Cinquante et unième session,
8e séance – après-midi
POP/1077

Pour la deuxième année consécutive, la Commission de la population et du développement se sépare sur un échec

La Commission, qui a commencé ses travaux le 9 avril dernier, a fermé ses portes ce soir, en confirmant ce qui est devenu une tradition: depuis 2015, elle ne s’est quittée, qu’une seule fois, en 2016, avec un texte de consensus.  Aujourd’hui, devant l’échec de la Commission à se mettre d’accord sur une résolution relative au thème annuel « Villes durables, mobilité humaine et migrations internationales », la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) n’a pu s’empêcher d’avouer sa « déception ».

Mme Natalia Kanem a parlé d’un « frein » à la mise en œuvre du Programme d’action sur la population et le développement, adopté au Caire en 1994, qui dit: « Les migrants et les personnes déplacées n’ont qu’un accès limité aux soins de santé en matière de reproduction.  Leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs sont gravement menacés. »

La Directrice du FNUAP a offert aux délégations un « instantané » des énormes « défis » auxquels nous faisons face.  Elle a rapporté les propos d’une jeune somalienne: « nous avons dû partir parce qu’il y avait beaucoup de violence, beaucoup de combats.  Il n’y avait pas de paix et il n’y avait pas d’avenir, pas d’éducation, rien.  Alors nous avons été obligés de fuir ici au Kenya ».  Le Programme d’action du Caire, a poursuivi la Directrice exécutive du FNUAP, exige des directives concrètes en écho aux besoins, aux droits et au bien-être des millions de femmes et de filles vulnérables de chaque partie du monde mais voilà que les questions des villes durables, de la mobilité humaine et des migrations internationales sont plus controversées que jamais, a-t-elle « sincèrement regretté ».

Mme Kanem a estimé que le texte du Président de la Commission « contenait la plupart de ce dont le monde a besoin pour assurer la durabilité des villes, le mouvement de personnes et des migrations sûres, et leurs implications sur le développement durable ».  Le texte, a-t-elle insisté, reflétait adéquatement la réalité des pays et de leur peuple, veillant à ne laisser personne de côté.

Au-delà de ces murs, a-t-elle dit aux délégations, des millions de personnes, dans vos pays et dans vos communautés, dépendent de progrès réels.  Alors que les villes s’étendent, que les gens recherchent sûreté, sécurité, nouvelles connexions et nouvelles opportunités, nous devons continuer à faire notre travail pour améliorer leur vie.  La Directrice exécutive a voulu faire entendre une autre voix.  « La vôtre », a-t-elle dit aux délégations, celle des 179 gouvernements qui, il y a 24 ans, ont dégagé un « consensus puissant » sur le Programme d’action du Caire.  Quand la Commission se réunira l’année prochaine et marquera le vingt-cinquième anniversaire du rendez-vous cairote, « j’espère que votre compréhension des défis aura renouvelé et redynamisé la volonté de parvenir à un consensus et à veiller à ce que personne ne soit laissé de côté », a conclu la Directrice exécutive du FNUAP.

Le Président de la Commission, M. Ion Jinga, avait en effet vanté les mérites d’un texte « équilibré », ne préjugeant nullement de l’issue des négociations sur le pacte pour des migrations sûres, régulières et ordonnées.  Le texte avait un libellé déjà agréé sur les migrations et la santé sexuelle et reproductive.  Il contenait une disposition sur « l’esprit » de la souveraineté, bien que le mot lui-même n’y figurait pas en tant que tel. 

L’invocation de l’esprit n’a pas suffi au Groupe des États d’Afrique qui réclamait une manifestation plus concrète.  Les États-Unis ont aussi fait valoir le droit « souverain » de chaque État à réglementer l’entrée et le séjour des étrangers.  L’Australie a aussi boudé un texte qui parle d’« États » au lieu d’« États Membres ».  L’Algérie s’est étonnée du manque de référence à l’autodétermination.  Les États-Unis ont également critiqué les mentions « non justifiées et trop nombreuses » de la santé sexuelle et reproductive.  Ils ont réitéré qu’ils ne reconnaissent pas l’avortement comme méthode de planification familiale.  C’est bien l’accent que certains ont voulu placer sur ces questions qui a fait dérailler le processus, a confirmé le Saint-Siège, en condamnant le « mépris permanent des délégations ».

La Tunisie, longuement applaudie, a milité au contraire pour les droits sexuels et reproductifs et fait valoir le droit de chaque individu de vivre librement sa sexualité, un principe, a-t-elle souligné, réaffirmé depuis 1994 et sous-tendant le développement durable et la justice sociale.  Ces droits sont essentiels à la justice sociale, a renchéri l’Afrique du Sud.  Progressons sur les idées qui nous unissent et non sur celles qui nous divisent, ont encouragé les Philippines.  La situation actuelle est d’autant plus malheureuse que le texte du Président reposait sur des libellés convenus, a tout de même rappelé le Brésil qui s’est alarmé d’une situation qui remet dangereusement en cause le travail de la Commission.

En dépit de cet échec, a rassuré l’Afrique du Sud, les États se sont mis d’accord sur de nombreux paragraphes individuels et ont pris l’engagement de travailler à un accord.  Le Sous-Secrétaire général au développement économique n’a pas dit autre chose.  M. Elliot Harris a noté que malgré l’absence de consensus, la Commission a souligné l’importance du Programme d’action du Caire et du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

La Commission a tout de même réussi à adopter une décision sur le rapport sur les flux de ressources financières devant concourir à la poursuite de l’application du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement ».  Par ce texte, elle recommande au Conseil économique et social que les prochaines éditions du rapport parlent de l’aide publique au développement (APD), de la santé, de l’autonomisation des femmes et de l’éducation et du thème annuel qui, l’année prochaine, sera « Population, sécurité alimentaire, nutrition et développement durable ».

Le Mexique a relevé un manque de cohérence puisque, par souci d’harmonisation avec l’ECOSOC, les thèmes doivent correspondre à ceux du Forum politique de haut niveau.

Avant de fermer ses portes, la Commission a élu Mme Yuliana Angelova, de la Bulgarie, à sa vice-présidence, les autres vice-présidents et le Président, devant être élus ultérieurement.

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