Dominé par la guerre en Ukraine, le débat annuel de l’Assemblée générale bruisse d’appels à la paix et à la solidarité avec le monde en développement
L’ombre portée de la guerre en Ukraine a presque fait oublier l’effacement progressif de la pandémie de COVID-19 lors de l’ouverture, aujourd’hui, du débat annuel de l’Assemblée générale, organisé entièrement en présentiel pour la première fois depuis trois ans. Si les appels à la paix se sont multipliés, bon nombre des chefs d’État qui se sont succédé à la tribune ont aussi plaidé pour davantage de solidarité avec les pays en développement, premières victimes des crises en cascade, dans la foulée de la proposition formulée par le Secrétaire général d’un « plan de relance des objectifs de développement durable ». Le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale a quant à lui insisté sur l’urgence climatique, rejoint par une majorité d’intervenants, inquiets d’un point de non-retour.
« Notre monde est au plus mal », a d’emblée constaté M. António Guterres, pour qui l’une des rares lueurs d’espoir, dans ce monde « en proie au tumulte », est venue de l’Initiative céréalière de la mer Noire, conclue par l’Ukraine et la Fédération de Russie, avec le concours de la Türkiye et de l’ONU. Mais, tout encourageant qu’il soit, ce fruit de la « diplomatie multilatérale en action » ne suffira pas pour assurer l’acheminement des denrées vers ceux qui en ont besoin, a concédé le Chef de l’Organisation, avant d’avertir que, faute d’une stabilisation du marché des engrais, c’est l’offre même de produits alimentaires qui pourrait poser problème en 2023.
Alors que les tensions géopolitiques sapent le travail du Conseil de sécurité et les possibilités de coopération internationale, « nous ne pouvons pas continuer comme ça », a martelé le Secrétaire général, en se disant partisan d’une « coalition mondiale » pour agir de concert en faveur de la paix, de l’action humanitaire et de la lutte contre le dérèglement climatique. Dans ce monde où 94 pays, majoritairement africains et abritant 1,6 milliard d’habitants, subissent tout à la fois les retombées de la pandémie, la flambée des prix de la nourriture et de l’énergie liée au conflit en Ukraine, le fardeau d’une dette écrasante, l’inflation galopante et le manque d’accès aux services financiers, il a souhaité que le prochain sommet du Groupe des Vingt (G20), en novembre à Bali, soit l’occasion de lancer un « plan de relance des objectifs de développement durable » (ODD) au profit des pays en développement.
Sur cette même ligne, le Président de la France a appelé à la lucidité sur la situation des pays à revenu faible ou intermédiaire, que la crise de la COVID-19 a considérablement aggravée. M. Emmanuel Macron a ainsi exhorté les pays du G20 à respecter leur engagement de consacrer aux pays en développement 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), en précisant que 30% de ceux-ci devaient être réservés aux pays africains et aux pays les plus pauvres à travers la planète. Un appel partagé par le Président sénégalais, M. Macky Sall, tandis que le Président de la République centrafricaine, M. Faustin Archange Touadera, pointait le « déficit persistant » d’appui financier de la communauté internationale et réclamait le rétablissement du programme de facilité élargie de crédit (FEC), suspendu par le Fonds monétaire international (FMI).
Le Président Sall, en tant que Président en exercice de l’Union africaine, a présenté son continent comme « l’Afrique des solutions », qui peut miser sur ses « gouvernements à la tâche » et sur sa « jeunesse vibrante et créative ». Un continent qui souhaite donc « engager avec tous ses partenaires des rapports réinventés, qui transcendent le préjugé selon lequel qui n’est pas avec moi, est contre moi ». Il a plaidé pour un multilatéralisme et une collaboration respectueuse des différences.
Fustigeant pour sa part le « retour à l’âge des impérialismes » que traduit selon lui l’invasion russe de l’Ukraine, M. Macron a assumé son choix de dialoguer avec la Russie pour tenter de faire progresser une solution au conflit. Il a toutefois jugé qu’une négociation ne sera possible que « si l’Ukraine souveraine le souhaite et si la Russie l’accepte ». Il a ajouté que Moscou ne saurait imposer son point de vue par la force ni par le biais de « simulacres de référendums » dans des territoires actuellement occupés. « Comment tolérer qu’un membre permanent du Conseil de sécurité participe à une guerre génocidaire de conquête et d’anéantissement », s’est quant à lui ému le Président de la Lituanie, M. Gitanas Nausėda, exhortant la communauté internationale à exclure la Russie des forums internationaux. Bien que notre approvisionnement énergétique en pâtisse, nous imposons des sanctions à la Russie, comme 50 autres pays, a rappelé la Présidente de la Slovaquie, Mme Zuzana Čaputová, défendant une position contraire à celle du Brésil de M. Jair Messias Bolsonaro, hostile aux mesures coercitives unilatérales et « sélectives ».
De son côté, le Président de la Türkiye a présenté son pays comme une « force de médiation » entre la Russie et l’Ukraine, assurant que ses initiatives diplomatiques visent à rallier les parties à la cause de la paix et à faciliter un règlement « une fois pour toutes ». M. Recep Tayyip Erdoğan a estimé à cet égard que l’Initiative céréalière de la mer Noire a redonné confiance à la communauté internationale dans l’utilité de l’ONU. Soucieux de voir l’Organisation gagner en inclusivité, il s’est prononcé pour une réforme profonde du Conseil de sécurité, de même que son homologue centrafricain partisan d’une représentation plus juste de tous les continents et que le Premier Ministre du Japon, M. Kishida Fumio, dont le ton était également ferme pour inciter à renforcer le régime de non-prolifération nucléaire.
Évoquant à son tour les effets négatifs du conflit ukrainien sur la sécurité alimentaire et énergétique dans le contexte climatique, le Président des Seychelles a, une nouvelle fois, invité les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement à regarder au-delà de la référence du revenu national brut, arguant qu’il existe un large consensus sur la nécessité d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour l’accès aux financements concessionnels. À l’instar de son homologue des Îles Marshall, M. Wavel Ramkalawan a également rappelé que l’élévation du niveau de la mer constitue une menace existentielle pour les petits États insulaires en développement (PEID), avant de réclamer des actions climatiques audacieuses « au lieu de promesses et d’engagements non tenus ».
Des solutions à la crise du climat existent, a assuré le Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, faisant état d’avancées en matière de coopération scientifique et de diplomatie climatique. « Mais encore faudrait-il que nous ayons envie de les mettre en pratique », a ajouté M. Csaba Kőrösi, saluant au passage l’apport précieux des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), tandis que l’Émir du Qatar mettait en garde contre les appels à l’arrêt des investissements dans les énergies fossiles, alors qu’il faut encore les substituer par des alternatives respectueuses de l’environnement.
Enfin, à la veille de l’intervention du Président du pays hôte, les États-Unis, retardée en raison des funérailles à Londres de la Reine Elizabeth II, le Président de la Colombie a sommé Washington de cesser sa « guerre contre la drogue », afin de sauver de la destruction la forêt amazonienne et des plantes essentielles comme la coca. « Le Frankenstein de l’humanité a laissé le marché et la cupidité agir sans plan, au détriment de la rationalité humaine », a asséné M. Gustavo Petro Urrego.
Le débat général se poursuivra demain, mercredi 21 septembre, à 9 heures.
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR L’ACTIVITÉ DE L’ORGANISATION - A/77/1
Déclarations liminaires
« Notre monde est au plus mal », a averti, dès ses premiers mots, M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, en évoquant les inégalités qui se creusent et les défis qui se propagent. Dans ce monde « en proie au tumulte », il a néanmoins distingué une « image de promesse et d’espoir », montrée en photo à l’écran, celle du Brave Commander, un navire chargé de céréales ukrainiennes destinées aux populations affamées de la Corne de l’Afrique. Ce bateau battant le pavillon de l’ONU « symbolise ce que le monde peut accomplir lorsque nous agissons ensemble », a affirmé le Chef de l’Organisation, avant de saluer l’Initiative céréalière de la mer Noire, rendue possible par l’Ukraine et la Fédération de Russie elles-mêmes, avec le concours de la Türkiye. « D’aucuns pourraient parler de miracle sur mer; en réalité, c’est la diplomatie multilatérale en action. » Chaque navire participant transporte non seulement des vivres mais aussi de l’espoir, a souligné M. Guterres, appelant maintenant à l’action pour atténuer la crise alimentaire mondiale. Cette année, le monde a assez de nourriture; ce qui pose problème, c’est l’acheminement. Mais si le marché des engrais n’est pas stabilisé, c’est l’offre même de produits alimentaires qui pourrait poser problème l’an prochain, a-t-il prévenu, constatant que, déjà, les récoltes des agriculteurs en Afrique de l’Ouest et au-delà sont moindres en raison du prix et de la disponibilité des engrais. Il est donc essentiel, selon lui, de supprimer les obstacles à l’exportation des engrais et de leurs composants, y compris l’ammoniac, qui ne sont pas soumis à des sanctions.
Ce besoin d’action se heurte toutefois à une « mer agitée », a observé le Secrétaire général. En effet, un hiver de mécontentement mondial se profile, une crise du coût de la vie fait rage, la confiance s’effrite, les inégalités explosent, la planète brûle, les gens souffrent et les idéaux de la Charte des Nations Unies sont en danger. Face à aux crises qui menacent l’avenir même de l’humanité, de la guerre en Ukraine à l’urgence climatique et à la perte de biodiversité, en passant par la situation financière désastreuse des pays en développement, la communauté internationale n’est, hélas, « ni prête ni disposée » à y faire face, a-t-il dit, déplorant également l’absence de garde-fous dans l’utilisation des nouvelles technologies. À côté d’avancées comme les neurotechnologies, les cryptomonnaies ou la blockchain, les plateformes de médias sociaux « monétisent l’indignation, la colère et la négativité », a pointé M. Guterres, dénonçant la prolifération des discours de haine et de la désinformation. De plus, nos données sont achetées et vendues pour influencer notre comportement, des logiciels espions échappent à tout contrôle, l’intelligence artificielle compromet l’intégrité des systèmes d’information et « nous ne disposons pas ne serait-ce que d’un embryon d’architecture mondiale globale pour faire face à tout cela ».
Pour le Chef de l’ONU, les progrès sur ces questions sont « pris en otage par les tensions géopolitiques », lesquelles sapent le travail du Conseil de sécurité et les possibilités de coopération internationale. « Nous ne pouvons pas continuer comme ça », a-t-il martelé, avertissant qu’après avoir évolué vers un « G-2 », nous risquons de nous retrouver avec un « G-zéro », sans coopération ni dialogue ni règlement collectif des problèmes. Or, aucun grand problème mondial majeur ne peut être résolu par une coalition de volontaires, a affirmé le Secrétaire général, qui a plaidé pour une « coalition mondiale », notamment dans le domaine de la paix.
« Aujourd’hui, je voudrais présenter trois domaines dans lesquels cette coalition mondiale doit de toute urgence surmonter ses divisions et agir de concert », a poursuivi le Secrétaire général en s’exprimant en français. Alors qu’une grande partie de la planète continue d’avoir les yeux rivés sur l’invasion russe en Ukraine, a-t-il relevé, en citant les dernières informations « extrêmement perturbantes » sur la découverte de sites funéraires à Izioum, les conflits et les crises humanitaires se propagent, souvent loin des projecteurs. De surcroît, le déficit de financement de l’appel humanitaire mondial lancé par l’ONU s’élève à 32 milliards de dollars, un montant sans précédent, et les bouleversements sont partout, a-t-il noté, citant pêle-mêle les situations dramatiques en Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Haïti, en Éthiopie, en Libye, en Iraq, en Israël et en Palestine, au Myanmar, au Sahel et en Syrie. « Et la liste est encore longue. » Il a aussi évoqué les menaces à la sécurité des centrales nucléaires, l’échec de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et l’absence d’accord sur le nucléaire iranien, avant de se réjouir de « quelques lueurs d’espoir », comme la trêve au Yémen et l’enracinement de la paix en Colombie. Le Nouvel Agenda pour la paix qu’il esquisse dans son rapport sur « Notre Programme commun » vise à promouvoir les outils diplomatiques de règlement pacifique des conflits, a-t-il fait valoir. Enchaînant en espagnol, le Secrétaire général a recommandé de mettre au premier plan le leadership de femmes et la consolidation de la paix, en plaidant pour le renforcement de la prospective stratégique, l’élargissement du rôle des groupes régionaux et la prise en compte des droits humains en matière de prévention.
Quant à la crise climatique, « enjeu déterminant de notre époque », elle doit être la priorité absolue de chaque gouvernement et organisation multilatérale, a poursuivi M. Guterres. Mettant en garde contre une « catastrophe » planétaire, il a dit en avoir été témoin au Pakistan, où un tiers du pays est submergé par une « mousson monstrueuse ». Et nous n’avons encore rien vu, a-t-il renchéri, avant de dénoncer un monde « accro aux combustibles fossiles » et d’appeler à demander des comptes à ceux qui continuent d’investir dans ce secteur. « Les pollueurs doivent payer », a lancé le Secrétaire général, exhortant les économies développées à taxer les bénéfices exceptionnels des compagnies exploitant les énergies fossiles et à reverser ces fonds aux pays dans lesquels la crise climatique occasionne des pertes et aux personnes mises en difficulté par la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. À quelques mois de la COP27 en Égypte, il a aussi enjoint les dirigeants à relever leur ambition et à investir dans les énergies renouvelables, l’adaptation aux chocs climatiques et la gestion des dommages dus aux catastrophes. Nous devons également faire en sorte que la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité soit un succès, tout en redoublant d’efforts pour négocier un accord international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation de la diversité biologique marine, a-t-il ajouté.
Alors que 94 pays, majoritairement africains et où vivent 1,6 milliard d’habitants, se retrouvent confrontés aux retombées de la pandémie de COVID-19, à l’envolée des prix de la nourriture et de l’énergie, au fardeau d’une dette écrasante, à l’inflation galopante et au manque d’accès aux services financiers, les objectifs de développement durable (ODD) sont menacés et les pays en développement les premiers touchés, a alerté le Secrétaire général. Pour y répondre de manière concertée, il a appelé au lancement d’un « plan de relance des ODD » à l’occasion du prochain sommet du G20 à Bali. Dans le cadre de ce plan, les banques multilatérales de développement doivent accorder davantage de prêts à des conditions favorables aux pays en développement pour les aider à investir dans les ODD. Parallèlement, l’Initiative de suspension du service de la dette du G20 doit être améliorée, tandis que les créanciers doivent envisager des mécanismes permettant de réduire le fardeau de la dette, tels que la conversion de créances en mesures d’adaptation climatique. En outre, le produit intérieur brut (PIB) ne doit pas être le seul critère d’octroi de prêts, il convient de tenir compte de la vulnérabilité des pays en développement dans toutes ses dimensions, a-t-il précisé, avant d’exhorter le Fonds monétaire international (FMI) et les principales banques centrales à développer sensiblement leurs facilités de trésorerie, notamment par le biais de droits de tirage spéciaux (DTS). Enfin, les gouvernements doivent renforcer des fonds spécialisés comme l’Alliance du vaccin (Gavi), le Fonds mondial et le Fonds vert pour le climat afin qu’ils disposent de ressources additionnelles pour financer les ODD, a préconisé M. Guterres, formant le vœu que les États Membres se saisiront également de sa proposition de « nouvelle donne mondiale » afin de transformer ces idées en solutions lors du Sommet de l’avenir en 2024.
M. CSABA KŐRÖSI, Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, a commencé par rappeler sa devise reposant sur des solutions fondées sur la solidarité, la durabilité et la science. « Nous avons besoin de solidarité parce que les inégalités ont atteint des sommets; nous avons besoin de durabilité parce que nous devons à nos enfants de laisser un monde vivable; nous avons besoin de la science car elle nous offre des preuves neutres pour nos actions », a expliqué M. Kőrösi.
« Nous sommes réunis aujourd’hui, au moment le plus important de ces quarante dernières années », a poursuivi le Président de l’Assemblée générale. Des chaleurs extrêmes aux inondations dévastatrices - les changements climatiques ont ébranlé nos communautés, a-t-il ajouté, mettant en garde contre notre consommation et nos méthodes de production, qui « lacèrent » notre planète - de ses sols à ces cieux. Pour lui, le monde vit dans un état de crise humanitaire permanent.
De fait, a-t-il détaillé, plus de 300 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire et de protection, soit une augmentation de 10% depuis le mois de janvier dernier. Sous l’effet des changements climatiques, de la pandémie de COVID-19 et des conflits, la faim dans le monde a atteint des niveaux alarmants.
Au cours des six derniers mois, l’inflation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie a plongé au moins 70 millions de personnes dans la pauvreté. L’inflation a atteint des sommets inégalés depuis 40 ans. Un quart de l’humanité vit dans des zones de conflit, au milieu des combats et de l’instabilité politique et la violence à travers le monde a rarement été aussi féroce, s’est alarmé le Président.
Qui aurait pu imaginer que la guerre reviendrait en Europe? Que la menace nucléaire serait de retour dans les discours politiques pour régler un différend avec un voisin? s’est exclamé M. Kőrösi, dont l’intervention a été prononcée en plusieurs langues -anglais, français, arabe, russe-. Voilà 203 jours que l’Assemblée générale a adopté une résolution condamnant l’agression militaire contre l’Ukraine et pourtant l’effusion de sang et les souffrances n’ont pas encore cessé, s’est-il écrié.
Durant cette période, les Nations Unies et leurs partenaires ont offert de la nourriture et un abri à des millions de réfugiés de ce pays, a fait observer le Président, qui a aussi vu un motif d’espoir dans l’accord historique sur les exportations commerciales de céréales en provenance du grenier du monde, un motif d’espoir. La diplomatie est à l’œuvre pour libérer les engrais afin que les pénuries que nous voyons aujourd’hui ne deviennent pas les famines de demain, a-t-il ajouté. Les inspecteurs nucléaires des Nations Unies sont à pied d’œuvre sur l’un des principaux sites nucléaires européens, prévenant ainsi une éventuelle catastrophe.
Rappelant le thème du soixante-dix-septième débat général -« Un tournant décisif: des solutions transformatrices face à des défis intriqués »- M. Kőrösi a, en outre, exprimé sa solidarité avec les populations du Pakistan, où des inondations dévastatrices ont emporté des centaines de villages. Or, pour lui, en matière de lutte contre les changements climatiques, les solutions existent et sont ancrées dans les avancées réalisées en matière de coopération scientifique et de diplomatie climatique. Mais, faudrait-il encore que « nous ayons envie » de les mettre en pratique, a-t-il pressé, citant, à cet égard, l’action du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui s’est révélé être un outil précieux pour soutenir les décisions politiques visant à lutter contre les changements climatiques et à s’adapter à ses conséquences.
Dès lors, il s’agit pour M. Kőrösi de reproduire le succès du GIEC dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation et de la biodiversité, puisque nous disposons d’ores et déjà d’un point de départ empirique et universellement accepté pour agir. C’est pourquoi, une fois cette semaine de haut niveau terminée, le Président a prévu de lancer une série de consultations avec la communauté scientifique, afin, a-t-il dit, de transférer la connaissance depuis les « microscopes jusqu’aux microphones ».
Pour M. Kőrösi, la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale sera également essentielle pour préparer le sommet sur les objectifs de développement durables de 2023 et le Sommet de l’avenir de 2024. L’année prochaine, a-t-il rappelé, il s’agira d’évaluer l’objectif 6 -relatif à « l’eau propre et l’assainissement »- lors de la Conférence des Nations Unies sur l’eau - la première depuis 1977. L’heure pour M. Kőrösi de sensibiliser sur cette question, car l’eau, dont le problème est triple -trop, pas assez, ou pas potable- est appelée à devenir le prochain grand facteur de conflit dans le monde, a-t-il averti, offrant la possibilité de changer la vie de 2,1 milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable.
Au cours de la session, il s’agira également d’évaluer le Cadre de Sendai et de tirer des conclusions pour améliorer la résilience face aux catastrophes, a poursuivi le Président, jugeant essentiel que ces opportunités débouchent sur des résultats concrets.
Pour M. Kőrösi, les éléments constitutifs de la transformation sont à notre disposition. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Cadre de Sendai, l’Accord de Paris, le Programme d’action d’Addis-Abeba et Notre Programme commun vont tous dans le même sens, a-t-il insisté, se disant encouragé par le fait que les propositions du Secrétaire général et les importantes initiatives des États Membres se soutiennent mutuellement.
M. Kőrösi a appelé au respect universel de l’État de droit, insistant en particulier sur les droits des femmes, car à l’heure « où nous parlons », la moitié de l’humanité est trop souvent exclue de la prise de décisions et des postes de direction. C’est pourquoi, le Président de l’Assemblée générale voit dans la réunion de haut niveau pour promouvoir la Plateforme des femmes d’influence prévue pour cet après-midi et organisée en collaboration avec ONU-Femmes, une réponse à cet appel. C’est dans cet esprit qu’il a invité à un engagement substantiel sur cette question qui, a-t-il rappelé, a trait à l’équité et à l’égalité, mais surtout à la dignité humaine.
Sur toutes ces questions, M. Kőrösi a dit se réjouir de travailler en étroite collaboration avec le Secrétaire général, le Conseil de sécurité, l’ECOSOC et d’autres institutions clefs de l’ONU. Il a promis d’aider les États Membres à identifier des solutions transformatrices, axées sur l’impact, systémiques et durables. De même, il a dit avoir l’intention de coopérer avec toutes les parties prenantes - la société civile, les jeunes, les femmes et la communauté scientifique.
Le Président a promis d’œuvrer durant son mandat pour que la revitalisation des Nations Unies et de l’Assemblée générale se poursuive et de faire progresser les négociations sur la réforme du Conseil de sécurité: il est grand temps que le Conseil représente la population mondiale de manière plus équitable et qu’il reflète les réalités du XXIe siècle, a-t-il plaidé, y voyant une question de crédibilité pour toute notre organisation et notre ordre multilatéral.
Pour finir, M. Kőrösi a appelé à saisir les opportunités qui se présentent à nous car les choses s’améliorent lorsque nous les rendons meilleures. Alors, « agissons! » a-t-il lancé, se disant convaincu que notre chance est « ici et maintenant! »
Ouverture du débat général
M. JAIR MESSIAS BOLSONARO, Président du Brésil, a tout d’abord estimé que la responsabilité collective de l’Assemblée générale consiste à saisir l’ampleur des défis et à construire des réponses qui tirent leur force des objectifs communs à tous. À cette aune, c’est ce que fait chaque pays au niveau national qui lui donne l’autorité d’agir à l’international, a-t-il dit, estimant pouvoir s’exprimer sur le programme de santé publique sur la base des réalisations de son gouvernement qui, pendant la pandémie de COVID-19, a tout fait pour sauver des vies et préserver les emplois. Tout en protégeant le revenu des familles, notamment les plus nécessiteuses, nous avons lancé un vaste programme de vaccination qui comprend la production de vaccins, a rappelé le Chef d’État. Plus de 80% des 210 millions d’habitants du Brésil ont déjà été vaccinés et ce, volontairement et dans le respect de la liberté individuelle, a-t-il précisé, avant d’indiquer que, dans un souci de croissance durable et inclusive, son pays avait mis en œuvre des réformes économiques dans le but d’améliorer les moyens de subsistance de sa population.
Grâce aux mesures anticorruption de l’actuelle administration, mais aussi à l’apurement de l’endettement de la compagnie pétrolière nationale Petrobras « hérité de la gauche au pouvoir », à la modernisation des services publics et à un programme de privatisations, le pays a aujourd’hui une économie en pleine reprise, un taux d’emploi élevé et une faible inflation, s’est enorgueilli M. Bolsonaro. Dans ce contexte, la pauvreté a commencé à reculer au Brésil, a-t-il relevé, signalant que, d’ici à la fin de 2022, 4% des familles brésiliennes vivront avec moins de 1,90 dollar par jour, contre 5,1% en 2019. De même, le chômage a baissé de 5 points de pourcentage, atteignant 9,1%, « du jamais vu depuis sept ans », tandis que les prix de l’essence et de l’électricité ont chuté respectivement de 30% et 15% à la faveur d’une politique de rationalisation fiscale. Avec une prévision de croissance de 3% cette année, « nous avons la tranquillité d’esprit de ceux qui sont sur le bon chemin », celui d’une prospérité partagée tant en interne qu’à l’extérieur, a souligné M. Bolsonaro, avant de noter que son pays est désormais l’un des plus grands exportateurs mondiaux de denrées alimentaires et s’apprête à avoir la plus grande récolte céréalière de son histoire. « Sans l’agro-industrie brésilienne, la planète aurait faim, car nous nourrissons plus d’un milliard de personnes dans le monde », a-t-il fait valoir.
De l’avis de M. Bolsonaro, le Brésil est également une référence mondiale en matière d’environnement et de développement durable. Les deux tiers du territoire brésilien sont ainsi couverts d’une végétation indigène qui reste « telle qu’elle était lors de la découverte du Brésil en 1500 », a-t-il assuré, ajoutant que, « contrairement à ce qui est rapporté par le courant dominant des médias nationaux et internationaux », plus de 80% de la forêt amazonienne demeure intacte. Sans négliger la population de cette région, le pays a développé une industrie des biocarburants qui contribue au mix énergétique le plus propre du G20, a poursuivi le dirigeant, selon lequel le Brésil a le potentiel de devenir un grand exportateur d’énergie verte.
Toutefois, a concédé M. Bolsonaro, le Programme de développement durable est gravement affecté par les menaces à la paix et à la sécurité internationales, à commencer par le conflit en Ukraine. Plaidant à cet égard pour une réforme de l’ONU et de son Conseil de sécurité, il a indiqué que son pays, aujourd’hui membre non permanent de cet organe pour la onzième fois, fait de son mieux pour trouver des solutions pacifiques et négociées aux conflits internationaux. S’agissant du conflit ukrainien, le Brésil défend un cessez-le-feu immédiat, la protection des civils, la préservation des infrastructures critiques et le maintien de tous les canaux de dialogue entre les parties, a-t-il précisé. Affirmant soutenir tous les efforts visant à réduire les impacts économiques de cette crise, il s’est toutefois déclaré opposé aux sanctions unilatérales et sélectives, qu’il a jugées incompatibles avec le droit international.
M. Bolsonaro s’est aussi présenté comme un partisan inconditionnel de la liberté d’expression et de culte. À ce propos, il a indiqué que le Brésil est prêt à accueillir les prêtres et les religieuses catholiques qui ont souffert de persécutions sous le régime dictatorial au Nicaragua. Il a par ailleurs réaffirmé son attachement à la protection de la famille, au droit à la vie depuis la conception et au droit à l’autodéfense. Tout en réitérant son refus de l’idéologie de genre, il a assuré que les droits des femmes constituent une priorité de son administration, comme en attestent les mesures de lutte contre la violence sexiste et d’autonomisation des femmes. Il a enfin estimé que, 200 ans après son indépendance, le Brésil est une « nation qui respire la liberté ».
M. MACKY SALL, Président du Sénégal, a estimé que, depuis la dernière session de l’Assemblée générale, le monde est devenu plus dangereux et plus incertain, « sous l’emprise combinée du réchauffement climatique, des périls sécuritaires et sanitaires, ainsi que de la guerre en Ukraine ». Il a ajouté que, dans ce contexte, il est urgent d’agir de manière collective « pour apaiser les tensions, soigner notre planète, réduire les inégalités persistantes Nord-Sud, et redonner sens au multilatéralisme ».
M. Sall a considéré que le Conseil de sécurité, qui est interpellé au premier chef, se doit de traiter de la même façon toutes les menaces à la paix et à la sécurité internationales, « y compris en Afrique ». Sur ce dernier point, il a ainsi marqué que le terrorisme, qui gagne du terrain sur le continent, « n’est pas qu’une affaire africaine ». Pour le Président, le terrorisme est une menace globale qui relève de la responsabilité première du Conseil, garant du mécanisme de sécurité collective, en vertu de la Charte des Nations Unies. Aussi a-t-il invité le Conseil de sécurité à mieux s’engager avec les Africains dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, avec des mandats plus adaptés et des moyens plus conséquents.
Après avoir, au nom de l’Union africaine, dont son pays assume actuellement la présidence, appelé à la levée des sanctions étrangères contre le Zimbabwe, qualifiées de mesures sévères qui continuent de nourrir un sentiment d’injustice contre tout un peuple et d’aggraver ses souffrances en ces temps de crise profonde, M. Sall a successivement réitéré le droit du peuple palestinien à un État viable, coexistant pacifiquement avec l’État d’Israël, « chacun à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues », et appelé à la désescalade et à la cessation des hostilités en Ukraine, plaidant pour une solution négociée, afin d’éviter le risque catastrophique d’un conflit potentiellement mondial.
M. Sall a ensuite attiré l’attention sur l’importance d’avancer sur la voie de la réforme des « cercles décisionnels » qui confinent l’Afrique à la marge. Il est temps, s’est-il exclamé, de faire droit à la juste et légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de sécurité. Il a aussi rappelé sa demande d’octroi d’un siège à l’Union africaine au sein du G20, pour que l’Afrique puisse, enfin, se faire représenter là où se prennent les décisions qui engagent un milliard quatre cents millions d’Africains.
Au titre de la gouvernance économique et financière, le Président du Sénégal a évoqué le rapport 2022 sur le financement du développement durable, réalisé, a-t-il rappelé, par une soixantaine d’institutions multilatérales, dont le FMI, la Banque mondiale, le Comité de Bâle sur la supervision bancaire, l’Association internationale des régulateurs de l’assurance et le Conseil de stabilité financière. À cet égard, M. Sall a noté que le rapport relève les insuffisances dans les procédés d’évaluation des agences de notation et qu’il souligne l’importance d’appliquer des « méthodologies transparentes afin de ne pas miner la confiance dans les notations ».
Jugeant que la perception du risque en Afrique continue d’être plus élevée que le risque réel, il a invité le groupe de réponse à la crise mondiale sur l’alimentation, l’énergie et les finances, à engager avec le G20, le FMI et la Banque mondiale, un dialogue constructif avec les agences de notation sur l’amélioration de leurs méthodes de travail et d’évaluation. Dans le même esprit, a-t-il ajouté, face à l’ampleur inédite de la crise économique mondiale, l’Union africaine réitère son appel pour la réallocation partielle des droits de tirage spéciaux (DTS) et la mise en œuvre de l’Initiative de suspension du service de la dette du G20. Toujours au chapitre économique, M. Sall a constaté que le choc actuel, « sans précédent », fragilise davantage les économies les plus faibles et rend encore plus pressants leurs besoins en liquidités, pour atténuer les effets de l’inflation généralisée et soutenir les ménages et les couches sociales les plus vulnérables, notamment les jeunes et les femmes.
Sur le développement, le Président a d’abord plaidé en faveur de la campagne « Rays of Hope », de l’AIEA, pour le renforcement des capacités des pays membres, africains en particulier, dans la lutte contre le cancer, cela grâce aux technologies nucléaires telles que l’imagerie médicale, la médecine nucléaire et la radiothérapie. Il a ensuite assuré l’Assemblée générale de l’attachement de l’Afrique à l’Accord de Paris sur le climat, laquelle souhaite néanmoins parvenir à un consensus pour une transition énergétique juste et équitable, comme ce fut le cas au Sommet Afrique-Europe de février dernier, à la session élargie du Sommet du G7 en juin, et récemment au Forum de Rotterdam sur le financement de l’adaptation en Afrique. Il est légitime, juste et équitable que l’Afrique, continent le moins pollueur et le plus en retard sur le processus d’industrialisation, exploite ses ressources disponibles pour disposer d’une énergie de base afin d’améliorer la compétitivité de son économie et réaliser l’accès universel à l’électricité, a-t-il notamment appuyé. « Je rappelle qu’à ce jour, plus de 600 millions d’africains vivent encore sans électricité », a encore souligné M. Sall, qui a appelé à la réalisation de l’objectif de 100 milliards de dollars par an, en appui aux efforts d’adaptation des pays en développement et au financement du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique. En outre, il a qualifié le financement de l’adaptation comme une contribution des pays industrialisés à un partenariat mondial solidaire, « en contrepartie des efforts que fournissent les pays en développement pour éviter les schémas pollueurs qui ont plongé la planète dans l’état d’urgence climatique actuel ».
« L’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire; elle ne veut pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide, mais plutôt un pôle de stabilité et d’opportunités ouvert à tous ses partenaires, sur une base mutuellement bénéfique », a plaidé M. Sall. Je suis venu dire que nous n’ignorons pas l’Afrique des problèmes, qu’il faut pacifier et stabiliser, a-t-il poursuivi, attirant toutefois l’attention sur ce qu’il a appelé « l’Afrique des solutions », riche de ses 30 millions de kilomètres carrés, ses ressources humaines, ses plus de 60% des terres arables du monde, ses richesses minières, forestières, hydriques et énergétiques. « Oui, nous avons l’Afrique des solutions, avec des gouvernements à la tâche; une jeunesse vibrante et créative qui innove, entreprend et réussit », a-t-il renchéri, vantant les millions d’hommes et de femmes qui travaillent dur pour nourrir, éduquer et soigner leurs familles; qui investissent, créent de la richesse et génèrent des emplois. Cette Afrique des solutions souhaite engager avec tous ses partenaires des rapports réinventés, qui transcendent le préjugé selon lequel qui n’est pas avec moi, est contre moi, a déclaré M. Sall.
Concluant son allocution, le Président s’est dit convaincu que c’est en collaborant dans le respect de leurs différences que les pays redonneront force et vitalité à la raison d’être des Nations Unies et qu’ils sauront préserver les générations actuelles et futures du fléau de la guerre, promouvoir la cohabitation pacifique des peuples et favoriser le progrès en instaurant de meilleures conditions de vie pour tous.
M. GABRIEL BORIC FONT, Président du Chili, a déploré que son pays, maintenant une forte concentration de richesses, soit devenu un des pays les plus inégalitaires de la planète. Parce qu’elle nuit à la compréhension mutuelle, la fracture sociale ainsi créée constitue une menace latente pour la démocratie, s’est-il inquiété. Alertant que le déchaînement social que le Chili a connu en 2019 n’était pas accidentel et peut se produire ailleurs, il a exhorté à ne pas rester les bras croisés, insistant sur l’importance d’« anticiper », au moyen d’une meilleure répartition des richesses et du pouvoir. Il a regretté les graves épisodes de violence qui ont émargé du mécontentement populaire au Chili en octobre 2019, pointant la « répression incontrôlée » exercée par l’État. Cette dernière constitue une grave violation des droits humains qui doit être réparée, a-t-il insisté.
Évoquant le récent rejet par les citoyens chiliens (62% contre 38%) de la proposition de nouvelle constitution qu’il avait lui-même approuvée, M. Boric Font a affirmé avoir pris les résultats du récent plébiscite avec les yeux et le cœur grands ouverts, tout en se déclarant convaincu qu’à court terme, le Chili disposera d’une constitution qui satisfera pleinement ses citoyens.
Le Président chilien a par ailleurs appelé à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la guerre injuste de la Russie contre l’Ukraine, pour ensuite dénoncer les violences contre les femmes, évoquant notamment le décès, cette semaine dans une prison iranienne, de Mahsa Amini. Veillons à ce que, partout dans le monde, le fait d’avoir des idées différentes de celles du gouvernement en place ne conduise pas à des persécutions ou à des violations des droits humains, a exhorté M. Boric Font.
M. ABDULLAH II IBN AL HUSSEIN, Roi de Jordanie, s’est inquiété des nombreuses crises qui secouent le monde. Des crises qui sont de plus en plus imbriquées les unes aux autres, a fait observer le Roi de Jordanie, citant les conflits régionaux ayant un impact international, les changements climatiques dévastateurs, les perturbations dues aux pandémies, les violences extrémistes, l’inflation galopante, la récession imminente et, pour un trop grand nombre de personnes dans le monde, « la réalité croissante de la faim ». Les pays en développement sont les plus durement touchés, a-t-il déploré. Est-ce l’avenir que nous laisserons aux générations futures? a-t-il demandé en s’adressant à ses pairs, appelant à œuvrer pour offrir un monde différent, aux horizons élargis. En somme, un monde plus équitable.
« Nous voyons davantage d’opportunités de travailler avec des partenaires pour préserver des sites précieux du patrimoine mondial et des merveilles naturelles », a poursuivi le Roi Abdullah II, en référence à la mer Morte, unique en son genre, au fleuve sacré du Jourdain et aux récifs coralliens du golfe d’Aqaba - tous menacés par les changements climatiques. La croissance économique durable et inclusive a été trop souvent victime des crises mondiales, a-t-il regretté. Dans sa région, l’accent est mis sur la recherche de l’établissement de partenariats intégrés qui exploitent les capacités et les ressources de chaque pays au profit de tous. Le souverain a vu des « blocs de résilience régionale » se constituer pour stimuler de nouvelles opportunités. Ainsi a-t-il évoqué les partenariats multilatéraux établis par la Jordanie avec l’Égypte, l’Iraq, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, Bahreïn et d’autres pays de la région.
S’agissant de la situation au Moyen-Orient, et notamment du conflit israélo-palestinien, où la paix reste difficile à atteindre car, selon lui, « ni la guerre ni la diplomatie n’ont apporté de réponse à cette tragédie historique », le Roi Abdullah II a encouragé les gens eux-mêmes, et non les politiciens, à se rallier et à inciter leurs dirigeants à résoudre ce problème. À quoi ressemblerait notre monde aujourd’hui si le conflit avait été réglé depuis longtemps? Alors que nous poursuivons nos efforts pour parvenir à la paix, nous ne devons pas abandonner les réfugiés, a insisté le dirigeant. Cette année, l’Assemblée générale votera le renouvellement du mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). La communauté internationale doit envoyer un message fort de soutien aux droits des réfugiés palestiniens, a-t-il plaidé. Le peuple palestinien ne peut se voir refuser le droit à l’autodétermination. Et la voie à suivre est la solution des deux États, conformément aux résolutions de l’ONU: un État palestinien souverain, viable et indépendant, dans le cadre des frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, vivant côte à côte avec Israël dans la paix, la sécurité et la prospérité. « Aujourd’hui, l’avenir de Jérusalem nous préoccupe vivement. » La ville est sacrée pour des milliards de musulmans, de chrétiens et de juifs dans le monde, a rappelé le souverain. La remise en cause du statu quo juridique et historique de Jérusalem déclenche des tensions mondiales et des conflits, a-t-il mis en garde, estimant que la Ville sainte ne doit pas être « le théâtre de la haine et de la division ». En tant que gardiens des lieux saints chrétiens et musulmans de Jérusalem, nous nous sommes engagés à protéger leur statu quo historique et juridique ainsi que leur sécurité et leur avenir, a-t-il ajouté. En tant que dirigeant musulman, a-t-il conclu, « permettez-moi de dire clairement que nous sommes engagés à défendre les droits, le précieux patrimoine et l’identité historique du peuple chrétien de notre région ».
M. GUSTAVO PETRO URREGO, Président de la Colombie, a souligné la beauté de son pays, reflétée par la forêt amazonienne, la jungle du Chocó, la cordillère des Andes et les océans. C’est dans ces jungles que l’oxygène planétaire est libéré et que le CO2 atmosphérique est absorbé, a-t-il souligné, avant de s’élever contre ceux, États et concessionnaires, qui, malgré les cris d’alarme des scientifiques, veulent détruire l’Amazonie, « rongés par leur addiction au pouvoir, à l’argent, au pétrole et à la cocaïne ». Tandis qu’ils laissent brûler les forêts et détruisent des plantes comme la coca, les « hypocrites » nous demandent de plus en plus de charbon et de pétrole pour calmer une autre addiction: celle de la consommation, a dénoncé le Chef d’État. Dans ce contexte d’injustice, a-t-il observé, les comptes bancaires sont devenus illimités et l’argent épargné par les plus puissants demandera des siècles pour être dépensé. Mais cette dépendance à l’argent a aussi le visage de la toxicomanie et de la solitude, qui ne pourront être guéries en déversant du glyphosate sur les jungles, a renchéri le Président, avertissant que si rien n’est fait pour inverser cette tendance qui dure depuis quarante ans, les États-Unis verront 2 800 000 jeunes mourir d’une surdose de fentanyl, tandis que des millions d’Afro-Américains seront emprisonnés dans des prisons privées et qu’un million de Latino-Américains seront assassinés. Appelant à mettre fin à la « guerre irrationnelle contre la drogue », il s’est prononcé pour la construction d’une société plus solidaire, plus affectueuse, « où l’intensité de la vie sauve des addictions et des nouveaux esclavages ».
« Aidez-nous sans hypocrisie à sauver la forêt amazonienne pour sauver la vie de l’humanité sur la planète », a encore lancé le dirigeant, pour qui les guerres ont servi d’excuse pour ne pas agir contre la crise climatique. Alors que des millions de personnes affamées et assoiffées migrent vers le Nord, on construit des murs, on leur tire dessus et on les traite comme si elles n’étaient pas humaines, reproduisant ce qui a créé des chambres à gaz et des camps de concentration dans les années 1930, s’est indigné M. Petro Urrego. De même, face aux virus qui nous détruisent, on assiste à la transformation des vaccins en marchandises, a-t-il dénoncé, établissant un lien entre l’accumulation accrue de capitaux et le nombre croissant de morts liées au climat. « Le Frankenstein de l’humanité a laissé le marché et la cupidité agir sans plan, au détriment de la rationalité humaine », a martelé le Président, avant d’appeler l’Amérique latine à s’unir pour sauver la forêt amazonienne et ses ressources utiles au monde entier. Si les autres n’ont pas la capacité de financer le fonds de revitalisation des forêts, s’ils préfèrent allouer l’argent aux armes qu’à la vie et à la réduction des dettes extérieures au profit de la vie sur la planète, « nous le ferons », a-t-il promis, tout en invitant les « peuples slaves » d’Ukraine et de Russie à faire la paix. « Ce n’est que dans la paix que nous pourrons sauver la vie sur cette terre qui est la nôtre », a-t-il conclu.
M. RECEP TAYYIP ERDOĞAN, Président de la Türkiye, a placé son discours sous les auspices de la solidarité, qu’il a invoquée à plusieurs reprises comme la condition du règlement des conflits dans le monde. Il a d’abord déclaré que la principale leçon tirée de la pandémie de COVID- 19 était précisément que c’est la solidarité qui a permis de venir en aide collectivement aux personnes dans le besoin, la Türkiye ayant fourni une aide humanitaire et sanitaire à 161 pays, et réussi à mettre au point son propre vaccin. En guise de gages de la détermination de son pays à engager tous les efforts nécessaires pour inverser des tendances potentiellement cataclysmiques pour la planète, M. Erdoğan a rappelé la ratification turque de l’Accord de Paris sur le climat, signe selon lui d’une volonté d’être aux avant-postes de la lutte contre les changements climatiques.
Le Président turc a ensuite axé sa déclaration sur les questions de sécurité internationale et régionale. La crise ukrainienne ayant provoqué une vague de chocs économiques qui impactent le bien-être social de millions d’êtres humains, la Türkiye, qui a toujours considéré le secteur énergétique comme un secteur de coopération et non de concurrence, a lancé de nombreux projets pour que soit assuré l’approvisionnement en énergie dans les mois à venir, a-t-il noté.
La Türkiye est une force de médiation dans la crise entre la Russie et l’Ukraine, convaincue que la guerre ne pourra jamais triompher, a souligné M. Erdoğan, ajoutant que les initiatives diplomatiques menées par son pays aux côtés de l’ONU visent à rallier les parties à la cause de la paix et faciliter l’atteinte d’un règlement du différend « une fois pour toutes ». Concernant l’Initiative céréalière de la mer Noire, M. Erdoğan l’a qualifiée de primordiale pour garantir la poursuite des exportations chaque jour plus importantes dans un contexte préoccupant d’envolée des prix. L’Initiative est une réalisation majeure de l’ONU au cours de la décennie écoulée, n’a-t-il pas hésité à affirmer, considérant qu’elle avait redonné à la communauté internationale confiance dans l’utilité pour le monde de l’Organisation des Nations Unies.
S’agissant du fonctionnement de cette dernière, le Président turc a souligné l’importance de l’avènement d’une ONU inclusive, capable d’imaginer un ordre mondial plus équitable et représentant la volonté commune de tous les peuples du monde. À ce propos, il a exhorté le Conseil de sécurité à se réformer pour être en mesure de réaliser les objectifs de paix et de sécurité internationale consacrés par la Charte des Nations Unies. Il a demandé à l’Assemblée générale de se rappeler que la politique étrangère de son pays a toujours eu des objectifs pacifiques, les efforts de médiation et de facilitation qu’il mène activement, sous l’égide de l’ONU, pour régler les conflits sur tous les continents, en témoignent sans conteste. Y compris dans notre région, nous nous efforçons de contribuer aux solutions et pas aux problèmes, a-t-il dit.
Sur les questions de sécurité régionale, M. Erdoğan a plaidé pour une solution pacifique au conflit syrien « dans le cadre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité », faute de quoi ce conflit s’éternisera, menaçant durablement l’intégrité territoriale de ce pays et la sécurité de la région. Après avoir demandé instamment au Conseil la prorogation du mécanisme humanitaire transfrontalier, il s’est appesanti sur la situation des plus de deux millions de réfugiés syriens accueillis en Türkiye depuis 2011. Nous mettons tout en œuvre pour que nos frères et sœurs syriens rentrent dans leur pays dans la paix et la sécurité, a-t-il assuré, évoquant, photo à l’appui, la construction de milliers de maisons de briques dans différentes régions syriennes pour qu’ils puissent s’y installer en famille. La communauté internationale doit soutenir ces projets humanitaires d’envergure, a-t-il demandé.
Poursuivant sur la question des réfugiés, M. Erdoğan a insisté sur le fait qu’elle ne saurait être résolue en dressant des murs aux frontières ou en rejetant à la mer des migrants. Sur ce dernier point, il a fustigé la Grèce, l’accusant de conduire une politique cruelle envers les migrants en mer Égée et en Méditerranée orientale, où, a-t-il soutenu, là encore en présentant une photo, des enfants ont péri car les garde-côtes grecs ont fait couler le bateau sur lequel ils se trouvaient. Pour lui, l’Europe et l’ONU doivent demander que cessent ces crimes contre l’humanité. Les pays qui lancent des incursions dans notre région ont perdu la raison, a-t-il encore accusé, exhortant la Grèce à abandonner sa politique de provocations et de conflit et à être réceptive « à nos appels au dialogue en vue de garantir la stabilité en mer Égée et en Méditerranée orientale ».
M. Erdoğan a affirmé qu’à Chypre vivent deux États et deux différentes nations, « ce qui doit être accepté par tous ». Appelant à la reconnaissance des droits des Chypriotes turcs, « dont il faut accepter le statut international », il a demandé qu’il soit mis fin sans délais aux sanctions internationales qui les visent. La Grèce persécute les minorités musulmanes turques, bafouant ce faisant leurs obligations juridiques, a encore accusé le Président turc, qui a invité l’Union européenne à davantage de bienveillance à l’égard de cette communauté. Par ailleurs, il a réitéré les appels de son pays à la libération immédiate et sans condition « des territoires occupés de l’Azerbaïdjan ». La Türkiye soutient pleinement tous les processus de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et ne peut par conséquent que déplorer les affrontements récents qui obscurcissent les avancées vers la paix obtenues de haute lutte, a-t-il assuré, avant d’insister sur le fait que son pays serait toujours aux côtés « de nos frères et sœurs d’Azerbaïdjan pour qu’ils puissent vivre dans la paix et la sécurité ». Le Président turc a également fait référence au sort des musulmans rohingya du Myanmar, demandant qu’ils puissent rentrer chez eux, et aux musulmans ouïghours.
Solidarité: le mot est revenu dans la conclusion du Président Erdoğan pour qualifier la relation entre l’Union européenne et la Türkiye. Nous sommes membre de l’OTAN depuis 70 ans et notre puissance militaire ainsi que notre diplomatie ont contribué en maintes occasions au maintien de la sécurité et de la stabilité sur le continent européen, a- t- il ainsi dit. Enfin, se disant convaincu que la principale menace à la concorde entre les hommes est le refus de coexister « les uns avec les autres », il a renouvelé sa proposition de faire du 15 mai une journée mondiale de lutte contre l’islamophobie, en commémoration de l’attaque terroriste de deux mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande, qui avait fait 51 morts le 15 mars 2019.
M. SADYR ZHAPAROV, Président du Kirghizistan, a attiré l’attention sur la situation « réelle » se développant à la frontière sud de son pays, liée à l’aggravation de la situation sur la frontière kirghize-tadjike. Il a rappelé qu’après l’effondrement de l’Union soviétique, des territoires contestés et des problèmes frontaliers ont surgi, certains d’entre eux n’ayant pas été réglés à ce jour. Il a noté, en ce qui concerne le Kirghizistan, que les problèmes de règlement des frontières avaient été résolus avec la Chine en 1996 et avec le Kazakhstan en 1999 et en 2017, et que l’accord avec l’Ouzbékistan était presque achevé. Il s’est félicité que les frontières avec ces trois pays soient désormais des frontières de paix, de bon voisinage, d’amitié et de coopération mutuelle. Il a en revanche regretté que le Président du Tadjikistan s’écarte désormais du principe, énoncé dans la Déclaration d’Alma-Ata, de reconnaissance mutuelle de l’intégrité territoriale et l’inviolabilité des frontières existantes.
Le Président kirghize a insisté sur le fait que, depuis le début des travaux sur le règlement des questions frontalières entre les deux États, son pays avait agi conformément à ses obligations internationales et bilatérales et mené les négociations de manière constructive. Il a dénoncé l’agression non provoquée par les forces du Tadjikistan sur le territoire kirghize en avril 2021, ainsi que les affrontements militaires à grande échelle intervenus dans le sud du Kirghizistan les 14, 15 et 16 septembre 2022, conduisant au déplacement de 140 000 civils et causant d’importants dégâts matériels aux installations civiles et militaires.
Il s’est déclaré prêt à poursuivre les négociations et la médiation internationale, y compris dans le cadre de l’ONU, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC). Indiquant disposer de preuves documentées des actions illégales et déloyales de la partie tadjike, il a également appelé à l’adoption de mesures urgentes pour assurer la stabilité et la sécurité des zones frontalières et la répression de toute action visant à accroître les tensions parmi la population locale.
Concernant les problèmes « généraux » de l’ONU, le Chef d’État a constaté qu’en raison de circonstances objectives, y compris la pandémie de coronavirus, la mise en œuvre des ODD dans les pays en développement a été ralentie, alertant que sans financement international adéquat, beaucoup d’entre eux pourraient ne pas atteindre les indicateurs les plus critiques. Il a appelé à accélérer la croissance économique qualitative, notant que le Kirghizstan participait activement au processus d’intégration et de coopération, notamment dans le cadre de l’Union économique eurasienne et de l’initiative « Une Ceinture et une Route » de la Chine. Il a aussi attiré l’attention sur le projet de construction d’un chemin de fer Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan, dont la mise en œuvre élargira les opportunités de commerce international, d’investissement, de transit et de tourisme pour les États d’Asie centrale n’ayant pas d’accès à la mer.
M. KASSYM-JOMART TOKAYEV, Président du Kazakhstan, s’est inquiété de voir que le système international existant, fondé sur l’ordre et la responsabilité, est en train de faire place à un nouveau système, plus chaotique et imprévisible. Pour la première fois depuis deux générations, le monde est confronté à la perspective de l’utilisation d’armes nucléaires, et pas seulement en dernier recours, s’est alarmé M. Tokayev, en recommandant d’établir les liens entre trois principes primordiaux: l’égalité souveraine des États, l’intégrité territoriale des États et la coexistence pacifique entre les États. Il a assuré que son pays est prêt à coopérer avec tous les acteurs concernés dans un esprit d’inclusion, de multilatéralisme et de bonne volonté.
Poursuivant, le Président a relevé que les multiples crises de ces dernières années, souvent interconnectées, ont mis en évidence des lacunes importantes dans la gouvernance mondiale, ainsi que la nécessité de moderniser et de réformer l’ONU. Il a souhaité que les Nations Unies soient mieux préparées à relever les défis et à saisir les opportunités de demain, se disant à cet égard favorable aux propositions contenues dans le rapport du Secrétaire général intitulé « Notre programme commun ». Il s’agit pour lui d’une occasion importante de réaffirmer la Charte des Nations Unies, de redynamiser le multilatéralisme, de convenir de solutions concrètes aux nouveaux défis et de renforcer la confiance entre les États Membres. À cette fin, le Kazakhstan a proposé il y a 30 ans de convoquer la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA). Dans le contexte des nouveaux défis et des nouvelles menaces, l’objectif, selon lui, est de transformer la CICA en une organisation internationale à part entière lors du prochain sommet en octobre, afin de contribuer à la médiation mondiale et à l’établissement de la paix.
À huit ans seulement de l’échéance de 2030, le Président a attiré l’attention sur le fait que les objectifs de développement durable sont compromis par la pandémie de COVID-19, la « triple crise planétaire » (changements climatiques, perte de biodiversité et pollution) et les conflits dans le monde entier. C’est pourquoi il a appelé à reprendre la main avant qu’il ne soit trop tard. Il a aussi recommandé la promotion d’un dialogue franc entre l’Est et l’Ouest et d’une nouvelle politique de sécurité mondiale fondée sur les principes de confiance mutuelle et de coopération multidimensionnelle. Compte tenu de la crise actuelle et de l’aggravation des tensions géopolitiques, il a jugé indispensable de mettre en place des processus dans le cadre des Nations Unies qui puissent déboucher sur la détente et la prévention des conflits.
Il a assuré notamment vouloir continuer à lutter pour un monde sans armes nucléaires et a pressé pour l’élaboration de nouveaux mécanismes visant à garantir le désarmement et la non-prolifération. Il a de plus alerté sur les risques et les dangers biologiques, regrettant qu’outre la Convention sur les armes biologiques vieille de 50 ans, il n’y ait pas encore d’agence ou organisme de coopération internationale. Il a donc réitéré sa proposition de créer une telle agence.
Sur le plan des changements climatiques, le Kazakhstan s’est engagé à transformer totalement le secteur énergétique dépendant du pétrole et du charbon en une économie nette zéro d’ici à 2020, a enfin rappelé le Président. C’est pourquoi il entend appeler les États Membres et la communauté économique, lors de la COP27, à renforcer leur engagement en faveur d’un financement plus important du climat. Pour finir, le Président, dont le pays est le septième producteur mondial de céréales, et le grenier de l’Asie centrale, s’est engagé à utiliser ce potentiel agricole pour lutter contre l’insécurité alimentaire mondiale.
M. TAMIM BEN HAMAD AL THANI, Émir du Qatar, a constaté qu’alors que le monde a changé de rythme en termes de propagation des crises environnementales, économiques ou militaires, les méthodes de la communauté internationale n’ont, elles, pas évolué. La politique internationale reste régie par une logique d’intérêts étroits et de priorités des États, a-t-il regretté, jugeant la marginalisation du droit international et la gestion des différences en fonction des rapports de force contraires à l’esprit de la Charte des Nations Unies et au respect de la souveraineté des États. Il a également déploré le manque de mécanismes suffisants pour dissuader et punir les agresseurs, avant de se dire conscient de la complexité du conflit entre la Russie et l’Ukraine ainsi que de sa dimension internationale. Appelant les deux parties au cessez-le-feu et à la recherche d’une solution pacifique, il a averti que faire durer cette guerre ne fera qu’augmenter le nombre des victimes, tout en multipliant les risques pour l’Europe et le monde en général.
À cet égard, il a cru bon de rappeler que la question palestinienne n’est toujours pas résolue et que, faute d’une mise en œuvre des résolutions de la communauté internationale, la puissance colonisatrice adopte une « politique du fait accompli ». C’est pourquoi, a-t-il dit, il est nécessaire que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités et oblige Israël à mettre fin à son occupation des territoires palestiniens et à établir un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. De même, a ajouté l’Émir, alors que la communauté internationale n’a pas été en mesure de faire rendre des comptes aux criminels de guerre en Syrie, il est urgent que le peuple de ce pays puisse voir se réaliser ses aspirations à la paix et à la stabilité. Pour cela, l’ONU ne doit pas accepter que la voie politique se résume à la seule Commission constitutionnelle placée sous ses auspices, a-t-il plaidé, appelant par ailleurs à une action internationale immédiate pour achever le processus politique en Libye et pour soutenir la trêve temporaire au Yémen.
Après avoir souligné l’importance d’un accord équitable sur le programme nucléaire iranien et d’une réconciliation nationale en Afghanistan, dans le cadre de l’Accord de paix de Doha et dans le respect des droits de la personne, notamment des femmes et des filles, le Chef d’État a évoqué à son tour la crise énergétique planétaire, fruit selon lui d’un manque de coordination mondiale. Rappelant que près d’un milliard de personnes dans le monde vivent sans source d’énergie primaire fiable, il a fait valoir que les situations dans lesquelles les crises politiques dégénèrent en crises énergétiques ne sont pas nouvelles. Avant même la guerre en Ukraine, a-t-il relevé, les pénuries d’énergie étaient à l’origine de décennies de pression pour arrêter les investissements dans les énergies fossiles, avant qu’y soient substituées des alternatives durables et respectueuses de l’environnement. S’il ne fait aucun doute que les changements climatiques et la protection de l’environnement imposent de diversifier les sources d’énergie, il faut aussi être réaliste et économiser l’énergie, a professé le dirigeant, qui s’est dit convaincu que l’avenir de l’énergie inclura un mix de sources durables, telles que l’énergie solaire, l’hydrogène et l’énergie éolienne, mais aussi des hydrocarbures. Il a d’autre part indiqué que, grâce à son investissement dans le gaz naturel liquéfié, son pays s’apprête à étendre son champ gazier nord, ce qui permettra d’atténuer la crise d’approvisionnement énergétique dans plusieurs parties du monde. Enfin, il a rappelé qu’après 12 ans de travail acharné, le Qatar accueillera en novembre la Coupe du monde de football, la première à se dérouler dans un pays arabe et musulman et la première à avoir lieu au Moyen-Orient. Soulignant l’impact positif de cet événement pour sa région, il a assuré que le peuple qatari ouvrira les bras aux fans de football de toutes nationalités et origines.
M. YOON SUK YEOL, Président de la République de Corée, s’est inquiété des menaces croissantes qui pèsent sur l’humanité, soulignant que les solutions passent d’abord par la solidarité et la déférence envers les normes mondiales universellement acceptées et nécessitent de travailler ensemble, à travers le système des Nations Unies.
Il a estimé qu’afin de répondre aux défis de la pandémie, l’ONU doit jouer un rôle décisif pour inciter la communauté internationale à renforcer son appui aux pays dont la marge de manœuvre budgétaire et la compétence technique sont limitées. Les pays dotés de technologies vertes de pointe doivent partager les technologies des énergies nouvelles et renouvelables; l’ONU doit promouvoir la coopération mondiale pour réduire la fracture numérique; et les États à la pointe de l’innovation numérique doivent offrir une assistance plus large pour l’éducation numérique, le transfert de technologie et l’investissement. La République de Corée a ainsi augmenté son budget d’aide publique au développement dans le but de parvenir à un développement plus inclusif à l’échelle mondiale, a-t-il fait savoir.
M. Yoon s’est aussi félicité que son pays ait accéléré la recherche et le développement de médicaments et de vaccins contre la COVID-19, et se soit engagé à verser 300 millions de dollars à l’Accélérateur ACT, ainsi que 30 millions de dollars au fonds d’intermédiation financière de la Banque mondiale. Il a ensuite annoncé que, dans l’objectif d’anticiper plus efficacement de futures flambées épidémiques, la République de Corée accueillera une réunion ministérielle du Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale à Séoul, en novembre prochain. Outre une augmentation notable de ses contributions au Fonds mondial, la République de Corée aidera les pays en développement à faire la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone et à partager avec eux sa technologie numérique de pointe en matière de gouvernance électronique, a-t-il ajouté.
Arrivant au terme de son intervention, le Président a souligné de nouveau que, pour faire face à la crise mondiale, dirigeants comme citoyens doivent soutenir plus fermement le système des Nations Unies, en mettant en garde que toute tentative de se détourner des normes universelles divisera la communauté mondiale en blocs opposés et aggravera plus encore les troubles.
M. MARIO ABDO BENÍTEZ, Président du Paraguay, a appelé à faire face aux démarches démagogiques et despotiques à une époque qui exige des engagements politiques concrets qui privilégient le dialogue et des réformes complexes plutôt que de fausses promesses. Il a indiqué que son pays coparrainera au Conseil des droits de l’homme une résolution appelant à enquêter sur la violation des droits de l’homme au Venezuela, pour ensuite appuyer la demande de la République de Chine (Taïwan) de faire partie intégrante du système des Nations Unies.
Mettant l’accent sur la primauté du droit international et la prévalence de la diplomatie, le Président du Paraguay s’est particulièrement inquiété de la situation en Ukraine et des conséquences humanitaires du conflit. Il a lancé un appel à la cessation des hostilités et à la reprise des négociations avant de s’interroger sur le rôle du Conseil de sécurité dans ce contexte international délicat. Il a jugé urgent de repenser le fonctionnement du Conseil de sécurité pour qu’il soit plus efficace, en soulignant le rôle de l’Assemblée générale comme moyen de faire entendre la voix de tous les États. En outre, il a mis l’accent sur l’importance d’un système financier international sain, jugeant impossible d’éradiquer la pauvreté et promouvoir le développement durable, tant que les économies seront contaminées par les profits et activités illicites. Dans ce contexte, il a salué l’évaluation du Groupe d’action financière d’Amérique latine (GAFILAT) qui a reconnu la modernisation des institutions du Paraguay chargées de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il a expliqué que son pays avait mené la plus grande opération de l’histoire contre le crime organisé grâce à une coordination entre les forces de sécurité du Paraguay mais aussi avec les agences spécialisées de pays amis.
Par ailleurs, le Président du Paraguay a dit les efforts de son pays pour promouvoir des pratiques plus durables dans les domaines de la production agricole et animale, et le recours à une énergie cent pour cent renouvelable. Il a encouragé la création d’un poste de rapporteur spécial sur les changements climatiques au Conseil des droits de l’homme, qui contribuera à rendre visible le véritable impact de cette crise. Il a par ailleurs noté que le Paraguay figure parmi les cinq pays de la région ayant réussi à augmenter les investissements étrangers directs (IED) pendant la pandémie et qu’il planifie un développement d’infrastructures sans précédent.
M. SAULI NIINISTÖ, Président de la Finlande, a relevé que les répercussions de la guerre en Ukraine sont déjà considérables. En effet, une triple crise énergétique, alimentaire et financière pèse particulièrement sur les populations des pays vulnérables. Des pays qui souffrent déjà le plus de la crise climatique et de la pandémie de COVID-19. Aussi difficile que cela puisse paraître, le moment est venu de faire preuve de solidarité mondiale et de renforcer la coopération multilatérale, a-t-il indiqué, en soutenant que la communauté internationale peut et doit sortir renforcée de ces crises. Il a noté qu’il y avait une crise alimentaire mondiale avant même l’invasion russe en Ukraine. En effet, plus de 800 millions de personnes dans le monde souffraient chroniquement de la faim. La guerre aggrave encore cette calamité, a-t-il dit, tout en plaidant pour des systèmes alimentaires durables, inclusifs et équitables. Nous devons également accélérer la mise en œuvre d’autres objectifs de développement durable, a poursuivi le Président, en soulignant que « nous ne pouvons nous permettre de laisser des gens à la traîne ».
Au vu des catastrophes qui sont visibles à travers le monde, M. Niinistö a rappelé que les changements climatiques représentent une menace existentielle pour le genre humain, ce qui appelle une action urgente, sur deux fronts. Premièrement, nous devons changer de cap avant qu’il ne soit trop tard. Deuxièmement, nous devons aider ceux qui souffrent de toute urgence et soutenir ceux qui ont moins de ressources pour faire face à cette menace. Le Président a appelé à honorer l’engagement de doubler le financement de l’adaptation pris lors de la COP26 à Glasgow, avant de préciser que « lutter contre les changements climatiques et prendre soin de l’économie ne sont pas des objectifs contradictoires ». En effet, la transition verte a un énorme potentiel de création d’emplois, d’innovation et de croissance économique, a-t-il argué. Mais, elle doit être menée équitablement. Le Président a également mis en garde contre la perte alarmante de la variété de la vie sur notre planète.
M. Niinistö a par ailleurs salué le travail du Conseil des droits de l’homme, notamment sur la Syrie et l’Ukraine. Il a indiqué que la Finlande, en tant que membre du Conseil, agit pour rendre justice aux victimes de violations des droits de l’homme. Pour la première fois de son histoire, l’indice de développement humain du PNUD a baissé pendant deux années consécutives, a-t-il constaté, en notant que nous ne pouvons pas laisser cette tendance se poursuivre.
Dans ce monde turbulent, ceux qui attisent les flammes des conflits portent une responsabilité particulière, a ajouté le Président. Il a appelé à construire et renforcer la paix et prévenir les conflits dans la mesure du possible. Selon lui, le rapport du Secrétaire général publié, il y a deux ans, et intitulé « Notre programme commun » nous fournit un modèle pour un multilatéralisme plus efficace, ouvrant la voie à des solutions aux problèmes actuels et futurs du monde.
Le Président finlandais a invité les deux plus grands États dotés d’armes nucléaires à faire progresser le désarmement nucléaire, ajoutant que les autres devraient suivre le mouvement. Il a ainsi appelé les États-Unis et la Fédération de Russie à poursuivre leur dialogue sur la stabilité stratégique, en vue de réaliser de nouvelles réductions de leurs arsenaux nucléaires. Enfin, il a affirmé que les défis mondiaux interdépendants démontrent plus que jamais que nous avons besoin d’un renouvellement de l’engagement envers le multilatéralisme, avec les Nations Unies en son centre.
M. IGNAZIO CASSIS, Président de la Suisse, a commencé par noter que la Suisse était le seul pays à avoir adhéré à l’ONU -il y a vingt ans- à la faveur d’une votation populaire, reflétant l’adéquation entre les valeurs et buts de l’ONU et ceux ancrés dans la Constitution suisse. Il s’est dit bouleversé par l’agression militaire lancée par la Russie contre l’Ukraine, qui a enfreint les principes élémentaires de la Charte, et a réitéré l’appel lancé à la Russie pour qu’elle mette fin sans plus tarder à la guerre et à la violence en Ukraine.
M. Cassis a souligné que cette guerre s’ajoutait aux autres crises mondiales, notant qu’aucun continent n’est aujourd’hui épargné par les conflits armés et que, chaque jour, le droit international humanitaire et les droits de l’homme sont violés, constituant les signes avant-coureurs de possibles escalades de violences et d’instabilités. Il insisté sur le lien direct entre les conflits et d’autres problématiques, notamment l’insécurité alimentaire, la sécurité énergétique, les changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution de l’environnement, ou encore les défis sanitaires mondiaux comme la pandémie de coronavirus. Il a réaffirmé que la Suisse était résolue à apporter sa pierre à l’édifice pour trouver des solutions transformatrices face à des défis intriqués, dans une culture de compromis, de consensus et de dialogue.
M. Cassis a rappelé l’importance des normes et valeurs fondamentales, soulignant le caractère capital du droit international et l’engagement de la Suisse en faveur de son respect, y compris celui du droit international humanitaire et des droits de l’homme, ainsi que dans la lutte contre l’impunité. Il s’est référé au Programme de développement durable à l’horizon 2030 comme feuille de route commune afin d’améliorer la résilience, la durabilité et l’inclusion de nos sociétés, soulignant les progrès de la Suisse dans ce domaine, même si des efforts supplémentaires doivent être entrepris pour attendre tous les objectifs.
Insistant sur le caractère indissociable de l’indépendance et de la coopération, le Président de la Suisse a rappelé que chaque État est souverain, donc indépendant, principe auquel la Suisse est attachée puisqu’il permet d’accorder à la diversité de sa culture et de sa population l’attention qu’elle mérite. Il a souligné qu’indépendance et coopération sont étroitement liées puisque, sans coopération, l’indépendance serait synonyme d’isolement et, sans indépendance, la coopération serait une contrainte. Il a souligné le rôle de Genève, centre de la diplomatie multilatérale dans de nombreux domaines, dans la contribution à ce dialogue.
M. Cassis a rappelé, au titre de l’engagement en faveur de la paix et de la sécurité, que la Suisse est un pays neutre respectant le droit à la neutralité ancré dans le droit international public, ne s’impliquant pas dans les conflits et n’apportant aucun soutien militaire à l’une ou l’autre des parties. Il a néanmoins noté que la neutralité n’a pas pour corollaire l’indifférence ou l’absence de solidarité et s’est engagé à sauvegarder les principes de liberté, de démocratie et d’état de droit. En présentant sa candidature au Conseil de sécurité, où elle a été élue le 9 juin 2022 avec 187 voix, la Suisse a montré qu’elle était prête à prendre des responsabilités pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité dans le monde, a-t-il fait valoir.
Face à ces défis complexes, M. Cassis a relevé que les ressources étaient limitées et qu’il était nécessaire de prioriser les actions sur la question essentielle de la coexistence pacifique et durable grâce à une ONU forte et efficace, une meilleure mise en réseau des organisations de l’ONU et une meilleure utilisation de la science, des innovations et de la diplomatie scientifique. Il a dit sa fierté d’avoir créé le Geneva Science Diplomacy Anticipator afin d’anticiper les défis posés par les nouvelles technologies afin de maximiser les bénéfices et de minimiser les risques pour l’homme et de garantir un avenir durable sur la planète.
Mme ZUZANA ČAPUTOVÁ, Présidente de la Slovaquie, a rappelé que la Charte des Nations Unies confère des responsabilités spéciales aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité en matière de protection de la paix. Pourtant, l’un de ces derniers nie ouvertement le droit à l’indépendance d’un autre État Membre de l’ONU, l’Ukraine, et fixe les règles pour les autres en recourant au droit de veto, a-t-elle dénoncé, estimant que les torts de la Fédération de Russie sont patents. Au-delà de l’Ukraine, cette agression affecte le monde entier, a relevé la Chef d’État, avant d’appeler la Russie à cesser son blocage des ports ukrainiens, qui, selon elle, aggrave la crise alimentaire mondiale. Constatant que l’échec de Vladimir Putin est confirmé par les récents succès de l’Ukraine sur le champ de bataille, elle a souhaité que le monde tire des leçons de ses erreurs passées. Alors que la Russie occupe des parties de la Géorgie depuis 2008 et de l’Ukraine depuis 2014, « notre réponse à ces actions a été incomplète », a-t-elle regretté, considérant que « notre faiblesse a encouragé plus d’agressivité ». À l’instar de plus de 50 pays, dont tous les membres de l’Union européenne, la Slovaquie impose des sanctions à la Russie, et ce, bien que son approvisionnement énergétique dépende de ce pays, a souligné la Présidente, pour qui « nous devrions tous aider l’Ukraine, politiquement, militairement et financièrement, parce que c’est le seul moyen de rétablir la paix ».
Pour Mme Čaputová, la crise climatique révèle également le fossé croissant entre les engagements pris et leur réalisation pratique. De fait, a-t-elle déploré, nous sommes désespérément en retard dans la réduction de nos émissions de CO2. À ses yeux, attendre en raison de la flambée des prix de l’énergie serait une « grave erreur ». Plutôt que de rétablir les subventions pour le charbon ou le gaz, nous devons nous en éloigner, a-t-elle plaidé, ajoutant que les énergies renouvelables sont moins chères et dépendent moins de ceux qui utilisent les combustibles fossiles comme une arme. Cet effort, que consent déjà la Slovaquie malgré la crise actuelle, nous devons le faire en solidarité les uns avec les autres, a insisté la Présidente, appelant à une augmentation significative des fonds pour les pays à revenu faible et intermédiaire à l’occasion de la COP27. Elle s’est par ailleurs alarmée de l’épidémie de mensonges, de propagande et de désinformation, exacerbée par l’essor des réseaux sociaux. Face à ce fléau, qui constitue une menace pour les démocraties, mais aussi pour les femmes et les filles, elle s’est dite favorable aux initiatives de l’ONU visant à réglementer le comportement des États dans le cyberespace et jugé nécessaire l’élaboration d’une « convention de Genève numérique ». L’histoire nous enseigne que la passivité et l’ignorance ne résolvent jamais les crises, elles ne font que retarder l’heure des comptes, a conclu la dirigeante.
M. EMMANUEL MACRON, Président de la France, a défendu les principes d’universalité de l’ONU qui n’est au service d’aucune hégémonie. « Au moment où je vous parle, il y a des troupes russes en Ukraine et il n’y a pas de troupes ukrainiennes en Russie », a fait remarquer le Président après voir fustigé les actions de « la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, qui a rompu notre sécurité collective ». En acceptant que « ceux qui se considèrent comme forts cherchent à soumettre par tous les moyens ceux qu’ils considèrent comme faibles », M. Macron a craint un retour à l’âge des impérialismes et des colonies. « La France le refuse et recherchera obstinément la paix », a-t-il insisté avant d’assumer le dialogue engagé avec la Russie pour trouver la paix. Évoquant les crimes de guerre commis par la Russie sur le sol ukrainien, le Président a dit que « la justice internationale devra établir les crimes et juger les coupables ». En outre, il a appelé à soutenir les efforts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour prévenir les risques d’un accident nucléaire. Il a ajouté qu’une négociation ne sera possible que si une Ukraine souveraine le souhaite et si la Russie l’accepte. Il a appuyé le droit de l’Ukraine de voir son territoire libéré et sa sécurité assurée. Selon lui, la Russie devrait entendre qu’elle ne saura imposer son point de vue par la force ni par le biais de « simulacres de référendums » dans des territoires bombardés et désormais occupés. Le Président Macron a exhorté la Fédération de Russie à renoncer à la guerre et à mesurer ses conséquences pour elle-même et le reste du monde.
Face aux risques de division du monde qui se profile en raison des conséquences directes et indirectes de ce conflit, le Président a particulièrement pointé la responsabilité des pays qui se sont réfugiés dans une forme de neutralité face à l’agression russe, estimant que certains ne font que « mimer le combat des non-alignés en refusant de s’exprimer ». Il a prévenu que « ceux qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux la cause d’un nouvel impérialisme qui menace notre ordre international ». « Qui peut prétendre ici que l’invasion de l’Ukraine ne justifie aucune sanction? » a lancé le Président, avant de rejeter toute accusation d’impérialisme européen ou occidental. Pour lui, le nouvel impérialisme a pris la forme d’une annexion territoriale qui utilise la sécurité alimentaire et la sécurité énergétique comme armes de divisions, et qui porte atteinte à la souveraineté de tous. « Êtes-vous pour ou contre la loi du plus fort? Êtes-vous pour ou contre l’impunité? » a-t-il encore demandé à l’Assemblée avant de prévenir que le droit international ne doit jamais être au service d’une puissance qui viole ses principes. Il a dit la volonté de la France d’œuvrer à un ordre international sans hégémonie avant d’alerter sur les tentatives de partition du monde qui se cachent derrière les divisions naissantes.
Après avoir rappelé que la moitié de l’humanité vit désormais dans des zones de risques climatiques, que 345 millions de personnes sont en situation de faim aiguë et que 55 guerres civiles sont en cours, le Président de la France a prévenu que l’heure n’est ni à la revanche contre l’Occident ni à l’opposition entre Est et Ouest. Il a souligné l’urgence d’un nouveau contrat entre le Nord et le Sud pour l’alimentation, le climat et la biodiversité et l’éducation. Il a mis l’accent sur le soutien apporté par la France à l’initiative d’OXFAM pour investir dans la production agricole des pays qui souhaitent accroître leur autonomie alimentaire. Il a aussi souligné la contribution de la France pour permettre l’évacuation de blé ukrainien vers la Somalie. À quelques semaines de la COP27, M. Macron a souligné la priorité de sortir du charbon et a invité la Chine et les grands pays émergents à prendre des décisions claires à cette occasion pour parvenir aux changements nécessaires en matière de modes de production industrielle.
Après avoir exhorté les pays les plus riches à financer des solutions pour les pays les plus pauvres, M. Macron a indiqué que la France accueillera la Conférence sur les océans en 2025 en collaboration avec le Costa Rica. Il a appelé l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à mettre en place les systèmes d’alerte précoce qui permettront d’anticiper les futures crises sanitaires. Il faut, de son avis, être lucide sur les situations des pays les plus pauvres et des pays à revenu intermédiaire, qui ont été aggravées par la COVID-19. Enfin, il a exhorté les pays du G20 à respecter leur engagement de consacrer aux pays en développement 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), en précisant que 30% de ces droits devaient être réservés aux pays africains et aux pays les plus pauvres de la planète. Évoquant également la tenue, en novembre à Paris, du Forum sur la Paix pour préparer le sommet du G20 à Bali, il a relevé que les membres du P5 ne sont plus les seuls à avoir leur mot à dire et il a plaidé pour que soit engagée, enfin, la réforme du Conseil de sécurité. Celui-ci doit être plus représentatif et le recours au droit de veto doit être limité, notamment en cas de crime de masse, a précisé le Président.
Mme IRIS XIOMARA CASTRO SARMIENTO, Présidente du Honduras, a souligné qu’en plus d’être la première femme à diriger son pays, elle représente le premier gouvernement démocratiquement élu après 13 années de dictature. Toutefois, la démocratie électorale ne suffit pas à assurer le bien-être matériel, a-t-elle reconnu, alors que la période de la dictature « sous tutelle de la communauté internationale » a conduit le Honduras à multiplier par six sa dette publique et à atteindre un taux de pauvreté de 74%, le plus élevé de son histoire. Elle s’est insurgée, à cet égard, contre la « dictature monétaire » qui soumet les plus pauvres à des mesures de discipline fiscale draconiennes. Pour que notre pays survive, nous devons rejeter cette austérité qui « récompense ceux qui concentrent les richesses dans les mains de quelques-uns et accroissent les inégalités de manière exponentielle », a-t-elle argué.
Depuis son élection, a poursuivi Mme Castro Sarmiento, elle s’est engagée à respecter les engagements pris par son pays « sans en renier aucun ». Cependant, les politiques publiques prônées par la communauté financière internationale nous ont entraînés dans un monde de violence et de pauvreté marqué par des projets ratés, par la corruption, le pillage et le trafic de drogue, a-t-elle insisté. À ses yeux, les pays industrialisés sont responsables de la détérioration de l’environnement et du pillage des ressources naturelles, et font payer aux plus pauvres leur mode de vie onéreux. Elle a ainsi souhaité procéder à une « refondation humaniste, empreinte de dignité et de souveraineté » de son pays, libéré d’un « ordre mondial arbitraire ». « Nous ne porterons plus jamais le stéréotype de la république bananière », a martelé la Présidente, en s’engageant à mettre fin aux monopoles et oligopoles. Pour ce faire, Mme Castro Sarmiento entend accorder la priorité à l’élimination des abus fiscaux, adopter une loi sur l’énergie en tant que bien public, soutenir les droits des travailleurs, renégocier les accords de libre-échange et investir dans l’agriculture afin de favoriser la sécurité alimentaire. Elle souhaite également reconnaître le rôle des femmes, privées de développement pendant des siècles, comme épine dorsale de la société, tout en favorisant la santé, l’éducation, la sécurité et la souveraineté alimentaire.
Chaque caravane de migrants fuyant la dictature a été une perte pour notre pays, s’est inquiétée la Présidente, tout en notant que les émigrés génèrent plus de revenus en devises que les exportations traditionnelles. Mme Castro Sarmiento a dit vouloir mettre en place une commission internationale de lutte contre la corruption et l’impunité, avec le soutien de l’ONU. Alors que la guerre punit à nouveau les plus pauvres du monde, elle a lancé un appel au respect du droit à l’autodétermination des peuples, rejetant le blocus contre Cuba et « l’agression » de la République bolivarienne du Venezuela.
M. FERDINAND ROMUALDEZ MARCOS JR., Président des Philippines, a rappelé qu’en vertu de la Déclaration de Manille de 1982, « nous avons contribué à affirmer que les différends ne devraient être résolus que par des moyens pacifiques ». Parmi les défis auxquels le monde fait face, il a évoqué les changements climatiques qui représentent selon lui « la plus grande menace » qui pèse sur les nations et peuples. Selon lui, les effets des changements climatiques sont inégaux et reflètent une injustice historique: « les moins responsables souffrent le plus ». Il a cité le cas de son pays, un puits net de carbone qui absorbe plus de dioxyde de carbone qu’il n’en émet. Et pourtant, nous sommes le quatrième pays le plus vulnérable aux changements climatiques, a-t-il déploré. Le Président a appelé les pays industrialisés à s’acquitter immédiatement de leurs obligations au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils doivent aussi fournir des financements et des technologies pour l’adaptation des plus vulnérables et des pays en développement. « Quand les générations futures regarderont en arrière, qu’elles ne demandent pas pourquoi nous n’avons pas profité de cette occasion pour renverser la vapeur. »
Le deuxième défi que M. Marcos a mentionné concerne le développement de technologies avancées. Des technologies émergentes dont la diffusion pourrait résoudre bon nombre de nos vieux problèmes, mais qui pourraient aussi perturber la politique et l’ordre social, a-t-il averti. Le troisième défi est l’élargissement des polarités géopolitiques et l’accentuation des compétitions stratégiques qui transforment le paysage politique international. Notre Charte même est violée à travers le monde, a-t-il dit, avant d’aborder le quatrième défi que représentent les injustices. Il a ainsi relevé que pendant la pandémie de COVID-19, les nations les plus riches ont reçu sans attendre des vaccins au détriment des plus démunis. Il a également évoqué la fracture numérique et l’envolée du fardeau de la dette.
Le Président a ensuite parlé des avancées significatives des Philippines sur leur chemin vers le développement durable. Malgré les défis de la pandémie et les bouleversements économiques mondiaux, nous restons sur la bonne voie pour atteindre un revenu intermédiaire supérieur d’ici à l’année prochaine, a—t-il prédit, annonçant que le pays entend devenir prospère d’ici à 2040. Il a ensuite appelé la communauté internationale à écouter la sagesse des fondateurs de l’ONU. Cela signifie transcender nos différences et s’engager à mettre fin à la guerre, à défendre la justice, à respecter les droits humains et le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-il dit. Il a également évoqué la « solidarité » qui consistera à promouvoir un Conseil de sécurité réformé et plus inclusif et une Assemblée générale habilitée à demander des comptes au Conseil. Enfin, il a souhaité le soutien de tous les États Membres pour la candidature des Philippines au Conseil de sécurité pour la période 2027-2028, faisant valoir le succès des autorités nationales dans la pacification de la région autonome de Bangsamoro du Mindanao musulman dans le sud du pays.
M. GITANAS NAUSĖDA, Président de la Lituanie, a dénoncé à propos de l’Ukraine une guerre illégale qui porte atteinte à l’essence même des Nations Unies. « Cette guerre de conquête non déclarée n’a pas brisé la volonté du peuple ukrainien », a-t-il constaté, ajoutant que « les massacres d’Izioum et de Boutcha n’ont pas mis les Ukrainiens à genoux ». M. Nausėda a appelé la communauté internationale à exclure la Fédération de Russie des forums internationaux. « Comment pouvons-nous tolérer qu’un membre permanent du Conseil de sécurité participe à une guerre génocidaire de conquête et d’anéantissement? » s’est-il ému. Il a estimé qu’un pays qui s’attaque brutalement à l’ordre mondial n’appartenait pas à la communauté internationale et qualifié la Russie de « dangereuse puissance coloniale qui cherche à occuper et à annexer ses voisins ». Le Président a par ailleurs accusé le Bélarus d’avoir amplifié les souffrances du peuple ukrainien en permettant des attaques depuis son territoire, renonçant du même coup à sa souveraineté nationale.
Continuant sa charge contre la Fédération de Russie, le Président de la Lituanie a dressé une liste des violations des principes fondateurs des Nations Unies commises par celle-ci durant les dernières années: violation des traités de contrôle des armements, utilisation d’armes chimiques interdites, violation continue de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, de la Géorgie et de la République de Moldova et ingérence dans les élections d’autres États. Il a dénoncé l’utilisation de la centrale nucléaire de Zaporijia comme base militaire par l’armée russe et appelé à son retrait. De même, il s’est élevé contre « la rhétorique irresponsable de la Russie sur l’utilisation éventuelle d’armes nucléaires », estimant qu’elle s’était discréditée en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.
M. Nausėda a appelé ses homologues à exiger collectivement le retrait immédiat et sans conditions des troupes russes de tout le territoire de l’Ukraine. Il a affirmé que son pays soutenait la création d’un tribunal spécial pour traiter les crimes de guerre de la Russie. Le Président s’est inquiété de la brutalité croissante de la répression sur le territoire russe, bannissant les médias indépendants et les organisations non gouvernementales du pays. Le même phénomène se déroule aussi au Bélarus qui compte aujourd’hui plus de1 200 prisonniers politiques, a-t-il déploré, appelant à une plus grande attention de la communauté internationale envers ce pays. Il a également rappelé que la Lituanie n’importait plus de pétrole et de gaz russes et appelé d’autres pays à se joindre à cet embargo.
M. KLAUS WERNER IOHANNIS, Président de la Roumanie, s’est inquiété des conséquences mondiales de la guerre en Ukraine avant d’ajouter que ces conséquences devraient être une préoccupation majeure de tous, quelle que soit la distance qui nous sépare du conflit. Il a indiqué que la Roumanie continuera de soutenir l’Ukraine, car son peuple se bat pour les valeurs communes et la démocratie, précisant avoir ouvert ses frontières à 2,3 millions d’Ukrainiens qui ont fui la guerre en leur offrant un accès gratuit à l’éducation, aux services de santé et au marché du travail. Estimant que la sécurité énergétique est une préoccupation mondiale, qui nécessite des solutions communes, il a jugé inacceptable l’utilisation de l’énergie comme outil de chantage. Il a ajouté que la sécurité énergétique exige des investissements stratégiques dans les énergies renouvelables, dans le nucléaire -avec de nouveaux projets tournés vers l’avenir comme les petits réacteurs modulaires- ou dans l’hydrogène. Cela nécessite également des prix de l’énergie qui soient accessibles à tous les concitoyens, a insisté le Président, avant de prévenir qu’assurer la sécurité énergétique va de pair avec la transition verte pour des économies climatiquement neutres.
Mettant l’accent sur le lien entre les changements climatiques et la paix et la sécurité, le Président roumain a regretté que nous n’ayons su faire face à la triple crise du climat, de la pollution et de la perte de biodiversité. Il a indiqué que tous les efforts au sein de l’Union européenne visent à identifier et mettre en œuvre les meilleures solutions possibles face à ces graves difficultés. À deux mois de la COP27 en Égypte, il a dit la nécessité de prendre des engagements complémentaires vers la neutralité climatique. Après avoir souligné l’importance de la sensibilisation et de l’éducation des générations futures à la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques, le Président a dit que l’éducation est une priorité absolue pour la Roumanie et un investissement stratégique pour l’avenir.
Sur le plan de la sécurité alimentaire, le Président a expliqué que, depuis le début de la crise ukrainienne, la Roumanie a facilité l’exportation de plus de quatre millions de tonnes de céréales, qui représentent 60% des céréales exportées par l’Ukraine, via ses ports du Danube et en mer Noire. Passant au système des Nations Unies, il a souligné la nécessité de renforcer le système des droits de l’homme et d’assurer un financement adéquat de toutes ses activités. Le Président de la Roumanie a conclu son discours en signalant que son pays est candidat à un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, pour la période 2023-2025.
M. LUIS ALBERTO ARCE CATACORA, Président de la Bolivie, a relevé qu’aujourd’hui, nous sommes confrontés à une crise capitaliste multiple et systémique qui met de plus en plus en danger l’humanité et la planète. Il a appelé à réfléchir aux origines des diverses crises afin de changer ce système « qui reproduit la domination, l’exploitation et l’exclusion de larges majorités, qui génère la concentration des richesses et qui privilégie la production et la reproduction du capital plutôt que de la vie ». Parallèlement à cette crise du capitalisme, il a vu la fin d’un monde unipolaire et la construction d’un nouvel ordre mondial, en espérant que cet ordre mondial bénéficiera à tous les États et peuples du monde. Convaincu qu’« un autre monde est possible », il a fait une série de propositions, notamment celle de déclarer le monde « zone de paix ».
Le Président s’est dit préoccupé par le nombre considérable de conflits armés qui affligent l’humanité et constituent un lourd tribut humain, et, dans de nombreux cas, causent la destruction de notre patrimoine culturel et environnemental. Il a réitéré que, quelles que soient l’origine, la nature ou l’explication géopolitique des tensions internationales, la Bolivie continuera de choisir la culture du dialogue entre les nations, à travers la diplomatie populaire. Cependant, a-t-il constaté, nous assistons à la détérioration croissante du dialogue multilatéral à cause des « caprices des puissances capitalistes » qui ne veulent pas se résigner à l’existence d’un monde multipolaire. Il n’a pas manqué de rappeler que les États sud-américains et caribéens de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) ont déclaré leur région « zone de paix » dès 2014 et plaident pour que cette Assemblée soit l’espace d’un accord historique, un accord où le dialogue et la diplomatie prévalent sur toute controverse, et où le monde soit également déclaré « zone de paix ».
Le Chef d’État bolivien a ensuite proposé de substituer les dépenses militaires liées à la fabrication d’armes de destruction massive par des dédommagements pour les pauvres de ce monde. Il a souligné la concentration d’un grand nombre de ces armes dans un petit groupe de pays qui, en refusant de les éliminer, privilégient leurs intérêts géopolitiques et mettent en danger la paix et la sécurité de la planète. Neuf pays disposent aujourd’hui de 12 705 ogives nucléaires, a-t-il précisé. Il a également plaidé contre la mercantilisation des systèmes de santé en arguant que face à la grave crise sanitaire de la COVID-19, il est impératif de renforcer les systèmes de santé universels dans lesquels l’État remplit son obligation de protéger et de garantir les droits collectifs de ses citoyens.
Le Président bolivien a ensuite évoqué la nécessité d’un programme mondial de souveraineté alimentaire en harmonie avec la « Terre nourricière » en demandant, entre autres, de garantir aux petits producteurs de meilleures conditions de production, y compris l’accès aux semences, aux engrais, à la technologie, aux infrastructures, aux crédits, aux marchés, et cela en pleine harmonie avec la Terre Mère. Il faut reconstruire les capacités productives et économiques des « pays de la périphérie » victimes de la logique de la concentration du capital, a-t-il tonné. Plus concrètement, il est vital à son avis de restructurer l’architecture financière mondiale en vue d’alléger la dette extérieure au niveau mondial, afin que les pays en développement aient les moyens de mettre en œuvre souverainement des politiques sociales de développement économique et social. Et, reprenant le « cri des pays du Sud », il a demandé que les relations commerciales qui continuent actuellement de ne profiter qu’au Nord soient rééquilibrées. Le Président Catacora a ensuite exposé des éléments clefs de l’expérience de son pays, notamment la reprise de la construction du Modèle Économique Social de Communauté Productive, un modèle économique souverain dans lequel « nous n’acceptons pas et n’accepterons pas les impositions du Fonds monétaire international », a-t-il indiqué. Avec une inflation de 1,6% au mois d’août, il s’est targué d’une économie bolivienne qui a l’inflation la plus faible de la région et l’une des plus faibles du monde.
Alors que la crise climatique exige la responsabilité et la solidarité, le Chef d’État s’est indigné du fait que les responsables des émissions de gaz à effet de serre demandent désormais que chaque pays poursuive l’illusion de la « décarbonation » d’ici à 2050, sans tenir compte des responsabilités historiques des pays développés, ni des capacités et limites des pays en développement, pour qui l’accès aux technologies propres de pointe devient chaque jour plus inaccessible. À cet égard, il a observé que les fonds alloués par les pays les plus développés à la crise en Ukraine sont 20 fois supérieurs à ceux au Fonds vert. Il a également abordé les questions de l’industrialisation du lithium, une ressource dont dispose la Bolivie et pour laquelle elle revendique sa souveraineté et rejette toute tentative d’ingérence pour faire main basse sur ses ressources.
Le Président a également abordé les questions du passage à l’échelle régionale de la lutte contre le trafic de stupéfiants, arguant que la guerre contre la drogue criminalise les pays du Sud tout en protégeant le blanchiment d’argent; du renforcement des mécanismes internationaux permettant de garantir un traitement préférentiel pour les pays enclavés, notamment le « droit à la mer »; de l’élargissement de la vision limitée des droits humains et de la démocratie; ou encore de la solidarité intergénérationnelle. La Bolivie a même appelé à déclarer une décennie de la « dépatriarcalisation » pour lutter contre toutes formes de violence à l’égard des femmes et des filles et à rejeter les sanctions unilatérales une fois pour toutes. Le Président bolivien a conclu en invitant la communauté internationale à revitaliser véritablement le multilatéralisme pour notamment reconfigurer l’ordre mondial fragile et le rendre « pluriel et solide ».
M. PEDRO CASTILLO TERRONES, Président du Pérou, s’est inquiété d’une dangereuse évolution du monde vers des situations conflictuelles, créant des tensions sans précédent. Il a rappelé que le Pérou défendait fermement les principes de non-agression et de respect de l’intégrité territoriale des États. L’intervention de la Fédération de Russie en Ukraine est « illégitime », a-t-il affirmé, tout comme l’occupation par Israël des territoires palestiniens et arabes depuis 1967. M. Castillo Terrones a estimé que toutes les interventions armées violaient la Charte des Nations Unies et que seules les sanctions décrétées par le Conseil de sécurité étaient légitimes. « Il ne faut jamais jeter de l’huile sur le feu des conflits », a-t-il affirmé, réitérant l’appel de son pays à des négociations en vue d’une solution pacifique tenant compte des intérêts de toutes les parties. Il a appelé à pérenniser l’accord sur l’exportation des céréales depuis l’Ukraine et à prendre des dispositions pour garantir les exportations russes d’engrais, dont le manque pèse sur les agriculteurs les plus pauvres des pays en développement. Il a jugé essentiel d’empêcher les sanctions économiques d’affecter la sécurité alimentaire.
Appelant la communauté internationale à assumer ses responsabilités en favorisant une solution à deux États afin de régler le conflit israélo-palestinien, le Président a annoncé l’ouverture prochaine d’une représentation diplomatique péruvienne en Palestine. Il a aussi rappelé que le Pérou avait établi des relations diplomatiques avec la République arabe sahraouie dont il appuie le droit à l’autodétermination, ajoutant que son pays reconnaissait « la souveraineté de l’Argentine sur les Îles Malvinas ». Le Président a indiqué que, sous son mandat, le Pérou avait presque doublé ses effectifs au sein des opérations de maintien de la paix et participait actuellement à six missions, notamment en République centrafricaine. Il s’est félicité de l’ouverture récente à Lima de la conférence latino-américaine et caribéenne sur les opérations de maintien de la paix, qui a donné une forte impulsion en vue d’élargir la participation des pays de la région à ces opérations.
Le Président s’est ensuite inquiété de la détérioration de la situation économique mondiale en raison de la pandémie de COVID-19, de l’inflation et de la hausse des prix de l’énergie qui entraînent davantage de pauvreté et d’exclusion. Concernant le Pérou, il s’est félicité de la mise en place d’un plan de relance économique avec une cible de 3,3% de croissance, supérieure à la moyenne de l’Amérique latine. « Nous devons cesser d’agresser la nature! » s’est-il exclamé en évoquant les changements climatiques, rappelant qu’il faudrait faire des efforts sept fois plus importants pour limiter l’augmentation de la température moyenne à 1,5 degré Celsius. Il a appelé à un nouveau pacte pour protéger les océans et réglementer les activités de pêche, réaffirmant au passage que le domaine maritime du Pérou s’étend jusqu’à 200 miles nautiques au-delà de ses côtes.
M. DAVID KABUA, Président des Îles Marshall, a estimé que l’ONU reste la scène internationale majeure. Mais si le monde ne répond pas de manière adéquate aux nations insulaires et à mesure que les mers montent, alors l’ONU ne servirait à rien. M. Kabua s’est joint à d’autres pays, et en particulier aux pays voisins insulaires du Pacifique, pour condamner la poursuite de l’agression et des crimes de guerre de la Fédération de Russie en Ukraine. Nous le faisons non seulement en tant que membre des Nations Unies, mais aussi en réponse à une instabilité mondiale plus large qui a un impact direct sur notre propre région insulaire, a—t-il expliqué. Les Îles Marshall est fière de coprésider le « Groupe des amis de la responsabilité » à la suite de l’agression contre l’Ukraine, a-t-il dit, ajoutant que son pays soutient les enquêtes indépendantes du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et de la Cour pénale internationale.
Le Président a ensuite condamné les récentes actions militaires de la Chine dans le détroit de Taïwan. Cela a menacé de perturber la paix et la sécurité dans la région indopacifique et dans le monde entier, a-t-il dit. Il est essentiel que l’héritage et les défis contemporains des essais nucléaires soient mieux abordés, a souligné le Président, en évoquant les relations de son pays avec les États-Unis. Il a rappelé que les Îles Marshall ont été le site de 67 essais nucléaires et d’armes thermonucléaires pendant 12 ans, quand le pays était placé sous la tutelle de l’ONU et des États-Unis. Les impacts de ces essais sur nos droits humains, notre terre, notre culture, notre santé et nos vies sont des fardeaux qu’aucune autre nation ou pays ne devrait avoir à supporter, a—t-il déclaré, tout en plaidant pour l’élimination du risque nucléaire.
Le Président a déclaré qu’en tant que membre de la famille des îles du Pacifique, les Îles Marshall considèrent que leur plus grand défi, leur principale menace, réside dans les changements climatiques. Il y a plus de 30 ans, dans cette grande salle et au Sommet de Rio, nos dirigeants ont tiré la sonnette d’alarme et averti de ses terribles conséquences, a rappelé M. Kabua. Et pourtant, après toutes ces années, le monde n’a pas réussi à briser sa dépendance aux combustibles fossiles, s’est-il désolé, déplorant le fait que « nous n’investissons pas assez dans l’adaptation vitale, en particulier pour les petites îles ». Il a rappelé également que son pays avait proposé une taxe sur le carbone pour le transport maritime international, qui stimulera la transition vers un transport maritime neutre en émissions de carbone, canalisant ainsi les ressources des pollueurs vers les plus vulnérables.
M. Kabua a ensuite salué la publication d’un rapport de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans la région du Xinjiang en Chine. Selon lui, la communauté internationale doit réagir. Il a en outre appelé à des efforts beaucoup plus importants pour conclure un accord ambitieux sur un instrument sur la biodiversité marine au-delà de la juridiction nationale, en vertu de la Convention sur le droit de la mer des Nations Unies. Aujourd’hui, nous appelons l’ONU à mieux accueillir Taïwan et son peuple dans notre famille, a-t-il lancé, avant d’appeler à des progrès dans la réalisation de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU.
M. WAVEL RAMKALAWAN, Président des Seychelles, a rappelé que le multilatéralisme est l’opportunité et le moyen de résoudre des défis complexes. Il a rappelé que le monde est confronté à l’inaction climatique, aux suites de la pandémie, à l’insécurité, à la hausse des coûts de l’énergie et à la guerre en Ukraine. Le sort des États en situation de vulnérabilité n’a jamais été aussi critique, a-t-il ajouté notant que beaucoup de pays en développement ont dû revoir leurs aspirations pour 2030 en raison de progrès perdus. Pour le Président, les inégalités économiques sont le plus grand obstacle à la réalisation des ODD. Le projet d’un avenir meilleur et durable nécessite des ressources financières que beaucoup d’entre nous n’avons pas, ou sommes incapables d’obtenir, car les modalités de coopération au développement ne considèrent pas la vulnérabilité comme un obstacle au développement durable, a-t-il observé. Il a donc invité à mettre en pratique de vraies solutions axées sur les vulnérabilités et le renforcement de la résilience pour assurer la durabilité socioéconomique.
Le Président a recommandé que les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement regardent au-delà de la référence du revenu national brut, arguant qu’il existe un large consensus sur la nécessité d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle permettant de compléter et d’améliorer l’efficacité de la coopération au développement, permettant aux pays en situation de vulnérabilité d’accéder à des financements concessionnels et de répondre à leurs besoin. S’agissant de la crise alimentaire et énergétique, il a dit que le défi pour l’Afrique est de garantir que le commerce contribue de manière significative à la sécurité alimentaire. À cet égard, la Zone de libre-échange continentale africaine a un rôle essentiel, a-t-il estimé, car elle veille à ce que les aliments produits dans les régions excédentaires soient distribués vers les régions déficitaires. En outre, de l’avis du Président, l’économie bleue peut être une option viable pour lutter contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
La sécurité alimentaire et énergétique doit être appréhendée dans le contexte des changements climatiques, a conseillé M. Ramkalawan pour qui ne pas agir de manière décisive et urgente maintenant entraînera des coûts incalculables. L’impact de l’élévation du niveau de la mer constitue une menace existentielle pour les petits États insulaires en développement (PEID), a alerté le Président qui a souhaité des actions audacieuses au lieu de promesses et d’engagements non tenus. Il faut également, a plaidé le Président, faire face à l’injustice flagrante consistant à demander aux citoyens des États les moins responsables de la catastrophe climatique de payer pour les pertes et les dommages causés par d’autres. « Les Seychelles peuvent en témoigner, car nos côtes et nos mers sont devenues encombrées de déchets plastiques. » Sur la question des océans, le Président a parlé du plan de l’espace maritime mis en place aux Seychelles pour créer une réserve de 30% de la zone économique exclusive consacrée à la protection et à l’utilisation durable. Les Seychelles se sont engagées à protéger au moins 50% des écosystèmes d’herbiers marins d’ici à 2025 et 100% d’ici à 2030, a fait valoir le Président en appelant les autres États côtiers et océaniques à être aussi audacieux dans ce domaine. Pour ce qui est de la situation en Ukraine, il a réitéré l’appel du Président de l’Union africaine et du Président de la Commission de l’Union africaine exhortant les parties à établir un cessez-le-feu immédiat et à reprendre les négociations.
M. ALBERTO FERNÁNDEZ, Président de l’Argentine, a commencé par exprimer sa gratitude pour la solidarité reçue du monde entier en réponse à la tentative d’assassinat contre sa Vice-Présidente, Mme Cristina Fernández de Kirchner, tentative qui cherchait à remettre en question une « œuvre collective vertueuse » qui, l’an prochain, fêtera ses 40 ans. En 1983 en effet, a rappelé le Chef d’État, nous avons retrouvé la démocratie et entamé un long cycle historique au cours duquel différentes forces politiques se sont succédé au gouvernement. « Nous, Argentins, avons conclu l’accord « Plus jamais ça » sur le terrorisme d’État et la violence politique. Nous apprécions la démocratie comme modèle de développement social qui exige le respect des autres dans la diversité. « Je suis sûr que la violence fasciste qui se fait passer pour du républicanisme ne parviendra pas à modifier ce large consensus auquel adhère la majorité de la société argentine », a déclaré le Président.
Profitant du malaise généré par la pandémie et des répercussions économiques de la guerre, les discours extrémistes et violents ont prospéré et trouvé un terrain fertile pour semer un sentiment antipolitique au sein de nos sociétés, a analysé M. Fernández. Ceux qui cherchent à affaiblir et à éroder les démocraties ont des intérêts spécifiques qui les conduisent à promouvoir la polarisation extrême, a-t-il ajouté, appelant à une mobilisation internationale. Alors que la pandémie a révélé les énormes inégalités à travers le monde, où « la fortune de 10 hommes excède les revenus de 40% de la population de la planète », il a souligné la nécessité de dénoncer ce « modèle d’accumulation » et de renforcer un multilatéralisme coopératif propice à l’état de droit, à la règle de la non-violence et à la réduction des écarts sociaux.
À cette fin aussi, il est nécessaire d’imposer le dialogue et de rétablir la paix dans le différend enclenché par l’avancée militaire de la Fédération de Russie en Ukraine, a ajouté M. Fernández. La sécurité alimentaire doit être garantie pour tous, a-t-il poursuivi, en indiquant que l’Argentine remplirait son rôle de producteur et d’exportateur fiable de vivres et de technologies applicables à la production alimentaire pour en améliorer les performances. Elle continuera aussi d’augmenter sa production pour fournir au monde des énergies propres. « Nous disposons des deuxièmes plus grandes réserves mondiales de gaz non conventionnel et des quatrièmes de pétrole non conventionnel, ainsi que d’une importante réserve de lithium et du potentiel nécessaire pour développer l’énergie solaire et éolienne, ainsi que de l’hydrogène à émissions faibles ou nulles », s’est enorgueilli à ce sujet le Chef d’État.
Le Président a ensuite réaffirmé « les droits de souveraineté légitimes et imprescriptibles » de son pays sur les Îles Malvinas, Géorgie du Sud et Sandwich du Sud, ainsi que les espaces maritimes environnants, qui « font partie du territoire national argentin et sont occupés illégalement par le Royaume-Uni depuis près de 190 ans ». La demande formulée dans la résolution 2065 en date de 1965 est restée en vigueur et a été réitérée à plusieurs reprises, a rappelé le Chef d’État, rappelant que le Royaume-Uni persiste dans son indifférence à l’appel à reprendre les négociations sur ce différend territorial. Un différend aggravé, selon lui, par les appels de Londres à exploiter illégalement des ressources naturelles dans la région, sans compter une présence militaire « injustifiée et excessive » dans l’archipel, qui ne fait qu’accroître les tensions dans une « zone de paix et de coopération internationale ». Aussi, M. Fernández a-t-il demandé au Secrétaire général de renouveler ses efforts pour remplir ce mandat et au Royaume-Uni d’accepter de répondre à l’appel de la communauté internationale et de mettre fin à cette « situation coloniale anachronique ». Dans ce contexte, a-t-il assuré, l’Argentine est tout à fait prête à retourner à la table des négociations et à rechercher une solution qui mettra fin à ce long conflit de souveraineté.
M. ANDRZEJ DUDA, Président de la Pologne, a fait remarquer qu’il y a un an, au moment de prononcer son discours à l’Assemblée générale, son pays comptait 38 millions d’habitants et il en compte aujourd’hui 41 millions, essentiellement en raison de l’arrivée des réfugiés ukrainiens. La décision de mener la guerre contre l’Ukraine, a-t-il dénoncé, a été prise par des personnes mues par un sentiment d’impérialisme et par un orgueil colonial et nationaliste qui nient à leurs voisins le droit souverain à l’autodétermination. L’agresseur, a poursuivi le Président, a déjà perdu la guerre puisqu’il a échoué à soumettre une nation libre, à briser son esprit et à disperser son armée. Aujourd’hui, il a, contre lui, une nation entière et une grande partie des nations du monde, y compris la Pologne, qui se sont exprimées clairement, et surtout dans cette enceinte.
Cette guerre, a ajouté M. Duda, a été déclenchée par la Russie contre nos principes et nos valeurs communes, et contre l’humanité tout entière. Il ne s’agit pas d’un conflit régional mais bien d’un « incendie mondial » qui, à terme, touchera tous les États. Le Président a illustré ses propos en citant la crise alimentaire et le « spectre de la famine » qui plane sur de grandes parties du monde. Depuis le début de l’invasion, la Russie a « délibérément et cyniquement » détruit les récoltes et le matériel agricole, en plus de saisir 22% des terres agricoles de l’Ukraine. Selon certaines estimations, les récoltes ukrainiennes seront réduites de 35%, rien que cette année, et le nombre de personnes souffrant d’une faim chronique augmentera d’environ 47 millions, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.
Nous devons, a martelé le Président, empêcher quiconque souhaite provoquer « sciemment et cyniquement » une famine artificielle pour servir ses intérêts politiques, comme l’a fait Staline dans les années 30. Il a salué l’Initiative céréalière de la mer Noire et a appelé la communauté internationale à imposer de nouvelles sanctions contre la Russie, en cas de violation de l’accord qui sous-tend cette initiative. La Pologne et l’Union européenne restent fermement engagées à faciliter les exportations de céréales ukrainiennes, notamment par voie terrestre, a souligné le Président.
L’agression russe contre l’Ukraine ne constitue rien de moins qu’une agression contre le monde entier, qui appelle une réponse internationale multidimensionnelle, y compris contre le complice qu’est le Bélarus. Craignant une espèce de lassitude face à ce conflit, le Président a dit: si les Nations Unies sont vraiment unies, elles doivent donner une réponse identique, décisive et fondée sur des principes à toutes les violations du droit international comme en Syrie, en Libye ou encore au Yémen. Aujourd’hui, la victime, c’est l’Ukraine, et si l’impérialisme russe gagne, demain, ce sera n’importe quel pays dans le monde, a prévenu le Président.
M. ALEJANDRO GIAMMATTEI FALLA, Président du Guatemala, a dénoncé les divisions dont souffre le monde, en citant l’accès inégal aux vaccins contre la COVID-19. « Nous sommes tous fragiles face aux catastrophes et nous devons nous montrer solidaires. » Il a loué les bons résultats économiques enregistrés par son pays, en 2021, grâce à l’appui notamment des organisations internationales, avant d’insister sur les dégâts considérables provoqués par les changements climatiques. C’est le monde industrialisé qui est responsable de cette catastrophe et c’est à lui de la régler, a-t-il martelé. Il a détaillé la politique d’atténuation des conséquences desdits changements suivie par son pays, avec une stratégie de « décarbonisation » et la promotion d’énergies propres. Le Président a appelé à lutter contre l’insécurité alimentaire et contre les migrations irrégulières, en estimant qu’il s’agit d’une question de sécurité. M. Giammattei Falla a réclamé avec force un traitement respectueux pour tous les pays, avant d’inviter l’ONU à « taper du poing sur la table » face aux cas d’irrespect. Les nations sont les tutrices du droit international et elles sont censées le protéger, a-t-il rappelé.
Le Président guatémaltèque a appelé à la cessation du conflit en Ukraine, pays dans lequel il s’est récemment rendu. « J’ai pu voir lors de cette visite officielle les horreurs de la guerre », a dit le Président, avant d’appeler les États à respecter la Charte. Il a souligné que la Charte nous rappelle que nous devons être tolérants et coexister dans la paix. Le Président a ensuite réclamé la réforme « immédiate du Conseil de sécurité », ce dernier devant promouvoir la paix et écarter tout calcul politique. Le Conseil devrait exclure tout pays qui n’aspire pas à la paix, a-t-il tranché. Le Président a aussi demandé que Taïwan devienne membre de l’Organisation, avant de rappeler l’attachement de son pays à la vie « depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle ». Sur le plan régional, il s’est dit persuadé que le Guatemala réglera son différend territorial avec le Belize grâce à des mécanismes de dialogue. « Plus de guerre fratricide, plus de morts », a souhaité le Président, en invitant à livrer bataille à la famine, à la pauvreté et aux changements climatiques plutôt que de prendre les armes. « Que Dieu bénisse le monde et surtout le Guatemala. »
M. FÉLIX-ANTOINE TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République démocratique du Congo (RDC), a rappelé que son pays est victime d’une crise sécuritaire aigüe qui dure depuis plus de 20 ans dans l’est de son territoire national, une « crise causée principalement par les convoitises que suscitent ses fabuleuses richesses naturelles et les ambitions de puissance de certains de ses voisins ». Cependant, en dépit d’efforts internes inlassables, de la présence militaire massive de l’ONU en RDC et de son soutien diplomatique pendant 23 ans, le « mal sécuritaire continue à ronger mon pays ». Afin de l’éradiquer définitivement, plusieurs accords ont été signés avec les groupes armés, et même avec les pays voisins, sous la garantie de la communauté internationale, et des mécanismes nationaux et internationaux créés. « Toutes ces perspectives de règlement définitif du conflit n’ont duré que l’espace de quelques mois. Vite, l’architecture s’est fissurée et l’édifice s’est écroulé. Et, on recommence toujours avec les mêmes tragédies », a constaté le Chef d’État.
Partisan d’une « philosophie de réconciliation » avec ses voisins, M. Tshisekedi a dit n’avoir ménagé aucun effort pour rassurer les pays limitrophes et restaurer la confiance. En dépit de cette « main tendue », certains n’ont trouvé mieux que de nous remercier par l’agression et le soutien à des groupes armés terroristes, a regretté le Président. « C’est le cas actuellement du Rwanda qui, une fois de plus, a non seulement agressé, en mars dernier, la RDC par des incursions directes de ses forces armées, mais occupe également des localités du Nord-Kivu par l’entremise d’un groupe armé terroriste, le M23, auquel il apporte un soutien massif tant en matériels de guerre qu’en troupes », a-t-il accusé. Et, « comme pour défier la communauté internationale », le M23, avec le soutien de l’armée rwandaise, a même abattu un hélicoptère de la MONUSCO et tué huit Casques bleus, commettant ainsi un crime de guerre. « Je dénonce avec la dernière énergie cette énième agression dont mon pays est victime de la part de son voisin, le Rwanda », a déclaré M. Tshisekedi.
Rejetant les « sempiternelles dénégations des autorités rwandaises’, il a réitéré la demande de son gouvernement au Président du Conseil de sécurité de distribuer officiellement à ses membres le dernier rapport en date des experts de l’ONU sur la situation dans l’est de la RDC afin d’en tirer toutes les conséquences qui s’imposent: « Il y va de l’image et de la crédibilité de notre Organisation », a-t-il assuré. Procéder autrement aurait, selon lui, deux conséquences préjudiciables. D’une part, encourager le Rwanda à poursuivre son agression, ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité dans le pays. D’autre part, nourrir davantage la suspicion légitime des Congolais sur l’impartialité de l’ONU ainsi que la complicité de certains de ses États Membres dans ces crimes. C’est d’ailleurs pour mettre fin à cette suspicion et dissiper l’ambiguïté du Conseil de sécurité, « qui excède la population congolaise et exacerbe la tension entre elle et la MONUSCO », que le Gouvernement congolais a demandé la réévaluation du plan de retrait progressif de cette Mission, à laquelle le Président a imputé des « faiblesses regrettables ».
Nul ne peut prétexter un discours imaginaire de haine tribale, ethnique et raciale ou xénophobe en RDC pour s’y livrer à des aventures criminelles, a poursuivi le Chef d’État. Il a également balayé les allégations de prétendue « collaboration » entre « certains officiels congolais » et les opposants rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont se servent les dirigeants rwandais pour justifier les agressions répétées de la RDC, un « alibi » qui, a-t-il affirmé, n’est corroboré par aucun fait avéré sur le terrain. En effet, a tranché M. Tshisekedi, les FDLR ont été « décapitées et réduites à néant » par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), en étroite collaboration avec l’armée rwandaise dans le cadre des opérations conjointes menées au cours des dernières années.
Présentant cinq propositions, le Chef d’État a appelé à rendre effectifs le retrait immédiat du M23 des localités occupées, le retour des déplacés congolais de ces localités à leurs domiciles et la cessation sans condition du soutien de l’armée rwandaise à ce groupe terroriste. Ensuite, il a suggéré de multiplier les pressions sur le Rwanda et le M23 pour qu’ils respectent les positions prises par les organisations internationales. Par ailleurs, il faut appuyer la poursuite du processus de paix de Nairobi, les discussions de Luanda RDC-Rwanda et le déploiement de la Force régionale de l’Afrique de l’Est. Puis, il a recommandé d’encourager le Président honoraire du Kenya, M. Uhuru Kenyatta, et celui de l’Angola, M. João Lourenço, Médiateurs de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et de l’UA dans la crise sécuritaire en RDC, à poursuivre leurs bons offices. Enfin, le Président de la RDC a demandé la levée de tout obstacle à la restructuration par la RDC de ses forces armées, notamment des mesures restrictives à l’acquisition d’équipements militaires, quelle qu’en soit la forme édictée par le Conseil de sécurité de l’ONU. « La réalisation des actions préconisées ci-dessus garantira un règlement de la crise et facilitera un dialogue constructif entre toutes les parties concernées », a-t-il estimé en conclusion.
M. FAUSTIN ARCHANGE TOUADERA, Président de la République centrafricaine, a déploré qu’alors que les questions concernant la sécurité, la paix, l’environnement et la santé entrent dans une phase « critique », les « signaux d’alerte sont méprisés au profit des intérêts économiques, géopolitiques ». Le rôle des Nations Unies n’est-il pas de transformer le monde, de le rendre plus juste et plus sûr et de garantir la dignité de chacun de nous, quel que soit le contexte mondial? s’est demandé le Président, pour qui la multiplication des tensions et des crises dans le monde interpelle « notre conscience collective » et démontre que « notre Organisation est le produit d’une ère révolue ». Devant ce constat, la République centrafricaine réitère son soutien à la position commune de l’Union africaine, qui appelle à une réforme « profonde » de l’ONU et à l’élargissement du Conseil de sécurité, pour une « participation plus juste et plus représentative » de tous les continents.
Parmi les défis « interdépendants » que doit relever la communauté internationale, M. Touadera a identifié la protection de l’environnement et la sécurité sanitaire. Il a plaidé à cet effet pour une « justice climatique » à l’égard des populations vulnérables et appelé les grands pollueurs à honorer leurs engagements, notamment l’Accord de Paris sur les changements climatiques. De même, a-t-il fait valoir, la pandémie de COVID- 19 nous a enseigné que la protection sanitaire mondiale est un « impératif pour toutes les nations, sans exclusivité ». Le Président s’est réjoui du « changement de paradigme » dans le secteur de la santé et de l’élan de solidarité sans précédent qui l’accompagne, notamment l’accès aux vaccins contre la poliomyélite, la COVID-19 et, bientôt, contre le paludisme.
Malgré ces avancées, la République centrafricaine a vu son « élan vers le développement » entravé par de graves crises sécuritaires et sanitaires, exacerbées par le « déficit persistant » d’appui financier de la part de la communauté internationale, a dénoncé M. Touadera. La République centrafricaine continue de consentir d’énormes sacrifices afin d’améliorer sa gestion économique et sa gouvernance, a-t-il assuré, et attend le rétablissement du programme de facilité élargie de crédit, suspendu par le Fonds monétaire international (FMI). Au nombre des solutions qui doivent être explorées, le Président a donné la priorité au développement des infrastructures, à l’accès aux marchés pour le financement de projets de développement, au développement d’une économie résiliente et à l’appui au système éducatif. La République centrafricaine est en outre devenue le premier pays d’Afrique à adopter le bitcoin comme monnaie de référence et de paiement numérique.
Afin de lutter contre l’impunité, M. Touadera a estimé que la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation du 6 février 2019, de la Feuille de route conjointe de Luanda ainsi que des Recommandations du Dialogue républicain avaient favorisé la « décrispation » du climat sociopolitique national. Il a par ailleurs noté la condamnation « ferme », par le Conseil de sécurité, des attaques perpétrées contre la population civile par les groupes armés dans sa résolution 2648 (2022). Il s’est également félicité des « avancées significatives » qui ont permis de lever substantiellement l’embargo sur les armes imposé à son pays, tout en déplorant les « les campagnes de désinformation et de manipulation », « sur fond de néocolonialisme aux contours flous et menaçants », visant à déstabiliser les institutions démocratiques de son pays.
M. NAYIB ARMANDO BUKELE, Président d’El Salvador, a salué ses « frères du monde » avant de présenter son pays comme celui du surf, des volcans, du café, de la paix, du bitcoin et de la liberté. « Je suis venu parler de liberté à laquelle aspirent le peuple d’El Salvador et les peuples du monde », a dit le Président en invitant les puissants à respecter cette liberté. Il a regretté que la « petite maison » d’El Salvador, certes un petit pays qu’on peine à voir sur une carte, ne soit pas respecté par des pays beaucoup plus grands, qui ont beaucoup d’argent, beaucoup de pouvoir et qui pensent à tort qu’ils possèdent aussi notre terre. C’est la raison pour laquelle El Salvador continue de se battre pour sa liberté, a-t-il expliqué, arguant que « si, sur le papier, nous sommes libres, souverains et indépendants, nous ne le serons vraiment que lorsque les puissants comprendront que nous voulons être leurs amis et que nos portes sont grandes ouvertes au commerce, pour nouer les meilleures relations possibles ». El Salvador est passé du statut de pays le plus dangereux au monde à celui de pays le plus sûr en Amérique, a fait valoir M. Bukele, en soulignant qu’il est désormais connu pour ses plages, le surf, les volcans, la liberté financière, un bon gouvernement et pour avoir mis fin au crime organisé. Ce n’est que le début, a insisté le Président, revendiquant le droit de continuer sur la voie du développement.
Selon lui, le développement sera plus rapide si les pays puissants apportent leur aide au lieu de condamner. Si ces pays ne veulent pas aider, la moindre des choses est de ne pas placer d’obstacle sur cette route, parce que chaque peuple doit trouver sa propre voie, a-t-il argumenté. Offrant son amitié aux pays amis qui sont à la recherche de leur propre chemin, le Président a jugé la tribune de l’ONU « obsolète ». Il s’est posé la question de savoir si l’ONU peut encore servir à son pays. Il a souhaité un monde où chaque peuple est vraiment libre de construire sa communauté de nations, grandes et petites, à partir de ses expériences et de ses capacités à résoudre les problèmes de l’humanité. Personne ne peut être contre cette vision, a estimé le Président qui a reconnu que c’est néanmoins facile à dire et difficile à faire. « Je suis venu ici, dans cette enceinte, dans un format auquel je ne crois plus, pour dire quelque chose qui ne changera probablement pas la façon dont les pays puissants se voient de toute façon », a déclaré M. Bukele, espérant qu’avec le temps d’autres nations, d’autres peuples, décideront aussi de se battre pour leur liberté et que l’ONU retrouvera son véritable sens.
« Nous nous trouvons à un moment historique », a déclaré M. FUMIO KISHIDA, Premier Ministre du Japon, en dénonçant la « dévastation » constatée en Ukraine et dans le monde. L’agression de la Russie contre l’Ukraine foule aux pieds la vision et les principes de la Charte des Nations Unies, a-t-il dit. Il a rappelé que l’ONU n’existe pas seulement pour les intérêts des grandes puissances mais pour ceux de la communauté internationale dans son ensemble, sur la base du principe de l’égale souveraineté de tous les États. Il est temps de revenir à cette vision et à ces principes et de faire en sorte que l’ordre international reste basé sur des règles, a appuyé le Premier Ministre japonais.
Il a plaidé pour le renforcement de l’ONU, en soulignant notamment la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité. La crédibilité de l’ONU, avec l’agression de la Russie, membre permanent de cet organe, est en effet en jeu. Appelant à restaurer cette crédibilité, M. Kishida a estimé qu’il est temps d’enclencher des négociations sur la base d’un texte en vue d’une réforme du Conseil, avant de s’engager en faveur de la revitalisation de l’Assemblée générale. Il a dénoncé l’opposition de la Russie qui a fait échec, le mois dernier, à un consensus autour d’un document final qui aurait permis de renforcer le régime de non-prolifération nucléaire. « Mais je ne renoncerai pas », a martelé le Premier Ministre, en indiquant qu’un seul pays ne peut pas empêcher l’adoption d’un tel document, contenant des engagements réalistes en matière de désarmement. Il a aussi précisé que son pays vise à normaliser ses relations avec la RPDC et s’est dit déterminé à rencontrer son Président « sans conditions ».
M. Kishida a redit la détermination du Japon à promouvoir l’état de droit au niveau international, lequel est d’une importance toute particulière pour les pays vulnérables. Le mois prochain, le Japon deviendra membre non permanent du Conseil de sécurité, a-t-il rappelé, en assurant que son pays entendra les voix les plus faibles et renforcera l’état de droit. Il a déclaré que son pays intensifiera ses efforts sur la base du concept de « sécurité humaine » en cette nouvelle ère. Les peuples méritent de jouir d’une vie de qualité, débarrassée de l’angoisse et de la peur, a-t-il estimé. Alors que l’ordre international vacille et que l’angoisse des peuples ne fait que s’accroître, le Premier Ministre a assuré que le Japon œuvrera à réaliser ladite sécurité humaine, notamment par le biais du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine. Il a aussi rappelé l’investissement de 30 milliards de dollars de son pays pour l’Afrique récemment annoncé, ainsi que la somme de 5 milliards de dollars apportée en appui à la riposte mondiale à la pandémie de COVID-19.
« C’est précisément parce que nous nous trouvons à un moment historique que le Japon continue de placer les plus grands espoirs en l’ONU. » Les temps changent, mais la vision et les principes de l’ONU demeurent les mêmes, a conclu le Premier Ministre japonais.
M. OLAF SCHOLZ, Chancelier de l’Allemagne, a réitéré l’engagement de son pays envers les objectifs de paix, de développement et d’égalité de droits et de la dignité pour chaque être humain. Malheureusement, le monde s’en éloigne et fait face à une nouvelle fragmentation, de nouvelles guerres et des conflits, a-t-il constaté. Pour le Chancelier, il ne faut pas rester les bras croisés lorsqu’une grande puissance nucléaire armée jusqu’aux dents, membre fondateur de l’ONU et membre permanent du Conseil de sécurité, cherche à déplacer les frontières par la violence. Selon lui, le Président Putin mène cette guerre avec un seul objectif: s’emparer de l’Ukraine. C’est de l’impérialisme pur et simple, a dénoncé M. Scholz pour qui le retour de l’impérialisme n’est pas seulement un désastre pour l’Europe, mais aussi pour notre ordre pacifique mondial. Pour que cette guerre se termine, on ne peut pas être indifférent à la façon dont elle se termine, a-t-il poursuivi en prévenant que M. Putin n’abandonnera sa guerre et ses ambitions impérialistes que s’il se rend compte qu’il ne peut pas gagner.
L’Allemagne n’acceptera pas une paix dictée par la Russie et les simulacres de référendums, a martelé le Chancelier, souhaitant que l’Ukraine puisse se défendre contre l’invasion russe. Il a dit que l’Allemagne la soutient financièrement, économiquement, avec une aide humanitaire et aussi avec des armes. L’Allemagne impose des sanctions économiques sévères aux dirigeants russes et à l’économie russe, a-t-il ajouté, en précisant qu’aucun grain de céréales n’a été retenu à cause de ces sanctions. C’est la Russie qui a empêché les navires céréaliers ukrainiens de prendre la mer, qui a bombardé les ports et détruit les entreprises agricoles, a-t-il affirmé. Il a mis en garde que pour éviter la faim, il faut veiller à ce que « la guerre de Putin » ne prévale pas. Il a promis d’être aux côtés de l’Ukraine lorsqu’il s’agira d’assumer les coûts énormes de la reconstruction du pays. L’Allemagne, a-t-il dit, organisera à Berlin le 25 octobre, avec des partisans de l’Ukraine du monde entier, une réflexion sur la manière de gérer cette tâche herculéenne. Le message: « Nous nous tenons fermement aux côtés de ceux qui sont attaqués, pour la protection de la vie et de la liberté des Ukrainiens et de l’ordre international. ».
S’agissant des changements climatiques, M. Scholz a souligné la responsabilité particulière des pays industrialisés et grands émetteurs de gaz à effet de serre, rappelant l’intention des membres du G7 d’aller de l’avant pour atteindre l’objectif de 1,5°Celsius. Il a estimé que la neutralité climatique conduit à une plus grande sécurité énergétique et réaffirmé le soutien de Berlin aux économies émergentes et aux pays en développement dans leurs efforts de réduction des émissions et d’adaptation aux changements climatiques. Avant la COP27 en Égypte, l’Allemagne mettra en place un bouclier mondial contre les risques climatiques, a-t-il annoncé.
Pour ce qui est des droits humains, le Chancelier a rappelé que son pays est le deuxième donateur du système des Nations Unies et également le deuxième donateur d’aide humanitaire. Il a appelé à l’action là où des centaines de milliers de personnes sont obligées d’endurer la souffrance, la tyrannie et la torture dans des camps de prisonniers ou des prisons comme en République populaire démocratique de Corée, en Syrie, en Iran, au Bélarus, ou encore en Afghanistan où les Taliban privent les femmes et les filles de leurs droits les plus élémentaires. Il faut agir lorsque la Russie commet des crimes de guerre à Marioupol, Boutcha et Irpin, a exhorté le Chancelier demandant de traduire les meurtriers en justice. Il a aussi demandé à la Chine de mettre en œuvre les recommandations du Haut-Commissaire des droits de l’homme sur la situation des Ouïghours.
M. Scholz a terminé son allocution en appelant à la réforme et l’expansion du Conseil de sécurité pour inclure les pays du Sud. L’Allemagne est prête à assumer une plus grande responsabilité en tant que membre permanent et initialement en tant que siège non permanent en 2027/28, a-t-il assuré. Les pays et régions émergents et dynamiques d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud doivent avoir une voix politique plus forte sur la scène mondiale, a-t-il plaidé avant d’annoncer le lancement d’un partenariat mondial pour les infrastructures et l’investissement visant à mobiliser 600°milliards de dollars pour des investissements publics et privés dans les infrastructures à travers le monde au cours des cinq prochaines années, « un grand pas vers la mise en œuvre du Programme°2030 ». Il a également informé de la création du nouveau club du climat pour mettre en œuvre l’Accord de Paris plus rapidement et plus efficacement.
Devant les turbulences que traverse le système multilatéral, M. AZIZ AKHANNOUCH, Chef du Gouvernement du Royaume du Maroc, a demandé aux États Membres s’ils souhaitent une Organisation capable de conduire les transformations stratégiques, « ou voulons-nous qu’elle se limite à la seule gestion de crise »? Les pays africains, a-t-il ensuite noté, sont les plus touchés par les effets de la crise économique entraînée par la crise géopolitique mondiale, car ils subissent de plein fouet la flambée des prix des denrées alimentaires et des sources d’énergie, qui anéantissent leurs acquis de développement durable. Cependant, l’Afrique dispose de toutes les ressources pour transformer les défis en opportunités et sortir renforcée de cette crise, a assuré M. Akhannouch. Cela dit, pour y parvenir, la coopération internationale doit être renforcée vis-à-vis du continent, à travers la réduction de la dette et le lancement d’initiatives de développement intégré. Il est aussi de la responsabilité des pays avancés de mobiliser les ressources financières et technologiques nécessaires au profit des pays africains pour leur permettre de relever le défi climatique, a-t-il ajouté.
M. Akhannouch a ensuite renouvelé « l’engagement de son pays à trouver une solution politique pérenne au conflit régional du Sahara marocain », sur la base de l’initiative marocaine d’autonomie, qui bénéficie du soutien du Conseil de sécurité et de plus de 90 États. Sur le terrain, a-t-il poursuivi, les « provinces du sud du Royaume » poursuivent leur développement irréversible, dans le cadre du nouveau modèle de développement lancé par le Roi Mohammed VI en 2015. Tous les habitants de cette région participent pleinement à toutes les étapes de la mise en œuvre de ce plan, par le truchement de leurs représentants démocratiquement élus au sein du Conseil du Sahara marocain, a expliqué M. Akhannouch. Pour lui, la participation active des habitants du Sahara marocain à la vie sociale, économique et politique est bien la preuve de leur attachement à l’appartenance du Sahara au Maroc.
Le Maroc a réitéré son soutien aux efforts du Secrétaire général et de son Envoyé personnel pour la relance du processus des tables rondes dans le même format et avec les mêmes participants, dont l’objectif est d’aboutir à une solution viable et réaliste sur la base du consensus et conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, la plus récente étant la 2602, a poursuivi M. Akhannouch. Dans ce contexte, la participation de bonne foi de l’Algérie, dans la reconnaissance de sa responsabilité dans ce conflit artificiel, constitue la première condition pour un règlement définitif de la crise, a souligné le Chef du Gouvernement. Il a ensuite exprimé la préoccupation de son pays au sujet de la situation humanitaire catastrophique et de l’absence de tout état de droit dans le camp de Tindouf, où l’Algérie serait en flagrante violation du droit international humanitaire. Nous appelons une fois encore la communauté internationale à exhorter l’Algérie à répondre aux appels lancés par le Conseil de sécurité depuis 2011 et à permettre au Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) d’organiser un recensement des habitants du camp de Tindouf, a ajouté le Chef du Gouvernement marocain.
M. MARIO DRAGHI, Président du Conseil des Ministres de l’Italie, a dénoncé l’invasion de l’Ukraine qui foule aux pieds les valeurs et les règles de la sécurité internationale. Aider l’Ukraine à se protéger n’était pas le choix juste à faire, c’était le seul choix conforme aux idéaux de justice et de fraternité qui sont au fondement de la Charte, a-t-il affirmé. « Nous avons répondu à l’appel à l’aide lancé par le Président ukrainien parce qu’une invasion militaire planifiée pendant des mois et menée sur de multiples fronts ne peut être stoppée par la seule force des mots. » Il a rappelé les sanctions sans précédent imposées contre la Russie afin de la convaincre à retourner à la table des négociations. Il a salué « l’héroïque contre-offensive » menée par l’Ukraine, grâce à laquelle elle a pu regagner une partie de son territoire. L’issue du conflit est encore imprévisible mais il semble que Kiev ait engrangé un important avantage stratégique, a-t-il constaté. M. Draghi a déclaré que l’unité de l’Union européenne et de ses alliés a été fondamentale dans l’aide apportée à l’Ukraine et dans l’imposition des sévères sanctions contre la Russie. À ce jour, nous avons diminué de moitié notre dépendance au gaz russe et nous comptons parvenir à l’indépendance complète en 2024, a-t-il ajouté.
Le Président du Conseil des Ministres a appelé l’Union européenne à user de la force de ses institutions pour protéger ses voisins des revendications russes. Soulignant que la guerre en Ukraine a renforcé le « désir d’Europe » dans de nombreux pays, il a appuyé la candidature de l’Ukraine à l’Union et soutenu l’intégration dans l’Union des Balkans occidentaux, de la République de Moldova et de la Géorgie. La Russie n’a pas encore montré qu’elle veut la fin du conflit, a déploré M. Draghi, en indiquant que les référendums pour l’indépendance au Donbass sont une nouvelle violation du droit. L’Italie veut être à la tête des efforts pour parvenir à un règlement, dès que cela sera possible. « Nous devons répondre à la guerre d’agression de la Russie en réaffirmant les principes qui sont ceux de cette Assemblée: respect des droits humains, coopération internationale et non-belligérance. » La réaction à la guerre en Ukraine montre que la violence gratuite ne saurait avoir sa place au XXIe siècle, a-t-il dit.
Poursuivant, M. Draghi a appelé à appuyer les pays les plus vulnérables à faire face aux conséquences des changements climatiques, en citant les inondations tragiques qui ont frappé le Pakistan. Il a souligné l’engagement indéfectible de l’Italie en faveur de la paix, en rappelant notamment que son pays est le plus grand contributeur en Casques bleus parmi les pays européens. Il a également rappelé que les migrations sont un phénomène mondial et qu’il doit y être répondu en tant que tel. Enfin, alors que le contexte actuel doit, selon lui, inviter les États à redécouvrir « l’esprit de coopération », le Président a appuyé l’idée d’une réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus « représentatif, efficace et transparent ».