En cours au Siège de l'ONU

Avec une augmentation de 50% des violences sexuelles dans les conflits en 2023, les appels se multiplient au Conseil de sécurité contre le trafic d’armes

9614e séance – matin & après-midi  
CS/15676

Avec une augmentation de 50% des violences sexuelles dans les conflits en 2023, les appels se multiplient au Conseil de sécurité contre le trafic d’armes

« Nous nous rencontrons à un moment où la recherche de la paix et de l’égalité des sexes est redevenue un acte radical », a déclaré au Conseil de sécurité la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, à l’entame du débat public sur le thème « Prévenir les violences sexuelles liées aux conflits par la démilitarisation et la maîtrise des armements tenant compte des questions de genre ».  Lors de la séance organisée par la présidence de Malte au titre de la question intitulée « Les femmes et la paix et la sécurité », Mme Pradmilla Patten a fait état d’une recrudescence spectaculaire de plus de 50% de ce type de violences en 2023.  Ce pic a été jugé d’autant plus affligeant qu’il concerne de façon disproportionnée les femmes et les filles qui représentent 95% des cas vérifiés par les Nations Unies, que ce soit en République démocratique du Congo, au Moyen-Orient, en Ukraine, au Soudan, en Haïti et ailleurs.

La fondatrice et Présidente de l’ONG Darfur Women Action Group, Mme Niemat Ahmadi, est venue témoigner et mettre un visage humain sur la question, en tant que survivante du génocide du Darfour.  Ce Conseil ne peut pas rester muet alors que des actes inhumains continuent d’avoir lieu en toute impunité, a-t-elle lancé, précisant que le taux de violence sexuelle actuellement observé au Soudan n’aurait jamais été atteint sans la prolifération des armes. 

Le rapport du Secrétaire général dont était saisi le Conseil aujourd’hui donne un aperçu global des incidents et des tendances de la violence sexuelle liée aux conflits dans 21 situations préoccupantes, et comprend, pour la première fois, une section consacrée à Israël et au Territoire palestinien occupé.  Il fait état de 3 688 cas vérifiés par l’ONU commis au cours de l’année 2023.  Dans la réalité, a reconnu Mme Patten, les chiffres sont beaucoup plus élevés.  Pour chaque survivante qui se manifeste, beaucoup d’autres sont réduites au silence par les pressions sociales, la stigmatisation, l’insécurité, la pénurie de services et les perspectives limitées de justice. 

Le rapport cite 58 parties soupçonnées de s’être livrées de façon systématique à des viols ou à d’autres formes de violence sexuelle, ou d’être responsables de tels actes, dans des situations de conflit armé dont le Conseil de sécurité est saisi.  Plus de 70% des parties figurant sur cette liste, en majorité des acteurs non étatiques, sont inscrites depuis cinq ans ou plus sans avoir pris de mesures correctives nécessaires, a déploré la Représentante spéciale avant de demander plus de cohérence avec les mesures imposées par les régimes de sanctions des Nations Unies.  « Nous devons envisager l’introduction d’un critère de désignation lié aux violences sexuelles dans les régimes de sanctions n’en comportant pas, lorsque cela est pertinent », a appuyé la France.  Comme Mme Patten, plusieurs délégations ont recommandé d’utiliser ces outils pour arrêter le flux d’armes qui tombent entre les mains des auteurs de violences sexuelles, « le moyen le plus direct et le plus efficace de désarmer l’arme du viol et, en fin de compte, de prévenir et d’éradiquer ces crimes ». 

Partageant cette analyse, l’Ambassadrice de bonne volonté de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes) a blâmé neuf années consécutives de hausse des dépenses militaires, qui atteignent désormais un niveau record de plus de 2 400 milliards de dollars.  Les auteurs de violences sexuelles dans les théâtres de conflit sont tous armés jusqu’aux dents, violant de manière flagrante les embargos applicables, a dénoncé Mme Daina Gurirra.  Pourquoi a-t-on l’impression que les choses empirent, alors même que l’ONU a intensifié ses efforts pour lutter contre ce phénomène? 

Et quid de l’impunité?  La perception selon laquelle les violences sexuelles sont un « butin » ou une conséquence inévitable de la guerre semble dissuader diverses structures de véritablement demander des comptes aux auteurs de violations, s’est indignée Mme Gurirra.  Pourtant, quand rien n’est fait, ces crimes font reculer à la fois la cause de l’égalité des sexes et celle de la paix, a mis en garde la Représentante spéciale qui a toutefois noté que l’élan récent des processus de justice transitionnelle offre quelques lueurs d’espoir.  À ce sujet, le Guyana a demandé que les violences sexuelles soient exclues des dispositions relatives à l’amnistie et à l’immunité. 

Comme la plupart des membres du Conseil, dont la Sierra Leone et le Mozambique, Mme Patten a plaidé en faveur d’une action ciblée pour freiner le flux d’armes en garantissant des stratégies de désarmement, de démobilisation et de réintégration et de réforme du secteur de la sécurité tenant compte de la dimension de genre.  Pour atténuer les risques que les transferts d’armes et la prolifération des armes illicites font peser sur les femmes, une coopération internationale solide et l’adhésion au Traité sur le commerce des armes sont nécessaires ont estimé la République de Corée et le Guyana.  Le Conseil de sécurité et les organisations régionales devraient aussi intensifier leurs efforts pour tirer parti des cadres de désarmement et des mécanismes des Nations Unies, en particulier dans la perspective de la quatrième Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre, ont-ils fait valoir.

Mettant en avant le caractère pionnier du programme pour les femmes et la paix et la sécurité et ses trois piliers que sont la prévention, la protection et la participation, la Suisse a souligné que ces piliers peuvent être renforcés davantage par le désarmement et la maîtrise des armements.  Le Royaume-Uni a indiqué mener des actions visant à renforcer la réponse mondiale à ce fléau, comme la création l’an dernier de l’Alliance internationale pour la prévention des violences sexuelles en période de conflit.  Vingt-six États Membres ont rejoint cette initiative, dont des gouvernements, des organismes multilatéraux, des survivantes et des organisations de la société civile, ainsi que la Cour pénale internationale (CPI).

LES FEMMES ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ: PRÉVENIR LES VIOLENCES SEXUELLES LIÉES AUX CONFLITS PAR LA DÉMILITARISATION ET LA MAÎTRISE DES ARMEMENTS TENANT COMPTE DES QUESTIONS DE GENRE S/2024/292S/2024/311

Déclaration

Mme PRAMILA PATTEN, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a dressé un bilan alarmant de la situation actuelle où les progrès en matière d’égalité des sexes sont réduits à néant, alors même que la militarisation est financée à des niveaux sans précédent.  Les ressources mondiales sont utilisées pour alimenter les flammes des conflits, alors que les femmes et les enfants meurent de faim; les dépenses militaires sont montées en flèche, alors que les budgets d’aide humanitaire ont été réduits; et les armes continuent de tomber entre les mains des auteurs de conflits, alors que la grande majorité des victimes restent les mains vides en termes de réparations et d’indemnisation. 

« Nous nous rencontrons à un moment où la recherche de la paix et de l’égalité des sexes est redevenue un acte radical », a lancé Mme Patten en martelant que la tâche essentielle et existentielle à laquelle il faut s’atteler est de faire taire les armes et d’amplifier les voix des femmes en tant que groupe critique pour la paix.  Pourtant, en ce moment même, au Soudan et en Haïti, des femmes et des jeunes filles sont brutalisées et terrorisées par des violences sexuelles commises sous la menace d’une arme.  En Afghanistan, l’agression systématique contre les femmes et leurs droits, et l’effacement de ces derniers, détruisent des vies et des moyens de subsistance.  Deux ans après l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, a-t-elle poursuivi, des milliers de femmes et de filles déplacées et réfugiées courent un risque accru de devenir les proies de trafiquants.  Au Moyen-Orient, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par les effusions de sang, les déplacements, les traumatismes et la terreur: elles font partie des nombreuses victimes des attaques du 7 octobre contre Israël par le Hamas, et elles représentent plus de la moitié des victimes des bombardements incessants de Gaza, qui ont détruit le système de santé, laissant les survivantes de la violence sexiste, les femmes enceintes et d’autres personnes dans un besoin désespéré sans aucun endroit où se réfugier. 

Revenant au rapport dont était saisi le Conseil aujourd’hui, Mme Patten a expliqué qu’il donne un aperçu global des incidents, des schémas et des tendances de la violence sexuelle liée aux conflits dans 21 situations préoccupantes. Il fait état de 3 688 cas vérifiés par l’ONU de violences sexuelles liées aux conflits commis au cours de l’année 2023, ce qui représente une augmentation spectaculaire de 50% par rapport à l’année précédente.  Ce pic est particulièrement alarmant dans un contexte mondial où l’accès humanitaire reste sévèrement restreint et limité, a-t-elle souligné ajoutant qu’en 2023, les femmes et les filles représentaient 95% des cas vérifiés.  Dans 32% de ces cas, les victimes étaient des enfants, la grande majorité étant des filles (98%).  Dans 21 cas, les victimes étaient issues de la communauté LGBTQI.  Si le rapport fait état de la gravité et de la brutalité des incidents rapportés et vérifiés par les Nations Unies, il ne prétend pas refléter l’ampleur ou la prévalence mondiale de « ce crime chroniquement sous-déclaré et historiquement caché », a tenu à préciser la Représentante spéciale en affirmant que pour chaque survivante qui se manifeste, beaucoup d’autres sont réduites au silence par les pressions sociales, la stigmatisation, l’insécurité, la pénurie de services et les perspectives limitées de justice.  Près de la moitié des cas vérifiés par l’ONU présentés dans le rapport (43%) l’ont été dans des contextes où des conseillers à la protection des femmes ont été déployés.  En 2023, le premier conseiller au niveau régional a également été déployé, afin d’approfondir l’engagement avec l’Union africaine et de suivre la dynamique et les dimensions transfrontalières de la question dans la Corne de l’Afrique. 

Le rapport de cette année comprend aussi, pour la première fois, une section consacrée à Israël et au Territoire palestinien occupé, a expliqué Mme Patten. À la suite des attaques du 7 octobre menées par le Hamas, elle s’est rendue en Israël où, avec son équipe, elle a pu confirmer qu’il existe des motifs raisonnables de croire que des violences sexuelles liées au conflit se sont produites dans au moins trois endroits, et que des violences sexuelles ont été commises à l’encontre de personnes prises en otage et qu’elles pourraient toujours se poursuivre.  En ce qui concerne la Cisjordanie occupée, selon des informations vérifiées par les Nations Unies, l’arrestation et la détention de femmes et d’hommes palestiniens par les forces de sécurité israéliennes, à la suite des attaques du 7 octobre, ont souvent été accompagnées de mauvais traitements, y compris de formes de violence sexuelle.  Des allégations similaires ont été formulées à Gaza.  Ces constats ne justifient ni ne légitiment en aucune façon la poursuite des hostilités, a fait valoir Mme Patten, se faisant l’écho des appels lancés par le Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu humanitaire. 

En ce qui concerne les tendances mondiales, le rapport montre comment la violence sexuelle a réduit l’accès des femmes aux moyens de subsistance et l’accès des filles à l’éducation, dans un contexte de déplacements internes et transfrontaliers d’une ampleur record.  La Représentante spéciale a cité plusieurs exemples à cet égard.  Par ailleurs, le rapport énumère 58 parties qui sont soupçonnées de manière crédible d’avoir commis ou d’être responsables de schémas de violence sexuelle dans des situations inscrites à l’ordre du jour de ce Conseil, la grande majorité d’entre elles étant des acteurs non étatiques.  Plus de 70% des parties figurant sur cette liste sont des « auteurs persistants », ce qui signifie qu’ils figurent sur la liste depuis cinq ans ou plus sans avoir pris les mesures correctives nécessaires, a-t-elle souligné avant d’arguer qu’il est essentiel d’assurer la cohérence entre la liste des parties impliquées et les mesures imposées par les régimes de sanctions des Nations Unies.  Nous devons utiliser ces outils pour arrêter le flux d’armes entre les mains des auteurs de violences sexuelles, a-t-elle demandé y voyant le moyen le plus direct et le plus efficace de désarmer l’arme du viol et, en fin de compte, de prévenir et d’éradiquer ces crimes.  En ce qui concerne l’accès à la justice, beaucoup trop d’auteurs de violences sexuelles en temps de guerre sont encore en liberté, tandis que les femmes et les jeunes filles vivent dans la peur.  Quand rien n’est fait, ces crimes font reculer à la fois la cause de l’égalité des sexes et celle de la paix, a mis en garde la Représentante spéciale tout en concédant que l’élan récent des processus de justice transitionnelle offre quelques lueurs d’espoir. 

S’agissant de la marche à suivre, Mme Patten a repris les recommandations du rapport notamment une action ciblée pour freiner le flux d’armes en garantissant des stratégies de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) et de réforme du secteur de la sécurité (RSS) tenant compte de la dimension de genre, grâce à un contrôle efficace, à la responsabilisation, à la vérification des antécédents, à la formation, aux codes de conduite et aux efforts visant à intégrer l’égalité entre les hommes et les femmes dans leur travail. 

Mme NIEMAT AHMADI, fondatrice et Présidente de l’ONG Darfur Women Action Group, a rappelé qu’en tant que survivante du génocide du Darfour, elle avait fondé cette organisation en 2009 afin de renforcer les capacités des survivantes au Soudan et au sein de la diaspora, et pour éviter de nouvelles atrocités.  Selon elle, le cycle de violence au Soudan démontre un non-respect total du droit international et pourrait être qualifié de crime de guerre, de crime contre l’humanité et même de génocide.  Le viol et d’autres violences basées sur le genre sont des éléments clefs de la guerre au Soudan, a-t-elle déploré, notant aussi que la violence cible surtout les femmes des groupes ethniques Massalit, Four et Zaghawa.  Certaines femmes ont entendu leurs agresseurs dire qu’elles devraient s’estimer heureuses de « donner naissance à un enfant arabe », a-t-elle rapporté.  Un témoignage qui m’a particulièrement choquée, a-t-elle confié, est celui de Noura qui, à seulement 12 ans, a subi un viol collectif, la laissant dans un état critique.  Afin de survivre, a expliqué Mme Ahmadi, sa famille a dû prendre une décision cruelle: lui procurer des soins ou bien nourrir ses jeunes frères et sœurs.  En l’apprenant, Noura, en larmes, a dit à sa mère qu’elle ne souhaitait plus vivre.  Ce sont des choix qu’aucune famille ne devrait avoir à faire et qu’aucun enfant ne devrait subir, a déploré l’activiste en notant que l’histoire de Noura est semblable à des centaines d’autres au Soudan.

Les femmes et les filles ont été violées à de nombreuses reprises, parfois devant leurs pères, leurs maris, leurs fils, dans le but de briser leur volonté et de détruire leur dignité, a indiqué Mme Ahmad.  Ces femmes et ces filles n’ont accès à aucune protection, assistance humanitaire ou médicale, et n’ont nulle part où aller pour demander de l’aide, a-t-elle dit.  De plus, la peur des représailles fait que beaucoup de survivantes n’osent pas témoigner. Ce Conseil ne peut pas rester muet alors que les actes inhumains que je viens de décrire continuent d’avoir lieu en toute impunité, a-t-elle lancé, précisant que le taux de violence sexuelle que nous observons actuellement au Soudan n’aurait jamais été atteint sans la prolifération des armes.  Mettre fin à l’impunité au Soudan pour tous les crimes, actuels et passés, y compris les crimes contre les femmes, doit être une priorité pour le Conseil de sécurité si nous voulons obtenir une paix durable au Soudan, a-t-elle demandé. Elle a appelé le Conseil à exhorter toutes les parties prenantes à mettre fin immédiatement à tous les actes de violence sexuelle et fondée sur le genre, et faire en sorte que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes.  Elle a souhaité que les droits des femmes soient au cœur de toute procédure de responsabilité pénale, et que le Conseil exige la participation entière, égale, sûre et significative des femmes soudanaises à tous les efforts de désescalade, de consolidation de la paix, d’aide humanitaire, de justice et de responsabilisation, ainsi qu’aux processus politiques relatifs à l’avenir du Soudan. 

Mme DAINA GURIRRA, Ambassadrice de bonne volonté de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), s’est déclarée choquée de constater à quel point les crimes visant les enfants et les femmes se sont multipliés à travers le monde.  Le rapport à l’examen aujourd’hui couvre 25 situations, de la Colombie à l’Ukraine, en passant par Israël et le Territoire palestinien occupé, Haïti, la RDC, l’Éthiopie, la République centrafricaine et le Soudan. Elle a blâmé neuf années consécutives de hausse des dépenses militaires, qui atteignent désormais un niveau record de plus de 2 400 milliards de dollars.  Les perpétrateurs de violences sexuelles dans les théâtres de conflit sont tous armés jusqu’aux dents, violant de manière flagrante les embargos applicables, a dénoncé l’intervenante.  « Nous entendons parler de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Mais les armes continuent pourtant d’affluer », a-t-elle fait observer.  Pourquoi a-t-on l’impression que les choses empirent, alors même que l’ONU a intensifié ses efforts pour lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits au cours des 15 dernières années? 

Si l’on prend en compte l’aide bilatérale totale à l’appui des organisations et mouvements de défense des droits des femmes dans les pays touchés par des conflits, a relevé Mme Gurirra, nous n’arrivons même pas à 150 millions de dollars pour la dernière année pour laquelle nous disposons de données.  Autrement dit, moins de 0,01% du montant mentionné pour les dépenses militaires mondiales.  Le problème, a-t-elle analysé, n’est pas seulement que nous avons besoin de davantage de financement pour les organisations de femmes et les services destinés aux survivantes de violences sexuelles dans les zones de conflit. Inverser la trajectoire ascendante des dépenses militaires serait en premier lieu un moyen de réduire le nombre de victimes ayant besoin d’aide, a observé l’Ambassadrice.  Œuvrer au contrôle des armements et la gestion des munitions contribuerait également à prévenir les violences sexuelles liées aux conflits, a-t-elle insisté.

L’autre question qui l’a interpellée est l’impunité.  La perception selon laquelle les violences sexuelles sont un butin ou une conséquence inévitable de la guerre semble dissuader diverses structures de véritablement demander des comptes aux auteurs de violations, a noté l’intervenante.  Elle a tenu à s’adresser aux gouvernements qui permettent que cela se produise à l’intérieur de leurs frontières: « Si vous refusez de protéger les plus vulnérables, mais permettez que leurs corps constituent le butin de vos conflits politiques, vous devriez en être tenus pour responsables.  Et vous ne devriez pas exercer de leadership », a-t-elle tranché. 

Malgré tous les efforts déployés depuis 20 ans, la vérité honteuse, c’est que presque tous les auteurs de violences ont encore le sentiment de pouvoir s’en tirer sans problème, et que l’écrasante majorité des survivantes ne demandent même jamais justice, car la justice est rarement là pour elles. « Jusqu’à ce que nous disions clairement que le viol a des conséquences – des conséquences réelles et désastreuses, nous ne parviendrons jamais à inverser la tendance », a assuré l’Ambassadrice.  Elle a donc demandé aux États Membres présents dans cette salle et où se produisent ces atrocités, dont les propres soldats perpétuent ces violences, s’il s’agit d’un mécanisme par défaut en situation de conflit?  Mener vos guerres sur les corps des plus vulnérables est-ce une tactique de guerre?  Qu’est-ce qui est fait, réellement fait, pour prévenir cela, pour rendre justice?  Vous devez répondre à ces questions et « à la jeune fille éthiopienne qui ignore si elle passera la semaine sans être ligotée à un arbre ». 

M. CHRISTOPHER FEARNE, Vice-Premier Ministre de Malte, a reconnu que la prolifération de plus d’un milliard d’armes légères et de petit calibre à l’échelle mondiale alimente le terrorisme, le crime organisé et les conflits. Elle contribue directement aux violences sexuelles liées aux conflits en République Démocratique du Congo, en Haïti, en Libye, au Mali, au Myanmar, au Soudan et au Soudan du Sud.  Les défenseurs des femmes doivent montrer l’exemple en réduisant les dépenses militaires et en arrêtant les exportations d’armes vers les zones de conflit.  Malte a été l’un des premiers signataires du Traité sur le commerce des armes (TCA), a rappelé le Vice-Premier Ministre, avant d’exhorter tous les États restants à signer, ratifier et pleinement mettre en œuvre le TCA.

L’appel de l’Union africaine à faire taire les armes mérite d’être pleinement appuyé, a poursuivi M. Fearne.  Pourtant, au Soudan, les livraisons illicites d’armes et les réseaux de financement sont impliqués dans les violences sexuelles systématiques contre les femmes et les filles, en violation flagrante de l’embargo sur les armes. Alors que nous marquons le premier anniversaire de ce conflit, aucune nouvelle entité n’a été répertoriée, malgré les signalements du Groupe d’experts.  Plus de 70% des parties répertoriées dans le rapport du Secrétaire général ont éludé toute responsabilité depuis des années, a encore déploré le Vice-Premier Ministre.  En Israël et en Palestine, tous les actes de violence sexuelle doivent être condamnés et les responsables doivent rendre des comptes.  En Afghanistan, M. Fearne a condamné la persécution systématique des Taliban et les niveaux effroyables de violences sexuelles et sexistes.  C’est pourquoi Malte soutient la codification de « l’apartheid de genre » qui permettrait aux victimes et aux survivantes de tenir pour responsables les auteurs de la totalité des crimes commis.  En outre, les comités des sanctions de l’ONU devraient intégrer la violence sexiste en tant que critère autonome. 

Pour la représentante de la Suisse, le caractère pionnier du programme pour les femmes et la paix et la sécurité réside dans l’union des trois piliers que sont la prévention, la protection et la participation.  Non seulement ces piliers se renforcent mutuellement, mais ils peuvent aussi être renforcés par le désarmement et la maîtrise des armements. Et cela peut se faire en prévenant le commerce illégal et l’utilisation abusive d’armements, qui alimentent la violence en général et la violence basée sur le genre en particulier.  Au niveau national, elle a appelé à intégrer le désarmement et la maîtrise des armements dans les plans d’action 1325, recommandant aussi d’intégrer une approche basée sur le genre dans les stratégies de désarmement. 

La prévention de la violence et l’éradication des violences basées sur le genre sont aussi entravées par la persistance de normes sociales discriminatoires, bien souvent liées à des modèles de masculinité néfastes qui lient l’exercice du pouvoir au port d’armes, a poursuivi la déléguée.  Elle a conseillé dans ce contexte d’augmenter la participation des femmes aux processus décisionnels dans les forums traitant du désarmement, du contrôle et du commerce des armes.  Cela concerne aussi la gestion des nouvelles armes ainsi que l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur de l’armement, a-t-elle ajouté.  Les embargos sur les armes ne sont pas suffisamment respectés et mis en œuvre, a regretté la représentante.  Selon elle, il est urgent que tous les exportateurs d’armes et de munitions mettent en œuvre leur devoir de diligence en y intégrant une perspective de genre comme prévu notamment par le Cadre mondial pour la gestion des munitions classiques au long de leur cycle de vie. 

Le représentant de la République de Corée est revenu sur l’augmentation alarmante du nombre de cas de violences sexuelles en situation de conflit en 2023, d’autant plus que ces chiffres sont probablement largement sous-estimés.  Il a pointé les situations en Israël, à Gaza, au Soudan et ailleurs avant d’exprimer sa préoccupation face aux effets disproportionnés de ce type de violence sur les femmes et les filles.  Alors que la prolifération illicite des armes légères et de petit calibre ne fait qu’accélérer ce fléau, le représentant a appelé chaque État Membre à mettre pleinement en œuvre le Traité sur le commerce des armes.  À ce titre, il les a encouragés à intégrer la perspective de genre dans les activités de maitrise des armes.  Il a également appelé à garantir la pleine participation des femmes à la prise de décisions dans tous les processus de désarmement et de paix, et à tous les niveaux, pour faire d’elles des acteurs politiques. 

La représentante de la Sierra Leone a expliqué que pour avoir fait l’expérience directe de l’impact dévastateur de la violence sexuelle liée aux conflits sur les personnes et les communautés, la Sierra Leone reste déterminée à se joindre aux efforts proactifs visant à prévenir cette forme de violence par le biais de la démilitarisation et d’un contrôle des armes en tenant compte du genre.  Prenant note avec inquiétude des listes en annexe du rapport du Secrétaire général des parties soupçonnées de manière crédible d’avoir commis des viols ou d’autres formes de violence sexuelle dans des situations de conflit armé qui sont à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, ou d’en être responsables, elle a appelé tous les États Membres à mettre fin aux transferts d’armes lorsqu’il existe un risque substantiel qu’elles soient utilisées pour « commettre ou faciliter des actes graves de violence à l’encontre des femmes et des enfants au Soudan et dans toutes les situations de conflit ». 

La déléguée a insisté sur la nécessité pour les acteurs étatiques et non étatiques engagés dans un conflit de se conformer à leurs obligations en vertu du droit international pour protéger les civils contre les violences sexuelles et sexistes.  Elle a exhorté tous les États Membres et les partenaires à renforcer leur coopération, notamment dans le cadre du Traité sur le commerce des armes et du Programme d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects.  À cet égard, elle a préconisé des mécanismes de responsabilisation plus solides, y compris des actions judiciaires, à l’encontre des personnes dont il est prouvé qu’elles ont commis des actes de violence sexuelle et sexiste, ainsi que la mise en place de mécanismes de réparation pour les victimes. Les mécanismes de contrôle des armes et de désarmement devraient rechercher la participation active des survivants de la violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle liée aux conflits, en tant que parties prenantes essentielles. 

Le représentant du Japon s’est dit profondément préoccupé par les conclusions du dernier rapport du Secrétaire général qui souligne les niveaux accrus de violences sexuelles liées aux conflits, alimentés par la prolifération des armes et la militarisation accrue.  Nous devons, a-t-il concouru, améliorer la prévention de ce phénomène en intégrant ce sujet dans le contrôle des armements et les cadres de désarmement, tout en exploitant les mécanismes et outils connexes de l’ONU.  Le Japon, a-t-il souligné, est un État partie au Traité sur le commerce des armes (TCA) depuis son entrée en vigueur en 2014.  Le traité exige des États parties qu’ils évaluent le risque que les exportations d’armes soient utilisées pour commettre de graves actes de violence fondée sur le genre.  Le Japon a donné la priorité à l’universalisation de ce traité et réitère son appel aux États non parties à adhérer au TCA.  Pour réduire le risque que les transferts d’armes et les armes illicites soient utilisées pour commettre des violences sexuelles, le représentant a préconisé de renforcer la coopération internationale à travers des cadres tels que le Diversion Information Exchange Forum, un organe du TCA où sont échangées des informations sur les transferts d’armes illicites.

Le représentant de la Chine a encouragé la communauté internationale à adopter une approche intégrée en réponse au phénomène de la violence sexuelle dans les conflits.  Pour sa délégation, toutes les formes de violence sexuelle doivent être combattues, et il faut également renforcer l’état de droit, punir les auteurs de violences sexuelles et lutter contre l’impunité.  Il a observé que les auteurs de violations sont souvent des organisations terroristes inscrites sur les listes de sanctions du Conseil de sécurité, raison pour laquelle les mesures applicables doivent être mises en œuvre par les États Membres.  Mais les causes profondes de ces violences doivent être également prises en compte, a souligné le représentant, pour qui la mise en œuvre des objectifs de développement durable et la promotion de l’égalité hommes-femmes doivent être accélérées, afin de créer des sociétés épanouissantes pour tous.  Le délégué chinois a conclu en dénonçant le conflit qui fait rage à Gaza, lequel a causé la mort de 10 000 femmes en l’espace de six mois, avant d’exhorter à donner effet à la résolution 2728 (2024). 

La représentante de l’Algérie a rappelé que, 24 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000), des retards inacceptables sont constatés dans la mise en œuvre de ses dispositions.  Pour sa part, son pays, a-t-elle annoncé, s’est doté d’un plan d’action national en juillet 2023, dont le but est de réaliser les objectifs de cette résolution et d’encourager la participation des femmes aux secteurs sécuritaire et militaire, y compris en y occupant des postes à responsabilité. Pour la déléguée, il faut dépasser le système des quotas et le remplacer par un système équilibré où femmes et hommes seraient sur un pied d’égalité.  C’est ce que s’efforce de faire l’Algérie, en bâtissant une société inclusive et juste, où chacun a sa chance à part égale.  Dans le secteur de la santé, a précisé la représentante, les femmes forment aujourd’hui plus de 50% des personnels, reflétant la volonté de son gouvernement d’assurer la représentation des femmes à tous les niveaux. Elle a, en conclusion, attiré l’attention sur le sort tragique des Palestiniennes, dont les droits sont bafoués depuis le 7 octobre, de même que ceux des enfants palestiniens, a souligné la déléguée, en exigeant que cette situation prenne fin. 

Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que la contribution de l’ONU à la résolution du problème de violence sexuelle contre les femmes est considérablement limitée du fait de la Représentante spéciale du Secrétaire général, Mme Pramilla Patten, « qui a transformé un mandat important, faisant des déclarations de nature politique et usant de mensonges purs et simples et de manipulations ».  Il a pris exemple sur la section du rapport dédiée à l’Ukraine.  Il a relevé que les données sont tirées de rapports de l’équipe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Ukraine. Une équipe travaillant sous le contrôle de Kiev, a-t-il affirmé.  Toute allégation contre des États ou des parties en conflit dans le rapport doit être fiable, basée sur des faits confirmés et tirée de sources soumises à vérification, a-t-il souligné.  Il a rappelé que l’an dernier, la Russie avait demandé des données pouvant aider à vérifier les informations l’incriminant.  Une demande restée sans suite.  Cette année, a-t-il regretté, la Représentante spéciale n’a même pas envoyé à la Russie la partie du rapport la concernant pour commentaire.  Le délégué a rejeté fermement les insinuations contenues dans le rapport. 

En ce qui concerne le commerce illicite d’armes légères et de petit calibre, le représentant a invité le Conseil à ne pas fermer les yeux sur le fait que des armes parviennent aux terroristes par l’intermédiaire de groupes criminels ou directement par ceux qui les fournissent en quantités énormes partout dans le monde.  Il a évoqué des armes et équipements abandonnés par les États-Unis et l’OTAN en Afghanistan et qui sont aujourd’hui utilisés par des terroristes, dont Daech, en Asie du Sud et en Afghanistan même.  De même, les armes fournies par les Occidentaux au « régime de Kiev » se retrouvent entre les mains de criminels et groupes terroristes en Europe et en Afrique.  Il est nécessaire de trouver des solutions au problème, sans politisation ni « deux poids, deux mesures », a-t-il plaidé.

La représentante des États-Unis a rappelé que cela fait 10 ans que Boko Haram a enlevé des jeunes femmes au Nigéria dont un tiers sont toujours portées disparues.  Pour sa délégation, davantage doit être fait pour combattre cette épidémie de violences sexuelles dans le contexte des conflits et aider les survivantes.  La déléguée a commencé par souligner la nécessité de faire rendre des comptes aux auteurs de tels actes, en préconisant des mécanismes de redevabilité plus solides.  Son pays s’investit à cet égard par le biais de différentes agences gouvernementales, notamment en aidant la Police nationale d’Haïti pour qu’elle puisse enquêter sur les cas de violence sexuelle commis par des gangs, ou les autorités ukrainiennes à faire de même pour les crimes sexuels imputables aux soldats russes dans le cadre du conflit en cours.  Mais au-delà de la lutte contre l’impunité, nous devons prévenir ce type de violences, a souligné la représentante, pour qui il faut se concentrer sur le trafic d’armes conventionnelles et de munitions, un problème systémique qui se pose d’Haïti à la République démocratique du Congo (RDC).

Le représentant du Mozambique a fait remarquer que les violences sexuelles dans les conflits sont des crimes évitables et punissables, plaidant pour que leurs auteurs soient tenus pour responsables.  Reconnaissant que cette violence est alimentée par plusieurs facteurs, dont la prolifération des armes et la militarisation accrue, le délégué a invité à réfléchir à la dynamique de genre dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des initiatives et des politiques de contrôle des armes.  L’expérience du Mozambique a montré que la participation des femmes aux processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) peut contribuer à la justice et à la construction de la paix, a-t-il indiqué.  En outre, on s’est rendu compte que les initiatives visant à lutter contre ces violences doivent encourager la participation des femmes aux processus de paix et à la prise de décisions, s’attaquer aux causes profondes des conflits et renforcer les systèmes judiciaires.

Le délégué a aussi reconnu les mérites des initiatives internationales et régionales pour traiter et prévenir les violences sexuelles liées aux conflits, ainsi que pour contrôler les armes dans la mesure où elles permettent de coordonner les actions des pays de la région.  À ce titre, il a rappelé que le continent africain dispose d’un cadre visant à prévenir la prolifération des armes légères et de petit calibre ainsi que la violence sexuelle et sexiste, notamment le traité de l’Union africaine (UA) sur le commerce des armes (2013), la campagne de l’UA sur la prévention et la réponse à la violence sexuelle et sexiste (2019) et le réseau de l’UA sur le genre et la consolidation de la paix (2018).

La représentante du Royaume-Uni a déclaré que la violence sexuelle dans les conflits n’est pas une conséquence inévitable de la guerre, estimant qu’un contrôle efficace des armes conventionnelles peut jouer un rôle essentiel dans la prévention de telles violences.  Le Plan d’action britannique pour les femmes et la paix et la sécurité souligne l’importance du contrôle des armements, a-t-elle souligné, affirmant qu’une réforme du secteur de la sécurité sensible à la question du genre contribuerait aussi à garantir que ceux qui portent des armes ne s’en servent pas pour commettre des violences sexuelles liées au conflit.  Le Royaume-Uni mène en outre des actions visant à renforcer la réponse mondiale à ce fléau, par exemple en créant l’an dernier l’Alliance internationale pour la prévention des violences sexuelles dans les conflits.  Vingt-six États Membres ont rejoint cette initiative, dont des gouvernements, des organismes multilatéraux, des survivantes et des organisations de la société civile, ainsi que la Cour pénale internationale (CPI).  Grâce à cette Alliance, nous favorisons une coordination internationale plus forte pour apporter un soutien aux survivantes, s’est enorgueillie la représentante.  Aussi a-t-elle appelé les membres du Conseil à mettre en œuvre les recommandations de ce rapport et à jouer leur rôle pour mettre fin une fois pour toutes à ces actes odieux.

La représentante de la France a relevé l’introduction dans le rapport annuel d’une section sur Gaza et sur la Cisjordanie.  Elle a réitéré sa condamnation dans les termes les plus forts des attaques terroristes et des violences sexuelles commises par le Hamas et d’autres groupes terroristes le 7 octobre.  « Nous condamnons dans les termes les plus forts les viols utilisés comme armes de guerre, partout où ils sont commis », a-t-elle insisté.  Il est essentiel que la lumière soit faite sur toutes les violences sexuelles, où que celles-ci soient commises.  Elle a également relevé que, comme l’année dernière, le rapport annuel fait état du recours répété des forces russes aux violences sexuelles, y compris au viol, dans la guerre contre l’Ukraine.  Notant que le débat met l’accent sur le trafic et la dissémination des armes légères et de petit calibre, qui sont utilisées dans l’écrasante majorité des cas de violences sexuelles liées aux conflits, la représentante a appelé les États à respecter strictement leurs obligations internationales à cet égard. 

Le Conseil doit continuer d’agir concrètement pour mettre en œuvre le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, a fait valoir la représentante: en luttant contre l’impunité; en soutenant les victimes survivantes; en mettant sous sanctions les auteurs de violences sexuelles liées aux conflits. Elle a ainsi recommandé de soutenir les autorités nationales afin que les législations sanctionnent les crimes sexuels et que les victimes puissent avoir accès à la justice.  Il faut ensuite garantir l’accès des victimes à des services de santé essentiels, dont les services de santé sexuelle et reproductive, y compris l’accès à la contraception d’urgence et aux soins complet d’avortement.  La France soutient ainsi le Fonds mondial pour les survivants de violences sexuelles liées aux conflits à hauteur de 14,2 millions d’euros.  Enfin, elle est favorable au renforcement de l’expertise des panels d’experts des comités de sanctions et au fait de prendre davantage en compte l’annexe du rapport annuel du Secrétaire général dans les travaux de ces comités.  « Nous devons envisager l’introduction d’un critère de désignation lié aux violences sexuelles dans les régimes de sanctions n’en comportant pas, lorsque cela est pertinent », a conclu la représentante.

La représentante de Guyana a souligné l’importance d’une participation pleine, égale et significative des femmes, y compris dans la prise de décisions, à tous les niveaux des processus politiques et de consolidation de la paix, ainsi que dans les efforts de désarmement, de non-prolifération et de contrôle des armes.  Le Conseil de sécurité et les organisations régionales doivent intensifier leurs efforts pour tirer parti des cadres de désarmement et des mécanismes des Nations Unies, a-t-elle estimé, en particulier dans la perspective de la quatrième Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre.  L’intégration de la dimension de genre dans les discussions sur le désarmement peut, selon la déléguée, renforcer la prévention de la violence sexuelle et sexiste en veillant à ce que les solutions soient à la fois globales et efficaces.  Elle a encouragé le Conseil de sécurité à utiliser tous les outils à sa disposition pour lutter contre ce problème, notamment lors du renouvellement des mandats des opérations de paix qui devraient comprendre des dispositions opérationnelles et des mesures de contrôle des armements et de désarmement visant à prévenir et à combattre les violences sexistes et sexuelles; mais aussi dans le cadre du retrait de certaines opérations.  La déléguée a également fait valoir que pour atténuer les risques que les transferts d’armes et la prolifération des armes illicites font peser sur les femmes, une coopération internationale solide et l’adhésion au Traité sur le commerce des armes sont nécessaires.  Elle a appelé à lutter contre l’impunité qui enhardit les auteurs de violences en encourageant l’obligation de rendre des comptes, sachant que les crimes de violence sexuelle devraient être exclus des dispositions relatives à l’amnistie et à l’immunité.

Le représentant de l’Équateur a jugé essentiel qu’un plus grand nombre de femmes participent aux processus de paix et à la prise de décisions sur le contrôle des armes à feu.  Il a jugé crucial que les équipes onusiennes puissent accéder aux sites de conflits afin de continuer à collecter des statistiques et donner la parole aux victimes, afin d’informer le Conseil de sécurité pour qu’il prenne les bonnes décisions.  Le délégué a jugé essentiel de renforcer les actions visant à la conception de cadres de prévention de la violence sexuelle en temps de conflit.  Il a aussi suggéré d’utiliser les outils et efforts politiques et diplomatiques pour parvenir à des accords définitifs de cessez-le-feu.  Il a proposé l’autonomisation des victimes et leur participation pleine et sûre aux processus de construction et de consolidation de la paix, conformément aux dispositions de la résolution 1325 (2000) et d’autres textes pertinents.

Le représentant de la Slovénie s’est dit consterné par le fait qu’entre 70 et 90% des incidents de violences sexuelles liées aux conflits impliquent des armes légères et de petit calibre.  Leur transfert illicite, leur utilisation abusive, et notamment la facilité de les obtenir, continuent d’alimenter les conflits armés, notamment en RDC, au Myanmar, au Soudan et en Haïti.  Pour remédier à cette situation, il a appelé les États à renforcer leur législation, ainsi que les réglementations et procédures administratives relatives au contrôle et aux transferts d’armes légères et de petit calibre et leurs munitions.  Le délégué a par ailleurs constaté que les femmes restent fortement sous-représentées dans les discussions internationales sur les questions d’armement et de désarmement. Pourtant, leurs perspectives sont essentielles pour élaborer des politiques et des stratégies sensibles au genre et pour prévenir l’usage abusif des armes à des fins de violences sexuelles et sexistes, y compris dans le contexte d’un conflit, a-t-il relevé.  Il a également dit être consterné par le fait que l’impunité reste la norme, contribuant ainsi à la création d’un environnement propice à la perpétration de violences sexuelles.

La représentante de la Fédération de Russie a demandé à rependre la parole pour signaler la politisation du sujet à l’ordre du jour par les États-Unis et le Royaume-Uni qui ont reconnu qu’ils mènent des enquêtes sur le territoire ukrainien sur des prétendues violences sexuelles.  « Ces deux pays ne sont pas des organisations neutres mais des pays qui ont des intérêts politiques en Ukraine », a-t-elle souligné.  Ces informations sont ensuite transmises à la mission d’observation de l’Ukraine qui se trouve « sous le contrôle total de Kiev », avant de figurer dans le rapport de Mme Pradmilla Patten.  La représentante a constaté que dans le même temps, l’accès à Gaza est limité et que personne ne semble souhaiter comprendre ce qu’il s’y passe. 

La quarantaine d’États non membres du Conseil qui ont participé à ce débat se sont joints aux vives condamnations de l’utilisation de la violence sexuelle comme arme et tactique de guerre.  Ils ont souvent constaté, comme l’Allemagne, qu’il ne manque pas de normes pour réagir à cette violence, mais qu’il y a un « déficit » d’actions et de mises en œuvre.  Il manque aussi une volonté politique ferme, a regretté le Népal.

Le Chili a jugé intolérable que la communauté internationale banalise ces violences en les considérant comme un dommage collatéral de la guerre ou des crises internes.  Il a mis cela en perspective avec la hausse des dépenses dans l’armement militaire et le coût de maintien de l’arsenal nucléaire.  À cet égard, les transferts massifs d’armes constatés ces dernières années ont interpellé les délégations, au même titre que la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC), des facteurs qui contribuent malheureusement à la violence sexuelle liées aux conflits.  Les ALPC, a précisé le Bangladesh, sont liés à 70-90% des incidents de violence sexuelle liés à un conflit.  Ce pays a d’ailleurs dû prendre des mesures en 1972 après sa guerre de libération pour reconnaître officiellement les 200 000 femmes et filles bangladeshies victimes de cette violence, les auteurs ayant été traduits en justice.

En outre, la tendance à faire intervenir dans les conflits des milices et des groupes militaires et de sécurité privés ne fait qu’augmenter les actes de violence sexuelle, des crimes qui, de plus, restent largement impunis, a déploré le Mexique.  Face à cet état des lieux alarmant, la République dominicaine a exhorté les pays à adopter de toute urgence des stratégies pour gérer l’accès aux petites armes et pour protéger les populations vulnérables, en particulier les femmes et les enfants. 

L’Andorre a rappelé à cet égard la nécessité d’appliquer la Recommandation générale n.30 du Comité de la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui prescrit aux États de réguler « vigoureusement et efficacement » le commerce des armes et de contrôler dûment la circulation des armes conventionnelles existantes et souvent illégales, afin d’éviter qu’elles ne soient employées pour commettre ou faciliter des actes graves de violence sexiste. 

Du côté de l’ONU, l’Indonésie a souhaité la mise en place de synergies entre tous les processus pertinents des Nations Unies, disant préparer activement la quatrième conférence d’examen des plans d’action sur les ALPC.  La question du financement des actions menées dans ce domaine a été soulevée au cours du débat, notamment par l’Union européenne qui a signalé verser 4,5 millions d’euros pour la mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC et son instrument international de traçage.

Comme autres pistes possibles pour réagir à la hausse des violences sexuelles liées à des conflits, le Maroc a dit mettre en œuvre son plan d’action « femmes, paix et sécurité », tandis que le Guatemala et les Émirats arabes unis ont recommandé d’améliorer la collecte de données, en veillant à intégrer l’aspect « genre ».  Cela devrait permettre de mieux orienter les politiques publiques de prévention et de protection.  Le Comité international de la Croix-Rouge, qui encourage les États Membres à collecter des données ventilées en fonction du genre, les a aussi appelés à interpréter le droit international humanitaire sous le prisme du genre. 

Le recueil de preuves est également crucial, a estimé la Pologne en parlant de la violence sexuelle commise par les soldats russes dans le conflit en Ukraine. Ce pays a dit contribuer aux efforts de la Cour pénale internationale pour recueillir et préserver les preuves des crimes de guerre commis par la Russie, des efforts auxquels se joignent la Lituanie et l’Ukraine qui ont créé une équipe conjointe d’enquête. 

Il a généralement été conseillé de mieux former les agents judiciaires et le personnel de sécurité, pour qu’ils puissent apporter un soutien adapté aux victimes.  Dans la même veine, le Comité international de la Croix-Rouge a conseillé de nommer des conseillers spécialisés dans le genre aux postes de commandement dans l’armée.  Au niveau des missions de paix de l’ONU également, plusieurs délégations ont souhaité la présence systématique de conseillers spécialisés dans la protection des femmes. La présence de femmes en uniforme a en outre été plébiscitée par l’Inde qui s’est dite fière d’avoir été le premier pays à déployer une unité de police constituée entièrement de femmes au sein de la mission de l’ONU au Libéria. 

En ce qui concerne les victimes de cette violence, les participants au débat ont souligné l’importance cruciale du soutien à leur apporter.  Le Canada a insisté sur l’importance de l’accès à la justice des survivants, ainsi que de la disponibilité des services de santé sexuelle et reproductive, de santé mentale et de soutien psychologique. 

Au nom du Groupe restreint LGBTI, les Pays-Bas ont rappelé que le Secrétaire général avait identifié, l’an dernier dans son rapport, que les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres, les queer et les personnes intersexe courent un risque majeur de subir cette violence sexuelle dans les conflits et les déplacements qui y sont liés, un risque devenu « aigu » cette année.  Le Groupe a dès lors prié tous les États Membres de revoir leurs cadres juridiques afin de gérer collectivement les besoins des survivants.

En vue de parvenir à un changement durable de comportement, certains ont mis en avant la nécessité d’impliquer les communautés locales et en particulier les hommes et les garçons.  Il faut une approche holistique, a plaidé l’Afrique du Sud en prônant en amont des programmes de développement économiques et sociaux pour réduire les écarts en termes d’égalité femme-homme.

Le plan sur le long terme est de reconnaître les femmes comme agents du changement et d’augmenter leur participation aux efforts de consolidation et de maintien de la paix, de règlement des conflits et de désarmement, tout en respectant « leur dignité égale et leurs dons uniques », a visualisé le Saint-SiègeCitant le pape François, il a jugé « impératif que toutes les sociétés reconnaissent et apprécient la contribution inestimable de chaque femme ». 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le rôle de l’Assemblée générale en matière de paix et de sécurité internationales au centre du débat annuel sur l’exercice du droit de veto

Soixante-dix-huitième session,
70e & 71e séances, matin & après-midi
AG/12593

Le rôle de l’Assemblée générale en matière de paix et de sécurité internationales au centre du débat annuel sur l’exercice du droit de veto

À l’occasion de son deuxième débat annuel sur l’exercice du droit de veto depuis l’adoption de la résolution 76/262, le 26 avril 2022, l’Assemblée générale a, aujourd’hui, fait le point sur la mise en œuvre de l’initiative relative au veto, qui découle de ce texte, tout en résonnant d’appels à ce que l’organe le plus représentatif de l’ONU se saisisse plus largement des questions de paix et de sécurité internationales lorsque que l’action du Conseil de sécurité est bloquée par le vote négatif d’un ou plusieurs de ses membres permanents. 

Si la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales incombe au Conseil de sécurité, l’Assemblée générale a un rôle essentiel à jouer sur ces questions en vertu de la Charte des Nations Unies, a d’emblée rappelé le Président de ce deuxième organe.  « Un rôle qui prend de plus en plus de sens alors que le Conseil de sécurité se trouve dans une grave impasse pour s’acquitter efficacement de ses responsabilités. » M. Dennis Francis a ainsi relevé que, depuis le débat annuel de l’an dernier, huit résolutions et un amendement ont fait l’objet d’un veto au Conseil, celui-ci se montrant incapable de répondre aux situations critiques en matière de paix et de sécurité dans la bande de Gaza, en Ukraine, en République arabe syrienne, au Mali et en République populaire démocratique de Corée (RPDC). 

« En cette période de tensions géopolitiques accrues et alors que des crises en cours et émergentes exigent notre action urgente et résolue, nous échouerions à assumer notre devoir en tant qu’Assemblée générale si nous restions les bras croisés et permettions que l’usage effréné du veto paralyse non seulement le Conseil, mais aussi la capacité de l’ONU à répondre efficacement aux questions de paix et de sécurité », a fait valoir M. Francis.  En conséquence, il a appelé à utiliser « la vaste portée du mandat de cette Assemblée », à travers tous les piliers des Nations Unies, pour approfondir une coopération plus étroite entre les principaux organes de l’Organisation. 

Cet appel a été soutenu par un grand nombre de pays, à commencer par le Liechtenstein, pays au rôle moteur dans l’adoption de la résolution 76/262.  S’exprimant au nom d’un groupe de pays, il a estimé que, plus qu’un simple instrument de responsabilisation et de transparence, l’initiative relative au veto est devenue « un outil pour engager l’Assemblée générale en tant qu’organe apte et prêt à assumer le rôle défini par la Charte au Chapitre IV pour maintenir la paix et la sécurité ». Alors que le veto « n’est plus la fin de la conversation », il importe selon lui de veiller à ce qu’il « ne signifie pas la fin de l’action de l’ONU ». 

Sur cette même ligne, le Luxembourg a rappelé que l’Assemblée générale peut, comme elle l’a fait à de multiples reprises par le passé, « orienter l’action politique et prendre des décisions, notamment lorsque le Conseil de sécurité ne s’acquitte pas de son mandat faute de consensus ou lorsqu’un veto l’empêche de protéger la Charte et donc l’intérêt général de l’ensemble des membres de l’ONU ».  Une faillite qui s’est vérifiée lors du récent vote sur l’admission de l’État de Palestine en tant que membre des Nations Unies.  L’Assemblée générale a l’autorité nécessaire pour ordonner l’envoi de forces d’urgence, autoriser des missions de maintien de la paix, prendre des sanctions ou des mesures d’embargo, défendre les droits humains et promouvoir le règlement pacifique des différends, a appuyé le Costa Rica. 

Lorsque le Conseil de sécurité n’est pas en mesure d’agir, l’Assemblée générale « doit se mettre aux commandes et assumer la responsabilité qui lui revient, conformément à l’Article 11 (2) de la Charte des Nations Unies », a souligné à son tour l’Autriche, pour qui il n’existe aucun obstacle juridique à ce que l’Assemblée assume un rôle plus opérationnel à travers une action complémentaire à celle du Conseil.  Un avis partagé, entre autres, par la Bulgarie, le Danemark, au nom des pays nordiques, et les Philippines. 

À cet égard, a fait observer l’Estonie, au nom des États baltes, la Charte habilite l’Assemblée à formuler des recommandations sur des questions de paix et de sécurité internationales.  Singapour l’a ainsi clairement encouragée à formuler de telles recommandations et à prendre des mesures « là où l’action du Conseil de sécurité est bloquée en raison du recours au veto ».  Le Portugal a, lui, demandé que soit examinée la proposition du Conseil consultatif de haut niveau, qui suggère de renvoyer directement à l’Assemblée générale « pour action » les questions pour lesquelles le Conseil de sécurité n’agit pas. 

À l’instar de pays tels que l’Autriche, le Liechtenstein, le Luxembourg ou encore les Pays-Bas, le Portugal a également soutenu l’élaboration d’un manuel détaillant le rôle de l’Assemblée générale en matière de paix et de sécurité, financée par des contributions volontaires. 

Soucieuses de voir s’accroître la responsabilité quant à l’utilisation du droit de veto, l’immense majorité des délégations, de l’Allemagne au Japon, en passant par le Chili, le Kenya, les Philippines et la Suisse, ont exprimé leur soutien à l’initiative franco-mexicaine sur la suspension de ce droit en cas d’atrocités de masse et au Code de conduite du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence (ACT).  Évoquant l’initiative qu’elle porte avec le Mexique depuis 2015 et qui est aujourd’hui soutenue par 106 États, la France a précisé que sa mise en œuvre ne nécessiterait pas de modification de la Charte et serait applicable aux membres permanents actuels. 

Plusieurs pays, principalement européens, ont pour leur part appelé les membres du Conseil de sécurité à respecter les dispositions de l’Article 27 (3) de la Charte, en vertu duquel les parties à un différend doivent s’abstenir de voter.  L’Allemagne, l’Estonie, la Géorgie et le Japon ont du reste rappelé que la résolution 76/262 est la conséquence directe de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie et de l’incapacité du Conseil de sécurité à agir en conséquence. Cette paralysie a encouragé la Fédération de Russie, membre permanent ayant le plus exercé son droit de veto, tout en lui permettant de soutenir les actions illégales de ses « clients géopolitiques », a déploré la délégation estonienne. 

Concernée au premier chef, l’Ukraine a noté que tous les projets de résolution concernant l’agression russe à son encontre ont été bloqués dès 2014 du fait d’une utilisation abusive du veto par la Fédération de Russie.  Face à ces agissements systématiques, elle a souhaité que l’Assemblée générale renforce les mécanismes de reddition de comptes et les initiatives existantes « afin que l’agresseur ne puisse prendre le Conseil en otage et que ce dernier ne devienne pas un témoin passif des crimes russes ». 

De manière connexe, la République de Corée a dénoncé la pratique du « veto contradictoire ».  Elle a ainsi rappelé qu’à la suite de l’adoption de la résolution 76/262, la Chine et la Fédération de Russie ont été les premières à exercer leur droit de veto, en l’occurrence sur un projet de résolution soumis en réponse aux violations flagrantes par la RPDC de plusieurs résolutions du Conseil interdisant tout lancement utilisant la technologie des missiles balistiques.  Or, les résolutions violées par la RPDC avaient été négociées et votées en faveur par ces deux membres permanents, a-t-elle fait observer, regrettant un « empêchement » préjudiciable à la paix et à la sécurité internationales, aggravé depuis par le veto opposé le 28 mars dernier par la Fédération de Russie au renouvellement du mandat du Groupe d’experts chargé d’assister le Comité des sanctions contre la RPDC. 

Ripostant à ces attaques, la Fédération de Russie a argué que le veto est un droit inaliénable, consacré par l’Article 27 de la Charte, et que son utilisation n’est aucunement une violation des principes fondamentaux de l’ONU.  « Ce qui doit être critiqué n’est pas le veto lui-même, mais plutôt le refus de certains membres du Conseil de prendre en compte les opinions des autres et de trouver des compromis », a-t-elle estimé, prenant pour exemple la « dissimulation par les États-Unis des actions israéliennes à Gaza ».  Il importe aussi, selon elle, de critiquer ceux qui ne respectent pas les résolutions du Conseil, les ignorent délibérément ou les interprètent librement. À ce sujet, elle a qualifié de violations flagrantes de la Charte les déclarations américaines selon lesquelles les résolutions du Conseil ne seraient pas juridiquement contraignantes. Parmi les résolutions ainsi « sabotées » par les Occidentaux, elle a cité les décisions sur la Palestine, le Sahara occidental, le règlement du Kosovo, le programme nucléaire iranien et les accords de Minsk destinés à résoudre le conflit interne ukrainien. 

Face à l’augmentation rapide du recours au veto, voire à ses abus, les délégations ont été nombreuses à réclamer une réforme en profondeur du Conseil de sécurité, au-delà du seul droit de veto.  La majorité des États Membres ne se sentent pas représentés dans les décisions prises par le Conseil, dont la capacité à être à la hauteur de son mandat « laisse à désirer », a asséné l’Inde, avant de s’en prendre à la « minorité d’États négatifs » qui prennent en otage le processus de réforme depuis 40 ans.  La seule façon de remédier aux maux du Conseil consiste à le rendre représentatif, en incluant les pays du Sud, et de l’Afrique en particulier, dans les deux catégories de membres, a-t-elle ajouté, soutenue dans cette volonté réformiste par des pays aussi divers que l’Afrique du Sud, le Brésil, Cuba, l’Égypte, l’Estonie, l’Indonésie, le Japon et le Nigéria. 

Favorable elle aussi à une réforme de l’organe en charge de la paix et de la sécurité internationales, la France a déclaré soutenir son élargissement dans ses deux catégories de membres et a souhaité qu’une négociation s’engage sans tarder sur la base d’un projet de résolution.  Pour la délégation française, le Sommet de l’avenir organisé par le Secrétaire général en 2024 et le quatre-vingtième anniversaire de l’ONU en 2025 représentent une occasion unique d’y parvenir.  Quant au droit de veto, elle a indiqué ne l’avoir utilisé que 18 fois depuis 1945 et ne plus y avoir recours depuis plus de 30 ans.  Le Royaume-Uni a affirmé faire de même depuis 1989. 

Reste que, comme l’a noté la Malaisie, ce droit a été exercé à 293 reprises depuis qu’il existe.  Et si certains membres permanents du Conseil sont plus enclins que d’autres à en faire usage, « il discrédite ceux qui l’utilisent », a jugé la délégation malaisienne, selon laquelle le veto est « obsolète, antidémocratique et contraire au principe d’égalité souveraine entre États Membres ».  De fait, ce droit devrait être abrogé ou à tout le moins restreint, a-t-elle tranché, rejointe dans ce rejet par l’Argentine et la Colombie.  « Dans un monde idéal, le veto devrait être aboli », a renchéri la Türkiye, l’Indonésie et l’Italie voyant dans ce droit un privilège d’un autre temps.  Le veto –qui n’est « pas un droit mais une responsabilité », selon le Mexique- ne devrait jamais être utilisé, ont abondé le Bangladesh et la Nouvelle-Zélande, cette dernière constatant à regret que la résolution 76/262 n’a pas empêché son utilisation à 11 reprises depuis deux ans. 

Dans ce concert de critiques de l’action du Conseil, les États-Unis se sont félicités de l’adoption de la résolution 76/262 et, par voie de conséquence, de la transmission à l’Assemblée générale de rapports spéciaux du Conseil en cas d’utilisation du veto.  Tout en se disant conscients des controverses que suscite l’exercice de ce droit, ils ont salué la transparence que permet l’initiative relative au veto au travers de l’explication des positions.

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC prépare la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement et débat des ressources publiques et privées permettant d’accélérer le développement

Session de 2024
3e & 4e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7159

L’ECOSOC prépare la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement et débat des ressources publiques et privées permettant d’accélérer le développement

Au deuxième jour de sa session sur le financement du développement, le Conseil économique et social (ECOSOC) poursuit l’examen de la question dans un contexte mondial qui pèse grandement sur les efforts de développement.  Il a notamment pour objectif de préparer la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4) qui se déroulera du 30 juin au 3 juillet 2025, en Espagne. 

Les thèmes des discussions du jour sont les suivants: les ressources publiques nationales; les affaires et la finance privées nationales et internationales; la coopération internationale au développement; et les attentes de la Conférence FfD4. 

Le programme de la session est disponible en ligne (en anglais). 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse n’a pas pu couvrir cette séance.)

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instance permanente sur les questions autochtones: dialogue avec le Rapporteur spécial

Session de 2024
9e & 10e séances plénières – matin & après-midi
DH/5485

Instance permanente sur les questions autochtones: dialogue avec le Rapporteur spécial

L’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi aujourd’hui sa vingt-troisième session par un dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones et le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones.  L’occasion d’examiner l’état d’avancement de la mise en œuvre de la recommandation générale no 39 (2022). 

L’ordre du jour provisoire de la session peut être consulté ici: E/C.19/2024/1

L’Instance a organisé ses travaux pour les deux semaines avec des débats et des dialogues thématiques: cf.  E/C.19/2024/L.1/Rev.1

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse n’a pas pu couvrir cette séance.)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: confronté à une spirale de violence « sans précédent et sans fin », Haïti demande le déploiement urgent de la mission d’appui à la sécurité

9613e séance – après-midi     
CS/15674

Conseil de sécurité: confronté à une spirale de violence « sans précédent et sans fin », Haïti demande le déploiement urgent de la mission d’appui à la sécurité

Dans un contexte d’extrême insécurité en Haïti, les autorités nationales et la Représentante spéciale du Secrétaire général pour ce pays ont réclamé de concert le déploiement « immédiat » de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) afin de freiner la spirale de violence sans précédent que traverse le pays, avec des conséquences humanitaires dévastatrices. 

« Il est impossible d’exagérer l’augmentation de l’activité des gangs à Port-au-Prince et au-delà, la détérioration de la situation des droits humains et l’aggravation de la crise humanitaire », s’est alarmée Mme María Isabel Salvador, qui est aussi la Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), en évoquant une « spirale de violence dramatique, sans précédent et sans fin » dans le pays.  Début mars, des gangs ont lancé des attaques coordonnées ciblant des infrastructures clefs de l’État, notamment des commissariats de police et deux des principales prisons de Port-au-Prince.  Les gangs lancent régulièrement des attaques ciblant le palais présidentiel, occasionnant des affrontements meurtriers avec la Police nationale d’Haïti.  Depuis le 3 mars, a-t-elle ajouté, des affrontements entre gangs autour de l’aéroport de la capitale ont contraint l’ensemble des compagnies aériennes à interrompre leurs services. 

Au cours du premier trimestre de 2024, quelque 2 500 personnes ont été tuées ou blessées du fait de la violence des gangs, a relevé la Représentante spéciale, une augmentation de 53% par rapport à la période précédente.  De violents affrontements entre les deux principales coalitions de gangs ont entraîné des massacres de civils, des pillages et des incendies de maisons.  Les attaques systématiques lancées par les gangs armés contre les infrastructures ont encore affaibli les institutions publiques, a ajouté la haute fonctionnaire.  Par conséquent, l’accès déjà limité aux services essentiels a exacerbé l’insécurité alimentaire, tandis qu’un nombre alarmant d’enfants ont été recrutés par les gangs. 

Néanmoins, a noté Mme Salvador, la Police nationale d’Haïti, soutenue par l’armée haïtienne et conseillée par le BINUH, a déployé d’immenses efforts pour contenir la spirale de violence.  Or, la gravité de la crise actuelle ne fait que souligner les lacunes structurelles du pays ainsi que le besoin urgent d’une aide internationale, notamment le déploiement immédiat de la MMAS.  La Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Mme Ghada Waly, a également noté que les deux principales fédérations de gangs, le G9 et le GPEP, ont uni leurs forces afin de mener des attaques contre les prisons de Port-au-Prince, libérant plus de 4 600 détenus, dont des chefs de gangs. 

Ces assauts, a-t-elle ajouté, rappellent une fois de plus que la puissance de feu dont disposent les gangs en Haïti a considérablement augmenté.  Mme Waly a réitéré l’importance de renforcer les capacités nationales d’Haïti en matière de réglementation des armes à feu et de contrôle frontalier, en particulier dans les ports et à la frontière avec la République dominicaine.  Devant une telle situation, la délégation haïtienne a appelé la communauté internationale à faire respecter l’embargo sur les armes décrété par la résolution 2700 (2023) du Conseil de sécurité.

La coordination croissante des bandes criminelles en Haïti pour mener des attaques simultanées contre la population, les infrastructures critiques et les institutions de l’État exige l’application urgente de tous les outils approuvés par le Conseil de sécurité pour restaurer la sécurité et la stabilité du pays, a plaidé l’Équateur.  Un avis partagé par les A3+1 qui, par la voix du Guyana, ont souhaité que les obstacles au déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité soient surmontés.  Le Japon a souligné pour sa part la nécessité d’une coordination étroite entre le Conseil présidentiel de transition et Nairobi afin d’assurer le déploiement rapide de cette force. 

Sur le plan politique, la Représentante spéciale a salué l’engagement pris lors de la réunion organisée par la Communauté des Caraïbes (CARICOM) du 11 mars dernier en faveur de la création d’un Conseil présidentiel de transition.  Selon elle, la mise en place d’un plan d’action sécuritaire à court terme, y compris le déploiement rapide de la MMAS, ainsi que l’organisation d’élections crédibles et inclusives doivent figurer au nombre de ses priorités.  Depuis cette annonce, un processus de consultation d’un mois entre les parties prenantes a mené à la désignation de sept membres votants et de deux observateurs auprès du Conseil de transition, a relevé Mme Salvador. 

Plusieurs délégations, dont le Royaume-Uni, ont salué les efforts déployés par la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour parvenir à un accord sur un nouveau gouvernement de transition fondé sur le partage du pouvoir.  Pour les États-Unis, la constitution d’un Conseil présidentiel de transition marque un pas décisif pour rétablir la sécurité et jeter les bases d’un scrutin libre ouvrant la voie au déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité. 

Constatant plutôt que le « véritable pouvoir » repose entre les mains de groupes armés, la Fédération de Russie a, au contraire, estimé que le processus politique en Haïti n’a donné aucun résultat depuis plusieurs années, et exprimé des doutes quant à la capacité du Conseil présidentiel de transition de mener à bien son mandat sur la base « d’exigences imposées à ses membres » concernant la présence de forces étrangères sur son propre territoire. 

Dans l’intervalle, la situation humanitaire continue de se détériorer, a poursuivi la Représentante spéciale, alors que près de 100 000 Haïtiens ont quitté Port-au-Prince depuis le 8 mars en quête de sécurité.  L’insécurité alimentaire reste également endémique dans tout le pays, la moitié de la population souffrant d’une grave insécurité alimentaire.  Pas moins de 4,97 millions d’Haïtiens souffrent de la faim, a indiqué Haïti, quelque 362 000 personnes étant désormais déplacées à l’intérieur du pays.  Or, à ce jour, seul 8,1% des 674 millions de dollars requis par le plan de réponse humanitaire 2024 pour Haïti a été financé.

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI S/2024/310

Déclarations

Mme MARÍA ISABEL SALVADOR, Représentante spéciale pour Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a constaté que ses appels répétés à agir de toute urgence pour éviter qu’Haïti ne s’enfonce dans la crise sont demeurés vains.  « Il est impossible d’exagérer l’augmentation de l’activité des gangs à Port-au-Prince et au-delà, la détérioration de la situation des droits humains et l’aggravation de la crise humanitaire » a-t-elle noté, en évoquant une « spirale de violence dramatique, sans précédent et sans fin » dans le pays.  Pendant ce temps, seul 8,1% des 674 millions de dollars requis par le plan de réponse humanitaire 2024 pour Haïti a été financé.

Début mars, a poursuivi la Représentante spéciale, des gangs ont lancé des attaques coordonnées ciblant des infrastructures clefs de l’État, notamment des commissariats de police et deux des principales prisons de Port-au-Prince, ainsi que des établissements d’enseignement et de santé.  Les gangs ont régulièrement lancé des attaques contre le palais présidentiel, occasionnant de violents affrontements avec la Police nationale d’Haïti.  Depuis le 3 mars, des affrontements entre gangs autour de l’aéroport de la capitale ont contraint toutes les compagnies aériennes à interrompre leurs services, a-t-elle noté, une situation qui perdure à ce jour.  Néanmoins, des travaux de sécurisation du périmètre de l’aéroport sont en cours, avec le soutien de la police nationale et des Forces armées d’Haïti, certaines compagnies aériennes ayant annoncé qu’elles reprendraient leurs vols d’ici au mois prochain. 

Au cours du premier trimestre de l’année, environ 2 500 personnes ont été tuées ou blessées du fait de la violence des gangs, une augmentation de 53% par rapport à la période précédente qui fait du premier trimestre 2024 le plus violent depuis 2022, a relevé Mme Salvador.  De violents affrontements entre les deux principales coalitions de gangs ont entraîné des massacres de civils, des pillages et des incendies de maisons.  Qui plus est, les gangs ont systématiquement ciblé les infrastructures de l’État et attaqué des juges et des policiers, ainsi que des défenseurs des droits humains et des journalistes, s’est alarmée la haute fonctionnaire, attaques qui ont encore affaibli les institutions étatiques et aggravé les défis déjà critiques au rétablissement de l’état de droit.  En conséquence, l’accès déjà limité aux services essentiels a exacerbé l’insécurité alimentaire, tandis qu’un nombre alarmant d’enfants ont été recrutés par les gangs, avec lesquels ils commettent à leur tour des actes de violence.  De plus, les femmes et les jeunes filles continuent d’être victimes de violences sexuelles.

Dans ce contexte d’extrême insécurité, la Police nationale d’Haïti, aidée par l’armée haïtienne et conseillée par le BINUH, a déployé d’immenses efforts pour contenir la spirale de violence, avec quelques opérations réussies. Néanmoins, a poursuivi Mme Salvador, la gravité de la crise actuelle souligne les lacunes des structures nationales et le besoin urgent d’une aide internationale, notamment par le biais du déploiement immédiat de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).  L’augmentation « spectaculaire » de la violence à Port-au-Prince a également contraint l’ONU et des organisations internationales à ajuster leur présence dans la capitale.

Toutefois, la Représentante spéciale a salué l’engagement pris lors de la réunion organisée par la Communauté des Caraïbes (CARICOM) du 11 mars dernier en faveur de la création d’un Conseil présidentiel de transition afin d’ouvrir la voie à la stabilité démocratique.  Selon elle, ses priorités devraient inclure un plan d’action pour la sécurité à court terme, y compris le déploiement rapide du MMAS, et l’organisation d’élections crédibles et inclusives.  Elle a reconnu à cet égard l’engagement du Premier Ministre Henry qui a démissionné à la suite de l’installation du Conseil présidentiel de transition, ouvrant ainsi la voie à la nomination d’un nouveau premier ministre et d’un nouveau gouvernement par intérim.  Depuis cette annonce, un processus de consultation d’un mois entre les parties prenantes a abouti à la désignation de sept membres votants et de deux observateurs auprès du Conseil de transition, a expliqué Mme Salvador. Le mandat non renouvelable du Conseil prendra fin le 7 février 2026, date à laquelle un nouveau président doit être investi.  Parallèlement, un comité de sécurité nationale et un conseil électoral provisoire doivent être établis.  La haute fonctionnaire a salué la publication, les 12 et 16 avril, des décrets exécutifs portant création du Conseil présidentiel de transition. 

Dans l’intervalle, la situation humanitaire continue de se détériorer, a poursuivi la Représentante spéciale, alors que près de 100 000 Haïtiens ont quitté Port-au-Prince depuis le 8 mars en quête de sécurité.  L’insécurité alimentaire reste également endémique dans tout le pays, la moitié de la population souffrant d’une grave insécurité alimentaire. 

Mme GHADA WALY, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a constaté que, depuis sa dernière intervention devant le Conseil en janvier, la situation en Haïti s’est encore aggravée, entraînant des troubles sécuritaires et humanitaires.  La violence de gangs, rendue possible par l’afflux continu d’armes à feu en Haïti et soutenue par la corruption, a augmenté en fréquence et en intensité, et elle s’étend géographiquement, a-t-elle observé, ajoutant que les déplacements croissants et les situations d’extrême vulnérabilité font croître les risques de trafic de migrants et de traite des êtres humains.  Faisant état d’une collusion inquiétante entre différents gangs, la haute fonctionnaire a indiqué qu’hier encore, des attaques simultanées ont eu lieu dans plusieurs endroits de Port-au-Prince.  Elle a noté que la dernière vague de violence a été marquée par des combats entre gangs, mais aussi par des signes de collaboration entre certains groupes pour mener des attaques.  Celles qui ont visé des infrastructures clefs en mars ont ainsi vu les deux principales fédérations de gangs, le G9 et le GPEP, unir leurs forces, a-t-elle signalé, évoquant aussi les attaques contre les prisons de Port-au-Prince, qui ont permis de libérer plus de 4 600 détenus, dont des chefs de gangs et des individus soupçonnés d’être impliqués dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse. 

Pour Mme Waly, les attaques de gangs contre des infrastructures clefs rappelle une fois de plus que la puissance de feu dont disposent les gangs en Haïti a considérablement augmenté.  Énumérant les différentes armes dont disposent ces gangs, elle a dénoncé un trafic largement dirigé depuis l’étranger.  Selon les informations du Ministère américain de la justice, a-t-elle rapporté, un ancien chef du gang des 400 Mawozo, M. Joly Germine, conduisait les opérations de trafic depuis sa cellule de prison.  Il décidait de transferts de fonds à des associés en Floride, qui achetaient les armes auprès d’armureries, principalement des armes automatiques et de gros calibre, avant de les introduire clandestinement en Haïti dans des conteneurs prétendument chargés de nourriture et d’articles ménagers.  La haute fonctionnaire a indiqué que l’ONUDC a cartographié les routes par lesquelles la contrebande circule vers le nord, l’est et l’ouest d’Haïti.  Dans le dernier rapport, a-t-elle précisé, nous examinons les activités illégales dans le sud du pays, qui constitue une zone de préoccupation croissante en matière de trafic de drogue et d’armes à feu, en particulier si l’on considère l’espace aérien mal surveillé et le littoral incontrôlé. 

Selon la Directrice exécutive de l’ONUDC, les départements du sud sont devenus des points d’entrée critiques pour la cocaïne en provenance d’Amérique du Sud et le cannabis arrivant des Caraïbes.  Les armes à feu et les munitions entrent également par la côte sud et sont transportées directement vers Port-au-Prince par des itinéraires qui seraient contrôlés par des gangs affiliés à la fédération GPEP, a-t-elle expliqué, relevant que d’éminentes personnalités politiques et économiques sont soupçonnées d’être impliquées dans ces marchés criminels.  Elle a ajouté que, depuis l’entrée en vigueur de la loi anticorruption en 2014, l’unité chargée de ce fléau a signalé des dizaines de cas de délits financiers impliquant des contrats gouvernementaux et des fonds publics.  Cette unité a aussi observé que les produits du crime sont blanchis par le secteur privé, notamment dans le secteur pétrolier et gazier.  En outre, les gangs se livrent à des enlèvements contre rançon, ainsi qu’à une taxation informelle de l’utilisation des infrastructures critiques qu’ils contrôlent, a-t-elle indiqué, déplorant que très peu de condamnations aient été prononcées dans des affaires de corruption et de crime organisé. 

Face à cette détérioration générale, Mme Waly a réitéré l’importance de renforcer les capacités nationales d’Haïti en matière de réglementation des armes à feu, ainsi que les capacités frontalières et douanières, en particulier dans les ports et à la frontière entre Haïti et la République dominicaine. Il importe également d’améliorer les cadres anticorruption et les capacités d’enquête, a-t-elle souligné, assurant que l’ONUDC continue d’être présent et actif en Haïti, où il travaille en coopération avec le BINUH pour fournir une assistance sur le terrain. Saluant les vaillants efforts des forces de l’ordre haïtiennes, elle a prévenu qu’en l’absence de déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité mandatée par le Conseil, parallèlement à une solution politique à long terme, la situation restera extrêmement difficile.  Si la formation récente du Conseil présidentiel de transition est une étape bienvenue, rendue possible grâce à la CARICOM, les obstacles restent de taille, a-t-elle conclu, appelant la communauté internationale à rester aux côtés des institutions et des citoyens haïtiens pour faire face à la violence, à la corruption et au chaos. 

La Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme CATHERINE RUSSELL, a dit s’exprimer également en tant qu’avocate principale pour la situation humanitaire en Haïti, au nom du Comité permanent interinstitutions.  Elle a relevé que 5 millions et demi de personnes, dont 3 millions d’enfants, soit deux enfants sur trois en Haïti, ont besoin d’une aide humanitaire. Dans de nombreuses régions, les services essentiels se sont effondrés, alors que les gens perdent l’accès à la nourriture et à l’eau potable.  Dans certaines communautés, la vie est plus dangereuse aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été auparavant.  La crise en Haïti est au fond une crise de protection, a-t-elle dit, soulignant que des années de troubles politiques et de conditions économiques dévastatrices ont conduit à la prolifération des gangs armés.  Aujourd’hui, l’on estime que 2,7 millions de personnes, dont 1,6 million de femmes et d’enfants, vivent dans des zones contrôlées par ces gangs.  Chaque jour, des enfants sont blessés ou tués, quand ils ne rejoignent pas, par pur désespoir, les gangs armés.  Les données récentes de l’UNICEF indiquent qu’entre 30 et 50% des gangs en Haïti comptent des enfants dans leurs rangs. 

Dans le même temps, les femmes et les filles continuent d’être la cible d’une violence sexuelle et fondée sur le sexe qui a atteint un niveau extrême. L’année dernière, des milliers de cas de violence sexuelle ont été signalés, dont beaucoup ont été commis contre des enfants.  Le nombre réel de cas est probablement beaucoup plus élevé, a avoué la Directrice exécutive.  Depuis le début de l’année, plus de 2 500 personnes ont été tuées, blessées ou kidnappées, et plus de 180 000 enfants sont désormais déplacés. Les gangs armés ont également bloqué les principales voies de transport depuis Port-au-Prince vers le reste du pays, détruisant les moyens de subsistance et restreignant l’accès aux services de base.  À mesure que ces gangs gagnent des territoires, les quartiers installent des barricades et des équipes d’autodéfense pour se défendre. 

Environ 1,64 million de personnes sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire aiguë, ce qui augmente le risque de malnutrition chez les enfants.  L’insécurité à Port-au-Prince a rendu pratiquement impossible la fourniture de soins de santé et de produits nutritionnels.  La route de Martissant, seul corridor humanitaire de Port-au-Prince vers les régions du sud, reste bloquée, menaçant de malnutrition environ 15 000 enfants.  Pire encore, le choléra est réapparu, avec plus de 80 000 cas, plongeant encore davantage le pays dans la crise et l’incertitude.

La violence compromet également le travail des organisations humanitaires sur le terrain, a indiqué Mme Russell.  Elle a appelé à plus de soutien, rappelant que les besoins humanitaires pour 2024 nécessitent la somme de 674 millions de dollars pour aider 3,6 millions de personnes.  Or, ce plan n’est financé qu’à hauteur de 8%.  La Directrice exécutive a appelé le Conseil de sécurité à obtenir des parties le respect du droit international et la protection des gens dans le besoin. En cas de déploiement de la Mission multinationale, elle a souhaité que les pays contributeurs de forces de police prennent toutes les mesures nécessaires pour mener des enquêtes sur les allégations d’exploitation et d’abus sexuel.  De même, tous les enfants associés aux gangs armés doivent être traités d’abord et avant tout comme des victimes et remis en toute sécurité aux acteurs de la protection de l’enfance.  La communauté internationale doit également donner la priorité à une coopération active avec les partenaires haïtiens, y compris la société civile, les parties prenantes et dirigeants communautaires.

Le représentant des États-Unis a salué le travail des équipes des Nations Unies en Haïti, ainsi que les progrès engrangés depuis la dernière réunion notamment dans la lutte contre les gangs.  Il s’est félicité de l’annonce de la constitution d’un Conseil présidentiel de transition, qui marque un pas pour rétablir la sécurité et résoudre la crise jetant les bases d’un scrutin libre et ouvrant la voie au déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité.  Le représentant s’est inquiété de l’insécurité alimentaire et de l’environnement sécuritaire en Haïti, avant de souligner que le peuple haïtien a aussi besoin d’une situation politique plus stable.  Pour la délégation américaine, le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité pourrait œuvrer en ce sens et permettrait d’épauler l’action de la police nationale contre les gangs.  Elle pourra également contribuer à réunir les conditions pour l’organisation d’un scrutin libre et transparent selon le représentant. Mais pour que cette mission soit couronnée de succès, elle a besoin du soutien de la communauté internationale à la fois financier et en nature, a-t-il insisté, en exhortant les États Membres à s’engager en ce sens, à soutenir les partenaires, comme la CARICOM, et à renouveler le mandat du BINUH.

Le représentant de l’Équateur a estimé que la coordination croissante des bandes criminelles en Haïti pour mener des attaques simultanées contre la population, les infrastructures critiques et les institutions de l’État exige l’application urgente de tous les outils approuvés par le Conseil de sécurité pour restaurer la sécurité et la stabilité du pays.  Le déploiement rapide de la mission multinationale de soutien à la sécurité autorisée par la résolution 2699 (2023) est donc aujourd’hui nécessaire, avec l’appui de la communauté internationale, tant en termes de contribution au fonds d’affectation spéciale que de personnel. Il s’agit selon lui de la première étape pour renforcer les institutions haïtiennes et rétablir la gouvernance du pays. De même, a continué le délégué, il est essentiel d’actualiser la liste des sanctions et d’adopter des mesures afin d’empêcher le transfert d’armes entre les mains d’acteurs non autorisés, conformément à l’embargo territorial sur les armes. 

Afin de parvenir à des réponses coordonnées et rapides pour restaurer l’état de droit en Haïti, le représentant a jugé crucial que le dialogue politique entre les acteurs haïtiens se poursuive.  De plus, les institutions haïtiennes doivent être soutenues pour enquêter sur des crimes tels que les meurtres de masse, les enlèvements, le recrutement d’enfants et les violences sexuelles.  À cet égard, le représentant a souligné l’importance de renforcer le système judiciaire et les capacités des forces de sécurité haïtiennes pour faire en sorte que les responsables soient traduits en justice.  Le délégué s’est par ailleurs félicité de l’adoption du décret des 12 et 16 avril créant le Conseil présidentiel de transition, tout en notant que les bons offices de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) seront essentiels à la poursuite du dialogue.  « Aujourd’hui plus que jamais, la communauté internationale doit redoubler son soutien et sa solidarité envers Haïti de manière coordonnée et soutenue », a-t-il conclu.

Le représentant de la Slovénie a condamné fermement les attaques coordonnées des gangs contre les institutions étatiques et les infrastructures cruciales. Il a salué les efforts louables de la Police nationale d’Haïti qui, malgré des défis importants, a persisté dans la protection des emplacements critiques et stratégiques, y compris l’aéroport international.  Il a appelé au déploiement rapide de la Mission multinationale de soutien à la sécurité.  Il a aussi appelé au renforcement du secteur de la justice pénale haïtienne, notamment le système pénitentiaire, afin de garantir que les responsables de violations graves des droits humains soient tenus responsables. 

Dans le même temps, la mise en œuvre effective de l’embargo sur les armes, visant à endiguer le flux illicite d’armes et de munitions, est impératif pour le succès des efforts de la Police, a fait valoir le délégué qui a ensuite pris note de la récente création formelle du Conseil présidentiel de transition et de la nomination de ses membres, dont il a encouragé la mise en œuvre rapide.  Il a appelé à garantir la représentation des femmes haïtiennes dans les arrangements de gouvernance de transition et leur participation active au dialogue politique en cours.  Le représentant a en outre condamné avec la plus grande fermeté les violences sexuelles et sexistes qui touchent les femmes et les filles.  L’accès humanitaire doit être sans entrave et durable, et le personnel humanitaire doit œuvrer en toute sécurité, a-t-il ajouté.

La représentante du Guyana, au nom des A3+1(Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a dit son inquiétude en ce qui concerne la situation sécuritaire critique en Haïti.  Les récents incidents montrent la nécessité de déployer la Mission multinationale d’appui à la sécurité et d’appuyer la Police nationale d’Haïti, a-t-elle déclaré. Elle a espéré que les obstacles au déploiement de la mission précitée seront surmontés, en vue de permettre au Kenya de s’acquitter de ses engagements et de prendre la direction de ces efforts internationaux.

De plus, la représentante a plaidé pour une solution politique, placée sous le contrôle des Haïtiens.  Elle a souligné la détérioration de la situation humanitaire et s’est inquiétée que le plan de réponse humanitaire ne soit financé qu’à hauteur de 7%.  Enfin, la déléguée a encouragé les États Membres à lutter contre la prolifération illicite d’armes dans le pays, avant de se dire en faveur de l’élargissement du régime de sanctions.

Le délégué du Japon a salué la promulgation du décret portant création du Conseil présidentiel de transition, une étape majeure pour Haïti. Maintenant, a-t-il souligné, les parties prenantes ont la responsabilité de s’engager pour des arrangements de transition rapides, y compris la mise en place d’un Conseil électoral provisoire. Il a appelé à la coordination étroite des efforts entre le Conseil présidentiel de transition et le Kenya pour le déploiement rapide de la force de soutien multinationale, qui va appuyer le travail de la Police nationale haïtienne.  Dans le même temps, un soutien financier et logistique en temps opportun de la communauté internationale est nécessaire, a-t-il souligné. Le représentant a enfin encouragé les Haïtiens à poursuivre les efforts en vue d’une sortie de crise, y compris par un dialogue politique inclusif visant à organiser des élections, lesquelles permettraient de restaurer les institutions démocratiques et l’état de droit.

Le représentant de la Fédération de Russie a évoqué « deux réalités parallèles » qui se développent en Haïti, l’une faite de querelles politiques sans fin pour parvenir à un accord à l’intérieur de paramètres décidés par des acteurs externes; l’autre constituée du quotidien « terrifiant » des Haïtiens ordinaires, déjà habitués à survivre en l’absence du pouvoir de l’État et des services de base qu’il devrait fournir. Aujourd’hui, a-t-il noté, le véritable pouvoir est entre les mains de groupes armés qui contrôlent des régions entières du pays.  Force est d’admettre que le processus politique n’a donné aucun résultat depuis plusieurs années et que l’administration actuelle s’est « complètement discréditée », notamment par son incapacité à enquêter sur l’assassinat du Président Moïse, commis il y a trois ans « avec une ingérence étrangère directe ».  Pour les Haïtiens lassés d’attendre le changement, le Conseil de sécurité semble selon lui « impuissant et inutile ».  « La réalité est également que la communauté internationale et le Conseil n’ont pas jusqu’à présent donné la priorité aux intérêts du peuple haïtien », a poursuivi le représentant.  Il a également exprimé des doutes quant à la capacité du Conseil de transition haïtien de mener à bien son mandat, sur la base « d’exigences imposées à ses membres » s’agissant de la présence de forces étrangères dans son propre État. 

Selon le délégué, la formation de structures de pouvoir de transition en Haïti doit se faire avec la participation directe de toutes les parties haïtiennes, sans aucune ingérence extérieure.  D’ailleurs, a-t-il ajouté, Haïti n’a jamais pu se libérer de cette ingérence qui lui a déjà coûté des milliers de vies et des milliards de dollars, par exemple pour payer les « honteuses réparations » exigées par la France pour son indépendance.  Le représentant a considéré que la perspective de mettre en œuvre la décision « précipitée » du Conseil d’envoyer une mission multinationale de sécurité sur l’île reste « vague ». Il est clair à ses yeux que la crise multidimensionnelle que traverse le pays ne comporte pas de solutions simples. 

Le représentant du Royaume-Uni a rendu hommage à l’ONU, en particulier pour avoir mis en place un pont aérien et facilité ainsi l’acheminement des fournitures et du personnel humanitaires.  Il a salué le courage de la Police nationale d’Haïti, avant de souligner que l’on ne saurait laisser les gangs armés prendre le pays en otage et commettre des actes d’une violence effroyable contre la population.  Le délégué a exhorté tous ceux qui ont de l’influence sur ces gangs à les maîtriser maintenant.  Il a également suggéré de recourir au régime de sanctions pour changer le comportement de ceux qui déstabilisent Haïti.  Nous continuerons à travailler avec tous les membres du Conseil à cette fin, a promis le représentant.  Partant du principe qu’une solution politique reste essentielle pour résoudre cette crise, il a salué les efforts déployés par la CARICOM pour parvenir à un accord sur un nouveau gouvernement de transition fondé sur le partage du pouvoir.  Il est essentiel que ce gouvernement de transition soit formé dès que possible pour organiser des élections législatives et présidentielle inclusives, libres et équitables.  En dernier lieu, le représentant a assuré que le Royaume-Uni continuera de soutenir le déploiement rapide de la Mission multinationale d’appui à la sécurité et qu’il s’est engagé à verser plus de 6 millions de dollars au Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies.

Le représentant de la République de Corée a salué le décret du 12 avril portant création du Conseil présidentiel de transition d’Haïti, y voyant là une étape préliminaire importante vers la finalisation du processus politique.  Il a encouragé toutes les parties prenantes à accélérer la nomination du premier ministre par intérim afin d’ouvrir la voie à l’élection libre et équitable du prochain président.  Il a par ailleurs souligné l’importance du rôle de la CARICOM et du BINUH dans la facilitation du processus dirigé par Haïti et a souhaité que cette assistance se poursuive.  Le délégué a ensuite appelé à la cessation immédiate de la violence des gangs et de tous les actes criminels alimentés par le flux illicite d’armes et de munitions. Il a d’ailleurs exhorté les États à prendre les mesures nécessaires pour appliquer l’embargo sur les armes. 

Il a également réitéré l’appel de son pays en faveur du déploiement rapide de la mission multinationale, comme l’a demandé Haïti et comme l’a autorisé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2699 (2023).  Il a souhaité que la création du Conseil présidentiel de transition serve de catalyseur pour ce déploiement dont a grandement besoin la Police nationale d’Haïti (PNH).  Le représentant a enfin estimé que l’impact disproportionné de la violence des gangs sur les femmes et les enfants nécessite une attention accrue aux populations les plus vulnérables. 

La représentante de la France a salué la résistance de la Police nationale d’Haïti face à la violence, même si elle est éprouvée par les événements récents et manque cruellement d’effectifs et d’équipements.  Le déploiement rapide de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) est indispensable, a-t-elle assuré, avant de saluer l’engagement du Kenya à cet égard, ainsi que les contributions financières et en personnels annoncées par plusieurs États Membres.  La France prend sa part en contribuant au fonds dédié des Nations Unies et en finançant des formations linguistiques en français et en créole aux policiers qui seront déployés, a-t-elle relevé.  Elle a également mentionné le soutien bilatéral de la France à la Police nationale d’Haïti, à hauteur d’un million d’euros en 2023, un effort qui sera renouvelé en 2024. 

La déléguée a salué la publication du décret établissant le Conseil présidentiel de transition, le 12 avril 2024, et l’arrêté de nomination de ses membres le 16 avril.  Il faut rapidement désigner un président coordinateur du conseil, puis nommer un nouveau premier ministre, a-t-elle plaidé.  Les sanctions individuelles doivent contribuer à endiguer l’action de ceux qui déstabilisent le pays et participent à des trafics illicites, a avancé la représentante, et pour cela, il faut étendre ces sanctions aux acteurs qui financent les gangs ou soutiennent leurs objectifs.  Dans l’immédiat, elle a appelé au rétablissement de l’accès humanitaire afin de pallier les manquements dans les domaines de la nutrition, l’eau et l’assainissement, la santé, l’éducation et la protection. 

Le représentant de la Chine a demandé une accélération du processus politique en Haïti, en saluant les progrès enregistrés dernièrement.  Les partenaires extérieurs doivent rester impartiaux, a martelé le délégué qui s’est félicité des efforts de la CARICOM. Il a souligné la gravité de la situation humanitaire et plaidé pour des efforts accrus.  Il a en outre espéré que les modalités de déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité seront acceptées par la population haïtienne. Notant que de nombreuses armes qui circulent dans le pays proviennent des États-Unis, il a exhorté les États Membres à renforcer le contrôle de leurs exportations.  Enfin, il a apporté le soutien de la Chine au BINUH.

La représentante de la Suisse a salué la récente formation du Conseil présidentiel de transition ainsi que le rôle de facilitateur joué par la CARICOM dans ce cadre.  Compte tenu de l’importance de la phase de transition politique ouverte par ces mesures encourageantes, il est essentiel qu’elles soient mises en œuvre rapidement, de manière inclusive, sans créer de vide politique susceptible de perturber davantage la situation sécuritaire, a-t-elle recommandé.  La déléguée a appelé à accroître de manière significative l’aide humanitaire pour répondre aux besoins de la population haïtienne, alors que près de la moitié, notamment les enfants, souffre d’insécurité alimentaire. Et la crise humanitaire pourrait encore s’aggraver avec le début de la saison des ouragans et des tempêtes tropicales en juin. 

Le mécanisme de surveillance des droits humains du BINUH, ainsi que ses activités dans le domaine de la réduction de la violence communautaire et du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration sont à saluer, a poursuivi la déléguée.  Elle a appelé le Bureau à continuer à œuvrer de concert avec les autorités haïtiennes au rétablissement d’un système judiciaire et pénitentiaire garant de l’état de droit.  Elle a appelé la communauté internationale à recourir à tous les moyens disponibles pour soutenir la Police nationale d’Haïti, avant de plaider pour le déploiement de la Mission multinationale de soutien à la sécurité qui a été autorisée par le Conseil de sécurité depuis des mois.

La représentante de Malte s’est dite préoccupée par la détérioration rapide de la situation sécuritaire en Haïti qui a entraîné une hausse des violations des droits humains et des besoins humanitaires.  Sur le plan politique, elle a salué de la mise en place du Conseil présidentiel de transition et demandé à toutes les parties prenantes haïtiennes de continuer à progresser dans la mise en place de dispositifs de gouvernance transitoire.  Malte insiste sur l’importance de la représentation des femmes sur un pied d’égalité, de manière significative et en toute sécurité, a-t-elle précisé.  Saluant le rôle de la CARICOM pour faciliter les efforts visant à sortir de l’impasse, la déléguée a réaffirmé le soutien de son gouvernement à un processus politique dirigé et contrôlé par les Haïtiens eux-mêmes, ce qui passe par la tenue d’élections libres, équitables et ouvertes à tous, lorsque les conditions de sécurité seront réunies. 

Estimant que les volets politique et sécuritaire progressent en parallèle, elle a insisté sur l’impératif du déploiement rapide de la Mission multinationale d’appui à la sécurité afin de soutenir la police nationale haïtienne, avant d’encourager les États Membres à doter le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies. Cette mission doit agir selon les normes de conduite et de discipline les plus strictes, a-t-elle insisté, sur la base de protocoles clairs en matière de droits humains, et sous un contrôle efficace.  Elle a demandé que le Conseil mette à jour la liste des personnes et entités désignées par les sanctions, en particulier celles qui soutiennent ou financent les activités des gangs, et qu’il veille à la mise en œuvre complète de l’embargo sur les armes pour endiguer le flux illicite d’armes, qui est essentielle. Haïti a besoin de toute urgence de la solidarité et du soutien de la communauté internationale pour relever les défis politiques, sécuritaires et humanitaires, a-t-elle conclu, et les institutions démocratiques et l’état de droit doivent y être rétablis pour mettre fin au cycle de la violence et instaurer une paix durable.

Le représentant d’Haïti a convenu de la dégradation continue de la situation sécuritaire de son pays, laquelle exacerbe la crise humanitaire. Citant les chiffres du rapport du BINUH, il a relevé qu’au moins 2 505 personnes ont été tuées ou blessées au premier trimestre de cette année à la suite de violences liées aux gangs, soit une augmentation de plus de 53% par rapport au trimestre précédent, et que 438 personnes ont été enlevées contre rançon.  Il a ajouté qu’à la fin du mois de février, des gangs ont mené des attaques coordonnées d’envergure contre des institutions publiques et des infrastructures stratégiques de la capitale, saccageant 22 commissariats et autres bâtiments de police et tuant ou blessant 19 policiers.  Pendant cette période, a-t-il précisé, le département de l’Artibonite a continué d’être fortement touché par la violence, tandis que l’aéroport international de Port-au-Prince est resté fermé, à la suite d’attaques menées par ces groupes armés. Le délégué a reconnu que les forces de l’ordre haïtiennes ne disposent pas des ressources humaines et matérielles adéquates pour rétablir la sécurité, d’autant plus qu’elles font aussi l’objet d’attaques et d’enlèvements.  Cette semaine, a-t-il ajouté, les gangs ont commencé à s’en prendre au commerce maritime en attaquant des bateaux qui transportaient des marchandises dans les autres départements du pays. 

Parallèlement, la situation humanitaire continue de se dégrader, a constaté le représentant.  Ainsi, pas moins de 4,97 millions d’Haïtiens souffrent de la faim et ont besoin d’une forme d’assistance alimentaire.  En outre, on estime que 362 000 personnes sont désormais déplacées à l’intérieur du pays et ont des difficultés à se nourrir.  Selon lui, les enfants sont particulièrement touchés, avec une augmentation de 19% de ceux qui souffrent de malnutrition aiguë sévère en 2024.  Du fait des pillages perpétrés par les gangs, on assiste également à une pénurie de médicaments et de fournitures médicales dans le pays, principalement dans la capitale, a-t-il ajouté, avant de saluer les efforts déployés par les institutions onusiennes pour aider les hôpitaux à faire face à cette situation. 

Au regard de l’augmentation des activités violentes, le délégué a constaté que les gangs continuent à trouver des armes illégalement.  Face à cette situation, il a appelé la communauté internationale à faire respecter l’embargo sur les armes décrété par la résolution 2700 (2023) du Conseil de sécurité.  Après s’être félicité de l’appel lancé par les ministres des affaires étrangères du G7 dans leur déclaration du 19 avril qui encourage le renforcement du soutien humanitaire à la population haïtienne, il a estimé que le déploiement de la Mission d’appui à la sécurité ne peut plus attendre.  Ce soutien apporté à la Police nationale d’Haïti (PNH) permettra de combattre des gangs lourdement armés et de restaurer un climat sécuritaire, a-t-il assuré.  Malgré ce contexte difficile, il a fait état de « signes d’espoir », facilités par la CARICOM, notamment la publication d’un décret établissant le Conseil présidentiel, composé de sept membres avec droit de vote et de deux membres observateurs.  Après l’installation du Conseil présidentiel cette semaine, suivront la nomination d’un premier ministre et d’un gouvernement de transition, a-t-il indiqué. 

M. ROBERTO ÁLVAREZ GIL, Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, a noté avec satisfaction la récente formation du Conseil présidentiel de transition en Haïti.  Ce développement suggère que la situation commence à évoluer favorablement après des semaines d’incertitude.  Il a appuyé le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, avant d’exhorter les dirigeants à se montrer à la hauteur des défis considérables auquel Haïti est confronté.  Cela fait presque deux ans que ce Conseil a adopté, en octobre 2022, la résolution 2653 (2022) établissant un régime de sanctions à l’encontre des principaux responsables du financement de la violence et du chaos en Haïti, a rappelé le Ministre.  Il a néanmoins jugé inconcevable qu’à ce jour, le Conseil n’ait sanctionné que quatre criminels connus, sans identifier et sanctionner aucun des véritables responsables de la violence généralisée en Haïti.  Si le régime de sanctions n’est pas rigoureusement appliqué, le processus politique pourrait dérailler, a-t-il prévenu. Enfin, le Ministre a déclaré que l’insécurité a obligé son pays à prendre des mesures de lutte contre le trafic d’armes, très coûteuses sur plan budgétaire.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la Cheffe de la MINUK se dit « insatisfaite » face au manque de dialogue politique et aux conséquences sécuritaires au Kosovo

9612e séance - matin
CS/15673

Conseil de sécurité: la Cheffe de la MINUK se dit « insatisfaite » face au manque de dialogue politique et aux conséquences sécuritaires au Kosovo

Ce matin, la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) a reconnu devant le Conseil de sécurité être « insatisfaite » face au manque de dialogue politique dont les conséquences se font sentir sur le plan sécuritaire au Kosovo.  Présentant le rapport du Secrétaire général retraçant les activités de la Mission entre le 19 septembre 2023 et le 15 mars 2024, Mme Caroline Ziadeh a appelé les parties à inverser cette tendance alors que les membres du Conseil, dans l’ensemble, les ont encouragées à poursuivre le dialogue facilité par l’Union européenne (UE). 

Malgré la poursuite des consultations avec les acteurs politiques à Pristina et à Belgrade pour renforcer la confiance, la Représentante spéciale a constaté un manque de progrès dans le dialogue politique ainsi qu’une méfiance entre les communautés en matière des droits humains et la propagation de discours de haine.  Elle a dénoncé l’incapacité des deux parties à résoudre les problèmes de longue date. Elle s’est toutefois réjouie d’une étape franchie hier s’agissant de la légitimité de l’administration locale dans les quatre municipalités à majorité serbe, le processus visant à réduire les tensions s’étant déroulé sans aucun incident de sécurité, même si seuls 253 des 46 556 électeurs inscrits ont voté. 

Selon Mme Ziadeh, les divers accords conclus jusqu’à présent dans le cadre du processus de dialogue fournissent « une feuille de route claire » vers le règlement de nombreuses questions en suspens.  L’une des solutions est la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe qui devra englober des garanties financières et institutionnelles durables pour la communauté serbe du Kosovo, dont les questions d’administration locale, l’éducation et les soins de santé.  Pour la Cheffe de la MINUK et de nombreux membres du Conseil, la mise en œuvre intégrale des accords facilités par l’UE est une urgence.  Les deux parties doivent trouver des compromis à ce sujet.

Saluant les avancées sur la validité des plaques d’immatriculation des véhicules et les questions liées aux douanes, Mme Ziadeh a assuré que la MINUK continuera d’aider les communautés à surmonter la méfiance, citant notamment le travail du centre Barabar, qui a mené plus de 70 activités en moins d’un an, avec plus de 4 000 personnes représentant toutes les communautés du Kosovo. Elle a aussi parlé du deuxième Forum des Nations Unies sur l’instauration de la confiance au Kosovo, tenu en novembre 2023, où les participants se sont mis d’accord sur 27 recommandations en matière d’autonomisation économique, de protection de l’environnement, de droits linguistiques, de médias et de désinformation, de participation, d’inclusion et de renforcement de l’état de droit.  De plus, les réunions du Groupe de travail sur les personnes disparues ont repris le 31 janvier 2024, pour faire avancer la justice transitionnelle. 

Pour réaliser des progrès au Kosovo, Mme Ziadeh a suggéré de s’attaquer aux problèmes dans le cadre d’un contexte régional plus large.  Elle a mis en garde contre les actions unilatérales ou les appels à la division.  Le dialogue de bonne foi, la communication et la compréhension mutuelle sont la voie à suivre.

Commentant le rapport du Secrétaire général, le Président de la Serbie, M. Aleksander Vučić, l’a jugé « incomplet ».  Il a donné des détails sur des attaques planifiées contre les Serbes et dénoncé l’imposition de l’euro comme monnaie pour les transactions en espèces dans le nord du Kosovo au détriment du dinar serbe.  Il a surtout dénoncé les attaques systématiques contre les populations serbes et non albanaises et s’est impatienté en constatant qu’en dépit de ses exactions, « le régime de Pristina continue d’être récompensé ». Le Président serbe a demandé à la Représentante spéciale de présenter les mesures prises pour « mettre un terme à la persécution ethnique des Serbes » ou alors d’expliquer les raisons de son incapacité.  Il ne saurait y avoir de réconciliation sans la libération de tous les prisonniers politiques, a-t-il mis en garde avant d’assurer être engagé en faveur du dialogue avec Pristina. 

La Chine a exhorté Pristina à révoquer ses décisions « déraisonnables » qui ne font qu’exacerber les tensions et l’a exhortée à garantir la sécurité du personnel et des locaux de la MINUK.  De l’avis de la Fédération de Russie, c’est Pristina qui a clairement indiqué son intention de saboter le dialogue avec Belgrade jusqu’à ce que la Serbie reconnaisse le « quasi-État du Kosovo ».  Rappelant « l’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie », il y a 25 ans, la délégation russe a pourfendu les pressions des États-Unis et de l’UE sur la Serbie et a accusé le Kosovo de mener une véritable politique de nettoyage ethnique, des attaques contre l’Église orthodoxe serbe et « l’albanisation » du patrimoine spirituel serbe. La Russie a également déploré que le rapport du Secrétaire général ne dise rien sur les violations de la résolution 1244 (1999) par les membres de l’OTAN qui injectent des armes au Kosovo.

Mme Vjosa Osmani-Sadriu, du Kosovo, qui s’est adressée au Conseil en tant que « présidente », a défendu une approche de paix fondée sur l’humain et le dialogue.  Le Kosovo est devenu un partenaire fiable, a-t-elle fait remarquer avant de rejeter les allégations de la Serbie s’agissant d’un soi-disant nettoyage ethnique des Serbes du Kosovo.  Elle a promis de bâtir un Kosovo inclusif où « personne n’a à connaître ce que les Kosovars ont enduré ».  La Serbie a pour sa part une attitude agressive depuis plus d’un an en amassant des troupes et des drones d’origine iranienne le long de la frontière, a-t-elle dénoncé.  De plus, elle a estimé que la Serbie n’avait honoré aucun des engagements pris dans l’accord de 2013 sur l’association/communauté des municipalités à majorité serbe.

Les États-Unis, qui ont désapprouvé les actes des deux parties ayant conduit à l’escalade, les ont exhortés à privilégier le dialogue afin de trouver une solution liée à l’utilisation du dinar serbe et d’avancer vers la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe. 

Un souhait partagé par les membres du Conseil comme la France pour qui « il y a urgence à progresser vers la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo ».  L’absence de progrès sur ce point demeure un obstacle à la mise en œuvre effective des droits des personnes appartenant à la minorité serbe au Kosovo, et donc à la perspective européenne, a prévenu la délégation française.

RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ S/2024/282

Déclarations 

Mme CAROLINE ZIADEH, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a présenté le rapport du Secrétaire général qui couvre les principaux développements survenus entre le 19 septembre 2023 et le 15 mars 2024.  Elle a indiqué que les consultations avec les acteurs politiques à Pristina et à Belgrade, avec des chefs religieux, des organisations de la société civile et des partenaires internationaux se sont poursuivies. L’une des principales observations communes, a-t-elle relayé, est l’insatisfaction quant au niveau de progrès réalisés par le dialogue politique et aux conséquences sur la situation sécuritaire.  Elle a souhaité voir inverser le niveau de méfiance qui reste encore élevé.  Au cours des derniers mois, les tensions se sont exacerbées à cause de l’incapacité de résoudre les problèmes de longue date entre Pristina et Belgrade, ou entre les communautés serbes du Kosovo et l’autorité centrale de Pristina, a-t-elle rappelé. 

S’agissant de la question de la légitimité de l’administration locale dans les quatre municipalités à majorité serbe, dans la partie nord du Kosovo, Mme Ziadeh a indiqué que, depuis plusieurs mois, les Serbes du Kosovo de Leposavić/Leposaviq, de Mitrovica-Nord, de Zubin Potok et de Zvečan/Zveçan ont recueilli plus de 20% requis de l’électorat inscrit pour entamer le processus de révocation des maires élus en avril 2023.  Ce processus visant à réduire les tensions s’est déroulé hier sans aucun incident de sécurité, s’est-elle réjouie tout en notant que seuls 253 des 46 556 électeurs inscrits ont voté. 

En 2023, les efforts de renforcement de la confiance par le biais du dialogue politique ont été marqués à de nombreux revers alors que la communauté internationale s’était focalisée sur l’incident de sécurité dans le village de Banjska/Banjskë en septembre dernier.  Les responsables de cet incident doivent rendre des comptes et une enquête doit être menée, a exigé la Représentante spéciale.

Toujours en 2023, de nombreux événements ont alimenté la méfiance entre les communautés en matière des droits humains et des discours de haine, a-t-elle poursuivi, regrettant ces développements alors qu’ils auraient pu être évités par un dialogue de bonne foi.  Elle a exhorté à y répondre par des mesures correctives. 

Selon Mme Ziadeh, les divers accords conclus jusqu’à présent dans le cadre du processus de dialogue fournissent une feuille de route claire vers le règlement de nombreuses questions en suspens.  Elle a toutefois dit être préoccupée quant à la manière dont le nouveau règlement sur les transactions en espèces a été communiqué et mis en œuvre, et à la manière dont il a affecté les segments les plus vulnérables des communautés non majoritaires.  L’une des solutions à cette question est selon elle la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe qui devra englober des garanties financières et institutionnelles durables pour la communauté serbe du Kosovo, dont les questions d’administration locale, l’éducation et les soins de santé.  Cette mesure constituera une étape importante vers le renforcement de la confiance entre la communauté serbe et les autorités centrales, a-t-elle assuré.

Selon Mme Ziadeh, la mise en œuvre intégrale des accords facilités par l’Union européenne (UE) est une urgence afin d’atténuer la série de crises qui continuent d’émerger au Kosovo.  Elle a appelé les deux parties à trouver des compromis à ce sujet.  Elle a salué les avancées sur la validité des plaques d’immatriculation des véhicules et sur les douanes.  La MINUK, a déclaré la Représentante spéciale, continuera d’aider les communautés à surmonter la méfiance existante, à coopérer afin de créer un nouvel espace où les communautés peuvent travailler ensemble. Dans ce contexte, elle a cité le centre Barabar, qui a mené plus de 70 activités en moins d’un an, avec plus de 4 000 personnes représentant toutes les communautés du Kosovo.  Il a organisé en novembre le deuxième Forum des Nations Unies sur l’instauration de la confiance au Kosovo, auquel ont participé toutes les communautés et toutes les professions, qui se sont mises d’accord sur 27 recommandations en matière d’autonomisation économique, de protection de l’environnement, de droits linguistiques, de médias et de désinformation, de participation, d’inclusion et de renforcement de l’état de droit. 

Elle a aussi indiqué que les réunions du Groupe de travail sur les personnes disparues ont repris le 31 janvier 2024, pour faire avancer la justice transitionnelle.  Elle a rappelé qu’il faut renforcer la coopération entre les gouvernements, la société civile et les organisations internationales sur la question des violences sexuelles et basées sur le genre, soulignant que la Mission continue de donner la priorité au programme de la jeunesse, de la paix et de la sécurité. À cet égard, la sixième Assemblée de la jeunesse des Nations Unies, qui se tiendra au Kosovo en mai prochain, servira de plateforme pour rassembler de jeunes militants et dirigeants de toutes les communautés du Kosovo et de toute la région, l’occasion de soutenir le dialogue intercommunautaire et l’entrepreneuriat pour aider à relever les défis et à saisir les opportunités dans un monde dominé par l’intelligence artificielle.

Pour réaliser des progrès au Kosovo, a suggéré Mme Ziadeh, il faut s’attaquer aux problèmes dans le cadre d’un contexte régional plus large.  La MINUK continuera d’apporter son soutien au dialogue plutôt qu’aux actions unilatérales ou aux appels à la division. Face à l’affaiblissement de la confiance, la Mission reste un partenaire déterminé pour tous ceux qui partagent la vision d’un avenir meilleur.  Le dialogue de bonne foi, la communication et la compréhension mutuelle sont la voie à suivre, a conclu la Représentante spéciale. 

M. ALEKSANDER VUČIĆ, Président de la Serbie, a rappelé que le très important Accord de Bruxelles a été signé il y a 11 ans, avant de déplorer que la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe ne soit pas devenue réalité.  Onze ans de promesses non tenues et de mensonges qui ont conduit au harcèlement physique et aux violences contre la population serbe au Kosovo.  Il a estimé que le rapport à l’examen est incomplet, en rappelant que la Serbie a détaillé les attaques planifiées contre les Serbes du Kosovo lors de la réunion d’urgence du Conseil, le 8 février dernier. Le but du « régime nationaliste » en place à Pristina est de créer des conditions de vies insupportables pour la population serbe. 

Le Président a fermement dénoncé l’imposition de l’euro dans le nord du Kosovo au détriment du dinar serbe, ce qui a pour effet de priver la population serbe d’un accès aux services publics.  Il a également déploré le fait que la décision d’imposer l’euro a été mise en œuvre immédiatement.  Les populations serbes et non albanaises du Kosovo sont systématiquement attaquées, a dénoncé le Président, avant d’affirmer que la Serbie mise sur le dialogue et de dénoncer les ambitions d’une grande Albanie de Pristina qui sapent toute coexistence avec la Serbie.  Pristina a aggravé sa répression brutale avec 16 attaques contre les Serbes du Kosovo, au cours de la période à l’examen.

Regrettant le manque de substance du rapport sur ces incidents, le Président a choisi de les détailler afin que le Conseil saisisse mieux la situation.  Il a parlé de la confiscation de propriétés de l’Église orthodoxe serbe, de la destruction de cimetières et des attaques ethniques.  Malgré ces exactions, le régime de Pristina continue d’être récompensé.  Les Serbes du Kosovo font l’objet d’un harcèlement systématique de la part de Pristina, alors que la MINUK a l’obligation de garantir un certain niveau de normalité dans la vie de toute la population du Kosovo. Le Président a demandé à la Représentante spécial du Secrétaire général de présenter les mesures prises pour mettre un terme à la persécution ethnique dont les Serbes sont victimes ou alors d’expliquer les raisons de son incapacité.  L’attaque de Banjska, a-t-il dit, ne doit pas être utilisée comme un alibi pour persécuter des Serbes. 

Le Président est également revenu sur le référendum relatif à des municipalités dans le nord du Kosovo et le boycott de la population serbe.  C’est un référendum honteux, soutenu par une campagne d’intimidation à l’endroit des Serbes.  Le Président a aussi prévenu qu’il ne saurait y avoir de réconciliation sans la libération de tous les prisonniers politiques.  Nous restons engagés en faveur du dialogue avec Pristina. Nous avons fait des concessions et c’est Pristina qui refuse de mettre en œuvre ses engagements.  La persécution des Serbes du Kosovo entrave le dialogue, a souligné le Président, en mettant en garde contre l’écriture d’un scénario imprévisible.  Il a réclamé la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe. 

La volonté de paix, a-t-il constaté, ne domine pas au Kosovo.  La demande d’adhésion fallacieuse du Kosovo au Conseil de l’Europe n’est que la poursuite d’une « mascarade » puisque cette demande vient d’un régime d’apartheid niché au cœur de l’Europe. Ce serait offrir à Albin Kurti une nouvelle victoire sur un plateau d’argent.  Le Président a insisté sur l’engagement de son pays en faveur du dialogue. Nous ferons notre possible pour préserver le calme et soyez convaincus de notre sérieux, a-t-il conclu.

Mme VJOSA OSMANI-SADRIU, du Kosovo, s’est adressée au Conseil en tant que « présidente » et a défendu une approche de paix fondée sur l’humain et le dialogue, en soulignant l’effet profond qu’a eu l’union des démocraties sur son pays, le Kosovo, il y a 25 ans, pour bâtir la paix et protéger le caractère sacré de la vie.  Aujourd’hui le Kosovo rayonne et est un fervent défenseur des valeurs démocratiques, a-t-elle déclaré, ajoutant qu’il promeut son caractère multiethnique et l’avancement des droits humains, étant devenu à ses yeux un exemple marquant de la démocratie dans l’action.  La force du Kosovo repose sur ses partenariats, entre autres avec les pays qui étaient à ses côtés pendant les moments les plus sombres, a-t-elle souligné avant de mettre en avant les bons scores de son pays dans les indices internationaux, ainsi que son caractère pro-européen.  Avec une croissance économique à deux chiffres et des perspectives économiques prometteuses, le Kosovo est également devenu un partenaire fiable, a-t-elle fait remarquer, se réjouissant qu’il ne soit plus « juste un pays récipiendaire d’aide ».  Elle a aussi revendiqué le rôle de chef de file du Kosovo dans les programmes mondiaux au bénéfice du bien commun. 

En tant que commandante en chef des forces du Kosovo, Mme Osmani-Sadriu a soutenu le programme « les femmes et et la paix et la sécurité » en plaçant beaucoup d’espoirs dans le rôle du nouveau centre régional sur les femmes et la paix.  « Un Kosovo pour tous et toutes, qui promeut la diversité et l’inclusion, est le Kosovo que nous visons. »  La Présidente a ensuite rejeté catégoriquement les allégations de la Serbie s’agissant d’un soi-disant nettoyage ethnique des Serbes du Kosovo, les qualifiant d’erronées, d’infondées et de motivées politiquement.  Affirmant que les structures juridiques du Kosovo protègent activement leurs droits de citoyens, elle a signalé que le Comité d’Helsinki pour les droits humains et le Parlement européen ont également discrédité le discours serbe.  Faisant remarquer que les Serbes du Kosovo ont fui la Serbie sous le « règne » de M. Vučić, la Présidente a précisé qu’ils disposent d’un droit de veto au sein du Parlement du Kosovo, ce qui leur donne un véritable pouvoir de décision.  En outre la langue serbe est reconnue comme langue officielle au Kosovo et les sites religieux orthodoxes bénéficient d’un haut niveau de sécurité.  À part quelques vols isolés, il n’y a eu aucun ciblage ethnique de ces sites, a affirmé la Présidente dont l’engagement à bâtir un Kosovo inclusif se fonde sur un engagement sans faille à faire en sorte que « personne n’ait à connaître ce que les Kosovars ont enduré ».

Mme Osmani-Sadriu a reproché à la Serbie d’avoir une attitude agressive depuis plus d’un an, en dénonçant notamment une présence militaire sans précédent, y compris des drones d’origine iranienne, le long de la frontière.  Elle a passé en revue une série d’actes d’intimidation des Serbes du Kosovo déployés par des structures illégales serbes, notamment dans le but de les forcer à quitter des institutions du Kosovo. C’est aussi la Serbie qui les a appelés à boycotter les élections municipales, a affirmé la Présidente, en revenant sur l’accord signé en 2013 sur l’association/communauté des municipalités à majorité serbe.  La mise en œuvre de cet accord dépend de plusieurs conditions pour créer cette association, a-t-elle souligné, dont le démantèlement de structures illégales.  À ce stade, la Serbie n’a honoré aucun des engagements qui la concernent, a affirmé la Présidente, dénonçant l’hypocrisie de demander au Kosovo de respecter cet accord.  « Si Vučić se souciait vraiment des citoyens serbes du Kosovo, il ne s’opposerait pas à l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe » puisque cela signifierait plus de droits humains pour tous les citoyens du Kosovo, y compris les Serbes du Kosovo, a fait valoir Mme Osmani-Sadriu.

En guise de conclusion, elle a déclaré que si la guerre est terminée, elle a laissé des cicatrices toujours bien présentes, en évoquant l’histoire de la famille d’une victime du régime de Belgrade, présente à ses côtés. « La seule vérité que défend le régime de Vučić est la sienne », a-t-elle tranché en lui reprochant de n’avoir jamais manifesté un quelconque signe de repentance.  Elle a demandé que justice soit faite enfin sur les dossiers présentés au Tribunal pour l’ex-Yougoslavie et les nombreux cas de violences sexuelles et de disparitions forcées de citoyens du Kosovo. Elle s’est offusquée de l’approche révisionniste de l’histoire du régime serbe.

Dans une motion d’ordre, le Président de la Serbie a dénoncé le fait que la Présidence du Conseil ait fait venir Mme Vjosa Osmani-Sandriu et ses conseillers qui n’ont pas de représentation diplomatique à l’ONU. Nous sommes dans une sorte de pièce de théâtre, s’est-il exclamé.  Alors que je me suis concentré sur le rapport de Mme Ziadeh, le Conseil a assisté à un procès mené par une cour martiale sur des faits remontant à 25 ans, a encore dénoncé le Président, en constatant que Mme Osmani-Sandriu n’a rien dit sur ledit rapport et encore moins sur le viol et le massacre de femmes serbes. Quant aux allégations sur la présence de drones, il n’y a pas un seul drone iranien en Serbie, a affirmé le Président. 

Mme Osmani-Sadriu présente les personnes assises derrière comme des membres de sa délégation, s’est étonné le représentant de la Fédération de Russie. Or, a-t-il fait valoir, Mme Osmani-Sadriu est invitée au titre de l’article 37 du règlement provisoire du Conseil et sa participation ne présume en aucun cas la présence à ses côtés de quelque délégation que ce soit.  Nous sommes devant une violation très claire de la procédure car les personnes présentes derrière l’intervenante auraient dû s’assoir plus loin dans la salle.  Les membres de la société civile peuvent, au titre des articles 37 et 39 du règlement provisoire, venir avec une délégation, a clarifié la Présidente du Conseil.  Ces femmes assises derrière moi, a renchéri la « Présidente » du Kosovo sont des activistes de la justice mais aussi des membres de mon cabinet.  Elles sont ici comme conseillères parce qu’elles travaillent sur des questions comme le soutien aux survivantes de la violence sexuelle et aux familles qui ont souffert de la guerre.  Mme Osmani-Sadriu peut considérer qu’elle a un cabinet, des ministres et des conseillers, mais ce n’est pas le cas, a rétorqué le représentant de la Fédération de Russie.  Elle est invitée au titre de l’article 39, en tant qu’individu et c’est tout.

Le représentant des États-Unis a dénoncé les actes des deux parties qui ont conduit à l’escalade.  Il a appelé la Serbie à travailler avec la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) pour éviter des attaques comme celle du 24 septembre dernier, tout en veillant à ce que les auteurs soient traduits en justice.  Le représentant a aussi déploré les restrictions imposées à la libre circulation des Kosovars, ce qui est une forme d’intimidation et la violation des accords en vigueur.  Il a exhorté les deux parties à privilégier le dialogue afin de trouver une solution liée à l’utilisation du dinar serbe et d’avancer vers la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe.  On ne peut, a tancé le représentant, décider de démettre des maires élus.  Il a enfin estimé qu’il est temps de revoir le mandat de la KFOR. 

La représentante du Guyana a souligné l’importance du travail effectué par la MINUK en matière de promotion de la paix, de la sécurité, de la stabilité et du respect des droits humains au Kosovo.  Elle a jugé essentiel que la Mission continue à promouvoir l’instauration de la confiance entre les communautés, l’état de droit et la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina.  S’alarmant des cas de vandalisme signalés contre des bureaux de la MINUK, elle a appelé les autorités kosovares à assurer la protection des biens de la Mission et son accès à ses locaux dans le nord du Kosovo. 

La déléguée a ensuite salué la facilitation par l’UE du dialogue entre la Serbie et le Kosovo, qualifiant d’encourageants les progrès réalisés dans ce cadre en 2023.  Elle s’est toutefois déclarée préoccupée par les actions récentes qui ont contribué à une escalade des tensions et par l’absence d’efforts de la part des parties pour mettre en œuvre les dispositions convenues dans l’accord de février 2023.  Appelant à réexaminer les mesures susceptibles de perturber le bien-être économique et social des communautés minoritaires, elle a appelé au respect des droits humains de toutes les personnes vivant au Kosovo.  Elle a enfin invité les parties à réaffirmer leur engagement en faveur du dialogue Belgrade-Pristina mené par l’UE et à sauvegarder les progrès durement acquis. 

Le représentant de la Chine a exprimé sa vive préoccupation face à l’escalade et aux incidents sécuritaires dans le nord du Kosovo.  L’annonce des autorités kosovares d’abolir le dinar serbe et les fouilles « violentes » de personnes d’origine serbe aggravent les tensions.  Dans ce contexte, il a exhorté Pristina à révoquer ses décisions « déraisonnables » et à mettre un terme aux mesures unilatérales qui ne font qu’exacerber les tensions.  La création d’une association/communauté de municipalités à majorité serbe représente une évolution importante, à condition que l’Union européenne conserve sa neutralité et qu’elle fonde ses efforts de médiation sur la justice, a estimé le représentant.  Il a appuyé les échanges entre les parties, dans le cadre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, pour parvenir à des solutions mutuellement acceptables.  Le Conseil doit continuer d’examiner la question du Kosovo et Pristina doit garantir la sécurité du personnel et des locaux de la MINUK, a insisté le représentant. 

Malgré le temps écoulé, cette guerre n’appartient pas encore à l’histoire, s’est-il désolé, en évoquant la tentative infructueuse de la Fédération de Russie de convoquer une réunion du Conseil sur le vingt-cinquième anniversaire des bombardements de l’ex-Yougoslavie par l’OTAN.  Après avoir mené une guerre contre l’ex-Yougoslavie, l’OTAN a invoqué à maintes reprises la protection des droits humains pour justifier ses opérations militaires en Libye et ailleurs, a-t-il noté, ce qui mine tant la souveraineté des États que la protection de ces droits.  La plupart des pays étant multiethniques, le délégué a considéré que la question des communautés locales doit être réglées par les États concernés eux-mêmes. 

Le représentant de la Sierra Leone a salué les progrès accomplis par Belgrade et Pristina dans la mise en œuvre de la feuille de route pour la mise en œuvre de l’accord énergétique de 2022, l’enregistrement des plaques d’immatriculation des véhicules et la liberté de circulation des véhicules entre le Kosovo et la Serbie.  Ces efforts sont essentiels pour désamorcer les tensions, ouvrir le dialogue et tracer la voie vers une paix durable.  Le délégué a dit être préoccupé par les informations faisant état d’une attaque contre le village de Banjska/Banjskë, en septembre 2023, exhortant les autorités de Pristina et de Belgrade à prévenir toute recrudescence du conflit. Saluant les mécanismes de reddition des comptes en place au Kosovo, le représentant s’est félicité de la mise en œuvre de l’arrêt de la Cour constitutionnelle de 2016 concernant les biens du monastère de Visoki Dečani, et des procès en cours pour crimes de guerre. 

La Cour constitutionnelle devrait apporter des éclaircissements sur la récente décision de la Banque centrale de recourir à l’euro en lieu et place du dinar serbe, a-t-il noté, avant de demander au Kosovo de reconsidérer son approche visant à prendre le contrôle des biens des membres de la communauté serbe. Il a condamné toute tentative de la part d’acteurs non étatiques de dissuader l’accès aux propriétés privées, en particulier celles occupées par la MINUK, et les sites religieux et culturels du Kosovo, de les cambrioler, de les dégrader et de les détruire.  L’exercice des droits économiques, des libertés religieuses et culturelles doit être institutionnalisé afin de préserver une société multiethnique, a encouragé le délégué.  Il a enfin regretté la tenue d’élections municipales dans les municipalités du nord du Kosovo.  Belgrade et Pristina doivent finaliser la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe, a-t-il ajouté. 

Le représentant de la France a estimé qu’il y a urgence à progresser vers la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo.  C’est le sens de l’accord dit de « Bruxelles-Ohrid », conclu il y a maintenant plus d’un an, et le plus ambitieux à ce jour. Si ces avancées récentes sont encourageantes, il faut néanmoins aller plus loin, a estimé le représentant.  Il a rappelé que la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe est attendue depuis trop longtemps déjà.  L’absence de progrès sur ce point demeure un obstacle à la mise en œuvre effective des droits des personnes appartenant à la minorité serbe au Kosovo, et donc à la perspective européenne.  Nous souhaitons, s’est expliqué le représentant, que des avancées irréversibles soient faites au plus vite, en ligne aussi avec les aspirations du Kosovo à adhérer au Conseil de l’Europe alors que le bon traitement des minorités est au cœur du mandat de cette organisation. 

Il a noté que des élections municipales doivent être par ailleurs organisées rapidement dans le nord du Kosovo, avec la participation active de toutes les communautés.  À cet égard, la France rappelle que la démission des maires élus avec les voix de seulement 3% des inscrits serait l’option la plus rapide pour rétablir une démocratie représentative dans les quatre municipalités du Nord, ainsi qu’un geste de désescalade.  Enfin, le délégué a jugé essentiel que les responsables de l’attaque de Banjska de septembre dernier répondent de leurs actes devant la justice.

La représentante de la Suisse a encouragé les dirigeants politiques du Kosovo et de la Serbie à avoir une rhétorique mesurée et un engagement responsable, leur conseillant de poser les bases d’une coopération et d’une compréhension commune.  La déléguée a également appelé à un engagement clair et accru dans le cadre du dialogue facilité par l’UE.  Les questions en suspens, y compris les conséquences de la mise en œuvre des réglementations monétaires au Kosovo, doivent être résolues par ce dialogue, en tenant compte des intérêts des communautés concernées, a-t-elle souhaité avant de demander de renforcer la légitimité et la durabilité des solutions dans le processus de paix, y compris par une participation renforcée des femmes. Plus d’un an après les « décisions prometteuses » prises dans le cadre des accords de Bruxelles et d’Ohrid, la déléguée a estimé qu’il est grand temps de passer des engagements sur papier aux actes.  Elle a donc demandé à la Serbie de lever toute ambiguïté quant à son engagement en faveur des accords et de s’abstenir de s’opposer à l’adhésion du Kosovo à des organisations internationales.  S’adressant au Kosovo, elle l’a invité à établir sans délai l’association/communauté des municipalités à majorité serbe, un engagement pris en 2013.

La Suisse s’engage en faveur de l’instauration de relations constructives entre les parties par des mesures pratiques et discrètes, a assuré la représentante en citant en exemple les réunions qu’elle organise depuis 2015 afin de permettre un contact direct entre les représentants des partis politiques du Kosovo et de la Serbie.  Soulignant que les deux parties partagent la responsabilité de réduire les tensions, elle les a appelés à éviter à l’avenir des escalades comme celle qui s’est produite à Banjska et à traduire leurs responsables en justice.  Enfin, concernant les votes d’hier sur la révocation des maires dans le nord du Kosovo, elle a regretté que la communauté serbe n’y ait pas participé.  Elle a conclu en encourageant le Gouvernement du Kosovo à renforcer ses efforts d’intégration de la minorité serbe dans la société.

Le représentant de l’Algérie a déploré les incidents et décisions unilatérales qui ont eu un impact sur une situation déjà tendue, notamment dans le nord du Kosovo.  Il est important, a-t-il souligné, d’éviter les actes qui pourraient pousser à l’escalade et aux tensions ethniques au Kosovo.  Il a plaidé pour la nomination de Serbes dans les institutions locales et insisté sur la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe, comme cela a été décidé dans l’Accord de Bruxelles de 2013.  Un dialogue constructif et sincère reste la seule voie pour une sortie de crise, a estimé le représentant.

Le représentant de la République de Corée a regretté que les négociations entre le Kosovo et la Serbie en vue d’une normalisation de leurs relations sur la base de la proposition de l’Union européenne (UE) n’aient pas progressé de manière substantielle.  Au contraire, a-t-il déploré, les tensions entre Belgrade et Pristina se sont accrues et la situation sécuritaire dans le nord du Kosovo reste précaire.  Évoquant l’attaque contre la police du Kosovo, qui a eu lieu dans le village de Banjska le 24 septembre 2023, il a demandé que les auteurs répondent pleinement de leurs actes.  Il a par ailleurs exprimé sa préoccupation quant à la nouvelle réglementation de la Banque centrale du Kosovo sur les transactions en devises, qui risque d’avoir un impact négatif sur la capacité des résidents serbes du Kosovo à mener leur vie quotidienne.  Cette question devrait être selon lui discutée plus avant dans le cadre du dialogue facilité par l’UE afin de réduire les retombées sur les personnes vulnérables. 

Tout en saluant les efforts déployés par l’UE pour rapprocher les points de vue et consolider l’état de droit dans les institutions kosovares, le délégué a appelé le Kosovo et la Serbie à s’abstenir de déclarations provocatrices et d’actions unilatérales, qui pourraient conduire à un conflit inutile. Il les a aussi exhortées à prendre des mesures pour réduire les tensions et instaurer la confiance, et à participer à nouveau activement aux négociations dirigées par l’UE.  Enfin, il s’est prononcé pour une modification du mandat de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), étant donné que la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) et la mission « état de droit » menée par l’UE au Kosovo (EULEX) exécutent actuellement certaines des missions de la MINUK. 

Le représentant de l’Équateur a réaffirmé l’importance d’un dialogue constructif et de bonne foi entre Pristina et Belgrade afin d’aborder les questions politiques sensibles affectant les différentes communautés. Devant la fragilité de la situation sécuritaire dans le nord du Kosovo, il a réitéré sa condamnation de tout acte de violence susceptible de mettre en péril la paix et la sécurité dans la région, ainsi que les progrès réalisés jusqu’à présent.  Le délégué a encore demandé que soient prises en compte les préoccupations légitimes concernant la réglementation des transactions en espèces et son impact sur les droits économiques et sociaux des communautés « non majoritaires ».  L’intégrité des installations de l’ONU doit être pleinement respectée, a-t-il ajouté, et la MINUK doit disposer d’un accès sans entrave à ses locaux du nord du Kosovo. Enfin, le représentant a salué la tenue, en janvier dernier, de la première réunion du Groupe de travail sur les personnes disparues depuis 2021. 

Le représentant de la Slovénie a estimé que, face aux défis persistants, le dialogue facilité par l’UE est le seul forum établi pour la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo.  Il s’est dit préoccupé par l’absence de progrès dans ce cadre, alors que Belgrade et Pristina doivent mettre en œuvre l’accord de Bruxelles.  La normalisation des relations entre les deux capitales doit aller de pair avec la création d’un environnement sûr, sécurisé et prospère pour les Serbes du Kosovo, a précisé le représentant.  La gestion autonome de la communauté serbe du Kosovo devrait être garantie dans le respect des besoins, des intérêts et des préoccupations des deux parties, a préconisé le délégué, qui a demandé une enquête sur l’incident de Banjska survenu en septembre dernier.  Il a ensuite salué la décision de la Cour constitutionnelle du Kosovo d’accorder à l’Église orthodoxe serbe les terres entourant le monastère de Visoki Dečani.  Le représentant a regretté que les déclarations de la Serbie et du Kosovo au Conseil ne les aident pas à se rapprocher alors qu’ils doivent coexister, faire du Kosovo un foyer pour les deux communautés et mettre en œuvre les accords conclus dans le cadre du dialogue facilité par l’UE. 

Le représentant de la Fédération de Russie a noté qu’il y a exactement 25 ans commençait « l’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie », dont les conséquences continuent d’avoir un impact direct sur la situation dans les Balkans.  L’ingérence de l’OTAN dans les affaires d’un État souverain a donné lieu à 78 jours de bombardements, dans ce qui est une violation flagrante de la Charte des Nations Unies, de l’Acte final d’Helsinki et du droit international humanitaire.  L’autorité du Conseil de sécurité, qui n’a jamais approuvé l’action de l’OTAN, a été sapée.  Le représentant a estimé que ce tournant dans l’histoire mondiale a ravivé l’esprit de confrontation dans les relations internationales et les manœuvres des pays occidentaux pour éviter une réunion sur ce sujet ne visaient qu’àglisser sous le tapis les crimes de ces années-là et à cacher les véritables intentions envers Belgrade et le peuple serbe.  Cette situation s’inscrit dans la droite ligne des pressions exercées par les États-Unis et l’Union européenne (UE) sur la Serbie, « l’un des rares États européens qui n’hésite pas à mener une politique indépendante et à défendre ses propres intérêts ».

Il devient de plus en plus difficile pour « l’Occident collectif » de dissimuler la violence systémique à motivation ethnique perpétrée par les autorités provisoires à Pristina, a poursuivi le représentant.  Le « soi-disant Premier Ministre » Albin Kurti cherche à provoquer un exode massif de la population non albanaise et à empêcher le retour des réfugiés issus des minorités nationales. Pristina a clairement indiqué son intention de saboter le dialogue avec Belgrade jusqu’à ce que la Serbie reconnaisse le « quasi-État du Kosovo ».  Cette tactique est pleinement soutenue par les États-Unis et l’UE, a accusé le représentant, ajoutant que les Serbes sont en outre invités à devenir garants de l’intégration des membres des « tribus kosovares » dans le système de gouvernance de Pristina.  Constatant l’absence de progrès dans la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe, il a accusé les pays occidentaux d’avoir adapté le projet de charte aux besoins des Kosovars, en violation des obligations découlant de l’accord de Bruxelles. 

Les forces spéciales de la police albanaise de souche sont présentes dans le nord du Kosovo peuplé de Serbes et des maires albanais « fictifs » ont usurpé le pouvoir après les « pseudo-élections » d’avril 2023 auxquelles les Serbes ont refusé de participer, a-t-il dénoncé. De plus, le recensement de la population, initié en avril, comprend un questionnaire séparé sur les dégâts subis par les citoyens pendant le conflit.  Or, les données s’arrêtent au mois de juin 1999, soit après le retrait de l’armée et de la police serbes du Kosovo.  Les pertes humaines et matérielles de la population non albanaise ne sont pas incluses dans les statistiques générales, s’est encore indigné le représentant, avant d’accuser M. Kurti et son régime de priver délibérément des dizaines de milliers de personnes de leurs moyens de subsistance et de mener une véritable politique de nettoyage ethnique, sans oublier les attaques contre des sites de l’Église orthodoxe serbe et « l’albanisation » du patrimoine spirituel serbe. 

Contrairement à ce que prévoyait la résolution 1244 (1999) du Conseil, les membres de l’OTAN injectent des armes au Kosovo et l’aident à créer sa propre armée mais le rapport du Secrétaire général ne dit rien de ces faits scandaleux, ni des conséquences humanitaires du blocus commercial et de l’interdiction du dinar serbe.  Pristina continue de considérer l’indépendance du Kosovo comme une étape sur la voie de l’unification avec l’Albanie et plutôt que d’être condamnés, les Kosovars peuvent circuler sans visa dans l’espace Schengen et adhérer au Conseil de l’Europe.  Si les actes des Kosovars et de leurs protecteurs occidentaux ne sont pas stoppés, si nous ne les obligeons pas à respecter le droit international et à rechercher des compromis avec Belgrade, les conflits qui couvent depuis plusieurs décennies dans les Balkans pourraient entrer dans une « phase brûlante », a mis en garde le représentant.  Tous les États Membres doivent se montrer responsables et éviter de cautionner une telle situation, a-t-il conclu. 

Le représentant du Mozambique s’est déclaré préoccupé par l’escalade des tensions entre la Serbie et le Kosovo au cours de la période considérée, ainsi que par la fragilité de la situation sécuritaire dans le nord du Kosovo qui risque de dégénérer en un conflit armé plus large.  Des efforts internationaux soutenus sont nécessaires pour désamorcer le conflit et promouvoir la stabilité régionale, a-t-il argué, en appelant à instaurer un climat de confiance et de dialogue entre les parties, à respecter l’état de droit et à faire en sorte que les auteurs de violations rendent compte de leurs actes.  Le représentant a donc appelé toutes les parties prenantes nationales, régionales et internationales à faire preuve de prudence et de prévoyance dans leurs décisions afin de préserver les progrès durement acquis sur la voie de la paix et de la réconciliation au Kosovo.

À la lumière des événements récents, il a exhorté les dirigeants de la Serbie et du Kosovo à promouvoir activement la réconciliation entre leurs communautés respectives et à s’abstenir de toute action susceptible d’inciter à la violence ou d’exacerber les tensions.  L’instauration d’une paix durable requiert l’engagement, l’inclusion et la tolérance de tous les segments de la société, sur la base des principes de respect mutuel, de justice et de dialogue constructif, a fait valoir le délégué, pour lequel la réconciliation est un effort collectif qui nécessite une contribution égale de toutes les parties prenantes nationales, y compris les dirigeants politiques, les communautés ethniques, les jeunes, les femmes et les acteurs de la société civile, avec le soutien des organisations internationales. À cet égard, il a réitéré le soutien indéfectible de son pays à la MINUK, en estimant qu’elle doit accorder la priorité à la promotion de la sécurité, de la stabilité et du respect des droits de l’homme au Kosovo et dans l’ensemble de la région.

Le représentant du Japon a salué l’évolution positive du Kosovo, fondée sur l’état de droit, depuis son indépendance ainsi que la relative stabilité acquise dans la région, tout en exprimant son inquiétude quant à la situation sur le terrain, marquée par plusieurs incidents négatifs.  Il a ainsi souhaité que l’attaque de Banjska, en septembre dernier, fasse l’objet d’une enquête approfondie et impartiale, et que les auteurs soient tenus pour responsables.  Il a également souligné l’importance d’une communication complète et transparente et d’un dialogue continu entre les parties concernant les politiques ayant un impact significatif sur la stabilité de la région et sur la vie quotidienne des populations, notamment les mesures liées à la monnaie.

« Toute action unilatérale susceptible de conduire à une nouvelle escalade doit être évitée », a-t-il exhorté, avant de demander aux deux parties de s’engager davantage dans le dialogue Belgrade-Pristina facilité par l’Union européenne (UE).  Se disant convaincu que l’adhésion des Balkans occidentaux à l’UE contribuera à assurer la stabilité et la prospérité dans la région, le représentant a rappelé que son pays avait lancé en 2018 une initiative destinée à promouvoir la coopération régionale.  Il enfin estimé que, compte tenu de l’évolution du Kosovo depuis 25 ans, le rôle de la MINUK devrait être revu en conséquence. 

Le représentant du Royaume-Uni a rappelé qu’il est un partisan de longue date de la souveraineté et l’indépendance du Kosovo.  L’absence d’une normalisation globale et d’un accord concluant entre le Kosovo et la Serbie continue d’avoir des effets négatifs et des implications dans toute la région, a-t-il déploré.  Il a encouragé les deux parties à s’engager de manière constructive dans le dialogue facilité par l’UE, et à s’acquitter de leurs obligations respectives, notamment en établissant une association/communauté des municipalités à majorité serbe.  Pour le Royaume-Uni, cela doit s’accompagner d’un engagement à construire un environnement propice à de nouveaux progrès du dialogue.  Cela signifie, a expliqué le représentant, que le Kosovo devrait exercer ses pouvoirs souverains d’une manière qui reflète sa multiethnicité, démontrant suffisamment de respect pour les communautés non majoritaires du Kosovo. Le représentant a également appelé à identifier des solutions techniques aux défis autour de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation sur les devises.  Il a en outre salué le travail de la Représentante spéciale, ainsi que le personnel de la Mission, qui a contribué au travail de la MINUK au cours des 25 dernières années.  Pour lui, c’est le bon moment pour le Conseil de revoir le rôle de la MINUK et ses responsabilités.  Cela garantira, a ajouté le délégué, qu’elle puisse continuer à soutenir efficacement la sécurité, la stabilité et les droits humains au Kosovo d’une manière correspondant aux réalités de 2024.

La représentante de Malte a salué les mesures positives prises ces derniers mois par la Serbie et le Kosovo, dont la résolution des problèmes liés aux plaques d’immatriculation et à la propriété du monastère de Visoki Decani. Elle s’est cependant inquiétée des tensions élevées et des nombreux actes hostiles.  Depuis les attaques terroristes commis contre la police du Kosovo, en septembre dernier, la situation est devenue préoccupante, a-t-elle noté, en pointant un risque accru d’escalade.  La représentante a donc appelé les parties à prendre des mesures concrètes pour assurer la désescalade et la sécurité de la population.  À ses yeux, le dialogue demeure le seul outil dont disposent les parties pour parvenir à une paix durable. 

Tout en prenant acte du référendum local organisé hier sur la destitution des maires des municipalités du nord du Kosovo, la déléguée a regretté les conditions qui ont conduit une nouvelle fois à un boycott.  Malgré l’absence de progrès à cet égard, elle a engagé les parties à respecter leurs obligations découlant de l’accord sur la voie de la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo.  Malte continue de souligner l’importance du dialogue facilité par l’Union européenne en tant que forum permettant de discuter des questions qui affectent l’ensemble de la population du territoire, telles que la décision d’interdire les transactions en dinar serbe et son impact négatif sur les minorités serbes. 

Le représentant des États-Unis a répondu à la Fédération de Russie et déclaré que l’opération de l’OTAN en 1999 était nécessaire pour mettre un terme à la politique de nettoyage ethnique du régime de Milošević.  Les membres du Conseil se sont opposés à la tenue d’une réunion sur le sujet, d’où la dissatisfaction de la Fédération de Russie, a taclé le représentant.

Dans une deuxième reprise de parole, le Président de la Serbie, a argué que l’intervention de l’OTAN au Kosovo en 1999 était illégitime au motif qu’elle n’était fondée sur aucune résolution du Conseil de sécurité.  Il a regretté que des représentants n’expriment pas leurs préoccupations lorsque ce sont des Serbes qui sont tués.  Sur les processus électoraux qui ont eu lieu hier, il a dénoncé des fraudes: des personnes fictives, notamment des Albanais, ont été ajoutées à la liste électorale, a-t-il avancé.  Le Président a remercié les pays qui respectent la résolution 1244 (1999). 

Réagissant aux propos tenus par le Président de la Serbie, Mme OSMANI- SADRIU du Kosovo a réfuté les faits avancés par M. Vučić, « faux » à son avis, avant d’inviter les membres du Conseil à venir au Kosovo pour y voir de leurs propres yeux ce qui s’y passe et constater les progrès accomplis.  Contrairement à ce qui a été dit par la Serbie et la Russie, elle a dit n’avoir pas parlé du passé dans son intervention mais bien du Kosovo d’aujourd’hui qui est aussi défini par le passé et le manque de justice rendue. Revenant sur sa revendication de justice après les horreurs du conflit, elle s’est adressée à M. Vučić, « qui a soutenu le régime de Milošević et chanté ses louanges », pour lui demander s’il n’avait toujours pas de remords pour les plus de 150 000 civils morts et s’il n’avait toujours pas l’intention de présenter des excuses aux victimes.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC se penche sur les moyens de relancer le financement de la mise en œuvre des objectifs de développement durable

Session de 2024
1re & 2e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7158

L’ECOSOC se penche sur les moyens de relancer le financement de la mise en œuvre des objectifs de développement durable

Le Conseil économique et social (ECOSOC) se penchait aujourd’hui sur la question du financement du développement, qui se heurte à de graves problèmes, dans un contexte mondial difficile, qui est particulièrement ressenti par les pays en développement. 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse n’a pas pu couvrir cette séance)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instance permanente sur les questions autochtones: débat sur les six domaines d’action

Vingt-troisième session
7e & 8e séances plénières, matin & après-midi
DH/5484

Instance permanente sur les questions autochtones: débat sur les six domaines d’action

L’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi aujourd’hui sa vingt-troisième session en débattant du point 4 de son ordre du jour.  Il a tenu le matin un débat sur les six domaines d’action de l’Instance permanente (développement économique et social, culture, environnement, éducation, santé et droits humains) en relation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

L’après-midi a permis un dialogue interactif sur les instances autochtones mises en place dans les entités des Nations Unies. 

L’ordre du jour provisoire de la session peut être consulté ici: E/C.19/2024/1

L’Instance a organisé ses travaux pour les deux semaines avec des débats et des dialogues thématiques: cf.  E/C.19/2024/L.1/Rev.1

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse n’a pas pu couvrir cette séance.)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le soutien extérieur fourni aux parties fait durer le conflit au Soudan, selon la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques

9611e séance – après-midi  
CS/15672

Conseil de sécurité: le soutien extérieur fourni aux parties fait durer le conflit au Soudan, selon la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques

Un an après le début des affrontements, le 15 avril 2023, entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, le pays continue de s’enfoncer dans la guerre et la population endure des souffrances insupportables, a rapporté, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, selon laquelle la durée de ce conflit aux graves conséquences humanitaires tient en grande partie au soutien que reçoivent les belligérants d’acteurs extérieurs au Soudan.  Une situation également dénoncée par le représentant de l’Union africaine (UA) et par un grand nombre de délégations.

Dans cette crise « aux proportions épiques », les parties ont ignoré les appels répétés à cesser les hostilités, y compris l’appel à faire taire les armes durant le ramadan contenu dans la résolution 2724 (2024) du Conseil, a déploré Mme Rosemary DiCarlo.  Pendant ce temps, a constaté la Secrétaire générale adjointe, le conflit, qui a commencé à Khartoum, se propage à d’autres parties du pays, notamment au Darfour, où de récents rapports font état d’une attaque imminente des Forces d’appui rapide contre El-Fasher.  Ce nouveau front pourrait déclencher des conflits intercommunautaires sanglants et entraverait encore davantage l’acheminement de l’aide humanitaire dans une région déjà au bord de la famine, a-t-elle averti. 

Si les parties ont pu maintenir leur confrontation, c’est en grande partie grâce au soutien matériel qu’elles reçoivent de l’extérieur du Soudan, a souligné Mme DiCarlo.  « Ces acteurs extérieurs continuent de faire fi du régime de sanctions imposé par le Conseil pour soutenir un règlement politique, alimentant ainsi le conflit », s’est-elle indignée, appuyée dans ce constat par le Président du Groupe de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur le Soudan, pour qui les ingérences extérieures, en particulier les fournitures de matériels de guerre, expliquent l’échec des efforts de médiation.  De fait, a observé M. Mohamed Ibn Chambas, les actions nées du processus de Djedda et les initiatives des pays voisins et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) n’ont pas abouti. 

Dans ces circonstances, il ne suffit pas d’appeler les acteurs extérieurs à s’abstenir de toute ingérence dans le conflit au Soudan, a estimé l’Algérie, au nom des A3+1 (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana).  Il importe que les belligérants respectent l’embargo sur les armes tel que stipulé dans la résolution 1556 (2004) du Conseil, a-t-elle martelé, soutenue par les États-Unis, le Japon, Malte et la Slovénie.  Rien de tout cela ne serait arrivé si les Émirats arabes unis, « parrain régional du plan d’agression armée », n’avaient pas continué à fournir un soutien militaire et logistique à la rébellion, a pour sa part accusé le représentant du Soudan, qui a appelé à « ne pas internationaliser » la question soudanaise. 

Pour contribuer à une cessation durable des hostilités et à une médiation internationale inclusive et efficace, l’ONU est prête à redoubler d’efforts avec ses partenaires multilatéraux, notamment l’UA, l’IGAD, la Ligue des États arabes et les États Membres partenaires, a assuré Mme DiCarlo, avant d’appeler de ses vœux la tenue du dialogue politique prévu par la plateforme de Djedda et facilité par le Groupe de haut niveau de l’UA, dans le but de permettre le règlement du conflit au Soudan et le retour à un gouvernement démocratique dirigé par des civils.  Dans le même esprit, plusieurs délégations, dont la France et la Suisse, se sont félicitées de la reprise dans les prochaines semaines de pourparlers dans le cadre du processus de Djedda. 

Sur le plan humanitaire, la Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a confirmé que le risque de famine est désormais bien réel au Soudan, où 18 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë.  À l’instar de la Secrétaire générale adjointe, Mme Edem Wosornu a aussi alerté le Conseil sur la situation des 800 000 civils présents à El-Fasher, alors que des milices affiliées aux Forces d’appui rapide ont attaqué et brûlé des villages alentours.  Face au risque d’un nouveau bain de sang, elle a enjoint aux parties de respecter leurs obligations en droit international humanitaire et de mettre un terme aux violences sexuelles et autres traitements inhumains, les sommant également d’épargner les civils et les biens à caractère civil, rejointe dans cette supplique par l’Équateur et le Royaume-Uni. 

Mme Wosornu s’est toutefois réjouie que la conférence humanitaire sur le Soudan et la région, qui s’est tenue à Paris lundi dernier sous l’égide de la France, l’Allemagne et l’Union européenne, ait donné lieu à de nouvelles promesses de financement pour la réponse humanitaire et l’appui aux réfugiés dans les pays voisins.  Cet argent devra être déboursé rapidement, a-t-elle plaidé, indiquant que l’OCHA doit prépositionner des produits de première nécessité avant le début de la saison des pluies, fournir des semences aux agriculteurs avant les semailles et fournir des liquidités aux personnes déplacées avant qu’elles ne sombrent encore plus dans la faim. 

La conférence a aussi permis de faire avancer les discussions sur l’accès humanitaire requis d’urgence, a ajouté la responsable de l’OCHA, selon laquelle les obstacles actuels rendent presque impossibles les acheminements vers certaines parties du Darfour et de Khartoum.  Dans le prolongement des appels lancés à Paris, a-t-elle précisé, la Coordonnatrice de l’action humanitaire au Soudan a recommandé d’acheminer l’aide par tous les itinéraires possibles, y compris à partir de Port-Soudan, ainsi que par les postes frontières de Tine et d’Adré depuis le Tchad, et de Renk, d’Aweil et de Panakuach depuis le Soudan du Sud. 

Comme l’ensemble des membres du Conseil, la Fédération de Russie s’est déclarée encouragée par les intentions exprimées lors de la conférence de Paris. Elle a cependant regretté que les organisateurs aient décidé de lui donner une « tournure politique » en n’invitant pas toutes les parties soudanaises impliquées.  Cette rencontre visait à isoler le Soudan, « les États agresseurs étant invités et l’État victime étant exclu », a quant à lui regretté le délégué du Soudan, pour qui discuter du processus politique avant d’aborder la situation humanitaire et de mettre fin au conflit « nuit à la réalisation de la paix ». 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Exposés

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a rappelé qu’il y a un peu plus d’un an, le déclenchement du conflit entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide a interrompu la transition politique au Soudan.  Depuis, le peuple soudanais endure des souffrances insupportables, a-t-elle déploré, parlant de plus de 14 000 personnes tuées, de dizaines de milliers blessées et d’une situation humanitaire « effroyable ».  En effet, la moitié de la population du pays a besoin d’une aide vitale, tandis que plus de 8,6 millions de personnes, dont 1,8 million de réfugiés, ont été contraints de fuir leurs foyers.  Dans ce contexte, des rapports font état d’un recours généralisé à la violence sexuelle comme arme de guerre, du recrutement d’enfants par les parties au conflit et du recours massif à la torture et à la détention arbitraire prolongée par les deux parties.  Outre les milliers de maisons, d’écoles, d’hôpitaux et d’autres infrastructures civiles essentielles démolies, la guerre a détruit de vastes pans des secteurs productifs du pays, paralysant l’économie.  Parallèlement, a poursuivi la haute fonctionnaire, de nombreux médias et organisations de la société civile ont été fermés et des centaines de défenseurs des droits humains et de journalistes ont été contraints de chercher refuge à l’étranger. 

Dans cette crise « aux proportions épiques », les parties belligérantes ont ignoré les appels répétés à cesser les hostilités, y compris ceux du Conseil de sécurité, a regretté Mme DiCarlo.  Au lieu de cela, elles se préparent à de nouveaux combats et poursuivent leurs campagnes de recrutement de civils.  Pendant ce temps, le conflit, qui a commencé à Khartoum, se propage à d’autres parties du pays.  Au Darfour, a indiqué la Secrétaire générale adjointe, des rapports récents font état d’une possible attaque imminente des Forces d’appui rapide contre El-Fasher, faisant planer le spectre d’un nouveau front qui pourrait déclencher des conflits intercommunautaires sanglants dans toute cette région.  Cela entraverait encore davantage l’acheminement de l’aide humanitaire dans une région déjà au bord de la famine, a-t-elle averti, ajoutant qu’au-delà du Darfour, le grand Khartoum continue d’être l’épicentre des combats.  Galvanisées par de récentes avancées, les Forces armées soudanaises ont en effet intensifié leurs raids aériens à Khartoum, dans les régions du Kordofan et dans certaines parties du Darfour.  De plus, les affrontements entre les belligérants se sont également intensifiés à Gazira et dans ses environs. 

Après avoir appelé les belligérants à respecter leurs obligations en droit international humanitaire et à adhérer à la déclaration d’engagement de Djedda pour la protection des civils, Mme DiCarlo a estimé que, si les parties ont pu maintenir leur confrontation, c’est en grande partie grâce au soutien matériel qu’elles reçoivent de l’extérieur du Soudan.  « Ces acteurs extérieurs continuent de faire fi du régime de sanctions imposé par le Conseil pour soutenir un règlement politique, alimentant ainsi le conflit », a-t-elle dénoncé, jugeant cela « illégal et immoral ».  Face à la détérioration de la crise, a indiqué la haute fonctionnaire, l’Envoyé personnel du Secrétaire général s’est entretenu ces derniers mois avec un large éventail de parties prenantes nationales, régionales et internationales pour promouvoir la coordination des initiatives de médiation.  Hier encore, il présentait un exposé au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA). 

L’ONU est prête à redoubler d’efforts avec ses partenaires multilatéraux, notamment l’UA, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), la Ligue des États arabes et les États Membres partenaires, pour contribuer à une cessation durable des hostilités et à une médiation internationale inclusive et efficace, a assuré Mme DiCarlo, avant d’appeler de ses vœux la tenue du dialogue politique prévu par la plateforme de Djedda.  Elle a également salué les efforts déployés par l’UA et l’Union européenne (UE) pour aider les civils soudanais à coordonner une position commune sur une transition politique inclusive.  Enfin, elle a remercié la France, l’Allemagne et l’UE d’avoir accueilli la récente conférence de Paris sur le Soudan et s’est réjouie qu’elle ait permis un soutien massif aux efforts humanitaires, tout en soulignant la nécessité d’une unité d’objectif et d’action des initiatives de paix.  À cette fin, a-t-elle indiqué, l’Envoyé personnel du Secrétaire général a proposé la convocation d’une réunion inclusive pour élaborer une stratégie globale de médiation et de rétablissement de la paix. 

Mme EDEM WOSORNU, Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), qui s’exprimait au nom du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths, a constaté qu’un an après le début du conflit au Soudan, les perspectives pour le peuple soudanais sont sombres.  Le conflit continue de faire rage et le risque de famine est bien présent.

Elle a rappelé qu’il y a sept mois, l’OCHA avait mis en garde le Conseil des conséquences catastrophiques d’une éventuelle attaque sur El-Fasher pour la population civile, un risque qui s’est réalisé depuis.  Le 13 avril, après des semaines de tensions croissantes et de frappes aériennes, des milices affiliées aux Forces d’appui rapide ont attaqué et brûlé des villages à l’ouest d’El-Fasher.  Depuis, des affrontements ont été signalés dans l’est et le nord de la ville, entraînant le déplacement de plus de 36 000 personnes.  Plus de 100 patients ayant subi des traumatismes ont afflué dans la structure de Médecins sans frontières et le nombre total de victimes est probablement beaucoup plus élevé. 

S’inquiétant de la violence que risquent de subir les 800 000 civils résidant à El-Fasher, Mme Wosornu a mis en garde que cela risque de déclencher de nouvelles violences dans d’autres régions du Darfour, où plus de 9 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire.  Elle a demandé une nouvelle fois aux parties au conflit de respecter leurs obligations en droit international humanitaire et de mettre un terme aux violences sexuelles et autres traitements inhumains, les sommant également d’épargner les civils et les biens de caractère civil et de mettre immédiatement fin à la violence autour d’El-Fasher et ailleurs dans le pays.

Revenant sur la conférence humanitaire sur le Soudan et la réunion qui s’est tenue à Paris lundi dernier, la haute fonctionnaire a souligné qu’elle a débouché sur plusieurs résultats urgents.  Tout d’abord, elle a donné lieu à de nouvelles promesses de financement pour la réponse humanitaire au Soudan et la réponse aux réfugiés dans les pays voisins - des promesses qui doivent être déboursées dès que possible, a-t-elle insisté en signalant le délai très court dont on dispose pour réagir.  En effet, dans les six semaines à venir, l’OCHA doit prépositionner des produits de première nécessité avant le début de la saison des pluies en juin; fournir des semences aux agriculteurs avant la saison des semailles en juin; et de l’argent aux personnes déplacées avant qu’elles ne sombrent encore plus dans la faim.  « Chaque jour qui passe met de nouvelles vies en danger. »

L’insécurité alimentaire au Soudan a atteint des niveaux record, le risque de famine guidant désormais la réponse, a-t-elle indiqué en rappelant que 18 millions de personnes sont confrontées à une famine aiguë.  Il y a exactement une semaine, l’OCHA a lancé un plan de prévention de la famine et, le 17 avril, l’agence a prolongé de trois mois l’intensification de l’aide à l’échelle du système déclarée par le Comité permanent interorganisations. 

La conférence a également permis de faire avancer les discussions essentielles sur l’accès humanitaire requis d’urgence rappelant que les obstacles à l’accès ont rendu presque impossible l’acheminement des fournitures humanitaires vers certaines parties du Darfour et de Khartoum.  Ces derniers jours, la Coordonnatrice humanitaire au Soudan, Mme Clementine Nkweta-Salami, a défini une série de priorités en matière d’accès, a précisé la représentante de l’OCHA.  Elle a recommandé des mesures urgentes pour faciliter l’aide humanitaire à tous les civils dans le besoin et permettre aux humanitaires d’atteindre les communautés touchées où qu’elles se trouvent et par tous les itinéraires possibles, y compris à partir de Port-Soudan à destination et en provenance d’El-Fasher et de Khartoum, ainsi que de l’itinéraire sud via Kosti et El-Obeid.  Elle a également demandé de pouvoir utiliser sans entrave et de manière durable les postes frontières de Tine et d’Adré depuis le Tchad, ainsi que les postes de Renk, d’Aweil et de Panakuach depuis le Soudan du Sud.  En outre, les autorisations de voyage doivent être accordées dans les 24 heures, a-t-elle exigé affirmant qu’il est inacceptable qu’un convoi interagences doive attendre plus de six semaines pour obtenir une autorisation.  Les parties ne doivent pas instrumentaliser, attaquer, entraver ou interférer avec les opérations humanitaires, a tranché la représentante de l’OCHA.

Elle a concédé que la conférence de lundi a permis d’attirer l’attention de la communauté internationale sur le Soudan, regrettant que pendant la majeure partie de l’année écoulée, ce conflit ait été très largement absent dans les médias. Plaidant pour un changement radical du soutien international au peuple soudanais, Mme Wosornu a résumé les trois priorités immédiates: une action renforcée des parties pour protéger les civils et faciliter l’accès humanitaire; le décaissement rapide de fonds pour la réponse humanitaire; et un plus grand engagement international pour le Soudan pour faire taire les armes.

M. MOHAMED IBN CHAMBAS, Président du Groupe de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur le Soudan, a observé que la guerre a fait reculer le pays de plusieurs décennies et qu’il faudra plus d’une génération pour le reconstruire dans son état d’avant-conflit.  Alors que cette guerre meurtrière et destructrice vient d’entrer dans sa deuxième année, il s’est dit particulièrement inquiet de l’extension des combats de Khartoum à d’autres régions du pays, y compris à l’État de Gazira, principal centre de production agricole.  Il s’est désolé que, malgré les investissements de la communauté internationale au fil des années pour ramener la paix au Darfour, cette région est à nouveau le théâtre d’un nettoyage ethnique et d’un conflit interethnique.  Jusqu’à présent, a-t-il constaté, les efforts de médiation dans la crise soudanaise n’ont pas abouti.  C’est le cas du processus de Djedda, mais aussi des initiatives des pays voisins, de l’Égypte, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de la société civile soudanaise.  Selon M. Ibn Chambas, les ingérences extérieures sont une des principales raisons de l’échec de ces efforts, les fournitures de matériel de guerre depuis l’étranger expliquant le fait que cette guerre dure depuis si longtemps. 

Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, l’Union africaine a été proactive dans la gestion de la guerre.  Cinq jours après le début des hostilités, elle a convoqué une réunion des principaux acteurs internationaux et voisins du Soudan pour former ce qui sera plus tard appelé le mécanisme élargi afin de coordonner les efforts sur le Soudan.  Elle a ensuite élaboré en mai 2023 la feuille de route de l’UA pour le règlement du conflit au Soudan, avant de nommer le Groupe de haut niveau sur le Soudan en janvier 2024, sur la base d’une décision du Conseil de paix et de sécurité de l’organisation.  Le mandat du Groupe est d’impliquer les acteurs soudanais, y compris les belligérants mais également d’autres acteurs civils et des groupes armés, pour mettre en œuvre la feuille de route de l’UA.  À cette fin, le Groupe a conçu une approche fondée sur des navettes diplomatiques vers les pays de la région et au-delà, la coordination avec les acteurs régionaux et internationaux et l’organisation d’un dialogue politique censé préparer les civils à une transition d’après-guerre et faire pression sur les belligérants pour qu’ils mettent fin à la guerre. 

Dans le cadre de ses navettes diplomatiques, le Groupe a mené, en mars dernier, des consultations avec les autorités du Soudan et des pays voisins, notamment l’Égypte, l’Éthiopie et Djibouti.  Il a également tenu des réunions avec le chef du Conseil souverain de transition, le général Abdul Fattah Burhan, et d’autres responsables soudanais à Port-Soudan.  Le Groupe a par ailleurs rencontré des représentants du chef des Forces d’appui rapide, le général Hamdan Dagalo, à Addis-Abeba.  Afin de renforcer la coordination et la complémentarité des efforts visant à mettre fin à la crise, le Groupe a aussi consulté les principales parties prenantes aux niveaux national, régional et international, en particulier le mécanisme élargi, l’IGAD, la Ligue des États arabes et l’ONU à travers le Représentant personnel du Secrétaire général pour le Soudan.  Tous ont promis leur soutien aux travaux du Groupe et leur ferme volonté de voir l’UA jouer un rôle de premier plan, avec pour principe la « recherche d’une solution africaine à un problème africain ». Dans ces circonstances, M. Ibn Chambas s’est réjoui de constater que la récente conférence humanitaire de Paris a attiré l’attention internationale sur la situation humanitaire désastreuse au Soudan, tout en reconnaissant le rôle important que le Groupe devrait jouer dans la coordination du processus de paix.

Après avoir fait état de consultations avec les ambassadeurs et envoyés spéciaux de l’UE, de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis, le Président du Groupe de haut niveau de l’UA sur le Soudan a estimé que son entité a « parcouru suffisamment de chemin » pour obtenir l’adhésion des acteurs politiques et civils soudanais en vue de l’organisation d’un dialogue politique destiné à permettre le règlement du conflit au Soudan et le retour à un gouvernement démocratique dirigé par des civils.  Pour aller de l’avant, le Groupe poursuivra dans les semaines à venir ses navettes diplomatiques avec des pays voisins, comme le Soudan du Sud, le Kenya et l’Ouganda, et prévoit de convoquer la phase de planification du dialogue politique le mois prochain.  En conclusion, il a invité le Conseil de sécurité et l’ensemble des États Membres de l’ONU à peser de tout leur poids pour soutenir cette initiative de l’UA dans la quête d’une paix durable au Soudan.

Déclarations

La représentante du Royaume-Uni a noté que cette semaine a marqué le cinquième anniversaire des manifestations du peuple soudanais qui ont mis fin à des décennies de dictature.  Aujourd’hui, cependant, les espoirs suscités par ces événements ont été anéantis par les Forces d’appui rapide et les Forces armées soudanaises.  Le pays est désormais en proie à la pire crise humanitaire au monde, l’obstruction et le ciblage délibérés des convois humanitaires empêchant l’acheminement de l’aide à ceux qui en ont le plus besoin.  Des civils sont assassinés, des femmes et des filles sont violées, des villages sont pillés et incendiés.  En adoptant la résolution 2724 (2024), le Conseil de sécurité s’est joint au Secrétaire général, à l’Union africaine et à la Ligue des États arabes pour appeler les parties belligérantes à faire taire les armes pendant le mois du ramadan, appel qu’elles ont ignoré, s’est désolée la déléguée.  Elle s’est notamment alarmée des tensions croissantes à El-Fasher, où un conflit à grande échelle serait selon elle catastrophique.

Or, a continué la déléguée, il n’est pas trop tard pour que le Soudan se remette d’être au bord de la ruine.  Pour y parvenir, les parties doivent reprendre les négociations, convenir d’un cessez-le-feu durable et soutenir un processus politique visant à rétablir un régime civil. Elles doivent en outre respecter leurs engagements visant à faciliter l’accès humanitaire transfrontalier et rétablir la route vitale d’Adré.  Bien que le Royaume-Uni compte doubler son aide humanitaire l’an prochain, la représentante a prévenu que, sans un accès humanitaire durable, cette aide ne pourra pas parvenir à ceux qui en ont besoin.

Le représentant de l’Algérie, s’exprimant au nom des A3+1 (Guyane, Mozambique, Sierra Leone et Algérie), a regretté d’avoir, un an après le début du conflit au Soudan, à réitérer les préoccupations du groupe face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans ce pays, théâtre de la plus grande crise de déplacement de populations au monde.  Si le non-respect du cessez-le-feu par les parties belligérantes pendant le ramadan est regrettable, le délégué a toutefois espéré que les cadres de négociation existants se traduiraient bientôt par des résultats tangibles, avec le soutien du Conseil.  Il a estimé que le prochain cycle du processus de Djedda représente une opportunité que les parties soudanaises doivent saisir pour participer aux négociations de bonne foi.  Il a insisté pour que soient déployés des efforts diplomatiques coordonnés avec l’ONU, l’UA, l’IGAD et la région pour relever les défis persistants.  Aussi le groupe salue-t-il le communiqué adopté par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, à l’issue de sa réunion hier sur le Soudan, ainsi que la tenue à Paris de la conférence humanitaire internationale sur le Soudan et les pays voisins.  Il a salué les engagements pris par les donateurs internationaux de mobiliser plus de 2 milliards de dollars pour soulager les souffrances de millions de Soudanais déplacés. 

Tout en saluant ces efforts positifs, le délégué a estimé qu’il reste encore beaucoup à faire.  Il ne suffit jamais, à son avis, d’appeler les acteurs extérieurs à s’abstenir de toute ingérence dans le conflit au Soudan.  Il a rappelé qu’il existe un régime de sanctions en vigueur, en particulier un embargo sur les armes.  Il est maintenant plus que jamais temps pour les parties soudanaises de faire preuve de retenue et de parvenir à un accord en vue d’une résolution pacifique du conflit, a poursuivi le représentant.  Au Conseil de sécurité, il a demandé de tirer les leçons de son engagement passé dans ce pays pour définir un rôle plus constructif et trouver une solution efficace et durable au conflit.  « Nous devons être à l’écoute du Gouvernement soudanais. »  L’inclusion et la coordination doivent façonner toutes les initiatives entreprises par la communauté internationale et le Conseil concernant le Soudan, a-t-il ajouté en rejetant le « deux poids, deux mesures ».  Le représentant a aussi prôné la confiance dans les efforts régionaux et demandé de garantir la pleine appropriation d’une solution durable par les Soudanais eux-mêmes.

Le représentant de la Chine a jugé indispensable un cessez-le-feu au Soudan et noté l’escalade des hostilités, nonobstant la résolution 2724 (2024).  Il a réclamé un règlement politique et appuyé les efforts entrepris à cette fin.  Ce conflit prolongé au Soudan trouve ses racines dans les pressions extérieures et les ingérences, a dit le délégué, en invitant la communauté internationale à tirer les leçons de cette situation.  Il a réclamé des solutions africaines à des défis africains et demandé que les avis des pays africains soient dûment respectés.  Enfin, il a insisté sur la nécessité de régler la situation humanitaire critique au Soudan, en pointant le sous-financement du plan de réponse humanitaire.  Nous espérons que les engagements pris lors de la récente conférence à Paris seront honorés, a conclu le délégué.

Le représentant de la Slovénie a souligné que le conflit au Soudan inflige de profondes souffrances aux populations et que ses répercussions dépassent largement ses frontières, les femmes et les enfants étant disproportionnellement touchés.  Il a appelé les parties à respecter leurs obligations en droit international humanitaire et en ce qui concerne les droits humains, ainsi que les engagements pris dans la Déclaration de Djedda pour protéger les civils.  Plus de 18 millions de personnes sont confrontées à la faim, s’est alarmé le délégué en condamnant l’utilisation de la famine comme méthode de guerre.  Même si les appels à un cessez-le-feu immédiat ont été ignorés, le conflit doit prendre fin, s’est-il impatienté.  Pour lui, parvenir à une solution politique par le biais d’un dialogue inclusif est la seule voie viable vers la paix et la réconciliation.  Et sans la participation des femmes, la paix durable ne peut être atteinte. 

La représentante a appuyé les efforts de médiation régionaux et internationaux en soulignant l’importance de la cohérence et de la coordination entre ces efforts.  Les acteurs externes doivent s’abstenir de toute forme d’ingérence, a-t-il ajouté.  Il a plaidé en faveur d’un accès humanitaire immédiat, complet et sans entrave, ce qui nécessite la levée des obstacles bureaucratiques et administratifs.  Les travailleurs humanitaires doivent pouvoir accomplir leurs missions en toute sécurité et sans entrave, a-t-il insisté.  Le représentant a dit être préoccupé par la reprise des affrontements autour d’El-Fasher où les parties doivent s’abstenir de toute escalade supplémentaire.  Il a attiré l’attention sur l’aggravation de la situation des femmes et des filles confrontées à la violence sexiste et sexuelle dans les zones touchées par le conflit ou lors de leurs déplacements ou encore dans les pays d’asile.  « La Slovénie est aux côtés du peuple soudanais et exhorte les parties au conflit à choisir la paix. » 

Le représentant de l’Équateur a exprimé sa tristesse face aux conséquences dévastatrices du conflit au Soudan pour la population et la région.  Condamnant les attaques contre les personnes et les infrastructures vitales, ainsi que les restrictions imposées au travail du personnel humanitaire, il a jugé impératif que les parties déposent immédiatement les armes, assurent la protection des civils et respectent les obligations établies par le droit international humanitaire.  Préoccupé par les informations faisant état de viols, d’exploitation sexuelle et d’enlèvements de femmes et de filles soudanaises, il a enjoint aux belligérants de cesser immédiatement toute forme de violence, avant d’exiger que les responsables de graves violations des droits humains soient traduits en justice.  Le délégué s’est également alarmé des appels croissants à armer les civils et des campagnes de mobilisation généralisées au sein de la population, qui peuvent conduire à une fragmentation accrue du pays et aggraver les tensions intracommunautaires. 

Dans ce contexte, il a salué le leadership de l’Envoyé spécial du Secrétaire général dans la recherche d’un accord de cessez-le-feu et d’une solution politique durable.  Il a aussi appuyé les initiatives nées des pourparlers de Djedda, la récente conférence de Paris et l’engagement continu de l’Union africaine, de l’IGAD et des pays voisins en faveur de la paix au Soudan.  Il a enfin estimé que la participation pleine, égale et significative des femmes soudanaises sera indispensable à la reconstruction postconflit et au rétablissement de la paix et de la stabilité dans la région. 

Le représentant des États-Unis a regretté que dans la guerre que se livrent deux généraux rivaux au Soudan depuis un an, ce soient les civils qui payent le prix fort, notamment les femmes et les enfants. La guerre a transformé le Soudan en véritable enfer, a-t-il constaté, avec 25 millions de personnes qui ont besoin d’une aide vitale et 8 millions de personnes qui connaissent une insécurité alimentaire aiguë.  Les Forces d’appui rapide et les Forces armées soudanaises ignorent les besoins de la population, s’est-il indigné.  Préoccupé du risque de voir le conflit se généraliser à l’ensemble du Darfour, il a exhorté les deux généraux à y mettre fin une bonne fois pour toute.  De même, il a appelé à un cessez-le-feu et à un accès humanitaire sans entraves à tout le pays, avant de saluer la reprise des pourparlers à Djedda.  Le peuple soudanais a besoin de plus d’aide tout de suite, a-t-il insisté, en précisant que les États-Unis sont le plus gros donateur de la riposte humanitaire pour le Soudan et qu’ils ont annoncé, le 15 avril à Paris, une contribution supplémentaire de 100 millions de dollars.  Appelant à exercer plus de pression sur les belligérants afin qu’ils reviennent à la table de négociations, le représentant a également insisté sur l’importance du respect de l’embargo sur les armes. 

La représentante de la France a relevé que l’année écoulée depuis le début du conflit était « une année de souffrances, qui aurait pu suffire à faire tomber cette guerre dans l’oubli ». Face à l’ampleur « cataclysmique » de cette crise, la communauté internationale doit se montrer à la hauteur des enjeux, a-t-elle exhorté.  C’est la raison pour laquelle la France a organisé avec l’Union européenne et l’Allemagne le 15 avril 2024 à Paris une conférence internationale humanitaire pour le Soudan et les pays voisins, qui a permis l’annonce de plus de 2 milliards d’euros de contributions financières, dont près de 900 millions promis par l’UE et ses États membres.  Paris s’est engagée pour sa part à allouer plus de 110 millions d’euros pour répondre aux besoins des populations au Soudan et dans les pays voisins.

Cette conférence, a poursuivi la déléguée, a également permis l’adoption d’une déclaration de principes par les États et les organisations impliqués dans les initiatives de paix pour le Soudan afin de davantage coordonner leurs efforts.  Elle appelle les parties à cesser les hostilités et à mettre en œuvre les engagements qu’elles ont pris lors des pourparlers de Djedda.  « Il est urgent qu’elles garantissent un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave à l’ensemble des populations, aussi bien par des accès transfrontaliers qu’à travers les lignes de front », a enjoint la représentante.  Aussi s’est-elle félicitée de l’annonce, faite lundi à Paris, d’une reprise sous trois semaines des discussions dans le cadre du processus de Djedda.  Elle a donc appelé les deux belligérants à dépasser une logique de préconditions et « à juguler les pressions exercées par les fauteurs de guerre dans les rangs ». 

La représentante de la Fédération de Russie a exprimé sa vive préoccupation face à la poursuite des hostilités au Soudan et à la situation humanitaire difficile qui en résulte.  L’ONU et le Conseil de sécurité doivent selon elle adopter une approche équilibrée pour résoudre cette situation.  Elle a jugé « contreproductif » de sous-estimer, pour des raisons politiques, le rôle des autorités soudanaises pour soulager la crise humanitaire, notamment en délivrant des autorisations pour l’acheminement transfrontalier de l’aide. À cet égard, l’engagement avec l’équipe de pays de l’ONU à Port-Soudan doit être pleinement soutenu.  Tout en se disant encouragée par les intentions exprimées lors de la conférence à Paris, la déléguée a regretté que les organisateurs aient décidé de lui donner une tournure politique, en invitant les représentants de la coalition démocratique plutôt que les partis soudanais impliqués. 

Poursuivant, la représentante a qualifié de « populiste » la résolution 2724 (2024) du Conseil appelant les parties au conflit à déclarer un cessez-le-feu pendant le ramadan, estimant qu’elle ne visait pas à résoudre les principales causes du conflit.  À ses yeux, le « dérèglement » de la phase actuelle du conflit n’est pas lié aux ambitions des belligérants, mais plutôt à l’incapacité ou au refus d’aider collectivement les Soudanais de manière concrète.  Elle a demandé aux pays occidentaux de s’abstenir de promouvoir un récit « déformé » présentant la situation actuelle comme le résultat des événements d’octobre 2021, qui ont conduit à la démission du Gouvernement civil.  « S’il y a des souris dans la maison, il ne faut pas reprocher au chat de les manger », a-t-elle illustré.  Selon elle, le règlement durable de la crise au Soudan ne sera possible qu’au moyen de la reprise du dialogue intersoudanais impliquant l’ensemble des forces politiques du pays.

Le représentant de la République de Corée a déploré que les parties soudanaises n’aient pas respecté la résolution 2724 (2024).  La situation au Soudan atteint rapidement un point de non-retour, s’est inquiété le délégué, en pointant les risques de famine.  Il a exhorté les parties à déposer les armes et à s’acquitter des engagements formulés dans la déclaration d’engagements de Djedda.  « Il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit », a-t-il insisté. Il a invité les parties soudanaises à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, avant de se féliciter des 2,2 milliards de dollars d’aide promis lors de la récente conférence à Paris. Mon pays, qui a achevé sa démocratisation après avoir subi une dictature militaire, a une profonde sympathie pour la quête démocratique du Soudan, a conclu le délégué.

Le représentant de la Suisse a réitéré l’appel urgent aux Forces armées soudanaises et aux Forces d’appui rapide ainsi qu’aux autres parties au Soudan pour qu’elles fassent taire les armes.  Reprochant aux belligérants d’avoir ignoré l’appel du Conseil de sécurité à une trêve humanitaire pour le mois du Ramadan et d’être ainsi passés outre une résolution contraignante du Conseil, il a réclamé le respect du droit international humanitaire et des droits humains.  Un arrêt des combats reste essentiel pour répondre aux énormes besoins de protection, a-t-il souligné en se félicitant à cet égard de l’annonce de la reprise des pourparlers de Djeddah dans les semaines à venir.  Nous avons besoin de toute l’influence diplomatique possible pour ramener les parties à la table des négociations, mettre fin aux actions extérieures susceptibles de prolonger le conflit et faire respecter l’embargo sur les armes, a-t-il fait valoir. 

Sur la situation humanitaire, il a salué l’initiative de la conférence internationale qui s’est tenue à Paris cette semaine qui a permis de mobiliser plus de 2 milliards de dollars, mais, a-t-il insisté, ce conflit exige une attention et un financement humanitaire continus de la part de la communauté internationale.  Il a donné l’exemple de la Suisse qui a considérablement augmenté son aide humanitaire au Soudan et à la région depuis le début du conflit avec un engagement à verser 21 millions de dollars supplémentaires pour 2024.  Outre le financement, le délégué a appelé à lever les obstacles, dont le blocage, à l’acheminement de l’aide humanitaire, plaidant pour un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave à travers les frontières et les lignes de front, et pour la protection du personnel humanitaire.  Le délégué a aussi demandé un effort concerté pour parvenir à un processus politique crédible et inclusif, et a souhaité voir renforcer l’action commune, en rendant complémentaires les initiatives diplomatiques des acteurs régionaux et internationaux.

Le représentant du Japon a regretté que les armes n’aient pas été réduites au silence au Soudan en dépit de l’appel à un cessez-le-feu par le Conseil de sécurité.  La résolution 2724 (2024) stipule la recherche du dialogue, a-t-il rappelé.  Les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide doivent cesser immédiatement les combats et s’engager dans les efforts internationaux, régionaux et sous-régionaux pour résoudre le conflit.  De même, le délégué a appelé les États Membres à s’abstenir de toute ingérence extérieure visant à attiser le conflit et l’instabilité.  Il faut respecter l’embargo sur les armes telles que stipulées dans la résolution 1556 (2004). 

S’inquiétant du sort des 25 millions de Soudanais dans le besoin, le représentant a appelé les parties belligérantes doivent garantir un accès humanitaire complet, rapide, sûr et sans entrave.  Il a déploré le sous-financement des plans de réponse humanitaire, indiquant que le Japon a contribué à hauteur d’environ 149 millions de dollars depuis 2023 pour soutenir les personnes déplacées, les réfugiés et les rapatriés au Soudan et dans les pays voisins.  Il a également dit être préoccupé par l’impact du conflit au Tchad et au Soudan du Sud qui accueillent un nombre croissant de réfugiés et de rapatriés en provenance du Soudan.  « Nous devons empêcher le conflit de déstabiliser davantage ces pays et d’avoir un impact sur de vastes régions s’étendant de la corne de l’Afrique à l’extrémité est de la région du Sahel », a-t-il dit. 

Alarmée par les nouvelles hostilités signalées à El-Fasher, dans le Darfour du Nord, la représentante de Malte a fait état de menaces crédibles d’un siège des Forces d’appui rapide qui pourrait avoir d’horribles conséquences humanitaires sur les personnes déplacées.  Elle a rappelé à toutes les parties au conflit que refuser ou entraver l’accès à l’aide humanitaire constitue une grave violation du droit international humanitaire et peut constituer un crime de guerre.  Dénonçant les violences sexuelles liées au conflit, la déléguée a exigé que les responsables des atrocités en cours et d’autres violations du droit international humanitaire soient tenus pour responsables de leurs actes, notamment par la Cour pénale internationale (CPI), qui est saisie de la situation au Darfour. 

Après avoir condamné le recrutement d’enfants au Darfour, au Kordofan et à Khartoum, la représentante a souligné que le recrutement et l’utilisation d’enfants dans des hostilités constituent un crime de guerre.  Elle a en outre appelé tous les acteurs extérieurs à s’abstenir d’alimenter l’instabilité au Soudan en violant l’embargo sur les armes applicable à ce pays, avant de réitérer le soutien de Malte à une plateforme de médiation concertée, dirigée par des acteurs régionaux tels que l’Union africaine (UA) et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), et soutenue par le Conseil de sécurité et l’Envoyé personnel du Secrétaire général.

Un an après le début du conflit au Soudan, son représentant a exhorté à faire taire les armes et rejeté la responsabilité de la guerre sur l’action des Forces d’appui rapide, soutenues par les puissances régionales qui aspirent à contrôler le pays et ses richesses.  Rien de tout cela ne serait arrivé si les Émirats arabes unis, « parrain régional du plan d’agression armée », n’avaient pas continué à fournir un soutien militaire et logistique à la rébellion.  Le Soudan a fourni des preuves claires au Conseil de sécurité dans sa plainte contre les Émirats arabes unis, appuyée par le rapport du Groupe d’experts du Comité des sanctions issu de la résolution 1591 (2005).  « De fait, les agissements des Émirats arabes unis sont la véritable cause du déséquilibre actuel, qui n’est pas en faveur de nos forces armées au Darfour », a reconnu le délégué. 

Évoquant les 267 cas de viol commis par les Forces d’appui rapide à Gedaref, Sennar et Sinja, il a justifié la décision des autorités soudanaises de déclarer les Forces d’appui rapide en tant qu’organisation terroriste.  Un an après le déclenchement de cette guerre contre le Soudan, son peuple, « ses femmes, ses filles, ses garçons et son destin », nous n’avons qu’une seule revendication principale, celle d’appeler les parrains de l’agression par leur nom ».  Le Conseil de sécurité doit selon lui prendre des mesures pratiques en condamnant « cette partie qui fournit les armes et aggrave la situation ».  Le représentant s’est inquiété que les milices utilisent les hôpitaux pour utiliser les matières radioactives qui s’y trouvent et occupent le centre des déchets radioactifs de Soba ainsi que le Centre national de contrôle nucléaire et radiologique. 

En ce qui concerne la conférence de Paris, le délégué a noté que les pays et organisations qui y ont participé ont exprimé leurs préoccupations face à la guerre d’agression au Soudan et la situation humanitaire qui en résulte.  Néanmoins, cette rencontre visait selon lui à isoler le Soudan, les États agresseurs étant invités et l’État victime étant exclu.  De même, le non-respect par les Forces d’appui rapide de leurs engagements de mettre en œuvre la Déclaration de Djedda constitue un obstacle fondamental à l’atteinte de solutions pacifiques.  Le Président du Conseil de souveraineté Al-Burhan a néanmoins rencontré à deux reprises le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’UA pour l’assurer de sa coopération à toute mesure susceptible de contribuer à faire taire les armes.  Les tentatives d’exploiter l’aide humanitaire pour des desseins politiques vont à l’encontre du droit international humanitaire, a rappelé le représentant. 

Selon lui, l’expérience de la « démocratie des parties prenantes » a échoué au Soudan, la démocratie décidée par les urnes étant l’objectif de la révolution de décembre 2018.  Le représentant a demandé de ne pas « internationaliser » la question soudanaise ni d’imposer des solutions de l’extérieur en ramifiant les initiatives de paix.  Les puissances régionales doivent cesser d’instrumentaliser la situation au Soudan pour des gains personnels.  En séparant les efforts visant à mettre fin à la guerre et à fournir l’aide humanitaire de ceux envers le processus politique, le Soudan cherche selon lui à coordonner une pluralité dans les initiatives de médiation. Discuter du processus politique avant d’aborder la situation humanitaire et de mettre fin au conflit constitue à ses yeux un paradoxe politique qui nuit à la réalisation de la paix. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission du désarmement achève ses travaux

SESSION DE 2024,
396E SÉANCE PLÉNIÈRE
CD/3873

La Commission du désarmement achève ses travaux

La Commission du désarmement a achevé, cet après-midi, les travaux de sa session 2024.

Selon les notes du Président, elle devait adopter à cette occasion son projet de rapport (A/CN.10/2024/L.1), ainsi que le rapport de son groupe de travail I (A/CN.10/2024/WG.I/CRP.2/Rev.1) et de son groupe de travail II (A/CN.10/2024/WG.II/CRP.1/Rev.1).

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse n’a pas pu couvrir cette séance.)   

 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.