Avec une augmentation de 50% des violences sexuelles dans les conflits en 2023, les appels se multiplient au Conseil de sécurité contre le trafic d’armes
« Nous nous rencontrons à un moment où la recherche de la paix et de l’égalité des sexes est redevenue un acte radical », a déclaré au Conseil de sécurité la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, à l’entame du débat public sur le thème « Prévenir les violences sexuelles liées aux conflits par la démilitarisation et la maîtrise des armements tenant compte des questions de genre ». Lors de la séance organisée par la présidence de Malte au titre de la question intitulée « Les femmes et la paix et la sécurité », Mme Pradmilla Patten a fait état d’une recrudescence spectaculaire de plus de 50% de ce type de violences en 2023. Ce pic a été jugé d’autant plus affligeant qu’il concerne de façon disproportionnée les femmes et les filles qui représentent 95% des cas vérifiés par les Nations Unies, que ce soit en République démocratique du Congo, au Moyen-Orient, en Ukraine, au Soudan, en Haïti et ailleurs.
La fondatrice et Présidente de l’ONG Darfur Women Action Group, Mme Niemat Ahmadi, est venue témoigner et mettre un visage humain sur la question, en tant que survivante du génocide du Darfour. Ce Conseil ne peut pas rester muet alors que des actes inhumains continuent d’avoir lieu en toute impunité, a-t-elle lancé, précisant que le taux de violence sexuelle actuellement observé au Soudan n’aurait jamais été atteint sans la prolifération des armes.
Le rapport du Secrétaire général dont était saisi le Conseil aujourd’hui donne un aperçu global des incidents et des tendances de la violence sexuelle liée aux conflits dans 21 situations préoccupantes, et comprend, pour la première fois, une section consacrée à Israël et au Territoire palestinien occupé. Il fait état de 3 688 cas vérifiés par l’ONU commis au cours de l’année 2023. Dans la réalité, a reconnu Mme Patten, les chiffres sont beaucoup plus élevés. Pour chaque survivante qui se manifeste, beaucoup d’autres sont réduites au silence par les pressions sociales, la stigmatisation, l’insécurité, la pénurie de services et les perspectives limitées de justice.
Le rapport cite 58 parties soupçonnées de s’être livrées de façon systématique à des viols ou à d’autres formes de violence sexuelle, ou d’être responsables de tels actes, dans des situations de conflit armé dont le Conseil de sécurité est saisi. Plus de 70% des parties figurant sur cette liste, en majorité des acteurs non étatiques, sont inscrites depuis cinq ans ou plus sans avoir pris de mesures correctives nécessaires, a déploré la Représentante spéciale avant de demander plus de cohérence avec les mesures imposées par les régimes de sanctions des Nations Unies. « Nous devons envisager l’introduction d’un critère de désignation lié aux violences sexuelles dans les régimes de sanctions n’en comportant pas, lorsque cela est pertinent », a appuyé la France. Comme Mme Patten, plusieurs délégations ont recommandé d’utiliser ces outils pour arrêter le flux d’armes qui tombent entre les mains des auteurs de violences sexuelles, « le moyen le plus direct et le plus efficace de désarmer l’arme du viol et, en fin de compte, de prévenir et d’éradiquer ces crimes ».
Partageant cette analyse, l’Ambassadrice de bonne volonté de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes) a blâmé neuf années consécutives de hausse des dépenses militaires, qui atteignent désormais un niveau record de plus de 2 400 milliards de dollars. Les auteurs de violences sexuelles dans les théâtres de conflit sont tous armés jusqu’aux dents, violant de manière flagrante les embargos applicables, a dénoncé Mme Daina Gurirra. Pourquoi a-t-on l’impression que les choses empirent, alors même que l’ONU a intensifié ses efforts pour lutter contre ce phénomène?
Et quid de l’impunité? La perception selon laquelle les violences sexuelles sont un « butin » ou une conséquence inévitable de la guerre semble dissuader diverses structures de véritablement demander des comptes aux auteurs de violations, s’est indignée Mme Gurirra. Pourtant, quand rien n’est fait, ces crimes font reculer à la fois la cause de l’égalité des sexes et celle de la paix, a mis en garde la Représentante spéciale qui a toutefois noté que l’élan récent des processus de justice transitionnelle offre quelques lueurs d’espoir. À ce sujet, le Guyana a demandé que les violences sexuelles soient exclues des dispositions relatives à l’amnistie et à l’immunité.
Comme la plupart des membres du Conseil, dont la Sierra Leone et le Mozambique, Mme Patten a plaidé en faveur d’une action ciblée pour freiner le flux d’armes en garantissant des stratégies de désarmement, de démobilisation et de réintégration et de réforme du secteur de la sécurité tenant compte de la dimension de genre. Pour atténuer les risques que les transferts d’armes et la prolifération des armes illicites font peser sur les femmes, une coopération internationale solide et l’adhésion au Traité sur le commerce des armes sont nécessaires ont estimé la République de Corée et le Guyana. Le Conseil de sécurité et les organisations régionales devraient aussi intensifier leurs efforts pour tirer parti des cadres de désarmement et des mécanismes des Nations Unies, en particulier dans la perspective de la quatrième Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre, ont-ils fait valoir.
Mettant en avant le caractère pionnier du programme pour les femmes et la paix et la sécurité et ses trois piliers que sont la prévention, la protection et la participation, la Suisse a souligné que ces piliers peuvent être renforcés davantage par le désarmement et la maîtrise des armements. Le Royaume-Uni a indiqué mener des actions visant à renforcer la réponse mondiale à ce fléau, comme la création l’an dernier de l’Alliance internationale pour la prévention des violences sexuelles en période de conflit. Vingt-six États Membres ont rejoint cette initiative, dont des gouvernements, des organismes multilatéraux, des survivantes et des organisations de la société civile, ainsi que la Cour pénale internationale (CPI).
LES FEMMES ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ: PRÉVENIR LES VIOLENCES SEXUELLES LIÉES AUX CONFLITS PAR LA DÉMILITARISATION ET LA MAÎTRISE DES ARMEMENTS TENANT COMPTE DES QUESTIONS DE GENRE S/2024/292, S/2024/311
Déclaration
Mme PRAMILA PATTEN, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a dressé un bilan alarmant de la situation actuelle où les progrès en matière d’égalité des sexes sont réduits à néant, alors même que la militarisation est financée à des niveaux sans précédent. Les ressources mondiales sont utilisées pour alimenter les flammes des conflits, alors que les femmes et les enfants meurent de faim; les dépenses militaires sont montées en flèche, alors que les budgets d’aide humanitaire ont été réduits; et les armes continuent de tomber entre les mains des auteurs de conflits, alors que la grande majorité des victimes restent les mains vides en termes de réparations et d’indemnisation.
« Nous nous rencontrons à un moment où la recherche de la paix et de l’égalité des sexes est redevenue un acte radical », a lancé Mme Patten en martelant que la tâche essentielle et existentielle à laquelle il faut s’atteler est de faire taire les armes et d’amplifier les voix des femmes en tant que groupe critique pour la paix. Pourtant, en ce moment même, au Soudan et en Haïti, des femmes et des jeunes filles sont brutalisées et terrorisées par des violences sexuelles commises sous la menace d’une arme. En Afghanistan, l’agression systématique contre les femmes et leurs droits, et l’effacement de ces derniers, détruisent des vies et des moyens de subsistance. Deux ans après l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, a-t-elle poursuivi, des milliers de femmes et de filles déplacées et réfugiées courent un risque accru de devenir les proies de trafiquants. Au Moyen-Orient, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par les effusions de sang, les déplacements, les traumatismes et la terreur: elles font partie des nombreuses victimes des attaques du 7 octobre contre Israël par le Hamas, et elles représentent plus de la moitié des victimes des bombardements incessants de Gaza, qui ont détruit le système de santé, laissant les survivantes de la violence sexiste, les femmes enceintes et d’autres personnes dans un besoin désespéré sans aucun endroit où se réfugier.
Revenant au rapport dont était saisi le Conseil aujourd’hui, Mme Patten a expliqué qu’il donne un aperçu global des incidents, des schémas et des tendances de la violence sexuelle liée aux conflits dans 21 situations préoccupantes. Il fait état de 3 688 cas vérifiés par l’ONU de violences sexuelles liées aux conflits commis au cours de l’année 2023, ce qui représente une augmentation spectaculaire de 50% par rapport à l’année précédente. Ce pic est particulièrement alarmant dans un contexte mondial où l’accès humanitaire reste sévèrement restreint et limité, a-t-elle souligné ajoutant qu’en 2023, les femmes et les filles représentaient 95% des cas vérifiés. Dans 32% de ces cas, les victimes étaient des enfants, la grande majorité étant des filles (98%). Dans 21 cas, les victimes étaient issues de la communauté LGBTQI. Si le rapport fait état de la gravité et de la brutalité des incidents rapportés et vérifiés par les Nations Unies, il ne prétend pas refléter l’ampleur ou la prévalence mondiale de « ce crime chroniquement sous-déclaré et historiquement caché », a tenu à préciser la Représentante spéciale en affirmant que pour chaque survivante qui se manifeste, beaucoup d’autres sont réduites au silence par les pressions sociales, la stigmatisation, l’insécurité, la pénurie de services et les perspectives limitées de justice. Près de la moitié des cas vérifiés par l’ONU présentés dans le rapport (43%) l’ont été dans des contextes où des conseillers à la protection des femmes ont été déployés. En 2023, le premier conseiller au niveau régional a également été déployé, afin d’approfondir l’engagement avec l’Union africaine et de suivre la dynamique et les dimensions transfrontalières de la question dans la Corne de l’Afrique.
Le rapport de cette année comprend aussi, pour la première fois, une section consacrée à Israël et au Territoire palestinien occupé, a expliqué Mme Patten. À la suite des attaques du 7 octobre menées par le Hamas, elle s’est rendue en Israël où, avec son équipe, elle a pu confirmer qu’il existe des motifs raisonnables de croire que des violences sexuelles liées au conflit se sont produites dans au moins trois endroits, et que des violences sexuelles ont été commises à l’encontre de personnes prises en otage et qu’elles pourraient toujours se poursuivre. En ce qui concerne la Cisjordanie occupée, selon des informations vérifiées par les Nations Unies, l’arrestation et la détention de femmes et d’hommes palestiniens par les forces de sécurité israéliennes, à la suite des attaques du 7 octobre, ont souvent été accompagnées de mauvais traitements, y compris de formes de violence sexuelle. Des allégations similaires ont été formulées à Gaza. Ces constats ne justifient ni ne légitiment en aucune façon la poursuite des hostilités, a fait valoir Mme Patten, se faisant l’écho des appels lancés par le Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu humanitaire.
En ce qui concerne les tendances mondiales, le rapport montre comment la violence sexuelle a réduit l’accès des femmes aux moyens de subsistance et l’accès des filles à l’éducation, dans un contexte de déplacements internes et transfrontaliers d’une ampleur record. La Représentante spéciale a cité plusieurs exemples à cet égard. Par ailleurs, le rapport énumère 58 parties qui sont soupçonnées de manière crédible d’avoir commis ou d’être responsables de schémas de violence sexuelle dans des situations inscrites à l’ordre du jour de ce Conseil, la grande majorité d’entre elles étant des acteurs non étatiques. Plus de 70% des parties figurant sur cette liste sont des « auteurs persistants », ce qui signifie qu’ils figurent sur la liste depuis cinq ans ou plus sans avoir pris les mesures correctives nécessaires, a-t-elle souligné avant d’arguer qu’il est essentiel d’assurer la cohérence entre la liste des parties impliquées et les mesures imposées par les régimes de sanctions des Nations Unies. Nous devons utiliser ces outils pour arrêter le flux d’armes entre les mains des auteurs de violences sexuelles, a-t-elle demandé y voyant le moyen le plus direct et le plus efficace de désarmer l’arme du viol et, en fin de compte, de prévenir et d’éradiquer ces crimes. En ce qui concerne l’accès à la justice, beaucoup trop d’auteurs de violences sexuelles en temps de guerre sont encore en liberté, tandis que les femmes et les jeunes filles vivent dans la peur. Quand rien n’est fait, ces crimes font reculer à la fois la cause de l’égalité des sexes et celle de la paix, a mis en garde la Représentante spéciale tout en concédant que l’élan récent des processus de justice transitionnelle offre quelques lueurs d’espoir.
S’agissant de la marche à suivre, Mme Patten a repris les recommandations du rapport notamment une action ciblée pour freiner le flux d’armes en garantissant des stratégies de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) et de réforme du secteur de la sécurité (RSS) tenant compte de la dimension de genre, grâce à un contrôle efficace, à la responsabilisation, à la vérification des antécédents, à la formation, aux codes de conduite et aux efforts visant à intégrer l’égalité entre les hommes et les femmes dans leur travail.
Mme NIEMAT AHMADI, fondatrice et Présidente de l’ONG Darfur Women Action Group, a rappelé qu’en tant que survivante du génocide du Darfour, elle avait fondé cette organisation en 2009 afin de renforcer les capacités des survivantes au Soudan et au sein de la diaspora, et pour éviter de nouvelles atrocités. Selon elle, le cycle de violence au Soudan démontre un non-respect total du droit international et pourrait être qualifié de crime de guerre, de crime contre l’humanité et même de génocide. Le viol et d’autres violences basées sur le genre sont des éléments clefs de la guerre au Soudan, a-t-elle déploré, notant aussi que la violence cible surtout les femmes des groupes ethniques Massalit, Four et Zaghawa. Certaines femmes ont entendu leurs agresseurs dire qu’elles devraient s’estimer heureuses de « donner naissance à un enfant arabe », a-t-elle rapporté. Un témoignage qui m’a particulièrement choquée, a-t-elle confié, est celui de Noura qui, à seulement 12 ans, a subi un viol collectif, la laissant dans un état critique. Afin de survivre, a expliqué Mme Ahmadi, sa famille a dû prendre une décision cruelle: lui procurer des soins ou bien nourrir ses jeunes frères et sœurs. En l’apprenant, Noura, en larmes, a dit à sa mère qu’elle ne souhaitait plus vivre. Ce sont des choix qu’aucune famille ne devrait avoir à faire et qu’aucun enfant ne devrait subir, a déploré l’activiste en notant que l’histoire de Noura est semblable à des centaines d’autres au Soudan.
Les femmes et les filles ont été violées à de nombreuses reprises, parfois devant leurs pères, leurs maris, leurs fils, dans le but de briser leur volonté et de détruire leur dignité, a indiqué Mme Ahmad. Ces femmes et ces filles n’ont accès à aucune protection, assistance humanitaire ou médicale, et n’ont nulle part où aller pour demander de l’aide, a-t-elle dit. De plus, la peur des représailles fait que beaucoup de survivantes n’osent pas témoigner. Ce Conseil ne peut pas rester muet alors que les actes inhumains que je viens de décrire continuent d’avoir lieu en toute impunité, a-t-elle lancé, précisant que le taux de violence sexuelle que nous observons actuellement au Soudan n’aurait jamais été atteint sans la prolifération des armes. Mettre fin à l’impunité au Soudan pour tous les crimes, actuels et passés, y compris les crimes contre les femmes, doit être une priorité pour le Conseil de sécurité si nous voulons obtenir une paix durable au Soudan, a-t-elle demandé. Elle a appelé le Conseil à exhorter toutes les parties prenantes à mettre fin immédiatement à tous les actes de violence sexuelle et fondée sur le genre, et faire en sorte que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes. Elle a souhaité que les droits des femmes soient au cœur de toute procédure de responsabilité pénale, et que le Conseil exige la participation entière, égale, sûre et significative des femmes soudanaises à tous les efforts de désescalade, de consolidation de la paix, d’aide humanitaire, de justice et de responsabilisation, ainsi qu’aux processus politiques relatifs à l’avenir du Soudan.
Mme DAINA GURIRRA, Ambassadrice de bonne volonté de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), s’est déclarée choquée de constater à quel point les crimes visant les enfants et les femmes se sont multipliés à travers le monde. Le rapport à l’examen aujourd’hui couvre 25 situations, de la Colombie à l’Ukraine, en passant par Israël et le Territoire palestinien occupé, Haïti, la RDC, l’Éthiopie, la République centrafricaine et le Soudan. Elle a blâmé neuf années consécutives de hausse des dépenses militaires, qui atteignent désormais un niveau record de plus de 2 400 milliards de dollars. Les perpétrateurs de violences sexuelles dans les théâtres de conflit sont tous armés jusqu’aux dents, violant de manière flagrante les embargos applicables, a dénoncé l’intervenante. « Nous entendons parler de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Mais les armes continuent pourtant d’affluer », a-t-elle fait observer. Pourquoi a-t-on l’impression que les choses empirent, alors même que l’ONU a intensifié ses efforts pour lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits au cours des 15 dernières années?
Si l’on prend en compte l’aide bilatérale totale à l’appui des organisations et mouvements de défense des droits des femmes dans les pays touchés par des conflits, a relevé Mme Gurirra, nous n’arrivons même pas à 150 millions de dollars pour la dernière année pour laquelle nous disposons de données. Autrement dit, moins de 0,01% du montant mentionné pour les dépenses militaires mondiales. Le problème, a-t-elle analysé, n’est pas seulement que nous avons besoin de davantage de financement pour les organisations de femmes et les services destinés aux survivantes de violences sexuelles dans les zones de conflit. Inverser la trajectoire ascendante des dépenses militaires serait en premier lieu un moyen de réduire le nombre de victimes ayant besoin d’aide, a observé l’Ambassadrice. Œuvrer au contrôle des armements et la gestion des munitions contribuerait également à prévenir les violences sexuelles liées aux conflits, a-t-elle insisté.
L’autre question qui l’a interpellée est l’impunité. La perception selon laquelle les violences sexuelles sont un butin ou une conséquence inévitable de la guerre semble dissuader diverses structures de véritablement demander des comptes aux auteurs de violations, a noté l’intervenante. Elle a tenu à s’adresser aux gouvernements qui permettent que cela se produise à l’intérieur de leurs frontières: « Si vous refusez de protéger les plus vulnérables, mais permettez que leurs corps constituent le butin de vos conflits politiques, vous devriez en être tenus pour responsables. Et vous ne devriez pas exercer de leadership », a-t-elle tranché.
Malgré tous les efforts déployés depuis 20 ans, la vérité honteuse, c’est que presque tous les auteurs de violences ont encore le sentiment de pouvoir s’en tirer sans problème, et que l’écrasante majorité des survivantes ne demandent même jamais justice, car la justice est rarement là pour elles. « Jusqu’à ce que nous disions clairement que le viol a des conséquences – des conséquences réelles et désastreuses, nous ne parviendrons jamais à inverser la tendance », a assuré l’Ambassadrice. Elle a donc demandé aux États Membres présents dans cette salle et où se produisent ces atrocités, dont les propres soldats perpétuent ces violences, s’il s’agit d’un mécanisme par défaut en situation de conflit? Mener vos guerres sur les corps des plus vulnérables est-ce une tactique de guerre? Qu’est-ce qui est fait, réellement fait, pour prévenir cela, pour rendre justice? Vous devez répondre à ces questions et « à la jeune fille éthiopienne qui ignore si elle passera la semaine sans être ligotée à un arbre ».
M. CHRISTOPHER FEARNE, Vice-Premier Ministre de Malte, a reconnu que la prolifération de plus d’un milliard d’armes légères et de petit calibre à l’échelle mondiale alimente le terrorisme, le crime organisé et les conflits. Elle contribue directement aux violences sexuelles liées aux conflits en République Démocratique du Congo, en Haïti, en Libye, au Mali, au Myanmar, au Soudan et au Soudan du Sud. Les défenseurs des femmes doivent montrer l’exemple en réduisant les dépenses militaires et en arrêtant les exportations d’armes vers les zones de conflit. Malte a été l’un des premiers signataires du Traité sur le commerce des armes (TCA), a rappelé le Vice-Premier Ministre, avant d’exhorter tous les États restants à signer, ratifier et pleinement mettre en œuvre le TCA.
L’appel de l’Union africaine à faire taire les armes mérite d’être pleinement appuyé, a poursuivi M. Fearne. Pourtant, au Soudan, les livraisons illicites d’armes et les réseaux de financement sont impliqués dans les violences sexuelles systématiques contre les femmes et les filles, en violation flagrante de l’embargo sur les armes. Alors que nous marquons le premier anniversaire de ce conflit, aucune nouvelle entité n’a été répertoriée, malgré les signalements du Groupe d’experts. Plus de 70% des parties répertoriées dans le rapport du Secrétaire général ont éludé toute responsabilité depuis des années, a encore déploré le Vice-Premier Ministre. En Israël et en Palestine, tous les actes de violence sexuelle doivent être condamnés et les responsables doivent rendre des comptes. En Afghanistan, M. Fearne a condamné la persécution systématique des Taliban et les niveaux effroyables de violences sexuelles et sexistes. C’est pourquoi Malte soutient la codification de « l’apartheid de genre » qui permettrait aux victimes et aux survivantes de tenir pour responsables les auteurs de la totalité des crimes commis. En outre, les comités des sanctions de l’ONU devraient intégrer la violence sexiste en tant que critère autonome.
Pour la représentante de la Suisse, le caractère pionnier du programme pour les femmes et la paix et la sécurité réside dans l’union des trois piliers que sont la prévention, la protection et la participation. Non seulement ces piliers se renforcent mutuellement, mais ils peuvent aussi être renforcés par le désarmement et la maîtrise des armements. Et cela peut se faire en prévenant le commerce illégal et l’utilisation abusive d’armements, qui alimentent la violence en général et la violence basée sur le genre en particulier. Au niveau national, elle a appelé à intégrer le désarmement et la maîtrise des armements dans les plans d’action 1325, recommandant aussi d’intégrer une approche basée sur le genre dans les stratégies de désarmement.
La prévention de la violence et l’éradication des violences basées sur le genre sont aussi entravées par la persistance de normes sociales discriminatoires, bien souvent liées à des modèles de masculinité néfastes qui lient l’exercice du pouvoir au port d’armes, a poursuivi la déléguée. Elle a conseillé dans ce contexte d’augmenter la participation des femmes aux processus décisionnels dans les forums traitant du désarmement, du contrôle et du commerce des armes. Cela concerne aussi la gestion des nouvelles armes ainsi que l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur de l’armement, a-t-elle ajouté. Les embargos sur les armes ne sont pas suffisamment respectés et mis en œuvre, a regretté la représentante. Selon elle, il est urgent que tous les exportateurs d’armes et de munitions mettent en œuvre leur devoir de diligence en y intégrant une perspective de genre comme prévu notamment par le Cadre mondial pour la gestion des munitions classiques au long de leur cycle de vie.
Le représentant de la République de Corée est revenu sur l’augmentation alarmante du nombre de cas de violences sexuelles en situation de conflit en 2023, d’autant plus que ces chiffres sont probablement largement sous-estimés. Il a pointé les situations en Israël, à Gaza, au Soudan et ailleurs avant d’exprimer sa préoccupation face aux effets disproportionnés de ce type de violence sur les femmes et les filles. Alors que la prolifération illicite des armes légères et de petit calibre ne fait qu’accélérer ce fléau, le représentant a appelé chaque État Membre à mettre pleinement en œuvre le Traité sur le commerce des armes. À ce titre, il les a encouragés à intégrer la perspective de genre dans les activités de maitrise des armes. Il a également appelé à garantir la pleine participation des femmes à la prise de décisions dans tous les processus de désarmement et de paix, et à tous les niveaux, pour faire d’elles des acteurs politiques.
La représentante de la Sierra Leone a expliqué que pour avoir fait l’expérience directe de l’impact dévastateur de la violence sexuelle liée aux conflits sur les personnes et les communautés, la Sierra Leone reste déterminée à se joindre aux efforts proactifs visant à prévenir cette forme de violence par le biais de la démilitarisation et d’un contrôle des armes en tenant compte du genre. Prenant note avec inquiétude des listes en annexe du rapport du Secrétaire général des parties soupçonnées de manière crédible d’avoir commis des viols ou d’autres formes de violence sexuelle dans des situations de conflit armé qui sont à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, ou d’en être responsables, elle a appelé tous les États Membres à mettre fin aux transferts d’armes lorsqu’il existe un risque substantiel qu’elles soient utilisées pour « commettre ou faciliter des actes graves de violence à l’encontre des femmes et des enfants au Soudan et dans toutes les situations de conflit ».
La déléguée a insisté sur la nécessité pour les acteurs étatiques et non étatiques engagés dans un conflit de se conformer à leurs obligations en vertu du droit international pour protéger les civils contre les violences sexuelles et sexistes. Elle a exhorté tous les États Membres et les partenaires à renforcer leur coopération, notamment dans le cadre du Traité sur le commerce des armes et du Programme d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects. À cet égard, elle a préconisé des mécanismes de responsabilisation plus solides, y compris des actions judiciaires, à l’encontre des personnes dont il est prouvé qu’elles ont commis des actes de violence sexuelle et sexiste, ainsi que la mise en place de mécanismes de réparation pour les victimes. Les mécanismes de contrôle des armes et de désarmement devraient rechercher la participation active des survivants de la violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle liée aux conflits, en tant que parties prenantes essentielles.
Le représentant du Japon s’est dit profondément préoccupé par les conclusions du dernier rapport du Secrétaire général qui souligne les niveaux accrus de violences sexuelles liées aux conflits, alimentés par la prolifération des armes et la militarisation accrue. Nous devons, a-t-il concouru, améliorer la prévention de ce phénomène en intégrant ce sujet dans le contrôle des armements et les cadres de désarmement, tout en exploitant les mécanismes et outils connexes de l’ONU. Le Japon, a-t-il souligné, est un État partie au Traité sur le commerce des armes (TCA) depuis son entrée en vigueur en 2014. Le traité exige des États parties qu’ils évaluent le risque que les exportations d’armes soient utilisées pour commettre de graves actes de violence fondée sur le genre. Le Japon a donné la priorité à l’universalisation de ce traité et réitère son appel aux États non parties à adhérer au TCA. Pour réduire le risque que les transferts d’armes et les armes illicites soient utilisées pour commettre des violences sexuelles, le représentant a préconisé de renforcer la coopération internationale à travers des cadres tels que le Diversion Information Exchange Forum, un organe du TCA où sont échangées des informations sur les transferts d’armes illicites.
Le représentant de la Chine a encouragé la communauté internationale à adopter une approche intégrée en réponse au phénomène de la violence sexuelle dans les conflits. Pour sa délégation, toutes les formes de violence sexuelle doivent être combattues, et il faut également renforcer l’état de droit, punir les auteurs de violences sexuelles et lutter contre l’impunité. Il a observé que les auteurs de violations sont souvent des organisations terroristes inscrites sur les listes de sanctions du Conseil de sécurité, raison pour laquelle les mesures applicables doivent être mises en œuvre par les États Membres. Mais les causes profondes de ces violences doivent être également prises en compte, a souligné le représentant, pour qui la mise en œuvre des objectifs de développement durable et la promotion de l’égalité hommes-femmes doivent être accélérées, afin de créer des sociétés épanouissantes pour tous. Le délégué chinois a conclu en dénonçant le conflit qui fait rage à Gaza, lequel a causé la mort de 10 000 femmes en l’espace de six mois, avant d’exhorter à donner effet à la résolution 2728 (2024).
La représentante de l’Algérie a rappelé que, 24 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000), des retards inacceptables sont constatés dans la mise en œuvre de ses dispositions. Pour sa part, son pays, a-t-elle annoncé, s’est doté d’un plan d’action national en juillet 2023, dont le but est de réaliser les objectifs de cette résolution et d’encourager la participation des femmes aux secteurs sécuritaire et militaire, y compris en y occupant des postes à responsabilité. Pour la déléguée, il faut dépasser le système des quotas et le remplacer par un système équilibré où femmes et hommes seraient sur un pied d’égalité. C’est ce que s’efforce de faire l’Algérie, en bâtissant une société inclusive et juste, où chacun a sa chance à part égale. Dans le secteur de la santé, a précisé la représentante, les femmes forment aujourd’hui plus de 50% des personnels, reflétant la volonté de son gouvernement d’assurer la représentation des femmes à tous les niveaux. Elle a, en conclusion, attiré l’attention sur le sort tragique des Palestiniennes, dont les droits sont bafoués depuis le 7 octobre, de même que ceux des enfants palestiniens, a souligné la déléguée, en exigeant que cette situation prenne fin.
Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que la contribution de l’ONU à la résolution du problème de violence sexuelle contre les femmes est considérablement limitée du fait de la Représentante spéciale du Secrétaire général, Mme Pramilla Patten, « qui a transformé un mandat important, faisant des déclarations de nature politique et usant de mensonges purs et simples et de manipulations ». Il a pris exemple sur la section du rapport dédiée à l’Ukraine. Il a relevé que les données sont tirées de rapports de l’équipe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Ukraine. Une équipe travaillant sous le contrôle de Kiev, a-t-il affirmé. Toute allégation contre des États ou des parties en conflit dans le rapport doit être fiable, basée sur des faits confirmés et tirée de sources soumises à vérification, a-t-il souligné. Il a rappelé que l’an dernier, la Russie avait demandé des données pouvant aider à vérifier les informations l’incriminant. Une demande restée sans suite. Cette année, a-t-il regretté, la Représentante spéciale n’a même pas envoyé à la Russie la partie du rapport la concernant pour commentaire. Le délégué a rejeté fermement les insinuations contenues dans le rapport.
En ce qui concerne le commerce illicite d’armes légères et de petit calibre, le représentant a invité le Conseil à ne pas fermer les yeux sur le fait que des armes parviennent aux terroristes par l’intermédiaire de groupes criminels ou directement par ceux qui les fournissent en quantités énormes partout dans le monde. Il a évoqué des armes et équipements abandonnés par les États-Unis et l’OTAN en Afghanistan et qui sont aujourd’hui utilisés par des terroristes, dont Daech, en Asie du Sud et en Afghanistan même. De même, les armes fournies par les Occidentaux au « régime de Kiev » se retrouvent entre les mains de criminels et groupes terroristes en Europe et en Afrique. Il est nécessaire de trouver des solutions au problème, sans politisation ni « deux poids, deux mesures », a-t-il plaidé.
La représentante des États-Unis a rappelé que cela fait 10 ans que Boko Haram a enlevé des jeunes femmes au Nigéria dont un tiers sont toujours portées disparues. Pour sa délégation, davantage doit être fait pour combattre cette épidémie de violences sexuelles dans le contexte des conflits et aider les survivantes. La déléguée a commencé par souligner la nécessité de faire rendre des comptes aux auteurs de tels actes, en préconisant des mécanismes de redevabilité plus solides. Son pays s’investit à cet égard par le biais de différentes agences gouvernementales, notamment en aidant la Police nationale d’Haïti pour qu’elle puisse enquêter sur les cas de violence sexuelle commis par des gangs, ou les autorités ukrainiennes à faire de même pour les crimes sexuels imputables aux soldats russes dans le cadre du conflit en cours. Mais au-delà de la lutte contre l’impunité, nous devons prévenir ce type de violences, a souligné la représentante, pour qui il faut se concentrer sur le trafic d’armes conventionnelles et de munitions, un problème systémique qui se pose d’Haïti à la République démocratique du Congo (RDC).
Le représentant du Mozambique a fait remarquer que les violences sexuelles dans les conflits sont des crimes évitables et punissables, plaidant pour que leurs auteurs soient tenus pour responsables. Reconnaissant que cette violence est alimentée par plusieurs facteurs, dont la prolifération des armes et la militarisation accrue, le délégué a invité à réfléchir à la dynamique de genre dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des initiatives et des politiques de contrôle des armes. L’expérience du Mozambique a montré que la participation des femmes aux processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) peut contribuer à la justice et à la construction de la paix, a-t-il indiqué. En outre, on s’est rendu compte que les initiatives visant à lutter contre ces violences doivent encourager la participation des femmes aux processus de paix et à la prise de décisions, s’attaquer aux causes profondes des conflits et renforcer les systèmes judiciaires.
Le délégué a aussi reconnu les mérites des initiatives internationales et régionales pour traiter et prévenir les violences sexuelles liées aux conflits, ainsi que pour contrôler les armes dans la mesure où elles permettent de coordonner les actions des pays de la région. À ce titre, il a rappelé que le continent africain dispose d’un cadre visant à prévenir la prolifération des armes légères et de petit calibre ainsi que la violence sexuelle et sexiste, notamment le traité de l’Union africaine (UA) sur le commerce des armes (2013), la campagne de l’UA sur la prévention et la réponse à la violence sexuelle et sexiste (2019) et le réseau de l’UA sur le genre et la consolidation de la paix (2018).
La représentante du Royaume-Uni a déclaré que la violence sexuelle dans les conflits n’est pas une conséquence inévitable de la guerre, estimant qu’un contrôle efficace des armes conventionnelles peut jouer un rôle essentiel dans la prévention de telles violences. Le Plan d’action britannique pour les femmes et la paix et la sécurité souligne l’importance du contrôle des armements, a-t-elle souligné, affirmant qu’une réforme du secteur de la sécurité sensible à la question du genre contribuerait aussi à garantir que ceux qui portent des armes ne s’en servent pas pour commettre des violences sexuelles liées au conflit. Le Royaume-Uni mène en outre des actions visant à renforcer la réponse mondiale à ce fléau, par exemple en créant l’an dernier l’Alliance internationale pour la prévention des violences sexuelles dans les conflits. Vingt-six États Membres ont rejoint cette initiative, dont des gouvernements, des organismes multilatéraux, des survivantes et des organisations de la société civile, ainsi que la Cour pénale internationale (CPI). Grâce à cette Alliance, nous favorisons une coordination internationale plus forte pour apporter un soutien aux survivantes, s’est enorgueillie la représentante. Aussi a-t-elle appelé les membres du Conseil à mettre en œuvre les recommandations de ce rapport et à jouer leur rôle pour mettre fin une fois pour toutes à ces actes odieux.
La représentante de la France a relevé l’introduction dans le rapport annuel d’une section sur Gaza et sur la Cisjordanie. Elle a réitéré sa condamnation dans les termes les plus forts des attaques terroristes et des violences sexuelles commises par le Hamas et d’autres groupes terroristes le 7 octobre. « Nous condamnons dans les termes les plus forts les viols utilisés comme armes de guerre, partout où ils sont commis », a-t-elle insisté. Il est essentiel que la lumière soit faite sur toutes les violences sexuelles, où que celles-ci soient commises. Elle a également relevé que, comme l’année dernière, le rapport annuel fait état du recours répété des forces russes aux violences sexuelles, y compris au viol, dans la guerre contre l’Ukraine. Notant que le débat met l’accent sur le trafic et la dissémination des armes légères et de petit calibre, qui sont utilisées dans l’écrasante majorité des cas de violences sexuelles liées aux conflits, la représentante a appelé les États à respecter strictement leurs obligations internationales à cet égard.
Le Conseil doit continuer d’agir concrètement pour mettre en œuvre le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, a fait valoir la représentante: en luttant contre l’impunité; en soutenant les victimes survivantes; en mettant sous sanctions les auteurs de violences sexuelles liées aux conflits. Elle a ainsi recommandé de soutenir les autorités nationales afin que les législations sanctionnent les crimes sexuels et que les victimes puissent avoir accès à la justice. Il faut ensuite garantir l’accès des victimes à des services de santé essentiels, dont les services de santé sexuelle et reproductive, y compris l’accès à la contraception d’urgence et aux soins complet d’avortement. La France soutient ainsi le Fonds mondial pour les survivants de violences sexuelles liées aux conflits à hauteur de 14,2 millions d’euros. Enfin, elle est favorable au renforcement de l’expertise des panels d’experts des comités de sanctions et au fait de prendre davantage en compte l’annexe du rapport annuel du Secrétaire général dans les travaux de ces comités. « Nous devons envisager l’introduction d’un critère de désignation lié aux violences sexuelles dans les régimes de sanctions n’en comportant pas, lorsque cela est pertinent », a conclu la représentante.
La représentante de Guyana a souligné l’importance d’une participation pleine, égale et significative des femmes, y compris dans la prise de décisions, à tous les niveaux des processus politiques et de consolidation de la paix, ainsi que dans les efforts de désarmement, de non-prolifération et de contrôle des armes. Le Conseil de sécurité et les organisations régionales doivent intensifier leurs efforts pour tirer parti des cadres de désarmement et des mécanismes des Nations Unies, a-t-elle estimé, en particulier dans la perspective de la quatrième Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre. L’intégration de la dimension de genre dans les discussions sur le désarmement peut, selon la déléguée, renforcer la prévention de la violence sexuelle et sexiste en veillant à ce que les solutions soient à la fois globales et efficaces. Elle a encouragé le Conseil de sécurité à utiliser tous les outils à sa disposition pour lutter contre ce problème, notamment lors du renouvellement des mandats des opérations de paix qui devraient comprendre des dispositions opérationnelles et des mesures de contrôle des armements et de désarmement visant à prévenir et à combattre les violences sexistes et sexuelles; mais aussi dans le cadre du retrait de certaines opérations. La déléguée a également fait valoir que pour atténuer les risques que les transferts d’armes et la prolifération des armes illicites font peser sur les femmes, une coopération internationale solide et l’adhésion au Traité sur le commerce des armes sont nécessaires. Elle a appelé à lutter contre l’impunité qui enhardit les auteurs de violences en encourageant l’obligation de rendre des comptes, sachant que les crimes de violence sexuelle devraient être exclus des dispositions relatives à l’amnistie et à l’immunité.
Le représentant de l’Équateur a jugé essentiel qu’un plus grand nombre de femmes participent aux processus de paix et à la prise de décisions sur le contrôle des armes à feu. Il a jugé crucial que les équipes onusiennes puissent accéder aux sites de conflits afin de continuer à collecter des statistiques et donner la parole aux victimes, afin d’informer le Conseil de sécurité pour qu’il prenne les bonnes décisions. Le délégué a jugé essentiel de renforcer les actions visant à la conception de cadres de prévention de la violence sexuelle en temps de conflit. Il a aussi suggéré d’utiliser les outils et efforts politiques et diplomatiques pour parvenir à des accords définitifs de cessez-le-feu. Il a proposé l’autonomisation des victimes et leur participation pleine et sûre aux processus de construction et de consolidation de la paix, conformément aux dispositions de la résolution 1325 (2000) et d’autres textes pertinents.
Le représentant de la Slovénie s’est dit consterné par le fait qu’entre 70 et 90% des incidents de violences sexuelles liées aux conflits impliquent des armes légères et de petit calibre. Leur transfert illicite, leur utilisation abusive, et notamment la facilité de les obtenir, continuent d’alimenter les conflits armés, notamment en RDC, au Myanmar, au Soudan et en Haïti. Pour remédier à cette situation, il a appelé les États à renforcer leur législation, ainsi que les réglementations et procédures administratives relatives au contrôle et aux transferts d’armes légères et de petit calibre et leurs munitions. Le délégué a par ailleurs constaté que les femmes restent fortement sous-représentées dans les discussions internationales sur les questions d’armement et de désarmement. Pourtant, leurs perspectives sont essentielles pour élaborer des politiques et des stratégies sensibles au genre et pour prévenir l’usage abusif des armes à des fins de violences sexuelles et sexistes, y compris dans le contexte d’un conflit, a-t-il relevé. Il a également dit être consterné par le fait que l’impunité reste la norme, contribuant ainsi à la création d’un environnement propice à la perpétration de violences sexuelles.
La représentante de la Fédération de Russie a demandé à rependre la parole pour signaler la politisation du sujet à l’ordre du jour par les États-Unis et le Royaume-Uni qui ont reconnu qu’ils mènent des enquêtes sur le territoire ukrainien sur des prétendues violences sexuelles. « Ces deux pays ne sont pas des organisations neutres mais des pays qui ont des intérêts politiques en Ukraine », a-t-elle souligné. Ces informations sont ensuite transmises à la mission d’observation de l’Ukraine qui se trouve « sous le contrôle total de Kiev », avant de figurer dans le rapport de Mme Pradmilla Patten. La représentante a constaté que dans le même temps, l’accès à Gaza est limité et que personne ne semble souhaiter comprendre ce qu’il s’y passe.
La quarantaine d’États non membres du Conseil qui ont participé à ce débat se sont joints aux vives condamnations de l’utilisation de la violence sexuelle comme arme et tactique de guerre. Ils ont souvent constaté, comme l’Allemagne, qu’il ne manque pas de normes pour réagir à cette violence, mais qu’il y a un « déficit » d’actions et de mises en œuvre. Il manque aussi une volonté politique ferme, a regretté le Népal.
Le Chili a jugé intolérable que la communauté internationale banalise ces violences en les considérant comme un dommage collatéral de la guerre ou des crises internes. Il a mis cela en perspective avec la hausse des dépenses dans l’armement militaire et le coût de maintien de l’arsenal nucléaire. À cet égard, les transferts massifs d’armes constatés ces dernières années ont interpellé les délégations, au même titre que la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC), des facteurs qui contribuent malheureusement à la violence sexuelle liées aux conflits. Les ALPC, a précisé le Bangladesh, sont liés à 70-90% des incidents de violence sexuelle liés à un conflit. Ce pays a d’ailleurs dû prendre des mesures en 1972 après sa guerre de libération pour reconnaître officiellement les 200 000 femmes et filles bangladeshies victimes de cette violence, les auteurs ayant été traduits en justice.
En outre, la tendance à faire intervenir dans les conflits des milices et des groupes militaires et de sécurité privés ne fait qu’augmenter les actes de violence sexuelle, des crimes qui, de plus, restent largement impunis, a déploré le Mexique. Face à cet état des lieux alarmant, la République dominicaine a exhorté les pays à adopter de toute urgence des stratégies pour gérer l’accès aux petites armes et pour protéger les populations vulnérables, en particulier les femmes et les enfants.
L’Andorre a rappelé à cet égard la nécessité d’appliquer la Recommandation générale n.30 du Comité de la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui prescrit aux États de réguler « vigoureusement et efficacement » le commerce des armes et de contrôler dûment la circulation des armes conventionnelles existantes et souvent illégales, afin d’éviter qu’elles ne soient employées pour commettre ou faciliter des actes graves de violence sexiste.
Du côté de l’ONU, l’Indonésie a souhaité la mise en place de synergies entre tous les processus pertinents des Nations Unies, disant préparer activement la quatrième conférence d’examen des plans d’action sur les ALPC. La question du financement des actions menées dans ce domaine a été soulevée au cours du débat, notamment par l’Union européenne qui a signalé verser 4,5 millions d’euros pour la mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC et son instrument international de traçage.
Comme autres pistes possibles pour réagir à la hausse des violences sexuelles liées à des conflits, le Maroc a dit mettre en œuvre son plan d’action « femmes, paix et sécurité », tandis que le Guatemala et les Émirats arabes unis ont recommandé d’améliorer la collecte de données, en veillant à intégrer l’aspect « genre ». Cela devrait permettre de mieux orienter les politiques publiques de prévention et de protection. Le Comité international de la Croix-Rouge, qui encourage les États Membres à collecter des données ventilées en fonction du genre, les a aussi appelés à interpréter le droit international humanitaire sous le prisme du genre.
Le recueil de preuves est également crucial, a estimé la Pologne en parlant de la violence sexuelle commise par les soldats russes dans le conflit en Ukraine. Ce pays a dit contribuer aux efforts de la Cour pénale internationale pour recueillir et préserver les preuves des crimes de guerre commis par la Russie, des efforts auxquels se joignent la Lituanie et l’Ukraine qui ont créé une équipe conjointe d’enquête.
Il a généralement été conseillé de mieux former les agents judiciaires et le personnel de sécurité, pour qu’ils puissent apporter un soutien adapté aux victimes. Dans la même veine, le Comité international de la Croix-Rouge a conseillé de nommer des conseillers spécialisés dans le genre aux postes de commandement dans l’armée. Au niveau des missions de paix de l’ONU également, plusieurs délégations ont souhaité la présence systématique de conseillers spécialisés dans la protection des femmes. La présence de femmes en uniforme a en outre été plébiscitée par l’Inde qui s’est dite fière d’avoir été le premier pays à déployer une unité de police constituée entièrement de femmes au sein de la mission de l’ONU au Libéria.
En ce qui concerne les victimes de cette violence, les participants au débat ont souligné l’importance cruciale du soutien à leur apporter. Le Canada a insisté sur l’importance de l’accès à la justice des survivants, ainsi que de la disponibilité des services de santé sexuelle et reproductive, de santé mentale et de soutien psychologique.
Au nom du Groupe restreint LGBTI, les Pays-Bas ont rappelé que le Secrétaire général avait identifié, l’an dernier dans son rapport, que les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres, les queer et les personnes intersexe courent un risque majeur de subir cette violence sexuelle dans les conflits et les déplacements qui y sont liés, un risque devenu « aigu » cette année. Le Groupe a dès lors prié tous les États Membres de revoir leurs cadres juridiques afin de gérer collectivement les besoins des survivants.
En vue de parvenir à un changement durable de comportement, certains ont mis en avant la nécessité d’impliquer les communautés locales et en particulier les hommes et les garçons. Il faut une approche holistique, a plaidé l’Afrique du Sud en prônant en amont des programmes de développement économiques et sociaux pour réduire les écarts en termes d’égalité femme-homme.
Le plan sur le long terme est de reconnaître les femmes comme agents du changement et d’augmenter leur participation aux efforts de consolidation et de maintien de la paix, de règlement des conflits et de désarmement, tout en respectant « leur dignité égale et leurs dons uniques », a visualisé le Saint-Siège. Citant le pape François, il a jugé « impératif que toutes les sociétés reconnaissent et apprécient la contribution inestimable de chaque femme ».
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)