En cours au Siège de l'ONU

8233e séance – matin
CS/13296

Réunion d’urgence au Conseil de sécurité après les frappes aériennes en Syrie: rejet du projet de résolution russe et appels au respect du droit international

Quelques heures après les frappes aériennes menées par trois membres permanents du Conseil de sécurité sur trois sites abritant des armes chimiques en Syrie, le Conseil s’est réuni en urgence, ce samedi, à la demande de la Fédération de Russie.  Un projet de résolution présenté par cette délégation a été rejeté par 3 voix pour, 8 voix contre et 4 abstentions.

La Fédération de Russie n’a donc pas réussi à faire adopter un texte qui visait à condamner et à faire cesser « l’agression » contre la Syrie par « les États-Unis et leurs alliés », que seules la Bolivie et la Chine ont soutenu.  Mais plusieurs délégations ont exprimé leurs inquiétudes face à une action non autorisée par le Conseil de sécurité et la séance a prouvé une fois de plus que les membres du Conseil sont toujours divisés sur la manière de réagir à l’attaque à l’arme chimique.

Le Secrétaire général de l’ONU est intervenu pour appeler précisément les membres du Conseil à faire preuve d’unité et à exercer leur responsabilité première -le maintien de la paix et de la sécurité internationales–, dans le strict respect de la Charte des Nations Unies et, de manière générale, du droit international.

Puis, s’adressant à tous les États Membres, M. António Guterres a lancé un appel à la retenue « dans ces circonstances dangereuses » et à éviter toute action qui mènerait à une escalade des tensions et à une aggravation des souffrances du peuple syrien.

M. Guterres a relayé les informations fournies par le Président des États-Unis et selon lesquelles les frappes auraient été limitées à trois installations militaires en Syrie.  Selon des sources américaines et russes, a-t-il ajouté, il n’y aurait pas de victimes parmi les civils, mais l’ONU n’est pas pour le moment en mesure de vérifier l’ensemble des faits.

Les trois pays qui ont mené les attaques dans la nuit –les États-Unis, la France et le Royaume-Uni– ont expliqué leurs motivations et ont été la cible des accusations de la Russie et de la Syrie notamment. 

« Nous sommes ici car trois membres ont agi, non pas pour se venger ou punir quiconque, mais pour dissuader toute utilisation future d’armes chimiques et pour faire en sorte que le régime syrien rende des comptes », a déclaré la représentante des États-Unis.  Son pays, a-t-elle poursuivi, dispose d’informations qui pointent la culpabilité d’Assad dans l’attaque chimique de la semaine dernière à Douma.  La France « n’a strictement aucun doute » là-dessus, a renchéri son représentant.

Le Secrétaire général, qui a souligné le « sérieux » des récentes allégations d’utilisation d’armes chimiques à Douma, a fait part de son plein appui à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à sa Mission d’établissement des faits, dont l’équipe est déjà en Syrie, prête à se rendre sur les lieux de l’attaque.  « Les enquêteurs doivent se réunir à 19 heures avec les autorités syriennes », a précisé le délégué syrien.

Selon le représentant de la France, au moment d’ordonner l’attaque chimique à Douma, le régime syrien voulait tester le seuil de tolérance de la communauté internationale, « et il l’a rencontré ».  Le message est clair, a expliqué la représentante des États-Unis: « Nous n’allons pas laisser le régime syrien continuer d’utiliser des armes chimiques. »

« On ne peut pas juger “illégal” de recourir à la force lorsqu’il s’agit de sauver des vies en Syrie qui sont trop nombreuses à être perdues », a poursuivi la déléguée britannique en expliquant que le fondement juridique de l’intervention militaire était « humanitaire ».

La Syrie a vu cela d’un autre œil et s’est inquiétée avant tout de la violation de sa souveraineté par un membre permanent du Conseil de sécurité.  Brandissant trois exemplaires de la Charte, deux en anglais et un en français, le représentant syrien a appelé le Secrétariat à les distribuer aux pays concernés pour « qu’ils puissent se cultiver dans leur ignorance et leur tyrannie ». 

De même, le représentant russe a accusé les trois pays de chercher à réécrire le droit international et de se substituer à la Charte, « un jeu dangereux ».  « C’est une journée triste pour la Charte qui a été foulée au pied ainsi que pour le Conseil de sécurité », a-t-il estimé en allant jusqu’à dire que sa délégation n’avait pas connu de pire journée.

La Russie a dénoncé une « agression, sans autorisation de l’ONU, contre la Syrie », tandis que son homologue de la Chine s’est dit défavorable au recours à la force pour résoudre les conflits internationaux.  Le représentant de la Guinée équatoriale a quant à lui estimé que ces attaques « chirurgicales » avaient été perpétrées en violation du Chapitre V de la Charte ainsi que des principes et normes du droit international.

« Le multilatéralisme ne les intéresse plus », en a conclu le représentant de la Bolivie en accusant les trois pays concernés d’avoir avant tout comme objectif d’étendre leur domination.  Le délégué russe a parlé de « diplomatie fondée sur les mythes, l’hypocrisie et les supercheries », craignant bientôt de voir une « diplomatie de l’absurde ».

« Si le temps des discussions est terminé, comme l’affirme la représentante des États-Unis, que faisons-nous ici, quel est notre rôle de diplomates? » s’est impatienté le délégué syrien.

Malgré toutes ces accusations, les appels à résoudre la crise par la voie politique -et non militaire- n’ont pas manqué au cours de la séance.  Il faut faire avancer le processus politique, a plaidé le Secrétaire général qui a dit avoir demandé à son Envoyé spécial de venir à New York pour cela le plus tôt possible.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

La situation au Moyen-Orient

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que les frappes annoncées hier, samedi, à 22 heures, par le Président des États-Unis, auraient été limitées à trois installations militaires en Syrie.  Selon des sources américaines et russes, il n’y aurait pas de victimes parmi les civils, a-t-il ajouté.  Il a précisé que l’ONU n’était pas, pour le moment, en mesure de vérifier l’ensemble des faits.

En sa qualité de Secrétaire général, M. Guterres a voulu rappeler aux États Membres leur obligation, en matière de paix et de sécurité, d’agir conformément à la Charte des Nations Unies et de manière générale au droit international.  « La Charte des Nations Unies est très claire sur ces questions », a-t-il affirmé en soulignant la responsabilité première du Conseil de sécurité de maintenir la paix et la sécurité internationales. 

M. Guterres a, dès lors, appelé les membres du Conseil à faire preuve d’unité et à exercer cette responsabilité qui est la leur.  Il a également appelé les États Membres à faire montre de retenue « dans ces circonstances dangereuses » et à éviter toute action qui mènerait à une escalade des tensions et à une aggravation des souffrances du peuple syrien.  « Il faut éviter de perdre le contrôle de la situation », a-t-il insisté.

Le Secrétaire général s’est dit profonde déçu que le Conseil ne parvienne pas à s’accorder sur un mécanisme d’attribution de responsabilité sur l’utilisation des armes chimiques.  Il a enjoint le Conseil à assumer ses responsabilités et à combler cette lacune, assurant vouloir travailler avec les États Membres pour y parvenir.

Rappelant le sérieux des récentes allégations d’utilisation d’armes chimiques à Douma, il a fait part de son plein appui à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à sa Mission d’établissement des faits.  Il a fait savoir que l’équipe était déjà en Syrie, prête à se rendre sur les lieux de l’attaque.

Aux yeux du Secrétaire général, la Syrie aujourd’hui représente la menace la plus grave à la paix internationale.  Il a remarqué qu’on était en présence d’une guerre par procuration, et que les actions étaient menées par des groupes non étatiques ainsi que par des combattants terroristes et étrangers.  Depuis le début, a-t-il ajouté, le conflit est caractérisé par des violations répétées du droit international et des droits de l’homme.

Alors que le peuple syrien souffre des conséquences de la guerre depuis « huit longues années », le Secrétaire général a appelé les États Membres à respecter les normes concernant l’utilisation d’armes chimiques.  Il a aussi souligné que la seule solution au conflit est politique et non pas militaire et a appelé à faire avancer le processus politique.  Il a dit avoir demandé à son Envoyé spécial de venir à New York, le plus tôt possible, pour qu’il puisse le consulter sur le meilleur moyen d’accélérer le processus politique.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a indiqué que sa délégation avait demandé cette réunion d’urgence, la quatrième séance sur ce sujet cette semaine.  Il a ensuite lu une déclaration de son Président, M. Vladimir Poutine, selon lequel les États-Unis et leurs alliés -la France et le Royaume-Uni- ont lancé une agression contre la Syrie sans autorisation de l’ONU.  C’est une agression contre un État qui lutte contre le terrorisme, a-t-il dit.

Le représentant a poursuivi en expliquant que si les pays agresseurs ont utilisé comme prétexte l’emploi d’armes chimiques en Syrie, les experts de la Fédération de Russie n’ont trouvé aucune trace d’armes chimiques en Syrie.  Il a rappelé que l’OIAC avait dépêché ses experts sur place, mais que ce groupe d’États occidentaux avait préféré attaquer sans attendre les résultats de l’enquête.  Les États-Unis et leurs alliés aggravent ainsi les souffrances de la population et apportent leur soutien aux groupes terroristes, selon le représentant qui a craint le risque de détruire tout le système des relations internationales.

L’escalade actuelle présente un risque à la paix et la sécurité internationales, s’est inquiété M. Nebenzia, alors que « la Russie a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter toute escalade ».  Il a noté que le Secrétaire général lui-même est très préoccupé par la tournure des choses.  Il a estimé que les États-Unis foulaient au pied le droit international alors qu’ils devraient au contraire défendre la Charte.  Il jugé « honteux » que les États-Unis invoquent la Constitution américaine pour justifier cette attaque.  « Washington doit comprendre que le code international qui règlemente l’emploi de la force est régi par la Charte des Nations Unies. »

Pour résoudre ce conflit, « vous ne menez aucun travail sérieux au Conseil de sécurité », a lancé le représentant russe à l’adresse de la délégation américaine, en l’accusant aussi de rester dans le néocolonialisme.  « Vous foulez au pied la Charte et le Conseil de sécurité.  Vous sapez l’autorité du Conseil de sécurité. »  Il a aussi reproché à la délégation américaine de ne consulter personne, « alors que vous savez que les experts russes qui ont enquêté à Douma ont indiqué que l’incident n’avait pas eu lieu ».  Il a cité des témoins selon lesquels ce sont des experts étrangers qui auraient inventé l’incident.  En outre, le représentant a fait remarquer que les frappes étaient intervenues hier alors que les experts de l’OIAC étaient sur place pour mener leurs travaux. 

« Hier, certains ont dit que la raison de la situation était l’absence de mécanisme d’attribution des responsabilités », a relevé M. Nebenzia qui a rejeté cette affirmation.  Selon lui, ce n’est pas vrai car l’OIAC existait déjà.  Les États-Unis ont lancé des frappes et, six mois plus tard, le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU a été tué par les États-Unis, a-t-il observé.  Lors de l’attaque américaine de l’année dernière, l’existence du Mécanisme n’a donc pas empêché les États-Unis d’attaquer la Syrie.  « Vous n’avez apparemment pas besoin d’enquête pour attaquer un pays souverain », a-t-il lancé aux États-Unis.  « Vous préférez établir les faits et désigner ensuite les coupables. »  Pour la Russie, « les masques sont enfin tombés, en particulier ceux des Casques blancs ».

Dénonçant la tendance qui est maintenant d’attaquer la Russie, le délégué a clamé que son pays ne saurait défendre une dictature.  Il a rappelé que l’OIAC avait mené deux enquêtes dans le centre de recherche et de développement attaqué hier soir sans rien y trouver.  « L’objectif des États-Unis et de ses alliés est-il de détruire l’économique syrienne, d’aggraver la souffrance des Syriens qui sont déjà fatigués de la guerre? »

En 24 heures, ces pays peuvent arrêter la guerre mais ils ont préféré aider les terroristes en Syrie, a déclaré le représentant russe.  Pour lui, il est clair que ceux qui mènent une rhétorique humanitaire en Syrie s’en servent pour faire avancer leurs propres intérêts.  Cette agression menace à son avis les perspectives de recherche de solution au conflit initiées par les Nations Unies.  « Mais pourquoi parler de processus de Genève face aux agissements des États-Unis et de leurs alliés?  Ces pays doivent arrêter l’agression contre la Syrie. »  Le représentant a conclu son intervention en annonçant vouloir présenter un court projet de résolution à la fin de cette réunion, sur lequel tous les membres sont appelés à se prononcer.

« Nous sommes ici car trois membres ont agi, non pas pour se venger ou punir quiconque, mais pour dissuader toute utilisation future d’armes chimiques et pour faire en sorte que le régime syrien rende des comptes », a déclaré d’emblée Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) avant de dénoncer les campagnes de désinformation en cours.  Elle a assuré, elle, disposer d’informations qui pointent la culpabilité d’Assad dans l’attaque de la semaine dernière.

La représentante a expliqué que les frappes d’hier avaient été planifiées de manière à éviter de faire des victimes civiles et qu’elles étaient « justifiées, proportionnées et légitimes ».  Elle a parlé des efforts diplomatiques déployés dans le passé pour trouver une issue au conflit, regrettant qu’ils aient échoué en raison du veto imposé par la Russie à plusieurs reprises.  Le Président Poutine a dit que la Russie allait garantir le respect des règles sur l’emploi d’armes chimiques par la Syrie, mais cela n’a pas été le cas, a-t-elle noté.  Elle a plutôt remarqué que, sous la protection de la Russie, Assad avait compris qu’il pouvait agir en toute impunité.  Pendant que la Russie utilisait son droit de veto, l’an dernier, pour faire cesser le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, la Syrie utilisait du gaz sarin, s’est-elle ainsi remémoré.

Mme Halley a ensuite souligné que « les armes chimiques sont une menace pour chacun d’entre nous, une arme tellement maléfique que la communauté internationale s’est accordée sur la nécessité de l’interdire ».  « Ma délégation ne peut accepter que l’utilisation d’armes chimiques reste impunie », a-t-elle indiqué, signalant par ailleurs que l’attaque de la semaine dernière n’était pas un fait isolé.

Elle a assuré que la stratégie des États-Unis en Syrie n’avait pas changé, mais expliqué que ce sont les actions du régime syrien qui avaient poussé son pays à agir.  « Qui a rappelé les sanctions imposées depuis l’attaque de Khan Cheikhoun? »  Avec l’action militaire d’hier, le message est clair, les États-Unis ne vont pas laisser le régime continuer d’utiliser des armes chimiques, a-t-elle déclaré, signalant que les frappes ont notamment ciblé le principal centre de recherche sur l’utilisation de ces armes.

La déléguée a ensuite exhorté la Russie à assumer ses responsabilités et à respecter les principes de base de l’ONU.  « Hier, nous avons frappé le cœur même de la fabrication d’armes chimiques en Syrie et sommes certains d’avoir réussi à largement entraver le programme chimique syrien », s’est-elle félicitée, avant de prévenir que son gouvernement est prêt à agir de nouveau.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que son pays et ses alliés ont réagi à l’utilisation d’armes chimiques en Syrie en lançant des frappes précises sur les infrastructures d’Assad.  Ces frappes ont été couronnées de succès, a-t-elle indiqué en précisant qu’aucun des matériels utilisés dans les frappes n’a été endommagé.  De plus, les installations militaires russes en Syrie n’ont pas été touchées et les frappes ont été menées afin de minimiser leur impact sur les civils.

La Première Ministre Theresa May a clairement dit qui sont les responsables des attaques chimiques en Syrie: c’est le régime de Damas, a poursuivi la représentante en soulignant que des barils de poudres et des hélicoptères du régime ont été utilisés.  Or, l’opposition n’a pas d’hélicoptères, a-t-elle fait remarquer en relevant aussi que Daech n’a pas de présence à Douma.  Pour elle, « le régime syrien tue son propre peuple ».  Elle a parlé de « grave crime contre le droit international », de « crime contre l’humanité » et de « crime de guerre ». 

La déléguée a aussi donné des explications sur le mécanisme de l’engagement des forces au niveau international et les interventions humanitaires.  Elle a assuré qu’il fallait en premier lieu avoir des preuves convaincantes pour mener des actions immédiates.  En deuxième lieu, il faut être clair qu’il n’y a d’autres recours possibles que le recours à la force.  Troisièmement, l’emploi de la force doit être proportionnel et limité dans le temps.  Ces conditions, a assuré la représentante, ont été remplies.

Notant que le Conseil de sécurité s’était réuni 113 fois depuis le début de la crise syrienne, elle a observé que cela n’avait pas empêché le Président Assad de défier la communauté internationale avec une série d’attaques chimiques contre son propre peuple.  Le Royaume-Uni estime que la Syrie n’a pas respecté ses obligations internationales, a-t-elle dit en ajoutant que l’OIAC a toujours une liste de questions qui n’a pas reçu de réponse de la part de la Syrie. 

La moindre des choses était que le Conseil de sécurité renouvelle le mandat du mécanisme d’enquête mais il n’en fut rien, a regretté la déléguée en se désolant que la Syrie ait continué de contrevenir au droit international.  Elle s’est aussi plainte de « la résistance de la Fédération de Russie » et de la « litanie de violations du droit international ».  À cela s’ajoute l’absence de sens des responsabilités de la part de la Syrie et de la Russie.

Il est difficile de croire que l’utilisation d’armes chimiques puisse être conforme à la Charte des Nations Unies, a déclaré la représentante qui a dit ne pas accepter de leçon de la Russie sur le droit international.  Elle a soutenu la recherche de solutions politiques en s’appuyant sur la destruction des armes chimiques en Syrie, la cessation des hostilités, le respect des résolutions du Conseil de sécurité, avec le retour du régime syrien au processus de Genève et la reddition de comptes sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie. 

« La France n’a strictement aucun doute sur la responsabilité d’Assad dans l’attaque de la semaine dernière », a affirmé M. FRANÇOIS DELATTRE (France) qui a notamment évoqué la publication, ce matin, d’une notice d’informations collectée par les services de renseignement français.

Il a indiqué que le régime Assad mène depuis des années, « avec le soutien actif de ses alliés », une stratégie de destruction destinée à écraser toute opposition, au mépris des principes les plus élémentaires d’humanité, en ayant notamment recours aux armes « les plus terrifiantes » pour massacrer et terroriser sa population civile, que ce soit à Douma, Khan Cheikhoun, Sarmin, Talmenes ou à Qmneas.  Évoquant les conclusions des mécanismes d’enquête de l’OIAC, il a déclaré que « nul ne peut dire qu’il ne savait pas ».

Le représentant a rappelé que l’emploi d’armes chimiques contre une population civile est constitutif de crime de guerre.  Face aux violations répétées d’Assad des règles qui gèrent notre sécurité collective, la France a demandé qu’il y soit mis un coup d’arrêt.  Le représentant a rappelé les nombreuses résolutions par lesquelles le Conseil de sécurité s’était engagé à imposer des mesures coercitives au sens du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en cas de nouvelles violations.  « Il a été empêché d’agir en conformité avec ses engagements, en raison des vetos systématiquement opposés par la Russie », a-t-il regretté.  Le blocage du Conseil devant de telles atrocités de masse est un piège mortifère et dangereux dont nous devons sortir, a-t-il averti.

Selon le représentant, au moment d’ordonner l’attaque chimique, le régime syrien voulait tester le seuil de tolérance de la communauté internationale, « et il l’a rencontré ».  Face à l’horreur, a-t-il poursuivi, le silence n’est plus une solution, on ne peut tolérer la banalisation de l’utilisation des armes chimiques et la France avait clairement indiqué qu’une telle violation ne resterait pas impunie.

Revenant aux frappes ordonnées la nuit dernière, M. Delattre a constaté que certains qui bafouent le droit international depuis des années affirment que l’action était contraire à la Charte.  Mais celle-ci n’a pas été conçue pour protéger des criminels, s’est-il exclamé, arguant que l’action s’inscrit en pleine conformité avec la Charte.  Cette action, a-t-il encore souligné, était nécessaire pour réagir aux violations répétées du régime syrien face à ses propres obligations, et la réponse a été conçue dans un cadre proportionné, circonscrit à des objectifs précis.  La capacité de développer, de mettre au point et de produire des armes chimiques est hors d’usage.  C’était le seul objectif et il a été atteint, a-t-il affirmé.

Pour la France, ces frappes étaient une réponse nécessaire au massacre chimique commis en Syrie, ainsi qu’une réponse au service du droit et de la stratégie politique pour mettre un terme à la tragédie syrienne.

Le représentant est ensuite revenu sur les quatre impératifs qui sont dans l’intérêt immédiat des Syriens, et premièrement le démantèlement « indispensable » du programme chimique syrien, moyennant notamment la mise en place d’un mécanisme d’établissement des responsabilités.  Il faut aussi éradiquer le terrorisme en éliminant Daech durablement.  En troisième lieu, il faut établir un cessez-le-feu sur l’ensemble du territoire syrien et assurer l’accès humanitaire, a-t-il ajouté, jugeant notamment urgent que des convois humanitaires atteignent la Ghouta orientale.  Enfin, il faut un plan de sortie de crise avec une solution politique durable car, a-t-il souligné, il n’a jamais été aussi urgent de mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) et de relancer de véritables négociations sous l’égide de l’ONU.

Il a ensuite annoncé que la France présentera dans les meilleurs délais un projet de résolution sur ces différents volets.  Il a aussi appelé la Russie à faire en sorte que la Syrie entre dans une « logique de solution politique négociée ».

M. MA ZHAOXU (Chine) a rappelé ses graves ses préoccupations face à l’escalade en Syrie.  La Chine est défavorable à un recours à la force pour résoudre les conflits internationaux, car cela viole les normes des relations internationales et entrave le processus de résolution du conflit syrien.  Il faut régler le conflit par le dialogue, a-t-il recommandé.  Le représentant a également indiqué qu’il était nécessaire de mener une enquête indépendante sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie et d’attendre les résultats.  Les parties doivent travailler main dans la main pour résoudre ce conflit, a-t-il conclu. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a fait remarquer que la violence n’apporte jamais la paix et la stabilité, au contraire elle engendre davantage de violence.  Nous avons eu des exemples dans un passé récent, a-t-il dit en se demandant quand on en tirerait enfin les leçons.  Rappelant avoir invité, hier et avant-hier, à travailler de manière responsable et en conformité avec la Charte des Nations Unies, il a posé la question suivante: « qui d’autre que les membres du Conseil devraient montrer aux autres pays l’exemple du respect des principes et dispositions de la Charte? »

La position du Kazakhstan, a-t-il rappelé, est qu’il ne faut mener d’action militaire qu’en dernier ressort et seulement dans les cas approuvés par le Conseil de sécurité.  Or il a relevé qu’il n’y avait pas eu d’approbation du Conseil sur les frappes militaires d’hier, ni aucune justification à cette action, qui constitue une violation du droit international humanitaire.

Pour le représentant, il existe une menace d’une guerre létale à l’échelle mondiale.  « Notre planète est maintenant au bord d’une nouvelle guerre froide », a-t-il ajouté en citant les propos du Secrétaire général hier.  Le temps est venu de passer à des discussions sérieuses, a-t-il dit en invitant les États-Unis et la Fédération de Russie à aller dans cette direction.

Le délégué s’est aussi dit très préoccupé par les récents développements et par l’absence d’unité au sein du Conseil sur les attaques à l’arme chimique en Syrie.  Il a condamné l’utilisation de telles armes et a jugé important de mener une enquête objective et impartiale.  Il a appelé le Gouvernement et les autres parties à s’acquitter de leurs obligations en mettant en œuvre les recommandations de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’ONU en acceptant que leur personnel mène ses activités.

En outre, le Kazakhstan est en faveur de la résolution des conflits par des règlements pacifiques, a-t-il rappelé en prônant un dialogue pacifique et des négociations constructives.  « Nous devons aussi respecter la souveraineté des États », a-t-il ajouté.  Le représentant a lancé un appel urgent à la communauté internationale de faire preuve de volonté politique pour surmonter les différences et parvenir à négocier.  Il a appelé à soutenir les pourparlers d’Astana et les négociations du processus de Genève.  « Les moyens militaires ne marcheront pas », a-t-il asséné en insistant sur la seule voie possible: la solution politique.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a affirmé que tout manque de réaction aux attaques à l’arme chimique ne ferait qu’encourager de nouvelles attaques.  Il a estimé que la communauté internationale se devait de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir que de telles attaques ne se reproduisent à l’avenir.  Le représentant a exprimé sa déception au sujet du veto imposé par la Russie, qui a empêché la mise en place d’un mécanisme d’enquête impartial et indépendant sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.  Il a appelé à éviter toute mesure susceptible d’entraîner une escalade de la situation.

M. OLOF SKOOG (Suède) a dit que sa délégation ne ménagera aucun effort pour mettre fin à l’utilisation et à la prolifération d’armes chimiques par les États et les acteurs non étatiques, et ce, partout dans le monde.  Les responsables de ces crimes doivent être tenus pour responsables, a-t-il asséné en prévenant que son pays n’accepterait pas l’impunité.  Il a regretté que le Conseil de sécurité ne fût pas en mesure de trouver une réponse unie, opportune et claire à l’utilisation continue d’armes chimiques en Syrie.  « Nous regrettons que la Russie ait, cette semaine encore, bloqué la création d’un mécanisme d’attribution indépendant et impartial, ce qui a contribué à créer la situation d’aujourd’hui », a-t-il dit.  Le représentant a souligné la responsabilité de la communauté internationale d’empêcher et de prévenir l’utilisation d’armes chimiques.  Il est nécessaire d’éliminer toutes les armes chimiques en Syrie, a-t-il estimé en souhaitant que les responsables répondent de leurs actes.

« Nous nous trouvons à un moment difficile », a reconnu le représentant avant d’appeler, comme l’a fait le Secrétaire général, à la retenue et à éviter toute escalade.  « Nous devons éviter que la situation échappe à tout contrôle », a-t-il insisté.  Le délégué a réitéré son appui au processus politique mené par l’ONU et salué les efforts de l’Envoyé spécial, M.  Staffan de Mistura.  La pleine mise en œuvre de la résolution 2401 (2018) pour la cessation des hostilités et l’accès humanitaire a attendu trop longtemps, a-t-il estimé.  Pour lui, une solution politique durable est l’unique voie qui permettra de mettre fin aux souffrances du peuple syrien.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a déclaré que le régime syrien laisse planer peu de doute au sujet de sa disposition à terroriser sa propre population, pointant notamment l’utilisation « répétée » d’armes chimiques, notamment la semaine dernière à Douma.  Et pour sa part, la Fédération de Russie laisse planer peu de doutes au sujet de sa disposition à se tenir aux côtés d’Assad à tout moment, a-t-elle enchaîné, dénonçant notamment les obstacles apportés à l’adoption de résolutions « qui auraient pu stopper la violence ».

Face à ces horreurs et au risque qu’elles se reproduisent, elle a qualifié de « compréhensible » la réponse de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis, y voyant une réponse « mesurée » en ce qu’elle ciblait un nombre limité d’installations militaires dans le but de réduire les capacités à mener d’autres attaques chimiques à l’avenir.

La représentante a appelé à la mise en place d’un mécanisme d’attribution des responsabilités indépendant et impartial afin de tenir pour responsable les auteurs de cette attaque odieuse.  Ma délégation, a-t-elle ajouté, exhorte la Russie à cesser de s’y opposer.  Les Pays-Bas saluent en outre toute option pour établir ce mécanisme, que ce soit dans le cadre de l’ONU ou d’une autre organisation internationale pertinente.  Ce mécanisme doit par ailleurs se baser sur le travail important accompli par le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU et par la Mission d’établissement des faits de l’OIAC.  Toute mission d’enquête doit en outre jouir d’un accès complet et sans entrave à tout endroit qu’elle juge nécessaire pour pouvoir effectuer son travail, a plaidé la représentante.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a regretté que trois membres permanents du Conseil de sécurité aient violé la Charte des Nations Unies.  Ces membres, a-t-il argué, ont fait usage de la force en faisant fi du droit international.  Le représentant s’est dit surpris que des membres permanents du Conseil aient choisi de laisser de côté les Nations Unies lorsque le multilatéralisme ne les intéresse plus.  Toute action unilatérale contraire aux valeurs des Nations Unies correspond à des intérêts précis, a-t-il fait remarquer en estimant que « ces pays se croient supérieurs au reste du monde et pensent qu’ils sont au-dessus du droit international ».  Il les a aussi accusés d’avoir comme objectif d’étendre leurs dominations.  Pour le représentant, les frappes qui ont visé la Mission de l’OIAC en font une attaque contre le Conseil de sécurité, contre la Charte et contre toute la communauté internationale.

Toujours à l’endroit de ces trois membres permanents du Conseil de sécurité, le délégué a demandé: « combien d’argent avez-vous dépensé pour armer et entraîner les groupes terroristes en Syrie?  Avec quelle morale allez-vous prêcher la démocratie et la liberté dans le monde?  Vous souvenez-vous de la déclaration unilatérale sur Jérusalem?  Qui a rejeté l’Accord de Paris sur les changements climatiques et le pacte mondial pour les migrations?  Qui construit des murs? »  Qui a vendu des armes à des acteurs qui bombardent des civils au Yémen? »  Le représentant bolivien a même évoqué le refus du Royaume-Uni de rendre les « îles Malouines »* décrivant une série de politiques qui compromettent la paix et la sécurité internationales. Pour lui, il y a un mépris du droit international en Syrie et on est en présence de mesures qui entravent la paix internationale.  Le représentant s’est ensuite adressé à l’Ambassadrice des États-Unis pour l’accuser d’avoir « le dédain du droit international ».  Mais nous avons des principes et la Charte des Nations Unies, a-t-il ajouté en assurant que ces principes prévaudraient.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a constaté que la crise syrienne est marquée, entre autres, par un blocage de la communauté internationale et une violation flagrante de ses résolutions.  Il a imputé les récents développements au blocage rencontré au sein du Conseil de sécurité.  Il a rappelé que le Conseil avait adopté une position stricte par le passé en condamnant toute utilisation, par quiconque, d’armes chimiques en Syrie.  Il a aussi rappelé l’adoption de la résolution 2235 (2015) établissant le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.

Le représentant a regretté la récente escalade et a appelé à retrouver l’unité au Conseil de sécurité afin de lui permettre d’exercer ses responsabilités.  Il a appelé à combler le fossé en établissant un nouveau mécanisme d’enquête sur les attaques chimiques en Syrie.  Le représentant a par ailleurs appelé à déployer tous les efforts nécessaires pour faire avancer le processus politique en Syrie, soulignant qu’il s’agit là de la seule solution au conflit.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a rappelé que les membres du Conseil étaient ici pour représenter 193 pays qui les ont élus sur la promesse, notamment, de respecter la Charte des Nations Unies.  « Nous sommes préoccupés de la dynamique en Syrie qui pourrait conduire à des conséquences dévastatrices non seulement au plan national mais aussi au plan international », a dit le représentant.  Tout en notant que, apparemment, les frappes d’hier n’ont pas conduit à une situation hors de contrôle, il a néanmoins appelé à la retenue et à la sagesse ainsi qu’au retour au dialogue entre les principales puissances qui ont une grande influence sur la situation en Syrie. 

Certes, la genèse de la situation actuelle résulte de l’utilisation présumée d’armes chimiques à Douma, a reconnu le délégué.  Mais il y a pour lui une chose difficile à comprendre sur ce qui s’est passé hier: la Mission d’établissement des faits de l’OIAC venait d’arriver en Syrie pour mener son enquête sur l’utilisation présumée d’armes chimiques qui a provoqué la tension actuelle.  « Excusez-nous si nous sommes perplexes », a-t-il commenté.

La Mission d’établissement des faits doit être autorisée à mener son travail d’enquête à Douma, a plaidé le représentant.  Il a estimé que la fin de l’impunité passerait par une action unie et concertée, y compris la création d’un mécanisme d’attribution par le Conseil de sécurité.  « Nous sommes tous déçus par le blocage actuel et nous exhortons le Conseil de sécurité à la persévérance et au respect de la Charte des Nations Unies. »  Enfin, le représentant a souligné la responsabilité des membres du Conseil -en particulier les membres permanents- de travailler ensemble, pour empêcher la détérioration de la situation et réparer le dommage infligé à l’architecture de non-prolifération. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a affirmé que les évènements d’hier n’avaient surpris aucun membre du Conseil de sécurité, rappelant les préoccupations déjà soulevées par sa délégation pas plus tard qu’hier.  La guerre froide est revenue en force au petit matin, s’est-il alarmé.

Pour le représentant, ces attaques « chirurgicales » ont été perpétrées en violation du Chapitre V de la Charte ainsi que des principes et normes du droit international.  Il a averti qu’elles peuvent entraîner des conséquences imprévisibles et dramatiques pour le Moyen-Orient, et servir notamment de justificatif pour la création de programmes nucléaires dans le but de prévenir des attaques de ce genre à l’avenir.  Il a jugé impératif de trouver une solution au conflit sur la base de négociations.  Il a également appelé la communauté internationale à tirer des leçons des conséquences de l’intervention en Libye.

L’échec de la diplomatie ne fait qu’aggraver les souffrances du peuple syrien, a poursuivi le représentant qui a réclamé une enquête fiable et exhaustive pour établir les faits sur l’attaque du 7 avril.  Il a appelé l’OIAC à mener son enquête dès que possible.  Il a aussi jugé urgent de créer, sous l’égide du Secrétaire général, un mécanisme d’enquête professionnel et transparent pour identifier les auteurs de l’attaque.

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a demandé aux parties impliquées dans le conflit en Syrie de faire preuve de retenue et de ne pas compliquer davantage la situation désastreuse dans laquelle se trouve le peuple syrien.  Les armes et les bombes ont trop parlé en Syrie au mépris des fondements de notre action collective en faveur de la paix, a-t-il dit.  Il a rappelé que, dans toutes les circonstances où la Charte des Nations Unies guide l’action de la communauté internationale, son respect a permis de surmonter les défis les plus inextricables, évitant ainsi bien des désastres à l’humanité.

C’est donc fort de sa conviction profonde dans les vertus du multilatéralisme que son pays estime que le recours à la force, dans le but de préserver la paix et la sécurité internationales, doit être autorisé par le Conseil de sécurité afin de lui conférer l’autorité juridique indispensable et éviter toute dérive ou abus.  Seul un Conseil de sécurité fort et représentatif de notre époque saura mobiliser les nations autour de sa responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, a plaidé le représentant.  La Côte d’Ivoire exprime donc ses vives préoccupations au regard de l’incapacité du Conseil à relancer le dialogue en Syrie et à faire reculer les partisans de la solution militaire.    

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a réitéré la nécessité d’éviter que la situation échappe à tout contrôle et entraîne des menaces encore plus grandes pour la stabilité de la région et pour la paix et la sécurité internationales.  Le Pérou, a-t-il dit, condamne l’emploi d’armes chimiques.  C’est pourquoi son pays a soutenu l’envoi d’une Mission d’enquête de l’OIAC sur le terrain ainsi que la création d’un mécanisme d’attribution des responsabilités indépendant et impartial.  Le représentant a demandé au Secrétaire général de redoubler d’efforts pour faire sortir de l’impasse le Conseil de sécurité et arriver à créer un tel mécanisme de responsabilités.

Toutes les réponses face aux crimes commis en Syrie, ainsi que la solution au conflit dans ce pays, doivent être conformes à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il exigé.  Il a appelé les membres du Conseil de sécurité à faire preuve d’unité dans la façon dont ils exercent leur responsabilité de maintien de la paix et de la sécurité.  Il a aussi demandé aux États Membres d’agir avec modération dans ces circonstances dangereuses, comme l’a demandé le Secrétaire général.  Enfin, le représentant a appelé à poursuivre les efforts pour parvenir à une paix durable en Syrie.

Reprenant la parole, la représentante du Royaume-Uni a précisé qu’elle voulait exercer son droit de réponse suite à l’intervention de la Bolivie.  Elle a fait savoir que son pays n’avait aucun doute quant à sa souveraineté sur les « îles Falklands » et que son gouvernement participait en outre au processus en cour au sein de la Cour internationale de Justice (CIJ).

Le représentant de la Bolivie a ensuite lu la déclaration spéciale sur les « îles Malvinas » signée par l’ensemble des chefs d’État et de Gouvernement d’Amérique latine et des Caraïbes dans laquelle ces derniers expriment leur appui au Gouvernement argentin et appellent les parties à reprendre les négociations.

« La guerre froide est effectivement de retour », a déclaré M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne).  Il est revenu sur la publication, à la suite de l’effondrement de l’URSS, des livres de Francis Fukuyama, sur la fin de l’histoire, et de Samuel P. Huttington, sur le conflit des civilisations, affirmant que ces deux ouvrages avaient constitué un fondement au retour de la guerre froide en enjoignant les peuples du monde à se soumettre à la volonté des États-Unis.

Il a ensuite relevé que la France « prétend » que l’attaque a été lancée au nom de la communauté internationale.  « Mais de quelle communauté internationale parle-t-elle?  Les trois pays concernés ont-ils été mandatés par le Conseil de sécurité pour agresser la Syrie? » a-t-il fait mine de s’interroger.  Il a aussi voulu savoir pourquoi ces trois pays, s’ils connaissaient l’emplacement des centres de production d’armes chimiques, n’avaient pas partagé cette information avec l’OIAC avant leur « agression ».

Le représentant a assuré que les enquêteurs de l’OIAC étaient arrivés à Damas à la mi-journée: les enquêteurs doivent se réunir avec les autorités syriennes à 19 heures, heure locale.

Poursuivant, le délégué a indiqué que le bâtiment du centre de recherches de Barza avait été visité à deux reprises, l’an dernier, par des experts de l’OIAC qui avaient certifié n’y avoir décelé aucune activité chimique.  « Comment concilier cela avec l’attaque de ce matin? » s’est-il interrogé.  En outre, « si le temps des discussions est terminé, comme l’affirme la représentante des États-Unis, que faisons-nous ici, quel est notre rôle de diplomates? »

M. Ja’afari est ensuite revenu sur le fait que la France et le Royaume-Uni ont appelé le Secrétaire général à mettre en œuvre un plan d’action pour la Syrie, avant même que les parties syriennes ne puissent en prendre connaissance.  Il a affirmé vouloir présenter un plan d’action alternatif, dans le but de définir la responsabilité des trois États dans le maintien de la paix et de la sécurité.

Le délégué a notamment appelé à mettre un terme au mensonge pour justifier l’attaque continue contre la Syrie.  Les trois États doivent en outre réaliser qu’après sept ans de guerre terroriste, leurs missiles ne saperont pas la volonté du peuple syrien à réaliser son avenir politique par lui-même, sans aucune intervention, a-t-il souligné avant d’ajouter que la Syrie est tout à fait à même de faire face à l’agression brutale dont elle a été victime.

Il a appelé les trois pays à lire les dispositifs de la Charte ayant trait à la souveraineté et au non-recours à la violence.  Brandissant trois exemplaires de la Charte, deux en anglais et un en français, il a appelé le Secrétariat à les distribuer aux pays concernés pour « qu’ils puissent se cultiver dans leur ignorance et leur tyrannie ».

Le représentant a ensuite précisé que 110 missiles avaient été lancés contre son pays, et que le système de défense aérien syrien avait réussi à en détruire ou à en faire dévier un certain nombre.  Il a accusé les trois États d’avoir préparé le terrain en arguant de l’allégation du recours à l’arme chimique.  Il a d’ailleurs qualifié l’attaque de Douma de « mascarade » et, selon lui, « un prétexte pour justifier une attaque scandaleuse ».  Il a affirmé que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis avaient décidé de s’ingérer de manière directe dans le conflit pour venger la mort de leurs agents dans la Ghouta.

Le délégué a rappelé que dans 146 missives, la Syrie avait attiré l’attention sur l’utilisation d’armes chimiques par les terroristes.  Mais au lieu d’y réagir, « certains s’efforcent à déterminer le sexe des anges », a-t-il déploré.

Pour le représentant, l’agression de ce matin est une agression contre le droit, la Charte et le Conseil de sécurité.  Il a regretté en outre que les trois États concernés persistent à tenter de faire échouer les travaux de la Commission d’enquête « même s’ils se gargarisent de vouloir l’appuyer ». 

« Vous êtes des menteurs et des affabulateurs.  Vous avez instrumentalisé les mécanismes d’enquête et vous avez essayé de détourner le Conseil pour poursuivre vos politiques d’ingérence colonialiste », a-t-il encore accusé.

La Syrie, a-t-il ajouté, condamne très fermement l’attaque tripartite qui démontre que ces pays font fi du droit international et préfèrent la loi de la jungle et du plus fort.  Elle exprime en outre son dégout face à la position scandaleuse du Qatar qui a autorisé le départ des avions depuis une base militaire sur son sol.

Le représentant a ensuite exhorté le Conseil à condamner une agression qui, a-t-il affirmé, constitue une menace à la paix dans le monde entier, affirmant une nouvelle fois qu’il n’y a aucune base juridique pour attaquer la Syrie, ni aucune preuve de l’attaque chimique à Douma.

Vote sur un projet de résolution

Le projet de résolution présenté par la Fédération de Russie a été rejeté à l’issue d’un vote ayant recueilli 3 voix pour (Bolivie, Chine et Russie), 8 voix contre (Côte d’Ivoire, États-Unis, France, Koweït, Pays-Bas, Pologne et Royaume-Uni, Suède) et 4 abstentions (Éthiopie, Guinée-Équatoriale, Kazakhstan et Pérou).

Reprenant la parole, le représentant de la Suède a expliqué avoir voté contre le projet de résolution présenté par la Russie en raison de son déséquilibre.  Il a estimé que ce texte n’était pas complet et ne couvrait pas ses préoccupations, en particulier le respect de la Charte des Nations Unies et la nécessité d’une solution politique durable en Syrie.  Ce qui est encourageant aujourd’hui, c’est que tout le monde a insisté sur la nécessité de relancer les efforts politiques pour trouver une solution au conflit et soutenir les efforts de l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura, a-t-il noté.

Le représentant de l’Éthiopie, qui a dit s’être abstenu pour des « raisons pragmatiques », a jugé crucial de désamorcer la tension et d’empêcher que la situation actuelle ne devienne incontrôlable.

Le représentant du Kazakhstan a également expliqué son abstention.  Pour lui, les différends doivent être résolus par le dialogue.  Il a donc demandé aux parties de s’abstenir de prendre des décisions qui pourraient entraîner une escalade de la situation.

Le représentant de la Guinée équatoriale qui s’est lui aussi abstenu, a lancé un appel pour une résolution, comme celle de la Suède, qui contribue à éviter de reproduire ce qui s’est passé hier.  Le représentant a souligné la nécessité d’amender le projet de la Suède et de mettre en place un mécanisme d’attribution des responsabilités.

Le représentant de la France a dit que le projet russe avait été « clairement rejeté ».  Pour lui, « le résultat de ce vote envoie un message clair sur la compréhension par les membres du Conseil de sécurité des circonstances, des motivations et des objectifs de nos actions d’hier ».  Il en a déduit que la nécessité de ces actions, ainsi que leur caractère proportionné et ciblé, étaient reconnus.  Pour la suite, il a déclaré que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis porteraient un projet de résolution sur les volets politique, chimique et humanitaire du dossier syrien en vue d’établir une solution durable au conflit.

La représentante des Pays-Bas a dit avoir voté contre le projet de la Russie car il ne prévoyait pas de mesures pour empêcher l’usage d’armes chimiques en Syrie.  Le Conseil de sécurité doit agir et empêcher l’utilisation d’armes chimiques, a réitéré la déléguée.

Le représentant du Koweït a expliqué son vote contre le projet de résolution parce que l’emploi de la force d’hier était lié à l’obstruction aux efforts pour mettre fin à l’emploi d’armes chimiques en Syrie.  Le Conseil de sécurité doit se mettre d’accord pour arriver à créer un mécanisme d’établissement des faits et d’attribution de responsabilité, a-t-il plaidé.

Le représentant de la Chine a plaidé en faveur du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États et a souligné que toute action contournant la volonté du Conseil ne ferait qu’aggraver le dossier syrien.  C’est pour cela que la Chine a voté en faveur du projet de résolution russe, a-t-il dit avant d’insister sur la nécessité de trouver une solution politique au conflit, sous l’égide de l’ONU.

Le représentant de la Fédération de Russie a déclaré que « personne ne peut dicter à quiconque comment voter en faveur de la Charte, de la volonté internationale, ni comment utiliser sa propre conscience.  Il a accusé les « trois pays de continuer de charger la diplomatie d’une “atmosphère de mythes” créée par Paris, Londres et Washington.  Une diplomatie fondée sur les mythes, l’hypocrisie et les supercheries est dangereuse, s’est-il alarmé, craignant que l’on arrive bientôt à une diplomatie de l’absurde.  « Nous présentons des faits mais vous préférez les ignorer, préférant tisser une légende autour des résolutions que la Russie soi-disant bloquerait en permanence. »

Le délégué a ensuite argué que si les « trois pays » avaient réclamé une enquête sur l’attaque chimique, ils avaient désigné les coupables avant même d’avoir pris connaissance de ses résultats.  Il a accusé ces pays de chercher à réécrire le droit international et de se substituer à la Charte, fustigeant ce qu’il a qualifié de « jeu dangereux ».

À l’époque soviétique, a-t-il enchaîné, des brochures circulaient qui identifiaient les principales menaces à la paix, à savoir les préparatifs militaires de Washington et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).  Depuis, rien n’a changé, a-t-il déploré, et on fait sonner les tambours en parlant de démocratie et de vies à sauver.  C’est une journée triste pour la Charte qui a été foulée au pied ainsi que pour le Conseil de sécurité, a-t-il estimé en allant jusqu’à dire que sa délégation n’avait pas connu de pire journée.

Le représentant de Pérou s’est abstenu car le texte ne reflète pas la nécessité de reddition de comptes, a-t-il expliqué, un texte qu’il a de surcroit jugé déséquilibré.  En effet, il ne permettrait pas au Conseil de sécurité d’être uni pour faire face ensemble à la situation en Syrie. 

En réponse au délégué russe, la représentante du Royaume-Uni a dit qu’il n’y avait pas de mythe du tout en Syrie.  On ne peut pas juger « illégal » de recourir à la force lorsqu’il s’agit de sauver des vies en Syrie qui sont trop nombreuses à être perdues, a-t-elle affirmé.  Selon elle, le fondement juridique de l’intervention militaire était humanitaire.

Le représentant de la Syrie a regretté l’occupation du tiers du territoire syrien par les États-Unis, une situation qui n’a pas été évoquée dans le débat, avertissant que le paysage politique actuel était extrêmement dangereux car la souveraineté de son pays a été violée par un membre permanent du Conseil de sécurité.

Le représentant syrien a appelé à se concentrer sur ce qui se passe véritablement sur le terrain en Syrie, affirmant notamment que les Casques blancs seraient une organisation terroriste mise en place par le Royaume-Uni.  Ce pays, ainsi que les États-Unis et la France, a-t-il poursuivi, ont bombardé nos sites pour nous empêcher de frapper les positions de l’État islamique.  « Ceux qui ont voté contre le projet de résolution ne sont plus des partenaires du Gouvernement syrien dans quelque cadre politique que ce soit », a-t-il affirmé.

Le délégué syrien a par ailleurs rappelé les fonctions de Rapporteur qu’il exerce au sein du Comité des 24 –le Comité spécial de la décolonisation de l'ONU- et a assuré y travailler pour mettre un terme à l’occupation britannique des « îles malouines ».  À son homologue du Koweït, il a dit que la Syrie avait soutenu la libération du Koweït, sans rejoindre aucun groupe d’agresseurs, car c’était un devoir national vis-à-vis du peuple koweïti.

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* La souveraineté sur les îles Falkland (Malvinas) fait l’objet d’un différend entre le Gouvernement de l’Argentine et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (voir ST/CS/SER.A/42).

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