En cours au Siège de l'ONU

Nouvelle passe d’armes au Conseil de sécurité entre la Fédération de Russie et les pays occidentaux à propos de la situation humanitaire en Syrie

8236e séance – après-midi
CS/13302

Nouvelle passe d’armes au Conseil de sécurité entre la Fédération de Russie et les pays occidentaux à propos de la situation humanitaire en Syrie

Une nouvelle séance du Conseil de sécurité consacrée à la situation humanitaire en Syrie a été l’occasion, cet après-midi, de nouveaux échanges vigoureux entre la Fédération de Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni, tandis que le représentant de la France présentait un nouveau projet de résolution proposant « une approche globale et intégrée » destinée à « recréer un espace diplomatique sur le dossier syrien ».

Convoquée à la demande de la Fédération de Russie qui souhaitait notamment parler de la situation à Raqqa, ville libérée par les forces de la coalition occidentale, et dans le camp de Roukban, proche d’une base militaire implantée en Syrie par les Américains, la séance a aussi été l’occasion pour le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, de décrire un accès toujours limité à Afrin et dans la Ghouta orientale, en violation de la résolution 2401 (2018), qui demande une cessation des hostilités d’au moins 30 jours consécutifs pour acheminer une aide humanitaire dans le pays. 

« Plutôt que de les voir appliquer la résolution 2401 (2018), nous avons vu les parties s’engager dans une intense activité militaire avec un coût humain considérable », a déploré M. Lowcock, qui a ensuite rappelé que la population de Raqqa et de Roukban représentait « seulement 1% » de la population syrienne ayant besoin d’une aide, tout en soulignant qu’il est crucial de pourvoir à leurs besoins. 

Depuis que Daech a été chassé de Raqqa, près de 100 000 personnes sont revenues dans la ville, a déclaré le Coordonnateur des secours d’urgence, qui a ensuite expliqué que la présence de restes explosifs de guerre entravait les retours et provoquait une cinquantaine de morts chaque semaine.  Il a précisé qu’après une évaluation conduite sur place le 1er avril, les agences onusiennes planifiaient l’acheminement d’aide dans la ville. 

Quant à Roukban, environ 50 000 personnes y ont besoin d’une aide humanitaire, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.  Il a ajouté que, si des ressources en eau et en soins de santé sont apportées par la Jordanie, l’aide doit encore être améliorée.  « Les agences humanitaires coopèrent avec la Russie, les États-Unis et le Croissant-Rouge arabe syrien pour l’acheminer », a-t-il dit. 

M. Lowcock a ensuite abordé la situation à Douma et dans les autres zones de la Ghouta orientale.  Rappelant qu’elles étaient sous le contrôle du Gouvernement syrien, il a affirmé qu’aucune aide n’avait pu être livrée, alors que « l’accès dans la Ghouta orientale est crucial ».  Il a, par ailleurs, fait état de livraisons de nourriture et articles de santé, facilitées par la Turquie, dans la région d’Afrin, occupée par ce pays.  Malgré ces points positifs, les agences humanitaires éprouvent des difficultés à accéder à Afrin, a-t-il fait observer.

Indiquant que les autorités syriennes avaient autorisé, le 11 avril, le déploiement de 12 membres supplémentaires du personnel de l’ONU, sur les 17 demandés, le Coordonnateur des secours d’urgence a de nouveau insisté sur l’importance d’un renforcement de la réponse humanitaire internationale. 

Le représentant de la Fédération de Russie a, lui aussi, dressé un large tableau de la situation, en mettant l’accent sur les « efforts sans précédent » déployés par son pays en coordination avec le Gouvernement syrien pour améliorer la situation dans la Gouta orientale, d’où, « après des négociations longues et tendues », les groupes armés « ont été évacués », ce qui a « évité un bain de sang ».  Il s’est en outre félicité que « près de 60 000 personnes » aient pu regagner la région. 

Il a en revanche dénoncé une « situation catastrophique » à Raqqa, où, a-t-il affirmé, la reconstruction n’a pas commencé et que les populations ont regagnée « dans la peur », avant d’ajouter que la ville n’avait reçu d’aide que très récemment, à la suite de pressions notamment de son pays.  Il a aussi parlé de « protestations contre l’occupation américaine qui n’est pas vue d’un bon œil par la population locale ».  Le représentant a par ailleurs décrit le camp de déplacés de Roukban comme « une zone grise qui viole la souveraineté syrienne ».  « Veuillez nous dire comment vous mettez en œuvre la résolution 2401 (2018) », a ensuite demandé le représentant en s’adressant aux représentants des pays occidentaux, dont il a dénoncé « l’hypocrisie ». 

La Russie ne fait que chercher « à nous détourner des atrocités commises par le régime d’Assad », a répliqué la représentante des États-Unis, qui lui a reproché « d’attirer notre attention sur une zone où le régime ne bombarde pas les civils », alors que les combats et les frappes aériennes se poursuivent ailleurs dans le pays.  Affirmant que « les interventions de la coalition » s’étaient faites « dans le respect des règles de la guerre visant à minimiser les victimes civiles, notamment à Raqqa », elle a ajouté que les convois humanitaires des Nations Unies étaient les bienvenus dans cette ville, de même qu’à Roukban ».  De même, la représentante du Royaume-Uni a accusé « certains intervenants » d’« utiliser la situation humanitaire pour soulever des questions politiques ». 

C’est un autre aspect de la situation humanitaire que les Pays-Bas ont dénoncé, faisant état de violences sexuelles envers les femmes, d’un manque de services dans les camps recevant les évacués de la Ghouta orientale, ainsi que de mauvaises conditions d’évacuation médicales vers Edleb, « pas du tout le genre d’évacuations médicales préconisé dans la résolution 2401 ». 

Alors que la totalité des membres du Conseil soulignaient la nécessité d’une solution politique, la France a présenté les grandes lignes du nouveau projet de résolution qu’elle porte avec le soutien du Royaume-Uni et des États-Unis. 

« À rebours des silos » dans lesquels les précédents textes s’enfermaient, le représentant français a défendu « une approche globale et intégrée » visant, par une « approche constructive » et un « dialogue serein », à « recréer un espace diplomatique sur le dossier syrien ».  Le projet, a-t-il expliqué, vise à obtenir des progrès essentiels en matière humanitaire, à recréer un mécanisme d’attribution des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques « pour mettre un terme définitif au programme d’arme chimique syrien » et « la tenue de négociations politiques concluantes, sous l’égide de l’ONU » et conformément à la résolution 2254 (2016).

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déploré que, « plutôt que de les voir appliquer la résolution 2401 (2018), nous avons vu les parties s’engager dans une intense activité militaire avec un coût humain considérable ». 

S’agissant de Raqqa et de Roukban, la population de ces endroits représente seulement 1% de la population syrienne ayant besoin d’une aide, a affirmé M. Lowcock, tout en soulignant qu’il était crucial de pourvoir à leurs besoins.  Le Secrétaire général adjoint a indiqué que, depuis que Daech a été chassé de Raqqa, près de 100 000 personnes sont revenues dans la ville.  Mais la présence d’engins non explosés et de restes explosifs de guerre entrave les retours, a-t-il expliqué, en indiquant que 50 personnes meurent chaque semaine en raison de ces vestiges de guerre et « qu’entre 70% et 80% des immeubles de la ville sont détruits ou endommagés ».  Il a mentionné qu’au moins 37 boulangeries étaient ouvertes et que les services de santé étaient très limités.  Près de 95% des familles revenues à Raqqa sont en insécurité alimentaire, a poursuivi M. Lowcock.  Il a ajouté qu’après une évaluation conduite sur place le 1er avril, les agences onusiennes planifient l’acheminement de l’aide dans la ville. 

À Roukban, environ 50 000 personnes ont besoin d’une aide humanitaire, a précisé le Coordonnateur des secours d’urgence.  Des ressources en eau et en soins de santé sont apportées par la Jordanie mais l’aide doit encore être améliorée, a-t-il ajouté.  Il a pris note de l’approbation, par le Gouvernement syrien, d’un convoi onusien prévu pour se rendre à Roukban depuis Damas.  Les agences humanitaires coopèrent avec la Russie, les États-Unis et le Croissant-Rouge arabe syrien pour acheminer l’aide, dans la mesure où les conditions actuelles de sécurité ne permettent des mouvements que dans une zone située à 10 kilomètres de Roukban. 

Douma et les autres zones de la Ghouta orientale sont sous le contrôle du Gouvernement, a déclaré M. Lowcock, ajoutant qu’aucune aide n’avait pu être livrée.  L’accès à la Ghouta orientale est crucial, a affirmé le Secrétaire général adjoint, qui a indiqué que l’ONU et ses partenaires répondaient aux besoins des 155 000 personnes déplacées de cette zone.  Environ 63 000 d’entre elles se sont rendues dans le nord, à Alep et Edleb, rejoignant ainsi près de 400 000 personnes déplacées du sud d’Edleb depuis le 15 décembre.  Le Secrétaire général adjoint a mentionné une augmentation de 25% de la population d’Edleb, cette situation extrême et la poursuite des combats rendant difficile l’acheminement de l’aide. 

Les personnes qui demeurent à Afrin ont besoin d’une aide et devraient pouvoir circuler librement, a poursuivi M. Lowcock.  Il a noté qu’entre le 2 et le 4 avril, de la nourriture et des articles de santé avaient pu être livrés dans le district d’Afrin, facilités par la Turquie.  Près de 50 000 personnes ont reçu une aide à Tell Rifaat.  Malgré ces développements positifs, les agences humanitaires éprouvent des difficultés à accéder à Afrin, a néanmoins déploré le Secrétaire général adjoint.  Il a mentionné la requête soumise aux autorités syriennes pour intensifier la capacité opérationnelle de l’Organisation en Syrie.  Le déploiement, pour quatre semaines, de 12 membres du personnel de l’ONU, sur les 17 demandés, a été autorisé le 11 avril, a-t-il précisé. 

Évoquant la conférence de Bruxelles qui aura lieu les 24 et 25 avril, le Secrétaire général adjoint a indiqué que l’appel humanitaire pour la Syrie n’était à ce jour financé qu’à hauteur de 15%.  « Je ne saurais souligner davantage encore l’importance de soutenir et de renforcer la réponse internationale en Syrie », a conclu M. Lowcock. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a fait savoir que, dans le cadre de la résolution 2401 (2018) du Conseil de sécurité, la Russie, en coordination avec le Gouvernement syrien, avait déployé des efforts sans précédent pour améliorer la situation dans la Gouta orientale, d’où, « après des négociations longues et tendues » les groupes armés « ont été évacués », ce qui a « évité un bain de sang », s’est-il félicité, avant de préciser que « près de 60 000 personnes ont pu regagner la région.  « Nous discutons du relèvement des infrastructures, rétablissons l’approvisionnement en eau et en électricité, fournissons du pain et une assistance ciblée », a-t-il ensuite assuré.

M. Nebenzia a fait état d’une « situation catastrophique » à Raqqa.  Depuis qu’elle en a chassé l’État islamique, la coalition a presque occupé ce territoire, a-t-il affirmé.  Or, a-t-il poursuivi, la reconstruction n’a pas commencé et les populations ont regagné cette région « dans la peur » et avec de nombreux risques.  « Personne ne sait ce qu’il se passe véritablement à Raqqa », a affirmé le représentant: la ville est en ruines et ces ruines recouvrent des « montagnes de cadavres », alors que « chaque jour, des personnes sont victimes des mines » laissées par les combattants de Daech.  Affirmant que personne n’avait pris de mesures pour apporter une aide aux populations, il a affirmé que ce n’était que récemment, « suite à des pressions » de son pays notamment, que l’ONU avait pu venir constater la situation.  Il a dénoncé une « véritable incompétence » du conseil local mis en place, qu’il a accusé de n’avoir commencé à agir qu’il y a un mois environ.  Il a aussi noté qu’il y avait eu « des protestations contre l’occupation américaine qui n’est pas vue d’un bon œil par la population locale ». 

Le camp de déplacés de Roukban, qui se trouve à proximité de la base militaire américaine de Tanf, « laquelle est en soi une violation de la souveraineté territoriale de la Syrie » et « une autre zone grise qui viole la souveraineté syrienne », a poursuivi M. Nebenzia.  Ces questions, a-t-il insisté doivent être au cœur de l’attention des acteurs humanitaires de l’ONU. 

« Veuillez nous dire comment vous mettez en œuvre la résolution 2401 (2018) », a ensuite demandé le représentant en s’adressant aux représentants des pays occidentaux.  « Il faut avoir l’audace de répondre à nos questions », a-t-il ajouté, se disant frappé par l’hypocrisie des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France.  « Cette troïka doit s’acquitter de ses responsabilités », a-t-il martelé.  Il a réitéré la position de principe de la Russie, à savoir qu’il faut mettre en œuvre la résolution 2254 (2016) du Conseil et revenir aux négociations de Genève sans conditions préalables.  « S’il s’agit d’utiliser les bombes pour contraindre le Président syrien à participer aux négociations, cette tâche ne peut pas être réalisée; nous ne pouvons pas nous faire d’illusions », a lancé M. Nebenzia.

« Vous devez reconstruire la situation que vous avez vous-mêmes détruite », a continué le représentant.  De plus, l’opposition doit se lancer sur la voie de la mise en œuvre de la résolution 2254 (2016), et ses appuis doivent mettre fin à la rhétorique belliqueuse à l’encontre d’un président élu.  « On a l’impression que c’est la Russie qui doit changer de position suite aux frappes du 14 avril et à la menace de Washington d’imposer de nouvelles sanctions », s’est étonné M. Nebenzia.

Or, « nous avons également des plans pour la Syrie », a rappelé le représentant, qui a répété qu’il n’y avait « pas de solution militaire au conflit syrien ».  Il a appelé à mettre fin à toutes les tentatives pour créer de nouvelles réalités en Syrie et saper sa souveraineté et son intégrité territoriale, et à renoncer à toute tentative de changement de pouvoir par la force.  Il a également demandé que les États qui ont une véritable influence se lancent sur la voie de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme.  Enfin, il a exigé que la communauté internationale renonce à manipuler la question humanitaire à des fins politiques et que l’opposition mette fin à ses provocations à l’arme chimique.

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a déploré la non-application de la résolution 2401 (2018) et souligné la nécessité d’un accès humanitaire en Syrie.  « Les attaques contre les civils doivent cesser », a-t-il affirmé.  « Frustré » de cette non-application, le représentant a exhorté les acteurs ayant de l’influence en Syrie à agir pour y remédier.  Il a dénoncé les obstacles entravant l’acheminement de l’aide et encouragé les autorités syriennes à y remédier.  Il a demandé la finalisation des plans humanitaires pour Raqqa, avant de demander un accès humanitaire pérenne au camp de réfugiés à Roukban.  Enfin, le représentant du Koweït a exhorté les donateurs à se montrer généreux lors de la prochaine conférence de Bruxelles.  

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a déploré que la résolution 2401 (2018) n’ait pas été mise en œuvre à ce jour, appelant à accroître les efforts pour sa pleine application partout en Syrie.  Il a demandé aux acteurs du processus d’Astana de respecter leurs engagements en ce sens.  Il a aussi rappelé à toutes les parties leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme.

Se disant gravement préoccupé par le sort des civils qui restent à Douma, le représentant a lancé un appel aux autorités syriennes pour qu’elles envoient les lettres d’autorisation nécessaires pour laisser entrer les convois humanitaires sans plus tarder.  M. Orrenius Skau s’est aussi désolé des obstacles de plus en plus nombreux qui empêchent l’ONU d’accéder aux civils fuyant la Ghouta orientale.  « Nous appelons les autorités syriennes à faciliter immédiatement l’accès du personnel de l’ONU aux camps de déplacés et à accorder des visas au personnel du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a-t-il dit, exigeant en outre que les évacuations, de la Ghouta orientale notamment, se fassent de manière volontaire et plaidant aussi pour une présence renforcée de l’ONU pour assurer la protection de la population.

En ce qui concerne la situation à Raqqa, M. Orrenius Skau s’est félicité de l’organisation de l’assistance humanitaire mais s’est inquiété du danger que représentent les engins explosifs improvisés, qui font de nombreuses victimes.  S’agissant de la situation des civils à Roukban, il a plaidé pour un accès humanitaire et pour que soit trouvée une solution à long terme.  De même, le représentant s’est inquiété de la situation humanitaire à Edleb, vu le nombre de déplacés qui s’accroît à un rythme rapide.  Enfin, il a exprimé ses préoccupations au sujet des 140 000 déplacés d’Afrin et a appelé les autorités syriennes à garantir la liberté de mouvement aux personnes ayant besoin de soins médicaux, avant de demander à la Turquie de permettre le retour dans la dignité des personnes qui ont été obligées de fuir.  Enfin, le représentant a lancé un appel à financer de manière suffisante l’aide humanitaire en Syrie et à trouver une solution politique au conflit.

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a assuré qu’en dépit des difficultés, les opérations de la coalition pour faire reculer l’État islamique avaient été couronnées de succès.  Les interventions de la coalition se sont faites dans le respect des règles de la guerre visant à minimiser les victimes civiles, notamment à Raqqa, où les convois humanitaires des Nations Unies sont les bienvenus, de même qu’à Roukban, a ajouté la représentante.  Les forces de la coalition agissent pour appuyer les efforts humanitaires et évaluer la situation sur le terrain, a-t-elle poursuivi.

Le retrait des engins explosifs improvisés et restes explosifs de guerre à Raqqa est une priorité, a reconnu Mme Eckels-Currie.  Quelque 3 000 engins ont ainsi été retirés et des infrastructures critiques ont été déminées.  « Cette tâche n’est pas simple mais fondamentale pour garantir le retour des personnes », a-t-elle ajouté.  De plus, « nous aidons les écoles, les cliniques et l’approvisionnement en eau et électricité ». 

« Mais nous ne sommes pas ici pour parler des efforts de la coalition », a lancé Mme Eckels-Currie, qui a accusé la Russie de chercher « à nous détourner des atrocités commises par le régime d’Assad ».  La Russie « attire notre attention sur une zone où le régime ne bombarde pas les civils », alors que les combats et les frappes aériennes se poursuivent au nord-est, a affirmé la représentante, qui a déploré que, malgré les appels du Conseil de sécurité pour que soit assuré un accès humanitaire sans entrave, les autorités syriennes n’aient autorisé que six convois transfrontières. 

« Nous avons besoin plus que jamais de nous concentrer sur le cessez-le-feu demandé par le Conseil », a souligné Mme Eckels-Currie, qui a averti: « Le représentant de la Russie peut demander autant de réunions qu’il le souhaite, nous ne baisserons pas les bras. » 

Pour M. FRANÇOIS DELATTRE (France), « depuis des mois, la situation sur le terrain en Syrie relève du cauchemar ».  Depuis le 18 février, au moins 1 800 personnes ont été tuées, a-t-il indiqué, ajoutant que 151 000 personnes avaient fui la Ghouta orientale depuis le 9 mars et que l’accès aux populations restées dans cette zone demeurait entravé.  La situation à Raqqa représente un défi considérable, a-t-il ensuite reconnu, tout en soulignant quelques signaux positifs comme la réouverture des écoles.  Il a mentionné le déblocage par la France de 10 millions d’euros fin 2017 pour financer les efforts de déminage dans la ville et a réitéré son appel à garantir un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave dans l’ensemble du territoire syrien. 

Le représentant a ensuite plaidé pour le projet de résolution transmis par son pays, le Royaume-Uni et les États-Unis et en cours de discussion.  « À rebours des silos » dans lesquels les précédents textes s’enfermaient, le représentant a défendu « une approche globale et intégrée » qui permette aux membres du Conseil de « se réunir autour d’objectifs partagés » dans le cadre d’une « approche constructive » et d’un « dialogue serein », afin de « recréer un espace diplomatique sur le dossier syrien ». 

Le projet de la France vise à obtenir des progrès essentiels en matière humanitaire, à recréer un mécanisme d’attribution des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques « pour mettre un terme définitif au programme d’arme chimique syrien » et « la tenue de négociations politiques concluantes, sous l’égide de l’ONU » et conformément à la résolution 2254 (2016).

En conclusion, M. Delattre a exhorté les membres du Conseil à répondre concrètement à cet appel.  « Nous devons dépasser nos divergences pour enfin converger vers des solutions utiles aux Syriens, qui désespèrent », a-t-il conclu. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a commencé par demander au Secrétariat des informations sur les retards enregistrés par la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à Douma.  Elle a aussi regretté que « certains intervenants utilisent la situation humanitaire pour soulever des questions politiques ». 

En vertu de la résolution 2401 (2018), a-t-elle ensuite précisé, le Royaume-Uni a alloué en 160 millions de dollars en 2017 à l’appel humanitaire pour la Syrie, et 138 millions en 2018.  Le Royaume-Uni figure ainsi parmi les trois principaux donateurs du plan humanitaire.  Avec 3,5 milliards de dollars déboursés à ce jour pour faire face à la crise en Syrie, c’est sa réponse la plus importante jamais accordée à une crise humanitaire, a ajouté la représentante, qui a comparé les sommes offertes par son pays aux quelques millions accordés l’an passé par la Russie, faisant en outre observer que cette dernière n’avait « rien » donné cette année. 

De plus, a résumé la représentante, le Royaume-Uni a accru son appui à Raqqa et dans les zones avoisinantes à travers la fourniture de soins médicaux, la distribution de trousses de secours et d’ustensiles de cuisine, et en contribuant au déminage.  S’agissant du camp de Roukban, elle a mis l’accent sur le droit des civils déplacés à la protection et à des services humanitaires adéquats et durables. 

Mme Pierce a exhorté le régime syrien et ses soutiens à faciliter l’accès aux convois humanitaires des Nations Unies à Douma et dans la Gouta orientale.  En particulier, elle s’est dite préoccupée par les « piètres conditions qui règnent dans les camps où la population de cette région a fui ».  Cette population, a-t-elle insisté, doit être protégée de toutes représailles du régime.  En conclusion, la représentante a demandé à tous les membres du Conseil de sécurité de relancer le processus politique et a dit espérer une discussion de fond sur la manière de procéder lors de la prochaine retraite du Conseil en Suède, avec le Secrétaire général. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a déclaré soutenir la proposition russe d’établir un couloir humanitaire pour l’évacuation des réfugiés de la zone de Tanf et du camp de réfugiés de Roukban.  Il a cité en exemple d’autres corridors déjà créés par la Russie et l’armée syrienne durant l’attaque sur Alep, « quand des milliers de civils avaient quitté la ville ».  Le représentant a ensuite appelé à un « arrêt immédiat des activités guerrières » en Syrie, afin que l’aide humanitaire puisse entrer en contact avec tous ceux qui en ont besoin, et à l’évacuation de tous les patients nécessitant des traitements urgents. 

Enfin, le Kazakhstan soutient les résultats de la rencontre trilatérale entre la Russie, la Turquie et l’Iran qui s’est déroulée à Ankara, le 4 avril.  Le représentant l’a qualifiée de « pas important » vers la résolution du conflit en Syrie.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a demandé la pleine mise en œuvre de la résolution 2401 (2018), avant de souligner la gravité de la situation humanitaire à Edleb.  Il a exhorté l’Iran et la Russie à œuvrer pour une cessation totale des hostilités.  Toutes les parties doivent s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, a-t-il dit.  Le représentant a en outre souligné l’importance de la prochaine conférence des donateurs à Bruxelles fin avril, avant de rappeler qu’il n’y avait pas de solution militaire en Syrie.  En conclusion, il a demandé l’application des différents résolutions pertinentes du Conseil. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a évoqué le nombre élevé de déplacés et réfugiés ayant fui la Syrie vers des pays voisins.  Les affrontements dans la ville de Raqqa ont notamment conduit de nombreuses familles syriennes au camp de Roukban, à la frontière jordanienne.  « Raqqa était le principal bastion syrien de l’État islamique », a-t-il rappelé, ajoutant que cette ville se trouvait actuellement dans une situation très difficile.

M. Ndong Mba a salué l’action de l’Organisation mondiale de la Santé, qui assiste des milliers de personnes à Raqqa, dont les résidents demeurent privés d’aide humanitaire.  Il a déploré la situation des civils qui y reviennent et se heurtent à un danger constant du fait des mines terrestres.  Le représentant a encouragé les pays ayant une influence sur les parties au conflit à agir pour assurer la mise en œuvre de la résolution 2401 (2018).  « Le peuple syrien n’a que trop souffert », a-t-il conclu en demandant que l’on intensifie les efforts internationaux pour trouver une solution politique durable, basée sur les intérêts du peuple syrien et respectant l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie. 

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) s’est déclaré « préoccupé par la précarité de la situation humanitaire sur le terrain » et a constaté avec regret que la résolution 2401 (2018) n’avait pas été mise en œuvre.  Concernant Raqqa, le représentant a pointé le problème du retour des populations dans leur région d’origine et a appelé à « la mobilisation de la communauté internationale » afin d’apporter l’aide nécessaire au rétablissement des blessés et soutenir les activités de déminage.

Concernant la ville de Roukban, M. Dah s’est déclaré préoccupé par les conditions de vie extrêmement précaires des populations.  Il a invité les acteurs du conflit à autoriser les agences humanitaires à conduire des missions, conformément à la résolution 2401.  Enfin, le représentant a réitéré son souhait d’un règlement négocié du conflit syrien par « un dialogue politique inclusif des différents acteurs sur la base du processus de Genève ».

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a d’abord réclamé la mise en place immédiate de la résolution 2401 (2018), avant d’interpeller le Conseil sur le sort des habitants de la Ghouta orientale déplacés par le conflit dans les régions d’Edleb et de Damas.  Elle a pointé leur besoin urgent « d’abri, de nourriture et de traitements ».  Elle a dénoncé des rapports faisant état de violences sexuelles envers les femmes dans cette zone.  Le sort des évacués médicaux vers Edleb, convoyés en bus alors que leur état de santé ne le permettait pas, est un autre sujet d’inquiétude: « ce n’est pas du tout le genre d’évacuations médicales préconisé dans la résolution 2401 », a déclaré la représentante. 

Mme Gregoire Van Haaren s’est aussi inquiétée du sort des habitants de la ville de Douma, dénonçant l’attentisme du régime quant à l’octroi de laissez-passer pour les convois humanitaires, et des communautés de la région d’Afrin, dépassées par l’arrivée de 180 000 civils déplacés dans la région.  Concernant Raqqa, la représentante a salué la libération de la ville de Daech.  Appelant à la stabilisation de la situation et au déminage du secteur, elle a aussi rappelé que la protection des civils et des organisations non gouvernementales « devait être respectée en toutes circonstances ».  Enfin, concernant le camp de Roukban, elle a rappelé la nécessité d’une aide médicale pour les habitants coincés dans la zone.

M. MA ZHAOXU (Chine) a nourri l’espoir d’une solution politique en Syrie.  Mon pays continuera d’appuyer le relèvement humanitaire du pays, a déclaré le représentant, qui a demandé la pleine application de la résolution 2401 (2018).  Il s’est opposé à l’emploi de la force dans les relations internationales.  Toutes les actions engagées doivent respecter le droit international, a-t-il rappelé, en soulignant la nécessité d’éviter de contourner le Conseil: « il faut revenir au cadre du droit international ».  Enfin, M. Ma a assuré le Conseil de l’engagement de son pays à faire avancer les négociations de paix, en particulier à Genève. 

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a salué les efforts déployés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et les institutions humanitaires de l’ONU.  Il a appelé à prendre toutes les mesures pour permettre la reconstruction de Raqqa et des autres villes en Syrie, et garantir le retour sûr et digne de toutes les familles.  Il a jugé urgent de « lancer un travail de déminage », notamment pour les engins explosifs improvisés artisanaux. 

Le représentant a regretté que la violence se poursuive dans les principales villes de la Syrie, où « ce sont les infrastructures civiles qui trinquent ».  Il a lancé un appel à toutes les parties concernées pour garantir la fourniture d’une assistance humanitaire et permettre les évacuations médicales d’urgence, dans les zones assiégées et difficiles.  Enfin, il a rejeté « toute fragmentation de ce conflit », la seule solution se trouvant selon lui dans un processus politique n’excluant personne. 

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) s’est félicité de l’évaluation conduite par l’ONU le 1er avril à Raqqa, avant de souligner la nécessité de déminer la ville.  Un accès humanitaire sans entrave doit être garanti en Syrie, a-t-il dit avant de demander la pleine application de la résolution 2401 (2018).  Enfin, le représentant a souligné la nécessité d’un « dialogue constructif » en Syrie. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit vivement préoccupé par la situation humanitaire à Raqqa et à Roukban, avant de saluer les efforts de déminage conduits à Raqqa.  Il a rappelé le droit légitime des États de protéger leurs frontières, tout en soulignant la nécessité de garantir le respect du droit humanitaire.  La politisation de l’aide humanitaire est inacceptable, a-t-il déclaré en conclusion. 

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a déclaré avoir « l’impression que certains membres du Conseil du sécurité ont un microscope à la main, cherchant tout grain de poussière, alors qu’ils ignorent l’éléphant qui est à côté d’eux, à savoir l’agression lancée par des membres du Conseil de sécurité contre la Syrie et l’occupation par ces mêmes membres d’un tiers de son territoire ».  Les forces des États-Unis, dont la représentante dit avoir détruit 3 000 mines à Raqqa, ville qu’elles occupent, auraient dû, selon lui, « demander à Daech de les aider à localiser les mines ». 

M. Ja’afari s’en est pris ensuite à plusieurs des membres du Conseil de sécurité.  Il a reproché au représentant de la Suède d’avoir mentionné 16 fois le Gouvernement syrien sans demander qu’il soit mis un terme à l’occupation de son pays ni condamner l’attaque contre son pays et le terrorisme.  Au représentant de la France, il a lancé que Médecins sans frontières (MSF) est « entré en Syrie, comme Daech, sans l’approbation du Gouvernement syrien ».  Il a vilipendé les « trafiquants, criminels, opposants, agresseurs et terroristes sans frontières ».  « L’ingérence aussi se fait sans frontières », a-t-il ironisé. 

Le représentant a poursuivi en répondant à la demande d’information formulée par la représentante du Royaume-Uni concernant la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en assurant que le Gouvernement syrien avait pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter son arrivée.  La Mission, a-t-il précisé, est « entrée à Douma à 15 heures, heure de Damas, afin d’évaluer la situation sécuritaire sur le terrain ».  Elle a commencé ses travaux et les rumeurs ne cherchent qu’à dénaturer son travail, a-t-il déploré.

« Il est malheureux que la France et les pays qui ont lancé une agression lâche contre la Syrie n’aient pas compris que le souhait d’indépendance de la Syrie est une réalité », a insisté M. Ja’afari.  « Toute tentative de revenir à l’époque de l’hégémonie échouera », a-t-il prévenu.  Il a ensuite remercié la Russie d’avoir demandé l’organisation de cette réunion, car « la ville de Raqqa a été complètement détruite par la coalition sous prétexte de la lutte contre le terrorisme ». 

La coalition, a fait valoir M. Ja’afari, « n’a jamais cherché à combattre le terrorisme, mais à saper la souveraineté de la Syrie et affaiblir l’armée syrienne ».  Elle a, a-t-il dénoncé, « tué des milliers de civils innocents en utilisant les pires armes, dont des armes incendiaires », pour détruire des infrastructures.  La coalition a en outre « assuré la sécurité du passage de l’État islamique vers Raqqa ».  Les États-Unis ont, selon le représentant, épargné les terroristes qui restaient, et la France et le Royaume-Uni ont accordé un soutien aux combattants terroristes armés par le biais d’une action tripartite armée le 14 avril dernier ». 

Les États-Unis, a continué M. Ja’afari, sont responsables de la catastrophique situation humanitaire dans le camp de Roukban.  Il a ensuite accusé les États-Unis de former des terroristes de l’État islamique d’Iraq et du Levant pour les utiliser dans d’autres batailles dans la région. 

« Ce qui est nécessaire maintenant, c’est que le Conseil de sécurité exécute son mandat au titre des dispositions de la Charte en refusant l’occupation, par les États-Unis et Israël, de la Syrie », a encore déclaré M. Ja’afari, qui a conclu en affirmant: « Le Conseil de sécurité ne doit pas plier l’échine sous la volonté des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. »

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le nouvel Envoyé Spécial pour le Yémen plaide pour une solution politique à la guerre et à la crise humanitaire

8235e séance – matin
CS/13301

Conseil de sécurité: le nouvel Envoyé Spécial pour le Yémen plaide pour une solution politique à la guerre et à la crise humanitaire

La guerre au Yémen est devenue plus urgente au cours des dernières semaines a reconnu ce matin le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Martin Griffiths, lors d’une réunion d’information au Conseil de sécurité.  Il a toutefois tenu à souligner qu’une solution politique permettant de mettre fin à la guerre était « à portée de main ».  Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Mark Lowcock, a rappelé que la situation humanitaire dans le pays était la pire au monde, avec plus de 22 millions de personnes ayant besoin d’une aide urgente, dont 8,4 millions de personnes souffrant d’insécurité alimentaire.

Le peuple du Yémen a désespérément besoin de signes d’espoir indiquant que la guerre cessera bientôt, a plaidé M. Griffiths.  L’Envoyé spécial, qui a pris ses fonctions le 11 mars dernier, a expliqué avoir déjà pris le temps de rencontrer et d’écouter un certain nombre de Yéménites issus de toutes les parties et de nombreuses organisations civiques.  Il a ensuite annoncé son intention de présenter au Conseil un cadre de négociation « d’ici deux mois ».

Nous savons, a poursuivi M. Griffiths, que résoudre le conflit du Yémen implique que ses dirigeants s’entendent pour mettre leurs divergences de côté et pour les gérer non pas à travers l’affrontement, mais par le biais du dialogue et du débat.  « Placer les Yéménites au cœur de nos priorités n’est pas seulement approprié et juste, c’est aussi la seule façon de parvenir à la paix », a-t-il insisté.  D’après lui, un accord politique négocié, passant par un dialogue inclusif intra-yéménite, reste la seule façon de mettre fin au conflit et à la crise humanitaire.

À l’instar de son collègue, M. Lowcock a exhorté toutes les parties au conflit à prendre des mesures concrètes pour protéger les civils et faciliter l’accès humanitaire.  Tout en relevant des améliorations, il s’est dit préoccupé par les lenteurs des importations commerciales via les ports yéménites, en particulier les ports de Hodeïda et Salif.  Des mesures sont prises pour renforcer le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies qui examine les cargaisons dans les deux ports précités, a-t-il dit, en demandant l’accélération des importations via les ports yéménites. 

Le Secrétaire général adjoint a déploré que les aéroports au Yémen demeurent fermés au trafic civil, empêchant des milliers de patients gravement malades de se rendre à l’étranger pour recevoir des soins.  À moins que des mesures ne soient prises dans certains districts à haut risque, une nouvelle grave épidémie de choléra pourrait se déclarer, a par ailleurs mis en garde M. Lowcock.  Il a indiqué que les agences, ayant tiré les leçons de la précédente épidémie, positionnaient des fournitures et ressources en eau chlorée. 

 

L’Envoyé spécial s’est également dit préoccupé par le nombre croissant de missiles balistiques lancés contre l’Arabie saoudite, par l’intensification des confrontations militaires dans la province de Saada et les pertes parmi les civils.  Évoquant des rapports non vérifiés faisant état d’une augmentation des mouvements de forces au Yémen, il a dit craindre « que l’une de ces évolutions puisse faire échouer en un clin d’œil les efforts de paix », avant de rappeler l’importance stratégique de la stabilité au Yémen, cruciale pour son peuple, ses voisins et la communauté internationale.  « Il va falloir trouver une synergie efficace entre médiation et diplomatie », a-t-il conclu. 

Plusieurs des membres du Conseil ont, à l’image du Royaume-Uni, déploré les conséquences humanitaires du conflit, tout en estimant qu’il était possible de régler ce dernier « si nous avançons conjointement et rapidement ».  À la différence de la situation en Syrie, il peut y avoir un consensus entre membres du Conseil sur le Yémen, ont également estimé les États-Unis. 

Les États-Unis ne veulent toutefois pas récompenser les acteurs qui ont des agissements négatifs au Yémen.  « L’Iran doit cesser son ingérence », a déclaré leur représentante qui, comme plusieurs membres du Conseil après elle, a dénoncé les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite par les houthistes, avant d’affirmer que le Conseil n’avait pas fait le nécessaire pour s’assurer que l’Iran respecte l’embargo sur les armes.  Dénonçant lui aussi les menaces des houthistes à l’encontre de l’Arabie saoudite et des pays de la région, le Koweït les a accusés de défier la communauté internationale.

Les nouveaux tirs de missiles contre l’Arabie saoudite sont inacceptables et éloignent la perspective d’une issue politique, a jugé la France, qui a appelé les parties à l’apaisement dans un contexte régional « extrêmement tendu ».  « L’unité de ce Conseil est d’une importance essentielle et nous avons –chacun d’entre nous et collectivement– un rôle à jouer à cet égard », a rappelé son représentant.

Pour sa part, la Fédération de Russie a condamné les frappes aveugles menées contre des civils et réitéré sa position de principe: les parties au conflit doivent s’abstenir de recourir à la force.  Mais en même temps, elle a insisté pour « ne pas ostraciser » et au contraire « inclure toutes les parties ayant une influence au Yémen », en souhaitant que le nouvel Envoyé Spécial « contrecarre la tendance actuelle ».

La solution à la crise se fonde sur « un cahier des charges très clair », a considéré, pour sa part, le représentant du Yémen, qui a appelé l’Envoyé spécial à mettre avant tout l’accent sur le respect des résolutions du Conseil par les houthistes.  « On ne peut pas accepter que la vie politique soit gérée par des milices », a-t-il insisté, estimant que, « si l’on accepte que celles-ci soient les garantes de la stabilité de la région, on pratique la politique de l’abîme ». 

Pour le représentant du Yémen, les milices houthistes iraniennes et leurs alliés ont essayé de compromettre ce cahier des charges et utilisé le chaos et la violence « pour imposer les desseins expansionnistes de l’Iran », qu’il a accusé de s’ingérer de façon flagrante dans les affaires intérieures du Yémen et d’autres pays de la région, et de chercher à les déstabiliser.  Il a aussi reproché au Conseil de sécurité de « n’avoir pas réussi à faire pression sur l’Iran ».

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARTIN GRIFFITHS, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, qui a pris ses fonctions le 11 mars dernier, a expliqué avoir déjà pris le temps de rencontrer et d’écouter un certain nombre de Yéménites, issus de toutes les parties et de nombreuses organisations civiques.  À cet égard, il a noté que les femmes étaient souvent « celles qui parlent avec le plus de clarté et de générosité ». 

« Les discours sur le Yémen sont nombreux et malheureusement souvent incendiaires », a reconnu M. Griffiths, pour qui la rhétorique sur le Yémen est impitoyable.  « Je sais comme vous que la paix devient possible quand nous arrivons à voir le bien chez nos ennemis, tout en voyant clairement les cruautés de la guerre », a-t-il déclaré. 

Nous savons, a poursuivi M. Griffiths, que résoudre le conflit du Yémen implique que ses dirigeants s’entendent pour mettre leurs divergences de côté et pour les gérer non pas à travers l’affrontement, mais par le biais du dialogue et du débat.  « Placer les Yéménites au cœur de nos priorités n’est pas seulement approprié et juste, c’est aussi la seule façon de parvenir à la paix », a-t-il insisté.

Dans son premier rapport préliminaire au Conseil de sécurité, a expliqué l’Envoyé spécial, il dira « ce qu’il craint » et tentera d’identifier des signes d’espoir.  Il a indiqué avoir l’intention de présenter d’ici deux mois au Conseil un cadre de négociation.

Au titre des « bonnes nouvelles », M. Griffiths a d’abord souligné qu’une « solution politique permettant de mettre fin à cette guerre est à portée de main ».  Toutefois, a-t-il averti, pour que les négociations soient couronnées de succès, il faudra de la patience et de la bonne foi entre les parties.  Tous les Yéménites aspirent à un Yémen stable et sûr, ayant un gouvernement responsable envers ses citoyens.

Le Gouvernement, s’est félicité l’Envoyé spécial, n’a ménagé aucun effort pour l’aider à comprendre ses positions et sa volonté de dialoguer.  Les réunions avec les dirigeants du mouvement Ansar Allah l’ont également encouragé et des commentaires semblables ont été faits par les dirigeants de divers partis yéménites. 

S’il ne s’est pas encore rendu dans le sud, M. Griffiths a dit avoir également commencé à s’entretenir avec des groupes du sud, dont les frustrations et aspirations ont été mises en relief par le conflit.  « Il n’y aura pas de paix au Yémen si nous n’écoutons pas les voix du sud », a-t-il mis en garde. 

« Mettre fin à une guerre n’équivaut pas à créer la paix et il en va de même pour le Yémen », a souligné l’Envoyé spécial.  « Nous devons d’abord nous concentrer sur la fin des hostilités ».  D’après lui, un accord politique négocié, passant par un dialogue inclusif intra-yéménite, reste la seule façon de mettre fin au conflit et à la crise humanitaire.  À ce sujet, M. Griffiths a demandé un accès sans entrave et sans conditions à toutes les parties prenantes.

L’Envoyé spécial a également relevé que le dialogue national, qui a inclus un très grand nombre de participants de la société civile, constituait un précédent décisif.  La société civile devra pleinement participer à la reconstruction des institutions étatiques, a-t-il ajouté.

Avant de passer aux « mauvaises nouvelles », M. Griffiths a rappelé que « l’heure la plus sombre précède l’aube ».  La guerre est devenue plus urgente au cours des dernières semaines, a déclaré l’Envoyé spécial, qui s’est notamment dit préoccupé par le nombre croissant de missiles utilisés, par l’intensification des confrontations militaires dans la province de Saada et les pertes parmi les civils.  Il a évoqué des rapports non vérifiés faisant état d’une augmentation des mouvements de forces au Yémen et a dit craindre « que l’une de ces évolutions puisse faire échouer en un clin d’œil les efforts de paix ». 

Le peuple du Yémen a désespérément besoin de signes d’espoir indiquant que la guerre cessera bientôt, a plaidé M. Griffiths.  Par exemple, avec l’assentiment des parties, nous avons travaillé à la réouverture de l’aéroport de Sanaa et au droit des Yéménites de voyager, a-t-il expliqué.  Il s’est par ailleurs inquiété des détentions pratiquées par toutes les parties. 

M. Griffiths a enfin rappelé l’importance stratégique de la stabilité au Yémen, cruciale pour son peuple, ses voisins et la communauté internationale.  « Il va falloir trouver une synergie efficace entre médiation et diplomatie », a-t-il conclu. 

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a rappelé que la situation humanitaire au Yémen était la pire au monde, avec plus de 22 millions de personnes ayant besoin d’une aide urgente, y compris 8,4 millions de personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire.  Il a précisé que plus de 190 partenaires, principalement yéménites, apportaient une aide et a annoncé que, cette année, le Programme alimentaire mondial (PAM) prévoyait de porter secours à 10 millions de personnes par mois.  Il s’est félicité des quelque 2 milliards de dollars de contributions annoncés lors de la dernière conférence des donateurs au début du mois, avant de saluer les 930 millions de dollars donnés par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour financer le Plan de réponse humanitaire. 

Le Secrétaire général adjoint a exhorté toutes les parties au conflit à prendre des mesures concrètes pour protéger les civils et faciliter l’accès humanitaire.  S’il y a eu des améliorations, il s’est dit préoccupé par les lenteurs des importations commerciales via les ports yéménites, en particulier les ports de Hodeïda et de Salif.  Des mesures sont prises pour renforcer le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies qui examine les cargaisons dans les deux ports précités, a-t-il dit, en demandant l’accélération des importations via les ports yéménites.  Il a déploré que les aéroports au Yémen demeurent fermés au trafic civil, empêchant des milliers de patients gravement malades de se rendre à l’étranger pour recevoir des soins. 

M. Lowcock a également dénoncé les obstacles bureaucratiques imposés par les autorités yéménites, les agents humanitaires continuant de faire face à des retards dans l’octroi des visas et à des fouilles aux différents points de contrôle.  Certains travailleurs humanitaires ont même été détenus, a-t-il fait observer.  « Si nous avons accès aux quelque 333 districts du Yémen, les restrictions et l’insécurité font que 1,2 million de personnes ayant besoin d’une aide vivent dans des zones inaccessibles pour les organisations humanitaires », a-t-il déploré.

À moins que des mesures ne soient prises dans certains districts à haut risque, une nouvelle grave épidémie de choléra pourrait se déclarer, a mis en garde M. Lowcock.  Il a indiqué que les agences, ayant tiré les leçons de la précédente épidémie, positionnaient des fournitures et ressources en eau chlorée. 

Le Secrétaire général adjoint s’est dit très préoccupé par les affrontements et les frappes pour la population civile, en particulier dans les provinces de Hodeïda, Taëz, Saada et Hajjah.  Il a déploré les pertes en vies humaines et l’augmentation des déplacements forcés.  « Près de trois millions de femmes et de filles courent le risque de violence sexuelle », a-t-il insisté.

M. Lowcock s’est dit en outre très préoccupé par les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite à partir du Yémen, mettant en danger de nombreux civils.  Il a rappelé à toutes les parties leurs obligations en vertu du droit international et plaidé pour la retenue afin d’éviter toute escalade.  La réponse humanitaire, si elle peut beaucoup, ne pourra résoudre la crise, a-t-il conclu, en appelant les acteurs à œuvrer en vue d’un règlement durable. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé qu’il ne sera possible de régler le conflit au Yémen que par la voie politique et a lancé un appel à l’action pour permettre à l’Envoyé spécial de mettre en œuvre le plan qu’il a présenté.  Déplorant les conséquences humanitaires désespérées du conflit, elle a néanmoins affirmé qu’il « n’en reste pas moins que c’est un conflit qu’il est possible de régler si nous avançons conjointement et rapidement ». 

La représentante a salué les récentes annonces de contributions financières, mais, a-t-elle souligné, les fonds ne suffisent pas et il faut déployer davantage d’efforts pour apporter au Yémen des produits commerciaux et trouver une solution au problème des taux de change.  Elle s’est également dite préoccupée par les problèmes d’accès aux zones tenues par les houthistes et par le sort des familles.

Les conséquences du conflit pour la stabilité régionale sont dangereuses, a averti la représentante, l’Arabie saoudite risquant d’être la cible de missiles, notamment dans des zones occupées par des civils.  Elle a ainsi appelé toutes les parties au conflit à honorer leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  Enfin, elle a engagé l’Iran « à cesser toute activité de déstabilisation ».

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a dit espérer que toutes les parties dialogueraient avec l’ONU, estimant en outre qu’il pouvait y avoir un consensus entre membres du Conseil sur le Yémen, à la différence de la situation en Syrie.  Nous ne devons pas récompenser les acteurs qui ont des agissements négatifs au Yémen, a poursuivi la représentante, pour qui « l’Iran doit cesser son ingérence ».  Elle a dénoncé les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite par les houthistes, avant d’affirmer que le Conseil n’avait pas fait le nécessaire pour s’assurer que l’Iran respecte l’embargo sur les armes. 

L’Iran ne respecte pas la résolution 2216 (2015), a affirmé Mme Haley.  « Les houthistes ne fabriquent pas des missiles balistiques et ont reçu l’aide des Iraniens », a-t-elle affirmé.  Elle a exhorté la communauté internationale à afficher un front uni face aux houthistes, lesquels sont, a-t-elle assuré, prêts à lancer d’autres missiles.  La représentante a en outre exhorté les parties à faire preuve de retenue et à œuvrer en vue d’un règlement négocié.  Nous devons changer les choses au Yémen, a-t-elle dit, en demandant un accès humanitaire sans entrave dans le pays. 

Mme Haley a dit appuyer le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies, avant de mentionner la contribution de 87 millions de dollars promise par son pays pour remédier à la crise humanitaire au Yémen.  Nous avons apporté notre soutien à la coalition de l’Arabie saoudite, qui doit faire attention pour ne pas faire de victimes civiles, a-t-elle poursuivi.  Enfin, elle a de nouveau exhorté le Conseil « à ne pas avoir peur » d’agir face aux provocations des houthistes et de leur allié iranien. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a insisté pour que l’Envoyé spécial poursuive son dialogue au Yémen, notamment avec les femmes.  Il a souligné la nécessité d’appuyer la reprise du processus politique sous l’égide des Nations Unies.  Le Conseil de sécurité doit « afficher un front uni » et appuyer le nouvel Envoyé spécial, a-t-il dit, ajoutant que toutes les parties devaient coopérer avec lui et mettre rapidement en œuvre des mesures de confiance.  La question du sud devra également être réglée dans le cadre de négociations, a estimé le représentant.

Sur la situation humanitaire, M. Orrenius Skau s’est référé aux mesures stipulées dans la déclaration présidentielle du Conseil du 15 mars dernier.  « Hélas, il est clair qu’elle n’est pas vraiment mise en œuvre », a-t-il regretté, notant qu’aucune évacuation humanitaire, même d’urgence, n’a été autorisée à ce jour et que les violations du droit humanitaire se poursuivent.  Il faut une véritable responsabilisation, a insisté le représentant, pour qui « le Conseil de sécurité doit exiger que ses décisions soient respectées ».  Enfin, la Suède ayant coorganisé la réunion de haut niveau relative aux annonces contributions pour le Yémen qui s’est tenue à Genève le 3 avril dernier, M. Orrenius Skau a remercié les donateurs qui ont promis plus de 2 milliards de dollars. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a souligné la gravité de la situation au Yémen et a jugé inacceptables les nouveaux tirs contre l’Arabie saoudite, lesquels éloignent la perspective d’une issue politique.  « Nous appelons les parties à l’apaisement dans un contexte régional extrêmement tendu », a-t-il déclaré. 

Le représentant a rappelé que la situation humanitaire continuait de se dégrader avant de saluer l’annonce du plan humanitaire de la coalition.  L’accès de l’aide humanitaire demeure notre principale préoccupation, a-t-il ajouté, en demandant un accès sûr et sans entrave pour l’aide humanitaire.  Il a en outre annoncé la tenue à Paris, d’ici à l’été, d’une conférence humanitaire sur le Yémen. 

Nous devons rester mobilisés pour soutenir une nouvelle dynamique politique, seule issue durable à ce conflit, a poursuivi M. Delattre, qui a exhorté les acteurs régionaux à jouer un rôle constructif au Yémen.  « L’unité de ce Conseil est d’une importance essentielle et nous avons –chacun d’entre nous et collectivement– un rôle à jouer à cet égard », a-t-il rappelé. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a fait part de sa grande préoccupation face à l’impact des hostilités sur les civils notamment en l’absence d’un cessez-le-feu et averti contre les violations récurrentes des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Alors que la guerre se prolonge, a-t-elle poursuivi, rendre des comptes devient plus urgent, sans quoi un règlement politique négocié aura peu de chance d’aboutir.  Sur le plan de l’aide humanitaire, la représentante a appelé à la mise en œuvre totale de la déclaration présidentielle du 15 mars, notamment l’appel du Conseil pour un accès durable et sans entrave à tous les ports du Yémen aussi bien pour les biens humanitaires que commerciaux.  Elle a, de même, insisté pour que tous les biens soient acheminés vers les personnes dans le besoin.  En conclusion, elle a appelé toutes les parties au conflit à éviter toute escalade et à s’engager avec le nouvel Envoyé sans conditions préalables.  

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a assuré l’Envoyé spécial du soutien de son pays en vue d’une issue pacifique au Yémen.  Il a condamné les tirs de missiles balistiques par les houthistes contre l’Arabie saoudite.  Les houthistes mettent au défi la communauté internationale, a-t-il dit, en dénonçant les menaces des houthistes contre l’Arabie saoudite et les pays de la région.  Il a rappelé que le Conseil a fait une déclaration à la presse pour condamner les tirs contre des villes saoudiennes.  Les houthistes ont continué de lancer des missiles et choisi l’escalade, a-t-il déploré, ajoutant que tous les États Membres devaient respecter l’embargo sur les armes prévu par la résolution 2216 (2015), a-t-il poursuivi.  Il a en outre rappelé la contribution de 250 millions de dollars apportée par son pays pour remédier à la situation humanitaire au Yémen. 

Le Conseil doit rester uni et ferme face à la crise yéménite, a déclaré M. Alotaibi, qui a jugé inacceptable que les ambitions de quelques-uns l’emportent sur le bien de tout un peuple et que les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite se poursuivent.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a appelé à accroître l’aide humanitaire d’urgence et permettre un accès sans entrave partout au Yémen, où plus de deux millions de personnes sont encore déplacées.  Il a appelé toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et assumer leurs responsabilités pour atténuer les souffrances à travers une coopération totale avec l’ONU et les agences humanitaires concernées.  Le Yémen, a rappelé le représentant, connaît la crise humanitaire la plus grave au monde avec plus de 22 millions de personnes nécessitant aide humanitaire et protection.  Il a salué la décision de la coalition de maintenir ouverts les ports, y compris ceux de Hodeïda et Salif, afin de permettre la circulation sans restriction de cargos humanitaires et commerciaux. 

Sur le plan politique, M. Umarov s’est dit alarmé par la résurgence de la situation inquiétante, notamment dans la province sud de Hodeïda.  De même, il a fait part de son inquiétude face aux frappes aériennes et affrontements qui ont connu une intensification dans les faubourgs de la province de Jaouf.  À cet égard, il a appelé toutes les parties à s’engager pour une cessation des hostilités. 

Le représentant a appelé le Conseil de sécurité à œuvrer davantage pour la résolution du conflit au Yémen avec pour objectif une stabilisation de la situation dans toute la région, estimant inacceptables les attaques de roquettes contre des cibles civiles sur le territoire de l’Arabie saoudite, un acte que le Kazakhstan condamne fermement. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a souligné le besoin urgent de relancer le processus politique au Yémen.  D’après le représentant, la responsabilité principale de ce Conseil est de tracer la voie d’une solution pacifique au conflit.  « Les civils continuent de payer le prix des hostilités en cours », a-t-il rappelé.  Il a encouragé les acteurs régionaux ayant une influence sur les parties au conflit à les convaincre de coopérer avec le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général.

Si la Pologne a salué les résultats de la réunion de Genève sur les annonces de contributions, M. Radomski a constaté que la situation humanitaire au Yémen restait désespérée.  Il est crucial, a-t-il jugé, d’assurer le versement des salaires aux fonctionnaires à travers le pays.  De même, la fourniture de biens commerciaux et humanitaires doit être garantie.  Le représentant a ainsi exhorté toutes les parties au conflit à respecter pleinement les dispositions de la déclaration présidentielle du 15 mars dernier.

S’agissant des hostilités en cours, le représentant a appelé les parties prenantes à s’abstenir de prendre des actions qui pourraient aggraver la situation, y compris les tirs de missiles balistiques par les houthistes contre l’Arabie saoudite, et à coopérer pleinement avec le Groupe d’experts éminents sur le Yémen. 

M. WU HAITAO (Chine) a déploré la stagnation politique au Yémen, ainsi que la gravité de la situation humanitaire.  Seule une solution politique permettra de régler la crise, a-t-il dit, en demandant à l’ONU de poursuivre ses efforts.  Il a appelé le Conseil à rester uni, avant d’exhorter les parties à sortir de l’impasse actuelle.  Le représentant s’est félicité de la tenue de la récente conférence de donateurs et a indiqué que son pays avait d’ores et déjà fourni une aide humanitaire de 150 millions de renminbis au Yémen.  Enfin, il a assuré de l’engagement de son pays en vue de trouver une solution durable à la situation au Yémen. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a regretté l’escalade de la violence dans plusieurs provinces yéménites, qui ont récemment été le théâtre de raids aériens et d’affrontements armés.  Cette recrudescence des combats s’est soldée par 85 000 déplacements supplémentaires depuis le mois de décembre 2017, venus s’ajouter au plus de deux millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays depuis le début du conflit, a-t-il déploré.  Face à la persistance de rapports faisant état de recrutements d’enfants comme combattants, à la situation humanitaire catastrophique dans laquelle se trouve la population du pays, dont 60% est actuellement en situation de précarité alimentaire, et à la propagation de l’épidémie de choléra, qui touche désormais presque 1,1 million de personnes, le représentant a appelé le Conseil à condamner « unanimement et avec fermeté » les agissements de ceux qui contribuent à la détérioration du conflit.  Il a également appelé le Conseil à faire pression sur les parties pour garantir le bon fonctionnement opérationnel des aéroports et ports maritimes, sources d’approvisionnement en nourriture clefs pour la population civile.  Enfin, M. Llorentty Solíz a appelé les parties à entamer un processus de négociations censé aboutir à terme à une transition politique ouverte.

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) a déploré l’impasse politique actuelle et appelé à un règlement politique du conflit, à travers un processus inclusif réunissant tous les acteurs.  Les efforts internationaux déployés sur le plan politique en vue de trouver une issue pacifique seront totalement vains s’ils ne sont pas accompagnés de progrès significatifs sur le terrain, a-t-il poursuivi.  Le représentant a plaidé pour un cessez-le-feu intégral et la reprise des négociations politiques pour une paix durable.  Enfin, M. Dah a salué les efforts de l’ONU en vue de donner une nouvelle impulsion aux pourparlers de paix, avant de réaffirmer son attachement à l’unité et la souveraineté du Yémen. 

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a jugé urgent de résoudre la crise au Yémen, appelant à « un soutien, une compréhension et de la patience de la part de toutes les parties, y compris le Conseil de sécurité ».  Ces éléments sont essentiels pour permettre au nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général de mettre en œuvre son plan, a estimé le représentant.  Très préoccupé par la crise multidimensionnelle qui continue d’avoir un impact terrible sur les civils, celui-ci a demandé un accès sans entrave aux agences humanitaires. 

Pour l’Éthiopie, la seule solution possible est politique, à travers un dialogue intra-yéménite et dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du pays, conformément à la déclaration présidentielle du 15 mars dernier, a poursuivi M. Woldegerima.  Les parties doivent faire preuve de la volonté politique de travailler aux côtés de M. Griffiths.  Enfin, « la solidarité internationale observée au cours de la conférence d’annonces de contributions devrait continuer », par souci de la paix et de la stabilité dans la région et le monde entier, a conclu le représentant. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a vivement condamné les attaques meurtrières perpétrées le 25 mars dernier au moyen de missiles balistiques « probablement » lancés par des houthistes, contre cinq villes saoudiennes.  Ces agissements, a-t-il déclaré, prouvent que de telles armes sont tombées entre les mains d’acteurs « incontrôlables », au mépris de l’embargo sur les armes imposé au Yémen.  Le représentant a appelé le Conseil non seulement à condamner ces attaques, mais également à identifier et sanctionner les individus agissant en violation des résolutions du Conseil relatives à l’embargo.

Sur le plan humanitaire, le représentant a demandé à débloquer le plus rapidement possible les fonds nécessaires pour venir en aide aux 22,2 millions de Yéménites dans le besoin et en situation d’insécurité alimentaire, en raison de la persistance du conflit.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a apporté son soutien à l’Envoyé spécial, avant de se dire préoccupé par le renforcement des tendances à l’escalade au Yémen.  Se félicitant des engagements pris lors de la récente conférence des donateurs, il a précisé que, grâce à des aéronefs russes, près de 70 tonnes d’aide avaient pu être livrées au pays.  L’assistance humanitaire seule ne pourra toutefois pas régler la situation, a poursuivi le représentant, qui a condamné les frappes aveugles menées contre des civils et réitéré la position de principe de son pays: les parties au conflit doivent s’abstenir de recourir à la force.  Il a dit espérer que l’Envoyé spécial contrecarrerait la tendance actuelle et a exhorté les acteurs à s’asseoir à la table des négociations.  Il ne faut pas ostraciser mais inclure toutes les parties ayant une influence au Yémen, a-t-il conclu. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit très préoccupé par l’intensification des hostilités au Yémen et par la gravité de la situation humanitaire.  Les acteurs continuent de violer le droit international humanitaire, a-t-il déploré, en demandant que les responsables de ces violations soient sanctionnés.  M. Meza-Cuadra a dénoncé les tirs de missiles contre des centres urbains en Arabie saoudite, tirs qui pourraient constituer des crimes de guerre.  Il a ensuite souligné la nécessité d’un accès humanitaire sans entrave, avant de saluer la générosité des contributions annoncées pour financer le Plan de réponse humanitaire.  « Tous les ports du pays doivent rester ouverts », a-t-il insisté, avant de répéter qu’il n’existe pas de solution militaire au Yémen.  Rappelant qu’il était également Président du Comité des sanctions sur le Yémen (Comité 2140), M. Meza-Cuadra a déclaré qu’il continuerait à travailler en cette capacité en faveur de la paix dans le pays.

M. KHALED HUSSEIN MOHAMED ALYEMANY (Yémen) a rappelé que la crise dans son pays avait été causée par le coup organisé par les milices houthistes contre le Gouvernement légitime du Yémen il y a quatre ans.  Disant appuyer les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Griffiths, pour parvenir à une paix durable, il a assuré celui-ci de sa coopération. 

« La solution se fonde sur un cahier des charges très clair », a considéré le représentant pour qui, malheureusement, les milices houthistes iraniennes et leurs alliés ont essayé de compromettre ce cahier des charges et utilisé le chaos et la violence « pour imposer les desseins expansionnistes de l’Iran ».  « Si l’on accepte que ces milices soient les garantes de la stabilité de la région, on pratique la politique de l’abîme », a-t-il averti.  « On ne peut pas accepter que la vie politique soit gérée par des milices ». 

Pour M. Alyemany, la solution à la crise se fonde également sur les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2216 (2015) qui montre que le Conseil comprend la nature du problème.  Or, les houthistes ont refusé les mesures de confiance, a-t-il déploré.  « S’ils étaient vraiment conscients de la gravité de la situation humanitaire au Yémen, nous pourrions discuter aujourd’hui sous la houlette de l’Envoyé spécial », a-t-il ajouté.  Le représentant s’est dit convaincu que la normalisation de la situation ne sera possible que si l’on revient au fonctionnement institutionnel prévu par la Constitution.

M. Alyemany a ensuite appelé M. Griffiths à mettre avant tout l’accent sur le respect des résolutions du Conseil par les houthistes.  Les milices doivent se retirer des villes occupées et pillées, rendre les armes volées au Gouvernement, ne plus utiliser les missiles fournis par l’Iran en direction de l’Arabie saoudite et cesser le recrutement d’enfants, a-t-il précisé.  Le représentant a reproché à l’Iran de s’ingérer de façon flagrante dans les affaires intérieures du Yémen et d’autres pays de la région, accusant l’Iran de chercher à les déstabiliser.  « Le Conseil de sécurité n’a pas réussi à faire pression sur l’Iran », a-t-il critiqué.

La situation humanitaire au Yémen, sans précédent au XXIsiècle, continue de se détériorer, notamment dans les zones détruites par les houthistes qui utilisent la crise « pour se présenter comme victimes », a accusé M. Alyemany.  Pour le représentant, ce sont les mêmes houthistes qui sont responsables de l’accumulation de déchets dans les rues de Sanaa, qui risquent de déclencher une nouvelle flambée de choléra.  En conclusion, M. Alyemany a appelé le Conseil à « faire pression sur les houthistes qui continuent de rejeter le processus de paix ». 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instance permanente: 370 millions d’autochtones comptant pour 15% des plus pauvres de la planète revendiquent leurs droits collectifs sur leurs terres, territoires et ressources

Dix-septième session
1re & 2e séances – matin & après-midi
DH/5387

Instance permanente: 370 millions d’autochtones comptant pour 15% des plus pauvres de la planète revendiquent leurs droits collectifs sur leurs terres, territoires et ressources

L’Instance permanente sur les questions autochtones a ouvert, ce matin, sa dix-septième session, sur le thème « Droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources », en présence de plus de 1 000 participants et du Président bolivien, M. Evo Morales Ayma, et comme le veut la tradition, après les mots de bienvenue du Chef de la nation onondaga, Tadodaho Sid Hill, de la tribu originelle de New York.

Selon la Banque mondiale, le monde compte aujourd’hui 370 millions d’autochtones, soit seulement 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres.  Les peuples autochtones perdent les terres et les ressources dont ils dépendent pour vivre, a alerté le Président de l’Assemblée générale.  Ces peuples sont dépossédés; leurs terres et leurs ressources se dégradent autour d’eux, soit à cause des activités humaines, soit à cause des changements climatiques, a ajouté M. Miroslav Lajčák.

La protection des droits collectifs sur les terres, les territoires et les ressources sont des revendications majeures du mouvement international des peuples autochtones, a souligné la Présidente de l’Instance permanente.  Mme Mariam Wallet Aboubkrine s’est enorgueillie de ce que « la collectivité » des droits offre une vision très différente des courants dominants qui reposent sur la propriété individuelle et la privatisation.

L’avancement de ces droits, a-t-elle fait valoir, est bénéfique au reste du monde, en ce qu’il participe à la lutte contre des problèmes tels que les changements climatiques et la perte de la biodiversité.  Nous avons beaucoup à apprendre de la compréhension approfondie et de la profonde connexion qu’ont les peuples autochtones avec la Terre, a reconnu la Vice-Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme Inga Rhonda King. 

La communauté internationale s’ouvre de plus en plus aux peuples autochtones: c’est la bonne chose à faire parce que ces peuples ont le droit de participer à la prise de décisions à tous les niveaux, pour pouvoir déterminer leur propre développement, et c’est la chose la plus intelligente à faire parce que ces peuples sont riches de connaissances traditionnelles, de modes de vie durables et d’une vision holistique qui bénéficient à tous, a ajouté le Sous-Secrétaire général au développement économique, M. Elliot Harris.  Après la Déclaration des Nations Unies en 2007, et la Conférence mondiale en 2014, le système des Nations Unies, a-t-il rappelé, a lancé en 2015 un plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui identifie des mesures concrètes pour la mise en œuvre de la Déclaration.

Réélue ce matin par acclamation à la Présidence de l’Instance, Mme Mariam Wallet Aboubakrine a dénoncé le fait que seuls quelques pays aient pris des mesures pour défendre les droits collectifs des peuples autochtones et que l’application des lois soit souvent insuffisante, « voire inexistante ».  « Tant que nos droits sur nos terres, territoires et ressources ne seront pas reconnus et défendus, nous risquons d’être « les laissés-pour-compte » du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a mis en garde la Présidente de l’Instance.

Président du seul pays à avoir transposé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans son droit national, M. Evo Morales Ayma, de la Bolivie, a fustigé les politiques d’accumulation des richesses qui ne respectent pas la Terre nourricière.  « La Terre ne saurait être une marchandise du capitalisme », a souligné M. Evo Morales Ayma, premier autochtone à avoir été élu à la tête d’un État.

Le Président bolivien a appelé à une lutte renforcée contre le capitalisme, l’impérialisme et l’interventionnisme, sans oublier de s’ériger contre le « lexique international » qui parle de « questions autochtones » alors qu’il s’agit de « droits des peuples autochtones ». 

La session s’est ouverte au rythme d’une guimbarde jouée par « Saina » Ekaterina Savvinova, de la République de Sakha, en Fédération de Russie, qui a également chanté des chants traditionnels iakoutes.

L’Instance a poursuivi ses travaux avec une table ronde sur les activités menées dans ses six domaines d’action, à savoir la santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et les 5 000 cultures.  Au cours des discussions, la situation des 7 000 langues autochtones s’est rapidement imposée à l’approche de la célébration, en 2019, de l’Année internationale qui leur sera consacrée.  L’UNESCO a rappelé qu’elle est en train de préparer un plan d’action pour l’Année internationale. 

Créée en 2000, l’Instance, qui est composée de 16 experts indépendants, a élu par acclamation Mmes Anne Nuorgam, Tarcila Rivera Zea et Zhang Xiaoan ainsi que M. Dimitrii Kharakka-Zaitsev à ses vice-présidences.  Les fonctions de Rapporteur ont été confiées à M. Brian Keane.

L’Instance poursuivra ses travaux demain, mardi 17 avril, à partir de 10 heures.

INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES

Déclarations liminaires

M. MIROSLAV LAJČÁK, Président de l’Assemblée générale, s’est félicité des nombreuses initiatives en faveur des peuples autochtones qui ont été lancées dans cette même salle.  Le Président a en effet rappelé qu’il y a 11 ans, l'Assemblée a ancré fermement les questions autochtones dans l'ordre du jour international.  Elle a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et, trois ans plus tard, en 2014, elle s’est réunie pour la première Conférence mondiale sur ces peuples.  Cela a été un grand pas en avant mais les discussions ont confirmé que nous avions un long chemin à parcourir, a reconnu le Président qui a précisé « pas seulement dans notre travail, pour réaliser les droits des communautés autochtones mais aussi dans la mise en place de partenariats plus solides entre ces communautés et les Nations Unies.

L’année dernière, s’est-il réjoui, l’Assemblée a fait un autre pas en avant en décidant, après deux ans de discussions, de créer un nouvel espace pour des auditions interactives qui devraient permettre d’éliminer les obstacles à la participation des peuples autochtones aux travaux des Nations Unies.  Le Président s’est dit honoré de conduire les premières auditions dès demain.

Alors que nous ouvrons la dix-septième session de l’Instance permanente « n’oublions pas que les Nations Unies sont là pour les peuples, dont les peuples autochtones », a-t-il insisté, dans une intervention axée sur quatre observations.  Tout en reconnaissant que les mesures prises par l’Assemblée générale jusqu'à présent ont donné de bons résultats, il a appelé à plus d’ambition.  Il a tenu à émettre, dans une deuxième observation, une mise en garde car les progrès récents ne doivent pas cacher les faits, des faits sombres qui doivent être vus et entendus de tous.  Le monde compte aujourd’hui 370 millions d’autochtones, soit seulement 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres du monde, a souligné le Président, en citant les chiffres de la Banque mondiale.  La pauvreté n’est pas le seul défi.  Les droits des peuples autochtones sont bafoués.  Ils n’ont pas toujours accès à un logement décent et à des écoles, ils sont exclus et marginalisés des systèmes qui devraient les protéger, ils font face à la violence et même à la mort - juste pour avoir revendiqué leurs droits fondamentaux.  

Les peuples autochtones perdent de surcroît les terres et les ressources dont ils dépendent pour vivre.  C’est pourquoi, dans une troisième observation, le Président a voulu que l’on concentre notre attention sur les terres, les territoires et les ressources autochtones.  « Les peuples autochtones sont dépossédés », a-t-il insisté.  Leurs terres et leurs ressources se dégradent autour d’eux, soit à cause des activités humaines, soit à cause des changements climatiques.  Le Président a fait écho à l’appel de l’activiste Autumn Peltier qui a parlé au Forum mondial de l’eau, en mars dernier.

Nous ne pouvons plus parler de terres autochtones comme si elles étaient comme les autres terres, a prévenu le Président.  Nous devons mieux comprendre leur importance pour les communautés auxquelles elles appartiennent.  Ce sont leurs moyens de subsistance.  Elles représentent la spiritualité, la famille, bref la survie.  Le Président a tout de même vu des signes encourageants et perceptibles au niveau national.  Ces dernières années, de nombreux États ont renforcé leur interaction avec les peuples autochtones.  De nouvelles lois et politiques ont été adoptées.  Il a appelé à une Instance permanente qui aille au-delà des mots et qui se concentre non pas sur la politique ou les positions, mais sur les gens.

La Vice-Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines), a rappelé que la réunion d’aujourd’hui coïncide avec la troisième année de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  La majeure partie des 17 objectifs et cibles du Programme 2030 s’applique aux peuples autochtones et est conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Le thème de cette année, a poursuivi la Vice-Présidente, nous rappelle que partout dans le monde, les peuples autochtones luttent pour leur droit à gérer et exploiter leurs terres, territoires et ressources.  En juillet prochain, les questions autochtones resteront au cœur du Forum politique de haut niveau pour le développement durable puisque le thème choisi est « Transformation vers des sociétés durables et résilientes ».  Nous avons beaucoup à apprendre de la compréhension approfondie et de la profonde connexion qu’ont les peuples autochtones avec la Terre, a souligné la Vice-Présidente.  Elle a d’ailleurs encouragé ces peuples à informer l’ECOSOC de leurs défis et préoccupations pour promouvoir une approche plus cohérente et plus coordonnée de la réponse du système des Nations Unies.  « Si les droits collectifs des peuples autochtones à leurs terres ne sont pas respectés, alors c’est l’avenir même de ces peuples qui est en péril », a-t-elle averti.  « Nous devons tenir notre promesse de ne laisser personne de côté. »

M. EVO MORALES AYMA, Président de la Bolivie, s’est félicité de ce que les peuples autochtones puissent enfin participer aux travaux des Nations Unies et contribuer à la défense de la planète.  Il est revenu sur l’invasion européenne de 1492, une lutte difficile livrée par ses ancêtres pour défendre ce continent que l’on appelle désormais « Amérique ». Pour célébrer le cinq centième anniversaire de la résistance populaire des peuples d’Amérique, la Bolivie a organisé, avec Rigoberta Menchú, une vaste campagne pour raconter l’histoire du mouvement social le plus important au monde: le mouvement de lutte autochtone pour l’égalité.  Le mouvement a ensuite repris, il y a 200 ans, pour appuyer les luttes d’indépendance, mais aujourd’hui, a souligné le Président, la responsabilité des peuples autochtones est encore plus grande, après que, pendant cinq siècles, « nous ayons mené des luttes de résistance pour récupérer le pouvoir de nous gouverner nous-mêmes ».

M. Morales Ayma a indiqué que grâce à son « Pacte d’unité », la Bolivie est en train de se libérer du joug extérieur.  Mais pour réussir ce travail, il faut identifier « les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur ».  La libération économique et culturelle est une révolution nécessaire pour changer la donne en Bolivie.  Le Président a insisté sur l’importance « fondamentale » de l’unité de tous et pas uniquement celle des peuples autochtones, même s’il n’a pas oublié les nombreuses « humiliations » dont des langues réduites au rang de « dialectes », des peuples à celui d’« ethnies », « alors que nous sommes des nationalités ».

L’avenir du peuple autochtone et la vie même sur terre sont en danger, a prévenu le Président, en dénonçant les politiques d’accumulation des richesses qui ne respectent pas la Terre nourricière.  La Terre, s’est-il énervé, ne saurait être une marchandise du capitalisme, d’où l’urgence de changer les politiques capitalistes pour garantir la survie des peuples de la planète.

Pour le Président de la Bolivie, il ne s’agit pas d’inventer la roue mais tout simplement de se souvenir de la manière dont les ancêtres autochtones ont su vivre sans « capitalisme de saccages et de pillages ».  Il a appelé à la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et l’interventionnisme, pointant la course aux armements qui, a-t-il affirmé, mène droit au génocide.  Il a aussi accusé « certains États » de fabriquer des problèmes pour justifier une intervention et mettre la main sur les ressources naturelles.  Il a appelé les peuples autochtones à s’unir avec les autres groupes sociaux pour assurer la survie de la Terre.

M. Morales Ayma a aussi dénoncé l’expression « questions autochtones », faisant observer que l’on ne parle pas ici de questions mais de droits des peuples autochtones.  Le Président a voulu que l’on revoie les termes problématiques du « lexique international ».  La lutte, a-t-il poursuivi, ne se limite pas aux peuples autochtones.  Elle doit prendre en compte tous les peuples.  Le Président a souligné que l’expérience des autochtones peut être utile aux Nations Unies.  Il s’est enorgueilli de ce que la Bolivie ait été le premier pays à ratifier la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Après avoir dénoncé les politiques d’extermination menées contre certaines communautés autochtones, M. Morales Ayma a évoqué les nombreuses avancées de la Bolivie.  Ce qui était impossible sous le joug colonial, est devenu possible en quelques années.  « Lorsqu’on ne se soumet ni au joug colonial, ni au joug des États-Unis, ni au joug de la Banque mondiale, il est vraiment possible de faire avancer les choses. »

Mme MARIAM WALLET ABOUBAKRINE, Présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a indiqué que la protection des droits collectifs des peuples autochtones sur les terres, les territoires et les ressources sont des revendications majeures du mouvement international des peuples autochtones.  Ces droits, qui sont inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, font partie de « notre droit » à l’autodétermination, a prévenu la Présidente.

Elle a expliqué que la collectivité des droits sur les terres, territoires et ressources est une tradition des peuples autochtones, de leur histoire et de leur patrimoine.  Cette vision est très différente des courants dominants, qui reposent sur la propriété individuelle et la privatisation.

Il est de plus en plus largement admis, a constaté la Présidente, que l’avancement des droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et les ressources, au-delà de contribuer à leur bien-être, est également bénéfique au reste du monde, en ce qu’il participe à lutter contre des problèmes tels que les changements climatiques et la perte de la biodiversité.  Des études ont notamment démontré que lorsque les droits des peuples autochtones sur les forêts sont respectés, le taux de déforestation est faible, ce qui atténue les effets des changements climatiques à moindre coût.  En outre, les terres gérées par les peuples autochtones abritent 80% de ce qui reste de la diversité biologique terrestre, a souligné la Présidente.

Mme Aboubakrine a déploré que seuls quelques pays aient reconnu ou pris des mesures pour défendre les droits collectifs des peuples autochtones sur les terres, territoires et ressources.  Les autres ne reconnaissent pas encore ces droits et les appliquent encore moins.  Même dans les pays où ces droits sont reconnus, l’application des lois est insuffisante voire inexistante et d’autres éléments de la législation sont même contraires à ces droits.  Les procédures requises, telles que la délimitation des terres et l’attribution des titres de propriété ne sont pas mises en œuvre et la garantie des droits est absente.

Dans le même temps, les défenseurs des droits des peuples autochtones deviennent des cibles lorsqu’ils élèvent la voix et font valoir leurs droits contre les expropriations et l’industrie extractive qui opère trop souvent sans le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones.  Cela se produit lorsque les États ou les acteurs non étatiques convoitent les terres et les ressources des peuples autochtones pour des projets de développement agressifs ou des activités destructrices, en violation des normes nationales et internationales.

« Nos terres et nos ressources ne sont pas de simples biens à nos yeux, elles sont notre vie », a conclu la Présidente.  Tant que nos droits sur nos terres, territoires et ressources ne seront pas reconnus et défendus, nous risquons fort d’être les laissés-pour-compte des objectifs de développement durable, avec le danger pour le monde de perdre la bataille des changements climatiques et de la protection de l’environnement.

Qu’il s’agisse de l’atténuation des effets des changements climatiques ou de la préservation de notre patrimoine commun, les peuples autochtones, a souligné, M. ELLIOTT HARRIS, Sous-Secrétaire général au développement économique et Économiste en chef, sont à l’avant-garde des réponses aux défis environnementaux fondées sur les principes de durabilité, le respect de la Terre nourricière et l’approche d’un développement centré sur l’homme.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 fait d’ailleurs une référence explicite à ces peuples autochtones.  Il souligne aussi les principes qu’ils ne cessent de défendre à savoir l’accès à l’eau potable, la durabilité et la réduction des inégalités.  La communauté internationale s’ouvre aussi de plus en plus aux peuples autochtones: « c’est la bonne chose à faire et c’est la chose la plus intelligente que l’on puisse faire ».

C’est une bonne chose, s’est expliqué le Sous-Secrétaire général, parce que les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions à tous les niveaux, pour pouvoir déterminer leur propre développement.  C’est la chose la plus intelligente parce que les peuples autochtones sont riches de connaissances traditionnelles, de modes de vie durables et d’une vision holistique qui bénéficient à tous.  « Nous devons les écouter », a insisté le Sous-Secrétaire général. 

Après la Déclaration des Nations Unies en 2007, et la Conférence mondiale en 2014, le système des Nations Unies a lancé en 2015 un plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui identifie des mesures concrètes pour la mise en œuvre de la Déclaration.  Cette mise en œuvre est « essentielle » au niveau des pays si l’on veut faire de la Déclaration une réalité pour les peuples autochtones qui sont probablement ceux qui pourraient être « laissés de côté », a prévenu le Sous-Secrétaire général qui a salué l’Instance permanente comme « espace unique » de dialogue et de coopération pour les États Membres et les peuples autochtones.

Mise en œuvre des recommandations formulées lors de la seizième session de l’Instance

Le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, M. BASKUT TUNCAK, s’est inquiété de l’impact des produits chimiques toxiques sur les territoires autochtones.  Ces communautés, qui sont toujours du mauvais côté de la barrière, subissent constamment la violation de leur droit à la vie, a-t-il dénoncé, parlant du taux élevé de déformations congénitales et autres maladies liées à la pollution chimique.  Il a aussi pointé un doigt accusateur sur les pays qui continuent de produire des pesticides, pourtant interdits, pour les exporter vers des pays où la législation est plus faible et où leur utilisation affecte « de manière disproportionnée » les communautés autochtones.

Le Rapporteur a fait observer que les situations les plus problématiques sont liées aux produits qui se trouvent dans les chaînes internationales de distribution.  Des centaines, voire des milliers de substances toxiques échappent à toute réglementation grâce aux traités internationaux dont il faut assurer une meilleure cohésion.  Le Rapporteur a aussi demandé des mécanismes d’établissement des responsabilités.  Il a appelé l’Instance à mettre au point un régime international plus ambitieux en matière de gestion de produits toxiques et dangereux et à envisager la création d’un cadre législatif robuste pour appuyer le respect des droits des peuples autochtones.

Touchant à une autre question, l’International Indian Treaty Council a réclamé un mécanisme sur le rapatriement des restes humains, des objets culturels et des biens sacrés appartenant aux peuples autochtones, tandis que NSW Aborigial Land Council a plaidé pour la création d’un groupe chargé d’examiner la situation des femmes autochtones en détention, de combattre la violence à l’encontre de ces femmes et de mettre sur pied des programmes spéciaux à l’intention de celles qui souffrent de manière disproportionnée des inégalités économiques et de la violence sexiste.

Le Guatemala a insisté sur l’importance des données, à la suite de quoi le Rapporteur de l’Instance, M. BRIAN KEANU, a reconnu l’importance qu’il y a à évaluer l’impact et la portée des programmes et projets en faveur des communautés autochtones, grâce à des indicateurs correctement calibrés.

Activités menées dans les six domaines d’action de l’Instance permanente en relation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à savoir la santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et la culture.

Mme AYSA MUKABENOVA, membre de l’Instance, est revenue sur la décision de proclamer 2019 l’Année internationale des langues autochtones pour attirer l’attention sur les langues en voie de disparition de ce patrimoine linguistique.  Elle a passé en revue les différentes étapes bureaucratiques qui ont abouti à cette proclamation.  La connaissance de ces langues en voie de disparation exige des efforts constants, a-t-elle prévenu, souhaitant des propositions concrètes pour la sensibilisation de l’opinion publique et la promotion de l’Année internationale.  Outre les violations de leurs droits de l’homme, les torts faits à leurs langues, à leurs cultures et donc à l’estime de soi, plongent les peuples autochtones souffrent d’une « dépression mentale ».

C’est l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) qui a été chargée d’élaborer le plan d’action de l’Année internationale, a rappelé sa représentante, Mme IRMGARDA KASINKAITE-BUDDEBERG.  Le plan d’action met l’accent sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la « centralité » des peuples autochtones, la promotion des instruments internationaux normatifs et de la diversité, l’ouverture à l’approche holistique, la participation multipartite assurée à tous les niveaux et, enfin, la synergie entre les différents cadres internationaux de développement.  L’UNESCO propose de créer un comité directeur pour assurer le suivi de la mise en œuvre du plan d’action, au sein duquel les groupes autochtones seront représentés de manière équitable.

D’une manière générale, le plan d’action vise en premier lieu à attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur les langues autochtones et sur les objectifs visant à renforcer le dialogue interculturel et la continuité culturelle et linguistique.  Les parties prenantes sont appelées à fournir un appui à la revitalisation et à la protection des langues autochtones et à promouvoir les valeurs qu’elles véhiculent dans un contexte socioculturel, économique et politique plus large.  L’UNESCO organisera une manifestation parallèle le 18 avril pour pousser la réflexion sur les principaux éléments du plan, tandis que le Comité directeur tiendra sa première réunion le 19 avril.

« Notre identité n’est pas distincte des danses et des langues de nos ancêtres », a déclaré le Ministre des affaires étrangères de la Bolivie.  « Retrouver notre langue autochtone, c’est retrouver notre langue du cœur, notre matrice de vie et de spiritualité et le système des connaissances qui nous a été transmis par nos ancêtres.  Retrouver notre langue, c’est retrouver notre santé et notre vitalité ».

Le transfert du savoir culturel aux jeunes générations est essentiel pour la survie de notre peuple et la protection de la biodiversité », a renchéri le Chef Wilton Littlechild, Coalition des droits de l’homme pour les peuples autochtones, qui a voulu que le respect de la spiritualité soit le principe directeur du plan d’action de l’UNESCO.  À son tour, M. Jens Dahl, expert de l’Instance, a souligné que pour sauver une langue, il faut qu’elle soit parlée à la maison et que les locuteurs se l’approprient.  Il a recommandé à l’UNESCO de recenser les nombreux chercheurs et linguistes autochtones impliqués dans la protection de leurs langues.  Il faut également garder à l’esprit les problèmes réels rencontrés sur le terrain, a renchéri M. Alexey Tsykarev, un autre expert de l’Instance qui s’est préoccupé de la transmission difficile des langues d’une génération à une autre.  Cette Année, a-t-il dit, devrait être l’occasion de mettre en place des initiatives pratiques à tous les niveaux.

L’Inuit Circumpolar Council a indiqué que bien que l’inuit soit considéré comme l’une des langues autochtones les plus fortes du Canada et que 70% des Inuits de Nunavut l’identifient comme leur langue maternelle, le nombre des locuteurs diminue toutefois de 20% chaque année.  Il a notamment dénoncé le fait que 40% des enseignants dans les écoles de Nunavut sont uniquement anglophones et viennent du sud du pays.  Les besoins des enfants inuits ne sont pas pris en compte dans la majorité des systèmes d’enseignement du Canada, a-t-il accusé.  L’inuit est « la langue unificatrice » de Nunavut qui mérite des ressources pour son éclosion.  Le Canada, représenté par une délégation inuite, a plaidé pour que l’inuit soit reconnu au même titre que le français ou l’anglais dans tout le pays.  D’ici à la soixante-quinzième session de l’Assemblée générale au plus tard, la voix des gouvernements autochtones doit être entendue dans toutes les réunions de l’ONU.

Beaucoup d’intervenants ont attirer l’attention sur certaines initiatives prises pour éviter la déperdition des langues autochtones.  La Fédération de Russie a parlé de bandes dessinées, avant que l’Association des peuples autochtones du nord, de la Sibérie et de l’extrême-orient de la Fédération de Russie n’évoque la tenue d’un congrès des enseignants en langue autochtones.  Mais ce qui est primordial, a-t-elle souligné, c’est d’inciter les peuples autochtones à parler leur langue, chez eux, avec leurs enfants.

Le Parlement sami de la Norvège a dit travailler, avec les Samediggis de Suède et de Finlande, à l’élaboration d’une terminologie et de normes communes pour éviter que la langue samie n’évolue de manière différente dans chacun de ces trois pays.  Mais le financement de ce projet fait défaut, a-t-il prévenu.  Le Guatemala a parlé des programmes pédagogiques en langue maya, tandis que le Mexique a appelé au renforcement des capacités créatrices des communautés autochtones, ainsi qu’à la création de contenus numériques en langues autochtones.  Il faut permettre aux peuples autochtones de s’épanouir en tant que tels, a souligné la Nouvelle-Zélande qui a indiqué que le maori est une langue officielle néozélandaise depuis 1986.

L’Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee a souligné que le continent africain compte plus de 1 000 langues autochtones, pourtant « marginalisées ».  Il a averti que cela pourra accélérer leur disparition au cours de ce siècle.  La revitalisation de l’amazigh en Algérie et au Maroc doit être considérée comme une initiative « exemplaire » pour toutes les autres langues autochtones du continent.  Le Congrès mondial amazigh a en profité pour dénoncer « la propagande » des organes officiels qui veulent faire croire que les langues autochtones seraient des obstacles au développement.  « Assurer la domination d’une langue sur une autre est un acte raciste contre lequel il ne faut jamais arrêter de lutter », a souligné le Congrès qui a dénoncé la minorisation de certaines langues jugées suspectes pour le simple fait que leurs locuteurs cherchent à revendiquer leurs droits.

La situation des défenseurs des droits de l’homme autochtones s’est également imposée au cours de ce dialogue interactif, la Ministre de la culture et de la démocratie de la Suède, au nom des États nordiques, s’alarmant de ce que plus de 300 de ces défenseurs aient été tués en 2017 et que le niveau d’impunité demeure « inacceptable ».  L’Organización de Pueblos Indigenas de la Amazonia Colombiana a réclamé un programme pour assurer la survie des dirigeants autochtones de Colombie, signalant que 37 d’entre eux ont été assassinés en 2017.  Elle s’est notamment inquiétée de la remilitarisation des zones libérées par les FARC et a appelé l’Instance à accorder la priorité à cette question.

« Les États ne respectent ni les terres ni les droits des peuples autochtones », s’est impatientée la Coordinadora de Organizaciones Indígenas de la Cuenca Amazónica.  Quand nous défendons nos droits, nous sommes poursuivis par ceux qui prétendent protéger la « Pachamama » mais qui promeuvent en fait la culture du soja ou les barrages hydroélectriques.  « Nous sommes poursuivis et parfois emprisonnés, simplement pour avoir tenté de protéger nos terres », s’est indignée l’organisation, avant d’annoncer la tenue prochaine d’une grande réunion des peuples d’Amazone pour approfondir ces questions et d’inviter l’Instance à y participer.

Le dialogue a également été ponctué par les interventions de différentes organisations internationales et agences de l’ONU, à l’instar de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui a parlé des négociations en cours sur un instrument juridique relatif à la protection des ressources génétiques, du savoir et des expressions culturelles traditionnelles.  L’Organisation panaméricaine de la santé a dit travailler à la promotion de l’accouchement traditionnel et avoir créé une bibliothèque virtuelle sur les soins traditionnels, tandis que le Secrétariat de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité a parlé d’un plan d’action sur l’utilisation coutumière de la biodiversité.  Des directives sont aussi envisagées pour promouvoir le savoir traditionnel et des ateliers sont organisés pour aider les pays à élaborer des plans d’action.  L’adoption d’un projet de décision relatif à un programme de travail sur le savoir traditionnel est également prévue, de même qu’un sommet sur la nature et la culture.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Conférence sur la biodiversité marine s’ouvre sous une « pluie d’inspiration » et une « tempête de bonnes idées »

Session d’organisation,
matin et après-midi
MER/2069

La Conférence sur la biodiversité marine s’ouvre sous une « pluie d’inspiration » et une « tempête de bonnes idées »

Qualifiée par de nombreuses délégations d’« historique », la Conférence intergouvernementale censée aboutir en 2020 à « un instrument juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durables de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » a entamé, ce matin, ses trois jours de discussions sur les modalités des futures négociations.  Les commentaires ont porté sur la composition de son bureau, le format des réunions, le calendrier, le règlement intérieur et l’avant-projet de texte.  La Présidente singapourienne de la Conférence a souhaité à la réunion, qui s’est ouverte à New York en plein orage printanier, « une pluie d’inspiration et une tempête de bonnes idées ».

En décembre 2017, l’Assemblée générale avait décidé de convoquer une conférence intergouvernementale pour examiner les recommandations du Comité préparatoire sur le futur instrument international qui se rapporte en fait à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Le rapport du Comité préparatoire étant paru en juillet dernier, la Conférence a donc prévu des sessions de fond, du 4 au 17 septembre 2018, au Siège de l’ONU, puis en 2019 et 2020.

Dans la foulée de son élection à la présidence de la Conférence, Mme Rena Lee, de Singapour, a rappelé que ce processus a commencé il y a plus de 10 ans.  Elle a rendu un hommage appuyé aux pionniers de l’initiative, qualifiée à sa suite par le Secrétaire général de la Conférence, M. Miguel de Serpa Soares, et de nombreuses délégations de « tournant historique ».

L’un des principaux thèmes de cette première journée a été la composition du futur Bureau de la Conférence.  Le Groupe des États d’Afrique et le Bangladesh ont estimé que la structure du Bureau ne devait pas différer de celle du Comité préparatoire qui a, selon eux, bien fonctionné avec deux représentants par région.  Arguant de la longueur des futures négociations, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Maurice, le Mexique et le Chili ont toutefois estimé qu’un bureau composé de trois représentants par région, soit 15 membres au total, permettrait de mieux représenter le monde.  Le Groupe des 77 et la Chine n’ont pas tranché, estimant que les deux options se valent.

S’agissant du calendrier de la Conférence, le Groupe des États d’Afrique s’est opposé à la tenue de la deuxième session de fond en septembre 2019, estimant qu’il s’agissait là d’une « période trop chargée ».  Il a indiqué son intention de proposer un calendrier alternatif.

La question du règlement intérieur de la Conférence a permis de dégager un consensus: les délégations ont unanimement plébiscité l’adoption mutatis mutandis, sans grandes délibérations, du Règlement intérieur des Nations Unies dans le cadre de la Conférence. 

En revanche, la possibilité de disposer d’un avant-projet de texte, dit « projet zéro », avant même le début des négociations formelles de septembre a été plus débattue.  La circulation d’un tel document permettrait non seulement de donner le temps aux délégations d’étudier le texte en amont, mais également de commencer la session de septembre directement par des questions de fond, ont estimé la CARICOM, le Bangladesh et la Nouvelle-Zélande.  « Un tel document ne serait pas un projet zéro à titre officiel », a précisé le Mexique, « mais ce serait une bonne base de travail pour commencer rapidement les discussions ».  Le mieux serait de confier son élaboration à la présidente de la Conférence, ont précisé les Maldives.  Il lui suffirait pour cela de reprendre la structure et les recommandations du rapport du Comité préparatoire, ont ajouté le G77, la Thaïlande et le Chili.

Il est hors de question de transformer « automatiquement » le rapport du Comité préparatoire en projet zéro, s’est insurgée la Fédération de Russie.  « Beaucoup des éléments du rapport se contredisent les uns les autres », a ajouté le pays, pour qui le projet zéro doit impérativement être le résultat d’une discussion intergouvernementale.  De manière générale, la Fédération de Russie a estimé que la Conférence « n’a pas été préparée de façon souhaitable ».  Selon elle, beaucoup de questions restent en suspens, y compris le droit à y participer et les processus de décisions.  Nous espérons que la précipitation qui a caractérisé jusqu’ici le processus cessera et laissera la place au « pragmatisme et au bon sens », a martelé la Fédération de Russie.

Au nom du même pragmatisme, le Groupe des États d’Afrique a appelé à la souplesse dans la répartition des travaux entre réunions formelles et informelles.  Il a toutefois insisté sur la nécessité d’éviter les réunions parallèles.  C’est important, ont renchéri le G77 et la Chine, pour s’assurer de la participation de toutes les délégations.  En effet, ont précisé les Maldives, de nombreux petits États insulaires n’ont qu’un personnel réduit.  Le Mexique a jugé utile de créer des groupes de travail de petite taille en marge des séances plénières. 

Rentrant dans le vif du sujet, à savoir la teneur même du futur instrument, le Groupe des pays en développement sans littoral a estimé que ce nouvel instrument devrait contribuer à élargir l’accès et la participation des pays en développement sans littoral à l’économie marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, conformément à la Convention sur le droit de la mer.  Cela doit passer, a affirmé le Népal, par un renforcement des capacités techniques et financières des pays pauvres.

La réunion d’organisation de la Conférence reprendra demain, mardi 17 avril, à 10 heures, avec l’adoption officielle du règlement intérieur de la Conférence. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil économique et social procède à des élections pour 19 de ses organes subsidiaires

Session de 2018   
16e séance – après-midi
ECOSOC/6900

Le Conseil économique et social procède à des élections pour 19 de ses organes subsidiaires

Le Conseil économique et social (ECOSOC) s’est réuni, cet après-midi, sous la présidence de Mme Inga Rhonda King, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, afin de pourvoir des postes vacants dans 19 de ses organes subsidiaires.

Ainsi, les 18 nouveaux membres du Comité chargé des organisations non gouvernementales, élus pour un mandat de quatre ans, sont l’Estonie, la Grèce, Israël, la Libye, le Nigéria, la Fédération de Russie, le Soudan, le Swaziland, la Turquie, les États-Unis, le Pakistan, l’Inde, la Chine, le Bahreïn, Cuba, le Mexique, le Nicaragua et le Brésil.  Les huit derniers ont été élus par vote à bulletin secret.

Le Bélarus, la République démocratique du Congo, la République islamique d’Iran, la Malaisie et le Togo seront les cinq nouveaux membres de la Commission de la population et du développement, pour un mandat de quatre ans, alors que l’élection de trois autres membres a été reportée.  Au sein de cette même commission, l’Inde et la Côte d’Ivoire ont été élus aux deux postes restés vacants auparavant. 

L’ECOSOC a également élu par acclamation l’Argentine, le Tchad, la Colombie, le Guatemala, l’Iraq, Israël, le Maroc, la Sierra Leone et l’Afrique du Sud à la Commission du développement social, pour des mandats de quatre ans.  Il a reporté l’élection de 5 autres membres à 2019.  Par ailleurs, l’Inde et le Koweït ont été élus par acclamation pour pourvoir les postes restés vacants auparavant et ce, jusqu’en 2021, alors que l’élection de trois autres postes vacants a été reportée.

Les 11 membres élus par acclamation à la Commission de la condition de la femme pour des mandats de quatre ans, sont l’Arménie, l’Australie, le Bangladesh, le Bélarus, Cuba, la Guinée équatoriale, l’Allemagne, la Malaisie, l’Afrique du Sud, le Togo et les États-Unis.

Les 17 nouveaux membres de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale seront, à partir du 1er janvier 2019 et pour trois ans: l’Autriche, l’Algérie, le Bélarus, le Brésil, le Burkina Faso, Cuba, la France, l’Inde, l’Iraq, la République islamique d’Iran, le Koweït, le Mexique, le Nigéria, le Swaziland, la Thaïlande, la Turquie et les États-Unis.  Par ailleurs, l’Érythrée a été élue par acclamation pour pouvoir un poste resté vacant précédemment.

Au sein de la Commission de la science et de la technique au service du développement, après renonciation de la Hongrie à son siège, la Serbie a été élue par acclamation pour la remplacer jusqu’à la fin de son mandat.  Sur les 23 postes à pourvoir à la Commission, 13 ont été élus par acclamation pour un mandat de quatre ans: la Belgique, le Botswana, le Canada, Cuba, l’Égypte, l’Éthiopie, la Hongrie, le Kenya, la Lettonie, le Libéria, la Roumanie, le Royaume-Uni, les États-Unis.  La Finlande, la Chine, la République islamique d’Iran, le Népal et la Thaïlande ont pour leur part été élus à l’issue d’un vote à bulletin secret, tandis que l’élection de six autres membres a été reportée.

S’agissant du Comité du programme et de la coordination, l’Angola, l’Argentine, l’Éthiopie, la France et la Fédération de Russie ont été élus par acclamation pour un mandat commençant le 1er janvier 2019 et finissant le 31 décembre 2021, alors que l’Italie et le Tchad ont été élus pour occuper des postes restés vacants lors d’élections précédentes. 

Cinq membres ont été élus par acclamation pour un mandat de quatre ans au sein du Comité des droits économiques, sociaux et culturels: Olivier De Schutter (Belgique), Aslan Khuseinovich Abashidze (Fédération de Russie), Heisoo Shin (République de Corée), Rodrigo Uprimny Yepes (Colombie), Renato Zerbini (Brésil).  Deux autres membres ont été élus par un vote à bulletin secret pour un mandat de quatre ans - Peter Sunday Omologbe Emuze (Nigéria) et Asraf Ally Caunhye (Maurice), alors que l’élection de deux autres membres a été reportée en l’absence de candidature.

Pour ce qui est du Groupe de travail intergouvernemental d’experts des normes internationales de comptabilité et de publication, les pays suivants ont été élus par acclamation: Albanie, Bélarus, Brésil, Colombie, Kazakhstan, Kenya, Kirghizistan, Nigéria et Philippines.  L’ECOSOC a également élu le Botswana, le Cameroun, la Chine, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni pour pourvoir certains postes restés vacants auparavant.

Ont été élus par acclamation au Conseil d’administration du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) l’Australie, le Bangladesh, le Bénin, le Burundi, le Cameroun, le Canada, Djibouti, la France, la Lituanie, le Luxembourg, le Mexique, la Mongolie, le Maroc et le Pakistan, élus par acclamation pour un mandat de trois ans.  Suite à la démission du Conseil d’administration d’UNICEF de l’Allemagne, la Grèce, l’Islande et la Norvège, l’ECOSOC a décidé de les remplacer par la Suisse, le Portugal, le Danemark et la Suède.

De plus, suite à la décision d’élargir le Conseil d’administration du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le Zimbabwe a été élu par acclamation.

Quatorze nouveaux membres ont été élus au sein du Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour le développement, du Fonds des Nations Unies pour la population et du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets.  Ce sont la Belgique, le Botswana, le Cameroun, le Canada, la Gambie, l’Inde, l’Italie, le Mexique, les Pays-Bas, la République de Corée, le Rwanda, l’Afrique du Sud, l’Ukraine et le Vanuatu, qui ont été élus par acclamation pour un mandat de trois ans.  Après la démission du Luxembourg, de la Finlande, du Portugal et de la Suisse de ce Conseil d’administration, leurs remplaçants seront la Turquie, l’Australie, la Suède et Monaco.

Seize nouveaux pays membres ont été élus par acclamation au Conseil d’administration de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes): l’Angola, le Bangladesh, le Chili, la Colombie, Cuba, le Ghana, la Géorgie, la Hongrie, l’Inde, l’Irlande, le Kenya, la Mongolie, le Maroc, le Népal, l’Arabie saoudite et la Turquie.  Ils ont été élus pour un mandat de trois ans.  En outre, la Turquie, le Canada et les Pays-Bas ayant démissionné, ils seront remplacés respectivement par Israël, l’Australie et la Suède, qui serviront jusqu’à la fin des mandats initiaux.  Le Chili, aussi démissionnaire, n’a pas trouvé de remplaçant.

Concernant le Conseil d’administration du Programme alimentaire mondial (PAM), le Burkina Faso, la République islamique d’Iran, la République de Corée, la Fédération de Russie, la Suède et la Suisse ont été élus par acclamation pour trois ans, alors que la Grèce et la Norvège, démissionnaires, seront remplacées par l’Espagne et le Luxembourg pour finir leurs mandats.

Faute de candidatures, la nomination des membres du Comité d’attribution du prix des Nations Unies en matière de population a été reportée.

L’ECOSOC a ensuite élu au Conseil de coordination du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida la Belgique, la Chine, le Brésil, le Japon, le Libéria, la Namibie, la Fédération de Russie, la Suède et le Royaume-Uni par acclamation pour un mandat de trois ans.

Seuls 11 pays sur les 20 postes à pourvoir ont été élus au Conseil d’administration du programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) lors de cette séance: il s’agit de l’Argentine, du Cameroun, de la République islamique d’Iran, de l’Iraq, du Japon, du Kazakhstan, du Libéria, de la Mauritanie, de la Pologne, de la Fédération de Russie et de la Zambie, élus par acclamation pour un mandat de quatre ans.

Enfin, concernant la Commission de statistique, la Guinée équatoriale a été élue par acclamation pour un mandat prenant effet aujourd’hui et venant à expiration le 31 décembre 2021, tandis que l’élection des sept membres du Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix a été reportée à plus tard dans l’année. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Deux hauts responsables de l’ONU exhortent le Conseil de sécurité à renforcer son action face à la barbarie des violences sexuelles en temps de conflit

8233e séance – matin
CS/13299

Deux hauts responsables de l’ONU exhortent le Conseil de sécurité à renforcer son action face à la barbarie des violences sexuelles en temps de conflit

La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina J. Mohammed, et la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten, ont exhorté, ce matin, le Conseil de sécurité à renforcer son action pour que les responsables de violences sexuelles commises en temps de conflit soient punis. 

Comme l’a rappelé une avocate rohingya dans son intervention, temps fort d’un débat qui a vu une soixantaine de délégations s’exprimer, les violences sont en effet utilisées en tant que « tactique de guerre » dans de nombreux conflits, notamment au Myanmar.  Un certain nombre de pays ont d’ailleurs souhaité que les violences sexuelles deviennent des critères de désignation des régimes de sanctions du Conseil. 

Dans le droit fil de la lettre* en date du 2 avril 2018, distribuée par la présidence péruvienne, la Vice-Secrétaire générale a salué les textes adoptés par le Conseil sur cette question ces 10 dernières années, à commencer par la résolution pionnière 1820 (2008).  Dans ce texte, le Conseil observe que ces violences sexuelles peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un acte de génocide.  Cela peut être aussi « une tactique de terrorisme », selon la résolution 2331 (2016).

« Mais nous devons faire bien plus pour lutter contre l’impunité », a affirmé la Vice-Secrétaire générale.  Mme Mohammed a notamment mentionné le rôle crucial des conseillers pour la protection des femmes déployés au sein des missions de l’ONU, des postes créés par la résolution 1888 (2009).

Un point de vue partagé par Mme Patten, qui présentait le dernier rapport** du Secrétaire général sur la question et dont les priorités sont les suivantes: passer de la culture de l’impunité à celle de la dissuasion, engager effectivement des poursuites judiciaires et faire face aux causes invisibles de la violence sexuelle. 

« Aujourd’hui, nous soutenons des milliers de rescapés que nous ne pouvions atteindre il y a 10 ans », s’est réjouie Mme Patten.  Elle a salué ce que fait, par exemple, la Colombie pour soutenir les enfants issus des viols en temps de conflit, le seul pays au monde à reconnaître ces enfants comme victimes.  De son côté, le représentant du Bangladesh a fait valoir les efforts de son pays pour assurer protection et assistance humanitaire à près de 700 000 déplacés rohingya, dont plus de 2 000 femmes enceintes.

La Représentante spéciale a néanmoins regretté que nous ne soyons pas encore passés des résolutions aux solutions durables face à ce fléau.  Elle a notamment estimé que « c’est un affront de voir qu’aucun membre de Daech ou de Boko Haram n’ait été pour l’instant condamné pour violence sexuelle ».  Elle a ensuite fait trois recommandations à la communauté internationale: établir un fonds de réparation pour les rescapés de violences sexuelles en période de conflit; adopter des « projets de quotas spéciaux » afin d’aider à la relocalisation des femmes et des enfants dans des pays tiers, comme l’a fait l’Allemagne pour protéger les membres de la communauté yézidie d’Iraq; et mobiliser des fonds suffisants à la hauteur du fléau.

Première Rohingya à s’adresser devant le Conseil, l’avocate Mme Razia Sultana, représentant le Groupe de travail des organisations non gouvernementales sur les femmes, la paix et la sécurité, a parlé des femmes et filles « torturées et tuées par l’armée du Myanmar, pour la simple raison qu’elles sont rohingya ».  « Depuis août dernier, plus de 670 000 Rohingya ont fui le Myanmar », a-t-elle dénoncé, estimant que le Conseil de sécurité les a laissé tomber.  L’avocate a assuré qu’elle avait les preuves que les troupes gouvernementales avaient violé plus de 300 femmes et filles dans 17 villages de l’État Rakhine.  « Ce chiffre ne représente probablement qu’une fraction des viols perpétrés », a-t-elle prévenu. 

Une position rejetée par le représentant du Myanmar, qui a dénoncé, comme dénuées de fondement, les accusations selon lesquelles la violence sexuelle a été utilisée pour forcer les musulmans à abandonner leurs foyers.  Mon pays dénonce l’utilisation de mots tels que « nettoyage ethnique » ou « génocide » s’agissant de la situation dans l’État Rakhine, a-t-il dit, en y voyant une « fake news ». 

Plusieurs délégations, dont celles de la France, des États-Unis et des Pays-Bas, ont défendu l’idée que ces violences soient retenues comme critères de désignation des régimes de sanction du Conseil.  « Cela pourrait potentiellement contribuer à protéger des millions de femmes », a estimé la délégation néerlandaise.  La Ministre de la culture et de la démocratie de la Suède, Mme Alice Bah Kuhnke, a proposé que des experts en genre siègent dans les comités des sanctions du Conseil. 

De son côté, le délégué du Canada a encouragé le Conseil à prêter une attention accrue aux signes avant-coureurs de violences sexuelles.  À l’instar de la représentante de la Colombie, il a en outre demandé que, dans le cadre des accords de paix, les auteurs de crimes sexuels ne soient pas amnistiés. 

Un grand nombre de délégations ont souligné la nécessité que les abus sexuels commis au sein des opérations de paix de l’ONU soient sanctionnés.  Le représentant de la Fédération de Russie s’est, à ce titre, étonné qu’aucun soldat français n’ait été condamné suite aux abus sexuels commis en République centrafricaine. 

Enfin, plusieurs pays, outre le Myanmar, ont dénoncé les passages du rapport du Secrétaire général les concernant.  Selon ce rapport, les gardes frontière au Darfour ont commis des violences sexuelles, or, ces gardes frontières n’existent plus depuis deux ans, a déclaré le délégué du Soudan.  Le représentant de la Syrie a, lui, déploré que le rapport se soit appuyé sur des « informations fabriquées de toutes pièces » par les Casques blancs. 

* S/2018/311
** S/2018/250

LES FEMMES ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

Prévenir le problème de la violence sexuelle liée aux conflits par le biais de l’autonomisation, l’égalité des sexes et l’accès à la justice

Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits (S/2018/250)

Lettre datée du 2 avril 2018, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent du Pérou auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2018/311)

Déclarations

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a rappelé qu’au Myanmar et dans nombre de conflits, la violence sexuelle est utilisée pour atteindre des objectifs militaires.  Les deux sexes sont touchés, a-t-elle dit, même si les femmes et les filles en sont victimes de manière disproportionnée.  Celles qui survivent à la violence sexuelle sont en outre contraintes de vivre dans la marginalité, avec souvent une stigmatisation des grossesses non désirées, a-t-elle poursuivi.  La Vice-Secrétaire générale a dénoncé cette tactique barbare, en demandant une reddition de comptes pour éviter que ces crimes ne se répètent.

Mme Mohammed a noté les progrès accomplis dans cette direction et salué notamment l’élaboration d’un plan de lutte contre la violence sexuelle par le Gouvernement iraquien en début d’année.  Elle a également salué les avancées dans ce domaine au sein des opérations de maintien de la paix.  Ainsi, par exemple, une équipe de policières britanniques et congolaises a été dépêchée dans l’est de la République démocratique du Congo pour veiller à ce que les violences sexuelles commises fassent l’objet de poursuites, a noté Mme Mohammed.  Elle a aussi mentionné le rôle crucial que sont appelés à jouer les conseillers à l’égalité des sexes dans l’élaboration de politiques de lutte contre la violence sexuelle

Mme Mohammed a salué l’adoption des résolutions du Conseil sur cette question, en particulier la résolution 2106 (2013).  « Mais nous devons faire bien plus pour lutter contre l’impunité et faire en sorte que des hommes, des garçons, des femmes et des filles n’aient plus à subir la violence sexuelle en temps de conflit », a conclu la Vice-Secrétaire générale. 

La Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme PRAMILA PATTEN, a rappelé les priorités qu’elle avait fixées en prenant ses fonctions en juin dernier: changer la culture de l’impunité et passer à celle de la dissuasion et engager effectivement des poursuites judiciaires; faire face à la discrimination structurelle et aux causes invisibles de la violence sexuelle en période de conflit et de paix; et renforcer l’appropriation et le leadership national pour une réponse durable axée sur les victimes, une réponse qui autonomise la société civile et les défenseures locales des droits des femmes.

Elle a salué la présence à cette séance du Conseil de Mme Razia Sultana, représentant le Groupe de travail des organisations non gouvernementales (ONG) sur les femmes, la paix et la sécurité.  Mme Sultana, a-t-elle souligné, est la première Rohingya, née dans le nord de l’État Rakhine, au Myanmar, à s’adresser devant le Conseil de sécurité.  « Sa présence est une opportunité historique de donner un visage et une voix à une communauté à qui le droit à la nationalité a été dénié, tout comme lui ont été refusés une identité et même un nom. » 

Elle a rappelé que le Conseil de sécurité avait placé les questions de violence sexuelle en période de conflit en 2008 dans son programme de travail, en adoptant la résolution 1820.  Depuis lors, cette question fait désormais systématiquement partie du mandat des missions de maintien de la paix, et elle fait partie des critères de désignation dans des régimes de sanctions.  En outre, cette question est mentionnée dans les accords de paix et elle ne fait plus partie des actes susceptibles d’amnistie.  De plus, les conseillers pour la protection des femmes ont été déployés sur le terrain afin de collecter des informations exploitables et établir des dialogues sur la protection avec les parties en conflit.

« Aujourd’hui, nous soutenons des milliers de rescapés que nous ne pouvions atteindre il y a 10 ans », s’est réjouie Mme Patten, même si elle a regretté que « nous ne sommes pas encore passés des résolutions aux solutions durables face à ce fléau ».  Estimant que le monde est à un tournant face à ce problème, elle a invité à rapidement consolider les progrès en assurant la reddition de la justice, au risque de faire marche arrière et de voir les viols de guerre « se normaliser » de nouveau du fait de la fréquence de l’impunité.  Elle a relevé que la décennie d’engagement politique contre ce fléau avait coïncidé avec des crises mondiales telles que les mouvements de masse des populations, la montée de la violence extrémiste et du terrorisme, la résurgence et l’expansion des conflits et la prolifération des armes.  Selon la Représentante spéciale, « ces facteurs ont créé les conditions favorables au développement de nouveaux modèles de violations ».

Mme Patten a indiqué que le rapport du Secrétaire général sur la question laisse voir que cette pratique reste d’actualité: en 2017, elle a été employée comme tactique de guerre, tactique terroriste et outil de répression politique.  Elle a parlé de femmes et de filles « offertes aux combattants » dans le cadre d’un système pervers de rétribution et d’intégration des nouvelles recrues.  Elle a aussi déploré ces formes de réaction qui font, par exemple, que des mariages précoces soient organisés pour protéger les filles contre le viol ou pour des raisons économiques.  Dans d’autres cas, les victimes sont mariées de force à leur bourreau dans le but de restaurer l’harmonie sociale et l’honneur de la famille.  Les femmes victimes de viol et leurs enfants sont souvent perçus comme complices des oppresseurs et non pas comme victimes et sont menacés par les communautés qu’ils essayent d’intégrer, a-t-elle encore déploré. 

Mme Patten a aussi relevé la division qu’entraîne la stigmatisation, qui empêche les familles de se réconcilier, et conduit même, parfois, à des déplacements, car les survivants fuient pour éviter des représailles de leur propre communauté.  La stigmatisation peut avoir des répercussions mortelles, a-t-elle aussi noté en parlant des crimes d’honneur, des suicides, des maladies non traitées comme le VIH/sida, des fistules, des avortements à risque, de la mortalité maternelle, de l’extrême pauvreté et des attitudes de survie dangereuses.  Toutes ces conséquences font que « la stigmatisation et la victimisation des rescapés donnent à l’arme du viol son pouvoir unique de destruction, y compris le pouvoir de destruction du tissu social et le fait de faire des victimes des bannis ».  Et paradoxalement, ce sont aussi ces raisons qui font que la violence sexuelle est l’un des crimes les moins rapportés, a-t-elle noté.

Mme Patten a ensuite attiré l’attention sur la question des enfants issus des viols en période de conflit.  Elle a expliqué que ces enfants deviennent des apatrides et sont exposés au recrutement, à la radicalisation, au trafic et à l’exploitation, avec les implications que cela peut avoir sur la préservation de la paix et de la sécurité.  Elle a noté que la Colombie est le seul pays au monde où les enfants ayant un tel destin sont reconnus comme victimes, même si la peur de la stigmatisation contraint nombre d’entre eux à ne pas se présenter aux autorités pour réclamer une réparation.

Quant aux hommes rescapés de violence sexuelle, ils voient leur statut social, leur identité et leur orientation sexuelle remis en question.  Dans certains pays, ils sont même interpelés par les autorités.  En dépit d’un cas de référence de la Cour pénale internationale (CPI) qui a jugé Bosco Ntaganda en 2017, les viols de masse continuent de faire face à une impunité de masse, a-t-elle dénoncé.  Et cela signifie que le cercle vicieux de la violence, de l’impunité et de la revanche continue sans répit dans de nombreuses nations en proie aux conflits.  « C’est un affront de voir qu’aucun membre de Daech ou de Boko Haram n’ait été pour l’instant condamné pour violence sexuelle », s’est-elle indignée.

Revenant sur le rapport de 2017, elle a salué quelques progrès, comme en Côte d’Ivoire où aucun cas concernant les forces armées nationales n’a été signalé en 2017.  Cela montre, a-t-elle expliqué, qu’avec la volonté politique et des mesures d’atténuation des risques, les avancées sont possibles.  Elle a invité les parties listées dans le rapport, notamment les forces armées du Myanmar et celles du Soudan, à adopter des cadres de coopération avec son bureau.  Elle a noté que des centaines de procès sont en cours en République démocratique du Congo (RDC) avec le soutien de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et de l’Équipe d’experts sur l’état de droit qui fait partie du Bureau de la Représentante spéciale. 

Mme Patten a dénoncé le fait que les viols en période de conflit soient une « histoire de déni ».  Elle a dit qu’en visitant les pays impliqués, elle fait face aux dénégations ou à la minimisation des faits.  Cette approche, a-t-elle dit, ne sert personne: ni le gouvernement, ni la crédibilité et l’efficacité des institutions nationales, et encore moins les gens qui essayent de sortir du cauchemar du passé et de se construire un avenir.  « Aucun problème ne peut être résolu par le silence », a-t-elle argué avant de rappeler que les rescapés regardent le Conseil de sécurité et attendent.  « Nous ne pouvons les décevoir », a-t-elle plaidé. 

La Représentante spéciale a ensuite fait trois recommandations.  Elle a invité la communauté internationale à établir un fonds de réparation pour les rescapés de violence sexuelle en période de conflit.  « Une justice réparatrice, c’est ce que les survivants attendent le plus, mais ils la reçoivent le moins », a-t-elle souligné.  Elle a également prôné une réponse opérationnelle pour atténuer la stigmatisation, car celle-ci tue.  Elle a invité les États à adopter des « projets de quotas spéciaux » afin d’aider à la relocalisation des femmes et des enfants dans des pays tiers, comme l’a fait l’Allemagne pour protéger les membres de la communauté yézidie d’Iraq.  Elle a souhaité qu’une telle initiative soit mise en place au profit des femmes et enfants rohingya les plus vulnérables.  Enfin, elle a plaidé pour des fonds adéquats à la hauteur du fléau et des défis, car « le manque de ressources signifie le manque de protection ».  Elle a également invité à soutenir ces femmes du Libéria, de Colombie, de Bosnie-Herzégovine, de RDC et d’ailleurs qui se sont servi de leur expérience de rescapées de violence sexuelle pour mobiliser les mouvements politiques en faveur de la paix.  Elle a justifié cet appel à les soutenir en indiquant qu’autonomiser, c’est protéger. 

Mme RAZIA SULTANA, avocate rohingya et chercheuse à Kaladan Press, a fait une intervention au nom du Groupe de travail des organisations non gouvernementales (ONG) sur les femmes, la paix et la sécurité.  Celle qui travaille directement avec des femmes et des filles rohingya dans les camps de réfugiés au Bangladesh, et ce, depuis 2014, s’est présentée ainsi: « Je parle aujourd’hui au nom de mon peuple, qui a été chassé de sa patrie. »  « Là d’où je viens, les femmes et les filles ont subi des viols collectifs, ont été torturées et tuées par l’armée du Myanmar, pour la simple raison qu’elles sont rohingya. »

En effet, depuis août dernier, plus de 670 000 Rohingya ont fui le Myanmar, a rappelé Mme Sultana.  Or, « la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité, nous ont laissé tomber », a-t-elle déploré.  D’après elle, la crise actuelle aurait pu être évitée si les signes avant-coureurs depuis 2012 n’avaient pas été ignorés.  Elle a accusé les forces de sécurité de l’État d’avoir porté atteinte aux droits de l’homme des Rohingya, avant de signaler aussi que d’autres minorités ethniques, y compris les Karen, les Kachin, les Chin, les Mung et les Shan, subissent également des discriminations, des viols et d’autres violations des droits de l’homme depuis des décennies.

Se basant sur ses recherches et interviews, l’avocate a assuré qu’elle avait les preuves que les troupes gouvernementales avaient violé plus de 300 femmes et filles dans 17 villages de l’État Rakhine.  Ce chiffre ne représente probablement qu’une fraction des viols perpétrés, a-t-elle prévenu, rappelant que plus de 350 villages ont été attaqués et brûlés depuis août 2017.  Elle a dénoncé les actes qui ont accompagné ces faits: des fillettes de 6 ans ont subi des viols collectifs; des femmes et des filles ont été capturées et violées alors qu’elles s’enfuyaient ou tentaient de franchir la frontière avec le Bangladesh; certaines d’entre elles ont été horriblement mutilées ou brûlées vivantes.

Il y a de solides preuves que le viol ait été « systématiquement planifié et utilisé comme arme contre mon peuple », a-t-elle insisté.  Le type de mutilations intimes infligées aux femmes aurait servi à terroriser le peuple rohingya et à détruire leurs moyens de reproduction, a-t-elle précisé. 

Mme Sultana a prévenu: les Rohingya continuent de fuir aujourd’hui, avec 60% de déplacés qui se trouveraient à Cox’s Bazar, au Bangladesh.  C’est pourquoi elle a appelé la communauté internationale et les agences humanitaires à renforcer les services de santé et de protection des réfugiés, y compris les soins psychosociaux.  Malgré un besoin énorme, les soins aux victimes de viols, notamment l’accès à des avortements médicalisés et à la contraception d’urgence, sont trop limités dans les camps, a-t-elle estimé.

De plus, Mme Sultana a fait part de sa préoccupation face à la traite des jeunes femmes: kidnappées ou se voyant promettre des emplois ou des offres de mariage, des jeunes femmes et des filles disparaissent.  Or, a fait valoir l’avocate, les jeunes femmes rohingya ont un rôle essentiel à jouer pour sensibiliser les consciences et coordonner l’assistance humanitaire dans les camps.  Elles devraient être encouragées et formées dans ce sens.  « Il est temps d’autonomiser nos femmes et nos filles rohingya », a-t-elle lancé. 

« Vous devez rencontrer les survivantes », a demandé Mme Sultana au Conseil de sécurité, qui doit se rendre à la fin du mois dans les camps de réfugiés de Cox’s Bazar, puis au Myanmar.  « Vous devez travailler avec les autorités du Bangladesh pour mettre fin à la traite, mettre la pression sur le Gouvernement du Myanmar et les autorités pour qu’ils coopèrent avec la Mission d’établissement des faits de l’ONU, et insister sur l’accès humanitaire sans entrave à l’État Rakhine. »

La réponse à la crise des Rohingya doit être guidée par l’état de droit, a plaidé la représentante.  Il est temps de mettre fin à l’impunité au Myanmar et d’appuyer une réforme politique et juridique, pour faire cesser l’oppression de tous les peuples ethniques au Myanmar, a-t-elle conclu. 

Mme ALICE BAH KUHNKE, Ministre de la culture et de la démocratie de la Suède, dont la fonction comprend notamment la défense des droits de l’homme au plan national et la lutte contre la discrimination et le racisme, a fait part de ses rencontres avec des femmes et des fillettes demandeuses d’asile en Suède et a dit avoir entendu leurs témoignages sur les abus sexuels et autres qu’elles avaient subis dans leurs pays d’origine et au cours de leur voyage vers l’Europe, y compris dans les camps de réfugiés.  « Il est déplorable que la violence, l’oppression et la subordination systématique restent toujours le lot quotidien d’un grand nombre de femmes et de fillettes », s’est indignée la Ministre en mettant l’accent sur les violences sexuelles en situation de conflits.  Il s’agit là, selon elle, d’un aspect essentiel du travail du Conseil de sécurité, puisque c’est devenu « une technique de guerre et du terrorisme » qui a pris une importance sans précédent.  « C’est un défi majeur en matière de sécurité » et le lien entre la responsabilisation des auteurs de tels actes et la prévention est une évidence pour la Ministre, qui a exigé qu’il soit mis fin à l’impunité pour des crimes et des abus qui représentent une violation flagrante du droit international, et cela au sein même du Conseil de sécurité et à l’extérieur. 

Mme Bah Kuhnke a ensuite présenté les grandes lignes de la politique étrangère « féministe » de la Suède depuis 2014, une politique qui se base sur quatre « R » à savoir les droits (« rights »), la représentation, les ressources et un examen objectif (« reality check »).  Elle se fonde sur le constat que l’égalité entre les sexes crée des sociétés plus pacifiques.  Ainsi, la Ministre a appelé le Conseil de sécurité à tenir compte des dynamiques de genre dans l’analyse des causes profondes des conflits et à considérer les inégalités structurelles entre les sexes comme un élément critique de l’instabilité qui entrave les efforts de paix et de sécurité.  Elle l’a aussi invité à créer des alliances avec des acteurs de la société civile qui jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les violences sexuelles en situation de conflit et la promotion de l’égalité entre les sexes.  La Suède plaide en outre pour des experts en genre dans les comités des sanctions du Conseil. 

Dans un second temps, la Ministre a insisté sur l’importance de la participation des femmes aux efforts de maintien de la paix et a assuré que son pays s’employait activement à combattre tous les facteurs qui pourraient entraver le déploiement de femmes Casques bleus, agents de police ou agents des services correctionnels.

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a invité le Conseil à adopter des réponses concrètes face au fléau des violences sexuelles en temps de conflit, lesquelles sont utilisées en tant que tactique de guerre, a-t-elle dénoncé en citant le cas du Myanmar.  Certaines victimes n’ont pas plus de 12 ans, a poursuivi la représentante, qui a également dénoncé l’utilisation de cette tactique en République démocratique du Congo (RDC), décrivant les corps des femmes et des filles dans ce pays comme étant « un champ de bataille ». 

La violence faite aux femmes, c’est une violence faite à des communautés entières, « c’est un poison », a poursuivi Mme Eckels-Currie.  Elle a demandé au Conseil de se pencher sur la question des droits de l’homme.  Le Conseil a les outils pour sanctionner les responsables, mais ils ne sont pas assez utilisés, a-t-elle déploré, affirmant que « le moment était venu de mettre fin à l’impunité » et exhortant les pays à punir les responsables.  L’ONU a un rôle similaire à jouer au sein des opérations de maintien de la paix, a encore déclaré la représentante, qui a demandé davantage de Casques bleus femmes car « les femmes se parlent et se comprennent ».  En conclusion, Mme Eckels-Currie a souhaité qu’un plus grand nombre de femmes soient présentes dans les négociations des processus de règlement des conflits. 

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a salué les progrès effectués par certaines parties au rapport du Secrétaire général, même si les violences sexuelles en période de conflit restent d’actualité partout dans le monde, particulièrement par le fait de groupes extrémistes comme Daech, Boko Haram ou les Chabab, qui terrorisent les populations par ces actes.  La représentante a appelé à apporter un soutien aux victimes de ce fléau, notamment par le biais des mesures mentionnées par le Secrétaire général dans son rapport.  Dans le même temps, le Conseil de sécurité devrait continuer de faire tout ce qui est possible pour prévenir les conflits.  Les missions de la paix devraient également avoir les capacités requises pour la protection des civils. 

En période postconflit, le Conseil pourrait en outre renforcer ses efforts de consolidation de la paix, a poursuivi Mme Guadey, citant notamment la reconstruction des capacités et institutions nationales, et en particulier celles qui sont liées à la sécurité et à la justice, afin qu’elles puissent sévir sur les cas de violences sexuelles commises pendant la période de conflit.  En ce qui concerne les États cités dans le rapport du Secrétaire général, l’Éthiopie souhaite que ces parties soient informées en temps opportun des griefs qui leur sont faits, afin qu’elles puissent enquêter et en vérifier l’exactitude. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a remarqué que « malgré les efforts de ce Conseil, nous restons confrontés à une situation intolérable ».  Il s’est dit horrifié par les violences sexuelles relatées dans le rapport du Secrétaire général, qui comprend encore 51 noms dans la liste de parties suspectées d’avoir commis des viols et d’autres formes de violence sexuelle dans des situations de conflit armé.  En Syrie, la violence sexuelle dans les zones assiégées est systématique, a-t-il dénoncé, avant de déplorer que les progrès enregistrés en RDC aient été récemment balayés.  « Il est inimaginable qu’aucun individu associé à Daech ou Boko Haram n’ait été aujourd’hui condamné alors qu’ils ont utilisé les violences sexuelles comme des tactiques de guerre à grande échelle. »

Pour le délégué, l’intolérable prend souvent racine dans l’intolérance, les violences sexuelles étant très souvent exacerbées, voire incitées par les discriminations.  « Les violences sexuelles doivent être combattues tout au long du processus – de la prévention à la réhabilitation et la réintégration », a-t-il dit, en louant les programmes de soutien aux victimes en Colombie, en Bosnie-Herzégovine ou encore au Kosovo.  Il a en outre noté que cette lutte doit s’inscrire dans une réponse globale à tous les défis que les sociétés posent pour les droits des femmes.  Une lutte efficace contre l’impunité constitue la première forme de prévention, a-t-il poursuivi.  M. Delattre a ainsi demandé que les auteurs de violences sexuelles soient poursuivis par les juridictions nationales, ou par défaut internationales, y compris en saisissant la Cour pénale internationale. 

Il a aussi invité le Conseil à apporter une réponse plus concrète et efficace.  Il a envisagé la possibilité d’intégrer les violences sexuelles comme critères de désignation de tous les régimes de sanctions.  Le Conseil, à son avis, « doit surtout avoir réellement recours à cet outil ».  Le représentant a ajouté que les opérations de maintien de la paix doivent disposer des capacités nécessaires pour mettre en œuvre leurs mandats, estimant que la protection des femmes n’est pas une option, mais une nécessité absolue.  Comme autre mesure, M. Delattre a souhaité que le Conseil adopte des déclarations à la presse lorsque des cas de violences sexuelles sont vérifiés.  Enfin, le délégué a mentionné les projets financés par la France pour lutter contre les violences faites aux femmes en République centrafricaine, au Cameroun et au Liban. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souligné que la violence sexuelle en période de conflit est « un crime ».  Le Conseil de sécurité, a-t-il estimé, se doit de tenir les auteurs comptables de leurs actes.  Il a estimé que c’est l’impunité des auteurs qui favorise la poursuite de tels actes.  Le délégué a donc appelé à aider les rescapés de ces violences à saisir la justice afin de pouvoir, à terme, reconstruire leur vie.  Leur assurer la justice leur permettrait de mieux faire face aux conséquences psychologiques et autres liées à leur passé, a-t-il argué.  Il a insisté sur le fait que ces rescapés sont des victimes et doivent être considérés comme telles.  Il a rappelé que son pays s’est engagé à débloquer 1 milliard de dollars en faveur de la reconstruction de l’Iraq, en vue notamment de soutenir les femmes et filles du pays qui ont souffert sous le joug de Daech. 

Mme CORDOVA (Bolivie) a déploré les conséquences dévastatrices des violences sexuelles commises en temps de conflit pour les victimes.  Ces conséquences perdurent bien au-delà la fin des conflits, a-t-elle noté, en exhortant la communauté internationale à agir pour y remédier.  Elle a exhorté le Conseil à encourager la reddition de comptes et souhaité l’inclusion des violences sexuelles comme critères de désignation des régimes de sanctions.  Elle a dénoncé la marginalisation des victimes et souligné la nécessité d’œuvrer à leur pleine réintégration sociale. 

La représentante a ensuite demandé qu’on lutte contre les causes profondes qui empêchent l’autonomisation des femmes et l’accès à la justice, telles que la persistance de certaines attitudes culturelles ou encore la pauvreté.  Elle a salué le plan national d’action pour les femmes adopté par l’Afghanistan, y voyant un progrès même si de nombreux défis demeurent dans ce pays.  Enfin, Mme Cordova a demandé une participation accrue des femmes aux processus de règlement des conflits, ainsi qu’une coopération renforcée entre l’ONU et l’Union africaine sur cette question. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a dit que l’un des enjeux de ce problème est le manque de reddition de comptes des auteurs.  Selon lui, l’autonomisation économique pourrait aider à endiguer la violence sexuelle en période de conflit.  Cela oblige à prévoir des fonds adéquats pour changer les conditions ayant conduit aux violences sexuelles.  Le délégué a d’ailleurs souhaité que le Conseil de sécurité tienne un débat distinct sur l’autonomisation économique des femmes après les conflits.

Le représentant a également déploré la discrimination dont sont victimes les rescapés.  Il a expliqué que, entre autres, cela empêche les victimes d’avoir accès aux soins médicaux et à d’autres services adéquats.  Il a invité le Secrétaire général à établir un programme de lutte contre la stigmatisation, en collaboration avec les dirigeants religieux.  Il a pris l’exemple des enfants issus de ces viols qui sont stigmatisés dans la société et courent le risque d’être recrutés par les groupes armés.  Le représentant a également souhaité que les garçons et hommes victimes de viol soient encouragés à s’exprimer en public, regrettant que la stigmatisation et la honte empêchent de recueillir les vrais chiffres concernant ce fléau.  Ce n’est qu’en faisant la lumière sur ce problème que nous pourrons nous débarrasser de cette ombre que sont les violences sexuelles en période de conflit, a-t-il estimé. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a fait observer que les violences sexuelles étaient un enjeu majeur en temps de conflit et a dénoncé l’impunité de leurs auteurs.  Il faut résoudre les conflits dont ces violences sexuelles découlent, a-t-il poursuivi, se disant très préoccupé par l’augmentation des crimes sexuels commis par les groupes terroristes, tels que Daech.  Il faut enquêter sur ces crimes, a-t-il ajouté. 

Si le représentant a dit partager la majorité des conclusions du rapport du Secrétaire général, il a demandé le plein respect du mandat de la Représentante spéciale et invité le Conseil à se concentrer sur les conflits armés, dénonçant notamment des tentatives d’élargissement du mandat du Conseil sur les violences sexuelles, qui viendrait ainsi empiéter sur les prérogatives d’autres organes onusiens.  Il faut se concentrer sur les violences sexuelles comme crime de guerre, a poursuivi le représentant, qui a regretté l’inclusion d’éléments relatifs aux droits de l’homme dans le rapport du Secrétaire général, avant de déplorer que cette problématique soit utilisée pour atteindre des « objectifs restreints ». 

Cela est net dans le passage du rapport concernant la Syrie, a poursuivi M. Polyanskiy en regrettant que l’accent n’ait pas été assez mis sur les violences sexuelles commises par les terroristes.  « Rien n’est dit sur le changement radical de la situation sécuritaire en Syrie », a-t-il ainsi affirmé, faisant observer que 165 000 personnes avaient été évacuées de la Ghouta orientale. 

Rejetant ce qu’il a présenté comme des tentatives visant à ce que certains contingents militaires nationaux ne rendent pas de comptes pour les violences sexuelles commises, il a évoqué l’exemple des abus commis par des soldats français en République centrafricaine.  Aucun soldat n’a été condamné, s’est-il étonné.  Enfin, il a déploré que la dernière résolution relative à Haïti, présentée par les États-Unis, passe sous silence les allégations de crimes sexuels commis par des organisations non gouvernementales dans ce pays. 

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a estimé qu’une réponse appropriée à la violence sexuelle en période de conflit passait par une participation renforcée des femmes aux efforts collectifs de recherche et de consolidation de la paix, en droite ligne des prescriptions de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.  À la suite de la crise postélectorale que la Côte d’Ivoire a connue entre 2010 et 2011, la Côte d’Ivoire avait été intégrée à la liste de parties « qui se seraient systématiquement livrées à des viols et à d’autres formes de violence sexuelle dans des situations de conflit armé dont le Conseil de sécurité est saisi », annexée au rapport du Secrétaire général sur la violence sexuelle liée aux conflits armés, a-t-il rappelé.  Le pays a été sorti de cette listé en 2017, s’est-il réjoui en faisant valoir les avancées positives dans les domaines de la stabilité et de la consolidation de la paix. 

M. Tanoh-Boutchoué a ainsi rappelé que le Gouvernement ivoirien avait créé un Comité national de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits afin de renforcer le cadre réglementaire.  Il a cité en exemple le fait que les questions de violence sexuelle, tant en période de paix qu’en période de conflit, font partie intégrante des modules de formation des bureaux d’instruction et des académies militaires du pays.  Le Code de conduite révisé des Forces armées de Côte d’Ivoire met également un accent particulier sur les crimes liés aux violences sexuelles.  En outre, le recrutement des femmes à des postes de responsabilité, dans les secteurs naguère réservés aux hommes, notamment celui de la défense, a contribué à l’efficacité de la démarche adoptée par le Gouvernent ivoirien face à ce fléau, a estimé le représentant.  Enfin, la Côte d’Ivoire se dit déterminée à faire aboutir les enquêtes concernant les cas déjà répertoriés et à soutenir les victimes, à travers notamment les actions menées par le Ministère de la femme, de la protection de l’enfant et de la solidarité. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a rappelé qu’il incombe aux États d’adopter en premier lieu les politiques adéquates de lutte contre les violences sexuelles.  « Les réponses nationales devraient être harmonisées dans le monde et être compatibles avec les pratiques onusiennes », a-t-il recommandé.  Il a aussi demandé que les victimes de violence sexuelle, trop souvent marginalisées, aient accès aux soins de santé et à un soutien, tant psychologique que juridique.  Par ailleurs, la coopération avec la société civile et les dignitaires religieux est cruciale pour parvenir à ne plus stigmatiser les victimes mais au contraire les bourreaux, a-t-il poursuivi. 

Le représentant a aussi souligné l’importance cruciale de la prévention des violences sexuelles au sein des opérations de maintien de la paix.  Il a, à cet égard, souhaité que les contingents de ces opérations reçoivent une formation adéquate sur cette question, et ce, avant leur déploiement.  Il a notamment appuyé l’envoi de conseillers à la protection des femmes au sein de ces missions.  Enfin, il a indiqué que son pays, en coopération avec le Japon et Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), avait lancé un projet pour l’égalité des genres en Afghanistan. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a invité les délégations à ne pas politiser ce débat, expliquant qu’il s’agit d’un problème sérieux qui nécessite des solutions de la part de la communauté internationale.  Le Royaume-Uni, qui a lancé une initiative de prévention de ce fléau il y a quelques années, entend aussi organiser une réunion internationale en 2019 sur la question afin de s’assurer que la communauté internationale reste saisie du problème, a-t-elle expliqué.  Elle a en outre dit être d’accord avec la délégation de la Fédération Russie sur le fait que les violences sexuelles concernent aussi les acteurs non étatiques des conflits. 

La représentante a ensuite insisté sur l’éducation, notamment des filles.  C’est pourquoi le Royaume-Uni a mis en place un programme pour promouvoir leur éducation primaire à travers le monde.  Elle a souligné que des hommes aussi étaient victimes de violences sexuelles en période de conflit, ajoutant qu’il était donc important de créer un environnement d’égalité entre les sexes dans le cadre de cette lutte.  Il faut également combattre la stigmatisation des victimes et veiller à ce que justice soit rendue.  « Il s’agit d’un élément clef de la prévention », a affirmé Mme Pierce, qui s’est félicitée de la récente condamnation de 11 membres d’une milice en République démocratique du Congo pour de tels faits.  Le Royaume-Uni engage les États Membres à mettre en œuvre le Protocole international pour l’établissement des faits et des responsabilités en cas de violences sexuelles commises en période de conflit. 

M. WU HAITAO (Chine) a rappelé que les femmes et les filles paient le plus lourd tribut de l’instabilité actuelle et a dénoncé l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre.  Il a souligné la nécessité de régler pacifiquement les conflits, avant de demander la pleine participation des femmes à ces processus de règlement.  Le représentant a appelé à une action résolue face aux actes barbares perpétrés par les groupes terroristes.  Toutes les instances onusiennes doivent travailler de concert pour remédier aux violences sexuelles en temps de conflit, a-t-il déclaré, en exhortant le Conseil de sécurité à coopérer avec le Conseil économique et social, l’Assemblée générale ou encore ONU-Femmes.  Enfin, M. Wu a assuré de la contribution de son pays à l’instauration d’un environnement stable et à l’élimination des violences sexuelles.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas), a axé son intervention sur le sort des Rohingya au Myanmar, la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles et la marche à suivre pour mettre fin à l’impunité.  Elle a fermement condamné la cruauté à laquelle les femmes et les fillettes rohingya ont eu à faire face avant et après avoir fui leurs foyers dans l’État Rakhine, une situation face à laquelle la communauté internationale « ne peut rester silencieuse ».  Après la Syrie et la République démocratique du Congo, une fois encore un acteur étatique a été cité comme suspect crédible ou responsable de violences sexuelles en situation de conflit armé, s’est-elle indignée, avant d’appeler à une réponse concertée de la communauté internationale pour faire justice et assurer la réhabilitation des victimes de ces violences.

La représentante a ensuite dénoncé les cas d’abus sexuels commis par le personnel onusien sur le terrain et a réaffirmé le plein soutien de son pays à la politique de tolérance zéro des Nations Unies.  Elle a salué le fait que le Secrétaire général a recommandé dans son rapport que le Conseil de sécurité inclue la violence sexuelle dans les critères des régimes de sanctions.  Cela pourrait potentiellement contribuer à protéger des millions de femmes qui vivent dans des zones de conflit, a estimé Mme Gregoire Van Haaren, saluant au passage l’application de ce critère au cas de la République centrafricaine et y voyant une approche à adopter « de manière systématique » par le Conseil.  Pour ce qui est des pays qui ne font « pas encore » l’objet d’un régime de sanctions du Conseil de sécurité, comme le Myanmar, les Pays-Bas recommandent la possibilité d’adopter un régime de sanctions ciblées qui permette d’inclure ce critère. 

Cependant, « les sanctions ne sauraient devenir une alternative à la poursuite en justice des auteurs de ces crimes punissables au regard du droit international », a poursuivi la représentante, qui a rappelé la responsabilité première qui incombe aux États Membres de veiller à cela et pour faciliter le dédommagement des victimes dans le cadre du droit international humanitaire.  Consciente que cela suppose un renforcement des capacités nationales dans ce domaine, y compris en termes de prévention et de dissuasion, Mme Gregoire Van Haaren a salué le travail de l’équipe d’experts qui travaille sur cette question.  Si toutefois les gouvernements nationaux n’étaient pas en mesure ou pas disposés à agir en ce sens, les Pays-Bas encouragent le Conseil de sécurité à faire appel à la Cour pénale internationale.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a estimé que les cas de violence sexuelle en période de conflit ne sont pas le fruit du hasard, mais davantage une tactique de guerre.  Son pays lance un appel pour la protection des civils, en rappelant que c’est la responsabilité première des gouvernements.  De plus, la paix n’est pas possible sans investir dans le développement durable et dans l’égalité entre les sexes, a-t-il affirmé.  Il a, à cet effet, salué l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) qui place le développement durable et le bien–être de la personne au centre des préoccupations.  Le représentant a souligné qu’étant donné que son pays ne connaît pas de conflit, les autorités se focalisent donc sur le développement et sur la promotion de l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a relevé avec préoccupation l’ampleur des problèmes soulevés par le Secrétaire général dans son dernier rapport sur les violences sexuelles liées aux conflits.  Le recours généralisé et systématique à de telles violences, comme tactique militaire et attaque contre des identités collectives, représente une menace à la paix et à la sécurité internationales, a-t-il souligné.  Par conséquent, il faut condamner toute forme de violence sexuelle dans les conflits armés, qui affecte en majorité les femmes, les filles et les enfants.  « Nous devons protéger les victimes et faire en sorte que les responsables rendent des comptes », a-t-il insisté.

« Mais cela n’est pas suffisant », a poursuivi M. Meza-Cuadra, estimant qu’une stratégie intégrale contre ce fléau requiert de s’attaquer à ses causes profondes.  Il a notamment défendu une participation accrue des femmes au processus de prise de décisions, la promotion de leurs droits et leur autonomisation, ainsi que l’accès à la justice et la réhabilitation des victimes.  Ainsi le Pérou a-t-il mis au point un plan national de lutte contre la violence contre les femmes, qui examine, entre autres, la violence sexuelle dans les conflits armés, ainsi qu’un plan intégral d’indemnisation des victimes de la violence, y compris sexuelle, entre 1980 et 2000. 

À titre d’exemple de son engagement sur les femmes, la paix et la sécurité, a expliqué le représentant, le Pérou a accru le nombre de Casques bleus féminins.  À cet égard, il a souligné l’importance de former les soldats de maintien de la paix à la protection des droits humains des femmes et des enfants.  Il a également estimé que les crimes sexuels ne sauraient être amnistiés dans le cadre des processus de résolution des conflits. 

M. OMAR ALGHABRA, Secrétaire parlementaire de la Ministre des affaires étrangères du Canada, a tout d’abord, au nom du Groupe des amis des femmes et la paix et sécurité, jugé épouvantable la violence sexuelle infligée aux Rohingya.  Il a encouragé le Conseil à prêter une attention accrue aux signes avant-coureurs de violences sexuelles, avant de demander que les conseillers de genre et sur la protection des femmes bénéficient des ressources nécessaires.  Les responsables de violences sexuelles doivent être punis, a-t-il dit, en souhaitant qu’une responsabilisation fasse partie des accords de règlement des conflits.  « Toute amnistie pour les auteurs de violence sexuelle doit être exclue », a affirmé le représentant.  Il est préoccupant qu’aucun individu associé à Daech ou à Boko Haram n’ait aujourd’hui été condamné pour de tels crimes, a poursuivi M. Alghabra, qui a encouragé le Conseil à intégrer les violences sexuelles comme critères de désignation, directement ou indirectement, dans tous les régimes de sanctions.  Il a en outre fermement dénoncé les abus sexuels commis au sein des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. 

S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, le représentant du Canada a souligné l’engagement de son pays, l’an dernier, d’accueillir et de soutenir plus de 1 200 femmes et enfants yézidis victimes des violences sexuelles perpétrées par Daech.  Il a précisé que le Canada a sanctionné le général du Myanmar Maung Soe pour son rôle dans les violences commises contre les Rohingya, dénonçant l’utilisation du viol comme arme de guerre contre les Rohingya.  En conclusion, M. Alghabra a exhorté le Conseil à prendre en compte les violences sexuelles dans l’établissement des mandats de maintien de la paix. 

Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a noté les acquis du programme femmes, paix et sécurité, qui se traduisent notamment par l’adoption de huit résolutions sur cette question par le Conseil de sécurité, dont la résolution 1820 (2008), qui reconnaissait pour la première fois que la violence sexuelle pouvait constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou encore un acte constitutif de génocide.  Pour le Liechtenstein, l’autonomisation des femmes reste un élément essentiel pour la réponse donnée aux violences sexuelles en situation de conflit.  Cela suppose une plus forte représentation des femmes dans tous les mécanismes de réponse aux conflits ainsi que la prise en compte d’une perspective de genre dans le règlement des conflits et les processus de paix, a estimé la représentante.

Dans ce contexte, Mme Oehri a évoqué la situation de la communauté rohingya du Myanmar et a salué la décision prise par la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) d’envisager l’option d’enquêter sur cette déportation comme s’il s’agissait d’un crime contre l’humanité.  S’agissant du conflit syrien, elle s’est indignée qu’aucun membre de l’État islamique d’Iraq et du Levant n’ait été poursuivi à ce jour pour des crimes d’ordre sexuel.  Pour remédier à la paralysie du Conseil de sécurité sur ce dossier, elle a appelé les États Membres à collaborer avec le Mécanisme international, impartial et indépendant créé à cet effet par l’Assemblée générale en partageant des informations pertinentes et en le soutenant financièrement. 

Avant de conclure, la représentante a rappelé que les femmes et les fillettes n’étaient malheureusement pas les seules victimes de ce type de violence, et que, comme le détaille le rapport du Secrétaire général, des hommes et des garçons le sont également notamment en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, à Sri Lanka et en Syrie.  Ces cas sont les plus fréquents dans les centres de détention et restent souvent passés sous silence y compris à cause de tabous sociaux et de la crainte des victimes d’être stigmatisées, a-t-elle remarqué avant d’appeler à se pencher davantage sur ce problème.

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a condamné l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre et souligné les difficultés à résoudre ce problème lorsque les victimes ne peuvent pas dénoncer ces abus, du fait de l’absence de mécanisme de protection et face au risque de stigmatisation.  La manière la plus efficace de combattre la violence sexuelle, c’est la prévention des conflits eux-mêmes, a-t-il fait remarquer.  Il a jugé cruciale la présence de femmes dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et dans les initiatives de consolidation de la paix, comme élément de prévention des violences sexuelles en situation de conflit et d’après conflit.

Le représentant a salué les mesures annoncées récemment par le Bureau des affaires militaires pour atteindre l’objectif de 15% de femmes déployées dans les opérations de maintien de la paix, pour lequel le Brésil se prépare en augmentant le nombre de candidates aux postes civils et militaires des opérations de paix et des missions politiques spéciales.  En juillet, le Brésil accueillera un séminaire des Nations Unies pour le développement des capacités de commandement des femmes officiers de police, destiné à des participants d’Amérique latine et des Caraïbes.

Le représentant a également souligné l’importance de l’accès à la justice et de la répression des auteurs des crimes.  Les processus de résolution des conflits doivent tenir compte des besoins juridiques, médicaux et psychosociaux des victimes de ces violences, a-t-il ajouté.  Pour le représentant, la compétence de la Cour pénale internationale peut jouer un rôle décisif à cet égard.  Il a aussi appelé le Conseil de sécurité à contribuer à ces efforts en conférant des mandats et des moyens adéquats pour la protection des femmes et en soutenant la punition de ces crimes.  Le Brésil, a-t-il indiqué, appuie des projets de coopération bilatérale ou triangulaire pour gérer la violence sexiste, notamment en Haïti, en Guinée-Bissau et en République démocratique du Congo.  Le pays a également signé le Pacte du Secrétaire général sur la prévention de l’exploitation et des atteintes sexuelles et sur les mesures à prendre pour y faire face.

M. GERTON VAN DEN AKKER, de l’Union européenne, a rappelé que « derrière chaque statistique » qui figure dans le rapport du Secrétaire général sur la violence sexuelle en situation de conflit se cache malheureusement une personne et une vie, avant de regretter qu’un grand nombre de ces crimes soient toujours passés sous silence.  Pour l’Union européenne, il s’agit de répondre à deux questions essentielles: qu’est-ce que la communauté internationale est en train de faire pour mettre fin à ces pratiques?  Et que faudrait-il faire de plus? 

Pour sa part, l’Union européenne a pris des mesures concrètes visant à éviter et répondre aux cas de violence sexuelle en situation de conflit en misant sur l’égalité entre les sexes, la sécurité, la paix et le développement durable, a expliqué M. van den Akker.  L’Union européenne prône une approche holistique qui s’attaquerait au problème de la violence sexuelle en situation de conflit dans le cadre plus large de la question relative aux « femmes, à la paix et à la sécurité ».  Cela suppose de reconnaître que la violence sexiste et sexuelle est aussi le fruit des inégalités entre les sexes et des contextes patriarcaux et de subordination dans lesquels vivent les femmes et les fillettes, a estimé le représentant.  Il a également appelé à lutter contre la stigmatisation des victimes.

L’Union européenne appelle à prendre des mesures concrètes pour la prévention et la protection contre ce type de violence, et dénonce l’impunité toujours trop fréquente dans ce domaine.  M. van den Akker s’est notamment indigné de voir qu’à ce jour aucun membre de l’État islamique d’Iraq et du Levant ou de Boko Haram n’ait fait l’objet de poursuites judiciaires pour délits sexuels.  L’Union européenne accorde aussi une attention particulière à la possibilité pour les victimes et les témoins de ce type de violences d’avoir des procès impartiaux et un droit au dédommagement.  Cela suppose notamment une justice transitionnelle en matière d’égalité entre les sexes, un aspect auquel des projets lancés par l’Union européenne au Kenya, au Kosovo, en Colombie et aux Philippines cherchent à répondre.  Le représentant a également rappelé l’initiative lancée en partenariat avec les Nations Unies en 2017 pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des fillettes, qui a bénéficié d’un investissement initial de 50 millions d’euros de la part de l’Union européenne.

M. van den Akker a reconnu le rôle que peuvent jouer des missions de maintien de la paix des Nations Unies dans ce domaine, et a encouragé des formations adéquates de leur personnel sur ces questions.  Avant de conclure, le représentant a passé en revue d’autres actions menées par l’Union européenne, citant notamment les 22 millions d’euros investis en 2017 dans l’aide humanitaire pour favoriser la prévention et la réponse aux violences sexuelles et sexistes dans le monde.  L’Union européenne a également signé la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, qui vise à renforcer le cadre juridique dans ce domaine, a-t-il rappelé.

Mme MARÍA EMMA MEJÍA VÉLEZ (Colombie) a fait remarquer que son pays a fait de l’égalité des sexes un élément central de son processus de paix et de la lutte contre la violence sexuelle en période de conflit.  La Colombie, a-t-elle ajouté, reconnaît que « la signature de l’Accord n’est pas la paix en soi, mais une étape sur la voie des transformations nécessaires pour parvenir à une société pacifique et réconciliée ».  Dans le processus de mise en œuvre de la paix, le rôle des femmes est absolument essentiel, a affirmé la représentant en expliquant pourquoi le Gouvernement colombien a créé une instance spéciale du genre. 

L’Accord de paix colombien, a poursuivi Mme Mejía Vélez, prévoit également la création d’un système intégral de justice transitionnelle, dont les membres, élus en septembre dernier, incluent 54% de femmes.  De même, l’Unité de recherche des personnes disparues est dirigée par une femme.  L’Accord de paix stipule en outre que les crimes sexuels ne peuvent pas faire l’objet d’une amnistie, a-t-elle ajouté.  À cet égard, un groupe spécial est en cours de création: il sera chargé d’enquêter sur les cas de violence sexuelle dans le cadre du conflit.  Rappelant que 51% des victimes du conflit sont des femmes, la représentante a évoqué la stratégie d’indemnisation des femmes victimes de violence sexuelle, qui doit contribuer à renforcer aujourd’hui leur « projet de vie ». 

Mme MARÍA BASSOLS DELGADO (Espagne) a souligné que, comme chaque année, le Conseil se réunissait pour examiner un phénomène à la fois ancien et actuel, celui des violences sexuelles dans les conflits armés, en saluant l’ensemble de règles prises par le Conseil dans ce domaine.  Si elle se félicite des positions rapprochées entre les États Membres sur cette question, l’Espagne s’interroge néanmoins sur le point de savoir ce qui « empêche la mise en œuvre effective des résolutions, du droit humanitaire international et des droits de l’homme ».  Un élément de réponse réside, selon la représentante, dans le fait que le sujet est évoqué comme une question qui n’est pas nécessairement au centre des activités du Conseil.  Bien plus, elle a été sous-estimée, tout comme son importance et ses conséquences, a affirmé Mme Bassols Delgado. 

La représentante a salué la contribution et le courage de Mme Razia Sultana, estimant que son témoignage était fondamental pour éviter de considérer les violences sexuelles comme des conséquences inévitables en temps de guerre.  Mme Bassols Delgado a ensuite appelé à identifier les causes profondes de ce fléau et à réagir face à tout indicateur d’alerte précoce.  Le Conseil de sécurité dispose de nombreux instruments à cette fin, a-t-elle estimé, avant de l’encourager à examiner cette question lors de sa prochaine visite au Myanmar et au Bangladesh.

« Nous devons lutter contre la stigmatisation et mise au bord de la société des victimes » des violences sexuelles, a poursuivi Mme Bassols Delgado, qui a en outre rappelé qu’aucun programme spécifique n’était prévu pour les hommes et garçons victimes de violences sexuelles.  La représentante a, en outre, souligné le lien entre violence sexuelle en tant que tactique et source de financement du terrorisme et appelé à une reddition de comptes.  Elle a jugé surprenant qu’aucun membre de Daech ou Boko Haram n’ait eu à rendre des comptes jusqu’à présent avant de conclure en déclarant qu’il ne fallait pas permettre que l’impunité actuelle alimente l’impunité future. 

M. GÜVEN BEGEÇ (Turquie) a déploré que, depuis le début, le conflit en Syrie ait été marqué par la violence sexuelle et sexiste.  Il a cité le rapport de la Commission internationale d’enquête indépendante publié le mois dernier et intitulé « J’ai perdu ma dignité: violence sexuelle et sexiste dans la République arabe syrienne », qui fait état des crimes affreux perpétrés par le régime syrien et les milices associées, ainsi que par les organisations terroristes, « dont Daech et le PKK-PYD/YPD ».  À cet égard, le représentant a jugé essentiel de ne pas illustrer le problème de façon sélective.  Il ne faut surtout pas « donner l’impression que la communauté internationale pourrait négliger des actes de violence sexuelle commis dans le pays », a-t-il averti.

En tant que pays voisin qui a suivi une politique de « porte ouverte » vis-à-vis des Syriens fuyant la guerre et la violence dans leur propre pays, la Turquie accueille aujourd’hui plus de 3,5 millions de Syriens, dont 1,6 million de femmes, a précisé le représentant. 

Se disant par ailleurs préoccupé par le sort des Rohingya, M. Begeç a estimé que le Gouvernement du Myanmar devait, avant tout, créer les conditions nécessaires à la coexistence pacifique dans l’État Rakhine et au retour sans danger des réfugiés.  Enfin, a assuré le représentant, la Turquie attache la plus grande importance à la lutte contre la traite des personnes. 

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a déploré « ces actes d’horreur » qui continuent d’être utilisés comme tactique de guerre à travers le monde et dont les séquelles se font longtemps sentir.  Elle a insisté sur la marginalisation et la stigmatisation des rescapées, et sur « les traumatismes qui les hantent toute leur vie ».  Si elle a salué l’accent institutionnel mis sur la question des violences sexuelles dans les conflits, elle a regretté que la géopolitique complexe et les divisions au sein du Conseil de sécurité aient permis à leurs auteurs de poursuive leurs actions en toute impunité, notamment au Myanmar. 

La représentante a déploré le manque de rapports et de signalements indépendants et vérifiables.  « La communauté internationale doit réajuster son tir », a-t-elle insisté.  D’après elle, le Conseil de sécurité devrait se concentrer sur les causes profondes des conflits et mettre en place des mécanismes permettant de vérifier les rapports qui lui parviennent.  Elle a aussi jugé essentiel de renforcer la capacité des institutions nationales et notamment d’améliorer les systèmes de justice pénale, et d’assurer la protection et la réhabilitation des victimes.

Le Pakistan, a rappelé Mme Lodhi, a toujours plaidé en faveur de l’intégration de la problématique hommes-femmes dans le maintien de la paix et établi « les plus hautes normes » dans ce domaine.  Un institut de formation des Casques bleus a été créé.  La représentante a appuyé la politique de tolérance zéro du Secrétaire général et plaidé en faveur d’une participation accrue des femmes au sein des opérations de maintien de la paix de l’ONU. 

M. HALVOR SÆTRE (Norvège), au nom des pays nordiques, a constaté que, « tous les jours la violence sexuelle était utilisée comme arme ou tactique de guerre », et que le chaos créé par les situations de conflit constituait un terrain fertile pour davantage de violences et d’abus, qui restent souvent passés sous silence.  Allant plus loin, le représentant a noté qu’une part significative des violences commises par des extrémistes étaient en fait des violences sexuelles.  Ces dernières sont souvent perçues comme une conséquence « inévitable et regrettable » des conflits, un point de vue qui encourage l’impunité pour les auteurs de ces crimes et le silence des survivants.  Pour M. Sætre, cette réalité s’explique par l’insuffisance des mécanismes de protection, un état de droit insuffisant, des systèmes judiciaires trop faibles, des services insuffisants pour les victimes, la stigmatisation de celles-ci, mais aussi par une discrimination structurelle et des inégalités socioéconomiques.

Pour les pays nordiques, la Cour pénale internationale a un rôle déterminant à jouer dans la lutte contre l’impunité en cas de violences sexuelles en situation de conflit, même si c’est aux États qu’incombe la responsabilité première des enquêtes et des poursuites judiciaires contre les auteurs de tels crimes.  C’est pourquoi il est important de renforcer les capacités des institutions nationales des pays frappés par un conflit, a expliqué le représentant.

Pour les pays nordiques, la lutte contre ce type de violence représente une priorité et leurs efforts de médiation ont pour but de garantir une écoute aux victimes et d’éviter que l’amnistie de ces crimes sexuels ne devienne acceptable.  Ces pays s’engagent en outre à augmenter la présence de femmes à tous les niveaux de prise de décisions dans les opérations internationales.  Les pays nordiques ont ainsi fourni plusieurs contingents de police spécialisés dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes aux opérations de la Police des Nations Unies et participent en outre à l’élaboration d´un manuel pour le personnel de maintien de la paix des Nations Unies sur la manière d’éviter ce type de violence et d’y répondre, a encore rappelé le représentant.

Pour M. TOSHIYA HOSHINO (Japon), il est d’une extrême importance de soutenir les efforts consentis par les Nations Unies et des États Membres dans leurs efforts de parvenir à des engagements politiques de la part des parties en conflit pour identifier les causes profondes de ce fléau que la violence sexuelle en période de conflit.  Il s’agit également de s’assurer de la mise en œuvre de ces engagements, a insisté M. Hoshino.  À cet égard, le Japon salue l’importante collaboration entre le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des violences sexuelles liées aux conflits et les pays concernés, à la fois au niveau du communiqué conjoint et les plans d’action nationaux.  Il s’est dit, en outre, préoccupé de l’utilisation des violences sexuelles comme tactique de guerre: les viols doivent cesser, a-t-il martelé.

L’autonomisation économique et politique est, pour le Japon, le moyen le plus sûr pour lutter contre les violences sexuelles.  Autonomiser les femmes renforce la résilience des familles, des communautés, des régions et au-delà, a plaidé le représentant, pour lequel c’est à travers une contribution en faveur de l’autonomisation des femmes que les bailleurs de fonds peuvent apporter la contribution la plus efficace.  À cet égard, M. Hoshino a rappelé que son pays avait décidé récemment d’apporter une assistance financière supplémentaire à hauteur de 18 millions de dollars des États-Unis par le bais d’ONU-Femmes, dans le cadre de son programme « autonomisation et leadership des femmes ».

La représentant a par ailleurs rappelé que la fin des conflits ne signifiait pas pour autant la fin des violences sexuelles.  Sans responsabilisation des auteurs de ces crimes, les stigmatisations ne s’effaceront pas et provoqueront la défiance vis-à-vis des autorités, a-t-il conclu. 

Pour M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique), « la violence sexuelle ne surgit pas spontanément » et les États doivent employer tous les moyens à leur disposition pour autonomiser les femmes et les filles et renforcer leur protection et leur accès à la justice.  Le représentant a rappelé le lien « vertueux » entre la paix durable, le développement, l’état de droit et les droits de l’homme.  À cet égard, la paix durable ne peut se concevoir sans intégrer les besoins des femmes et des filles, à commencer par leur éducation scolaire et au sein de la famille.  Leur marginalisation est une cause structurelle des conflits et un terreau fertile pour la violence sexuelle, a estimé M. Sandoval Mendiolea.

Le représentant a assuré que son pays plaçait la perspective de genre au cœur de son plan national de développement, qui comprend un programme pour l’égalité des opportunités et la non-discrimination.  Au niveau fédéral, le Gouvernement mexicain coordonne avec les gouvernements locaux, le secteur privé et la société civile la mise en œuvre des objectifs de développement durable à l’horizon 2030, notamment les cibles de l’objectif 5 relatif à l’égalité des sexes.  Le Mexique reconnaît en outre l’importance d’inclure les femmes dans les processus de médiation, d’élaboration et de consolidation de la paix, de même que dans les actions de prévention et de réconciliation nationales.  Par ailleurs, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à mettre en place un système de suivi plus efficace des processus nationaux visant à lutter contre la violence sexuelle perpétrée dans le cadre des opérations de maintien de la paix et autres missions de l’ONU. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a jugé que la violence sexuelle contre les femmes n’était « pas inévitable » et qu’il existait des méthodes pour éviter qu’elle sévisse.  Comme le Secrétaire général, il a appelé à porter une attention particulière aux signes avant-coureurs de telles violences lors de l’examen d’une situation conflictuelle.  « Si nous échouons à agir tôt, le coût humain, politique et économique peut être dévastateur », a-t-il prévenu.

Le représentant a aussi rappelé l’importance capitale du soutien aux victimes et la nécessité pour celles-ci de documenter précisément leur récit aux autorités pour que la justice pénale puisse mener à bien son travail. 

M. Jürgenson a enfin souligné la nécessité pour l’ONU d’accorder une plus large place aux organisations non gouvernementales et aux représentants de la société civile dans ses discussions.  Elles apportent en effet, selon lui, « de nouvelles perspectives » et des informations dont l’ONU ne dispose pas.  « Il est de la plus haute importance que les ONG aient davantage accès aux forums et réunions de l’ONU », a-t-il insisté.

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie), a salué la mise en place, en août dernier, d’un site Internet pour la collecte de données relatives à la réponse apportée au niveau du système de l’ONU à l’exploitation et aux abus sexuels ainsi que la création, par le Coordonnateur spécial, d’un répertoire des législations nationales en vigueur dans ce domaine.  Il a également encouragé tous les États Membres à signer le Pacte du Secrétaire général sur la prévention de l’exploitation et des atteintes sexuelles et sur les mesures à prendre pour y faire face. 

La Slovaquie espère que la session que le Secrétaire général propose d’organiser en marge du débat général de la soixante-treizième session de l’Assemblée générale permettra de mettre encore davantage en lumière l’importance de l’autonomisation des femmes et de la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles.  Elle soutient pleinement la priorité accordée par le Secrétaire général aux victimes de ces crimes et encourage les pays fournisseurs de contingents à travailler en étroite collaboration avec les Nations Unies dans la lutte contre l’impunité.  Elle invite en outre le Conseil de sécurité à se pencher davantage sur la possibilité de référer certains cas devant la Cour pénale internationale.

M. ANDREA BIAGINI (Italie) s’est dit préoccupé par le recours généralisé et systématique à la violence sexuelle de la part des groupes terroristes et extrémistes, tout en saluant la libération par Boko Haram, la semaine dernière, de 150 femmes et enfants que ce groupe avait enlevés. 

M. Biagini s’est en outre inquiété de la vulnérabilité accrue des migrants, en particulier les femmes et les enfants, vis-à-vis de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.  Les femmes et les filles fuyant les conflits doivent se voir offrir un passage sécurisé et une protection pendant leur transit vers leur destination finale, a-t-il argué. 

L’autonomisation des femmes doit jouer un rôle clef dans toute stratégie visant à les empêcher de devenir victimes de la violence sexuelle liée aux conflits, a poursuivi le représentant.  C’est dans cet esprit, a-t-il rappelé, que l’Italie a lancé l’année dernière le Réseau méditerranéen de médiateurs des femmes.  En effet, la région de la Méditerranée est actuellement confrontée à une série de menaces telles que conflits, extrémisme violent, crime transnational organisé, traite des personnes et autres urgences humanitaires.  À cet égard, a-t-il ajouté, les femmes peuvent aider les pays à prévenir les conflits. 

Mme ALEXANDRA ELENA BAUMANN (Suisse) a évoqué la nature préventive de l’approche que suit son pays pour lutter contre les violences sexuelles en temps de conflit, avant de décrire les trois outils nécessaires pour une telle approche: « accès à la justice, égalité entre les sexes et autonomisation ».

L’accès à la justice demeure un défi majeur pour les victimes de violences sexuelles, « surtout dans les régions touchées par un conflit, où les systèmes judiciaires sont faibles ou inexistants », a-t-elle noté.  La crainte de subir des représailles décourage les victimes de se manifester, a poursuivi la représentante, qui souhaite « accroître la confiance de la population à l’égard de la police », comme par exemple en République démocratique du Congo, où la Suisse soutient « l’organisation par la police de journées portes ouvertes » pour la population. 

La représentante a également ciblé « l’égalité entre hommes et femmes » comme principal moyen de prévention, et promu une réforme du secteur de la sécurité encourageant le développement de la mixité dans les forces militaires et de police pour éviter l’éclatement de conflit.  Enfin, Mme Baumann a prôné davantage d’autonomisation et d’éducation, à la fois pour les femmes et les hommes, « pour faire évoluer les rapports de genre traditionnels et mettre fin aux modèles de comportements néfastes ».

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a déclaré que son pays était profondément préoccupé par l’utilisation des violences sexuelles en tant que tactique de guerre.  Les violences sexuelles représentent pour la communauté internationale un grand défi, a ajouté la représentante, tout en se félicitant qu’aujourd’hui, des femmes aient formulé le souhait de dépasser le stade de la victimisation et de prendre leur destin en main, bien qu’elles aient été victimes d’actes horribles et d’injustices et qu’elles aient été mises au ban de la société.  Elle s’est, à cet égard, félicitée de la réponse des États Membres des Nations Unies et de la société civile.  Les efforts de la communauté internationale en faveur des femmes ont élevé la femme au rang d’acteur au service de la paix, a poursuivi la représentante. 

Pour Mme Krisnamurthi, la communauté internationale doit continuer de condamner les violences sexuelles dans les conflits et déployer davantage d’efforts, non seulement pour mettre fin à de telles atrocités, mais également pour envisager les moyens d’empêcher qu’elles ne soient commises.

M. JAN KICKERT (Autriche), citant l’intervention de Mme Sultana sur les victimes rohingya, a mis l’accent sur la protection des minorités menacées par les violences sexuelles dans les zones de conflit.  Dans cet esprit, il a évoqué le sort des femmes et des filles yézidies victimes de Daech.  En tant que marraine de la résolution sur les droits des personnes appartenant à des minorités à l’Assemblée générale et au Conseil des droits de l’homme, l’Autriche insiste sur l’obligation des États de protéger les minorités et d’autonomiser les femmes et les filles qui en font partie. 

M. Kickert a ensuite affirmé qu’il fallait faire « beaucoup plus » pour combattre l’impunité.  L’Autriche veut voir tous les auteurs de violences, y compris les combattants de Daech et de Boko Haram, tenus pour responsables de leurs actes.  À ce sujet, l’Autriche a appuyé et soutenu financièrement la création d’un mécanisme international, impartial et indépendant pour aider à enquêter sur les crimes internationaux commis en Syrie.  En outre, l’Autriche entend inscrire l’élimination de l’exploitation sexuelle dans ses cours sur la protection des civils dans les conflits armés, enseignés à des responsables des opérations de maintien de la paix de l’ONU au Centre d’étude autrichien pour la paix et la résolution des conflits de Stadtschlaining.  Par ailleurs, a rappelé le représentant, l’Autriche a récemment lancé une campagne se chiffrant à 1 million d’euros pour lutter contre les mutilations génitales féminines.  

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a estimé que la résolution 1325 (2000) avait été une étape importante vers la reconnaissance du rôle des femmes dans la prévention des conflits, la gestion des conflits et la consolidation de la paix.  Il a rappelé que son pays avait adopté, en juillet 2017, son troisième Plan d’action national femmes, paix et sécurité.  Un plan, qui, a-t-il expliqué, fixe six objectifs majeurs destinés à améliorer la situation des femmes dans les zones de conflit.  Un des six objectifs prévoit spécifiquement de lutter « contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles ».

La politique de la Belgique en la matière ne se limite pas à la sphère gouvernementale, a poursuivi le représentant, qui a précisé qu’un rapport reprenant les progrès réalisés pour chaque ligne d’action de ce plan et chaque instrument de suivi était soumis annuellement au Parlement.  Il a jugé essentiels l’implication, l’information et l’engagement des différents pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire vis-à-vis de la thématique « femmes, paix et sécurité » pour maintenir l’attention sur la question mais aussi pour avoir un impact durable par le biais de la législation et de la jurisprudence. 

M. Pecsteen de Buytswerve a par ailleurs fait part de la préoccupation de son pays face aux situations d’impunité évoquées dans le rapport du Secrétaire général.  Il a exhorté toutes les parties concernées à donner suite aux recommandations du rapport, afin de rendre justice aux victimes des violences sexuelles, réhabiliter ces dernières et s’assurer que ces violences ne se répètent pas. 

Mme FATIMA ALZAHRAA HASSAN (Égypte) a insisté sur le défi qui consiste à réintégrer les femmes victimes de violences sexuelles dans la société et s’est dite préoccupée par le manque de responsabilisation.  Elle a notamment appelé à ce que l’engagement pris dans le cadre du rapport du Secrétaire général soit respecté et a proposé de travailler sur les situations de pays au sortir d’un conflit.  Elle a ensuite souligné l’importance d’éradiquer la pauvreté et d’autonomiser les femmes et les filles, et rappelé le rôle joué par la communauté des bailleurs de fonds.  La représentante a salué le travail accompli par l’équipe d’experts sur l’état de droit et la violence sexuelle en temps de conflit, ainsi que la lutte menée par le réseau des Nations Unies contre ce phénomène.  Elle a souhaité que l’ONU augmente le nombre de femmes conseillères ou travaillant au sein des missions sur le terrain.

Plusieurs femmes égyptiennes participent aux unités de police de l’ONU au Soudan, au Darfour et au Sahara occidental, a rappelé la représentante.  Un manuel a été établi en coopération avec le Ministère de la défense égyptien pour la formation du personnel civil ou de police participant aux opérations de maintien de la paix, a-t-elle précisé.  La représentante a également demandé qu’on s’attaque aux cas de violences sexuelles perpétrées par le personnel des Nations Unies et a rappelé la politique de tolérance zéro du Secrétaire général à ce sujet.  Elle a par ailleurs proposé de renforcer le rôle des dirigeants communautaires et religieux pour « changer les stéréotypes concernant les victimes ».  Enfin, elle a plaidé pour que soient « respectées les spécificités culturelles des États à l’heure de traiter les victimes de violences sexuelles ».

Mme AUDRA PLEPYTĖ (Lituanie) s’est félicitée du rapport et des recommandations du Secrétaire général et a mis en garde contre les violences sexuelles et sexistes, estimant qu’elles constituent une menace à la paix et la sécurité internationales.  Elle est revenue sur la situation préoccupante qui prévaut dans 19 pays et a déploré l’emploi des violences sexuelles comme tactique de guerre, par des acteurs tant étatiques que non-étatiques.  Elle a, de même, regretté que de nombreux crimes sexuels ne sont jamais signalés.  La seule façon de lutter contre ce fléau est d’adopter une approche intégrée complémentaire au niveau national, régional et international, a estimé Mme Plepytė. 

La Lituanie souligne en outre l’importance de la prévention, qui doit être en première ligne dans la lutte contre la violence sexuelle.  Les mécanismes de coopération par le biais de campagne de sensibilisation doivent être utilisés pour promouvoir la lutte contre ce phénomène.

Autre dossier essentiel est celui des soins prodigués aux victimes, a estimé la représentante, car les stigmatisations et traumatismes peuvent avoir des répercussions dans la durée.  Elle a donc appelé les acteurs, notamment les chefs religieux, à agir pour contribuer à un changement des mentalités et permettre ainsi aux victimes d’avoir accès à la justice, ce qui facilitera leur réintégration dans la société.  Fervente défenseure de l’égalité hommes-femmes, la Lituanie reste persuadée que les femmes peuvent contribuer à la paix et la sécurité dans le monde, a poursuivi la représentante, pour qui chaque pays devrait faire l’examen de ses lois et supprimer celles qui sont discriminatoires, afin de lutter contre les stéréotypes à l’égard des femmes.

M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a rappelé que son pays avait été confronté à un groupe terroriste qui a enlevé des femmes et enfants, dont certains ont même été violés.  Il a appelé à traduire en justice les auteurs de ces crimes contre le peuple iraquien, rappelant que c’était là le sens de la signature d’un communiqué conjoint avec le Bureau de la Représentante spéciale en 2016.  Il a rappelé que son gouvernement avait demandé l’aide des Nations Unies en août 2017, ce qui a donné lieu à une résolution du Conseil de sécurité destinée à garantir que les coupables d’actes de violence sexuelle contre le peuple iraquien seront présentés à la justice. 

Le représentant a salué la visite effectuée par la Représentante spéciale en Iraq en février dernier afin d’établir les bases d’une collaboration entre l’ONU et son pays dans le cadre de ce processus de responsabilisation après le conflit.  Ce fut l’occasion d’inaugurer un « sanctuaire pour les survivantes des abus sexuels en période de conflit », a précisé le représentant, qui a ensuite invité la communauté internationale à soutenir son pays dans sa reconstruction. 

M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJE (Nigéria) a condamné dans les termes les plus fermes l’enlèvement, la traite et le viol de femmes et de filles dans les différentes parties du monde, et notamment dans le nord-est du Nigéria par Boko Haram.  Il a dit espérer que ce débat permettrait de présenter des suggestions afin de promouvoir le rôle de la femme dans la paix et la sécurité.  Il a salué le rôle de chef de file joué en ce sens par le Conseil de sécurité, en particulier par sa résolution 1325 (2000). 

Le représentant a, de même, salué le rôle de l’Union africaine, qu’il a présentée comme une instance de premier plan dans la promotion de paix et de la sécurité et en faveur du développement.  Il en a cité pour preuve l’Agenda 2063 de l’Union africaine. 

M. Itegboje a ensuite rappelé le plan d’action du Nigéria pour mettre en œuvre la résolution 1325, y voyant l’illustration de la détermination de son pays à agir en faveur des femmes.  Il a évoqué les actions entreprises pour mettre en échec Boko Haram et les efforts déployés en vue d’aider les victimes du groupe terroriste à obtenir une voie de recours sur le plan juridique.  Le Nigéria reste déterminé à promouvoir la promotion et le droit des femmes et des filles dans des situations de conflit et de postconflit.

Mme SAMAR SAMIR SUKKAR (Jordanie) a relevé qu’en Iraq, les femmes et filles, notamment les yézidis, avaient souffert sous le joug de Daech.  Elle a aussi évoqué le tourment des femmes rohingya au Myanmar, avant de souligner que son pays était l’un des plus calmes dans un Moyen-Orient particulièrement agité. 

C’est pourquoi la Jordanie accueille les réfugiés fuyant les conflits, a poursuivi la représentante, qui a notamment rappelé que son pays comptait près de 1,3 million de réfugiés syriens, dont près de la moitié sont des femmes.  Elle a invité à ne pas stigmatiser ces derniers, afin qu’ils ne deviennent pas à leur tour des victimes des idéologies extrémistes. 

Mme Sukkar a ensuite rappelé que son pays avait lancé un plan pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité pour la période 2018-2021.  Elle a également salué la participation de Jordaniennes dans les missions de maintien de la paix.  

M. FRANCISCO DUARTE LOPES (Portugal) s’est dit heureux que la question des « femmes, de la paix et de la sécurité » soit au centre du programme du Conseil de sécurité, un outil crucial pour prévenir les conflits et assurer une réponse efficace aux crises complexes d’aujourd’hui.  La sécurité des femmes est intimement liée à la réalisation des droits de l’homme, qu’ils soient civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, a-t-il ajouté.

Bien plus, a souligné le représentant, les violences sexuelles peuvent occasionner des traumatismes physiques et psychologiques sur le long terme et porter atteinte au tissu social.  Il est, dès lors, essentiel de s’assurer que toutes les mesures nécessaires soient prises pour renforcer les mécanismes judiciaires et mettre fin à l’impunité.  Il est également crucial de surmonter les obstacles qui empêchent de dénoncer les violences sexuelles, alors qu’il s’agit des crimes les moins signalés.  M. Duarte Lopes a, par ailleurs, évoqué le plan d’action national de son pays pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000), mis en place dès 2009.

Mme FATIMA KYARI MOHAMMED, Observatrice permanente de l’Union africaine, a présenté trois stratégies pour lutter contre les violences sexuelles.  Dans le contexte africain, les protocoles et documents importants portant sur ce fléau sont adoptés par les États, a-t-elle expliqué.  Ainsi, 22 pays ont adopté des documents nationaux en rapport avec la résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité.  Reconnaissant la faible application de la législation sur la protection des femmes et filles, le Bureau de l’Union africaine auprès des Nations Unies s’est engagé à faire des rapports sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000), y compris ses dispositions sur la lutte contre les violences sexuelles en période de conflit.  La Commission de l’Union africaine va également continuer à promouvoir la place des femmes dans les processus de paix.  L’Observatrice permanente s’est en outre félicitée de la création de médiatrices africaines, ainsi que du réseau des dirigeantes africaines, qu’elle a présenté comme le « réseau pour les femmes et pour l’action ». 

Pour M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne), les violences sexuelles liées aux conflits sont un fléau qui menace la paix et la sécurité et constituent une violation grave des droits de l’homme.  La justice pour toutes les violations graves des droits de l’homme n’est pas seulement une fin en soi, c’est également un outil de prévention, de réconciliation et de dissuasion, a-t-il fait observer.  Dans le cas où cela n’est pas encore possible, il a suggéré d’assurer au moins la collecte et la préservation des preuves d’atrocités de masse.  À cet égard, son pays, a-t-il indiqué, soutient le travail essentiel que mène la Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) au nord de l’Iraq.  Dans le cas de la Syrie, en tant que contributeur de premier ordre, son pays soutient le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé d’assister dans l’enquête et la poursuite des responsables des crimes les plus graves, y compris les crimes de violence sexuelle.

Le délégué a appelé à suivre une démarche axée sur les rescapés, en leur assurant les soins et en leur apportant une protection juridique.  Il a rappelé, à cet égard, que son pays a accueilli un grand nombre de réfugiés -femmes et enfants- arrivant d’Iraq et de Syrie.  Il a assuré le Conseil de sécurité de l’engagement constant de l’Allemagne pour l’élimination et la prévention de la violence sexuelle liée aux conflits.  La mise en œuvre du programme « Femmes, paix et sécurité » demeurera en tête des priorités de son pays, a-t-il conclu. 

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a déclaré qu’il fallait poursuivre en justice les auteurs des violences sexuelles en période de conflit.  Elle a ensuite insisté sur la nécessité de traiter des causes profondes des conflits, précisant que c’était la raison pour laquelle son pays allouait plus de 2 milliards de dollars par an à cette fin, notamment avec des programmes mis en œuvre dans les pays arabes avec la collaboration des Nations Unies.  La représentante a déploré les cas de violence sexuelle en Syrie, rappelant que le Qatar avait participé au mécanisme de responsabilisation pour la Syrie que l’Assemblée générale des Nations Unies a établi l’an dernier. 

M. EDUARD FESKO (Ukraine) s’est dit alarmé par les chiffres des violences sexuelles commises en lien avec des conflits.  Près de 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000), la problématique « femmes, paix et sécurité » est toujours aussi importante, et ce, en raison de l’augmentation des violences liées au genre, à l’extrémisme et aux conflits violents. 

Bien plus, a-t-il dit, les chiffres figurant dans le rapport du Secrétaire général interpellent par la gravité et l’étendue des violences sexuelles liées aux conflits.  « Les victimes de ces crimes ne méritent pas uniquement que justice leur soit rendue: elles y ont droit! »  Il a tenu à rappeler la contribution de l’Ukraine, alors membre non permanent du Conseil de sécurité (2016-2017) à cet égard.  « Notre conviction est que toute violence à l’encontre des femmes et des filles constitue un obstacle majeur à la sécurité, au rétablissement de la paix, à la réalisation d’une égalité des sexes ainsi qu’à l’autonomisation des femmes », a-t-il ajouté.

L’Ukraine, a-t-il conclu, estime qu’une participation pleine et entière de la femme à toutes les activités, depuis la prévention jusqu’à la résolution des conflits, en passant par le maintien et la consolidation de la paix, est d’une importance cruciale.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a estimé que l’égalité des sexes et la promotion des droits de l’homme étaient des atouts pour éviter les violences sexuelles en période de conflit.  Elle a souligné que vivre sous le joug de Daech, c’est, pour les femmes, risquer de se faire violer à tout moment.  Déplorant qu’aucun membre de Daech n’ait été poursuivi à ce jour pour les crimes commis en Syrie, la représentante a invité la communauté internationale à décupler ses efforts pour lutter contre l’impunité, notamment en collaboration avec l’équipe d’experts du Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.  Les Émirats arabes unis entendent également continuer de lutter contre ces crimes et promouvoir l’égalité entre les sexes.

M. HAU DO SUAN (Myanmar) a mentionné l’engagement de son pays en vue de combattre les cas de violence sexuelle liés à un conflit, ce dont atteste, selon lui, la visite de Mme Patten en décembre l’année dernière.  Au vu de cet engagement, il a jugé regrettable que les forces armées du Myanmar soient citées dans l’annexe du rapport du Secrétaire général au titre des « parties qui, selon des informations crédibles, se seraient systématiquement livrées à des viols et à d’autres formes de violence sexuelle dans des situations de conflit armé dont le Conseil de sécurité est saisi ou seraient responsables de tels actes ».  Cette décision a été prise sur la base d’allégations non vérifiées, malgré nos tentatives d’interviewer les victimes alléguées dans les camps de Cox’s Bazar en vue d’enquêter sur ces cas, a-t-il dit. 

S’il existe des preuves concrètes de violations des droits de l’homme, mon pays est prêt à juger les responsables, a poursuivi le représentant, qui a catégoriquement rejeté comme dénuées de fondement les accusations selon lesquelles la violence sexuelle a été utilisée pour forcer les musulmans à abandonner leurs foyers.  « Au Myanmar, la violence sexuelle est un crime condamné par nos valeurs traditionnelles et par la loi », a-t-il affirmé. 

Le représentant a ajouté que les forces armées avaient pour instruction de suivre un code de conduite militaire et de ne pas commettre de tels crimes.  Mon pays rejette l’utilisation de mots tels que « nettoyage ethnique » ou « génocide » s’agissant de la situation dans l’État Rakhine, a encore déclaré le représentant, qui a parlé de « fake news ».  En conclusion, il a mis en garde contre les conséquences négatives que « l’incessante rhétorique visant le Myanmar » pourrait avoir sur la coopération entre ce pays et l’ONU. 

Mme DARJA BAVDAŽ KURET (Slovénie) a plaidé pour que les auteurs des violences sexuelles en période de conflit soient traduits en justice.  Elle a évoqué le rôle que pourrait jouer la CPI à cet effet, soulignant tout de même que le premier responsable des poursuites, c’est l’État où a été commis l’acte répréhensible.  Elle a dit de ne pas oublier que des garçons et des hommes sont également victimes de tels actes.  La violence sexuelle, a-t-elle poursuivi, n’est pas seulement une question humanitaire, c’est également une question de sécurité car elle empêche les femmes de participer aux processus de paix et à la vie de tous les jours. 

La Slovénie entend s’approprier la problématique de la violence sexuelle en période de conflit dans le cadre d’un document national de mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité.  Son pays a du reste créé un poste de conseiller à l’égalité entre hommes et femmes au sein de l’état-major slovène.  C’est aussi fort de cet engagement en faveur de la promotion de la femme que son pays a signé le Pacte sur la prévention de l’exploitation et des atteintes sexuelles que le Secrétaire général a proposé aux États.

Mme NOA FURMAN (Israël) a prévenu que malgré les bonnes nouvelles sur les femmes et les filles qui ont été libérées ou qui ont réussi à s’enfuir, il ne faut pas oublier que ce sont elles qui porteront le fardeau de cette expérience horrible pour le restant de leurs jours.  Elle a donné l’exemple de Zahra, une Yézidie d’Iraq, qui tremble encore à la vue des bus remplis de combattants de Daech venant enlever des centaines de femmes et de filles, en leur bandant les yeux avant d’en faire des esclaves sexuelles.  « Nous ne pouvons pas nous taire devant ces actes barbares d’un Moyen Âge bien révolu », a-t-elle lancé.  Elle a rappelé que des groupes comme Daech, les Chabab, Boko Haram ou Al-Qaida font de la violence sexuelle une tactique de guerre.  Mais, a ajouté la représentante, ils ne sont pas les seuls coupables: les forces armées, services de renseignement et forces progouvernementales de la Syrie sont aussi coupables de recourir à ces pratiques sauvages. 

La représentante a rejeté toute idée d’impunité, appelant à des lois plus fortes, à des mécanismes d’application des lois plus stricts, à des peines plus lourdes et à des lieux sûrs pour les victimes, pour qu’elles puissent recevoir de l’aide, des soins, y compris psychologiques, et une assistance juridique.  La déléguée n’a pas oublié de mentionner les actes commis par les soldats de la paix, appuyant fermement la politique de tolérance zéro du Secrétaire général et son pacte avec les États Membres visant l’élimination de l’exploitation et des abus sexuels, qu’Israël a dûment signé.  La représentante a aussi appuyé l’approche centrée sur la victime, se félicitant de la nouvelle initiative sur un système de collecte d’informations au niveau des communautés pour encourager les victimes à se faire connaître, surtout si elles ont été agressées par des Casques bleus.  Il est de notre responsabilité collective, a conclu la représentante, d’effacer la honte sur le front de ces femmes et de les aider.  Les victimes sont plus que des statistiques.  Elles ont un nom, un nom qui reflète la vie et une vie qui représente le monde entier, a-t-elle souligné.

Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a invité les États à régler leurs différends par la voie du dialogue et par le biais de négociations, arguant qu’il n’y pas mieux pour protéger les femmes de la violence sexuelle en période de conflit que d’empêcher ces conflits d’éclater.  Il faut donc s’assurer que la voix des femmes soit prise en compte dans les processus de paix, a-t-il prôné.  Le nonce a aussi souhaité que la protection des femmes soit intégrée dans le mandat des missions de maintien de la paix, plaidant aussi pour une bonne intégration des femmes dans le personnel de ces missions.  Il a insisté également sur la protection des femmes en période d’après conflit.

L’observateur a poursuivi en soulignant l’importance de l’éducation pour les femmes et les filles.  Il s’est félicité à cet égard des succès de l’Église catholique dans l’éducation des femmes discriminées.  Par exemple, a-t-il signalé, 80% des étudiants de l’Université de Bethléem sont des Palestiniennes qui deviennent par la suite des enseignantes et des professionnelles capables de contribuer à la paix et à l’harmonie des familles et des sociétés dans lesquelles elles vivent.  Il a souhaité de manière générale que tous les rescapés de ces violences reçoivent les moyens nécessaires pour se reconstruire, et que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice, que ce soit devant les juridictions des États ou par le biais de la Cour pénale internationale.

M. MAGDI AHMED MOFADAL ELNOUR (Soudan) a demandé une approche globale pour faire face aux conséquences très graves de la violence sexuelle.  Il a suggéré un renforcement des efforts pour empêcher la commission de ces crimes et demandé l’imposition de sanctions pour ceux qui entravent la paix.  Nous devons renforcer la coopération entre l’ONU et les organisations régionales, a-t-il ajouté.  Le représentant s’est prononcé en faveur d’un fonds de réparation pour les rescapés de violences sexuelles en période de conflit et a demandé des sanctions plus sévères à l’encontre des responsables de ces crimes. 

Sur le plan national, le Soudan s’est doté de dispositifs de protection des femmes dans les zones de conflit, a poursuivi M. Elnour, qui a mentionné la création d’unité de protection au sein des forces armées et d’une augmentation du nombre de policières au Darfour.  Il a aussi fait état d’interactions accrues entre les forces gouvernementales et les différentes communautés au Darfour et a cité la récente visite dans cette région de Mme Patten, y voyant la preuve de la volonté de son pays de coopérer avec la communauté internationale, avant de souligner le « retour à la normale » au Darfour.  Le représentant a en outre dénoncé un passage du rapport du Secrétaire général qui fait état de violences sexuelles commises par des gardes frontière au Darfour, affirmant que ces gardes frontière n’existent plus depuis deux ans avant de conclure en affirmant que « le conflit au Darfour appartient au passé ».

M. TAREQ MD ARIFUL ISLAM (Bangladesh) a rappelé qu’en octobre dernier, sa délégation avait demandé au Conseil de sécurité que les femmes rohingya aient la possibilité de s’exprimer devant cet organe.  C’est désormais chose faite avec le discours de Mme Sultana, a-t-il noté, précisant que son Gouvernement est engagé dans une course contre la montre pour assurer protection et assistance humanitaire à près de 700 000 déplacés, dont une majorité de femmes et d’enfants.  Parmi les femmes, les humanitaires ont dénombré plus de 2 000 qui sont enceintes et ont besoin de soins particuliers. 

Le délégué a invité la communauté internationale à appuyer l’action des humanitaires.  Au Bangladesh, des espaces pour femmes et enfants, localisés dans les camps de réfugiés, ont été mis en place afin de prendre en main les problèmes inhérents aux violences sexuelles, a-t-il signalé.  Le délégué a fait mention des cas de trafic des femmes et filles rohingya, malgré la présence des autorités sur le terrain.  Il a laissé entendre que l’ultime solution à cette question serait de permettre un retour sûr et volontaire des réfugiés chez eux, dans l’État Rakhine. 

Selon le Bangladesh, l’impunité face à ces crimes ne peut diminuer si l’État concerné n’a pas la volonté ou le pouvoir de rendre justice.  Dans un tel cas, il appartient à la communauté internationale, notamment au Conseil de sécurité, de prendre ses responsabilités.  Il a d’ailleurs rappelé que de nombreuses voix avaient invité le Conseil à déférer des cas devant la Cour pénale internationale (CPI) ou à envisager des sanctions contre les entités listées dans le rapport du Secrétaire général.  Le représentant a aussi estimé que les États étant inclus dans ladite liste ne devraient pas participer aux opérations de maintien de la paix de l’ONU.

M. OYAMA MGOBOZI (Afrique du Sud) a exhorté le Conseil de sécurité à prêter une attention accrue aux signes avant-coureurs de la commission systématique de violences sexuelles.  Il a souhaité un nombre accru de femmes Casques bleus.  Mon pays a l’un des contingents de femmes Casques bleus déployées les plus importants, a-t-il dit, ajoutant que la contribution des femmes aux efforts de paix était « reconnue comme un facteur d’efficacité des missions ».  Le représentant a souligné la nécessité que les responsables de violence sexuelle soient punis, car il ne peut y avoir de paix sans justice.  La voix des femmes doit être entendue dans les processus de règlement des conflits, a-t-il aussi déclaré.  Enfin, M. Mgobozi a souligné la détermination de son pays à œuvrer à l’édification d’une société mondiale au sein de laquelle les femmes et filles seraient traitées sur un pied d’égalité. 

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a souligné que son pays avait célébré, la semaine dernière, le vingtième anniversaire de l’Accord du vendredi saint, qui avait marqué le processus de paix en Irlande du Nord.  La participation des femmes, a-t-elle rappelé, a été indispensable à son succès.  Elle a également évoqué les deux Irlandaises qui ont reçu le prix Nobel de la paix en 1976, Mairead Corrigan et Betty Williams.  « Nous avons honte de voir les femmes et les filles couramment utilisées comme devises lors des conflits », a-t-elle lancé en revenant au thème de la violence sexuelle, exhortant les États Membres à redoubler d’efforts pour lutter contre ce phénomène.

Mme Byrne Nason a jugé essentiel le rôle de la société civile, au niveau local, pour autonomiser les femmes dans la prévention des conflits.  Elle s’est inquiétée des rapports faisant état de violences sexuelles à l’encontre des défenseures des droits de l’homme.  Aujourd’hui, a-t-elle déclaré, « nous prions les États Membres de prendre des mesures pour garantir la protection adéquate des femmes dans l’espace de la société civile ».  Elle a également demandé au Conseil de sécurité d’être « cohérent et opportun dans son recours aux sanctions contre les auteurs de violences sexuelles liées aux conflits ».  Enfin, en tant que Présidente de la Commission de la condition de la femme, l’Irlande s’est félicitée de voir le rapport du Secrétaire général souligner les vulnérabilités réelles des femmes rurales. 

M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMÍREZ (Paraguay) a rappelé que son pays participait aux opérations de maintien de la paix de l’ONU depuis 1965 et qu’il avait progressivement introduit des femmes dans les contingents militaires et le personnel politique.  Il a reconnu l’importance de sensibiliser le personnel à la prévention de la violence sexuelle et à la protection des civils dans les conflits armés, aux besoins des victimes et à la poursuite des personnes responsables, tout en rappelant le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. 

Pour M. Arriola Ramírez, le Conseil de sécurité devrait inscrire clairement la question de la protection des civils, y compris contre la violence sexuelle, dans les mandats des opérations de maintien de la paix.  Dans ces mandats, il faut incorporer des mécanismes de prévention et des protocoles pour assister les victimes et garantir la reddition de comptes, a-t-il ajouté, estimant que les mandats des opérations existantes devraient être actualisés à cette fin. 

Mme CLARE HUTCHINSON, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a rappelé que les valeurs fondamentales de l’Alliance Atlantique étaient « la démocratie, la liberté individuelle et le respect des lois » et qu’elles étaient en profond accord avec la question des « femmes, la paix et la sécurité ».  Grace aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité sur cette question, le fait que les violences sexuelles en temps de guerre n’affectent pas seulement les femmes et les filles, mais des communautés entières, est « dorénavant gravé dans notre conscience collective », a-t-elle ajouté. 

Si la représentante a noté qu’« il revient à la communauté internationale de mieux protéger les femmes », elle a aussi constaté que cette protection ne pouvait exister « sans la promotion des droits des femmes et leur pleine participation dans les processus décisionnels ».  Elle a jugé également indispensable de « régler la question de l’autonomisation et la participation des femmes » dans la société.  Sans une réponse adéquate, le problème continuera à mettre en danger les efforts de stabilisation et de reconstruction durables des zones en guerre, a souligné la représentante, pour qui la protection est au cœur de la question des « femmes, la paix et la sécurité ».  

Mme Hutchinson a expliqué que la mise au point de lignes directrices militaires pour répondre aux violences sexuelles dans les conflits armés et aux violences sexistes représentait un outil pratique pour travailler, tout en reconnaissant que ces efforts devaient être coordonnés avec diverses organisation internationale et avec la société civile.  C’est pourquoi l’OTAN a créé un groupe de conseil de la société civile pour prendre en compte les points de vue de femmes, non seulement issues des pays membres de l’Organisation, mais aussi et surtout des femmes des pays et zones de crise.  L’OTAN a également rejoint les efforts de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour faire progresser la question des violences sexuelles et sexistes liées aux conflits armés dans toutes ses activités. 

Mme Hutchinson a enfin souligné qu’une approche holistique était nécessaire et que la meilleure défense contre les violences faites aux femmes se trouvait dans une approche préventive, tendant vers la reconnaissance des populations de l’égalité entre les sexes.

M. CHARLES T. NTWAAGAE (Botswana) s’est engagé à œuvrer de concert avec la communauté internationale pour développer des stratégies de prévention des violences contre les femmes et les enfants dans les conflits.  Tout en reconnaissant que davantage devait être fait pour faire face à ces atrocités, il a souligné la responsabilité des États, qui doivent se conformer à leurs obligations pertinentes pour faire cesser l’impunité.  Il est essentiel d’entreprendre des mesures concrètes pour combattre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence à l’encontre des personnes en raison de leur sexe, identité, religion ou conviction, a-t-il poursuivi.

Dans sa quête pour l’autonomisation de la femme dans la paix et la sécurité, le Botswana estime que les efforts doivent être intensifiés dans la promotion d’une active et égale participation de la femme dans la prévention des conflits et leur résolution, la justice transitionnelle et le processus de réforme de la sécurité.  À cet égard, M. Ntwaagae a souligné le ferme soutien de son pays à l’implication des femmes dans les négociations de paix, la consolidation de la paix et la prévention des conflits. 

En conclusion, le représentant fait part de son optimisme quant à l’éradication de ce crime honteux contre l’humanité qu’est la violence sexuelle en période de conflit armé, et ce, grâce à « notre engagement et à notre volonté collective, notamment au sein du Conseil de sécurité ». 

M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a rappelé que les conflits dans les Balkans avaient été les premiers à placer la question de la violence sexuelle comme tactique de guerre sur le devant de la scène.  En Croatie, on estime ainsi à 2 500 le nombre de femmes, mais aussi d’hommes, qui ont souffert d’une forme grave de violence sexuelle dans les années 90.  Mais l’impunité prévaut toujours, s’est désolé le représentant, qui a constaté le nombre très limité de condamnations pour ces crimes par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ou les juridictions nationales.  La Croatie quant à elle a adopté dès 2015 la loi sur les droits des victimes de la violence sexuelle pendant la guerre.  Mais, comme d’autres, elle a réalisé que les lois ne suffisent pas.  Ce sont les cœurs et les esprits qu’il faut changer et les normes culturelles et sociales qu’il faut questionner pour que les victimes puissent recevoir l’aide de leur communauté et les coupables, être stigmatisés, exclus et punis, a poursuivi le représentant. 

La Croatie s’efforce d’intégrer les principes de l’agenda « femmes, paix et sécurité » dans ses politiques nationales, y compris la politique étrangère et de sécurité, a déclaré M. Drobnjak.  Le pays est en train de mettre au point son second Plan d’action national, qui couvrira toutes les activités nationales et internationales.  Une attention particulière est accordée aux éléments « genre » dans la formation des soldats et des policiers, y compris le personnel détaché aux opérations de maintien de la paix de l’ONU.  Ces trois dernières années, la Croatie a d’ailleurs formé 35 femmes policiers de 19 pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe.  La quatrième version du programme de formation est prévue au moins de mai. 

Le représentant a ensuite demandé, y compris à l’ONU, des directives claires sur la manière de mettre en œuvre le mandat de « protection des civils ».  Il a aussi jugé important de renforcer la présence des femmes dans les pourparlers de paix, pour pouvoir tenir compte de leurs besoins en matière d’opportunités économiques, de justice et de réparations.  Il s’est aussi félicité de l’accent mis sur la nécessité d’inclure explicitement et systématiquement la question de la violence sexuelle dans les efforts de prévention, les processus et accords de paix, la réforme du secteur de la sécurité, voire les régimes de sanctions. 

M. ROLANDO CASTRO CÓRDOBA (Costa Rica) a demandé des cadres juridiques solides pour protéger les victimes de violence sexuelle avant de se dire préoccupé par les risques de violence sexuelle dans le cadre des migrations.  La violence sexuelle dont a été victime une personne devrait être reconnue comme un critère d’octroi de l’asile dans un pays, a-t-il estimé.  Le représentant a demandé que les forces de sécurité nationales et le personnel onusien soient sensibilisés aux droits des victimes de violence sexuelle. 

La mise en œuvre des résolutions du Conseil est cruciale, a poursuivi le représentant, qui a souhaité que les violences sexuelles deviennent des critères de désignation des régimes de sanction du Conseil.  La prévention est essentielle, a-t-il poursuivi, en demandant le déploiement systématique de conseillers pour la protection des femmes au sein des missions de l’ONU.  Enfin, le représentant a souhaité que les femmes soient associées aux processus de prise de décisions. 

Pour M. JIRI ELLINGER (République tchèque), la communauté internationale devrait « redoubler d’efforts pour mettre fin au climat d’impunité ».  Le représentant a souhaité que des initiatives soient prises au plus haut niveau politique pour permettre la responsabilisation sur le terrain.  Pour sa part, la République tchèque met en œuvre avec des organisations non gouvernementales des projets visant à prévenir la violence sexuelle et l’abus des femmes et des filles, à travers notamment des centres de soins pour les filles marginalisées et déplacées en Syrie, au Liban, au Soudan du Sud, au Pakistan, en Jordanie et au Bangladesh.  De plus, le pays participe à des projets pour l’autonomisation économique et politique des femmes en Géorgie, en Zambie, en Éthiopie, en Afghanistan, au Pakistan et au Sri Lanka.

La République tchèque, a poursuivi M. Ellinger, a adopté son plan national d’action sur les femmes, la paix et la sécurité en janvier 2017, pour combattre les violences sexuelles liées aux conflits et toutes les formes de discrimination.  En outre, une formation alignée sur la politique de tolérance zéro est obligatoire pour les Casques bleus tchèques.  Par ailleurs, le pays continue d’appuyer la Cour pénale internationale et les tribunaux internationaux ad hoc et contribue au financement d’ONU-Femmes. 

Mme IVANA PAJEVIĆ (Monténégro) a plaidé pour que les femmes aient davantage d’influence sur les politiques de promotion de la consolidation de la paix et du développement, afin de réduire les inégalités entre les sexes.  Le Monténégro a adopté un plan national 2017-2018 de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, a-t-elle indiqué.  Elle a aussi rappelé que son pays fut l’un des cinq premiers signataires de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, encore connue sous le nom de « Convention d’Istanbul ».

La représentante a indiqué que son pays assure une formation prédéploiement de ses soldats de la paix en matière de prévention de la violence sexuelle en période de conflit.  Elle a insisté sur l’importance pour l’ONU d’appliquer la politique de tolérance zéro en cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles commises par des Casques bleus ou tout membre du personnel des missions de maintien de la paix.  Elle a terminé en plaidant pour que le soutien nécessaire soit apporté aux victimes de ces violences, afin d’assurer notamment leur réintégration dans leur communauté. 

M. AMJAD QASSEM AGHA (République arabe syrienne) a déclaré que son gouvernement avait coopéré de manière inlassable avec la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.  Le représentant a mentionné la création de centres de protection familiale pour améliorer l’aide de son pays aux victimes de violence sexuelle.  Il a rejeté les allégations selon lesquelles le Gouvernement syrien autorise la commission de violences sexuelles.  Les passages du rapport du Secrétaire général consacrés à la Syrie ont été écrits sur la base d’informations fabriquées de toutes pièces par les Casques blancs, a-t-il affirmé.  Il a ensuite accusé la Représentante spéciale d’avoir outrepassé son mandat, avant de se dire préoccupé par le trafic d’organes qui existerait dans les camps de réfugiés en Turquie.  Le rapport du Secrétaire général fait également fi des souffrances des femmes syriennes dans le Golan syrien occupé, a-t-il accusé.  Enfin, il a dénoncé l’appui que fournirait Israël à El-Nosra, groupe qui, selon lui, est le principal responsable des violences sexuelles commises en Syrie. 

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a plaidé pour l’établissement de mécanismes d’alerte rapide afin d’éviter les cas de violence sexuelle en période de conflit.  Il a ajouté que, son pays étant particulièrement calme, les autorités s’attèlent à la protection des femmes dans les pays voisins en proie aux conflits armés.  Le Bahreïn a adapté sa législation pour tenir compte des engagements internationaux auxquels il a souscrit et le pays est également impliqué dans un ensemble d’initiatives internationales de protection de la femme.  Le représentant a souhaité que le thème de ce débat reste parmi les préoccupations majeures de la communauté internationale. 

Mme MAJDA MOUTCHOU (Maroc) a déploré la persistance de la violence sexuelle en temps de conflit qui non seulement est devenue « systématique et généralisée », mais également d’une « brutalité épouvantable »: « ni femmes et filles, ni hommes et garçons, ni vieillards, ni même nourrissons ne sont épargnés », a dit la représentante. 

Pour Mme Moutchou, la violence sexuelle n’affecte pas uniquement les victimes, elle ronge et gangrène les communautés et les sociétés dans leur intégralité.  Elle vise à blesser le corps, mutiler la dignité, détruire le tissu social, déstabiliser, ruiner et terroriser les sociétés affectées par les conflits, et tuer dans l’œuf tout effort de réconciliation et de reconstruction.  Face à la persistance de ces actes odieux, la représentante a plaidé pour un passage à l’action et préconisé que soient présentées de vraies solutions, afin d’aider les survivants à se reconstruire.  Parmi les solutions préconisées, elle a cité l’examen des causes profondes des conflits en favorisant la consolidation de la paix et le développement humain durable et en encourageant les initiatives nationales visant à mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe.  Renforcer l’accès à la justice pour les victimes et lutter contre l’impunité, faciliter la participation des femmes aux débats sur la prévention et le règlement des conflits, figuraient également parmi les propositions avancées par la représentante.  En conclusion, celle-ci a réitéré le soutien plein et ferme de son pays à la politique de tolérance zéro défendue par les Nations Unies et souligné que le Maroc œuvrait inlassablement, en prenant toutes les mesures nécessaires, afin d’éradiquer ces actes ignobles. 

M. ISSA KONFOUROU (Mali), au nom des États membres du Réseau de la sécurité humaine, a noté que la violence sexuelle se poursuivait généralement après la fin d’un conflit.  Elle constitue un facteur aggravant de l’insécurité dans les régions affectées et ses effets peuvent s’étendre sur plusieurs générations, a-t-il ajouté, avant de déplorer que, « pire, ces crimes sont souvent amnistiés ».  De plus, les violences sexuelles dans une situation de conflit ou de postconflit sont considérées comme « un tabou », les victimes étant généralement punies et stigmatisées alors que les auteurs restent en liberté.

Toutes les mesures, y compris des mesures ciblées, doivent être prises pour protéger les personnes, amener les auteurs à rendre des comptes et apporter des remèdes aux victimes, a résumé M. Konfourou.  Il a reconnu « le rôle essentiel de la justice pénale internationale », en particulier de la Cour pénale internationale, pour statuer sur les cas de violence sexuelle en situation de conflit.  Il a toutefois rappelé que la responsabilité principale de poursuivre les responsables en justice et de protéger les victimes relève des États.

Le Réseau de la sécurité humaine souligne également l’importance de mettre l’accent sur la prévention de futures violations et de réhabiliter et réintégrer les personnes affectées par ces crimes odieux, à travers des soins médicaux et psychologiques appropriés, a expliqué le représentant.  Il a également apporté un « très fort soutien » à la politique de tolérance zéro sur l’exploitation et les abus sexuels, « et par conséquent à une démarche de l’impunité zéro pour tous les personnels des Nations Unies et des autres opérations internationales de maintien de la paix ». 

Pour M. ALI NASEER MOHAMED (Maldives), il est essentiel que tous les cas de violence sexuelle soient rapportés pour renforcer les mécanismes de la justice et la responsabilisation.  Notant toutefois que la majorité des cas restent passés sous silence par crainte de la stigmatisation associée aux victimes, il a souhaité davantage de sensibilisation sur le sujet, pour faire évoluer les perceptions sociales et combattre les tabous et l’impunité. 

Notant que la plupart des victimes sont des femmes et des filles issues de communautés rurales marginalisées, le représentant a appelé les États à étendre l’état de droit à toutes les communautés et à promouvoir une meilleure représentation des femmes dans la gouvernance.  Il a souligné la responsabilité des forces armées et des opérations de maintien de la paix pour prévenir la violence sexuelle dans les conflits.  À cet égard, il a salué le fait que toutes les opérations de maintien de la paix dotées de mandats relatifs à la protection des civils avaient établi des arrangements de suivi et incorporé des indicateurs d’alerte précoce. 

Pour M. ALEJANDRO GUILLERMO VERDIER (Argentine), la violence sexuelle dans les conflits représente l’une des pires violations de la dignité humaine, ainsi qu’une menace « indubitable » à la paix et à la sécurité internationales.  C’est pourquoi la communauté internationale doit redoubler d’efforts pour prévenir et éradiquer de tels crimes et pour assurer la reddition de comptes, en mettant les victimes au centre de son action, a-t-il poursuivi.  Il a souligné à cet égard les outils à la disposition du Conseil de sécurité, notamment les régimes de sanctions, qui devraient inclure la violence sexuelle comme critère spécifique de désignation, mais aussi le renvoi à la Cour pénale internationale. 

La lutte contre la violence sexuelle dans les conflits doit être à l’avant-garde de tous les efforts de prévention, de maintien et de consolidation de la paix, a insisté le représentant.  À cet égard, il a préconisé de s’attacher aux facteurs de risque qui résultent de la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les femmes et des groupes particuliers.  Il a dénoncé, entre autres, la discrimination structurelle, la violence sexiste et les climats d’impunité et d’insécurité.  S’agissant de l’accès à la justice, il a jugé essentiel de renforcer l’échange d’informations et les bonnes pratiques en matière d’enquêtes.  L’indemnisation et la réinsertion des victimes impliquent également de travailler de concert avec les organisations de femmes et la société civile en général, et de proposer des services d’appui multisectoriels et multidisciplinaires. 

M. Verdier a ensuite dit l’importance d’inscrire des dispositions concrètes sur les questions de genre dans les missions déployées par le Conseil de sécurité, les équipes de médiation et les accords de paix et de cessez-le-feu.  Il a également insisté sur la nécessité d’augmenter la présence des femmes dans les contingents militaires et de police des forces de paix.    

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Réunion d’urgence au Conseil de sécurité après les frappes aériennes en Syrie: rejet du projet de résolution russe et appels au respect du droit international

8233e séance – matin
CS/13296

Réunion d’urgence au Conseil de sécurité après les frappes aériennes en Syrie: rejet du projet de résolution russe et appels au respect du droit international

Quelques heures après les frappes aériennes menées par trois membres permanents du Conseil de sécurité sur trois sites abritant des armes chimiques en Syrie, le Conseil s’est réuni en urgence, ce samedi, à la demande de la Fédération de Russie.  Un projet de résolution présenté par cette délégation a été rejeté par 3 voix pour, 8 voix contre et 4 abstentions.

La Fédération de Russie n’a donc pas réussi à faire adopter un texte qui visait à condamner et à faire cesser « l’agression » contre la Syrie par « les États-Unis et leurs alliés », que seules la Bolivie et la Chine ont soutenu.  Mais plusieurs délégations ont exprimé leurs inquiétudes face à une action non autorisée par le Conseil de sécurité et la séance a prouvé une fois de plus que les membres du Conseil sont toujours divisés sur la manière de réagir à l’attaque à l’arme chimique.

Le Secrétaire général de l’ONU est intervenu pour appeler précisément les membres du Conseil à faire preuve d’unité et à exercer leur responsabilité première -le maintien de la paix et de la sécurité internationales–, dans le strict respect de la Charte des Nations Unies et, de manière générale, du droit international.

Puis, s’adressant à tous les États Membres, M. António Guterres a lancé un appel à la retenue « dans ces circonstances dangereuses » et à éviter toute action qui mènerait à une escalade des tensions et à une aggravation des souffrances du peuple syrien.

M. Guterres a relayé les informations fournies par le Président des États-Unis et selon lesquelles les frappes auraient été limitées à trois installations militaires en Syrie.  Selon des sources américaines et russes, a-t-il ajouté, il n’y aurait pas de victimes parmi les civils, mais l’ONU n’est pas pour le moment en mesure de vérifier l’ensemble des faits.

Les trois pays qui ont mené les attaques dans la nuit –les États-Unis, la France et le Royaume-Uni– ont expliqué leurs motivations et ont été la cible des accusations de la Russie et de la Syrie notamment. 

« Nous sommes ici car trois membres ont agi, non pas pour se venger ou punir quiconque, mais pour dissuader toute utilisation future d’armes chimiques et pour faire en sorte que le régime syrien rende des comptes », a déclaré la représentante des États-Unis.  Son pays, a-t-elle poursuivi, dispose d’informations qui pointent la culpabilité d’Assad dans l’attaque chimique de la semaine dernière à Douma.  La France « n’a strictement aucun doute » là-dessus, a renchéri son représentant.

Le Secrétaire général, qui a souligné le « sérieux » des récentes allégations d’utilisation d’armes chimiques à Douma, a fait part de son plein appui à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à sa Mission d’établissement des faits, dont l’équipe est déjà en Syrie, prête à se rendre sur les lieux de l’attaque.  « Les enquêteurs doivent se réunir à 19 heures avec les autorités syriennes », a précisé le délégué syrien.

Selon le représentant de la France, au moment d’ordonner l’attaque chimique à Douma, le régime syrien voulait tester le seuil de tolérance de la communauté internationale, « et il l’a rencontré ».  Le message est clair, a expliqué la représentante des États-Unis: « Nous n’allons pas laisser le régime syrien continuer d’utiliser des armes chimiques. »

« On ne peut pas juger “illégal” de recourir à la force lorsqu’il s’agit de sauver des vies en Syrie qui sont trop nombreuses à être perdues », a poursuivi la déléguée britannique en expliquant que le fondement juridique de l’intervention militaire était « humanitaire ».

La Syrie a vu cela d’un autre œil et s’est inquiétée avant tout de la violation de sa souveraineté par un membre permanent du Conseil de sécurité.  Brandissant trois exemplaires de la Charte, deux en anglais et un en français, le représentant syrien a appelé le Secrétariat à les distribuer aux pays concernés pour « qu’ils puissent se cultiver dans leur ignorance et leur tyrannie ». 

De même, le représentant russe a accusé les trois pays de chercher à réécrire le droit international et de se substituer à la Charte, « un jeu dangereux ».  « C’est une journée triste pour la Charte qui a été foulée au pied ainsi que pour le Conseil de sécurité », a-t-il estimé en allant jusqu’à dire que sa délégation n’avait pas connu de pire journée.

La Russie a dénoncé une « agression, sans autorisation de l’ONU, contre la Syrie », tandis que son homologue de la Chine s’est dit défavorable au recours à la force pour résoudre les conflits internationaux.  Le représentant de la Guinée équatoriale a quant à lui estimé que ces attaques « chirurgicales » avaient été perpétrées en violation du Chapitre V de la Charte ainsi que des principes et normes du droit international.

« Le multilatéralisme ne les intéresse plus », en a conclu le représentant de la Bolivie en accusant les trois pays concernés d’avoir avant tout comme objectif d’étendre leur domination.  Le délégué russe a parlé de « diplomatie fondée sur les mythes, l’hypocrisie et les supercheries », craignant bientôt de voir une « diplomatie de l’absurde ».

« Si le temps des discussions est terminé, comme l’affirme la représentante des États-Unis, que faisons-nous ici, quel est notre rôle de diplomates? » s’est impatienté le délégué syrien.

Malgré toutes ces accusations, les appels à résoudre la crise par la voie politique -et non militaire- n’ont pas manqué au cours de la séance.  Il faut faire avancer le processus politique, a plaidé le Secrétaire général qui a dit avoir demandé à son Envoyé spécial de venir à New York pour cela le plus tôt possible.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

La situation au Moyen-Orient

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que les frappes annoncées hier, samedi, à 22 heures, par le Président des États-Unis, auraient été limitées à trois installations militaires en Syrie.  Selon des sources américaines et russes, il n’y aurait pas de victimes parmi les civils, a-t-il ajouté.  Il a précisé que l’ONU n’était pas, pour le moment, en mesure de vérifier l’ensemble des faits.

En sa qualité de Secrétaire général, M. Guterres a voulu rappeler aux États Membres leur obligation, en matière de paix et de sécurité, d’agir conformément à la Charte des Nations Unies et de manière générale au droit international.  « La Charte des Nations Unies est très claire sur ces questions », a-t-il affirmé en soulignant la responsabilité première du Conseil de sécurité de maintenir la paix et la sécurité internationales. 

M. Guterres a, dès lors, appelé les membres du Conseil à faire preuve d’unité et à exercer cette responsabilité qui est la leur.  Il a également appelé les États Membres à faire montre de retenue « dans ces circonstances dangereuses » et à éviter toute action qui mènerait à une escalade des tensions et à une aggravation des souffrances du peuple syrien.  « Il faut éviter de perdre le contrôle de la situation », a-t-il insisté.

Le Secrétaire général s’est dit profonde déçu que le Conseil ne parvienne pas à s’accorder sur un mécanisme d’attribution de responsabilité sur l’utilisation des armes chimiques.  Il a enjoint le Conseil à assumer ses responsabilités et à combler cette lacune, assurant vouloir travailler avec les États Membres pour y parvenir.

Rappelant le sérieux des récentes allégations d’utilisation d’armes chimiques à Douma, il a fait part de son plein appui à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à sa Mission d’établissement des faits.  Il a fait savoir que l’équipe était déjà en Syrie, prête à se rendre sur les lieux de l’attaque.

Aux yeux du Secrétaire général, la Syrie aujourd’hui représente la menace la plus grave à la paix internationale.  Il a remarqué qu’on était en présence d’une guerre par procuration, et que les actions étaient menées par des groupes non étatiques ainsi que par des combattants terroristes et étrangers.  Depuis le début, a-t-il ajouté, le conflit est caractérisé par des violations répétées du droit international et des droits de l’homme.

Alors que le peuple syrien souffre des conséquences de la guerre depuis « huit longues années », le Secrétaire général a appelé les États Membres à respecter les normes concernant l’utilisation d’armes chimiques.  Il a aussi souligné que la seule solution au conflit est politique et non pas militaire et a appelé à faire avancer le processus politique.  Il a dit avoir demandé à son Envoyé spécial de venir à New York, le plus tôt possible, pour qu’il puisse le consulter sur le meilleur moyen d’accélérer le processus politique.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a indiqué que sa délégation avait demandé cette réunion d’urgence, la quatrième séance sur ce sujet cette semaine.  Il a ensuite lu une déclaration de son Président, M. Vladimir Poutine, selon lequel les États-Unis et leurs alliés -la France et le Royaume-Uni- ont lancé une agression contre la Syrie sans autorisation de l’ONU.  C’est une agression contre un État qui lutte contre le terrorisme, a-t-il dit.

Le représentant a poursuivi en expliquant que si les pays agresseurs ont utilisé comme prétexte l’emploi d’armes chimiques en Syrie, les experts de la Fédération de Russie n’ont trouvé aucune trace d’armes chimiques en Syrie.  Il a rappelé que l’OIAC avait dépêché ses experts sur place, mais que ce groupe d’États occidentaux avait préféré attaquer sans attendre les résultats de l’enquête.  Les États-Unis et leurs alliés aggravent ainsi les souffrances de la population et apportent leur soutien aux groupes terroristes, selon le représentant qui a craint le risque de détruire tout le système des relations internationales.

L’escalade actuelle présente un risque à la paix et la sécurité internationales, s’est inquiété M. Nebenzia, alors que « la Russie a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter toute escalade ».  Il a noté que le Secrétaire général lui-même est très préoccupé par la tournure des choses.  Il a estimé que les États-Unis foulaient au pied le droit international alors qu’ils devraient au contraire défendre la Charte.  Il jugé « honteux » que les États-Unis invoquent la Constitution américaine pour justifier cette attaque.  « Washington doit comprendre que le code international qui règlemente l’emploi de la force est régi par la Charte des Nations Unies. »

Pour résoudre ce conflit, « vous ne menez aucun travail sérieux au Conseil de sécurité », a lancé le représentant russe à l’adresse de la délégation américaine, en l’accusant aussi de rester dans le néocolonialisme.  « Vous foulez au pied la Charte et le Conseil de sécurité.  Vous sapez l’autorité du Conseil de sécurité. »  Il a aussi reproché à la délégation américaine de ne consulter personne, « alors que vous savez que les experts russes qui ont enquêté à Douma ont indiqué que l’incident n’avait pas eu lieu ».  Il a cité des témoins selon lesquels ce sont des experts étrangers qui auraient inventé l’incident.  En outre, le représentant a fait remarquer que les frappes étaient intervenues hier alors que les experts de l’OIAC étaient sur place pour mener leurs travaux. 

« Hier, certains ont dit que la raison de la situation était l’absence de mécanisme d’attribution des responsabilités », a relevé M. Nebenzia qui a rejeté cette affirmation.  Selon lui, ce n’est pas vrai car l’OIAC existait déjà.  Les États-Unis ont lancé des frappes et, six mois plus tard, le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU a été tué par les États-Unis, a-t-il observé.  Lors de l’attaque américaine de l’année dernière, l’existence du Mécanisme n’a donc pas empêché les États-Unis d’attaquer la Syrie.  « Vous n’avez apparemment pas besoin d’enquête pour attaquer un pays souverain », a-t-il lancé aux États-Unis.  « Vous préférez établir les faits et désigner ensuite les coupables. »  Pour la Russie, « les masques sont enfin tombés, en particulier ceux des Casques blancs ».

Dénonçant la tendance qui est maintenant d’attaquer la Russie, le délégué a clamé que son pays ne saurait défendre une dictature.  Il a rappelé que l’OIAC avait mené deux enquêtes dans le centre de recherche et de développement attaqué hier soir sans rien y trouver.  « L’objectif des États-Unis et de ses alliés est-il de détruire l’économique syrienne, d’aggraver la souffrance des Syriens qui sont déjà fatigués de la guerre? »

En 24 heures, ces pays peuvent arrêter la guerre mais ils ont préféré aider les terroristes en Syrie, a déclaré le représentant russe.  Pour lui, il est clair que ceux qui mènent une rhétorique humanitaire en Syrie s’en servent pour faire avancer leurs propres intérêts.  Cette agression menace à son avis les perspectives de recherche de solution au conflit initiées par les Nations Unies.  « Mais pourquoi parler de processus de Genève face aux agissements des États-Unis et de leurs alliés?  Ces pays doivent arrêter l’agression contre la Syrie. »  Le représentant a conclu son intervention en annonçant vouloir présenter un court projet de résolution à la fin de cette réunion, sur lequel tous les membres sont appelés à se prononcer.

« Nous sommes ici car trois membres ont agi, non pas pour se venger ou punir quiconque, mais pour dissuader toute utilisation future d’armes chimiques et pour faire en sorte que le régime syrien rende des comptes », a déclaré d’emblée Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) avant de dénoncer les campagnes de désinformation en cours.  Elle a assuré, elle, disposer d’informations qui pointent la culpabilité d’Assad dans l’attaque de la semaine dernière.

La représentante a expliqué que les frappes d’hier avaient été planifiées de manière à éviter de faire des victimes civiles et qu’elles étaient « justifiées, proportionnées et légitimes ».  Elle a parlé des efforts diplomatiques déployés dans le passé pour trouver une issue au conflit, regrettant qu’ils aient échoué en raison du veto imposé par la Russie à plusieurs reprises.  Le Président Poutine a dit que la Russie allait garantir le respect des règles sur l’emploi d’armes chimiques par la Syrie, mais cela n’a pas été le cas, a-t-elle noté.  Elle a plutôt remarqué que, sous la protection de la Russie, Assad avait compris qu’il pouvait agir en toute impunité.  Pendant que la Russie utilisait son droit de veto, l’an dernier, pour faire cesser le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, la Syrie utilisait du gaz sarin, s’est-elle ainsi remémoré.

Mme Halley a ensuite souligné que « les armes chimiques sont une menace pour chacun d’entre nous, une arme tellement maléfique que la communauté internationale s’est accordée sur la nécessité de l’interdire ».  « Ma délégation ne peut accepter que l’utilisation d’armes chimiques reste impunie », a-t-elle indiqué, signalant par ailleurs que l’attaque de la semaine dernière n’était pas un fait isolé.

Elle a assuré que la stratégie des États-Unis en Syrie n’avait pas changé, mais expliqué que ce sont les actions du régime syrien qui avaient poussé son pays à agir.  « Qui a rappelé les sanctions imposées depuis l’attaque de Khan Cheikhoun? »  Avec l’action militaire d’hier, le message est clair, les États-Unis ne vont pas laisser le régime continuer d’utiliser des armes chimiques, a-t-elle déclaré, signalant que les frappes ont notamment ciblé le principal centre de recherche sur l’utilisation de ces armes.

La déléguée a ensuite exhorté la Russie à assumer ses responsabilités et à respecter les principes de base de l’ONU.  « Hier, nous avons frappé le cœur même de la fabrication d’armes chimiques en Syrie et sommes certains d’avoir réussi à largement entraver le programme chimique syrien », s’est-elle félicitée, avant de prévenir que son gouvernement est prêt à agir de nouveau.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que son pays et ses alliés ont réagi à l’utilisation d’armes chimiques en Syrie en lançant des frappes précises sur les infrastructures d’Assad.  Ces frappes ont été couronnées de succès, a-t-elle indiqué en précisant qu’aucun des matériels utilisés dans les frappes n’a été endommagé.  De plus, les installations militaires russes en Syrie n’ont pas été touchées et les frappes ont été menées afin de minimiser leur impact sur les civils.

La Première Ministre Theresa May a clairement dit qui sont les responsables des attaques chimiques en Syrie: c’est le régime de Damas, a poursuivi la représentante en soulignant que des barils de poudres et des hélicoptères du régime ont été utilisés.  Or, l’opposition n’a pas d’hélicoptères, a-t-elle fait remarquer en relevant aussi que Daech n’a pas de présence à Douma.  Pour elle, « le régime syrien tue son propre peuple ».  Elle a parlé de « grave crime contre le droit international », de « crime contre l’humanité » et de « crime de guerre ». 

La déléguée a aussi donné des explications sur le mécanisme de l’engagement des forces au niveau international et les interventions humanitaires.  Elle a assuré qu’il fallait en premier lieu avoir des preuves convaincantes pour mener des actions immédiates.  En deuxième lieu, il faut être clair qu’il n’y a d’autres recours possibles que le recours à la force.  Troisièmement, l’emploi de la force doit être proportionnel et limité dans le temps.  Ces conditions, a assuré la représentante, ont été remplies.

Notant que le Conseil de sécurité s’était réuni 113 fois depuis le début de la crise syrienne, elle a observé que cela n’avait pas empêché le Président Assad de défier la communauté internationale avec une série d’attaques chimiques contre son propre peuple.  Le Royaume-Uni estime que la Syrie n’a pas respecté ses obligations internationales, a-t-elle dit en ajoutant que l’OIAC a toujours une liste de questions qui n’a pas reçu de réponse de la part de la Syrie. 

La moindre des choses était que le Conseil de sécurité renouvelle le mandat du mécanisme d’enquête mais il n’en fut rien, a regretté la déléguée en se désolant que la Syrie ait continué de contrevenir au droit international.  Elle s’est aussi plainte de « la résistance de la Fédération de Russie » et de la « litanie de violations du droit international ».  À cela s’ajoute l’absence de sens des responsabilités de la part de la Syrie et de la Russie.

Il est difficile de croire que l’utilisation d’armes chimiques puisse être conforme à la Charte des Nations Unies, a déclaré la représentante qui a dit ne pas accepter de leçon de la Russie sur le droit international.  Elle a soutenu la recherche de solutions politiques en s’appuyant sur la destruction des armes chimiques en Syrie, la cessation des hostilités, le respect des résolutions du Conseil de sécurité, avec le retour du régime syrien au processus de Genève et la reddition de comptes sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie. 

« La France n’a strictement aucun doute sur la responsabilité d’Assad dans l’attaque de la semaine dernière », a affirmé M. FRANÇOIS DELATTRE (France) qui a notamment évoqué la publication, ce matin, d’une notice d’informations collectée par les services de renseignement français.

Il a indiqué que le régime Assad mène depuis des années, « avec le soutien actif de ses alliés », une stratégie de destruction destinée à écraser toute opposition, au mépris des principes les plus élémentaires d’humanité, en ayant notamment recours aux armes « les plus terrifiantes » pour massacrer et terroriser sa population civile, que ce soit à Douma, Khan Cheikhoun, Sarmin, Talmenes ou à Qmneas.  Évoquant les conclusions des mécanismes d’enquête de l’OIAC, il a déclaré que « nul ne peut dire qu’il ne savait pas ».

Le représentant a rappelé que l’emploi d’armes chimiques contre une population civile est constitutif de crime de guerre.  Face aux violations répétées d’Assad des règles qui gèrent notre sécurité collective, la France a demandé qu’il y soit mis un coup d’arrêt.  Le représentant a rappelé les nombreuses résolutions par lesquelles le Conseil de sécurité s’était engagé à imposer des mesures coercitives au sens du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en cas de nouvelles violations.  « Il a été empêché d’agir en conformité avec ses engagements, en raison des vetos systématiquement opposés par la Russie », a-t-il regretté.  Le blocage du Conseil devant de telles atrocités de masse est un piège mortifère et dangereux dont nous devons sortir, a-t-il averti.

Selon le représentant, au moment d’ordonner l’attaque chimique, le régime syrien voulait tester le seuil de tolérance de la communauté internationale, « et il l’a rencontré ».  Face à l’horreur, a-t-il poursuivi, le silence n’est plus une solution, on ne peut tolérer la banalisation de l’utilisation des armes chimiques et la France avait clairement indiqué qu’une telle violation ne resterait pas impunie.

Revenant aux frappes ordonnées la nuit dernière, M. Delattre a constaté que certains qui bafouent le droit international depuis des années affirment que l’action était contraire à la Charte.  Mais celle-ci n’a pas été conçue pour protéger des criminels, s’est-il exclamé, arguant que l’action s’inscrit en pleine conformité avec la Charte.  Cette action, a-t-il encore souligné, était nécessaire pour réagir aux violations répétées du régime syrien face à ses propres obligations, et la réponse a été conçue dans un cadre proportionné, circonscrit à des objectifs précis.  La capacité de développer, de mettre au point et de produire des armes chimiques est hors d’usage.  C’était le seul objectif et il a été atteint, a-t-il affirmé.

Pour la France, ces frappes étaient une réponse nécessaire au massacre chimique commis en Syrie, ainsi qu’une réponse au service du droit et de la stratégie politique pour mettre un terme à la tragédie syrienne.

Le représentant est ensuite revenu sur les quatre impératifs qui sont dans l’intérêt immédiat des Syriens, et premièrement le démantèlement « indispensable » du programme chimique syrien, moyennant notamment la mise en place d’un mécanisme d’établissement des responsabilités.  Il faut aussi éradiquer le terrorisme en éliminant Daech durablement.  En troisième lieu, il faut établir un cessez-le-feu sur l’ensemble du territoire syrien et assurer l’accès humanitaire, a-t-il ajouté, jugeant notamment urgent que des convois humanitaires atteignent la Ghouta orientale.  Enfin, il faut un plan de sortie de crise avec une solution politique durable car, a-t-il souligné, il n’a jamais été aussi urgent de mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) et de relancer de véritables négociations sous l’égide de l’ONU.

Il a ensuite annoncé que la France présentera dans les meilleurs délais un projet de résolution sur ces différents volets.  Il a aussi appelé la Russie à faire en sorte que la Syrie entre dans une « logique de solution politique négociée ».

M. MA ZHAOXU (Chine) a rappelé ses graves ses préoccupations face à l’escalade en Syrie.  La Chine est défavorable à un recours à la force pour résoudre les conflits internationaux, car cela viole les normes des relations internationales et entrave le processus de résolution du conflit syrien.  Il faut régler le conflit par le dialogue, a-t-il recommandé.  Le représentant a également indiqué qu’il était nécessaire de mener une enquête indépendante sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie et d’attendre les résultats.  Les parties doivent travailler main dans la main pour résoudre ce conflit, a-t-il conclu. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a fait remarquer que la violence n’apporte jamais la paix et la stabilité, au contraire elle engendre davantage de violence.  Nous avons eu des exemples dans un passé récent, a-t-il dit en se demandant quand on en tirerait enfin les leçons.  Rappelant avoir invité, hier et avant-hier, à travailler de manière responsable et en conformité avec la Charte des Nations Unies, il a posé la question suivante: « qui d’autre que les membres du Conseil devraient montrer aux autres pays l’exemple du respect des principes et dispositions de la Charte? »

La position du Kazakhstan, a-t-il rappelé, est qu’il ne faut mener d’action militaire qu’en dernier ressort et seulement dans les cas approuvés par le Conseil de sécurité.  Or il a relevé qu’il n’y avait pas eu d’approbation du Conseil sur les frappes militaires d’hier, ni aucune justification à cette action, qui constitue une violation du droit international humanitaire.

Pour le représentant, il existe une menace d’une guerre létale à l’échelle mondiale.  « Notre planète est maintenant au bord d’une nouvelle guerre froide », a-t-il ajouté en citant les propos du Secrétaire général hier.  Le temps est venu de passer à des discussions sérieuses, a-t-il dit en invitant les États-Unis et la Fédération de Russie à aller dans cette direction.

Le délégué s’est aussi dit très préoccupé par les récents développements et par l’absence d’unité au sein du Conseil sur les attaques à l’arme chimique en Syrie.  Il a condamné l’utilisation de telles armes et a jugé important de mener une enquête objective et impartiale.  Il a appelé le Gouvernement et les autres parties à s’acquitter de leurs obligations en mettant en œuvre les recommandations de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’ONU en acceptant que leur personnel mène ses activités.

En outre, le Kazakhstan est en faveur de la résolution des conflits par des règlements pacifiques, a-t-il rappelé en prônant un dialogue pacifique et des négociations constructives.  « Nous devons aussi respecter la souveraineté des États », a-t-il ajouté.  Le représentant a lancé un appel urgent à la communauté internationale de faire preuve de volonté politique pour surmonter les différences et parvenir à négocier.  Il a appelé à soutenir les pourparlers d’Astana et les négociations du processus de Genève.  « Les moyens militaires ne marcheront pas », a-t-il asséné en insistant sur la seule voie possible: la solution politique.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a affirmé que tout manque de réaction aux attaques à l’arme chimique ne ferait qu’encourager de nouvelles attaques.  Il a estimé que la communauté internationale se devait de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir que de telles attaques ne se reproduisent à l’avenir.  Le représentant a exprimé sa déception au sujet du veto imposé par la Russie, qui a empêché la mise en place d’un mécanisme d’enquête impartial et indépendant sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.  Il a appelé à éviter toute mesure susceptible d’entraîner une escalade de la situation.

M. OLOF SKOOG (Suède) a dit que sa délégation ne ménagera aucun effort pour mettre fin à l’utilisation et à la prolifération d’armes chimiques par les États et les acteurs non étatiques, et ce, partout dans le monde.  Les responsables de ces crimes doivent être tenus pour responsables, a-t-il asséné en prévenant que son pays n’accepterait pas l’impunité.  Il a regretté que le Conseil de sécurité ne fût pas en mesure de trouver une réponse unie, opportune et claire à l’utilisation continue d’armes chimiques en Syrie.  « Nous regrettons que la Russie ait, cette semaine encore, bloqué la création d’un mécanisme d’attribution indépendant et impartial, ce qui a contribué à créer la situation d’aujourd’hui », a-t-il dit.  Le représentant a souligné la responsabilité de la communauté internationale d’empêcher et de prévenir l’utilisation d’armes chimiques.  Il est nécessaire d’éliminer toutes les armes chimiques en Syrie, a-t-il estimé en souhaitant que les responsables répondent de leurs actes.

« Nous nous trouvons à un moment difficile », a reconnu le représentant avant d’appeler, comme l’a fait le Secrétaire général, à la retenue et à éviter toute escalade.  « Nous devons éviter que la situation échappe à tout contrôle », a-t-il insisté.  Le délégué a réitéré son appui au processus politique mené par l’ONU et salué les efforts de l’Envoyé spécial, M.  Staffan de Mistura.  La pleine mise en œuvre de la résolution 2401 (2018) pour la cessation des hostilités et l’accès humanitaire a attendu trop longtemps, a-t-il estimé.  Pour lui, une solution politique durable est l’unique voie qui permettra de mettre fin aux souffrances du peuple syrien.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a déclaré que le régime syrien laisse planer peu de doute au sujet de sa disposition à terroriser sa propre population, pointant notamment l’utilisation « répétée » d’armes chimiques, notamment la semaine dernière à Douma.  Et pour sa part, la Fédération de Russie laisse planer peu de doutes au sujet de sa disposition à se tenir aux côtés d’Assad à tout moment, a-t-elle enchaîné, dénonçant notamment les obstacles apportés à l’adoption de résolutions « qui auraient pu stopper la violence ».

Face à ces horreurs et au risque qu’elles se reproduisent, elle a qualifié de « compréhensible » la réponse de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis, y voyant une réponse « mesurée » en ce qu’elle ciblait un nombre limité d’installations militaires dans le but de réduire les capacités à mener d’autres attaques chimiques à l’avenir.

La représentante a appelé à la mise en place d’un mécanisme d’attribution des responsabilités indépendant et impartial afin de tenir pour responsable les auteurs de cette attaque odieuse.  Ma délégation, a-t-elle ajouté, exhorte la Russie à cesser de s’y opposer.  Les Pays-Bas saluent en outre toute option pour établir ce mécanisme, que ce soit dans le cadre de l’ONU ou d’une autre organisation internationale pertinente.  Ce mécanisme doit par ailleurs se baser sur le travail important accompli par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU et par la Mission d’établissement des faits de l’OIAC.  Toute mission d’enquête doit en outre jouir d’un accès complet et sans entrave à tout endroit qu’elle juge nécessaire pour pouvoir effectuer son travail, a plaidé la représentante.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a regretté que trois membres permanents du Conseil de sécurité aient violé la Charte des Nations Unies.  Ces membres, a-t-il argué, ont fait usage de la force en faisant fi du droit international.  Le représentant s’est dit surpris que des membres permanents du Conseil aient choisi de laisser de côté les Nations Unies lorsque le multilatéralisme ne les intéresse plus.  Toute action unilatérale contraire aux valeurs des Nations Unies correspond à des intérêts précis, a-t-il fait remarquer en estimant que « ces pays se croient supérieurs au reste du monde et pensent qu’ils sont au-dessus du droit international ».  Il les a aussi accusés d’avoir comme objectif d’étendre leurs dominations.  Pour le représentant, les frappes qui ont visé la Mission de l’OIAC en font une attaque contre le Conseil de sécurité, contre la Charte et contre toute la communauté internationale.

Toujours à l’endroit de ces trois membres permanents du Conseil de sécurité, le délégué a demandé: « combien d’argent avez-vous dépensé pour armer et entraîner les groupes terroristes en Syrie?  Avec quelle morale allez-vous prêcher la démocratie et la liberté dans le monde?  Vous souvenez-vous de la déclaration unilatérale sur Jérusalem?  Qui a rejeté l’Accord de Paris sur les changements climatiques et le pacte mondial pour les migrations?  Qui construit des murs? »  Qui a vendu des armes à des acteurs qui bombardent des civils au Yémen? »  Le représentant bolivien a même évoqué le refus du Royaume-Uni de rendre les « îles Malouines »* décrivant une série de politiques qui compromettent la paix et la sécurité internationales. Pour lui, il y a un mépris du droit international en Syrie et on est en présence de mesures qui entravent la paix internationale.  Le représentant s’est ensuite adressé à l’Ambassadrice des États-Unis pour l’accuser d’avoir « le dédain du droit international ».  Mais nous avons des principes et la Charte des Nations Unies, a-t-il ajouté en assurant que ces principes prévaudraient.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a constaté que la crise syrienne est marquée, entre autres, par un blocage de la communauté internationale et une violation flagrante de ses résolutions.  Il a imputé les récents développements au blocage rencontré au sein du Conseil de sécurité.  Il a rappelé que le Conseil avait adopté une position stricte par le passé en condamnant toute utilisation, par quiconque, d’armes chimiques en Syrie.  Il a aussi rappelé l’adoption de la résolution 2235 (2015) établissant le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.

Le représentant a regretté la récente escalade et a appelé à retrouver l’unité au Conseil de sécurité afin de lui permettre d’exercer ses responsabilités.  Il a appelé à combler le fossé en établissant un nouveau mécanisme d’enquête sur les attaques chimiques en Syrie.  Le représentant a par ailleurs appelé à déployer tous les efforts nécessaires pour faire avancer le processus politique en Syrie, soulignant qu’il s’agit là de la seule solution au conflit.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a rappelé que les membres du Conseil étaient ici pour représenter 193 pays qui les ont élus sur la promesse, notamment, de respecter la Charte des Nations Unies.  « Nous sommes préoccupés de la dynamique en Syrie qui pourrait conduire à des conséquences dévastatrices non seulement au plan national mais aussi au plan international », a dit le représentant.  Tout en notant que, apparemment, les frappes d’hier n’ont pas conduit à une situation hors de contrôle, il a néanmoins appelé à la retenue et à la sagesse ainsi qu’au retour au dialogue entre les principales puissances qui ont une grande influence sur la situation en Syrie. 

Certes, la genèse de la situation actuelle résulte de l’utilisation présumée d’armes chimiques à Douma, a reconnu le délégué.  Mais il y a pour lui une chose difficile à comprendre sur ce qui s’est passé hier: la Mission d’établissement des faits de l’OIAC venait d’arriver en Syrie pour mener son enquête sur l’utilisation présumée d’armes chimiques qui a provoqué la tension actuelle.  « Excusez-nous si nous sommes perplexes », a-t-il commenté.

La Mission d’établissement des faits doit être autorisée à mener son travail d’enquête à Douma, a plaidé le représentant.  Il a estimé que la fin de l’impunité passerait par une action unie et concertée, y compris la création d’un mécanisme d’attribution par le Conseil de sécurité.  « Nous sommes tous déçus par le blocage actuel et nous exhortons le Conseil de sécurité à la persévérance et au respect de la Charte des Nations Unies. »  Enfin, le représentant a souligné la responsabilité des membres du Conseil -en particulier les membres permanents- de travailler ensemble, pour empêcher la détérioration de la situation et réparer le dommage infligé à l’architecture de non-prolifération. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a affirmé que les évènements d’hier n’avaient surpris aucun membre du Conseil de sécurité, rappelant les préoccupations déjà soulevées par sa délégation pas plus tard qu’hier.  La guerre froide est revenue en force au petit matin, s’est-il alarmé.

Pour le représentant, ces attaques « chirurgicales » ont été perpétrées en violation du Chapitre V de la Charte ainsi que des principes et normes du droit international.  Il a averti qu’elles peuvent entraîner des conséquences imprévisibles et dramatiques pour le Moyen-Orient, et servir notamment de justificatif pour la création de programmes nucléaires dans le but de prévenir des attaques de ce genre à l’avenir.  Il a jugé impératif de trouver une solution au conflit sur la base de négociations.  Il a également appelé la communauté internationale à tirer des leçons des conséquences de l’intervention en Libye.

L’échec de la diplomatie ne fait qu’aggraver les souffrances du peuple syrien, a poursuivi le représentant qui a réclamé une enquête fiable et exhaustive pour établir les faits sur l’attaque du 7 avril.  Il a appelé l’OIAC à mener son enquête dès que possible.  Il a aussi jugé urgent de créer, sous l’égide du Secrétaire général, un mécanisme d’enquête professionnel et transparent pour identifier les auteurs de l’attaque.

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a demandé aux parties impliquées dans le conflit en Syrie de faire preuve de retenue et de ne pas compliquer davantage la situation désastreuse dans laquelle se trouve le peuple syrien.  Les armes et les bombes ont trop parlé en Syrie au mépris des fondements de notre action collective en faveur de la paix, a-t-il dit.  Il a rappelé que, dans toutes les circonstances où la Charte des Nations Unies guide l’action de la communauté internationale, son respect a permis de surmonter les défis les plus inextricables, évitant ainsi bien des désastres à l’humanité.

C’est donc fort de sa conviction profonde dans les vertus du multilatéralisme que son pays estime que le recours à la force, dans le but de préserver la paix et la sécurité internationales, doit être autorisé par le Conseil de sécurité afin de lui conférer l’autorité juridique indispensable et éviter toute dérive ou abus.  Seul un Conseil de sécurité fort et représentatif de notre époque saura mobiliser les nations autour de sa responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, a plaidé le représentant.  La Côte d’Ivoire exprime donc ses vives préoccupations au regard de l’incapacité du Conseil à relancer le dialogue en Syrie et à faire reculer les partisans de la solution militaire.    

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a réitéré la nécessité d’éviter que la situation échappe à tout contrôle et entraîne des menaces encore plus grandes pour la stabilité de la région et pour la paix et la sécurité internationales.  Le Pérou, a-t-il dit, condamne l’emploi d’armes chimiques.  C’est pourquoi son pays a soutenu l’envoi d’une Mission d’enquête de l’OIAC sur le terrain ainsi que la création d’un mécanisme d’attribution des responsabilités indépendant et impartial.  Le représentant a demandé au Secrétaire général de redoubler d’efforts pour faire sortir de l’impasse le Conseil de sécurité et arriver à créer un tel mécanisme de responsabilités.

Toutes les réponses face aux crimes commis en Syrie, ainsi que la solution au conflit dans ce pays, doivent être conformes à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il exigé.  Il a appelé les membres du Conseil de sécurité à faire preuve d’unité dans la façon dont ils exercent leur responsabilité de maintien de la paix et de la sécurité.  Il a aussi demandé aux États Membres d’agir avec modération dans ces circonstances dangereuses, comme l’a demandé le Secrétaire général.  Enfin, le représentant a appelé à poursuivre les efforts pour parvenir à une paix durable en Syrie.

Reprenant la parole, la représentante du Royaume-Uni a précisé qu’elle voulait exercer son droit de réponse suite à l’intervention de la Bolivie.  Elle a fait savoir que son pays n’avait aucun doute quant à sa souveraineté sur les « îles Falklands » et que son gouvernement participait en outre au processus en cour au sein de la Cour internationale de Justice (CIJ).

Le représentant de la Bolivie a ensuite lu la déclaration spéciale sur les « îles Malvinas » signée par l’ensemble des chefs d’État et de Gouvernement d’Amérique latine et des Caraïbes dans laquelle ces derniers expriment leur appui au Gouvernement argentin et appellent les parties à reprendre les négociations.

« La guerre froide est effectivement de retour », a déclaré M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne).  Il est revenu sur la publication, à la suite de l’effondrement de l’URSS, des livres de Francis Fukuyama, sur la fin de l’histoire, et de Samuel P. Huttington, sur le conflit des civilisations, affirmant que ces deux ouvrages avaient constitué un fondement au retour de la guerre froide en enjoignant les peuples du monde à se soumettre à la volonté des États-Unis.

Il a ensuite relevé que la France « prétend » que l’attaque a été lancée au nom de la communauté internationale.  « Mais de quelle communauté internationale parle-t-elle?  Les trois pays concernés ont-ils été mandatés par le Conseil de sécurité pour agresser la Syrie? » a-t-il fait mine de s’interroger.  Il a aussi voulu savoir pourquoi ces trois pays, s’ils connaissaient l’emplacement des centres de production d’armes chimiques, n’avaient pas partagé cette information avec l’OIAC avant leur « agression ».

Le représentant a assuré que les enquêteurs de l’OIAC étaient arrivés à Damas à la mi-journée: les enquêteurs doivent se réunir avec les autorités syriennes à 19 heures, heure locale.

Poursuivant, le délégué a indiqué que le bâtiment du centre de recherches de Barza avait été visité à deux reprises, l’an dernier, par des experts de l’OIAC qui avaient certifié n’y avoir décelé aucune activité chimique.  « Comment concilier cela avec l’attaque de ce matin? » s’est-il interrogé.  En outre, « si le temps des discussions est terminé, comme l’affirme la représentante des États-Unis, que faisons-nous ici, quel est notre rôle de diplomates? »

M. Ja’afari est ensuite revenu sur le fait que la France et le Royaume-Uni ont appelé le Secrétaire général à mettre en œuvre un plan d’action pour la Syrie, avant même que les parties syriennes ne puissent en prendre connaissance.  Il a affirmé vouloir présenter un plan d’action alternatif, dans le but de définir la responsabilité des trois États dans le maintien de la paix et de la sécurité.

Le délégué a notamment appelé à mettre un terme au mensonge pour justifier l’attaque continue contre la Syrie.  Les trois États doivent en outre réaliser qu’après sept ans de guerre terroriste, leurs missiles ne saperont pas la volonté du peuple syrien à réaliser son avenir politique par lui-même, sans aucune intervention, a-t-il souligné avant d’ajouter que la Syrie est tout à fait à même de faire face à l’agression brutale dont elle a été victime.

Il a appelé les trois pays à lire les dispositifs de la Charte ayant trait à la souveraineté et au non-recours à la violence.  Brandissant trois exemplaires de la Charte, deux en anglais et un en français, il a appelé le Secrétariat à les distribuer aux pays concernés pour « qu’ils puissent se cultiver dans leur ignorance et leur tyrannie ».

Le représentant a ensuite précisé que 110 missiles avaient été lancés contre son pays, et que le système de défense aérien syrien avait réussi à en détruire ou à en faire dévier un certain nombre.  Il a accusé les trois États d’avoir préparé le terrain en arguant de l’allégation du recours à l’arme chimique.  Il a d’ailleurs qualifié l’attaque de Douma de « mascarade » et, selon lui, « un prétexte pour justifier une attaque scandaleuse ».  Il a affirmé que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis avaient décidé de s’ingérer de manière directe dans le conflit pour venger la mort de leurs agents dans la Ghouta.

Le délégué a rappelé que dans 146 missives, la Syrie avait attiré l’attention sur l’utilisation d’armes chimiques par les terroristes.  Mais au lieu d’y réagir, « certains s’efforcent à déterminer le sexe des anges », a-t-il déploré.

Pour le représentant, l’agression de ce matin est une agression contre le droit, la Charte et le Conseil de sécurité.  Il a regretté en outre que les trois États concernés persistent à tenter de faire échouer les travaux de la Commission d’enquête « même s’ils se gargarisent de vouloir l’appuyer ». 

« Vous êtes des menteurs et des affabulateurs.  Vous avez instrumentalisé les mécanismes d’enquête et vous avez essayé de détourner le Conseil pour poursuivre vos politiques d’ingérence colonialiste », a-t-il encore accusé.

La Syrie, a-t-il ajouté, condamne très fermement l’attaque tripartite qui démontre que ces pays font fi du droit international et préfèrent la loi de la jungle et du plus fort.  Elle exprime en outre son dégout face à la position scandaleuse du Qatar qui a autorisé le départ des avions depuis une base militaire sur son sol.

Le représentant a ensuite exhorté le Conseil à condamner une agression qui, a-t-il affirmé, constitue une menace à la paix dans le monde entier, affirmant une nouvelle fois qu’il n’y a aucune base juridique pour attaquer la Syrie, ni aucune preuve de l’attaque chimique à Douma.

Vote sur un projet de résolution

Le projet de résolution présenté par la Fédération de Russie a été rejeté à l’issue d’un vote ayant recueilli 3 voix pour (Bolivie, Chine et Russie), 8 voix contre (Côte d’Ivoire, États-Unis, France, Koweït, Pays-Bas, Pologne et Royaume-Uni, Suède) et 4 abstentions (Éthiopie, Guinée-Équatoriale, Kazakhstan et Pérou).

Reprenant la parole, le représentant de la Suède a expliqué avoir voté contre le projet de résolution présenté par la Russie en raison de son déséquilibre.  Il a estimé que ce texte n’était pas complet et ne couvrait pas ses préoccupations, en particulier le respect de la Charte des Nations Unies et la nécessité d’une solution politique durable en Syrie.  Ce qui est encourageant aujourd’hui, c’est que tout le monde a insisté sur la nécessité de relancer les efforts politiques pour trouver une solution au conflit et soutenir les efforts de l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura, a-t-il noté.

Le représentant de l’Éthiopie, qui a dit s’être abstenu pour des « raisons pragmatiques », a jugé crucial de désamorcer la tension et d’empêcher que la situation actuelle ne devienne incontrôlable.

Le représentant du Kazakhstan a également expliqué son abstention.  Pour lui, les différends doivent être résolus par le dialogue.  Il a donc demandé aux parties de s’abstenir de prendre des décisions qui pourraient entraîner une escalade de la situation.

Le représentant de la Guinée équatoriale qui s’est lui aussi abstenu, a lancé un appel pour une résolution, comme celle de la Suède, qui contribue à éviter de reproduire ce qui s’est passé hier.  Le représentant a souligné la nécessité d’amender le projet de la Suède et de mettre en place un mécanisme d’attribution des responsabilités.

Le représentant de la France a dit que le projet russe avait été « clairement rejeté ».  Pour lui, « le résultat de ce vote envoie un message clair sur la compréhension par les membres du Conseil de sécurité des circonstances, des motivations et des objectifs de nos actions d’hier ».  Il en a déduit que la nécessité de ces actions, ainsi que leur caractère proportionné et ciblé, étaient reconnus.  Pour la suite, il a déclaré que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis porteraient un projet de résolution sur les volets politique, chimique et humanitaire du dossier syrien en vue d’établir une solution durable au conflit.

La représentante des Pays-Bas a dit avoir voté contre le projet de la Russie car il ne prévoyait pas de mesures pour empêcher l’usage d’armes chimiques en Syrie.  Le Conseil de sécurité doit agir et empêcher l’utilisation d’armes chimiques, a réitéré la déléguée.

Le représentant du Koweït a expliqué son vote contre le projet de résolution parce que l’emploi de la force d’hier était lié à l’obstruction aux efforts pour mettre fin à l’emploi d’armes chimiques en Syrie.  Le Conseil de sécurité doit se mettre d’accord pour arriver à créer un mécanisme d’établissement des faits et d’attribution de responsabilité, a-t-il plaidé.

Le représentant de la Chine a plaidé en faveur du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États et a souligné que toute action contournant la volonté du Conseil ne ferait qu’aggraver le dossier syrien.  C’est pour cela que la Chine a voté en faveur du projet de résolution russe, a-t-il dit avant d’insister sur la nécessité de trouver une solution politique au conflit, sous l’égide de l’ONU.

Le représentant de la Fédération de Russie a déclaré que « personne ne peut dicter à quiconque comment voter en faveur de la Charte, de la volonté internationale, ni comment utiliser sa propre conscience.  Il a accusé les « trois pays de continuer de charger la diplomatie d’une “atmosphère de mythes” créée par Paris, Londres et Washington.  Une diplomatie fondée sur les mythes, l’hypocrisie et les supercheries est dangereuse, s’est-il alarmé, craignant que l’on arrive bientôt à une diplomatie de l’absurde.  « Nous présentons des faits mais vous préférez les ignorer, préférant tisser une légende autour des résolutions que la Russie soi-disant bloquerait en permanence. »

Le délégué a ensuite argué que si les « trois pays » avaient réclamé une enquête sur l’attaque chimique, ils avaient désigné les coupables avant même d’avoir pris connaissance de ses résultats.  Il a accusé ces pays de chercher à réécrire le droit international et de se substituer à la Charte, fustigeant ce qu’il a qualifié de « jeu dangereux ».

À l’époque soviétique, a-t-il enchaîné, des brochures circulaient qui identifiaient les principales menaces à la paix, à savoir les préparatifs militaires de Washington et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).  Depuis, rien n’a changé, a-t-il déploré, et on fait sonner les tambours en parlant de démocratie et de vies à sauver.  C’est une journée triste pour la Charte qui a été foulée au pied ainsi que pour le Conseil de sécurité, a-t-il estimé en allant jusqu’à dire que sa délégation n’avait pas connu de pire journée.

Le représentant de Pérou s’est abstenu car le texte ne reflète pas la nécessité de reddition de comptes, a-t-il expliqué, un texte qu’il a de surcroit jugé déséquilibré.  En effet, il ne permettrait pas au Conseil de sécurité d’être uni pour faire face ensemble à la situation en Syrie. 

En réponse au délégué russe, la représentante du Royaume-Uni a dit qu’il n’y avait pas de mythe du tout en Syrie.  On ne peut pas juger « illégal » de recourir à la force lorsqu’il s’agit de sauver des vies en Syrie qui sont trop nombreuses à être perdues, a-t-elle affirmé.  Selon elle, le fondement juridique de l’intervention militaire était humanitaire.

Le représentant de la Syrie a regretté l’occupation du tiers du territoire syrien par les États-Unis, une situation qui n’a pas été évoquée dans le débat, avertissant que le paysage politique actuel était extrêmement dangereux car la souveraineté de son pays a été violée par un membre permanent du Conseil de sécurité.

Le représentant syrien a appelé à se concentrer sur ce qui se passe véritablement sur le terrain en Syrie, affirmant notamment que les Casques blancs seraient une organisation terroriste mise en place par le Royaume-Uni.  Ce pays, ainsi que les États-Unis et la France, a-t-il poursuivi, ont bombardé nos sites pour nous empêcher de frapper les positions de l’État islamique.  « Ceux qui ont voté contre le projet de résolution ne sont plus des partenaires du Gouvernement syrien dans quelque cadre politique que ce soit », a-t-il affirmé.

Le délégué syrien a par ailleurs rappelé les fonctions de Rapporteur qu’il exerce au sein du Comité des 24 –le Comité spécial de la décolonisation de l'ONU- et a assuré y travailler pour mettre un terme à l’occupation britannique des « îles malouines ».  À son homologue du Koweït, il a dit que la Syrie avait soutenu la libération du Koweït, sans rejoindre aucun groupe d’agresseurs, car c’était un devoir national vis-à-vis du peuple koweïti.

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* La souveraineté sur les îles Falkland (Malvinas) fait l’objet d’un différend entre le Gouvernement de l’Argentine et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (voir ST/CS/SER.A/42).

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Pour la deuxième année consécutive, la Commission de la population et du développement se sépare sur un échec

Cinquante et unième session,
8e séance – après-midi
POP/1077

Pour la deuxième année consécutive, la Commission de la population et du développement se sépare sur un échec

La Commission, qui a commencé ses travaux le 9 avril dernier, a fermé ses portes ce soir, en confirmant ce qui est devenu une tradition: depuis 2015, elle ne s’est quittée, qu’une seule fois, en 2016, avec un texte de consensus.  Aujourd’hui, devant l’échec de la Commission à se mettre d’accord sur une résolution relative au thème annuel « Villes durables, mobilité humaine et migrations internationales », la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) n’a pu s’empêcher d’avouer sa « déception ».

Mme Natalia Kanem a parlé d’un « frein » à la mise en œuvre du Programme d’action sur la population et le développement, adopté au Caire en 1994, qui dit: « Les migrants et les personnes déplacées n’ont qu’un accès limité aux soins de santé en matière de reproduction.  Leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs sont gravement menacés. »

La Directrice du FNUAP a offert aux délégations un « instantané » des énormes « défis » auxquels nous faisons face.  Elle a rapporté les propos d’une jeune somalienne: « nous avons dû partir parce qu’il y avait beaucoup de violence, beaucoup de combats.  Il n’y avait pas de paix et il n’y avait pas d’avenir, pas d’éducation, rien.  Alors nous avons été obligés de fuir ici au Kenya ».  Le Programme d’action du Caire, a poursuivi la Directrice exécutive du FNUAP, exige des directives concrètes en écho aux besoins, aux droits et au bien-être des millions de femmes et de filles vulnérables de chaque partie du monde mais voilà que les questions des villes durables, de la mobilité humaine et des migrations internationales sont plus controversées que jamais, a-t-elle « sincèrement regretté ».

Mme Kanem a estimé que le texte du Président de la Commission « contenait la plupart de ce dont le monde a besoin pour assurer la durabilité des villes, le mouvement de personnes et des migrations sûres, et leurs implications sur le développement durable ».  Le texte, a-t-elle insisté, reflétait adéquatement la réalité des pays et de leur peuple, veillant à ne laisser personne de côté.

Au-delà de ces murs, a-t-elle dit aux délégations, des millions de personnes, dans vos pays et dans vos communautés, dépendent de progrès réels.  Alors que les villes s’étendent, que les gens recherchent sûreté, sécurité, nouvelles connexions et nouvelles opportunités, nous devons continuer à faire notre travail pour améliorer leur vie.  La Directrice exécutive a voulu faire entendre une autre voix.  « La vôtre », a-t-elle dit aux délégations, celle des 179 gouvernements qui, il y a 24 ans, ont dégagé un « consensus puissant » sur le Programme d’action du Caire.  Quand la Commission se réunira l’année prochaine et marquera le vingt-cinquième anniversaire du rendez-vous cairote, « j’espère que votre compréhension des défis aura renouvelé et redynamisé la volonté de parvenir à un consensus et à veiller à ce que personne ne soit laissé de côté », a conclu la Directrice exécutive du FNUAP.

Le Président de la Commission, M. Ion Jinga, avait en effet vanté les mérites d’un texte « équilibré », ne préjugeant nullement de l’issue des négociations sur le pacte pour des migrations sûres, régulières et ordonnées.  Le texte avait un libellé déjà agréé sur les migrations et la santé sexuelle et reproductive.  Il contenait une disposition sur « l’esprit » de la souveraineté, bien que le mot lui-même n’y figurait pas en tant que tel. 

L’invocation de l’esprit n’a pas suffi au Groupe des États d’Afrique qui réclamait une manifestation plus concrète.  Les États-Unis ont aussi fait valoir le droit « souverain » de chaque État à réglementer l’entrée et le séjour des étrangers.  L’Australie a aussi boudé un texte qui parle d’« États » au lieu d’« États Membres ».  L’Algérie s’est étonnée du manque de référence à l’autodétermination.  Les États-Unis ont également critiqué les mentions « non justifiées et trop nombreuses » de la santé sexuelle et reproductive.  Ils ont réitéré qu’ils ne reconnaissent pas l’avortement comme méthode de planification familiale.  C’est bien l’accent que certains ont voulu placer sur ces questions qui a fait dérailler le processus, a confirmé le Saint-Siège, en condamnant le « mépris permanent des délégations ».

La Tunisie, longuement applaudie, a milité au contraire pour les droits sexuels et reproductifs et fait valoir le droit de chaque individu de vivre librement sa sexualité, un principe, a-t-elle souligné, réaffirmé depuis 1994 et sous-tendant le développement durable et la justice sociale.  Ces droits sont essentiels à la justice sociale, a renchéri l’Afrique du Sud.  Progressons sur les idées qui nous unissent et non sur celles qui nous divisent, ont encouragé les Philippines.  La situation actuelle est d’autant plus malheureuse que le texte du Président reposait sur des libellés convenus, a tout de même rappelé le Brésil qui s’est alarmé d’une situation qui remet dangereusement en cause le travail de la Commission.

En dépit de cet échec, a rassuré l’Afrique du Sud, les États se sont mis d’accord sur de nombreux paragraphes individuels et ont pris l’engagement de travailler à un accord.  Le Sous-Secrétaire général au développement économique n’a pas dit autre chose.  M. Elliot Harris a noté que malgré l’absence de consensus, la Commission a souligné l’importance du Programme d’action du Caire et du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

La Commission a tout de même réussi à adopter une décision sur le rapport sur les flux de ressources financières devant concourir à la poursuite de l’application du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement ».  Par ce texte, elle recommande au Conseil économique et social que les prochaines éditions du rapport parlent de l’aide publique au développement (APD), de la santé, de l’autonomisation des femmes et de l’éducation et du thème annuel qui, l’année prochaine, sera « Population, sécurité alimentaire, nutrition et développement durable ».

Le Mexique a relevé un manque de cohérence puisque, par souci d’harmonisation avec l’ECOSOC, les thèmes doivent correspondre à ceux du Forum politique de haut niveau.

Avant de fermer ses portes, la Commission a élu Mme Yuliana Angelova, de la Bulgarie, à sa vice-présidence, les autres vice-présidents et le Président, devant être élus ultérieurement.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité proroge jusqu’au 23 avril 2018 le mandat de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA)

8232e séance – matin
CS/13295

Le Conseil de sécurité proroge jusqu’au 23 avril 2018 le mandat de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA)

Le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, à l’unanimité la résolution 2411 (2018) par laquelle il décide de « proroger jusqu’au 23 avril 2018 le mandat » de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA).

L’Abyei est un territoire situé entre le Soudan et le Soudan du Sud et revendiqué par les deux États.  La FISNUA a été créée par le Conseil de sécurité le 27 juin 2011 par la résolution 1990 (2011).  Son mandat a été renouvelé régulièrement depuis, mais modifié par les résolutions 2024 (2011) et 2075 (2012).

L’an dernier, le Conseil avait manifesté son impatience face à l’absence de progrès, notamment dans la mise en œuvre du « Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière » créé six ans plus tôt.  Le 15 novembre 2017, il avait, par sa résolution 2386 (2017), prorogé le mandat de la FISNUA jusqu’au 15 mai 2018 mais n’avait prolongé que de cinq mois, jusqu’au 15 avril, l’appui de la FISNUA au Mécanisme conjoint, avertissant qu’il s’agissait de la dernière prorogation, à moins que les parties ne prennent des mesures concrètes.  Il avait en outre décidé de réduire l’effectif maximum autorisé de la Force à 4 235 militaires à compter du 15 avril, « à moins que le Soudan et le Soudan du Sud ne prennent des mesures précises » et « susceptibles de le convaincre de renouveler, à cette date, l’appui de la Force au Mécanisme ». 

Le Conseil reste cependant « activement saisi de la question », au motif que la situation qui règne à Abyei et le long de la frontière entre les deux pays « continue de menacer gravement la paix et la sécurité internationales ».

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DE SUD

Texte du projet de résolution (2018/341)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses précédentes résolutions et déclarations du Président concernant la situation au Soudan et au Soudan du Sud, notamment ses résolutions 1990 (2011), 2024 (2011), 2032 (2011), 2046 (2012), 2047 (2012), 2075 (2012), 2104 (2013), 2126 (2013), 2156 (2014), 2179 (2014), 2205 (2015), 2230 (2015), 2251 (2015), 2287 (2016), 2318 (2016), 2352 (2017), 2386 (2017) et les déclarations du Président S/PRST/2012/19 et S/PRST/2013/14, ainsi que les déclarations du Président à la presse des 18 juin 2012, 21 septembre 2012, 28 septembre 2012, 6 mai 2013, 14 juin 2013, 14 février 2014, 17 mars 2014, 11 décembre 2014 et 27 novembre 2015,

Constatant que la situation qui règne à Abyei et le long de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud continue de menacer gravement la paix et la sécurité internationales,

1.    Décide de proroger jusqu’au 23 avril 2018 le mandat de la FISNUA modifié par sa résolution 2024 (2011) et le paragraphe 1 de sa résolution 2075 (2012);

2.    Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Face aux risques d’escalade militaire au Moyen-Orient, le Secrétaire général exhorte les États Membres à agir de manière responsable

8231e séance – matin
CS/13293

Face aux risques d’escalade militaire au Moyen-Orient, le Secrétaire général exhorte les États Membres à agir de manière responsable

Ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a exhorté les États Membres à agir de manière responsable au Moyen-Orient, région plongée dans le « chaos » en raison notamment du conflit en Syrie, afin d’empêcher que « la situation n’échappe à tout contrôle ». 

Alors que la représentante des États-Unis a indiqué qu’aucune décision n’avait encore été prise s’agissant de la riposte à l’emploi allégué d’armes chimiques à Douma, en Syrie, le 7 avril, les délégations ont fait part de leurs inquiétudes devant les risques d’escalade, celle du Kazakhstan décelant dans les tensions actuelles « les contours d’une guerre mondiale ».

À l’entame de son intervention, le Secrétaire général a dressé un tableau très sombre de la situation au Moyen-Orient, traversé de « lignes de fracture qui s’entrecroisent et créent une situation extrêmement volatile, avec des risques d’escalade, de fragmentation et de division ».

Ces multiples lignes de fracture se reflètent dans une multiplicité de conflits, liés les uns aux autres à des degrés divers, plusieurs étant, eux, clairement liés au terrorisme international, a-t-il dit.  S’il a mentionné les conflits au Yémen, en Libye, entre Israéliens et Palestiniens, M. Guterres a longuement insisté sur la guerre en Syrie, qui est « la menace la plus grave à la paix et à la sécurité internationales ».

Détaillant « la litanie des horreurs » commises en Syrie, M. Guterres s’est dit indigné par les informations faisant état de l’emploi d’armes chimiques dans ce pays, « violation ignominieuse du droit international ».  Il a apporté son soutien à la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dont une équipe est attendue à Douma. 

Le Secrétaire général a exhorté le Conseil à poursuivre ses efforts pour établir un mécanisme d’attribution des responsabilités « impartial, objectif et indépendant » sur l’emploi de ces armes, afin que l’impunité ne l’emporte pas.  Saisi de trois projets de résolution, le Conseil de sécurité n’était pas parvenu, plus tôt dans la semaine, à créer un tel mécanisme. 

Les tensions grandissantes et l’incapacité à parvenir à un compromis s’agissant de ce mécanisme font courir le risque d’« une escalade militaire de grande ampleur », a-t-il mis en garde.  « C’est le risque auquel nous faisons face aujourd’hui, que les choses échappent à tout contrôle. » 

Une inquiétude partagée par le délégué de la Fédération de Russie, qui a fustigé les menaces d’une intervention militaire des États-Unis et de ses alliés en Syrie.  « Nous ne saurons laisser faire cela, sachant que des militaires russes se trouvent en Syrie », a-t-il déclaré, en dénonçant la « rhétorique militariste au niveau le plus élevé à Washington ».

Ce pays, a-t-il dit et répété, n’est « pas digne du statut d’un membre permanent du Conseil de sécurité ».  Ce statut implique des responsabilités importantes et « pas seulement le droit d’utiliser la matraque quand on le décide », a asséné le délégué russe. 

Son homologue de la Bolivie lui a emboîté le pas, en rappelant que, selon la Charte des Nations Unies, l’emploi de la force n’est licite qu’en cas de légitime défense ou lorsque le Conseil l’autorise.  « Le Conseil ne doit pas devenir un pion sur l’échiquier de la guerre », a-t-il dit.  « Agir militairement en contournant le Conseil irait à l’encontre du droit international », a renchéri le représentant de la Chine. 

De son côté, le délégué syrien a déclaré que si la France, le Royaume-Uni et les États-Unis attaquent la Syrie, « nous n’aurons pas d’autre choix que d’user de la légitime défense, comme prévu par l’Article 51 de la Charte ».  « C’est une promesse, pas une menace », a-t-il dit. 

« Mon président n’a pas encore pris de décision, mais si mon pays et ses alliés décidaient d’agir, ce serait pour défendre le droit international qui protège toutes les nations du monde », avait prévenu la déléguée des États-Unis, appuyée par son homologue du Royaume-Uni.

« Si la Russie s’était acquittée de ses obligations de garantir la destruction du stock d’armes chimiques syrien, nous ne serions pas ici aujourd’hui », a-t-elle argué.  La représentante a accusé la Russie d’avoir « tué » le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU et de ne reculer devant rien pour « protéger le régime d’Assad ».

« En décidant une nouvelle fois de recourir aux armes chimiques, le régime a atteint, le 7 avril dernier, un point de non-retour », a déclaré le représentant de la France.  Il a estimé que l’attaque de Douma, dont le « régime de Bashar Al-Assad » est, selon lui, l’auteur, est « la marque d’une escalade cynique ».  La France, a-t-il dit, prendra ses responsabilités pour mettre fin à une menace intolérable à notre sécurité collective. 

Plusieurs délégations ont prôné l’apaisement, comme celle du Kazakhstan qui a appelé à « faire preuve de retenue et observer une pause », en observant que toute action militaire serait indésirable et aurait de graves conséquences.  Le représentant de la Côte d’Ivoire n’a pas dit autre chose en exhortant les parties à la retenue et « au bon sens » pour préserver la paix et la sécurité internationales, « notre héritage commun ». 

Les efforts du Secrétaire général, qui a offert ses bons offices sur ce dossier, ont été salués par la Guinée équatoriale et la Suède.  Cette dernière délégation a présenté une proposition qu’elle a distribuée hier à ses collègues qui, entre autres, demande au Secrétaire général d’envoyer immédiatement en Syrie une mission de haut niveau de désarmement. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

La situation au Moyen-Orient

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a dit que le chaos règne au Moyen-Orient, constituant une menace à la paix et à la sécurité internationales.  La région est confrontée à un véritable nœud gordien: les lignes de fracture s’entrecroisent et créent une situation extrêmement volatile, avec des risques d’escalade, de fragmentation et de division.  « Nous voyons une multiplicité de divisions. »

Il a souligné en premier lieu que la guerre froide est de retour, avec une différence, puisque les mécanismes de sauvegarde destinés à gérer les risques d’escalade n’existent plus.  Comme seconde ligne de fracture, M. Guterres a cité le conflit israélo-palestinien, la troisième étant le clivage sunnite-chiite.  « Il est important de noter que les clivages religieux apparents sont en temps normal le produit de manipulations politiques et géostratégiques », a dit le Secrétaire général pour qui ces multiples lignes de fracture se reflètent dans une multiplicité de conflits, liés les uns aux autres à des degrés divers, plusieurs étant, eux, clairement liés au terrorisme international.  Par conséquent, « plusieurs formes d’escalade sont possibles ».

Notant les récentes violences à Gaza, il a appelé à une enquête indépendante et transparente sur ces incidents et exhorté les parties concernées à s’abstenir de tout acte susceptible de faire davantage de victimes.  « Cette tragédie souligne l’urgence de revitaliser le processus de paix en vue de promouvoir la solution des deux États. »

Venant à la situation au Yémen, M. Guterres a déploré le « désastre humanitaire le plus grave au monde » et plaidé pour un règlement politique par le biais d’un dialogue intra-yéménite.  En Libye, le Secrétaire général a exhorté les parties à appuyer le travail de son Représentant spécial, jugeant que le temps est venu de mettre fin au conflit dans ce pays.  M. Guterres a ensuite espéré que les prochaines élections en Iraq consolideront les gains enregistrés dans ce pays, parmi lesquels la défaite de Daech et des risques de fragmentation surmontés. 

Pour ce qui est du Liban, « il est absolument essentiel d’éviter un nouveau conflit Israël-Hezbollah », a-t-il dit, en appelant à promouvoir les engagements concernant ce pays, y compris la politique de dissociation. 

M. Guterres a déclaré que les liens avec le conflit syrien sont évidents dans les récentes confrontations entre l’Iran et Israël en Syrie.  « La Syrie représente aujourd’hui la menace la plus grave à la paix et à la sécurité internationales. »  M. Guterres a déploré les confrontations et les guerres par procuration opposant plusieurs armées nationales, des groupes d’opposition armés, des combattants étrangers et plusieurs organisations terroristes.  « Je le répète: il n’y a pas de solution militaire au conflit », a-t-il dit, en appelant à une solution politique, dans le respect de la résolution 2254 (2015).

Le Secrétaire général a fait la liste interminable des horreurs commises en Syrie, parmi lesquelles les attaques contre les civils, des actes de torture et l’emploi d’armes chimiques.  M. Guterres a déploré la non-application de la résolution 2401 (2018) qui réclamait une cessation des hostilités à des fins humanitaires.  « Le tableau est sombre en Syrie. »

Il s’est dit indigné par les informations faisant état de l’emploi d’armes chimiques en Syrie et a réitéré sa ferme condamnation d’un tel emploi, quelles que soient les parties ou les circonstances.  « Leur emploi est une ignominieuse et claire violation du droit international. »  Au regard de la gravité de ces allégations, M. Guterres a demandé une enquête approfondie, par le biais d’une expertise impartiale, indépendante et professionnelle, avant d’apporter son plein soutien à l’OIAC et à la Mission d’établissement des faits.  Cette mission devrait se voir accorder le plein accès en Syrie, a-t-il dit, notant qu’une première mission est déjà dans le pays et qu’une seconde doit s’y rendre aujourd’hui ou demain.  « Mais nous devons aller plus loin », a-t-il demandé.

Il a regretté l’incapacité du Conseil de s’accorder sur un nouveau mécanisme d’attribution des responsabilités après la fin du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.  Il a souligné l’importance d’éviter l’impunité s’agissant de l’emploi d’armes chimiques et exhorté tous les États Membres à agir de manière responsable en ces périlleuses circonstances.  « J’exhorte le Conseil à assumer ses responsabilités et à ne pas cesser ses efforts pour agréer un mécanisme d’attribution des responsabilités impartial, objectif et indépendant. »

Le Secrétaire général a déclaré que les tensions grandissantes et l’incapacité à parvenir à un compromis s’agissant d’un tel mécanisme menacent d’aboutir à une escalade militaire de grande ampleur.  « Je réitère ma profonde préoccupation devant les risques de l’impasse actuelle et souligne la nécessité d’éviter que la situation n’échappe à tout contrôle », a-t-il conclu.  « C’est le risque auquel nous faisons face aujourd’hui, que les choses échappent à tout contrôle. » 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que les « paroles d’autorité » du Secrétaire général dressaient un « tableau inquiétant » de la situation.  Reconnaissant qu’il existe « de nombreuses blessures » au Moyen-Orient, il a toutefois ajouté que la crise la plus urgente est celle qui concerne la situation en Syrie.

Le monde -la Fédération de Russie aussi– a reçu, il y a deux jours, des mises en garde, des menaces de la part des États-Unis et de ses alliés, a rappelé le représentant.  Or, a-t-il souligné, « des militaires russes se trouvent en Syrie » pour lutter contre le terrorisme international.  En outre, a poursuivi M. Nebenzia, on continue d’entendre des propos durs et dangereux à l’égard d’un État souverain de la part de Washington et d’autres.  Il a dénoncé une « rhétorique militariste », y compris « au niveau le plus élevé à Washington », qu’il a accusé d’avoir pris la direction d’un « scénario militaire en Syrie ».  « Nous ne saurons laisser faire cela, sachant que des militaires russes se trouvent en Syrie », a-t-il insisté, ajoutant que, pendant ce temps, certains regardent et d’autres se font les instigateurs des propos de Washington, devenant ainsi des complices de leur aventure militaire.

« Étrangement, aujourd’hui personne ne parle de diplomatie préventive », a remarqué M. Nebenzia, qui a ajouté « qu’avant même que les incendies se produisent », des coupables ont été désignés et apparemment il faudrait les punir immédiatement.

Nous nous souvenons des « expériences » menées en Iraq et en Libye, qui montrent que les États-Unis considèrent le Conseil de sécurité comme un de leurs outils, a encore accusé M. Nebenzia, qui a dénoncé un « comportement irresponsable » des États-Unis.  Ce pays, a-t-il dit et répété, n’est « pas digne du statut d’un membre permanent du Conseil de sécurité ».  Ce statut implique des responsabilités importantes et « pas seulement le droit d’utiliser la matraque quand on le décide », a-t-il  poursuivi. 

« Qui peut profiter d’une frappe sur l’armée syrienne, qui se bat depuis longtemps contre le terrorisme et a remporté de nombreuses victoires dans ce domaine? » a encore demandé le représentant.  « Est-ce vraiment pour semer le chaos que vous faites cela? »

M. Nebenzia a une nouvelle fois affirmé qu’il n’y avait « pas de trace » d’attaque chimique à Douma.  Les experts russes envoyés sur place n’en ont pas trouvée, et la population de Douma n’est pas au courant, a-t-il affirmé, ajoutant avoir « des preuves d’une provocation de services secrets étrangers ».  C’est pour lui une « répétition » de ce qui s’est passé il y a un an à Khan Cheïkhoun.  Rappelant que la Mission de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) va venir travailler en Syrie, il a espéré qu’elle pourrait mener sa mission librement.

Pour sa part, la Fédération de Russie continue de travailler d’arrache-pied à une désescalade, a affirmé le représentant.  Son pays a présenté une résolution en faveur d’une enquête sur place, un texte « bloqué de façon irresponsable par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France », a regretté M. Nebenzia, qui a dénoncé les théories du complot.

« Après des années en Syrie, nous avons réussi à stabiliser une grande partie du pays », a poursuivi M. Nebenzia.  « Nous soutenons le processus politique, nous assistons à un début de réconciliation nationale, nous luttons contre le terrorisme. »  « Nous avons reconnu votre contribution mais c’est toujours votre définition du terrorisme qui prévaut », a-t-il noté, et ce, alors que la Fédération de Russie est « presque le seul pays » qui s’attèle à mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) sur le processus de Genève.  Pour illustrer son propos, il a cité la tenue réussie du Congrès national syrien de Sotchi.  « Combien de villes avez-vous pacifiées?  Combien de groupes armés avez-vous convaincu de venir discuter? » a-t-il ensuite demandé. 

« Les gens qui ont été libérés sont heureux », a encore affirmé le représentant, ajoutant que « les images existent mais les médias occidentaux ne les montrent pas ».  Cela ne vous intéresse plus car ces régions sont désormais contrôlées par le Gouvernement, a-t-il avancé. 

M. Nebenzia a répété que les événements « prennent une tournure dangereuse » et menacent d’avoir des conséquences très graves pour la paix et la sécurité mondiales.  Il en a rendu responsables les États-Unis et leurs alliés, jugeant dommage que « la Vieille Europe » les soutienne.  La Fédération de Russie est prête à coopérer avec tous ses partenaires pour résoudre les problèmes par la voie du dialogue, a réaffirmé M. Nebenzia, qui a appelé en conclusion tous les partenaires à y contribuer. 

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) s’est dite atterrée par les propos du délégué russe.  Elle a trouvé étrange cette réunion demandée par la Russie qui ignore sa propre responsabilité en Syrie.  « Plutôt que de débattre des menaces unilatérales pesant sur la Syrie, nous devrions discuter de l’emploi d’armes chimiques, qui est une violation grotesque du droit international », a-t-elle asséné.  Mme Haley a estimé que « les armes chimiques sont un fléau devant lequel nous ne devons pas rester impuissants ».

La déléguée a mentionné les différents instruments internationaux élaborés face à la menace posée par les armes chimiques, comme la Convention sur les armes chimiques, à laquelle la Russie et les États-Unis sont parties et même le « régime d’Assad ».  « Nous sommes d’accord sur le principe d’interdiction des armes chimiques », a-t-elle constaté.

Pour la représentante, il faut débattre des actions qui ont conduit jusqu’ici, non pas des pays qui auront peut-être le courage de s’élever contre l’emploi d’armes chimiques.  Mme Haley a accusé la Russie de ne reculer devant rien pour défendre l’emploi d’armes chimiques.  « C’est la Russie qui a tué le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, qui a employé son veto à six reprises sur ce sujet », a-t-elle martelé.  « C’est la Russie et la Russie seule qui a usé de son veto à 12 reprises pour protéger Assad. »  Si la Russie s’était acquittée de ses obligations de garantir la destruction du stock d’armes chimiques syrien, nous ne serions pas ici aujourd’hui, a-t-elle poursuivi.  La déléguée a déclaré que le comportement de la Russie dégradait les normes internationales sur l’emploi d’armes chimiques. 

« Mon président n’a pas encore pris de décision, mais si mon pays et ses alliés décidaient d’agir, ce serait pour défendre le droit international qui protège toutes les nations du monde », a déclaré la représentante des États-Unis.  La déléguée a indiqué que le « régime d’Assad » aurait utilisé au moins 50 fois des armes chimiques, 200 fois selon certaines estimations.  La Russie était censée garantir qu’Assad n’utilise pas des armes chimiques, mais elle a fait tout le contraire, a-t-elle constaté.  « Tout ce que l’ONU défend est en train d’être sapé en Syrie avec l’aide d’un membre permanent », a-t-elle conclu, en assurant que les États-Unis et les alliés continueraient de défendre la vérité et la fin de l’emploi d’armes chimiques. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a dit apprécier grandement les efforts inlassables du Secrétaire général.  « La situation en Syrie est dangereuse, nous sommes entre la paix et la guerre », a-t-il estimé en exprimant ses inquiétudes face à l’escalade des tensions.  Le représentant a estimé que la grande priorité était de lancer une enquête impartiale et objective permettant d’apporter des conclusions fiables.  Agir militairement en contournant le Conseil de sécurité irait à l’encontre du droit international et de toutes les normes internationales, a-t-il rappelé.  Il a aussi demandé que soit respectée la souveraineté internationale de la Syrie.  Il ne peut y avoir de solution militaire à la crise syrienne, la seule solution est politique, a argué M. Ma, qui a assuré que la Chine appuie les Nations Unies.  La Chine, a-t-il insisté, appelle la communauté internationale à poursuivre ses efforts diplomatiques pour régler les difficultés sur le terrain sans recourir à la force et en laissant les Nations Unies jouer le rôle de médiateur principal.

Le représentant a assuré que les populations du monde recherchent la paix, répétant que la situation en Syrie menace la paix et la stabilité « au Moyen-Orient et dans le monde en général ».  Il a parlé de « moment charnière pour le Conseil de sécurité » et pour sa crédibilité.  Le Conseil de sécurité devrait faire de son mieux pour agir dans le consensus et mériter la confiance que la communauté internationale a placée en lui, a-t-il prôné.  Il a assuré en conclusion que la Chine restait prête à poursuivre ses efforts inlassables pour protéger la paix.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé qu’à la séance du Conseil de sécurité du 27 septembre 2013, jour de l’adoption de la résolution 2118 (2013), le Conseil avait caractérisé de manière unanime que la situation en Syrie constituait « une menace grave à la paix et à la sécurité internationales » à la suite des effroyables attaques chimiques dans la Ghouta orientale.  « Face à ceux qui souhaitent créer la confusion, allant jusqu’à accuser les populations syriennes de s’être gazées elles-mêmes, face à ceux qui suggèrent un complot, nous devons en revenir à des faits simples », a proposé M. Delattre.  Pour lui, la crise syrienne constitue une menace à la sécurité internationale du fait du recours répété, organisé et systématisé aux armes chimiques par le « régime de Bashar Al-Assad qui a de nouveau franchi un seuil dans l’horreur » avec les deux attaques de Douma, le 7 avril dernier.

Pour la France, tout concorde: les éléments recueillis sur place, les symptômes des victimes, la complexité du maniement des substances utilisées, ainsi que la détermination des forces du régime à soumettre le plus vite possible, et par tous les moyens, les dernières poches de résistance à Douma.  Il s’agit « d’un modus operandi parfaitement connu et documenté », puisqu’un mécanisme indépendant créé à l’initiative du Conseil de sécurité a déjà établi, à au moins quatre reprises depuis 2015, l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Damas à Sarmin, à Talmenes, à Qmenas et à Khan Cheïkhoun, a argué le représentant.  « Un mécanisme d’enquête qu’un membre permanent du Conseil de sécurité a décidé, en novembre dernier, de contraindre au silence. »

Le représentant a déclaré que « la politique chimique du régime de Bashar Al-Assad constitue l’une des violations les plus graves de toutes les normes qui garantissent notre sécurité collective », rappelant que l’emploi d’armes chimiques contre des populations civiles, interdit dès 1925 dans le Protocole de Genève, est constitutif de crime de guerre au sens du statut de la Cour pénale internationale (CPI).  Il a estimé que cette guerre chimique est « l’outil d’accélération d’une politique délibérée de soumission par la terreur » qui, en sept années, a causé la mort de 400 000 personnes, de nombreuses destructions et un exode massif de réfugiés et de déplacés, et qui a fait le lit du terrorisme international.  Pour la France, ce tableau effrayant est celui de l’une des menaces les plus flagrantes à la paix et à la sécurité internationales de l’ère contemporaine.  Et c’est aussi « le bilan de ceux qui, envers et contre tout, continuent de le soutenir et de l’appuyer ». 

Pour M. Delattre, « si la Syrie a continué d’utiliser des substances toxiques à des fins militaires, c’est qu’elle a conservé la capacité de les utiliser et de les fabriquer », en contravention avec ses engagements internationaux.  Pour lui, ce sont ces capacités non déclarées de la Syrie « que nous avons de nouveau vues en action le 7 avril ».  Il a relevé que le Conseil de sécurité est donc fondé à se réunir sur cette violation du droit international et de ses propres résolutions.  De plus, le Conseil serait à son avis « plus que fondé encore à faire ce à quoi il s’est engagé, c’est-à-dire prendre des mesures sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ». 

M. Delattre a regretté que face aux atrocités de masse commises en Syrie, l’action du Conseil de sécurité soit, depuis plusieurs années, paralysée par les vetos successifs de la Russie, pays qu’il a accusé de vouloir ainsi protéger le pouvoir syrien et de « lui garantir un régime d’impunité ».

« Je le dis solennellement, en décidant une nouvelle fois de recourir aux armes chimiques, le régime a atteint, le 7 avril dernier, un point de non-retour », a déclaré le représentant.  La France, a-t-il promis, prendra ses responsabilités pour mettre fin à une menace intolérable à notre sécurité collective, et pour faire enfin respecter le droit international et les dispositions prises, depuis des années, par le Conseil de sécurité.  Il a souligné que l’attaque de Douma, alors que les derniers combattants étaient prêts à négocier leur reddition, « est la marque d’une escalade gratuite et cynique ».

La France juge essentiel de lutter contre l’impunité de ceux qui sont responsables de l’emploi de telles armes, et plus largement, de ceux qui sont responsables des crimes les plus graves commis en Syrie.  L’engagement de la France en ce sens est entier, a assuré M. Delattre en s’appuyant sur le partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques que le pays a initié en janvier dernier. 

Le délégué a enfin plaidé pour la mise en œuvre de la résolution 2401 (2018) sur l’accès humanitaire, un texte qui n’a rien perdu de son actualité, pour que les convois humanitaires puissent parvenir en sécurité dans la Ghouta orientale et que la protection des civils fuyant les hostilités ou nécessitant un traitement médical puisse être assurée.  Enfin, la France indique que la crise syrienne ne peut être durablement résolue que dans le cadre d’une solution politique et sur la base de la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Il a invité ceux qui s’inquiètent aujourd’hui des conséquences de la crise syrienne à les rejoindre et à contraindre enfin le régime à accepter une logique de négociation sous l’égide des Nations Unies. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dit que la situation débattue aujourd’hui découle uniquement de l’emploi d’armes chimiques en Syrie.  « Il est très probable que le régime d’Assad, qui a employé de telles armes à plusieurs reprises, soit responsable de l’attaque de Douma », a-t-elle dit.  Mme Pierce a promis que son pays continuerait d’œuvrer avec ses alliés pour une riposte internationale.  Évoquant la guerre froide, elle a rappelé que son pays et la Russie étaient côte à côte en 1945 et aussi en 1995, s’agissant des accords de Dayton.  Elle a regretté que, « en 2018, la Russie refuse de coopérer avec nous pour régler la situation en Syrie et refuse d’agréer un mécanisme d’attribution des responsabilités ».

Mme Pierce a exprimé son soutien au travail de la Mission d’établissement des faits, avant d’accuser la Russie de participer à l’érosion des normes internationales par ses agissements, comme dans l’attaque de Salisbury.  « Le peuple britannique n’est pas russophobe et préfèrerait une relation productive avec ce pays », a-t-elle dit.  « Mais nous sommes tous à la merci d’un veto russe et nous ne sacrifierons pas l’ordre international parce que la Russie veut protéger son allié », a tranché Mme Pierce.  Elle a accusé la Russie de ne pas vouloir promouvoir le processus de Genève mais de protéger le régime syrien et de procéder à une grave « distorsion des faits » à l’ONU.  « Ce que fait la Russie est dangereux », a-t-elle conclu. 

M. OLOF SKOOG (Suède) a dit qu’il était profondément préoccupé que le Conseil de sécurité ne soit pas en mesure de se mettre d’accord et d’aller de l’avant sur une réponse substantielle, rapide et unifiée à l’utilisation des armes chimiques en Syrie.  « Nous regrettons que la Russie ait une fois de plus utilisé son droit de veto et empêché le Conseil d’agir. »  Il a rappelé les efforts menés ces derniers jours pour essayer d’assurer que tous les moyens pacifiques de répondre soient épuisés.  Il a apprécié que le Secrétaire général ait offert son appui à ces efforts par ses bons offices.  Pour lui, c’est une occasion qui aurait dû être saisie.  C’est la raison pour laquelle, a-t-il expliqué, la Suède a fait hier une proposition qui contient quatre éléments.

En premier lieu, elle condamne dans les termes les plus forts toute utilisation d’armes chimiques en Syrie et s’alarme de l’incident qui aurait eu lieu à Douma la semaine dernière, en arguant que l’utilisation d’armes chimiques constitue une violation du droit international.  En second lieu, elle demande un accès total et la coopération avec la Mission d’établissement des faits de l’OIAC au motif qu’il faut établir les faits concernant ce qui s’est passé à Douma.

En troisième point, elle exprime la détermination du Conseil à créer un mécanisme impartial et indépendant d’attribution des responsabilités, fondé sur la proposition du Secrétaire général, en faisant valoir que les auteurs des attaques chimiques doivent être identifiés et rendre des comptes.  Quatrièmement, la proposition demande au Secrétaire général d’envoyer immédiatement une mission de haut niveau de désarmement en Syrie.  Il faut en effet résoudre toutes les questions en suspens sur les armes chimiques et débarrasser la Syrie une bonne fois pour toutes de toutes armes de ce type qui pourraient encore exister dans le pays.  Une telle mission ajouterait un levier politique et diplomatique au travail technique et professionnel mené par l’OIAC, a expliqué le représentant de la Suède. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a affirmé que la position de son pays dans de telles situations était toujours en faveur du dialogue et du règlement pacifique des différends.  La Guinée équatoriale est totalement opposée à l’usage de la force, a-t-il dit, arguant que, loin de résoudre les problèmes, la force pouvait au contraire contribuer à créer davantage de souffrances, de chaos et de désordre, comme on l’a vu en Libye avec des conséquences qui affectent toute la région saharienne.  « La rhétorique employée nous préoccupe », a poursuivi le représentant, s’inquiétant de « sa consonance qui semble dangereusement familière ».  Il a appelé les puissances à faire preuve du sens de la responsabilité, en particulier les membres permanents du Conseil de sécurité qui détiennent une responsabilité particulière pour défendre la crédibilité du Conseil. 

Le représentant a ensuite posé une série de questions: « À qui bénéficie l’incapacité du Conseil de sécurité de prendre des décisions?  Sommes-nous en train de contribuer à délégitimer le Conseil?  Sommes-nous en train d’éroder activement la pertinence même du Conseil dans le paysage politique international?  Si le Conseil de sécurité ne peut prendre de décisions, combien de temps la communauté internationale va-t-elle prendre pour retirer la foi et l’espoir qu’elle a placés en lui? »  Alors qu’il ne peut y avoir de solution militaire en Syrie, le représentant a jugé frustrant de constater l’absence de tout progrès sur le plan politique.  Il a appelé le Conseil à faire preuve de responsabilité et à créer un mécanisme international indépendant et impartial d’enquête et de désignation pour expliquer ce qui s’est passé à Douma et définir les responsabilités.  Il a enfin jugé que les bons offices qu’a proposés le Secrétaire général devaient être pris en compte et vus comme une occasion à saisir. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déploré que certains membres du Conseil refusent de débattre de la raison qui a motivé la convocation de cette réunion, qui résulte du « fait qu’un pays a menacé d’utiliser unilatéralement la force ».  Il a demandé une enquête transparente et impartiale pour identifier les responsables de l’emploi d’armes chimiques.  Il a souhaité une enquête dépolitisée et regretté que le Conseil ne soit pas parvenu à cet objectif.  « Nous sommes ici pour débattre de la menace d’emploi de la force brandie par un pays », a-t-il répété, en rappelant que la justification du système international est précisément d’éviter une telle situation.  La Charte de l’ONU interdit les actions unilatérales, a-t-il poursuivi.

Le délégué a rappelé que le Conseil représente les 193 États Membres de l’ONU et ne doit pas être utilisé comme « un pion sur l’échiquier de la guerre, de la géopolitique et des intérêts mesquins ».  Il a cité l’Article 4 de la Charte, qui interdit de recourir à la menace, « à la menace » a-t-il insisté, ou à l’emploi de la force.  Répondant à la déléguée britannique, il a déploré que les projets de résolution soient présentés uniquement pour des chaînes de télévision et mis aux voix alors qu’un veto est inévitable.  Invoquant l’opération Condor en Bolivie, le délégué a dénoncé ces pays qui, lorsque les droits de l’homme et la démocratie ne leur conviennent pas, financent des coups d’État.  L’emploi de la force n’est licite qu’en cas de légitime défense ou lorsque le Conseil l’autorise, a-t-il rappelé. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a parlé d’une menace à la paix et la sécurité internationales qui risque encore de s’aggraver si les résolutions du Conseil de sécurité sur le Moyen-Orient ne sont pas mises en œuvre, en citant aussi les violations de ces résolutions par Israël, violations qui viennent encore de faire des dizaines de morts et des centaines de blessés du fait d’un recours excessif à la force.  Le représentant a déploré que le Conseil ne se prononce pas sur ces actes d’oppression.  Les forces israéliennes ne devraient pas être une exception à l’obligation qu’ont tous les États de respecter les résolutions du Conseil, a-t-il avancé.

« La réunion d’aujourd’hui n’aurait pas lieu d’être si nous nous étions mis d’accord sur la création d’un nouveau mécanisme d’enquête impartial et indépendant sur la situation en Syrie », a ajouté le représentant, qui a déploré la violation flagrante de la résolution 2401 (2018), toujours pas mise en œuvre.  Il a soutenu l’appel du Secrétaire général en faveur d’un nouveau mécanisme d’enquête et de désignation des responsables, tout en apportant son soutien à la mission actuelle de l’OIAC.  Les membres du Conseil de sécurité devraient consentir tous les efforts possibles pour s’accorder en vue de créer un tel mécanisme, a souhaité M. Alotaibi.  Face aux graves violations des droits de l’homme en jeu, le Koweït plaide aussi pour un moratoire sur l’utilisation du droit de veto en cas de commission de crimes atroces.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a dit apercevoir derrière les tensions actuelles les contours d’une guerre mondiale.  Pour lui, l’heure est venue de mettre en place une stratégie de diplomatie préventive afin d’éviter les graves conséquences qu’aurait une intervention militaire.  « Il nous incombe à tous de défendre le droit international », a poursuivi le représentant, en rappelant l’interdiction du recours à la force par le droit international, à moins que le Conseil ne l’ait autorisé.  Le représentant a appelé de ses vœux la reprise des discussions à Genève et à Astana. 

S’agissant de l’attaque de Douma, le délégué a prôné la patience et invité à agir en se basant sur des faits vérifiés.  Il faut attendre que la Mission d’établissement des faits soit pleinement déployée et qu’elle nous fasse parvenir ses rapports, a-t-il déclaré, en notant que le Gouvernement syrien vient d’accorder des visas aux enquêteurs.  Toute action militaire serait indésirable et aurait de graves conséquences, a-t-il mis en garde.  « Il faut faire preuve de retenue et observer une pause. »

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a remercié le Secrétaire général de ses efforts pour « éviter que se produise ce qui peut être évité ».  Rappelant les propos de M. Guterres sur le retour de la guerre froide dans un contexte moins bien géré qu’à l’époque, le représentant a dit vouloir se concentrer sur la « poudrière » que représente aujourd’hui la Syrie.  Il a déploré l’incapacité du Conseil à s’entendre pour créer un mécanisme d’enquête professionnel et indépendant capable d’enquêter sur les attaques présumées à l’arme chimique et d’en désigner les responsables, en particulier dans le cadre d’une question qui est dans l’intérêt de tous.  Le représentant a réclamé la création d’un tel mécanisme, tout en exprimant son soutien au travail de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC.

« Nous devons établir nos priorités », a déclaré M. Alemu, qui a rappelé l’importance d’éviter que la situation échappe à tout contrôle.  Rappelant que le tout premier discours du Secrétaire général au Conseil avait mis l’accent sur la priorité que devrait être la prévention, le représentant a appelé à la recherche d’une véritable diplomatie préventive.  « Il est temps de nous unir et d’agir d’une même voix », a-t-il lancé en exigeant d’abord que le Conseil de sécurité soit uni.  « C’est une tâche ardue, mais il n’existe aucune autre possibilité saine », a affirmé le représentant, pour qui « le Secrétaire général a raison et le Conseil devrait l’écouter ». 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a rappelé que c’était la Russie qui avait demandé la réunion du Conseil de sécurité d’aujourd’hui.  Ces derniers jours, a-t-il relevé, les propositions de la délégation russe semblent être conçues pour protéger un État en particulier: le régime syrien.  Le représentant a rappelé que la Charte des Nations Unies commençait par ces mots: « Nous, les peuples des Nations Unies. »  Or, tandis que la Russie est occupée à couvrir les crimes de son allié, les peuples de toutes les nations sont consternés par l’utilisation continue de toutes sortes de violence par le régime syrien contre son propre peuple, a-t-il remarqué.  Les Pays-Bas estiment que la communauté internationale doit pleinement respecter la norme suivant laquelle l’utilisation des armes chimiques n’est jamais admissible. 

Les images de l’attaque de la semaine dernière à Douma sont consternantes, a estimé le représentant, qui a noté que, une fois encore, des atrocités ont été infligées à la population civile syrienne.  « Nous avons tous vu les reportages faisant état de dizaines de morts et des centaines de blessés. »  Les Pays-Bas, qui croient que le régime syrien est probablement le responsable de l’attaque, sont partisans de longue date de la lutte contre l’impunité quand il s’agit d’armes chimiques.  Malheureusement, toutes les tentatives d’y parvenir au Conseil de sécurité ont échoué. 

Le délégué a estimé que les États ne doivent pas seulement chérir la paix en tant qu’idéal mais doivent aussi utiliser les moyens de régler les conflits entre les nations conformément aux principes relevant du droit et de la justice.  Certains, a-t-il noté, semblent toutefois plus intéressés à abuser de ces moyens de règlement des conflits.  Il a cité à cet égard le veto russe qui, en début de semaine, a encore une fois bloqué l’action au Conseil de sécurité.  « Nous ne nous contenterons pas moins d’une enquête indépendante et impartiale pour que les coupables de cette attaque vicieuse soient identifiés et tenus pour responsables. »  Le représentant a dit qu’aucun veto ne pourrait effacer de sa mémoire les résultats douloureusement clairs présentés dans les rapports du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU en ce qui concerne l’utilisation d’armes chimiques par le régime d’Assad et Daech. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a constaté avec tristesse, que, même avec les résolutions du Conseil de sécurité adoptées à l’unanimité comme la 2401 (2018), il n’y a toujours pas de progrès sur le terrain en Syrie.  Pour la représentante, il faudrait au moins veiller à ce que les convois d’assistance humanitaire vitale parviennent à tous ceux qui en ont besoin, ce qui, a-t-elle rappelé, ne concerne pas seulement la Ghouta orientale.  La communauté internationale constate que nous ne sommes pas d’accord sur certains des principes les plus fondamentaux du droit international humanitaire, a déploré Mme Wronecka. 

Abordant le volet chimique, la représentante a rappelé qu’il y un siècle, l’utilisation d’armes chimiques était « normale », mais a aussi souligné qu’on avait commémoré le centenaire de la fin de l’utilisation de telles armes – celles utilisées lors de la Première Guerre mondiale.  Or, aujourd’hui, les armes chimiques qu’on croyait reléguées à l’Histoire réapparaissent et sont même utilisées contre des civils.  Rappelant que l’emploi d’armes chimiques est inacceptable, Mme Wronecka s’est demandé si le Conseil de sécurité pouvait se permettre de revenir sur les succès du régime international d’interdiction des armes chimiques.  Elle a regretté le veto opposé mardi à la création d’un mécanisme international d’enquête et de désignation sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, tout en se félicitant du déploiement de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC. 

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a dit sa préoccupation devant l’impasse dans laquelle se trouve le Conseil de sécurité dans la mise en place d’un mécanisme d’attribution des responsabilités s’agissant de l’emploi d’armes chimiques en Syrie.  Il a apporté son soutien à la Mission d’établissement des faits de l’OIAC et exhorté le Conseil à s’unir pour créer le mécanisme précité.  Le représentant a dit craindre la possibilité d’actions unilatérales de certains membres du Conseil et exhorté les parties à la retenue et « au bon sens » pour préserver la paix et la sécurité internationales, « notre héritage commun ».  La réponse à la crise en Syrie ne saurait être militaire et doit être recherchée dans le cadre d’un dialogue et d’un processus politique inclusif, a conclu le délégué ivoirien. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué la disposition du Secrétaire général à contribuer à la recherche d’une solution face à l’impasse dans laquelle se trouve le Conseil de sécurité.  Le Pérou, a-t-il dit, est profondément préoccupé par la division du Conseil, en particulier celle qui affecte ses membres permanents et sape sa capacité à maintenir la paix et la sécurité internationales et à résoudre les conflits et crises humanitaires dont il est saisi.  Il a constaté avec vive inquiétude que le conflit syrien restait le théâtre de crises atroces commises en toute impunité, un conflit qui a dégénéré en menace grave à la paix et la sécurité internationales.  Après les allégations de nouvelles attaques chimiques, le Conseil de sécurité doit reprendre les négociations à la fois pour que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC ait plein accès à Douma et pour créer un mécanisme international de désignation indépendant, impartial et objectif.

Rappelant qu’il ne peut y avoir de solution militaire à la crise syrienne, le représentant a rappelé que « toute réponse à la barbarie » doit être conforme au droit international et pleinement respecter le droit international.  Il a aussi rappelé que, par sa résolution 2401 (2018), le Conseil avait imposé un cessez-le-feu sur l’ensemble du territoire syrien.  Les risques de l’impasse actuelle sont particulièrement préoccupants, a répété le représentant, qui a jugé impossible de ne pas mettre fin aux souffrances du peuple syrien et de ne pas poursuivre les auteurs des crimes atroces. 

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a souligné que l’emploi d’armes chimiques est un crime de guerre.  « Mais la guerre en soi n’est-elle pas un crime? » a-t-il observé.  Il est revenu sur les propos de la déléguée américaine selon laquelle le Gouvernement syrien a utilisé des armes chimiques à 50 reprises ayant fait 200 victimes.  « Mon pays aurait engrangé des succès contre les terroristes en utilisant des armes chimiques à 50 reprises qui auraient fait 200 victimes? » a-t-il demandé.  « Mais comment est-ce possible? »

Il a déploré que son homologue américaine n’ait pas exprimé son indignation devant l’emploi d’agent orange au Viet Nam en 1961 ou de soufre à Raqqa plus récemment.  Il a également accusé les États-Unis d’avoir utilisé des armes chimiques en Iraq.  « À une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire », a-t-il dit en citant George Orwell.  La vérité est que trois membres du Conseil cherchent à entraîner le monde dans l’abysse, a-t-il affirmé, en rappelant l’interdiction de l’usage de la force prévue par la Charte des Nations Unies.  Le délégué a en outre déploré le « mensonge américain » s’agissant de l’Iraq, avant d’avancer que M. Nicolas Sarkozy, Président de la France en 2011, avait voulu couvrir les soupçons de corruption en se lançant dans une aventure militaire en Libye.

« La vérité est que le Gouvernement syrien a libéré des milliers de civils pris en otage par les groupes terroristes dans la Ghouta orientale », a tranché le représentant.  Il a dénoncé les vidéos montées de toutes pièces par les Casques blancs avec l’assistance des services des pays occidentaux. 

Mon pays a pris toutes les dispositions pour que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC puisse rapidement accomplir son travail sur place, a-t-il dit.  Il a souhaité que le Conseil s’oppose à la loi du plus fort, dénonçant ceux qui utilisent son enceinte pour proférer des mensonges.  Il a déploré le silence des autres membres du Conseil face à la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, en raison des pressions exercées par ces derniers.  « Si ces trois pays nous attaquent, nous n’aurons pas d’autre choix que d’user de la légitime défense, comme prévu par l’Article 51 de la Charte », a-t-il mis en garde tout en précisant que « c’est une promesse, pas une menace ».  « Le bruit de la vérité est plus fort que le bruit des canons », a-t-il dit en concluant son intervention.

 

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