoire.  « Sans l’agro-industrie brésilienne, la planète aurait faim, car nous nourrissons plus d’un milliard de personnes dans le monde », a-t-il fait valoir. 

De l’avis de M. Bolsonaro, le Brésil est également une référence mondiale en matière d’environnement et de développement durable.  Les deux tiers du territoire brésilien sont ainsi couverts d’une végétation indigène qui reste « telle qu’elle était lors de la découverte du Brésil en 1500 », a-t-il assuré, ajoutant que, « contrairement à ce qui est rapporté par le courant dominant des médias nationaux et internationaux », plus de 80% de la forêt amazonienne demeure intacte.  Sans négliger la population de cette région, le pays a développé une industrie des biocarburants qui contribue au mix énergétique le plus propre du G20, a poursuivi le dirigeant, selon lequel le Brésil a le potentiel de devenir un grand exportateur d’énergie verte. 

Toutefois, a concédé M. Bolsonaro, le Programme de développement durable est gravement affecté par les menaces à la paix et à la sécurité internationales, à commencer par le conflit en Ukraine.  Plaidant à cet égard pour une réforme de l’ONU et de son Conseil de sécurité, il a indiqué que son pays, aujourd’hui membre non permanent de cet organe pour la onzième fois, fait de son mieux pour trouver des solutions pacifiques et négociées aux conflits internationaux.  S’agissant du conflit ukrainien, le Brésil défend un cessez-le-feu immédiat, la protection des civils, la préservation des infrastructures critiques et le maintien de tous les canaux de dialogue entre les parties, a-t-il précisé.  Affirmant soutenir tous les efforts visant à réduire les impacts économiques de cette crise, il s’est toutefois déclaré opposé aux sanctions unilatérales et sélectives, qu’il a jugées incompatibles avec le droit international. 

M. Bolsonaro s’est aussi présenté comme un partisan inconditionnel de la liberté d’expression et de culte.  À ce propos, il a indiqué que le Brésil est prêt à accueillir les prêtres et les religieuses catholiques qui ont souffert de persécutions sous le régime dictatorial au Nicaragua.  Il a par ailleurs réaffirmé son attachement à la protection de la famille, au droit à la vie depuis la conception et au droit à l’autodéfense.  Tout en réitérant son refus de l’idéologie de genre, il a assuré que les droits des femmes constituent une priorité de son administration, comme en attestent les mesures de lutte contre la violence sexiste et d’autonomisation des femmes.  Il a enfin estimé que, 200 ans après son indépendance, le Brésil est une « nation qui respire la liberté ». 

M. MACKY SALL, Président du Sénégal, a estimé que, depuis la dernière session de l’Assemblée générale, le monde est devenu plus dangereux et plus incertain, « sous l’emprise combinée du réchauffement climatique, des périls sécuritaires et sanitaires, ainsi que de la guerre en Ukraine ».  Il a ajouté que, dans ce contexte, il est urgent d’agir de manière collective « pour apaiser les tensions, soigner notre planète, réduire les inégalités persistantes Nord-Sud, et redonner sens au multilatéralisme ». 

M. Sall a considéré que le Conseil de sécurité, qui est interpellé au premier chef, se doit de traiter de la même façon toutes les menaces à la paix et à la sécurité internationales, « y compris en Afrique ».  Sur ce dernier point, il a ainsi marqué que le terrorisme, qui gagne du terrain sur le continent, « n’est pas qu’une affaire africaine ».  Pour le Président, le terrorisme est une menace globale qui relève de la responsabilité première du Conseil, garant du mécanisme de sécurité collective, en vertu de la Charte des Nations Unies.  Aussi a-t-il invité le Conseil de sécurité à mieux s’engager avec les Africains dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, avec des mandats plus adaptés et des moyens plus conséquents. 

Après avoir, au nom de l’Union africaine, dont son pays assume actuellement la présidence, appelé à la levée des sanctions étrangères contre le Zimbabwe, qualifiées de mesures sévères qui continuent de nourrir un sentiment d’injustice contre tout un peuple et d’aggraver ses souffrances en ces temps de crise profonde, M. Sall a successivement réitéré le droit du peuple palestinien à un État viable, coexistant pacifiquement avec l’État d’Israël, « chacun à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues », et appelé à la désescalade et à la cessation des hostilités en Ukraine, plaidant pour une solution négociée, afin d’éviter le risque catastrophique d’un conflit potentiellement mondial. 

M. Sall a ensuite attiré l’attention sur l’importance d’avancer sur la voie de la réforme des « cercles décisionnels » qui confinent l’Afrique à la marge.  Il est temps, s’est-il exclamé, de faire droit à la juste et légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de sécurité.  Il a aussi rappelé sa demande d’octroi d’un siège à l’Union africaine au sein du G20, pour que l’Afrique puisse, enfin, se faire représenter là où se prennent les décisions qui engagent un milliard quatre cents millions d’Africains. 

Au titre de la gouvernance économique et financière, le Président du Sénégal a évoqué le rapport 2022 sur le financement du développement durable, réalisé, a-t-il rappelé, par une soixantaine d’institutions multilatérales, dont le FMI, la Banque mondiale, le Comité de Bâle sur la supervision bancaire, l’Association internationale des régulateurs de l’assurance et le Conseil de stabilité financière.  À cet égard, M. Sall a noté que le rapport relève les insuffisances dans les procédés d’évaluation des agences de notation et qu’il souligne l’importance d’appliquer des « méthodologies transparentes afin de ne pas miner la confiance dans les notations ». 

Jugeant que la perception du risque en Afrique continue d’être plus élevée que le risque réel, il a invité le groupe de réponse à la crise mondiale sur l’alimentation, l’énergie et les finances, à engager avec le G20, le FMI et la Banque mondiale, un dialogue constructif avec les agences de notation sur l’amélioration de leurs méthodes de travail et d’évaluation.  Dans le même esprit, a-t-il ajouté, face à l’ampleur inédite de la crise économique mondiale, l’Union africaine réitère son appel pour la réallocation partielle des droits de tirage spéciaux (DTS) et la mise en œuvre de l’Initiative de suspension du service de la dette du G20.  Toujours au chapitre économique, M. Sall a constaté que le choc actuel, « sans précédent », fragilise davantage les économies les plus faibles et rend encore plus pressants leurs besoins en liquidités, pour atténuer les effets de l’inflation généralisée et soutenir les ménages et les couches sociales les plus vulnérables, notamment les jeunes et les femmes.

Sur le développement, le Président a d’abord plaidé en faveur de la campagne « Rays of Hope », de l’AIEA, pour le renforcement des capacités des pays membres, africains en particulier, dans la lutte contre le cancer, cela grâce aux technologies nucléaires telles que l’imagerie médicale, la médecine nucléaire et la radiothérapie.  Il a ensuite assuré l’Assemblée générale de l’attachement de l’Afrique à l’Accord de Paris sur le climat, laquelle souhaite néanmoins parvenir à un consensus pour une transition énergétique juste et équitable, comme ce fut le cas au Sommet Afrique-Europe de février dernier, à la session élargie du Sommet du G7 en juin, et récemment au Forum de Rotterdam sur le financement de l’adaptation en Afrique.  Il est légitime, juste et équitable que l’Afrique, continent le moins pollueur et le plus en retard sur le processus d’industrialisation, exploite ses ressources disponibles pour disposer d’une énergie de base afin d’améliorer la compétitivité de son économie et réaliser l’accès universel à l’électricité, a-t-il notamment appuyé.  « Je rappelle qu’à ce jour, plus de 600 millions d’africains vivent encore sans électricité », a encore souligné M. Sall, qui a appelé à la réalisation de l’objectif de 100 milliards de dollars par an, en appui aux efforts d’adaptation des pays en développement et au financement du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique.  En outre, il a qualifié le financement de l’adaptation comme une contribution des pays industrialisés à un partenariat mondial solidaire, « en contrepartie des efforts que fournissent les pays en développement pour éviter les schémas pollueurs qui ont plongé la planète dans l’état d’urgence climatique actuel ». 

« L’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire; elle ne veut pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide, mais plutôt un pôle de stabilité et d’opportunités ouvert à tous ses partenaires, sur une base mutuellement bénéfique », a plaidé M. Sall.  Je suis venu dire que nous n’ignorons pas l’Afrique des problèmes, qu’il faut pacifier et stabiliser, a-t-il poursuivi, attirant toutefois l’attention sur ce qu’il a appelé « l’Afrique des solutions », riche de ses 30 millions de kilomètres carrés, ses ressources humaines, ses plus de 60% des terres arables du monde, ses richesses minières, forestières, hydriques et énergétiques.  « Oui, nous avons l’Afrique des solutions, avec des gouvernements à la tâche; une jeunesse vibrante et créative qui innove, entreprend et réussit », a-t-il renchéri, vantant les millions d’hommes et de femmes qui travaillent dur pour nourrir, éduquer et soigner leurs familles; qui investissent, créent de la richesse et génèrent des emplois.  Cette Afrique des solutions souhaite engager avec tous ses partenaires des rapports réinventés, qui transcendent le préjugé selon lequel qui n’est pas avec moi, est contre moi, a déclaré M. Sall. 

Concluant son allocution, le Président s’est dit convaincu que c’est en collaborant dans le respect de leurs différences que les pays redonneront force et vitalité à la raison d’être des Nations Unies et qu’ils sauront préserver les générations actuelles et futures du fléau de la guerre, promouvoir la cohabitation pacifique des peuples et favoriser le progrès en instaurant de meilleures conditions de vie pour tous.

M. GABRIEL BORIC FONT, Président du Chili, a déploré que son pays, maintenant une forte concentration de richesses, soit devenu un des pays les plus inégalitaires de la planète.  Parce qu’elle nuit à la compréhension mutuelle, la fracture sociale ainsi créée constitue une menace latente pour la démocratie, s’est-il inquiété.  Alertant que le déchaînement social que le Chili a connu en 2019 n’était pas accidentel et peut se produire ailleurs, il a exhorté à ne pas rester les bras croisés, insistant sur l’importance d’« anticiper », au moyen d’une meilleure répartition des richesses et du pouvoir.  Il a regretté les graves épisodes de violence qui ont émargé du mécontentement populaire au Chili en octobre 2019, pointant la « répression incontrôlée » exercée par l’État.  Cette dernière constitue une grave violation des droits humains qui doit être réparée, a-t-il insisté. 

Évoquant le récent rejet par les citoyens chiliens (62% contre 38%) de la proposition de nouvelle constitution qu’il avait lui-même approuvée, M. Boric Font a affirmé avoir pris les résultats du récent plébiscite avec les yeux et le cœur grands ouverts, tout en se déclarant convaincu qu’à court terme, le Chili disposera d’une constitution qui satisfera pleinement ses citoyens. 

Le Président chilien a par ailleurs appelé à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la guerre injuste de la Russie contre l’Ukraine, pour ensuite dénoncer les violences contre les femmes, évoquant notamment le décès, cette semaine dans une prison iranienne, de Mahsa Amini.  Veillons à ce que, partout dans le monde, le fait d’avoir des idées différentes de celles du gouvernement en place ne conduise pas à des persécutions ou à des violations des droits humains, a exhorté M. Boric Font. 

M. ABDULLAH II IBN AL HUSSEIN, Roi de Jordanie, s’est inquiété des nombreuses crises qui secouent le monde.  Des crises qui sont de plus en plus imbriquées les unes aux autres, a fait observer le Roi de Jordanie, citant les conflits régionaux ayant un impact international, les changements climatiques dévastateurs, les perturbations dues aux pandémies, les violences extrémistes, l’inflation galopante, la récession imminente et, pour un trop grand nombre de personnes dans le monde, « la réalité croissante de la faim ».  Les pays en développement sont les plus durement touchés, a-t-il déploré.  Est-ce l’avenir que nous laisserons aux générations futures? a-t-il demandé en s’adressant à ses pairs, appelant à œuvrer pour offrir un monde différent, aux horizons élargis.  En somme, un monde plus équitable. 

« Nous voyons davantage d’opportunités de travailler avec des partenaires pour préserver des sites précieux du patrimoine mondial et des merveilles naturelles », a poursuivi le Roi Abdullah II, en référence à la mer Morte, unique en son genre, au fleuve sacré du Jourdain et aux récifs coralliens du golfe d’Aqaba - tous menacés par les changements climatiques.  La croissance économique durable et inclusive a été trop souvent victime des crises mondiales, a-t-il regretté.  Dans sa région, l’accent est mis sur la recherche de l’établissement de partenariats intégrés qui exploitent les capacités et les ressources de chaque pays au profit de tous.  Le souverain a vu des « blocs de résilience régionale » se constituer pour stimuler de nouvelles opportunités.  Ainsi a-t-il évoqué les partenariats multilatéraux établis par la Jordanie avec l’Égypte, l’Iraq, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, Bahreïn et d’autres pays de la région. 

S’agissant de la situation au Moyen-Orient, et notamment du conflit israélo-palestinien, où la paix reste difficile à atteindre car, selon lui, « ni la guerre ni la diplomatie n’ont apporté de réponse à cette tragédie historique », le Roi Abdullah II a encouragé les gens eux-mêmes, et non les politiciens, à se rallier et à inciter leurs dirigeants à résoudre ce problème.  À quoi ressemblerait notre monde aujourd’hui si le conflit avait été réglé depuis longtemps?  Alors que nous poursuivons nos efforts pour parvenir à la paix, nous ne devons pas abandonner les réfugiés, a insisté le dirigeant.  Cette année, l’Assemblée générale votera le renouvellement du mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  La communauté internationale doit envoyer un message fort de soutien aux droits des réfugiés palestiniens, a-t-il plaidé.  Le peuple palestinien ne peut se voir refuser le droit à l’autodétermination.  Et la voie à suivre est la solution des deux États, conformément aux résolutions de l’ONU: un État palestinien souverain, viable et indépendant, dans le cadre des frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, vivant côte à côte avec Israël dans la paix, la sécurité et la prospérité.  « Aujourd’hui, l’avenir de Jérusalem nous préoccupe vivement. »  La ville est sacrée pour des milliards de musulmans, de chrétiens et de juifs dans le monde, a rappelé le souverain.  La remise en cause du statu quo juridique et historique de Jérusalem déclenche des tensions mondiales et des conflits, a-t-il mis en garde, estimant que la Ville sainte ne doit pas être « le théâtre de la haine et de la division ».  En tant que gardiens des lieux saints chrétiens et musulmans de Jérusalem, nous nous sommes engagés à protéger leur statu quo historique et juridique ainsi que leur sécurité et leur avenir, a-t-il ajouté.  En tant que dirigeant musulman, a-t-il conclu, « permettez-moi de dire clairement que nous sommes engagés à défendre les droits, le précieux patrimoine et l’identité historique du peuple chrétien de notre région ». 

M. GUSTAVO PETRO URREGO, Président de la Colombie, a souligné la beauté de son pays, reflétée par la forêt amazonienne, la jungle du Chocó, la cordillère des Andes et les océans.  C’est dans ces jungles que l’oxygène planétaire est libéré et que le CO2 atmosphérique est absorbé, a-t-il souligné, avant de s’élever contre ceux, États et concessionnaires, qui, malgré les cris d’alarme des scientifiques, veulent détruire l’Amazonie, « rongés par leur addiction au pouvoir, à l’argent, au pétrole et à la cocaïne ».  Tandis qu’ils laissent brûler les forêts et détruisent des plantes comme la coca, les « hypocrites » nous demandent de plus en plus de charbon et de pétrole pour calmer une autre addiction: celle de la consommation, a dénoncé le Chef d’État.  Dans ce contexte d’injustice, a-t-il observé, les comptes bancaires sont devenus illimités et l’argent épargné par les plus puissants demandera des siècles pour être dépensé.  Mais cette dépendance à l’argent a aussi le visage de la toxicomanie et de la solitude, qui ne pourront être guéries en déversant du glyphosate sur les jungles, a renchéri le Président, avertissant que si rien n’est fait pour inverser cette tendance qui dure depuis quarante ans, les États-Unis verront 2 800 000 jeunes mourir d’une surdose de fentanyl, tandis que des millions d’Afro-Américains seront emprisonnés dans des prisons privées et qu’un million de Latino-Américains seront assassinés.  Appelant à mettre fin à la « guerre irrationnelle contre la drogue », il s’est prononcé pour la construction d’une société plus solidaire, plus affectueuse, « où l’intensité de la vie sauve des addictions et des nouveaux esclavages ». 

« Aidez-nous sans hypocrisie à sauver la forêt amazonienne pour sauver la vie de l’humanité sur la planète », a encore lancé le dirigeant, pour qui les guerres ont servi d’excuse pour ne pas agir contre la crise climatique.  Alors que des millions de personnes affamées et assoiffées migrent vers le Nord, on construit des murs, on leur tire dessus et on les traite comme si elles n’étaient pas humaines, reproduisant ce qui a créé des chambres à gaz et des camps de concentration dans les années 1930, s’est indigné M. Petro Urrego.  De même, face aux virus qui nous détruisent, on assiste à la transformation des vaccins en marchandises, a-t-il dénoncé, établissant un lien entre l’accumulation accrue de capitaux et le nombre croissant de morts liées au climat.  « Le Frankenstein de l’humanité a laissé le marché et la cupidité agir sans plan, au détriment de la rationalité humaine », a martelé le Président, avant d’appeler l’Amérique latine à s’unir pour sauver la forêt amazonienne et ses ressources utiles au monde entier.  Si les autres n’ont pas la capacité de financer le fonds de revitalisation des forêts, s’ils préfèrent allouer l’argent aux armes qu’à la vie et à la réduction des dettes extérieures au profit de la vie sur la planète, « nous le ferons », a-t-il promis, tout en invitant les « peuples slaves » d’Ukraine et de Russie à faire la paix.  « Ce n’est que dans la paix que nous pourrons sauver la vie sur cette terre qui est la nôtre », a-t-il conclu. 

M. RECEP TAYYIP ERDOĞAN, Président de la Türkiye, a placé son discours sous les auspices de la solidarité, qu’il a invoquée à plusieurs reprises comme la condition du règlement des conflits dans le monde.  Il a d’abord déclaré que la principale leçon tirée de la pandémie de COVID- 19 était précisément que c’est la solidarité qui a permis de venir en aide collectivement aux personnes dans le besoin, la Türkiye ayant fourni une aide humanitaire et sanitaire à 161 pays, et réussi à mettre au point son propre vaccin.  En guise de gages de la détermination de son pays à engager tous les efforts nécessaires pour inverser des tendances potentiellement cataclysmiques pour la planète, M. Erdoğan a rappelé la ratification turque de l’Accord de Paris sur le climat, signe selon lui d’une volonté d’être aux avant-postes de la lutte contre les changements climatiques.  

Le Président turc a ensuite axé sa déclaration sur les questions de sécurité internationale et régionale.  La crise ukrainienne ayant provoqué une vague de chocs économiques qui impactent le bien-être social de millions d’êtres humains, la Türkiye, qui a toujours considéré le secteur énergétique comme un secteur de coopération et non de concurrence, a lancé de nombreux projets pour que soit assuré l’approvisionnement en énergie dans les mois à venir, a-t-il noté.   

La Türkiye est une force de médiation dans la crise entre la Russie et l’Ukraine, convaincue que la guerre ne pourra jamais triompher, a souligné M. Erdoğan, ajoutant que les initiatives diplomatiques menées par son pays aux côtés de l’ONU visent à rallier les parties à la cause de la paix et faciliter l’atteinte d’un règlement du différend « une fois pour toutes ».  Concernant l’Initiative céréalière de la mer Noire, M. Erdoğan l’a qualifiée de primordiale pour garantir la poursuite des exportations chaque jour plus importantes dans un contexte préoccupant d’envolée des prix.  L’Initiative est une réalisation majeure de l’ONU au cours de la décennie écoulée, n’a-t-il pas hésité à affirmer, considérant qu’elle avait redonné à la communauté internationale confiance dans l’utilité pour le monde de l’Organisation des Nations Unies.  

S’agissant du fonctionnement de cette dernière, le Président turc a souligné l’importance de l’avènement d’une ONU inclusive, capable d’imaginer un ordre mondial plus équitable et représentant la volonté commune de tous les peuples du monde.  À ce propos, il a exhorté le Conseil de sécurité à se réformer pour être en mesure de réaliser les objectifs de paix et de sécurité internationale consacrés par la Charte des Nations Unies.  Il a demandé à l’Assemblée générale de se rappeler que la politique étrangère de son pays a toujours eu des objectifs pacifiques, les efforts de médiation et de facilitation qu’il mène activement, sous l’égide de l’ONU, pour régler les conflits sur tous les continents, en témoignent sans conteste.  Y compris dans notre région, nous nous efforçons de contribuer aux solutions et pas aux problèmes, a-t-il dit.  

Sur les questions de sécurité régionale, M. Erdoğan a plaidé pour une solution pacifique au conflit syrien « dans le cadre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité », faute de quoi ce conflit s’éternisera, menaçant durablement l’intégrité territoriale de ce pays et la sécurité de la région.  Après avoir demandé instamment au Conseil la prorogation du mécanisme humanitaire transfrontalier, il s’est appesanti sur la situation des plus de deux millions de réfugiés syriens accueillis en Türkiye depuis 2011.  Nous mettons tout en œuvre pour que nos frères et sœurs syriens rentrent dans leur pays dans la paix et la sécurité, a-t-il assuré, évoquant, photo à l’appui, la construction de milliers de maisons de briques dans différentes régions syriennes pour qu’ils puissent s’y installer en famille.  La communauté internationale doit soutenir ces projets humanitaires d’envergure, a-t-il demandé.   

Poursuivant sur la question des réfugiés, M. Erdoğan a insisté sur le fait qu’elle ne saurait être résolue en dressant des murs aux frontières ou en rejetant à la mer des migrants.  Sur ce dernier point, il a fustigé la Grèce, l’accusant de conduire une politique cruelle envers les migrants en mer Égée et en Méditerranée orientale, où, a-t-il soutenu, là encore en présentant une photo, des enfants ont péri car les garde-côtes grecs ont fait couler le bateau sur lequel ils se trouvaient.  Pour lui, l’Europe et l’ONU doivent demander que cessent ces crimes contre l’humanité.  Les pays qui lancent des incursions dans notre région ont perdu la raison, a-t-il encore accusé, exhortant la Grèce à abandonner sa politique de provocations et de conflit et à être réceptive « à nos appels au dialogue en vue de garantir la stabilité en mer Égée et en Méditerranée orientale ».   

M. Erdoğan a affirmé qu’à Chypre vivent deux États et deux différentes nations, « ce qui doit être accepté par tous ».  Appelant à la reconnaissance des droits des Chypriotes turcs, « dont il faut accepter le statut international », il a demandé qu’il soit mis fin sans délais aux sanctions internationales qui les visent.  La Grèce persécute les minorités musulmanes turques, bafouant ce faisant leurs obligations juridiques, a encore accusé le Président turc, qui a invité l’Union européenne à davantage de bienveillance à l’égard de cette communauté.  Par ailleurs, il a réitéré les appels de son pays à la libération immédiate et sans condition « des territoires occupés de l’Azerbaïdjan ».  La Türkiye soutient pleinement tous les processus de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et ne peut par conséquent que déplorer les affrontements récents qui obscurcissent les avancées vers la paix obtenues de haute lutte, a-t-il assuré, avant d’insister sur le fait que son pays serait toujours aux côtés « de nos frères et sœurs d’Azerbaïdjan pour qu’ils puissent vivre dans la paix et la sécurité ».  Le Président turc a également fait référence au sort des musulmans rohingya du Myanmar, demandant qu’ils puissent rentrer chez eux, et aux musulmans ouïghours.  

Solidarité: le mot est revenu dans la conclusion du Président Erdoğan pour qualifier la relation entre l’Union européenne et la Türkiye.  Nous sommes membre de l’OTAN depuis 70 ans et notre puissance militaire ainsi que notre diplomatie ont contribué en maintes occasions au maintien de la sécurité et de la stabilité sur le continent européen, a- t- il ainsi dit.  Enfin, se disant convaincu que la principale menace à la concorde entre les hommes est le refus de coexister « les uns avec les autres », il a renouvelé sa proposition de faire du 15 mai une journée mondiale de lutte contre l’islamophobie, en commémoration de l’attaque terroriste de deux mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande, qui avait fait 51 morts le 15 mars 2019.  

M. SADYR ZHAPAROV, Président du Kirghizistan, a attiré l’attention sur la situation « réelle » se développant à la frontière sud de son pays, liée à l’aggravation de la situation sur la frontière kirghize-tadjike.  Il a rappelé qu’après l’effondrement de l’Union soviétique, des territoires contestés et des problèmes frontaliers ont surgi, certains d’entre eux n’ayant pas été réglés à ce jour.  Il a noté, en ce qui concerne le Kirghizistan, que les problèmes de règlement des frontières avaient été résolus avec la Chine en 1996 et avec le Kazakhstan en 1999 et en 2017, et que l’accord avec l’Ouzbékistan était presque achevé.  Il s’est félicité que les frontières avec ces trois pays soient désormais des frontières de paix, de bon voisinage, d’amitié et de coopération mutuelle.  Il a en revanche regretté que le Président du Tadjikistan s’écarte désormais du principe, énoncé dans la Déclaration d’Alma-Ata, de reconnaissance mutuelle de l’intégrité territoriale et l’inviolabilité des frontières existantes. 

Le Président kirghize a insisté sur le fait que, depuis le début des travaux sur le règlement des questions frontalières entre les deux États, son pays avait agi conformément à ses obligations internationales et bilatérales et mené les négociations de manière constructive.  Il a dénoncé l’agression non provoquée par les forces du Tadjikistan sur le territoire kirghize en avril 2021, ainsi que les affrontements militaires à grande échelle intervenus dans le sud du Kirghizistan les 14, 15 et 16 septembre 2022, conduisant au déplacement de 140 000 civils et causant d’importants dégâts matériels aux installations civiles et militaires. 

Il s’est déclaré prêt à poursuivre les négociations et la médiation internationale, y compris dans le cadre de l’ONU, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).  Indiquant disposer de preuves documentées des actions illégales et déloyales de la partie tadjike, il a également appelé à l’adoption de mesures urgentes pour assurer la stabilité et la sécurité des zones frontalières et la répression de toute action visant à accroître les tensions parmi la population locale. 

Concernant les problèmes « généraux » de l’ONU, le Chef d’État a constaté qu’en raison de circonstances objectives, y compris la pandémie de coronavirus, la mise en œuvre des ODD dans les pays en développement a été ralentie, alertant que sans financement international adéquat, beaucoup d’entre eux pourraient ne pas atteindre les indicateurs les plus critiques.  Il a appelé à accélérer la croissance économique qualitative, notant que le Kirghizstan participait activement au processus d’intégration et de coopération, notamment dans le cadre de l’Union économique eurasienne et de l’initiative « Une Ceinture et une Route » de la Chine.  Il a aussi attiré l’attention sur le projet de construction d’un chemin de fer Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan, dont la mise en œuvre élargira les opportunités de commerce international, d’investissement, de transit et de tourisme pour les États d’Asie centrale n’ayant pas d’accès à la mer. 

M. KASSYM-JOMART TOKAYEV, Président du Kazakhstan, s’est inquiété de voir que le système international existant, fondé sur l’ordre et la responsabilité, est en train de faire place à un nouveau système, plus chaotique et imprévisible.  Pour la première fois depuis deux générations, le monde est confronté à la perspective de l’utilisation d’armes nucléaires, et pas seulement en dernier recours, s’est alarmé M. Tokayev, en recommandant d’établir les liens entre trois principes primordiaux: l’égalité souveraine des États, l’intégrité territoriale des États et la coexistence pacifique entre les États.  Il a assuré que son pays est prêt à coopérer avec tous les acteurs concernés dans un esprit d’inclusion, de multilatéralisme et de bonne volonté. 

Poursuivant, le Président a relevé que les multiples crises de ces dernières années, souvent interconnectées, ont mis en évidence des lacunes importantes dans la gouvernance mondiale, ainsi que la nécessité de moderniser et de réformer l’ONU.  Il a souhaité que les Nations Unies soient mieux préparées à relever les défis et à saisir les opportunités de demain, se disant à cet égard favorable aux propositions contenues dans le rapport du Secrétaire général intitulé « Notre programme commun ».  Il s’agit pour lui d’une occasion importante de réaffirmer la Charte des Nations Unies, de redynamiser le multilatéralisme, de convenir de solutions concrètes aux nouveaux défis et de renforcer la confiance entre les États Membres.  À cette fin, le Kazakhstan a proposé il y a 30 ans de convoquer la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA).  Dans le contexte des nouveaux défis et des nouvelles menaces, l’objectif, selon lui, est de transformer la CICA en une organisation internationale à part entière lors du prochain sommet en octobre, afin de contribuer à la médiation mondiale et à l’établissement de la paix.  

À huit ans seulement de l’échéance de 2030, le Président a attiré l’attention sur le fait que les objectifs de développement durable sont compromis par la pandémie de COVID-19, la « triple crise planétaire » (changements climatiques, perte de biodiversité et pollution) et les conflits dans le monde entier.  C’est pourquoi il a appelé à reprendre la main avant qu’il ne soit trop tard.  Il a aussi recommandé la promotion d’un dialogue franc entre l’Est et l’Ouest et d’une nouvelle politique de sécurité mondiale fondée sur les principes de confiance mutuelle et de coopération multidimensionnelle.  Compte tenu de la crise actuelle et de l’aggravation des tensions géopolitiques, il a jugé indispensable de mettre en place des processus dans le cadre des Nations Unies qui puissent déboucher sur la détente et la prévention des conflits. 

Il a assuré notamment vouloir continuer à lutter pour un monde sans armes nucléaires et a pressé pour l’élaboration de nouveaux mécanismes visant à garantir le désarmement et la non-prolifération.  Il a de plus alerté sur les risques et les dangers biologiques, regrettant qu’outre la Convention sur les armes biologiques vieille de 50 ans, il n’y ait pas encore d’agence ou organisme de coopération internationale.  Il a donc réitéré sa proposition de créer une telle agence. 

Sur le plan des changements climatiques, le Kazakhstan s’est engagé à transformer totalement le secteur énergétique dépendant du pétrole et du charbon en une économie nette zéro d’ici à 2020, a enfin rappelé le Président.  C’est pourquoi il entend appeler les États Membres et la communauté économique, lors de la COP27, à renforcer leur engagement en faveur d’un financement plus important du climat.  Pour finir, le Président, dont le pays est le septième producteur mondial de céréales, et le grenier de l’Asie centrale, s’est engagé à utiliser ce potentiel agricole pour lutter contre l’insécurité alimentaire mondiale.  

M. TAMIM BEN HAMAD AL THANI, Émir du Qatar, a constaté qu’alors que le monde a changé de rythme en termes de propagation des crises environnementales, économiques ou militaires, les méthodes de la communauté internationale n’ont, elles, pas évolué.  La politique internationale reste régie par une logique d’intérêts étroits et de priorités des États, a-t-il regretté, jugeant la marginalisation du droit international et la gestion des différences en fonction des rapports de force contraires à l’esprit de la Charte des Nations Unies et au respect de la souveraineté des États.  Il a également déploré le manque de mécanismes suffisants pour dissuader et punir les agresseurs, avant de se dire conscient de la complexité du conflit entre la Russie et l’Ukraine ainsi que de sa dimension internationale.  Appelant les deux parties au cessez-le-feu et à la recherche d’une solution pacifique, il a averti que faire durer cette guerre ne fera qu’augmenter le nombre des victimes, tout en multipliant les risques pour l’Europe et le monde en général.  

À cet égard, il a cru bon de rappeler que la question palestinienne n’est toujours pas résolue et que, faute d’une mise en œuvre des résolutions de la communauté internationale, la puissance colonisatrice adopte une « politique du fait accompli ».  C’est pourquoi, a-t-il dit, il est nécessaire que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités et oblige Israël à mettre fin à son occupation des territoires palestiniens et à établir un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.  De même, a ajouté l’Émir, alors que la communauté internationale n’a pas été en mesure de faire rendre des comptes aux criminels de guerre en Syrie, il est urgent que le peuple de ce pays puisse voir se réaliser ses aspirations à la paix et à la stabilité.  Pour cela, l’ONU ne doit pas accepter que la voie politique se résume à la seule Commission constitutionnelle placée sous ses auspices, a-t-il plaidé, appelant par ailleurs à une action internationale immédiate pour achever le processus politique en Libye et pour soutenir la trêve temporaire au Yémen.   

Après avoir souligné l’importance d’un accord équitable sur le programme nucléaire iranien et d’une réconciliation nationale en Afghanistan, dans le cadre de l’Accord de paix de Doha et dans le respect des droits de la personne, notamment des femmes et des filles, le Chef d’État a évoqué à son tour la crise énergétique planétaire, fruit selon lui d’un manque de coordination mondiale.  Rappelant que près d’un milliard de personnes dans le monde vivent sans source d’énergie primaire fiable, il a fait valoir que les situations dans lesquelles les crises politiques dégénèrent en crises énergétiques ne sont pas nouvelles.  Avant même la guerre en Ukraine, a-t-il relevé, les pénuries d’énergie étaient à l’origine de décennies de pression pour arrêter les investissements dans les énergies fossiles, avant qu’y soient substituées des alternatives durables et respectueuses de l’environnement.  S’il ne fait aucun doute que les changements climatiques et la protection de l’environnement imposent de diversifier les sources d’énergie, il faut aussi être réaliste et économiser l’énergie, a professé le dirigeant, qui s’est dit convaincu que l’avenir de l’énergie inclura un mix de sources durables, telles que l’énergie solaire, l’hydrogène et l’énergie éolienne, mais aussi des hydrocarbures.  Il a d’autre part indiqué que, grâce à son investissement dans le gaz naturel liquéfié, son pays s’apprête à étendre son champ gazier nord, ce qui permettra d’atténuer la crise d’approvisionnement énergétique dans plusieurs parties du monde.  Enfin, il a rappelé qu’après 12 ans de travail acharné, le Qatar accueillera en novembre la Coupe du monde de football, la première à se dérouler dans un pays arabe et musulman et la première à avoir lieu au Moyen-Orient.  Soulignant l’impact positif de cet événement pour sa région, il a assuré que le peuple qatari ouvrira les bras aux fans de football de toutes nationalités et origines.      

M. YOON SUK YEOL, Président de la République de Corée, s’est inquiété des menaces croissantes qui pèsent sur l’humanité, soulignant que les solutions passent d’abord par la solidarité et la déférence envers les normes mondiales universellement acceptées et nécessitent de travailler ensemble, à travers le système des Nations Unies. 

Il a estimé qu’afin de répondre aux défis de la pandémie, l’ONU doit jouer un rôle décisif pour inciter la communauté internationale à renforcer son appui aux pays dont la marge de manœuvre budgétaire et la compétence technique sont limitées.  Les pays dotés de technologies vertes de pointe doivent partager les technologies des énergies nouvelles et renouvelables; l’ONU doit promouvoir la coopération mondiale pour réduire la fracture numérique; et les États à la pointe de l’innovation numérique doivent offrir une assistance plus large pour l’éducation numérique, le transfert de technologie et l’investissement.  La République de Corée a ainsi augmenté son budget d’aide publique au développement dans le but de parvenir à un développement plus inclusif à l’échelle mondiale, a-t-il fait savoir.  

M. Yoon s’est aussi félicité que son pays ait accéléré la recherche et le développement de médicaments et de vaccins contre la COVID-19, et se soit engagé à verser 300 millions de dollars à l’Accélérateur ACT, ainsi que 30 millions de dollars au fonds d’intermédiation financière de la Banque mondiale.  Il a ensuite annoncé que, dans l’objectif d’anticiper plus efficacement de futures flambées épidémiques, la République de Corée accueillera une réunion ministérielle du Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale à Séoul, en novembre prochain.  Outre une augmentation notable de ses contributions au Fonds mondial, la République de Corée aidera les pays en développement à faire la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone et à partager avec eux sa technologie numérique de pointe en matière de gouvernance électronique, a-t-il ajouté. 

Arrivant au terme de son intervention, le Président a souligné de nouveau que, pour faire face à la crise mondiale, dirigeants comme citoyens doivent soutenir plus fermement le système des Nations Unies, en mettant en garde que toute tentative de se détourner des normes universelles divisera la communauté mondiale en blocs opposés et aggravera plus encore les troubles.  

M. MARIO ABDO BENÍTEZ, Président du Paraguay, a appelé à faire face aux démarches démagogiques et despotiques à une époque qui exige des engagements politiques concrets qui privilégient le dialogue et des réformes complexes plutôt que de fausses promesses.  Il a indiqué que son pays coparrainera au Conseil des droits de l’homme une résolution appelant à enquêter sur la violation des droits de l’homme au Venezuela, pour ensuite appuyer la demande de la République de Chine (Taïwan) de faire partie intégrante du système des Nations Unies.  

Mettant l’accent sur la primauté du droit international et la prévalence de la diplomatie, le Président du Paraguay s’est particulièrement inquiété de la situation en Ukraine et des conséquences humanitaires du conflit.  Il a lancé un appel à la cessation des hostilités et à la reprise des négociations avant de s’interroger sur le rôle du Conseil de sécurité dans ce contexte international délicat.  Il a jugé urgent de repenser le fonctionnement du Conseil de sécurité pour qu’il soit plus efficace, en soulignant le rôle de l’Assemblée générale comme moyen de faire entendre la voix de tous les États.  En outre, il a mis l’accent sur l’importance d’un système financier international sain, jugeant impossible d’éradiquer la pauvreté et promouvoir le développement durable, tant que les économies seront contaminées par les profits et activités illicites.  Dans ce contexte, il a salué l’évaluation du Groupe d’action financière d’Amérique latine (GAFILAT) qui a reconnu la modernisation des institutions du Paraguay chargées de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  Il a expliqué que son pays avait mené la plus grande opération de l’histoire contre le crime organisé grâce à une coordination entre les forces de sécurité du Paraguay mais aussi avec les agences spécialisées de pays amis.  

Par ailleurs, le Président du Paraguay a dit les efforts de son pays pour promouvoir des pratiques plus durables dans les domaines de la production agricole et animale, et le recours à une énergie cent pour cent renouvelable.  Il a encouragé la création d’un poste de rapporteur spécial sur les changements climatiques au Conseil des droits de l’homme, qui contribuera à rendre visible le véritable impact de cette crise.  Il a par ailleurs noté que le Paraguay figure parmi les cinq pays de la région ayant réussi à augmenter les investissements étrangers directs (IED) pendant la pandémie et qu’il planifie un développement d’infrastructures sans précédent.

M. SAULI NIINISTÖ, Président de la Finlande, a relevé que les répercussions de la guerre en Ukraine sont déjà considérables.  En effet, une triple crise énergétique, alimentaire et financière pèse particulièrement sur les populations des pays vulnérables.  Des pays qui souffrent déjà le plus de la crise climatique et de la pandémie de COVID-19.  Aussi difficile que cela puisse paraître, le moment est venu de faire preuve de solidarité mondiale et de renforcer la coopération multilatérale, a-t-il indiqué, en soutenant que la communauté internationale peut et doit sortir renforcée de ces crises.  Il a noté qu’il y avait une crise alimentaire mondiale avant même l’invasion russe en Ukraine.  En effet, plus de 800 millions de personnes dans le monde souffraient chroniquement de la faim.  La guerre aggrave encore cette calamité, a-t-il dit, tout en plaidant pour des systèmes alimentaires durables, inclusifs et équitables.  Nous devons également accélérer la mise en œuvre d’autres objectifs de développement durable, a poursuivi le Président, en soulignant que « nous ne pouvons nous permettre de laisser des gens à la traîne ». 

Au vu des catastrophes qui sont visibles à travers le monde, M. Niinistö a rappelé que les changements climatiques représentent une menace existentielle pour le genre humain, ce qui appelle une action urgente, sur deux fronts.  Premièrement, nous devons changer de cap avant qu’il ne soit trop tard.  Deuxièmement, nous devons aider ceux qui souffrent de toute urgence et soutenir ceux qui ont moins de ressources pour faire face à cette menace.  Le Président a appelé à honorer l’engagement de doubler le financement de l’adaptation pris lors de la COP26 à Glasgow, avant de préciser que « lutter contre les changements climatiques et prendre soin de l’économie ne sont pas des objectifs contradictoires ».  En effet, la transition verte a un énorme potentiel de création d’emplois, d’innovation et de croissance économique, a-t-il argué.  Mais, elle doit être menée équitablement.  Le Président a également mis en garde contre la perte alarmante de la variété de la vie sur notre planète. 

M. Niinistö a par ailleurs salué le travail du Conseil des droits de l’homme, notamment sur la Syrie et l’Ukraine.  Il a indiqué que la Finlande, en tant que membre du Conseil, agit pour rendre justice aux victimes de violations des droits de l’homme.  Pour la première fois de son histoire, l’indice de développement humain du PNUD a baissé pendant deux années consécutives, a-t-il constaté, en notant que nous ne pouvons pas laisser cette tendance se poursuivre.   

Dans ce monde turbulent, ceux qui attisent les flammes des conflits portent une responsabilité particulière, a ajouté le Président.  Il a appelé à construire et renforcer la paix et prévenir les conflits dans la mesure du possible.  Selon lui, le rapport du Secrétaire général publié, il y a deux ans, et intitulé « Notre programme commun » nous fournit un modèle pour un multilatéralisme plus efficace, ouvrant la voie à des solutions aux problèmes actuels et futurs du monde.   

Le Président finlandais a invité les deux plus grands États dotés d’armes nucléaires à faire progresser le désarmement nucléaire, ajoutant que les autres devraient suivre le mouvement.  Il a ainsi appelé les États-Unis et la Fédération de Russie à poursuivre leur dialogue sur la stabilité stratégique, en vue de réaliser de nouvelles réductions de leurs arsenaux nucléaires.  Enfin, il a affirmé que les défis mondiaux interdépendants démontrent plus que jamais que nous avons besoin d’un renouvellement de l’engagement envers le multilatéralisme, avec les Nations Unies en son centre. 

M. IGNAZIO CASSIS, Président de la Suisse, a commencé par noter que la Suisse était le seul pays à avoir adhéré à l’ONU -il y a vingt ans- à la faveur d’une votation populaire, reflétant l’adéquation entre les valeurs et buts de l’ONU et ceux ancrés dans la Constitution suisse.  Il s’est dit bouleversé par l’agression militaire lancée par la Russie contre l’Ukraine, qui a enfreint les principes élémentaires de la Charte, et a réitéré l’appel lancé à la Russie pour qu’elle mette fin sans plus tarder à la guerre et à la violence en Ukraine.

M. Cassis a souligné que cette guerre s’ajoutait aux autres crises mondiales, notant qu’aucun continent n’est aujourd’hui épargné par les conflits armés et que, chaque jour, le droit international humanitaire et les droits de l’homme sont violés, constituant les signes avant-coureurs de possibles escalades de violences et d’instabilités.  Il insisté sur le lien direct entre les conflits et d’autres problématiques, notamment l’insécurité alimentaire, la sécurité énergétique, les changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution de l’environnement, ou encore les défis sanitaires mondiaux comme la pandémie de coronavirus.  Il a réaffirmé que la Suisse était résolue à apporter sa pierre à l’édifice pour trouver des solutions transformatrices face à des défis intriqués, dans une culture de compromis, de consensus et de dialogue.

M. Cassis a rappelé l’importance des normes et valeurs fondamentales, soulignant le caractère capital du droit international et l’engagement de la Suisse en faveur de son respect, y compris celui du droit international humanitaire et des droits de l’homme, ainsi que dans la lutte contre l’impunité.  Il s’est référé au Programme de développement durable à l’horizon 2030 comme feuille de route commune afin d’améliorer la résilience, la durabilité et l’inclusion de nos sociétés, soulignant les progrès de la Suisse dans ce domaine, même si des efforts supplémentaires doivent être entrepris pour attendre tous les objectifs.

Insistant sur le caractère indissociable de l’indépendance et de la coopération, le Président de la Suisse a rappelé que chaque État est souverain, donc indépendant, principe auquel la Suisse est attachée puisqu’il permet d’accorder à la diversité de sa culture et de sa population l’attention qu’elle mérite.  Il a souligné qu’indépendance et coopération sont étroitement liées puisque, sans coopération, l’indépendance serait synonyme d’isolement et, sans indépendance, la coopération serait une contrainte.  Il a souligné le rôle de Genève, centre de la diplomatie multilatérale dans de nombreux domaines, dans la contribution à ce dialogue.

M. Cassis a rappelé, au titre de l’engagement en faveur de la paix et de la sécurité, que la Suisse est un pays neutre respectant le droit à la neutralité ancré dans le droit international public, ne s’impliquant pas dans les conflits et n’apportant aucun soutien militaire à l’une ou l’autre des parties.  Il a néanmoins noté que la neutralité n’a pas pour corollaire l’indifférence ou l’absence de solidarité et s’est engagé à sauvegarder les principes de liberté, de démocratie et d’état de droit.  En présentant sa candidature au Conseil de sécurité, où elle a été élue le 9 juin 2022 avec 187 voix, la Suisse a montré qu’elle était prête à prendre des responsabilités pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité dans le monde, a-t-il fait valoir.

Face à ces défis complexes, M. Cassis a relevé que les ressources étaient limitées et qu’il était nécessaire de prioriser les actions sur la question essentielle de la coexistence pacifique et durable grâce à une ONU forte et efficace, une meilleure mise en réseau des organisations de l’ONU et une meilleure utilisation de la science, des innovations et de la diplomatie scientifique.  Il a dit sa fierté d’avoir créé le Geneva Science Diplomacy Anticipator afin d’anticiper les défis posés par les nouvelles technologies afin de maximiser les bénéfices et de minimiser les risques pour l’homme et de garantir un avenir durable sur la planète.

Mme ZUZANA ČAPUTOVÁ, Présidente de la Slovaquie, a rappelé que la Charte des Nations Unies confère des responsabilités spéciales aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité en matière de protection de la paix.  Pourtant, l’un de ces derniers nie ouvertement le droit à l’indépendance d’un autre État Membre de l’ONU, l’Ukraine, et fixe les règles pour les autres en recourant au droit de veto, a-t-elle dénoncé, estimant que les torts de la Fédération de Russie sont patents.  Au-delà de l’Ukraine, cette agression affecte le monde entier, a relevé la Chef d’État, avant d’appeler la Russie à cesser son blocage des ports ukrainiens, qui, selon elle, aggrave la crise alimentaire mondiale.  Constatant que l’échec de Vladimir Putin est confirmé par les récents succès de l’Ukraine sur le champ de bataille, elle a souhaité que le monde tire des leçons de ses erreurs passées.  Alors que la Russie occupe des parties de la Géorgie depuis 2008 et de l’Ukraine depuis 2014, « notre réponse à ces actions a été incomplète », a-t-elle regretté, considérant que « notre faiblesse a encouragé plus d’agressivité ».  À l’instar de plus de 50 pays, dont tous les membres de l’Union européenne, la Slovaquie impose des sanctions à la Russie, et ce, bien que son approvisionnement énergétique dépende de ce pays, a souligné la Présidente, pour qui « nous devrions tous aider l’Ukraine, politiquement, militairement et financièrement, parce que c’est le seul moyen de rétablir la paix ». 

Pour Mme Čaputová, la crise climatique révèle également le fossé croissant entre les engagements pris et leur réalisation pratique.  De fait, a-t-elle déploré, nous sommes désespérément en retard dans la réduction de nos émissions de CO2.  À ses yeux, attendre en raison de la flambée des prix de l’énergie serait une « grave erreur ».  Plutôt que de rétablir les subventions pour le charbon ou le gaz, nous devons nous en éloigner, a-t-elle plaidé, ajoutant que les énergies renouvelables sont moins chères et dépendent moins de ceux qui utilisent les combustibles fossiles comme une arme.  Cet effort, que consent déjà la Slovaquie malgré la crise actuelle, nous devons le faire en solidarité les uns avec les autres, a insisté la Présidente, appelant à une augmentation significative des fonds pour les pays à revenu faible et intermédiaire à l’occasion de la COP27.  Elle s’est par ailleurs alarmée de l’épidémie de mensonges, de propagande et de désinformation, exacerbée par l’essor des réseaux sociaux.  Face à ce fléau, qui constitue une menace pour les démocraties, mais aussi pour les femmes et les filles, elle s’est dite favorable aux initiatives de l’ONU visant à réglementer le comportement des États dans le cyberespace et jugé nécessaire l’élaboration d’une « convention de Genève numérique ».  L’histoire nous enseigne que la passivité et l’ignorance ne résolvent jamais les crises, elles ne font que retarder l’heure des comptes, a conclu la dirigeante.  

M. EMMANUEL MACRON, Président de la France, a défendu les principes d’universalité de l’ONU qui n’est au service d’aucune hégémonie.  « Au moment où je vous parle, il y a des troupes russes en Ukraine et il n’y a pas de troupes ukrainiennes en Russie », a fait remarquer le Président après voir fustigé les actions de « la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, qui a rompu notre sécurité collective ».  En acceptant que « ceux qui se considèrent comme forts cherchent à soumettre par tous les moyens ceux qu’ils considèrent comme faibles », M. Macron a craint un retour à l’âge des impérialismes et des colonies.  « La France le refuse et recherchera obstinément la paix », a-t-il insisté avant d’assumer le dialogue engagé avec la Russie pour trouver la paix.  Évoquant les crimes de guerre commis par la Russie sur le sol ukrainien, le Président a dit que « la justice internationale devra établir les crimes et juger les coupables ».  En outre, il a appelé à soutenir les efforts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour prévenir les risques d’un accident nucléaire.  Il a ajouté qu’une négociation ne sera possible que si une Ukraine souveraine le souhaite et si la Russie l’accepte.  Il a appuyé le droit de l’Ukraine de voir son territoire libéré et sa sécurité assurée.  Selon lui, la Russie devrait entendre qu’elle ne saura imposer son point de vue par la force ni par le biais de « simulacres de référendums » dans des territoires bombardés et désormais occupés.  Le Président Macron a exhorté la Fédération de Russie à renoncer à la guerre et à mesurer ses conséquences pour elle-même et le reste du monde.   

Face aux risques de division du monde qui se profile en raison des conséquences directes et indirectes de ce conflit, le Président a particulièrement pointé la responsabilité des pays qui se sont réfugiés dans une forme de neutralité face à l’agression russe, estimant que certains ne font que « mimer le combat des non-alignés en refusant de s’exprimer ».  Il a prévenu que « ceux qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux la cause d’un nouvel impérialisme qui menace notre ordre international ».  « Qui peut prétendre ici que l’invasion de l’Ukraine ne justifie aucune sanction? » a lancé le Président, avant de rejeter toute accusation d’impérialisme européen ou occidental.  Pour lui, le nouvel impérialisme a pris la forme d’une annexion territoriale qui utilise la sécurité alimentaire et la sécurité énergétique comme armes de divisions, et qui porte atteinte à la souveraineté de tous.  « Êtes-vous pour ou contre la loi du plus fort?  Êtes-vous pour ou contre l’impunité? » a-t-il encore demandé à l’Assemblée avant de prévenir que le droit international ne doit jamais être au service d’une puissance qui viole ses principes.  Il a dit la volonté de la France d’œuvrer à un ordre international sans hégémonie avant d’alerter sur les tentatives de partition du monde qui se cachent derrière les divisions naissantes. 

Après avoir rappelé que la moitié de l’humanité vit désormais dans des zones de risques climatiques, que 345 millions de personnes sont en situation de faim aiguë et que 55 guerres civiles sont en cours, le Président de la France a prévenu que l’heure n’est ni à la revanche contre l’Occident ni à l’opposition entre Est et Ouest.  Il a souligné l’urgence d’un nouveau contrat entre le Nord et le Sud pour l’alimentation, le climat et la biodiversité et l’éducation.  Il a mis l’accent sur le soutien apporté par la France à l’initiative d’OXFAM pour investir dans la production agricole des pays qui souhaitent accroître leur autonomie alimentaire.  Il a aussi souligné la contribution de la France pour permettre l’évacuation de blé ukrainien vers la Somalie.  À quelques semaines de la COP27, M. Macron a souligné la priorité de sortir du charbon et a invité la Chine et les grands pays émergents à prendre des décisions claires à cette occasion pour parvenir aux changements nécessaires en matière de modes de production industrielle.   

Après avoir exhorté les pays les plus riches à financer des solutions pour les pays les plus pauvres, M. Macron a indiqué que la France accueillera la Conférence sur les océans en 2025 en collaboration avec le Costa Rica.  Il a appelé l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à mettre en place les systèmes d’alerte précoce qui permettront d’anticiper les futures crises sanitaires.  Il faut, de son avis, être lucide sur les situations des pays les plus pauvres et des pays à revenu intermédiaire, qui ont été aggravées par la COVID-19.  Enfin, il a exhorté les pays du G20 à respecter leur engagement de consacrer aux pays en développement 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), en précisant que 30% de ces droits devaient être réservés aux pays africains et aux pays les plus pauvres de la planète.  Évoquant également la tenue, en novembre à Paris, du Forum sur la Paix pour préparer le sommet du G20 à Bali, il a relevé que les membres du P5 ne sont plus les seuls à avoir leur mot à dire et il a plaidé pour que soit engagée, enfin, la réforme du Conseil de sécurité.  Celui-ci doit être plus représentatif et le recours au droit de veto doit être limité, notamment en cas de crime de masse, a précisé le Président.  

Mme IRIS XIOMARA CASTRO SARMIENTO, Présidente du Honduras, a souligné qu’en plus d’être la première femme à diriger son pays, elle représente le premier gouvernement démocratiquement élu après 13 années de dictature.  Toutefois, la démocratie électorale ne suffit pas à assurer le bien-être matériel, a-t-elle reconnu, alors que la période de la dictature « sous tutelle de la communauté internationale » a conduit le Honduras à multiplier par six sa dette publique et à atteindre un taux de pauvreté de 74%, le plus élevé de son histoire.  Elle s’est insurgée, à cet égard, contre la « dictature monétaire » qui soumet les plus pauvres à des mesures de discipline fiscale draconiennes.  Pour que notre pays survive, nous devons rejeter cette austérité qui « récompense ceux qui concentrent les richesses dans les mains de quelques-uns et accroissent les inégalités de manière exponentielle », a-t-elle argué. 

Depuis son élection, a poursuivi Mme Castro Sarmiento, elle s’est engagée à respecter les engagements pris par son pays « sans en renier aucun ».  Cependant, les politiques publiques prônées par la communauté financière internationale nous ont entraînés dans un monde de violence et de pauvreté marqué par des projets ratés, par la corruption, le pillage et le trafic de drogue, a-t-elle insisté.  À ses yeux, les pays industrialisés sont responsables de la détérioration de l’environnement et du pillage des ressources naturelles, et font payer aux plus pauvres leur mode de vie onéreux.  Elle a ainsi souhaité procéder à une « refondation humaniste, empreinte de dignité et de souveraineté » de son pays, libéré d’un « ordre mondial arbitraire ».  « Nous ne porterons plus jamais le stéréotype de la république bananière », a martelé la Présidente, en s’engageant à mettre fin aux monopoles et oligopoles.  Pour ce faire, Mme Castro Sarmiento entend accorder la priorité à l’élimination des abus fiscaux, adopter une loi sur l’énergie en tant que bien public, soutenir les droits des travailleurs, renégocier les accords de libre-échange et investir dans l’agriculture afin de favoriser la sécurité alimentaire.  Elle souhaite également reconnaître le rôle des femmes, privées de développement pendant des siècles, comme épine dorsale de la société, tout en favorisant la santé, l’éducation, la sécurité et la souveraineté alimentaire.   

Chaque caravane de migrants fuyant la dictature a été une perte pour notre pays, s’est inquiétée la Présidente, tout en notant que les émigrés génèrent plus de revenus en devises que les exportations traditionnelles.  Mme Castro Sarmiento a dit vouloir mettre en place une commission internationale de lutte contre la corruption et l’impunité, avec le soutien de l’ONU.  Alors que la guerre punit à nouveau les plus pauvres du monde, elle a lancé un appel au respect du droit à l’autodétermination des peuples, rejetant le blocus contre Cuba et « l’agression » de la République bolivarienne du Venezuela.  

M. FERDINAND ROMUALDEZ MARCOS JR., Président des Philippines, a rappelé qu’en vertu de la Déclaration de Manille de 1982, « nous avons contribué à affirmer que les différends ne devraient être résolus que par des moyens pacifiques ».  Parmi les défis auxquels le monde fait face, il a évoqué les changements climatiques qui représentent selon lui « la plus grande menace » qui pèse sur les nations et peuples.  Selon lui, les effets des changements climatiques sont inégaux et reflètent une injustice historique: « les moins responsables souffrent le plus ».  Il a cité le cas de son pays, un puits net de carbone qui absorbe plus de dioxyde de carbone qu’il n’en émet.  Et pourtant, nous sommes le quatrième pays le plus vulnérable aux changements climatiques, a-t-il déploré.  Le Président a appelé les pays industrialisés à s’acquitter immédiatement de leurs obligations au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.  Ils doivent aussi fournir des financements et des technologies pour l’adaptation des plus vulnérables et des pays en développement.  « Quand les générations futures regarderont en arrière, qu’elles ne demandent pas pourquoi nous n’avons pas profité de cette occasion pour renverser la vapeur. » 

Le deuxième défi que M. Marcos a mentionné concerne le développement de technologies avancées.  Des technologies émergentes dont la diffusion pourrait résoudre bon nombre de nos vieux problèmes, mais qui pourraient aussi perturber la politique et l’ordre social, a-t-il averti.  Le troisième défi est l’élargissement des polarités géopolitiques et l’accentuation des compétitions stratégiques qui transforment le paysage politique international.  Notre Charte même est violée à travers le monde, a-t-il dit, avant d’aborder le quatrième défi que représentent les injustices.  Il a ainsi relevé que pendant la pandémie de COVID-19, les nations les plus riches ont reçu sans attendre des vaccins au détriment des plus démunis.  Il a également évoqué la fracture numérique et l’envolée du fardeau de la dette. 

Le Président a ensuite parlé des avancées significatives des Philippines sur leur chemin vers le développement durable.  Malgré les défis de la pandémie et les bouleversements économiques mondiaux, nous restons sur la bonne voie pour atteindre un revenu intermédiaire supérieur d’ici à l’année prochaine, a—t-il prédit, annonçant que le pays entend devenir prospère d’ici à 2040.  Il a ensuite appelé la communauté internationale à écouter la sagesse des fondateurs de l’ONU.  Cela signifie transcender nos différences et s’engager à mettre fin à la guerre, à défendre la justice, à respecter les droits humains et le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-il dit.  Il a également évoqué la « solidarité » qui consistera à promouvoir un Conseil de sécurité réformé et plus inclusif et une Assemblée générale habilitée à demander des comptes au Conseil.  Enfin, il a souhaité le soutien de tous les États Membres pour la candidature des Philippines au Conseil de sécurité pour la période 2027-2028, faisant valoir le succès des autorités nationales dans la pacification de la région autonome de Bangsamoro du Mindanao musulman dans le sud du pays.

M. GITANAS NAUSĖDA, Président de la Lituanie, a dénoncé à propos de l’Ukraine une guerre illégale qui porte atteinte à l’essence même des Nations Unies.  « Cette guerre de conquête non déclarée n’a pas brisé la volonté du peuple ukrainien », a-t-il constaté, ajoutant que « les massacres d’Izioum et de Boutcha n’ont pas mis les Ukrainiens à genoux ».  M. Nausėda a appelé la communauté internationale à exclure la Fédération de Russie des forums internationaux.  « Comment pouvons-nous tolérer qu’un membre permanent du Conseil de sécurité participe à une guerre génocidaire de conquête et d’anéantissement? » s’est-il ému.  Il a estimé qu’un pays qui s’attaque brutalement à l’ordre mondial n’appartenait pas à la communauté internationale et qualifié la Russie de « dangereuse puissance coloniale qui cherche à occuper et à annexer ses voisins ».  Le Président a par ailleurs accusé le Bélarus d’avoir amplifié les souffrances du peuple ukrainien en permettant des attaques depuis son territoire, renonçant du même coup à sa souveraineté nationale. 

Continuant sa charge contre la Fédération de Russie, le Président de la Lituanie a dressé une liste des violations des principes fondateurs des Nations Unies commises par celle-ci durant les dernières années: violation des traités de contrôle des armements, utilisation d’armes chimiques interdites, violation continue de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, de la Géorgie et de la République de Moldova et ingérence dans les élections d’autres États.  Il a dénoncé l’utilisation de la centrale nucléaire de Zaporijia comme base militaire par l’armée russe et appelé à son retrait.  De même, il s’est élevé contre « la rhétorique irresponsable de la Russie sur l’utilisation éventuelle d’armes nucléaires », estimant qu’elle s’était discréditée en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.  

M. Nausėda a appelé ses homologues à exiger collectivement le retrait immédiat et sans conditions des troupes russes de tout le territoire de l’Ukraine.  Il a affirmé que son pays soutenait la création d’un tribunal spécial pour traiter les crimes de guerre de la Russie.  Le Président s’est inquiété de la brutalité croissante de la répression sur le territoire russe, bannissant les médias indépendants et les organisations non gouvernementales du pays.  Le même phénomène se déroule aussi au Bélarus qui compte aujourd’hui plus de1 200 prisonniers politiques, a-t-il déploré, appelant à une plus grande attention de la communauté internationale envers ce pays.  Il a également rappelé que la Lituanie n’importait plus de pétrole et de gaz russes et appelé d’autres pays à se joindre à cet embargo.  

M. KLAUS WERNER IOHANNIS, Président de la Roumanie, s’est inquiété des conséquences mondiales de la guerre en Ukraine avant d’ajouter que ces conséquences devraient être une préoccupation majeure de tous, quelle que soit la distance qui nous sépare du conflit.  Il a indiqué que la Roumanie continuera de soutenir l’Ukraine, car son peuple se bat pour les valeurs communes et la démocratie, précisant avoir ouvert ses frontières à 2,3 millions d’Ukrainiens qui ont fui la guerre en leur offrant un accès gratuit à l’éducation, aux services de santé et au marché du travail.  Estimant que la sécurité énergétique est une préoccupation mondiale, qui nécessite des solutions communes, il a jugé inacceptable l’utilisation de l’énergie comme outil de chantage.  Il a ajouté que la sécurité énergétique exige des investissements stratégiques dans les énergies renouvelables, dans le nucléaire -avec de nouveaux projets tournés vers l’avenir comme les petits réacteurs modulaires- ou dans l’hydrogène.  Cela nécessite également des prix de l’énergie qui soient accessibles à tous les concitoyens, a insisté le Président, avant de prévenir qu’assurer la sécurité énergétique va de pair avec la transition verte pour des économies climatiquement neutres. 

Mettant l’accent sur le lien entre les changements climatiques et la paix et la sécurité, le Président roumain a regretté que nous n’ayons su faire face à la triple crise du climat, de la pollution et de la perte de biodiversité.  Il a indiqué que tous les efforts au sein de l’Union européenne visent à identifier et mettre en œuvre les meilleures solutions possibles face à ces graves difficultés.  À deux mois de la COP27 en Égypte, il a dit la nécessité de prendre des engagements complémentaires vers la neutralité climatique.  Après avoir souligné l’importance de la sensibilisation et de l’éducation des générations futures à la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques, le Président a dit que l’éducation est une priorité absolue pour la Roumanie et un investissement stratégique pour l’avenir.   

Sur le plan de la sécurité alimentaire, le Président a expliqué que, depuis le début de la crise ukrainienne, la Roumanie a facilité l’exportation de plus de quatre millions de tonnes de céréales, qui représentent 60% des céréales exportées par l’Ukraine, via ses ports du Danube et en mer Noire.  Passant au système des Nations Unies, il a souligné la nécessité de renforcer le système des droits de l’homme et d’assurer un financement adéquat de toutes ses activités.  Le Président de la Roumanie a conclu son discours en signalant que son pays est candidat à un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, pour la période 2023-2025. 

M. LUIS ALBERTO ARCE CATACORA, Président de la Bolivie, a relevé qu’aujourd’hui, nous sommes confrontés à une crise capitaliste multiple et systémique qui met de plus en plus en danger l’humanité et la planète.  Il a appelé à réfléchir aux origines des diverses crises afin de changer ce système « qui reproduit la domination, l’exploitation et l’exclusion de larges majorités, qui génère la concentration des richesses et qui privilégie la production et la reproduction du capital plutôt que de la vie ».  Parallèlement à cette crise du capitalisme, il a vu la fin d’un monde unipolaire et la construction d’un nouvel ordre mondial, en espérant que cet ordre mondial bénéficiera à tous les États et peuples du monde.  Convaincu qu’« un autre monde est possible », il a fait une série de propositions, notamment celle de déclarer le monde « zone de paix ».  

Le Président s’est dit préoccupé par le nombre considérable de conflits armés qui affligent l’humanité et constituent un lourd tribut humain, et, dans de nombreux cas, causent la destruction de notre patrimoine culturel et environnemental.  Il a réitéré que, quelles que soient l’origine, la nature ou l’explication géopolitique des tensions internationales, la Bolivie continuera de choisir la culture du dialogue entre les nations, à travers la diplomatie populaire.  Cependant, a-t-il constaté, nous assistons à la détérioration croissante du dialogue multilatéral à cause des « caprices des puissances capitalistes » qui ne veulent pas se résigner à l’existence d’un monde multipolaire.  Il n’a pas manqué de rappeler que les États sud-américains et caribéens de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) ont déclaré leur région « zone de paix » dès 2014 et plaident pour que cette Assemblée soit l’espace d’un accord historique, un accord où le dialogue et la diplomatie prévalent sur toute controverse, et où le monde soit également déclaré « zone de paix ».  

Le Chef d’État bolivien a ensuite proposé de substituer les dépenses militaires liées à la fabrication d’armes de destruction massive par des dédommagements pour les pauvres de ce monde.  Il a souligné la concentration d’un grand nombre de ces armes dans un petit groupe de pays qui, en refusant de les éliminer, privilégient leurs intérêts géopolitiques et mettent en danger la paix et la sécurité de la planète.  Neuf pays disposent aujourd’hui de 12 705 ogives nucléaires, a-t-il précisé.  Il a également plaidé contre la mercantilisation des systèmes de santé en arguant que face à la grave crise sanitaire de la COVID-19, il est impératif de renforcer les systèmes de santé universels dans lesquels l’État remplit son obligation de protéger et de garantir les droits collectifs de ses citoyens.  

Le Président bolivien a ensuite évoqué la nécessité d’un programme mondial de souveraineté alimentaire en harmonie avec la « Terre nourricière » en demandant, entre autres, de garantir aux petits producteurs de meilleures conditions de production, y compris l’accès aux semences, aux engrais, à la technologie, aux infrastructures, aux crédits, aux marchés, et cela en pleine harmonie avec la Terre Mère.  Il faut reconstruire les capacités productives et économiques des « pays de la périphérie » victimes de la logique de la concentration du capital, a-t-il tonné.  Plus concrètement, il est vital à son avis de restructurer l’architecture financière mondiale en vue d’alléger la dette extérieure au niveau mondial, afin que les pays en développement aient les moyens de mettre en œuvre souverainement des politiques sociales de développement économique et social.  Et, reprenant le « cri des pays du Sud », il a demandé que les relations commerciales qui continuent actuellement de ne profiter qu’au Nord soient rééquilibrées.  Le Président Catacora a ensuite exposé des éléments clefs de l’expérience de son pays, notamment la reprise de la construction du Modèle Économique Social de Communauté Productive, un modèle économique souverain dans lequel « nous n’acceptons pas et n’accepterons pas les impositions du Fonds monétaire international », a-t-il indiqué.  Avec une inflation de 1,6% au mois d’août, il s’est targué d’une économie bolivienne qui a l’inflation la plus faible de la région et l’une des plus faibles du monde. 

Alors que la crise climatique exige la responsabilité et la solidarité, le Chef d’État s’est indigné du fait que les responsables des émissions de gaz à effet de serre demandent désormais que chaque pays poursuive l’illusion de la « décarbonation » d’ici à 2050, sans tenir compte des responsabilités historiques des pays développés, ni des capacités et limites des pays en développement, pour qui l’accès aux technologies propres de pointe devient chaque jour plus inaccessible.  À cet égard, il a observé que les fonds alloués par les pays les plus développés à la crise en Ukraine sont 20 fois supérieurs à ceux au Fonds vert.  Il a également abordé les questions de l’industrialisation du lithium, une ressource dont dispose la Bolivie et pour laquelle elle revendique sa souveraineté et rejette toute tentative d’ingérence pour faire main basse sur ses ressources.  

Le Président a également abordé les questions du passage à l’échelle régionale de la lutte contre le trafic de stupéfiants, arguant que la guerre contre la drogue criminalise les pays du Sud tout en protégeant le blanchiment d’argent; du renforcement des mécanismes internationaux permettant de garantir un traitement préférentiel pour les pays enclavés, notamment le « droit à la mer »; de l’élargissement de la vision limitée des droits humains et de la démocratie; ou encore de la solidarité intergénérationnelle.  La Bolivie a même appelé à déclarer une décennie de la « dépatriarcalisation » pour lutter contre toutes formes de violence à l’égard des femmes et des filles et à rejeter les sanctions unilatérales une fois pour toutes.  Le Président bolivien a conclu en invitant la communauté internationale à revitaliser véritablement le multilatéralisme pour notamment reconfigurer l’ordre mondial fragile et le rendre « pluriel et solide ». 

M. PEDRO CASTILLO TERRONES, Président du Pérou, s’est inquiété d’une dangereuse évolution du monde vers des situations conflictuelles, créant des tensions sans précédent.  Il a rappelé que le Pérou défendait fermement les principes de non-agression et de respect de l’intégrité territoriale des États.  L’intervention de la Fédération de Russie en Ukraine est « illégitime », a-t-il affirmé, tout comme l’occupation par Israël des territoires palestiniens et arabes depuis 1967.  M. Castillo Terrones a estimé que toutes les interventions armées violaient la Charte des Nations Unies et que seules les sanctions décrétées par le Conseil de sécurité étaient légitimes.  « Il ne faut jamais jeter de l’huile sur le feu des conflits », a-t-il affirmé, réitérant l’appel de son pays à des négociations en vue d’une solution pacifique tenant compte des intérêts de toutes les parties.  Il a appelé à pérenniser l’accord sur l’exportation des céréales depuis l’Ukraine et à prendre des dispositions pour garantir les exportations russes d’engrais, dont le manque pèse sur les agriculteurs les plus pauvres des pays en développement.  Il a jugé essentiel d’empêcher les sanctions économiques d’affecter la sécurité alimentaire.   

Appelant la communauté internationale à assumer ses responsabilités en favorisant une solution à deux États afin de régler le conflit israélo-palestinien, le Président a annoncé l’ouverture prochaine d’une représentation diplomatique péruvienne en Palestine.  Il a aussi rappelé que le Pérou avait établi des relations diplomatiques avec la République arabe sahraouie dont il appuie le droit à l’autodétermination, ajoutant que son pays reconnaissait « la souveraineté de l’Argentine sur les Îles Malvinas ».  Le Président a indiqué que, sous son mandat, le Pérou avait presque doublé ses effectifs au sein des opérations de maintien de la paix et participait actuellement à six missions, notamment en République centrafricaine.  Il s’est félicité de l’ouverture récente à Lima de la conférence latino-américaine et caribéenne sur les opérations de maintien de la paix, qui a donné une forte impulsion en vue d’élargir la participation des pays de la région à ces opérations.  

Le Président s’est ensuite inquiété de la détérioration de la situation économique mondiale en raison de la pandémie de COVID-19, de l’inflation et de la hausse des prix de l’énergie qui entraînent davantage de pauvreté et d’exclusion.  Concernant le Pérou, il s’est félicité de la mise en place d’un plan de relance économique avec une cible de 3,3% de croissance, supérieure à la moyenne de l’Amérique latine.  « Nous devons cesser d’agresser la nature! » s’est-il exclamé en évoquant les changements climatiques, rappelant qu’il faudrait faire des efforts sept fois plus importants pour limiter l’augmentation de la température moyenne à 1,5 degré Celsius.  Il a appelé à un nouveau pacte pour protéger les océans et réglementer les activités de pêche, réaffirmant au passage que le domaine maritime du Pérou s’étend jusqu’à 200 miles nautiques au-delà de ses côtes. 

M. DAVID KABUA, Président des Îles Marshall, a estimé que l’ONU reste la scène internationale majeure.  Mais si le monde ne répond pas de manière adéquate aux nations insulaires et à mesure que les mers montent, alors l’ONU ne servirait à rien.  M. Kabua s’est joint à d’autres pays, et en particulier aux pays voisins insulaires du Pacifique, pour condamner la poursuite de l’agression et des crimes de guerre de la Fédération de Russie en Ukraine.  Nous le faisons non seulement en tant que membre des Nations Unies, mais aussi en réponse à une instabilité mondiale plus large qui a un impact direct sur notre propre région insulaire, a—t-il expliqué.  Les Îles Marshall est fière de coprésider le « Groupe des amis de la responsabilité » à la suite de l’agression contre l’Ukraine, a-t-il dit, ajoutant que son pays soutient les enquêtes indépendantes du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et de la Cour pénale internationale. 

Le Président a ensuite condamné les récentes actions militaires de la Chine dans le détroit de Taïwan.  Cela a menacé de perturber la paix et la sécurité dans la région indopacifique et dans le monde entier, a-t-il dit.  Il est essentiel que l’héritage et les défis contemporains des essais nucléaires soient mieux abordés, a souligné le Président, en évoquant les relations de son pays avec les États-Unis.  Il a rappelé que les Îles Marshall ont été le site de 67 essais nucléaires et d’armes thermonucléaires pendant 12 ans, quand le pays était placé sous la tutelle de l’ONU et des États-Unis.  Les impacts de ces essais sur nos droits humains, notre terre, notre culture, notre santé et nos vies sont des fardeaux qu’aucune autre nation ou pays ne devrait avoir à supporter, a—t-il déclaré, tout en plaidant pour l’élimination du risque nucléaire.  

Le Président a déclaré qu’en tant que membre de la famille des îles du Pacifique, les Îles Marshall considèrent que leur plus grand défi, leur principale menace, réside dans les changements climatiques.  Il y a plus de 30 ans, dans cette grande salle et au Sommet de Rio, nos dirigeants ont tiré la sonnette d’alarme et averti de ses terribles conséquences, a rappelé M. Kabua.  Et pourtant, après toutes ces années, le monde n’a pas réussi à briser sa dépendance aux combustibles fossiles, s’est-il désolé, déplorant le fait que « nous n’investissons pas assez dans l’adaptation vitale, en particulier pour les petites îles ».  Il a rappelé également que son pays avait proposé une taxe sur le carbone pour le transport maritime international, qui stimulera la transition vers un transport maritime neutre en émissions de carbone, canalisant ainsi les ressources des pollueurs vers les plus vulnérables.  

M. Kabua a ensuite salué la publication d’un rapport de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans la région du Xinjiang en Chine.  Selon lui, la communauté internationale doit réagir.  Il a en outre appelé à des efforts beaucoup plus importants pour conclure un accord ambitieux sur un instrument sur la biodiversité marine au-delà de la juridiction nationale, en vertu de la Convention sur le droit de la mer des Nations Unies.  Aujourd’hui, nous appelons l’ONU à mieux accueillir Taïwan et son peuple dans notre famille, a-t-il lancé, avant d’appeler à des progrès dans la réalisation de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. 

M. WAVEL RAMKALAWAN, Président des Seychelles, a rappelé que le multilatéralisme est l’opportunité et le moyen de résoudre des défis complexes.  Il a rappelé que le monde est confronté à l’inaction climatique, aux suites de la pandémie, à l’insécurité, à la hausse des coûts de l’énergie et à la guerre en Ukraine.  Le sort des États en situation de vulnérabilité n’a jamais été aussi critique, a-t-il ajouté notant que beaucoup de pays en développement ont dû revoir leurs aspirations pour 2030 en raison de progrès perdus.  Pour le Président, les inégalités économiques sont le plus grand obstacle à la réalisation des ODD.  Le projet d’un avenir meilleur et durable nécessite des ressources financières que beaucoup d’entre nous n’avons pas, ou sommes incapables d’obtenir, car les modalités de coopération au développement ne considèrent pas la vulnérabilité comme un obstacle au développement durable, a-t-il observé.  Il a donc invité à mettre en pratique de vraies solutions axées sur les vulnérabilités et le renforcement de la résilience pour assurer la durabilité socioéconomique.   

Le Président a recommandé que les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement regardent au-delà de la référence du revenu national brut, arguant qu’il existe un large consensus sur la nécessité d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle permettant de compléter et d’améliorer l’efficacité de la coopération au développement, permettant aux pays en situation de vulnérabilité d’accéder à des financements concessionnels et de répondre à leurs besoin.  S’agissant de la crise alimentaire et énergétique, il a dit que le défi pour l’Afrique est de garantir que le commerce contribue de manière significative à la sécurité alimentaire.  À cet égard, la Zone de libre-échange continentale africaine a un rôle essentiel, a-t-il estimé, car elle veille à ce que les aliments produits dans les régions excédentaires soient distribués vers les régions déficitaires.  En outre, de l’avis du Président, l’économie bleue peut être une option viable pour lutter contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.   

La sécurité alimentaire et énergétique doit être appréhendée dans le contexte des changements climatiques, a conseillé M. Ramkalawan pour qui ne pas agir de manière décisive et urgente maintenant entraînera des coûts incalculables.  L’impact de l’élévation du niveau de la mer constitue une menace existentielle pour les petits États insulaires en développement (PEID), a alerté le Président qui a souhaité des actions audacieuses au lieu de promesses et d’engagements non tenus.  Il faut également, a plaidé le Président, faire face à l’injustice flagrante consistant à demander aux citoyens des États les moins responsables de la catastrophe climatique de payer pour les pertes et les dommages causés par d’autres.  « Les Seychelles peuvent en témoigner, car nos côtes et nos mers sont devenues encombrées de déchets plastiques. »  Sur la question des océans, le Président a parlé du plan de l’espace maritime mis en place aux Seychelles pour créer une réserve de 30% de la zone économique exclusive consacrée à la protection et à l’utilisation durable.  Les Seychelles se sont engagées à protéger au moins 50% des écosystèmes d’herbiers marins d’ici à 2025 et 100% d’ici à 2030, a fait valoir le Président en appelant les autres États côtiers et océaniques à être aussi audacieux dans ce domaine.  Pour ce qui est de la situation en Ukraine, il a réitéré l’appel du Président de l’Union africaine et du Président de la Commission de l’Union africaine exhortant les parties à établir un cessez-le-feu immédiat et à reprendre les négociations.   

M. ALBERTO FERNÁNDEZ, Président de lArgentine, a commencé par exprimer sa gratitude pour la solidarité reçue du monde entier en réponse à la tentative d’assassinat contre sa Vice-Présidente, Mme Cristina Fernández de Kirchner, tentative qui cherchait à remettre en question une « œuvre collective vertueuse » qui, l’an prochain, fêtera ses 40 ans.  En 1983 en effet, a rappelé le Chef d’État, nous avons retrouvé la démocratie et entamé un long cycle historique au cours duquel différentes forces politiques se sont succédé au gouvernement.  « Nous, Argentins, avons conclu l’accord « Plus jamais ça » sur le terrorisme d’État et la violence politique.  Nous apprécions la démocratie comme modèle de développement social qui exige le respect des autres dans la diversité.  « Je suis sûr que la violence fasciste qui se fait passer pour du républicanisme ne parviendra pas à modifier ce large consensus auquel adhère la majorité de la société argentine », a déclaré le Président. 

Profitant du malaise généré par la pandémie et des répercussions économiques de la guerre, les discours extrémistes et violents ont prospéré et trouvé un terrain fertile pour semer un sentiment antipolitique au sein de nos sociétés, a analysé M. Fernández.  Ceux qui cherchent à affaiblir et à éroder les démocraties ont des intérêts spécifiques qui les conduisent à promouvoir la polarisation extrême, a-t-il ajouté, appelant à une mobilisation internationale.  Alors que la pandémie a révélé les énormes inégalités à travers le monde, où « la fortune de 10 hommes excède les revenus de 40% de la population de la planète », il a souligné la nécessité de dénoncer ce « modèle d’accumulation » et de renforcer un multilatéralisme coopératif propice à l’état de droit, à la règle de la non-violence et à la réduction des écarts sociaux.   

À cette fin aussi, il est nécessaire d’imposer le dialogue et de rétablir la paix dans le différend enclenché par l’avancée militaire de la Fédération de Russie en Ukraine, a ajouté M. Fernández.  La sécurité alimentaire doit être garantie pour tous, a-t-il poursuivi, en indiquant que l’Argentine remplirait son rôle de producteur et d’exportateur fiable de vivres et de technologies applicables à la production alimentaire pour en améliorer les performances.  Elle continuera aussi d’augmenter sa production pour fournir au monde des énergies propres.  « Nous disposons des deuxièmes plus grandes réserves mondiales de gaz non conventionnel et des quatrièmes de pétrole non conventionnel, ainsi que d’une importante réserve de lithium et du potentiel nécessaire pour développer l’énergie solaire et éolienne, ainsi que de l’hydrogène à émissions faibles ou nulles », s’est enorgueilli à ce sujet le Chef d’État.  

Le Président a ensuite réaffirmé « les droits de souveraineté légitimes et imprescriptibles » de son pays sur les Îles Malvinas, Géorgie du Sud et Sandwich du Sud, ainsi que les espaces maritimes environnants, qui « font partie du territoire national argentin et sont occupés illégalement par le Royaume-Uni depuis près de 190 ans ».  La demande formulée dans la résolution 2065 en date de 1965 est restée en vigueur et a été réitérée à plusieurs reprises, a rappelé le Chef d’État, rappelant que le Royaume-Uni persiste dans son indifférence à l’appel à reprendre les négociations sur ce différend territorial.  Un différend aggravé, selon lui, par les appels de Londres à exploiter illégalement des ressources naturelles dans la région, sans compter une présence militaire « injustifiée et excessive » dans l’archipel, qui ne fait qu’accroître les tensions dans une « zone de paix et de coopération internationale ».  Aussi, M. Fernández a-t-il demandé au Secrétaire général de renouveler ses efforts pour remplir ce mandat et au Royaume-Uni d’accepter de répondre à l’appel de la communauté internationale et de mettre fin à cette « situation coloniale anachronique ».  Dans ce contexte, a-t-il assuré, l’Argentine est tout à fait prête à retourner à la table des négociations et à rechercher une solution qui mettra fin à ce long conflit de souveraineté. 

M. ANDRZEJ DUDA, Président de la Pologne, a fait remarquer qu’il y a un an, au moment de prononcer son discours à l’Assemblée générale, son pays comptait 38 millions d’habitants et il en compte aujourd’hui 41 millions, essentiellement en raison de l’arrivée des réfugiés ukrainiens.  La décision de mener la guerre contre l’Ukraine, a-t-il dénoncé, a été prise par des personnes mues par un sentiment d’impérialisme et par un orgueil colonial et nationaliste qui nient à leurs voisins le droit souverain à l’autodétermination.  L’agresseur, a poursuivi le Président, a déjà perdu la guerre puisqu’il a échoué à soumettre une nation libre, à briser son esprit et à disperser son armée.  Aujourd’hui, il a, contre lui, une nation entière et une grande partie des nations du monde, y compris la Pologne, qui se sont exprimées clairement, et surtout dans cette enceinte.   

Cette guerre, a ajouté M. Duda, a été déclenchée par la Russie contre nos principes et nos valeurs communes, et contre l’humanité tout entière.  Il ne s’agit pas d’un conflit régional mais bien d’un « incendie mondial » qui, à terme, touchera tous les États.  Le Président a illustré ses propos en citant la crise alimentaire et le « spectre de la famine » qui plane sur de grandes parties du monde.  Depuis le début de l’invasion, la Russie a « délibérément et cyniquement » détruit les récoltes et le matériel agricole, en plus de saisir 22% des terres agricoles de l’Ukraine.  Selon certaines estimations, les récoltes ukrainiennes seront réduites de 35%, rien que cette année, et le nombre de personnes souffrant d’une faim chronique augmentera d’environ 47 millions, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.  

Nous devons, a martelé le Président, empêcher quiconque souhaite provoquer « sciemment et cyniquement » une famine artificielle pour servir ses intérêts politiques, comme l’a fait Staline dans les années 30.  Il a salué l’Initiative céréalière de la mer Noire et a appelé la communauté internationale à imposer de nouvelles sanctions contre la Russie, en cas de violation de l’accord qui sous-tend cette initiative.  La Pologne et l’Union européenne restent fermement engagées à faciliter les exportations de céréales ukrainiennes, notamment par voie terrestre, a souligné le Président. 

L’agression russe contre l’Ukraine ne constitue rien de moins qu’une agression contre le monde entier, qui appelle une réponse internationale multidimensionnelle, y compris contre le complice qu’est le Bélarus.  Craignant une espèce de lassitude face à ce conflit, le Président a dit: si les Nations Unies sont vraiment unies, elles doivent donner une réponse identique, décisive et fondée sur des principes à toutes les violations du droit international comme en Syrie, en Libye ou encore au Yémen.  Aujourd’hui, la victime, c’est l’Ukraine, et si l’impérialisme russe gagne, demain, ce sera n’importe quel pays dans le monde, a prévenu le Président.  

M. ALEJANDRO GIAMMATTEI FALLA, Président du Guatemala, a dénoncé les divisions dont souffre le monde, en citant l’accès inégal aux vaccins contre la COVID-19.  « Nous sommes tous fragiles face aux catastrophes et nous devons nous montrer solidaires. »  Il a loué les bons résultats économiques enregistrés par son pays, en 2021, grâce à l’appui notamment des organisations internationales, avant d’insister sur les dégâts considérables provoqués par les changements climatiques.  C’est le monde industrialisé qui est responsable de cette catastrophe et c’est à lui de la régler, a-t-il martelé.  Il a détaillé la politique d’atténuation des conséquences desdits changements suivie par son pays, avec une stratégie de « décarbonisation » et la promotion d’énergies propres.  Le Président a appelé à lutter contre l’insécurité alimentaire et contre les migrations irrégulières, en estimant qu’il s’agit d’une question de sécurité.  M. Giammattei Falla a réclamé avec force un traitement respectueux pour tous les pays, avant d’inviter l’ONU à « taper du poing sur la table » face aux cas d’irrespect.  Les nations sont les tutrices du droit international et elles sont censées le protéger, a-t-il rappelé. 

Le Président guatémaltèque a appelé à la cessation du conflit en Ukraine, pays dans lequel il s’est récemment rendu.  « J’ai pu voir lors de cette visite officielle les horreurs de la guerre », a dit le Président, avant d’appeler les États à respecter la Charte.  Il a souligné que la Charte nous rappelle que nous devons être tolérants et coexister dans la paix.  Le Président a ensuite réclamé la réforme « immédiate du Conseil de sécurité », ce dernier devant promouvoir la paix et écarter tout calcul politique.  Le Conseil devrait exclure tout pays qui n’aspire pas à la paix, a-t-il tranché.  Le Président a aussi demandé que Taïwan devienne membre de l’Organisation, avant de rappeler l’attachement de son pays à la vie « depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle ».  Sur le plan régional, il s’est dit persuadé que le Guatemala réglera son différend territorial avec le Belize grâce à des mécanismes de dialogue.  « Plus de guerre fratricide, plus de morts », a souhaité le Président, en invitant à livrer bataille à la famine, à la pauvreté et aux changements climatiques plutôt que de prendre les armes.  « Que Dieu bénisse le monde et surtout le Guatemala. » 

M. FÉLIX-ANTOINE TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République démocratique du Congo (RDC), a rappelé que son pays est victime d’une crise sécuritaire aigüe qui dure depuis plus de 20 ans dans l’est de son territoire national, une « crise causée principalement par les convoitises que suscitent ses fabuleuses richesses naturelles et les ambitions de puissance de certains de ses voisins ».  Cependant, en dépit d’efforts internes inlassables, de la présence militaire massive de l’ONU en RDC et de son soutien diplomatique pendant 23 ans, le « mal sécuritaire continue à ronger mon pays ».  Afin de l’éradiquer définitivement, plusieurs accords ont été signés avec les groupes armés, et même avec les pays voisins, sous la garantie de la communauté internationale, et des mécanismes nationaux et internationaux créés.  « Toutes ces perspectives de règlement définitif du conflit n’ont duré que l’espace de quelques mois.  Vite, l’architecture s’est fissurée et l’édifice s’est écroulé.  Et, on recommence toujours avec les mêmes tragédies », a constaté le Chef d’État.    

Partisan d’une « philosophie de réconciliation » avec ses voisins, M. Tshisekedi a dit n’avoir ménagé aucun effort pour rassurer les pays limitrophes et restaurer la confiance.  En dépit de cette « main tendue », certains n’ont trouvé mieux que de nous remercier par l’agression et le soutien à des groupes armés terroristes, a regretté le Président.  « C’est le cas actuellement du Rwanda qui, une fois de plus, a non seulement agressé, en mars dernier, la RDC par des incursions directes de ses forces armées, mais occupe également des localités du Nord-Kivu par l’entremise d’un groupe armé terroriste, le M23, auquel il apporte un soutien massif tant en matériels de guerre qu’en troupes », a-t-il accusé.  Et, « comme pour défier la communauté internationale », le M23, avec le soutien de l’armée rwandaise, a même abattu un hélicoptère de la MONUSCO et tué huit Casques bleus, commettant ainsi un crime de guerre.  « Je dénonce avec la dernière énergie cette énième agression dont mon pays est victime de la part de son voisin, le Rwanda », a déclaré M. Tshisekedi.  

Rejetant les « sempiternelles dénégations des autorités rwandaises’, il a réitéré la demande de son gouvernement au Président du Conseil de sécurité de distribuer officiellement à ses membres le dernier rapport en date des experts de l’ONU sur la situation dans l’est de la RDC afin d’en tirer toutes les conséquences qui s’imposent: « Il y va de l’image et de la crédibilité de notre Organisation », a-t-il assuré.  Procéder autrement aurait, selon lui, deux conséquences préjudiciables.  D’une part, encourager le Rwanda à poursuivre son agression, ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité dans le pays.  D’autre part, nourrir davantage la suspicion légitime des Congolais sur l’impartialité de l’ONU ainsi que la complicité de certains de ses États Membres dans ces crimes.  C’est d’ailleurs pour mettre fin à cette suspicion et dissiper l’ambiguïté du Conseil de sécurité, « qui excède la population congolaise et exacerbe la tension entre elle et la MONUSCO », que le Gouvernement congolais a demandé la réévaluation du plan de retrait progressif de cette Mission, à laquelle le Président a imputé des « faiblesses regrettables ».  

Nul ne peut prétexter un discours imaginaire de haine tribale, ethnique et raciale ou xénophobe en RDC pour s’y livrer à des aventures criminelles, a poursuivi le Chef d’État.  Il a également balayé les allégations de prétendue « collaboration » entre « certains officiels congolais » et les opposants rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont se servent les dirigeants rwandais pour justifier les agressions répétées de la RDC, un « alibi » qui, a-t-il affirmé, n’est corroboré par aucun fait avéré sur le terrain.  En effet, a tranché M. Tshisekedi, les FDLR ont été « décapitées et réduites à néant » par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), en étroite collaboration avec l’armée rwandaise dans le cadre des opérations conjointes menées au cours des dernières années. 

Présentant cinq propositions, le Chef d’État a appelé à rendre effectifs le retrait immédiat du M23 des localités occupées, le retour des déplacés congolais de ces localités à leurs domiciles et la cessation sans condition du soutien de l’armée rwandaise à ce groupe terroriste.  Ensuite, il a suggéré de multiplier les pressions sur le Rwanda et le M23 pour qu’ils respectent les positions prises par les organisations internationales.  Par ailleurs, il faut appuyer la poursuite du processus de paix de Nairobi, les discussions de Luanda RDC-Rwanda et le déploiement de la Force régionale de l’Afrique de l’Est.  Puis, il a recommandé d’encourager le Président honoraire du Kenya, M. Uhuru Kenyatta, et celui de l’Angola, M. João Lourenço, Médiateurs de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et de l’UA dans la crise sécuritaire en RDC, à poursuivre leurs bons offices.  Enfin, le Président de la RDC a demandé la levée de tout obstacle à la restructuration par la RDC de ses forces armées, notamment des mesures restrictives à l’acquisition d’équipements militaires, quelle qu’en soit la forme édictée par le Conseil de sécurité de l’ONU.  « La réalisation des actions préconisées ci-dessus garantira un règlement de la crise et facilitera un dialogue constructif entre toutes les parties concernées », a-t-il estimé en conclusion.  

M. FAUSTIN ARCHANGE TOUADERA, Président de la République centrafricaine, a déploré qu’alors que les questions concernant la sécurité, la paix, l’environnement et la santé entrent dans une phase « critique », les « signaux d’alerte sont méprisés au profit des intérêts économiques, géopolitiques ».  Le rôle des Nations Unies n’est-il pas de transformer le monde, de le rendre plus juste et plus sûr et de garantir la dignité de chacun de nous, quel que soit le contexte mondial? s’est demandé le Président, pour qui la multiplication des tensions et des crises dans le monde interpelle « notre conscience collective » et démontre que « notre Organisation est le produit d’une ère révolue ».  Devant ce constat, la République centrafricaine réitère son soutien à la position commune de l’Union africaine, qui appelle à une réforme « profonde » de l’ONU et à l’élargissement du Conseil de sécurité, pour une « participation plus juste et plus représentative » de tous les continents.   

Parmi les défis « interdépendants » que doit relever la communauté internationale, M. Touadera a identifié la protection de l’environnement et la sécurité sanitaire.  Il a plaidé à cet effet pour une « justice climatique » à l’égard des populations vulnérables et appelé les grands pollueurs à honorer leurs engagements, notamment l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  De même, a-t-il fait valoir, la pandémie de COVID- 19 nous a enseigné que la protection sanitaire mondiale est un « impératif pour toutes les nations, sans exclusivité ».  Le Président s’est réjoui du « changement de paradigme » dans le secteur de la santé et de l’élan de solidarité sans précédent qui l’accompagne, notamment l’accès aux vaccins contre la poliomyélite, la COVID-19 et, bientôt, contre le paludisme.   

Malgré ces avancées, la République centrafricaine a vu son « élan vers le développement » entravé par de graves crises sécuritaires et sanitaires, exacerbées par le « déficit persistant » d’appui financier de la part de la communauté internationale, a dénoncé M. Touadera.  La République centrafricaine continue de consentir d’énormes sacrifices afin d’améliorer sa gestion économique et sa gouvernance, a-t-il assuré, et attend le rétablissement du programme de facilité élargie de crédit, suspendu par le Fonds monétaire international (FMI).  Au nombre des solutions qui doivent être explorées, le Président a donné la priorité au développement des infrastructures, à l’accès aux marchés pour le financement de projets de développement, au développement d’une économie résiliente et à l’appui au système éducatif.  La République centrafricaine est en outre devenue le premier pays d’Afrique à adopter le bitcoin comme monnaie de référence et de paiement numérique. 

Afin de lutter contre l’impunité, M. Touadera a estimé que la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation du 6 février 2019, de la Feuille de route conjointe de Luanda ainsi que des Recommandations du Dialogue républicain avaient favorisé la « décrispation » du climat sociopolitique national.  Il a par ailleurs noté la condamnation « ferme », par le Conseil de sécurité, des attaques perpétrées contre la population civile par les groupes armés dans sa résolution 2648 (2022).  Il s’est également félicité des « avancées significatives » qui ont permis de lever substantiellement l’embargo sur les armes imposé à son pays, tout en déplorant les « les campagnes de désinformation et de manipulation », « sur fond de néocolonialisme aux contours flous et menaçants », visant à déstabiliser les institutions démocratiques de son pays. 

M. NAYIB ARMANDO BUKELE, Président dEl Salvador, a salué ses « frères du monde » avant de présenter son pays comme celui du surf, des volcans, du café, de la paix, du bitcoin et de la liberté.  « Je suis venu parler de liberté à laquelle aspirent le peuple d’El Salvador et les peuples du monde », a dit le Président en invitant les puissants à respecter cette liberté.  Il a regretté que la « petite maison » d’El Salvador, certes un petit pays qu’on peine à voir sur une carte, ne soit pas respecté par des pays beaucoup plus grands, qui ont beaucoup d’argent, beaucoup de pouvoir et qui pensent à tort qu’ils possèdent aussi notre terre.  C’est la raison pour laquelle El Salvador continue de se battre pour sa liberté, a-t-il expliqué, arguant que « si, sur le papier, nous sommes libres, souverains et indépendants, nous ne le serons vraiment que lorsque les puissants comprendront que nous voulons être leurs amis et que nos portes sont grandes ouvertes au commerce, pour nouer les meilleures relations possibles ».  El Salvador est passé du statut de pays le plus dangereux au monde à celui de pays le plus sûr en Amérique, a fait valoir M. Bukele, en soulignant qu’il est désormais connu pour ses plages, le surf, les volcans, la liberté financière, un bon gouvernement et pour avoir mis fin au crime organisé.  Ce n’est que le début, a insisté le Président, revendiquant le droit de continuer sur la voie du développement.  

Selon lui, le développement sera plus rapide si les pays puissants apportent leur aide au lieu de condamner.  Si ces pays ne veulent pas aider, la moindre des choses est de ne pas placer d’obstacle sur cette route, parce que chaque peuple doit trouver sa propre voie, a-t-il argumenté.  Offrant son amitié aux pays amis qui sont à la recherche de leur propre chemin, le Président a jugé la tribune de l’ONU « obsolète ».  Il s’est posé la question de savoir si l’ONU peut encore servir à son pays.  Il a souhaité un monde où chaque peuple est vraiment libre de construire sa communauté de nations, grandes et petites, à partir de ses expériences et de ses capacités à résoudre les problèmes de l’humanité.  Personne ne peut être contre cette vision, a estimé le Président qui a reconnu que c’est néanmoins facile à dire et difficile à faire.  « Je suis venu ici, dans cette enceinte, dans un format auquel je ne crois plus, pour dire quelque chose qui ne changera probablement pas la façon dont les pays puissants se voient de toute façon », a déclaré M. Bukele, espérant qu’avec le temps d’autres nations, d’autres peuples, décideront aussi de se battre pour leur liberté et que l’ONU retrouvera son véritable sens.    

« Nous nous trouvons à un moment historique », a déclaré M. FUMIO KISHIDA, Premier Ministre du Japon, en dénonçant la « dévastation » constatée en Ukraine et dans le monde.  L’agression de la Russie contre l’Ukraine foule aux pieds la vision et les principes de la Charte des Nations Unies, a-t-il dit.  Il a rappelé que l’ONU n’existe pas seulement pour les intérêts des grandes puissances mais pour ceux de la communauté internationale dans son ensemble, sur la base du principe de l’égale souveraineté de tous les États.  Il est temps de revenir à cette vision et à ces principes et de faire en sorte que l’ordre international reste basé sur des règles, a appuyé le Premier Ministre japonais.   

Il a plaidé pour le renforcement de l’ONU, en soulignant notamment la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité.  La crédibilité de l’ONU, avec l’agression de la Russie, membre permanent de cet organe, est en effet en jeu.  Appelant à restaurer cette crédibilité, M. Kishida a estimé qu’il est temps d’enclencher des négociations sur la base d’un texte en vue d’une réforme du Conseil, avant de s’engager en faveur de la revitalisation de l’Assemblée générale.  Il a dénoncé l’opposition de la Russie qui a fait échec, le mois dernier, à un consensus autour d’un document final qui aurait permis de renforcer le régime de non-prolifération nucléaire.  « Mais je ne renoncerai pas », a martelé le Premier Ministre, en indiquant qu’un seul pays ne peut pas empêcher l’adoption d’un tel document, contenant des engagements réalistes en matière de désarmement.  Il a aussi précisé que son pays vise à normaliser ses relations avec la RPDC et s’est dit déterminé à rencontrer son Président « sans conditions ».   

M. Kishida a redit la détermination du Japon à promouvoir l’état de droit au niveau international, lequel est d’une importance toute particulière pour les pays vulnérables.  Le mois prochain, le Japon deviendra membre non permanent du Conseil de sécurité, a-t-il rappelé, en assurant que son pays entendra les voix les plus faibles et renforcera l’état de droit.  Il a déclaré que son pays intensifiera ses efforts sur la base du concept de « sécurité humaine » en cette nouvelle ère.  Les peuples méritent de jouir d’une vie de qualité, débarrassée de l’angoisse et de la peur, a-t-il estimé.  Alors que l’ordre international vacille et que l’angoisse des peuples ne fait que s’accroître, le Premier Ministre a assuré que le Japon œuvrera à réaliser ladite sécurité humaine, notamment par le biais du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine.  Il a aussi rappelé l’investissement de 30 milliards de dollars de son pays pour l’Afrique récemment annoncé, ainsi que la somme de 5 milliards de dollars apportée en appui à la riposte mondiale à la pandémie de COVID-19.   

« C’est précisément parce que nous nous trouvons à un moment historique que le Japon continue de placer les plus grands espoirs en l’ONU. »  Les temps changent, mais la vision et les principes de l’ONU demeurent les mêmes, a conclu le Premier Ministre japonais.  

M. OLAF SCHOLZ, Chancelier de lAllemagne, a réitéré l’engagement de son pays envers les objectifs de paix, de développement et d’égalité de droits et de la dignité pour chaque être humain.  Malheureusement, le monde s’en éloigne et fait face à une nouvelle fragmentation, de nouvelles guerres et des conflits, a-t-il constaté.  Pour le Chancelier, il ne faut pas rester les bras croisés lorsqu’une grande puissance nucléaire armée jusqu’aux dents, membre fondateur de l’ONU et membre permanent du Conseil de sécurité, cherche à déplacer les frontières par la violence.  Selon lui, le Président Putin mène cette guerre avec un seul objectif: s’emparer de l’Ukraine.  C’est de l’impérialisme pur et simple, a dénoncé M. Scholz pour qui le retour de l’impérialisme n’est pas seulement un désastre pour l’Europe, mais aussi pour notre ordre pacifique mondial.  Pour que cette guerre se termine, on ne peut pas être indifférent à la façon dont elle se termine, a-t-il poursuivi en prévenant que M. Putin n’abandonnera sa guerre et ses ambitions impérialistes que s’il se rend compte qu’il ne peut pas gagner.   

L’Allemagne n’acceptera pas une paix dictée par la Russie et les simulacres de référendums, a martelé le Chancelier, souhaitant que l’Ukraine puisse se défendre contre l’invasion russe.  Il a dit que l’Allemagne la soutient financièrement, économiquement, avec une aide humanitaire et aussi avec des armes.  L’Allemagne impose des sanctions économiques sévères aux dirigeants russes et à l’économie russe, a-t-il ajouté, en précisant qu’aucun grain de céréales n’a été retenu à cause de ces sanctions.  C’est la Russie qui a empêché les navires céréaliers ukrainiens de prendre la mer, qui a bombardé les ports et détruit les entreprises agricoles, a-t-il affirmé.  Il a mis en garde que pour éviter la faim, il faut veiller à ce que « la guerre de Putin » ne prévale pas.  Il a promis d’être aux côtés de l’Ukraine lorsqu’il s’agira d’assumer les coûts énormes de la reconstruction du pays.  L’Allemagne, a-t-il dit, organisera à Berlin le 25 octobre, avec des partisans de l’Ukraine du monde entier, une réflexion sur la manière de gérer cette tâche herculéenne.  Le message: « Nous nous tenons fermement aux côtés de ceux qui sont attaqués, pour la protection de la vie et de la liberté des Ukrainiens et de l’ordre international. ».  

S’agissant des changements climatiques, M. Scholz a souligné la responsabilité particulière des pays industrialisés et grands émetteurs de gaz à effet de serre, rappelant l’intention des membres du G7 d’aller de l’avant pour atteindre l’objectif de 1,5°Celsius.  Il a estimé que la neutralité climatique conduit à une plus grande sécurité énergétique et réaffirmé le soutien de Berlin aux économies émergentes et aux pays en développement dans leurs efforts de réduction des émissions et d’adaptation aux changements climatiques.  Avant la COP27 en Égypte, l’Allemagne mettra en place un bouclier mondial contre les risques climatiques, a-t-il annoncé.   

Pour ce qui est des droits humains, le Chancelier a rappelé que son pays est le deuxième donateur du système des Nations Unies et également le deuxième donateur d’aide humanitaire.  Il a appelé à l’action là où des centaines de milliers de personnes sont obligées d’endurer la souffrance, la tyrannie et la torture dans des camps de prisonniers ou des prisons comme en République populaire démocratique de Corée, en Syrie, en Iran, au Bélarus, ou encore en Afghanistan où les Taliban privent les femmes et les filles de leurs droits les plus élémentaires.  Il faut agir lorsque la Russie commet des crimes de guerre à Marioupol, Boutcha et Irpin, a exhorté le Chancelier demandant de traduire les meurtriers en justice.  Il a aussi demandé à la Chine de mettre en œuvre les recommandations du Haut-Commissaire des droits de l’homme sur la situation des Ouïghours. 

M. Scholz a terminé son allocution en appelant à la réforme et l’expansion du Conseil de sécurité pour inclure les pays du Sud.  L’Allemagne est prête à assumer une plus grande responsabilité en tant que membre permanent et initialement en tant que siège non permanent en 2027/28, a-t-il assuré.  Les pays et régions émergents et dynamiques d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud doivent avoir une voix politique plus forte sur la scène mondiale, a-t-il plaidé avant d’annoncer le lancement d’un partenariat mondial pour les infrastructures et l’investissement visant à mobiliser 600°milliards de dollars pour des investissements publics et privés dans les infrastructures à travers le monde au cours des cinq prochaines années, « un grand pas vers la mise en œuvre du Programme°2030 ».  Il a également informé de la création du nouveau club du climat pour mettre en œuvre l’Accord de Paris plus rapidement et plus efficacement.

Devant les turbulences que traverse le système multilatéral, M. AZIZ AKHANNOUCH, Chef du Gouvernement du Royaume du Maroc, a demandé aux États Membres s’ils souhaitent une Organisation capable de conduire les transformations stratégiques, « ou voulons-nous qu’elle se limite à la seule gestion de crise »?  Les pays africains, a-t-il ensuite noté, sont les plus touchés par les effets de la crise économique entraînée par la crise géopolitique mondiale, car ils subissent de plein fouet la flambée des prix des denrées alimentaires et des sources d’énergie, qui anéantissent leurs acquis de développement durable.  Cependant, l’Afrique dispose de toutes les ressources pour transformer les défis en opportunités et sortir renforcée de cette crise, a assuré M. Akhannouch.  Cela dit, pour y parvenir, la coopération internationale doit être renforcée vis-à-vis du continent, à travers la réduction de la dette et le lancement d’initiatives de développement intégré.  Il est aussi de la responsabilité des pays avancés de mobiliser les ressources financières et technologiques nécessaires au profit des pays africains pour leur permettre de relever le défi climatique, a-t-il ajouté. 

M. Akhannouch a ensuite renouvelé « l’engagement de son pays à trouver une solution politique pérenne au conflit régional du Sahara marocain », sur la base de l’initiative marocaine d’autonomie, qui bénéficie du soutien du Conseil de sécurité et de plus de 90 États.  Sur le terrain, a-t-il poursuivi, les « provinces du sud du Royaume » poursuivent leur développement irréversible, dans le cadre du nouveau modèle de développement lancé par le Roi Mohammed VI en 2015.  Tous les habitants de cette région participent pleinement à toutes les étapes de la mise en œuvre de ce plan, par le truchement de leurs représentants démocratiquement élus au sein du Conseil du Sahara marocain, a expliqué M. Akhannouch.  Pour lui, la participation active des habitants du Sahara marocain à la vie sociale, économique et politique est bien la preuve de leur attachement à l’appartenance du Sahara au Maroc.   

Le Maroc a réitéré son soutien aux efforts du Secrétaire général et de son Envoyé personnel pour la relance du processus des tables rondes dans le même format et avec les mêmes participants, dont l’objectif est d’aboutir à une solution viable et réaliste sur la base du consensus et conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, la plus récente étant la 2602, a poursuivi M. Akhannouch.  Dans ce contexte, la participation de bonne foi de l’Algérie, dans la reconnaissance de sa responsabilité dans ce conflit artificiel, constitue la première condition pour un règlement définitif de la crise, a souligné le Chef du Gouvernement.  Il a ensuite exprimé la préoccupation de son pays au sujet de la situation humanitaire catastrophique et de l’absence de tout état de droit dans le camp de Tindouf, où l’Algérie serait en flagrante violation du droit international humanitaire.  Nous appelons une fois encore la communauté internationale à exhorter l’Algérie à répondre aux appels lancés par le Conseil de sécurité depuis 2011 et à permettre au Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) d’organiser un recensement des habitants du camp de Tindouf, a ajouté le Chef du Gouvernement marocain.  

M. MARIO DRAGHI, Président du Conseil des Ministres de lItalie, a dénoncé l’invasion de l’Ukraine qui foule aux pieds les valeurs et les règles de la sécurité internationale.  Aider l’Ukraine à se protéger n’était pas le choix juste à faire, c’était le seul choix conforme aux idéaux de justice et de fraternité qui sont au fondement de la Charte, a-t-il affirmé.  « Nous avons répondu à l’appel à l’aide lancé par le Président ukrainien parce qu’une invasion militaire planifiée pendant des mois et menée sur de multiples fronts ne peut être stoppée par la seule force des mots. »  Il a rappelé les sanctions sans précédent imposées contre la Russie afin de la convaincre à retourner à la table des négociations.  Il a salué « l’héroïque contre-offensive » menée par l’Ukraine, grâce à laquelle elle a pu regagner une partie de son territoire.  L’issue du conflit est encore imprévisible mais il semble que Kiev ait engrangé un important avantage stratégique, a-t-il constaté.  M. Draghi a déclaré que l’unité de l’Union européenne et de ses alliés a été fondamentale dans l’aide apportée à l’Ukraine et dans l’imposition des sévères sanctions contre la Russie.  À ce jour, nous avons diminué de moitié notre dépendance au gaz russe et nous comptons parvenir à l’indépendance complète en 2024, a-t-il ajouté.  

Le Président du Conseil des Ministres a appelé l’Union européenne à user de la force de ses institutions pour protéger ses voisins des revendications russes.  Soulignant que la guerre en Ukraine a renforcé le « désir d’Europe » dans de nombreux pays, il a appuyé la candidature de l’Ukraine à l’Union et soutenu l’intégration dans l’Union des Balkans occidentaux, de la République de Moldova et de la Géorgie.  La Russie n’a pas encore montré qu’elle veut la fin du conflit, a déploré M. Draghi, en indiquant que les référendums pour l’indépendance au Donbass sont une nouvelle violation du droit.  L’Italie veut être à la tête des efforts pour parvenir à un règlement, dès que cela sera possible.  « Nous devons répondre à la guerre d’agression de la Russie en réaffirmant les principes qui sont ceux de cette Assemblée: respect des droits humains, coopération internationale et non-belligérance. »  La réaction à la guerre en Ukraine montre que la violence gratuite ne saurait avoir sa place au XXIe siècle, a-t-il dit.  

Poursuivant, M. Draghi a appelé à appuyer les pays les plus vulnérables à faire face aux conséquences des changements climatiques, en citant les inondations tragiques qui ont frappé le Pakistan.  Il a souligné l’engagement indéfectible de l’Italie en faveur de la paix, en rappelant notamment que son pays est le plus grand contributeur en Casques bleus parmi les pays européens.  Il a également rappelé que les migrations sont un phénomène mondial et qu’il doit y être répondu en tant que tel.  Enfin, alors que le contexte actuel doit, selon lui, inviter les États à redécouvrir « l’esprit de coopération », le Président a appuyé l’idée d’une réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus « représentatif, efficace et transparent ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour le Soudan du Sud se félicite de la prolongation de la période de transition démocratique

9134e séance – après-midi
CS/15033

Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour le Soudan du Sud se félicite de la prolongation de la période de transition démocratique

Présentant au Conseil de sécurité le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Soudan du Sud, le Représentant spécial pour ce pays a qualifié, cet après-midi, de « bienvenue » la signature, le 4 août dernier, entre les signataires de l’Accord de paix revitalisé, d’un accord sur une feuille de route qui prolonge la période de transition de 24 mois, jusqu’en février 2025, et prévoit des élections en décembre 2024.  Il n’y a pas d’alternatives à la mise en œuvre de l’Accord de 2018, a-t-il toutefois averti, rejoint par de nombreuses délégations qui ont appelé à l’accélération du processus de transition démocratique. 

À l’approche de la fin de la période de transition, il est devenu évident que les parties n’étaient pas en mesure de conclure la mise en œuvre des principales dispositions de l’Accord d’ici à la date limite initiale, fixée en février 2023, a expliqué M. Nicholas Haysom, en saluant le consensus qui a entouré la prolongation de la période transitoire.  Cela s’est traduit par le vote de 37 des 43 membres de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée en faveur de la prorogation, a-t-il précisé, indiquant que la prochaine étape sera la ratification de la nouvelle période par l’Assemblée législative nationale de transition.

M. Haysom, qui est également le Chef de la Mission des Nations Unies au Soudans du Sud (MINUSS), a indiqué que, lors de ses rencontres avec le Président Salva Kiir et le Vice-Président Riek Machar, il a signifié aux deux dirigeants que la feuille de route ne doit être qu’un « point de passage », et non un « point final », sur la voie de la transition.  Au-delà du respect du calendrier de la feuille de route et du nécessaire rétablissement de la confiance, il a vu dans la préparation d’élections l’une des principales questions en suspens.  Il a par ailleurs salué la fin de la formation du premier contingent des forces unifiées nécessaires, affirmant attendre de ces soldats, « symboles d’unité », qu’ils jouent un rôle essentiel dans le processus démocratique.  Leur déploiement contribuera à réduire la violence infranationale et intercommunautaire, tandis que la réforme du secteur de la sécurité devrait permettre une meilleure protection des civils, a-t-il dit. 

À ce propos, le Représentant spécial s’est déclaré préoccupé par les combats entre les forces du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition-faction Kitgwang et la milice Agwelek dans le Haut-Nil, qui ont poussé des milliers de personnes vers le Jongleï, l'État de l’Unité et le Soudan.  Il a aussi condamné les violences récentes à Mayom, dans l’État de l’Unité, avant d’enjoindre les parties à cesser d’utiliser la violence sexuelle comme « arme de choix ».  Il a été appuyé dans cet appel par la Présidente du South Sudan Women’s Empowerment Network, qui a évoqué une situation « intenable », où les viols collectifs sont monnaie courante. 

Mme Lilian Riziq a également évoqué un pays au bord de l’effondrement, estimant que la prorogation du mandat du Gouvernement ne fera que prolonger les souffrances des civils et risque de déboucher sur des élections frauduleuses.  Des arguments balayés par le représentant du Soudan du Sud, selon lequel l’extension de la période de transition était « inévitable », compte tenu du nombre de dispositions de l’accord encore en suspens.  Selon lui, la feuille de route doit permettre aux parties, signataires ou non de l’Accord revitalisé, d’avancer sur cette voie, tout en donnant à la communauté internationale l’occasion de se réengager en faveur du processus de paix. 

Au nom des trois membres africains du Conseil, le Ghana s’est lui aussi félicité de la prorogation de deux ans de la période de transition, non sans prôner un processus inclusif afin de permettre une appropriation nationale de la feuille de route sur la base d’un dialogue avec tous les segments de la société, y compris les femmes et les jeunes.  Il a également applaudi l’intégration de 20 000 combattants issus des groupes armés signataires dans les forces armées, saluant une étape cruciale dans le renforcement des capacités sécuritaires du pays et la lutte contre l’insécurité.  Ces mesures doivent bénéficier de l’appui de la communauté internationale, a-t-il à son tour affirmé, rejoint par la Fédération de Russie et la Chine, pour qui le Conseil de sécurité doit tenir compte des préoccupations du Soudan du Sud et lever les sanctions imposées à ce pays pour l’aider à améliorer ses capacités de sécurité. 

Résumant l’impatience de bon nombre des délégations face aux retards pris dans la transition démocratique, les États-Unis ont regretté que les autorités sud-soudanaises aient réussi à prolonger leur mandat au pouvoir en dépit de leurs échecs ces quatre dernières années.  La France a, quant à elle, appelé à une accélération de la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé, tout en prenant note de la prolongation de la période de transition et des objectifs de la feuille de route.  Exhortant le Gouvernement à mettre en place le cadre législatif et constitutionnel prévu par l’Accord de 2018, elle a fait valoir que la participation de la société civile sera décisive pour la crédibilité du processus de paix. 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - (S/2022/689)

Déclarations liminaires

M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial pour le Soudan du Sud et Chef de la Mission des Nations Unies dans ce pays (MINUSS), a noté que, depuis 2018, l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud a fourni un cadre pour consolider la transition vers la paix.  Il a toutefois ajouté qu’à l’approche de la fin de la période de transition, il est devenu de plus en plus clair que les parties n’étaient pas en mesure de finir de mettre en œuvre des principales dispositions de l’Accord d’ici à la date limite initiale, en février 2023.  Avec la fermeture de cette fenêtre, les parties signataires ont convenu le 4 août d’une feuille de route qui prolonge la période de transition de 24 mois et prévoit des élections en décembre 2024, a-t-il rappelé, qualifiant cette décision de « bienvenue » car elle représente un consensus entre les principaux signataires sur la voie à suivre.  Si cette prolongation de la période de transition a suscité des réactions mitigées de la part de nombreux Sud-Soudanais, notamment chez les parties non-signataires et certains acteurs de la société civile inquiets quant à l’inclusivité du processus, il n’y a pas d’alternatives à la mise en œuvre de l’Accord de paix, a souligné le Représentant spécial.  Cela s’est traduit par le vote de 37 des 43 membres de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée en faveur de la prorogation, a-t-il précisé, indiquant que la prochaine étape sera sa ratification par l’Assemblée législative nationale de transition.

M. Haysom a dit avoir indiqué au Président Kiir et au Vice-Président Machar que la feuille de route doit être un « point de passage », et non un « point final », dans le parcours du Soudan du Sud sur la voie de la transition démocratique.  Au-delà du respect du calendrier de la feuille de route et du nécessaire rétablissement de la confiance, les questions les plus importantes en suspens sont, selon lui, le processus constitutionnel et la préparation des élections.  Une transition politique inclusive et l’ouverture de l’espace civique sont les conditions essentielles d’un processus électoral solide, a-t-il insisté, avant de se féliciter que le Président et le Vice-Président aient convenu de sortir de l’impasse parlementaire, ce qui permet à la législature nationale de transition de traiter les aspects cruciaux de l’Accord de paix.  Le Chef de la MINUSS a également salué la fin de la formation du premier contingent des forces unifiées nécessaires dans la région de l’Équatoria.  Il dit attendre de ces soldats, « symboles d’unité », qu’ils jouent un rôle essentiel en contribuant à la transition démocratique du pays.  Pour l’heure, a-t-il dit, ils vont être déployés pour aider à réduire la violence infranationale et intercommunautaire, tandis que la réforme du secteur de la sécurité devrait permettre une meilleure protection des civils.  À cette fin, des progrès en matière de ressources budgétaires seront nécessaires pour aboutir à la création d’une armée unifiée, faute de quoi les avancées réalisées risqueraient d’être annulées, a averti le Représentant spécial.

Dans ce contexte, M. Haysom s’est dit préoccupé par les combats entre les forces du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition-faction Kitgwang et la milice Agwelek dans le Haut-Nil.  Les affrontements ont déplacé des milliers de personnes vers le Jongleï, l'État de l’Unité et le Soudan, a-t-il expliqué, affirmant avoir reçu des informations selon lesquelles des personnes fuiraient en direction du site de protection des civils de Malakal déjà surpeuplé.  Condamnant également les violences récentes à Mayom, dans l’État de l’Unité, ainsi qu’à Rualbet et Ouarrap, il a pris note des mesures prises par le Gouvernement pour sanctionner les exécutions extrajudiciaires, établir des commissions d’enquête et examiner les causes profondes de ces conflits.  Il a d’autre part constaté une hausse alarmante des violences sexuelles liées aux conflits, estimant que ce fléau pourrait être efficacement traité si toutes les parties concernées et les autorités compétentes mettaient un terme à l’utilisation de ces pratiques comme « arme de choix ».  Il a ajouté que la MINUSS renforce son soutien au système judiciaire de chaque État en favorisant la responsabilisation et les capacités de lutte contre les crimes susceptibles de déstabiliser la paix. 

Guidée par la vision stratégique triennale de son mandat, la Mission a largement réussi à accomplir un « double pivot » dans son orientation et ses opérations, a assuré M. Haysom, précisant que le premier pivot est l’intensification du processus de paix et le second la transition d’une mission de protection statique à une mission se déployant sur les points chauds.  Cette présence élargie en matière de protection a entraîné une légère diminution du nombre de civils touchés par la violence et une baisse significative du nombre d’incidents par rapport à l’an dernier, s’est-il félicité.  Il a cependant reconnu que l’un des plus grands adversaires de son objectif de « mission intégrée en toutes saisons » sont souvent le terrain et les conditions météorologiques.  Il a enfin évoqué la détérioration de la situation humanitaire, avertissant que les besoins continuent de dépasser les financements disponibles, ce qui nécessite la reprogrammation des ressources.  Il a par conséquent exhorté les donateurs à honorer leurs engagements envers le plan de réponse humanitaire, qui n’est financé qu’à 44,6%.

Mme LILIAN RIZIQ, Présidente de South Sudan Women’s Empowerment Network, a déclaré que les violences persistent au Soudan du Sud et que la situation y est devenue « intenable ».  Le pays est au bord de l’effondrement, a-t-elle affirmé.  Elle a indiqué que les violences contre les femmes et les filles sont monnaie courante, en mentionnant les éléments d’un rapport sur les atrocités qui ont été commises dans l’État d’Unité.  Elle a précisé que 130 cas de viols collectifs ont été recensés, dont celui d’une fillette de neuf ans, morte par la suite.  Le Gouvernement sud-soudanais ne protège pas les civils, a tranché M. Riziq.  Elle a aussi estimé que la prorogation du mandat du Gouvernement ne ferait que prolonger les souffrances des civils.  Le Gouvernement serait ainsi encouragé à tenir des élections frauduleuses afin de se maintenir au pouvoir, a-t-elle craint, en mettant en garde contre le risque d’une guerre qui provoquerait l’effondrement total du pays.  Enfin, elle a appuyé l’idée de lancer un dialogue inclusif afin d’aider les Sud-Soudanais à agréer un cadre constitutionnel provisoire et à identifier les modalités de la période de transition.

Déclarations

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a salué les efforts de la MINUSS en faveur de la désescalade des tensions dans les États de l’Unité et du Haut-Nil.  Il s’est dit préoccupé par les inondations qui continuent de frapper des milliers de personnes au Soudan du Sud.  Les États-Unis, a dit le représentant, apportent une aide d’urgence aux communautés les plus frappées.  Il a demandé au Gouvernement sud-soudanais de faire cesser les hostilités et de lancer un dialogue pour remédier aux causes des conflits.  Il a appelé les autorités soudanaises, les membres du Conseil et la communauté internationale à appuyer les efforts humanitaires de la MINUSS, pour assurer la sûreté et la sécurité du personnel de la Mission et des travailleurs de l’humanitaire et des déplacés. 

Le représentant a déclaré être déçu par les autorités sud-soudanaises qui ont prolongé la période de transition, prolongeant ainsi leur mandat au pouvoir en dépit de leurs échecs de ces quatre dernières années.  Il a estimé en effet que ces autorités ont manqué à s’acquitter pleinement des engagements pris dans le cadre de l’Accord revitalisé de 2018.  Il a regretté que les dirigeants n’aient pas reporté la ratification de la prolongation de sorte, ce qui aurait permis de montrer, par le biais d’actes et de résultats sur le terrain, que les nouveaux engagements consacrés par la feuille de route seront différents et que la situation sera différente de ce qui s’est passé ces dernières années.  Le Gouvernement n’a pas saisi la chance de travailler avec la société civile et autres parties prenantes signataires à l’Accord, ce qui aurait accru les chances de succès, a encore observé le délégué américain. 

S’agissant des violations des droits humains dans le sud de l’État de l’Unité, il a cité le rapport du Secrétaire général pour dire que le Gouvernement et les forces alliées ont mené une tactique de la terre brûlée contre les victimes, en étant responsables notamment de violences sexuelles et des viols en groupes.  Jugeant inacceptable que les femmes, les jeunes filles et les jeunes garçons soient soumis à de tels actes, il s’est dit favorable aux tribunaux mobiles.  Il a appelé le Gouvernement à enquêter sur toutes les violations des droits humains, y compris les violences liées au conflit, et à forcer les auteurs à répondre de leurs actes. 

Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), M. HAROLD A. AGYEMAN (Ghana) s’est félicité de la mise en œuvre graduelle de l’Accord revitalisé, malgré les problèmes qui persistent.  Il a salué les parties signataires de l’Accord revitalisé qui ont dévoilé une feuille de route prorogeant de 24 mois la période de transition afin de favoriser la réalisation des principales tâches en suspens.  Afin de poursuivre sur cette voie, le représentant a prôné la mise en place d’un processus inclusif permettant une appropriation nationale de la feuille de route au moyen du dialogue avec tous les segments de la société, y compris les femmes, les jeunes et la société civile.  Il s’est également réjoui des progrès réalisés dans la mise en place des forces unifiées nécessaires, en particulier la récente remise de diplômes à plus de 20 000 membres de l’armée nationale unifiée, de la police et d’autres forces de sécurité.  Il s’agit là d’une étape clef dans le renforcement des capacités des institutions de sécurité du Soudan du Sud afin de protéger les civils et de lutter contre l’insécurité, a-t-il noté, y compris les violences intercommunautaires.  Après avoir souligné l’importance de l’appui, notamment financier, de la communauté internationale à la mise en œuvre des dispositions transitoires de sécurité, il a exhorté les dirigeants politiques à placer l’intérêt du pays au premier plan. 

Le représentant s’est dit profondément préoccupée par la réapparition de conflits intercommunautaires dans certaines parties du pays, y compris les violences à l’encontre des personnes déplacées sur l’île d’Adidiang, dans l’État du Haut-Nil, ainsi que dans les États d’Unité et de Jongleï.  Alors que les changements climatiques continuent d’exacerber une situation humanitaire déjà catastrophique, il a réitéré son appel en faveur d’une augmentation du financement international.  De même, le Gouvernement doit intensifier ses efforts afin d’assurer la protection des travailleurs humanitaires, a-t-il ajouté. 

M. DAI BING (Chine) a observé que la transition politique au Soudan du Sud en est à une nouvelle étape, avec la signature en août d’une feuille de route qui prolonge la période transitoire jusqu’en février 2025.  Cette prolongation était le bon choix à faire, étant donné la situation du pays, a estimé le représentant en souhaitant que les parties signataires parviendront à jeter des bases solides pour la tenue d’élections à la fin de la période de transition étendue.  Il s’est également félicité de la formation couronnée de succès et du prochain déploiement du premier contingent des forces unifiées nécessaires, y voyant un pas en avant dans le processus de paix.  Ces forces pourront contribuer au renforcement de la sécurité et à l’élimination de la violence, a-t-il dit en demandant un soutien continu de la communauté internationale.  Couper les vivres tout en se plaignant des retards dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé ne contribuera pas à créer des conditions propices à la paix, a argué le délégué en demandant au Conseil de sécurité de tenir compte des préoccupations du Soudan du Sud et de lever les sanctions pour aider le pays à améliorer ses capacités sécuritaires.  En tant que pays jeune, le Soudan du Sud accuse un grand retard dans son développement, d’où la nécessité de le soutenir, a fortiori en cette période de graves inondations et de crise humanitaire, a-t-il insisté.  La Chine a, pour sa part, fourni une aide matérielle aux forces unifiées nécessaires et contribué, avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), au programme national de DDR (désarmement, démobilisation et réintégration).  Elle continuera de fournir soutien et assistance au Soudan du Sud pour aider à la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé, a-t-il assuré. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a constaté que des progrès sont effectivement possibles dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud.  Elle a ainsi salué la fin de la formation du premier contingent des forces unifiées nécessaires, tout en invitant les autorités nationales à veiller à ce que ces soldats, une fois déployés, aient accès à la nourriture et aux médicaments, et reçoivent leurs salaires régulièrement.  La représentante a également applaudi l’engagement du Gouvernement à respecter la feuille de route.  Elle l’a appelé à tirer le meilleur parti de ce qui reste du délai initial et à clarifier l’utilisation du délai supplémentaire, à compter de la prolongation.  Alors qu’il ne reste que cinq mois dans la période de transition d’origine, les dirigeants du pays doivent tenir leurs promesses, conformément au calendrier de la feuille de route, a-t-elle insisté, avant de rappeler que des progrès sont aussi attendus en matière de réforme de la gestion des finances publiques, de lutte contre la corruption, de rédaction d’une nouvelle constitution et de processus électoral.  Elle a toutefois averti que les tentatives visant à réduire au silence les militants de la société civile et les médias vont à l’encontre de l’Accord de paix et de la gouvernance démocratique.

La déléguée a ensuite déploré le niveau « inacceptable » de la violence, y compris la violence sexuelle et l’utilisation d’enfants par les forces et les groupes armés, au Soudan du Sud, notamment dans les États de l’Unité et du Haut-Nil.  Les autorités nationales doivent désamorcer ces tensions de toute urgence et lancer des enquêtes pour que les auteurs de ces crimes soient tenus responsables, a-t-elle plaidé.  Elle a par ailleurs félicité la MINUSS et ONU-Femmes pour avoir contribué à l’intégration de trois réseaux de femmes dans la police, l’armée et les services pénitentiaires, jugeant que l’intégration du genre dans la réforme du secteur de la sécurité est essentielle pour favoriser un climat de responsabilisation et promouvoir une consolidation de la paix efficace.  Enfin, alors que le pays connaît des inondations record pour la quatrième année consécutive, la représentante a souhaité que les risques sécuritaires liés au climat soient intégrés dans les efforts de gestion des ressources naturelles et de règlement des différends fonciers. 

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a salué l’accord concernant la feuille de route pour une fin pacifique et démocratique de la période de transition de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud.  Cet accord demeure la clef de la stabilité dans le pays, a-t-elle estimé.  Au niveau sécuritaire, elle a insisté sur l’importance de protéger les civils dans un contexte de recrudescence de la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des enfants.  Elle a souhaité que les responsables de ces atrocités rendent des comptes.  Toutes les parties doivent poursuivre leurs efforts pour désamorcer les tensions et fortifier la confiance entre les communautés, a-t-elle ajouté.  Elle a aussi appelé à remédier aux causes profondes des défis que connaît le pays, avant de rappeler que huit millions de Sud-Soudanais sont en proie à une insécurité alimentaire aigüe.  Enfin, elle a salué l’action de la MINUSS en vue de la prévention des violences. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a salué la fin de la formation d’un contingent de 21 000 membres des forces unifiées nécessaires, ainsi que de l’établissement de l’Assemblée législative nationale provisoire reconstituée et de l’accord conclu entre le Président Salva Kiir et le Vice-Président Riek Machar sur la participation de l’ensemble des parties à l’accord de paix dans la gouvernance des zones administratives.  Il s’est également félicité de la prorogation de la période de transition jusqu’en février 2025.  Il a appelé le Gouvernement du Soudan du Sud à redoubler d’efforts en vue d’un accord sur une feuille de route permettant d’ouvrir la voie à l’organisation d’élections libres, équitables et crédibles.  Les préoccupations concernant les finances publiques et la corruption doivent également être réglées en priorité. 

Préoccupé par la situation humanitaire, notamment par le risque de famine, le représentant a engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour soutenir le Soudan du Sud.  De même il s’est préoccupé des affrontements qui ont affecté des milliers de civils dans l’État du Haut-Nil.  Après avoir pris note de l’amélioration de la communication entre la MINUSS et le Gouvernement et salué la création d’un ministère de la consolidation de la paix, le délégué a rappelé que l’Inde est un des principaux pays contributeurs de troupes à la MINUSS avec 2 300 militaires actuellement mobilisés pour une mission dirigée par un Indien pour la deuxième fois consécutive. 

Mme CÁIT MORAN (Irlande) a réaffirmé le soutien de l’Irlande au processus de paix, notant que la feuille de route constitue une étape importante et que sa mise en œuvre est essentielle et urgente.  Elle a appelé les dirigeants du Soudan du Sud à travailler ensemble, dans un esprit de compromis, pour respecter l’application de l’accord de paix.  Elle a souligné que les progrès sur le plan électoral et constitutionnel seraient essentiels au succès de la paix dans le pays et a appelé les autorités à inclure la société civile et l’ensemble du peuple du Soudan du Sud, en donnant aux femmes une pleine participation dans ce processus.  Elle s’est également félicitée de la récente formation de 21 000 forces de sécurité, notant que la pleine application du plan de développement d’une force de sécurité nationale est nécessaire et que les conditions dans les camps militaires doivent être améliorées.

La représentante a condamné les rapports persistants de violences et de violations des droits humains et du droit international humanitaire, y compris les violences sexuelles et basées sur le genre.  Soulignant que le Soudan du Sud fait face à sa pire crise humanitaire depuis son indépendance, elle a appelé les autorités de l’État à garantir l’accès humanitaire pour combattre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, et a demandé à tous les acteurs de protéger les travailleurs humanitaires et les ressources contre les attaques, menaces et pillages, jugeant la mort de cinq travailleurs humanitaires cette année inacceptable.  Elle a rappelé que cette situation humanitaire est exacerbée par les conséquences des inondations et autres événements climatiques, indiquant que le Ministre irlandais de l’aide étrangère au développement s’est rendu à Bentiu, dans l’État d’Unité, le mois dernier, où il a été témoin des effets dévastateurs des changements climatiques et des effets conjugués des chocs climatiques et des conflits, qui causent d’importants déplacements et menacent la stabilité.  Elle a exhorté le Conseil à reconnaître les risques sécuritaires relatifs au climat dans ses travaux et a réitéré son soutien au conseiller sur le climat et la sécurité au Soudan du Sud.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a félicité les parties signataires sud-soudanaises d’être convenues d’une feuille de route qui prolonge la période de transition de 24 mois.  Il faut maintenant s’efforcer d’achever le déploiement des forces unifiées nécessaires, a-t-il recommandé, « parce que le temps presse ».  Le représentant a exhorté le Gouvernement à s’engager de manière significative avec la société civile et les autres parties prenantes afin de maintenir une action soutenue dans la mise en œuvre de la feuille de route.  Préoccupé par les affrontements et les vols de bétail dans l’État de l’Unité, dans celui du Haut-Nil et dans d’autres régions, le délégué a encouragé les parties à mettre fin aux combats.  Le Gouvernement doit assurer la protection des civils et enquêter sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire, en particulier celles commises par les forces gouvernementales et les milices alliées, a-t-il plaidé. 

Le représentant s’est étonné de l’augmentation de 218% des violences sexuelles liées aux conflits entre avril et juin.  Il a appelé à la reddition de la justice et à la fin de l’impunité.  Il a aussi demandé la mise en œuvre accélérée du plan d’action des forces armées sur la lutte contre la violence sexuelle liée aux conflits.  Enfin, il a exhorté les parties à protéger les civils et à assurer l’acheminement de l’aide humanitaire, condamnant les attaques contre les travailleurs humanitaires et leurs biens.  Les auteurs de ces attaques doivent être traduits en justice, a-t-il insisté. 

M. JOãO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a d’abord exhorté les parties à l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud à percevoir la feuille de route comme une « incitation à mettre en œuvre les clauses de l’accord ».  Saluant le « déploiement proactif par la MINUSS » au Soudan du Sud, le délégué s’est néanmoins alarmé des violences dans l’État de l’Unité, dans l’État du Haut-Nil ainsi que des viols commis dans de nombreuses régions du Soudan du Sud, appelant les autorités sud-soudanaises à des réactions « plus audacieuses ».  Le délégué s’est en outre inquiété de la situation humanitaire du pays, rappelant qu’il était craint que les deux tiers de la population soient confrontés à l’insécurité alimentaire et la malnutrition.  Il a ainsi appelé à une augmentation des fonds alloués à l’aide humanitaire, dans ce pays des plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires.  Le représentant, enfin, a rappelé la participation de son pays à la MINUSS, via la présence du chef d’état-major de la force brésilienne.  Elle est pour lui le « gage » de l’engagement de Brasilia « à promouvoir une paix durable au Soudan du Sud ». 

Mme ELENA CURZIO VILA (Mexique) s’est félicitée de la signature de la feuille de route prorogeant la période de transition jusqu’en février 2025, en espérant que le Gouvernement du Soudan du Sud profitera de cette période pour réaliser des progrès tangibles.  De telles avancées sont essentielles pour mettre en place un processus inclusif, avec la participation de toutes les parties, y compris l’opposition, la société civile ainsi que les groupes de femmes et de jeunes.  Toutefois, la situation sécuritaire demeure une source de préoccupation, a-t-elle noté, notamment la hausse des violences intercommunautaires, y compris les attaques menées contre le centre pour personnes déplacées d’Adidiang.  La représentante a dit espérer que la récente remise de diplômes au premier groupe des forces unifiées nécessaires permettra au Gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les civils et prévenir l’escalade de la violence.  Alors que la MINUSS et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme continuent de signaler des abus et de graves violations des droits humains, la déléguée a exhorté les autorités du Soudan du Sud à prendre des mesures immédiates pour mettre fin à la violence envers la communauté humanitaire.  Elle a dénoncé à cet égard l’imposition de droits de douane et de taxes sur les marchandises destinées à la MINUSS. 

Mme CAROLINE QUINN (Royaume-Uni) a réaffirmé que l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud reste le meilleur moyen d’instaurer la paix et la stabilité dans le pays.  Saluant à cet égard la décision de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée de prolonger la période de transition, elle a appelé le Gouvernement à respecter les engagements pris dans le cadre de la feuille de route et à intégrer la société civile au processus.  Elle l’a également exhorté à consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, qui reste selon elle trop lente, malgré la fin de la formation des premiers hommes des forces unifiées nécessaires.  Elle a donc encouragé le Gouvernement à indiquer s’il a besoin de soutien, notamment de la MINUSS, pour atteindre les objectifs fixés.  Dans ce contexte, la déléguée s’est déclarée préoccupée par le niveau élevé de violence dans le pays, faisant état de violences sexuelles généralisées et de violations des droits humains.  Dénonçant les attaques menées dans le comté de Mayom et les exécutions extrajudiciaires perpétrées dans l’État de l’Unité, elle a salué la formation d’une commission spéciale chargée d’enquêter sur ces affaires.  Elle a également condamné la violence en cours dans l’État du Haut-Nil, avant de souligner les efforts déployés par la MINUSS pour protéger les civils.  La représentante a cependant réitéré qu’il est de la responsabilité du Gouvernement de protéger ses citoyens, de même qu’il doit offrir un accès sûr et sans entrave aux organisations humanitaires. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a salué les efforts de stabilisation de la MINUSS, ainsi que l’accord concernant la feuille de route pour une fin pacifique et démocratique de la période de transition de l’Accord revitalisé.  Elle a souligné l’importance que revêt la constitution d’une armée unie au Soudan du Sud, avant de plaider pour un assouplissement des sanctions prises contre ce pays.  La déléguée s’est dite vivement préoccupée par les violences perpétrées contre les civils dans l’État d’Unité, avant de saluer les efforts de médiation de l’Union africaine et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).  La tâche essentielle de la MINUSS et de contribuer à la stabilisation du pays et d’apporter un appui aux autorités sud-soudanaises, a noté la déléguée, en rappelant que les questions relatives aux droits humains et à la lutte contre la corruption sont la compétence de Djouba.

Mme ISIS MARIE DORIANE JARAUD-DARNAULT (France) a d’emblée appelé à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé.  Prenant note de l’extension de la période de transition pour deux années supplémentaires, elle a constaté que cette décision était devenue inéluctable puisqu’il était irréaliste de tenir les élections d’ici à la fin de l’année.  Elle a également salué l’adoption de la feuille de route, qui, selon elle, définit des échéances claires en matière d’arrangements sécuritaires, de processus constitutionnel et de préparation de futures élections.  Pour la représentante, l’intégration de 21 000 combattants dans les forces de sécurité est un autre pas important, le but étant d’intégrer l’ensemble des combattants issus des groupes armés signataires et de les déployer sur le terrain.  S’agissant de la mise en œuvre de la feuille de route, elle a encouragé les autorités à allouer les ressources budgétaires nécessaires et à mettre en place le cadre législatif et constitutionnel prévu par l’Accord de paix revitalisé.  La participation de la société civile, en particulier des femmes et des jeunes, sera décisive pour la crédibilité du processus de paix, a-t-elle souligné, avant de s’alarmer des restrictions aux libertés d’expression et de réunion.  À cet égard, les travaux engagés pour circonscrire les attributions des forces de sécurité doivent être finalisés dès que possible, a plaidé la déléguée. 

Réitérant son soutien aux mécanismes de suivi de l’Accord de paix et du cessez-le-feu, mis en place sous l’égide de l’IGAD, la représentante a ensuite appelé les autorités à remplir leurs prérogatives pour protéger les civils et les travailleurs humanitaires.  Alors que la MINUSS vient de produire un rapport qui établit les faits et les responsabilités concernant les atrocités commises entre février et mai dans l’État de l’Unité, elle a souhaité que les auteurs de ces violences soient traduits en justice et sanctionnés par le Conseil de sécurité.  Elle a également enjoint les autorités à reprendre la coopération engagée avec la MINUSS, rappelant qu’elle a produit des résultats encourageants par le passé.  Elle a enfin indiqué que, face à l’urgence, l’Union européenne a augmenté son assistance humanitaire au Soudan du Sud, en la portant à 77,2 millions d’euros en 2022, ce qui vient s’ajouter aux 208 millions d’euros d’aide pour la coopération au développement prévus jusqu’en 2024. 

M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a remercié le Secrétaire général d’avoir compris la nécessité de la nouvelle feuille de route et de la prolongation de deux ans de la période intérimaire de l’application de l’accord de paix.  Il a prié les partenaires qui ont retiré leur financement par frustration de reconsidérer leur décision.  La nouvelle feuille de route et l’extension étaient inévitables car beaucoup reste à mettre en œuvre dans l’accord, a justifié le représentant.  Cette feuille de route donne aux signataires une autre chance d’appliquer sérieusement, au cours des deux prochaines années, toutes les dispositions et tous les chapitres de l’accord, a-t-il poursuivi.  Elle donne à l’ensemble de la communauté internationale une autre chance de se réengager afin d’éviter de gaspiller la prolongation de deux ans comme les trois dernières années.

Selon lui, le Président Salva Kiir Mayardit a saisi cette occasion pour appeler les parties récalcitrantes à rentrer dans le pays et à se joindre au processus de rétablissement de la paix.  Sans l’aide de la communauté internationale, les parties signataires ne pourront pas surmonter les défis qui ont ralenti la mise en œuvre en temps voulu de la paix au cours des trois dernières années, a-t-il prévenu.  Cette feuille de route est une autre occasion pour la communauté internationale de s’impliquer davantage en aidant le processus de paix à se terminer avec succès en février 2025, a promis le représentant qui a attiré l’attention de la communauté internationale, y compris les ONG nationales et internationales, pour qu’elle vienne au secours du Soudan du Sud frappé par une calamité naturelle qui touche actuellement la majorité des Sud-Soudanais.  Cette année, la plupart des dix États du Soudan du Sud sont submergés, a-t-il rappelé en faisant référence aux nouvelles inondations qui ont aggravé la situation causée par les eaux de crue de l’an dernier qui ne se sont pas complètement asséchées. 

 

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L’Assemblée générale adopte l’ordre du jour de sa soixante-dix-septième session et accorde au Président ukrainien la possibilité d’intervenir par vidéo au débat général

Soixante-dix-septieme session
3e séance - après-midi
AG/12445

L’Assemblée générale adopte l’ordre du jour de sa soixante-dix-septième session et accorde au Président ukrainien la possibilité d’intervenir par vidéo au débat général

L’Assemblée générale a adopté, ce matin, l’ordre du jour de sa soixante-dix-septième session, et a entériné par la même occasion les programmes de travail de chacune de ses six grandes commissions sur la base des recommandations contenues dans le rapport de son Bureau.   

Elle a également adopté un projet de décision autorisant le Président ukrainien à prendre part à son débat général par message vidéo et non pas en présentiel, tout en sachant que cette année, l’Assemblée générale exige le retour « à la normale » de la période pré-COVID-19, où seules les interventions en personne sont permises.   Le Bélarus a opposé un amendement à ce projet de texte qui n’a pas été retenu, également à la suite d’un vote.  

Présentant le projet de décision, le représentant ukrainien a fait valoir que selon la Constitution du pays, le Président qui est le commandant en chef des forces armées, a l’obligation de faire face à ses devoirs cruciaux et de rester proche de son armée depuis le début de l’invasion de la Fédération de Russie le 24 février 2022.  

Ainsi, en adoptant le projet de décision par 101 voix pour, 7 contre (Bélarus, Cuba, Érythrée, Fédération de Russie, Nicaragua, République populaire démocratique de Corée et Syrie) et 19 abstentions, l’Assemblée générale, « notant avec préoccupation les situations dans lesquelles des dirigeants d’États souverains épris de paix, Membres de l’Organisation des Nations Unies, ne peuvent participer en personne à ses réunions pour des raisons indépendantes de leur volonté en raison d’une invasion étrangère, d’une agression ou d’hostilités militaires en cours qui les empêchent de quitter leur pays et d’y retourner en toute sécurité, ou de la nécessité d’assurer leur défense nationale et de s’acquitter des fonctions de sécurité », a décidé que l’Ukraine peut présenter une déclaration préenregistrée de son chef d’État, qui sera diffusée dans la salle de l’Assemblée générale lors du débat général de sa soixante-dix-septième session. 

Le texte précise que cette décision ne crée pas de précédent pour les futurs débats généraux et réunions de haut niveau convoqués par l’Assemblée générale. 

Auparavant, l’Assemblée a rejeté par 67 voix contre, 23 pour, et 27 abstentions, un projet d’amendement présenté par le Bélarus.  Cette délégation a mis en avant l’impératif du strict respect par tous du règlement intérieur de l’ONU en défendant l’idée qu’au lieu de permettre à titre exceptionnel à certains États de participer virtuellement au débat de l’Assemblée générale, ce droit devrait être accordé à tous les États Membres pour éviter « l’exceptionnalisme ».  Il aurait été plus correct, selon elle, d’adopter ce projet d’amendement « qui est dans l’intérêt de tous les États Membres ».   

Ces deux textes ont suscité des vifs échanges entre les partisans du projet de l’Ukraine et ceux qui s’y sont opposés, y voyant une tentative de politiser le travail de l’Assemblée générale, comme l’ont avancé, entre autres, la Fédération de Russie et l’Afrique du Sud.  

D’autres, dont le Nicaragua et Cuba, ont opposé le principe de l’égalité souveraine de tous les États de l’ONU à cette tendance à l’exceptionnalisme, voire même à « l’unilatéralisme » comme l’a décrit le Venezuela.  Le Chili a estimé que les chefs d’État et de gouvernement dans des situations similaires à celle de l’Ukraine devraient pouvoir bénéficier des mêmes avantages, un point de vue partagé par Cuba.  

Pour sa part, le représentant de la Fédération de Russie a reproché à ses « collègues occidentaux » d’avoir politisé le travail du Conseil de sécurité, où ils ont permis à trois reprises au Président Zelenskyy d’intervenir par visioconférence.  C’est une entorse au règlement intérieur qui a de plus toujours été refusée à des pays africains, a-t-il indiqué, déplorant qu’aujourd’hui, l’Assemblée générale suit la même voie.  L’Iran a, pour sa part, rappelé que la participation d’un État au débat général peut se faire au niveau ministériel.  

Exhortant à rejeter l’amendement « hostile » du Bélarus, le Canada a argué de son côté que la situation spécifique de l’Ukraine mérite qu’on lui accorde cette exception.  La délégation canadienne a également reproché au Bélarus d’avoir présenté un texte visant à éliminer toute référence, dans le projet de décision, à l’invasion russe de l’Ukraine.  Pourtant, s’est indignée la représentante du Royaume-Uni, toute cette discussion n’aurait pas lieu si la Fédération de Russie n’avait pas envahi l’Ukraine. 

Tout en reconnaissant que certaines circonstances extraordinaires peuvent empêcher des chefs d’État de se rendre à New York, et que l’Ukraine connaît une telle situation, le Mexique a déploré le manque de consultation entre les parties et la célérité avec laquelle l’Assemblée générale a dû se prononcer sur la question.  La délégation a donc suggéré de discuter de la question de la participation à distance des chefs d’État et de gouvernement au sein du Groupe de travail spécial sur la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale.  

Sur recommandation de son Bureau, l’Assemblée générale a par ailleurs approuvé la participation du Saint-Siège et de l’État de Palestine en qualité d’États observateurs et celle de l’Union européenne en qualité d’observateur aux travaux de sa soixante-dix-septième session. 

La prochaine réunion de l’Assemblée générale, dont le débat général commence le mardi 20 septembre à 9 heures, sera annoncée dans le Journal des Nations Unies

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Le Comité des ONG clôt sa session 2022 et recommande le statut consultatif spécial à 173 organisations

Session ordinaire de 2022,
28e séance plénière – matin
ONG/946

Le Comité des ONG clôt sa session 2022 et recommande le statut consultatif spécial à 173 organisations

Le Comité chargé des organisations non gouvernementales a clos, ce matin, sa reprise de session 2022, commencée le 7 septembre dernier.  En adoptant son rapport, le Comité a recommandé au Conseil économique et social (ECOSOC) l’octroi du statut consultatif spécial à 173 ONG sur les 564 demandes qu’il a examinées.  Il a reporté 319 demandes pour un examen plus approfondi à sa session ordinaire en 2023, a précisé la Vice-Présidente du Comité, Mme Mine Ozgul Bilman, de la Türkiye, faisant lecture du rapport. 

Le Comité a également pris note de sept demandes de changement de nom et de 308 des 403 rapports quadriennaux nouveaux ou reportés des sessions précédentes des ONG dotées de statut consultatif.  Cinquante-neuf demandes de statut consultatif ont été clôturées sans préjudice, les ONG en question n’ayant pas répondu aux questions malgré trois rappels au cours de deux sessions consécutives du Comité.  Le rapport contient en tout sept projets de décisions sur des questions appelant l’action de l’ECOSOC. 

Au cours de cette séance, le Mexique, membre sortant du Comité, a salué le travail effectué durant cette session avant de demander une plus grande participation des ONG aux Nations Unies. 

Le Comité, qui est composé de 19 États membres, peut recommander trois différents statuts consultatifs.  Le premier, le statut consultatif général est attribué aux grandes ONG internationales, dont les domaines d’action et de travail couvrent la majorité des points contenus dans l’agenda de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires.  Ces ONG sont habilitées à soumettre au Conseil des communications écrites et des pétitions, et à proposer l’inscription de points à l’ordre du jour. 

Le statut consultatif spécial est réservé aux ONG qui travaillent dans un domaine spécifique et les autorise à soumettre des communications écrites et des pétitions à l’ECOSOC.  Enfin, la Liste va aux ONG qui travaillent d’une manière plus technique et/ou restreinte.  Elles ne peuvent soumettre au Conseil économique et social que des communications écrites. 

Si l’ECOSOC suit la recommandation de son organe subsidiaire, le Comité des ONG devrait tenir sa prochaine session ordinaire du 23 janvier et au 1er février 2023. 

 

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Conseil de sécurité: Le Directeur exécutif du PAM alerte que la crise alimentaire mondiale risque « d’échapper à tout contrôle »

9133e séance - après-midi
CS/15032

Conseil de sécurité: Le Directeur exécutif du PAM alerte que la crise alimentaire mondiale risque « d’échapper à tout contrôle »

Le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM) a alerté le Conseil de sécurité, cet après-midi, que la crise alimentaire mondiale risque « d’échapper à tout contrôle », rejoignant dans son analyse le Coordonnateur des secours d'urgence qui a indiqué que selon la note blanche du Bureau de la coordination des affaires humanitaire (OCHA), des centaines de millions de personnes dans le monde sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire catastrophiques, une situation aggravée par les conflits armés et la violence.    

Ainsi, au Yémen, quelque 19 millions de personnes, soit 60% de la population, sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë.  Au Soudan du Sud, 7,7 millions de personnes devraient se trouver en situation de crise ou d’insécurité alimentaire aiguë pendant la haute saison, tandis qu’en Éthiopie, plus de 13 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire.  Et dans le nord-est du Nigéria, 4,1 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë en raison des violences, a détaillé M. Martin Griffiths qui a signalé que l'insécurité alimentaire atteint également des niveaux « alarmants » en Afghanistan et en Somalie.    

L’Économiste en chef de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Maximo Torero, a quant à lui indiqué que la mise à jour semestrielle du rapport mondial sur les crises alimentaires, publiée lundi, prévoit que d’ici à la fin de 2022, 205 millions de personnes seront confrontées aux trois phases les plus élevées de crise alimentaire aiguë, soit le niveau le plus élevé depuis qu’est publié ce rapport.    

« Cette souffrance généralisée s'explique par l'impact direct et indirect des conflits et de la violence, ainsi que par le comportement des parties en présence », s’est insurgé le Coordonnateur des secours d'urgence qui a appelé, entre autres, à intensifier les moyens de résoudre de façon pacifique et négociée les conflits, s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité alimentaire aiguë et maintenir un financement humanitaire permettant de résoudre ces crises.  

« Combler le déficit de financement humanitaire ou soutenir la production agricole sont des mesures indispensables, mais elles ne porteront pas leurs fruits si les routes continuent de rester bloquées et si les gens sont incapables de travailler la terre », a souligné pour sa part le Brésil.  À ses yeux, la trêve au Yémen, ou même l’Initiative céréalière de la mer Noire, montrent que même de « petits pas » en faveur de la paix et de la stabilisation peuvent entraîner des répercussions positives sur la sécurité alimentaire.   

Le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM) a de son côté alerté que la guerre en Ukraine est venue aggraver une situation extrêmement difficile, en précisant que l’explosion des prix des denrées, de l’essence et des engrais depuis le début du conflit a poussé 70 millions de personnes supplémentaires au bord de la famine.  Ce qui était une « vague de famine » dans le monde est devenu un « tsunami », s’est alarmé M. David Beasley qui a appelé à pleinement mettre en œuvre la résolution 2417 (2018), alertant que la crise alimentaire mondiale risque « d’échapper à tout contrôle ». 

À ce propos, la délégation des États-Unis a relevé que l’utilisation de la nourriture comme arme de guerre a eu des effets de contagion multiples qui ont grandement aggravé l’insécurité alimentaire, notant qu’avant la guerre, la Russie et l’Ukraine exportaient près du quart des céréales dans le monde, alors qu’aujourd'hui, « les champs de blé ukrainiens sont des champs de bataille ».   

En imputant l’insécurité alimentaire au conflit en Ukraine, on ignore la politique monétaire irresponsable des pays occidentaux, s’est défendue la Fédération de Russie, notant que l’augmentation du cours du dollar et des taux d’intérêt constitue une nouvelle menace pour les pays endettés.   Quant à l’accord d’Istanbul, il est largement entravé par les sanctions de ces mêmes pays qui empêchent notamment les navires russes chargés de céréales et d’engrais d’arriver dans les ports européens, a décrié la délégation russe, rejointe par la Chine qui s’est élevée contre l’augmentation artificielle des prix des denrées.  Ainsi, dans le cadre de l’Initiative céréalière de la mer Noire, des cargaisons de grains sont expédiées mais de nombreux conteneurs restent bloqués pour des raisons financières et bancaires, s’est indignée la délégation chinoise.  

Affirmant qu’aucune sanction ne vise le secteur alimentaire, la France a dit lutter pour que les produits agricoles ne deviennent en aucun cas une arme de guerre pour servir des buts géopolitiques.  La délégation a également signalé que les corridors de solidarité mis en place par l’Union européenne ont permis la sortie de plus de 10 millions de tonnes de céréales d’Ukraine depuis mars dernier, contribuant ainsi à faire baisser les prix et éviter une crise d’anticipation.  L’Italie a insisté pour sa part sur l’importance de mettre en œuvre une « diplomatie alimentaire ». 

Notant par ailleurs que les organes appropriés pour promouvoir les solutions axées sur le développement ne disposent pas de l’expertise technique et politique nécessaire en ce qui concerne les zones touchées par les conflits, le Brésil a estimé que la Commission de consolidation de la paix est particulièrement bien placée pour aider à combler cette lacune en jouant son rôle de passerelle entre les efforts de paix et de sécurité et les solutions de développement, ainsi qu’en mobilisant un soutien international, en coopération avec les agences basées à Rome. 

PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ

Déclarations

M. Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours durgence, a rappelé que le Conseil a établi, il y a quatre ans, un lien entre sa responsabilité de maintenir la paix et la sécurité et son engagement à lutter contre l’insécurité alimentaire et la faim induites par les conflits.  Tel qu’indiqué le mois dernier dans une note blanche, le risque de famine et d’insécurité alimentaire généralisée du fait de conflits est désormais présent en Éthiopie, au nord-est du Nigéria, au Soudan du Sud et au Yémen.  L’insécurité alimentaire atteint également des niveaux alarmants en Afghanistan et en Somalie, où plus de 200 000 personnes sont déjà menacées par la famine, un chiffre qui devrait atteindre 300 000 d’ici à novembre.  Dans les quatre contextes qui précèdent, des évaluations récentes ont identifié des centaines de milliers de personnes confrontées à des niveaux de faim catastrophiques, ou phase 5 du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, qui surveille l’insécurité alimentaire dans le monde, a indiqué M. Griffiths, en précisant que la phase 5 est la plus dévastatrice.   

Il a indiqué que cette souffrance généralisée s’explique par l’impact direct et indirect des conflits et de la violence, ainsi que par le comportement des parties en présence.  Ainsi, des civils sont tués et blessés, des familles sont déplacées de force de la terre dont elles dépendent pour leur subsistance, puis des restes explosifs de guerre perturbent l’accès des populations aux marchés et à la production agricole.  Ensuite, les infrastructures civiles essentielles à la sécurité alimentaire des populations sont endommagées ou détruites et les stocks de nourriture sont pillés, a expliqué M. Griffiths.  Le déclin économique et la hausse des prix qui s’ensuivent mettent la nourriture hors de portée des plus vulnérables.  Enfin, « la faim est utilisée comme une tactique de guerre ».   

Les organisations humanitaires qui apportent des secours aux populations dans ces crises sont par ailleurs confrontées à des interférences, du harcèlement et des attaques contre leur personnel, ainsi qu’au pillage ou au détournement de leurs biens.  D’autres facteurs de la faim, notamment la sécheresse, les changements climatiques, les effets de la pandémie de COVID-19 et la hausse des prix mondiaux des produits de base aggravent encore l’insécurité alimentaire.  À ces facteurs s’ajoutent les effets de la guerre en Ukraine, qui augmente les prix des aliments, des engrais et de l’énergie, a-t-il noté.   

Poursuivant, M. Griffiths a précisé qu’au Yémen, après sept ans de conflit armé, quelque 19 millions de personnes, soit 60% de la population, sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë.  On estime que 160 000 personnes sont menacées de catastrophe et que 538 000 enfants souffrent de malnutrition sévère.  Au Soudan du Sud, 63% de la population, soit 7,7 millions de personnes, devraient se trouver en situation de crise ou d’insécurité alimentaire aiguë pendant la haute saison de cette année.  Ce pays est en outre l’un des plus dangereux pour les travailleurs humanitaires, avec 319 attaques visant le personnel l’an dernier.   

En Éthiopie, a-t-il enchaîné, plus de 13 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire vitale dans les régions d’Afar, Amhara et au Tigré, où 87% de la population se trouve en situation d’insécurité alimentaire, dont plus de la moitié dans une situation grave.  Enfin, dans le nord-est du Nigéria, 4,1 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë dans les États d’Adamawa, Borno et Yobe en raison de conflits.   

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a ensuite énuméré les recommandations contenues dans la note blanche afin de répondre aux besoins de ces pays, à savoir: intensifier les moyens de résoudre de façon pacifique et négociée les conflits et la violence, encourager les États et les groupes armés à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits humains, soutenir une réponse intégrée permettant de s’attaquer aux facteurs sous-jacents de l’insécurité alimentaire aiguë et, enfin, maintenir le financement humanitaire nécessaire pour venir à bout des crises, alors que moins de la moitié des sommes requises sont disponibles.

M. MAXIMO TORERO, Économiste en chef de lOrganisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a indiqué que la mise à jour semestrielle du rapport mondial sur les crises alimentaires, publiée lundi, prévoit que d’ici à la fin de cette année, 205 millions de personnes seront confrontées aux trois phases les plus élevées de crise alimentaire aiguë.  C’est le niveau le plus élevé depuis qu’est publié le rapport mondial et cela représente une augmentation par rapport aux 193 millions de personnes signalées dans l’édition 2022, a-t-il souligné, avertissant que sans aide humanitaire urgente, un nombre record de 970 000 personnes devraient faire face à des conditions de famine dans cinq pays.  De plus, les impacts directs et indirects de la guerre en Ukraine sur ces pays risquent de s’aggraver au second semestre 2022 et début 2023.   

M. Torero a souhaité informer le Conseil sur la situation en Somalie, bien qu’elle ne figure pas dans la note blanche de l’OCHA.  Il y a deux semaines, a-t-il dit, le Comité d’examen des situations de famine du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire a conclu que les populations agropastorales de deux districts et les populations déplacées de la ville de Baidoa, dans la région de Bay, seront confrontées à la famine entre octobre et décembre 2022, sans aide humanitaire significative.  Ces conditions devraient persister jusqu’en mars 2023 au moins, et 300 000 personnes devraient être au niveau 5 de l’échelle du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire entre octobre et décembre, a-t-il expliqué. 

En Afghanistan, a-t-il poursuivi, quelque 19 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë élevée, et la flambée des prix des aliments, du carburant et des engrais découlant de la guerre en Ukraine ne fait qu’aggraver une situation déjà brutale, a constaté le haut fonctionnaire, avant de saluer la résilience du secteur agricole, dont dépendent 80% des moyens de subsistance des Afghans.   

Actuellement, a encore indiqué M. Torero, il n’y a pas de données actualisées sur la sécurité alimentaire en Éthiopie, mais il est fort probable que la situation se soit considérablement aggravée en 2022.  Parallèlement à la sécheresse, qui touche les régions du sud, la reprise des hostilités dans le Tigré menace directement la récolte Meher d’octobre.  Au Soudan du Sud, en proie à des violences intercommunautaires accrues et à de graves inondations, on estime que près des deux tiers de la population totale sont confrontés au niveau 5 de l’échelle du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire entre octobre et décembre, soit la pire insécurité alimentaire aiguë pendant la période de soudure.  Dans le comté de Leer, où la phase 5 a été signalée, les affrontements armés ont continué de provoquer des déplacements en 2022, a-t-il ajouté.   

De même, dans le nord du Nigéria, avec la fin de la saisons des pluies en septembre, la violence risque de connaître un saut saisonnier, ce qui aura pour effet de perturber les systèmes alimentaires, de limiter l’accès aux marchés et de provoquer de nouveaux déplacements, a-t-il prévenu, ajoutant qu’environ 4,14 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë dans les États du nord-est d’Adamawa, Borno et Yobe, pour l’essentiel inaccessibles à l’aide humanitaire.  En revanche au Yémen, les perspectives d’insécurité alimentaire devraient être meilleures que prévues, a observé l’Économiste en chef, selon lequel les effets d’entraînement supposés de la guerre en Ukraine sur les marchés internationaux ne se sont pas encore manifestés.  En outre, le financement de l’aide alimentaire s’est légèrement amélioré et d’importantes réductions du nombre de bénéficiaires ont été évitées, tandis que le conflit s’est considérablement atténué après la trêve conclue en avril.  Dans ce contexte, la prévention des conflits reste le moyen le plus efficace de prévenir la famine, a-t-il conclu, ajoutant que « quand le Conseil parle, le monde écoute ».   

M. DAVID BEASLEY, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), a indiqué que la guerre en Ukraine est venue aggraver une situation extrêmement difficile.  Il a précisé que depuis le début du conflit, l’envolée des prix des denrées, de l’essence et des engrais ont poussé 70 millions de personnes supplémentaires au bord de la famine.  Ce qui était une « vague de famine » dans le monde est devenu un « tsunami », a déclaré M. Beasley qui a ajouté que, dans les 82 pays où le PAM opère, 345 millions de personnes souffrent d’une insécurité alimentaire aiguë, c’est-à-dire qu’ils s’approchent d’une situation de famine.  C’est un chiffre sans précédent, puisque c’est 2,5 fois plus de personnes qu’avant le début de la pandémie, s’est-il alarmé.  Et près de 50 millions de personnes sont dans une situation encore plus grave puisqu’elles sont au bord de la famine.  Il a averti du risque de multiples famines cette année et en 2023 si la crise des prix des denrées venait à se transformer en crise d’approvisionnement.  

M. Beasley a exhorté les membres du Conseil à user de leur influence pour garantir le respect du droit international humanitaire (DIH), assurer un accès humanitaire et élaborer les solutions politiques négociées pour mettre fin aux conflits.  Il a notamment alerté que la reprise des combats dans le nord de l’Éthiopie risque de pousser de nombreuses familles dans une grave insécurité alimentaire, alors que le PAM avait réussi, pendant la trêve, à apporter une aide à près de 5 millions de personnes dans le Tigré.  Nous devons acheminer des denrées dans le nord de l’Éthiopie maintenant, a-t-il insisté.  Il a ensuite détaillé la situation critique au Nigéria et celle au Soudan du Sud, où la recrudescence de la violence vient se combiner aux effets des inondations dans 7 des 10 États du pays.  Près de 7,7 millions de personnes, soit plus de 60% de la population sud-soudanaise, fait face à une insécurité alimentaire critique.   

Exhortant les membres du Conseil à faire montre du leadership humanitaire dont le monde a besoin, le Directeur exécutif du PAM a appelé à pleinement mettre en œuvre la résolution 2417 (2018) et à briser le cercle vicieux entre faim et conflit qui engendre la crise alimentaire mondiale, laquelle risque « d’échapper à tout contrôle ».  

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a constaté que l’état de l’insécurité alimentaire mondiale, en particulier dans les pays impliqués dans des conflits, est plus alarmant que jamais.  Selon le dernier rapport mondial en date sur les crises alimentaires, nous assistons au plus grand nombre de personnes en situation de crise, ou pire, depuis la première publication du rapport.  Ce chiffre –205 millions de personnes– est presque équivalent à la population totale du Brésil, a fait remarquer le représentant.  Selon toutes les mesures et tous les paramètres, un tel niveau d’insécurité alimentaire est inacceptable.   

Le conflit en Ukraine, associé aux effets des sanctions unilatérales appliquées par certains pays, a aggravé cette situation, a poursuivi le représentant.  De manière générale, les conflits armés et l’insécurité alimentaire forment un cycle pervers qui enferme les populations et les pays dans une spirale de détérioration des conditions de vie.  En effet, les conflits provoquent des déplacements forcés, la destruction d’infrastructures essentielles et la dégradation de sols autrement viables.  Et l’insécurité alimentaire intensifie la rivalité pour les ressources et entrave toute autre forme de développement humain qui pourrait conduire aux conditions de stabilisation nécessaires à une paix durable.  « Nous devons briser ce cycle et, pour ce faire, nous avons besoin d’actions concrètes dans le cadre des trois piliers de l’ONU », a expliqué M. Costa Filho. 

Sur le plan humanitaire, l’assistance humanitaire est menacée par deux facteurs simultanés, à savoir la hausse des prix des denrées alimentaires et du nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire aiguë, a poursuivi le représentant.  Ces deux caractéristiques mettent le système sous pression et creusent le déficit de financement.  Les pays donateurs et tous ceux qui sont en mesure de le faire doivent redoubler d’efforts, a insisté M. Costa Filho.   

Le représentant a ensuite souligné le rôle clef du développement durable dans l’atténuation de l’insécurité alimentaire et la promotion de solutions durables dans les pays touchés par des conflits.  Les actions visant à générer ou à reconstruire les capacités de production, telles que la livraison de semences et l’amélioration de la production agricole, sont essentielles pour empêcher producteurs et consommateurs de tomber dans le déplacement interne et l’insécurité alimentaire grave.  Les investissements dans ces solutions durables peuvent également être des moyens concrets de prévenir les conflits, lorsqu’ils sont accompagnés de systèmes d’alerte précoce efficaces, ainsi que de promouvoir la stabilisation à long terme dans les scénarios postconflit.   

« Le Brésil dispose d’un vaste savoir-faire en matière de production accrue avec moins d’intrants et de maximisation des rendements agricoles, même dans des conditions défavorables, d’une grande expérience de la coopération Sud-Sud et de partenariats de longue date avec le PAM et la FAO », a expliqué le représentant.  Il a appelé tous les États Membres à redoubler d’efforts non seulement pour fournir une aide humanitaire, mais aussi des capacités techniques et des transferts de technologies, afin que les pays touchés par des conflits puissent être en mesure de réaliser leurs objectifs. 

Un grand nombre de ces mesures, sinon toutes, ne sont pas du ressort du Conseil de sécurité, a reconnu M. Costa Fihlo.  Toutefois, il arrive souvent que les organes appropriés pour promouvoir les solutions axées sur le développement ne disposent pas de l’expertise technique et politique nécessaire en ce qui concerne les zones touchées par les conflits.  À cet égard, le Brésil estime que la Commission de consolidation de la paix est particulièrement bien placée pour aider à combler cette lacune en jouant son rôle de passerelle entre les efforts de paix et de sécurité et les solutions de développement, ainsi qu’en mobilisant le soutien international, en coopération avec les agences basées à Rome et l’ensemble du système des Nations Unies, tout en préservant son approche axée sur la demande et son alignement sur les priorités de consolidation de la paix du pays en question. 

Enfin, et surtout, il y a l’aspect de la paix et de la sécurité, a relevé le représentant.  Combler le déficit de financement humanitaire ou soutenir la production agricole sont des mesures indispensables, mais elles ne porteront pas leurs fruits si les routes continuent de rester bloquées et si les gens sont incapables de travailler la terre.  La trêve au Yémen, ou même l’Initiative céréalière de la mer Noire, montrent que même de petits pas en faveur de la paix et de la stabilisation peuvent entraîner des répercussions positives sur la sécurité alimentaire.  Nous devons préserver et mettre à profit ces avancées progressives, a plaidé le représentant.  Le Conseil, qui dispose d’un cadre pour y parvenir, doit devenir la colonne vertébrale de notre action en matière de sécurité alimentaire et de conflits, a-t-il ajouté. 

M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) a souligné la responsabilité collective du Conseil de sécurité d’agir envers ceux qui meurent de faim en raison de conflits non résolus et de l’insécurité.  Les recommandations contenues dans la note blanche montrent le lien qui existe entre la faim et les conflits, a-t-il relevé, phénomène « intrinsèquement lié à notre responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales ».  Selon lui, il est indéniable que les conflits « exacerbent, alimentent et prolongent la faim et la famine ».  « Notre incapacité à relever le Défi Faim zéro procède en grande partie des conflits armés », a noté le représentant, en ajoutant que les besoins concernant l’aide humanitaire dépassent maintenant notre capacité d’y répondre.  Cette crise mondiale de l’insécurité alimentaire est exacerbée par l’invasion russe de l’Ukraine et les changements climatiques, notamment la sécheresse dans la Corne de l’Afrique.   

Le représentant a dénoncé l’utilisation par certains de la faim comme une arme de guerre, notamment au Yémen et au Nigéria.  De même, des travailleurs humanitaires ont été pris pour cible, enlevés et même tués au Soudan du Sud, au Tigré et ailleurs.  L’Irlande condamne ces actes dans les termes les plus forts et considère que ces violations du droit international humanitaire ne doivent pas rester impunies.   

Toutefois, la solution à la faim induite par les conflits n’est pas l’aide humanitaire mais bien la paix, a poursuivi le représentant.  Pour y parvenir, il incombe aux membres du Conseil de sécurité de faire pression sur les parties belligérantes pour assurer la protection des civils, a-t-il conclu.  

M. DAI BING (Chine) a rappelé que la sécurité alimentaire est un élément clef de la paix pérenne et un enjeu de longue date pour la communauté internationale.  Nous devons éliminer la faim, a-t-il plaidé, appelant à promouvoir le règlement politique des conflits qui détruisent les productions et les infrastructures agricoles et entraînent des déplacements forcés, avec pour effet d’aggraver l’insécurité alimentaire.  Il est donc crucial que la communauté internationale s’emploie à appuyer les processus politiques dans les foyers de tension. 

Il convient également de veiller à ce que les chaînes d’approvisionnement ne soient pas perturbées, a ajouté le représentant.  Il y a suffisamment de nourriture pour tous, mais la répartition et la distribution laissent à désirer, a-t-il souligné, avant de s’élever contre l’augmentation artificielle des prix des denrées.  Ainsi, dans le cadre de l’Initiative céréalière de la mer Noire, des cargaisons de grains sont expédiées mais de nombreux conteneurs restent bloqués pour des raisons financières et bancaires, s’est-il indigné, appelant à « libérer ces livraisons ».  

Le représentant a ensuite constaté que 50 pays dans le monde sont aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire et que nombre d’entre eux sont situés en Afrique.  Réitérant l’appel de l’ONU à ne laisser personne sur le bord de la route, il a préconisé une intensification de l’aide publique au développement des pays développés, laquelle devrait s’élever à 0,7% du revenu national brut.  Il a d’autre part appelé à un renforcement des capacités de production alimentaire des pays en développement, prônant pour cela un rééquilibrage avec le monde développé.  Ces efforts doivent selon lui s’accompagner d’investissements accrus dans l’agriculture et de transferts de technologies.  

En tant que pays le plus peuplé au monde, la Chine nourrit un cinquième de la population mondiale avec moins de 5% des terres arables de la planète, a fait observer le représentant.  En outre, elle apporte davantage de financements dans le cadre de la coopération Sud-Sud que n’importe quel autre pays en développement.  Enfin, elle coopère avec plus de 140 pays en la matière et fournit des techniques agricoles qui bénéficient à 1,5 million d’exploitants agricoles, a-t-il fait valoir. 

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a insisté sur l’ampleur « biblique » de la crise alimentaire actuelle.  Au Yémen, les houthistes doivent éviter toute violation de la trêve humanitaire, a dit la déléguée, avant de relever que la situation dans la Corne de l’Afrique est aggravée par les conflits.  Elle a jugé essentielle une trêve humanitaire indéfinie en Éthiopie.  Au niveau international, la déléguée a appelé les parties belligérantes à assurer un accès humanitaire pour lutter contre l’insécurité alimentaire mondiale, laquelle a été aggravée par la guerre en Ukraine.  Elle a aussi souligné l’importance que les engrais russes accèdent aux marchés mondiaux.  Changements climatiques et insécurité alimentaire sont intimement liés, a par ailleurs souligné la déléguée. 

M. JUAN GOMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) s’est dit reconnaissant au Secrétaire général et à la Türkiye pour l’accord conclu qui a permis d’exporter des céréales depuis l’Ukraine, constatant toutefois que le fait de mettre davantage de céréales sur les marchés ne s’était pas traduit par une réduction de la famine dans plusieurs régions du monde.  En ce sens, il est tout aussi important que les engrais et les produits alimentaires russes puissent atteindre les marchés mondiaux, a-t-il observé.  Mettre fin à la faim et à la malnutrition, faire face aux crises humanitaires, prévenir et résoudre les conflits ne sont pas des tâches distinctes, ce sont différents aspects d’un même défi, a-t-il insisté.  Ce n’est pas une coïncidence si les cinq pays identifiés par le PAM comme étant les plus menacés par la famine –l’Afghanistan, l’Éthiopie, la Somalie, le Soudan du Sud et le Yémen– sont tous en situation de conflit.   

Pour le représentant, l’insécurité alimentaire et la famine doivent être traitées de manière différenciée.  Pour s’attaquer aux causes structurelles des risques de famine, il a appelé à appuyer la recherche de solutions politiques pacifiques et négociées aux conflits armés et à la violence.  Et pour lutter directement contre l’insécurité alimentaire, il faut encourager la hausse de la production locale, réduire le gaspillage alimentaire, rendre les engrais abordables, améliorer les systèmes de protection sociale pour les personnes vulnérables et accroître la fonctionnalité des chaînes d’approvisionnement en engrais et en semences.   

Enfin, des ressources doivent être mobilisées pour assurer un financement adéquat du PAM, a ajouté le délégué qui a jugé « honteux » que le PAM ne dispose que d’un tiers du budget nécessaire pour pouvoir répondre de manière adéquate aux risques de famine.  Il est tout aussi « inacceptable » que, dans un monde d’abondance matérielle, des millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire ou soient confrontées à la famine.   

Mme MONA JUUL (Norvège) a dit avoir pris connaissance avec inquiétude des données de l’OCHA sur l’insécurité alimentaire en Éthiopie, dans le nord-est du Nigéria, au Soudan du Sud et au Yémen.  Elle s’est également alarmée des niveaux d’insécurité alimentaire en Somalie et en Afghanistan, jugeant évident que, conformément à la résolution 2417 (2018), le Conseil de sécurité ait un rôle préventif à jouer pour briser le cycle des conflits armés et de la faim.  Pour la représentante, le conflit en cours dans la Corne de l’Afrique nécessite l’attention immédiate du Conseil.  En effet, a-t-elle souligné, depuis plusieurs années, les civils de cette région ont connu une insécurité alimentaire généralisée en raison du conflit et des violences, et la reprise des combats au Tigré a de graves conséquences pour la région.  Le Conseil devrait d’urgence encourager et soutenir les « bons offices » de l’Union africaine et de l’ONU afin d’obtenir un cessez-le-feu et le début de pourparlers, a plaidé la représentante.

Saluant les recommandations spécifiques contenues dans la note blanche de l’OCHA, la représentante a mis l’accent sur l’impact sexospécifique de l’insécurité alimentaire induite par les conflits, notamment pour les femmes et les enfants.  Elle a par conséquent souhaité voir les femmes jouer un rôle actif dans la prévention de l’insécurité alimentaire et des conflits ainsi que dans la conception et la mise en œuvre des efforts de consolidation de la paix et les réponses humanitaires.

Mme Juul a par ailleurs rappelé que l’insécurité alimentaire mondiale a été exacerbée par la guerre illégale de la Russie contre l’Ukraine.  Après avoir à nouveau félicité le Secrétaire général pour ses efforts en faveur de l’Initiative céréalière de la mer Noire, la représentante a invité la communauté internationale à augmenter ses financements et à intensifier ses investissements dans la production alimentaire et la résilience, et ce, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des zones de conflit.  C’est ce qu’a fait la Norvège, dont la nouvelle stratégie de sécurité alimentaire se concentre sur les petits producteurs et la résilience climatique, a-t-elle fait valoir, avant d’appeler de ses vœux un renforcement des partenariats avec l’Union africaine et d’autres organisations régionales en tant qu’éléments essentiels de prévention des conflits et de l’insécurité alimentaire.

M. MADHU SUDAN RAVINDRAN (Inde) a dit que, pour gérer la sécurité alimentaire nationale et répondre aux besoins des pays voisins et d’autres pays en développement vulnérables, le Gouvernement indien a mis en place certaines mesures concernant les exportations de céréales.  Ces mesures permettent l’exportation vers des pays qui en font la demande pour répondre à leurs besoins en matière de sécurité alimentaire.   

Le représentant a salué les efforts déployés par le Secrétaire général pour créer un groupe d’intervention en cas de crise mondiale sur l’alimentation, l’énergie et les finances pour permettre les exportations de céréales d’Ukraine via la mer Noire et pour faciliter les exportations de produits alimentaires et d’engrais russes.  Un accès humanitaire rapide aux personnes dans le besoin dans toutes les zones touchées par les conflits et la violence est essentiel, a insisté le représentant, qui a rappelé l’importance des principes relatifs à l’aide humanitaire, notamment l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance.  L’aide humanitaire ne doit jamais être politisée, a plaidé le représentant.  Il faut aussi éviter de lier l’aide humanitaire et l’aide au développement aux progrès des processus politiques.  Il a dit être inquiet des tendances au pillage de l’aide humanitaire, y compris celui des carburants, qui sont indispensables au Programme alimentaire mondial.   

Selon le représentant, les pénuries croissantes de céréales ne peuvent être résolues qu’en allant au-delà des contraintes actuelles.  À cet égard, il faut lever les limites imposées aux exportations de produits alimentaires.  L’appui au renforcement des capacités des pays confrontés à la famine, dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques et programmes liés à l’alimentation est nécessaire.  Au cours des trois derniers mois seulement, l’Inde a exporté plus de 1,8 million de tonnes de blé vers ses partenaires les plus proches, notamment l’Afghanistan, le Myanmar, le Yémen et le Soudan.  L’Inde continuera de joindre le geste à la parole lorsqu’il s’agira d’aider ses partenaires dans le besoin, a conclu le représentant.   

M. MARTIN KIMANI (Kenya) a commencé par regretter que les pays concernés par l’insécurité alimentaire ne soient pas présents lors de la séance du Conseil de sécurité pour témoigner de leur situation.  Il a ensuite relevé que le contexte actuel était compliqué par une crise alimentaire et énergétique mondiale dont les causes s’étendent bien au-delà des situations nationales et dépendent de facteurs géopolitiques, économiques et climatiques. 

Estimant que les organisations humanitaires devraient être soutenues dans leurs appels à financements et à un accès sans entrave, le représentant a cependant jugé crucial de ne pas se concentrer exclusivement sur les réponses d’urgence.  Nous savons en effet que, dans la plupart des pays et des régions touchés par des conflits violents, les causes de l’insécurité alimentaire incluent les changements climatiques, les lacunes de développement et la pauvreté qui en résulte, a-t-il fait valoir.  Il a donc exhorté les États, les organismes régionaux et les entités des Nations Unies à renouveler leur engagement en faveur de l’objectif de développement durable « Faim zéro » d’ici à 2030. 

Le représentant a d’autre part estimé que le moment est venu pour le Conseil de sécurité de renouer avec son mandat préventif, notamment au regard de la crise climatique au Sahel et dans la Corne de l’Afrique.  Il existe suffisamment de preuves que le dérèglement climatique aggrave les conflits et peut même être un moteur direct, a-t-il souligné, avant de prier le Conseil de tenir compte de l’appel lancé par les pays de la région pour une action liant action climatique et missions de maintien de la paix et politiques de l’ONU.  

Pour M. Kimani, le Conseil doit maintenir son soutien à l’action humanitaire tout en progressant dans son mandat de protection des civils dans les situations de menaces pour la paix et à la sécurité internationales.  Pour ce faire, le Conseil doit redoubler d’efforts pour encourager, faciliter et faire appliquer les règlements politiques qui débouchent sur des cessez-le-feu, le dialogue, la réconciliation et la reconstruction postconflit.  Quant aux situations où il n’y a pas de paix à maintenir mais où des groupes terroristes représentent une menace dévastatrice pour les civils, le Conseil devrait reconsidérer sa réticence persistante à appuyer le soutien financier des Nations Unies aux efforts d’exécution, a ajouté le représentant, appelant à davantage tenir compte des recommandations de la Commission de consolidation de la paix. 

Mme ANNETTE ANDRÉE ONANGA (Gabon) a appelé à redoubler d’efforts pour mettre fin aux conflits partout où ils éclatent et désamorcer les tensions, afin de donner une chance à la paix et aux programmes de développement.  « Il est primordial de renforcer nos efforts pour apaiser les conflits et de façon concomitante, accroître l’assistance humanitaire d’urgence à la mesure des besoins alimentaires et de la détresse des populations affectées », a-t-elle affirmé.  L’effet conjugué de conflits ravageurs, d’une assistance humanitaire limitée et de populations prises au piège des conséquences des changements climatiques est une source de préoccupation qui fait redouter une catastrophe humanitaire de grande ampleur, a averti la représentante, en évoquant la situation sans précédent dans la région de la Corne de l’Afrique.  

La représentante a appelé à remédier aux causes profondes des déficiences structurelles auxquelles plusieurs pays sont confrontés, « qu’il s’agisse des carences en matière de gouvernance sur le plan national et international, ou des limites avérées dans la mise en œuvre des engagements en matière de développement durable, ou encore, de façon plus spécifique, de la prise en charge de la crise climatique ». 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a jugé nécessaire de se demander si, à l’écoute des défis auxquels sont confrontés le PAM, l’OCHA et la FAO pour fournir une aide alimentaire aux nécessiteux en raison des conflits, de nouvelles notes blanches permettraient de faciliter une action plus rapide du Conseil de sécurité à cet égard.  En outre, a-t-il poursuivi, quelles autres actions pourraient être entreprises pour renforcer la capacité d’anticipation du Conseil?  Et quelle serait la meilleure façon de garantir l’obligation de rendre compte des cas de faim induite par les conflits en violation du droit international humanitaire? s’est encore demandé le représentant.  Il a estimé que l’action humanitaire et le respect du droit international humanitaire ne peuvent qu’atténuer les conséquences d’un conflit sur les systèmes alimentaires.  Il a donc jugé urgent de trouver des solutions politiques pacifiques et négociées aux conflits armés et à la violence.  Le représentant a aussi plaidé pour une alerte et une action précoces, qui mènent à la prévention.  Il a fait remarquer que la prévention de la faim induite par les conflits passe par le respect du droit international humanitaire par les parties au conflit, pour éviter que la faim soit utilisée comme méthode de guerre.  Il est également urgent pour le délégué de donner aux populations les moyens de sécuriser leur accès à la nourriture et de garantir leur participation aux processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions.  Il a prôné une réponse intégrée pour s’attaquer aux moteurs de l’insécurité alimentaire aiguë et soutenir le financement des réponses aux crises humanitaires.  Il a aussi appelé à tenir pour responsables ceux qui violent le droit international humanitaire et à mener des enquêtes indépendantes, impartiales sur les allégations de violations graves et d’abus des droits humains et du droit international humanitaire. 

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a fait état d’une obligation morale et juridique d’agir face à l’insécurité alimentaire découlant des conflits armés.  Au-delà des exposés et des chiffres, il s’agit d’humanité pure et d’êtres humains, de vie et de mort.  Or, depuis l’adoption de la résolution 2417 (2018), la crise de l’insécurité alimentaire n’a fait qu’empirer, sa principale cause restant les conflits.  S’agissant de la « guerre russe » en Ukraine, l’utilisation de la nourriture comme arme de guerre a eu des effets de contagion multiples qui ont grandement aggravé l’insécurité alimentaire, a-t-elle relevé.  Avant la guerre, la Fédération de Russie et l’Ukraine représentaient près du quart des exportations de céréales dans le monde, alors qu’aujourd’hui, les champs de blé ukrainiens sont des champs de bataille.  « Mettez fin à la guerre » afin de résoudre partiellement ce problème, a réagi la représentante face aux critiques de la délégation russe.   

S’agissant de la crise alimentaire en Éthiopie, notamment au Tigré, elle a noté que 20 millions de personnes se trouvent en situation d’insécurité alimentaire, tandis que les chaînes d’approvisionnement sont grandement perturbées.  L’aide humanitaire ne devrait pas être utilisée à des fins militaires, mais plutôt afin de sauver des vies, a plaidé la représentante.  Dans le nord-est du Nigéria, les attaques répétées contre les agriculteurs réduisent d’autant les récoltes et les aires cultivées.  La déléguée a ensuite appelé le Gouvernement du Soudan du Sud à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, notant par ailleurs que selon le PAM, près de 50 millions de personnes dans 45 pays risquent de sombrer dans le gouffre sans aide humanitaire.  Elle s’est ensuite félicitée du fait que 103 pays participent à l’élaboration d’une feuille de route pour la sécurité alimentaire mondiale.   

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a suggéré que relever les défis de l’insécurité alimentaire, le règlement pacifique des conflits armés et de la violence reste le moyen le plus sûr de garantir la sûreté et la sécurité des civils et d’éviter les risques de famine qui accompagnent les conflits.  Il faut donner la priorité aux pauses humanitaires et aux trêves qui peuvent offrir l’occasion de centrer les besoins de protection des populations civiles, a plaidé le représentant.   

Il faut ensuite respecter le droit international humanitaire et renouveler l’engagement des États et des acteurs non étatiques en faveur de la préservation et de la protection de l’action humanitaire.  Cela nécessite des mesures visant à prévenir l’utilisation de la famine comme arme de guerre contre les populations civiles, le ciblage délibéré de leurs moyens de subsistance.  Les auteurs de violations flagrantes des lois sur les conflits armés doivent répondre de leurs actes.   

Pour le Ghana, les parties aux conflits doivent rendre des comptes si elles ciblent les travailleurs humanitaires et entravent l’acheminement de l’aide humanitaire.  À cet égard, les risques que représentent pour les civils et les travailleurs humanitaires la désinformation, la mésinformation et le discours de haine pendant les conflits armés doivent être combattus.  Le représentant a souligné la nécessité pour le Conseil d’améliorer les arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information en réponse aux violences sexuelles dans les conflits armés.   

M.  Agyeman a encouragé le renforcement de l’appui aux arrangements régionaux pour aider à soutenir les efforts de protection des civils.  Certaines organisations régionales disposent également d’une architecture de sécurité alimentaire qui pourrait être exploitée pour mieux gérer l’insécurité alimentaire pendant les conflits, a fait remarquer le représentant.   

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a dit attendre avec intérêt que le Secrétaire général continue de tirer la sonnette d’alarme sur l’impact des conflits et de la faim, ajoutant que tous les États Membres devraient le soutenir dans cette démarche.  Le représentant a appelé les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire, y compris la protection des travailleurs humanitaires.  Elles doivent faciliter un accès humanitaire rapide et sans entraves, notamment en supprimant les obstacles bureaucratiques à l’aide.  Le représentant a dit être préoccupé par le fait que l’acheminement de l’aide à la région du Tigré, dans le nord de l’Éthiopie, n’a pas été possible depuis la reprise du conflit à la fin du mois d’août.  Il a donc appelé à un accès immédiat au carburant, à l’argent et à la nourriture.   

Il faut également une action concertée pour protéger les systèmes alimentaires et promouvoir la résilience, a plaidé le représentant.  Les populations doivent pouvoir cultiver leurs terres en toute sécurité afin que les familles puissent nourrir les 1,74 million d’enfants qui souffrent maintenant de malnutrition aiguë.  Il faut aussi veiller à ce que les marchés alimentaires mondiaux soient ouverts afin que le coût de l’alimentation n’augmente pas.   

À cet égard, le représentant a réaffirmé l’importance de poursuivre la mise en œuvre de l’accord sur les céréales de la mer Noire, qui a contribué à une baisse de 5,1% des prix mondiaux du blé.  Quelque 23 000 tonnes de blé ukrainien sont arrivées à Djibouti le mois dernier, dont une partie a déjà atteint l’Éthiopie.  Le Programme alimentaire mondial (PAM) a déclaré que c’était suffisant pour nourrir 1,5 million de personnes avec des rations complètes pendant un mois.   

Il est urgent de mettre fin aux conflits et d’investir dans une paix durable, a répété le représentant, qui a dit la fierté du Royaume-Uni d’être l’un des principaux donateurs des appels humanitaires de l’ONU en fournissant une aide humanitaire de 3,5 milliards de dollars au cours des trois prochaines années.   

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par les problèmes de sous-nutrition liés aux conflits qui sont observés dans une vingtaine de pays, dont cinq font face à un risque de famine.  Hélas, a-t-il dit, ce sujet grave est exploité par certains de façon éhontée comme moyen de pression géopolitique.  Selon lui, cette situation a commencé bien avant l’opération militaire spéciale en Ukraine, même si les pays occidentaux voient dans le rappel de ce fait de la désinformation et de la propagande.  En mai de cette année, a poursuivi le représentant, le monde s’est souvenu que les céréales représentent une source d’exportations importante depuis l’Ukraine.  Il a également été rappelé que 30% du blé mondial est exporté depuis la région de la mer Noire, sans préciser que la plus grande partie vient de Russie.  On a aussi dit que si le port d’Odessa était bloqué par la Russie, des millions de personnes mourraient.  Or, a-t-il martelé, la Russie n’a pas bloqué l’exportation de céréales, comme l’atteste le couloir humanitaire prévu à cet effet.  Les vraies raisons du blocage des exportations ukrainiennes sont tout autres, a affirmé le délégué, avant de rappeler qu’avant même la conclusion de l’accord d’Istanbul, les prix du blé avaient baissé, revenant à leur niveau de 2021.  Malgré cela, trois millions de tonnes de céréales ont ensuite pu être exportées, ce qui aurait dû entraîner une baisse des prix.  Celle-ci ne s’est pourtant pas concrétisée dans les pays du Sud, a-t-il constaté.  En effet, la moitié de toutes les cargaisons sont destinées à des pays à revenu supérieur, contre 3% seulement aux pays les plus pauvres.  Ce que l’on voit, c’est que la plupart des cargaisons vont vers l’Union européenne (UE), laquelle affirme qu’une partie du blé qui arrive chez elle est réexportée vers des pays dans le besoin.  Cette tâche est pourtant déjà effectuée par nos partenaires turcs, a signalé le représentant, ajoutant ne pas savoir grand-chose du retraitement opéré par l’UE.   

Dans ces conditions, comment peut-on continuer de croire que cette situation bénéficie aux pays les plus pauvres, s’est interrogé le représentant.  En imputant l’insécurité alimentaire au conflit en Ukraine, on ignore la politique monétaire irresponsable des pays occidentaux, a-t-il tonné, notant que l’augmentation du cours du dollar et des taux d’intérêt constitue une nouvelle menace pour les pays endettés.  Quant à l’accord d’Istanbul, il est largement entravé par les sanctions de ces mêmes pays, qui empêchent notamment les navires russes chargés de céréales et d’engrais d’arriver dans les ports européens.  Dénonçant l’hypocrisie des responsables de l’UE qui vont jusqu’à interdire aux transporteurs européens de véhiculer les cargaisons russes et de les acheminer vers des pays tiers, il a estimé que les marchés ont été déstabilisés par cette situation portuaire.  Nos producteurs sont pourtant prêts à les expédier à titre gracieux vers les pays qui en ont besoin, a-t-il assuré, ajoutant que, selon la CNUCED, si les agriculteurs de ces pays n’obtiennent pas les engrais d’ici à novembre, les prix vont encore augmenter, ce qui aggravera d’autant l’insécurité alimentaire.  Invitant l’ONU à contribuer aux efforts visant à empêcher que cette situation ne s’aggrave, il a déploré qu’en raison des restrictions bancaires, la Russie ne peut même pas venir en aide au PAM.  Elle cherche néanmoins des possibilités pour contribuer à la sécurité alimentaire mondiale, comme le prouve l’envoi de 6,6 millions de tonnes de céréales cette année, le total devant atteindre 50 millions à terme.  Pour cela, il est impératif selon lui que l’accord d’Istanbul soit pleinement mis en œuvre, sans sélectivité.  Avant de conclure, le représentant a souhaité attirer l’attention du Conseil sur la situation en Syrie, où l’insécurité alimentaire est la conséquence des actions occidentales, et sur les répercussions du gel à l’étranger des avoirs de l’Afghanistan, dont la population est au bord de la famine.   

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a déclaré que l’année 2022 marquerait un sombre record s’agissant du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire, en raison des conflits, de la pandémie de COVID-19 et des changements climatiques.  La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine aggrave l’insécurité alimentaire et accroît le risque de famine dans le monde.  En 2022-2023, ce sont jusqu’à 13 millions de personnes supplémentaires qui pourraient faire face à la sous-alimentation du fait de cette guerre, a insisté la représentante.  Selon elle, aucune sanction ne vise le secteur alimentaire et la France lutte pour que les produits agricoles ne deviennent en aucun cas une arme de guerre pour servir des buts géopolitiques.   

Seule une approche multilatérale, coordonnée et inclusive permettra de contrer le risque de famine et de prévenir les effets désastreux de la guerre menée par la Russie en Ukraine, a ajouté Mme Broadhurst Estival, qui a dit soutenir l’initiative lancée par le Secrétaire général, en réponse à la crise mondiale sur l’alimentation, l’énergie et les finances.  Les pays les plus exposés doivent recevoir les denrées qui leur sont nécessaires.  À ce titre, les accords conclus à Istanbul le 22 juillet dernier doivent être mis en œuvre afin que les céréales parviennent à ceux qui en ont besoin le plus urgemment.  Ce mécanisme doit être reconduit au-delà de sa durée initiale de quatre mois.  Les corridors de solidarité mis en place par l’Union européenne ont par ailleurs permis la sortie de plus de 10 millions de tonnes de céréales d’Ukraine depuis mars dernier, contribuant ainsi à faire baisser les prix et éviter une crise d’anticipation.   

Pour sa part, la France, avec l’Union européenne, a lancé l’initiative « Food & Agriculture Resilience Mission » (FARM) qui vise à soutenir les pays les plus touchés par la crise alimentaire mondiale, en améliorant la transparence des marchés agricoles, en favorisant un accès équitable aux denrées et produits agricoles à un prix raisonnable et en renforçant la production locale durable pour réduire les dépendances.  La représentante a appelé tous les acteurs à contribuer à ces efforts internationaux, y compris le secteur privé.   

La France, a indiqué Mme Broadhurst Estival, a augmenté sa contribution financière pour la sécurité alimentaire et la nutrition, qui devrait dépasser 706 millions d’euros cette année.  Elle soutient les projets portés par la société civile.  La représentante a également mentionné le doublement de l’appui financier de la France au PAM cette année et le financement du secrétariat établi par le Fonds international de développement agricole (FIDA).   

Prévenir la famine et les crises alimentaires implique également que toutes les parties aux conflits respectent leurs obligations dans le cadre du droit international humanitaire y compris les résolutions 2417 (2018) et 2573 (2021), a poursuivi la représentante.  La protection des civils et des infrastructures civiles est un impératif absolu.  L’accès humanitaire doit être garanti.  À plus long terme, la réponse à l’insécurité alimentaire passe nécessairement par une transformation des systèmes alimentaires, qui doivent devenir durables et résilients pour répondre aux effets des changements climatiques, à l’érosion de la biodiversité et à l’enjeu de l’accroissement de la population humaine.   

M. MAURIZIO MASSARI (Italie) a souligné la situation dramatique qui prévaut dans la région de la Corne de l’Afrique.  Il a fait savoir qu’avec les États-Unis, le Qatar et le Royaume-Uni, sa délégation organisera, durant la semaine du débat général, un évènement sur la situation humanitaire dans cette région en espérant sensibiliser le plus grand nombre.  Il a précisé que la sécurité alimentaire a toujours été une priorité de l’Italie et mentionné le soutien financier, politique et technique accru apporté à l’ONU, par l’entremise notamment des agences onusiennes basées à Rome.  Il a appelé tous les États Membres à augmenter leur appui.  Pour éviter le scénario du pire, un changement profond dans les attitudes et engagements est nécessaire, a souligné le délégué, en insistant sur l’importance cruciale d’une « diplomatie alimentaire » pour atténuer les effets de la crise alimentaire mondiale.   

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale rend hommage à Sa Majesté la Reine Elizabeth II, « un pilier sans égal sur la scène mondiale pendant plus de soixante-dix ans »

Soixante-dix-septième session,
2e séance plénière – matin
AG/12444

L’Assemblée générale rend hommage à Sa Majesté la Reine Elizabeth II, « un pilier sans égal sur la scène mondiale pendant plus de soixante-dix ans »

L’Assemblée générale s’est réunie ce matin afin de rendre hommage à la mémoire de Sa Majesté la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, décédée le 8 septembre.  Les orateurs ont évoqué son très long règne et son leadership au service de son peuple, du Commonwealth et du multilatéralisme. 

Le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, a rappelé que lors de sa dernière visite à l’ONU, en 2010, la reine avait exprimé son admiration pour l’Organisation et avait espéré que, lorsque l’ONU sera jugée par les générations futures, « notre sincérité, notre volonté de prendre les devants et notre détermination à bien faire résisteront à l’épreuve du temps ».  Il a salué la mémoire d’une souveraine qui a consacré sa vie au service public et à l’amélioration de la vie des gens.

Après que l’Assemblée a observé une minute de silence en hommage à la défunte Reine, le Secrétaire général de l’ONU a déclaré que « le soleil s’est couché sur un règne absolument extraordinaire ».  M. António Guterres a salué la mémoire d’un « pilier sans égal sur la scène mondiale pendant plus de soixante-dix ans », rappelant que la Reine était montée sur le trône à l’époque de Churchill, Truman, Staline, Mao et de Gaulle.  Il a évoqué une présence « rassurante et inspirante » d’une souveraine qui était une ancre de stabilité à travers des décennies d’histoire souvent mouvementée.  Le Secrétaire général a également salué la mémoire d’une diplomate accomplie qui avait pris la parole devant l’Assemblée générale, lorsque l’ONU et elle-même étaient encore toutes jeunes, pour appeler les dirigeants du monde à démontrer leur dévotion aux idéaux de la Charte des Nations Unies.  Selon lui, son héritage est un exemple inspirant de leadership qui est au service.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, le représentant de Maurice a rappelé qu’Elizabeth II avait un lien fort avec l’Afrique et qu’elle avait accompagné plusieurs pays du continent vers l’indépendance.  Malgré le lot d’atrocités de la colonisation, a-t-il rappelé, elle a continué à jeter des ponts entre les peuples, visitant une vingtaine de pays d’Afrique durant son règne.  Pour les Philippines, qui parlaient au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, elle laisse une empreinte indélébile, car ses idées ont inspiré des générations.  « Elle fut d’ailleurs mécène de nombreuses organisations caritatives et des arts. »  En sa capacité nationale, le délégué des Philippines a estimé qu’Elizabeth II fut le symbole durable de la tradition royale, de la coopération internationale et de notre confiance dans l’état de droit.

Au nom des États d’Amérique latine et des Caraïbes, le Suriname a évoqué une souveraine qui a réussi à adapter la monarchie à un monde en mutation et à une perception publique changeante de l’institution, tout en maintenant les traditions associées à la couronne.  S’exprimant au nom des États d’Europe occidentale et autres États, la Grèce a salué « une dirigeante qui nous a inspirés » et qui était un fervent soutien des Nations Unies et du multilatéralisme.  Ce fut une amie chère des États-Unis qui a rencontré 14 présidents américains, a déclaré la déléguée de ce pays qui a aussi salué ce chantre du multilatéralisme.  Elle a également rappelé le soutien apporté par la Reine à la cause de la liberté et de la justice dans tout le Commonwealth.

« Avec ce décès se termine un règne extraordinaire et nous n’oublierons jamais la main tendue à notre pays dans des moments difficiles », comme des catastrophes naturelles, a témoigné l’Australie, avant que la Papouasie-Nouvelle-Guinée ne rappelle qu’elle était très appréciée et aimée dans le pays.  Au nom des membres du Forum des Îles du Pacifique, les Fidji ont rappelé « cette connexion personnelle qui restera dans les mémoires le plus affectueusement ».  Et son intérêt pour le Pacifique a été réciproque, a souligné la délégation.  Son leadership s’est étendu au-delà du Royaume-Uni et du Commonwealth, a renchéri Antigua-et-Barbuda en voyant Elizabeth II comme « une bonne amie des Nations Unies qui croyait aux principes consacrés dans la Charte ».  Le Belize a estimé que le succès du Commonwealth était dû au leadership de la Reine Elizabeth II.

Au nom d’un groupe de pays (Bahamas, Belize, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sainte-Lucie), la Jamaïque a évoqué une reine qui est restée une constante au milieu des moments décisifs de l’histoire, y compris la fin de la guerre froide, l’évolution du Commonwealth et, plus récemment, l’apparition de la COVID-19.  La délégation a rappelé que lors de son vingt et unième anniversaire, près de quatre ans avant qu’elle ne devienne reine, la Reine avait prédit qu’elle consacrerait toute sa vie à servir.  Son règne record de soixante-dix ans de service est un témoignage de son engagement envers nous tous, a confirmé la Nouvelle-Zélande qui a salué une souveraine admirée et chérie.

En tant que Président du Commonwealth, le Rwanda a dit garder le souvenir d’une personne dédiée à la cause de cette organisation dont la modernisation est son héritage.  La République tchèque, au nom de l’Union européenne, a salué son caractère, ses valeurs et sa personnalité qui ont contribué à favoriser la réconciliation entre les pays d’Europe, notamment après l’horreur de la Deuxième Guerre mondiale et à la suite de la guerre froide.  Les Samoa, au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, ont salué le leadership incroyable d’Elizabeth II, une dirigeante forte et engagée.  Le Pacifique se souvient d’elle comme de l’incarnation du sens du service et de la grâce, même sous pression. 

Au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), l’Arabie saoudite s’est souvenue de son rôle pour renforcer les liens d’amitié et de partenariat entre le Royaume-Uni et le CCG.  Au nom du Groupe des États arabes, la Tunisie a salué une personnalité internationale exceptionnelle qui fut le symbole de l’unité de son pays.  Le Canada a voulu saluer « son incroyable force de caractère, son humilité et sa gentillesse ».  Elle était dédiée aux causes de la démocratie, du développement durable et des Nations Unies, a-t-il reconnu en se remémorant aussi ses 23 visites officielles au Canada.  Il a parlé d’une reine qui avait trouvé sa propre liberté en se mettant au service de Dieu et de son peuple. 

Au-delà de son peuple, la représentante du Royaume-Uni a rappelé le rayonnement d’une reine qui s’est rendue dans plus de 100 pays, nouant des liens et laissant la marque de ses passages.  Elle était le meilleur diplomate du pays, a dit la déléguée qui a parlé d’une « vie consacrée à l’amitié entre les peuples », avec les Nations Unies comme maillon central de ses actions.  La Reine avait d’ailleurs pris part à la première réunion des Nations Unies tenue à Londres à la fin de la guerre, a-t-elle souligné en faisant le parallèle entre la durée extraordinaire de son règne et l’histoire des Nations Unies.  « Cette disparition marque la fin d’une époque dans tout le Royaume-Uni et le Commonwealth. »

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité se saisit du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan après des combats meurtriers le long de la frontière entre les deux pays

9132e séance – matin
CS/15031

Le Conseil de sécurité se saisit du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan après des combats meurtriers le long de la frontière entre les deux pays

À la demande de la France, qui préside ce mois-ci ses travaux, le Conseil de sécurité s’est réuni ce matin pour examiner les incidents meurtriers survenus il y a trois jours entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, les plus violents depuis la signature, le 9 novembre 2020, d’un accord de cessez-le-feu sur le Haut-Karabakh, territoire revendiqué par les deux pays.

Selon le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, M. Miroslav Jenča, des affrontements meurtriers ont eu lieu le 12 septembre le long de la frontière commune entre les deux anciennes républiques soviétiques, avant l’annonce d’un cessez-le-feu conclu le 14.

L’Arménie a fait état de 105 combattants tués et de 6 civils blessés, l’Azerbaïdjan de 71 soldats tués et 2 civils blessés, a précisé M. Jenča.  Alors que l’Arménie a évoqué une « attaque délibérée », l’Azerbaïdjan a rétorqué qu’il s’agissait de représailles aux « provocations » arméniennes.  Les deux pays ont dénoncé auprès du Secrétaire général et du Conseil de sécurité des violations du cessez-le-feu négocié par la Russie en 2020 après un conflit de 44 jours, et de leur intégrité territoriale respective, des allégations que l’ONU n’est pas en mesure de vérifier, a ajouté M. Jenča.

Les combats de cette semaine, « les plus importants d’une série d’incidents survenus depuis 2020 », révèlent que le processus de normalisation des relations entre les deux pays continue de se heurter à de sérieux obstacles, a reconnu le Sous-Secrétaire général.  Cette escalade souligne l’urgente nécessité pour eux de faire progresser le processus en cours de délimitation et démarcation de leur frontière commune, a-t-il ajouté en exhortant les parties à s’appuyer sur cet important mécanisme, qui constitue une étape essentielle vers l’atténuation des tensions, susceptibles de déstabiliser la région.

À cette fin, la Fédération de Russie a annoncé qu’elle était prête à prêter son concours, « en fournissant notamment des éléments cartographiques », et que des militaires russes sont présents sur place pour obtenir le respect du cessez-le-feu et un retour des forces azerbaïdjanaises et arméniennes à leurs positions antérieures; un redéploiement également demandé par la France.  « Nous sommes au début d’un chemin tortueux vers la réconciliation », a estimé la délégation russe.

À la suite du Sous-Secrétaire général, tous les membres du Conseil ont convenu que seul un règlement politique et négocié de la crise est envisageable et se sont félicités de la cessation des hostilités conclue hier.  Pour l’Inde, l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 négocié par la Russie, ainsi que les processus de paix menés dans le cadre de la médiation du Groupe de Minsk créé par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’Union européenne fournissent des mécanismes utiles pour résoudre tous les problèmes en suspens.

Les membres du Conseil ont également relayé les craintes de M. Jenča que les incidents meurtriers de ces derniers jours, qui ont éclaté à l’extérieur du Haut-Karabakh, ne se propagent dans la région, alors que « la sécurité européenne est déjà menacée par le conflit en Ukraine », comme l’a rappelé avec inquiétude l’Albanie.  Une nouvelle guerre entraînerait des conséquences au-delà des frontières européennes, a averti le représentant de ce pays.

Le Sous-Secrétaire général a exhorté les parties à prendre des mesures en faveur de la signature d’un traité de paix durable, plaidant aussi pour que le Conseil de sécurité présente un front uni sur ce dossier, afin que l’Arménie et l’Azerbaïdjan se sentent encouragés à privilégier une solution diplomatique.

Après les interventions des membres du Conseil, les représentants de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ont longuement pris la parole pour s’accuser mutuellement.  L’Arménie a dénoncé la « conduite hostile », la « rhétorique non contrôlée » et la « violence disproportionnée » de l’Azerbaïdjan, accusé de « mépris total » pour le droit international et même de « crimes de guerre », s’agissant en particulier des bombardements de la station balnéaire de Djermouk et du réservoir d’eau de Kechut, qui ne peuvent être considérés comme des objectifs militaires.

L’Azerbaïdjan a rejeté les allégations « dénuées de fondement » de l’Arménie, à l’origine selon lui de la récente escalade, « fomentée » pour « torpiller » les différents accords signés, « avec l’aide de certains membres de ce Conseil ».  Il est ironique de voir l’Arménie, qui a occupé des territoires azerbaïdjanais pendant 30 ans et pratiqué le nettoyage ethnique, se réclamer aujourd’hui de principes qu’elle ne cesse de violer et faire appel à ce Conseil alors qu’elle n’en applique pas les résolutions, a déclaré le représentant de ce pays. 

LETTRE DATÉE DU 13 SEPTEMBRE 2022, ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’ARMÉNIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2022/688)

Déclaration liminaire

M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques au Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, a indiqué que, dans la soirée du 12 septembre, les autorités d’Arménie et d’Azerbaïdjan avaient fait état d’affrontements nourris sur leur frontière internationale.  Des tirs d’artillerie soutenus auraient été échangés, de même que des armes de gros calibre jusqu’au 14 septembre, avant qu’un cessez-le-feu ne soit annoncé dans la soirée.  Plus tôt dans la semaine, le Ministère arménien de la défense avait déclaré que la partie azerbaïdjanaise prenait pour cible des positions militaires arméniennes, ainsi que des infrastructures civiles, dans les régions de Gegharkounik, de Vayots Dzor et de Siounik.  L’Arménie a signalé que 105 de ses combattants ont été tués et six civils blessés la nuit dernière.  Alors que l’Arménie a qualifié ces événements d’attaque délibérée, l’Azerbaïdjan a rétorqué qu’il s’agissait de mesures de représailles en réponse aux provocations de l’Arménie et a fait état pour sa part de la perte de 71 combattants tués et de deux civils blessés.  Les deux pays ont écrit au Secrétaire général et au Conseil de sécurité pour dénoncer des violations du cessez-le-feu négocié par la Russie en 2020 et de leur intégrité territoriale respective, des allégations que l’ONU n’est pas en mesure de vérifier ou de confirmer, a précisé M. Jenča. 

Les équipes de pays des Nations Unies en Arménie et en Azerbaïdjan sont en contact permanent avec les autorités et prêtes à répondre aux besoins humanitaires émergents, si la demande en est faite et les conditions le permettent, a poursuivi le Sous-Secrétaire général. 

Les combats de cette semaine sont les derniers et les plus importants d’une série d’incidents survenus depuis 2020, a rappelé M. Jenča.  Ils soulignent que le processus de normalisation des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan continue de se heurter à de sérieux obstacles.  Cette escalade souligne également le besoin urgent pour les parties de faire progresser le processus en cours de délimitation et de démarcation dans le cadre de la reconnaissance mutuelle de leur intégrité territoriale et de leur souveraineté, a souligné le Sous-Secrétaire général, en exhortant les parties à s’appuyer sur cet important mécanisme, qui constitue une étape essentielle vers l’apaisement des tensions à la frontière.

Les événements de cette semaine sont également un rappel « brutal » que les tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont le potentiel de déstabiliser la région, a mis en garde le Sous-Secrétaire général.  Ils soulignent la nécessité pour tous les acteurs, dans la région et au-delà, d’agir de manière constructive et de faire pression sur les parties pour qu’elles œuvrent à un règlement pacifique de la situation.  À cet égard, un certain nombre d’efforts de médiation ont été déployés dans la région, notamment par la Fédération de Russie et l’Union européenne, que l’ONU soutient pleinement, dans la mesure où ils peuvent jeter les bases qui permettront aux parties de reprendre le dialogue en vue d’une paix durable.  L’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), à la demande de l’Arménie, déploiera une mission en Arménie pour évaluer la situation à la frontière, et fera rapport à ses États membres. 

M. Jenča a déclaré que, lors d’une visite récente dans la région, il avait pu évaluer directement les défis à relever pour résoudre ce conflit de longue date.  Il s’est dit convaincu que, si des différences et une méfiance persistent entre les parties, elles sont surmontables.  La communauté internationale doit rester pleinement engagée en faveur d’un règlement pacifique entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et n’épargner aucun effort pour atténuer les tensions actuelles, ramener les parties à la table des négociations et les aider à réaliser la paix et la stabilité dans la région, a insisté le Sous-Secrétaire général.  Dans l’immédiat, les parties doivent s’acquitter de leurs obligations de mettre pleinement en œuvre la déclaration trilatérale sur le cessez-le-feu du 9 novembre 2020.  M. Jenča les a exhortées à retourner à la table des négociations et à prendre des mesures en faveur de la signature d’un traité de paix durable.  Il sera important qu’un message d’unité similaire soit adressé aux parties par le Conseil de sécurité, afin qu’elles se concentrent sur une solution diplomatique, a préconisé le Sous-Secrétaire général.

Déclarations

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a constaté que la résurgence des affrontements entre les forces de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ravive le triste souvenir du conflit de 2020, qui a fait des milliers de morts.  Déplorant les pertes en vies humaines de part et d’autre, il a condamné le recours à la force armée avant de réaffirmer qu’aucune solution militaire n’est viable.  Pour le représentant, toute escalade de la violence ne fera que sédimenter les rancœurs et les tensions dans une situation dont la complexité requiert un engagement de l’ensemble des partenaires qui ont de l’influence auprès des parties. 

Face au risque d’embrasement, la communauté internationale doit se mobiliser pour éviter l’escalade, a poursuivi le représentant.  Les nombreuses initiatives sous-régionales, régionales et internationales visant à ramener les parties à la table des négociations doivent également être soutenues.  De même, il est fondamental de maintenir le cessez-le-feu dans le Haut-Karabakh et le long de la frontière entre les deux pays, tout en réactivant l’éventail des canaux diplomatiques, a ajouté le représentant, avant d’exhorter les parties à faire preuve de retenue et d’encourager le Conseil à parler d’une même voix pour permettre un retour à la paix. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est déclarée profondément préoccupée par les informations récentes faisant état d’attaques le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, notamment le ciblage d’habitations et d’infrastructures civiles.  Appelant l’agresseur à cesser immédiatement les hostilités et à faire preuve de retenue, elle a jugé que ces agissements constituent une menace grave pour la paix et la stabilité dans la région. 

Le Conseil de sécurité ne peut tout simplement pas se permettre de rester silencieux et de laisser la situation se détériorer davantage, a fait valoir la représentante, selon laquelle le cessez-le-feu du 9 novembre 2020 négocié par la Russie, ainsi que les processus de paix sous médiation du Groupe de Minsk, créé par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et de l’Union européenne fournissent des mécanismes utiles pour résoudre tous les problèmes en suspens.  L’Inde a toujours soutenu que de tels différends doivent être réglés par la diplomatie et le dialogue, a rappelé Mme Kamboj, ajoutant qu’il ne peut y avoir de solution militaire ou violente à tout conflit.  La représentante a donc encouragé les deux parties à privilégier les voies diplomatiques pour parvenir à une solution durable et pacifique, avant de réaffirmer que l’ordre mondial est ancré dans le droit international, la Charte des Nations Unies et le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des États.

Mme MONA JUUL (Norvège) a exprimé sa profonde préoccupation devant la montée des tensions et des hostilités militaires le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, notamment les frappes d’artillerie qui toucheraient des civils et des infrastructures civiles en Arménie.  « Le recours à la force pour régler des différends est inacceptable », a déclaré la représentante, en soulignant qu’il s’agit des pires combats depuis la guerre de 2020 concernant le Haut-Karabakh.  Les acteurs humanitaires s’inquiètent de l’impact humanitaire des actions militaires en cours, qui affectent la sécurité des populations vivant dans la zone frontalière et l’accès aux infrastructures essentielles. 

La représentante s’est toutefois dite encouragée par la conclusion d’un accord sur la cessation des hostilités.  Elle a appelé les parties à faire preuve d’un maximum de retenue et à prendre des mesures immédiates pour faire baisser les tensions.  La Norvège, a-t-elle rappelé, reconnaît la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan à l’intérieur de leurs frontières internationalement reconnues.  Elle entend continuer de soutenir le dialogue entre les deux pays afin d’assurer la mise en œuvre l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020.

Mme CÁIT MORAN (Irlande) s’est dite « profondément préoccupée » par les graves combats qui ont éclaté ces derniers jours le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, notamment par les informations faisant état d’attaques contre des infrastructures civiles essentielles en Arménie.  Elle a appelé à une cessation immédiate des hostilités, et demandé aux parties de faire preuve de la plus grande retenue et de s’abstenir de toute nouvelle escalade de la violence.  Les violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États ne sont jamais acceptables, a dénoncé la déléguée, en exhortant les parties à s’engager sans délai à un cessez-le-feu et à respecter les accords existants.  Seuls le dialogue et la diplomatie peuvent mener à une résolution durable du conflit, notamment avec la participation des femmes, a-t-elle relevé.  Pour sa part, l’Irlande, en collaboration avec ses partenaires de l’Union européenne, continue de soutenir les efforts en vue d’un règlement négocié, global et durable du conflit, y compris en ce qui concerne le statut du Haut-Karabakh.

Mme JAYNE JEPKORIR TOROITICH (Kenya) s’est dite préoccupée par la reprise des combats et par les frappes contre les civils et les infrastructures civiles.  « Tout doit être mis en œuvre pour éviter un nouveau cycle de violences », a-t-elle ajouté.  Elle a exhorté les parties à faire montre de la plus grande retenue et à respecter les dispositions de l’accord de cessez-le-feu de 2020, avant de souligner le rôle important de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).  Enfin, elle a appelé à la reprise des négociations en vue d’une paix durable et d’une normalisation des relations des deux pays dans le respect de leur intégrité territoriale.  Le dialogue est l’option à choisir, a conclu la représentante. 

M. GENG SHUANG (Chine) s’est dit préoccupé par le récent conflit armé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, soulignant que le maintien de la paix est dans l’intérêt des deux pays, qui doivent faire preuve de retenue et privilégier le dialogue politique.  Le représentant s’est félicité que les deux parties soient parvenues rapidement à un accord de cessez-le-feu, espérant qu’elles le respecteront.  Il a également souhaité qu’elles puissent continuer d’interagir de manière positive sur la question de la démarcation de leur frontière commune.  La normalisation de leurs relations est indissociable du règlement du conflit au Haut-Karabakh, a rappelé le représentant, en précisant que la Chine a toujours été attachée à un règlement politique de cette crise.  Il a également apporté son soutien à la Déclaration trilatérale conclue sous l’égide de la Fédération de Russie.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a fait part de sa profonde préoccupation face aux affrontements qui ont eu lieu à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et leur impact sur la population civile.  Il a appelé les parties à cesser immédiatement les hostilités et à respecter le cessez-le-feu en vigueur.  Le conflit entre les deux pays, en 2020, a fait payer un lourd tribut à la population civile et aux infrastructures de base, a-t-il rappelé.  La communauté internationale doit tout faire pour empêcher que la situation ne se répète. 

Le représentant a demandé instamment aux acteurs internationaux qui en ont le pouvoir d’inciter les parties à revenir à la table des négociations, estimant que seul le dialogue peut mener à une paix durable.  Il a exprimé en terminant son appui aux efforts de médiation en cours dans la région, notamment les efforts déployés par la Fédération de Russie et l’Union européenne pour mettre fin aux hostilités et reprendre la voie de la diplomatie. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a souhaité qu’une solution pérenne soit apportée à ce conflit de longue date, en regrettant la reprise des hostilités cette semaine.  Une escalade pourrait avoir de grandes conséquences dans la région et au-delà, a-t-il estimé, ajoutant que le recours à la violence ne pouvait régler la situation.  Il a souligné la nécessité de préserver la trêve observée.  Il est crucial de retourner à la table des négociations en vue d’un règlement se fondant sur les principes du droit international, a poursuivi le représentant en soulignant l’importance des efforts de médiation.  La volonté des parties de consentir des sacrifices est au cœur de toute solution, a-t-il conclu.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a estimé que les affrontements récents entre les forces armées de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020, ainsi que de celles du 11 janvier et du 26 novembre 2021.  Il existe un risque que ces combats sapent la confiance nécessaire et mettent à mal les progrès réalisés dans le cadre de ce processus, a-t-il averti, appelant les parties à respecter le droit international et la Charte des Nations Unies et à régler leur différend par le dialogue et la diplomatie.

S’associant aux autres membres du Conseil favorables à une solution diplomatique pérenne dans le cadre des efforts visant à délimiter la frontière entre les deux pays, le représentant s’est félicité des médiations effectuées par les pays de la région aux fins de prévenir la violence.  Ces efforts sont extrêmement pertinents et encourageants, a-t-il dit. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a salué l’accord de cessez-le-feu signé par les deux parties hier et les efforts de médiation y ayant abouti.  Les deux parties doivent faire montre de la plus grande retenue et parvenir à une paix durable.  Toute escalade dans ce monde de crises répétées doit être évitée, a déclaré la déléguée, en appelant à un retour des parties à la table des négociations.  Elle a également appelé les parties à parvenir à un accord de paix durable et souligné la nécessité de préserver le cessez-le-feu.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a exprimé son inquiétude face aux affrontements qui ont éclaté ces derniers jours le long de la frontière entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.  Il s’est toutefois félicité des faits nouveaux qui ont marqué les relations entre les deux pays, y compris la réunion de Bruxelles, en août, sous les auspices du Conseil européen et s’est voulu optimiste. 

Toutefois, dans ce conflit, il est difficile de s’appuyer sur des faits vérifiés de façon indépendante, a noté le représentant, qui a mis en garde contre tout acte qui pourrait contribuer à nourrir la défiance entre les parties, notamment un renforcement militaire le long de la frontière qui entraînerait une reprise des hostilités voire un conflit ouvert. 

Alors que les derniers actes de violence ont lieu à l’extérieur du Haut-Karabakh, il est urgent de tout faire pour empêcher que le conflit ne se propage, a poursuivi le représentant.  La sécurité européenne est déjà menacée par le conflit en Ukraine, s’est-il inquiété.  Une nouvelle guerre aurait des conséquences au-delà des frontières européennes, a-t-il ajouté.  Il s’est en revanche félicité de la conclusion du cessez-le-feu et a invité les parties à le respecter pleinement. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) s’est félicité de l’annonce d’un cessez-le-feu négocié le soir du 14 septembre, mais s’est dit préoccupé par les nombreuses informations faisant état de victimes civiles causées par l’action militaire lancée plus tôt cette semaine.  Rappelant la position de longue date de son pays, selon laquelle il n’y a pas de solution militaire à ce conflit, le représentant a jugé qu’une paix durable ne pourra être atteinte que par la diplomatie et le dialogue, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies.  Cela a été démontré par plusieurs développements encourageants intervenus ces dernières semaines, a-t-il relevé, faisant notamment référence à la libération de prisonniers de guerre par l’Azerbaïdjan et aux réunions trilatérales tenues à Bruxelles. 

Le Royaume-Uni exhorte les dirigeants de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan à se réengager de bonne foi dans ce dialogue avec le soutien de la communauté internationale et à reprendre des négociations de fond pour régler toutes les questions en suspens entre eux.  Avant de conclure, le représentant a assuré que le Royaume-Uni continuerait de soutenir les efforts diplomatiques des partenaires internationaux à Vienne et à Bruxelles en vue d’obtenir la stabilité et la sécurité indispensables aux populations de la région.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a exprimé sa profonde préoccupation concernant les actions militaires menées le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et les informations faisant état de civils blessés à l’intérieur de l’Arménie.  « Toutes les parties doivent respecter pleinement leurs obligations en vertu du droit humanitaire international, y compris celles liées à la protection des civils », a-t-il exhorté. 

Le représentant s’est toutefois félicité de la cessation de toutes les hostilités, encourageant les deux parties à continuer à faire preuve de retenue.  Les forces militaires devraient se désengager pour permettre de résoudre toutes les questions en suspens, a-t-il préconisé, ajoutant qu’il était urgent de reprendre les pourparlers en vue d’une résolution durable et pacifique du conflit et de la normalisation des relations entre les deux pays. 

M. Mills a en outre encouragé les deux gouvernements à s’engager à nouveau dans un processus diplomatique.  Un règlement négocié et global de toutes les questions en suspens entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est nécessaire et la communauté internationale doit continuer à s’engager diplomatiquement pour aider à négocier une paix durable, a-t-il insisté.  À cette fin, les États-Unis sont prêts à faciliter le dialogue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au niveau bilatéral, par l’intermédiaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et en coordination avec les partenaires, afin de parvenir à un règlement politique à long terme du conflit, conformément au droit international, y compris la Charte des Nations Unies, ainsi qu’à l’Acte final d’Helsinki.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déploré la grave escalade qui a eu lieu à la frontière de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan.  Le recours à la force est inacceptable, a-t-il déclaré, avant de souhaiter la mise en œuvre des accords négociés avec l’aide de la Russie en vue d’un cessez-le-feu pérenne.  La Russie est en contacts étroits avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan, a rappelé le représentant, qui a souligné les efforts des militaires russes présents sur place pour obtenir le respect du cessez-le-feu et un retour des forces azerbaïdjanaises et arméniennes sur leurs positions respectives. 

M. Nebenzia a déclaré que toute question litigieuse entre les deux parties devait être réglée diplomatiquement, notamment s’agissant de la démarcation des frontières.  « La Russie est prête à apporter son concours, en fournissant notamment des éléments cartographiques », a-t-il ajouté, assurant que la Russie faisait tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser une normalisation des relations entre les deux pays.  Les deux parties ont confirmé avoir besoin des bons offices de la Russie, a noté le représentant, qui a demandé l’application de tous les accords existants entre les deux parties.  « Nous sommes au début d’un chemin tortueux vers la réconciliation », a-t-il estimé.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) s’est dit gravement préoccupé par les actions militaires menées à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui ont fait des victimes civiles et touché des infrastructures civiles.  Face à cette escalade, la France s’efforce de favoriser le respect du cessez-le-feu en vigueur.  Le Président de la République, Emmanuel Macron, s’est entretenu à cet effet avec ses homologues arménien et azerbaïdjanais, a indiqué le représentant, pour qui la « priorité absolue » doit être le strict respect du cessez-le-feu conclu le 9 novembre 2020.  Il a appelé l’Azerbaïdjan à maintenir ses forces sur ses positions initiales, à l’intérieur de ses frontières, estimant que la délimitation de la frontière entre les deux pays devait s’opérer exclusivement par la négociation.  Les parties doivent en outre intensifier le dialogue pour régler l’ensemble des questions en suspens, notamment la délimitation et la démarcation de leur frontière commune et l’adoption de mesures de distanciation des forces.

Les parties sont tenues de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, a rappelé M. de Rivière et ce, notamment en autorisant l’acheminement sûr et sans entrave de l’aide humanitaire aux populations affectées par les hostilités.  Pour sa part, la France, en sa qualité de Coprésidente du Groupe de Minsk et membre de l’Union européenne, entend continuer d’appuyer les efforts visant à mettre en place une paix durable dans la région.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a tout d’abord remercié la présidence française d’avoir convoqué cette séance d’urgence, suite à la demande contenue dans la lettre du Ministre des affaires étrangères de l’Arménie.  Cette réunion, a-t-il dit, intervient alors que des « actes d’agression criminels » ont été perpétrés contre l’intégrité territoriale de la République d’Arménie, en violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies.  « L’auteur est connu, il s’agit de l’Azerbaïdjan », a pointé le représentant, rappelant que ce pays voisin est plusieurs fois plus grand en territoire, en population et en ressources que l’Arménie. 

Pour le représentant, l’Azerbaïdjan, par sa conduite hostile, sa rhétorique non contrôlée et sa violence disproportionnée, fait preuve d’un mépris total pour chaque principe et norme du droit international et révèle une intention claire de provoquer des guerres, des destructions et de l’instabilité dans la région.  M. XXX a ensuite affirmé que, le 13 septembre à l’aube, l’Azerbaïdjan avait lancé une offensive militaire majeure ciblant les régions de l’est et du sud-est de l’Arménie en utilisant un large éventail d’armes, y compris de l’artillerie et des drones de combat.  L’offensive a coûté la vie à 105 personnes, fait des dizaines de blessés, des dizaines de disparus et infligé d’importants dommages matériels, notamment à des infrastructures civiles, a-t-il précisé. 

Selon le représentant, plusieurs villes densément peuplées d’Arménie, en particulier Goris, Djermouk, Vardenis, Kapan et Sotk, ont été pendant plusieurs jours la cible de tirs nourris.  L’offensive aurait ainsi entraîné le déplacement d’au moins 2 750 personnes dans les provinces de Gegharkounik, Vayots Dzor et Siounik, a-t-il indiqué, ajoutant que le bombardement de la station balnéaire de Djermouk, qui ne peut être considérée comme un objectif militaire, « n’est rien de moins qu’un crime de guerre », de même que les frappes contre le réservoir d’eau de Kechut.  De plus, au moins sept prisonniers de guerre ont été capturés en violation flagrante des Conventions de Genève et du droit international humanitaire, tandis que des journalistes locaux et étrangers ont été ciblés par des tirs, a-t-il encore accusé. 

Au cours de l’année écoulée, a poursuivi le représentant, l’Arménie a plusieurs fois averti le Conseil de sécurité que l’Azerbaïdjan se livrait à l’acquisition de territoires par la force.  Par des courriers en date du 14 mai, du 29 juillet et du 16 novembre 2021, elle a alerté les membres du Conseil sur des violations persistantes par l’Azerbaïdjan des principes du droit international et des dispositions de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 sur l’établissement du cessez-le-feu et la cessation des hostilités, suite à la guerre de 44 jours de 2020.  Les derniers événements démontrent qu’en l’absence de mesures appropriées de responsabilisation, des politiques d’agression sont susceptibles de se poursuivre et même d’augmenter en portée et en ampleur, a-t-il souligné, affirmant qu’au cours des derniers jours, l’Azerbaïdjan avait procédé à l’occupation de plus de 10 kilomètres carrés de territoire de l’Arménie, cette attaque faisant suite à celles de mai et novembre 2021, qui avaient vu les forces azerbaïdjanaises s’emparer de 45 kilomètres carrés de terres arméniennes.  Autant d’actions qui, à ses yeux, constituent une violation des buts et principes de la Charte des Nations Unies et de l’Acte final d’Helsinki de l’OSCE, et qui vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit des déclarations trilatérales du 9 novembre 2020 et du 26 novembre 2021. 

Rappelant que la dernière attaque s’est produite alors que des négociations de paix sont menées dans différentes enceintes et facilitées par différents acteurs dans le but de stabiliser la situation dans le Caucase du Sud, le représentant a prévenu que le cessez-le-feu reste fragile.  Des informations crédibles indiquent que l’Azerbaïdjan envisagerait une nouvelle offensive militaire en vue d’établir un « couloir extraterritorial » à travers le territoire de l’Arménie, a-t-il dit, balayant par avance les justifications de l’Azerbaïdjan quant à son « droit à l’autodéfense » en réponse aux supposées « provocations » de l’Arménie.  La vérité est qu’aucune véritable attaque armée n’a été initiée par l’Arménie, a insisté le représentant, pour qui les nouveaux actes d’agression révèlent la volonté de l’Azerbaïdjan de se retirer des négociations sur le Karabakh et d’opter pour une solution militaire au conflit. 

Dans ce contexte, le représentant a appelé le Conseil à assumer ses responsabilités et, en premier lieu, à condamner l’agression non provoquée de l’Azerbaïdjan contre le territoire souverain de la République d’Arménie.  Il lui a également demandé d’exiger le retrait immédiat et inconditionnel des forces azerbaïdjanaises et de sommer Bakou de s’abstenir de tout acte d’agression futur contre le territoire arménien.  Le Conseil doit en outre exiger de l’Azerbaïdjan qu’il s’engage pacifiquement dans le processus de négociations, y compris sur les questions liées au conflit du Karabakh, et qu’il libère et rapatrie tous les prisonniers de guerre arméniens, conformément au droit international humanitaire, a conclu le représentant. 

M. YASHAR T. ALIYEV (Azerbaïdjan) a souligné la gravité de la récente escalade, « fomentée par l’Arménie » pour « torpiller » les différents accords signés avec l’aide notamment de membres de ce Conseil.  Pour lui, la déclaration du représentant de l’Arménie montre que ce pays entend toujours se soustraire à l’application des accords signés.  Il a rejeté les allégations du délégué arménien comme étant dénuées de tout fondement, affirmant que « l’Arménie ne respecte pas ses obligations internationales ».  Il est ironique de voir que ce pays, qui a agressé l’Azerbaïdjan, occupé des territoires pendant 30 ans et pratiqué le nettoyage ethnique, se réclame aujourd’hui de principes qu’elle ne cesse de violer et fait appel à ce Conseil alors qu’elle n’en applique pas les résolutions, a asséné le représentant de l’Azerbaïdjan.

M. Aliyev a précisé que c’est cette occupation arménienne de 30 ans qui a empêché la démarcation de la frontière entre les deux pays.  L’Arménie est coupable de violations du droit international, a-t-il répété, en dénonçant les revendications territoriales de l’Arménie.  Le représentant est revenu ensuite sur « la provocation militaire arménienne » qui a eu lieu dans la nuit du 12 au 13 septembre.  Les mesures prises par mon pays pour répondre à ladite provocation ont été limitées et ciblées et aucune victime civile n’a été à déplorer, contrairement à ce qu’affirme l’Arménie, a-t-il assuré.  Il a noté que l’Arménie avait placé ses forces dans des zones densément peuplées le long de la frontière, en violation du droit international, avant de souligner la retenue des forces azerbaïdjanaises, qui ont ciblé les seules installations militaires arméniennes.  Les soldats arméniens capturés sont traités dans le respect du droit international humanitaire, a-t-il ajouté. 

Nous espérons que le bon sens l’emportera et que les tentatives militaires irresponsables de l’Arménie cesseront, a poursuivi le représentant.  Il a dénoncé l’utilisation aveugle de mines par l’Arménie, laquelle fait peser une grave menace sur les civils azerbaïdjanais, avant de détailler les efforts de reconstruction menés dans les territoires précédemment occupés.  « Nous ne voulons pas d’activités militaires dans ces zones car elles menacent les efforts de reconstruction et de réhabilitation », a conclu le représentant, en mettant en garde contre de nouvelles « provocations » arméniennes.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Iraq: Le Conseil de sécurité proroge d’un an le mandat de l’UNITAD

9131e séance – matin
CS/15030

Iraq: Le Conseil de sécurité proroge d’un an le mandat de l’UNITAD

Le Conseil de sécurité a prorogé, ce matin, jusqu’au 17 septembre 2023, le mandat du Conseiller spécial et de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD).

En adoptant à l’unanimité la résolution 2651 (2022), il prie par ailleurs le Conseiller spécial de continuer à lui présenter tous les 180 jours un rapport sur les activités de l’Équipe. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Texte du projet de résolution (S/2022/693)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant ses résolutions 1265 (1999), 1325 (2000), 1368 (2001), 1373 (2001), 1624 (2005), 1894 (2009), 2106 (2013), 2150 (2014), 2170 (2014), 2178 (2014), 2199 (2015), 2242 (2015), 2249 (2015), 2253 (2015), 2322 (2016), 2331 (2016), 2341 (2017), 2347 (2017), 2354 (2017), 2367 (2017), 2368 (2017), 2370 (2017), 2490 (2019), 2544 (2020) et 2597 (2021) et les déclarations de sa présidence sur la question,

Réaffirmant son respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de l’Iraq, conformément aux buts et principes consacrés dans la Charte des Nations Unies,

Rappelant la menace mondiale que représente pour la paix et la sécurité internationales l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) par ses actes de terrorisme, son idéologie extrémiste violente, les attaques flagrantes, systématiques et généralisées qu’il continue de mener contre des civils, ses violations du droit international humanitaire et ses atteintes aux droits humains, en particulier celles commises contre des femmes et des enfants, y compris celles motivées par des motifs religieux et ethniques, et son recrutement de combattants terroristes étrangers, dont il assure la formation et qui font peser une menace sur toutes les régions et tous les États Membres,

Condamnant les actes de violence dont se rend coupable l’EIIL (Daech), en commettant notamment des meurtres, des enlèvements, des prises d’otages, des attentats-suicides, et en se livrant à la réduction en esclavage, à la vente ou à d’autres pratiques aux fins du mariage forcé, à la traite des êtres humains, au viol, à l’esclavage sexuel et à d’autres formes de violence sexuelle, à l’enrôlement et à l’utilisation d’enfants, à des attaques visant des infrastructures critiques, ainsi qu’à la destruction du patrimoine culturel, y compris les sites archéologiques, et au trafic de biens culturels,

Conscient que la commission de tels actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes de génocide fait partie intégrante de l’idéologie et des objectifs stratégiques de l’EIIL (Daech) et est utilisée par l’EIIL (Daech) comme une tactique terroriste, et qu’amener à répondre de leurs actes les membres de l’EIIL (Daech), en particulier ceux qui portent la responsabilité la plus lourde, notamment ceux qui dirigent les opérations, qui peuvent inclure des chefs régionaux ou chefs de rang intermédiaire, et ceux qui commandent et commettent des crimes, contribuera à exposer la situation et pourrait faciliter la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent qui peut mener au terrorisme, notamment en endiguant le financement du groupe terroriste EIIL (Daech) et l’afflux ininterrompu de recrues venues du monde entier rejoindre ses rangs,

Saluant les efforts considérables que déploie le Gouvernement iraquien pour vaincre l’EIIL (Daech), et rappelant la lettre que celui-ci lui a adressée, ainsi qu’au Secrétaire général, le 9 août 2017, dans laquelle il demandait l’aide de la communauté internationale pour s’assurer que les membres de l’EIIL (Daech) répondent des crimes qu’ils avaient commis en Iraq, y compris lorsque ces crimes étaient susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité (S/2017/710),

Soulignant qu’il importe de communiquer en temps voulu aux autorités iraquiennes compétentes les éléments de preuve recueillis par l’Équipe d’enquêteurs créée par la résolution 2379 (2017), de sorte qu’ils puissent être utilisés dans le cadre de procédures pénales justes et indépendantes, conformément au droit international applicable et au mandat de l’Équipe d’enquêteurs,

1.    Réaffirme sa résolution 2379 (2017), par laquelle a été créée l’Équipe d’enquêteurs, dirigée par un Conseiller spécial, et rappelle le mandat qu’il a approuvé (S/2018/119);

2.    Prend note de la demande formulée par le Gouvernement iraquien dans sa lettre datée du 12 septembre 2022 (S/2022/687) et décide de proroger jusqu’au 17 septembre 2023 le mandat du Conseiller spécial et de l’Équipe, toute nouvelle prorogation devant être décidée à la demande du Gouvernement iraquien ou de tout autre gouvernement qui prierait l’Équipe de recueillir des éléments de preuve concernant des actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes de génocide commis par l’EIIL (Daech) sur son territoire, conformément à sa résolution 2379 (2017);

3.    Prie le Conseiller spécial de continuer à lui présenter tous les 180 jours un rapport sur les activités de l’Équipe;

4.    Décide de rester saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: malgré l’impasse politique, l’Envoyée spéciale adjointe pour la Syrie veut croire à un « terrain d’entente » pour « sauver le pays »

9130e séance – matin
CS/15028

Conseil de sécurité: malgré l’impasse politique, l’Envoyée spéciale adjointe pour la Syrie veut croire à un « terrain d’entente » pour « sauver le pays »

Entendue ce matin par le Conseil de sécurité, l’Envoyée spéciale adjointe pour la Syrie a confirmé que le processus politique reste au point mort, la Commission constitutionnelle syrienne n’ayant pas repris ses travaux depuis mai dernier.  Mme Najat Rochdi a souligné la nécessité d’un cessez-le-feu national pour créer un environnement propice à des négociations constructives entre le Gouvernement syrien et l’opposition, en se disant convaincue qu’un « terrain d’entente » reste possible pour « sauver le pays ».  Un vœu partagé par la plupart des membres du Conseil, tandis que la République arabe syrienne, appuyée par la Russie, la Chine, l’Inde et l’Iran, dénonçait des violations de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. 

Assurant qu’elle et l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Geir Pedersen, feront en sorte que la Commission constitutionnelle se réunisse à nouveau sans délai, Mme Rochdi n’a pas caché son inquiétude face aux dernières tensions en date, notamment les frappes israéliennes qui, la semaine dernière, ont entraîné la fermeture de l’aéroport d’Alep, dans le nord de la Syrie.  Après avoir répété que la situation politique ne pourra progresser tant que perdurera la violence, elle a rappelé que la résolution 2254 (2015), considérée comme une feuille de route pour la transition, établit un lien entre le cessez-le-feu et le processus politique parallèle.  Malgré tous les défis qu’implique une désescalade, notamment en raison de la présence en Syrie de groupes terroristes inscrits sur les listes de l’ONU, le cessez-le-feu doit demeurer l’objectif essentiel, a-t-elle plaidé.   

Soucieuse du rétablissement de la confiance entre les parties, Mme Rochdi a réaffirmé l’importance d’apporter des réponses sur le sort des personnes détenues et disparues en Syrie.  Préoccupée par les informations faisant état de détentions arbitraires et de libérations contre rançon, elle s’est félicitée que la voix de ces personnes soit prise en compte dans le rapport du Secrétaire général demandant le soutien du Conseil de sécurité à la création d’un mécanisme international chargé de cette question.  La recommandation du Chef de l’ONU a été saluée par le Directeur général du Centre des médias de Syrie, M. Mazen Darwish, qui a invité le Conseil à faciliter sa mise en œuvre sans délai.

De son côté, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a lui aussi déploré les pertes civiles provoquées par les frappes aériennes et les pilonnages des dernières semaines.  M. Martin Griffiths s’est par ailleurs inquiété de l’annonce d’une épidémie de choléra dans le nord du pays, alors que le système de santé syrien est dévasté par 11 années de conflit.  Le Coordonnateur des secours d’urgence a informé le Conseil que le Plan de réponse humanitaire pour la Syrie, d’un montant de 4,4 milliards de dollars, n’est pour l’heure financé qu’à 25%.  Il a donc appelé les donateurs à honorer leurs promesses, tout en précisant que le total de l’aide nécessaire s’élève à 10,5 milliards de dollars.         

M. Griffiths a également fait état de perturbations dans les acheminements d’aide par pont aérien à la suite des frappes de la semaine dernière.  Assurant que l’ONU fait tout son possible pour étendre les opérations transfrontières dans toute la Syrie, il a préconisé l’envoi de convois à travers les lignes de front pour atteindre les populations du nord-ouest.  Il s’est d’autre part déclaré déterminé à poursuivre une mission transfrontière à Ras el-Aïn, dans le nord-est, dès que les conditions de sécurité le permettront.

Moins positive quant au déploiement de l’aide, la République arabe syrienne a affirmé que les efforts de son gouvernement, de l’ONU et des organisations humanitaires se heurtent à la « politisation » des donateurs occidentaux et aux mesures coercitives unilatérales « illégitimes » imposées à son pays par les États-Unis et l’Union européenne.  Ces mêmes puissances fournissent un « parapluie de protection » à Israël, dont les « forces d’occupation » ciblent des infrastructures civiles, telles que l’aéroport d’Alep, a-t-elle accusé, reprochant en outre aux États-Unis d’utiliser l’Article 51 de la Charte sur la légitime défense pour justifier les frappes de la « soi-disant coalition internationale ».

Pour le délégué, les activités liées à la présence illégale des forces américaines sur le sol syrien relèvent du « crime d’agression ».  En tant que « puissance occupante », les États-Unis doivent également fermer le camp de Roukban, à la frontière avec la Jordanie, où des ruptures d’alimentation en eau ont été causées par des tirs de missiles par des groupes terroristes soutenus par la Türkiye, a-t-il poursuivi, avant de fustiger la « campagne » orchestrée selon lui par des pays occidentaux dans le but de lancer un mécanisme international « biaisé » sur le sort des personnes disparues en Syrie.

En écho, la Fédération de Russie a estimé que la menace d’une autre opération militaire dans le nord du pays, le nombre croissant d’attaques israéliennes, ainsi que la présence militaire illégale des États-Unis et de leurs alliés à l’est de l’Euphrate « aggravent une situation déjà explosive ».  L’ONU, a-t-elle renchéri, ignore les avertissements de Damas quant aux violations de la Charte des Nations Unies et du droit international humanitaire, s’agissant notamment de l’occupation étrangère de la Syrie et du pillage de ses ressources naturelles.  Rejointe par l’Iran, la délégation russe a cependant souhaité une reprise des travaux de la Commission constitutionnelle pour un dialogue intrasyrien direct, sans référence à un lieu précis.

La Chine et l’Inde ont, pour leur part, exhorté les parties à travailler de concert avec l’ONU afin de régler les divergences relatives à l’organe restreint de la Commission constitutionnelle, tout en enjoignant la communauté internationale à lutter contre toutes les forces terroristes présentes en Syrie et à garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations liminaires

Mme NAJAT ROCHDI, Envoyée spéciale adjointe pour la Syrie, a tout d’abord mis l’accent sur les défis importants que doit relever la Commission constitutionnelle et assuré qu’elle et l’Envoyé spécial feront tout pour que ladite Commission se réunisse à nouveau au plus vite.  Plaidant pour un rétablissement urgent de la confiance entre les différentes parties prenantes, elle a estimé que les principales questions au cœur du processus politique sont la sécurité des civils, la consolidation du cessez-le-feu, l’effondrement économique du pays, le sort des personnes détenues et disparues, et la participation des femmes au règlement du conflit.  Il y a deux semaines, a-t-elle rappelé, l’Envoyé spécial a réclamé de la retenue aux parties au conflit.  Or, des civils continuent d’être tués, blessés, mutilés et déplacés en Syrie, tandis que des moyens de subsistance sont détruits, a-t-elle dénoncé, faisant état de tirs de roquettes et d’artillerie lourde dans plusieurs régions, mais aussi d’attaques de drones dans le Nord, de frappes aériennes israéliennes ayant entraîné l’arrêt des activités à l’aéroport d’Alep et d’opérations terroristes à Hol.  Répétant que la situation politique ne pourra progresser de manière décisive tant que perdurera la violence, Mme Rochdi a rappelé que la résolution 2254 (2015) établit un lien entre le cessez-le-feu et le processus politique parallèle.  Elle s’est dite consciente de la kyrielle de défis liés à la désescalade et la présence de groupes terroristes inscrits sur les listes de l’ONU.  Mais, à ses yeux, le cessez-le-feu doit demeurer l’objectif essentiel, dans le respect du droit international humanitaire et des droits humains. 

Évoquant ensuite la situation humanitaire, l’Envoyée spéciale adjointe a noté que les accès à l’aide restent limités.  Appelant à l’application de la résolution 2642 (2022) par tous les moyens possibles, à travers les lignes de front ou de manière transfrontalière, elle a souhaité que tout soit fait pour que les besoins diminuent, ce qui dépend en premier lieu d’une désescalade de la violence.  Elle s’est également prononcée pour le retour digne, sûr et volontaire des personnes déplacées, qui lui aussi sera tributaire d’un environnement neutre et apaisé.  Pour Mme Rochdi, stabiliser le conflit et avancer sur la voie d’un règlement politique durable est le seul moyen qu’a le pays de se relever.  Mais, entre-temps, les populations doivent se nourrir et se chauffer, a-t-elle relevé, avant d’énumérer les facteurs qui ont contribué à maintenir l’économie syrienne dans une situation inextricable. 

L’Envoyée spéciale adjointe a ensuite insisté sur la nécessité d’apporter des réponses quant au sort des personnes détenues et disparues.  En tentant de trouver de telles réponses, leurs proches sont souvent victimes d’actes d’extorsion et de pots de vin, s’est-elle indignée, avant de se dire préoccupée par les informations faisant état de détentions arbitraires et de libérations contre rançon.  Elle a assuré s’y consacrer, aux côtés d’organisations de la société civile et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, et s’est félicitée que la voix des personnes détenues et disparues soit prise en compte dans le rapport du Secrétaire général demandant le soutien du Conseil de sécurité à la création d’un nouvel organe international chargé de ces questions.  Elle a, d’autre part, réaffirmé l’importance de la participation effective des femmes au processus politique, précisant avoir rencontré avec l’Envoyé spécial, les membres du Conseil consultatif des femmes il y a deux semaines à Genève.  Ces discussions, a-t-elle indiqué, nous ont permis de mieux comprendre la situation des femmes et des filles dans ce conflit, mais aussi le danger lié à l’exode des jeunes, les exactions dont sont victimes les réfugiés et les personnes déplacées internes, et le peu d’accès des enfants à l’éducation et à la santé.  Ce dialogue avec la société civile, qui a lieu dans le cadre des efforts de facilitation du Bureau de l’Envoyé spécial, nous aide à faire avancer le processus politique, s’est félicitée la haute fonctionnaire, selon laquelle, en dépit des divergences observées, un terrain d’entente reste possible entre Syriens.  Ils peuvent se réunir pour sauver leur pays, a-t-elle conclu.    

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a relevé qu’au cours des dernières semaines, des frappes aériennes et des bombardements le long des lignes de front ont provoqué des pertes civiles, fait de nombreux blessés et interrompu les moyens de subsistance.  Il a parlé de l’attentat du 12 septembre au cours duquel trois enfants auraient été tués et quatre personnes blessées lorsqu’un engin explosif improvisé, attaché à une moto, a explosé à proximité du camp de Tweineh près de la ville de Hassaké.  Il a dit être particulièrement préoccupé par l’annonce d’une épidémie de choléra dans le nord de la Syrie.  L’épidémie est un rappel brutal de l’importance de notre soutien continu au peuple syrien, d’autant plus que le système de santé est déjà dévasté par des années de conflit, a-t-il relevé.  Dans le nord-est, en plus de l’épidémie de choléra, des pénuries d’eau critiques sont signalées dans la province de Hassaké.

Abordant la question des efforts de relèvement rapide, M. Griffiths a indiqué qu’avec le soutien des donateurs, et conformément à l’approche humanitaire globale de relèvement précoce, plus de 4 millions de Syriens ont bénéficié de projets pour contribuer au relèvement rapide et à la résilience depuis le début de cette année.  Nous avons besoin de l’engagement et du soutien des donateurs, a-t-il souligné, en précisant que le plan de réponse humanitaire pour la Syrie fait partie des appels les plus importants au monde en 2022, d’un montant de 4,4 milliards de dollars.  En outre, dans la région, le plan de résilience a besoin d’environ 6,1 milliards de dollars pour répondre aux besoins des réfugiés syriens, portant le total de l’aide nécessaire à 10,5 milliards.  Un montant qui reflète la gravité des besoins humanitaires en Syrie et dans la région après plus de 11 années de crise, a-t-il justifié.  Lors de la sixième conférence de Bruxelles en mai 2022, les donateurs ont promis 4,3 milliards de dollars pour la Syrie et la région, a-t-il rappelé.  À ce jour, seulement environ un quart de la réponse humanitaire est financée, ce qui est très faible par rapport à d’autres crises majeures, s’est-il désolé.

Le Coordonnateur des secours d’urgence a indiqué que 14,6 millions de personnes en Syrie, dont plus de la moitié sont des enfants, ont besoin d’assistance humanitaire.  De même, 12 millions de personnes font face à une insécurité alimentaire aiguë à un moment où les familles se préparent à faire face à un autre hiver rigoureux.  Je remercie les donateurs ayant honoré leurs promesses, mais nous avons besoin que toutes soient tenues, a plaidé M. Griffiths.  Le financement des programmes de relèvement rapide et de moyens de subsistance doit également être accru, parallèlement à une assistance vitale, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne l’accès humanitaire, le Secrétaire général adjoint a relevé que les frappes aériennes depuis la dernière réunion du Conseil ont perturbé les opérations d’assistance humanitaire par voie aérienne à l’aéroport d’Alep.  Toutes les activités humanitaires doivent reprendre dès que possible dans le camp de Hol, a-t-il dit, assurant que l’ONU continue de faire tout son possible pour étendre les opérations transfrontières dans toutes les parties de la Syrie.  Dans le nord-ouest, l’Organisation a finalisé un plan révisé pour assurer un meilleur accès aux personnes ayant besoin d’assistance.  Pour que cela se produise, nous devons effectuer plusieurs convois à travers les lignes de front sans entrave, avec un nombre accru de camions dans chaque convoi, a-t-il expliqué.  Pour mettre en œuvre le plan complet, nous aurons besoin de l’entière coopération des parties concernées, a souligné le Coordonnateur des secours d’urgence.  Nous restons déterminés à poursuivre une mission transfrontière à Ras al-Aïn dès que les conditions de sécurité le permettront, a-t-il ajouté.

Le haut fonctionnaire a terminé en évoquant l’histoire de Rasha, mère de quatre enfants et leader communautaire à Edleb.  Rasha vit dans un camp de personnes déplacées avec 1 200 autres familles, dont beaucoup ont des besoins spéciaux, sont atteintes de handicaps et affligées par des blessures de guerre.  Rasha a elle-même a eu la colonne vertébrale gravement endommagée en 2019, après avoir été pratiquement enterrée vivante sous les décombres lors d’un attentat à la bombe.  Cette dame qui vit désormais en fauteuil roulant a reçu un soutien financier pour créer un jardin d’enfants et un centre de physiothérapie dans le camp.  Rasha, qui a dit que le centre avait maintenant besoin d’un soutien supplémentaire, est restée optimiste et déclaré que « rien n’est impossible quand il y a de la volonté et de l’action ».  C’est justement ce dont nous avons besoin de la part des parties au conflit, de ce Conseil et de tous les États Membres, a résumé en conclusion le Secrétaire général adjoint.

M. MAZEN DARWISH, Directeur général du Centre des médias de Syrie, a demandé aux responsables syriens et aux membres du Conseil de cesser de faire de la Syrie un champ de bataille pour régler leurs comptes par procuration et de forger des partenariats concrets avec le peuple syrien.  Il a souligné l’importance de respecter la souveraineté et l’indépendance de son pays ainsi que son intégrité territoriale.  Tant que la Syrie ne retrouvera pas la démocratie et sa souveraineté, elle ne pourra pas régler les problèmes, notamment celui posé par les mercenaires.  Après avoir rappelé le nombre de victimes civiles et la catastrophe humanitaire dans le pays, M. Darwish a dénoncé le racisme dont sont victimes les réfugiés syriens dans certains pays d’accueil.  Évoquant le droit au retour de ces mêmes réfugiés, l’intervenant a demandé que cela se fasse conformément au droit international en offrant de la protection aux déplacés qui souhaitent rentrer en Syrie.

L’intervenant a salué la création d’un mécanisme international indépendant chargé de faire la lumière sur le sort des disparus.  Il a ensuite appelé tous les membres du Conseil à entériner les recommandations du Secrétaire général et à faciliter immédiatement leur mise en œuvre.  Il n’y a plus lieu de discuter, a insisté l’intervenant, qui a rejeté tout délai supplémentaire dans l’activation de ce mécanisme.  Selon lui, la majorité des Syriens rêvent du jour où un règlement pacifique se concrétisera sur la base de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et du Communiqué de Genève.  Pour qu’un règlement du conflit soit pérenne, celui-ci devrait aussi se fonder sur la justice transitionnelle, a-t-il ajouté, en rappelant l’initiative du Mexique et de la France et le code de conduite qui avait été proposé par la Suisse appelant à abroger le droit de veto dans le cas où seraient perpétrées des atrocités de masse.  Le seul objectif en Syrie doit être la paix, a conclu M. Darwish. 

Déclarations

Intervenant au nom des porte-plumes du dossier humanitaire sur la Syrie (Irlande et Norvège), Mme MONA JUUL (Norvège) s’est préoccupée de l’impact sexospécifique du conflit, notamment du risque de mariage précoce pour les filles et du recrutement de garçons par des groupes armés.  Elle a appelé à une réponse humanitaire holistique et élargie et suffisamment financée, y compris pour protéger contre la violence sexuelle et sexiste.  La représentante s’est également inquiétée du fait que 2,4 millions d’enfants sont déscolarisés en Syrie où une école sur trois n’est plus utilisée à des fins éducatives, exhortant notamment les parties à s’abstenir d’utiliser les écoles à des fins militaires.

Après avoir insisté sur l’importance d’identifier les personnes disparues, la déléguée a attiré l’attention sur la flambée de choléra en Syrie qui souligne, à ses yeux, l’importance d’assurer l’accès sûr, rapide et sans entraves des fournitures médicales.  En tant que porte-plumes, nous n’avons eu de cesse d’appuyer toutes les modalités de livraison de l’aide humanitaire, à la fois transfrontalière et par-delà les lignes de front, a-t-elle indiqué.  Elle a estimé que l’ONU et ses partenaires doivent être autorisés à utiliser ces deux modalités, tout en appelant à progresser davantage pour ce qui est des livraisons humanitaires par-delà les lignes de front.  Mais il va également sans dire que le mécanisme transfrontalier est une ligne de vie essentielle pour des millions de personnes dans le nord-ouest du pays.  À l’approche de l’hiver, le Conseil doit assumer ses responsabilités et veiller à son maintien, a-t-elle insisté.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a dit que la nouvelle flambée de choléra en Syrie représente une grave menace, une crise supplémentaire pour la population déjà accablée par 11 ans de conflit.  Elle a rappelé qu’en raison de son soutien fervent à la population syrienne, sa délégation s’était prononcée en faveur d’une prorogation d’un an du mécanisme d’aide transfrontalière, plaidant pour que ce soit le cas en janvier.  La représentante a rappelé que les États-Unis avaient promis 800 millions de dollars d’assistance humanitaire pour la Syrie lors de la Conférence de Bruxelles, annonçant une contribution supplémentaire d’un montant de 756 millions, pour notamment lutter contre l’insécurité alimentaire et financer les programmes de relèvement précoce dans les 14 provinces du pays.  Mais nous ne pouvons pas être seuls à répondre à ces besoins et invitons les autres pays à faire davantage, a-t-elle plaidé. 

En outre, la représentante a rappelé que seule une solution politique pourrait permettre au peuple syrien de connaître la paix.  Le retard dans le processus de la Commission constitutionnelle a un coût humanitaire, a-t-elle noté, avant d’appeler le régime d’Assad à œuvrer pour que les 30 000 disparus et détenus soient retrouvés.  Il est frustrant de tenir les mêmes réunions mois après mois et de constater que rien ne bouge, a-t-elle dit.  Il est plus que temps que le régime d’Assad et la Fédération de Russie prennent leurs responsabilités et répondent aux appels du peuple syrien, a-t-elle conclu. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté que la situation ne s’est pas améliorée en Syrie, comme en atteste le « sombre festival d’horreurs » décrit par les intervenants.  Sur le terrain, a-t-il relevé, les hostilités se poursuivent, avec des frappes et des pilonnages qui font des victimes parmi les civils.  Le conflit demeure donc intense et fait courir de graves risques d’escalade, a averti le représentant, avant d’évoquer la grave situation humanitaire qui en découle.  Plaidant pour que l’aide soit acheminée à tous, où que ce soit en Syrie, il a demandé la pleine application de la résolution 2642 (2022) afin que les livraisons aient lieu par tous les moyens possibles, y compris via le mécanisme transfrontalier qui demeure un instrument vital pour la population.  À cet égard, le représentant a appelé à une prorogation de 12 mois dudit mécanisme.  Sur le plan politique, il s’est dit déçu par le peu de résultat des travaux de la Commission constitutionnelle quand celle-ci parvient à se réunir.  Se disant favorable à l’approche progressive défendue par l’ONU, il a toutefois estimé que l’Envoyé spécial ne peut agir seul.  Dans ce contexte d’« agonie » de la Syrie, le délégué a salué l’implication de la société civile dans la recherche de solution.  Il a par ailleurs rappelé qu’après 11 années de conflit et de souffrances, la Syrie est aujourd’hui le pays qui compte le plus grand nombre de détenus et de disparus.  Appelant à la création d’un organisme indépendant sur le sort des disparus, il a qualifié cette question de prioritaire pour appuyer les familles à récréer la confiance.  Il s’est enfin alarmé de la situation sécuritaire et humaine dans le camp de Hol, où des violences, notamment sexuelles, sont rapportées.  À ses yeux, la reddition de comptes est essentielle pour assurer une paix pérenne, conformément à la résolution 2254 (2015). 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a rappelé que l’avenue la plus viable pour une paix et une stabilité durables est un processus politique dirigé par les Syriens eux-mêmes, avec le soutien de la communauté internationale, en particulier l’ONU.  Le représentant a exhorté les parties et les acteurs concernés à insuffler un nouveau souffle au fragile processus politique, notamment par le biais des trois éléments suivants.  Tout d’abord, un retour à la neuvième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle.  Ensuite, un accord entre les parties sur les modalités de la reprise des pourparlers dès que possible, afin de contribuer à jeter les bases de la reprise du processus politique tant attendu.  Enfin, un engagement en faveur de mesures de confiance, notamment le règlement de la situation des détenus, la facilitation de la libération des personnes vulnérables détenues, telles que les personnes âgées, les femmes et les enfants, et la clarification du statut des personnes disparues.  Des progrès dans ces domaines contribueraient également de manière positive à l’approche graduelle de l’Envoyé spécial, conformément au droit international humanitaire, a précisé le représentant. 

M. Agyeman a par ailleurs cité le renforcement du rôle des acteurs régionaux et de la communauté internationale dans le soutien au processus politique, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité.  Les A3 se sont ensuite dits alarmés de la poursuite des frappes aériennes aveugles, des bombardements mutuels et des attaques à la roquette ainsi que par l’utilisation d’engins explosifs sur les lignes de front.  Il est impératif que les parties s’engagent à protéger les civils, les travailleurs humanitaires et les infrastructures civiles conformément au droit international humanitaire et aux résolutions pertinentes des Nations Unies, car il est de plus en plus clair, comme l’a déclaré à plusieurs reprises l’Envoyé spécial, que les options militaires ne mettront pas fin à la guerre, a ajouté le délégué.  En outre, les A3 soulignent la nécessité d’actions collectives décisives pour combattre les groupes figurant sur la liste du Conseil de sécurité, tels que Daech et Hay’at Tahrir el-Cham (HTS). 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a jugé décevant que la Fédération de Russie continue de bloquer le travail de la Commission constitutionnelle.  Pour elle, Genève est le lieu convenu des pourparlers de la Commission, dont les travaux doivent être menés et dirigés par les Syriens.  Elle a invité les parties à laisser de côté le débat relatif au lieu des pourparlers pour se focaliser sur les questions de fond.  La représentante a salué la publication aujourd’hui du rapport de la Commission d’enquête qui met en lumière l’impact disproportionné du conflit sur les femmes et les filles.  L’aide doit parvenir aux 14,6 millions de Syriens qui en ont le plus besoin, a-t-elle dit, avant de souligner que rien ne remplace la portée et l’ampleur de l’opération transfrontière mandatée par le Conseil de sécurité.  Nous espérons que le Conseil s’unira pour sauver des vies et éviter toute interruption de l’opération transfrontalière dont dépendent des millions de civils, a conclu la déléguée. 

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a dit être préoccupée par la poursuite des affrontements en Syrie, condamnant les attaques lancées contre l’aéroport d’Alep au début du mois et les mouvements de troupes dans la frontière nord.  Elle a appelé au respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  La représentante a souligné l’importance de redoubler d’efforts en faveur d’un cessez-le-feu national.  Elle a regretté qu’à ce jour, il n’ait pas été possible de convoquer la neuvième session de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle.  La déléguée a encouragé à travailler sur des mesures de confiance, telles que la question des personnes détenues et disparues et l’obligation de rendre des comptes.  Prenant note du rapport du Secrétaire général, la représentante a insisté sur l’importance de clarifier le statut des personnes disparues, d’identifier les restes et d’offrir un appui complet aux victimes et aux familles des personnes disparues et détenues arbitrairement. 

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a estimé que la Commission constitutionnelle demeure un volet essentiel du processus de règlement politique en Syrie et doit reprendre ses travaux.  Elle a ensuite réitéré son opposition à toute ingérence étrangère, avant d’exprimer sa préoccupation face à la multiplication des attaques terroristes dans le pays.  Cette tendance reflète selon elle la menace qui pèse sur la Syrie sur le plan sécuritaire et rappelle l’importance cruciale de la lutte contre Daech.  La représentante s’est par ailleurs inquiétée de la situation humanitaire, constatant qu’un nombre croissant de Syriens n’ont plus accès aux services essentiels.  Elle s’est particulièrement alarmée de la situation dans le camp de Hol, qui exige l’appui continu de la communauté internationale.  Avertissant que Daech y diffuse son idéologie terroriste, elle a également attiré l’attention du Conseil sur le fait que 75% des assassinats dans le camp ont visé des femmes, lesquelles sont aussi victimes de violences sexuelles.  La déléguée a aussi évoqué le danger des mines et des engins non explosés, qui menacent un Syrien sur deux, saluant les efforts engagés pour les éliminer, notamment ceux du Service de la lutte antimines de l’ONU.  Pour finir, elle a souhaité que tout soit mis en œuvre pour améliorer les conditions de vie des Syriens, à commencer par l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire. 

M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) s’est concentré sur le volet politique de la crise syrienne.  Il a déclaré appuyer les efforts de l’Envoyé spécial visant à donner un nouvel élan au processus politique.  Après avoir renouvelé son appel à la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, il a demandé à Damas de s’engager pleinement et de manière significative en faveur de la Commission constitutionnelle.  Le représentant a par ailleurs salué les échanges en cours avec le Conseil consultatif des femmes et la société civile.  À ses yeux, la nouvelle Constitution et le processus politique connexe doivent être inclusifs et doivent bénéficier de la pleine participation des femmes.  Le délégué s’est d’autre part félicité de l’étude du Secrétaire général sur les personnes portées disparues en Syrie.  Il a dit croire que le mécanisme proposé et le soutien aux familles des disparus pourra apporter des éléments de réponse sur le sort de leurs proches.  Dans l’immédiat, il a appelé les autorités syriennes à plus de transparence sur la libération de personnes détenues arbitrairement et sur la mise en œuvre du décret d’amnistie annoncé en avril dernier.

M. GENG SHUANG (Chine) a dit qu’un processus politique dirigé et contrôlé par les Syriens eux-mêmes est le seul à même de régler la crise syrienne.  Il a donc exhorté les parties à travailler de manière constructive avec l’ONU afin de régler les divergences relatives à l’organe restreint de la Commission constitutionnelle afin de lui permettre de se réunir le plus tôt possible.  S’agissant des problèmes sécuritaires en Syrie, la communauté internationale devra adopter une position unique sur la base du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité pour lutter contre toutes les forces terroristes présentes sur le terrain, a déclaré le représentant, en souhaitant la mise en œuvre du principe de tolérance zéro contre tous les soutiens des forces terroristes.  La souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent être respectées, a insisté le représentant, pour qui la création, sans le consentement du Gouvernement syrien, de bases militaires dans le pays constitue une grave violation de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.  Le représentant a enfin demandé d’améliorer et d’accélérer l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie avec un calendrier fixe. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a jugé que l’impasse du processus politique est « intenable », l’organe restreint de la Commission constitutionnelle ne s’étant plus réuni depuis mai dernier.  Bien que l’Envoyé spécial s’efforce de poursuivre le dialogue avec les parties, nous ne voyons aucun résultat positif, a-t-elle déploré, regrettant que les participants aux pourparlers ne fassent pas montre de compromis.  La représentante a toutefois réitéré son appui à la résolution 2254 (2015), avant d’appeler le Conseil à soutenir les efforts de l’Envoyé spécial, en particulier son approche progressive.  Elle s’est par ailleurs déclarée rassurée par la poursuite de la normalisation des relations entre la Syrie et ses voisins, tout en s’inquiétant des agissements d’acteurs externes qui compromettent sa souveraineté et son intégrité territoriale.  Selon elle, l’urgence est de s’efforcer de parvenir à un cessez-le-feu national mais aussi d’obtenir le retrait des troupes étrangères.  Il convient aussi de répondre à la menace des groupes terroristes qui se renforcent dans le pays, a-t-elle ajouté, considérant que la lutte collective contre ce fléau ne pourra être renforcée qu’en assurant la reddition des comptes.  S’agissant de l’aide humanitaire, la déléguée a reconnu que les opérations d’acheminement transfrontières sont « importantes » sans pour autant être « éternelles ».  Il importe par conséquent de lever les obstacles aux livraisons à travers les lignes de front, a-t-elle préconisé, plaidant pour que le processus d’aide ne soit pas « politisé ».  Enfin, face aux graves pénuries de carburants et d’électricité que connaît le pays, elle a souhaité que la communauté internationale offre des débouchés économiques au peuple syrien. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a appelé toutes les parties à respecter le droit international humanitaire, y compris l’interdiction de commettre des attaques sans discrimination et l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter de nuire aux civils et aux infrastructures civiles.  Il a jugé très préoccupante la situation dans le camp de Hol.  Il a félicité le Gouvernement iraquien de ses efforts de rapatriement de ses ressortissants et appelé les autres gouvernements à faire pareil.  Le délégué a dit espérer que la Commission constitutionnelle sera bientôt en mesure de se réunir à nouveau, peut-être avec de nouvelles idées et une volonté politique renouvelée. 

Le Brésil appuie la mise en œuvre de la résolution 2642 (2022) dans tous ses aspects, a-t-il indiqué, ajoutant que l’aide humanitaire doit continuer à parvenir à tous ceux qui en ont besoin via toutes les modalités, transfrontalières et au travers les lignes de front.  Il a jugé inquiétant que le financement global de la réponse humanitaire en Syrie ne représente actuellement qu’environ 25% du montant demandé.  Les progrès en matière de relèvement rapide doivent se poursuivre, mais sans financement adéquat, nous aurons bientôt un nouvel afflux de mauvaises nouvelles sur le terrain, d’autant plus que les mois d’hiver sont déjà proches, a-t-il mis en garde.  Nous rappelons également que les effets humanitaires des sanctions ne doivent pas être négligés, a déclaré le délégué. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit qu’il n’y a pas d’autres solutions que le règlement politique de la crise en Syrie, un processus mené et dirigé par les Syriens avec l’aide de l’ONU.  Il a souligné l’importance de la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle comme format pour un dialogue intra-syrien direct, sans référence à un lieu précis.  Dans le cadre du processus d’Astana, la Fédération de Russie contribue à la réalisation de la normalisation à long terme de la situation en Syrie, a affirmé le représentant, en notant les tensions sur le terrain.  La menace persistante d’une autre opération militaire dans le nord du pays, le nombre croissant d’attaques arbitraires lancées par l’armée de l’air israélienne, ainsi que la présence militaire étrangère illégale continue des États-Unis et de leurs alliés à l’est de l’Euphrate aggravent une situation déjà explosive, a-t-il accusé.  L’ONU, a-t-il dénoncé, ignore les nombreux appels de Damas quant aux violations de la Charte des Nations Unies et du droit international humanitaire, en particulier l’occupation américaine des régions de la Syrie et le pillage américain des ressources naturelles syriennes.  Selon le Ministère syrien du pétrole et des ressources naturelles, les pertes du secteur énergétique depuis 2011 à cause des actions des États-Unis et de l’administration kurde se sont élevées à plus de 107 milliards de dollars.

Le représentant a demandé aux pays occidentaux de renoncer à leur politique d’isolement international de la Syrie et de cesser d’entraver le processus de son retour dans la famille arabe.  Cela contribuerait à accroître l’efficacité de la lutte contre le terrorisme et à accélérer le processus de retour des réfugiés syriens dans leur pays d’origine, a-t-il estimé.  Il a regretté en outre que l’aide humanitaire soit selon lui utilisée pour consolider les divisions territoriales de la Syrie et saper la souveraineté de Damas.  Selon lui, les États-Unis et leurs alliés étranglent les Syriens à l’aide de sanctions unilatérales illégales, tout en faisant preuve d’indulgence dans les zones non contrôlées par Damas.  La volonté de maintenir à tout prix les réfugiés syriens dans les pays d’accueil est également révélatrice, ainsi que la présence des camps de Hol et de Roukban.  Le représentant a réitéré que la responsabilité de ce qui se passe dans l’Euphrate, ainsi que dans la zone de Tanf, incombe entièrement aux États-Unis.  Selon lui, la résolution 2642 (2022) du Conseil de sécurité doit être mise en œuvre de manière urgente pour dépolitiser et étendre l’aide humanitaire internationale à la Syrie, a rappelé le délégué. 

Intervenant en sa capacité nationale, Mme MONA JUUL (Norvège) a déclaré que la question des détentions arbitraires et des personnes disparues revêt de la plus grande importance, notant que tout progrès à ce propos est essentiel pour le processus politique et la réconciliation.  Elle a salué l’amnistie annoncée par les autorités syriennes en avril, regrettant toutefois le peu de progrès réalisé pour assurer sa mise en œuvre.  De même, elle a déploré l’impasse dans laquelle se trouve la Commission constitutionnelle, exhortant les parties à y contribuer de manière constructive et de bonne foi.  La représentante a par ailleurs souligné que l’escalade de la violence dans le nord de la Syrie appelle à l’établissement d’un cessez-le-feu national.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a souligné qu’il n’y aura pas de paix durable en Syrie sans processus politique, déplorant que celui-ci soit au point mort.  Il a relevé que la Commission constitutionnelle ne se réunit plus, et que le « régime » n’a consenti à partager aucune information s’agissant de la mise en œuvre du dernier décret d’amnistie.  Alors que le nombre de personnes disparues en Syrie est estimé à plus de 100 000, le régime refuse toujours de publier des listes de prisonniers ou de délivrer des certificats de décès, a également décrié le représentant qui a souligné qu’en l’absence de tout progrès du processus politique, les positions françaises, comme européennes, sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction demeurent inchangées.

Le délégué a ensuite indiqué que le renouvellement pour six mois seulement du mécanisme humanitaire transfrontalier a créé des difficultés opérationnelles sur le terrain, évoquant notamment une augmentation des coûts liée tant à l’inflation qu’à la durée réduite du renouvellement du mécanisme.  Les progrès en matière d’accès « crossline » doivent bien sûr se poursuivre mais ne pourraient se substituer aux opérations transfrontalières qui représentent en moyenne 800 camions d’aide qui franchissent chaque mois la frontière turque.  Il a jugé impératif que le mécanisme transfrontalier d’aide humanitaire soit renouvelé en janvier prochain, pour au moins un an.

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a commencé par dénoncer la multiplication des « agressions » israéliennes contre son pays, alors que le Gouvernement syrien s’efforce de rétablir la sécurité et la stabilité.  Il a accusé les « forces d’occupation israéliennes » de cibler systématiquement des installations civiles, comme cela a été le cas la semaine dernière avec des attaques aux missiles contre l’aéroport d’Alep, qui a dû être fermé.  Le représentant a donc renouvelé son appel au Conseil de sécurité pour qu’il condamne ces attaques qui menacent la paix et la sécurité régionales et internationales.  Il a ensuite déploré que les États-Unis et leurs alliés occidentaux fournissent un « parapluie de protection » à Israël au sein du Conseil.  Selon lui, ces pays doivent cesser de pratiquer une politique du « deux poids, deux mesures » et réaliser que, faute d’une réaction de l’ONU, ces attaques risquent de créer des risques qu’il sera difficile de contenir à l’avenir.  De surcroît, s’est-il indigné, des forces militaires américaines continuent d’être illégalement présentes en Syrie et, par leur soutien continu aux milices séparatistes et aux groupes terroristes, procèdent au pillage du pétrole et d’autres ressources naturelles du peuple syrien, en plus d’imposer au pays des mesures coercitives « inhumaines ».  Le délégué a également condamné l’utilisation « sans fondement » de l’Article 51 de la Charte par les membres de la « soi-disant coalition internationale ».  Il a rappelé à cet égard qu’il a adressé un courrier au Conseil, le 6 septembre, en réponse à la justification par les États-Unis du recours à la légitime défense dans le cadre de leur intervention.  À cette occasion, a-t-il dit, j’ai souligné que les activités liées à la présence illégale des forces américaines constituent un « crime d’agression ». 

Le représentant a d’autre part noté que les efforts de son gouvernement, de l’ONU et des organisations humanitaires destinés à améliorer les conditions de vie des Syriens se heurtent à de grandes difficultés, en partie dues à la « politisation » du travail humanitaire par les donateurs occidentaux et aux mesures coercitives unilatérales illégitimes imposées par les États-Unis et l’Union européenne.  À ses yeux, seule la pleine mise en œuvre de la résolution 2642 (2022), y compris l’avancement des projets de relèvement rapide, permettra d’avancer dans la bonne direction.  Mais les entraves à l’accès de l’aide et la réticence des pays donateurs à remplir leurs obligations de financement du plan de réponse humanitaire en Syrie « n’augurent rien de bon ».  Il a dit attendre avec intérêt le dialogue interactif informel prévu à la fin du mois qui permettra de vérifier les progrès accomplis dans l’application de cette résolution, d’identifier les lacunes et d’évaluer les moyens de les surmonter. 

Poursuivant, le délégué a évoqué les souffrances dues aux ruptures d’alimentation en eau dans le nord-est du pays.  Ces coupures sont la conséquence de tirs de missile sur une station par des groupes terroristes soutenus par la Türkiye, laquelle a déjà réduit le débit d’eau vers l’Euphrate et le Tigre, a accusé le délégué, regrettant là encore l’absence de condamnation de ces faits. 

Il s’est également alarmé de la souffrance humaine dans le camp de Roukban, estimant que la Puissance occupante, à savoir les États-Unis, en porte la responsabilité.  Pour le représentant, ce camp doit être fermé, tout comme doit l’être aussi celui de Hol, situé dans le « nord-est séparatiste ».  Selon lui, les États-Unis doivent procéder à ces fermetures après avoir facilité le retour des ressortissants de pays tiers détenus vers leurs pays d’origine.  La Syrie, a-t-il assuré, facilitera la poursuite de cet objectif. 

 Enfin, il s’est élevé contre la « campagne » organisée par des pays occidentaux dans le but de lancer un mécanisme international sur le sort des personnes disparues en Syrie.  Le véritable objet de cette initiative n’est pas de connaître le sort des personnes aux mains des groupes terroristes comme Hay’at Tahrir el-Cham, ni de révéler la brutalité barbare des actions de la coalition internationale, a-t-il relevé.  Il s’agit de lancer un nouveau mécanisme « biaisé » pour accentuer les pressions sur la Syrie et son peuple.  Dans ce contexte, a-t-il conclu, le rétablissement de la paix et de la stabilité en Syrie dépend de la volonté des pays occidentaux de mettre fin à leur embargo économique, de cesser de soutenir le terrorisme et de retirer les forces étrangères du territoire syrien. 

Pour M. AMIR SAEID JALIL IRAVANI (République islamique d’Iran), il n’y a pas de solution militaire en Syrie.  La lutte contre le terrorisme ne doit pas être exploitée pour saper la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, a-t-il demandé, en exigeant la fin à la présence illégale de forces étrangères dans certaines parties de la Syrie.  Il a fustigé les frappes aériennes militaires menées dans le nord-est de la Syrie par des forces étrangères illégales.  La libre circulation des groupes terroristes sur le territoire syrien, où des forces étrangères sont illégalement présentes, met en danger la paix et la sécurité régionales et internationales, a martelé le représentant.  Il a également condamné le « régime israélien » pour son attaque contre l’aéroport international d’Alep le 31 août, demandant au Conseil de sécurité de le tenir responsable de ces actes. 

En ce qui concerne le processus politique, le délégué a dit appuyer la convocation de la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle pour parvenir à une solution politique.  Elle doit travailler dans le strict respect de son mandat et de son règlement, sans influence ou pression extérieure, et sans imposer de délais artificiels, a-t-il prévenu.  Et le processus doit être dirigé et contrôlé par les Syriens, le rôle de l’ONU se limitant à la facilitation, a-t-il ajouté.  S’agissant de la crise humanitaire désastreuse, le représentant a déclaré que la fourniture d’une aide humanitaire est essentielle et les circonstances politiques ne doivent pas empêcher celle-ci d’atteindre les nécessiteux.  Selon lui, les sanctions unilatérales illégales contre le peuple syrien entraînent des conséquences désastreuses pour le peuple syrien, demandant qu’il y soit mis fin.  Le Conseil de sécurité doit veiller à ce que la résolution 2642 (2022) soit appliquée de manière équilibrée et efficace, en particulier en ce qui concerne les projets de relèvement rapide et l’amélioration de l’acheminement transfrontière de l’aide humanitaire.  Il a enfin condamné le vol des ressources naturelles du peuple syrien, en particulier des produits pétroliers, dans les zones occupées par des forces étrangères. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) a dit que le mécanisme d’aide transfrontalière reste important pour les besoins du peuple syrien, souhaitant qu’il soit prorogé pour une période de 12 mois en janvier prochain.  Il a indiqué que l’acheminement à travers les lignes de front doit se poursuivre, mais que cela ne peut pas être la seule approche.  De même, a estimé le représentant, il ne faut pas se focaliser sur le nord-ouest de la Syrie et regarder ce qui se passe ailleurs.  Il a dit que les violations du cessez-le-feu à Edleb, de la part du régime syrien, reste une grande préoccupation.  Il a appelé à la prudence par rapport à des « plans irréalistes qui seraient élaborés sans la contribution des parties présentes sur le terrain ». 

Le délégué a ensuite accusé les Unités de protection du peuple, branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan de perturber sciemment l’approvisionnement en eau.  Il a dit de ne pas s’attaquer aux problèmes syriens sans aborder la question des causes du conflit qui est la répression de la population par le régime.  Il a rappelé que la résolution 2254 (2015) prévoyait des élections libres dans le pays, rappelant que la Türkiye soutient toute solution politique au conflit.  Par ailleurs, le sort de milliers de disparus et détenus touche presque toutes les familles syriennes, a rappelé le représentant, avant de dire que les forces démocratiques syriennes ne sont rien d’autres que des membres du groupe terroriste des Unités de protection du peuple, présent dans le nord-ouest de la Syrie.  Il a accusé ce groupe de réprimer la population, estimant que la Türkiye ne peut rester les bras croisés alors qu’il attaque les forces armées de son pays et les populations des deux côtés de la frontière.  Le délégué a enfin rappelé que son pays abrite plus de 4 millions de réfugiés syriens.

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