En cours au Siège de l'ONU

L’Instance permanente contemple le tableau « sombre et insoutenable » des défenseurs des droits autochtones

Dix-septième session,
5e & 6e séances – matin & après-midi
DH/5389

L’Instance permanente contemple le tableau « sombre et insoutenable » des défenseurs des droits autochtones

Les organisations autochtones ont peint, aujourd’hui, en couleurs sombres le tableau des défenseurs de leurs droits de l’homme, profitant de la troisième journée de travaux de l’Instance permanente sur les questions autochtones pour tirer la sonnette d’alarme.

L’Instance, qui a choisi pour thème cette année « Les droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources », a structuré la séance d’aujourd’hui autour d’un dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz, et le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, M. Albert Barume.

Situation « insoutenable » des Touaregs au Maroc et en Algérie, violences subies par les militants de Standing Rock ou incarcération des défenseurs des droits de l’homme au Guatemala n’ont cessé d’être décriées au cours des débats.

« Dans notre région, personne n’a le courage de dénoncer les actes de représailles par peur d’en devenir victime », a indiqué l’Ogaden Youth and Students Union qui a attiré l’attention sur les « cas terribles » d’intimidation par des pays comme l’Éthiopie, même ici dans l’enceinte de l’ONU.  Les participants au débat se sont émus du harcèlement subi par la Rapporteuse spéciale qui a avoué ne pas avoir été préparée à être elle-même accusée de terrorisme par son gouvernement.

Le Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme, M. Andrew Gilmour, a confirmé la tendance « alarmante » des gouvernements à traiter les défenseurs des droits autochtones comme des terroristes.  People of Long House a averti que chaque nouvelle loi sur la lutte contre le terrorisme adoptée au Canada réduit toujours plus la capacité des autochtones à protéger leurs terres et territoires.

« Les États ont beaucoup d’imagination quand il s’agit de trouver des excuses à leurs actions », a ironisé Mme Lourdes Tiban Guala, membre de l’Instance.  Les organisations autochtones ont dénoncé le mépris pour leur sort que constituent les mégaprojets hydroélectriques, ferroviaires ou encore l’ouverture à l’extraction minière, par l’Administration Trump, de dizaines de milliers d’hectares de terres sacrées qui avaient été réservées, par le Président Obama, au Monument national de Bears Ears, dans l’Utah.

Mme Tauli-Corpuz, membre de l’Instance, a aussi estimé que le financement climatique est une arme à double tranchant pour les peuples autochtones, car il peut menacer leurs droits, comme en témoigne la construction des barrages hydroélectriques pour la production d’énergies renouvelables.

Le meurtre, au Honduras, de Berta Cáceres, qui militait contre la construction d’un barrage, a permis à la Rapporteuse spéciale de mettre en lumière les liens directs entre la corruption, collusion entre l’État et les multinationales et violations « les plus atroces » des droits des peuples autochtones.  Elle s’est alarmée de voir de plus en plus d’agents de sécurité, employés par ces multinationales, jouer les policiers.

Ces agents de sécurité sont restés bien vissés au banc des accusés.  Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires, M. Gabor Rona, a dénoncé leurs « coups, torture, viols, arrestations arbitraires et meurtres » qui alimentent la peur parmi les populations autochtones et nourrit la méfiance entre ces derniers et leur gouvernement.

Le Conseiller spécial sur le génocide a jugé plus que jamais urgent d’avoir une discussion objective sur la collusion entre gouvernements et multinationales, notant que le problème découle aussi du fléau de la corruption.  Le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, M. Albert Barume, a fixé un rendez-vous du 9 au 13 juillet, à Genève, exhortant les jeunes à « poursuivre la lutte de leurs ainés ».

L’Instance poursuivra ses travaux demain, jeudi 19 avril, à partir de 10 heures.

INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones et le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones

Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, a averti que les menaces contre les défenseurs des droits des personnes autochtones sont en hausse, la militarisation des terres ancestrales se poursuit et les autochtones continuent d’être dépossédés de leurs terres, sans oublier les cas systématiques de violations et de déni des droits.

Elle a souligné que la relation que les autochtones entretiennent avec leurs terres est ce qui les distingue des autres segments de la société.  Le fait qu’ils soient déplacés provoque une souffrance physique, mentale et spirituelle, raison pour laquelle la question du respect des droits à leurs terres figure au cœur de la lutte des communautés autochtones.  Elle a également souligné qu’un défi notable découle du fait que la majorité des systèmes juridiques et administratifs ne reconnaît que les droits individuels et pas les droits collectifs.

La Rapporteuse a ensuite parlé de l’impact des changements climatiques sur les communautés autochtones, évoquant une situation alarmante qui mérite, selon elle, une plus grande attention, qu’il s’agisse de la fonte des glaciers chez les Inuits de l’Arctique ou de la montée du niveau des océans dans les îles du Pacifique.  La survie de ces peuples dépend des écosystèmes qui les entourent et ils sont donc moins résilients à l’impacts des changements climatiques.  Il n’en demeure pas moins, a-t-elle ajouté, que le savoir traditionnel est essentiel à la lutte contre ce phénomène, un fait d’ailleurs reconnu par l’Accord de Paris.  Elle a recommandé la création d’une plateforme pour l’échange des pratiques optimales en matière d’atténuation de l’impact des changements climatiques.

Mme Tauli-Corpuz a aussi averti que le financement climatique est une arme à double tranchant pour les peuples autochtones.  S’il est effectivement porteur de potentiel pour les aider à s’adapter, il peut aussi menacer leurs droits, a-t-elle indiqué, pointant notamment la construction des barrages hydroélectriques pour la production d’énergies renouvelables.  Il est essentiel d’examiner de plus près ces projets, a-t-elle souligné.

Elle a dit s’être rendue au Mexique, à l’invitation du Gouvernement, et a affirmé qu’en dépit des progrès, il y a toujours un schéma « grave » d’exclusion des autochtones qui demeurent surreprésentés parmi les plus pauvres.  Au titre des bonnes pratiques, elle a cité l’article 2 de la Constitution mexicaine qui reconnaît les droits des peuples autochtones et le fait qu’ils peuvent participer pleinement à la vie du pays, citant notamment leur présence sur les listes électorales.  Elle a ensuite annoncé qu’elle se rendra prochainement au Guatemala, avant d’appeler les États d’Afrique et d’Asie à l’inviter également.  Elle s’est aussi inquiétée de ce que certaines de ses lettres relayant les préoccupations sur la situation des peuples autochtones dans certains pays soient restées sans réponse.

Au cours de cette année, la Rapporteuse a annoncé qu’elle soulèvera le problème qui consiste à qualifier de criminels les défenseurs des droits de l’homme.  Elle a avoué ne pas avoir été préparée à être elle-même accusée de terrorisme par son gouvernement et a indiqué qu’elle utilisera sa propre expérience pour tirer la sonnette d’alarme.  Elle a aussi fait observer qu’accuser les dirigeants autochtones spirituels ou traditionnels d’être des criminels peut avoir un impact notable sur l’ensemble de la communauté.

M. ADAMA DIENG, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, s’est dit conscient de la vulnérabilité des peuples autochtones, soulignant que la prévention du génocide est pertinente lorsque l’on parle de la situation des autochtones dans le monde.

Il a exhorté tous les États Membres à respecter leurs obligations au titre du droit international, évoquant notamment la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Déclaration universelle sur les droits des peuples autochtones de 2007.  Il a aussi appelé à la pleine mise en œuvre du principe de consentement libre et éclairé.  La protection des peuples autochtones est une responsabilité fondamentale des États, a-t-il dit.

Le Conseiller a ensuite souligné que prévenir les incitations à la violence est au cœur de la responsabilité de protéger et de la lutte des autochtones pour la défense de leurs droits.  Il a appelé à des politiques et mécanismes contre les menaces et a encouragé les États à se montrer « dynamiques » dans l’élaboration ou le renforcement des mécanismes de protection des droits des autochtones.  Les États doivent aussi mener une évaluation régulière des risques et élaborer des mécanismes de réponses adaptées lorsque les risques sont identifiés.

En plus du pouvoir exécutif, a-t-il enchaîné, toutes les institutions nationales peuvent agir pour identifier et réduire les risques, notamment les parlements, les organismes de défense des droits et les citoyens.  Les parlements peuvent notamment réfléchir à des stratégies d’élimination ou d’atténuation des risques.  La mise en place de mécanismes efficaces d’alerte précoce nécessite une analyse approfondie des facteurs de risques.  Mon Bureau, a dit le Conseiller, a déjà élaboré un guide pour l’identification des risques de génocide. 

M. Dieng a aussi indiqué que son Bureau avait examiné de manière approfondie la situation dans les Amériques, grâce à un questionnaire pour identifier les principaux défis et les pratiques optimales en matière de protection des droits des personnes autochtones.  Les résultats permettront de mieux cibler l’assistance technique et de créer des systèmes d’appui bilatéral, a-t-il expliqué, soulignant que les cadres normatifs et les discours ne sauraient suffire.  « Ce qui compte c’est l’action. »

M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme, s’est inquiété des lacunes constatées dans la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.  Il a voulu que l’on se penche sur la situation de ces peuples dont la vie risque d’être dévastée par des projets mal conçus.  Il faut veiller au bien-être de la société tout entière et non aux profits récoltés par certains individus.  Les défenseurs des droits autochtones sont souvent en première ligne de ce conflit, a-t-il fait observer.

Il a dénoncé la multiplication les actes de représailles et d’intimidation contre les peuples autochtones et a appelé les victimes à saisir son Bureau reprisals@ohchr.org.  Il a plaidé pour que la situation des autochtones victimes de violations figure dans le rapport du Secrétaire général sur les représailles.

La Rapporteuse spéciale a elle-même été honteusement vilipendée par son propre gouvernement, a-t-il dénoncé, s’inquiétant du fait que son cas illustre une tendance « alarmante » des gouvernements.  C’est une logique « tordue » qui fait penser au roman 1984 de George Orwell.  Il faut se mobiliser contre ce phénomène, a-t-il tonné.

Dialogue interactif

Au cours de ce dialogue avec les panélistes, les organisations autochtones ont dressé un sombre tableau de la situation des défenseurs des droits de l’homme, à l’instar du Congrès mondial amazigh qui a décrit une situation « insoutenable », où « l’impunité est la règle ».  Au Maroc, une personne a été broyée par une benne à ordures, plus de 300 militants sont incarcérés sans que l’on sache quoi que ce soit de leur sort et les leaders du Mouvement du Rif ont été condamnés à de lourdes peines.  La situation n’est pas meilleure en Algérie, a indiqué le Congrès qui a parlé de persécutions et de harcèlements, de refus d’octroyer passeports ou documents administratifs.  Les actes racistes contre les Amazighs se multiplient, même dans les institutions publiques.  Quarante-cinq Touaregs ont été tués l’an dernier tout simplement parce qu’ils étaient des Touaregs et de nombreux autres sont accusés de terrorisme.

« Dans notre région, personne n’a le courage de dénoncer les actes de représailles par peur d’en devenir victime », a indiqué, à son tour, l’Ogaden Youth and Students Union qui a attiré l’attention sur les « cas terribles » d’intimidation commis par des pays comme l’Éthiopie et parlé de villages entiers détruits et du harcèlement des autochtones dans l’enceinte même de l’ONU.

Les participants au débat se sont également émue du harcèlement subi par la Rapporteuse spéciale elle-même qui a avoué qu’elle n’était qu’une parmi les nombreux autochtones accusés de tels crimes.  Elle est revenue, pour la dénoncer, à la tendance à traiter les défenseurs des droits autochtones comme des terroristes.  Ce problème sera abordé dans mon prochain rapport, a-t-elle confirmé, avant que People of Long House ne dénonce, à son tour, les actes de représailles que fait subir le Canada aux défenseurs des droits autochtones, s’alarmant de ce que chaque nouvelle loi de lutte contre le terrorisme réduit encore plus leurs capacités à protéger leurs terres et territoires.

« Les États ont beaucoup d’imagination quand il s’agit de trouver des excuses à leurs actions et de les justifier », a ironisé, Mme Lourdes Tiban Guala, membre de l’Instance.  Après le terrorisme, nous sommes maintenant accusés d’association illégale car, visiblement, même nos modes d’organisation sociale sont une menace pour un État qui perçoit la réunion de quelque quatre ou cinq personnes comme un danger.

L’International Indian Treaty Council a d’ailleurs attiré l’attention sur le cas d’un militant qui a reçu une balle en plein visage à Standing Rock.  Il s’est aussi attardé sur le cas de Leonard Peltier, un des 30 000 autochtones actuellement incarcérés aux États-Unis, à qui on aurait refusé l’accès à un traitement médical.  Leonard Peltier a plaidé la clémence mais il n’y a pas de mécanisme pour examiner les demandes de clémence des défenseurs des droits de l’homme.  « Insinuer qu’une personne peut être incarcérée à cause de ses origines est tout simplement faux », se sont indignés les États-Unis qui ont rappelé que Leonard Peltier est incarcéré pour le meurtre de deux agents du FBI, et que ses demandes de clémence ont été rejetées par les Présidents Bush et Obama.

La Rapporteuse spéciale a raconté le meurtre, au Honduras, de Berta Cáceres, qui militait contre la construction d’un barrage.  Les rapports sur cette affaire ont permis de faire la lumière sur les liens directs entre la corruption, collusion entre l’État et les entreprises et violations « les plus atroces » des droits des peuples autochtones.  Les rapports ont aussi établi que ce sont bien les agents de sécurité de l’entreprise concernés qui ont assassiné la militante.  Elle s’est alarmée de voir de plus en plus d’agents de sécurité jouer les policiers après leur travail, ce qui engendre de nombreuses violations du droit international.

Le Conseiller spécial sur le génocide s’est lui aussi inquiété des nombreux cas d’exécution sommaire d’autochtones et a jugé plus que jamais essentiel d’avoir une discussion objective sur la collusion entre gouvernements et entreprises, notant que le problème découle aussi du fléau de la corruption.  Souvent ces meurtres sont liés non pas au fait qu’un gouvernement cherche à saisir des terres, mais qu’un représentant ou élu local, en complicité avec une entreprise, a des vues sur des terres.  Il a aussi prédit que la mainmise des multinationales sur les terres autochtones deviendra le problème de l’avenir.

Illustrant ces propres, le Peuple isolé Univata, a rappelé le massacre, l’an dernier, de la tribu des « archers » commis par des mineurs illégaux.  Quelque 5 000 mineurs viennent d’envahir les terres d’un autre groupe et des cas similaires se multiplient avec l’appui des élus locaux.  Il a d’ailleurs appelé l’Instance à répondre à la grande vulnérabilité des 114 peuples autochtones isolés volontairement Brésil, d’autant plus que le Gouvernement brésilien a affaibli l’organe chargé de leur protection.

La question de la dépossession et la spoliation des terres et territoires autochtones a été soulevée à plusieurs reprises au cours du dialogue avec la Rapporteuse spéciale.  La Coordinacion y Convergencia Maya a accusé le Gouvernement guatémaltèque de cherche à « oublier » la Convention 169 de l’OIT, qui met l’accent sur des consultations de bonne foi avant de donner le go aux activités extractives.  « On ne peut prétendre qu’il y a eu dialogue quand la décision a déjà été prise », s’est-il indigné.  La Bolivie aussi a été accusée de ne pas respecter le principe de consentement libre et éclairé par la Mancomunidad de Comunidades Rio Beni, Quiquibey y Tuichi qui a dénoncé les mégaprojets hydroélectriques prévus dans l’Amazonie risquant d’inonder 48 communautés autochtones et paysannes et de détruire des zones protégées.

L’Organisation des jeunes samis de Finlande a invité la Rapporteuse spéciale à se rendre dans la région polaire pour se rendre compte de l’impact néfaste d’un projet de construction de ligne de chemin de fer qui risque de couper en deux les terres de chasse et de pâturage des Samis.  Le Gouvernement finlandais ne nous a pas consultés et aucun avantage économique ne découlera de ce projet, a estimé l’organisation qui a averti que ceux qui perdraient l’accès à leur terre risquent de se suicider.  Enfin, l’Utah Diné Bikéyah a averti que des dizaines de milliers d’hectares de terres sacrées sont menacées de destruction et de contamination aux États-Unis depuis que l’Administration Trump a réduit de 85% les 1,35 million d’hectares que le Président Obama avait réservés pour la création du Monument national de Bears Ears, dans l’Utah.

La Rapporteuse spéciale a jugé cette évolution d’autant plus déplorable que selon le projet de l’Administration Obama, les communautés autochtones devaient être les cogestionnaires de cette zone. Cette bonne nouvelle aura été de bien courte durée, a-t-elle regretté, avant d’appeler l’Administration actuelle à protéger ces territoires de l’extraction minière. « On considère le consentement libre et éclairé comme un droit à part alors qu’il est lié à la manière dont sont rédigées les lois sur les droits des autochtones », a-t-elle souligné, insistant sur l’importance, pour les communautés autochtones, d’avoir leur propre protocole de développement pour rendre le travail plus efficace.

Elle a aussi indiqué qu’elle compte, parmi ses prochains projets, attirer l’attention sur le fait qu’outre la spoliation, certaines terres autochtones sont tout simplement déclarées illégales, rendant leur culture impossible, un problème auquel s’ajoute la prétendue illégalité de certaines pratiques coutumières.  La Commission nationale des droits de l’homme des Philippines a soutenu la Rapporteuse spéciale, précisant que le Président philippin a mis un terme aux activités de certaines entreprises minières qui avaient eu un impact néfaste sur les communautés autochtones.  Les États-Unis ont en revanche rejeté plusieurs recommandations que la Rapporteuse spéciale leur a faites. 

Après avoir demandé à cette dernière de suivre l’évolution du différend qui oppose les communautés autochtones de l’Équateur à l’entreprise Chevron, le Grand Chief Wilton Littlechild a soulevé une question culturelle, au nom de la Coalition des peuples autochtones.  Il a indiqué que la Commission vérité et réconciliation du Canada avait conclu que la politique des écoles était un acte de « génocide culturel ».  Face au refus du pape François de commenter cette question, il a voulu savoir si le Conseiller spécial pourrait envisager d’étudier ce thème.  Ce type de problèmes, a commenté pour sa part Te karu a Te Ika Voyaging Trust, découle de la doctrine de la découverte qui consacre le contrôle sur la vie et les biens des autochtones.  Il faut arrêter de célébrer les invasions coloniales car il s’agit en réalité de la mainmise d’un peuple sur un autre.  Il faut, s’est-il emporté, déboulonner toutes les statues édifiées pour honorer les colons.  People of Long House a d’ailleurs réclamé une étude sur l’impact du colonialisme sur les peuples autochtones du Canada, évoquant les problèmes liés aux espèces envahissantes découlant par exemple de la production du sirop d’érable.

Le Caucus Amazigh a voulu que l’on multiplie les visites sur le terrain.  Elle a noté que le consentement préalable des États est une violation du droit à l’autodétermination des peuples autochtones.  Nous travaillons à titre volontaire, a dit la Rapporteuse spéciale, en parlant de ses collègues du système des droits de l’homme de l’ONU.  Nous dépendons donc des invitations officielles des gouvernements.  À l’instar de Mme Lourdes Tiban Guala, membre de l’Instance, la Rapporteuse spéciale a en revanche appelé l’Instance permanente à envisager la création d’un fonds pour le défraiement des frais de voyage des représentants de communautés autochtones.  Ces déplacements sont actuellement financés par les gouvernements ce qui peut engendrer une certaine influence voire des pressions.

Parmi les États Membres, le Canada a reconnu la nécessité de transformer les structures gouvernementales pour mieux protéger les défenseurs des droits autochtones.  La Fédération de Russie a affirmé que ses communautés autochtones du nord ont acquis de nouvelles protections qui ont permis d’améliorer leur niveau de vie.  Aujourd’hui, 23% est consacré aux activités économiques traditionnelles.  Le Chili s’est enorgueilli de ce que 280 000 hectares ont été restitués aux communautés autochtones, se dit fier également du projet de loi sur la création d’un conseil des peuples autochtones et d’une commission chargée de régler la situation en Araucanie.

Dialogue avec le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones

M. ALBERT K. BARUME, Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a rappelé que le Mécanisme a tenu sa dixième session à Genève en juillet 2017 avec la participation de 50 États Membres et près de 150 représentants des peuples autochtones, d’organisations de la société civile, d’institutions des droits de l’homme et d’universités.  Deux rapports ont été adoptés, a-t-il indiqué, l’un sur les pratiques optimales et les défis rencontrés par les peuples autochtones pour créer des entreprises et obtenir les financements, et l’autre sur les 10 ans de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones.

Le premier rapport est parti du postulat que les peuples autochtones avaient une économie et un commerce viables bien avant la colonisation et l’occupation de leurs terres.  L’autonomie économique, réclamée aujourd’hui par les peuples autochtones, n’est pas un objectif en soi mais un moyen de vivre dignement.  Le Président du Mécanisme s’est élevé contre « les préjugés » sur des peuples autochtones qui ne sauraient rien de la gestion des affaires, soupçonnant une volonté de les priver de financements.  Il faut espérer, a dit le Président, que le rapport inspirera et guidera États et autorités publiques pour soutenir les peuples autochtones et, partant, rétablir leur droit à la prise de décisions et pour mettre en place des stratégies et programmes économiques.  

Quant au second rapport, a-t-il poursuivi, il a pour objectif d’éclairer sur la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.  Il a également évoqué différentes missions que le Mécanisme a effectuées dans des pays tels que la Finlande, le Kenya ou le Mexique.  Cette approche « constructive » menée sur le terrain pour donner des conseils techniques et faire de la médiation entre les communautés autochtones et les États a été rendue possible grâce au nouveau mandat du Mécanisme, s’est félicité le Président qui a fixé un rendez-vous aux participants à la prochaine session prévue du 9 au 13 juillet à Genève.  Le Président a conclu par un message aux jeunes présents ici dans cette salle ou à travers les réseaux sociaux.  « Ils doivent poursuivent la lutte de leurs ainés. »

M. GABOR RONA, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, a indiqué que son Groupe de travail a évalué le rôle des entreprises de l’industrie extractive et son impact sur les droits de l’homme, y compris le droit à l'autodétermination des autochtones.  Très souvent, a-t-il dit, les multinationales opèrent dans les pays les moins avancés ou dans des régions où le pouvoir de l’État est faible et la corruption endémique.  L’appât des ressources naturelles y demeure un facteur majeur de déclenchement, d’escalade ou de maintien des conflits.  Le recours par les multinationales de sociétés paramilitaires et de sécurité privées alimente souvent l’insécurité et porte atteinte au droit à l’autodétermination des populations locales.

La présence de ces forces peut en effet exacerber le déséquilibre dans les relations entre le pouvoir et les populations locales et faire obstacle à la réalisation des droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres et leurs ressources.  Le Groupe s’est alarmé des violations répétées des droits de l’homme commises par ces sociétés paramilitaires.  Il a dénoncé le recours injustifiable et excessif à la force, les privations de liberté et les menaces qui sont utilisées comme mesures de représailles contre les locaux quand ils revendiquent leurs droits de parole et d’association pour s’opposer aux projets et défendre leurs terres et leurs ressources.  Le Président du Groupe de travail a accusé ces personnels de « coups, torture, viols, arrestations arbitraires et meurtres ».  L’impunité dont il jouit alimente la peur au sein des populations locales.  Des efforts ont été faits pour identifier les obligations légales et les bonnes pratiques mais le Groupe a appelé à une réglementation internationale « solide ».  Certes, a reconnu le Président, nous n’obtiendrons pas systématiquement réparation mais au moins notre action aura le mérite d’alerter le monde.

M. BINOTA DHAMAI, Président du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré qu’au cours de ces 33 dernières années, le Fonds avait appuyé la participation de plus de 2 000 femmes, hommes, jeunes, aînés issus des communauté autochtones aux mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies et a contribué à une évolution importante sur les questions autochtones.  Le Fonds a alloué des ressources pour renforcer les capacités des peuples autochtones de contribuer aux réunions.  Cependant, a-t-il averti, l’incertitude entourant les futures contributions risque d’avoir une incidence sur l’exécution du mandat du Fonds.  L’élargissement de ce mandat a créé de nouvelles opportunités pour les peuples autochtones mais il a aussi entraîné une demande croissante de soutien.  Le Président a donc lancé un appel aux États Membres pour qu’ils « nous soutiennent dans notre action » d’aide aux peuples autochtones.

Dialogue interactif

Au nom des pays nordiques, la Finlande a reconnu que les défenseurs des communautés autochtones sont particulièrement vulnérables à la violence.  Elle s’est dite préoccupée par les menaces contre la Rapporteuse spéciale, lui réaffirmant « son appui sans faille ainsi qu’aux autres mécanismes ».  Indigenous people du Queesnland a aussi exprimé sa solidarité avec la Rapporteuse spéciale, s’alarmant de la voir figurer sur « la liste noire » aux Philippines.  La Rapporteuse spéciale n’est pas inscrite sur la liste en sa qualité de Rapporteuse, ont expliqué les Philippines, mais parce qu’elle fait partie du « Parti communiste philippin-Nouvelle armée populaire » qui est une organisation terroriste, selon

les lois en vigueur.  La Rapporteuse a tout le loisir de saisir les tribunaux ou de présenter les preuves de son non-appartenance au « Parti communiste ».  D’un point de vue juridique, ce n’est pas à elle de prouver son innocence mais au Gouvernement d’étayer ses accusations, a rappelé le Président du Mécanisme d’experts, appuyé par la Rapporteuse spéciale qui a ajouté qu’il s’agit de « sécurité, de la mienne et de celle de mes homologues ».

C’est l’insécurité qui prévaut à la frontière entre la Colombie et son territoire qui a plutôt préoccupé l’Équateur, craignant pour ses communautés autochtones.  Il a proposé à l’Instance de dépêcher dans les plus brefs délais une mission dans la province d’Esmeralda pour constater de visu les menaces qui pèsent sur ces communautés.  Le Mexique s’est d’ailleurs félicité de la visite que vient d’effectuer le Mécanisme d’expert, prenant l’engagement de renforcer le cadre institutionnel pour consolider le principe de consentement libre, préalable et éclairé.  Une initiative qui manifestement n’a pas cours au Botswana.  First People of the Kalahari a dénoncé la décision des autorités de changer le nom de leur territoire, y voyant la tentative « d’effacer la mémoire autochtone ».  L’UNESCO doit se pencher sur cette question à l’occasion de l’Année internationale des langues autochtones en 2019, a estimé M. Jens Dahl, membre de l’Instance.  

Alors que la Fédération de Russie se vantait de ses bonnes pratiques et de la nomination d’un « défenseur des peuples autochtones », l’Ukraine cédait la parole à un autochtone tatar qui a attiré l’attention sur la situation de sa communauté en Crimée depuis l’invasion russe en 2014.  Il a appelé l’instance à se saisir de cette question.  Abondant dans le même sens, Crimean Tatar Youth Center a dénoncé la répression systématique de son peuple et décrié l’impunité des autorités russes qui ont détruit « notre patrimoine et notre culture » et contribué à la grave détérioration de l’environnement.  C’est l’exploitation des ressources naturelles qu’Asia Indigenous People pact a fustigé, ajoutant que les grands projets d’infrastructures, l’expansion des routes et la construction des parcs nationaux ont causé conflits, attaques et déplacements.  Il n’a pas oublié de montrer du doigt les législations inopérantes et à « effet doublon » et la réduction de l’espace démocratique.

Les législations doivent être respectées, a martelé le Japon, dont celle sur l’application de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, lui a rappelé le Grand Chef Wilton Littlechild.  Le Congrès Mondial Amazigh est revenu sur les « graves » problèmes rencontrés par les Amazighs Touareg au Mali et en Libye où les Gouvernements mettent en péril la paix et la sécurité, en armant des milices pour alimenter la guerre civile.  C’est une « machination machiavélique » que de recourir à des mercenaires pour attenter à la vie des hommes femmes et des enfants.  Le Congrès a d’ailleurs déploré l’absence des autochtones libyens parce qu’ils ont été inscrits sur « la liste » du Gouvernement américain alors qu’ils sont eux-mêmes les premières victimes du terrorisme islamiste.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC achève sa réunion de coordination et d’organisation en examinant l’efficacité des organes chargés d’appuyer le développement

Session de 2018,
19e séance – matin
ECOSOC/6903

L’ECOSOC achève sa réunion de coordination et d’organisation en examinant l’efficacité des organes chargés d’appuyer le développement

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a achevé, ce matin, sa réunion de coordination et d’organisation, après trois jours de travaux rythmés par l’adoption de résolutions et de décisions, des élections de membres de ses organes subsidiaires, et l’examen de rapports de plusieurs de ces organes.  Tout cela dans un cadre procédural dont l’une des fonctions, a expliqué la Vice-Présidente de l’ECOSOC, Mme Inga Rhonda King, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, est « d’améliorer son fonctionnement ».

Mme King a rappelé que l’ECOSOC est formé de 54 membres qui se doivent de travailler en synergie et de proposer des approches novatrices.  « Le succès de l’ECOSOC passe par l’engagement de chacun de ses membres », a-t-elle ajouté, surtout dans l’objectif de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Les réunions de coordination et d’organisation font partie intégrante des fonctions de coordination que l’ECOSOC remplit au sein du système de développement des Nations Unies.  Ces réunions ont notamment pour fonctions d’approuver les derniers rapports de ses organes subsidiaires et des organes d’experts; d’assurer la coordination et l’examen de questions de développement spécifiques à l’échelle du système; et d’examiner des situations nationales ou des questions régionales spécifiques inscrites à l’ordre du jour du Conseil.

Y participent des États Membres, des représentants des commissions techniques et des organes d’experts de l’ECOSOC, des commissions régionales et des organismes, fonds et programmes des Nations Unies.  Les débats menés et les décisions prises aident le système de développement des Nations Unies à faire face aux problèmes, anciens ou nouveaux, en particulier à ceux dont la complexité exige des interventions bien orchestrées.  Ce processus est fondamental pour que le système des Nations Unies soit aussi performant que possible auprès des pays auxquels il fournit un appui de par le monde.

Le Comité permanent de la nutrition, dont le rapport a été examiné ce matin, souligne justement qu’il recueille des idées nouvelles et émergentes provenant de plusieurs sources, afin d’alimenter les débats contribuant à la convergence et à la cohérence des politiques sur les changements climatiques et la nutrition.  Pour pérenniser les résultats de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition (2016-2025), la Coordonnatrice de ce Comité, Mme Stineke Oenema, a invité la communauté mondiale à adopter une vision à long terme et à s’adapter au paysage nutritionnel en constante évolution.

Un autre rapport, portant sur les principales décisions et recommandations en matière de politiques formulées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale, tire la sonnette d’alarme: l’insécurité alimentaire a augmenté de 38 millions de personnes entre 2015 et 2016, touchant désormais 815 millions de personnes, ce qui représente la population de 55 États Membres.  Cette tendance, conjuguée aux taux croissants d’excès pondéral et d’obésité, peut faire échouer les initiatives mondiales pour atteindre l’objectif de développement durable 2 « Faim zéro » et les cibles connexes d’ici à 2030. 

Le représentant de l’Équateur a salué ces deux rapports en soulignant l’importance qu’accorde son pays aux questions relatives à la nutrition.  Le droit à l’alimentation est d’ailleurs un droit fondamental reconnu par la constitution de son pays, a-t-il indiqué.  Son collègue d’El Salvador a, pour sa part, salué le leadership de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) en matière de sécurité alimentaire.

L’ECOSOC a également examiné le rapport de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) qui souligne l’importance d’une collaboration pleine et entière entre l’Assemblée et le Forum politique de haut niveau pour le développement durable.  Le Directeur du Bureau de liaison de New York du PNUE a attiré l’attention sur une nouvelle résolution du Programme qui souligne précisément les contributions importantes des travaux de l’Assemblée pour alimenter ceux du Forum.

Enfin, l’ECOSOC a pris note du rapport sur les travaux de la quinzième session (17-20 octobre 2017) du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale et de celui du Comité d’experts sur la gestion de l’information géospatiale à l’échelle mondiale, tout en adoptant les décisions y figurant.

Par une autre décision, l’ECOSOC a aussi convenu d’inviter l’organisation intergouvernementale « Inter-American Institute for Global Change Research » à participer de manière continue à ses délibérations en lui conférant le statut d’observateur.

Trois autres réunions de coordination et de d’organisation auront lieu à l’ECOSOC en juin et juillet prochains aux dates suivantes: 12-14 juin; 2-3 juillet; et 24-25 juillet.

APPLICATION ET SUIVI DES TEXTES ISSUS DES GRANDES CONFÉRENCES ET RÉUNIONS AU SOMMET ORGANISÉES PAR LES NATIONS UNIES 

APPLICATION DES RÉSOLUTIONS 50/227, 52/12 B, 57/270 B, 60/265, 61/16, 67/290 ET 68/1 DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 

Examen conjoint des points de l’ordre du jour

Présentation des rapports

M. MARIO ARVELO, Président du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), s’est déclaré « très inquiet » quant aux perspectives d’atteindre dans les délais les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  En effet, a-t-il rappelé, le rapport de 2017 sur « L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde » a indiqué que l’insécurité alimentaire avait augmenté de 38 millions de personnes entre 2015 et 2016, touchant désormais 815 millions de personnes, soit la population de 55 États Membres. 

Le Président a aussi remarqué que, principalement à cause de « conflits anthropiques » et des « changements climatiques », l’indice de la faim dans le monde avait augmenté de cinq points en 2016, qu’elle touchait en priorité les femmes et les enfants dans les pays du Sud, et obligeait des millions de gens à quitter leur pays.

Parallèlement, la malnutrition entraîne une augmentation de l’obésité et une épidémie de maladies endocriniennes, a également rappelé M. Arvelo en relevant qu’il faut du « courage politique » pour y faire face.

À propos du Forum politique de haut niveau qui se réunira en juillet, le Comité confirme qu’il préconisera trois points clefs: l’amélioration de l’accès aux ressources naturelles pour les petits producteurs, la gestion durable des ressources naturelles, comme l’eau et les forêts, et un investissement responsable et inclusif dans les systèmes alimentaires durables pour répandre l’usage de régimes alimentaires sains.

M. Arvelo a insisté que le monde ne pourra pas parvenir à la sécurité alimentaire « sans la participation active de tous les États Membres ».  « Toute personne qui ne mange pas à sa faim n’a pas la capacité d’exercer un quelconque autre droit humain.  Il nous faut prioriser la sécurité alimentaire dans tous nos débats aux Nations Unies », a-t-il conclu.

Rapport sur les principales décisions et recommandations en matière de politiques formulées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale

(A/73/69 - E/2018/48)

Le rapport donne un aperçu des principaux résultats obtenus et des principales décisions prises par le Comité à sa quarante-quatrième session, tenue en octobre 2017.  Ont notamment été approuvées des recommandations sur les politiques à mener qui viennent compléter le Plan stratégique des Nations Unies sur les forêts (2017-2030).  La discussion sur ce sujet et les recommandations qui en ont découlé se basent sur des éléments probants présentés dans le rapport intitulé « Gestion durable des forêts au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition », établi en 2017 par le Groupe d’experts de haut niveau du Comité sur la sécurité alimentaire et la nutrition.

Ces recommandations visent à renforcer la contribution de la gestion durable des forêts et des arbres à l’instauration de la sécurité alimentaire et de la nutrition tout en favorisant la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate, des objectifs qui s’inscrivent plus largement dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Ainsi, le Comité invite à: reconnaître l’importance du rôle des forêts et des arbres, faire connaître ce rôle et en encourager le renforcement, en ce qui concerne les quatre dimensions de la sécurité alimentaire et de la nutrition; se doter de connaissances et de données propres à faciliter la prise de décisions concernant les contributions directes et indirectes des forêts et des arbres à la sécurité alimentaire et à la nutrition, et les utiliser à cet effet; élaborer, mettre en œuvre et suivre des politiques visant une gestion intégrée de l’agriculture et des forêts au service d’une sécurité alimentaire et nutritionnelle améliorée et durable; et promouvoir la mise en œuvre des directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate.

Le Comité a également débattu des conclusions du rapport « L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2017 » et exprimé ses préoccupations à l’égard de la hausse du nombre de personnes souffrant d’une sous-alimentation chronique à l’échelle mondiale, puisque ce chiffre est passé de 777 millions en 2015 à 815 millions en 2016.  Cette tendance, conjuguée aux taux croissants d’excès pondéral et d’obésité, peut faire échouer les initiatives mondiales pour atteindre l’objectif 2 de développement durable et les cibles connexes d’ici à 2030.  Le Comité a réitéré son appel adressé à tous les pays pour qu’ils appliquent des cadres politiques intégrés tels que les produits du Comité en vue de réaliser les objectifs de développement durable.

Par ailleurs, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont conjointement présenté au Comité un Rapport intérimaire sur la suite donnée à la deuxième Conférence internationale sur la nutrition portant notamment sur la mise en œuvre de la Décennie d’action de l’ONU pour la nutrition.  Le Comité s’est félicité de l’annonce des premiers engagements spécifiques, mesurables, réalisables, pertinents et assortis de délais et de la création de réseaux d’action, et il a encouragé toutes les parties prenantes à redoubler d’efforts, conformément au programme de travail pour la Décennie de la nutrition.  Le Comité s’est aussi félicité de la mise à jour du Cadre stratégique mondial pour la sécurité alimentaire et la nutrition 2017 et de la déclinaison du Cadre dans un outil en ligne fonctionnel et facile à utiliser.  Enfin, le Comité a encouragé toutes les parties prenantes à prendre des mesures aux plans national, régional et mondial afin de faciliter la diffusion du Cadre et d’en promouvoir l’utilisation.

Le Comité a en outre adopté son programme de travail pluriannuel pour l’exercice biennal 2018-2019. 

Il est prévu qu’il publie tout d’abord un rapport consacré aux Partenariats multipartites pour le financement et l’amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 en 2018.  Ce document examinera le potentiel d’innovation qu’offrent les partenariats multipartites pour le financement et l’amélioration de la sécurité alimentaire et la nutrition, l’accès aux ressources, le transfert de technologies et le renforcement des capacités dans le contexte du Programme 2030.  Il tirera les enseignements d’une variété de partenariats multisectoriels actuels ou passés dans les domaines de la sécurité alimentaire et de la nutrition. 

Ensuite, en 2019, le Comité présentera un rapport sur les approches agro-écologiques et d’autres innovations pour une agriculture durable et des systèmes alimentaires qui améliorent la sécurité alimentaire et la nutrition. 

La quarante-cinquième session du Comité se tiendra du 15 au 20 octobre 2018.

Rapport du Comité permanent de la nutrition (E/2018/11)

La Coordinatrice du Comité permanent de la nutrition, Mme STINEKE OENEMA, a présenté le rapport du Comité.

C’est en avril 1977 que l’ECOSOC a créé le Sous-Comité de la nutrition, renommé par la suite Comité permanent de la nutrition qui a pour mandat de mettre l’accent sur la cohérence de la politique et l’action de sensibilisation au service de la nutrition à l’échelle mondiale. 

En 2016, le secrétariat du Comité permanent de la nutrition est passé de l’OMS (Genève) à la FAO (Rome) et M. Michel Mordasini, Vice-Président du FIDA, a été élu Président.  Cette année a également été marquée par le renouvellement du Comité qui, pour la première fois, est devenu un comité uniquement constitué de membres de l’ONU, et par l’adoption d’un nouveau Plan stratégique 2016-2020, coïncidant avec les cinq premières années de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition (2016-2025).

En 2017, le Comité a commandé le document « Gouvernance mondiale au service de la nutrition » pour mieux comprendre le paysage nutritionnel qui a considérablement évolué et son propre rôle au sein de ce paysage.  Le document du Comité intitulé « D’ici à 2030, mettre fin à toutes les formes de malnutrition et ne laisser personne de côté » est allé plus loin en établissant des liens entre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les objectifs mondiaux en matière de nutrition définis par l’Assemblée mondiale de la Santé, ainsi que les mesures prises en matière de nutrition et les acteurs concernés qui travaillent ensemble sur la nutrition dans le cadre de la Décennie pour la nutrition.

Le Comité précise dans le rapport qu’il applique une approche unifiée fondée sur le cadre des droits de l’homme, en particulier sur le droit à une alimentation suffisante et à une bonne nutrition, et il considère que l’égalité entre les sexes et la concrétisation des droits des femmes sont indispensables à la réalisation des objectifs en matière de nutrition. 

Le rapport indique que les chiffres laissent voir qu’une personne sur trois est mal nourrie, que tous les pays du monde sont concernés et que la communauté internationale n’est pas sur la bonne voie pour réaliser l’objectif de développement 2 sur la faim et la sécurité alimentaire. 

Le caractère universel du problème de la malnutrition appelle une perspective globale pour trouver des solutions qui permettront d’aller de l’avant, note le rapport.  Pour assurer la réussite de la Décennie pour la nutrition, le Comité juge nécessaire de tisser des liens entre les acteurs traditionnels et non traditionnels de la nutrition, et entre les discussions qui se tiennent dans les différents secteurs.

La Décennie pour la nutrition proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies en avril 2016 permet de diffuser plus largement ce message en appelant à 10 ans d’actions accélérées, coordonnées et mondiales en matière de nutrition en vue d’atteindre les objectifs mentionnés plus haut.  Cette mesure a fait figurer la nutrition en tête des orientations politiques du système des Nations Unies.

Pour faire en sorte que la nutrition soit pleinement intégrée aux différents processus et plateformes intergouvernementaux, en 2017, le Comité indique avoir mené des actions avec certains organismes.  Il a par exemple participé à l’Assemblée mondiale de la Santé et au Conseil de la FAO pour établir un lien entre agriculture et santé en vue de façonner un environnement alimentaire donnant de meilleurs résultats en matière de nutrition.  Le Comité a également fait partie du Groupe consultatif du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) et a été membre de la plupart de ses équipes spéciales techniques.

Le Comité a présenté un document au Forum politique de haut niveau en 2017 sur le rôle fondamental de la nutrition comme facteur de développement et accélérateur essentiel de la réalisation de l’ensemble des objectifs de développement durable.  Il a mis l’accent sur les domaines exigeant une attention urgente et sur les orientations dont le Forum a besoin pour faire avancer le programme, et il a formulé des recommandations sur les politiques pour accélérer les progrès accomplis en vue d’éradiquer la pauvreté en s’appuyant sur une approche fondée sur les droits de l’homme.  Au prochain Forum politique, le Comité entend organiser une réunion d’experts sur les liens entre la nutrition et les objectifs de développement durable.

L’une des principales réalisations de 2017 a été la publication par le Comité de la note d’orientation sur l’intégration de la nutrition dans le Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (PNUAD), qui doit permettre aux équipes de pays des Nations Unies d’être mieux préparées à prendre en compte la problématique de la nutrition dans leur planification et leur programmation, et à examiner les risques et les possibilités liés à la nutrition dans l’analyse commune de pays. 

Pour pérenniser les résultats de la Décennie pour la nutrition, la communauté mondiale doit adopter une vision à long terme et s’adapter au paysage nutritionnel en constante évolution.  C’est pourquoi le Comité rassemble des idées nouvelles et émergentes provenant de plusieurs sources pour alimenter les débats contribuant à la convergence et à la cohérence des politiques sur les changements climatiques et la nutrition, par exemple. 

Le rapport souligne encore que les régimes alimentaires mauvais pour la santé font partie des principaux facteurs de risque contribuant au fardeau mondial de la maladie et sont la cause d’environ un quart des décès à travers le monde.  Les maladies non transmissibles sont la principale cause de mortalité à l’échelle mondiale et sont responsables de 70% des décès dans le monde, soit 40 millions de personnes. 

Pour enrayer ces tendances, le Comité a rassemblé les travaux relatifs à la nutrition de l’Équipe spéciale interorganisations pour la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles, puis a élaboré un plan de travail et des résultats quantifiables.  Pour aller plus loin, en 2018, les secrétariats de l’Équipe spéciale interorganisations et du Comité uniront leurs efforts, en particulier pour soutenir la troisième Réunion de haut niveau sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles qui sera organisée en 2018 par l’Assemblée générale des Nations Unies.

Discussion générale

Le représentant de l’Équateur a salué ces deux rapports en soulignant l’importance des questions de nutrition.  Il a d’ailleurs dit que le droit à l’alimentation est un droit fondamental reconnu par la constitution de son pays. 

M. Arvelo du CSA a salué une telle initiative qui est du reste mise en œuvre dans son propre pays, la République dominicaine.  Mme Oenema du Comité permanent de la nutrition a pour sa part salué le rôle de chef de file de l’Équateur qui fut l’un des premiers pays ayant soumis des engagements dans le cadre de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition (2016-2025).

Le représentant du Soudan a souhaité que les États Membres œuvrent à faire mieux connaître le Comité pour la sécurité alimentaire mondiale.  Il les a également conviés à mettre sur pied des politiques nationales de promotion de la sécurité alimentaire et à trouver des moyens novateurs de mobilisation des fonds pour réaliser l’objectif de la sécurité alimentaire.  Le Soudan a aussi rappelé avoir lancé, en 2014, l’initiative de la sécurité alimentaire dans le monde arabe, avant d’appeler les agences onusiennes à le soutenir dans cette entreprise.

Pour le délégué de l’Allemagne, le travail du CSA est fondamental pour le développement durable.  Le représentant s’est félicité du rapport du Comité permanent de la nutrition et souligné que la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition est un cadre idoine pour faire des progrès.

De son côté le représentant d’El Salvador s’est félicité que le Groupe de travail sur l’agriculture informelle et le groupe de travail sur la condition de la femme aient pu dégager des synergies.  Il a salué la sensibilisation qui est faite au niveau du Siège des Nations Unies à New York sur les activités des agences de Rome, non sans avoir salué le leadership de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) en matière de sécurité alimentaire.

Le Président du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, qui est également originaire de la région, a aussi salué l’engagement de la CELAC qui entend éliminer la faim et toutes les formes de malnutrition en 2025, soit cinq ans avant la date butoir fixée par la communauté internationale. 

Le représentant de l’OMS, parlant également au nom de la FAO, du FIDA et du PAM, a salué les activités que mènent ces agences dans le cadre de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition.  Il a annoncé la publication prochaine du premier rapport sur la décennie, saluant en outre l’initiative que le Costa Rica va bientôt lancer dans le cadre de la sécurité alimentaire.

L’ECOSOC a ensuite pris note des recommandations en matière de politiques formulées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale telles que contenues dans le rapport (E/2018/47), avant de prendre note du rapport du Comité permanent de la nutrition (E/2018/11). 

QUESTIONS RELATIVES À L’ÉCONOMIE ET À L’ENVIRONNEMENT

Présentation du rapport A/73/25

M. JAMIL AHMAD, Directeur du bureau de liaison de New York du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a présenté les grandes lignes du rapport de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement du PNUE (A/73/25), qui souligne l’importance d’une collaboration pleine et entière entre l’Assemblée et le Forum politique de haut niveau pour le développement durable.  Il a attiré l’attention sur une nouvelle résolution du PNUE qui souligne précisément les contributions importantes des travaux de l’Assemblée pour alimenter ceux du Forum.

La troisième session de l’Assemblée s’est tenue au siège du PNUE, à Nairobi, du 4 au 6 décembre 2017 sur le thème « Vers une planète sans pollution ».  Outre 157 États Membres, des États observateurs, des organes des Nations Unies, des institutions spécialisées et des organisations apparentées, des organisations intergouvernementales et un certain nombre d’organisations non gouvernementales et d’organisations de la société civile étaient représentées.

Sur proposition du Président, l’Assemblée a salué les plus de 2,3 millions de promesses signées par des particuliers à travers le monde portant sur la prise de mesures pour réduire la pollution dans le cadre de la campagne « #BeatPollution » du PNUE.  Ces promesses étaient le fruit d’une initiative lancée et présentée par deux jeunes.

La Déclaration ministérielle adoptée par l’Assemblée appelle à agir dans les huit domaines importants, a indiqué le directeur en citant l’investissement dans la recherche scientifique et la collecte des données; l’amélioration de la communication avec le public et la transparence; la promotion des décisions basées sur des critères scientifiques dans les secteurs publics et privés; la coopération multilatérale; la promotion d’une croissance économique tournée vers le développement durable; des modes de vie moins gourmands en énergie; la promotion du recyclage des déchets domestiques et chimiques; et enfin, à l’échelon local, le travail avec les autorités en promouvant un urbanisme durable pour contrer la pollution. 

L’Assemblée, a indiqué M. Ahmad, a aussi adopté huit résolutions qui appellent à accélérer le rythme des actions à mener et à renforcer les partenariats sur les domaines clefs de la lutte contre la pollution.

Le directeur a également attiré l’attention sur un point que le rapport souligne: le rôle crucial de l’ECOSOC dans l’intégration des travaux de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement à l’échelle du système des Nations Unies.

Discussion générale

Le délégué d’El Salvador a fait part de son inquiétude au sujet de la non représentation des pays n’ayant pas d’ambassadeurs à Nairobi aux travaux du PNUE.  Il a également demandé sur quoi porterait la quatrième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement du PNUE, ce à quoi M. Jamil, du PNUE a répondu en donnant le prochain thème: « la production durable ».  Des informations supplémentaires à cet effet seront disponibles ultérieurement. 

L’ECOSOC a ensuite pris note du rapport de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement du Programme des Nations Unies pour l’environnement (A/73/25).

Coopération internationale en matière fiscale

L’ECOSOC a pris note du rapport sur les travaux de la quinzième session (17-20 octobre 2017) du Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale (E/2018/45).  Il a aussi entériné la décision du Comité concernant son ordre du jour provisoire pour les travaux de sa seizième session et les dates et lieu de cette session, à savoir New York du 14 au 17 mai 2018.

Information géospatiale

Par une autre décision, l’ECOSOC a pris note du rapport sur les travaux de la septième session (2-4 août 2017) du Comité d’experts sur la gestion de l’information géospatiale à l’échelle mondiale (E/2017/46).  Par la même décision, il a décidé que la huitième session du Comité d’experts se tiendra au Siège de l’ONU, à New York, du 1er au 3 août 2018, en approuvant l’ordre du jour provisoire et la documentation de ladite session.

Assistance aux États tiers touchés par l’application de sanctions

La présidente de séance et Vice-Présidente de l’ECOSOC, Mme INGA RHONDA KING, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, a expliqué qu’aucune documentation n’a été soumise à l’ECOSOC sur ce point de son ordre du jour.

Adoption de l’ordre du jour et autres questions d’organisation:

L’ECOSOC a statué sur une demande d’octroi du statut d’observateur présentée par l’organisation intergouvernementale « Inter-American Institute for Global Change Research », en adoptant la décision proposée par la Présidente de l’ECOSOC, Mme Marie Chatardová (Tchéquie).

En adoptant la décision E/2018/L.7, l’ECOSOC a ainsi convenu d’inviter « Inter-American Institute for Global Change Research » à participer de manière continue à ses délibérations, conformément à l’article 79 de son Règlement intérieur.

Cette organisation intergouvernementale a été créée lors de la Conférence sur la recherche scientifique et économique liée aux changements mondiaux (Conference on Science and Economics Research Related to Global Change) organisée par la Maison Blanche en 1990.  Ayant son siège en Uruguay, l’Institut compte 19 pays membres américains et constitue un réseau régional de collaboration pour les organismes de recherche. 

L’Institut a parmi ses objectifs: favoriser la coopération régionale en matière de recherche interdisciplinaire sur les aspects des changements à l’échelle planétaire relevant des sciences de la terre, de l’océan, de l’atmosphère, de l’environnement et des sciences sociales; diriger, ou sélectionner pour les parrainer, des projets et programmes scientifiques choisis sur la base de leur pertinence à l’échelle régionale et de leur valeur scientifique, suivant une évaluation scientifique; ou encore sensibiliser davantage le public et mettre à la disposition des gouvernements des informations scientifiques pour leur permettre d’élaborer des politiques publiques relatives aux changements à l’échelle planétaire.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Attaque de Salisbury: la Fédération de Russie rejette les conclusions du Royaume-Uni et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques

8237e séance – après-midi
CS/13304

Attaque de Salisbury: la Fédération de Russie rejette les conclusions du Royaume-Uni et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques

Pour la troisième fois depuis l’attaque menée le 4 mars dernier à Salisbury, au Royaume-Uni, contre deux ressortissants russes, M. Sergei Skripal et sa fille Yulia, à l’aide d’un agent neurotoxique, le Conseil de sécurité s’est penché, cet après-midi, sur cette affaire, à la demande du Royaume-Uni.  La Secrétaire générale adjointe et Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, a transmis au Conseil les informations reçues de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), laquelle a confirmé la thèse des autorités britanniques.  Pendant cette séance, la représentante du Royaume-Uni a continué d’imputer la responsabilité de l’empoisonnement à la Fédération de Russie.  Son homologue russe a de son côté clamé haut et fort son innocence.

Le 14 mars, le Royaume-Uni avait déjà porté l’affaire devant le Conseil de sécurité, estimant que cette agression -opérée avec un neurotoxique issu d’une classe d’agents de guerre chimiques appelée « Novitchok » et de conception soviétique– indiquait, selon la Première Ministre britannique, Mme Theresa May, que la Fédération de Russie est « très probablement » à l’origine de l’empoisonnement.  Le 5 avril, le Conseil de sécurité s’était de nouveau réuni, à la demande cette fois de la Fédération de Russie, qui, accusée par le Royaume-Uni, a véhémentement nié toute implication de son pays dans cette attaque. 

Le 12 avril, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, saisie par le Royaume-Uni en vertu de l’article 8 de la Convention sur les armes chimiques, a rendu public un résumé de son rapport.  L’OIAC, a rapporté Mme Nakamitsu, a conclu que les résultats des analyses des échantillons biomédicaux et environnementaux conduites par les laboratoires qu’elle a désignés indiquent que M. Skripal et sa fille, ainsi qu’un officier de police, ont bien été exposés au produit neurotoxique identifié par le Royaume-Uni.  Ce produit était « très pur », a précisé la Haut-Représentante. 

Mme Nakamitsu a ajouté que, lors d’une réunion de son Conseil exécutif, le Directeur général de l’OIAC avait assuré, aujourd’hui, que les travaux menés par son équipe technique sur le terrain, entre le 19 et le 23 mars, l’avaient été de façon indépendante, en dehors de l’enquête interne du Royaume-Uni.

Les conclusions de l’OIAC confirment celles de mon pays sur l’utilisation d’un agent neurotoxique très pur à Salisbury et sa concentration sur la poignée de porte des Skripal, a déclaré la représentante du Royaume-Uni.  Il s’agit du Novitchok dont nous avions parlé, a-t-elle poursuivi, précisant qu’elle utilisait la terminologie russe, à la différence de l’OIAC, mais qu’il s’agissait bien du même produit. 

La Russie a stocké du Novitchok et n’a pas déclaré ses stocks auprès de l’OIAC, a insisté la représentante, accusant donc ce pays de n’avoir pas respecté ses obligations au titre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.  Elle a ajouté que le Président Putin lui-même avait été impliqué dans le programme d’armes chimiques, assurant qu’aucun acteur non étatique ne pourrait fabriquer un produit aussi pur.

« À Londres, on pense apparemment que le Président russe peut mener pendant son temps libre un programme chimique », a rétorqué le représentant de la Fédération de Russie.  « Vous devriez plutôt remercier notre président de faire preuve de tant de retenue », a-t-il ironisé.  D’après lui, il n’y a « rien » dans le rapport de l’OIAC qui aiderait la partie britannique à justifier sa position faussée.  Le rapport, a-t-il souligné, ne fait que confirmer que « cette substance aurait pu être produite dans tout laboratoire doté des substances et des capacités nécessaires ». 

« Nous ne vous laisserons pas vous défiler », a prévenu le représentant russe, pour qui le Royaume-Uni s’attèle à faire disparaître toutes les preuves.  Il a dénoncé en outre le refus d’un accès consulaire à Sergei et Yulia Skripal, ressortissants russes, « alors qu’une tentative d’assassinat ayant un caractère terroriste » a été commise à leur encontre.  Concernant la demande de protection consulaire formulée par la Russie auprès de Yulia Skripal, Mme Pierce a affirmé que celle-ci l’avait déclinée pour le moment.  Les Skripal ont exceptionnellement bien réagi aux soins qu’ils ont reçus, le Novitchok attaquant le système nerveux et entraînant maladie et hallucinations, a-t-elle ensuite annoncé.

Faisant référence à l’attaque chimique alléguée en Syrie la semaine dernière, M. Nebenzia a déclaré que « Salisbury et Douma sont liés: dans les deux cas, il s’agit d’une provocation et on accuse la Russie pour la discréditer ».  Et il a averti: « Il n’y aura pas d’impunité.  Les responsables de ces provocations devront être punis. »

À l’opposé, la représentante des États-Unis a déclaré que « Douma et Salisbury sont les deux incidents les plus récents qui nous rappellent que ce sont là des armes de terreur ».  « Si les armes chimiques peuvent apparaître dans une petite ville d’Angleterre, où peuvent-elles apparaître demain? » a-t-elle demandé.  L’OIAC a établi un rapport indépendant qui confirme l’analyse du Royaume-Uni, a relevé la représentante, pour qui l’attaque de Salisbury est un acte qui fait fi du consensus international sur l’interdiction d’utiliser des armes chimiques. 

Pour sa part, le représentant du Kazakhstan a déploré que l’esprit de confrontation et la polarisation prévalent au Conseil et aient conquis d’autres enceintes, « y compris à La Haye », où, a-t-il estimé, les membres de la Convention sur les armes chimiques sont eux aussi divisés.  À l’instar de la Guinée équatoriale, il a appelé les parties concernées à la retenue.

LETTRE DATÉE DU 13 MARS 2018, ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ, PAR LE CHARGÉ D’AFFAIRES PAR INTÉRIM DE LA MISSION PERMANENTE DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2018/218)

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe et Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, a expliqué au Conseil de sécurité qu’en l’absence de moyens propres aux Nations Unies, elle transmettait les informations reçues de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  Le Royaume-Uni, a-t-elle rappelé, a requis l’assistance technique de l’OIAC en vertu de l’article VIII de la Convention sur les armes chimiques, dans l’incident qui s’est produit à Salisbury, le 4 mars dernier, et a impliqué un agent neurotoxique.

Le Directeur général de l’OIAC a donc décidé de dépêcher au Royaume-Uni une équipe afin de mener une visite d’assistance technique, a expliqué Mme Nakamitsu. 

Au cours de son déploiement, entre le 19 et le 23 mars dernier, l’équipe a reçu des informations relatives à la santé des trois individus affectés par l’agent contaminant et collecté des échantillons de sang, qu’elle a envoyés au laboratoire du l’OIAC, puis à d’autres laboratoires désignés par l’OIAC pour des analyses supplémentaires. 

Par ailleurs, a poursuivi la Haut-Représentante, l’équipe en question a mené un échantillonnage environnemental, tout en continuant d’assurer la traçabilité des éléments de preuve. 

L’équipe a reçu des informations concernant le produit chimique toxique identifié par le Royaume-Uni.  Elle a analysé les résultats provenant de l’analyse chimique des échantillons biomédicaux et des échantillons environnementaux collectés sur le site par les autorités britanniques. 

L’OIAC a conclu que les résultats des analyses des échantillons biomédicaux conduites par les laboratoires qu’elle a désignés indiquent que les trois individus ont été exposés à ce produit toxique. 

De plus, les résultats des analyses des échantillons environnementaux ont montré que ce produit chimique toxique était présent dans les échantillons collectés, a rapporté la Haut-Représentante.  Ils confirment les conclusions du Royaume-Uni quant à l’identité du produit neurotoxique utilisé le 4 mars, à Salisbury. 

En outre, a souligné Mme Nakamitsu, le produit chimique en question était « très pur ».

Sur la base des analyses menées par quatre laboratoires, le Secrétariat technique de l’OIAC a élaboré un rapport qui a été envoyé au Royaume-Uni, et, sur sa demande, à tous les autres États parties à la Convention, le 12 avril.  L’OIAC a également rendu public un résumé dudit rapport.

Mme Nakamitsu a informé que le Secrétaire général de l’OIAC a assuré aujourd’hui que la capacité et la fiabilité techniques des laboratoires désignés par l’Organisation ont fait l’objet d’examens approfondis et réguliers au fil des ans.  Les travaux menés par l’équipe de visite l’ont été de façon indépendante, sans l’implication d’autres États parties et en dehors de l’enquête interne du Royaume-Uni.

« L’emploi d’agents neurotoxiques ou toute arme chimique est inacceptable et représente une grave violation du droit international », a conclu Mme Nakamitsu.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que le rapport de l’OIAC avait été distribué sans amendements des États parties.  Les conclusions de l’OIAC confirment celles de mon pays sur l’utilisation d’un agent neurotoxique très pur à Salisbury et sa concentration sur la poignée de porte des Skripal, a-t-elle dit.  Il s’agit du Novitchok dont nous avions parlé, a-t-elle poursuivi, précisant qu’elle utilise la terminologie russe, à la différence de l’OIAC, mais qu’il s’agissait bien du même produit. 

Sa pureté suggère que ce produit a été fabriqué par un laboratoire très sophistiqué, a poursuivi la représentante, en notant que ni l’OIAC ni les laboratoires britanniques n’identifiaient un pays ou un laboratoire responsable.  Néanmoins, a-t-elle ajouté, d’après le Royaume-Uni, c’est bien la Russie qui est derrière l’attaque de Salisbury.  Seul ce pays dispose des moyens techniques et opérationnels et d’un mobile », a-t-elle accusé, en citant un ensemble de sources fiables et de renseignements. 

Mme Pierce a ainsi déclaré que l’URSS avait élaboré du Novitchok, qui appartient à la famille des défoliants, pour contourner les contrôles de l’Occident et de l’OIAC.  La Russie a stocké du Novitchok et n’a pas déclaré ses stocks auprès de l’OIAC, a-t-elle déclaré, accusant donc ce pays de n’avoir pas respecté ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques.  La représentante a ajouté que le Président Putin lui-même avait été impliqué dans le programme d’armes chimiques, assurant qu’aucun acteur non étatique ne pourrait fabriquer un produit aussi pur.

Mme Pierce a ensuite mentionné les meurtres commis par la Russie à l’étranger, mentionnant l’empoisonnement mortel d’Alexandre Litvinenko au polonium par le FSB -les services secrets russes-, qui a, selon elle, sûrement été approuvé par le Président Putin.  La Russie a aussi des motifs pour tuer Sergei Skripal, qui est un ancien agent du GRU -les services secrets militaires russes- condamné pour espionnage en 2006.  Il est fort probable qu’il était une cible pour les services secrets russes, a estimé Mme Pierce. 

Concernant la demande de protection consulaire formulée par la Russie auprès de Yulia Skripal, Mme Pierce a affirmé que celle-ci l’avait déclinée pour le moment.  Les Skripal ont exceptionnellement bien réagi aux soins qu’ils ont reçus, le Novitchok attaquant le système nerveux et entraînant maladie et hallucinations, a-t-elle ensuite annoncé.

La représentante a insisté sur la complexité de l’enquête, expliquant que 250 détectives y participaient, avant d’indiquer qu’il faudrait plusieurs mois pour décontaminer le site à Salisbury, lequel ne sera plus accessible avant la fin de la décontamination.  Mme Pierce a jugé absurde l’accusation selon laquelle Yulia Skripal aurait été empoisonnée par le Royaume-Uni.  Cela se produit peut-être en Russie mais pas dans mon pays, a-t-elle assuré. 

Le Ministre des affaires étrangères russe, M. Sergey Lavrov, ayant parlé récemment de l’utilisation d’un agent nommé BZ, Mme Pierce a ensuite expliqué que le Directeur général de l’OIAC avait dit qu’un échantillon distinct de ceux prélevés sur les corps et dans l’environnement des Skripal, et qui contenait du BZ, avait été transféré aux fins d’analyse à un laboratoire.  C’est ce qu’on appelle un échantillon de contrôle, qui est une pratique suivie dans ce type d’analyse, a expliqué la représentante.  Contrairement à ce qu’a pu affirmer le Ministre des affaires étrangères russe, aucun échantillon de BZ n’a été retrouvé à Salisbury, a affirmé Mme Pierce, qui s’est interrogée sur les raisons qui avaient pu pousser M. Lavrov à mentionner la présence de BZ. 

La Russie continue de chercher à participer à l’enquête indépendante du Royaume-Uni, a poursuivi Mme Pierce, y voyant là l’agissement d’un pompier pyromane.  La représentante a toutefois assuré que son pays répondrait à la demande de la Russie formulée dans le cadre de l’article 9 de la Convention sur les armes chimiques, ajoutant toutefois que le Royaume-Uni disposait, aux termes de la Convention, de 10 jours pour ce faire, jusqu’à demain donc, ce qui explique qu’il ne l’ait pas encore fait, même si la Russie avait demandé des réponses pour le 17 avril.  Nous partagerons notre réponse avec tous les États parties à la Convention et, si celle-ci le permet, avec tous les membres du Conseil de sécurité, a conclu la déléguée. 

M. JUAN MARCELO ZAMBRANA TORRELIO (Bolivie) a déclaré que, face aux allégations récentes concernant l’utilisation d’armes ou d’agents chimiques, il fallait en priorité préserver la crédibilité de la Convention sur les armes chimiques, en s’assurant notamment que toute enquête faisant suite à de telles allégations soit menée en accord avec les dispositions de cet instrument.  Cela suppose, a-t-il ajouté, que ces enquêtes soient réalisées de façon « approfondie », « impartiale » et « objective », afin de parvenir à des conclusions basées sur des preuves « fiables ».  Il est également très important, a ajouté le représentant, que les pays concernés aient recours aux canaux diplomatiques de rigueur, afin de garantir le respect du principe de coopération bilatérale, en vue de parvenir à une solution par la voie du dialogue.

Pour Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis), « nous faisons face à une réalité effrayante ».  « Si les armes chimiques peuvent apparaître dans une petite ville d’Angleterre, où peuvent-elles apparaître demain? » a-t-elle demandé.  L’OIAC a établi un rapport indépendant qui confirme l’analyse du Royaume-Uni, a relevé la représentante, pour qui l’attaque de Salisbury est un acte qui fait fi du consensus international sur l’interdiction d’utiliser des armes chimiques. 

Les États-Unis, a rappelé Mme Haley, partagent l’analyse du Royaume-Uni sur la responsabilité de la Fédération de Russie.  Faisant allusion à la récente attaque présumée à l’arme chimique en Syrie, la représentante a déclaré que « Douma et Salisbury sont les deux incidents les plus récents qui nous rappellent que ce sont là des armes de terreur ».  Elle a fermement condamné l’utilisation d’un agent neurotoxique russe sur le sol d’un autre État Membre.

« L’utilisation d’armes de destruction massive ne doit pas devenir routinière », a insisté la représentante.  Il nous faut adopter une position ferme, sinon, a-t-elle averti, « la prochaine attaque nous attend, auquel cas il sera trop tard pour les victimes et les survivants ».  C’est là une question de morale fondamentale, a-t-elle conclu.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé que la France avait soutenu le Royaume-Uni depuis le début dans cette affaire.  Il a de nouveau exprimé sa solidarité avec le Royaume-Uni, partageant sans réserve son analyse et saluant sa « volonté de transparence ». 

Constatant que les résultats de l’OIAC, « tels qu’ils nous ont été exposés, confirment les conclusions britanniques », M. Delattre a déclaré que la France souscrivait aux conclusions de l’enquête de l’OIAC.  Elle invite de nouveau la Russie à répondre aux interrogations des Britanniques et lui demande « d’apporter toutes les clarifications nécessaires » sur le développement d’un éventuel programme d’armes chimiques à l’échelle de l’État.

Dressant un parallèle entre l’attaque de Salisbury et celle ayant frappé la ville de Douma dans le cadre du conflit syrien, M. Delattre a rappelé que la France avait lancé, au mois de janvier, un partenariat pour bannir l’emploi des armes chimiques, auquel 28 pays avaient déjà adhéré, « dont quatre cette dernière semaine ».

La multiplication des attaques chimiques soulève « le risque d’une terrible régression pour nous tous », a insisté le représentant.  Pour lui, « ceux qui bloquent notre action et qui trichent avec leurs engagements, qui pratiquent délibérément des campagnes de désinformation et de manipulation des faits, visant à diviser et désorienter les opinions publiques, prennent la responsabilité d’une grave banalisation de l’emploi d’armes chimiques » et contribuent au risque de mettre à bas le régime de non-prolifération dont ils devraient être les garants.  M. Delattre a conclu en déclarant que la France, « marquée dans sa chair par les effets dévastateurs des armes chimiques au cours du premier conflit mondial, ne tolérera jamais que leur emploi reste impuni ».

M. MA ZHAOXU (Chine) s’est dit opposé à l’emploi d’armes chimiques en toutes circonstances.  Notant que les parties concernées n’étaient pas arrivées à des conclusions acceptables pour tous, le délégué a souligné la nécessité d’une enquête impartiale et complète.  Il a demandé pour cela une collecte de preuves irréfutables.  « Nous devons élucider les faits », a-t-il dit.  Enfin, le représentant a exhorté les parties à rejeter la mentalité de la guerre froide et à coopérer.  Les membres du Conseil doivent rester unis, a-t-il conclu. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne), réitérant ses préoccupations face à l’utilisation d’un agent neurotoxique, a salué le rapport de l’OIAC, qui confirme les conclusions du laboratoire britannique et demandé à la Russie de « répondre aux demandes légitimes du Royaume-Uni ».  Il est hautement probable que le Gouvernement de la Fédération de Russie soit responsable de cet incident, a-t-il estimé.  Pour la Pologne, la Russie doit informer l’OIAC de tout programme pertinent lié à cette affaire.  C’est là un exemple parmi d’autres de violation du droit international et des dispositions de la Convention sur les armes chimiques, a conclu le représentant. 

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) a dit accorder une attention particulière aux suites de l’enquête menée par les autorités britanniques, en vue de faire définitivement la lumière sur cet incident.  Le représentant a invité les différentes parties prenantes à faire preuve de retenue et à collaborer, conformément à leurs obligations internationales.  Condamnant tout recours à l’arme chimique, il a salué les efforts collectifs en cours pour mettre en place un mécanisme de responsabilisation à l’encontre des utilisateurs d’armes chimiques.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a constaté que le rapport de l’OIAC montrait que cette organisation et le Royaume-Uni confirmaient tous deux l’utilisation d’un produit chimique toxique à Salisbury, estimant que cela constituait déjà un signe alarmant exigeant une enquête transparente. 

Malheureusement, a poursuivi le représentant, l’utilisation d’armes chimiques est devenue une priorité dans le programme de travail du Conseil de sécurité.  Or, cette même question est aussi le talon d’Achille du Conseil, d’autant qu’il est de plus en plus difficile de se faire un jugement car nous ne sommes pas des experts en substances chimiques dans ce cas particulier, a ajouté M. Umarov.  Il est également difficile de maintenir un dialogue constructif et de faire preuve de bonne volonté afin de trouver une solution équilibrée et consensuelle à cause de la politisation qui entoure cette question, a regretté le représentant. 

M. Umarov a ainsi déploré que l’esprit de confrontation et la polarisation prévalent au Conseil et aient conquis d’autres enceintes, « y compris à La Haye », où, a-t-il estimé, les membres de la Convention sur les armes chimiques sont aussi divisés et font face à des obstacles pour tenir des discussions purement professionnelles et techniques sur ces préoccupations hautement importantes. 

Le Kazakhstan escompte une enquête complète, objective et transparente sur cet incident conformément aux normes du droit international, a encore déclaré le représentant, qui a appelé les parties concernées à la retenue et à ne pas prendre de mesures hâtives sans donner des preuves irréfutables et complètes de l’implication ou de la culpabilité d’une partie ou de l’autre. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a déclaré, « comme sa collègue britannique », qu’il était « hautement probable » que la Russie soit responsable de l’attaque de Salisbury.  Il n’y a pas d’autre scénario possible, a-t-il poursuivi.  Le représentant a dit sa confiance dans les travaux de l’OIAC sur l’identité de l’agent neurotoxique utilisé à Salisbury.  Il a enfin exhorté la Russie à répondre aux questions du Royaume-Uni, avant de fermement condamner l’emploi d’armes chimiques. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué le rapport établi par l’OIAC suite aux analyses des échantillons menées par ses laboratoires.  Le rapport démontre que les individus en question ont été exposés à des agents chimiques très purs dont nous devons condamner l’utilisation, a-t-il insisté.  Il faut trouver une solution pour identifier l’auteur ou les auteurs de l’utilisation de ces produits et les sanctionner « sans hésiter ». 

Le représentant a demandé aux Gouvernements russe et britannique de faire montre de retenue et les a engagés à trouver une solution pour apaiser cette crise diplomatique.  En conclusion, il a rejeté l’utilisation, le stockage, la mise au point et la distribution d’armes chimiques où que ce soit et par qui que ce soit, et a insisté sur la nécessité de créer un mécanisme indépendant et professionnel à cette fin. 

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a souligné que le travail de l’OIAC s’était limité à identifier le produit utilisé à Salisbury mais pas le pays responsable de l’attaque.  Il a demandé la conduite d’une enquête approfondie et indépendante, avant de dénoncer l’emploi d’armes chimiques, en toutes circonstances.  « Nous devons coopérer et respecter les règles que nous nous sommes fixées », a recommandé le délégué.

Après avoir condamné une nouvelle fois l’attaque de Salisbury, Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a exhorté la Fédération de Russie à changer son fusil d’épaule et à coopérer pleinement.  Choquée par cette attaque commise avec une arme chimique sur le sol britannique, la représentante a renouvelé sa solidarité avec le Royaume-Uni et souscrit aux conclusions de l’Union européenne du 22 mars dernier.  Elle a aussi rappelé que l’enquête indépendante de l’OIAC confirme les conclusions des autorités anglaises: l’attaque contre Mme Yulia Skripal et M. Sergei Skripal avait été menée en utilisant du Novitchok.  « Ce fait est maintenant au-dessus de tout soupçon. »

La Fédération de Russie doit coopérer, a-t-elle demandé en soulignant que, comme le rapport de l’OIAC l’a rendu plus évident qu’auparavant, il est très probable que la Russie soit responsable de l’attaque.  Il n’y a pas d’autre explication plausible, selon elle.  La représentante n’a pas jugé utile que ce pays continue à diffuser une version alternative, non plausible, des événements de Salisbury.  « Nous n’approuvons pas les tentatives de la Fédération de Russie, à l’OIAC et ailleurs, de créer des obstacles procéduraux », a-t-elle lancé, souhaitant que les autorités britanniques puissent effectuer leur suivi de cette attaque chimique sur leur sol. 

Pour arriver à résoudre cette question, Mme Gregoire Van Haaren a demandé à la Fédération du Russie de donner au Royaume-Uni toutes les informations relatives aux questions en suspens sur les événements de Salisbury.  Elle l’a aussi appelée à coopérer aux efforts pour traduire devant la justice les responsables, avant d’exiger qu’elle donne à l’OIAC toutes les informations sur son programme sur le Novitchok. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souhaité un prompt rétablissement aux victimes de l’attaque de Salisbury.  Le délégué a condamné l’usage d’armes chimiques en toutes circonstances et exprimé sa solidarité avec le Royaume-Uni.  Enfin, il a exhorté les parties concernées à coopérer aux enquêtes de l’OIAC. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit n’avoir rien entendu de nouveau aujourd’hui, ajoutant en ironisant qu’on n’en était plus à Alice au pays des merveilles, mais à « Alice qui se regarde dans un miroir ».  Nos partenaires occidentaux ne cherchent pas à obtenir la vérité, s’est plaint le représentant, pour qui le Royaume-Uni n’a pas attendu de recevoir de réponses aux questions qu’il avait lui-même posées.  « N’hésitez pas à nous poser des questions aujourd’hui », a-t-il lancé. 

Pour M. Nebenzia, il n’y a « rien » dans le rapport de l’OIAC qui aiderait la partie britannique à justifier sa position faussée.  Le rapport, a-t-il souligné, ne fait que confirmer que « cette substance aurait pu être produite dans tout laboratoire doté des substances et des capacités nécessaires ».  La formule de cette substance est connue depuis 1998, elle est listée par le Centre de recherche pour la défense des États-Unis et une recherche sur Google du mot clef « Novitchok » révèle que plus de 140 brevets existent pour des antidotes, a-t-il affirmé. 

Selon le représentant, « il reste toujours autant de points flous dans cette histoire » et l’incertitude ne fait qu’augmenter.  Il a cité la déclaration faite aujourd’hui par le représentant du Royaume-Uni au Conseil exécutif de l’OIAC, lui reprochant de reprendre « les mêmes accusations infondées ».  « Tout cela nous rappelle tristement l’affaire Litvinenko », a poursuivi M. Nebenzia.  Affaire dans laquelle, a-t-il rappelé, les Britanniques avaient interdit aux experts de l’OIAC de mentionner le type d’assistance technique demandée et d’identifier la substance chimique.

Comme les règles ne l’autorisent pas à parler de ce qu’il y a dans l’actuel rapport de l’OIAC, M. Nebenzia a annoncé qu’il parlerait de ce qui ne s’y trouve pas.  « Ce qui est absent du présent rapport, c’est toute mention de la Fédération de Russie et des facteurs d’empoisonnement des trois individus », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il n’y était fait aucune mention des soins qui leur sont prodigués ni de la façon dont la substance toxique aurait pu être trouvée en haute concentration près de trois semaines après l’incident, ou encore pourquoi elle n’a pas été létale. 

« Ne trouvez-vous pas étrange qu’on ne présente pas les raisons pour lesquelles on ne trouve pas dans les échantillons de sang une substance neurotoxique? » a demandé le représentant.  Pour lui, « il est fort probable qu’avant qu’on ne récolte les échantillons de sang, on ait injecté les échantillons dans le corps des victimes pendant qu’elles étaient dans le coma; voilà pourquoi cet agent n’a pas eu le temps de réagir ».  Les experts disposeraient-ils de substances toxiques comme le A234 qui ne sont pas sur les listes de l’OIAC? a-t-il également demandé. 

Le Royaume-Uni et ses alliés ne cherchent pas à faire preuve de professionnalisme et les experts continuent de contredire la version britannique, a poursuivi M. Nebenzia.  « Tout doute de la bonne volonté des États parties de respecter la Convention sur les armes chimiques doit être régi conformément à l’article 9 de la Convention », a-t-il fait valoir.  Il a indiqué que la Fédération de Russie lancerait une enquête indépendante au titre du point 2 de l’article 9 et que des questions avaient été envoyées le 13 avril au Royaume-Uni par le truchement du Secrétariat technique de l’OIAC. 

M. Nebenzia a dénoncé une « guerre de désinformation » menée par le Royaume-Uni contre la Russie dans le cadre de l’affaire dite Skripal et les contradictions qui découlent des analyses évoquées.  Aux 47 questions envoyées, il a dit n’avoir reçu pour l’instant que deux réponses partielles. 

« Nous ne vous laisserons pas vous défiler », a prévenu le représentant, pour qui le Royaume-Uni s’attèle à faire disparaître toutes les preuves.  On a notamment fait disparaître les animaux dans la maison de Sergei Skripal, a-t-il accusé, dénonçant en outre le refus d’un accès consulaire à Sergei et Yulia Skripal, ressortissants russes, « alors qu’une tentative d’assassinat ayant un caractère terroriste » a été commise à leur encontre. 

« Nous n’accepterons pas les résultats de quelque enquête que ce soit sans que soit réalisé notre accès consulaire à ces citoyens et à toutes les informations », a averti M. Nebenzia.  Après les accusations de la représentante britannique directement à l’encontre du Président Putin de Russie, il a constaté ironiquement que, « à Londres, on pense apparemment que le Président russe peut mener pendant son temps libre un programme chimique ».  « Londres a dépassé les limites », s’est indigné M. Nebenzia, qui a ajouté: « Vous devriez plutôt remercier notre président de faire preuve de tant de retenue. »

Faisant à son tour référence à l’attaque chimique alléguée en Syrie, M. Nebenzia a déclaré que « Salisbury et Douma sont liés: dans les deux cas, il s’agit d’une provocation et on accuse la Russie pour la discréditer ». 

En conclusion, le représentant a dit attendre avec impatience « la suite de cette série ».  Se réservant le droit de convoquer également une nouvelle séance du Conseil de sécurité, il a averti en conclusion: « Nous allons demander de votre part la vérité.  Nous sommes d’accord sur un point: il n’y aura pas d’impunité.  Les responsables de ces provocations devront être punis. »

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit préoccupé par l’utilisation d’un agent chimique létal dans un lieu public au Royaume-Uni, qui a mis gravement en danger la vie d’au moins trois personnes.  Réaffirmant la solidarité de son pays envers la population potentiellement exposée à cet agent chimique, il a condamné l’utilisation de toutes les armes chimiques quelles qu’elles soient.  Cette pratique, a-t-il ajouté, constitue de facto une menace pour la paix internationale, un « crime atroce » et une « violation flagrante » du régime de non-prolifération.  Le représentant a rappelé que la Convention sur les armes chimiques proscrit toute utilisation d’un agent chimique en tant qu’arme.  Il a appelé les parties concernées à coopérer pleinement avec les enquêtes en cours, de façon à trouver les responsables et décider des sanctions.

Mme PIERCE (Royaume-Uni), intervenant de nouveau, a rappelé que l’enquête conduite dans son pays sur l’attaque de Salisbury était indépendante et menée dans le plein respect des règles de l’OIAC.  Nous ne possédons pas d’armes chimiques, a-t-elle ensuite assuré, ajoutant que le laboratoire de Porton Down respectait la Convention sur les armes chimiques.  Elle a répété que son pays disposait de 10 jours pour répondre aux questions posées par la Russie et qu’il le ferait dans ces délais.  Nous respectons la Russie et n’avons aucun problème avec son peuple, a poursuivi la représentante, « mais nous nous élèverons contre tout comportement irresponsable, en Syrie ou à Salisbury ».  Ce qui s’est passé à Salisbury est digne du roman 1984 de George Orwell, mais à la sauce russe, a-t-elle conclu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conférence sur la biodiversité marine: consensus sur le Bureau, les thèmes des futures négociations et la publication d’un avant-projet de texte

Session d’organisation,
matin et après-midi
MER/2070

Conférence sur la biodiversité marine: consensus sur le Bureau, les thèmes des futures négociations et la publication d’un avant-projet de texte

Au deuxième jour de la réunion d’organisation de la Conférence intergouvernementale censée aboutir en 2020 à « un instrument juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale », les délégations sont parvenues à un consensus sur la composition du Bureau de la Conférence, les quatre grands axes thématiques des futures négociations et la date de publication d’un avant-projet de texte pour guider les délibérations.

En décembre 2017, l’Assemblée générale avait décidé de convoquer une conférence intergouvernementale pour examiner les recommandations du Comité préparatoire sur le futur instrument international qui se rapporte à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Le rapport du Comité préparatoire étant paru en juillet dernier, la Conférence a prévu quatre sessions de fond, dont la première aura lieu du 4 au 17 septembre 2018, au Siège de l’ONU.  Les trois journées de réunion entamées cette semaine ont pour objectif d’organiser les négociations.

La Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee, de Singapour, a donc été priée de présenter avant le 15 août 2018 un avant-projet de texte.  « Ce ne sera pas un projet de traité », a précisé Mme Lee, « mais un document censé mettre les discussions sur la bonne voie ».  À la demande de nombreuses délégations, a-t-elle ajouté, le texte s’inspirera « mais pas uniquement », du rapport du Comité préparatoire.  Sur la base de ces assurances, la Fédération de Russie, qui s’était opposée la veille à la publication d’un avant-projet avant le début de la session intergouvernementale de septembre, s’est rangée au consensus.  Le Japon, qui aurait, à l’inverse, souhaité que l’avant-projet soit une première esquisse du projet de traité, a également fait preuve de souplesse. 

Dans son rapport publié en juillet 2017 et censé servir de base à l’avant-projet, le Comité préparatoire formule des recommandations sur certains éléments du futur texte, y compris: l’obligation des États de coopérer aux fins de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale; l’identification, sur la base de critères scientifiques fiables, d’aires marines protégées à l’intérieur desquelles des mesures de protection seraient nécessaires; la nécessité de renforcer les capacités des pays en développement pour faciliter leur accès aux ressources génétiques marines; le transfert des techniques marines aux pays en développement pour faciliter la conservation de la biodiversité marine, notamment via une assistance scientifique et technique; et la création d’un centre d’échange ou de bases de données pour faciliter l’échange d’informations.

La Présidente de la Conférence a proposé une organisation des travaux autour de quatre grands axes thématiques à débattre en plénière ou en groupes de travail informels: l’accès et le partage des ressources génétiques marines; les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées; l’évaluation de l’impact sur l’environnement; et le renforcement des capacités et transfert de technologies marines. 

Le Groupe des 77 et la Chine ont proposé un cinquième axe centré sur les questions transversales ne relevant pas des quatre grands thèmes, une proposition dont la Fédération de Russie et le Groupe des États d’Afrique ont immédiatement douté.  Axe transversal ou non, a tranché le Japon, l’important sera de travailler en groupes informels pour faire avancer les discussions, à supposer, a précisé le pays, que ces groupes soient encadrés par la Présidente.

Cette dernière a par ailleurs indiqué que la question des dates des deuxième, troisième et quatrième sessions de fond de la Conférence sera débattue à la première session de fond, en septembre prochain.  La Barbade a toutefois demandé dès aujourd’hui que les futures sessions aient lieu au printemps ou au début de l’été, et non à l’automne, comme initialement proposé.  Le Secrétariat de l’ONU a cependant fait part de la difficulté à trouver des dates à cette période, en raison des calendriers divergents des autres conférences.  En septembre, il sera difficile de trouver des salles disponibles au Siège de l’ONU pour les différents groupes de travail, a rétorqué le Kenya, appelant le Secrétariat à faire un effort pour trouver d’autres dates.

Les délégations ont décidé, par consensus, que le Bureau de la Conférence serait composé de 15 vice-présidents, dont trois représentants par groupe régional siégeant en leur capacité nationale.  Le mandat du Bureau sera d’aider la Présidente de la Conférence sur les questions de procédures.  Le Groupe des États d’Afrique, qui aurait préféré une représentation régionale proportionnellement « équitable », s’est toutefois rangé au consensus, tout en précisant que la composition de ce Bureau ne devrait pas créer de précédent pour d’autres négociations. 

Le Secrétariat a par ailleurs fait un point sur le solde du Fonds d’affectation spéciale établi par l’Assemblée générale afin d’aider les pays en développement à participer aux réunions du Comité préparatoire, ainsi qu’à la Conférence.  Avant la réunion d’organisation, le solde du Fonds était de 115 000 dollars américains.  Étant donné que ce Fonds a permis de financer la participation de 22 délégués à la réunion de cette semaine, le Secrétariat a précisé qu’il ne restait plus désormais que 40 000 dollars, soit de quoi financer seulement la venue de six délégués à la session de septembre.  Le Secrétariat a appelé à appuyer le Fonds afin de garantir une forte participation des pays en développement à l’automne.

La réunion d’organisation de la Conférence se terminera, demain, mercredi 18 avril.  À cette occasion, la Présidente résumera l’ensemble des décisions prises par les délégations. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instance permanente: les autochtones dénoncent haut et fort la spoliation de leurs terres

Dix-septième session,
3e & 4e séances – matin & après-midi
DH/5388

Instance permanente: les autochtones dénoncent haut et fort la spoliation de leurs terres

Les conflits, l’industrie minière, les grands projets d’infrastructure, l’exploitation commerciale des forêts, les pressions démographiques et socioéconomiques.  Voilà les obstacles à l’exercice par les peuples autochtones de leurs droits collectifs sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources.  L’Instance permanente sur les questions autochtones a poursuivi aujourd’hui son débat sur ce thème central au cours duquel les participants ont dénoncé la multiplication des « manœuvres » pour déposséder leurs communautés. 

Quelles bonnes nouvelles ont été annoncées: l’Australie et la Fédération de Russie ont dit s’être dotées d’une base solide pour que les communautés autochtones puissent exercer leurs droits sur leurs ressources.  Le Ministre bolivien des affaires étrangères s’est félicité de ce que, chez lui, de plus en plus d’autochtones reçoivent des titres de propriété, dont un pourcentage notable de femmes détentrices de titres fonciers individuels.  Le Premier Ministre du territoire de Nunavut, a rappelé la signature, il y a 25 ans, de l’Accord avec le Gouvernement canadien, y voyant là un exemple positif du principe d’autodétermination.

« Il est possible de parvenir à des accords avec les communautés autochtones, sans discrimination et sans obstacle à leur consentement libre et éclairé », a affirmé le Mexique, au nom des « Amis des peuples autochtones ».

Des mises en garde ont tout de même été lancées contre la multiplication des « manœuvres » pour déposséder les peuples autochtones de leurs ressources.  Ont été dénoncés le mépris du droit coutumier, la confiscation de vastes étendues de terre par l’agro-industrie, les invocations fallacieuses de la protection de l’environnement et la militarisation des territoires autochtones.

Aussi, l’importance primordiale d’obtenir le consentement libre et éclairé des peuples autochtones a été soulignée à plusieurs reprises, notamment par le Parlement sami de Finlande qui a averti que l’augmentation, ces dernières années, des investissements dans l’exploitation des ressources naturelles dans l’Arctique risque de déboucher sur des conflits avec les communautés autochtones.  Ce parlement autochtone a d’ailleurs appelé l’Instance permanente à contribuer à la recherche d’une solution négociée au différend qui l’oppose au Ministère finlandais des transports et de la communication qui a lancé une étude sur le tracé d’un chemin de fer, sans tenir compte des préoccupations des communautés autochtones qui y vivent.

Le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones a prévenu que l’absence de protection des terres autochtones est étroitement liée aux menaces à la paix et la stabilité internationales, comme en témoigne la situation en Afrique du Nord et au Sahel où les communautés autochtones qui voient leurs droits niés et leurs moyens de subsistance éliminés deviennent un terreau fertile pour les extrémistes.

Face à autant de défis liés au respect des droits collectifs des autochtones, nombre sont ceux qui, à l’instar de l’Arctic Caucus, ont jugé nécessaire d’établir des mécanismes pour identifier les terres et ressources sur lesquelles les autochtones ont des droits de propriété et d’usufruit.  Le Gouvernement territorial autonome de la Nation Wampis, du Pérou, a vanté les mérites de la cartographie moderne qui permet une meilleure conservation des territoires et un meilleur développement socioéconomique.

La question du respect des droits collectifs autochtones sur les ressources est inextricablement liée à celle du développement, a souligné un des membres de l’Instance.  M. Jens Dahl s’est insurgé contre les « faux discours » sur les « autochtones attardés » qui ne comprendraient pas la valeur des terres et des ressources et qui seraient de ce fait incapables de les gérer.  Ce sont ces positions-là qui servent à justifier l’occupation voire la confiscation des terres, a-t-il averti. 

Quand les gens se mettent debout pour protester, ils se font tuer.  Selon l’organisation « Première ligne: Fondation internationale pour la protection des défenseurs des droits de l’homme », 312 de ces défenseurs ont été assassinés dans 27 pays en 2017.  Beaucoup de participants au débat ont appelé à la création d’un mécanisme de protection.

L’Instance permanente, qui a aussi tenu un débat sur la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 sous l’angle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, poursuivra ses travaux demain, mercredi 18 avril, à partir de 10 heures.

INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES

Droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources

Une note du Secrétariat (E/C.9/2018/1) fait part des difficultés rencontrées par les peuples autochtones pour exercer leurs droits collectifs sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources.  Les obstacles qu’ils doivent surmonter sont notamment liés aux conflits, aux industries extractives, aux projets d’infrastructure et d’aménagement, à l’exploitation des forêts à des fins commerciales et aux pressions démographiques et socioéconomiques.

Lorsqu’ils tentent de faire reconnaître leurs droits collectifs, les peuples autochtones se heurtent souvent à des obstacles juridiques, politiques et administratifs, sans compter la violence, l’intimidation et la corruption.  Dans les cas les plus extrêmes, les défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones sont victimes de violations graves des droits de l’homme, voire parfois d’assassinats.  Selon l’organisation « Première ligne: Fondation internationale pour la protection des défenseurs des droits de l’homme », 312 de ces défenseurs ont été assassinés dans 27 pays en 2017.

Des mesures positives ont pourtant déjà été prises pour réparer les injustices passées et reconnaître les droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, comme en Bolivie et en Équateur, mais aussi au Canada où un accord important entre le Gouvernement et les Inuits a donné lieu à la création du Nunavut (« notre terre » en inuktitut, la langue inuit) en 1999.  L’Indonésie aussi a connu des avancées, ainsi que la Norvège où une procédure unique a été mise en place pour les revendications déposées, notamment par les Sâmes.  La Colombie est également à citer parmi les progressistes et, en Afrique, les peuples autochtones ont obtenu certains succès devant les tribunaux comme au Kenya.  Cependant, les décisions de justice, la reconnaissance juridique et les décisions administratives ne suffisent pas en elles-mêmes; elles doivent être appliquées sur le terrain car les droits fonciers des peuples autochtones sont particulièrement menacés lorsque des ressources naturelles précieuses sont découvertes sur leurs territoires, comme avec les mines d’or au Guatemala et aux Philippines, les mines de zinc en Australie, et l’extraction de pétrole au Cameroun et au Tchad. 

Ces activités sont souvent menées sous la forme de partenariats public-privé qui influent sur la capacité des États de protéger les droits des peuples autochtones.  Cela ne fait que souligner encore plus la nécessité, pour les gouvernements et les entités internationales, de créer des mécanismes consultatifs ouverts à tous, qui mènent à l’adoption d’instruments juridiquement contraignants.  Ces mécanismes ne devraient pas seulement garantir la conduite de véritables consultations, fondées sur le principe du consentement préalable, libre et éclairé, mais aussi permettre aux peuples autochtones de bénéficier à parts égales des activités menées sur leurs terres.

Débat

Avant d’entamer le débat, les participants ont entendu M. JENS DAHL, membre de l’Instance, faire le point sur la Réunion du Groupe d’experts internationaux sur le thème « Développement durable dans les territoires des peuples autochtones », qui s’est tenue du 23 au 25 janvier 2018.  La réunion, a-t-il dit, a été l’occasion de s’accorder sur les liens étroits entre le contrôle des territoires par les peuples autochtones et leur exercice de tout un éventail d’autres droits.  La sécurité foncière, a insisté M. Dahl, est essentielle au respect du droit des communautés autochtones à disposer d’eux-mêmes et à s’administrer.  La question de leurs droits sur leurs ressources est inextricablement liée à celle du développement.

Depuis la période coloniale, a-t-il poursuivi, la croissance économique prévaut au détriment de toute autre question, ce qui engendre la discrimination contre certaines pratiques autochtones comme le pastoralisme.  Les États continuent de voir les peuples autochtones comme des gens qui ne contribuent en rien au développement, allant même jusqu’à se convaincre que leur mode de vie même entrave le développement.  M. Dahl s’est inquiété de la dissociation accentuée, ces dernières années, entre droits de l’homme et développement.  Il a vivement dénoncé les « faux discours » sur la forme d’invasion que serait le pastoralisme ou sur les « autochtones attardés » qui ne comprendraient pas la valeur des terres et des ressources et qui seraient de ce fait incapables de les gérer.  Ce sont ces positions-là qui servent à justifier l’occupation voire la confiscation des terres, a-t-il averti. 

Il s’est aussi alarmé d’un autre phénomène qui veut qu’au nom de la « protection » de l’environnement, l’on prive les communautés autochtones de leurs moyens de subsistance durable.  M. Dahl a plutôt vu le souci de vendre les terres à l’industrie agroalimentaire ou aux fonds spéculatifs, grâce à des accords sur les investissements qui n’ont que faire des droits de l’homme.

Face à cette situation, le Groupe d’experts internationaux recommande à l’Instance permanente d’examiner la manière dont les peuples autochtones exercent leur autonomie et les arrangements qu’ils ont pris pour ce faire.  Le Groupe engage aussi l’Instance à étudier la possibilité de collaborer avec les mécanismes autochtones afin de renforcer la participation des peuples concernés aux processus de prise de décisions.

Il faut que les États travaillent en partenariat avec les peuples autochtones, s’est impatienté le Grand Chef WILTON LITTLECHILD, Assemblée des Premières Nations du Canada, qui a insisté sur le principe de consentement libre et éclairé.  Il a appelé à la fin des pratiques coloniales mais aussi des pratiques juridiques qui cherchent à nier les droits des peuples autochtones.  Il faut respecter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a-t-il martelé, avant de reconnaître qu’au Canada, les Premières Nations exercent leurs droits.  Mais encore faut-il, a-t-il souligné, que les Gouvernements fédérés les respectent.  Le consentement doit être la base même des accords car nous avons le droit de décider de « notre propre courbe de développement.  Le Grand Chef a dénoncé les centrales hydroélectriques, les déchets nucléaires en territoires autochtones.  Il a réclamé du Canada qu’il amende les lois ancrées dans des « doctrines racistes » pour déposséder les peuples autochtones.  Le Grand Chef a en revanche salué le projet de loi relatif à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Il a indiqué que les autochtones du Canada aident ceux de l’Équateur à combattre Chevron, dont les activités ont eu un impact dévastateur sur l’environnement.  Chevron, a accusé le Grand Chef, refuse de verser des dédommagements et a de surcroit engagé des mesures de représailles depuis la décision des tribunaux.

De nombreux États ont profité du débat pour parler des initiatives qu’ils ont prises pour le respect des droits collectifs des peuples autochtones.  Ainsi, l’Australie a indiqué que ces droits sont reconnus sur 34% du territoire, tandis que la Fédération de Russie a affirmé s’être dotée d’une base juridique importante en faveur de ces droits, citant le Code foncier qui autorise les autochtones à jouir du fruit de leurs activités et à avoir la priorité sur les ressources qui se trouvent sur leur territoire.

Le Ministre des affaires autochtones du Panama s’est enorgueilli du fait que la législation place son pays à « l’avant-garde » du respect des droits collectifs des peuples autochtones qui peuvent faire appel à des mécanismes pour régler les différends.  Au Mexique, ce sont les visites touristiques qui sont encouragées dans les sites autochtones pour offrir des sources de revenus aux communautés.  En Bolivie, a enchaîné le Ministre des affaires étrangères, de plus en plus de communautés autochtones reçoivent des titres de propriété, dont un pourcentage notable de femmes est détenteur de titres fonciers individuels.  Le Ministre a demandé une déclaration spécifique sur la Terre nourricière.

« Il est possible de parvenir à des accords avec les communautés autochtones, sans discrimination et sans obstacles à leur consentement libre et éclairé », a affirmé le Mexique, cette fois-ci au nom des Amis des peuples autochtones.  Le Mexique a dit privilégier le dialogue « direct et constructif » avec les peuples autochtones, dans le respect de leurs cultures, traditions et la cosmovision.  L’Accord de Nunavut a changé à jamais la terre du Canada, a acquiescé le Premier Ministre du territoire de Nunavut qui a parlé d’un exemple positif du principe d’autodétermination des peuples autochtones.

Mais, a mis en garde M. ELIFURAHA LALTAIKA, membre de l’Instance, on voit toujours la multiplication des manœuvres pour déposséder les peuples autochtones.  Dans de nombreux pays, le droit coutumier est considéré comme résiduel alors qu’il doit être exclusif.  Son homologue, M. LES MALEZER, a aussi plaidé auprès des instances judiciaires nationales pour qu’elles appliquent les lois liées au respect des droits des peuples autochtones, tandis qu’une autre experte, Mme TARCILA RIVERA ZEA, a appelé les États à redoubler d’efforts pour permettre à ces peuples de s’opposer à l’agro-industrie qui, a-t-elle accusé, s’accaparent de vastes étendues de terres autochtones.  Le consentement libre et éclairé, voilà la clef, a souligné la National Congress of Australia´s First Peoples Ltd.

Manifestement, cette clef n’ouvre pas toutes les portes en Colombie.  L’Organización Indigéna de Colombia a relevé le déséquilibre important entre l’examen des demandes de reconnaissance des droits territoriaux et les titres miniers octroyés.  L’application de la loi 1767 sur les zones d’intérêts pour le développement économique continue, a-t-elle ajouté, à mettre en danger les terres ancestrales en Amazonie.  Elle a aussi parlé d’une autre loi qui accorde une zone de protection forestière à de grandes industries, en violation des accords de paix.

Une situation similaire a été décrite par la Nacionalidad Sapara de Ecuador où les Saparas voient les activités extractives « torturer » la spiritualité des forêts et des êtres vivants, alors que les forêts pourraient être utilisées pour surmonter la crise écologique actuelle.  Abondant dans ce sens, le Parlement sámi en Finlande a averti que l’augmentation, ces dernières années, des investissements dans l’exploitation des ressources naturelles en Arctique risque de déboucher sur des conflits avec les communautés autochtones.  En juin 2017, le Ministère finlandais des transports et de la communication a lancé une étude sur le tracé d’un chemin de fer en Arctique, sans tenir compte des préoccupations des communautés autochtones et sans le consentement libre et éclairé du Parlement sámi qui d’ailleurs s’oppose au projet.  L’orateur a appelé l’Instance à contribuer à la recherche d’une solution négociée à ce différend.  Il est temps, a jugé l’Arctic Caucus, que les États établissent des mécanismes pour d’identifier les terres et ressources sur lesquelles les autochtones ont des droits de propriété et d’usufruit.  La vie des communautés de l’Arctique a été racontée par l’Association des peuples autochtones du Nord, de la Sibérie et de l’extrême-Orient – RAIPON, en particulier celle de la Russie qui représente un tiers de l’élevage de rennes au monde, avec 700 000 têtes de bétail.

L’absence de protection des terres est étroitement liée aux menaces à la paix et à la stabilité internationales, a commenté à son tour le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, citant notamment la situation en Afrique du Nord et au Sahel.  Lorsque les droits des communautés autochtones sont niés et leurs moyens de subsistance éliminés, elles deviennent un terreau fertile pour les extrémistes, a-t-il mis en garde, insistant sur l’importance de privilégier une approche autochtone du développement durable.

« Comment parler de développement durable lorsque les peuples autochtones sont réduits au silence ou traités comme des criminels »? s’est demandé l’Asia Indigenous Peoples Pact.  Alarmé par le fait qu’aux Philippines, la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones est considérée comme une « terroriste », l’organisation a exigé un mécanisme de protection effective des défenseurs autochtones des droits de l’homme.  Si les Philippines n’ont rien dit aujourd’hui, les États-Unis ont fait part de leur désaccord avec les conclusions de la Rapporteuse spéciale.  Nous dialoguons régulièrement, ont-ils assuré, avec les tribus autochtones sur l’exploitation de leurs ressources naturelles.  Cela n’a pas empêché Mme AMINATU GAMBO de l’Instance internationale des femmes autochtones de partager ses craintes quant à l’intégrité physique des défenseuses des droits des femmes autochtones, signalant qu’elles sont nombreuses à avoir été assassinées, principalement en Amérique latine et en Asie, avant de se faire voler leurs terres.  Le Forum a appelé à des mesures pour garantir leur sécurité et favoriser l’autonomisation économique des femmes autochtones dans leur ensemble.

Dans le même esprit, un autre membre de l’Instance, Mme LOURDES TIBAN GUALA, a parlé de l’assassinat, la semaine dernière, de trois journalistes en Équateur, un pays qui traverse une période difficile affectant aussi les communautés autochtones.  Elle a appelé à garantir la non-militarisation des terres et territoires autochtones, exhortant par ailleurs les gouvernements à dénoncer les crimes dont sont victimes les peuples autochtones pour mieux les spolier.

L’Union européenne a fait valoir son mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme.  La Banque mondiale a attiré l’attention sur la conférence sur la terre et la pauvreté qu’elle organise depuis 19 ans maintenant.  Elle a assuré favoriser des approches intégrées sur les terres, territoires et ressources des peuples autochtones et a annoncé qu’un nouveau cadre, tentant compte du principe de consentement libre et éclairé, sera prochainement appliqué à tous les nouveaux projets de la Banque mondiale.  Peut-on en savoir plus sur vos nouvelles normes environnementales? a demandé M. GERVAIS NZOA, membre de l’Instance.  Il a aussi voulu en savoir sur le dialogue de la Banque mondiale avec les communautés autochtones, exigeant des exemples pratiques dans la région du bassin du Congo.

À propos de l’Afrique, le Groupe de travail de l’Union africaine sur les peoples autochtones d’Afrique a parlé des avancées positives dont la décision récente de la Cour suprême du Botswana sur les droits collectifs.  Soucieux de voir les décisions juridiques effectivement appliquées, il a voulu sensibiliser les gouvernements africains et jugé que la Banque africaine de développement (BAD) doit mieux appréhender les enjeux auxquels font face les communautés autochtones.  La Banque mondiale doit pour sa part mettre en œuvre les processus de garanties de manière unifiée dans le monde entier, et pas uniquement en Afrique.  L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a parlé de ses nouvelles directives sur la pisciculture à petite échelle et du travail qu’elle fait depuis 2015 sur les systèmes alimentaires autochtones.  La FAO a aussi organisé une réunion ministérielle sur le rôle des femmes autochtones.  Les questions étant vastes, El Salvador, au nom de la Communauté d’Amérique latine et des Caraïbes, a demandé à l’ONU de se soucier davantage de la participation des peuples autochtones à ses réunions.

Comment mettre la technologie moderne de la cartographie au service des communautés autochtones?  C’est la question à laquelle s’est efforcé de répondre le Gouvernement territorial autonome de la Nation Wampis du PérouIl a indiqué qu’au Pérou, l’établissement des cartes sur les communautés autochtones a commencé dans les années 60, pour délimiter les territoires et faciliter les revendications sur les titres de propriété.  Les cartes, qui localisent les terres cultivables, les chemins historiques ou encore les chutes d’eau, permettent aussi d’identifier les zones « sacrées ».  À ce jour, un million d’hectares ont été recensé dans les cartes qui ont facilité les accords entre la Nations Wampis et le Gouvernement péruvien.  La cartographie permet une meilleure conservation du territoire et un meilleur développement socioéconomique de la Nation Wampis.  Les multinationales les utilisent à profusion et il est temps que les communautés autochtones fassent de même pour assurer l’utilisation la plus appropriée des terres et partager ce savoir avec les plus jeunes.

En effet, pour les peuples autochtones, la revendication des droits collectifs traduit surtout leur attachement à leur spiritualité et à leur culture, a expliqué l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans le système juridique moderne, il est vrai que la différenciation entre droits collectifs et droits individuels ajoute à la complexité de la question autochtone.  Il est donc essentiel de s’éloigner de la notion de « productivité » quand on parle des droits collectifs et il faudra pour cela de la volonté politique, des législations progressistes et un véritablement effort d’harmonisation des lois.  Le système de « pluralisme juridique » mis en place au Bangladesh a été expliqué par le Chef du Cercle Chakma et membre de la Commission de résolution du litige foncier de Chittagong Hill Tracts.  Après l’Accord de Chittagong Hill Tracts signé en 1971, lorsque le Bangladesh a obtenu son indépendance du Pakistan, les terres du sud-est du Bangladesh ont continué d’être gérées par un conseil régional et trois conseils au niveau du district, dont l’un est constitué de chefs coutumiers qui sont habilités à formaliser les titres fonciers.  Mais le Gouvernement du Bangladesh a ignoré cette procédure dans les années 70, lorsqu’il a octroyé des terres à des « colons » bangladais et des exploitants agricoles.  Aujourd’hui, les districts sont dans l’incapacité de reprendre les terres spoliées.

Il faut vraiment, a insisté M. Jens Dahl, membre de l’Instance, trouver les moyens de gommer la différenciation entre droits collectifs et droits individuels pour éviter les confusions entre domaines publics et terres collectives autochtones.  En Nouvelle-Zélande, a dit Te Puni Kokiri, le Gouvernement s’emploie toujours à trouver des terrains d’entente avec les Maoris.  Au Nicaragua, le rétablissement des droits collectifs avance.  Depuis 1987, les autorités reconnaissent le caractère multiethnique et multiculturel du pays et les peuples autochtones ont tout le loisir de jouir de leurs ressources naturelles, de leur culture et de leurs coutumes.  Au Botswana, les communautés autochtones sont sensibilisées à leurs droits fonciers.

Ce n’est apparemment pas le cas aux États-Unis puisque la Nation de Hawaï a appelé aujourd’hui ces derniers à « assumer leurs responsabilité », à restituer les terres et accepter l’autonomie des autochtones.  La situation semble tout aussi frustrante du côté des peuples autochtones philippins qui continuent de lutter contre les effets dévastateurs des activités minières et contre un Gouvernement qui, avec ses grands travaux d’infrastructures, va provoquer le départ de 100 000 personnes dans plus de 106 villages.  Des couvre-feux sont imposés dans certaines provinces et les populations sont muselées, malgré la Constitution qui reconnaît les droits des peuples autochtones.  L’oratrice a exigé la fin de la « tyrannie » et des négociations « pour en finir avec les conflits qui rongent notre nation ».  L’Afrique du Sud a dénoncé le fait que les problèmes causés par les multinationales ne soient pas évoqués dans les rapports de l’Instance permanente.  « C’est une question de crédibilité », a-t-elle martelé.  La raison en est, s’est expliqué M. LES MALEZER, membre de l’instance, qu’il est impossible de reprendre toutes les remarques et toutes les observations dans le détail.  Aujourd’hui, ce sont plutôt les changements climatiques qui représentent la plus grande menace, a commenté le Conseil sâme.  « La terre n’est pas une marchandise, c’est notre mère », a voulu souligner la Communauté Madré.  Une ONG égyptienne a parlé du droit au retour, celui des Nubiens, peuple autochtone d’Égypte qui a été reconnu pour la première fois en 2013 dans la Constitution mais depuis lors « rien n’a été fait ».  La Colombie a tenu à apporter « un message de paix et de réconciliation », affirmant qu’elle privilégie les liens et les dialogues directs avec les communautés autochtones.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Les peuples autochtones sont cités cinq fois dans le Programme 2030 qui dit entre autres, « Nous encourageons également les États Membres à procéder à des examens réguliers et sans exclusive, dirigés et contrôlés par le pays, des progrès accomplis aux niveaux national et infranational.  De tels examens devraient tirer parti des contributions des peuples autochtones, de la société civile, du secteur privé et d’autres parties prenantes, en fonction de la situation, des politiques et des priorités nationales.  Les parlements nationaux ainsi que d’autres institutions peuvent aussi y contribuer. »

Débat

Mme HELENA DEL CARMEN YANEZ LOZA (Équateur) a souligné le rôle que peuvent jouer les peuples autochtones dans la mise en œuvre du Programme 2030.  L’un des sujets de réflexion doit être la gestion et la consommation de l’eau.  Sans eau de qualité et en quantité suffisante, nous ne pourrons pas réaliser les objectifs de développement durable.  Le Conseil mondial de l’eau dit en effet que les maladies liées à l’eau provoquent chaque année trois millions de morts et un manque à gagner de près de 1% du PIB mondial.  Il faut donc des politiques fortes et ambitieuses pour démocratiser l’accès à l’eau, car ceux qui contrôlent l’eau, contrôlent la vie.  Elle s’est dite prête à partager les pratiques concluantes fondées sur le principe de l’équité.

Mme MARION BARTHELEMY, Directrice du Bureau d'appui au Conseil économique et social (ECOSOC), a évoqué le Forum politique de haut niveau, principale plateforme des Nations Unies pour le suivi des objectifs de développement durable, qui va se réunir en juillet prochain et a mis en exergue la place des peuples autochtones.  Le Programme 2030, s’est-elle expliquée, est universel.  Ses objectifs et cibles sont très ambitieux et le rôle des peuples autochtones y est reconnu.  Le Programme souligne en effet que ses premiers bénéficiaires doivent être les groupes vulnérables et les peuples autochtones.  C’est un aspect « révolutionnaire », s’est-elle réjouie.

Mme JOAN CARLING, Fondation Tebtebba, a pressé les États de se soumettre à l’examen volontaire du Forum de haut niveau de l’ECOSOC et à inscrire les droits des peuples autochtones dans les plans nationaux de développement.  Elle a cité la Colombie qui a dûment reconnu ces droits dans son plan de mise en œuvre du Programme 2030 et les efforts similaires du Canada.

Ensemble, nous souhaitons vivre dans un monde de paix où personne n’est laissé sur le bord de la route dans ce voyage vers le développement, a justement déclaré le Canada.  Les opportunité et défis du développement durable doivent nous encourager à penser et agir de manière différente, et les peuples autochtones sont des partenaires cruciaux dans cet effort.  Ces peuples sont notre priorité, a affirmé la Fédération de Russie qui en a voulu pour preuve les quelque 20 lois fédérales et les efforts consentis pour la préservation de l’héritage linguistique et culturel.  Le Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes s’est aussi réjoui qu’après un processus participatif entre États et peuples autochtones, un plan d’action a été adopté, en lien direct avec le Programme 2030.  Les pays nordiques ont également confirmé leur détermination à mettre en place des mécanismes pour la participation effective des peuples autochtones à la réalisation des objectifs de développement durable.

Les objectifs de développement durable, ont renchéri les Peuples de Sibérie, offrent de grandes possibilités mais il faut des objectifs spécifiques pour la région de l’Arctique.  La Banque mondiale a insisté sur ses efforts pour renforcer la participation des peuples autochtones à sa prise de décisions.  Elle a été exhortée par Mme TARCILA RIVERA ZEA, membre de l’Instance, à faire en sorte que ses investissements prennent en compte les droits fondamentaux des peuples autochtones.  Défendre ces droits ne se résume pas seulement à des consultations, a rappelé M. BRIAN KEAN, Rapporteur de l’Instance.  Il faut créer un espace pour que les peuples autochtones participent effectivement à la prise des décisions. « Il faut qu’ils aient voix au chapitre ».  Il a parlé de l’expression « maintes fois galvaudée ici »: ne laisser personne de côté mais, pour ce faire, a-t-il martelé, il faut s’assurer du consentement libre et éclairé des peuples autochtones et renoncer à financer des projets qui ont un impact négatif sur leur vie.  M. Kean a dénoncé l’attribution des titres de propriété individuelle au risque de compromettre la cohésion des droits collectifs.  La Banque mondiale, a-t-il ajouté, doit « revoir plusieurs fois sa copie » chaque fois qu’elle examine un projet d’investissement.  Nous refusons d’être exclus, a prévenu International Indian Treaty Council (IITC), dénonçant une pauvreté endémique parmi les peuples autochtones.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC accorde le statut consultatif à deux ONG dont les dossiers étaient en suspens et examine le rapport 2017 du Conseil des chefs de secrétariat

Session de 2018,
17e & 18e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6901

L’ECOSOC accorde le statut consultatif à deux ONG dont les dossiers étaient en suspens et examine le rapport 2017 du Conseil des chefs de secrétariat

Au deuxième jour de sa réunion de coordination et d’organisation, le Conseil économique et social (ECOSOC) a accordé, après un vote, le statut consultatif spécial à deux organisations non gouvernementales (ONG) dont les dossiers étaient encore en suspens devant le Comité des ONG.  Il a ensuite accordé le statut consultatif à 223 autres ONG avant de prendre note des rapports du Comité des ONG et de la Commission du développement social.

L’ECOSOC a aussi entendu la présentation, par la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina J. Mohammed, du rapport annuel (2017) du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination.

Après l’octroi du statut consultatif spécial aux ONG « US Committee for Human Rights in North Korea » et « Iran Human Rights Documentation Center », des décisions qui ont recueilli respectivement 29 et 22 votes favorables, le représentant de l’Afrique du Sud a dénoncé l’approche visant à vouloir octroyer des accréditations aux ONG « par la force ».

Au nom de l’Union européenne, la déléguée de la Bulgarie a rétorqué que « les organisations légitimes devraient recevoir leur accréditation dans un délai raisonnable et devraient seulement avoir à répondre à des questions qui sont justifiées ».  Son homologue du Royaume-Uni a rappelé en effet que l’examen des requêtes de ces deux organisations était sans cesse reporté à cause de questions répétitives de la part de membres du Comité.  Or, l’ONG remplissait clairement les critères d’admission au statut consultatif auprès de l’ECOSOC, selon les États-Unis.

Ce ne fut pas l’avis de la délégation de la République populaire démocratique de Corée qui a dénoncé « une ONG dont l’agenda est dirigé spécifiquement contre son pays » et qui n’est que l’« exécutante de la politique hostile des États-Unis ».  Pour la Fédération de Russie, le fait que les États-Unis demandent un vote est la preuve même de leur proximité avec l’ONG.

C’est également après un vote que l’ECOSOC a accordé le statut consultatif spécial à l’ONG « Iran Human Rights Documentation Center », qui fait un « travail tout à fait sérieux » selon la déléguée du Canada.  Cette ONG, qui a demandé le statut consultatif en 2010, n’a reçu pas moins de 70 questions depuis de la part des membres du Comité des ONG.

Le délégué de la République islamique d’Iran a affirmé que cette ONG reçoit des fonds des Gouvernements des États-Unis et du Canada, ce qui remet en cause son objectivité, tandis que sa collègue du Venezuela a qualifié de « précédent dangereux » cette pratique qui fait passer au vote pour satisfaire aux intérêts de ceux qui veulent mépriser le Comité des ONG.

L’ECOSOC a ensuite adopté les décisions contenues dans le rapport du Comité des ONG sur les travaux de sa session ordinaire de 2018, tenue à New York du 29 janvier au 7 février 2018 et le 23 février 2018, en tenant compte des amendements issus des décisions ayant fait l’objet d’un vote, et de celle adoptée par consensus et présentée par l’Iraq.

Ce pays ayant fait valoir que les ONG « Kurdistan Institute for Human Rights » et « Al-Shafa’a Humanitarian Organization » opèrent dans l’illégalité dans son pays, l’ECOSOC a décidé de ne pas leur octroyer de statut consultatif spécial, alors même que le Comité des ONG avait émis un avis positif.

Outre que l’ECOSOC a pris acte des rapports quadriennaux de 408 ONG accréditées, il a entériné des décisions concernent le reclassement d’une ONG, le changement de nom d’ONG déjà accréditées, la clôture d’un dossier et la radiation de trois ONG en raison de leur dissolution.

La coordination et la cohérence des politiques à l’appui de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été discutée dans l’après-midi après un exposé de la Vice-Secrétaire générale.  Mme Mohammed a rappelé le rôle de coordination que joue le Conseil des chefs de secrétariat et ses mécanismes subsidiaires -le Comité de haut niveau sur les programmes, le Comité de haut niveau sur la gestion et le Groupe des Nations Unies pour le développement– qui constituent en quelque sorte, un « laboratoire » de gestion interne.

Mme Mohammed a mis l’accent sur les quatre lignes directrices que doit suivre le leadership pour soutenir au mieux la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030: faire le maximum pour obtenir les résultats escomptés pour les populations dont l’ONU est au service; inspirer le changement; utiliser des systèmes de pensée; et s’engager dans la création collective à travers les partenariats.

Le représentant du Maroc a mentionné ces partenariats en indiquant que les propositions du Secrétaire général visant à renforcer la coordination et la cohérence entre les agences onusiennes pour assurer l’efficacité de leurs actions aux niveaux régional et national doivent se faire dans le respect total du modèle de développement des États.  De même, il a insisté pour que le Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (PNUAD) soit le seul instrument de coopération du système de développement des Nations Unies avec chaque pays. 

Le délégué du Mexique a, de son côté, souhaité que l’ECOSOC soit véritablement le lieu du dialogue entre les États et le Secrétariat, en étant par exemple « moins bureaucratique ».  Il a aussi salué le fait que ce rapport, qui était jadis adopté comme les autres, fasse désormais l’objet d’un dialogue avec les États Membres. 

Reconnaissant que les progrès technologiques ont une place majeure dans le rapport, la Directrice du secrétariat du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination, Mme Simona Petrova, a dit que l’ONU entend préparer les générations futures à s’adapter aux progrès technologiques. 

La réunion de coordination et d’organisation de l’ECOSOC prendra fin demain matin à 10 heures.

DÉCISIONS CONCERNANT LES PROJETS DE DÉCISION

Organisations non gouvernementales

Adoption d’une décision (E/2018/L.8)

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a recouru à un vote pour accorder le statut consultatif à l’organisation non gouvernementale (ONG) « US Committee for Human Rights in North Korea », qui avait vu son dossier renvoyé à plus tard par le Comité des ONG de l’ECOSOC au cours de sa session de janvier dernier.  La décision a été prise par 29 voix pour, 6 voix contre (Afrique du Sud, Bélarus, Chine, Fédération de Russie, Venezuela et Viet Nam) et 13 abstentions.

Avant ce vote, la déléguée de la Bulgarie, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE), a rappelé aux pays membres du Comité des ONG l’importance de traiter toutes les organisations candidates de manière juste et équitable.  « L’examen minutieux des demandes est une partie indispensable du travail de l’ECOSOC », a-t-elle rappelé en précisant que « les organisations légitimes devraient recevoir leur accréditation dans un délai raisonnable et devraient seulement avoir à répondre à des questions qui sont justifiées ».  Elle a prévenu que si une telle approche n’était pas suivie, l’Union européenne porterait une réclamation devant l’ECOSOC, avant d’ajouter que les membres de l’Union européenne soutenaient la candidature de cette ONG. 

Elle a en outre indiqué que « dans un monde où l’hostilité envers les ONG s’intensifie, en se manifestant par des entraves politiques ou judiciaires contre la société civile, et même des attaques directes, parfois mortelles, contre les défenseurs des droits de l’homme, il importe que l’ONU et ses Membres facilitent l’accès et la participation des ONG au sein des Nations Unies ».

En présentant le texte de la décision, la représentante des États-Unis a déclaré que l’ONG « US Committee for Human Rights in North Korea » remplissait clairement les critères d’admission au statut consultatif auprès du Conseil.  Elle a souligné la valeur de l’engagement de la société civile auprès des Nations Unies et de ses États Membres, et elle a déploré qu’il y ait eu trop de cas où le Comité des ONG avait entravé la participation d’organisations jouissant d’une crédibilité internationale bien établie. 

La déléguée a expliqué que cette ONG avait établi sa réputation et son rôle de chef de file parmi les organisations qui font la promotion des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, contribuant ainsi à l’amélioration de la situation dans ce pays.  C’est aussi en reconnaissance du travail fait par cette ONG pour les Nations Unies que sa délégation, par le biais du projet de décision et avec le soutien de ses coauteurs, a demandé que le statut consultatif spécial lui soit octroyé.

De son côté, la délégation de la République populaire démocratique de Corée a dénoncé une ONG qui, a-t-elle avancé, dispose d’un agenda dirigé spécifiquement contre son pays et n’est que l’« exécutante de la politique hostile des États-Unis ».  Son but serait, selon elle, de « renverser le système social de son pays ».  Elle a jugé l’ONG candidate non qualifiée pour obtenir le statut, car elle opèrerait « en violation de la Charte des Nations-Unies et des principes de l’ECOSOC ».

Le délégué de la Fédération de Russie a indiqué, pour sa part, que toute nouvelle évaluation des décisions du Comité des ONG discréditait ses travaux, une démarche que sa délégation désapprouve.  Il a rappelé que lors de sa session de janvier dernier, le Comité avait pris la décision de ne pas recommander le statut consultatif à deux ONG dont l’examen revient maintenant devant l’ECOSOC.  Le Comité avait pourtant souligné, après un échange avec ces ONG, des suspicions de financement par des entités gouvernementales et des velléités de promotion, par ces ONG, de la politique de certains États Membres.  Pour lui, le fait que les États-Unis demandent un vote sur ces deux dossiers est la preuve que ces ONG sont proches de ce pays.  Le représentant a aussi estimé que toute pression sur les délibérations du Comité des ONG sont inacceptables, avant d’appeler les États à s’opposer à ces textes.

La représentante du Royaume-Uni a, de son côté, rappelé le mandat du Comité des ONG, en notant que les deux organisations en question satisfont pleinement aux critères.  Elle a remarqué que ces deux ONG ont vu leurs demandes rejetées année après année du fait des mêmes questions qui reviennent sans cesse.  Elle a indiqué que ces ONG contribuent aux rapports que l’ONU établit chaque année sur la situation des droits de l’homme dans les deux pays concernés par le travail de ces ONG. 

Le délégué de l’Afrique du Sud a également pris la parole pour déplorer que le Comité des ONG voie de nouveau son travail remis en cause.  Il a souligné que ces deux ONG font partie d’une liste qui compte des centaines d’autres organisations en attente de se voir octroyer le statut consultatif spécial.  Il a dénoncé la tendance à recourir au vote au lieu de privilégier le principe de neutralité et de bonne diligence en vigueur au sein du Comité des ONG.  

Enfin, pour la délégation du Venezuela, remettre en question les travaux du Comité est un précédent négatif qui affaiblit son travail.

Adoption d’une décision (E/2018/L.9)

C’est également au terme d’un vote sanctionné par 22 voix pour, 7 contre (Afrique du Sud, Bélarus, Chine, Fédération de Russie, Iraq, Venezuela et Viet Nam) et 17 abstentions, que l’ECOSOC a décidé d’accorder le statut consultatif spécial à l’organisation non gouvernementale « Iran Human Rights Documentation Center ».

En présentant le projet de décision, la déléguée du Canada a expliqué que « le travail de cette ONG est tout à fait sérieux ».  Elle a relevé qu’au cours des dernières années, certaines ONG, notamment celles œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, faisaient l’objet de questionnements sans fin.  Elle a rappelé que cette ONG avait demandé le statut consultatif en 2010 et avait reçu pas moins de 70 questions depuis lors.  « L’organisation y a répondu de bonne foi », a-t-elle soutenu en expliquant qu’il s’agit d’un « centre de documentation qui a pour objectif de faire l’historique de l’évolution des droits de l’homme en République islamique d’Iran ».  Elle a aussi rappelé que le Comité des ONG n’a pour mandat que de faire des propositions, et que c’est bien à l’ECOSOC qu’il revient d’accorder le statut consultatif aux ONG. 

La représentante des États-Unis a invité tous les États à voter en faveur de cette ONG qui travaille sur les droits de l’homme en Iran depuis la révolution de 1979.  Elle a insisté sur l’importance des informations que fournit cette organisation, étant donné que le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme en Iran n’a pas accès au pays.  

Le délégué de la République islamique d’Iran a affirmé que cette ONG reçoit des fonds des gouvernements des États-Unis et du Canada, ce qui remet en cause son objectivité.  Il a aussi dénoncé le fait que de nombreuses ONG iraniennes font part des blocages qu’imposent les États-Unis au sein du Comité des ONG.  Et celles qui se voient octroyer le statut consultatif ne peuvent pas participer aux travaux de l’ECOSOC du fait des interdictions de voyage dont les ressortissants du pays sont frappés, a-t-il aussi affirmé.  

Le représentant de l’Afrique du Sud a de nouveau pris la parole pour dénoncer l’approche visant à vouloir octroyer des accréditations aux ONG par la force.

Le représentant d’El Salvador a expliqué son abstention au cours des deux votes par le fait qu’il ne veut pas que l’adoption des rapports des organes subsidiaires de l’ECOSOC se fasse désormais par cette voie.

La déléguée du Venezuela a qualifié de « précédent dangereux » cette pratique qui fait passer au vote pour satisfaire aux intérêts de ceux qui veulent mépriser le Comité des ONG.

La déléguée du Viet Nam a déclaré que sa délégation avait voté contre ces textes car elle estime que le Comité des ONG aurait dû avoir la possibilité de continuer à traiter de ces dossiers par lui-même.

Adoption d’une décision (E/2018/L.10)

L’ECOSOC a adopté sans vote une décision présentée par l’Iraq et aux termes de laquelle il décide de retourner les demandes des organisations « Kurdistan Institute for Human Rights » et « Al-Shafa’a Humanitarian Organization » qui faisaient pourtant partie de celles ayant été recommandées pour obtenir le statut consultatif spécial, lors de la dernière session du Comité des ONG.

Le représentant de l’Iraq a justifié cette demande par le fait que ces deux ONG opèrent dans l’illégalité sur son sol, car elles n’ont pas suivi les procédures d’enregistrement auprès des autorités iraquiennes.

La délégation des États-Unis a rétorqué qu’il n’est pas obligatoire qu’une ONG soit enregistrée dans le pays qui fait l’objet de ses activités.  Non sans avoir marqué son étonnement de voir que les « défenseurs du travail du Comité des ONG ne trouvent rien à redire pour ce cas ».

Décisions sur les recommandations contenues dans le chapitre 1 du rapport du Comité des ONU (E/2018/32 (Part I))

L’ECOSOC a adopté la « décision I » contenue dans le rapport du Comité chargé des organisations non gouvernementales sur les travaux de sa session ordinaire de 2018 tenue à New York du 29 janvier au 7 février 2018 et le 23 février 2018, en tenant compte des amendements issus des précédentes décisions prises ce matin (E/2018/L.8, E/2018/L.9 et E/2018/L.10).

Par cette décision, l’ECOSOC accorde le statut consultatif aux 223 ONG dont la liste figure dans le rapport.

Il décide également de reclasser l’ONG « Fédération internationale des corps et associations consulaires », qui passe ainsi du statut de Liste au Statut consultatif spécial.

En outre, l’ECOSOC note que le Comité a décidé de prendre acte du changement de nom des cinq ONG.

Il note aussi que le Comité a pris acte des rapports quadriennaux des 408 ONG.

L’ECOSOC, enfin, décide de clore, sans préjudice de nouvelles demandes, l’examen des demandes d’admission au statut consultatif présentées par les 16 organisations qui n’ont pas répondu aux questions posées par les membres du Comité malgré trois rappels effectués au cours de deux sessions consécutives.

L’ECOSOC a également adopté la « décision II » par laquelle il prend acte des demandes des trois ONG suivantes, qui souhaitent être rayées de la liste des organisations dotées du statut consultatif en raison de leur dissolution: « Asociación de Técnicos Superiores y Peritos Judiciales de Andalucía », « Honeypot Village » et « Partnership Network International ». 

Enfin, par la « décision III », l’ECOSOC prend note du rapport du Comité des ONG sur les travaux de sa session ordinaire de 2018.  La prochaine session du Comité des ONG aura lieu du 21 au 30 mai prochain, et le rapport sera examiné au cours de la session de coordination de l’ECOSOC de fin juillet 2018.

Questions sociales et questions relatives aux droits de l’homme 

Rapport sur la cinquante-sixième session de la Commission du développement social (E/2018/26)

Le Président de la cinquante-sixième session, M. NIKULAS HANNIGAN (Islande), a présenté le rapport sur cette session qui s’est tenue le 10 février 2017 et du 29 janvier au 7 février 2018.  Il a indiqué que la Commission du développement social avait examiné le thème prioritaire suivant: « Stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous ».  La Commission a également examiné les plans et programmes d’action des Nations Unies concernant la situation de certains groupes sociaux et les aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), ainsi que la question nouvelle suivante: « Pour des sociétés durables et résilientes: l’innovation et l’interconnectivité au service du développement social ».

La Commission a retenu, pour sa session de 2019, le thème prioritaire suivant: « Lutter contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale ».  Elle a également décidé d’analyser le Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées et les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés en procédant à l’examen du document final de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la réalisation des objectifs de développement durable et des autres objectifs de développement internationalement convenus pour les personnes handicapées, consacrée au thème suivant: « La voie à suivre: un programme de développement qui tient compte de la question du handicap pour 2015 et au-delà ».

La Commission a adopté quatre projets de résolution qui résultent de ses travaux, dont elle recommande l’adoption au Conseil économique et social, sur les points suivants: a) Organisation des travaux et méthodes de travail futures de la Commission du développement social; b) Stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous; c) Aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique et d) Troisième cycle d’examen et d’évaluation du Plan d’action international de Madrid de 2002 sur le vieillissement.

L’ECOSOC a donc adopté sans vote ces quatre résolutions, intitulées dans le rapport « résolution I », « résolution II », « résolution III » et « résolution VI ».  Elle a en outre adopté une décision soumise dans le même rapport qui entérine ledit rapport.

Réagissant après la présentation du rapport, le représentant du Mexique a dit souhaiter que l’Assemblée générale modifie le mandat de tous les organes subsidiaires de l’ECOSOC afin de les aligner sur les travaux du Conseil économique et social et du Forum politique de haut niveau sur le développement durable.

Rapport du Secrétaire général sur la réalisation des objectifs de l’Année internationale de la famille et mécanismes mis en œuvre pour y donner suite (A/73/61–E/2018/4)

Ce rapport a été présenté par M. ALBERTO PADOVA, Responsable de la Division des politiques sociales et de développement du Département des affaires économiques et sociales (DESA).  Le rapport souligne que de nombreux États Membres ont étoffé les politiques familiales visant la lutte contre la pauvreté, l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, l’intégration sociale et la solidarité intergénérationnelle, comme cela est recommandé dans le cadre du vingtième anniversaire de l’Année internationale de la famille qui fut célébrée en 1994.  Ils les considèrent comme des outils propices à la réalisation des objectifs de développement durable n° 1 à 5.

Dans le rapport, le Secrétaire général recommande aux États Membres de poursuivre l’action menée, au plan national, en faveur de la réalisation et du suivi des objectifs de l’Année internationale de la famille; et de poursuivre l’échange de bonnes pratiques concernant l’élaboration de politiques familiales aux niveaux national, régional et international.

L’ECOSOC a ensuite pris note du rapport.

Avant cela, la déléguée de l’Uruguay avait fait part de son vœu de voir « une définition plus large et plus complète du concept de la famille au sein des Nations Unies ».  Son homologue d’El Salvador a, quant à lui, salué le fait que le caractère multidimensionnel de la pauvreté ait été pris en compte dans le rapport.

Application intégrale de la Déclaration et du Programme d’action de Durban

La Présidente de la séance, Mme INGA RHONDA KING, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, qui est Vice-Présidente de l’ECOSOC, a souligné qu’il n’y avait aucune documentation disponible au titre de ce point de l’ordre du jour des travaux de l’ECOSOC.

Questions de coordination, questions relatives au programme et autres questions - point 12

Rapports des organes de coordination - Point 12 a)

La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme AMINA J. MOHAMMED, a présenté le « rapport annuel d’ensemble du Conseil des chefs de secrétariat (CCS) des organismes des Nations Unies pour la coordination pour 2017 » (E/2018/48).  En tant qu’organe de coordination, le CCS et ses mécanismes subsidiaires -le Comité de haut niveau sur les programmes, le Comité de haut niveau sur la gestion et le Groupe des Nations Unies pour le développement (GNUD)- renforcent la cohérence des politiques, de la gestion et des opérations, dans le but d’accroître l’efficacité et l’efficience des activités du système des Nations Unies.  C’est aussi, en quelque sorte, un « laboratoire » de management interne, a-t-elle ajouté.

Dans sa résolution 70/1, l’Assemblée générale a souligné l’importance du rôle du système des Nations Unies à l’appui de la réalisation des objectifs de développement durable, qui sont au cœur du Programme 2030, et noté « l’avantage comparatif d’un système [...] qui soit doté de ressources suffisantes et qui soit pertinent, cohérent, efficient et efficace ».  Le rapport contient une description de la manière dont le CCS et ses organes subsidiaires ont, durant l’année 2017, aidé les États Membres à mettre en œuvre le Programme 2030. 

La Vice-Secrétaire générale a en outre rappelé que dans le but de faire « contribuer la jeunesse au débat », le Secrétaire général avait invité son Envoyé spécial chargé de la jeunesse à s’adresser au CSS lors de sa seconde session régulière, et que ce type d’interaction continuera. 

Les deux comités du CCS ont continué en premier lieu de renforcer la cohérence et la coordination des politiques menées à l’échelle du système en ce qui concerne, respectivement, les programmes et la gestion, tandis que le GNUD a surtout un rôle d’appui opérationnel au niveau des pays.  « En définitive, le CCS a promu des actions à l’échelle du système entier, ancrées dans une vision commune et un sens de responsabilité partagée, mettant en avant les capacités spécialisées et l’expertise du système des Nation Unies tout entier », a expliqué la Vice-Secrétaire générale.

Par le biais du Comité de haut niveau sur les programmes, le CCS a souligné la contribution constante des innovations scientifiques et techniques à la réalisation du développement durable.  Constatant la nature transversale et interdépendante des nouvelles technologies, le CCS a conclu qu’il fallait que les organismes de l’ONU adoptent une démarche pluridisciplinaire intégrée et veillent à ce que les mesures qu’ils prenaient soient cohérentes sur le plan stratégique.

Par l’intermédiaire du Comité de haut niveau sur la gestion, le CCS s’est résolument penché sur les questions d’administration et de gestion ayant des incidences à l’échelle du système dans les domaines des ressources humaines et de l’information, des finances et du budget, des achats et des technologies de l’information et des communications.

Par l’entremise du Groupe des Nations Unies pour le développement, le CCS s’est attaché à intégrer et à accélérer la réalisation des objectifs de développement durable et a poursuivi ses efforts de mise en œuvre de l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies.

Via le Comité de haut niveau sur les programmes, le CCS a approuvé un cadre d’analyse des risques et de la résilience (voir CEB/2017/6, annexe III), élaboré conjointement par ses trois organes subsidiaires avec le concours de l’École des cadres du système et du Programme alimentaire mondial (PAM), ainsi que la participation de 25 entités du système des Nations Unies.  Ce cadre définit dans le détail les « qui, quoi et comment » de la gouvernance de l’ONU.

S’ils suivent ce cadre, les responsables doivent dans leur comportement manifester leur appui au Programme 2030, principalement de quatre manières, a précisé Mme Mohammed: a) en faisant le maximum pour obtenir les résultats escomptés pour les peuples que servent les Nations Unies; b) en opérant des changements en profondeur; c) en adoptant un mode de pensée systémique; d) en optant pour la cocréation grâce à des partenariats.  Le cadre n’est pas simplement un outil de gestion des ressources humaines, mais aussi un puissant moyen de promouvoir un changement culturel plus large dans le contexte des vastes initiatives de réforme du Secrétaire général.

Concrètement, le CCS, par l’intermédiaire du Comité de haut niveau sur les programmes, a fait des efforts concrets pour améliorer la collaboration à l’appui de l’Accord de Paris conclu au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.  Il a ainsi approuvé une approche stratégique du système des Nations Unies face aux changements climatiques.

Le CCS a aussi cherché à renforcer l’application cohérente dans tout le système des textes issus de la quatrième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA).  Le Groupe consultatif interorganisations pour les PMA, dirigé par le Bureau du Haut-Représentant et le Groupe interinstitutions des Nations Unies sur le commerce et les capacités productives, dirigé par la CNUCED, ont tous les deux appuyé un ensemble de recommandations visant à améliorer la couverture, la portée et l’efficacité de l’appui du système des Nations Unies pour la promotion de l’investissement dans ces pays.

En deuxième lieu, le CCS a aussi poursuivi l’objectif d’améliorer les fonctions d’administration et de gestion du système des Nations Unies et d’innover en la matière.  Le Comité de haut niveau sur la gestion a appuyé la vision de réforme de la gestion proposée par le Secrétaire général.  Il a aussi étudié les diverses approches de décentralisation adoptées ou envisagées dans le système des Nations Unies, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées, ainsi que les caractéristiques et la valeur des outils, en se laissant guider par le respect des prescriptions et la responsabilité en matière de résultats.

Les domaines qui ont fait l’objet de discussions et d’initiatives sont notamment: l’augmentation des investissements en matière de données; la création de bureaux d’appui commun pour toutes les équipes de pays des Nations Unies d’ici à 2022, comme l’a demandé le Secrétaire général dans son rapport de décembre 2017 sur le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement; l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes; l’harmonisation dans le domaine des achats; les politiques de lutte contre la fraude; l’harmonisation des contrats bancaires; la gestion des charges à payer au titre de l’assurance maladie après la cessation de service; les pratiques optimales des ressources humaines dans la gestion de la performance; ou encore la promotion du multilinguisme.

« Les efforts tournés vers l’égalité des sexes ont été augmentés à travers tout le système des Nations-Unies », s’est félicitée la Vice-Secrétaire, qui a également salué la création d’une force spéciale de lutte contre le harcèlement sexuel au sein des organismes des Nations Unies, qui a commencé ses travaux à la fin de 2017, sous le leadership du Président du comité de haut niveau sur la gestion.

Troisième domaine d’activités du CCS: Renforcer l’efficacité, l’efficience, la cohérence et l’impact des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies.  Le GNUD, par exemple, a mis à jour son guide de référence de l’intégration en se fondant sur les enseignements tirés de l’expérience et les bonnes pratiques.  Il a aussi créé le Fonds commun visant à faciliter l’application du Programme 2030 par des politiques intégrées.

Le GNUD a également élaboré et publié des directives pour une nouvelle génération de plans-cadres des Nations Unies pour l’aide au développement qui soient fermement alignés sur les besoins et les priorités nationaux, fondés sur des données et des analyses solides, et axés sur les résultats et l’impact.

Au niveau régional, les équipes régionales du GNUD ont continué de fournir un appui à la planification stratégique et à l’assurance de la qualité aux équipes de pays des Nations Unies.  Il a publié des orientations essentielles sur la communication et le plaidoyer destinées aux équipes de pays.

Par ailleurs, pour renforcer encore le contrôle rigoureux des résultats, le GNUD a continué d’améliorer le système de gestion de l’information, qui permet de suivre systématiquement les données provenant de 130 équipes de pays des Nations Unies sur les résultats de la coordination.

Le GNUD a encore lancé la méthodologie pour un nouveau système de gestion de la performance des coordonnateurs résidents et des équipes de pays des Nations Unies. Une plateforme en ligne sera disponible en 2018 pour permettre aux coordonnateurs résidents et aux équipes de pays de recueillir les réactions des pairs à 360 degrés.

Comme autre objectif, le CCS a veillé à l’application des Normes comptables internationales pour le secteur public.  Le Groupe de travail des normes comptables s’attache à pérenniser l’application des normes IPSAS et à faire en sorte que les avantages qui en découlent soient exploités au mieux.

En outre, le CCS a travaillé en vue d’accentuer la transparence et le respect du principe de responsabilité, en privilégiant un dialogue de fond direct entre le CCS et les États Membres.  Le rapport mentionne notamment sa publication annuelle en ligne des données financières et de celles relatives aux ressources humaines à l’échelle du système.

Enfin, le CCS a continué d’assurer la coordination entre le Conseil des chefs de secrétariat et d’autres organes cofinancés.  Par l’intermédiaire de ses organes subsidiaires, le CCS contribue par exemple aux programmes de travail respectifs de la CFPI et du Corps commun d’inspection.

Dialogue avec le secrétariat du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination

Après la présentation du rapport par la Vice-Secrétaire générale, le représentant du Maroc a souligné que la réforme du système des Nations Unies pour le développement, lancée l’année dernière par le Secrétaire général, nécessite une approche globale et intégrée qui prenne en considération les moyens de la mise en œuvre effective du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et du Programme d’action d’Addis-Abeba.  Le Maroc encourage le Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies à continuer ses activités visant à promouvoir une action intégrée dans les domaines des changements climatiques et du développement durable et à favoriser la cohérence de l’action des organismes des Nations Unies sur les changements climatiques au niveau de chaque pays.

Il a ensuite indiqué que les propositions du Secrétaire général visant à renforcer la coordination et la cohérence entre les agences onusiennes pour assurer l’efficacité de leurs actions aux niveaux régional et national doivent se faire dans le respect total du modèle de développement des États Membres.  Ainsi, l’amélioration envisagée du système de coordonnateur résident ne pourrait être efficace que dans le cadre d’une appropriation nationale des activités opérationnelles de développement qui seront menées sur le terrain.  Il faudrait, à cet égard, s’assurer que le Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (PNUAD) soit le seul instrument de coopération du système de développement des Nations Unies avec chaque pays.  Le délégué a aussi dit soutenir la vision du Secrétaire général qui entend mettre sur pied une stratégie de financement plus durable qui prenne en considération les besoins des pays en développement, tout en étant prévisible et souple, conformément aux neufs principes fondamentaux inscrits dans la résolution de l’Assemblée générale 71/243 sur l’Examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies.

Le délégué du Mexique a, de son côté, relevé que c’est parce que l’ECOSOC ne remplissait pas ses fonctions qu’a été mis sur pied le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il a souhaité que l’ECOSOC serve véritablement au dialogue entre les États et le Secrétariat.  Il faut également qu’il soit « moins bureaucratique », a-t-il recommandé.  Il a par exemple salué le fait que ce rapport, qui était jadis adopté comme les autres, fasse désormais l’objet d’un dialogue avec les États Membres. 

Il a également jugé positif que les changements technologiques fassent désormais partie des questions abordées dans le rapport, car ces technologies auront des retombées importantes sur notre vie quotidienne.  

En effet, ce rapport accorde la priorité à l’engagement des Nations Unies en matière de progrès technologiques, a rebondi la Directrice du secrétariat du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination, Mme SIMONA PETROVA.  Elle a expliqué que l’ONU espère rester un espace de dialogue sur ces progrès technologiques, même si elle veut garder un rôle modeste, étant donné qu’elle n’a pas pour vocation d’être au premier plan des avancées technologiques.  Son rôle est toutefois de préparer les générations futures à s’adapter aux progrès technologiques, a-t-elle fait remarquer. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Nouvelle passe d’armes au Conseil de sécurité entre la Fédération de Russie et les pays occidentaux à propos de la situation humanitaire en Syrie

8236e séance – après-midi
CS/13302

Nouvelle passe d’armes au Conseil de sécurité entre la Fédération de Russie et les pays occidentaux à propos de la situation humanitaire en Syrie

Une nouvelle séance du Conseil de sécurité consacrée à la situation humanitaire en Syrie a été l’occasion, cet après-midi, de nouveaux échanges vigoureux entre la Fédération de Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni, tandis que le représentant de la France présentait un nouveau projet de résolution proposant « une approche globale et intégrée » destinée à « recréer un espace diplomatique sur le dossier syrien ».

Convoquée à la demande de la Fédération de Russie qui souhaitait notamment parler de la situation à Raqqa, ville libérée par les forces de la coalition occidentale, et dans le camp de Roukban, proche d’une base militaire implantée en Syrie par les Américains, la séance a aussi été l’occasion pour le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, de décrire un accès toujours limité à Afrin et dans la Ghouta orientale, en violation de la résolution 2401 (2018), qui demande une cessation des hostilités d’au moins 30 jours consécutifs pour acheminer une aide humanitaire dans le pays. 

« Plutôt que de les voir appliquer la résolution 2401 (2018), nous avons vu les parties s’engager dans une intense activité militaire avec un coût humain considérable », a déploré M. Lowcock, qui a ensuite rappelé que la population de Raqqa et de Roukban représentait « seulement 1% » de la population syrienne ayant besoin d’une aide, tout en soulignant qu’il est crucial de pourvoir à leurs besoins. 

Depuis que Daech a été chassé de Raqqa, près de 100 000 personnes sont revenues dans la ville, a déclaré le Coordonnateur des secours d’urgence, qui a ensuite expliqué que la présence de restes explosifs de guerre entravait les retours et provoquait une cinquantaine de morts chaque semaine.  Il a précisé qu’après une évaluation conduite sur place le 1er avril, les agences onusiennes planifiaient l’acheminement d’aide dans la ville. 

Quant à Roukban, environ 50 000 personnes y ont besoin d’une aide humanitaire, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.  Il a ajouté que, si des ressources en eau et en soins de santé sont apportées par la Jordanie, l’aide doit encore être améliorée.  « Les agences humanitaires coopèrent avec la Russie, les États-Unis et le Croissant-Rouge arabe syrien pour l’acheminer », a-t-il dit. 

M. Lowcock a ensuite abordé la situation à Douma et dans les autres zones de la Ghouta orientale.  Rappelant qu’elles étaient sous le contrôle du Gouvernement syrien, il a affirmé qu’aucune aide n’avait pu être livrée, alors que « l’accès dans la Ghouta orientale est crucial ».  Il a, par ailleurs, fait état de livraisons de nourriture et articles de santé, facilitées par la Turquie, dans la région d’Afrin, occupée par ce pays.  Malgré ces points positifs, les agences humanitaires éprouvent des difficultés à accéder à Afrin, a-t-il fait observer.

Indiquant que les autorités syriennes avaient autorisé, le 11 avril, le déploiement de 12 membres supplémentaires du personnel de l’ONU, sur les 17 demandés, le Coordonnateur des secours d’urgence a de nouveau insisté sur l’importance d’un renforcement de la réponse humanitaire internationale. 

Le représentant de la Fédération de Russie a, lui aussi, dressé un large tableau de la situation, en mettant l’accent sur les « efforts sans précédent » déployés par son pays en coordination avec le Gouvernement syrien pour améliorer la situation dans la Gouta orientale, d’où, « après des négociations longues et tendues », les groupes armés « ont été évacués », ce qui a « évité un bain de sang ».  Il s’est en outre félicité que « près de 60 000 personnes » aient pu regagner la région. 

Il a en revanche dénoncé une « situation catastrophique » à Raqqa, où, a-t-il affirmé, la reconstruction n’a pas commencé et que les populations ont regagnée « dans la peur », avant d’ajouter que la ville n’avait reçu d’aide que très récemment, à la suite de pressions notamment de son pays.  Il a aussi parlé de « protestations contre l’occupation américaine qui n’est pas vue d’un bon œil par la population locale ».  Le représentant a par ailleurs décrit le camp de déplacés de Roukban comme « une zone grise qui viole la souveraineté syrienne ».  « Veuillez nous dire comment vous mettez en œuvre la résolution 2401 (2018) », a ensuite demandé le représentant en s’adressant aux représentants des pays occidentaux, dont il a dénoncé « l’hypocrisie ». 

La Russie ne fait que chercher « à nous détourner des atrocités commises par le régime d’Assad », a répliqué la représentante des États-Unis, qui lui a reproché « d’attirer notre attention sur une zone où le régime ne bombarde pas les civils », alors que les combats et les frappes aériennes se poursuivent ailleurs dans le pays.  Affirmant que « les interventions de la coalition » s’étaient faites « dans le respect des règles de la guerre visant à minimiser les victimes civiles, notamment à Raqqa », elle a ajouté que les convois humanitaires des Nations Unies étaient les bienvenus dans cette ville, de même qu’à Roukban ».  De même, la représentante du Royaume-Uni a accusé « certains intervenants » d’« utiliser la situation humanitaire pour soulever des questions politiques ». 

C’est un autre aspect de la situation humanitaire que les Pays-Bas ont dénoncé, faisant état de violences sexuelles envers les femmes, d’un manque de services dans les camps recevant les évacués de la Ghouta orientale, ainsi que de mauvaises conditions d’évacuation médicales vers Edleb, « pas du tout le genre d’évacuations médicales préconisé dans la résolution 2401 ». 

Alors que la totalité des membres du Conseil soulignaient la nécessité d’une solution politique, la France a présenté les grandes lignes du nouveau projet de résolution qu’elle porte avec le soutien du Royaume-Uni et des États-Unis. 

« À rebours des silos » dans lesquels les précédents textes s’enfermaient, le représentant français a défendu « une approche globale et intégrée » visant, par une « approche constructive » et un « dialogue serein », à « recréer un espace diplomatique sur le dossier syrien ».  Le projet, a-t-il expliqué, vise à obtenir des progrès essentiels en matière humanitaire, à recréer un mécanisme d’attribution des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques « pour mettre un terme définitif au programme d’arme chimique syrien » et « la tenue de négociations politiques concluantes, sous l’égide de l’ONU » et conformément à la résolution 2254 (2016).

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déploré que, « plutôt que de les voir appliquer la résolution 2401 (2018), nous avons vu les parties s’engager dans une intense activité militaire avec un coût humain considérable ». 

S’agissant de Raqqa et de Roukban, la population de ces endroits représente seulement 1% de la population syrienne ayant besoin d’une aide, a affirmé M. Lowcock, tout en soulignant qu’il était crucial de pourvoir à leurs besoins.  Le Secrétaire général adjoint a indiqué que, depuis que Daech a été chassé de Raqqa, près de 100 000 personnes sont revenues dans la ville.  Mais la présence d’engins non explosés et de restes explosifs de guerre entrave les retours, a-t-il expliqué, en indiquant que 50 personnes meurent chaque semaine en raison de ces vestiges de guerre et « qu’entre 70% et 80% des immeubles de la ville sont détruits ou endommagés ».  Il a mentionné qu’au moins 37 boulangeries étaient ouvertes et que les services de santé étaient très limités.  Près de 95% des familles revenues à Raqqa sont en insécurité alimentaire, a poursuivi M. Lowcock.  Il a ajouté qu’après une évaluation conduite sur place le 1er avril, les agences onusiennes planifient l’acheminement de l’aide dans la ville. 

À Roukban, environ 50 000 personnes ont besoin d’une aide humanitaire, a précisé le Coordonnateur des secours d’urgence.  Des ressources en eau et en soins de santé sont apportées par la Jordanie mais l’aide doit encore être améliorée, a-t-il ajouté.  Il a pris note de l’approbation, par le Gouvernement syrien, d’un convoi onusien prévu pour se rendre à Roukban depuis Damas.  Les agences humanitaires coopèrent avec la Russie, les États-Unis et le Croissant-Rouge arabe syrien pour acheminer l’aide, dans la mesure où les conditions actuelles de sécurité ne permettent des mouvements que dans une zone située à 10 kilomètres de Roukban. 

Douma et les autres zones de la Ghouta orientale sont sous le contrôle du Gouvernement, a déclaré M. Lowcock, ajoutant qu’aucune aide n’avait pu être livrée.  L’accès à la Ghouta orientale est crucial, a affirmé le Secrétaire général adjoint, qui a indiqué que l’ONU et ses partenaires répondaient aux besoins des 155 000 personnes déplacées de cette zone.  Environ 63 000 d’entre elles se sont rendues dans le nord, à Alep et Edleb, rejoignant ainsi près de 400 000 personnes déplacées du sud d’Edleb depuis le 15 décembre.  Le Secrétaire général adjoint a mentionné une augmentation de 25% de la population d’Edleb, cette situation extrême et la poursuite des combats rendant difficile l’acheminement de l’aide. 

Les personnes qui demeurent à Afrin ont besoin d’une aide et devraient pouvoir circuler librement, a poursuivi M. Lowcock.  Il a noté qu’entre le 2 et le 4 avril, de la nourriture et des articles de santé avaient pu être livrés dans le district d’Afrin, facilités par la Turquie.  Près de 50 000 personnes ont reçu une aide à Tell Rifaat.  Malgré ces développements positifs, les agences humanitaires éprouvent des difficultés à accéder à Afrin, a néanmoins déploré le Secrétaire général adjoint.  Il a mentionné la requête soumise aux autorités syriennes pour intensifier la capacité opérationnelle de l’Organisation en Syrie.  Le déploiement, pour quatre semaines, de 12 membres du personnel de l’ONU, sur les 17 demandés, a été autorisé le 11 avril, a-t-il précisé. 

Évoquant la conférence de Bruxelles qui aura lieu les 24 et 25 avril, le Secrétaire général adjoint a indiqué que l’appel humanitaire pour la Syrie n’était à ce jour financé qu’à hauteur de 15%.  « Je ne saurais souligner davantage encore l’importance de soutenir et de renforcer la réponse internationale en Syrie », a conclu M. Lowcock. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a fait savoir que, dans le cadre de la résolution 2401 (2018) du Conseil de sécurité, la Russie, en coordination avec le Gouvernement syrien, avait déployé des efforts sans précédent pour améliorer la situation dans la Gouta orientale, d’où, « après des négociations longues et tendues » les groupes armés « ont été évacués », ce qui a « évité un bain de sang », s’est-il félicité, avant de préciser que « près de 60 000 personnes ont pu regagner la région.  « Nous discutons du relèvement des infrastructures, rétablissons l’approvisionnement en eau et en électricité, fournissons du pain et une assistance ciblée », a-t-il ensuite assuré.

M. Nebenzia a fait état d’une « situation catastrophique » à Raqqa.  Depuis qu’elle en a chassé l’État islamique, la coalition a presque occupé ce territoire, a-t-il affirmé.  Or, a-t-il poursuivi, la reconstruction n’a pas commencé et les populations ont regagné cette région « dans la peur » et avec de nombreux risques.  « Personne ne sait ce qu’il se passe véritablement à Raqqa », a affirmé le représentant: la ville est en ruines et ces ruines recouvrent des « montagnes de cadavres », alors que « chaque jour, des personnes sont victimes des mines » laissées par les combattants de Daech.  Affirmant que personne n’avait pris de mesures pour apporter une aide aux populations, il a affirmé que ce n’était que récemment, « suite à des pressions » de son pays notamment, que l’ONU avait pu venir constater la situation.  Il a dénoncé une « véritable incompétence » du conseil local mis en place, qu’il a accusé de n’avoir commencé à agir qu’il y a un mois environ.  Il a aussi noté qu’il y avait eu « des protestations contre l’occupation américaine qui n’est pas vue d’un bon œil par la population locale ». 

Le camp de déplacés de Roukban, qui se trouve à proximité de la base militaire américaine de Tanf, « laquelle est en soi une violation de la souveraineté territoriale de la Syrie » et « une autre zone grise qui viole la souveraineté syrienne », a poursuivi M. Nebenzia.  Ces questions, a-t-il insisté doivent être au cœur de l’attention des acteurs humanitaires de l’ONU. 

« Veuillez nous dire comment vous mettez en œuvre la résolution 2401 (2018) », a ensuite demandé le représentant en s’adressant aux représentants des pays occidentaux.  « Il faut avoir l’audace de répondre à nos questions », a-t-il ajouté, se disant frappé par l’hypocrisie des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France.  « Cette troïka doit s’acquitter de ses responsabilités », a-t-il martelé.  Il a réitéré la position de principe de la Russie, à savoir qu’il faut mettre en œuvre la résolution 2254 (2016) du Conseil et revenir aux négociations de Genève sans conditions préalables.  « S’il s’agit d’utiliser les bombes pour contraindre le Président syrien à participer aux négociations, cette tâche ne peut pas être réalisée; nous ne pouvons pas nous faire d’illusions », a lancé M. Nebenzia.

« Vous devez reconstruire la situation que vous avez vous-mêmes détruite », a continué le représentant.  De plus, l’opposition doit se lancer sur la voie de la mise en œuvre de la résolution 2254 (2016), et ses appuis doivent mettre fin à la rhétorique belliqueuse à l’encontre d’un président élu.  « On a l’impression que c’est la Russie qui doit changer de position suite aux frappes du 14 avril et à la menace de Washington d’imposer de nouvelles sanctions », s’est étonné M. Nebenzia.

Or, « nous avons également des plans pour la Syrie », a rappelé le représentant, qui a répété qu’il n’y avait « pas de solution militaire au conflit syrien ».  Il a appelé à mettre fin à toutes les tentatives pour créer de nouvelles réalités en Syrie et saper sa souveraineté et son intégrité territoriale, et à renoncer à toute tentative de changement de pouvoir par la force.  Il a également demandé que les États qui ont une véritable influence se lancent sur la voie de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme.  Enfin, il a exigé que la communauté internationale renonce à manipuler la question humanitaire à des fins politiques et que l’opposition mette fin à ses provocations à l’arme chimique.

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a déploré la non-application de la résolution 2401 (2018) et souligné la nécessité d’un accès humanitaire en Syrie.  « Les attaques contre les civils doivent cesser », a-t-il affirmé.  « Frustré » de cette non-application, le représentant a exhorté les acteurs ayant de l’influence en Syrie à agir pour y remédier.  Il a dénoncé les obstacles entravant l’acheminement de l’aide et encouragé les autorités syriennes à y remédier.  Il a demandé la finalisation des plans humanitaires pour Raqqa, avant de demander un accès humanitaire pérenne au camp de réfugiés à Roukban.  Enfin, le représentant du Koweït a exhorté les donateurs à se montrer généreux lors de la prochaine conférence de Bruxelles.  

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a déploré que la résolution 2401 (2018) n’ait pas été mise en œuvre à ce jour, appelant à accroître les efforts pour sa pleine application partout en Syrie.  Il a demandé aux acteurs du processus d’Astana de respecter leurs engagements en ce sens.  Il a aussi rappelé à toutes les parties leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme.

Se disant gravement préoccupé par le sort des civils qui restent à Douma, le représentant a lancé un appel aux autorités syriennes pour qu’elles envoient les lettres d’autorisation nécessaires pour laisser entrer les convois humanitaires sans plus tarder.  M. Orrenius Skau s’est aussi désolé des obstacles de plus en plus nombreux qui empêchent l’ONU d’accéder aux civils fuyant la Ghouta orientale.  « Nous appelons les autorités syriennes à faciliter immédiatement l’accès du personnel de l’ONU aux camps de déplacés et à accorder des visas au personnel du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a-t-il dit, exigeant en outre que les évacuations, de la Ghouta orientale notamment, se fassent de manière volontaire et plaidant aussi pour une présence renforcée de l’ONU pour assurer la protection de la population.

En ce qui concerne la situation à Raqqa, M. Orrenius Skau s’est félicité de l’organisation de l’assistance humanitaire mais s’est inquiété du danger que représentent les engins explosifs improvisés, qui font de nombreuses victimes.  S’agissant de la situation des civils à Roukban, il a plaidé pour un accès humanitaire et pour que soit trouvée une solution à long terme.  De même, le représentant s’est inquiété de la situation humanitaire à Edleb, vu le nombre de déplacés qui s’accroît à un rythme rapide.  Enfin, il a exprimé ses préoccupations au sujet des 140 000 déplacés d’Afrin et a appelé les autorités syriennes à garantir la liberté de mouvement aux personnes ayant besoin de soins médicaux, avant de demander à la Turquie de permettre le retour dans la dignité des personnes qui ont été obligées de fuir.  Enfin, le représentant a lancé un appel à financer de manière suffisante l’aide humanitaire en Syrie et à trouver une solution politique au conflit.

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a assuré qu’en dépit des difficultés, les opérations de la coalition pour faire reculer l’État islamique avaient été couronnées de succès.  Les interventions de la coalition se sont faites dans le respect des règles de la guerre visant à minimiser les victimes civiles, notamment à Raqqa, où les convois humanitaires des Nations Unies sont les bienvenus, de même qu’à Roukban, a ajouté la représentante.  Les forces de la coalition agissent pour appuyer les efforts humanitaires et évaluer la situation sur le terrain, a-t-elle poursuivi.

Le retrait des engins explosifs improvisés et restes explosifs de guerre à Raqqa est une priorité, a reconnu Mme Eckels-Currie.  Quelque 3 000 engins ont ainsi été retirés et des infrastructures critiques ont été déminées.  « Cette tâche n’est pas simple mais fondamentale pour garantir le retour des personnes », a-t-elle ajouté.  De plus, « nous aidons les écoles, les cliniques et l’approvisionnement en eau et électricité ». 

« Mais nous ne sommes pas ici pour parler des efforts de la coalition », a lancé Mme Eckels-Currie, qui a accusé la Russie de chercher « à nous détourner des atrocités commises par le régime d’Assad ».  La Russie « attire notre attention sur une zone où le régime ne bombarde pas les civils », alors que les combats et les frappes aériennes se poursuivent au nord-est, a affirmé la représentante, qui a déploré que, malgré les appels du Conseil de sécurité pour que soit assuré un accès humanitaire sans entrave, les autorités syriennes n’aient autorisé que six convois transfrontières. 

« Nous avons besoin plus que jamais de nous concentrer sur le cessez-le-feu demandé par le Conseil », a souligné Mme Eckels-Currie, qui a averti: « Le représentant de la Russie peut demander autant de réunions qu’il le souhaite, nous ne baisserons pas les bras. » 

Pour M. FRANÇOIS DELATTRE (France), « depuis des mois, la situation sur le terrain en Syrie relève du cauchemar ».  Depuis le 18 février, au moins 1 800 personnes ont été tuées, a-t-il indiqué, ajoutant que 151 000 personnes avaient fui la Ghouta orientale depuis le 9 mars et que l’accès aux populations restées dans cette zone demeurait entravé.  La situation à Raqqa représente un défi considérable, a-t-il ensuite reconnu, tout en soulignant quelques signaux positifs comme la réouverture des écoles.  Il a mentionné le déblocage par la France de 10 millions d’euros fin 2017 pour financer les efforts de déminage dans la ville et a réitéré son appel à garantir un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave dans l’ensemble du territoire syrien. 

Le représentant a ensuite plaidé pour le projet de résolution transmis par son pays, le Royaume-Uni et les États-Unis et en cours de discussion.  « À rebours des silos » dans lesquels les précédents textes s’enfermaient, le représentant a défendu « une approche globale et intégrée » qui permette aux membres du Conseil de « se réunir autour d’objectifs partagés » dans le cadre d’une « approche constructive » et d’un « dialogue serein », afin de « recréer un espace diplomatique sur le dossier syrien ». 

Le projet de la France vise à obtenir des progrès essentiels en matière humanitaire, à recréer un mécanisme d’attribution des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques « pour mettre un terme définitif au programme d’arme chimique syrien » et « la tenue de négociations politiques concluantes, sous l’égide de l’ONU » et conformément à la résolution 2254 (2016).

En conclusion, M. Delattre a exhorté les membres du Conseil à répondre concrètement à cet appel.  « Nous devons dépasser nos divergences pour enfin converger vers des solutions utiles aux Syriens, qui désespèrent », a-t-il conclu. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a commencé par demander au Secrétariat des informations sur les retards enregistrés par la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à Douma.  Elle a aussi regretté que « certains intervenants utilisent la situation humanitaire pour soulever des questions politiques ». 

En vertu de la résolution 2401 (2018), a-t-elle ensuite précisé, le Royaume-Uni a alloué en 160 millions de dollars en 2017 à l’appel humanitaire pour la Syrie, et 138 millions en 2018.  Le Royaume-Uni figure ainsi parmi les trois principaux donateurs du plan humanitaire.  Avec 3,5 milliards de dollars déboursés à ce jour pour faire face à la crise en Syrie, c’est sa réponse la plus importante jamais accordée à une crise humanitaire, a ajouté la représentante, qui a comparé les sommes offertes par son pays aux quelques millions accordés l’an passé par la Russie, faisant en outre observer que cette dernière n’avait « rien » donné cette année. 

De plus, a résumé la représentante, le Royaume-Uni a accru son appui à Raqqa et dans les zones avoisinantes à travers la fourniture de soins médicaux, la distribution de trousses de secours et d’ustensiles de cuisine, et en contribuant au déminage.  S’agissant du camp de Roukban, elle a mis l’accent sur le droit des civils déplacés à la protection et à des services humanitaires adéquats et durables. 

Mme Pierce a exhorté le régime syrien et ses soutiens à faciliter l’accès aux convois humanitaires des Nations Unies à Douma et dans la Gouta orientale.  En particulier, elle s’est dite préoccupée par les « piètres conditions qui règnent dans les camps où la population de cette région a fui ».  Cette population, a-t-elle insisté, doit être protégée de toutes représailles du régime.  En conclusion, la représentante a demandé à tous les membres du Conseil de sécurité de relancer le processus politique et a dit espérer une discussion de fond sur la manière de procéder lors de la prochaine retraite du Conseil en Suède, avec le Secrétaire général. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a déclaré soutenir la proposition russe d’établir un couloir humanitaire pour l’évacuation des réfugiés de la zone de Tanf et du camp de réfugiés de Roukban.  Il a cité en exemple d’autres corridors déjà créés par la Russie et l’armée syrienne durant l’attaque sur Alep, « quand des milliers de civils avaient quitté la ville ».  Le représentant a ensuite appelé à un « arrêt immédiat des activités guerrières » en Syrie, afin que l’aide humanitaire puisse entrer en contact avec tous ceux qui en ont besoin, et à l’évacuation de tous les patients nécessitant des traitements urgents. 

Enfin, le Kazakhstan soutient les résultats de la rencontre trilatérale entre la Russie, la Turquie et l’Iran qui s’est déroulée à Ankara, le 4 avril.  Le représentant l’a qualifiée de « pas important » vers la résolution du conflit en Syrie.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a demandé la pleine mise en œuvre de la résolution 2401 (2018), avant de souligner la gravité de la situation humanitaire à Edleb.  Il a exhorté l’Iran et la Russie à œuvrer pour une cessation totale des hostilités.  Toutes les parties doivent s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, a-t-il dit.  Le représentant a en outre souligné l’importance de la prochaine conférence des donateurs à Bruxelles fin avril, avant de rappeler qu’il n’y avait pas de solution militaire en Syrie.  En conclusion, il a demandé l’application des différents résolutions pertinentes du Conseil. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a évoqué le nombre élevé de déplacés et réfugiés ayant fui la Syrie vers des pays voisins.  Les affrontements dans la ville de Raqqa ont notamment conduit de nombreuses familles syriennes au camp de Roukban, à la frontière jordanienne.  « Raqqa était le principal bastion syrien de l’État islamique », a-t-il rappelé, ajoutant que cette ville se trouvait actuellement dans une situation très difficile.

M. Ndong Mba a salué l’action de l’Organisation mondiale de la Santé, qui assiste des milliers de personnes à Raqqa, dont les résidents demeurent privés d’aide humanitaire.  Il a déploré la situation des civils qui y reviennent et se heurtent à un danger constant du fait des mines terrestres.  Le représentant a encouragé les pays ayant une influence sur les parties au conflit à agir pour assurer la mise en œuvre de la résolution 2401 (2018).  « Le peuple syrien n’a que trop souffert », a-t-il conclu en demandant que l’on intensifie les efforts internationaux pour trouver une solution politique durable, basée sur les intérêts du peuple syrien et respectant l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie. 

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) s’est déclaré « préoccupé par la précarité de la situation humanitaire sur le terrain » et a constaté avec regret que la résolution 2401 (2018) n’avait pas été mise en œuvre.  Concernant Raqqa, le représentant a pointé le problème du retour des populations dans leur région d’origine et a appelé à « la mobilisation de la communauté internationale » afin d’apporter l’aide nécessaire au rétablissement des blessés et soutenir les activités de déminage.

Concernant la ville de Roukban, M. Dah s’est déclaré préoccupé par les conditions de vie extrêmement précaires des populations.  Il a invité les acteurs du conflit à autoriser les agences humanitaires à conduire des missions, conformément à la résolution 2401.  Enfin, le représentant a réitéré son souhait d’un règlement négocié du conflit syrien par « un dialogue politique inclusif des différents acteurs sur la base du processus de Genève ».

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a d’abord réclamé la mise en place immédiate de la résolution 2401 (2018), avant d’interpeller le Conseil sur le sort des habitants de la Ghouta orientale déplacés par le conflit dans les régions d’Edleb et de Damas.  Elle a pointé leur besoin urgent « d’abri, de nourriture et de traitements ».  Elle a dénoncé des rapports faisant état de violences sexuelles envers les femmes dans cette zone.  Le sort des évacués médicaux vers Edleb, convoyés en bus alors que leur état de santé ne le permettait pas, est un autre sujet d’inquiétude: « ce n’est pas du tout le genre d’évacuations médicales préconisé dans la résolution 2401 », a déclaré la représentante. 

Mme Gregoire Van Haaren s’est aussi inquiétée du sort des habitants de la ville de Douma, dénonçant l’attentisme du régime quant à l’octroi de laissez-passer pour les convois humanitaires, et des communautés de la région d’Afrin, dépassées par l’arrivée de 180 000 civils déplacés dans la région.  Concernant Raqqa, la représentante a salué la libération de la ville de Daech.  Appelant à la stabilisation de la situation et au déminage du secteur, elle a aussi rappelé que la protection des civils et des organisations non gouvernementales « devait être respectée en toutes circonstances ».  Enfin, concernant le camp de Roukban, elle a rappelé la nécessité d’une aide médicale pour les habitants coincés dans la zone.

M. MA ZHAOXU (Chine) a nourri l’espoir d’une solution politique en Syrie.  Mon pays continuera d’appuyer le relèvement humanitaire du pays, a déclaré le représentant, qui a demandé la pleine application de la résolution 2401 (2018).  Il s’est opposé à l’emploi de la force dans les relations internationales.  Toutes les actions engagées doivent respecter le droit international, a-t-il rappelé, en soulignant la nécessité d’éviter de contourner le Conseil: « il faut revenir au cadre du droit international ».  Enfin, M. Ma a assuré le Conseil de l’engagement de son pays à faire avancer les négociations de paix, en particulier à Genève. 

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a salué les efforts déployés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et les institutions humanitaires de l’ONU.  Il a appelé à prendre toutes les mesures pour permettre la reconstruction de Raqqa et des autres villes en Syrie, et garantir le retour sûr et digne de toutes les familles.  Il a jugé urgent de « lancer un travail de déminage », notamment pour les engins explosifs improvisés artisanaux. 

Le représentant a regretté que la violence se poursuive dans les principales villes de la Syrie, où « ce sont les infrastructures civiles qui trinquent ».  Il a lancé un appel à toutes les parties concernées pour garantir la fourniture d’une assistance humanitaire et permettre les évacuations médicales d’urgence, dans les zones assiégées et difficiles.  Enfin, il a rejeté « toute fragmentation de ce conflit », la seule solution se trouvant selon lui dans un processus politique n’excluant personne. 

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) s’est félicité de l’évaluation conduite par l’ONU le 1er avril à Raqqa, avant de souligner la nécessité de déminer la ville.  Un accès humanitaire sans entrave doit être garanti en Syrie, a-t-il dit avant de demander la pleine application de la résolution 2401 (2018).  Enfin, le représentant a souligné la nécessité d’un « dialogue constructif » en Syrie. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit vivement préoccupé par la situation humanitaire à Raqqa et à Roukban, avant de saluer les efforts de déminage conduits à Raqqa.  Il a rappelé le droit légitime des États de protéger leurs frontières, tout en soulignant la nécessité de garantir le respect du droit humanitaire.  La politisation de l’aide humanitaire est inacceptable, a-t-il déclaré en conclusion. 

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a déclaré avoir « l’impression que certains membres du Conseil du sécurité ont un microscope à la main, cherchant tout grain de poussière, alors qu’ils ignorent l’éléphant qui est à côté d’eux, à savoir l’agression lancée par des membres du Conseil de sécurité contre la Syrie et l’occupation par ces mêmes membres d’un tiers de son territoire ».  Les forces des États-Unis, dont la représentante dit avoir détruit 3 000 mines à Raqqa, ville qu’elles occupent, auraient dû, selon lui, « demander à Daech de les aider à localiser les mines ». 

M. Ja’afari s’en est pris ensuite à plusieurs des membres du Conseil de sécurité.  Il a reproché au représentant de la Suède d’avoir mentionné 16 fois le Gouvernement syrien sans demander qu’il soit mis un terme à l’occupation de son pays ni condamner l’attaque contre son pays et le terrorisme.  Au représentant de la France, il a lancé que Médecins sans frontières (MSF) est « entré en Syrie, comme Daech, sans l’approbation du Gouvernement syrien ».  Il a vilipendé les « trafiquants, criminels, opposants, agresseurs et terroristes sans frontières ».  « L’ingérence aussi se fait sans frontières », a-t-il ironisé. 

Le représentant a poursuivi en répondant à la demande d’information formulée par la représentante du Royaume-Uni concernant la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en assurant que le Gouvernement syrien avait pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter son arrivée.  La Mission, a-t-il précisé, est « entrée à Douma à 15 heures, heure de Damas, afin d’évaluer la situation sécuritaire sur le terrain ».  Elle a commencé ses travaux et les rumeurs ne cherchent qu’à dénaturer son travail, a-t-il déploré.

« Il est malheureux que la France et les pays qui ont lancé une agression lâche contre la Syrie n’aient pas compris que le souhait d’indépendance de la Syrie est une réalité », a insisté M. Ja’afari.  « Toute tentative de revenir à l’époque de l’hégémonie échouera », a-t-il prévenu.  Il a ensuite remercié la Russie d’avoir demandé l’organisation de cette réunion, car « la ville de Raqqa a été complètement détruite par la coalition sous prétexte de la lutte contre le terrorisme ». 

La coalition, a fait valoir M. Ja’afari, « n’a jamais cherché à combattre le terrorisme, mais à saper la souveraineté de la Syrie et affaiblir l’armée syrienne ».  Elle a, a-t-il dénoncé, « tué des milliers de civils innocents en utilisant les pires armes, dont des armes incendiaires », pour détruire des infrastructures.  La coalition a en outre « assuré la sécurité du passage de l’État islamique vers Raqqa ».  Les États-Unis ont, selon le représentant, épargné les terroristes qui restaient, et la France et le Royaume-Uni ont accordé un soutien aux combattants terroristes armés par le biais d’une action tripartite armée le 14 avril dernier ». 

Les États-Unis, a continué M. Ja’afari, sont responsables de la catastrophique situation humanitaire dans le camp de Roukban.  Il a ensuite accusé les États-Unis de former des terroristes de l’État islamique d’Iraq et du Levant pour les utiliser dans d’autres batailles dans la région. 

« Ce qui est nécessaire maintenant, c’est que le Conseil de sécurité exécute son mandat au titre des dispositions de la Charte en refusant l’occupation, par les États-Unis et Israël, de la Syrie », a encore déclaré M. Ja’afari, qui a conclu en affirmant: « Le Conseil de sécurité ne doit pas plier l’échine sous la volonté des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. »

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le nouvel Envoyé Spécial pour le Yémen plaide pour une solution politique à la guerre et à la crise humanitaire

8235e séance – matin
CS/13301

Conseil de sécurité: le nouvel Envoyé Spécial pour le Yémen plaide pour une solution politique à la guerre et à la crise humanitaire

La guerre au Yémen est devenue plus urgente au cours des dernières semaines a reconnu ce matin le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Martin Griffiths, lors d’une réunion d’information au Conseil de sécurité.  Il a toutefois tenu à souligner qu’une solution politique permettant de mettre fin à la guerre était « à portée de main ».  Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Mark Lowcock, a rappelé que la situation humanitaire dans le pays était la pire au monde, avec plus de 22 millions de personnes ayant besoin d’une aide urgente, dont 8,4 millions de personnes souffrant d’insécurité alimentaire.

Le peuple du Yémen a désespérément besoin de signes d’espoir indiquant que la guerre cessera bientôt, a plaidé M. Griffiths.  L’Envoyé spécial, qui a pris ses fonctions le 11 mars dernier, a expliqué avoir déjà pris le temps de rencontrer et d’écouter un certain nombre de Yéménites issus de toutes les parties et de nombreuses organisations civiques.  Il a ensuite annoncé son intention de présenter au Conseil un cadre de négociation « d’ici deux mois ».

Nous savons, a poursuivi M. Griffiths, que résoudre le conflit du Yémen implique que ses dirigeants s’entendent pour mettre leurs divergences de côté et pour les gérer non pas à travers l’affrontement, mais par le biais du dialogue et du débat.  « Placer les Yéménites au cœur de nos priorités n’est pas seulement approprié et juste, c’est aussi la seule façon de parvenir à la paix », a-t-il insisté.  D’après lui, un accord politique négocié, passant par un dialogue inclusif intra-yéménite, reste la seule façon de mettre fin au conflit et à la crise humanitaire.

À l’instar de son collègue, M. Lowcock a exhorté toutes les parties au conflit à prendre des mesures concrètes pour protéger les civils et faciliter l’accès humanitaire.  Tout en relevant des améliorations, il s’est dit préoccupé par les lenteurs des importations commerciales via les ports yéménites, en particulier les ports de Hodeïda et Salif.  Des mesures sont prises pour renforcer le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies qui examine les cargaisons dans les deux ports précités, a-t-il dit, en demandant l’accélération des importations via les ports yéménites. 

Le Secrétaire général adjoint a déploré que les aéroports au Yémen demeurent fermés au trafic civil, empêchant des milliers de patients gravement malades de se rendre à l’étranger pour recevoir des soins.  À moins que des mesures ne soient prises dans certains districts à haut risque, une nouvelle grave épidémie de choléra pourrait se déclarer, a par ailleurs mis en garde M. Lowcock.  Il a indiqué que les agences, ayant tiré les leçons de la précédente épidémie, positionnaient des fournitures et ressources en eau chlorée. 

 

L’Envoyé spécial s’est également dit préoccupé par le nombre croissant de missiles balistiques lancés contre l’Arabie saoudite, par l’intensification des confrontations militaires dans la province de Saada et les pertes parmi les civils.  Évoquant des rapports non vérifiés faisant état d’une augmentation des mouvements de forces au Yémen, il a dit craindre « que l’une de ces évolutions puisse faire échouer en un clin d’œil les efforts de paix », avant de rappeler l’importance stratégique de la stabilité au Yémen, cruciale pour son peuple, ses voisins et la communauté internationale.  « Il va falloir trouver une synergie efficace entre médiation et diplomatie », a-t-il conclu. 

Plusieurs des membres du Conseil ont, à l’image du Royaume-Uni, déploré les conséquences humanitaires du conflit, tout en estimant qu’il était possible de régler ce dernier « si nous avançons conjointement et rapidement ».  À la différence de la situation en Syrie, il peut y avoir un consensus entre membres du Conseil sur le Yémen, ont également estimé les États-Unis. 

Les États-Unis ne veulent toutefois pas récompenser les acteurs qui ont des agissements négatifs au Yémen.  « L’Iran doit cesser son ingérence », a déclaré leur représentante qui, comme plusieurs membres du Conseil après elle, a dénoncé les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite par les houthistes, avant d’affirmer que le Conseil n’avait pas fait le nécessaire pour s’assurer que l’Iran respecte l’embargo sur les armes.  Dénonçant lui aussi les menaces des houthistes à l’encontre de l’Arabie saoudite et des pays de la région, le Koweït les a accusés de défier la communauté internationale.

Les nouveaux tirs de missiles contre l’Arabie saoudite sont inacceptables et éloignent la perspective d’une issue politique, a jugé la France, qui a appelé les parties à l’apaisement dans un contexte régional « extrêmement tendu ».  « L’unité de ce Conseil est d’une importance essentielle et nous avons –chacun d’entre nous et collectivement– un rôle à jouer à cet égard », a rappelé son représentant.

Pour sa part, la Fédération de Russie a condamné les frappes aveugles menées contre des civils et réitéré sa position de principe: les parties au conflit doivent s’abstenir de recourir à la force.  Mais en même temps, elle a insisté pour « ne pas ostraciser » et au contraire « inclure toutes les parties ayant une influence au Yémen », en souhaitant que le nouvel Envoyé Spécial « contrecarre la tendance actuelle ».

La solution à la crise se fonde sur « un cahier des charges très clair », a considéré, pour sa part, le représentant du Yémen, qui a appelé l’Envoyé spécial à mettre avant tout l’accent sur le respect des résolutions du Conseil par les houthistes.  « On ne peut pas accepter que la vie politique soit gérée par des milices », a-t-il insisté, estimant que, « si l’on accepte que celles-ci soient les garantes de la stabilité de la région, on pratique la politique de l’abîme ». 

Pour le représentant du Yémen, les milices houthistes iraniennes et leurs alliés ont essayé de compromettre ce cahier des charges et utilisé le chaos et la violence « pour imposer les desseins expansionnistes de l’Iran », qu’il a accusé de s’ingérer de façon flagrante dans les affaires intérieures du Yémen et d’autres pays de la région, et de chercher à les déstabiliser.  Il a aussi reproché au Conseil de sécurité de « n’avoir pas réussi à faire pression sur l’Iran ».

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARTIN GRIFFITHS, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, qui a pris ses fonctions le 11 mars dernier, a expliqué avoir déjà pris le temps de rencontrer et d’écouter un certain nombre de Yéménites, issus de toutes les parties et de nombreuses organisations civiques.  À cet égard, il a noté que les femmes étaient souvent « celles qui parlent avec le plus de clarté et de générosité ». 

« Les discours sur le Yémen sont nombreux et malheureusement souvent incendiaires », a reconnu M. Griffiths, pour qui la rhétorique sur le Yémen est impitoyable.  « Je sais comme vous que la paix devient possible quand nous arrivons à voir le bien chez nos ennemis, tout en voyant clairement les cruautés de la guerre », a-t-il déclaré. 

Nous savons, a poursuivi M. Griffiths, que résoudre le conflit du Yémen implique que ses dirigeants s’entendent pour mettre leurs divergences de côté et pour les gérer non pas à travers l’affrontement, mais par le biais du dialogue et du débat.  « Placer les Yéménites au cœur de nos priorités n’est pas seulement approprié et juste, c’est aussi la seule façon de parvenir à la paix », a-t-il insisté.

Dans son premier rapport préliminaire au Conseil de sécurité, a expliqué l’Envoyé spécial, il dira « ce qu’il craint » et tentera d’identifier des signes d’espoir.  Il a indiqué avoir l’intention de présenter d’ici deux mois au Conseil un cadre de négociation.

Au titre des « bonnes nouvelles », M. Griffiths a d’abord souligné qu’une « solution politique permettant de mettre fin à cette guerre est à portée de main ».  Toutefois, a-t-il averti, pour que les négociations soient couronnées de succès, il faudra de la patience et de la bonne foi entre les parties.  Tous les Yéménites aspirent à un Yémen stable et sûr, ayant un gouvernement responsable envers ses citoyens.

Le Gouvernement, s’est félicité l’Envoyé spécial, n’a ménagé aucun effort pour l’aider à comprendre ses positions et sa volonté de dialoguer.  Les réunions avec les dirigeants du mouvement Ansar Allah l’ont également encouragé et des commentaires semblables ont été faits par les dirigeants de divers partis yéménites. 

S’il ne s’est pas encore rendu dans le sud, M. Griffiths a dit avoir également commencé à s’entretenir avec des groupes du sud, dont les frustrations et aspirations ont été mises en relief par le conflit.  « Il n’y aura pas de paix au Yémen si nous n’écoutons pas les voix du sud », a-t-il mis en garde. 

« Mettre fin à une guerre n’équivaut pas à créer la paix et il en va de même pour le Yémen », a souligné l’Envoyé spécial.  « Nous devons d’abord nous concentrer sur la fin des hostilités ».  D’après lui, un accord politique négocié, passant par un dialogue inclusif intra-yéménite, reste la seule façon de mettre fin au conflit et à la crise humanitaire.  À ce sujet, M. Griffiths a demandé un accès sans entrave et sans conditions à toutes les parties prenantes.

L’Envoyé spécial a également relevé que le dialogue national, qui a inclus un très grand nombre de participants de la société civile, constituait un précédent décisif.  La société civile devra pleinement participer à la reconstruction des institutions étatiques, a-t-il ajouté.

Avant de passer aux « mauvaises nouvelles », M. Griffiths a rappelé que « l’heure la plus sombre précède l’aube ».  La guerre est devenue plus urgente au cours des dernières semaines, a déclaré l’Envoyé spécial, qui s’est notamment dit préoccupé par le nombre croissant de missiles utilisés, par l’intensification des confrontations militaires dans la province de Saada et les pertes parmi les civils.  Il a évoqué des rapports non vérifiés faisant état d’une augmentation des mouvements de forces au Yémen et a dit craindre « que l’une de ces évolutions puisse faire échouer en un clin d’œil les efforts de paix ». 

Le peuple du Yémen a désespérément besoin de signes d’espoir indiquant que la guerre cessera bientôt, a plaidé M. Griffiths.  Par exemple, avec l’assentiment des parties, nous avons travaillé à la réouverture de l’aéroport de Sanaa et au droit des Yéménites de voyager, a-t-il expliqué.  Il s’est par ailleurs inquiété des détentions pratiquées par toutes les parties. 

M. Griffiths a enfin rappelé l’importance stratégique de la stabilité au Yémen, cruciale pour son peuple, ses voisins et la communauté internationale.  « Il va falloir trouver une synergie efficace entre médiation et diplomatie », a-t-il conclu. 

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a rappelé que la situation humanitaire au Yémen était la pire au monde, avec plus de 22 millions de personnes ayant besoin d’une aide urgente, y compris 8,4 millions de personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire.  Il a précisé que plus de 190 partenaires, principalement yéménites, apportaient une aide et a annoncé que, cette année, le Programme alimentaire mondial (PAM) prévoyait de porter secours à 10 millions de personnes par mois.  Il s’est félicité des quelque 2 milliards de dollars de contributions annoncés lors de la dernière conférence des donateurs au début du mois, avant de saluer les 930 millions de dollars donnés par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour financer le Plan de réponse humanitaire. 

Le Secrétaire général adjoint a exhorté toutes les parties au conflit à prendre des mesures concrètes pour protéger les civils et faciliter l’accès humanitaire.  S’il y a eu des améliorations, il s’est dit préoccupé par les lenteurs des importations commerciales via les ports yéménites, en particulier les ports de Hodeïda et de Salif.  Des mesures sont prises pour renforcer le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies qui examine les cargaisons dans les deux ports précités, a-t-il dit, en demandant l’accélération des importations via les ports yéménites.  Il a déploré que les aéroports au Yémen demeurent fermés au trafic civil, empêchant des milliers de patients gravement malades de se rendre à l’étranger pour recevoir des soins. 

M. Lowcock a également dénoncé les obstacles bureaucratiques imposés par les autorités yéménites, les agents humanitaires continuant de faire face à des retards dans l’octroi des visas et à des fouilles aux différents points de contrôle.  Certains travailleurs humanitaires ont même été détenus, a-t-il fait observer.  « Si nous avons accès aux quelque 333 districts du Yémen, les restrictions et l’insécurité font que 1,2 million de personnes ayant besoin d’une aide vivent dans des zones inaccessibles pour les organisations humanitaires », a-t-il déploré.

À moins que des mesures ne soient prises dans certains districts à haut risque, une nouvelle grave épidémie de choléra pourrait se déclarer, a mis en garde M. Lowcock.  Il a indiqué que les agences, ayant tiré les leçons de la précédente épidémie, positionnaient des fournitures et ressources en eau chlorée. 

Le Secrétaire général adjoint s’est dit très préoccupé par les affrontements et les frappes pour la population civile, en particulier dans les provinces de Hodeïda, Taëz, Saada et Hajjah.  Il a déploré les pertes en vies humaines et l’augmentation des déplacements forcés.  « Près de trois millions de femmes et de filles courent le risque de violence sexuelle », a-t-il insisté.

M. Lowcock s’est dit en outre très préoccupé par les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite à partir du Yémen, mettant en danger de nombreux civils.  Il a rappelé à toutes les parties leurs obligations en vertu du droit international et plaidé pour la retenue afin d’éviter toute escalade.  La réponse humanitaire, si elle peut beaucoup, ne pourra résoudre la crise, a-t-il conclu, en appelant les acteurs à œuvrer en vue d’un règlement durable. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé qu’il ne sera possible de régler le conflit au Yémen que par la voie politique et a lancé un appel à l’action pour permettre à l’Envoyé spécial de mettre en œuvre le plan qu’il a présenté.  Déplorant les conséquences humanitaires désespérées du conflit, elle a néanmoins affirmé qu’il « n’en reste pas moins que c’est un conflit qu’il est possible de régler si nous avançons conjointement et rapidement ». 

La représentante a salué les récentes annonces de contributions financières, mais, a-t-elle souligné, les fonds ne suffisent pas et il faut déployer davantage d’efforts pour apporter au Yémen des produits commerciaux et trouver une solution au problème des taux de change.  Elle s’est également dite préoccupée par les problèmes d’accès aux zones tenues par les houthistes et par le sort des familles.

Les conséquences du conflit pour la stabilité régionale sont dangereuses, a averti la représentante, l’Arabie saoudite risquant d’être la cible de missiles, notamment dans des zones occupées par des civils.  Elle a ainsi appelé toutes les parties au conflit à honorer leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  Enfin, elle a engagé l’Iran « à cesser toute activité de déstabilisation ».

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a dit espérer que toutes les parties dialogueraient avec l’ONU, estimant en outre qu’il pouvait y avoir un consensus entre membres du Conseil sur le Yémen, à la différence de la situation en Syrie.  Nous ne devons pas récompenser les acteurs qui ont des agissements négatifs au Yémen, a poursuivi la représentante, pour qui « l’Iran doit cesser son ingérence ».  Elle a dénoncé les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite par les houthistes, avant d’affirmer que le Conseil n’avait pas fait le nécessaire pour s’assurer que l’Iran respecte l’embargo sur les armes. 

L’Iran ne respecte pas la résolution 2216 (2015), a affirmé Mme Haley.  « Les houthistes ne fabriquent pas des missiles balistiques et ont reçu l’aide des Iraniens », a-t-elle affirmé.  Elle a exhorté la communauté internationale à afficher un front uni face aux houthistes, lesquels sont, a-t-elle assuré, prêts à lancer d’autres missiles.  La représentante a en outre exhorté les parties à faire preuve de retenue et à œuvrer en vue d’un règlement négocié.  Nous devons changer les choses au Yémen, a-t-elle dit, en demandant un accès humanitaire sans entrave dans le pays. 

Mme Haley a dit appuyer le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies, avant de mentionner la contribution de 87 millions de dollars promise par son pays pour remédier à la crise humanitaire au Yémen.  Nous avons apporté notre soutien à la coalition de l’Arabie saoudite, qui doit faire attention pour ne pas faire de victimes civiles, a-t-elle poursuivi.  Enfin, elle a de nouveau exhorté le Conseil « à ne pas avoir peur » d’agir face aux provocations des houthistes et de leur allié iranien. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a insisté pour que l’Envoyé spécial poursuive son dialogue au Yémen, notamment avec les femmes.  Il a souligné la nécessité d’appuyer la reprise du processus politique sous l’égide des Nations Unies.  Le Conseil de sécurité doit « afficher un front uni » et appuyer le nouvel Envoyé spécial, a-t-il dit, ajoutant que toutes les parties devaient coopérer avec lui et mettre rapidement en œuvre des mesures de confiance.  La question du sud devra également être réglée dans le cadre de négociations, a estimé le représentant.

Sur la situation humanitaire, M. Orrenius Skau s’est référé aux mesures stipulées dans la déclaration présidentielle du Conseil du 15 mars dernier.  « Hélas, il est clair qu’elle n’est pas vraiment mise en œuvre », a-t-il regretté, notant qu’aucune évacuation humanitaire, même d’urgence, n’a été autorisée à ce jour et que les violations du droit humanitaire se poursuivent.  Il faut une véritable responsabilisation, a insisté le représentant, pour qui « le Conseil de sécurité doit exiger que ses décisions soient respectées ».  Enfin, la Suède ayant coorganisé la réunion de haut niveau relative aux annonces contributions pour le Yémen qui s’est tenue à Genève le 3 avril dernier, M. Orrenius Skau a remercié les donateurs qui ont promis plus de 2 milliards de dollars. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a souligné la gravité de la situation au Yémen et a jugé inacceptables les nouveaux tirs contre l’Arabie saoudite, lesquels éloignent la perspective d’une issue politique.  « Nous appelons les parties à l’apaisement dans un contexte régional extrêmement tendu », a-t-il déclaré. 

Le représentant a rappelé que la situation humanitaire continuait de se dégrader avant de saluer l’annonce du plan humanitaire de la coalition.  L’accès de l’aide humanitaire demeure notre principale préoccupation, a-t-il ajouté, en demandant un accès sûr et sans entrave pour l’aide humanitaire.  Il a en outre annoncé la tenue à Paris, d’ici à l’été, d’une conférence humanitaire sur le Yémen. 

Nous devons rester mobilisés pour soutenir une nouvelle dynamique politique, seule issue durable à ce conflit, a poursuivi M. Delattre, qui a exhorté les acteurs régionaux à jouer un rôle constructif au Yémen.  « L’unité de ce Conseil est d’une importance essentielle et nous avons –chacun d’entre nous et collectivement– un rôle à jouer à cet égard », a-t-il rappelé. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a fait part de sa grande préoccupation face à l’impact des hostilités sur les civils notamment en l’absence d’un cessez-le-feu et averti contre les violations récurrentes des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Alors que la guerre se prolonge, a-t-elle poursuivi, rendre des comptes devient plus urgent, sans quoi un règlement politique négocié aura peu de chance d’aboutir.  Sur le plan de l’aide humanitaire, la représentante a appelé à la mise en œuvre totale de la déclaration présidentielle du 15 mars, notamment l’appel du Conseil pour un accès durable et sans entrave à tous les ports du Yémen aussi bien pour les biens humanitaires que commerciaux.  Elle a, de même, insisté pour que tous les biens soient acheminés vers les personnes dans le besoin.  En conclusion, elle a appelé toutes les parties au conflit à éviter toute escalade et à s’engager avec le nouvel Envoyé sans conditions préalables.  

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a assuré l’Envoyé spécial du soutien de son pays en vue d’une issue pacifique au Yémen.  Il a condamné les tirs de missiles balistiques par les houthistes contre l’Arabie saoudite.  Les houthistes mettent au défi la communauté internationale, a-t-il dit, en dénonçant les menaces des houthistes contre l’Arabie saoudite et les pays de la région.  Il a rappelé que le Conseil a fait une déclaration à la presse pour condamner les tirs contre des villes saoudiennes.  Les houthistes ont continué de lancer des missiles et choisi l’escalade, a-t-il déploré, ajoutant que tous les États Membres devaient respecter l’embargo sur les armes prévu par la résolution 2216 (2015), a-t-il poursuivi.  Il a en outre rappelé la contribution de 250 millions de dollars apportée par son pays pour remédier à la situation humanitaire au Yémen. 

Le Conseil doit rester uni et ferme face à la crise yéménite, a déclaré M. Alotaibi, qui a jugé inacceptable que les ambitions de quelques-uns l’emportent sur le bien de tout un peuple et que les tirs de missiles contre l’Arabie saoudite se poursuivent.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a appelé à accroître l’aide humanitaire d’urgence et permettre un accès sans entrave partout au Yémen, où plus de deux millions de personnes sont encore déplacées.  Il a appelé toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et assumer leurs responsabilités pour atténuer les souffrances à travers une coopération totale avec l’ONU et les agences humanitaires concernées.  Le Yémen, a rappelé le représentant, connaît la crise humanitaire la plus grave au monde avec plus de 22 millions de personnes nécessitant aide humanitaire et protection.  Il a salué la décision de la coalition de maintenir ouverts les ports, y compris ceux de Hodeïda et Salif, afin de permettre la circulation sans restriction de cargos humanitaires et commerciaux. 

Sur le plan politique, M. Umarov s’est dit alarmé par la résurgence de la situation inquiétante, notamment dans la province sud de Hodeïda.  De même, il a fait part de son inquiétude face aux frappes aériennes et affrontements qui ont connu une intensification dans les faubourgs de la province de Jaouf.  À cet égard, il a appelé toutes les parties à s’engager pour une cessation des hostilités. 

Le représentant a appelé le Conseil de sécurité à œuvrer davantage pour la résolution du conflit au Yémen avec pour objectif une stabilisation de la situation dans toute la région, estimant inacceptables les attaques de roquettes contre des cibles civiles sur le territoire de l’Arabie saoudite, un acte que le Kazakhstan condamne fermement. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a souligné le besoin urgent de relancer le processus politique au Yémen.  D’après le représentant, la responsabilité principale de ce Conseil est de tracer la voie d’une solution pacifique au conflit.  « Les civils continuent de payer le prix des hostilités en cours », a-t-il rappelé.  Il a encouragé les acteurs régionaux ayant une influence sur les parties au conflit à les convaincre de coopérer avec le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général.

Si la Pologne a salué les résultats de la réunion de Genève sur les annonces de contributions, M. Radomski a constaté que la situation humanitaire au Yémen restait désespérée.  Il est crucial, a-t-il jugé, d’assurer le versement des salaires aux fonctionnaires à travers le pays.  De même, la fourniture de biens commerciaux et humanitaires doit être garantie.  Le représentant a ainsi exhorté toutes les parties au conflit à respecter pleinement les dispositions de la déclaration présidentielle du 15 mars dernier.

S’agissant des hostilités en cours, le représentant a appelé les parties prenantes à s’abstenir de prendre des actions qui pourraient aggraver la situation, y compris les tirs de missiles balistiques par les houthistes contre l’Arabie saoudite, et à coopérer pleinement avec le Groupe d’experts éminents sur le Yémen. 

M. WU HAITAO (Chine) a déploré la stagnation politique au Yémen, ainsi que la gravité de la situation humanitaire.  Seule une solution politique permettra de régler la crise, a-t-il dit, en demandant à l’ONU de poursuivre ses efforts.  Il a appelé le Conseil à rester uni, avant d’exhorter les parties à sortir de l’impasse actuelle.  Le représentant s’est félicité de la tenue de la récente conférence de donateurs et a indiqué que son pays avait d’ores et déjà fourni une aide humanitaire de 150 millions de renminbis au Yémen.  Enfin, il a assuré de l’engagement de son pays en vue de trouver une solution durable à la situation au Yémen. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a regretté l’escalade de la violence dans plusieurs provinces yéménites, qui ont récemment été le théâtre de raids aériens et d’affrontements armés.  Cette recrudescence des combats s’est soldée par 85 000 déplacements supplémentaires depuis le mois de décembre 2017, venus s’ajouter au plus de deux millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays depuis le début du conflit, a-t-il déploré.  Face à la persistance de rapports faisant état de recrutements d’enfants comme combattants, à la situation humanitaire catastrophique dans laquelle se trouve la population du pays, dont 60% est actuellement en situation de précarité alimentaire, et à la propagation de l’épidémie de choléra, qui touche désormais presque 1,1 million de personnes, le représentant a appelé le Conseil à condamner « unanimement et avec fermeté » les agissements de ceux qui contribuent à la détérioration du conflit.  Il a également appelé le Conseil à faire pression sur les parties pour garantir le bon fonctionnement opérationnel des aéroports et ports maritimes, sources d’approvisionnement en nourriture clefs pour la population civile.  Enfin, M. Llorentty Solíz a appelé les parties à entamer un processus de négociations censé aboutir à terme à une transition politique ouverte.

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) a déploré l’impasse politique actuelle et appelé à un règlement politique du conflit, à travers un processus inclusif réunissant tous les acteurs.  Les efforts internationaux déployés sur le plan politique en vue de trouver une issue pacifique seront totalement vains s’ils ne sont pas accompagnés de progrès significatifs sur le terrain, a-t-il poursuivi.  Le représentant a plaidé pour un cessez-le-feu intégral et la reprise des négociations politiques pour une paix durable.  Enfin, M. Dah a salué les efforts de l’ONU en vue de donner une nouvelle impulsion aux pourparlers de paix, avant de réaffirmer son attachement à l’unité et la souveraineté du Yémen. 

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a jugé urgent de résoudre la crise au Yémen, appelant à « un soutien, une compréhension et de la patience de la part de toutes les parties, y compris le Conseil de sécurité ».  Ces éléments sont essentiels pour permettre au nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général de mettre en œuvre son plan, a estimé le représentant.  Très préoccupé par la crise multidimensionnelle qui continue d’avoir un impact terrible sur les civils, celui-ci a demandé un accès sans entrave aux agences humanitaires. 

Pour l’Éthiopie, la seule solution possible est politique, à travers un dialogue intra-yéménite et dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du pays, conformément à la déclaration présidentielle du 15 mars dernier, a poursuivi M. Woldegerima.  Les parties doivent faire preuve de la volonté politique de travailler aux côtés de M. Griffiths.  Enfin, « la solidarité internationale observée au cours de la conférence d’annonces de contributions devrait continuer », par souci de la paix et de la stabilité dans la région et le monde entier, a conclu le représentant. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a vivement condamné les attaques meurtrières perpétrées le 25 mars dernier au moyen de missiles balistiques « probablement » lancés par des houthistes, contre cinq villes saoudiennes.  Ces agissements, a-t-il déclaré, prouvent que de telles armes sont tombées entre les mains d’acteurs « incontrôlables », au mépris de l’embargo sur les armes imposé au Yémen.  Le représentant a appelé le Conseil non seulement à condamner ces attaques, mais également à identifier et sanctionner les individus agissant en violation des résolutions du Conseil relatives à l’embargo.

Sur le plan humanitaire, le représentant a demandé à débloquer le plus rapidement possible les fonds nécessaires pour venir en aide aux 22,2 millions de Yéménites dans le besoin et en situation d’insécurité alimentaire, en raison de la persistance du conflit.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a apporté son soutien à l’Envoyé spécial, avant de se dire préoccupé par le renforcement des tendances à l’escalade au Yémen.  Se félicitant des engagements pris lors de la récente conférence des donateurs, il a précisé que, grâce à des aéronefs russes, près de 70 tonnes d’aide avaient pu être livrées au pays.  L’assistance humanitaire seule ne pourra toutefois pas régler la situation, a poursuivi le représentant, qui a condamné les frappes aveugles menées contre des civils et réitéré la position de principe de son pays: les parties au conflit doivent s’abstenir de recourir à la force.  Il a dit espérer que l’Envoyé spécial contrecarrerait la tendance actuelle et a exhorté les acteurs à s’asseoir à la table des négociations.  Il ne faut pas ostraciser mais inclure toutes les parties ayant une influence au Yémen, a-t-il conclu. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit très préoccupé par l’intensification des hostilités au Yémen et par la gravité de la situation humanitaire.  Les acteurs continuent de violer le droit international humanitaire, a-t-il déploré, en demandant que les responsables de ces violations soient sanctionnés.  M. Meza-Cuadra a dénoncé les tirs de missiles contre des centres urbains en Arabie saoudite, tirs qui pourraient constituer des crimes de guerre.  Il a ensuite souligné la nécessité d’un accès humanitaire sans entrave, avant de saluer la générosité des contributions annoncées pour financer le Plan de réponse humanitaire.  « Tous les ports du pays doivent rester ouverts », a-t-il insisté, avant de répéter qu’il n’existe pas de solution militaire au Yémen.  Rappelant qu’il était également Président du Comité des sanctions sur le Yémen (Comité 2140), M. Meza-Cuadra a déclaré qu’il continuerait à travailler en cette capacité en faveur de la paix dans le pays.

M. KHALED HUSSEIN MOHAMED ALYEMANY (Yémen) a rappelé que la crise dans son pays avait été causée par le coup organisé par les milices houthistes contre le Gouvernement légitime du Yémen il y a quatre ans.  Disant appuyer les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Griffiths, pour parvenir à une paix durable, il a assuré celui-ci de sa coopération. 

« La solution se fonde sur un cahier des charges très clair », a considéré le représentant pour qui, malheureusement, les milices houthistes iraniennes et leurs alliés ont essayé de compromettre ce cahier des charges et utilisé le chaos et la violence « pour imposer les desseins expansionnistes de l’Iran ».  « Si l’on accepte que ces milices soient les garantes de la stabilité de la région, on pratique la politique de l’abîme », a-t-il averti.  « On ne peut pas accepter que la vie politique soit gérée par des milices ». 

Pour M. Alyemany, la solution à la crise se fonde également sur les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2216 (2015) qui montre que le Conseil comprend la nature du problème.  Or, les houthistes ont refusé les mesures de confiance, a-t-il déploré.  « S’ils étaient vraiment conscients de la gravité de la situation humanitaire au Yémen, nous pourrions discuter aujourd’hui sous la houlette de l’Envoyé spécial », a-t-il ajouté.  Le représentant s’est dit convaincu que la normalisation de la situation ne sera possible que si l’on revient au fonctionnement institutionnel prévu par la Constitution.

M. Alyemany a ensuite appelé M. Griffiths à mettre avant tout l’accent sur le respect des résolutions du Conseil par les houthistes.  Les milices doivent se retirer des villes occupées et pillées, rendre les armes volées au Gouvernement, ne plus utiliser les missiles fournis par l’Iran en direction de l’Arabie saoudite et cesser le recrutement d’enfants, a-t-il précisé.  Le représentant a reproché à l’Iran de s’ingérer de façon flagrante dans les affaires intérieures du Yémen et d’autres pays de la région, accusant l’Iran de chercher à les déstabiliser.  « Le Conseil de sécurité n’a pas réussi à faire pression sur l’Iran », a-t-il critiqué.

La situation humanitaire au Yémen, sans précédent au XXIsiècle, continue de se détériorer, notamment dans les zones détruites par les houthistes qui utilisent la crise « pour se présenter comme victimes », a accusé M. Alyemany.  Pour le représentant, ce sont les mêmes houthistes qui sont responsables de l’accumulation de déchets dans les rues de Sanaa, qui risquent de déclencher une nouvelle flambée de choléra.  En conclusion, M. Alyemany a appelé le Conseil à « faire pression sur les houthistes qui continuent de rejeter le processus de paix ». 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Instance permanente: 370 millions d’autochtones comptant pour 15% des plus pauvres de la planète revendiquent leurs droits collectifs sur leurs terres, territoires et ressources

Dix-septième session
1re & 2e séances – matin & après-midi
DH/5387

Instance permanente: 370 millions d’autochtones comptant pour 15% des plus pauvres de la planète revendiquent leurs droits collectifs sur leurs terres, territoires et ressources

L’Instance permanente sur les questions autochtones a ouvert, ce matin, sa dix-septième session, sur le thème « Droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources », en présence de plus de 1 000 participants et du Président bolivien, M. Evo Morales Ayma, et comme le veut la tradition, après les mots de bienvenue du Chef de la nation onondaga, Tadodaho Sid Hill, de la tribu originelle de New York.

Selon la Banque mondiale, le monde compte aujourd’hui 370 millions d’autochtones, soit seulement 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres.  Les peuples autochtones perdent les terres et les ressources dont ils dépendent pour vivre, a alerté le Président de l’Assemblée générale.  Ces peuples sont dépossédés; leurs terres et leurs ressources se dégradent autour d’eux, soit à cause des activités humaines, soit à cause des changements climatiques, a ajouté M. Miroslav Lajčák.

La protection des droits collectifs sur les terres, les territoires et les ressources sont des revendications majeures du mouvement international des peuples autochtones, a souligné la Présidente de l’Instance permanente.  Mme Mariam Wallet Aboubkrine s’est enorgueillie de ce que « la collectivité » des droits offre une vision très différente des courants dominants qui reposent sur la propriété individuelle et la privatisation.

L’avancement de ces droits, a-t-elle fait valoir, est bénéfique au reste du monde, en ce qu’il participe à la lutte contre des problèmes tels que les changements climatiques et la perte de la biodiversité.  Nous avons beaucoup à apprendre de la compréhension approfondie et de la profonde connexion qu’ont les peuples autochtones avec la Terre, a reconnu la Vice-Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme Inga Rhonda King. 

La communauté internationale s’ouvre de plus en plus aux peuples autochtones: c’est la bonne chose à faire parce que ces peuples ont le droit de participer à la prise de décisions à tous les niveaux, pour pouvoir déterminer leur propre développement, et c’est la chose la plus intelligente à faire parce que ces peuples sont riches de connaissances traditionnelles, de modes de vie durables et d’une vision holistique qui bénéficient à tous, a ajouté le Sous-Secrétaire général au développement économique, M. Elliot Harris.  Après la Déclaration des Nations Unies en 2007, et la Conférence mondiale en 2014, le système des Nations Unies, a-t-il rappelé, a lancé en 2015 un plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui identifie des mesures concrètes pour la mise en œuvre de la Déclaration.

Réélue ce matin par acclamation à la Présidence de l’Instance, Mme Mariam Wallet Aboubakrine a dénoncé le fait que seuls quelques pays aient pris des mesures pour défendre les droits collectifs des peuples autochtones et que l’application des lois soit souvent insuffisante, « voire inexistante ».  « Tant que nos droits sur nos terres, territoires et ressources ne seront pas reconnus et défendus, nous risquons d’être « les laissés-pour-compte » du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a mis en garde la Présidente de l’Instance.

Président du seul pays à avoir transposé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans son droit national, M. Evo Morales Ayma, de la Bolivie, a fustigé les politiques d’accumulation des richesses qui ne respectent pas la Terre nourricière.  « La Terre ne saurait être une marchandise du capitalisme », a souligné M. Evo Morales Ayma, premier autochtone à avoir été élu à la tête d’un État.

Le Président bolivien a appelé à une lutte renforcée contre le capitalisme, l’impérialisme et l’interventionnisme, sans oublier de s’ériger contre le « lexique international » qui parle de « questions autochtones » alors qu’il s’agit de « droits des peuples autochtones ». 

La session s’est ouverte au rythme d’une guimbarde jouée par « Saina » Ekaterina Savvinova, de la République de Sakha, en Fédération de Russie, qui a également chanté des chants traditionnels iakoutes.

L’Instance a poursuivi ses travaux avec une table ronde sur les activités menées dans ses six domaines d’action, à savoir la santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et les 5 000 cultures.  Au cours des discussions, la situation des 7 000 langues autochtones s’est rapidement imposée à l’approche de la célébration, en 2019, de l’Année internationale qui leur sera consacrée.  L’UNESCO a rappelé qu’elle est en train de préparer un plan d’action pour l’Année internationale. 

Créée en 2000, l’Instance, qui est composée de 16 experts indépendants, a élu par acclamation Mmes Anne Nuorgam, Tarcila Rivera Zea et Zhang Xiaoan ainsi que M. Dimitrii Kharakka-Zaitsev à ses vice-présidences.  Les fonctions de Rapporteur ont été confiées à M. Brian Keane.

L’Instance poursuivra ses travaux demain, mardi 17 avril, à partir de 10 heures.

INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES

Déclarations liminaires

M. MIROSLAV LAJČÁK, Président de l’Assemblée générale, s’est félicité des nombreuses initiatives en faveur des peuples autochtones qui ont été lancées dans cette même salle.  Le Président a en effet rappelé qu’il y a 11 ans, l'Assemblée a ancré fermement les questions autochtones dans l'ordre du jour international.  Elle a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et, trois ans plus tard, en 2014, elle s’est réunie pour la première Conférence mondiale sur ces peuples.  Cela a été un grand pas en avant mais les discussions ont confirmé que nous avions un long chemin à parcourir, a reconnu le Président qui a précisé « pas seulement dans notre travail, pour réaliser les droits des communautés autochtones mais aussi dans la mise en place de partenariats plus solides entre ces communautés et les Nations Unies.

L’année dernière, s’est-il réjoui, l’Assemblée a fait un autre pas en avant en décidant, après deux ans de discussions, de créer un nouvel espace pour des auditions interactives qui devraient permettre d’éliminer les obstacles à la participation des peuples autochtones aux travaux des Nations Unies.  Le Président s’est dit honoré de conduire les premières auditions dès demain.

Alors que nous ouvrons la dix-septième session de l’Instance permanente « n’oublions pas que les Nations Unies sont là pour les peuples, dont les peuples autochtones », a-t-il insisté, dans une intervention axée sur quatre observations.  Tout en reconnaissant que les mesures prises par l’Assemblée générale jusqu'à présent ont donné de bons résultats, il a appelé à plus d’ambition.  Il a tenu à émettre, dans une deuxième observation, une mise en garde car les progrès récents ne doivent pas cacher les faits, des faits sombres qui doivent être vus et entendus de tous.  Le monde compte aujourd’hui 370 millions d’autochtones, soit seulement 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres du monde, a souligné le Président, en citant les chiffres de la Banque mondiale.  La pauvreté n’est pas le seul défi.  Les droits des peuples autochtones sont bafoués.  Ils n’ont pas toujours accès à un logement décent et à des écoles, ils sont exclus et marginalisés des systèmes qui devraient les protéger, ils font face à la violence et même à la mort - juste pour avoir revendiqué leurs droits fondamentaux.  

Les peuples autochtones perdent de surcroît les terres et les ressources dont ils dépendent pour vivre.  C’est pourquoi, dans une troisième observation, le Président a voulu que l’on concentre notre attention sur les terres, les territoires et les ressources autochtones.  « Les peuples autochtones sont dépossédés », a-t-il insisté.  Leurs terres et leurs ressources se dégradent autour d’eux, soit à cause des activités humaines, soit à cause des changements climatiques.  Le Président a fait écho à l’appel de l’activiste Autumn Peltier qui a parlé au Forum mondial de l’eau, en mars dernier.

Nous ne pouvons plus parler de terres autochtones comme si elles étaient comme les autres terres, a prévenu le Président.  Nous devons mieux comprendre leur importance pour les communautés auxquelles elles appartiennent.  Ce sont leurs moyens de subsistance.  Elles représentent la spiritualité, la famille, bref la survie.  Le Président a tout de même vu des signes encourageants et perceptibles au niveau national.  Ces dernières années, de nombreux États ont renforcé leur interaction avec les peuples autochtones.  De nouvelles lois et politiques ont été adoptées.  Il a appelé à une Instance permanente qui aille au-delà des mots et qui se concentre non pas sur la politique ou les positions, mais sur les gens.

La Vice-Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines), a rappelé que la réunion d’aujourd’hui coïncide avec la troisième année de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  La majeure partie des 17 objectifs et cibles du Programme 2030 s’applique aux peuples autochtones et est conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Le thème de cette année, a poursuivi la Vice-Présidente, nous rappelle que partout dans le monde, les peuples autochtones luttent pour leur droit à gérer et exploiter leurs terres, territoires et ressources.  En juillet prochain, les questions autochtones resteront au cœur du Forum politique de haut niveau pour le développement durable puisque le thème choisi est « Transformation vers des sociétés durables et résilientes ».  Nous avons beaucoup à apprendre de la compréhension approfondie et de la profonde connexion qu’ont les peuples autochtones avec la Terre, a souligné la Vice-Présidente.  Elle a d’ailleurs encouragé ces peuples à informer l’ECOSOC de leurs défis et préoccupations pour promouvoir une approche plus cohérente et plus coordonnée de la réponse du système des Nations Unies.  « Si les droits collectifs des peuples autochtones à leurs terres ne sont pas respectés, alors c’est l’avenir même de ces peuples qui est en péril », a-t-elle averti.  « Nous devons tenir notre promesse de ne laisser personne de côté. »

M. EVO MORALES AYMA, Président de la Bolivie, s’est félicité de ce que les peuples autochtones puissent enfin participer aux travaux des Nations Unies et contribuer à la défense de la planète.  Il est revenu sur l’invasion européenne de 1492, une lutte difficile livrée par ses ancêtres pour défendre ce continent que l’on appelle désormais « Amérique ». Pour célébrer le cinq centième anniversaire de la résistance populaire des peuples d’Amérique, la Bolivie a organisé, avec Rigoberta Menchú, une vaste campagne pour raconter l’histoire du mouvement social le plus important au monde: le mouvement de lutte autochtone pour l’égalité.  Le mouvement a ensuite repris, il y a 200 ans, pour appuyer les luttes d’indépendance, mais aujourd’hui, a souligné le Président, la responsabilité des peuples autochtones est encore plus grande, après que, pendant cinq siècles, « nous ayons mené des luttes de résistance pour récupérer le pouvoir de nous gouverner nous-mêmes ».

M. Morales Ayma a indiqué que grâce à son « Pacte d’unité », la Bolivie est en train de se libérer du joug extérieur.  Mais pour réussir ce travail, il faut identifier « les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur ».  La libération économique et culturelle est une révolution nécessaire pour changer la donne en Bolivie.  Le Président a insisté sur l’importance « fondamentale » de l’unité de tous et pas uniquement celle des peuples autochtones, même s’il n’a pas oublié les nombreuses « humiliations » dont des langues réduites au rang de « dialectes », des peuples à celui d’« ethnies », « alors que nous sommes des nationalités ».

L’avenir du peuple autochtone et la vie même sur terre sont en danger, a prévenu le Président, en dénonçant les politiques d’accumulation des richesses qui ne respectent pas la Terre nourricière.  La Terre, s’est-il énervé, ne saurait être une marchandise du capitalisme, d’où l’urgence de changer les politiques capitalistes pour garantir la survie des peuples de la planète.

Pour le Président de la Bolivie, il ne s’agit pas d’inventer la roue mais tout simplement de se souvenir de la manière dont les ancêtres autochtones ont su vivre sans « capitalisme de saccages et de pillages ».  Il a appelé à la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et l’interventionnisme, pointant la course aux armements qui, a-t-il affirmé, mène droit au génocide.  Il a aussi accusé « certains États » de fabriquer des problèmes pour justifier une intervention et mettre la main sur les ressources naturelles.  Il a appelé les peuples autochtones à s’unir avec les autres groupes sociaux pour assurer la survie de la Terre.

M. Morales Ayma a aussi dénoncé l’expression « questions autochtones », faisant observer que l’on ne parle pas ici de questions mais de droits des peuples autochtones.  Le Président a voulu que l’on revoie les termes problématiques du « lexique international ».  La lutte, a-t-il poursuivi, ne se limite pas aux peuples autochtones.  Elle doit prendre en compte tous les peuples.  Le Président a souligné que l’expérience des autochtones peut être utile aux Nations Unies.  Il s’est enorgueilli de ce que la Bolivie ait été le premier pays à ratifier la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Après avoir dénoncé les politiques d’extermination menées contre certaines communautés autochtones, M. Morales Ayma a évoqué les nombreuses avancées de la Bolivie.  Ce qui était impossible sous le joug colonial, est devenu possible en quelques années.  « Lorsqu’on ne se soumet ni au joug colonial, ni au joug des États-Unis, ni au joug de la Banque mondiale, il est vraiment possible de faire avancer les choses. »

Mme MARIAM WALLET ABOUBAKRINE, Présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a indiqué que la protection des droits collectifs des peuples autochtones sur les terres, les territoires et les ressources sont des revendications majeures du mouvement international des peuples autochtones.  Ces droits, qui sont inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, font partie de « notre droit » à l’autodétermination, a prévenu la Présidente.

Elle a expliqué que la collectivité des droits sur les terres, territoires et ressources est une tradition des peuples autochtones, de leur histoire et de leur patrimoine.  Cette vision est très différente des courants dominants, qui reposent sur la propriété individuelle et la privatisation.

Il est de plus en plus largement admis, a constaté la Présidente, que l’avancement des droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et les ressources, au-delà de contribuer à leur bien-être, est également bénéfique au reste du monde, en ce qu’il participe à lutter contre des problèmes tels que les changements climatiques et la perte de la biodiversité.  Des études ont notamment démontré que lorsque les droits des peuples autochtones sur les forêts sont respectés, le taux de déforestation est faible, ce qui atténue les effets des changements climatiques à moindre coût.  En outre, les terres gérées par les peuples autochtones abritent 80% de ce qui reste de la diversité biologique terrestre, a souligné la Présidente.

Mme Aboubakrine a déploré que seuls quelques pays aient reconnu ou pris des mesures pour défendre les droits collectifs des peuples autochtones sur les terres, territoires et ressources.  Les autres ne reconnaissent pas encore ces droits et les appliquent encore moins.  Même dans les pays où ces droits sont reconnus, l’application des lois est insuffisante voire inexistante et d’autres éléments de la législation sont même contraires à ces droits.  Les procédures requises, telles que la délimitation des terres et l’attribution des titres de propriété ne sont pas mises en œuvre et la garantie des droits est absente.

Dans le même temps, les défenseurs des droits des peuples autochtones deviennent des cibles lorsqu’ils élèvent la voix et font valoir leurs droits contre les expropriations et l’industrie extractive qui opère trop souvent sans le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones.  Cela se produit lorsque les États ou les acteurs non étatiques convoitent les terres et les ressources des peuples autochtones pour des projets de développement agressifs ou des activités destructrices, en violation des normes nationales et internationales.

« Nos terres et nos ressources ne sont pas de simples biens à nos yeux, elles sont notre vie », a conclu la Présidente.  Tant que nos droits sur nos terres, territoires et ressources ne seront pas reconnus et défendus, nous risquons fort d’être les laissés-pour-compte des objectifs de développement durable, avec le danger pour le monde de perdre la bataille des changements climatiques et de la protection de l’environnement.

Qu’il s’agisse de l’atténuation des effets des changements climatiques ou de la préservation de notre patrimoine commun, les peuples autochtones, a souligné, M. ELLIOTT HARRIS, Sous-Secrétaire général au développement économique et Économiste en chef, sont à l’avant-garde des réponses aux défis environnementaux fondées sur les principes de durabilité, le respect de la Terre nourricière et l’approche d’un développement centré sur l’homme.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 fait d’ailleurs une référence explicite à ces peuples autochtones.  Il souligne aussi les principes qu’ils ne cessent de défendre à savoir l’accès à l’eau potable, la durabilité et la réduction des inégalités.  La communauté internationale s’ouvre aussi de plus en plus aux peuples autochtones: « c’est la bonne chose à faire et c’est la chose la plus intelligente que l’on puisse faire ».

C’est une bonne chose, s’est expliqué le Sous-Secrétaire général, parce que les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions à tous les niveaux, pour pouvoir déterminer leur propre développement.  C’est la chose la plus intelligente parce que les peuples autochtones sont riches de connaissances traditionnelles, de modes de vie durables et d’une vision holistique qui bénéficient à tous.  « Nous devons les écouter », a insisté le Sous-Secrétaire général. 

Après la Déclaration des Nations Unies en 2007, et la Conférence mondiale en 2014, le système des Nations Unies a lancé en 2015 un plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui identifie des mesures concrètes pour la mise en œuvre de la Déclaration.  Cette mise en œuvre est « essentielle » au niveau des pays si l’on veut faire de la Déclaration une réalité pour les peuples autochtones qui sont probablement ceux qui pourraient être « laissés de côté », a prévenu le Sous-Secrétaire général qui a salué l’Instance permanente comme « espace unique » de dialogue et de coopération pour les États Membres et les peuples autochtones.

Mise en œuvre des recommandations formulées lors de la seizième session de l’Instance

Le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, M. BASKUT TUNCAK, s’est inquiété de l’impact des produits chimiques toxiques sur les territoires autochtones.  Ces communautés, qui sont toujours du mauvais côté de la barrière, subissent constamment la violation de leur droit à la vie, a-t-il dénoncé, parlant du taux élevé de déformations congénitales et autres maladies liées à la pollution chimique.  Il a aussi pointé un doigt accusateur sur les pays qui continuent de produire des pesticides, pourtant interdits, pour les exporter vers des pays où la législation est plus faible et où leur utilisation affecte « de manière disproportionnée » les communautés autochtones.

Le Rapporteur a fait observer que les situations les plus problématiques sont liées aux produits qui se trouvent dans les chaînes internationales de distribution.  Des centaines, voire des milliers de substances toxiques échappent à toute réglementation grâce aux traités internationaux dont il faut assurer une meilleure cohésion.  Le Rapporteur a aussi demandé des mécanismes d’établissement des responsabilités.  Il a appelé l’Instance à mettre au point un régime international plus ambitieux en matière de gestion de produits toxiques et dangereux et à envisager la création d’un cadre législatif robuste pour appuyer le respect des droits des peuples autochtones.

Touchant à une autre question, l’International Indian Treaty Council a réclamé un mécanisme sur le rapatriement des restes humains, des objets culturels et des biens sacrés appartenant aux peuples autochtones, tandis que NSW Aborigial Land Council a plaidé pour la création d’un groupe chargé d’examiner la situation des femmes autochtones en détention, de combattre la violence à l’encontre de ces femmes et de mettre sur pied des programmes spéciaux à l’intention de celles qui souffrent de manière disproportionnée des inégalités économiques et de la violence sexiste.

Le Guatemala a insisté sur l’importance des données, à la suite de quoi le Rapporteur de l’Instance, M. BRIAN KEANU, a reconnu l’importance qu’il y a à évaluer l’impact et la portée des programmes et projets en faveur des communautés autochtones, grâce à des indicateurs correctement calibrés.

Activités menées dans les six domaines d’action de l’Instance permanente en relation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à savoir la santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et la culture.

Mme AYSA MUKABENOVA, membre de l’Instance, est revenue sur la décision de proclamer 2019 l’Année internationale des langues autochtones pour attirer l’attention sur les langues en voie de disparition de ce patrimoine linguistique.  Elle a passé en revue les différentes étapes bureaucratiques qui ont abouti à cette proclamation.  La connaissance de ces langues en voie de disparation exige des efforts constants, a-t-elle prévenu, souhaitant des propositions concrètes pour la sensibilisation de l’opinion publique et la promotion de l’Année internationale.  Outre les violations de leurs droits de l’homme, les torts faits à leurs langues, à leurs cultures et donc à l’estime de soi, plongent les peuples autochtones souffrent d’une « dépression mentale ».

C’est l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) qui a été chargée d’élaborer le plan d’action de l’Année internationale, a rappelé sa représentante, Mme IRMGARDA KASINKAITE-BUDDEBERG.  Le plan d’action met l’accent sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la « centralité » des peuples autochtones, la promotion des instruments internationaux normatifs et de la diversité, l’ouverture à l’approche holistique, la participation multipartite assurée à tous les niveaux et, enfin, la synergie entre les différents cadres internationaux de développement.  L’UNESCO propose de créer un comité directeur pour assurer le suivi de la mise en œuvre du plan d’action, au sein duquel les groupes autochtones seront représentés de manière équitable.

D’une manière générale, le plan d’action vise en premier lieu à attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur les langues autochtones et sur les objectifs visant à renforcer le dialogue interculturel et la continuité culturelle et linguistique.  Les parties prenantes sont appelées à fournir un appui à la revitalisation et à la protection des langues autochtones et à promouvoir les valeurs qu’elles véhiculent dans un contexte socioculturel, économique et politique plus large.  L’UNESCO organisera une manifestation parallèle le 18 avril pour pousser la réflexion sur les principaux éléments du plan, tandis que le Comité directeur tiendra sa première réunion le 19 avril.

« Notre identité n’est pas distincte des danses et des langues de nos ancêtres », a déclaré le Ministre des affaires étrangères de la Bolivie.  « Retrouver notre langue autochtone, c’est retrouver notre langue du cœur, notre matrice de vie et de spiritualité et le système des connaissances qui nous a été transmis par nos ancêtres.  Retrouver notre langue, c’est retrouver notre santé et notre vitalité ».

Le transfert du savoir culturel aux jeunes générations est essentiel pour la survie de notre peuple et la protection de la biodiversité », a renchéri le Chef Wilton Littlechild, Coalition des droits de l’homme pour les peuples autochtones, qui a voulu que le respect de la spiritualité soit le principe directeur du plan d’action de l’UNESCO.  À son tour, M. Jens Dahl, expert de l’Instance, a souligné que pour sauver une langue, il faut qu’elle soit parlée à la maison et que les locuteurs se l’approprient.  Il a recommandé à l’UNESCO de recenser les nombreux chercheurs et linguistes autochtones impliqués dans la protection de leurs langues.  Il faut également garder à l’esprit les problèmes réels rencontrés sur le terrain, a renchéri M. Alexey Tsykarev, un autre expert de l’Instance qui s’est préoccupé de la transmission difficile des langues d’une génération à une autre.  Cette Année, a-t-il dit, devrait être l’occasion de mettre en place des initiatives pratiques à tous les niveaux.

L’Inuit Circumpolar Council a indiqué que bien que l’inuit soit considéré comme l’une des langues autochtones les plus fortes du Canada et que 70% des Inuits de Nunavut l’identifient comme leur langue maternelle, le nombre des locuteurs diminue toutefois de 20% chaque année.  Il a notamment dénoncé le fait que 40% des enseignants dans les écoles de Nunavut sont uniquement anglophones et viennent du sud du pays.  Les besoins des enfants inuits ne sont pas pris en compte dans la majorité des systèmes d’enseignement du Canada, a-t-il accusé.  L’inuit est « la langue unificatrice » de Nunavut qui mérite des ressources pour son éclosion.  Le Canada, représenté par une délégation inuite, a plaidé pour que l’inuit soit reconnu au même titre que le français ou l’anglais dans tout le pays.  D’ici à la soixante-quinzième session de l’Assemblée générale au plus tard, la voix des gouvernements autochtones doit être entendue dans toutes les réunions de l’ONU.

Beaucoup d’intervenants ont attirer l’attention sur certaines initiatives prises pour éviter la déperdition des langues autochtones.  La Fédération de Russie a parlé de bandes dessinées, avant que l’Association des peuples autochtones du nord, de la Sibérie et de l’extrême-orient de la Fédération de Russie n’évoque la tenue d’un congrès des enseignants en langue autochtones.  Mais ce qui est primordial, a-t-elle souligné, c’est d’inciter les peuples autochtones à parler leur langue, chez eux, avec leurs enfants.

Le Parlement sami de la Norvège a dit travailler, avec les Samediggis de Suède et de Finlande, à l’élaboration d’une terminologie et de normes communes pour éviter que la langue samie n’évolue de manière différente dans chacun de ces trois pays.  Mais le financement de ce projet fait défaut, a-t-il prévenu.  Le Guatemala a parlé des programmes pédagogiques en langue maya, tandis que le Mexique a appelé au renforcement des capacités créatrices des communautés autochtones, ainsi qu’à la création de contenus numériques en langues autochtones.  Il faut permettre aux peuples autochtones de s’épanouir en tant que tels, a souligné la Nouvelle-Zélande qui a indiqué que le maori est une langue officielle néozélandaise depuis 1986.

L’Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee a souligné que le continent africain compte plus de 1 000 langues autochtones, pourtant « marginalisées ».  Il a averti que cela pourra accélérer leur disparition au cours de ce siècle.  La revitalisation de l’amazigh en Algérie et au Maroc doit être considérée comme une initiative « exemplaire » pour toutes les autres langues autochtones du continent.  Le Congrès mondial amazigh a en profité pour dénoncer « la propagande » des organes officiels qui veulent faire croire que les langues autochtones seraient des obstacles au développement.  « Assurer la domination d’une langue sur une autre est un acte raciste contre lequel il ne faut jamais arrêter de lutter », a souligné le Congrès qui a dénoncé la minorisation de certaines langues jugées suspectes pour le simple fait que leurs locuteurs cherchent à revendiquer leurs droits.

La situation des défenseurs des droits de l’homme autochtones s’est également imposée au cours de ce dialogue interactif, la Ministre de la culture et de la démocratie de la Suède, au nom des États nordiques, s’alarmant de ce que plus de 300 de ces défenseurs aient été tués en 2017 et que le niveau d’impunité demeure « inacceptable ».  L’Organización de Pueblos Indigenas de la Amazonia Colombiana a réclamé un programme pour assurer la survie des dirigeants autochtones de Colombie, signalant que 37 d’entre eux ont été assassinés en 2017.  Elle s’est notamment inquiétée de la remilitarisation des zones libérées par les FARC et a appelé l’Instance à accorder la priorité à cette question.

« Les États ne respectent ni les terres ni les droits des peuples autochtones », s’est impatientée la Coordinadora de Organizaciones Indígenas de la Cuenca Amazónica.  Quand nous défendons nos droits, nous sommes poursuivis par ceux qui prétendent protéger la « Pachamama » mais qui promeuvent en fait la culture du soja ou les barrages hydroélectriques.  « Nous sommes poursuivis et parfois emprisonnés, simplement pour avoir tenté de protéger nos terres », s’est indignée l’organisation, avant d’annoncer la tenue prochaine d’une grande réunion des peuples d’Amazone pour approfondir ces questions et d’inviter l’Instance à y participer.

Le dialogue a également été ponctué par les interventions de différentes organisations internationales et agences de l’ONU, à l’instar de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui a parlé des négociations en cours sur un instrument juridique relatif à la protection des ressources génétiques, du savoir et des expressions culturelles traditionnelles.  L’Organisation panaméricaine de la santé a dit travailler à la promotion de l’accouchement traditionnel et avoir créé une bibliothèque virtuelle sur les soins traditionnels, tandis que le Secrétariat de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité a parlé d’un plan d’action sur l’utilisation coutumière de la biodiversité.  Des directives sont aussi envisagées pour promouvoir le savoir traditionnel et des ateliers sont organisés pour aider les pays à élaborer des plans d’action.  L’adoption d’un projet de décision relatif à un programme de travail sur le savoir traditionnel est également prévue, de même qu’un sommet sur la nature et la culture.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Conférence sur la biodiversité marine s’ouvre sous une « pluie d’inspiration » et une « tempête de bonnes idées »

Session d’organisation,
matin et après-midi
MER/2069

La Conférence sur la biodiversité marine s’ouvre sous une « pluie d’inspiration » et une « tempête de bonnes idées »

Qualifiée par de nombreuses délégations d’« historique », la Conférence intergouvernementale censée aboutir en 2020 à « un instrument juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durables de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » a entamé, ce matin, ses trois jours de discussions sur les modalités des futures négociations.  Les commentaires ont porté sur la composition de son bureau, le format des réunions, le calendrier, le règlement intérieur et l’avant-projet de texte.  La Présidente singapourienne de la Conférence a souhaité à la réunion, qui s’est ouverte à New York en plein orage printanier, « une pluie d’inspiration et une tempête de bonnes idées ».

En décembre 2017, l’Assemblée générale avait décidé de convoquer une conférence intergouvernementale pour examiner les recommandations du Comité préparatoire sur le futur instrument international qui se rapporte en fait à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Le rapport du Comité préparatoire étant paru en juillet dernier, la Conférence a donc prévu des sessions de fond, du 4 au 17 septembre 2018, au Siège de l’ONU, puis en 2019 et 2020.

Dans la foulée de son élection à la présidence de la Conférence, Mme Rena Lee, de Singapour, a rappelé que ce processus a commencé il y a plus de 10 ans.  Elle a rendu un hommage appuyé aux pionniers de l’initiative, qualifiée à sa suite par le Secrétaire général de la Conférence, M. Miguel de Serpa Soares, et de nombreuses délégations de « tournant historique ».

L’un des principaux thèmes de cette première journée a été la composition du futur Bureau de la Conférence.  Le Groupe des États d’Afrique et le Bangladesh ont estimé que la structure du Bureau ne devait pas différer de celle du Comité préparatoire qui a, selon eux, bien fonctionné avec deux représentants par région.  Arguant de la longueur des futures négociations, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Maurice, le Mexique et le Chili ont toutefois estimé qu’un bureau composé de trois représentants par région, soit 15 membres au total, permettrait de mieux représenter le monde.  Le Groupe des 77 et la Chine n’ont pas tranché, estimant que les deux options se valent.

S’agissant du calendrier de la Conférence, le Groupe des États d’Afrique s’est opposé à la tenue de la deuxième session de fond en septembre 2019, estimant qu’il s’agissait là d’une « période trop chargée ».  Il a indiqué son intention de proposer un calendrier alternatif.

La question du règlement intérieur de la Conférence a permis de dégager un consensus: les délégations ont unanimement plébiscité l’adoption mutatis mutandis, sans grandes délibérations, du Règlement intérieur des Nations Unies dans le cadre de la Conférence. 

En revanche, la possibilité de disposer d’un avant-projet de texte, dit « projet zéro », avant même le début des négociations formelles de septembre a été plus débattue.  La circulation d’un tel document permettrait non seulement de donner le temps aux délégations d’étudier le texte en amont, mais également de commencer la session de septembre directement par des questions de fond, ont estimé la CARICOM, le Bangladesh et la Nouvelle-Zélande.  « Un tel document ne serait pas un projet zéro à titre officiel », a précisé le Mexique, « mais ce serait une bonne base de travail pour commencer rapidement les discussions ».  Le mieux serait de confier son élaboration à la présidente de la Conférence, ont précisé les Maldives.  Il lui suffirait pour cela de reprendre la structure et les recommandations du rapport du Comité préparatoire, ont ajouté le G77, la Thaïlande et le Chili.

Il est hors de question de transformer « automatiquement » le rapport du Comité préparatoire en projet zéro, s’est insurgée la Fédération de Russie.  « Beaucoup des éléments du rapport se contredisent les uns les autres », a ajouté le pays, pour qui le projet zéro doit impérativement être le résultat d’une discussion intergouvernementale.  De manière générale, la Fédération de Russie a estimé que la Conférence « n’a pas été préparée de façon souhaitable ».  Selon elle, beaucoup de questions restent en suspens, y compris le droit à y participer et les processus de décisions.  Nous espérons que la précipitation qui a caractérisé jusqu’ici le processus cessera et laissera la place au « pragmatisme et au bon sens », a martelé la Fédération de Russie.

Au nom du même pragmatisme, le Groupe des États d’Afrique a appelé à la souplesse dans la répartition des travaux entre réunions formelles et informelles.  Il a toutefois insisté sur la nécessité d’éviter les réunions parallèles.  C’est important, ont renchéri le G77 et la Chine, pour s’assurer de la participation de toutes les délégations.  En effet, ont précisé les Maldives, de nombreux petits États insulaires n’ont qu’un personnel réduit.  Le Mexique a jugé utile de créer des groupes de travail de petite taille en marge des séances plénières. 

Rentrant dans le vif du sujet, à savoir la teneur même du futur instrument, le Groupe des pays en développement sans littoral a estimé que ce nouvel instrument devrait contribuer à élargir l’accès et la participation des pays en développement sans littoral à l’économie marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale, conformément à la Convention sur le droit de la mer.  Cela doit passer, a affirmé le Népal, par un renforcement des capacités techniques et financières des pays pauvres.

La réunion d’organisation de la Conférence reprendra demain, mardi 17 avril, à 10 heures, avec l’adoption officielle du règlement intérieur de la Conférence. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.