Trentième anniversaire de la Déclaration des droits des minorités: le Secrétaire général dénonce l’inaction et la négligence
L’Assemblée générale a célébré, aujourd’hui le trentième anniversaire de l’adoption de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, l’occasion pour le Secrétaire général de constater que la « dure vérité » est que le monde est loin d’avoir rempli ses objectifs.
Nous ne traitons pas de lacunes, nous faisons plutôt face à une inaction pure et simple et à de la négligence dans la protection des droits des minorités, a dénoncé M. António Guterres qui a appelé la communauté internationale à se montrer à la hauteur des engagements pris en 1992.
Le Secrétaire général a décrit une situation peu louable de minorités confrontées à des contraintes d’assimilation et de persécution, aux préjugés, à la discrimination, aux stéréotypes, à la haine, ainsi qu’aux violences. De même, on voit des minorités dépouillées de leurs droits politiques et civils, leur culture étouffée, leurs langues supprimées, et leurs pratiques religieuses restreintes. Appelant les gouvernements à agir, il a aussi insisté sur la participation des minorités elles-mêmes, notant que les sociétés qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus dynamiques.
Sur un ton empreint d’émotion, la lauréate du prix Nobel de la paix en 2018, Mme Nadia Murad, a évoqué sa propre expérience de Yézidie, avant d’appeler les États à adopter des mesures concrètes pour que les idéaux de la Déclaration deviennent réalité. Huit ans après la destruction de nos villages par les islamistes de Daech, la plupart des Yézidis vivent toujours dans des camps au Kurdistan, a-t-elle regretté.
De son côté, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a constaté que les crises concomitantes de la pandémie de COVID-19, les changements climatiques, la pollution de l’environnement, l’impact de la guerre et des conflits et les crises financières, affectent de manière disproportionnée les minorités, une situation exacerbée par les inégalités structurelles et la marginalisation. Mme Ilze Brands Kehris a également relevé que ces dernières années, la résurgence du nationalisme a semé des graines de mécontentement parmi les populations majoritaires, faisant des minorités des boucs émissaires. Il n’y a pas de temps à perdre, a insisté la haute fonctionnaire, plaidant pour une réponse qui prenne la forme d’une célébration de la diversité.
Les délégations ont également entendu le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, M. Fernand de Varennes, appeler à la création d’une instance permanente des minorités, une idée soutenue par le Président de l’Assemblée générale, ainsi que par le Président du Club de Madrid, M. Danilo Türk.
Attirant l’attention sur les bonnes pratiques, le Président de l’Autriche a cité l’exemple de la gestion partagée, entre l’Italie et l’Autriche, des questions liées à la minorité germanophone du Sud-Tyrol, M. de Varennes saluant pour sa part un exemple mondial en matière de protection d’une minorité. La Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Italie a d’ailleurs souhaité que la commémoration cette année du cinquantième anniversaire du statut d’autonomie du Sud-Tyrol germanophone, fruit d’une négociation entre l’Autriche et l’Italie sous les auspices des Nations Unies, soit une source d’inspiration pour régler d’autres sources de conflits ailleurs dans le monde.
Adoptée par consensus en 1992, la Déclaration susmentionnée a pour objet la promotion et la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques et, à ce titre, de contribuer à la stabilité politique et sociale des États. La Déclaration reste à ce jour le seul instrument international des Nations Unies relatif aux droits de la personne qui est entièrement consacré aux droits des minorités. Elle fournit des orientations et des normes fondamentales pour aider les gouvernements à respecter leurs obligations en matière de droits des minorités, tout en permettant à ces dernières de demander des comptes aux dirigeants.
RÉUNION DE HAUT NIVEAU AFIN DE CÉLÉBRER LE TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DE L’ADOPTION DE LA DÉCLARATION DES DROITS DES PERSONNES APPARTENANT À DES MINORITÉS NATIONALES OU ETHNIQUES, RELIGIEUSES ET LINGUISTIQUES (A/RES/76/168)
Déclarations liminaires
M. CSABA KŐRÖSI, Président de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale, a rappelé que la signature de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques avait suscité beaucoup d’espoir il y a 30 ans, mais qu’il restait beaucoup à faire. Il a invité les États Membres à des efforts renouvelés pour reconnaître la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques et mettre en œuvre la Déclaration dans leur pays. La question des minorités doit être considérée non comme un problème mais comme une force, a-t-il souligné. Pour avancer, M. Kőrösi a appelé à renforcer « ce sur quoi nous nous sommes déjà d’accord ». Il a également invité les États à s’inspirer des meilleures pratiques en rappelant que la protection des minorités est dans l’intérêt de sociétés paisibles et durables. Les sociétés qui valorisent la diversité sont des sociétés plus dynamiques, a-t-il notamment fait observer.
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a souligné que la Déclaration a consacré trois vérités fondamentales. Premièrement, les droits des minorités sont des droits humains. Deuxièmement, la protection des minorités fait partie intégrante de la mission des Nations Unies. Et troisièmement, la promotion de ces droits est vitale pour faire avancer la politique et la stabilité sociales et la prévention des conflits à l’intérieur et entre les pays. Selon lui, la dure vérité est que 30 ans après l’adoption de la Déclaration, le monde est loin d’avoir rempli ses objectifs. Nous ne traitons pas de lacunes, nous faisons face à une inaction pure et simple et la négligence dans la protection des droits des minorités, a-t-il constaté. Il a évoqué les cas de minorités confrontées à des contraintes d’assimilation et de persécution, aux préjugés, à la discrimination, aux stéréotypes, à la haine, ainsi qu’aux violences. De même, on voit des minorités dépouillées de leurs droits politiques et civils, leur culture étouffée, leurs langues supprimées, et leurs pratiques religieuses restreintes.
M. Guterres a indiqué que plus des trois quarts des apatrides du monde appartiennent à des minorités, et que la pandémie de COVID-19 a révélé des schémas d’exclusion et de discrimination profondément enracinés affectant de manière disproportionnée les communautés minoritaires. Il a également noté que les femmes des groupes minoritaires ont souvent été les plus mal loties face à une escalade de violence basée sur le genre. Elles étaient plus enclines à perdre leur emploi et les moins ciblées pour bénéficier des avantages fiscaux en rapport avec la pandémie. Appelant à se montrer à la hauteur des engagements pris en 1992, il a exhorté à un leadership politique et une action résolue, invitant chaque État Membre à prendre des mesures concrètes pour protéger les minorités et leur identité. Et dans chaque action et décision, les minorités elles-mêmes doivent être significativement incluses en tant que parties prenantes égales, a-t-il souligné, notant que cette participation est dans l’intérêt de tous, car un État qui protège les droits des minorités est un État plus paisible. De même, les économies qui nécessitent la pleine participation des minorités sont plus prospères. Et les sociétés qui valorisent la diversité et l’inclusion sont plus dynamiques. « Œuvrons ensemble pour faire de la Déclaration une réalité pour les minorités du monde entier », a-t-il lancé, notamment en plaçant les droits humains au cœur de toutes nos actions.
Mme ILZE BRANDS KEHRIS, Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme, a rappelé que la Déclaration s’appuie sur l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pour élaborer une compréhension commune du « contenu minimum » de ces droits. Ce texte reconnaît également que la promotion et la protection des droits humains des personnes appartenant à des minorités est une obligation inhérente qui est dans l’intérêt de la société dans son ensemble. Mais 30 ans plus tard, cet engagement est loin d’avoir été honoré, a-t-elle déploré.
La Sous-Secrétaire générale a constaté que les minorités sont encore souvent victimes de discrimination, d’exclusion et de marginalisation. Les crises concomitantes de la pandémie de COVID-19, les changements climatiques et la pollution de l’environnement, l’impact de la guerre et des conflits et les crises financières, affectent de manière disproportionnée les minorités, une situation exacerbée par les inégalités structurelles et la marginalisation.
Elle a également relevé que ces dernières années, la résurgence du nationalisme a semé des graines de mécontentement parmi les populations majoritaires, faisant des minorités des boucs émissaires. Les discours et les crimes de haine sont en hausse dans le monde entier. Les défenseurs des droits des minorités font face à une augmentation de harcèlements et d’intimidations. Et les premiers signes avant-coureurs que les droits ne sont pas respectés se sont transformés en sonnette d’alarme. Il n’y a pas de temps à perdre, a-t-elle lancé.
Selon elle, la réponse doit prendre la forme d’une célébration de la diversité, où des identités pluralistes, multiples et multicouches favorisent la compréhension et le respect mutuel. Elle a également insisté sur l’importance de la participation de la société civile, notamment des représentants des minorités. De même, elle a appelé à renforcer les mécanismes de l’ONU, notamment le Rapporteur spécial et le Forum sur les questions relatives aux minorités. Constatant que la mise en œuvre de la Déclaration est au point mort et a même régressé dans certains cas, elle a aussi souligné que l’action des États Membres est urgente pour faire des droits des minorités une priorité de l’agenda international.
Après avoir salué l’audience dans une dizaine de langues, M. FERNAND DE VARENNES, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, a rappelé que la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités est le seul instrument mondial traitant directement des minorités. Il a précisé que l’adoption de ce texte en 1992 intervenait à une époque sombre qui a conduit à des efforts importants pour tenter de parvenir à la paix et à la justice par l’égalité et la dignité. C’était aussi l’époque de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, du Haut-Commissariat de l’OSCE pour les minorités nationales et des critères de Copenhague qui incluaient l’état de droit, les droits humains, le respect et la protection des minorités. Il a aussi expliqué que le règlement de la question du Sud-Tyrol entre l’Autriche et l’Italie est l’une des grandes réussites en matière de prévention des conflits et de respect des droits humains des minorités.
Rappelant que la Déclaration n’était censée être qu’un premier pas vers une meilleure reconnaissance et protection des minorités, le Rapporteur spécial a salué les nombreuses initiatives prises pour protéger les communautés vulnérables et accroître leur visibilité et leur présence au sein de l’ONU. Illustrant son propos, il a cité la création de l’Instance permanente sur les questions autochtones, du forum pour les personnes d’ascendance africaine et des fonds de contributions volontaires pour appuyer leur participation aux travaux des Nations Unies, sans oublier les années ou décennies spéciales consacrées pour attirer l’attention sur la situation de communautés vulnérables.
M. de Varennes a estimé que ce trentième anniversaire de la Déclaration est l’occasion de boucler une histoire inachevée, s’inquiétant de l’émergence d’une nouvelle période particulièrement sombre, marquée par l’augmentation spectaculaire des discours de haine dans les médias sociaux ciblant massivement les minorités. Alors que nous sommes témoins de discours antisémites, islamophobes, anti-roms et anti-asiatiques, et que des minorités sont diabolisées et victimes d’atrocités, voire de crimes contre l’humanité et de génocide, le Rapporteur spécial s’est aussi inquiété du nombre sans précédent de conflits internes violents dans le monde. Il a ensuite appelé à la création d’un forum permanent des minorités et d’un fonds de contribution volontaire afin de poursuivre plus efficacement la réalisation de la promesse de justice, d’égalité et de dignité pour tous.
Mme NADIA MURAD, Lauréate du Prix Nobel, ambassadrice de bonne volonté de l´Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour la dignité des survivants de la traite des personnes et Présidente de Nadia’s Initiative, a expliqué qu’elle a grandi en tant que fière membre de la petite communauté yézidie dans un grand pays, l’Iraq, « que nous aimions malgré les difficultés ». Elle a regretté la culture de discrimination dont était victime la minorité yézidie, ainsi que les autres minorités iraquiennes, privés de tout droit et invisibles institutionnellement. Elle a indiqué qu’il s’agissait malheureusement de la réalité de nombreuses minorités à travers le monde, dénonçant qu’un grand nombre de nations refusent de reconnaître leurs minorités. Elle a ensuite appelé les États à adopter des mesures concrètes pour que les idéaux de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques deviennent réalité.
Mme Murad a rappelé que la marginalisation des minorités en Iraq a rendu, non seulement les Yézidis vulnérables, mais aussi l’ensemble de l’Iraq, Daech ayant compris que les minorités qu’ils attaquaient ne seraient pas protégées. Huit ans après la destruction de nos villages par les islamistes de Daech, la plupart des Yézidis vivent toujours dans des camps au Kurdistan, a-t-elle regretté. Elle a indiqué que les minorités en Iraq demandent la sécurité et une législation contre la discrimination, avant d’appeler au respect de la diversité de toutes les minorités dans les pays où elles vivent. « Nous n’allons pas baisser les bras, mais nous allons avoir besoin de votre aide », a conclu Mme Nadia Murad, alertant des terribles conséquences de l’inaction pour les minorités.
Débat général
Le Président de l’Autriche a cité l’exemple de la gestion partagée, entre l’Italie et l’Autriche, des questions liées à la minorité germanophone du Sud-Tyrol, avant de préciser qu’il s’est excusé officiellement en 2020 auprès de la minorité slovène d’Autriche pour les injustices subies en matière linguistique. Aujourd’hui, l’éducation dans les langues minoritaires est un enrichissement pour les enfants des diverses minorités évoluant côte-à-côte. Justement, le Président de la Slovénie a salué la coopération entre la Slovénie et ses voisins concernant la protection des droits des minorités, notamment avec l’Italie et l’Autriche, expliquant que son pays fait partie de l’une de régions parmi les plus diverses d’Europe.
Le Président de la Confédération suisse, qui s’est présenté comme appartenant à la minorité italienne de la Suisse, a indiqué que son pays, réputé pour avoir quatre langues officielles (allemand, français, italien et romanche), s’est engagé à continuer de défendre les minorités, mais aussi d’œuvrer pour changer le regard porté sur les minorités. Il faut de l’écoute, du courage, du temps et de la patience pour tirer parti de cette richesse, a-t-il expliqué. Le Président des Comores a évoqué la menace de la disparition des langues des groupes minoritaires. Perdre une langue c’est perdre une partie des savoirs universels, a-t-il dit, avant d’appeler à la protection de ces langues.
Pour le Président du Zimbabwe, il est crucial de renforcer la formation des enseignants des langues locales afin de promouvoir la participation des groupes minoritaires dans la vie socioéconomique. Le Premier Ministre de la Macédoine du Nord a dit que son gouvernement protège les nombreuses minorités du pays. Elles peuvent librement utiliser leur langue et défendre leurs droits. Le Premier Ministre du Monténégro a expliqué que son pays perçoit ses minorités comme un pilier fort d’un pays multilinguistique et multireligieux. Dans un monde avec de plus en plus de divisions, le Monténégro célèbre la diversité en tant que force. C’est d’ailleurs pourquoi la lutte contre la pandémie de COVID-19 se faisait dans toutes les principales langues du pays.
Le Ministre des affaires étrangères de la Lituanie a déploré que les enseignements en langue minoritaires soient prohibés au Bélarus et que le principe de protection des minorités serve de prétexte par certains pays pour agresser d’autres États. Il a évoqué l’invasion russe de l’Ukraine et a invité la communauté internationale à rejeter les discours fallacieux prenant prétexte de la protection des minorités. Abondant dans le même sens, le Ministre des affaires étrangères de la Pologne a déploré la répression brutale des Tatars de Crimée par la Fédération de Russie, de même que la persécution des minorités polonaises au Bélarus. Mis sur la sellette, le Ministre des affaires étrangères du Bélarus a estimé que les interventions ciblant le Bélarus sont dénuées de tout fondement, invitant les États à se garder de régler leurs problèmes au détriment de leurs voisins.
Le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Kazakhstan a expliqué que le Gouvernement a créé un modèle de vie en harmonie qui fait qu’aujourd’hui, le concept de minorité ne trouve plus sa place dans la nation. La représentante de Bahreïn s’est réjouie du fait que dans le royaume, tous les citoyens jouissent des mêmes droits et de l’égalité des chances qui est protégée par la constitution, appelant dans la foulée à lutter contre les conflits idéologiques et l’extrémisme. Le Ministre de l’éducation et des sciences du Kirghizistan a évoqué l’Assemblée du peuple qui regroupe les représentants des 29 groupes ethniques qui composent le pays. De même, un Conseil religieux rassemble 17 organisations religieuses afin de promouvoir le dialogue interreligieux dans le pays.
À son tour, le Ministre des affaires étrangères du Pakistan a dit que son gouvernement continue d’avancer vers des politiques qui protègent les droits des minorités pour ensuite déplorer que l’Inde soit en train de devenir un pays de « suprémacistes hindouistes », où se propage la violence contre les minorités. Il a parlé d’une volonté de vider l’Inde de musulmans, avec le parrainage de l’État, citant notamment le cas du Jammu-et-Cachemire où une majorité de musulmans est brimé par l’Inde. Il a appelé à la communauté internationale à demander des comptes à ce pays, et le Secrétaire général à convoquer un dialogue mondial contre l’islamophobie.
Il est surprenant que le Pakistan évoque la question des minorités alors qu’il a lui-même toujours violé leurs droits, a retorqué l’Inde. Son représentant a dénoncé le fait que des milliers de filles issues de groupes minoritaires sont enlevées et mariées de force au Pakistan. Le Jammu-et-Cachemire, a-t-il ajouté, fera toujours partie de l’Inde.
La Vice-Premier Ministre, Ministre des affaires étrangères et européennes de la Croatie, notant que son pays est celui abritant le plus grand nombre de minorités en Europe, a jugé important que les organisations internationales incluent la question des minorités dans leur mandat. La Ministre du Gouvernement de Panama a noté que son pays compte sept groupes ethniques qui évoluent librement ainsi qu’une université des peuples autochtones, qui vise à former leurs dirigeants pour qu’ils puissent œuvrer au développement de leur peuple. Le Sous-Secrétaire aux affaires étrangères de l’Argentine a rappelé que son pays a accueilli des millions de gens issus des minorités au cours des siècles passés. Issu de la même région, le Ministre de affaires étrangères du Nicaragua a demandé de lutter contre les discriminations historiques, et notamment de respecter la propriété des peuples autochtones sur leurs terres. Depuis 2007, le Gouvernement du Nicaragua a d’ailleurs entrepris un programme pour garantir aux familles des peuples autochtones une sécurité juridique sur leurs propriétés foncières.
Le Ministre des affaires étrangères de la Roumanie a plaidé pour l’interculturalité, notant qu’il n’y a pas de solution unique, ainsi que pour des politiques de défense et protection des minorités tenant compte de l’histoire de chaque pays. La Ministre d’État des affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la diaspora de Côte d’Ivoire a aussi expliqué que son gouvernement a pris des mesures pour assurer l’épanouissement de tous les groupes ethniques du pays. Il en est de même dans mon pays, a renchéri le Vice-Ministre de l’éducation et du développement humain du Mozambique, tandis que le Ministre des affaires étrangères de Sri Lanka a témoigné que le Gouvernement se mobilise pour lutter contre l’intolérance religieuse.
Le Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie a rappelé que l’histoire du XXe siècle a fait que le tiers de la population hongroise ait acquis d’autres nationalités. La défense et la protection des minorités sont donc un devoir pour le pays qui insiste sur le principe de réciprocité entre États dans ce domaine. Il a également rappelé que la Hongrie est un pays chrétien et qu’elle se fait le devoir d’apporter protection aux chrétiens partout dans le monde, ces derniers représentant le groupe religieux le plus persécuté au monde. La représentante de l’Afrique du Sud a expliqué que son pays comprend plusieurs minorités et que son gouvernement s’efforce de protéger les droits des minorités culturelles et religieuses. La sagesse africaine magnifie la diversité et la coexistence pacifique, a souligné la Ministre des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur. Selon elle, c’est l’ignorance qui sous-tend ces agissements discriminatoires contre les minorités.
Au nom de la société civile, l’ONG « Orphelins coptes » a expliqué avoir mis sur pied un système de mentorat par les « grandes sœurs » qui éduquent leurs cadettes musulmanes et chrétiennes à la tolérance religieuse. Pour sa part, le Groupe international pour le droit des minorités a décrié le fait que dans les sociétés, il y a beaucoup de haine dirigée contre les minorités. Il faut éviter que les accidents de naissance ne déterminent la valeur des individus, a dit son délégué.
À son tour, la Ministre des affaires étrangères du Timor Leste a précisé que l’article 16 de la Constitution du pays offre des garanties de protection aux neuf groupes ethniques du pays ainsi qu’aux 20 langues autochtones qui y sont pratiquées. Face aux dangers de « l’ethnocentrisme qui menace 7 000 langues, 7 000 cultures, 7 000 philosophies et 7 000 visions du monde », la représentante du Paraguay a appelé la communauté internationale à construire une culture de la rencontre. De son côté, le Ministre de la justice du Ghana a souligné la nécessité de mettre sur pied des services de promotion des langues minoritaires. Après avoir rappelé que son pays accueillit 1,1 million de rohingya qui ont fui une discrimination religieuse, le Ministre des affaires étrangères du Bengladesh a souligné les efforts de son pays pour garantir une éducation en immersion dans les différentes langues maternelles et célébrer avec la même ferveur les cultes hindouiste, bouddhiste et musulman.
La représentante de l’Indonésie, a dit le souci de son pays de préserver les 668 langues locales parlées sur son territoire, et vanté la création d’un mécanisme institutionnel garantissant qu’aucune loi locale ne soit discriminante, tandis que le Ministre des affaires étrangères de la Slovaquie a cité la protection de 13 minorités nationales et appelé à entendre les voix des minorités. Après avoir rappelé que la Russie a attaqué l’Ukraine en Crimée et dans le Donbass sous un faux prétexte de protection de la minorité russophone, la Vice-Ministre de la justice de l’Ukraine a alerté que depuis 2014, l’agression russe a eu une incidence terrible sur le droit des minorités en Ukraine où plus de 100 groupes ethniques coexistent pacifiquement.
Si le représentant de la République de Moldova a souligné les efforts de son pays pour protéger les droits des minorités qui constituent 20% des trois millions d’habitants de son pays, celui de la Géorgie a cité l’adoption d’une stratégie nationale des droits humains 2022-2030 qui met l’accent sur le droit des minorités. Le représentant de l’Azerbaïdjan, composé de 30 nationalités, a cité l’adoption de lois pour protéger les minorités linguistiques, et l’existence de 50 journaux publiés dans des langues minoritaires. Il a par ailleurs regretté que la communauté internationale n’ait pas réagi à la destruction de sites religieux azéri par l’Arménie dans le Haut-Karabakh.
Relevant que les populations minoritaires représentent 20% de la population mondiale, le Ministre adjoint à la coopération du Costa Rica a expliqué que la protection des minorités n’est pas une option mais une obligation. Après avoir précisé que le droit des minorités est consacré par la constitution italienne, la Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Italie a souhaité que la commémoration, cette année, du cinquantième anniversaire du statut d’autonomie du Sud-Tyrol germanophone, fruit d’une négociation entre l’Autriche et l’Italie sous les auspices des Nations Unies, soit source d’inspiration pour régler d’autres sources de conflits dans le monde. Les représentants de Singapour et de la Malaisie ont revendiqué des législations ambitieuses en matière de droits des minorités.
La représentante des peuples autochtones de la Colombie a jugé essentiel la participation des minorités à l’élaboration des politiques pour s’assurer que ces politiques répondent aux besoins des autochtones. Inquiétée par la stigmatisation des minorités et le développement de groupe d’extrême droite, la Vice-Ministre des affaires étrangères de Cuba a particulièrement fustigé la discrimination croissante dont sont victimes les autochtones et personnes d’ascendance africaine aux États-Unis.
À son tour, le Ministre de l’Asie du Sud, de l’Afrique du Nord, des Nations Unies et du Commonwealth du Royaume-Uni a cité la mise en œuvre de 70 mesures pour s’attaquer aux discriminations sous toutes leurs formes au Royaume-Uni avant de dénoncer particulièrement le nettoyage ethnique en cours au Myanmar dont sont victimes les musulmans rohingya, le ciblage de communautés minoritaires en Iran et en Afghanistan, ainsi que les crimes contre les musulmans ouïghour en Chine. Face à toutes ces crises, le Ministre britannique a jugé indispensable la mise en œuvre de la Déclaration.
Le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie a dit la volonté de son pays de participer à la coopération internationale pour assurer la protection des minorités nationales, avant de regretter la russophobie agressive promue par les pays occidentaux. Il a particulièrement fustigé les actions des « néo-nazis qui ont mis en place des politiques criminelles pour chasser les russophones du territoire ukrainien ». De son côté, la représentante des États-Unis a dit la détermination de l’Administration Biden de s’attaquer au leg systémique du racisme et de la discrimination aux États-Unis avant d’assurer la volonté de défendre les groupes minoritaires partout et en tout temps.
La représentante de la Belgique a appelé la communauté internationale à mettre l’accent sur les formes croisées de discriminations auxquelles se heurtent les filles et les femmes issues de minorités, suivie de son homologue du Népal qui a cité la publication de livres scolaires dans 20 langues autochtones et de la Mongolie qui a indiqué que son pays reconnaît comme un droit constitutionnel l’accès à l’enseignement dans la langue maternelle. Vantant la tolérance religieuse de son pays, le représentant grec a cité l’existence de 240 mosquées en Grèce, ce qui en fait le pays européen comptant le plus grand nombre de mosquées proportionnellement à sa population.
Se présentant comme un homosexuel juif né à Montréal de père maghrébin et de mère européenne de l’est, le représentant du Canada, intervenant alternativement en anglais et en français, s’est vanté d’appartenir à un pays respectant les plus hautes normes de respect de la diversité et répondant à toutes les ambitions de la Déclaration.
« Nos 24 langues officielles et nos 60 langues minoritaires parlées par 40 millions de personnes font de l’Union européenne un territoire unique » a déclaré le Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme qui s’est dit persuadé que la pleine réalisation des droits des minorités promeut la cohésion sociale et joue un rôle essentiel pour prévenir les conflits. Contestant les déclarations des représentants des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union européenne sur la situation des Ouighour, le représentant de la Chine a assuré que les 56 ethnies du Xinjiang vivent en parfaite harmonie. Il a appelé à cesser d’exploiter les droits humains à des fins politiques avant d’accuser le Conseil des droits de l´homme d’être un outil au service de la politique américaine. La représentante de la Türkiye a regretté que la minorité turque ne soit toujours pas reconnue en Grèce avant de rejeter les propos du représentant de l’UE accusant la Türkiye de ne pas respecter les droits de ses minorités.
Deuxièmes interventions
Le Pakistan a souligné que le Jammu-et-Cachemire est un territoire disputé, comme l’atteste les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il a dénoncé le terrorisme auquel se livre l’Inde, sa campagne de destruction de mosquées ainsi que les appels au génocide de musulmans. Il a appelé l’Inde à mettre fin à la persécution des minorités, menacées de génocide imminent et la communauté internationale d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
La République islamique d’Iran a dénoncé les accusations sans fondement proférées contre elle, appelant notamment le Royaume-Uni à contrer l’islamophobie sur son territoire.
À son tour, l’Inde a invité le Pakistan à lire sa déclaration sur le statut des minorités.
Remarques de clôture
M. DANILO TÜRK, Président du Club de Madrid, a relevé qu’un long chemin a été parcouru depuis le lancement des négociations sur la rédaction de la Déclaration, rappelant qu’à l’époque, peu d’États y étaient favorables. Au fur et à mesure, les pays se sont engagés sur la question, même si le sujet fait toujours l’objet de négligence. Cela est dû, a-t-il expliqué, à la sensibilité de la question sur le plan politique. La question des minorités est complexe et les droits individuels ne permettent pas de régler tous les problèmes, a noté M. Türk pour qui des mesures supplémentaires s’imposent. Parmi les conditions propices, il a cité la paix, le règlement pacifique des différends et la non-ingérence, avant de noter que le droit individuel n’est pas une panacée, mais le socle nécessaire pour répondre aux besoins des minorités. La non-discrimination est essentielle, et les États Membres doivent prendre les mesures qui s’imposent pour que les minorités puissent réellement jouir de leurs droits, a-t-il souligné, insistant en outre sur l’importance d’un dialogue constant entre minorités et majorités au sein des États. Lutter contre les discours de haine est également essentiel. Il a par ailleurs estimé que l’ONU n’a pas toujours été à la hauteur de la question des minorités qui, a-t-il ajouté, doit figurer en tête des priorités de la communauté internationale. Il a espéré qu’à l’avenir la question des minorités se verra accordée davantage d’attention qu’à l’heure actuelle, évoquant notamment l’idée de créer une nouvelle entité.
M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, a insisté sur la nécessité de permettre aux minorités d’accéder à une éducation dans leur langue minoritaire, saluant ensuite ceux parmi les États Membres qui se sont engagés à promouvoir l’éducation à la tolérance. Il a aussi appuyé la proposition de créer, au sein de l’ONU, d’une instance permanente dédiées aux minorités. Nous sortirons tous perdants si nous échouons à appliquer la Déclaration, a souligné le Président qui a appelé à ne pas laisser les 30 prochaines années être marquées par l’inaction.