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Assemblée générale: résolution sur la Stratégie antiterroriste mondiale adoptée par consensus malgré des divergences de vues sur des questions clefs

Soixante-douzième session,
101e et 102e séances plénières – matin et après-midi
AG/12035

Assemblée générale: résolution sur la Stratégie antiterroriste mondiale adoptée par consensus malgré des divergences de vues sur des questions clefs

L’Assemblée générale a adopté aujourd’hui une résolution* sur le sixième Examen de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, grâce à un consensus « durement acquis », comme l’a souligné le représentant de l’Union européenne.  Ce texte plaide pour une mise en œuvre intégrée et équilibrée de tous les quatre piliers de la Stratégie, principalement par les États Membres mais aussi par l’entremise de plans sous-régionaux et régionaux.

Les États Membres sont aussi engagés à obtenir le concours des populations locales et des acteurs non gouvernementaux en vue de mettre au point des stratégies ciblées visant à contrer le discours de l’extrémisme violent qui peut inciter certains à se rallier à des groupes terroristes et à commettre des actes de terrorisme, ainsi qu’à éliminer les conditions propices à la propagation de l’extrémisme violent pouvant conduire au terrorisme.

Issue d’un processus consultatif qui a donné lieu à de nombreuses réunions bilatérales avec les missions et les groupes régionaux, cette résolution, que l’Assemblée générale adopte tous les deux ans, a rassemblé les délégations sur la nécessité de suivre une approche antiterroriste plus globale comprenant notamment des mesures préventives systématiques et le respect des droits de l’homme, mais n’a pas satisfait pleinement certaines délégations.  Pour l’Inde, par exemple, elle ne représente qu’une mise à jour technique de la précédente résolution, alors que d’autres lui reprochent de n’avoir pas pu galvaniser le soutien collectif nécessaire.

Les plus âpres discussions ont porté sur le langage relatif aux questions liées à l’architecture antiterroriste et au renforcement des capacités; la société civile et le genre; la lutte contre le financement du terrorisme; les victimes du terrorisme; les technologies de l’information et des communications et la contre-propagande; les menaces et tendances liées aux combattants terroristes étrangers, et à la prévention de l’extrémisme violent en tant que tel et en tant qu’incitation au terrorisme.

Parmi les nouveautés de ce texte, il y a la référence au problème des combattants terroristes étrangers.  Ainsi l’Assemblée générale demande aux États Membres d’assurer une coordination totale et de se prêter mutuellement assistance lors des enquêtes criminelles et autres procédures pénales portant sur le financement d’actes de terrorisme ou l’appui dont de tels actes ont bénéficié.  Le but est notamment d’obtenir les éléments de preuve nécessaires aux procédures engagées contre des organisations terroristes, des entités terroristes ou des combattants terroristes étrangers.

Autre nouveauté, cette fois soulignée par la délégation israélienne, la mention de l’utilisation des civils comme boucliers humains par les groupes terroristes.  La résolution condamne le fait que toutes les précautions possibles ne soient pas prises pour protéger la population civile et les biens de caractère civil des effets des attaques lorsque de tels biens –écoles et hôpitaux, en particulier– sont réquisitionnés à des fins militaires, notamment pour lancer des attaques ou entreposer des armes. 

L’une des discussions phares dans le processus de négociation de ce texte a été le débat sur la prévention de l’extrémisme violent en tant que tel et en tant qu’incitation au terrorisme.  Comme l’ont expliqué les cofacilitateurs, cette discussion n’a pas permis de trouver un compromis pour mettre à jour le langage et dégager un consensus sur les concepts de terrorisme et d’extrémisme violent: on en reste donc au compromis important atteint il y a deux ans sur ce point. 

Les divergences qui ont empêché d’aller plus loin sur ces concepts tiennent notamment au fait que, pour certains États Membres, on risque de faire un amalgame entre les deux, notamment entre extrémisme violent et une religion ou région particulière. 

Si l’Égypte perçoit l’absence de consensus comme une volonté délibérée de certains pays de maintenir cette ambiguïté, le Canada a dénoncé le fait que des délégations aient questionné cette notion d’extrémisme violent et voulu imposer à la place la notion vague « d’extrémisme ».  La véritable question à régler est, à ses yeux, l’emploi de la violence pour promouvoir des idées extrêmes. 

Le rôle central des femmes a également été mis en avant dans la prévention de ce fléau, notamment par les Émirats arabes unis.  Le Japon a souligné ce rôle crucial des femmes pour identifier des signes précoces de radicalisation et pour développer des contre-propagandes face à la propagande terroriste.  Il aurait d’ailleurs aimé des éléments de langage plus robustes sur ce sujet.

L’Assemblée générale poursuit l’examen de ce point, demain, mercredi 27 juin à 10 heures.

* A/72/L.62

LA STRATÉGIE ANTITERRORISTE MONDIALE DES NATIONS UNIES

Déclaration liminaire

M. MIROSLAV LAJČÁK, Président de l’Assemblée générale, a expliqué que le document qui sera adopté ici aujourd’hui et la stratégie qu’il propose n’est pas une formule magique ni un ouvrage de règlement de lutte contre le terrorisme.  « Le terrorisme est quelque chose de complexe, qui évolue et donc une approche unique ne fonctionnera jamais: chaque pays, chaque gouvernement va répondre au terrorisme à sa façon, mais aucun pays ne pourra le faire seul et aucun pays n’est immunisé contre ce fléau ».  C’est pourquoi il faut coopérer et définir une vision d’ensemble, a estimé M. Lajčák.

Son deuxième point portait sur les liens entre les Nations Unies et la lutte contre le terrorisme.  Affirmant la nécessité de traiter ce problème de façon frontale, le Président de l’Assemblée générale a rappelé que le terrorisme n’existait pas au moment où la Charte a été rédigée.  « Depuis le 11 septembre 2001 nous cherchons à définir le rôle à assumer par les Nations Unies dans la lutte contre ce fléau, y compris pour mettre en place des directives pratiques pour les autorités nationales », a-t-il expliqué ajoutant que grâce à l’initiative du Secrétaire général, il existe un nouveau Bureau de lutte contre le terrorisme.

« Ne sous-estimons pas la menace qui pèse sur nous », a ensuite averti le Président de l’Assemblée générale.  Il ne s’agit pas d’une guerre classique même si Daech et Al-Qaida ont été affaiblis, a-t-il précisé en soulignant que ces groupes s’adaptent et que, par conséquent, il ne faut pas devenir complaisant.  « Essayons d’être le plus efficace possible et mettons en commun nos compétences pour envoyer un message fort: le terrorisme international sera combattu sur tous les fronts. »

Adoption de la résolution A/72/L.62

Avant l’adoption, la délégation des États-Unis a indiqué qu’elle ne voulait pas que le projet de résolution à l’examen soit utilisé pour formuler des critiques contre Israël.  Elle a rejeté la référence figurant au paragraphe 36 du préambule relatif à l’occupation étrangère.  « Nous devons rejeter tous les actes terroristes », a-t-il affirmé, avant de se dissocier dudit paragraphe. 

Le délégué d’Israël a rappelé qu’il y a deux ans, lors des négociations sur le projet de résolution sur le même sujet, toutes les « lignes rouges » des pays avaient été prises en compte, « sauf celles de mon pays ».  « Nous nous étions dissociés à l’époque du paragraphe 33 comme nous nous dissocions aujourd’hui de l’article 36 », a-t-il expliqué.

Débat général

M. KAI SAUER (Finlande) et Mme SIMA SAMI I. BAHOUS (Jordanie), cofacilitateurs du sixième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, ont présenté les résultats de cet examen qui a été réalisé après la création du Bureau de lutte contre le terrorisme.  Le cofacilitateur de la Finlande a rappelé les propos du Secrétaire général qui voit le terrorisme comme le plus grand défi de notre époque, un défi contre lequel aucun pays ne peut agir seul, soulignant ainsi la nécessité pour la communauté internationale de s’unir sur ce sujet.  Malgré les différences de vue, les États Membres ont travaillé dans un esprit d’objectif commun, a témoigné à cet égard le cofacilitateur. 

Le processus consultatif a donné lieu à de nombreuses réunions bilatérales avec les missions et les groupes régionaux, en vue de mieux comprendre leurs priorités, préoccupations et positions.  Une première réunion informelle a eu lieu le 15 mai, qui a conduit à des négociations intensives entre experts.  Le cofacilitateur a précisé que le texte de la résolution présentée aujourd’hui avait été finalisé vendredi dernier, un projet qui a été restructuré pour le rendre plus cohérent et logique.  Il a estimé que le projet de texte reflète la structure de la Stratégie mondiale et de ses quatre piliers, ce qui devrait servir de guide à l’avenir pour les prochains examens de la Stratégie.

La cofacilitatrice de la Jordanie a poursuivi en détaillant le processus consultatif.  Les premières lectures du texte ont servi à identifier les sujets qui nécessitent plus de discussions et celles-ci ont été conduites ensuite en petits groupes.  Ce travail a permis d’accentuer la transparence et le caractère inclusif du processus.  Les petits groupes, a-t-elle continué, ont discuté du langage relatif aux questions suivantes: architecture antiterroriste et renforcement des capacités; société civile et genre; lutte contre le financement du terrorisme; victimes du terrorisme; technologies de l’information et des communications et contre-propagande; et menaces et tendances liées aux combattants terroristes étrangers. 

Une des discussions phares a porté sur la prévention de l’extrémisme violent en tant que tel et en tant qu’incitation au terrorisme.  Cette discussion n’a pas permis de trouver un compromis pour mettre à jour le langage.  On en reste donc au compromis important atteint il y a deux ans.  Au total, les délégations ont ajouté 29 nouveaux paragraphes, 15 amendements et éliminé 5 paragraphes. 

Le texte reconnaît en plus l’importance du Bureau de lutte contre le terrorisme.  En outre, des compromis ont été faits sur des questions importantes comme le relogement des combattants terroristes étrangers, la lutte contre le financement du terrorisme, le soutien aux victimes du terrorisme et la contre-propagande.

Après ces explications, la cofacilitatrice a souligné combien le terrorisme et l’extrémisme violent sont des attaques directes contre la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Elle a remercié les délégations pour leurs efforts et le consensus atteint sur le contre-terrorisme, espérant que cela enverrait le message retentissant de l’unité et de la solidarité de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Au nom du Mouvement des pays non-alignés, M. SAMUEL MONCADA (Venezuela) a rappelé que durant la conférence ministérielle du Mouvement tenue à Bakou en avril 2018, les ministres ont réaffirmé la validité et la pertinence de la position de principe du Mouvement concernant le terrorisme et ont réitéré l’importance de respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tous les États.  Le représentant a noté qu’il restait encore beaucoup à faire dans la lutte contre le terrorisme, en particulier pour juguler la menace du retour et de la réinstallation des combattants terroristes étrangers.  Ainsi, a-t-il prôné, il est nécessaire de faire face aux conditions qui font propager le terrorisme.  Les solutions doivent être non seulement sur le court terme mais aussi sur le long terme. 

En outre, a ajouté le représentant, le Mouvement des pays non-alignés appelle à la mise en œuvre transparente, totale et équilibrée de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et pour la participation renforcée de tous les États dans les travaux de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme.  Le groupe réaffirme aussi l’importance de l’examen des mesures visant à éliminer le terrorisme international de l’Assemblée générale en tant que principal organe délibérant des Nations Unies.

Le Mouvement des pays non-alignés estime, a poursuivi le délégué, que la lutte contre le terrorisme doit se faire dans le cadre d’une coopération internationale renforcée conformément aux instruments juridiques internationaux et régionaux existants ainsi que des résolutions pertinentes des Nations Unies tout en respectant les droits de l’homme, les libertés fondamentales et l’état de droit.

Il a ensuite exhorté tous les États à refuser le refuge et à traduire en justice ou extrader les auteurs d’actes terroristes ou toute personne qui les soutient.  En outre, le financement du terrorisme est un sujet de grave préoccupation et il doit être combattu avec détermination.  À cet égard, le représentant a réitéré l’obligation pour les États Membres de prévenir et réprimer le financement d’actes terroristes. 

Le représentant a aussi souligné l’importance de l’approche préventive dans la lutte contre le terrorisme qui consiste notamment à développer des initiatives innovantes et efficaces visant à saper la stratégie des groupes terroristes et les idéologies qui promeuvent la violence et l’intolérance.  Plus encore, a indiqué le délégué, le Mouvement des pays non-alignés attend avec impatience les contributions du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies qui devrait apporter plus de cohérence et d’efficacité dans les activités de lutte contre le terrorisme menées par l’ONU.  Avant de terminer, le délégué a réitéré que les 120 États membres du Mouvement des pays non-alignés jugeaient important de conclure une convention de lutte contre le terrorisme international.

M. ABDULMAJEED ABDULRAHMAN M. ABABTAIN (Arabie saoudite), au nom de l’Organisation de la coopération islamique) a demandé des efforts concertés pour remédier aux causes profondes du terrorisme, y compris en mettant fin aux occupations étrangères et en prévenant les agressions et l’utilisation illégale de la force.  La transparence et la coordination des efforts des entités onusiennes engagées dans la lutte antiterroriste doivent être renforcées, a-t-il recommandé.  Il a souligné la nécessité d’inclure, dans les rapports du Secrétaire général, des informations analytiques plus poussées sur les ressources nécessaires pour financer le renforcement des capacités des États Membres dans la lutte antiterroriste.  « Nous voulons des informations concrètes sur la mobilisation des ressources. »

Le délégué a par ailleurs demandé un engagement fort afin de faire des jeunes et des femmes des agents de changement pour prévenir toute radicalisation de leur communauté.  Il a rejeté toute tentative visant à associer un pays, une race, une religion ou une culture au terrorisme.  C’est le droit international, a-t-il ajouté, qui doit régir les efforts de lutte antiterroriste.  Il s’est dit très préoccupé par l’intolérance accrue et les discriminations qui visent les musulmans.  Enfin, il a rappelé que la mise en œuvre de la Stratégie mondiale incombe en premier lieu aux États Membres, avec l’Assemblée générale qui joue un rôle central dans le suivi de ladite mise en œuvre. 

Au nom du Mexique, de l’Indonésie, de la République de Corée, de la Turquie et de l’Australie (MIKTA), M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a annoncé que ces cinq pays tiendront en fin d’année 2018 en Indonésie une initiative sur la coopération contre le terrorisme qui sera focalisée sur la prévention.  Les ministres des affaires étrangères du groupe ont réaffirmé, a annoncé le représentant, la nécessité de suivre une approche antiterroriste plus globale comprenant notamment des mesures préventives systématiques et le respect des droits de l’homme.  Nos efforts doivent reconnaître que le terrorisme et l’extrémisme violent ne peuvent et ne devraient être associés à aucune religion, nationalité, civilisation ou groupe ethnique, a-t-il plaidé. 

Le groupe MIKTA est convaincu que c’est uniquement par une action globale concertée au niveau mondial, régional et national, et par le respect des obligations découlant du droit international que dépend le succès de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  Ainsi, le groupe appuie la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et sa mise en œuvre équilibrée à travers ses quatre piliers.  Le MIKTA estime aussi qu’il est important de continuer les efforts communs pour prévenir et contrer le terrorisme y compris à travers des plans d’actions nationaux.

Contrer le terrorisme et prévenir l’extrémisme violent exigent également une approche qui implique toute la société.  Ainsi l’addition de plus de références au rôle fondamental que la société civile, les jeunes et les acteurs locaux jouent sur cette question, est positive, a estimé le représentant qui croit que le fonctionnement efficace du système des Nations Unies est une clef essentielle pour faire face au terrorisme et à l’extrémisme violent.  Il a en outre souligné l’importance de la fourniture et de la facilitation opportunes, adéquates et efficaces par les Nations Unies d’une aide aux États Membres en matière de renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme. 

M. NELSON ANTONIO TABAJARA DE OLIVEIRA (Brésil) a rappelé que depuis la date de publication du dernier rapport du Secrétaire général sur la lutte contre le terrorisme, le 12 mai dernier, des actes terroristes ont fauché la vie de plus de 800 personnes et blessés de milliers d’autres.  Suite à ce constat il a déclaré qu’« échouer dans notre lutte n’est tout simplement pas une option ».  Compte tenu de la nature changeante du terrorisme, il a insisté sur la nécessité de mettre à jour la Stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme, et cela sur une base consensuelle qui reflète de manière inclusive la voix de tous les États Membres de l’ONU.  La réforme de l’architecture de lutte contre le terrorisme des Nations Unies reste cependant en suspend et le Brésil attend le prochain rapport du Secrétaire général pour apporter des éléments de réponse.

Le fait qu’il n’existe toujours pas de définition du terrorisme qui soit universellement acceptée est préjudiciable à l’objectif commun d’élimination de ce fléau, a estimé le représentant.  « Nous devons sortir de cette impasse qui empêche l’adoption d’une convention globale de lutte contre le terrorisme international », a-t-il souhaité, encourageant à cet égard les Nations Unies à organiser une conférence de haut niveau pour donner l’impulsion politique nécessaire en vue d’atteindre cet objectif.  Une telle convention pourrait contribuer à harmoniser les cadres juridiques et faciliter l’assistance et la coopération juridiques, a-t-il argué.

Le Brésil a aussi insisté sur le besoin de clarifier la relation entre les concepts de « terrorisme », « radicalisation » et « extrémisme violent ».  Ces phénomènes peuvent être liés dans certains cas, mais ne sont pas corrélés de manière intrinsèque, a-t-il averti.  À son avis, ne pas arriver à bien les définir pourrait mener à une application trop large des mesures de lutte contre le terrorisme.  Autre position du Brésil: si le terrorisme constitue une menace à la paix et la sécurité internationales, le crime transnational relève toujours de la sécurité publique.  Le représentant a donc insisté sur le fait que ces deux phénomènes ne sont pas systématiquement liés.  Enfin, il a dit s’opposer à toute tentative de réinterprétation de la portée du concept d’autodéfense.

M. JÜRG LAUBER (Suisse) a souligné le rôle essentiel que doit jouer l’ONU pour combattre le terrorisme et prévenir l’extrémisme violent.  La Suisse, a-t-il dit, s’est employée dès 2006 à promouvoir une mise en œuvre équilibrée de la Stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme, tant au niveau national qu’au niveau international.  À ce titre, elle organise depuis 2016 la « Conférence internationale sur la prévention de l’extrémisme violent », qui se tient à Genève.  Cela l’a amenée à adopter un plan national sur cette question.  Pour renforcer ses propres moyens, la Suisse a entamé des processus législatifs visant à adapter sa législation pénale et adopter de nouvelles mesures administratives.  Elle a également mené des projets de renforcement des capacités avec ses partenaires onusiens tels que le Fonds mondial pour l’engagement de la communauté et la résilience.  Enfin, la Suisse s’est engagée à opérationnaliser les obligations qui incombent aux États, notamment le Mémorandum de Neuchâtel qui clarifie les obligations relatives aux droits de l’enfant dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.

M. Lauber a ensuite soulevé certains points relatifs aux discussions des dernières semaines sur la Stratégie mondiale.  Sa délégation se félicite de l’introduction de deux paragraphes visant à renforcer le respect du droit international humanitaire et rappelant l’obligation des parties à un conflit de protéger la population civile.  En revanche, elle regrette que le quatrième pilier de la Stratégie mondiale (droits de l’homme et état de droit) continue d’être le plus faible et le moins doté de ressources dans l’architecture des Nations Unies.  « Une approche se basant sur le cadre juridique international, y compris les aspects de genre, est pourtant essentielle si nous voulons véritablement réussir à éradiquer le terrorisme à long terme », a plaidé le représentant.  Son pays est honoré de soutenir le lancement d’un guide, élaboré par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, qui donnera des orientations aux États Membres sur leurs obligations en matière de droits de l’homme dans la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies.

La Suisse demande au Secrétaire général de présenter en mai 2019 un nouveau rapport qui évalue l’impact de la Stratégie mondiale et qui permette également de dresser un bilan sur le processus de réforme initié par le Secrétaire général avec la création du Bureau des Nations Unies contre le terrorisme.

M. JAMIE BELL (Canada) a déclaré que le terrorisme ne peut être associé à une religion, une nationalité ou un groupe ethnique.  Face au retour des combattants terroristes étrangers, il a jugé que la réponse judiciaire et pénale ne suffira pas.  Le genre, souvent manipulé par les groupes terroristes pour recruter des adeptes, est un facteur fondamental pour la compréhension de la menace et pour l’élaboration d’interventions efficaces, a-t-il estimé.  Il s’est dit conscient des nombreux désaccords qui existent quant à la meilleure approche à utiliser au sein de l’ONU.  « Ces différences ont été clairement mises au jour au cours des derniers mois. »

Commentant la résolution adoptée, le délégué a dit qu’il aurait souhaité qu’elle contienne des éléments de langage plus robustes sur le genre, les droits humains et la société civile.  Il s’est dit en effet très déçus que le texte ne reconnaisse pas l’importance de la dimension du genre dans la lutte antiterroriste.  En outre, de l’avis de la délégation, la résolution aurait dû être plus ambitieuse quant à l’avancement de la réforme de l’architecture antiterroriste de l’ONU et à son rattachement à la réforme globale des piliers paix et sécurité et développement de l’ONU.

Enfin, M. Bell a regretté que certaines délégations aient questionné la notion d’extrémisme violent et voulu imposer à la place la notion vague « d’extrémisme ».  « Le Canada réitère de la manière la plus ferme possible que les idées soi-disant extrêmes peuvent être une force positive et de changement social et que la véritable question à régler est l’emploi de la violence pour promouvoir des idées extrêmes. »

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a estimé que c’est la société tout entière qui doit être impliquée dans une approche globale de la lutte contre le terrorisme et dans les efforts de prévention de l’extrémisme violent.  Cela signifie qu’il faut tirer parti des compétences, des ressources et de l’expertise de toutes les parties prenantes.  La représentante a ensuite déclaré que sa délégation appuyait la Stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU et ce, dans trois domaines en particulier.

En premier lieu, les agences gouvernementales australiennes travaillent étroitement avec leurs partenaires internationaux pour détecter et réprimer la circulation des combattants terroristes étrangers venant du Moyen-Orient.  L’Australie soutient les efforts dans ce domaine y compris la résolution appelant l’utilisation des informations sur les passagers, le dossier passager et les données biométriques partout où cela est nécessaire.  En deuxième lieu, Mme Bird a insisté sur la nécessaire coopération pour faire en sorte que les terroristes ne puissent pas agir en véritable hors-la-loi sur Internet.  Enfin, l’Australie dispose des régimes légaux solides et adaptés contre le financement du terrorisme, qui sont en outre conformes aux normes internationales. 

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a appuyé « avec force » les efforts collectifs des Nations Unies dans la lutte contre le terrorisme, des efforts qui selon elle soulignent le rôle central joué par l’Assemblée générale.  Rappelant la volonté inébranlable de son pays de lutter contre le terrorisme, elle a condamné tous les actes de terrorisme sous toutes leurs formes, y compris les cas dans lesquels les États sont impliqués directement ou indirectement.  Elle a dénoncé les actes d’ingérence de certains États dans les affaires internes d’autres pays et les actes unilatéraux qui vont à l’encontre de la Charte des Nations Unies.  « La haine et la vengeance ne sauraient être présents dans un ordre mondial », a–t-elle estimé.

Après avoir salué les progrès accomplis sur le texte adopté aujourd’hui, notamment par rapport aux abus des technologies de l’information et des communications dans le contexte du terrorisme, la représentante a proposé d’autres questions à examiner à l’avenir comme les « coups d’état souples » ou le financement de pratiques de « terreur sociale par des États externes ». 

Cuba estime par ailleurs qu’il reste encore beaucoup à faire sur le chemin vers l’adoption d’une convention générale sur la lutte contre le terrorisme.  En outre, la délégation a réfuté toute tentative d’associer une religion, race ou ethnie au terrorisme; elle a souhaité un consensus sur des termes ambigus souvent utilisés dans ce contexte.  En conclusion, la représentante a assuré que Cuba appuie les efforts multilatéraux pour consolider le rôle de l’Assemblée générale dans la mise en œuvre de la Stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a dit que la Stratégie mondiale reflète les progrès accomplis dans la lutte antiterroriste.  Il a reconnu que les débats ayant conduit à l’adoption du texte avaient été houleux.  La prévention doit être au cœur de nos efforts antiterroristes, a-t-il dit, en prônant une approche globale contre l’extrémisme violent.  « Nous devons agir », a-t-il lancé.  Face au retour des combattants terroristes étrangers, il a plaidé pour la fourniture d’une assistance technique aux États, tout en exhortant ces derniers à s’acquitter de toutes leurs obligations qui découlent des résolutions.  Il a demandé une meilleure adaptation de l’architecture onusienne aux menaces terroristes avant d’appeler à des discussions franches sur le sujet pour engranger d’autres progrès.  Toute discorde entre États Membres fait le jeu des terroristes, a déclaré le délégué britannique.  « L’union fait la force. »

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) s’est dit convaincu que ce processus permet un dialogue ouvert et constructif utile pour coordonner une réponse plus efficace et intégrée face au phénomène que constitue le terrorisme international.  Il a souligné l’utilisation croissante de l’Internet par des organisations terroristes pour diffuser des messages extrémistes et violents, ainsi que l’augmentation des expressions de xénophobie et de racisme qui cherchent à associer un groupe, une religion ou une région au terrorisme international.  Cela montre la nécessité de redoubler d’efforts et de coordonner nos efforts nationaux, régionaux et multilatéraux.  Dans ce contexte, le Mexique se félicite de la nomination d’un Secrétaire général adjoint à la lutte contre le terrorisme.

Le Mexique réitère sa solidarité avec les victimes du terrorisme, a poursuivi le délégué qui a regretté à cet égard les lacunes de la résolution sur ce sujet, car les victimes, en particulier les femmes, ont un rôle important à jouer dans la prévention et la lutte contre le terrorisme.  Dans l’adoption de stratégies antiterroristes, il a suggéré de tenir compte de l’impact sur la population civile.  Enfin, il a appelé tous les États Membres à utiliser ce processus d’examen pour faire en sorte que les efforts multilatéraux de lutte antiterroriste respectent les droits de l’homme et le droit international, notamment la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire et le droit des réfugiés.

Mme GRATA ENDAH WERDANINGTYAS (Indonésie) a partagé la situation et les efforts nationaux face à la menace terroriste dans son pays qui a été récemment frappé par une attaque terroriste à Surabaya.  Elle a expliqué que les combattants terroristes étrangers impliqués dans cet attentat sont ligués avec les groupes locaux, ce qui entraîne une régionalisation du terrorisme.  Pour y faire face, elle a souligné l’importance de l’état de droit et de la capacité de l’État à l’imposer.

Elle a indiqué que le Gouvernement indonésien avait révisé la loi contre le terrorisme, le 25 mai dernier, en élargissant l’autorité de l’État pour qu’il puisse mieux faire face à la manifestation actuelle du terrorisme.  Cette loi définit les infractions pénales commises correspondant aux actes des combattants terroristes étrangers, y compris les rapatriés et ceux qui les aident à s’installer.  Pour appuyer la mise en œuvre de la loi, le Gouvernement prépare un plan national d’action de lutte contre l’extrémisme violent.  Le plan se focalisera sur la prévention, l’application de la loi, la déradicalisation ainsi que le partenariat et la coopération internationale.  La représentante a ajouté qu’une nouvelle loi indonésienne punit le financement du terrorisme et permet de geler les avoirs des terroristes.

Par ailleurs, pour briser le cycle de la radicalisation dans la famille terroriste, plusieurs anciens prisonniers terroristes ont créé une Fondation dans l’est de Java et une école islamique dans le nord de Sumatra.  L’objectif est de recruter d’anciens prisonniers terroristes pour en faire des agents de lutte et de prévention contre le radicalisme et de l’extrémisme, et de rompre le cycle intergénérationnel terroriste.  Enfin, afin d’accélérer le processus de guérison et de pardon mutuel entre les ex-terroristes condamnés et les victimes, le Gouvernement a facilité la réconciliation le 26 février dernier en organisant une manifestation à laquelle ont participé 124 anciens terroristes condamnés et 51 victimes. 

M. TANMAYA LAL (Inde) a noté que, à propos de la résolution adoptée sans mise aux voix aujourd’hui, « tout le monde est bien conscient qu’elle ne reflète en réalité qu’une mise à jour technique de la résolution sur la Stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme adoptée il y a deux ans ».  Il a regretté que cette résolution ne comporte pas de modifications substantielles du texte précédent alors même qu’au cours des deux dernières années la plupart des États Membres ont connu des attaques terroristes.  « Pendant ces deux années, les terroristes ont propagé leur idéologie de haine dans le monde » et il est dommage que « nous ne sommes toujours pas en mesure de faire avancer une coopération multilatérale significative dans la lutte contre le terrorisme, souvent à cause de considérations politiques étroites. »  Il s’est dit déçu que même le libellé de la résolution n’ait pu être changé, ce qui traduit, à ses yeux, l’incapacité des États Membres à agir collectivement.  « Ce n’est pas de bon augure pour notre sécurité collective », a déclaré le représentant.

Sa délégation a par ailleurs salué l’organisation par le Bureau des Nations Unies contre le terrorisme du Sommet des chefs des unités de lutte contre le terrorisme qui aura lieu cette semaine.  L’Inde a d’ailleurs annoncé une contribution de 550 000 dollars des États-Unis à ce Bureau.  Pour ce qui est de la Stratégie mondiale elle-même, le représentant indien attendait une appréciation « plus honnête de l’architecture de lutte contre le terrorisme des Nations Unies et espérait que les États Membres arriveraient à se mettre d’accord pour détecter les menaces émergentes posées par les réseaux terroristes en termes d’usage des TIC, de leurs stratégies de recrutement et de leurs cibles.  « Nous ne sommes pas encore sur la même longueur d’onde alors que la menace du terrorisme nécessite l’unité de la communauté internationale », a-t-il constaté ajoutant que cela se fait « à notre propre péril ».

M. COHEN (États-Unis) s’est félicité que certains éléments de langage de la résolution de 2016 aient été conservés, malgré les positions de certaines délégations.  Les États Membres doivent adopter des plans d’action nationaux solides, a-t-il dit, en soulignant les menaces que les groupes terroristes continuent de faire peser malgré les revers qu’ils ont connu sur le terrain.  Les membres des familles, les dignitaires religieux et les enseignants ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre l’extrémisme violent en repérant les signes précoces de radicalisation.  « Nous aurions espéré que la résolution reflète davantage le rôle de la société civile dans la lutte antiterroriste », a—il dit.

Le délégué a par ailleurs souligné la nécessité d’améliorer la collecte d’informations s’agissant des combattants terroristes étrangers, en particulier sur leurs déplacements aériens.  Les terroristes, comme le Hamas, sont les premiers à fouler aux pieds les droits humains, a-t-il aussi relevé.  Enfin, le délégué a regretté l’incertitude juridique, dans la résolution, sur les notions d’extradition et de poursuites. 

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a rappelé que son pays avait été victime du terrorisme international à deux reprises.  Il a été l’un des premiers pays à demander à la communauté internationale des définitions claires pour jeter les bases d’une stratégie collective de lutte contre le terrorisme.  Le représentant a salué la nomination du Secrétaire général adjoint en charge du Bureau des Nations Unies contre le terrorisme et a réitéré l’appui de l’Argentine à la Stratégie mondiale.  Il espère que les États Membres pourront bénéficier de ses directives.

Depuis 2016, l’Argentine a renforcé sa législation sur la protection des victimes de tous les délits, y compris le terrorisme.  Elle a également renforcé ses capacités nationales de lutte contre le terrorisme et surveille les 100 millions de mouvements migratoires à ses frontières.  La législation pénale a également été remaniée pour mieux définir les délits de terrorisme et de son financement.  Le Ministère de la justice est en train de former les juges et autres fonctionnaires sur le blanchiment d’argent, le trafic des armes et la prolifération des armes de destruction massive, a encore précisé le représentant.  Enfin, il a réitéré l’appui de sa délégation à la résolution adoptée aujourd’hui étant donné que ce texte reflète les valeurs et principes des Nations Unies qui sont aussi ceux de l’Argentine.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a dit qu’il aurait souhaité des progrès plus substantiels lors des négociations de la résolution, sur les questions relatives aux activités terroristes dans le cyberespace et sur la dimension genre de la lutte contre le terrorisme.  « Mon pays est du ferme avis qu’il ne doit pas y avoir de réinterprétation du Plan d’action du Secrétaire général pour la prévention de l’extrémisme violent. »  Il a d’ailleurs jugé contreproductif de redéfinir la notion d’extrémisme violent.

De plus, la délégation a estimé que l’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme dans la lutte antiterroriste « n’a pas besoin d’être trop mise en avant ».  « Nous exhortons le Myanmar à ne pas user de la question antiterroriste comme prétexte pour refuser ou entraver le retour et la réintégration des Rohingya déplacés au Bangladesh », a-t-il ajouté.  En conclusion, le délégué a redit la détermination du Bangladesh afin que son territoire ne devienne pas un sanctuaire pour des éléments terroristes. 

M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a estimé que l’adoption, par l’Assemblée générale, de la Stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme était le reflet des efforts collectifs de la communauté internationale dans ce domaine.  Aujourd’hui, cette stratégie devrait être mise en œuvre de manière équilibrée, a estimé le représentant.  Il a salué la mise en place du Bureau des Nations Unies de lutte contre le terrorisme, « une avancée positive », à ses yeux.  Pour ce qui est de la situation en Iraq, malgré les progrès réalisés dans la lutte contre Daech, le représentant a regretté que ce groupe terroriste continue d’utiliser l’Islam à mauvais escient pour justifier l’assassinat de personnes innocentes. 

Le délégué a remercié le Secrétariat des Nations Unies d’avoir préparé une liste de priorités qui sont nécessaires pour les États Membres dans leurs efforts de lutte contre le terrorisme au niveau national.  Il a rappelé la visite du Secrétaire général adjoint pour la lutte contre le terrorisme en Iraq, une visite qu’il a qualifiée « d’utile » pour la mise au point de la stratégie nationale iraquienne dans ce domaine.  Il a, enfin, insisté sur l’importance que revêt la coopération internationale dans la lutte contre ce fléau.

M. YASUHISA KAWAMURA (Japon) a demandé un meilleur partage d’informations sur les trajets aériens des combattants terroristes étrangers et une meilleure utilisation des bases de données d’INTERPOL.  Il s’est félicité que la résolution reconnaisse l’importance de ces questions.  Le délégué a ensuite insisté sur l’importance du rôle des femmes pour identifier des signes précoces de radicalisation et pour développer des contre-propagandes face à celle des terroristes.  « Nous aurions aimé des éléments de langage plus robustes sur ce sujet. » Enfin, M. Kawamura a exhorté les États Membres à prendre des mesures concrètes pour appliquer cette résolution. 

M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) est revenu sur le processus de négociation du projet de résolution adopté aujourd’hui.  Son pays a essayé de proposer des définitions et solutions pour parvenir à un concept consensuel sur ce qu’on entend par terrorisme et extrémisme violent, expliquant que les pays qui pensent de la même façon tenaient à souligner l’impossibilité d’associer l’extrémisme violent à une religion ou une culture.

Soulignant que la caractérisation de l’acte criminel est différente selon l’auteur qui le commet, il a expliqué que l’Égypte était soucieuse de parvenir à un consensus réel sur l’extrémisme violent conduisant au terrorisme.  Le représentant a regretté que l’on ne soit pas parvenu à ce consensus, accusant « certains pays de vouloir maintenir délibérément cette ambiguïté ».  Il a toutefois salué le nouveau paragraphe sur les combattants terroristes étrangers et d’autres aspects importants repris dans le texte actuel même si « certains ont essayé de vider plusieurs paragraphes de leur sens, voire de les supprimer ». 

Le représentant a rappelé qu’à la fin du sixième examen de la mise en œuvre de la Stratégie mondiale, il incombe à tous de faire appliquer le texte adopté aujourd’hui de manière totale.  Il a souligné l’importance du Bureau des Nations Unies contre le terrorisme et du Centre de lutte contre le terrorisme en matière d’assistance à apporter aux États.  Pour sa délégation, il est inconcevable qu’il y ait encore des États qui violent publiquement ces résolutions sur la lutte contre le terrorisme en fournissant armes et financements aux terroristes. 

BASHAR JA’AFARI (Syrie) a souligné le mécontentement qui a entouré les négociations autour du texte.  Mon pays est en première ligne face à la menace terroriste, a-t-il dit.  Il a déploré que certains paragraphes aient été inclus « pour amuser la galerie », tandis que certains éléments souhaités par son pays sur les manquements et la collusion de certains acteurs dans la lutte antiterroriste ont été ignorés.  « Si la communauté internationale avait écouté nos avertissements depuis sept ans, nous aurions éliminé le terrorisme et ne serions pas ici à discuter du retour des combattants terroristes étrangers », a-t-il dit.  Il a mis cela sur le dos de « la collusion de certains et de l’indifférence d’autres ». 

Le représentant syrien a dénoncé ceux qui ont voulu voir dans les groupes terroristes sanguinaires opérant en Syrie « une opposition modérée ».  Il a fustigé les propos d’un ministre français qui avait déclaré à l’époque qu’il ne pouvait rien faire pour empêcher que des combattants français ne rejoignent la Syrie.  Le Bureau de lutte contre le terrorisme de l’ONU doit travailler pour tous les États Membres et pas pour ceux qui le financent, a-t-il tenu à souligner.  Enfin, le délégué syrien a dénoncé en des termes très vifs la mainmise d’un État Membre sur Internet. 

M. HAU DO SUAN (Myanmar) a demandé des efforts concertés face au retour des combattants terroristes étrangers.  En ce qui concerne son pays, il a dit que la crise dans l’État Rakhine avait été déclenchée par des attaques de l’Armée de libération Arakan Rohingya (ARSA) dite Al Yakin, en l’absence de tout provocation.  Ce groupe a été appuyé par des combattants terroristes étrangers, a-t-il affirmé, avant d’exprimer la crainte de son pays que l’ARSA ne rejoigne des réseaux terroristes régionaux.  Il a souhaité que les activités de ce groupe soient surveillées de près, y compris leurs liens avec des combattants terroristes étrangers.  Enfin, il a assuré de la coopération de son pays avec les entités onusiennes engagées dans la lutte antiterroriste.

M. FRANCISCO ALBERTO GONZALEZ (Colombie) a rappelé que les États Membres ont la responsabilité de la mise en œuvre de la Stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme, avant de proposer d’y inclure des mesures différenciées entre les sexes.  Les États ont été les témoins de nouveaux types de terrorisme depuis le dernier examen de cette Stratégie en 2016, et, pour la Colombie, l’attention aux victimes et au respect de leurs droits doit en être un pilier fondamental.  Le représentant a salué la mise en place du Bureau de lutte contre le terrorisme qui a pour mandat d’améliorer la cohérence du système et de l’assistance aux États Membres dans ce domaine.

La Colombie est partie au Forum mondial de lutte contre le terrorisme, a précisé le représentant dont le pays accorde une attention particulière au financement du terrorisme.  Sur le terrain de la coopération internationale, il a appelé à redoubler d’efforts pour renforcer les capacités nationales et l’échange d’informations.  D’ores et déjà, la Colombie a fait des efforts considérables pour traduire la Stratégie mondiale dans sa législation nationale et ses structures.  Le représentant reste néanmoins convaincu que grâce à une convention internationale de lutte contre le terrorisme « nous pourrions combler certaines lacunes et renforcer les cadres juridiques existants ». 

Pour Mme NOA FURMAN (Israël) il ne fait pas de doute que la tendance à la multiplication des actes de terrorisme, leur portée et leur niveau de sophistication ne s’inversera pas.  « C’est à nous –la communauté internationale- de formuler la stratégie pour contrer la peste. »  Elle a salué que la résolution adoptée par l’Assemblée générale cette année qui condamne pour la première fois l’utilisation des boucliers humains, « une des tactiques les plus barbares utilisée par les groupes terroristes au quotidien ».  À l’instar de la communauté internationale, son pays fait face depuis des décennies à cette guerre asymétrique contre le terrorisme, a expliqué la représentante. 

Mme Furman a remarqué que le droit international reste ancré dans l’hypothèse que des armées se battent contre des armées, et que les pays s’opposent à d’autres pays, alors qu’aujourd’hui, c’est de moins en moins le cas.  Les organisations terroristes ne respectent pas de règles, de normes ou de lois et même si le droit international est supposé être un « outil constructif pour minimiser les pertes de vies humaines », les terroristes en abusent de plus en plus souvent.  « Nous faisons face à un ennemi qui ne connaît pas de lignes rouges, et pour lequel rien n’est hors limites », a averti Mme Furman.  C’est pour cette raison que la résolution d’aujourd’hui est « historique » à ses yeux puisque, pour la première fois, l’Assemblée générale y condamne clairement une tactique utilisée par des acteurs non étatiques.  Ce texte condamne l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux pour y entreposer des armes, une tactique fréquente du Hezbollah et du Hamas, a expliqué la représentante.  Pour sa délégation il s’agit là d’un pas important dans la bonne direction.

Reconnaissant que tous les pays sont exposés au risque du terrorisme et que la communauté internationale doit faire front commun contre ce fléau, le représentant a néanmoins estimé que le consensus ne devait pas être le seul objectif à atteindre, surtout lorsque « certains essayent de saper nos valeurs et croyances ».  C’est pour cela qu’Israël s’est dissocié du paragraphe 36 du préambule.  « Soyons clair.  Il n’y a pas de rationnel pour le terrorisme.  Malheureusement, c’est exactement ce que certains ont essayé de faire en essayant d’inclure de nouveaux paragraphes dans cette résolution justifiant la terreur si cela est utile pour une cause politique particulière ».  Elle s’est dite ravi que cette « tentative cynique » ait été bloquée, remerciant les États Membres de l’avoir rejetée immédiatement.

M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka) a estimé que compte tenu du visage changeant du terrorisme et de l’extrémisme violent, il est impératif que les États échangent renseignements, bases de données et expertises.  Le contreterrorisme doit non seulement être une approche de tout le système des Nations Unies mais aussi une approche de tout le système de chaque État, a-t-il ajouté.  Il a espéré que la toute première Conférence que le Secrétaire général de l’ONU convoque, dans deux jours, sera l’occasion de créer de nouveaux réseaux et partenariats. 

Il faut à tout prix, a-t-il poursuivi, empêcher la manipulation des réseaux sociaux pour promouvoir le racisme, la haine et l’intolérance.  Il faut aussi donner toute son importance au quatrième pilier de la Stratégie mondiale, relatif au respect des droits de l’homme et de l’état de droit.  La communauté internationale ne saurait faire sienne la posture du « sans foi ni loi » des terroristes qui, par ailleurs, ne doivent en aucun cas être associés à une religion, nationalité, civilisation ou ethnie particulière.  Le contreterrorisme participe autant de la stratégie militaire et du renseignement que des efforts pour gagner les esprits et les cœurs.  Le représentant a conclu en regrettant, à son tour, l’incapacité de la communauté internationale à élaborer une convention globale sur le terrorisme international.  Ce qui manque, a-t-il dit, c’est la volonté politique.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a indiqué que son pays est utilisé comme plateforme par des groupes terroristes qui tirent profit de la porosité des frontières.  Le Soudan est partie aux principaux instruments de lutte antiterroriste, a-t-il souligné avant d’expliquer que la guerre de son pays contre le terrorisme est livrée au nom de la défense des droits de l’homme.  La responsabilité première de l’application de la Stratégie mondiale incombe aux États Membres, a-t-il rappelé. 

Le représentant a indiqué que le Soudan avait déposé l’an dernier son projet de stratégie antiterroriste devant l’ONU, qui repose notamment sur la pleine participation des communautés locales, la promotion de l’état de droit et la lutte contre la pauvreté.  Enfin, le délégué a rappelé que l’approche sécuritaire ne suffisait pas face au terrorisme, en insistant sur la prévention et la diffusion d’idées modérées.  « L’extrémisme violent ne peut être associé à aucune religion, nationalité ou culture. »

M. SABRI BOUKADOUM (Algérie) a souligné que « le terrorisme ne connaît pas de religion, de frontières, de foyer et il ne saurait être assimilé à une religion ».  Il a plaidé pour une mise en œuvre équilibrée des quatre piliers de la Stratégie mondiale, avec une actualisation régulière.  Sa délégation souligne en outre l’importance des efforts visant à consolider cette stratégie par l’échange des pratiques optimales, de l’expertise, des informations ou encore l’assistance dans la mise à niveau des capacités nationales.  Il a mis en exergue le rôle du Centre de Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme et a invité les États Membres à lui fournir des ressources humaines et financières suffisantes.  L’Algérie est déterminée à participer à toutes les plateformes internationales qui s’attaquent au terrorisme, a-t-il assuré.

S’agissant de la résolution adoptée aujourd’hui, il a apprécié qu’elle tienne compte du phénomène du retour et de la relocalisation des terroristes combattants étrangers, saluant aussi l’attention qu’elle accorde aux victimes du terrorisme.  Ce texte souligne en outre l’importance du processus consultatif auprès des États Membres et des organisations régionales avant la publication du prochain rapport du Secrétaire général, en vue de faciliter les discussions avant le septième examen de la Stratégie mondiale.

Grace à son expérience, l’Algérie peut témoigner que le terrorisme ne peut se combattre qu’au niveau sécuritaire, et que toute approche efficace doit inclure notamment les dimensions sociales du problème.  Il faut, dans ce combat, mettre l’accent sur le fait que tout individu et toute société doivent être protégés de ceux qui font l’apologie de l’extrémisme violent ce qui passe, à ses yeux, par une démocratie participative.  La lutte contre ce phénomène nécessite des efforts régionaux, a encore fait valoir le représentant.  Dans ce contexte il a rappelé que l’Union africaine avait confié le mandat de la prévention de l’extrémisme violent au Président Bouteflika, un mandat qu’il aborde à travers une approche de concertation.

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a apprécié la création du Bureau de lutte contre le terrorisme qui, a-t-il remarqué, a permis d’améliorer la coopération entre les entités onusiennes.  Il a souligné le rôle des femmes et des jeunes dans la prévention de l’extrémisme violent, avant d’appeler à œuvrer pour qu’Internet ne soit pas utilisé pour la diffusion d’idées violentes.  Le délégué a insisté sur les liens entre activités terroristes et activités criminelles organisées, comme son pays l’avait déjà fait lors de sa présidence tournante du Conseil de sécurité au mois d’avril.  Enfin, il a demandé l’élaboration d’une convention globale sur le terrorisme international. 

M. PAWEL HERCZYNSKI, de l’Union européenne, a indiqué que les Nations Unies et l’Union européenne viennent de se mettre d’accord sur un cadre pour renforcer leur partenariat, lequel cadre guidera les efforts conjoints pour faire avancer la mise en œuvre de la Stratégie mondiale et aider les États dans leurs efforts d’application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Nous allons nous concentrer, a précisé le représentant, sur les efforts en Iraq, en Afrique et en Asie centrale, du sud et du sud-est, ainsi que sur la prévention de l’extrémisme violent.  Le représentant a insisté sur une mise en œuvre « équilibrée » de tous les quatre piliers de la Stratégie mondiale, dont celui sur le respect des droits de l’homme et de l’état de droit.

Le délégué s’est dit attaché à une approche d’autant plus globale que des États doivent désormais gérer le retour ou la réinstallation des combattants, des victimes du terrorisme ou encore l’extrémisme violent sur leur territoire.  Le représentant a d’ailleurs reconnu les divergences sur le concept de prévention de cet extrémisme, l’identification des conditions favorables à la radicalisation, le rôle de la société civile, sans oublier la dimension « genre ».  En embrassant les droits de l’homme et en intensifiant la lutte contre la corruption, a insisté le représentant, les gouvernements peuvent faciliter la tâche des autorités locales et de la société civile qui luttent contre la radicalisation et l’extrémisme violent. 

M. BACHIR SALEH AZZAM (Liban) a rejeté les tentatives visant à qualifier de terrorisme « le droit de résister à l’occupation étrangère ».  Il a ensuite   souligné que les forces armées de son pays ont réussi à vaincre Daech et à démanteler des cellules terroristes.  De plus, le Liban a marqué des points dans la lutte contre le financement du terrorisme.  Néanmoins, a-t-il ajouté, nous savons tous que pour éradiquer ce fléau, nous devons nous attaquer à ses causes profondes, y compris les politiques « deux poids, deux mesures » et les inégalités. 

En mars dernier, a signalé M. Azzam, le Liban a adopté une stratégie nationale pour prévenir l’extrémisme violent, à l’issue d’un processus de consultations inclusif qui a réuni le Gouvernement, la société civile, les Nations Unies et d’autres acteurs clefs, conformément à la Stratégie mondiale. 

M. ESHAGH AL HABIB (Iran) a regretté que la résolution ne traite pas des questions importantes comme la responsabilité sociale des entreprises privées dans la lutte contre la rhétorique terroriste.  Le régime d’autorégulation des entreprises s’est avéré inefficace à ce sujet, a-t-il argué.  Il a jugé urgent d’élaborer une convention pour réguler les activités des entreprises privées dans le domaine de l’information et de la technologie, pour couvrir notamment le vaste spectre des crimes commis avec l’utilisation des technologies de l’information et des communications.  Le représentant a aussi dénoncé le fait que la résolution soit restée muette quant à l’utilisation disproportionnée de la force militaire au nom de la lutte contre le terrorisme sans le consentement des pays concernés. 

L’autre question importante oubliée dans la résolution est la nécessité d’améliorer l’efficacité du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme.  Les membres du Conseil d’administration de ce Centre continuent d’être nommés de manière non transparente et ses réunions continuent d’être tenues derrière des portes closes, a-t-il avancé avant de dire que sa proposition pour améliorer la transparence et la responsabilité du Centre reste sur la table.  Il a ajouté que prévenir et contrer le terrorisme est impensable sans lutter contre l’idéologie takfiri qui est utilisée par les terrorismes, d’Al-Qaida à l’État islamique, pour élaborer leurs enseignements sur l’islam et pour justifier la violence. 

M. SALEM AL ZAABI (Émirats arabes unis) a noté les conséquences dévastatrices du terrorisme au Moyen-Orient et s’est dit convaincu qu’il faut dénier aux groupes terroristes toute latitude pour être sûr qu’ils ne se réorganisent pas.  Il est crucial de tarir les sources de financement des terroristes et de faire en sorte que les médias ne soient pas utilisés pour diffuser la propagande terroriste, a-t-il affirmé.  Il a mentionné les activités d’un centre culturel dans son pays qui vise à sensibiliser les jeunes sur les dangers de l’extrémisme et à identifier les mensonges de Daech.  Enfin, le délégué a souligné le rôle central des femmes dans la prévention de l’extrémisme violent.  Les femmes occupent de nombreux postes à responsabilité dans mon pays, a-t-il tenu à préciser.

M. HAM SANG WOOK (République de Corée) a estimé qu’un dialogue dans les mois à venir entre les États Membres sur la mise en œuvre de la Stratégie mondiale pourra contribuer à approcher les différents points de vue, et à consolider ladite stratégie d’ici à deux ans.  Il a ajouté que son Gouvernement attache une grande importance à la prévention de l’extrémisme violent.  Il a estimé qu’une approche plus large et à long-terme est nécessaire pour une prévention efficace du terrorisme.  Son pays vient de se doter d’un plan national de prévention de l’extrémisme violent qui vise à autonomiser les jeunes et à consolider la résilience contre l’extrémisme violent par la promotion d’un sens de l’identité et d’appartenance.

Le représentant a aussi estimé que le Bureau de lutte contre le terrorisme devrait jouer un rôle plus important dans la promotion d’une coordination stratégique et d’une réponse cohérente des Nations Unies au terrorisme.  Plus important encore, ce bureau devrait aider les États Membres, à leur demande, à renforcer leurs capacités de contrer et de prévenir le terrorisme en bâtissant des partenariats solides avec les organisations régionales et internationales, les institutions financières internationales, le secteur privé et la société civile. 

M. MAHMOUD SAIKAL (Afghanistan) a indiqué que la lutte contre le terrorisme est la base des efforts d’édification de la nation de son Gouvernement.  Le pays, qui vient d’adopter une nouvelle législation pour être en harmonie avec les différents instruments internationaux de lutte contre le terrorisme, mène des poursuites par le biais du Bureau du Procureur et plusieurs combattants terroristes étrangers ont été rapatriés vers leur pays d’origine.  Des mesures ont également été prises pour contrer le financement du terrorisme, notamment en limitant les flux illicites de fonds.  Une stratégie de lutte contre l’extrémisme violent a également été mise sur pied, laquelle encourage les dirigeants religieux à condamner le terrorisme et l’extrémisme violent.

Pour ce qui est de la Stratégie mondiale, il a espéré que la résolution de cette année permette de mobiliser une action décisive, notamment en empêchant les groupes terroristes d’avoir accès à des sanctuaires, de se déplacer librement, de recruter ou encore de bénéficier d’un appui financier, moral ou matériel.  Il a aussi jugé nécessaire d’insuffler un nouvel élan à la compréhension et à la coopération entre différentes religions et cultures.  Il ne faut pas non plus permettre à des tensions régionales et internationales persistantes de saper les efforts effectifs de lutte contre le terrorisme, a-t-il ajouté.

M. Saikal s’est par ailleurs félicité de l’accent porté, cette année, sur le sort des victimes du terrorisme, y compris les familles endeuillées, ainsi que sur l’impératif de renforcer la réponse de l’ONU en matière de lutte contre le terrorisme, notamment en aidant les États à renforcer leur capacité opérationnelle.  Il a appelé à tirer pleinement profit du nouveau Bureau de lutte contre le terrorisme.

Mme SANDRA PEJIC (Serbie) a déclaré que les Nations Unies restent le plus important forum pour un engagement actif dans la lutte contre l’extrémisme et le radicalisme.  Le problème des combattants terroristes étrangers est une menace qui doit être affrontée non seulement au niveau national mais aussi par le biais de la coopération internationale et régionale.  La Serbie, a ajouté la représentante, a fait des efforts importants pour contrer ce phénomène, à la fois par des mesures de prévention et des mesures d’inclusion sociale, en reconnaissant cette menace spécifiquement.  Les cas d’endoctrinement potentiel et de recrutement font l’objet d’une attention particulière des agences gouvernementales compétentes, a-t-elle précisé. 

De plus, a indiqué Mme Pejic, la Serbie soutient la mise en œuvre totale des objectifs de développement durable, en particulier celui relatif à la promotion de sociétés pacifiques et inclusives qui donnent un accès égal à la justice et qui bâtissent des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux.  Sans cela, les sociétés risquent d’être un terrain fertile pour la propagation de l’extrémisme, de la violence et du terrorisme.  En outre, la Serbie a développé sa stratégie nationale de prévention et de lutte contre le terrorisme ainsi qu’un plan d’action pour sa mise en œuvre.  La Stratégie accorde un rôle clef à la prévention avec un accent particulier sur la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation vecteur de terrorisme. 

M. MIKHAIL I.  SHABALTAS (Fédération de Russie) s’est prononcé en faveur d’une approche équilibrée et globale du terrorisme.  Il est nécessaire de se rassembler autour d’une coalition mondiale d’États contre le terrorisme, a plaidé le représentant.  Dans cette lutte, il faut respecter le droit international et la Charte des Nations Unies, a ajouté le délégué.  Pour lui, une lutte contre le terrorisme qui va à l’encontre de la Charte des Nations Unies est illégitime et affaiblit le travail collectif contre le terrorisme. 

Le délégué a aussi plaidé pour l’arrêt de toute aide financière, matérielle et humaine aux terroristes, notamment l’accès à la technologie de l’information et de communications.  De plus, il a trouvé regrettable que certains États aient appuyé l’ajout de dispositions sur la lutte contre l’extrémisme violent et l’intégration du genre dans la résolution.  Ce qu’il nous faut, c’est une approche équilibrée s’agissant de l’adaptation sociale des terroristes repentis.  Pour ce qui est des combattants terroristes étrangers, c’est une tendance inquiétante, a constaté le représentant qui a souligné que le mécanisme de détection et de suivi n’est pas adapté.  Il faut plus d’échanges d’expérience, et d’informations.  La Russie est prête à une coopération lorsqu’il s’agit de fermer les canaux qui permettent à ces combattants de passer entre les pays, a indiqué le délégué. 

M. RISHY BUKOREE (Maurice) a déclaré que, conformément à la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, le Gouvernement améliore constamment sa stratégie nationale contre le terrorisme avec un accent particulier sur l’aspect communautaire, l’application de la loi et le partage de renseignements, la réponse et le relèvement.  Dans l’exécution du Programme de gouvernement 2015-2019, l’Unité contre le terrorisme dispose aujourd’hui d’un statut juridique qui lui permet de s’acquitter de ses fonctions de manière plus efficace et plus efficiente.  En juillet 2017, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 2003 a été amendée pour prendre en charge le financement d’infractions liées au terrorisme.  Des mesures strictes ont permis au Gouvernement, en partenariat avec toutes les institutions financières, de lutter contre les transactions financières illégales et suspicieuses. 

M. ABDULRAHMAN YAAQOB Y.A.  AL-HAMADI (Qatar) a dit l’engagement de son pays de respecter la Stratégie mondiale et a condamné le terrorisme sous toutes ses formes.  Il a souligné la nécessité de remédier aux causes profondes du terrorisme, ajoutant que son pays est un partenaire militaire, politique et financier de premier plan dans la lutte contre le terrorisme.  Le Qatar accueille au surplus un grand nombre de centres culturels modérés défendant le dialogue entre les cultures et religions.  Le représentant a insisté sur l’importance d’éduquer les jeunes et plaidé pour le renforcement de la coopération régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes.  Enfin, au niveau national, le Qatar a récemment adopté de nouvelles normes en vue de tarir le financement des groupes terroristes, a-t-il conclu. 

Tous les quatre piliers de la Stratégie résonnent dans mon pays, a affirmé, M. TEODORO L.  LOCSIN, JR.  (Philippines), à cause de Marawi, une ville à majorité musulmane attaquée en mai 2017 par des centaines d’hommes appartenant au groupe terroriste « Maute » qui s’inspire de Daech.  L’attaque a été l’acte terroriste le plus destructeur que les Philippines n’aient jamais connu.  Il a causé une crise humanitaire sans précédent, avec environ 200 000 déplacés.  Marawi, a estimé le représentant, illustre la relation « intime et symbolique » entre le terrorisme, la pauvreté et le trafic illicite de drogues.  Les terroristes ont pu ainsi réunir extrémistes, criminels, mercenaires et combattants étrangers pour prendre le contrôle de Marawi et rétablir leur « califat perdu » au Moyen-Orient.

Le terrorisme, a poursuivi le représentant, est un problème mondial qu’aucun pays ne peut combattre seul.  Il nécessite justement la coopération internationale renforcée et constante que la Stratégie mondiale offre.  Mais pour qu’elle soit efficace, la Stratégie doit s’appuyer sur une architecture onusienne non seulement globale mais aussi cohérente et coordonnée.  Le Bureau de lutte contre le terrorisme doit travailler étroitement avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et le Pacte mondial de coordination contre le terrorisme, tout en gardant à l’esprit l’importance qu’il y a à respecter l’appropriation et les priorités nationales. 

M. MOHAMED KHALED KHIARI (Tunisie) a appelé à rester uni et résilient et à accroître la coopération mondiale dans la lutte antiterroriste.  Favorable à une mise en œuvre équilibrée de la Stratégie mondiale à travers ses quatre piliers, il a fait valoir que la lutte doit être abordée au niveau régional.  Il a regretté que les inquiétudes exprimées par les États Membres concernant les liens entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme n’aient pas été intégrées dans la résolution, ni les propositions élaborées pour renforcer le rôle des États Membres et des organisations intergouvernementales, notant aussi que le cinquième examen ne les avait pas assez reflétées.  Or les actions menées au niveau régional sont cruciales pour éviter la propagation du phénomène, a-t-il argué.

Le représentant a souligné la nécessité d’un ensemble de politiques des gouvernements et de la société pour traiter le problème du terrorisme et promouvoir la participation des communautés et de la société civile en vue d’une meilleure prévention.  Jugeant indéniable le rôle des femmes à cet égard, sa délégation, a-t-il dit, aurait souhaité que le texte fasse davantage référence aux efforts nécessaires pour développer une approche sensible au genre.  M. Khiari a par ailleurs salué l'adoption de paragraphes reflétant les préoccupations des États Membres concernant le flux de combattants terroristes étrangers rapatriés et relocalisés, l'utilisation de technologies à des fins terroristes, la contre-propagande, tout en continuant à respecter leurs obligations consacrées par différents instruments juridiques internationaux, notamment le droit des droits de l'homme, le droit humanitaire et le droit des réfugiés. 

Le représentant a aussi suggéré de tirer parti de l’assistance technique fournie aux États Membres, à leur demande, un moyen important pour améliorer les systèmes nationaux qui vont, à terme, renforcer la réponse internationale au terrorisme et prévenir l’extrémisme violent.  Il a dit attendre avec intérêt les exposés périodiques que le Secrétaire général adjoint, M. Valdimir Voronkov, fera au sujet des progrès réalisés dans la mise en œuvre du pacte mondial contre le terrorisme.  La Tunisie, a-t-il ajouté, appuie activement le Bureau de lutte antiterroriste qui permet d’assurer la cohérence et la transparence dans le travail de l’ONU dans ce domaine.

M. SERGII SHUTENKO (Ukraine) a déploré que certains éléments importants, relatifs à l’engagement de la société civile et au rôle des jeunes et femmes dans la lutte contre le terrorisme, ne figurent pas dans la résolution.  Ce texte réaffirme l’importance du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les États, a-t-il rappelé.  Il a jugé essentiel de lutter contre les activités terroristes parrainées par un État, en ajoutant que pendant quatre ans la Russie a utilisé tout un éventail de tactiques de guerre pour s’immiscer dans les affaires intérieures d’États souverains, comme l’Ukraine.  « La réalité choquante est que des combattants terroristes étrangers, venant pour la plupart de Russie, sont une composante importante du groupe armé illicite combattant le Gouvernement ukrainien dans le Donbass. » Il a accusé la Russie de fouler aux pieds le droit international en Ukraine. 

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a dit que la résolution adoptée aujourd’hui n’était qu’un jalon dans la lutte contre le terrorisme.  La marche est encore longue, a prévenu la représentante, car le chemin à parcourir demeure long.  « Certes la résolution souligne notre détermination commune à mettre en œuvre la stratégie et ses quatre piliers », a-t-elle constaté, mais il faut mettre en place les facteurs qui aident à la mettre en œuvre, notamment pour parvenir à l’éradication de l’occupation étrangère, de la colonisation, de la xénophobie, de l’islamophobie et des mesures unilatérales qui violent la Charte des Nations Unies.  La déléguée a dès lors demandé un nouvel examen du concept d’extrémisme violent qui ne fait qu’accentuer la division au sein des États Membres.  Le Pakistan a dit avoir fait une tentative de rapprochement des points de vue sur cette question, en vain.  La représentante a terminé en mettant l’accent sur le soutien de sa délégation au Bureau de lutte contre le terrorisme. 

M. ZHANG DIANBIN (Chine) a loué le consensus atteint dans l’adoption de la résolution sur l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et rappelé qu’aucun pays n’est à l’abri du terrorisme.  La prévention du terrorisme doit être la priorité de l’humanité, a-t-il affirmé.  Le délégué chinois a appelé à la mise en œuvre de la Stratégie et des résolutions pertinentes de l’Assemblée.  Il a assuré de l’engagement de son pays dans la lutte contre le terrorisme.

Pour M. JORGE ANDRÉS IGLESIAS MORI (Chili), « la protection des droits de l’homme constitue un élément essentiel de la lutte contre le terrorisme ».  Ainsi les États doivent-ils toujours mesurer leurs efforts à l’aune du droit international.  Le représentant a souligné l’importance de la coopération internationale pour renforcer les capacités des États dans la mise en œuvre de la Stratégie mondiale, et de la participation de la société civile, et notamment des femmes et des jeunes. 

Le Chili, a poursuivi M. Iglesias Mori, privilégie des actions préventives dans la lutte contre le terrorisme, et, à ce titre, il appuie les travaux du Groupe des Amis de la prévention de l’extrémisme violent.  C’est dans ce sens également qu’il souscrit aux initiatives contenues dans la résolution adoptée aujourd’hui par l’Assemblée.  La cohérence du Bureau de lutte contre le terrorisme avec le reste du système doit être au centre de l’approche fondée sur les trois piliers des Nations Unies: paix et sécurité internationales, développement durable et respect des droits de l’homme. 

M. LUKE TANG (Singapour) s’est dit d’abord heureux que la résolution ait été adoptée, une nouvelle fois, par consensus, l’ONU envoyant ainsi « d’une même voix, un message clair » sur sa détermination à combattre la menace mondiale qu’est le terrorisme.  Le représentant a aussi jugé important que la résolution ait donné une importance égale aux quatre piliers de la Stratégie mondiale.  Il s’est félicité du nouveau libellé sur les combattants étrangers, qui pointe, en particulier, sur la nécessité de continuer à échanger renseignements, pratiques exemplaires et enseignements tirés de l’expérience. 

Le représentant a donc salué la toute première Conférence de haut niveau des chefs d’agences antiterroristes, qui est une excellente occasion de forger des partenariats grâce auquel des informations essentielles pourront être échangées à temps et de manière sécurisée.  Enfin, il a souligné l’importance des communautés, première ligne de défense contre le terrorisme.  Il a expliqué que Singapour a lancé le mouvement « SGSecure », pour sensibiliser, former et mobiliser les communautés.  Le travail est fait avec les organisations religieuses et confessionnelles pour contrer la propagation des idéologies extrémistes, y compris par des programmes de déradicalisation, réhabilitant et conseillant les individus endoctrinés. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: les Taliban appelés à répondre à l’offre de pourparlers du Président de l’Afghanistan

8294e séance – matin
CS/13395

Conseil de sécurité: les Taliban appelés à répondre à l’offre de pourparlers du Président de l’Afghanistan

Le débat trimestriel du Conseil de sécurité sur l’Afghanistan a été marqué, ce matin, par de multiples appels enjoignant aux Taliban de répondre à l’invitation du Président Mohammad Ashraf Ghani à participer à des pourparlers sans condition préalable.

Dans un premier temps, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, M. Tadamichi Yamamoto, a noté que le pays traverse une période politique dynamique, marquée notamment par la déclaration d’un cessez-le-feu temporaire entre le 15 et le 17 juin pour permettre la célébration de l’Eïd al-Fitr qui conclut le mois du Ramadan.  « Pendant ces trois jours, les deux parties ont respecté leur promesse pour la première fois depuis 17 ans de conflit », s’est félicité M. Yamamoto, qui a relevé que beaucoup de choses avaient changé cette année sur la question de la paix en Afghanistan. 

Outre le cessez-le-feu et la main tendue du Président, le Représentant spécial a noté que d’autres actions ont contribué à renforcer cette initiative, même si les Taliban ont repris les combats, notamment dans le but de mettre fin à la présence des forces étrangères dans le pays. 

À l’instar du Secrétaire général, qui, dans son rapport sur la situation en Afghanistan, se dit encouragé par « l’émergence d’un véritable mouvement de paix civile, dans lequel des citoyens de tout le pays ont uni leurs forces militantes pour mettre fin à la guerre », M. Yamamoto a loué divers mouvements en faveur de la paix, notamment la marche populaire de 500 kilomètres partie de la province d’Helmand pour rallier le soutien en faveur du cessez-le-feu et des pourparlers, avant d’arriver à Kaboul la semaine dernière.

La dimension sans précédent du bref cessez-le-feu a d’ailleurs valu à la représentante des États-Unis d’affirmer que « la question n’est pas de savoir si on peut établir la paix en Afghanistan, mais comment ».  La France a toutefois regretté que les Taliban n’aient pas répondu par la positive à l’offre du Président afghan d’étendre leur propre cessez-le-feu.  Commentant pour sa part la proposition de paix faite par ce dernier, le Royaume-Uni a demandé un engagement similaire des Taliban « qui doivent décider s’ils veulent faire partie de l’avenir du pays ». 

À son tour, le représentant de l’Afghanistan a souligné que le succès du processus de paix dépend de plusieurs facteurs, à commencer par le renforcement de l’unité du pays, l’implication de la population à toutes les étapes du processus, et la gestion efficace des futurs cessez-le-feu et négociations potentielles.

Il a également mis l’accent sur la mise en œuvre du Plan d’action afghan-pakistanais pour la paix et la sécurité, précisant que les deux pays avaient convenu de coopérer dans plusieurs domaines, dont les renseignements militaires, la question des réfugiés et la lutte contre le terrorisme.  La représentante du Pakistan a de son côté insisté sur la sécurisation des frontières.

Ce tournant dans les relations entre ces deux pays a été salué à plusieurs reprises par les délégations qui ont été nombreuses à souligner que l’intégration régionale de l’Afghanistan est essentielle pour assurer la paix et la stabilité du pays.  L’Iran a également attiré l’attention sur la contribution qu’apportera le nouveau port iranien de Chabahar à la promotion du commerce et de la coopération économique.

Le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a toutefois mis en garde contre le potentiel extrêmement déstabilisateur pour le pays et la région que représente la production d’opiacés en Afghanistan qui, a averti M. Yuri Fedotov, a atteint des niveaux sans précédent et permet de surcroît de financer le terrorisme et d’autres formes de criminalités.

Plusieurs pays sur la trentaine d’intervenants, dont la Fédération de Russie, se sont inquiétés de l’implantation de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) dans le nord du pays, notant que l’EIIL cherche à mener des incursions dans les pays voisins, tandis que l’Inde a relevé que l’offensive du printemps des Taliban avait été « planifiée et lancée depuis des pays voisins ».  Cette délégation a vivement dénoncé ceux qui fournissent un sanctuaire aux groupes terroristes, tandis que la Russie a averti que l’aide militaire n’était pas enregistrée et qu’elle se retrouvait parfois entre les mains des terroristes.

Tous ont dénoncé les derniers attentats-suicides perpétrés les 11, 16 et 17 juin, et l’augmentation du nombre de victimes civiles.  De son côté, le Secrétaire général adjoint du Bureau de lutte contre le terrorisme, M. Vladimir Voronkov, a recommandé à l’Afghanistan de continuer de demander une assistance technique pour renforcer son système de justice pénale afin de lutter contre le terrorisme. 

Les préparatifs des élections au Parlement et aux conseils de district le 20 octobre prochain et de la présidentielle de 2019 ont également mobilisé l’attention des délégations, le Représentant spécial ayant signalé que depuis la mi-avril, plus de sept millions d’électeurs se sont inscrits.  « C’est la première fois depuis 2003 que le pays mène un enregistrement complet des électeurs pour les élections législatives et présidentielle », s’est réjoui M. Yamamoto.  Les inscriptions au sein des provinces sont inégales, du fait de l’insécurité, et représentent moins de 35% des électeurs dans six provinces du pays, a-t-il toutefois tempéré.

« Au vu du caractère multiethnique du pays, l’exclusion de ces communautés pourrait conduire à des contestations sérieuses des résultats des scrutins », a-t-il averti, avant que le représentant afghan ne reconnaissance lui-même que le succès du processus électoral est vital pour l’unité et la stabilité de l’Afghanistan.

LA SITUATION EN AFGHANISTAN S/2018/539

Déclarations

M. TADAMICHI YAMAMOTO, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a parlé d’une période politique dynamique en Afghanistan.  Ainsi, le 7 juin dernier, le Président Mohammad Ashraf Ghani a déclaré un cessez-le-feu pour la période du 12 au 19 juin afin de permettre la célébration de l’Eïd al-Fitr qui conclut le mois du Ramadan. 

Deux jours plus tard, les Taliban ont annoncé un cessez-le-feu couvrant la période du 15 au 17 juin.  Pendant ces trois jours, les deux parties ont respecté leur promesse pour la première fois depuis 17 ans de conflit.  Des Taliban ont ainsi pu visiter des membres de leurs familles dans des villes tenues par le Gouvernement, tandis que des soldats se sont rendus dans des zones tenues par les Taliban.  Le Président Ghani a proposé une extension du cessez-le-feu, une initiative soutenue par la MANUA, mais les Taliban ont repris les hostilités.

Le Représentant spécial a relevé que beaucoup de choses avaient changé cette année sur la question de la paix en Afghanistan.  Le Gouvernement a dit être disposé à prendre part à des pourparlers de paix sans condition préalable le 28 février dernier, au cours du Processus de Kaboul pour la coopération en faveur de la paix et de la sécurité.  Même si les Taliban n’ont pas officiellement répondu à cet appel, d’autres actions ont contribué à renforcer cette initiative. 

Ainsi, un mouvement populaire lancé en mars dernier a donné lieu à des populations installant des tentes dans 20 des 34 provinces du pays pour manifester en faveur de la paix.  En début du mois de juin, un groupe de 2 000 religieux avaient tenu une réunion à Kaboul et avaient déclaré que les attentats-suicides étaient contraires aux enseignements de l’Islam, appelant aussi à un cessez-le-feu et aux pourparlers de paix. 

Au début du Ramadan, un des premiers groupes ayant installé des tentes a entamé une marche de 500 kilomètres de la province d’Helmand à Kaboul, faisant des arrêts sur le chemin et ralliant du soutien en faveur d’un appel pour le cessez-le-feu et les pourparlers, avant d’arriver à Kaboul la semaine dernière.

M. Yamamoto a répondu en notant que le Gouvernement afghan et les Taliban ont le contrôle de leurs troupes.  Les Afghans, y compris les Taliban, veulent la paix, et le Président Ghani a pris des mesures courageuses pour rechercher la paix.  En reprenant les combats, les Taliban ont insisté sur le fait que leur but est de mettre fin à la présence des forces étrangères dans le pays.  Ils ont évité des pourparlers directs avec le Gouvernement, mais tout accord politique futur en Afghanistan doit tenir compte des préoccupations de tous les Afghans. 

En outre, les préparations sont en cours pour les prochaines élections législatives d’octobre et la présidentielle prévue le printemps prochain.  Depuis mi-avril dernier, plus de sept millions d’électeurs se sont inscrits, et c’est la première fois depuis 2003 que le pays mène un enregistrement complet des électeurs pour les élections législatives et présidentielle.  L’objectif est d’avoir un fichier national d’électeurs unique qui peut produire des listes précises par bureau de vote, et cela devrait, à terme, réduire l’ampleur des fraudes.  Cet enregistrement de plus de sept millions d’électeurs est une réussite significative au vu des circonstances difficiles, notamment l’insécurité.  Mais, dans six provinces, moins de 35% des électeurs se sont fait enregistrer.  De plus, les inscriptions au sein des provinces sont inégales, car certaines zones voient peu d’inscrits du fait de l’insécurité. 

Au vu du caractère multiethnique du pays, l’exclusion de ces communautés pourrait conduire à des contestations sérieuses des résultats des scrutins.  Pour cette fois, s’est-il félicité, le processus électoral est mené par les Afghans eux-mêmes.  Les Afghans partagent donc les responsabilités de la transparence et du caractère ouvert des élections.  Il a ainsi interpelé la Commission électorale indépendante qui est la première responsable. 

Aux dirigeants des partis politiques, il leur a demandé d’être conscients qu’ils portent également une grande part de la crédibilité des élections.  « Au lieu de se contenter de critiquer le processus, ils doivent s’engager activement afin de faire des élections un processus réellement mené par les Afghans », a-t-il dit. 

Le Représentant spécial a aussi salué l’engagement de la société civile qui a promis d’observer le vote et d’assurer le comptage et la transmission des résultats, invitant la communauté internationale à les soutenir.

M. Yamamoto a ensuite annoncé la tenue de la Conférence ministérielle sur l’Afghanistan, organisée par l’ONU et l’Afghanistan, le 28 novembre à Genève.  Les trois priorités de la conférence seront: examiner la capacité du pays à se prendre en charge et l’efficacité de l’aide; les défis restants comme l’insécurité et le chômage; et le lien entre les actions humanitaires à court terme et la coopération en faveur du développement. 

Il a également invité les partenaires de l’Afghanistan à soutenir fermement la population et les institutions du pays qui s’escriment à faire avancer le pays.  Il a souligné que le nord et l’ouest du pays étaient particulièrement affectés par la sécheresse qui semble la plus sévère depuis 10 ans.  La production de blé en 2017 a diminué de 57% par rapport à la moyenne de ces cinq dernières années.  Les estimations pour l’année 2018 sont encore plus inquiétantes. 

Le plan d’action humanitaire a été révisé à 117 millions de dollars, atteignant un total « modeste » de 547 millions afin de permettre à l’ONU d’apporter de l’aide aux populations affectées et compléter ainsi l’action du Gouvernement.

M. Yamamoto a également parlé de la protection des droits des femmes.  Il a évoqué le rapport de la MANUA sur la médiation pour la résolution des cas de violence contre les femmes.  La majorité de ces cas est résolue par la médiation et non pas en accord avec la loi.  Selon le rapport, ces modes traditionnels de résolution aggravent la violence originelle et les femmes sont laissées dans la souffrance.  Il a déclaré que ces femmes doivent pouvoir faire valoir leurs droits en accord avec la loi. 

Selon le Représentant spécial, les récents développements dans le pays en appellent à une stratégie pour y faire face, dans l’optique des préparatifs de la conférence de Genève. 

M. YURI FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a indiqué que l’édition 2018 du Rapport mondial sur les drogues, « qui sera lancé dans moins d’une heure », fait état d’une augmentation de 65% de la production d’opium dans le monde l’an dernier.  Il a précisé qu’il s’agissait là du pourcentage le plus élevé enregistré par l’Office et que la majorité de cet opium provenait de l’Afghanistan où le taux de culture a atteint des niveaux sans précédent.  Il a relevé que cette situation avait un potentiel extrêmement déstabilisateur pour le pays et la région.

M. Fedotov a également indiqué que l’étude socioéconomique de l’ONUDC, qui complète l’enquête sur la production d’opium en Afghanistan, mettait l’accent sur les nombreux défis que la production d’opium faisait peser sur le pays, sans oublier les liens avec le terrorisme et d’autres formes de criminalité. 

Il a salué les avancées positives réalisées depuis le mois de décembre pour combattre ce fléau, tout en insistant sur l’importance de maintenir la coopération internationale pour y faire face.  Il a indiqué que l’ONUDC avait œuvré aux côtés du Ministère afghan de lutte contre les stupéfiants pour donner un nouvel élan à l’engagement du pays sur cette question, notamment dans le cadre du Processus de Kaboul.

L’ONUDC a aussi mis sur pied une action stratégique pour répondre à la menace mondiale des opiacés afin de renforcer l’action aux niveaux régional et interrégional.  Il a expliqué que les efforts de l’ONUDC se concentraient sur la revitalisation des efforts afghans de lutte contre les stupéfiants et la nécessité d’adopter une approche équilibrée et holistique, allant du secteur sanitaire à l’application de l’état de droit.  Cette stratégie porte aussi sur la nécessité de cibler le nœud entre la drogue, le terrorisme et la criminalité, et d’appuyer les pays d’Asie centrale et occidentale dans la création de mécanismes visant à prévenir les conflits et les effets déstabilisateurs de la « menace des opiacés ».

Afin d’être des plus efficaces, a-t-il poursuivi, cette stratégie entend également tirer parti de plusieurs mécanismes existants comme l’Initiative du Pacte de Paris, le Processus d’Istanbul « Au cœur de l’Asie » sur la sécurité et la coopération régionales pour la paix et la stabilité en Afghanistan, la Conférence sur la coopération économique régionale concernant l’Afghanistan, l’Instance régionale de lutte contre le terrorisme de l’Organisation de Shanghai pour la coopération (OSC) et, enfin, l’organe conjoint de coordination et de suivi afghan.

M. Fedotov a par ailleurs espéré que la tenue, en novembre à Genève, de la Conférence ministérielle internationale sur l’Afghanistan soit l’occasion de mettre l’accent sur l’importance de la lutte contre les stupéfiants.

M. VLADIMIR VORONKOV, Secrétaire général adjoint du Bureau de lutte contre le terrorisme, a déploré la violence meurtrière qui continue en Afghanistan.  D’après la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), il y a eu 5 675 incidents de sécurité entre le 15 février et le 15 mai, dont les derniers attentats-suicides perpétrés les 11, 16 et 17 juin qui ont tué une soixantaine de personnes et blessé quantité d’autres.  De telles attaques ciblent les fonctionnaires gouvernementaux, la police et les Forces nationales de défense et de sécurité afghanes, semant la peur dans le pays.

Dans deux jours, a souligné M. Voronkov, le Secrétaire général accueillera à New York la première conférence de haut niveau des chefs des agences de lutte contre le terrorisme des États Membres.  Il a espéré que cette conférence donnera une impulsion à la coopération internationale dans ce domaine. 

L’Afghanistan, a-t-il recommandé, doit continuer de demander une assistance technique juridique pour renforcer son système de justice pénale afin de lutter contre le terrorisme.  Après une mission en Afghanistan, le Comité contre le terrorisme a identifié en octobre dernier 24 domaines prioritaires pour l’assistance, dont la répression et la sécurité aux frontières, et la lutte contre dont le financement du terrorisme et la radicalisation.

Le Secrétaire général adjoint a expliqué que son bureau a eu des pourparlers avec le Gouvernement afghan pour voir de quelle façon il peut répondre au mieux aux besoins du pays pour prévenir l’extrémisme violent, aux niveaux national et régional.  Plusieurs activités ont déjà été entreprises pour engager les communautés à cet égard, et préparer un plan national d’ensemble de lutte contre l’extrémisme violent.

En mai dernier, a poursuivi M. Voronkov, le Bureau de lutte contre le terrorisme et le Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale ont lancé la troisième phase du Plan d’action conjoint pour l’application de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies en Asie centrale, avec la participation active de l’Afghanistan.

Le terrorisme a un impact direct sur la jouissance des droits de l'homme, a relevé M. Voronkov.  Les mesures adoptées par les États peuvent avoir un effet délétère sur l’état de droit, la bonne gouvernance et les droits de l’homme.  Il est donc essentiel que les efforts de lutte contre le terrorisme soient fondés sur le respect de l’état de droit et des droits de l’homme, et le Bureau se tient prêt à aider au renforcement des capacités à cet égard. 

Le Secrétaire général adjoint a rappelé que la branche de prévention de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en dépit d’un financement limité, reste le bureau clef pour offrir une assistance technique à l’Afghanistan en matière de justice pénale et de lutte contre le financement du terrorisme. 

M. Voronkov a félicité les dirigeants afghans d’avoir inspiré la création de la « Journée internationale du souvenir en hommage aux victimes du terrorisme », par la résolution 72/165 de l’Assemblée générale.

De plus, le Centre de lutte contre le terrorisme a récemment inauguré un programme de sensibilisation aux besoins et aux droits des victimes du terrorisme.

M. MAHMOUD SAIKAL (Afghanistan) a souligné que l’offensive de printemps des Taliban a encore fait des morts et des blessés à travers le pays.  Toutefois, a-t-il assuré, les forces nationales de sécurité ont rapidement réagi face à ces attaques.  Il a noté avec plaisir que les partenaires de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont renouvelé leurs engagements sur le financement des forces afghanes.  « Nous avons doublé la taille de nos forces de commandos et renforcé l’armée de l’air », a-t-il rapporté, et des mesures sont en cours pour réformer les ministères de la défense et de l’intérieur.

Début juin, a rappelé M. Saikal, le Gouvernement afghan a annoncé un cessez-le-feu unilatéral avec les Taliban à l’occasion de la fête de l’Eïd al-Fitr, qui a été observé des deux côtés pendant trois jours.  À l’expiration de cette période, le Gouvernement a prolongé le cessez-le-feu, mais, malheureusement, les Taliban n’en n’ont pas fait autant et les attentats ont repris.  Les forces de sécurité afghanes ont toutefois joué un rôle important dans l’élimination récente du chef des Taliban pakistanais, le mollah Fazlullah.

Le succès du processus de paix dépend de plusieurs facteurs, a expliqué le représentant.  « Nous devons renforcer notre unité, continuer de tenir notre peuple informé et l’impliquer à toutes les étapes du processus, gérer efficacement les futurs cessez-le-feu et les négociations potentielles, mettre véritablement en œuvre le Plan d’action afghan-pakistanais pour la paix et la sécurité, et œuvrer pour améliorer le consensus régional et mondial sur l’effort international en Afghanistan », a-t-il dit.  Des rencontres de haut niveau ont eu lieu entre ces deux pays qui ont convenu de coopérer dans plusieurs domaines, dont la lutte contre le terrorisme.

De façon générale, a poursuivi M. Saikal, l’Afghanistan a étendu sa coopération avec ses voisins et les pays d’Asie centrale.  Début juin, le Président Mohammad Ashraf Ghani a participé au Sommet de l’Organisation de Shanghai pour la coopération, à Qingdao, en Chine.

Dans quatre mois, a annoncé le représentant, l’Afghanistan tiendra des élections parlementaires et de district, et, l’année prochaine, l’élection présidentielle.  À ce jour, 7,3 millions de citoyens se sont inscrits pour voter.  Le succès du processus électoral est vital pour notre unité et notre stabilité, a-t-il reconnu.  Il a dit attendre avec impatience la prochaine Conférence ministérielle sur l’Afghanistan, organisée par son pays et les Nations Unies, qui aura lieu à Genève en novembre prochain.

Compte tenu de la sécheresse qui risque de déplacer un demi-million de personnes, M. Saikal a appelé la communauté internationale à financer tout le Plan d'aide humanitaire de 2018-2021 pour l’Afghanistan.  Son gouvernement, a-t-il par ailleurs assuré, continue de lutter contre le trafic de stupéfiants.  Ces six derniers mois, la police a ainsi mené 1 688 opérations dans le pays, saisi 112 500 tonnes de drogues illicites, et détruit plusieurs laboratoires de fabrication de drogues. 

Enfin, s’est-il félicité, l’intégration économique de l’Afghanistan dans la région se poursuit.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a indiqué que le Ministre des affaires étrangères de son pays s’était rendu en Afghanistan du 18 au 19 juin où il avait eu l’occasion d’entendre les nombreux appels à la paix de la population.  Il a cependant constaté que des attaques atroces continuaient d’être perpétrées, que les Taliban n’avaient pas répondu à la prolongation du cessez-le-feu du Gouvernement afghan et que dans la province du Khorassan, l’État islamique d’Iraq et du Levant continuait de semer la terreur.

Le représentant a fait part de son appui au processus de paix en Afghanistan et a appelé les pays voisins à lui donner de l’élan.  Il a également exhorté les Taliban à accepter l’offre du Gouvernement afghan de participer à des pourparlers directs, sans condition préalable.  Les Pays-Bas ont pour leur part décidé, la semaine dernière, de fournir des officiers militaires et de police supplémentaires à la mission Soutien résolu de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et comptent proroger jusqu’à 2021 le mandat de l’ensemble du contingent.

M. van Oosterom a ensuite appelé le Conseil de sécurité à se prononcer sur les préparatifs des élections.  Il s’est dit encouragé par l’achèvement réussi de la première étape des inscriptions mais a néanmoins estimé que le Gouvernement afghan et la Commission électorale indépendante devaient redoubler d’efforts, insistant par ailleurs sur la nécessité de préserver la crédibilité de cette dernière.  Il a aussi dit l’importance d’assurer la participation des femmes et d’investir dans la jeunesse.

Le représentant a appelé le Gouvernement afghan à redoubler d’efforts pour combattre le nœud entre le terrorisme et la criminalité organisée, notamment en renforçant le contrôle des frontières.  Il a ensuite fait observer que l’adoption d’un accord de paix réalisable nécessiterait du courage politique et de la persévérance, mais aussi l’unité du Conseil de sécurité.  « Notre approche intégrée doit aussi porter sur les liens entre le terrorisme et la criminalité organisée », a-t-il ajouté.

Dans un contexte sécuritaire préoccupant, M. PAUL DUCLOS (Pérou) a salué le courage du peuple afghan et les efforts des autorités qui continuent de préparer les élections parlementaires et de district d’octobre prochain.  Il s’est associé à l’appel du Secrétaire général pour que les groupes politiques restent unis face aux menaces.  Dans cet esprit, il a regretté le refus des Taliban de poursuivre le cessez-le-feu observé pendant l’Eïd al-Fitr.  Il a salué le Processus de Kaboul, mené par et pour les Afghans, et le dialogue interafghan, appuyé par les pays de la région.

Le représentant s’est inquiété de la situation des droits de l’homme en Afghanistan, notamment du recrutement d’enfants par diverses factions et des violences sexuelles qui vont souvent de pair.  Il a également jugé prioritaire de lutter contre la corruption et le trafic de stupéfiants.

Enfin, il a souligné l’importance de répondre à l’appel du Secrétaire général pour fournir une assistance humanitaire à plus de deux millions de personnes affectées par la sécheresse.  

M. MA ZHAOXU (Chine) a indiqué que la situation politique et sécuritaire en Afghanistan demeurait préoccupante.  Il a salué les récents cessez-le-feu dans le pays à la fin de la période du Ramadan.  Il a invité la communauté internationale à renforcer les capacités des Forces nationales de sécurité et œuvrer de conserve pour faire face aux menaces comme le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et le trafic de stupéfiants.

Pour la Chine, le renforcement de la gouvernance est crucial si l’on veut garantir la paix et la reconstruction du pays, et, au bout du compte, ce sont les Afghans eux-mêmes qui doivent prendre leur destin en main.  La communauté internationale se doit donc de respecter leurs choix de développement et les y accompagner.  Mais avant cela, la réconciliation nationale est nécessaire.  C’est pourquoi la Chine invite les Taliban à répondre positivement à la main tendue du Gouvernement.

Le délégué a rappelé que la Chine était « un ami » de l’Afghanistan, soulignant les voyages de hauts responsables afghans dans son pays et les rencontres entre les dirigeants des deux pays, y compris avec la participation du Pakistan.  Il a enfin salué le travail de la MANUA dans le pays.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a réitéré son soutien au Gouvernement afghan dans sa lutte contre l’« État islamique au Khorassan » et contre l’insurrection taliban.  « Nous devons en particulier éviter que des combattants terroristes étrangers fuyant l’Iraq et la Syrie ne viennent trouver refuge en Afghanistan », a-t-elle indiqué. 

Par ailleurs très préoccupée par le trafic de stupéfiants, la France appelle les autorités afghanes à redoubler d’efforts dans ce domaine.  Espérant que ce sujet sera évoqué lors de la conférence de Genève sur l’Afghanistan, en novembre, la représentante a précisé que l’Initiative du Pacte de Paris demeure un cadre privilégié d’échange entre tous les pays concernés.

Pour Mme Gueguen, la gravité de la situation sécuritaire et le coût humain du conflit doivent inciter à redoubler d’efforts pour parvenir à une paix durable en Afghanistan.  Si la France salue la prolongation unilatérale du cessez-le-feu décrété pour l’Eïd al-Fitr par les forces afghanes, elle regrette que les Taliban n’aient pas répondu par la positive à l’offre du Président Mohammad Ashraf Ghani d’étendre leur propre cessez-le-feu. 

La représentante a rappelé l’importance du Processus de Kaboul sur la paix et la sécurité et exhorté les Taliban à s’engager dans des négociations directes comme le Président l’a suggéré.  Concernant le processus électoral, auquel les femmes doivent pleinement participer, elle s’est dite préoccupée par le manque de candidatures dans certaines provinces. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a salué les efforts lancés pour initier un dialogue politique intra-afghan, notamment à l’approche de la tenue des élections parlementaires.  Il a insisté sur l’importance de continuer à fournir un appui diversifié à l’Afghanistan et a annoncé que son pays avait contribué à hauteur de 4 millions de dollars à l’Armée nationale afghane pour l’aider à former des spécialistes militaires.  Il a espéré que le bref cessez-le-feu annoncé par le Gouvernement et l’opposition armée pendant le mois du Ramadan marque le premier pas vers la réconciliation nationale.

Le représentant s’est ensuite inquiété des activités terroristes accrues dans le nord de l’Afghanistan, à proximité des États d’Asie centrale.  Il a appelé à la pleine mise en œuvre de la troisième étape de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.  Il s’est aussi préoccupé de l’augmentation de la production de drogue dans le pays, relevant qu’il s’agit là d’une des principales sources de financement du terrorisme.

Il a insisté sur l’importance d’adopter une triple approche en matière de prévention de conflit en ciblant notamment le renforcement des liens entre la sécurité et le développement, l’utilisation d’une approche « d’ensemble du système » au niveau régional, fondée sur une stratégie de développement pour la région dans son ensemble. 

Il a insisté sur l’importance de la coopération régionale pour assurer la prospérité économique de l’Afghanistan et renforcer sa sécurité.  Outre la création de liens commerciaux, de transport et humanitaires entre le pays de la région, il a appelé l’ONU à élaborer une stratégie de développement régionale impliquant l’ensemble de ses bureaux de pays concernés.

Le délégué a par ailleurs parlé de l’achèvement, au mois d’avril, d’un projet d’assistance kazakh qui visait à renforcer l’indépendance économique des femmes afghanes.  Le Kazakhstan a depuis recommandé aux États-Unis, à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et à l’Union européenne de poursuivre ce projet dans un format tripartite regroupant le Kazakhstan, l’Afghanistan et le parrain concerné.  Astana compte par ailleurs organiser, au mois de septembre, une conférence internationale sur l’élargissement des perspectives pour les femmes afghanes.

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a dit que la paix et la prospérité en Afghanistan semblaient être une utopie pour ceux qui étaient victimes au quotidien d’attentats-suicides.  Elle a invité toutes les parties au conflit à prendre toutes les mesures pour protéger les civils, notamment les enfants et les femmes, conformément au droit international humanitaire.  La Guinée équatoriale est préoccupée par l’utilisation des enfants dans le conflit afghan et se félicite des mesures prises par le Représentant spécial à cet effet auprès du Gouvernement.

La déléguée a aussi salué les mesures prises pour lutter contre le trafic de stupéfiants dans le pays, étant donné que ce négoce contribue à financer le terrorisme.  Elle a souhaité que les élections aient lieu en temps voulu, les souhaitant libres et impartiales.  La représentante a également souligné que la seule solution pour la paix et la stabilité en Afghanistan consistait en un processus politique ouvert mené par les Afghans eux-mêmes. 

M. OLOF SKOOG (Suède) a parlé de ce petit groupe d’Afghans qui s’est très vite agrandi, parcourant 600 kilomètres pour porter à Kaboul le message selon lequel, après 40 ans de violence et de conflit, l’heure de la paix a sonné.  L’appui généralisé à cette marche a montré, a commenté le représentant, le désir de paix chez tous les Afghans.  Il n’y a pas de solution militaire au conflit en Afghanistan, a souligné le représentant, arguant que la seule option viable est un processus de paix dirigé par les Afghans eux-mêmes, menant à un règlement politique négocié. 

Il a salué l’offre de paix faite par le Gouvernement à la Conférence Kaboul II et son cessez-le-feu temporaire.  Il a regretté que les Taliban n’aient pas prorogé leur cessez-le-feu partiel et les a appelés à répondre à l’appel de paix lancé par le peuple afghan et à s’engager dans un dialogue avec le Gouvernement à cette fin.  Le représentant a aussi insisté sur un engagement clair et constructif de tous les acteurs régionaux.

Il a encouragé tous les efforts visant la pleine participation des femmes aux préparatifs de la réunion ministérielle de Genève en novembre prochain.  Il a indiqué que son pays soutient financièrement la création de la première « Ville des policières » visant à renforcer la présence des femmes dans les forces de sécurité. 

Le représentant a aussi insisté sur la nécessité de tenir les élections dans les délais prévus, jugeant non seulement « horribles » mais également « antidémocratiques », les attaques contre les préparatifs électoraux.  Notre engagement en faveur de l’Afghanistan reste ferme, a souligné le représentant, en citant la somme d’un milliard de dollars d’aide bilatérale au développement que la Suède entend verser jusqu’en 2024. 

Le représentant a conclu sur le problème du recrutement et de l’utilisation des enfants par les parties au conflit.  Il a plaidé pour une mise en œuvre effective du Code pénal avec un accent sur la responsabilité, dont les poursuites judiciaires.

M. ILAHIRI ALCIDE DJÉDJÉ (Côte d’Ivoire) a interpellé le Conseil de sécurité sur la nécessité d’accorder une attention soutenue à la situation sécuritaire en Afghanistan.  Il a invité les Taliban à accéder à la requête de prorogation du cessez-le-feu du Président afghan et les a exhortés à s’engager fermement, dans le cadre du Processus de Kaboul, dans des pourparlers directs et sans conditions préalables, en vue du règlement politique de la crise et d’une paix durable.  De plus, a estimé M. Djédjé, la conduite d’un processus politique inclusif devant mener à des élections crédibles demeure la clef de voûte d’une sortie de crise.

La situation humanitaire reste également préoccupante en raison de la sécheresse et du faible niveau de pluviométrie qui font peser sur le pays un risque de famine et entraînent des déplacements forcés.  Le représentant a exhorté la communauté internationale à répondre à l’appel d’urgence lancé par les Nations Unies.

Par ailleurs, il a réaffirmé son soutien aux efforts des autorités afghanes dans la lutte contre le terrorisme et appelé à un renforcement de la coopération régionale et internationale dans ce domaine.  Il a préconisé en particulier une meilleure coordination entre l’ONUDC et le Gouvernement afghan, afin de mettre fin aux sources de financement des groupes armés et terroristes, tout en offrant des alternatives de subsistance aux populations rurales qui vivent de la culture du pavot.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a prôné un dialogue constructif en vue de la paix en Afghanistan, saluant la proposition sans précédent de paix faite par le Président Mohammad Ashraf Ghani en février dernier.  Il a dit souhaiter que cette offre ait une chance de prospérer et constituera le prologue d’un processus de paix véritable.  Il a invité les Taliban à répondre positivement à cette offre de pourparlers de paix sans condition préalable. 

La Pologne se félicite également de l’annonce de la tenue des élections législatives en octobre prochain, et la présidentielle prévue en 2019.  Il a souligné que le plus grand défi sera la participation des femmes, à la fois comme candidates et électrices. 

Il a en outre déploré le fait que de nombreux enfants afghans ne peuvent aller à l’école du fait du manque de sécurité.  Il a enfin rappelé que la violence dans le pays rappelle l’importance de soutenir les institutions afghanes, notamment celles du secteur de la sécurité et de la défense du peuple.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué le processus électoral qui suscite un certain engouement en Afghanistan, disant espérer que les préparatifs seraient couronnés de succès.  Il a déploré les actes de violence dans le pays, accusant « ceux qui n’ont pas foi en la démocratie » de vouloir déstabiliser le pays, tout en prônant des efforts soutenus jusqu’à la tenue des élections. 

Il a invité les autorités nationales à promouvoir le secteur éducatif, même si les Taliban continuent de cibler les écoles, sapant ainsi l’avenir du pays.  Il a insisté sur l’importance pour le Gouvernement d’emporter cette « bataille des écoles », les enfants étant l’avenir du pays.  

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a constaté que la situation en Afghanistan demeure très instable, notamment en raison des attaques meurtrières perpétrées en zone urbaine.  Elle a salué la proposition du Président Mohammad Ashraf Ghani de participer à des pourparlers directs avec les Taliban, ainsi que l’élaboration d’un cadre pour la paix, présenté lors de la Conférence du Processus de Kaboul II.  Elle a appelé les Taliban à y répondre de manière positive afin de conclure un accord politique et de rétablir la paix et la sécurité dans le pays.  Elle a par ailleurs salué la résolution pacifique des tensions entre le palais présidentiel et Jamiat-e Islami.

Passant à la tenue prochaine des élections parlementaires et de district, Mme Guadey a appelé à renforcer les efforts de rétablissent de la confiance de la population envers le processus électoral.  Elle a insisté sur l’importance de veiller au déroulement pacifique du scrutin, se préoccupant des tentatives d’intimidation et de harcèlement des électeurs. 

Elle a par ailleurs appelé la communauté internationale à continuer d’appuyer les efforts de réforme politique et de développement du Gouvernement.  Notant l’importance de la coopération économique régionale, elle a salué l’inauguration, le 23 février, du segment afghan du gazoduc Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a fait part de sa consternation face aux nombreux morts civils en Afghanistan depuis le début de l’année.  Il s’est dit préoccupé par la violence liée au processus électoral, notamment les actes de violence contre le personnel électoral et contre des centres d’enregistrement d’électeurs.  Il a regretté que l’offre de paix, faite par le Président Mohammad Ashraf Ghani en février dernier, ait été ignorée par les Taliban. 

Le représentant a condamné l’utilisation d’enfants par les groupes armés non étatiques.  Il a notamment déploré le cas relevé de violence sexuelle contre un enfant, appelant à des enquêtes afin que les auteurs répondent de leurs actes. 

Le représentant a invité aussi la communauté internationale à apporter le soutien nécessaire pour la paix en Afghanistan.  Il a déploré le fait que des familles soient constamment obligées de quitter leur foyer, et a plaidé pour leur retour, en toute sécurité et de manière volontaire. 

Il a enfin souligné qu’il n’y a pas de solution militaire en Afghanistan, militant également pour la pleine implication des femmes dans la vie nationale.

Mme AMY NOEL TACHCO (États-Unis) a salué l’offre du Président Mohammad Ashraf Ghani de participer à des pourparlers sans condition préalable et ses efforts sérieux pour mettre un terme au conflit.  Elle regretté que les Taliban n’aient pas répondu à cet appel et les a engagés à prendre part aux pourparlers de paix.  Les pays ayant des liens avec eux doivent les inciter à cette fin, a–t-elle ajouté.

Elle a appelé à la tenue transparente et crédible des élections.  L’ONU doit veiller à ce que la MANUA dispose de tout le personnel nécessaire pendant cette période.  Elle a ensuite souligné que les États-Unis avaient fourni des dizaines de milliards de dollars pour appuyer l’Afghanistan et a appelé ses partenaires à en faire de même.

La représentante a noté la dimension sans précédent du bref cessez-le-feu.  La question n’est pas de savoir si on peut établir la paix en Afghanistan, mais comment, a-t-elle affirmé.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a salué la proposition de paix faite par le Président Mohammad Ashraf Ghani et a demandé un engagement similaire des Taliban qui doivent décider s’ils veulent faire partie de l’avenir du pays.  Il a noté qu’à quatre mois des élections au Parlement et aux conseils de district, le Ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni, M. Boris Johnson, s’est rendu à Kaboul hier.  Il y a encouragé la MANUA à poursuivre son appui aux autorités nationales afin que les élections se tiennent dans de bonnes conditions.  Le délégué a aussi invité le Gouvernement afghan à pourvoir aux derniers postes vacants de la Commission électorale indépendante.

Au moment où on voit des progrès dans le pays, le représentant a également insisté sur des questions de première importance comme le respect des droits des femmes et des filles.  Il a rappelé que le Royaume-Uni avait contribué à la scolarisation de plus de 300 000 Afghanes marginalisées et a soutenu la formation de plus de 10 000 enseignants. 

Selon le Royaume-Uni, la paix est à portée de main en Afghanistan, et la communauté internationale se doit d’être aux côtés du peuple afghan au moment où ce dernier s’apprête à choisir ses futurs dirigeants.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a appelé à lutter contre la production de stupéfiants notant qu’elle sapait la stabilité du pays.  Il s’est aussi inquiété de la dernière offensive des Taliban, qui, a-t-il ajouté, vient semer le doute sur leur engagement envers le processus de paix.  Il a aussi mis en garde contre la marginalisation de certains acteurs régionaux.

Le délégué s’est aussi inquiété du fait que l’État islamique d’Iraq et du Levant consolidait ses positions dans le nord de pays dans le but de mener des incursions dans les pays voisins et entraîne par ailleurs des combattants venus d’Asie centrale.

Il a dénoncé « ceux » qui accusent la Fédération de Russie d’appuyer les Taliban, estimant que le but semble en être de détourner l’attention sur les « nombreuses erreurs » commises ses 17 dernières années.  Il a relevé que des experts militaires russes avaient averti que l’aide militaire n’était pas enregistrée et parfois était volée pour ensuite être retrouvée dans les mains des terroristes.

Il s’est aussi interrogé sur la disparition d’hélicoptères dans des zones contrôlées par les partenaires russes et a réclamé un rapport en bonne et due forme sur cette question.  Il a aussi engagé le Gouvernement à prendre des mesures plus décisives pour débarrasser le nord du pays des terroristes et combattre la production de drogues qui, s’est-il inquiété, est en hausse.  Des efforts collectifs s’imposent également, autrement la situation risquerait de devenir hors de contrôle, a-t-il averti.

Le délégué a salué la proposition de cessez-le-feu du Président afghan, tout en soulignant que cette offre ne devait pas s’étendre à des groupes terroristes étrangers implantés en Afghanistan.  Il a appelé les Taliban à répondre aux offres qui leur ont été faites.  Le représentant a par ailleurs appelé à la bonne tenue des élections au Parlement et aux conseils de district dans les délais impartis.  Il a mis en garde contre une polarisation de la société afghane le long de clivages ethniques.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a salué le respect du cessez-le-feu temporaire « sans précédent » annoncé pendant le mois de ramadan et a fait part de son appui aux efforts de réconciliation et de paix afghans.  Il s’est inquiété de la faiblesse et des déséquilibres constatés dans la mobilisation des électeurs et a appelé à adopter des mesures effectives pour remédier à cette situation.  Il s’est aussi soucié de la fragmentation du paysage politique afghan et a insisté sur l’importance de tenir des élections crédibles.

Le représentant a ensuite parlé des efforts déployés par la Turquie pour appuyer la coopération régionale en faveur de l’Afghanistan.  La Turquie a notamment coprésidé, cette année, le Processus d'Istanbul « Au cœur de l’Asie ». 

Il a aussi salué la finalisation du Plan d’action afghan-pakistanais pour la paix et la sécurité et a souhaité que sa mise en œuvre permette de surmonter les défis qu’affrontent ces deux pays.

M. ANDREA BIAGINI (Italie) a constaté que les événements des dernières semaines démontrent la complexité des défis sécuritaires que doit affronter l’Afghanistan, tout en relevant des évolutions encourageantes, à commencer par l’offre de paix du Président afghan et l’annonce d’un cessez-le-feu unilatéral pendant le mois de ramadan. 

Il a toutefois appelé à faire preuve de prudence et a espéré que les Taliban répondront de manière positive à l’offre du Président Mohammad Ashraf Ghani.  Il a aussi salué le dialogue bilatéral engagé entre Kaboul et Islamabad, soulignant qu’une coopération effective peut améliorer les perspectives de paix.

Le représentant a par ailleurs insisté sur l’importance de veiller au bon déroulement des élections, estimant que ce sera là la preuve de l’engagement du Gouvernement à mener des réformes à l’approche de la conférence de Genève.  Il s’est félicité du fait que presqu’un tiers des électeurs inscrits jusqu’à présent sont des femmes. 

Il a appelé le Gouvernement à poursuivre ses efforts de protection et de promotion des droits des femmes, relevant une baisse dans la participation des filles à l’école primaire.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a vu dans l’annonce d’un cessez-le-feu par le Gouvernement afghan la preuve qu’une baisse significative de la violence dans le pays est possible.  Il a salué l’engagement du Président Mohammad Ashraf Ghani à participer à des pourparlers directs avec les Taliban sans condition préalable, notant que l’offre portait sur des éléments clef, notamment l’inclusion politique, l’examen constitutionnel, la libération de prisonniers, la levée des sanctions et la réintégration.

Il a exhorté les Taliban à se saisir de cette occasion, engageant par ailleurs le Gouvernement à poursuivre la mise en œuvre de l’accord de paix conclu en 2016 avec Hezb-i Islami.

S’agissant de à la tenue prochaine des élections parlementaires et de district, le représentant a salué les progrès réalisés pour inscrire les électeurs.  Il s’est toutefois inquiété du fait que le poste de directeur de la Commission électorale indépendante demeurait vacant, faisant état de déséquilibres régionaux relevés lors des inscriptions.

M. Heusgen a par ailleurs salué la finalisation du plan d’action afghan-pakistanais pour la paix et la solidarité, ainsi que les efforts déployés pour renforcer les cadres juridiques et de lutte contre la corruption.  Il a notamment salué les amendements apportés au Code pénal et à la loi sur l’élimination de la violence faite aux femmes afin de mieux les aligner.

Le Canada est déterminé à faire avancer l’égalité des sexes et assurer l’autonomisation des femmes et des filles en Afghanistan, a déclaré M. MICHAEL BONSER (Canada).  Son pays y appuie directement des programmes éducatifs, de soins de santé et de droits de la personne.  Par exemple, il a établi plus de 9 200 écoles communautaires dans les régions rurales et éloignées, dont plus de 80% des 273 000 élèves sont des filles. 

Ensuite, le Canada appuie la participation significative des femmes en tant que candidates et électrices aux élections en octobre.  Cependant, a confié le représentant, « nous sommes très inquiets de la situation sécuritaire et de son effet sur la capacité des citoyens d’exercer leurs droits démocratiques ».  Il a soutenu les appels du Gouvernement afghan aux Taliban pour qu’ils acceptent le cessez-le-feu et se joignent aux pourparlers de paix. 

M. KORO BESSHO (Japon) a salué le premier cessez-le-feu dans le pays depuis 17 ans, disant espérer que cette issue mènerait à une paix durable.  Il a dit que son pays entendait prendre part à la conférence de Genève sur l’Afghanistan de novembre prochain.  Selon lui, même s’il fût temporaire, le cessez-le-feu récent entre le Gouvernement et les Taliban était une étape positive.  Il a invité la communauté internationale à continuer de presser les deux parties à étendre le cessez-le-feu, pour le bien du peuple afghan, et de s’engager dans un processus plus formel.

Le Japon indique que les élections d’octobre prochain seront un test crucial pour le Gouvernement, notamment du fait des défis sécuritaires et administratifs.  La communauté internationale attend donc de voir des élections crédibles et ouvertes.  Mais, le point le plus important, a-t-il noté, est que le processus électoral soit mené par les Afghans eux-mêmes.

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a indiqué qu’en dépit d’un tableau morose, un espoir a vu le jour suite au cessez-le-feu temporaire déclaré pendant le mois du Ramadan.  Elle a relevé que la présence des forces étrangères peut être un sujet de discussion avec les Taliban.  Elle a salué l’offre de pourparlers lancée par le Président Ghani et le soutien des États-Unis à un processus négocié.  Elle a appelé les parties à se saisir des occasions qui sont offertes.  Le Pakistan estime que le groupe de coordination quadrilatérale présente un format utile pour parvenir à un règlement négocié, a-t-elle poursuivi.  Un format amplifié permettrait de réunir en outre les voisins de l’Afghanistan.

La représentante a ensuite appelé à vaincre Daech et les autres groupes terroristes qui sévissent dans le pays.  Elle a aussi insisté sur l’importance d’aider l’Afghanistan à devenir prospère et stable.  Elle a parlé des récents échanges de haut niveau entre le Pakistan et l’Afghanistan.  L’accord récemment conclu entre les deux pays comprend d’ailleurs la création de cinq groupes de travail chargés de questions telles que les renseignements militaires et les réfugiés, entre autres, et permettra de renforcer encore davantage le dialogue.  Elle a aussi insisté sur l’importance de la gestion et de la sécurisation des frontières, notant que les terroristes ne doivent pas pouvoir inciter les forces militaires à s’affronter le long des frontières.

M. GERARDUS VAN DEN AKKER, délégué de l’Union européenne, a souligné que le respect des droits de l’homme et les élections démocratiques sont au cœur du dialogue entre l’Union européenne et les autorités afghanes.  Dans ce contexte la première réunion du Groupe de travail spécial sur les droits de l’homme, la bonne gouvernance et la migration s’est tenue le 5 mai dernier à Kaboul.  Il est apparu que l’Afghanistan a une législation forte dans divers domaines ou est sur le point d’en adopter une.  Mais ce qui fait défaut, c’est une mise en œuvre effective, a relevé le représentant qui a appelé à des mesures concrètes contre la corruption et pour la protection des droits des filles et des femmes. 

L’application de la peine de mort est aussi une source de préoccupations pour l’Union européenne qui appelle à son abolition, en commençant par un moratoire.  L’Union européenne trouve d’ailleurs encourageant que le nouveau Code pénal afghan limite strictement le nombre des crimes punis par la peine de mort. 

Les prochaines élections, a poursuivi le représentant, sont d’une importance capitale pour la stabilité du pays.  Il a jugé impératif de respecter les dates fixées, pour préserver la crédibilité des réformes à l’approche de la Conférence ministérielle de Genève.  L’Union européenne note avec préoccupation qu’il y a encore des mesures à prendre pour combler les retards dans les préparatifs électoraux, le manque de sensibilisation dans les provinces et l’installation d’institutions électorales pleinement opérationnelles. 

L’Union européenne, a rappelé le représentant, s’est engagée à verser la somme de 15,5 millions d’euros pour les élections parlementaires et locales.  S’agissant de la migration, les dernières discussions ont eu lieu le 6 mai, a indiqué le représentant.  Il a été convenu que la mise en œuvre de la « voie à suivre » doit se poursuivre dans un esprit de partenariat, en tenant compte de la sensibilité de l’Afghanistan et de l’Union européenne qui continue d’ailleurs à mettre en œuvre deux programmes régionaux sur la migration et les déplacements en Asie. 

L’Union européenne, a conclu le représentant, compte que les dernières initiatives du Président Mohammad Ashraf Ghani et du Gouvernement conduiront à un véritable processus de paix.  Elle considère la Mission de l’ONU comme un partenaire clef.

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a indiqué que le récent cessez-le-feu a été largement soutenu par le peuple afghan et a donné de l’espoir sur le fait qu’une paix durable est possible.  L’Australie a également salué la proposition de paix faite par le Président Ghani en février dernier, notamment sa disponibilité à prendre part à des pourparlers sans condition préalable et sans menace de violence.  L’Australie se dit déçue de voir que les Taliban n’ont jusqu’à présent pas réagi à ces propositions du Président afghan.  La représentante a en outre condamné la violence dont sont auteurs les groupes d’insurgés, dont Daech et des groupes affiliés, Al-Qaida et ses affiliés et d’autres groupes terroristes en Afghanistan.  Impliquée dans la mission de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Afghanistan, l’Australie reste engagée pour le soutien des forces de sécurité afghanes afin qu’elles s’opposent aux groupes armés non étatiques. 

Mme Gillian a déclaré que la tenue d’élections législatives en octobre prochain sera cruciale pour la crédibilité politique.  Elle a encouragé le Gouvernement à s’assurer qu’elles soient ouvertes, saluant du reste l’engagement de l’ONU à soutenir la tenue du scrutin.  Elle a rappelé que l’Afghanistan fait face également à une sécheresse imminente, laquelle affecte les deux tiers du pays.  Près de 1,4 million de gens auront besoin d’aide alimentaire d’urgence, et l’Australie promet de continuer d’apporter son aide face à ce défi. 

M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) a déclaré que son pays apportait un appui constant à la sécurité et la stabilité de l’Afghanistan ainsi qu’à son développement socioéconomique.  Il a salué le cessez-le-feu temporaire annoncé entre le Gouvernement et les Taliban ainsi que l’intention du Gouvernement de le poursuivre.  Il s’est aussi réjoui des derniers développements positifs dans les relations de l’Afghanistan avec le Pakistan.  M. Khoshroo a ajouté que soutenir les mesures de lutte contre le terrorisme prises par l’Afghanistan favorise la paix et la sécurité internationales.  À cet égard, la menace croissante de Daech et ses affiliés ne devrait pas être prise à la légère en Afghanistan.  Comme les élections approchent, des conditions de sécurité améliorées deviennent plus pertinentes et essentielles, a rappelé le délégué.  L’Iran attache aussi la plus grande importance à la promotion de la coopération régionale.  À cet égard, il a salué le travail des commissions mixtes chargées d’élaborer un accord-cadre global de coopération bilatérale entre leurs deux pays.

Les efforts en cours dans le port iranien de Chabahar contribueront à promouvoir le commerce et la coopération économique, a prédit M. Khoshroo.  « Toute tentative de perturber ce projet vital ne fait que jouer le jeu de ceux qui ne veulent pas de la paix et du développement du peuple afghan », a-t-il averti.  Nous avons besoin d’un soutien international inconditionnel pour ces projets innovants.  En outre, a indiqué le représentant, une attention spéciale devrait être accordée à la lutte contre les sources de l’insécurité et de l’instabilité en Afghanistan, en particulier le trafic de stupéfiants comme source de revenu importante pour les groupes terroristes et les groupes armés.  La communauté internationale doit appuyer les activités et projets internationaux et régionaux en particulier l’initiative tripartite entre l’Afghanistan, l’Iran et le Pakistan pour combattre cette menace. 

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a déclaré que les évènements d’espoir doivent maintenant se transformer en processus pour que la situation en Afghanistan puisse s’améliorer, s’inquiétant toutefois de la persistance insensée de meurtres odieux commis par les terroristes.  Il a aussi noté que l’offensive du printemps des Taliban avait fait de nombreuses victimes, notant qu’elles sont « planifiées et lancées depuis des pays voisins ».  Il a dénoncé ceux qui leur fournissent un sanctuaire ainsi qu’au réseau Haqqani, l’EIIL, Al-Qaida, Lashkar-e-Tayyiba et Jaish e Mohammed.  Le problème terroriste de l’Afghanistan n’est pas local et le pays nécessite l’appui de la communauté internationale pour l’éradiquer.

Notant l’implication des Taliban dans pratiquement tous les aspects de la production d’opium, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à mieux utiliser sa boîte à outils pour faire face aux réseaux transnationaux de la drogue, du terrorisme et de la criminalité.  Pour sa part, l’Inde a récemment livré 170 000 tonnes de blé à l’Afghanistan en empruntant le port de Chabahar inauguré en décembre 2017 en Iran.  En outre le corridor de fret aérien indo-afghan, qui a été établi en juin 2017, a pris de l’élan et permet de relier Kaboul, Kandahar, New Delhi et Mumbai.  Plus de 2 000 tonnes d’exportations ont pu être acheminées de cette manière, a-t-il précisé, et l’Inde entend élargir ce corridor à d’autres villes des deux pays.  M. Akbaruddin s’est par ailleurs félicité du fait qu’après l’interdiction du sport par les Taliban, l’équipe nationale de cricket de l’Afghanistan ait réussi à se qualifier pour la coupe mondiale de cricket.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a rappelé que son pays a dûment soutenu l’offre de paix « historique » faite par le Président Mohammad Ashraf Ghani et son gouvernement d’unité nationale.  Une autre contribution essentielle à la paix a été apportée le 14 mai dernier avec l’accord sur le Plan d’action Afghanistan-Pakistan pour la paix et la solidarité, s’est réjoui le représentant. 

Il a aussi noté avec satisfaction l’annonce de la tenue d’élections parlementaires et d’élections des conseils de district le 20 octobre 2018, jugeant important que cette date soit maintenue.  Il est également essentiel que les femmes puissent avoir l’opportunité de participer aux élections comme électrices et candidates. 

Le représentant a salué le renforcement de l’efficacité de la loi sur la violence contre les femmes et a encouragé le Gouvernement afghan à redoubler d’efforts dans sa lutte contre l’impunité.  Il a salué comme « un pas en avant » la loi de 2017 contre le harcèlement des femmes et des enfants et l’accession de l’Afghanistan au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants comme « un signal fort » de son engagement en faveur des droits de l’homme. 

Mais le représentant a déploré l’aggravation de la situation s’agissant du recrutement et de l’utilisation des enfants par les parties au conflit.  Il a demandé au Gouvernement de traduire les couples en justice et d’évaluer comment les mécanismes de renvoi et de réhabilitation peuvent être renforcés.  Il a remercié la Mission de l’ONU pour le suivi attentif des graves violations du droit international humanitaire que sont les attaques contre les écoles et les centres médicaux.  Ces attaques, a-t-il conclu, « nous rappellent que les efforts de toutes les parties concernées visant à mettre en œuvre la résolution 2286 (2016) sur les conflits et les soins de santé doivent être intensifiés ».

M. BAKHTIYOR IBRAGIMOV (Ouzbékistan) a tenu à rappeler la Déclaration finale de la Conférence internationale sur l’Afghanistan qui s’est tenue à Tachkent, le 27 mars dernier.  Le représentant a souligné l’importance de certains points, notamment la nécessité de lancer des négociations directes entre le Gouvernement afghan et les Taliban, sans condition préalable.  La Déclaration appelle aussi le Gouvernement à garantir l’intégration de l’opposition armée dans la vie politique et à la reconnaître comme une force politique légitime.  Pour leur part, les Taliban doivent reconnaître leur responsabilité vis-à-vis de la paix et de la stabilité en Afghanistan, renoncer à la violence et couper les liens avec les groupes terroristes, et respecter les droits égaux de tous les Afghans.  La Déclaration souligne également l’importance du soutien total au Gouvernement dans la lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants.

En outre, a précisé le représentant, tous les pays présents à la Conférence ont fait part de leur respect de la souveraineté de l’Afghanistan.  La Déclaration prévoit un paragraphe consacré à la coopération économique régionale, en particulier la promotion des liens économiques avec l’Afghanistan.  Pour sa part, le Président de l’Ouzbékistan a proposé de centrer ses efforts sur trois niveaux: entre les Afghans, au niveau régional et au niveau mondial en développant un vaste programme de paix pour l’Afghanistan.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Secrétaire général appelle les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à parler et coopérer pour résoudre les conflits

8293e séance – matin
CS/13392

Conseil de sécurité: le Secrétaire général appelle les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à parler et coopérer pour résoudre les conflits

Ouvrant aujourd’hui, au Conseil de sécurité, un débat intitulé « Maintien de la paix et de la sécurité internationales: examen d’ensemble de la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord », le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a appelé les pays de cette région minée par les conflits à trouver une plateforme commune pour renforcer les perspectives de coopération politique, environnementale, socioéconomique et sécuritaire.

Ce débat, auquel ont participé près d’une quarantaine de pays concernés, a été organisé par la Fédération de Russie, qui préside le Conseil au mois de juin, afin d’examiner, sous une perspective large, les causes profondes des conflits qui sévissent au Moyen-Orient et les moyens d’y faire face ensemble.

Pendant la guerre froide, a rappelé le Secrétaire général, « les rivaux idéologiques ont trouvé le moyen de parler et de coopérer malgré de profonds clivages, notamment par le biais du Processus d’Helsinki ».

Favorable à l’élaboration d’un programme commun pour le Conseil de sécurité, le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergey Vershinin, a notamment proposé l’élaboration de mesures visant à renforcer la confiance entre le triangle des États arabes, Israël et l’Iran.  Il faudrait, selon lui, envisager une initiative de dialogue régional avec la participation de protagonistes extérieurs, à l’instar du « processus d’Helsinki » qui s’est déroulé dans les années 1970 en Europe.  L’Initiative de paix arabe et le Plan d’action global commun concernant le programme nucléaire iranien offrent des perspectives constructives à cet égard.

Le Secrétaire général a aussi insisté sur le rôle des organisations régionales et sous-régionales pour appuyer la diplomatie préventive, la médiation et les mesures de rétablissement de la confiance.  Se livrant à un véritable tour d’horizon des conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord -de la Syrie au Yémen, en passant par l’Iraq et la Libye, sans oublier le conflit israélo-palestinien, cœur du « bourbier » dans lequel se voit plongée la région – M. Guterres s’est inquiété des profondes divisions et de la perte tragique de la diversité du tissu religieux, ethnique et culturel de la région.

« Des conflits vieux de plusieurs décennies, et d’autres plus récents, auxquels s’ajoutent des griefs sociaux profondément ancrés, le rétrécissement de l’espace démocratique et l’émergence du terrorisme et de nouvelles formes d’extrémisme violent sapent la paix, le développement durable et les droits de l’homme », a-t-il constaté.

Seule note positive dans ce tableau alarmant, le Secrétaire général a salué la consolidation de la démocratie en Tunisie et le respect de la diversité au Liban.  La région, a affirmé M. Guterres, doit assurer l’intégrité de l’État et de ses systèmes de gouvernance et l’application équitable de la loi pour la protection de chacun.  « Les majorités ne doivent pas subir la menace existentielle de la fragmentation, et les minorités ne doivent pas subir la menace de l’oppression et de l’exil. »  En conclusion, il a appelé le Conseil de sécurité à dégager un consensus et à agir d’une seule voix.

« L’expérience montre que toute tentative de faire cavalier seul est vouée à l’échec et ne contribue en rien à régler les problèmes de la région », a insisté le Vice-Ministre russe.  Également favorable à la tenue d’un dialogue institutionnel régional inspiré d’Helsinki, l’Égypte a souhaité que celui-ci permette de négocier la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient.

Le Royaume-Uni s’est dit prêt à réfléchir à une telle proposition, tout en notant la nécessité de tenir compte des circonstances propres à chaque pays et des résolutions pertinentes du Conseil.  « Une gouvernance démocratique et pluraliste est la condition de la stabilité au Moyen-Orient », a déclaré la France qui a critiqué le silence du Conseil à l’égard de plusieurs crises, l’appelant ainsi à formuler une réponse forte face aux actions du Hamas et d’Israël.

Le Koweït a relevé que les conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord représentent 46% de la charge de travail du Conseil de sécurité.  La Palestine a exhorté le Conseil à ouvrir la voie vers « une nouvelle réalité au Moyen-Orient » en s’attaquant à la crise à Gaza et en résolvant la question palestinienne dans sa totalité.

L’Observateur permanent de la Ligue des États arabes a déploré « l’ingérence croissante de nations tierces dans les affaires intérieures des pays arabes ».  Certains pays, a-t-il relevé, appuient les Kurdes et d’autres le Hezbollah ou le Jihad islamique.  D’autres soutiennent les Frères musulmans, ou bien les Chiites, pour déstabiliser les pays sunnites.  Et d’autres encore, a-t-il continué, appuient des groupes terroristes tels que Daech pour affaiblir certains gouvernements de la région. L’Observateur permanent de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) s’est à son tour inquiété de l’impact des interventions étrangères et des guerres de proximité menées dans la région, soulignant que « la médiation ne doit pas se faire sous la contrainte ».  

À son homologue turc, qui a affirmé que son pays avait libéré des territoires au nord de la Syrie, le représentant syrien a répondu que les principes du droit international exigent de la Turquie qu’elle coopère avec la Syrie « avant de violer son territoire sans demande préalable ». 

Déplorant de s’être retrouvée « seule face au déferlement de migrants » induit par le conflit syrien, l’Italie, appuyée par la Grèce, a insisté sur importance de lutter contre le trafic d’êtres humains en Libye.

Pour leur part, les États-Unis ont dénoncé le rôle du Hezbollah et de l’Iran « qui cherche à tirer des avantages en propageant la misère », et vient rejoindre « l’action déstabilisatrice de la Fédération de Russie ».  Le programme nucléaire iranien demeure, selon Israël, la menace la plus dangereuse à la paix et à la sécurité internationales.  Mais, à en croire l’Iran, les déclarations « iranophobes » seraient perpétuées par « ceux qui cherchent à créer un ennemi imaginaire afin de vendre leurs armes et de créer une course aux armements dans la région ».  L’Iran a dénoncé les crimes de guerre commis par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen.  La coalition arabe au Yémen, à la demande du Gouvernement de ce pays, a pour but de sauver le pays des rebelles houthistes soutenus par l’Iran, a contré l’Arabie saoudite.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Lettre datée du 1er juin 2018, émanant du Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2018/524)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a constaté que la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord fait face à de profondes divisions, à des tendances troublantes et à la perte tragique de la diversité de son tissu religieux, ethnique et culturel.  Des conflits vieux de plusieurs décennies, et d’autres plus récents, auxquels s’ajoutent des griefs sociaux profondément ancrés, le rétrécissement de l’espace démocratique et l’émergence du terrorisme et de nouvelles formes d’extrémisme violent sapent la paix, le développement durable et les droits de l’homme, s’est-il inquiété.  Il a aussi averti que l’intégrité territoriale de pays comme la Syrie, le Yémen et la Libye est menacée.

Le Secrétaire général a appelé à examiner les rapports sur le développement humain arabe publiés depuis 2002 par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Ces documents pointent des déficits significatifs en matière d’éducation, de libertés fondamentales et d’autonomisation, notamment en ce qui concerne les femmes et les jeunes, a-t-il indiqué.  Il a aussi cité une faible participation politique, du fait de l’absence d’une véritable représentation démocratique et des restrictions imposées aux libertés, notant que « l’aspiration des peuples à davantage de liberté et de participation aux processus de prise de décisions ne cesse de croître ».

Ce décalage entre de telles aspirations a parfois débouché sur l’aliénation, l’apathie et le mécontentement.  Remédier à une telle situation doit être la priorité des dirigeants nationaux, a-t-il souligné, notant que de nombreuses insuffisances continuent de miner les sociétés de la région.  M. Guterres a également attiré l’attention sur le fait que de nombreux problèmes actuels se voient aggravés par le legs de l’ère coloniale et de la Première Guerre mondiale, notamment la dissolution de l’Empire ottoman.

C’est dans ce contexte élargi, a–t-il poursuivi, que le Printemps arabe s’est propagé sous forme d’appel pour l’inclusion, l’opportunité et l’ouverture de l’espace politique.  À ce propos, il a rendu hommage au peuple de la Tunisie, où cet appel a commencé, notant les progrès considérables réalisés depuis en matière de consolidation de cette jeune démocratie.  Mais, a-t-il regretté, « la promesse tunisienne ne s’est pas concrétisée dans l’ensemble de la région ».

M. Guterres a noté que cette région est en proie à de nombreuses lignes de fracture, à commencer par la « blessure » israélo-palestinienne, la résurgence de rivalités dignes de la guerre froide, le clivage sunnite-chiite et autres schismes ethniques et confrontations politiques.  De toute évidence, les perspectives économiques et sociales sont insuffisantes, la confiance dont jouissent les institutions est en baisse et les sociétés se fissurent le long de lignes ethniques et religieuses qui sont manipulées à des fins politiques.  Et par moment, a-t-il ajouté, les ingérences étrangères viennent exacerber ce manque d’unité avec des effets déstabilisateurs.

Affirmant que le conflit israélo-palestinien reste au cœur du « bourbier » du Moyen-Orient, le Secrétaire général a insisté sur la nécessité de réaliser la solution des deux États, notant que les récentes violences à Gaza rappellent la fragilité de la situation.  Il a aussi insisté sur l’importance de l’appui international, évoquant la tenue, aujourd’hui même, de la réunion consacrée aux annonces de contributions volontaires à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

Il s’est ensuite préoccupé de la « litanie de violences » commises en Syrie, notant que ce pays était devenu un champ de bataille pour des guerres de proximité lancées par des acteurs régionaux et internationaux.  Et en l’absence d’institutions étatiques dignes de confiance, nombre de Syriens se sont repliés autour d’identités religieuses ou tribales.  Il a appelé les parties au conflit à prendre part au processus de paix de Genève et à progresser dans l’établissement du comité constitutionnel, soulignant que la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité représente la seule voie pour mettre un terme au conflit de manière crédible et durable.  Plus que jamais, a-t-il insisté, notre objectif est de voir une Syrie unie et démocratique afin d’éviter « un sectarisme irréparable », et d’assurer le plein respect de la souveraineté et de l’intégralité territoriale du pays.

M. Guterres a aussi parlé de la situation au Yémen, « qui souffre d’un conflit prolongé et dévastateur avec une dimension régionale évidente » espérant notamment que le cadre de négociations proposé par son Envoyé spécial puisse servir de base pour la reprise des négociations politiques tant nécessaires.  Il a également appelé la communauté internationale à rester mobilisée pour répondre aux besoins des millions de personnes qui sont dans le besoin à Gaza, en Syrie et au Yémen.

Passant à la Libye, le Secrétaire général a noté que le processus de conférence nationale, organisé dans le cadre du Plan d’action de l’ONU, envoie un message fort selon lequel les Libyens souhaitent la fin du conflit et de la période de transition.  Il a espéré qu’un « succès politique » en Libye permettra au pays de répondre à la détresse des migrants et des réfugiés qui cherchent à franchir la Méditerranée.

Poursuivant son tour d’horizon, le Secrétaire général s’est attardé sur la situation en Iraq, notant que ce pays avait réussi à surmonter le risque de fragmentation et à vaincre l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL).  Il a espéré que les institutions du pays puissent assurer la conclusion adéquate du processus électoral, soulignant que dans ce contexte, la reconstruction des zones reprises à Daech doit être une priorité, de même que le retour des personnes déplacées, y compris les membres des minorités religieuses, et la comparution en justice des auteurs d’atrocités.

« Souvenons-nous que ce qui a l’apparence d’un conflit religieux est en fait le résultat de manipulations politiques ou géostratégiques ou un intermédiaire pour d’autres antagonismes », a-t-il fait observer, notant que les exemples abondent de différents groupes religieux réussissant à vivre pacifiquement ensemble pendant des siècles.  Il a appelé à s’inspirer du respect pour la diversité que représente le Liban à l’heure actuelle.  Il s’est félicité du déroulement pacifique des élections parlementaires au mois de mai et de la formation prochaine d’un nouveau gouvernement.  Il a toutefois noté que la recrudescence des tensions régionales risque de menacer la stabilité du Liban, notamment le long de la Ligne bleue.  Les efforts de la communauté internationale demeurent essentiels pour aider le Liban à consolider l’autorité de l’État, à protéger le pays des tensions régionales et à accueillir des réfugiés, a-t-il insisté.

M. Guterres a ensuite dit être préoccupé par les risques de déstabilisation dans le Golfe, rappelant son appui aux efforts koweïtiens de médiation et insistant sur l’importance de préserver le Plan d’action global commun « qui doit demeurer un élément précieux de la paix et de la stabilité indépendamment des discussions plus larges sur le rôle de l’Iran dans la région ».

Pendant la guerre froide, a-t-il enchaîné, les rivaux idéologiques ont trouvé le moyen de parler et de coopérer malgré de profonds clivages, notamment par le biais du Processus d’Helsinki.  Il a appelé les pays de la région à trouver une plateforme commune pour renforcer les perspectives de coopération politique, environnementale, socioéconomique et sécuritaire.  Il a aussi insisté sur le rôle des organisations régionales et sous-régionales pour appuyer la diplomatie préventive, la médiation et les mesures de rétablissement de la confiance.

La région, a affirmé le Secrétaire général, doit assurer l’intégrité de l’État et de ses systèmes de gouvernance et l’application équitable de la loi pour la protection de chacun.  « Les majorités ne doivent pas subir la menace existentielle de la fragmentation, et les minorités ne doivent pas subir la menace de l’oppression et de l’exil. »  En conclusion, il a appelé le Conseil de sécurité à dégager un consensus et à agir d’une seule voix.

M. SERGEY VERSHININ, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a expliqué que sa délégation a convoqué cette séance parce qu’elle souhaite voir « une approche unique dans le règlement des crises et conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ».  Il est convaincu que toute décision prise dans ce contexte doit être collective et conforme aux normes du droit international pour être efficace.  « L’expérience montre que toute tentative de faire cavalier seul est vouée à l’échec » et ne contribue en rien à régler les problèmes de la région, a-t-il poursuivi.  Pour réduire les risques de crise, il faut conjuguer les efforts régionaux dans le cadre de l’ONU et du Conseil de sécurité, a-t-il martelé en insistant sur le rôle de l’ONU.

Pour sa délégation, il faut un dialogue sincère et renforcer les rôles de bons offices du Secrétaire général en évitant toute politisation des questions humanitaires.  La Fédération de Russie souhaite en effet un ordre du jour global pour la communauté internationale afin de trouver des solutions aux problèmes dans cette région dans le respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale des pays de la région.  « Il faut mettre un terme aux tentatives d’utiliser des groupes terroristes à des fins politiques et il faut lutter contre le terrorisme chimique », a encore exigé le Vice-Ministre.

« Il est intolérable que certains accusent d’emblée autrui, ce qui entrave le travail des experts dans l’établissement des faits », a-t-il poursuivi en regrettant « l’absence de volonté de certains » de soutenir une résolution du Conseil sur l’amélioration des mécanismes d’établissement des faits en Syrie.  À cet égard, il a redouté que la réunion de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) qui aura lieu demain ne se transforme « en champs de bataille politique » au lieu de rester une instance technique.

La Russie est prête à contribuer au règlement des crises au Moyen-Orient en ouvrant un dialogue avec l’Iran, Israël, le Qatar, l’Égypte, le Yémen, l’Arabie saoudite et d’autres pays de la région pour créer une architecture de sécurité régionale inclusive à laquelle tous les États de la région seraient associés, a assuré M. Vershinin.  Dans cette optique, une première étape pourrait être l’organisation d’une conférence, avec des garanties des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, a-t-il proposé.  Elle pourrait à terme être élargie à d’autres pays du Moyen-Orient.  Constatant ensuite que les conflits sont particulièrement dangereux lorsqu’ils ont une coloration interconfessionnelle, surtout lorsqu’il s’agit des clivages sunnites-chiites, il a appuyé la proposition de l’Union interparlementaire d’organiser une conférence internationale sur le dialogue interreligieux et interethnique, qui pourrait se tenir Russie en 2022.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a noté qu’il n’y a pas si longtemps, Daech avait réussi à contrôler de larges pans de territoires, assumant presque des attributs d’un État.  À aucun moment, la faiblesse de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme n’a été aussi flagrante, s’est-il inquiété. 

Il s’est aussi préoccupé de l’usage répété d’armes chimiques dans la région qui vient saper l’architecture internationale de non-prolifération.  En outre, les menaces auxquelles doit faire face le Plan d’action global commun concernant le programme nucléaire iranien sont lourdes d’implications pour la région, a-t-il ajouté, notant par ailleurs une intensification des rivalités géopolitiques.

Alors que les conflits et les situations de crise sapent les avancées réalisées en matière de développement, débouchant notamment sur un taux de chômage élevé parmi les jeunes, l’aggravation des tensions sectaires et la destruction d’un tissu social vieux de plusieurs siècles, il a appelé à adopter une approche holistique pour faire face aux défis sécuritaires, socioéconomiques et humanitaires de la région.

Il a aussi appelé à lancer un dialogue et des négociations authentiques et sincères entre les parties concernées, faisant par ailleurs part de son appui aux missions de bons offices du Secrétaire général de l’ONU.

Le représentant a aussi insisté sur le rôle essentiel du Conseil de sécurité pour prévenir et résoudre la violence et établir des initiatives de paix durables.  Il a déploré la paralysie et le dysfonctionnement du Conseil sur les questions liées à la paix et à la sécurité au Moyen-Orient.

Il s’est préoccupé des tentatives « d’exporter » certaines des questions difficiles et litigieuses, avertissant que cela ne fera qu’exacerber les divisions actuelles.  Pour l’Éthiopie, il n’y a pas d’autre choix que de rétablir la crédibilité du Conseil, une responsabilité qui revient autant aux membres permanents qu’aux membres non permanents.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a estimé que face à ces nombreux conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la seule solution viable est d’établir des rapprochements, de coopérer et renforcer la confiance entre les États Membres de l’ONU, les membres du Conseil de sécurité et les nations de la configuration triangulaire États arabes-Israël-Iran.  Il a indiqué que faire face aux causes profondes de ces conflits récurrents nécessite la mise en place d’un plan d’action global par les gouvernements, l’ONU et les organisations internationales, en accord avec les conventions internationales et la nouvelle réforme du Secrétaire général.

En outre, les opérations de maintien de la paix doivent s’accompagner de mesures de diplomatie préventive et de médiation en vue d’une paix durable.  La résolution pacifique des conflits doit prévaloir sur les solutions militaires.  Les parties aux conflits doivent respecter les cessez-le-feu afin de permettre un accès humanitaire sans entrave aux nécessiteux.  Plaidant pour l’unité, M. Umarov a jugé essentiel de sauvegarder la crédibilité du Conseil de sécurité, qui doit engager des enquêtes sur des actes relatifs au conflit israélo-palestinien et en cas d’usage d’armes chimiques, afin d’identifier les auteurs.

Pour le Kazakhstan, « l’usage de la force ne doit pas être une option sans l’accord du Conseil de sécurité », quelle qu’en soit la justification.  En plus des mesures politiques pour venir à bout des conflits, le Kazakhstan propose le renforcement du nexus sécurité-développement, tout comme une approche régionale innovante et remaniée, avec « Unis dans l’action » de l’ONU à sa base, et avec des actions de la communauté internationale en vue d’éliminer le terrorisme international.  Il faut également œuvrer à faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires et de toute arme de destruction massive, a ajouté le représentant.

M. WU HAITAO (Chine) a noté que la situation dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est morose, en citant les crises humanitaires, la menace terroriste et d’autres problèmes qui « sont liés de façon intrinsèque ».  Les pays de la région et la communauté internationale doivent adhérer à la philosophie de la sécurité durable et tournée vers l’avenir.

Pour la Chine, il faut aujourd’hui adhérer au principe de dialogue et de la concertation pour promouvoir les règlements politiques de ces problèmes.  Dans ce contexte, le représentant a estimé que la question israélo-palestinienne restait au cœur de ces problèmes et que, par conséquent, il fallait de toute urgence relancer ce processus de paix. 

S’agissant de la Syrie, il a plaidé pour une revitalisation des pourparlers de paix de Genève.  En outre, la Chine appelle à appuyer les efforts de médiation du Secrétaire général au Yémen et à pousser au retour des partis politiques à la table de négociation.  Enfin, sur le dossier du nucléaire iranien, la Chine reste attachée à la bonne mise en œuvre du Plan d’action global commun.

Son représentant a insisté sur l’importance de promouvoir des processus pilotés par les pays concernés avec les Nations Unies comme canal de médiation, notamment en Syrie, au Yémen, en Libye et en Iraq. 

Les pays de la région devraient jouer un rôle constructif pour promouvoir la paix sans ingérence dans les affaires internes d’un autre pays, a-t-il poursuivi.  Par ailleurs, il a encouragé les pays de la région à apprendre les uns des autres et à empêcher que les conflits religieux et ethniques n’exacerbent les crises.  Il a également appelé la communauté internationale à resserrer ses rangs pour lutter contre le terrorisme et travailler de conserve pour améliorer le sort des réfugiés.

Le représentant de la Chine a ensuite insisté sur l’urgence de promouvoir le développement durable dans cette région, car il y voit la clef à tous les problèmes.  « La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est le creuset de civilisations brillantes, et ses populations ont la volonté de parvenir à la paix », a-t-il affirmé, avant de préciser que la Chine a toujours été favorable à une solution s’appuyant sur le dialogue et non pas sur la force.

« Une gouvernance démocratique et pluraliste est la condition de la stabilité au Moyen-Orient », a déclaré M. FRANÇOIS DELATTRE (France).  Il a cité le cas de la Syrie, notant que de longues années de dictature avaient créé le terreau du conflit actuel.  Le choix de la répression du régime face aux contestations, et la politique de siège ne peuvent être la base d’une stabilité future, et le risque d’escalade est réel, s’est-il alarmé, avant d’appeler à la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015).  Pour déboucher sur une solution politique inclusive, il a appelé « le Small Group » et les garants d’Astana à appuyer les efforts de médiation de l’ONU.  La France appuie la création d’un comité constitutionnel, la mise en place de mesures de confiance et la préparation d’élections libres et transparentes.

Le représentant a ensuite parlé des importantes défaites de Daech, notant que « la lutte contre le groupe terroriste en Iraq et en Syrie n’est pas terminée pour autant, l’importance étant d’éviter la création de sanctuaires terroristes ».  Il a appelé à faire mieux pour combattre les flux de terroristes étrangers, le financement du terrorisme, la propagation de l’idéologie terroriste, notamment sur Internet, et l’impunité des crimes commis par des groupes terroristes.  La réaffirmation de l’interdiction de l’emploi d’armes chimiques demeure essentielle, a-t-il aussi souligné, avant de faire part de l’appui de la France à un nouveau système d’attribution qui succèderait au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.

Passant à la Libye, M. Delattre a appelé la communauté internationale à appuyer les engagements pris dans le cadre du processus engagé pour déboucher sur la tenue d’élections.  Soulignant que le terrorisme met à profit tout un éventail de trafics, comme le trafic de migrants, il a appelé à combattre l’économie de prédation qui sévit en Libye.

M. Delattre a aussi insisté sur l’importance de l’aide octroyée par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), notamment par le biais de ses écoles.  « Tout espace laissé vacant par l’UNRWA sera occupé par d’autres acteurs, notamment à Gaza où les mineurs représentent plus de la moitié de la population », a-t-il mis en garde.

Le représentant a ensuite dit attendre une réponse sur les activités balistiques de l’Iran.  Il s’est encore inquiété du silence manifesté par le Conseil à l’égard de plusieurs crises.  « La France appelle à une réponse forte qui ne passe pas sous silence les actions du Hamas et d’Israël.  Le Conseil ne peut s’affranchir de sa responsabilité, » a-t-il insisté.  Il a également appelé à appuyer la solution politique au Yémen, et à garantir la justice pour les victimes de violations des droits de l’homme dans la région.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a constaté que beaucoup de conflits dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord partagent des causes communes qui devraient être envisagées ensemble.  Cependant certaines menaces existentielles qui pèsent sur certains pays de la région ne sont pas « agressives » et ne concernent pas les autres pays.

« La région devrait peut-être avoir son acte final du Processus d’Helsinki », a avancé la représentante, en expliquant qu’il s’agit d’une idée à laquelle sa délégation est prête à réfléchir.  Pour ce faire, elle est d’avis qu’il faut prendre compte des circonstances propres à chaque pays et des résolutions pertinentes du Conseil.  Sa délégation appuie la position de la France sur la République islamique d’Iran.

Revenant à la note de cadrage présentée par la Fédération de Russie, elle a expliqué que sa délégation adhérait à la préoccupation relative à l’ampleur de la crise humanitaire dans la région, rappelant au passage que 66% des appels humanitaires n’avaient pas encore été honorés.  Le Royaume-Uni s’est récemment engagé à faire une contribution supplémentaire à ces efforts.

La représentante a également dénoncé les entraves à l’assistance humanitaire et a condamné sa politisation.  « Tout doit être mis en œuvre au Conseil de sécurité pour soutenir les efforts du Secrétaire général en vue de progresser en Syrie, au Yémen et en Libye de manière pacifique », a-t-elle estimé. 

Pour ce qui est de la question israélo-palestinienne, sa délégation soutient la solution des deux États et attend les propositions américaines sur ce dossier.

Le point de divergence par rapport à la note de cadrage a trait à la responsabilité de protéger.  Ses réserves sur les positions présentées dans cette note, notamment dans le cas où des populations ou minorités sont visées par des violations des droits de l’homme, sont relatives à l’obligation pour la communauté internationale et le Conseil de sécurité d’assumer la protection des droits de l’homme sans quoi les situations risquent de s’aggraver et de provoquer des d’incursions armées ou l’envoi de réfugiés à l’étranger.  « Si l’on ignore ces événements, il y aura des conséquences graves », a martelé la représentante en martelant que les droits de l’homme doivent être protégés par l’état de droit et relèvent du mandat du Conseil de sécurité. 

Constatant aussi la paralysie du Conseil de sécurité sur certains dossiers, elle a également regretté que même lorsqu’il prend des décisions, elles sont trop souvent ignorées.  Elle a notamment regretté le blocage répété de résolutions du Conseil sur la situation en Syrie, en particulier pour ce qui est de l’emploi des armes chimiques. 

S’agissant des sanctions, elle a affirmé qu’elles représentent un aspect essentiel de l’arsenal dont dispose le Conseil, permettant « à ses paroles d’avoir une application concrète ».  « Elles fonctionnent comme l’ont prouvé les cas de l’Iran et de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) », a–t-elle poursuivi.

Soulignant la faible participation politique dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, elle a appelé à y renforcer les capacités de bonne gouvernance et démocratiques, y voyant un outil de promotion et de consolidation de la paix. 

M. ILAHIRI ALCIDE DJÉDJÉ (Côte d’Ivoire) a noté, avec regret, le manque de perspectives politiques dans le règlement des différents conflits au Moyen-Orient, sans compter le déficit de gouvernance démocratique, l’enlisement des processus de paix, les vives tensions géopolitiques et confessionnelles et les drames humanitaires que vivent les populations de cette région.  L’émergence d’acteurs périphériques et non étatiques, notamment les groupes armés et les organisations terroristes comme Al-Qaida, le Front el-Nosra, Daech constituent également des menaces à la sécurité et à la stabilité du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de la planète tout entière.

« La Côte d’Ivoire déplore le manque d’unité du Conseil de sécurité, particulièrement sur la question syrienne, ainsi que sur le dossier du nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien. »  Sur le dossier iranien, le représentant a invité toutes les parties prenantes à aplanir tout désaccord relatif à l’application des dispositions du Plan d’action global commun qui constitue « une solide garantie pour la mise en œuvre du Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) ».

Au sujet du conflit israélo-palestinien, M. Djédjé a rappelé que son pays milite pour la solution des deux États, coexistant dans la paix et la sécurité sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  La délégation invite par conséquent les deux parties à renoncer à la violence et aux actions unilatérales qui ne font qu’éloigner davantage les perspectives de reprise du dialogue politique.

Pour la Syrie, la Côte d’Ivoire invite le Conseil à surmonter ses divergences en vue de la mise en place d’un mécanisme international d’enquête indépendant sur l’utilisation d’armes chimiques.  Le délégué a également déploré la situation humanitaire catastrophique qui prévaut au Yémen et l’escalade militaire autour de la ville portuaire d’Hodeïda.  Sur la Libye, le délégué a réitéré son soutien au plan d’action du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et exhorté la communauté internationale à lui apporter son plein appui afin de faire progresser le processus de réconciliation nationale.

Face aux blocages qui ont conduit à l’inefficacité de l’action commune et favorisé des initiatives unilatérales, la Côte d’Ivoire réaffirme son attachement au multilatéralisme qui est le « seul moyen le plus efficace d’atteindre une paix et un développent durables ».  Selon M. Djédjé, les organisations régionales comme la Ligue des États arabes et l’Union africaine doivent être pleinement impliquées dans la prévention et le règlement pacifique des différends, notamment à travers l’établissement et le renforcement d’un partenariat stratégique entre l’ONU et ces organisations.

M. JONATHAN COHEN (États-Unis) a affirmé que la Fédération de Russie avait la capacité de mettre un terme à l’escalade militaire dans la région, citant, notamment, son rôle en Syrie, et faisant état de frappes aériennes dans cette zone au cours du week-end dernier.  Il a affirmé que les États-Unis étaient déterminés à respecter leur engagement envers le cessez-le-feu conclu avec la Russie en Syrie.

Il a ensuite rappelé que le Conseil de sécurité avait tenu une réunion mensuelle sur le Moyen-Orient, l’occasion pour les États-Unis d’attirer l’attention sur les souffrances humanitaires à Gaza.  Il a dénoncé l’action du Hamas qui, a-t-il affirmé, se préoccupe davantage de perpétrer la violence que d’assurer la prise en charge du peuple palestinien.  Il a déploré l’absence, dans la région, de dirigeants prêts à agir en faveur du changement, à l’instar des Chefs d’État de l’Égypte et de la Jordanie.

M. Cohen a ensuite critiqué le rôle de la République islamique d’Iran et du Hezbollah dans la déstabilisation de la région.  Ce pays, a-t-il accusé, vient ainsi rejoindre l’action déstabilisatrice de la Russie, avant de rappeler que le Conseil de sécurité avait réclamé la démilitarisation du Hezbollah.

Voilà la cause des conflits au Moyen-Orient, a-t-il dit: des dirigeants qui ne veulent pas faire des compromis, des terroristes du Hezbollah qui gèrent le Moyen-Orient comme une armée de mercenaires et l’Iran qui chercher à tirer des avantages en propageant la misère.

Il a toutefois vu une lueur d’espoir dans le fait que cette réunion avait été organisée par la Russie, notant, qu’il y a peu, le peuple russe subissait le joug d’un des gouvernements les plus oppressifs du monde.  Après 70 ans d’un tel régime, les peuples des pays baltes, d’Asie centrale et de l’Ukraine ont enfin leur mot à dire, s’est-il félicité.  Il a ensuite appelé à mieux comprendre l’origine des conflits, insistant sur l’importance pour les peuples de pouvoir se gouverner eux-mêmes.

Abordant la question du conflit en Syrie, M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déploré les souffrances engendrées, après huit années de guerre et environ un demi-million de morts, pour la population syrienne qui, en plus de faire face aux séquelles psychologiques du conflit, est confrontée à une situation humanitaire catastrophique.  En Libye, a-t-il déclaré ensuite, en plus des violations continues du droit international humanitaire et des droits de l’homme, le conflit n’a de cesse de déstabiliser le Mali et l’ensemble de la région du Sahel. 

Quant au conflit israélo-palestinien, le représentant a estimé que l’occupation de Gaza et de Jérusalem-Est par Israël menaçait la sécurité de l’ensemble de la région.  Il a réaffirmé l’attachement de son pays à la solution des deux États, caractérisée par la création d’un État palestinien « libre, souverain et indépendant », d’après les frontières d’avant 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. 

Le Yémen offre un exemple, a par ailleurs déclaré le représentant, des conséquences humanitaires désastreuses de ces conflits, alors que 60% de la population du pays est en situation de précarité alimentaire et que des millions de personnes sont confrontées à une épidémie de choléra.  De telles situations contribuent en outre au déplacement de millions de personnes, qui sont ensuite exploitées par des trafiquants, comme en Libye, où des cas de mise en esclavage ont été rapportés.

Pour mettre fin à ces situations, qui favorisent la prolifération des groupes terroristes, le représentant a appelé à « renoncer aux actions unilatérales, notamment celles visant à renverser des régimes dans la région, » au profit du multilatéralisme.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a relevé que ce qui se passe au Moyen-Orient a un impact direct sur le reste du monde, c’est pourquoi « le but ne doit pas être d’éteindre des incendies quand ils se déclenchent, mais plutôt d’empêcher que le feu ne prenne ».  Cela veut donc dire « s’intéresser à l’étincelle et aux matières combustibles », lesquelles peuvent être identifiées parmi les causes profondes des conflits.  Il a noté que le respect des droits de l’homme est un levain pour des sociétés démocratiques et ouvertes, ce qui favorise l’harmonie et la stabilité.  Et cela est vrai pour toutes les régions du monde.  Il a rappelé que certains pays de la région sont des endroits où prospéraient auparavant plusieurs religions et minorités évoluant ensemble.  Pour stabiliser le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, il est donc important de respecter l’état de droit, la bonne gouvernance et le respect des minorités.  Selon lui, le contexte actuel de turbulence est une raison supplémentaire de rechercher les voies et moyens pour les communautés de s’impliquer, par exemple par le biais d’un dialogue intra et interreligieux.

Étant donné que les conflits de la région sont interconnectés, selon les Pays-Bas, il faut également adopter une approche intégrée de prévention des conflits en trouvant des solutions aux complaintes socioéconomiques.  Toutefois, la responsabilité d’améliorer les relations et de renforcer le dialogue revient en premier lieu aux États de la région.  Il a aussi souligné l’importance de trouver des solutions à trois déficits majeurs: le déficit de liberté; le peu d’autonomisation des femmes; et enfin le déficit de connaissances.

M. van Oosterom a en outre plaidé pour la fin de l’impunité dans la région, rappelant qu’il ne peut y avoir de paix durable sans justice.  Il a souhaité que les auteurs d’atrocités soient poursuivis en justice, y compris toutes les parties aux conflits, parmi lesquelles Daech dont des combattants sont suspectés d’actes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.  Malheureusement, la plupart des graves violations du droit international qui ont lieu dans la région restent impunies, y compris les violations du droit international humanitaire et l’utilisation d’armes chimiques.

Face aux nombreux conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, M. FRANCISCO TENYA HASEGAWA (Pérou) a appelé à réaffirmer les principes du multilatéralisme et du droit international, en particulier le droit international humanitaire, dont il a tenu à rappeler le caractère obligatoire.  Le représentant a également insisté sur la nécessité de sauvegarder le régime de non-prolifération des armes de destruction massive, tout en coopérant davantage pour lutter efficacement contre le terrorisme.

En second lieu, le représentant péruvien a appelé à construire des sociétés pacifiques et ouvertes, administrées par des institutions transparentes et responsables.  Le concept de paix durable, a-t-il souligné, implique de prendre en compte les besoins de tous les segments de la population.  Enfin, il a appelé à promouvoir des dynamiques et mécanismes régionaux nouveaux pour fomenter le dialogue au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a déclaré que pour parvenir à une paix durable en Syrie, il convenait de s’attaquer aux causes profondes du conflit.  Selon lui, ces causes profondes ont trait au manque d’amélioration des conditions de vie de la population syrienne, aux inégalités, à la pauvreté, à l’insécurité et au désir de se libérer de l’oppression d’un régime népotique.  Or, a-t-il affirmé, les autorités syriennes n’ont pas tenu leurs promesses de réforme.  « À l’inverse, la population syrienne s’est enfoncée plus profondément dans la pauvreté », a soutenu le représentant, pour qui cette évolution a aiguisé l’aversion de la population à l’encontre des autorités de Damas.  Pour mettre fin à cette situation, le représentant a estimé que la seule solution était de parvenir à un consensus national sur une transition politique dans le pays, par le biais de discussions entre les représentants de l’opposition et les autorités de Damas.

S’agissant de l’Iran, le représentant polonais a estimé que le Plan d’action global commun était un pas en avant pour stabiliser la région et prévenir la prolifération nucléaire.  Toutefois, il a souligné que ce Plan d’action ne mentionnait pas explicitement l’interdiction du développement de systèmes de lancement de missiles ou la question de l’influence iranienne dans la région, que certains pays perçoivent comme étant négative.  Le représentant a par conséquent estimé que l’Iran devrait s’abstenir de toute action en contradiction avec l’esprit du Plan d’action global commun ou susceptible de remettre en cause la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de l’accord.  En particulier, il s’est dit préoccupé face aux activités de l’Iran allant à l’encontre des provisions de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a rappelé que le Conseil de sécurité est mandaté pour trouver des solutions durables aux conflits, et les peuples du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord y ont placé leurs espoirs.  Il a donc invité les membres du Conseil à rapprocher leurs positions afin d’arriver à des solutions de compromis.  Sur le conflit israélo-palestinien, il a invité les deux parties à accepter, chacune, que l’autre ait le droit d’exister.  Il s’est inquiété qu’en Libye, la crise a eu des conséquences comme la crise migratoire et le trafic d’êtres humains. 

Concernant la Syrie, il faut mettre fin aux souffrances humaines et des solutions internes doivent être trouvées avec le soutien de la communauté internationale.  Pour faire face aux conséquences humanitaires de ce conflit, il faut donc des solutions politiques.  Le représentant a précisé que la plupart des crises de la région sont « un héritage du passé ».  La recherche de solutions ne doit pas s’apparenter à de l’ingérence, et il n’y a pas de solution militaire qui tienne, a-t-il conclu.     

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a relevé que de nombreux conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont liés, et qu’ils représentent 46% de la charge de travail du Conseil de sécurité.  Il y a d’ailleurs eu 120 réunions sur cette question depuis le début de l’année, a-t-il compté.  Il s’est inquiété de l’absence d’une solution au conflit israélo-palestinien et a réitéré la position de principe du Koweït sur cette question.  Il a déploré les problèmes socio-politiques de la Syrie, du Yémen et de la Libye et a appuyé l’identification de solutions politiques pour mettre un terme aux souffrances et renforcer la stabilité régionale.  Il a également appelé à la pleine mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, ce dernier devant par ailleurs faire preuve d’unité et exiger le respect de ses décisions.

Le représentant a fait observer que les retombées des conflits de la région se font ressentir sur d’autres continents, citant notamment le terrorisme et les flux de migration.  Il a plaidé pour le respect de la diversité religieuse et culturelle.  Il a aussi appelé à redoubler d’efforts pour combattre le terrorisme, attirant l’attention sur le fait que le Koweït a accueilli cinq réunions sur cette question au cours des deux dernières années.  Son pays s’apprête en outre à accueillir, au mois de novembre, une conférence internationale sur les principes directeurs relatifs aux combattants terroristes étrangers (Principes de Madrid).

M. OLOF SKOOG (Suède) a déclaré que les conflits au Moyen-Orient étaient de plus en plus interdépendants et recelaient par conséquent des risques de régionalisation accrus.  Or, face à l’échec de l’instauration d’une zone exempte d’armes de destruction massive dans la région, le représentant a jugé très regrettable que l’accord sur le nucléaire iranien, selon lui un parangon de la résolution pacifique des conflits, ait été remis en cause.  Il a affirmé que la Suède, au même titre que l’Union européenne (UE), continuerait d’appuyer la mise en œuvre du Plan d’action global commun.

Face à la multiplication des conflits dans la région et face à l’ampleur de leurs conséquences humanitaires, le représentant suédois a appelé à faire en sorte que le dialogue régional et international soit la principale modalité de la résolution des conflits.  Il a appelé le Moyen-Orient à s’inspirer de l’expérience des accords de sécurité conclus dans d’autres régions.  À ses yeux, construire l’équivalent de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au Moyen-Orient fournirait un partenaire privilégié supplémentaire à l’ONU dans la région, comme c’est actuellement le cas avec l’Union africaine.  Cela permettrait également, a-t-il affirmé, de mieux lutter contre des menaces transversales comme le terrorisme.

M. VERSHININ (Fédération de la Russie), reprenant la parole en sa capacité nationale, a rappelé l’initiative russe en faveur de la tenue d’un sommet israélo-palestinien.  Il a appelé à accélérer les efforts du Quatuor et au respect scrupuleux des documents juridiques élaborés par le Conseil de sécurité.  Il a aussi réclamé la cessation des colonies de peuplement, exhortant par ailleurs à remédier à la situation humanitaire à Gaza.

Le Vice-Ministre russe a ensuite insisté sur le rôle des garants d’Astana, affirmant que grâce à leurs efforts, « on peut enfin envisager une sortie politique au conflit syrien ».  Il a appelé à poursuivre la lutte contre le terrorisme, insistant sur l’attachement de la Russie au régime de cessation des hostilités.  « La Russie plus que tout autre État a beaucoup fait en faveur du cessez le feu », a-t-il affirmé.  Il a dénoncé les pays qui fournissent un appui aux groupes armés illégaux, soulignant que les zones de désescalade dans le sud-ouest de la Syrie n’ont pas été créées « pour tolérer la présence de terroristes ».  Il a déploré que plus que 40% de cette zone soit à présent contrôlé par le Front el-Nosra.  Il est impossible de conclure un cessez-le-feu avec eux, a-t-il déploré, avant d’accuser les États-Unis de n’avoir « rien fait » pour combattre le terrorisme dans cette zone.

Passant au Yémen, M. Vershinin s’est inquiété de la crise humanitaire qui y prévaut.  Il a aussi appelé à dynamiser le processus politique en Libye, de manière à mettre un terme aux affrontements internes.

Pour Mme MALEEHA LODHI (Pakistan), les intérêts concurrents et les divergences entre les grandes puissances régionales ont alimenté l’instabilité et poussé la région dans un tourbillon de violence.  Cette situation exige, à ses yeux, une approche globale qui tienne compte du contexte historique et régional de chacun des conflits et qui soit conforme aux normes du droit international.  « Nous savons tous que des mesures unilatérales motivées par des intérêts étroits et de fausses suppositions n’ont fait qu’accroître la souffrance des populations de la région », a-t-elle jugé, ajoutant qu’il est préoccupant que de nos jours « il y ait toujours des tentatives faites par certains acteurs externes pour façonner la région en fonction de leurs propres préférences politiques ».

Face à l’inaction du Conseil de sécurité sur la question palestinienne qui s’aggrave, alors même que 130 Palestiniens innocents ont récemment perdu la vie dans la « Grande marche du retour », la représentante a salué la prise de position, à l’Assemblée générale, le 13 juin dernier, avec l’adoption d’une résolution qui reconnaît le droit à la protection et à la sécurité des Palestiniens.  Selon elle, cette discussion sur la protection des civils ne se fait pas « dans l’isolation », mais s’inscrit dans le travail fondamental de prévention des conflits et de défense des droits de l’homme de l’ONU. 

Sur une note plus positive, sa délégation salue le succès des récentes élections parlementaires en Iraq.  « C’est un nouveau chapitre pour la démocratie iraquienne », et un modèle de participation politique inclusive et représentative, a ajouté Mme Lodhi.  Elle a souhaité un règlement politique en Syrie et au Yémen, soulignant la gravité de la situation humanitaire.

M. ANDREA BIAGINI (Italie) a rappelé que son pays, qui borde la mer Méditerranée, est affecté par les conflits aux Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  S’agissant de la crise en Libye, il a plaidé pour le soutien au Plan d’action de l’ONU, mais il a précisé que le chemin reste semé d’embuches comme le laissent voir les attaques terroristes contre les autorités nationales.  Préoccupée par la situation à Derna, l’Italie appelle à un cessez-le-feu afin que l’aide soit apportée aux populations.  Il faut également arrêter des mesures logistiques pour la réussite des futures élections en Libye. 

Il est tout aussi important de lutter contre le trafic d’êtres humains en Libye, a déclaré le représentant en déplorant le fait que l’Italie se soit retrouvée « seule face au déferlement de migrants ».  Le pays demande donc une assistance pour un problème qui doit être traité par l’Union européenne, de manière consensuelle.  Il faut aussi renforcer les capacités des pays d’origine et de transit des migrants afin qu’ils puissent mieux contrôler leurs frontières.

Mme FEDA ABDELHADY-NASSER, Observatrice de l’État de Palestine a dénoncé la tragédie imposée à son peuple, notant que des interrogations se font jour face aux politiques de deux poids, deux mesures, de la communauté internationale.  « Avec chaque veto, le sentiment d’injustice ne fait que s’exacerber », a-t-elle indiqué, notant que la confiance dans le Conseil de sécurité ne fait que faiblir face à l’absence du principe de responsabilité.  Elle a dénoncé l’impunité dont jouit Israël, pour ensuite s’alarmer du lourd tribut humanitaire du peuple palestinien.

Elle a appelé le Conseil à ouvrir la voie vers « une nouvelle réalité au Moyen-Orient » en s’attaquant à la crise à Gaza et en résolvant la question palestinienne dans sa totalité.  Elle a réclamé l’accélération des efforts diplomatiques en faveur de la région, et la fin de l’occupation israélienne.  Elle a regretté que le Conseil soit plongé dans l’inaction du fait d’un seul veto.  Elle a rejeté la politisation du travail humanitaire, comme cela a été « honteusement » fait pour l’UNRWA, ainsi que les tentatives de mettre sur un même pied la cause palestinienne et le terrorisme.

La représentante a rappelé les compromis historiques et douloureux acceptés par sa délégation.  Tout accord viable doit garantir la réalisation des droits inaliénables du peuple palestinien, a-t-elle souligné, avant de réaffirmer son appui aux processus multilatéraux.  Elle a appelé le Conseil à engager le Quatuor, la Russie, et les États-Unis, entre autres, à honorer leurs obligations.

M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) a déclaré que la sélectivité dont a toujours fait preuve le Conseil de sécurité dans l’examen des questions clefs liées à la situation au Moyen-Orient, ainsi que les politiques de deux poids, deux mesures « flagrantes », avaient contribué à la détérioration de la situation.  Selon lui, la réalisation d’une solution juste et durable à la cause palestinienne doit être la plus haute des priorités.  En outre, ignorer le refus d’Israël d’adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) rend la région particulièrement vulnérable aux conflits, à la course aux armements et aux prétextes pour des interventions étrangères.  Il a rappelé le traité pour la paix signé entre l’Égypte et Israël il y a 40 ans, y voyant la preuve de la dimension politique du conflit arabo-israélien.  Cet accord n’a pas non plus isolé l’Égypte du reste du monde arabe, ni empêché d’œuvrer en faveur des droits du peuple palestinien.

La région fait face à une attaque persistante contre le concept moderne de l’État-nation depuis « l’erreur historique » qu’a été l’invasion de l’Iraq en 2003, a constaté M. Edrees.  Poursuivant, il s’est prononcé en faveur d’un dialogue institutionnel régional semblable au Processus d’Helsinki, et a proposé que le Secrétaire général invite les États de la région à une conférence avec les membres permanents du Conseil pour négocier la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et de destruction massive.  Le déséquilibre en termes de capacités militaires, notamment eu égard au refus d’Israël d’adhérer au TNP, ainsi que les préoccupations qui entourent, à la lumière des événements récents, la nature pacifique des activités nucléaires iraniennes, n’est pas propice à l’émergence d’un environnement favorable aux mesures de rétablissement de la confiance et aux négociations, a-t-il conclu.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a jugé essentiel de s’attaquer aux causes profondes des conflits dans le but de ramener durablement la prospérité et la stabilité au Moyen-Orient, une région dont les pays sont composés d’une multiplicité de groupes ethniques et religieux.  « Nous devons dénoncer les politiques sectaires et fomentant la division, au profit de politiques d’ouverture », a-t-il déclaré.  Pour lui, l’évolution récente de la situation en Palestine a démontré une nouvelle fois l’urgence qu’il y avait à redynamiser le processus de paix.  « Nous le rappelons à nouveau: le statu quo n’est pas acceptable », a-t-il dit, avant de réaffirmer le soutien de la Turquie à la solution des deux États.  Cependant, a dénoncé le représentant, l’absence de progrès tangibles dans le cadre du processus de paix ne cesse d’envenimer les tensions.  Gaza est au bord de l’effondrement après une décennie de blocus.  La tragédie de Gaza, a-t-il ajouté, est également aggravée par le déficit de financement chronique de l’UNRWA. 

Il faut aussi, a déclaré M. Sinirlioğlu, apaiser les tensions sur le terrain en Syrie, où la Turquie continue de lutter contre les groupes terroristes.  Grâce aux opérations menées par la Turquie en Syrie, plus de 4 000 kilomètres carrés ont été repris aux groupes terroristes et 160 000 Syriens ont été en mesure de rentrer chez eux, s’est-il félicité.  Malgré ces gains militaires contre Daech, le représentant a indiqué que les destructions économiques engendrées en Syrie, tout comme en Iraq, par la guerre et le groupe terroriste, demeuraient un problème majeur.  Il a par conséquent appelé la communauté internationale à augmenter l’aide à la reconstruction et au développement, en faisant en sorte que l’octroi de cette aide ne soit guidé par des intérêts nationaux.

Mme MARIA THEOFILI (Grèce) a mis l’accent sur la crise syrienne qui a un impact particulier sur la Grèce avec les nombreux réfugiés qui s’y rendent.  Elle a plaidé pour une solution politique afin de régler la question des réfugiés de manière globale.  Pour restaurer la paix et la stabilité dans la région, il faut passer par un processus politique dans lequel l’ONU doit jouer un rôle central.  La représentante a insisté sur la responsabilisation des acteurs politiques du Moyen-Orient, tout en appelant au renforcement de la coopération entre eux.  C’est dans cette optique qu’avec Chypre, la Grèce a mis en place des canaux pour une coopération privilégiée avec des pays comme l’Égypte et Israël.

M. KORNELIOS KORNELIOU (Chypre) a relevé que la situation de son pays est un exemple patent des crises qui frappent la région du Moyen-Orient.  « Si le droit international n’avait pas été violé, alors la question de Chypre ne se poserait même pas. »  Il n’y a pas d’autres options que de rechercher des solutions négociées sous les auspices de l’ONU, a-t-il affirmé, avant de saluer la décision du Secrétaire général d’envoyer un haut responsable de l’ONU à Chypre pour y tenir des consultations en vue de la reprise du processus politique.  Il a précisé que la présence de troupes étrangères à Chypre après un accord ne serait plus opportune.

Même si Daech a été défait, il demeure une menace et il faut donc que la communauté internationale fasse en sorte que ce groupe terroriste ou d’autres groupes radicaux n’exploitent de nouveau l’instabilité politique pour se renforcer, a poursuivi le représentant.  Il a noté qu’une solution au conflit israélo-palestinien aura un impact sur d’autres crises de la région.  Il a appelé à un accord global, basé sur la solution des deux États, et en accord avec le droit international, avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et l’Initiative de paix arabe.  En Syrie, M. Korneliou a plaidé pour un processus politique de sortie de crise, appelant à une Syrie unifiée, souveraine et indépendante, sans force d’occupation étrangère.  Enfin, il a dénoncé les efforts visant à éliminer les chrétiens et d’autres groupes religieux minoritaires au Moyen-Orient, avant de condamner la destruction délibérée de l’héritage culturel en Syrie et en Iraq.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a dénoncé les gouvernements de certaines puissances financières, politiques et militaires qui tentent, selon lui, d’instrumentaliser l’ONU à leur profit et n’ont de cesse de « semer la discorde internationale dans le but de voler les richesses de pays tiers ».  Ces gouvernements, dont certains se trouvent au sein même du Conseil de sécurité, ont pour pratique de fabriquer des conflits régionaux au détriment de la paix internationale.  Ces puissances, a poursuivi le représentant, s’opposent au système multilatéral et se croient tout permis, y compris se livrer à des agressions militaires directes contre d’autres pays, avant de qualifier ces agressions de « guerre contre le terrorisme ».  Ces pays, a ajouté le représentant, soutiennent l’occupation israélienne dans les territoires arabes, appuient les soulèvements terroristes, qu’ils qualifient ensuite de « printemps multicolores », et créent des alliances avec des dictatures wahhabites, qualifiées ensuite de « partenariats stratégiques ».  L’un de ces pays, a-t-il précisé, a récemment quitté l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Conseil des droits de l’homme et l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Qui sait, a ajouté le représentant, peut-être que cette puissance va également se retirer de l’ONU? 

À ses yeux, la principale cause des crises au Moyen-Orient demeure l’occupation israélienne des terres arabes, y compris le Golan arabe syrien.  La Syrie souffre d’une des plus grandes crises au monde depuis près de huit années, a par ailleurs déclaré M. Ja’afari.  Or, selon lui, ce conflit a été monté de toutes pièces par certains pays, qui ont dépensé des millions de dollars pour financer des groupes armés et terroristes sur le territoire syrien.  Ces pays ont également soutenu et facilité l’envoi de milliers de combattants terroristes étrangers en Syrie, « y compris et surtout à travers la Turquie ».  Et maintenant, ces mêmes pays disent avoir peur du retour des combattants terroristes étrangers chez eux, a ironisé le représentant, selon qui les États-Unis continuent d’entraîner des terroristes et groupes armés dans environ une vingtaine de sites en Syrie et appuient régulièrement les attaques de l’armée syrienne par Daech.  Les États-Unis, a-t-il encore accusé, sont en train de falsifier des preuves et des rapports sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.

À son homologue turc, qui a affirmé dans sa déclaration que son pays avait libéré des territoires au nord de la Syrie, le représentant a rappelé que les principes du droit international exigent de la Turquie qu’elle coopère avec la Syrie avant de violer son territoire sans demande préalable.  Or, a-t-il affirmé, la Syrie n’a reçu aucune demande de la part de la Turquie.  De plus, le représentant syrien a affirmé que le Gouvernement turc était la cause principale de la propagation du terrorisme dans le nord de la Syrie, où la Turquie a selon lui financé et entraîné des groupes terroristes. 

M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) a souligné que l’occupation israélienne des terres palestiniennes est au cœur de tous les conflits au Moyen-Orient, dénonçant notamment les « nouveaux meurtres de masse » commis contre des civils palestiniens non armés, ainsi que les annonces concernant Jérusalem-Est et le transfert de l’ambassade des États-Unis.

Il a noté que les ingérences étrangères, l’occupation et l’instabilité qui s’ensuivent créent un terreau particulièrement fertile pour le terrorisme et des groupes extrémistes.  Les crises en Libye, en Iraq, en Syrie et au Yémen ont également été fomentées par l’invasion, les interventions étrangères illégales, l’extrémisme et la violence, a-t-il noté.  Il a aussi affirmé l’échec de la communauté internationale à répondre aux racines des conflits, et la « naïveté » d’acteurs transrégionaux.

Le représentant a dénoncé les crimes de guerre commis par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen.  Il a appelé la communauté internationale à en tenir cet État pour responsable et à intervenir pour mettre un terme à « cette opération militaire insensée », notamment les attaques actuellement en cours contre la ville portuaire de Hodeïda, et établir un cessez-le-feu.

M. Khoshroo a ensuite souligné que l’Iran n’avait eu de cesse de réclamer un règlement pacifique du conflit en Syrie.  Il a affirmé que pendant que les États-Unis et leurs alliés régionaux cherchaient à atteindre des objectifs étroits et sans clairvoyance, l’Iran et la Russie s’étaient beaucoup sacrifiés pour combattre Daech et d’autres groupes terroristes dans la région.  

Il a également indiqué que le « format d’Astana » dont les garants sont la Fédération de Russie, la Turquie et son pays avait permis d’élaborer une plateforme commune pour combattre le terrorisme et contribuer à la paix et à la stabilité de la Syrie.

Le délégué a en outre affirmé que les déclarations « iranophobiques » qui se font entendre ces jours étaient perpétuées par ceux qui cherchent à créer un ennemi imaginaire afin de vendre leurs armes et de créer une course à l’armement dans la région.  Il a appelé les pays de la région à privilégier le dialogue, le rétablissement de la confiance et la coopération entre voisins au lieu de chercher « à acheter ou à sous-traiter leur sécurité ».

Il a par ailleurs appuyé la création d’un forum régional pour le dialogue dans le golfe Persique pour y résoudre la crise.

Mme NOA FURMAN (Israël) a estimé que la République islamique d’Iran jouait un rôle central dans la déstabilisation de la région.  Ses menaces se manifestent par « ses ambitions dans le nucléaire militaire; la promotion de l’instabilité régionale à travers des groupes terroristes par procuration; et son programme de missiles balistiques ». 

Le programme nucléaire iranien demeure, selon Israël, la menace la plus dangereuse à la paix et à la sécurité internationales, a-t-elle relevé, en disant que l’on ne pouvait fermer les yeux face à ses ambitions nucléaires et ses intentions bien connues.  Elle a accusé le pays d’avoir continué son programme nucléaire, même après avoir signé le Plan d’action global commun en 2015.

Mme Furman a ensuite accusé l’Iran d’avoir un régime violent, assurant qu’aucune communauté ni aucun pays de la région du Moyen-Orient ne sont à l’abri des ambitions hégémoniques de cet État qui veut « dévorer ses voisins, son voisinage et même au-delà ».  Elle a ainsi accusé l’Iran d’avoir pour plan ultime d’« exporter la révolution à travers le monde ».  Elle a invité à regarder la carte du Moyen-Orient afin d’y voir le plan de l’Iran qui a « déployé stratégiquement des groupes alliés à travers la région avec pour but de former un pont terrestre reliant Téhéran à la mer Méditerranée, en passant par l’Iraq, la Syrie et le Liban. 

Elle a accusé l’Iran d’avoir également renforcé sa présence militaire en Syrie avec pas moins de 1 500 combattants qui commandent des milices chiites.  Pour Israël, l’Iran a fait entrer subrepticement des armes sophistiquées au Yémen en faveur des houthistes, et en Iraq la situation n’est pas différente.  Au Liban, a souligné la représentante, Israël ne permettrait pas que le Hezbollah acquière des capacités militaires fournies par l’Iran.

Selon Israël, il est ironique que l’Iran fasse mention du principe de la légitime défense alors que le reste du monde est menacé pas les missiles balistiques iraniens.  Elle a également affirmé que le but ultime pour l’Iran est clair: « la destruction d’Israël ».  

Elle a terminé en disant qu’il n’est pas tard pour empêcher l’Iran de poursuivre ses politiques malveillantes à travers la région, assurant du reste qu’Israël savait comment se protéger. 

M. MAGED ABDELFATTAH ABDELAZIZ, Observateur permanent de la Ligue des États arabes, a rappelé que le Moyen-Orient avait été le théâtre d’un grand nombre de guerres « dévastatrices » depuis la création des Nations Unies.  Selon lui, l’une des principales causes de ces conflits à répétition a trait à « l’absence de tout horizon politique clair » pour le processus de paix dans le conflit israélo-palestinien.  Entre autres exemples, le représentant a mentionné la décision des États-Unis de déplacer ses locaux diplomatiques à Jérusalem, au mépris du statu quo international concernant la Ville sainte.  Il a également mentionné les tentatives visant à exclure la question des réfugiés du règlement final du conflit, comme en témoigne selon lui la diminution du financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  Tout cela, a-t-il affirmé, démontre la nécessité d’adopter une approche « plus claire et exhaustive ». 

M. Abdelaziz a regretté l’absence d’efforts de la part de l’ONU pour faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes de destruction massive.  En conséquence, a-t-il déploré, Israël continue de disposer d’une capacité nucléaire d’une ampleur inconnue, au risque de provoquer une course à l’armement conventionnel dans les autres États de la région pour tenter de restaurer un certain équilibre avec Israël.

Par ailleurs, l’Observateur permanent a déploré « l’ingérence croissante de nations tierces dans les affaires intérieures des pays arabes ». Certains pays, a-t-il relevé, appuient les Kurdes et d’autres le Hezbollah ou le Jihad islamique.  D’autres soutiennent les Frères musulmans, ou bien les Chiites, pour déstabiliser les pays sunnites.  Et d’autres encore, a-t-il continué, appuient des groupes terroristes tels que Daech pour affaiblir certains gouvernements de la région.  À ses yeux, certains membres du Conseil de sécurité exploitent les différends entre nations arabes à leurs propres fins, comme en témoigne l’utilisation constante du droit de veto dans les conflits arabes, qui sont devenus des « conflits par procuration entre grandes puissances ».  En particulier, il a dénoncé l’ingérence de l’Iran dans les pays arabes.

Mme SIMA SAMI I. BAHOUS (Jordanie) a déclaré que la région avait besoin d’un engagement politique véritable et d’une approche claire pour parvenir à la paix.  Pour cela, il faut des négociations avec un programme précis pour parvenir à la solution des deux États, une Palestine indépendante et établie sur les frontières de 1967, et avec Jérusalem-Est comme capitale. 

Elle a affirmé que la Jordanie allait continuer de défendre Jérusalem et ses lieux saints, conformément à la tutelle hachémite du Roi de Jordanie.  Elle a rappelé que Jérusalem-Est faisait partie intégrante des terres occupées en 1967 par Israël.

La représentante a ensuite plaidé pour un soutien aux pays qui accueillent les réfugiés de la région, comme la Jordanie, qui a ouvert ses portes à quelque 1,3 million de Syriens.  Elle a souligné que le pays ne pouvait assumer seul cette charge, tout en assurant que son pays continuerait de soutenir les réfugiés palestiniens, plaidant pour un soutien accru à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). 

Elle a invité à un règlement de la crise syrienne, saluant l’accord de désescalade auquel son pays a contribué dans le sud de la Syrie.  Elle a aussi affirmé que la solution politique était la seule viable au Yémen.  Elle a enfin plaidé pour l’autonomisation des femmes et jeunes du Moyen-Orient, afin qu’ils puissent participer à la vie de leurs sociétés. 

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a salué les efforts du Conseil de sécurité pour résoudre les crises au Moyen-Orient.  Elle a appelé ce dernier à s’attaquer davantage aux causes profondes des conflits et à promouvoir les mécanismes de coopération à l’échelle régionale.

Selon la représentante, le blocus unilatéral imposé à son pays incarne précisément le genre de « politiques irresponsables » dont souffre le Moyen-Orient, qui font fi du droit international et du principe des relations amicales entre États voisins.  Elle a également dénoncé les actes de piratage qui ont récemment pris pour cible l’espace cybernétique du Qatar.

Face à cette situation et aux nombreux autres conflits dans la région, la représentante a appelé à instaurer un « régime régional pour le maintien de la paix et de la sécurité », régime qui comporterait des règles de bonnes conduites entre États de la région.

M. KHALED MOHAMMED H. ALMANZLAWIY (Arabie saoudite) a rendu hommage au peuple palestinien pour sa résistance et a assuré que son pays continuera de lui apporter son soutien, comme le démontrent les 50 millions de dollars annoncés pour l’UNRWA au dernier sommet de la Ligue des États arabes.  Il a appelé le Conseil de sécurité à faire en sorte qu’Israël se conforme à ses obligations internationales.  Saluant la résolution sur la protection du peuple palestinien adoptée la semaine dernière par l’Assemblée générale, il a regretté que le Conseil n’ait pu en faire autant.

La coalition arabe au Yémen, à la demande du Gouvernement du Yémen, a pour but de sauver le pays des rebelles houthistes soutenus par l’Iran, a par ailleurs assuré le représentant.  Il a expliqué que les forces de la coalition se gardent de cibler les civils, mais que les rebelles utilisent femmes et enfants comme « boucliers humains ».  De plus, des missiles iraniens fournis aux Houthis sont régulièrement tirés en direction l’Arabie saoudite, ce que viennent attester les rapports de l’ONU.  Le délégué a invité le Conseil de sécurité à « prendre des mesures appropriées contre l’Iran qui adopte des pratiques terroristes qui déstabilisent la région ». 

Par ailleurs, l’Arabie saoudite, qui a déboursé 100 millions de dollars pour l’assistance au peuple de la Syrie, accueille près de 2,4 millions de Syriens sur son territoire.  Enfin, M. Almanzlawiy a demandé que les auteurs de l’usage d’armes chimiques en Syrie soient tenus pour responsables de leurs actes.

« Monsieur le Président, regardez le calendrier mensuel du Conseil de sécurité cette année », a demandé Mme AMAL MUDALLALI (Liban).  « Le Moyen-Orient, ses peuples, leurs espoirs et leurs souffrances figurent chaque mois au cœur de votre agenda », a-t-elle souligné, avant de mentionner l’occupation de la Palestine et les millions de personnes déplacées en Syrie, au Yémen, en Iraq et en Libye.

S’agissant du conflit israélo-palestinien, la représentante a constaté que, après des années de négociation, des dizaines de résolutions des Nations Unies, des dizaines d’accords et d’initiatives et « d’innombrables concessions » de la part des Palestiniens, la paix n’est toujours pas en vue.  Elle a souligné que le Liban demeurait engagé en faveur de l’Initiative de paix arabe.  À ses yeux, seule la reconnaissance de Jérusalem-Est en tant que capitale de l’État de Palestine, dans le cadre de la solution des deux États, permettra de parvenir à une paix durable.

Par ailleurs, Mme Mudallali a affirmé que la situation dans le sud du Liban demeurait calme, principalement grâce à la présence des forces armées libanaises.  Toutefois, a-t-elle dénoncé, ce calme, ainsi que la souveraineté du pays, sont constamment violés par Israël, « sur la terre, dans les airs comme en mer ».  La représentante a rappelé l’attachement de son pays à la résolution 1701 (2006) du Conseil et au principe d’un cessez-le-feu permanent dans la zone.  C’est pourquoi, a-t-elle précisé, son pays en a appelé aux bons offices du Secrétaire général et aux bons offices de l’ONU.  Le Liban, a-t-elle ajouté, considère que le Mécanisme tripartite constitue le forum idoine pour régler les problèmes et tensions le long de la Ligne bleu, dans le sud du pays.  Enfin, la représentante a appelé les grandes puissances et le Conseil de sécurité à cesser d’instrumentaliser les conflits au Moyen-Orient et à « ne pas réduire la région à une arène au sein de laquelle ces puissances luttent pour étendre leur influence ».

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a décrié les interventions étrangères dans les pays de la région, en vue de modifier le statu quo politique dans ces pays qui deviennent, malgré eux, « le théâtre du transfert des conflits entre les grandes puissances du monde ».  Il s’est demandé pourquoi les mesures unilatérales semblent l’emporter sur les résolutions du Conseil de sécurité dans la gestion des crises de la région. 

Le délégué libyen a par ailleurs souhaité que les jeunes et les femmes aient plus d’espace d’expression et de participation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  Il a plaidé pour la modification des systèmes éducatifs, afin notamment de faire face aux idéologies extrémistes qui ont le vent en poupe et qui sont parfois relayées par les médias.  « Il est insensé de croire que tuer rapprochera de Dieu », a-t-il lancé en déplorant l’exploitation de la religion à des fins politiques.  Enfin, il a demandé au Conseil de revoir le régime de sanctions appliqué à la Libye, arguant que l’objectif de préserver les avoirs libyens ne semble pas être atteint, puisque certains États où ses avoirs se trouvent essayent de s’en accaparer.

S’agissant du conflit israélo-palestinien, Mgr BERNADITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a réitéré son appui à la solution des deux États et appelé le Conseil de sécurité à la protéger.  Il a également rappelé l’obligation de tous les États de respecter le statut historique de la Ville sainte, soulignant que la préservation de son identité et de son importance peut être garantie par un statut international agréé dans le but d’appuyer la paix et la réconciliation dans la région.

L’Observateur permanent a appelé au respect de l’état de droit, notant que de nombreux membres de minorités ethniques et religieuses auraient pu se voir épargner des atrocités si cela avait été le cas.  Il a également insisté sur les liens entre le respect des droits de l’homme et du droit international et le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

M. OMAR KADIRI (Maroc) a appelé le Conseil de sécurité à agir de manière « coordonnée et résolue » pour faire face aux différents conflits au Moyen-Orient.  S’agissant du conflit israélo-palestinien, il a déploré l’arrêt des négociations de paix depuis 2014, la poursuite de la politique de colonisation israélienne, la judaïsation de la Ville sainte et, plus récemment, l’escalade des violences à Gaza.  Ces différents développements, a-t-il déclaré, ne favorisent en rien la reprise des négociations.  Il a réitéré le soutien de son pays envers la solution des deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de l’État palestinien.

En ce qui concerne la Libye, le représentant a rappelé que son pays avait abrité les pourparlers de paix interlibyens à Skhirat.  Il a appelé les parties à trouver une solution politique et consensuelle au conflit libyen, sous l’égide de l’ONU.  Constatant la recrudescence des groupes terroristes, notamment Daech, dans le monde et, plus particulièrement, en Afrique du Nord, M. Kadiri a rappelé l’engagement de son pays à lutter contre ce phénomène, comme en témoignent son action internationale et l’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme.

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a relevé que son pays accordait une importance majeure à la paix au Moyen-Orient, y compris par le biais de la solution des deux États qui passe donc par l’indépendance de l’État de Palestine, avec Jérusalem-Est comme capitale. 

Il a affirmé que l’une des raisons des crises dans la région est l’intervention de certains États dans les affaires internes d’autres pays.  Il a accusé précisément la République islamique d’Iran de vouloir déstabiliser le Yémen, plaidant pour son unité et sa stabilité et affirmant son soutien à la coalition arabe visant à libérer le pays. 

Il a invité la communauté internationale à mettre fin à l’action de « pays renégats » qui accentuent la souffrance des peuples du monde.

M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a estimé que le meilleur moyen de lutter contre les conflits au Moyen-Orient était de garantir le développement durable, l’égalité des chances et la participation de toutes les composantes de la population aux richesses nationales.

Il a en outre appelé à éviter l’ingérence dans les affaires intérieures des pays de la région, phénomène qui contribue selon lui à renforcer les tensions ethniques et communautaires, au profit des conflits.  La répartition juste et égale des ressources maritimes entre États voisins d’un même cours d’eau, a-t-il estimé, est également indispensable pour réduire les injustices et résorber les tensions entre pays à l’échelle régionale. 

« Nous sommes préoccupés par les conséquences délétères de la présence d’armes de destruction massive au Moyen-Orient », a par ailleurs déclaré le représentant, appelant à créer une zone exempte d’armes de destruction massive dans la région.  De manière générale, le délégué a souligné l’intention de son pays d’être une force de stabilité aux niveaux régional et international.

L’occupation israélienne constitue la principale source d’instabilité au Moyen-Orient, a en outre estimé le représentant, appelant à créer un État palestinien indépendant, selon le tracé des frontières antérieur à 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.  Il a également appelé Israël à se retirer de tous les territoires arabes occupés.

L’Iraq est attaché à l’intégrité territoriale de la Syrie, a par ailleurs déclaré le représentant, pour qui la fin du conflit doit impérativement passer par l’instauration d’un dialogue intersyrien.  L’Iraq est fortement affecté par la crise syrienne, a-t-il ajouté, dans la mesure où Daech opère dans les régions frontalières entre les deux pays.  Le représentant a ainsi estimé que l’Iraq et la Syrie devaient poursuivre leur coopération sur cette question.  Il a également appelé à mettre un terme au carnage au Yémen et à faire avancer les pourparlers de paix en Libye. 

Aux yeux du représentant, l’idéologie takfiriste, incarnée par Daech, Al-Qaida et d’autres groupes terroristes, a semé les graines du sectarisme dans la région.  Il a appelé l’ONU à faire toute la lumière sur les destructions de biens culturels sur le territoire iraquien. 

Enfin, le représentant a réitéré l’engagement de son gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le retour des réfugiés et la stabilité économique du pays.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a affirmé que la diplomatie sera toujours fondamentale pour résoudre les crises dans la région.  Elle a accusé la République islamique d’Iran de bafouer constamment les principes de la Charte des Nations Unies, notamment en voulant établir sa domination dans les pays arabes.  Elle a en revanche estimé que des pays modérés essayaient de faire progresser le Moyen-Orient tout en rejetant les idéologies extrémistes.

La véritable stabilité dans la région, a-t-elle poursuivi, ne peut s’imposer de l’extérieur, mais elle doit résulter du leadership arabe.  Il ne faut donc pas refaire les erreurs du passé, notamment celles d’après la Première Guerre mondiale.  « Il faut aussi que le Conseil de sécurité joue pleinement son rôle et évite d’être hors sujet. » 

Sur le cas du Yémen par exemple, elle s’est dite étonnée de voir que certains parlent de l’intervention de la coalition arabe comme une cause du conflit, alors même que le chaos est né des actions des houthistes qui ont entamé la déstabilisation des institutions dès 2014.

Pour la Syrie, elle a estimé que le rôle des Arabes est important pour parvenir à la fin de la crise.  Selon la représentante, « même si des puissances extérieures veulent y imposer leurs décisions, il ne faut pas oublier que la Syrie est un pays arabe, et son avenir ne peut être décidé sans l’implication des Arabes ».

Elle a également rappelé que le non-respect des droits des Palestiniens servait de prétexte aux idéologues de la violence dans la région.  Pour que la paix soit effective dans la région, il faut lutter contre le terrorisme.  C’est pourquoi des États de la région ont pris des mesures contre le Qatar à cause de son soutien au terrorisme dans le monde.

Pour leur part, les Émirats arabes unis s’engagent à réformer leurs institutions afin de renforcer la bonne gouvernance.  Elle a insisté sur l’importance de réformer les institutions des pays de la région afin de rétablir la confiance entre les dirigeants et les populations. 

Elle a terminé en appelant les partenaires de la région à « respecter l’égalité des voix sur la table des discussions », afin de faire avancer le Moyen-Orient.

M. AGSHIN MEHDIYEV, Observateur permanent de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a appelé Israël à mettre un terme à l’occupation des terres palestiniennes, engageant par ailleurs la communauté internationale à faire preuve d’impartialité sur cette question.  Il s’est inquiété de l’impact des interventions étrangères et des guerres de proximité menées dans la région,

soulignant que la médiation ne doit pas se faire sous la contrainte.  D’après lui, les préjugés culturels et civilisationnels alimentent les discours extrémistes, tandis que l’islamophobie, la xénophobie et le racisme menacent la paix et la sécurité.  Il s’est alarmé de l’étendue de la diffamation et de la calomnie à l’encontre de l’Islam et des musulmans en Occident.

M. Mehdiyev a appelé la communauté internationale à manifester la volonté politique nécessaire pour trouver une issue au conflit arabo-israélien et à établir une culture de paix et de sécurité fondée sur la dialogue et qui mette l’accent sur les alertes précoces et les réponses préemptives.  Il a recommandé la création d’un « réseau de médiateurs et d’experts de l’ONU et de l’OCI », ainsi que la promotion d’une approche de la médiation « plus sensible à la culture et à la religion ».

S’agissant du conflit israélo-palestinien, M. GERTON VAN DEN AKKER, délégué de l’Union européenne, a réaffirmé son attachement à la solution des deux États.  Il a mis en garde contre toute action susceptible de saper les bases de cette solution, y compris la poursuite par Israël de ses activités illégales de colonisation. 

Face aux violences survenues récemment à Gaza, dans lesquelles de nombreux Palestiniens ont trouvé la mort, le représentant a appelé Israël à respecter les droits des manifestants et à ne pas faire un usage excessif de la force, notamment à l’encontre des civils. 

Le représentant a également exhorté l’ensemble des parties à faire preuve de retenue pour éviter une détérioration de la situation actuelle.  À ce titre, il a estimé que les organisateurs des manifestations à Gaza, y compris le Hamas, devaient éviter toute provocation, notamment en s’assurant de la non-violence de ces manifestations.  Dans ce cadre, le représentant a condamné les tirs de roquettes depuis Gaza en direction d’Israël.

En ce qui concerne Jérusalem, le représentant a rappelé que l’Union européenne (UE) continuerait de respecter le statut international de la Ville sainte, y compris du point de vue des relations diplomatiques, et ce, jusqu’à ce qu’un accord final soit conclu sur le sort de Jérusalem.  Enfin, le représentant s’est inquiété de la réduction significative des fonds alloués à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

S’agissant du conflit syrien, le représentant a condamné les violations continues du droit international humanitaire et l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien et par Daech.  « Le régime syrien est le principal responsable de cette situation », a-t-il affirmé, déplorant, en outre, la persistance d’entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire dans le pays, malgré la détérioration de la situation pour les civils sur le terrain.

Constatant, en outre, les violations répétées de la cessation des hostilités dans les « zones de désescalade », le représentant a appelé les parties au processus d’Astana, à savoir la Russie, l’Iran et la Turquie, à garantir la fin des combats de manière durable dans ces zones.

Par ailleurs, le représentant s’est dit préoccupé par l’intensification des combats au Yémen.  Il a condamné les attaques contre les civils et a appelé les parties à respecter le droit international humanitaire.  L’intensification des combats, a-t-il mis en garde, risque de saper les efforts onusiens pour relancer les négociations sur un accord politique.

Le représentant a également condamné les tirs de missiles balistiques auxquels ont procédé les houthistes en direction de l’Arabie saoudite.  Il s’est dit gravement préoccupé par la prolifération de missiles balistiques dans la région.

Concernant le Plan d’action global commun, le représentant a sincèrement regretté la décision du Président des États-Unis de se retirer de l’accord.  Tant que la République islamique d’Iran s’acquittera de ses obligations vis-à-vis du Plan, le représentant a indiqué que l’UE demeurerait fermement attachée à sa mise en œuvre.  Tout en reconnaissant le danger que représentent les missiles balistiques dans la région, il a estimé que ce problème devait être réglé séparément, en dehors du Plan d'action global commun.

Enfin, le représentant a souligné que l’UE avait déployé l’opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale, aussi appelée EUNAVFOR MED opération SOPHIA, ainsi qu’une mission civile, l’EUBAM Libya, afin d’appuyer la Libye dans un certain nombre de domaines, y compris la mise en œuvre de l’embargo sur les armes, la lutte contre la traite des personnes et le contrôle des frontières.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Face à un déficit de 250 millions de dollars, 20 États s’engagent à soutenir financièrement en 2018 l’Office pour les réfugiés (UNRWA)

Commission spéciale pour les annonces de contributions volontaires à UNRWA
1re séance – après-midi
AG/12033-PAL/2223

Face à un déficit de 250 millions de dollars, 20 États s’engagent à soutenir financièrement en 2018 l’Office pour les réfugiés (UNRWA)

Vingt États Membres ont, cet après-midi, annoncé des contributions supplémentaires pour financer, en 2018, les activités de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)*.  Ces bailleurs de fonds ont profité de la Conférence d’annonces de contributions pour encourager l’Office à élargir sa base de donateurs et à continuer d’explorer des mécanismes innovants de financement en faveur des plus de 5,5 millions de réfugiés palestiniens dont il s’occupe.

Comme l’a expliqué le Commissaire général de l’Office, M. Pierre Krähenbühl, la situation financière de l’Office est soudainement devenue « catastrophique » en janvier 2018, après que le principal donateur, les États-Unis et leurs 300 millions de dollars soient partis.  Concrètement cela signifie une perte de 32% des financements du Fonds général de l’Office et de 70% de ses financements d’urgence.

Ironiquement, cette réduction drastique est intervenue au moment où l’UNRWA était sur le point de stabiliser son budget grâce à des mesures internes et la mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général, a regretté M. Krähenbühl.  Mais face à la plus grave crise de financement de l’histoire de l’Office, « nous n’avions pas de place pour le pessimisme ».  Ainsi dès janvier, l’UNRWA a lancé une stratégie multidimensionnelle de mobilisation de ressources pour éviter une crise humanitaire majeure dans la région et maintenir ses programmes.

D’ailleurs le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a reconnu et salué la capacité de réaction de l’Office, sans pour autant oublier de tirer la sonnette d’alarme car malgré tous ses efforts, l’Office n’est pas encore en mesure de combler son déficit en 2018, une tâche pour laquelle il compte sur le soutien des États Membres.

Lui faisant écho, le Président de l’Assemblée générale, M. Miroslav Lajčák, a insisté sur l’urgence qu’il y a à trouver ces 250 millions de dollars manquants, voire plus.  « Ce n’est pas la première fois que nous avons ce type de discussions », a-t-il noté, « alors brisons ce cercle vicieux », s’est impatienté M. Lajčák. 

Le Commissaire général a récapitulé les initiatives prises depuis janvier pour répondre à ce déficit sans précédent, à commencer par un plan d’austérité mais aussi un appel aux partenaires de l’UNRWA pour qu’ils versent leurs contributions plus tôt dans l’année: 25 pays ont répondu positivement.  L’Office a également lancé une campagne mondiale de collecte de fonds sous le thème « La dignité n’a pas de prix » et s’est associé avec des pays et des institutions pour la mobilisation de la Zakat pendant le mois du Ramadan. 

M. Krähenbühl est aussi revenu sur la réponse encourageante aux appels de fonds de l’UNRWA lors de la Conférence ministérielle de Rome, en mars dernier, organisée en coopération avec l’Égypte, la Jordanie et la Suède.  Ces derniers mois, le Commissaire général a également participé à une série de conférences et de sommets et a rencontré 25 présidents, premiers ministres et ministres des affaires étrangères.  

Cette mobilisation a conduit à des résultats remarquables puisque plus de 200 millions de dollars ont été promis à l’Office, entre mars et mai.  L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar ont chacun promis 50 millions de dollars alors que les contributions du Canada, du Japon, de la Norvège et de la Turquie se situent aux alentours de 10 millions de dollars chacun.  L’Inde a augmenté sa contribution de 1 à 5 millions de dollars et en a fait son nouveau niveau annuel.  Cela reflète une diversification remarquable des sources financières de l’Office, s’est réjoui le Commissaire général.  Grâce à ces efforts collectifs, l’UNRWA a pu maintenir l’année scolaire en cours et tous ses autres services pendant la première moitié de l’année.

Toutefois, le déficit actuel dépasse toujours les 250 millions de dollars et, à ce stade, l’Office n’a plus les ressources nécessaires pour assurer l’ouverture des écoles au mois d’août.  À partir de juillet, il pourrait être obligé de prendre des mesures « très difficiles », a averti le Commissaire général qui a souligné que la situation risque de devenir « extrêmement critique » en Cisjordanie et à Gaza.  Je ne me vois, a-t-il dit, dire aux élèves palestiniens, comme Aya Abbas de Yarmouk, lauréate des élèves de troisième dans toute la Syrie que l’Office ne peut pas garder leurs écoles ouvertes.

Le Commissaire a annoncé la création du Fonds de Waqf de l’OCI/BID et du Fonds d’affectation spéciale de la Banque mondiale.  L’Office attend également les résultats de ses initiatives de collecte de fonds en Turquie, en Indonésie, en Malaisie et aux Émirats arabes unis, principalement au moment du Ramadan.  Parallèlement, il poursuit des réformes qui ont déjà permis de dégager 197 millions de dollars sur deux ans et demi et de réduire encore de 92 millions de dollars le budget des opérations d’urgence. 

L’année 2018 a été extraordinairement difficile jusqu’ici, a reconnu M. Krähenbühl, qui a rendu hommage aux 18 élèves palestiniens de l’Office qui ont perdu leur vie cette année. 

Tous les intervenants ont salué le travail « vital » de l’Office mais aussi les mesures qu’il a mises en place pour mobiliser de nouvelles ressources.  Comme l’a dit le représentant de la Belgique « la fermeture des écoles de l’UNRWA n’est juste pas une option ».  L’Observatrice de l’État de Palestine a rappelé que l’avenir des 500 000 enfants palestiniens dépend de l’UNRWA.  En cette soixante-dixième année de la Naqba, et face à l’absence « préoccupante » d’une solution politique, les Palestiniens exhortent tous les États à se réengager en leur faveur, notamment en finançant l’UNRWA de manière prévisible et durable.

*Le montant total des contributions sera annoncé par l’UNRWA demain, mardi 26 juin.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

« Discussion ouverte et franche » à l’Assemblée générale sur un concept dans « les limbes »: la responsabilité de protéger

Soixante-douzième session,
99e et 100e séances plénières – matin et après-midi
AG/12031

« Discussion ouverte et franche » à l’Assemblée générale sur un concept dans « les limbes »: la responsabilité de protéger

Rompant un « silence » de près de 10 ans, l’Assemblée générale a tenu, aujourd’hui, son premier débat formel sur la responsabilité de protéger, l’occasion de dissiper les nombreuses « craintes » et « incertitudes » que suscite ce concept encore dans les « limbes », selon l’expression du Secrétaire général.

Appel à l’action, pour certains, pour contrer les atrocités de masse, prétexte fallacieux, pour d’autres, pour justifier une ingérence extérieure: la cinquantaine de délégations qui ont pris la parole ont affiché de nettes divergences autour de ce concept endossé par l’Assemblée générale au Sommet mondial de 2005. 

Les États avaient alors accepté leur responsabilité individuelle de protéger leur population du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.  En 2009, soit la dernière fois que l’Assemblée générale s’est penchée sur cette question, le Secrétaire général dessinait une stratégie conçue autour de trois piliers: la responsabilité de chaque État, celle de la communauté internationale d’aider les États à s’acquitter de leur devoir, et celle de cette même communauté internationale d’utiliser les moyens diplomatiques, humanitaires et autres pour protéger les populations, prête à prendre des mesures collectives.  La stratégie insistait sur la valeur de la prévention et au cas où elle ne donnerait pas de résultats, sur une intervention « rapide et souple » conçue en fonction des traits spécifiques de chaque cas. 

Aujourd’hui, le Président de l’Assemblée générale M. Miroslav Lajčák, a reconnu que la prévention est une tâche difficile qui exige de vrais investissements, en temps et en argent, pour renforcer les institutions, l’assistance technique, l’appui à la protection humanitaire, le soutien aux groupes communautaires, la promotion de l’état de droit, l’obligation de rendre des comptes et les efforts diplomatiques.  La responsabilité de protéger, a-t-il aussi reconnu, est « complexe » mais n’oublions pas que ce dont nous parlons ici c’est de gens en chair et en os, tués, privés de leur humanité et témoins de choses que personne ne devrait voir.  Ce dont nous parlons ici, a insisté le Président, c’est de la responsabilité que les gouvernements et la communauté internationale ont vis-à-vis de ces personnes.  N’oublions pas que cette Organisation est née des horreurs de la guerre et que chaque État Membre a pris l’engagement de reléguer ces horreurs dans le passé. 

« Nous devons parvenir à une compréhension commune du concept et lui offrir un soutien plus fort, comme clef de la protection et la prévention », a dit, à son tour, le Secrétaire général de l’ONU, M. Antònio Guterres, qui a salué les « discussions ouvertes et franches » d’aujourd’hui pour dissiper « malentendu » et « méfiance ».  Dans son rapport intitulé « Responsabilité de protéger: de l’alerte rapide à l’intervention rapide », le Secrétaire général propose une stratégie à trois volets: renforcer les capacités de prévention existantes; continuer à promouvoir l’obligation de rendre compte en matière de prévention des atrocités et innover en élargissant sensiblement l’implication de la société civile dans la prévention des atrocités. 

M. Guterres s’est voulu « clair »: la responsabilité de protéger ne créée pas de nouveau mécanisme d’intervention ou de coercition.  C’est uniquement lorsque les moyens pacifiques ne suffisent pas et que les autorités nationales ne protègent manifestement pas leur population, que naît la responsabilité d’une action collective, a souligné le Secrétaire général.  Nous ne devons pas abandonner cette responsabilité ou la laisser dans les limbes, clairement mise en mots mais foulée aux pieds dans les faits.  Notre défi, a-t-il dit, est de défendre ce principe, tout en prévenant les manipulations.  Ce sont justement les risques de manipulations qui ont été décriés aujourd’hui.  Le Pakistan, qui n’a pas vu le Conseil de sécurité s’émouvoir de sa responsabilité de protéger lorsqu’il s’est agi de la « grave situation » en Palestine, a fustigé la « mascarade » d’idéalisme qui a donné des résultats dépourvus de la légitimité morale et juridique nécessaire pour emporter l’unanimité.  Que des États recourent à la force pour faire respecter les droits de l’homme devant ce qui leur paraît être l’incapacité d’un État d’assumer ses responsabilités est « contraire » à l’élan « internationaliste » de notre époque, a renchéri l’Inde.

L’invocation de la responsabilité de protéger, une noble cause, n’a jamais été que sélective dans le jeu géostratégique mondial, a-t-elle ajouté, devant un système de sécurité collective qui ne peut sauver ce concept des deux poids, deux mesures, de la sélectivité et de l’arbitraire.  Même son de cloche du côté de la Syrie qui a qualifié le concept d’« illusoire ».  On voit, a constaté le Brésil, les civils d’un tel pays mériter moins de protection que ceux d’un autre.  Où est la cohérence quand, d’une part, on défend la responsabilité de protéger les civils dans des situations de conflit et d’autre part, on tourne le dos à ceux qui précisément fuient ces situations? a argué le Brésil, en parlant de la crise des réfugiés.  « J’ai en tête la séparation des parents et des enfants à la frontière, qui provoque des dégâts émotionnels immenses », a avoué le Guatemala, en dénonçant des pratiques « inacceptables. »  Les États-Unis ont demandé que « notre engagement doit se traduire par de vraies actions car nous n’agissons pas comme nous le devrions. »  Les États qui ne s’acquittent pas de leur responsabilité de protéger sont une menace à la paix et ceux qui se réfugient derrière la souveraineté nationale ne doivent pas être encouragés par l’Assemblée générale », ont-ils tranché. 

Devant les appels, nombreux, à inscrire cette question de manière permanente dans l’ordre du jour de l’Assemblée générale, l’Égypte a tranché: « sans une définition agréée, nous nous y opposons ».  Le Secrétaire général, a reproché le Brésil, utilise des expressions vagues et non définies telles qu’« atrocités criminelles », comme synonymes des quatre crimes liés à la responsabilité de protéger.  Le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité sont certes atroces mais les autres crimes qui ne sont pas prévus, comme le crime d’agression, le sont tout autant.  Il y a encore trop de fossés, a conclu l’Inde, pour parvenir à une compréhension commune du « comment » ou même du « si » intervenir. 

De nombreuses délégations ont profité de la séance pour plaider en faveur de la limitation de l’exercice du droit de veto au Conseil de sécurité en cas d’atrocités de masse, comme le propose l’Initiative franco-mexicaine et le Groupe ACT -Acountabilitly, Coherence, Transparency-.  Nous invitons tous les États, a appelé la France, en particulier les quatre autres membres permanents du Conseil, à se rallier à notre initiative.

LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER ET LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE, DES CRIMES DE GUERRE, DU NETTOYAGE ETHNIQUE ET DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Rapport du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger: de l’alerte rapide à l’intervention rapide (A/72/884-S/2018/525)

Dans ce rapport, le Secrétaire général rappelle que bien que le principe de la responsabilité de protéger ait gagné du terrain, la communauté internationale reste impuissante là où elle devrait être la plus active: la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et la protection des populations vulnérables.  Le problème existe non pas parce que le principe est trop vague ou mal posé, mais parce que la communauté internationale n’a pas été assez ferme dans sa mise en œuvre et a laissé les désaccords d’hier compromettre l’unité d’action nécessaire aujourd’hui.

Le Secrétaire général se propose donc de montrer comment l’alerte rapide et l’évaluation peuvent être encore améliorées et expose une stratégie à trois volets pour une intervention rapide plus efficace: premièrement, passer en revue et, si nécessaire, renforcer les capacités de prévention existantes; deuxièmement, continuer à promouvoir l’obligation de rendre compte en matière de prévention des atrocités; et troisièmement, innover en élargissant sensiblement l’implication de la société civile dans la prévention des atrocités et en tirant parti de toutes les ressources disponibles pour répondre à cet enjeu de la plus grande urgence.

Dans le document final du Sommet mondial de 2005 (résolution 60/1 de l’Assemblée générale), les États Membres sont convenus que c’est à chaque État qu’il incombait de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et que la communauté internationale devait, si nécessaire, encourager et aider les États à s’acquitter de cette responsabilité et aider l’ONU à mettre en place un dispositif d’alerte rapide.  Le Secrétaire général montre comment l’ONU et ses partenaires peuvent œuvrer de concert pour mieux prévenir les atrocités criminelles.

Dans ses recommandations, il encourage d’abord les États à nommer un haut fonctionnaire aux fonctions de point focal national pour la responsabilité de protéger, qui coordonnerait les activités du pays, mettrait en commun les bonnes pratiques et favoriserait la coopération.  Il les encourage aussi à passer en revue les mécanismes nationaux d’alerte rapide et d’évaluation, à réaliser des évaluations des risques d’atrocités criminelles auxquels ils sont exposés et de leur résilience face à ces crimes, à appuyer et mettre en œuvre des initiatives visant à améliorer la formation, la disponibilité opérationnelle et l’efficacité des opérations de paix, en tenant compte à cet égard des Principes de Kigali sur la protection des civils.  Les États devraient aussi renforcer l’obligation de rendre compte, les parlements et les institutions nationales de défense des droits de l’homme ayant la charge d’élaborer des mécanismes de contrôle pour veiller à ce que les gouvernements s’acquittent de leur responsabilité de protéger, dans le pays et à l’étranger. 

Le Secrétaire général encourage également les États à coopérer avec son Conseiller spécial pour la prévention du génocide et sa Conseillère spéciale pour la responsabilité de protéger.  Il engage les mécanismes régionaux et sous-régionaux à établir des capacités régionales d’alerte rapide et d’évaluation ou renforcer les capacités existantes, à appuyer les interventions rapides, à inviter leurs États membres à se doter des capacités d’alerte rapide et d’évaluation.

Enfin le Secrétaire général encourage l’Assemblée générale à élargir son examen des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger en inscrivant de manière permanente ce point à son ordre du jour, le Conseil de sécurité, à étudier comment mieux utiliser les outils dont il dispose, et le Conseil des droits de l’homme, à poursuivre son examen des activités de défense des droits de l’homme et de prévention des atrocités et à étudier comment les améliorer. 

Pour être efficaces, insiste le Secrétaire général, les activités de prévention doivent pouvoir compter sur la participation active de la société civile, des entreprises, des dignitaires religieux, des chefs coutumiers et des particuliers.  S’agissant de l’ONU, il promet dès 2019, des directives fondées sur des données factuelles en matière de prévention des atrocités à l’intention des professionnels, en s’appuyant sur les enseignements tirés de l’expérience et sur les activités en cours dans ce domaine.  Il promet aussi le renforcement des capacités d’alerte rapide et d’évaluation des risques d’atrocités criminelles. 

Le Secrétaire général encourage le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à collaborer avec les conseillers spéciaux pour élaborer et mettre en œuvre les moyens d’assurer que les risques d’atrocités criminelles sont régulièrement détectés et évalués, que les évaluations pertinentes sont mises en commun et que des mesures sont prises pour utiliser les organismes de défense des droits de l’homme présents sur le terrain à meilleur escient à l’appui des objectifs de prévention des atrocités.   

Il s’agit aussi d’élaborer un plan d’ensemble sur la base de consultations exhaustives pour renforcer l’action de la société civile en matière de prévention des atrocités.  L’un des volets de ce plan serait l’examen plus approfondi des capacités de l’Organisation pour en améliorer l’utilisation.  Il faut aussi, dit le Secrétaire général, davantage prendre en compte les éléments pertinents de l’ordre du jour sur les femmes et la paix et la sécurité. 

Déclarations liminaires

Pour la première fois depuis plus d’une décennie, nous parlons de la responsabilité de protéger dans le cadre d’un débat officiel, s’est félicité le Président de l’Assemblée générale, M. MIROSLAV LAJČÁK en avouant tout de même être devant un concept « complexe » qui a évolué depuis 2005. 

Derrière la définition juridique des termes de génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique ou crimes contre l’humanité, n’oublions pas, a souligné le Président, qu’il y a d’abord des gens en chair et en os.  Des gens tués, privés de leur humanité et témoins de choses que personne ne devrait voir.  Ce dont nous parlons ici, a insisté le Président, c’est de la responsabilité que les gouvernements et la communauté internationale ont vis-à-vis de ces personnes.

La prévention, a-t-il poursuivi, en reconnaissant la difficulté d’une tâche qui exige de vrais investissements, en temps et en argent pour renforcer les institutions, l’assistance technique, l’appui à la protection humanitaire, le soutien aux groupes communautaires, la promotion de l’état de droit, l’obligation de rendre des comptes et les efforts diplomatiques.  Le Président a cité une étude de la Banque mondiale et des Nations Unies qui dit qu’un dollar investi dans la prévention donne 16 dollars en deux décennies.

C’est là que la responsabilité de protéger est née, a dit le Président.  Cette réunion est une bonne occasion de nous rappeler le poids qui pèse sur nos épaules, a-t-il estimé, en soulignant le lien entre la responsabilité de protéger et la Charte des Nations Unies.  Ce lien est clair, a-t- il insisté: toutes les actions prises en vertu de la responsabilité de protéger doivent s’inscrire dans les paramètres de la Charte, y compris le principe de souveraineté nationale. 

Mais d’abord et avant tout, a-t-il précisé, la responsabilité de protéger s’inscrit dans l’objectif consacré par la Charte de sauver les futures générations du fléau de la guerre.  Notre travail aujourd’hui est sérieux mais il ne veut pas dire que nous sommes tous d’accord.  On peut débattre, avancer des opinions différentes, défendre nos points de vue.  Mais n’oublions pas, a mis en garde le Président, que cette Organisation est née des horreurs de la guerre et que chaque État Membre a pris l’engagement de reléguer ces horreurs dans le passé.  La responsabilité de protéger peut nous y aider, a conclu le Président. 

Tenant compte des craintes quant à une utilisation sélective du concept de responsabilité de protéger, M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a estimé que c’est la raison pour laquelle des discussions ouvertes et franches comme celles que tient aujourd’hui l’Assemblée générale, sont nécessaires pour dissiper tout malentendu et toute méfiance.  Nous devons, a-t-il dit, parvenir à une compréhension commune du concept et lui offrir un soutien plus fort, comme clef de la protection et la prévention. 

Protéger son peuple, a insisté le Secrétaire général, est une partie fondamentale de l’exercice de la souveraineté nationale.  À ce jour, a-t-il rappelé, 45 États n’ont toujours pas ratifié la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, alors que l’année prochaine marquera son soixante-dixième anniversaire. 

Les réseaux d’États sont également précieux pour développer des mécanismes et des bonnes pratiques.  Le mois dernier, a rappelé le Secrétaire général, un tiers des membres de l’Assemblée générale a assisté, avec la société civile, à la réunion de Kampala, dans le cadre de l’Action mondiale contre les atrocités de masse, puis à Helsinki, à la réunion annuelle des points focaux pour la responsabilité de protéger.  L’ONU continuera d’appuyer les États, en particulier ceux qui pourraient connaître fragilité et stress, pour renforcer les institutions, défendre les droits de l’homme et œuvrer à la cohésion sociale.  C’est une partie essentielle de mon agenda sur la prévention, a rappelé le Secrétaire général. 

C’est uniquement lorsque les moyens pacifiques ne suffisent pas et que les autorités nationales ne protègent manifestement pas leur population, que naît la responsabilité d’une action collective, a aussi souligné le Secrétaire général.  Il s’est voulu clair: la responsabilité de protéger ne créée pas de nouveau mécanisme d’intervention ou de coercition et à la lumière de la situation actuelle dans le monde, il a souligné que toutes les atrocités sont évitables et ne sauraient être justifiées.  C’était le sens de la lettre que j’ai envoyée en août dernier au Conseil sur les Rohingya au Myanmar, a dévoilé le Secrétaire général. 

Notre défi, a-t-il dit, est de défendre le principe de responsabilité de protéger, tout en prévenant toute manipulation.  Cela veut dire agir rapidement, préventivement, diplomatiquement, avant que les situations n’échappent à tout contrôle.  Il a mentionné l’exemple positif de l’intervention internationale en République centrafricaine alors qu’il y avait un risque élevé de génocide.  Nous devons appuyer les efforts des organisations intergouvernementaux de prévention des atrocités criminelles, y compris en faisant un meilleur usage des outils à la disposition du Conseil de sécurité, comme les mécanismes de responsabilité.  En ces temps de défis extrêmes, nous ne devons pas abandonner la responsabilité de protéger ou la laisser dans les limbes, clairement mise en mots mais foulée aux pieds dans les faits, a conclu le Secrétaire général, ajoutant que la crédibilité de la communauté internationale en dépend.

Déclarations

Au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, Mme ALYA AHMED S.  AL-THANI, (Qatar) a estimé que ce débat reflète la volonté des membres des Nations Unies de prévenir les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique ».  Elle a appelé à envisager les mérites d’une inscription permanente de ce thème dans le programme de travail officiel de l’Assemblée générale.  Un dialogue continu, a-t-elle plaidé, permettra de promouvoir le consensus sur ce que la communauté internationale peut faire pour empêcher des crimes odieux.  Rappelant que la responsabilité de protéger, au lieu de la saper, renforce la souveraineté nationale, elle a noté des progrès considérables depuis le Sommet mondial de 2005 comme la création de son Groupe à New York et à Genève, la mise en place et l’expansion d’un réseau mondial de points focaux ou l’inclusion du concept dans au moins 69 résolutions du Conseil de sécurité. 

La représentante a voulu que l’on porte systématiquement à l’attention du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme les situations présentant des risques imminents d’atrocités.  L’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme est, selon elle, un mécanisme approprié pour soutenir ces efforts de prévention.  La représentante a également demandé à l’Assemblée générale de jouer un rôle plus actif pour soutenir les États dans leur responsabilité première de protéger leur population et a exhorté le Conseil de sécurité à se saisir le plus tôt possible des situations potentiellement porteuses d’atrocités criminelles.  Soulignant le rôle important des femmes dans la prévention, elle s’est aussi félicitée des efforts récents de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité pour promouvoir la participation des jeunes.  En conclusion, Mme Al-Thani a salué le rôle important de la société civile nationale et internationale dans la mise en œuvre et l’avancement du principe de responsabilité de protéger.

Mme JOANNE ADAMSON, de l’Union européenne, a estimé que nos efforts et ceux de la communauté internationale doivent maintenant rendre plus efficace la prévention.  La réforme en cours de l’ONU devrait améliorer les synergies, les capacités et la responsabilité dans tout le système pour le rendre apte à faire face aux défis multisectoriels de la prévention des atrocités.

Dans ce contexte, l’Union européenne, a dit la déléguée, salue le rapport du Secrétaire général et s’inspire des recommandations pour étoffer ses politiques et actions.  L’Union, a poursuivi la déléguée, salue la stratégie à trois volets du Secrétaire général.  Grâce à une approche multidimensionnelle utilisant toutes les politiques et tous les instruments disponibles, la responsabilité de protéger a été intégrée dans la stratégie globale de la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, a souligné Mme Adamson.  L’Union européenne prépare actuellement une boîte à outils sur la prévention des atrocités afin de donner à ses missions diplomatiques, militaires et civiles les moyens d’évaluer les risques et d’appuyer la prévention.

L’Union européenne encourage aussi les organisations régionales à intégrer les principes de responsabilité de protéger dans leurs pratiques et priorités.  Nommer un point focal comme l’Union l’a fait, serait une étape utile et nécessaire pour sensibiliser le public et les États Membres. 

La représentante a dit souhaiter que le prochain Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide ait une expérience pertinente et opérationnelle et le Secrétaire général devrait lui ouvrir l’accès à toutes les informations et les processus de prise de décisions utiles. 

Nous devons, a dit la représentante, continuer de promouvoir la responsabilité qui nous incombe de prévenir les atrocités.  L’Union s’y est engagée et promeut activement l’universalité du Statut de Rome et à travers son appui à la Cour pénale internationale, elle encourage les capacités de responsabilité et de réconciliation qui sont les éléments clefs de non-récurrence. 

Au sein du système des Nations Unies, le Conseil de sécurité devrait utiliser tous les outils disponibles.  L’Assemblée générale, le Conseil des droits de l’homme et les organes et mécanismes conventionnels des droits de l’homme doivent également se mobiliser.  L’Union européenne appuie sans réserve la troisième dimension de la stratégie du Secrétaire général.  Elle encourage tous les États à appuyer le principe de responsabilité de protéger, à débattre et à échanger les points de vue sur la manière de renforcer les capacités de prévention.  Étant donné les défis auxquels le monde fait face, l’Union européenne souhaite inclure la responsabilité de protéger comme point régulier de l’ordre du jour de l’Assemblée générale, a suggéré Mme Adamson.

Au nom du Forum des îles du Pacifique, M. TERUBORO TITO (Kiribati), a encouragé l’Organisation à renforcer à tous les échelons ses dispositifs d’alerte rapide.  Le représentant a érigé en exemple la Déclaration de Biketawa, signée en 2000 dans un contexte de coup d’État aux Fidji et de tensions ethniques dans l’archipel des Salomon.  « Un document fondamental », selon lui, qui a aidé à résoudre des conflits au niveau régional.  Ainsi, « RAMSI », la Mission d’assistance régionale aux îles Salomon, lancée en 2003 et fermée l’an dernier, a été couronnée de succès.  Née d’un partenariat conclu entre le peuple et le Gouvernement des îles Salomon, et 15 pays de la région du Pacifique », RAMSI a jeté les bases d’une stabilité à long terme, en restaurant l’ordre civil, en édifiant un système gouvernemental et en redressant l’économie.  Le concept de partenariat a été une condition sine qua non et la clef du succès, a rappelé M. Tito, et son empreinte régionale, sa force majeure.  RAMSI a pu bénéficier de l’apport de différentes cultures et de l’expérience de différents pays.  Depuis 2003, des milliers de soldats et de civils ont travaillé « main dans la main avec les îles Salomon ».  « Aucun pays ne peut agir seul contre les défis sécuritaires auxquels nous faisons face aujourd’hui », a conclu le représentant.

Au nom de l’Estonie, de la Lituanie et de la Lettonie, M. JĀNIS MAŽEIKS (Lettonie) a estimé, à son tour, que la responsabilité de protéger devrait être inscrite de manière permanente à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  Les échecs sont particulièrement flagrants aujourd’hui, alors que nous célébrons bientôt le soixante-dixième anniversaire de la Convention pour la prévention et la punition du crime de génocide.  Le représentant a aussi insisté sur la prévention, arguant qu’avec des institutions nationales fortes, un leadership politique transparent et responsable et le respect de la loi, les efforts pour empêcher les atrocités criminelles peuvent être plus efficaces.  Il a aussi insisté sur la protection des droits de l’homme, de la société civile et des journalistes. 

Lorsque les États échouent dans la prévention, il revient à la communauté internationale d’assumer la responsabilité de protéger, a poursuivi M. Mazeiks qui a insisté sur la responsabilité particulière du Conseil de sécurité et en a profité pour dénoncer « le privilège du véto ».  Ce privilège, a-t-il plaidé, devrait être restreint volontairement dans des situations impliquant des crimes de masse.  Le représentant a donc fermement appuyé le Code de conduite des « Small Five » qui exige des membres permanents du Conseil qu’ils ne s’opposent à aucune action visant à mettre fin ou à prévenir des crimes de masse.  Soulignant la nécessité de poursuivre les responsables de ces crimes, le délégué a également manifesté son soutien au travail de la Cour pénale internationale, « essentielle pour rendre opérante la responsabilité de protéger ».

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a dit que la responsabilité de protéger est un concept « restreint mais profond », restreint dans son accent sur les atrocités criminelles, mais profond dans l’action concertée qu’elle requiert aux niveaux national, régional et international.  Une prévention efficace requiert la participation de la société toute entière et une action décisive des États, a-t-elle dit, en soulignant la nécessité d’identifier les signaux précoces d’atrocités de masse.  Elle a rappelé les pouvoirs conférés au Conseil de sécurité pour protéger les populations et plaidé à son tour que les membres permanents renoncent à l’exercice de leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  Passant en revue la diversité des outils de la responsabilité de protéger, Mme Bird a insisté sur l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme et sur l’obligation de rendre des comptes.  Il ne peut y avoir d’impunité pour les responsables d’atrocités criminelles, a-t-elle martelé.  Elle a déploré le silence de l’Assemblée générale qui tranche avec le Conseil.  L’Assemblée est un forum essentiel pour honorer notre engagement à prévenir les atrocités de masse, a-t-elle conclu.

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana) a réaffirmé la pertinence de la responsabilité de protéger et des piliers qui la soutiennent.  Rappelant les valeurs nécessaires pour parvenir à la résilience d’une société sujette à un conflit grave: la transparence, le dialogue, l’inclusivité, l’état de droit et la solidarité, elle a souligné que l’édification d’une société en transition stable et résiliente nécessite un équilibre délicat entre une justice qui sanctionne, et une justice qui répare.  Louant la société civile comme un partenaire indispensable, Mme Pobee a mis en avant le Conseil de la paix du Ghana, institution indépendante et composante importante de l’architecture du maintien de la paix du pays.  Elle a rappelé le rôle crucial de la magistrature, garante de l’intégrité électorale du pays, comme elle l’a montré lors de l’élection présidentielle de 2012.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a redit l’engagement de son pays en faveur de la responsabilité de protéger et reconnu certaines préoccupations face à ce concept.  Les États, a-t-elle expliqué, doivent tout simplement respecter le droit international et ne pas « maltraiter » leur population.  Pour défendre les populations, le Conseil de sécurité dispose de toute une panoplie de sanctions, l’action militaire n’étant pas la seule option possible.  La représentante a, à son tour, insisté sur la prévention et reconnu le rôle des entités de l’ONU dans l’identification de risques, en vue d’alerter le Conseil.  Elle a défendu l’accent mis par le Secrétaire général sur la médiation dans laquelle les femmes peuvent jouer un rôle clef.  Elle a d’ailleurs plaidé pour que davantage de femmes occupent le poste de représentant spécial.  La représentante a aussi insisté sur l’importance qu’il y a à traduire les responsables d’atrocités en justice, y compris devant les juridictions internationales lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas le faire.  Aucun pays ne peut agir seul pour promouvoir la responsabilité de protéger, a-t-elle conclu. 

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a jugé nécessaire de trouver les moyens de traiter des questions « politiquement difficiles et juridiquement complexes » du pilier 3 de la responsabilité de protéger.  La responsabilité de la communauté internationale d’utiliser les moyens appropriés, si un État échoue à protéger sa population, comporte des défauts sur lesquels il faut réfléchir, a-t-il estimé.  La quête d’un ordre mondial plus juste ne saurait se faire au détriment de l’ordre mondial lui-même, a prévenu le représentant.  Que des États recourent à la force, au nom de la communauté internationale et dans une action légitime, pour faire respecter les droits de l’homme devant ce qui leur paraît être l’incapacité d’un État d’assumer ses responsabilités est « contraire » à l’élan « internationaliste » de notre époque, a poursuivi le représentant. 

Il a convoqué l’histoire pour montrer que l’application de la notion de responsabilité de protéger dans le but de prévenir ou de stopper des violations dans un État a souvent servi à justifier des interventions étrangères.  On l’a vu quand le Conseil de sécurité n’a pas pu se mettre d’accord pour agir en vertu du Chapitre VII ou quand il a interprété des mandats de manière contraire à la lecture qu’en faisaient les autres acteurs.  Cela, a encore prévenu le représentant, a presque toujours donné des résultats mitigés voire très douteux.  Au pire, de telles interventions ont laissé des régions entières déstabilisées, donnant l’impression, souvent juste, qu’elles ont été utilisées pour servir les intérêts stratégiques de certaines superpuissances.  On a vu aussi, a ajouté le représentant, des violations se poursuivre en toute impunité, soit par manque d’intérêt stratégique ou au contraire par intérêt spécifique à maintenir le statu quo.  L’invocation de la responsabilité de protéger, une noble cause, n’a jamais été que sélective dans le jeu géostratégique mondial. 

Le système actuel de la sécurité collective, a pronostiqué le représentant, ne peut sauver le concept des deux poids, deux mesures, de la sélectivité, de l’arbitraire et de la manipulation politique.  Il s’est d’ailleurs étonné que certains veuillent l’élargir aux pandémies, aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles.  Dans le système actuel de gouvernance mondiale, a-t-il conclu, il y a encore trop de fossés pour parvenir à une compréhension commune du « comment » ou même du « si » intervenir, en se fondant sur ce concept. 

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a indiqué que pour éviter les doutes conceptuels, le rapport du Secrétaire général aurait dû s’abstenir d’utiliser des expressions vagues et non définies comme « atrocités » en tant que synonymes des quatre crimes liés à la responsabilité de protéger.  Le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité sont certes atroces mais les autres crimes qui ne sont pas compris dans la responsabilité de protéger le sont tout autant, comme le crime d’agression.

Pour améliorer la mise en œuvre du concept, le Brésil a publié en 2011 une note de cadrage sur « la responsabilité tout en protégeant ».  Depuis lors, le Brésil est convaincu que la prévention est toujours la bonne politique qui doit être abordée dans une perspective structurelle. 

La paix durable exige la promotion du développement durable, la sécurité alimentaire, l’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités.  Elle implique la lutte contre la marginalisation, la discrimination et d’autres inégalités qui pourraient devenir les racines d’un conflit.  Elle comprend aussi des scenarios post-conflit afin d’éviter le retour de la violence.  Vu sous cette perspective, a poursuivi le représentant, on peut dire que la mise en œuvre des piliers 1 et 2 de la responsabilité de protéger a été bridée par l’absence d’un financement adéquat, prévisible et durable.  Ces deux piliers ne prêtent pas à controverse contrairement au pilier 3. 

Nous devrions engager des discussions pour répondre aux inquiétudes, a suggéré M. Meyer qui a appelé à une compréhension précise de ce que la force peut ou ne peut accomplir.  Le recours à la force pourrait être envisagé dans des circonstances exceptionnelles et seulement conformément à la Charte des Nations Unies.  La protection des droits de l’homme ne saurait être utilisée comme un prétexte unilatéral pour recourir à la force, a averti le délégué, qui a ajouté que notre détermination à mettre fin aux violations ne peut nous rendre aveugle au droit international.  Un autre défi est d’éviter les « deux poids, deux mesures »: les civils d’un tel pays ne méritent pas moins de protection que ceux d’un autre, y compris dans les territoires occupés illégalement.  La crise actuelle des réfugiés, a ajouté le représentant, appelle un engagement renouvelé à notre responsabilité de protéger.  Où est la cohérence quand, d’une part, on défend la responsabilité de protéger les civils dans des situations de conflit et d’autre part, on tourne le dos à ceux qui précisément fuient ces situations? a argué le représentant.

Nous devons agir face aux atrocités, a martelé Mme KELLEY A.  ECKELS-CURRIE (États-Unis), en réaffirmant l’engagement de son pays en faveur de la responsabilité de protéger.  Elle a exhorté le Conseil à prendre des mesures plus déterminées face aux crises humanitaires et dénoncé l’inertie de ce dernier s’agissant du Soudan du Sud, alors que deux millions de personnes ont fui les combats.  Des sanctions ont été prises mais nous devons faire plus, a-t-elle dit, en demandant la mise en place d’un embargo sur les armes.

Notre engagement doit se traduire par de vraies actions car nous n’agissons pas comme nous le devrions, a-t-elle affirmé, en soulignant le bilan humain lourd de toute inaction.  Elle a souhaité que la société civile devienne un véritable lanceur d’alerte et que le Secrétaire général nomme très rapidement un nouveau conseiller pour la responsabilité de protéger.  Si elle a reconnu l’importance de la souveraineté nationale, elle a rappelé les États à leur obligation de protéger leur population.  Lorsque la prévention a échoué, l’obligation de rendre des comptes est essentielle pour lutter contre l’impunité, a-t-elle souligné.  La déléguée a, à son tour, insisté sur le rôle des femmes pour identifier les signes précurseurs d’atrocités, ajoutant que les États-Unis ont dûment incorporé dans leur droit interne la résolution 1325 (2000). 

Les États qui ne s’acquittent pas de leur responsabilité de protéger sont une menace à la paix et ceux qui se réfugient derrière la souveraineté nationale ne doivent pas être encouragés par l’Assemblée générale, a conclu la représentante, en évoquant les actes barbares qui sont un outrage à notre humanité.  « Nous devons nous acquitter pleinement de nos engagements .»

Le monde a beaucoup changé depuis le Sommet mondial de 2005, a constaté M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie).  Aujourd’hui, « il serait impossible de parvenir à un tel consensus », d’où la nécessité de partir des acquis du passé.  Nous ne devons épargner aucun effort pour rétablir la confiance dans les institutions des Nations Unies et dans notre système de sécurité collective.  Nous devons améliorer la façon dont nous prenons nos décisions.  Le représentant a encouragé le Conseil de sécurité à examiner les risques potentiels et à inclure réellement la prévention à son ordre du jour.  L’enthousiasme a en effet cédé la place à une action collective limitée et inefficace, a diagnostiqué le représentant, ajoutant que le recours du droit de veto au Conseil de sécurité sape la protection des droits de l’homme dans des situations potentielles de crimes de masse.  Forte de son expérience et membre du Conseil des droits de l’homme, la Croatie, a dit le représentant, défend le rôle des institutions basées à Genève, des procédures spéciales et de l’Examen périodique universel pour améliorer la prévention et répondre aux atrocités de masse. 

Évoquant les crimes en Syrie, M. JORGE MORAGAS SÁNCHEZ (Espagne) a voulu que la responsabilité de protéger soit la priorité de l’ONU, plaidant pour que la question soit inscrite, de manière permanente, à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  Il a appuyé les trois piliers du concept, conscient du coût « insupportable » de l’inaction, comme l’a montré la situation au Myanmar.  Le lien entre maintien de la paix et droits de l’homme doit être renforcé, a-t-il déclaré.  Le respect des droits de l’homme n’est en aucun cas contraire à la souveraineté nationale, a martelé le représentant.  Il a demandé aux membres permanents du Conseil de sécurité de renoncer au droit de veto en cas d’atrocités de masse.  Le principe de responsabilité de protéger vaut également pour les politiques migratoires, a-t-il estimé, espérant que l’Union européenne reprenne cette position à son compte.  Le délégué a aussi exhorté les États à coopérer avec les mécanismes pénaux internationaux, avant d’insister sur le fait que la responsabilité de protéger ne veut pas dire intervention militaire mais action face aux atrocités. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a souligné que la prévention est au cœur de la notion de responsabilité de protéger.  Il a reconnu que la rapidité de l’action est un des principaux défis.  Il a donc loué les efforts de médiation et prévenir que pour réussir, il faut faire en sorte que les ennemis de la paix soient comptables de leurs actes.  Le représentant a ensuite insisté sur les Principes de Kigali pour améliorer le mandat des opérations de maintien de la paix s’agissant de la protection des civils, prônant aussi l’idée que les questions liées à la responsabilité de protéger figurent en bonne place dans l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Le représentant s’est attardé sur le rôle de la Cour pénale internationale ou sur celui de mécanismes comme le Mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie.  Il n’a pas oublié les autres outils comme les sanctions. 

M. DARJA BAVDAŽ KURET (Slovénie) s’est dit « bouleversé et préoccupé par les nombreuses situations qui évoluent dans la mauvaise direction et où les civils paient le prix ultime ».  La communauté internationale a exprimé son indignation, adopté de nombreux accords contraignants, et pourtant nous continuons à voir des souffrances.  Rappelant que son pays a accueilli plusieurs réunions régionales et conférences sur le sujet, il a énuméré une série de recommandations formulées lors de la troisième réunion sur les points focaux européens, en 2017, parmi lesquels la nomination d’un point focal national ou encore l’inclusion de l’évaluation des risques d’atrocités dans les rapports des Examens périodiques universels.

Tout en reconnaissant le rôle essentiel du Conseil de sécurité, M. Kuret a toutefois estimé que « beaucoup pouvait être fait par les États Membres, le Secrétariat et le système des Nations Unies dans son ensemble ».  Il a affirmé son soutien aux efforts du Secrétaire général pour améliorer la capacité des Nations Unies à prévenir et répondre aux violations systématiques et graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et a souligné l’importance d’initiatives telles que « les droits avant tout » ou le « Cadre d’analyse des atrocités criminelles ».  Il a aussi soutenu le Code de conduite qui appelle les membres permanents du Conseil de sécurité à s’abstenir volontairement d’exercer leur droit de veto dans des situations de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Il a conclu en rappelant l’obligation de rendre des comptes pour les crimes couverts par la responsabilité de protéger, mettant en évidence le rôle « essentiel » de la Cour pénale internationale. 

Mme SHARA DUNCAN VILLALOBOS (Costa-Rica) a demandé à l’Assemblée de maintenir dans son ordre du jour la question de la responsabilité de protéger, un principe qui est au cœur de plusieurs normes du droit international.  Elle a en effet jugé que la communauté internationale s’est montrée trop « timorée » dans la protection des populations civiles.  Les organes de l’ONU n’ont pas agi, paralysés par des considérations politiques.  Les États Membres, a-t-elle martelé, doivent respecter la Charte et les membres permanents du Conseil doivent s’abstenir d’exercer leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  La déléguée a demandé le renforcement des mécanismes d’alerte rapide, qui est à la base de la responsabilité de protéger.  Elle a aussi souligné l’importance de la justice transitionnelle pour la réconciliation post-conflit et exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au Statut de Rome. 

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a indiqué que pour son pays, coprésidente du Groupe des Amis de la réforme du secteur de la sécurité, la responsabilité de protéger est un élément important des sociétés épanouies et justes.  Comme les institutions de sécurité sont celles qui peuvent se livrer aux ingérences les plus grossières dans les droits des personnes, une formation de qualité, le strict respect de l’approche basée sur la loi et un contrôle efficace sont indispensables pour une bonne compréhension par le personnel des tâches assignées.  La responsabilité de protéger est aussi indispensable pour la stabilisation en général et la reconstruction post-conflit.  Le représentant a jugé également indispensable le rôle de la Cour pénale internationale et a appelé tous les États Membres à ratifier le Statut de Rome, pour le rendre enfin universel. 

Le Japon a décidé de rejoindre le Réseau mondial sur la responsabilité de protéger en 2015, lorsque le concept est devenu plus clair, a expliqué M. TOSHIYA HOSCHINO (Japon) en estimant qu’« il est temps que la communauté internationale travaille ensemble pour le mettre en œuvre ».  Le Japon, a-t-il dit, a joué un rôle actif en mobilisant l’aide au développement pour renforcer les capacités des États Membres dans leurs efforts liés à la responsabilité de protéger, notamment le renforcement de l’état de droit.  Le délégué a cité en exemple une formation sur la justice criminelle dans les pays africains francophones ou encore l’assistance technique fournie au Vietnam depuis 20 ans.  Pour lui, lier l’aide au développement à la responsabilité de protéger permettrait d’aider à la mise en œuvre de la prévention et aux interventions rapides.  Pour le Japon, le Conseil de sécurité a non seulement une responsabilité première pour gérer les conflits actuels, mais il devrait aussi jouer un rôle plus actif pour les empêcher, a poursuivi le délégué, qui a affirmé son soutien à l’initiative sur l’abandon volontaire du droit de veto en cas d’atrocités de masse. 

« Comment avons-nous honoré la promesse solennelle du « plus jamais ça »? s’est demandé M. IB PETERSEN (Danemark), en rappelant que la responsabilité de protéger est d’abord un engagement des États et que cette session aurait dû inclure la présentation par chaque État d’un rapport sur ce qu’il a fait.  Au Danemark, des discussions ont eu lieu avec l’institution nationale des droits de l’homme pour intégrer la responsabilité de protéger dans les rapports.  Le Danemark a également coorganisé la troisième réunion de l’Action mondiale contre les atrocités criminelles de masse (GAAMAC), a-t-il fait savoir, en ajoutant que son pays a publié cette année un rapport sur la manière d’intégrer le concept dans la politique étrangère, en particulier la coopération au développement.  « Nous sommes aussi fortement engagés dans la lutte contre l’impunité de Daech et d’autres groupes en Irak et en Syrie, et soutenons le Mécanisme international des enquêtes sur les violations commises en Syrie. 

Le Danemark est également impliqué dans la mise en œuvre du Plan d’action à l’intention des responsables et des acteurs religieux en vue de prévenir l’incitation à la violence pouvant conduire à des atrocités criminelles.  Le représentant a aussi fortement insisté sur l’importance pour chaque pays de nommer un point focal national.  Cofondateur du réseau mondial des points focaux pour la responsabilité de protéger, le Danemark encourage les États Membres à joindre les 60 qui y participent déjà. 

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a souligné l’universalité de la responsabilité de protéger et invité l’ONU à se concentrer sur la prévention plutôt que sur la réaction.  Il n’y a pas de meilleure prévention que le développement et le respect des droits de l’homme, a-t-il dit, en soulignant l’importance du concept de pérennisation de la paix.  L’échec à agir face aux atrocités de masse a un coût humain et économique « exorbitant », a souligné le représentant, en insistant sur le fait qu’un dollar investi dans la prévention représente sept dollars économisés dans la gestion des crises.  Il a prôné des efforts accrus de médiation, avec l’implication réelle des femmes.  La paix, a-t-il dit, a le visage d’une femme.  Comme l’indifférence aux violations massives des droits de l’homme n’a pas sa place dans le système multilatéral et de l’ONU, le représentant a rappelé l’initiative franco-mexicaine visant à limiter le recours au droit de veto.  Toute réforme du Conseil de sécurité doit conduire à une limitation de ce droit, a-t-il déclaré, avant de demander la mise en œuvre effective des mécanismes pénaux internationaux. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a jugé qui si la responsabilité de protéger avait gagné un soutien de plus en plus large parmi les États Membres, le concept suscite des interrogations quant à sa mise en œuvre « incontrôlée » et à « l’instrumentalisation politique » de ces nobles objectifs.  Les efforts nationaux doivent être encouragés, a souligné le représentant qui a ajouté qu’en cas de capacité insuffisante d’un État, l’assistance peut être enclenchée.  Invitant l’Organisation à renforcer son dispositif, il a encouragé les États à utiliser tous les mécanismes disponibles comme le Conseil des droits de l’homme pour prévenir les violences.  Il a loué l’action de la société civile, du secteur privé et des chefs religieux, rappelant au sujet de ces derniers le Processus de Fez qui, lancé en 2015, est à l’origine de stratégies de prévention des atrocités. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a confirmé que passer de l’alerte rapide à l’intervention rapide est la priorité des Nations Unies.  Il a aussi appelé le Conseil de sécurité à travailler davantage à la prévention des conflits.  Jugeant que les organes de l’ONU chargés de la prévention, comme le Conseil des droits de l’homme, doivent voir leurs capacités renforcées, M. Heusgen a aussi souligné le rôle crucial d’un système judicaire fort et celui de la société civile qui aurait d’ailleurs dû être dûment représentée le 28 juin, à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le contre-terrorisme.  Il faut faire en sorte, a conclu le représentant, que les auteurs des crimes craignent à chaque instant l’épée de la justice.  Il n’a pas manqué d’appeler les États à soutenir le Mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie.

Mme BEATRIZ NÚÑEZ RIVAS (Uruguay) a indiqué que son pays met l’accent sur les piliers 1 et 2 de la responsabilité de protéger.  La force ne peut être qu’une mesure de derniers recours, utilisée dans le respect des garanties prévues par la Charte des Nations Unies.  L’obligation de rendre des comptes ayant prouvé son caractère dissuasif, l’Uruguay a été un des premiers pays à avoir ratifié le Statut de Rome et à l’avoir incorporé dans son droit interne.  La déléguée a insisté sur l’importance de la coopération aux niveaux national, régional et international, mettant en évidence le rôle du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger et le Réseau latino-américain pour la prévention du génocide.  En tant que pays contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, l’Uruguay souscrit aux Principes de Kigali et propose d’ailleurs une formation à la protection des civils.  Pour la déléguée, le Conseil de sécurité doit redoubler d’efforts et ne pas hésiter à saisir la Cour pénale internationale.  En tant que membre du Groupe ACT -Accountability, Coherence, Transparency- elle a renouvelé son soutien au Code de bonne conduite et a encouragé tous les États à y souscrire.  L’Uruguay soutient en effet l’idée que les membres permanents du Conseil de sécurité renoncent à l’exercice de leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  La représentante n’a pas manqué de saluer le rôle de la société civile, et en particulier le Centre mondial pour la responsabilité de protéger, « qui veille courageusement à la mise en œuvre de ce concept ». 

On ne saurait, a dit M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne), contester le contenu du rapport du Secrétaire général, tant au niveau de la responsabilité des États qu’au niveau de la prévention.  Il est vrai aussi que certains membres s’inquiètent du fait que d’autres pays politisent la responsabilité de protéger, au point qu’elle soit devenue un point de division.  Certains États ont en effet violé les principes du droit international au nom de la responsabilité de protéger, et ce, sans mandat de l’ONU, d’une manière sélective et avec une ingérence injustifiée.  Des milliers de personnes ont perdu la vie à cause des frappes aériennes de certains États qui prétendaient protéger la société civile.  Beaucoup de réfugiés ont disparu en mer alors que des destructions et des déplacements ont été provoqués sous prétexte de protéger les civils.

Le représentant a douté des normes d’application de la responsabilité de protéger.  Le Secrétaire général, a-t-il dit, a essayé d’utiliser la Déclaration du millénaire de 2005 pour créer une base « illusoire ».  Rappelant que les Nations Unies ont jusqu’à présent été incapables de protéger le peuple palestinien et de mettre un système de prévention pour protéger les peuples irakien et syrien de Daech et des combattants étrangers « formés et préparés » par certains gouvernements, le représentant a cité l’exemple de Raqqa, « où des milliers de civils ont été tués, des villes dévastées et des monuments pillés ».  Les pays qui injectent de la sélectivité dans la responsabilité de protéger doivent admettre que ces questions illustrent en réalité l’échec des Nation Unies. 

Dans ce sens, le représentant syrien a invité les États Membres à travailler pour trouver un consensus sur le concept, les critères et les normes, afin d’empêcher tout action contraire à la Charte.  Concernant le Mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie, il a jugé qu’il a été le fruit d’une procédure invalide, « car les États-Unis ont outrepassé leur mandat ».  L’Assemblée générale « a créé un mécanisme bizarre qui ne lui appartient pas » a-t-il conclu, dénonçant « un mécanisme « illégal, mort-né et enterré ». 

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a rappelé que la responsabilité de protéger incombe d’abord aux États.  Lorsqu’il était membre du Conseil de sécurité, le Pérou, a dit le représentant, avait donné de la protection des civils la priorité.  Le délégué s’est dit « attristé » de voir que le droit international est foulé aux pieds devant un Conseil qui ne se montre pas à la hauteur de ses responsabilités.  Le Conseil doit faire preuve d’unité dans des situations telles que celles du Yémen, du Myanmar, de la Palestine, de la République démocratique du Congo ou encore de la République centrafricaine.  Il a aussi rappelé que 116 États, dont le sien, ont signé le Code de bonne conduite au Conseil de sécurité.  Il faut respecter la souveraineté de chaque état mais quand il est incapable de protéger sa population, la communauté internationale doit prendre le relais.  Tout État doit respecter le droit humanitaire et former son armée, a insisté le représentant en s’adressant aux pays contributeurs de contingents aux opérations de l’ONU.  Il a d’ailleurs attiré l’attention sur le comportement « impeccable » des troupes péruviennes.  La protection la plus efficace, a-t-il conclu, c’est la prévention et l’obligation de rendre des comptes, ce qui implique le plein respect de l’état de droit.  Le représentant a insisté sur le rôle fondamental de la Cour pénale internationale que le Conseil de sécurité doit saisir plus systématiquement pour garantir l’accès à la justice et combattre l’impunité. 

S’agissant de la responsabilité de protéger, nous devons combler le fossé entre notre engagement et notre action, a reconnu Mme JESSICA CUPELLINI (Italie).  Les atrocités de masse peuvent et doivent être évitées et les mécanismes d’alerte précoce existent.  Il est temps de passer à l’action, a encouragé le représentant.  Rappelant que la responsabilité de protéger relève d’abord des autorités nationales, elle a présenté trois exemples concrets de l’engagement de son pays à ce niveau.  D’abord, en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, l’Italie promeut une prise en compte plus systématique des problèmes transversaux et des menaces transnationales au sein du Conseil de sécurité, à la lumière de leur répercussion sur la paix internationale.  Elle a cité à l’appui les exposés sur la question des réfugiés et les menaces à la stabilité de la Méditerranée, ainsi que les résolutions concernant le trafic des êtres humains (2388) et celle qui renforce le rôle de la Police des Nations Unies dans la protection des civils (2382).  Ensuite, l’Italie a lancé, en janvier dernier, l’initiative « Responsabilité de protéger dans les écoles », un jeu de rôle développé avec les Pays-Bas, afin de sensibiliser à l’importance de protéger les droits et libertés fondamentales et d’établir des principes internationaux pour éviter les atrocités de masse.  Enfin, en tant que principal pays occidental contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix, l’Italie a signé les Principes de Kigali sur la protection des civils.  La déléguée a invité tous les États Membres à faire de même, ajoutant.  « L’Italie continuera à faire sa part, en redoublant d’efforts pour offrir des formations et renforcer les capacités des officiers militaires, de police et judiciaires du monde entier. 

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a dit que 13 ans après le Sommet mondial de 2005, il est urgent de passer de la phase conceptuelle à l’action concrète.  Le Conseil de sécurité, qui a été pourvu d’un rôle spécifique à cet égard, reste pourtant paralysé dans de nombreuses situations d’atrocités de masse, à cause de l’utilisation ou de la menace d’utiliser le veto.  L’augmentation rapide du nombre des partisans du Code de conduite du Groupe ACT, 117 États à l’heure actuelle, est une expression du souhait de voir les membres du Conseil de sécurité pendre des mesures pour mettre fin ou prévenir les atrocités.  Ces 117 États se sont engagés à soutenir toute action nécessaire et décisive et de ne pas voter contre des projets de résolution crédibles. 

Le représentant s’est dit déçu que le consensus politique autour de la responsabilité de protéger soit resté fragile à cause de la mauvaise interprétation de la norme sur le recours à la force.  Trop souvent, a-t-il regretté, la responsabilité de protéger est vue à tort comme un moyen de contourner la Charte et de justifier une action militaire non autorisée par le Conseil, ce qui nuirait non seulement au concept lui-même mais aussi à notre ordre juridique international.  La responsabilité de protéger ne modifie en rien l’interdiction de recourir illégalement à la force.  Elle précise clairement que l’action militaire est une mesure de dernier ressort et seulement lorsqu’elle est autorisée par le Conseil.  Le représentant a rappelé, dans ce cadre, que le 17 juillet, la Cour pénale internationale (CPI) commencera à exercer sa compétence sur le crime d’agression, la forme la plus grave d’usage illégal de la force. 

Mme KATALIN ANNAMÁRIA BOGYAY (Hongrie) a partagé les préoccupations du Secrétaire général concernant le nombre croissant des victimes d’atrocités de masse.  C’est la raison pour laquelle nous devons renforcer la réponse des Nations Unies en mettant en œuvre des mesures spécifiques afin d’améliorer la coordination interne à l’ONU dans le domaine de la responsabilité de protéger.  La représentante a affirmé soutenir le travail du Conseiller spécial sur la prévention du génocide et la décision du Secrétaire général de nommer un nouveau conseiller spécial sur la responsabilité de protéger. 

La Hongrie, a indiqué Mme Bogyay, a mis en œuvre la responsabilité de protéger en adoptant des lois, et a mené des actions dans le domaine de l’éducation, de la commémoration et de la politique de tolérance zéro.  Le Code pénal hongrois punit le génocide, les crimes de guerre, les discours de haine et les crimes contre l’humanité parce que nous estimons que le meilleur moyen de lutter contre ces crimes est la loi et la prévention.  La Hongrie a aussi participé à de nombreux fora pour débattre ouvertement de ces questions.  Elle appuie notamment le travail du Centre international pour la prévention du génocide de Budapest qui accueillera le 26 juin un atelier sur la prévention de la radicalisation. 

La représentante a ajouté que sa délégation soutient le travail du Mécanisme international en Syrie et a fait une contribution volontaire de 50 000 euros en 2017 et 2018.  La Hongrie est aussi membre du Groupe ACT qui milite pour la suspension volontaire du droit de veto en cas d’atrocités de masse.  Le rôle de la CPI est vital, a insisté la représentant, en soulignant que pour son pays « notre objectif devrait être d’assurer des conditions de vie pacifiques et sûres pour tout le monde dans leur pays d’origine sans aucune crainte d’être victime d’atrocités. »

Mme MARIE CHATARDOVA (République tchèque) a encouragé les États Membres à nommer leur point focal national et à rejoindre le Réseau mondial des points focaux.  La déléguée a insisté sur la nécessité pour le Conseil de sécurité d’agir « de manière effective et cohérente » face aux atrocités de masse ».  Mon pays, a-t-elle précisé, soutient le Code de conduite du Groupe ACP ainsi que la proposition franco-mexicaine sur le droit de veto.  La déléguée a également souligné l’obligation de rendre des comptes, « un des meilleurs moyens d’empêcher la récurrence des crimes odieux ».  Pour elle, les efforts nationaux doivent être renforcés, puisque la responsabilité de protéger incombe d’abord aux États. 

La représentante a mis en évidence l’appui de son pays au travail de la Cour pénal internationale, ainsi que le soutien financier apporté à des mécanismes de responsabilité tels que le Mécanisme international en Syrie.  Elle a exprimé la détermination de son pays à combattre la violence sexuelle fondée sur le sexe comme stratégie délibérée des belligérants étatiques et non étatiques.  Elle a d’ailleurs mentionné la participation de son pays à des projets en Syrie, au Yémen, en Libye ou encore au Soudan du Sud.  En tant que candidate au Conseil des droits de l’homme, a-t-elle conclu, la République tchèque ne saurait trop insister sur le rôle des institutions de Genève, dont l’Examen périodique universel et les procédures spéciales, qui peuvent jouer un rôle dans la prévention et la réponse aux atrocités criminelles. 

Pour M. OLIVIER MARC ZEHNDER (Suisse), les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité obligent tous les États à entreprendre tous ce qui est nécessaire pour empêcher de tels crimes, notamment traduire les auteurs en justice.  Le représentant a mis en évidence le rôle de la Cour pénale internationale, enjoignant les États à ratifier le Statut de Rome.  Il a rappelé, alors qu’on vient de commémorer la Journée mondiale des réfugiés, que 68,5 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées dans le monde, dont un grand nombre en raison de conflits.

Ce débat doit être davantage institutionnalisé » a souhaité le représentant, qui a également souligné le rôle crucial du Bureau des Nations Unies pour la prévention du génocide et de la responsabilité de protéger.  La Suisse est convaincue que la prévention nécessite de s’occuper des causes profondes des conflits, et à cet égard, le délégué a souligné le rôle du Conseil des droits de l’homme.  « Plus d’attention doit être portée au rôle préventif du Conseil.  Les trois piliers de l’ONU doivent être rapprochés pour prévenir la violence et la souffrance humaine » a-t-il suggéré.  Pour lui, l’objectif de passer de l’alerte précoce à l’action précoce n’est pas possible que si le Conseil de sécurité se saisit pleinement de son rôle et exploite davantage le potentiel des mécanismes formels et informels existants.  Le représentant a conclu son exposé en saluant le rôle de la société civile, « pas seulement comme voix qui dénonce mais aussi comme détentrice d’expertise ». 

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a jugé que la responsabilité de protéger n’est pas un principe, mais un concept dont les contours sont loin d’être définis et convenus.  Elle a jugé nécessaire de parvenir à un consensus pour régler les éventuels problèmes d’interprétation et donner la légitimité qu’il faut à la mise en œuvre.  Elle a rappelé que la responsabilité de protéger se limite aux paragraphes 138 et 139 du Document final de 2005 et qu’elle porte seulement sur les crimes de guerre, les génocides, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité.

Aux Nations Unies, a-t-elle dénoncé, certains cherchent à imposer plutôt qu’à négocier.  Elle a voulu qu’en matière de responsabilité de protéger, les mesures prises soient en accord avec les pays concernés, pointant, dans le cas contraire, des risques d’ingérence.  Les ambiguïtés de la notion contredisent ses buts et ses principes, a-t-elle prévenu, et jugeant que les véritables causes des conflits ne sont pas prises en compte, elle a dit: s’il s’agit de prévenir les conflits, alors il faut s’attaquer à leurs origines, comme le sous-développement, le désordre international, la faim, l’absence d’accès à l’eau potable et les problèmes structurels. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a rappelé l’engagement « historique » du Sommet mondial de 2005 et a donc jugé que le rapport du Secrétaire général brosse un portrait « intimidant » des tendances actuelles ».  La communauté internationale doit réduire l’écart entre l’engagement et l’action, a reconnu, à son tour, le délégué.  Pour lui, la responsabilité de protéger est une norme du droit international qui doit être établie et affirmée, sans pour entraîner la renégociation du cadre existant.  Le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ont des cadres juridiques bien établis que l’on ne saurait remettre en cause, a-t-il insisté.  Le délégué a pointé l’équilibre « délicat » entre les préoccupations humanitaires de la communauté internationale et le respect de la souveraineté nationale.  Il s’est félicité de la démarche du Secrétaire général, qui met l’accent sur la prévention, « l’instrument le plus efficace ».  Il a plaidé pour davantage d’efforts de médiation, telle que la diplomatie préventive mais aussi les initiatives régionales et bilatérales à laquelle la Turquie œuvre.  Les organes des Nations Unies, dont le Conseil de sécurité, doivent assumer leur responsabilité, a-t-il enchaîné, en faisant part du soutien de son pays à l’idée de renoncer au droit de veto lorsque des crimes graves sont en jeu.  Garantir la responsabilité quand des crimes graves sont commis est « indispensable » pour empêcher leur répétition. 

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a jugé que les États Membres et la communauté internationale devaient agir main dans la main pour garantir la démocratie et traiter de l’absence de perspectives économiques.  Il a mis l’accent sur le réchauffement climatique et les conflits qu’il entraîne.  Ces dernières décennies, la situation environnementale a été directement responsable des conflits internes et c’est une menace pour la planète Terre, qui affecte la race humaine.  Déplorant une répartition injuste des ressources et des richesses, il a appelé à l’accès des pays en développement aux marchés internationaux et à un appui aux institutions nécessaires pour renforcer l’état de droit.  Il a conclu en déplorant que le concept de responsabilité de protéger remette en cause, selon lui, le Chapitre VII de la Charte.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a rappelé que la responsabilité de protéger a été endossée en 2005 par l’ensemble des états Membres pour éviter que des pays ne commettent des atrocités contre leurs propres citoyens.  Or, a-t-elle ajouté, depuis sept ans, le régime syrien a multiplié les crimes à l’encontre de sa population, y compris le recours à l’arme chimique.  Pour autant, a déploré Mme Gueguen, la communauté internationale a été empêchée d’agir, en raison des 12 vetos que la Russie a opposés au Conseil de sécurité.

La France ne se résoudra pas à cette situation, a affirmé la représentante, précisant que, dans cet esprit, le pays était engagé ces derniers mois, aux côtés de la Russie et de l’Iran, pour prendre des mesures concrètes sur le terrain.  C’est, a-t-elle précisé, l’objectif premier du « Small Group », dont fait partie la France.

Autre situation tragique qui scandalise les consciences, a poursuivi Mme Gueguen, celle des Rohingya, dont plus de 720 000 ont fui la Birmanie vers le Bangladesh depuis le 25 août dernier.  Le Conseil de sécurité s’est rendu sur place et les mesures prises par les autorités birmanes constituent un premier pas, a-t-elle reconnu, mais les engagements doivent encore se traduire en actes.  Selon elle, il est donc essentiel que la communauté internationale, à travers le Conseil, demeure mobilisée.

S’il appartient à chaque État de protéger ses populations, en cas de défaillances étatiques, a déclaré la représentante, il revient à la communauté internationale d’y œuvrer sans relâche.  Face à l’ampleur des défis, a-t-elle estimé, le Conseil doit être en mesure d’apporter une réponse, en particulier dans les situations d’atrocités de masse.  C’est en ce sens que la France, avec le Mexique, a proposé une mesure concrète: suspendre le recours au veto en cas d’atrocités de masse.  Nous invitons tous les États, a appelé la représentante, en particulier les 4 autres membres permanents du Conseil, à se rallier à cette initiative.

Nous avons aussi une responsabilité en matière d’appui à la lutte contre l’impunité et pour une justice indépendante et impartiale, a-t-elle ajouté.  En République centrafricaine, avec l’appui notamment de la France, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) soutient l’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale compétente pour les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et les autres exactions pouvant constituer des crimes de guerre, des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité.  La France appelle tous les États à soutenir et à coopérer avec les missions d’établissements des faits, les commissions d’enquête et les instruments de la justice pénale internationale, au premier rang desquels la Cour pénale internationale, dans le cas des crimes les plus graves.  Nous devons rester vigilants face à ceux qui propagent la haine et la violence ethniques et religieuses, a déclaré Mme Gueguen.  Le Conseil de sécurité a désormais les moyens de sanctionner, a-t-elle affirmé.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a appelé les États Membres à former leurs fonctionnaires à la prévention et à être à l’écoute de la société civile, tout en soulignant le rôle positif des associations régionales et sous régionales pour désamorcer les conflits, ainsi que le rôle positif des femmes.  Saluant la ratification du Statut de Rome et de ses amendements comme mesure fondamentale pour lutter contre l’impunité, compte tenu de leur rôle dissuasif, il a loué le système de responsabilité de protéger construit par les Nations Unies et le Réseau mondial de 60 pays coordonnateurs, dont l’Argentine fait partie.  Soutenant le travail du Bureau de la prévention du génocide, il a réaffirmé l’attachement de son pays à la responsabilité de protéger et demandé aux Nations Unies de placer la prévention et l’obligation de rendre des comptes aux cœur de toutes les initiatives.

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a rappelé que ces derniers jours, la question de la responsabilité de protéger est revenue au grand jour, avec la grave situation en Palestine.  C’est aussi en Palestine que l’échec de la communauté internationale à respecter ces normes a été le plus évident.  Le Conseil est resté passif devant les souffrances du peuple palestinien et l’Assemblée générale a dû prendre le relais pour remplir le vide que son inaction a créé.  L’édifice de la responsabilité de protéger, a estimé la représentante, est plus fragile que jamais puisque les décisions de la communauté internationale ont souvent échoué au test de l’objectivité et de l’impartialité.  Cette « mascarade » d’idéalisme qui entoure la responsabilité de protéger a donné des résultats dépourvus de la légitimité morale et juridique nécessaire pour emporter l’unanimité.  Dans ce cadre, l’obligation de rendre des comptes ne peut échapper aux deux poids, deux mesures et à la sélectivité.  De nombreuses victimes d’atrocités, y compris dans le Jammu-et-Cachemire, ont en plus le malheur de vivre sous une occupation étrangère illégale. 

Ce qu’il faut ce sont des normes cohérentes et uniformes d’indignation morale et en la matière, la volonté politique des membres permanents du Conseil de sécurité est cruciale.  Compte tenu des divisions du Conseil, s’est expliquée la représentante, nous avons des actions unilatérales qui ont conduit à des situations « illégales mais légitimes ».  On ne devrait, a-t-elle prévenu, ni essayer ni accepter une dualité artificielle entre le double impératif de légitimité et de légalité.  Nous devons veiller à ce que la notion de responsabilité de protéger ne ressemble pas aux interventions humanitaires « discréditées » du passé car ces interventions ne seraient réservées qu’aux plus puissants d’entre nous et pourraient « prévenir » l’administration de la justice.  La responsabilité de protéger, a enchaîné Mme Lodhi, n’est pas une autorisation à intervenir chez les autres.  C’est un principe universel de « non indifférence » ancrée dans l’idée que ce sont les États eux-mêmes qui doivent le mettre en œuvre.  Le principe ne saurait servir de prétexte pour violer les principes de non-ingérence, de non intervention, de souveraineté nationale et d’intégrité territoriale. 

En tant qu’État nation du peuple juif, a déclaré M. AMIT HEUMANN (Israël), Israël est bien placé pour comprendre la responsabilité qui incombe à la communauté internationale de prévenir le génocide et les atrocités de masse.  Notre compréhension s’enracine dans plusieurs siècles de tourments, de persécutions et d’exils ayant abouti à l’holocauste, dans lequel un tiers du peuple juif a trouvé la mort.  Ce sont les atrocités commises durant l’Holocauste qui ont conduit la communauté internationale à dire, « plus jamais ça », et à tenter de tenir cette promesse via la création de l’Organisation.  Force est cependant de constater que le monde a échoué, a déploré M. Heumann, pour qui, dans de nombreux cas, cette promesse n’a pas été tenue.  L’Histoire n’oublie pas, a-t-il ajouté, et elle ne pardonnera pas à la communauté internationale d’avoir échoué.

Pour que la responsabilité de protéger devienne une véritable doctrine, il faut qu’elle inclue les rôles et les responsabilités des acteurs non-étatiques et des groupes terroristes, qui commettent des atrocités sans le moindre égard pour le droit international.  De plus, a-t-il ajouté, la responsabilité de protéger ne doit s’appliquer qu’aux violations les plus graves impliquant des atrocités de masse, des nettoyages ethniques et des génocides.

L’un des éléments clés de la responsabilité de protéger, a poursuivi le représentant, réside dans la responsabilité première qu’ont les États de protéger leur population.  Il faut donc aider, dès le début, les États qui souhaitent adopter des institutions démocratiques stables à respecter cet objectif.  Il faut également éduquer les jeunes générations, afin que les atrocités du passé, leurs causes et leurs effets, ne sombrent pas dans l’oubli.

M. STEPHEN MAHLABADISHAGO NTSOANE (Afrique du Sud) a rappelé que le rôle de la communauté internationale est d’aider les pays touchés par les conflits et de mettre un terme aux violations si un État n’assume pas ses responsabilités.  Jugeant la prévention des atrocités « essentielle », il a plaidé pour une mise en valeur des outils diplomatiques pour régler les différends de manière pacifique, surtout si les populations risquent de souffrir.  La responsabilité de protéger, a-t-il dit, nécessite des ressources importantes.  Soulignant que le monde a changé et que l’ONU a montré son inefficacité à faire face aux conflits, il a plaidé en faveur d’un Conseil de sécurité plus représentatif, moins discriminatoire, sourd aux intérêts particuliers et ouvert aux pays touchés par les conflits.  On ne saurait être sélectif dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, a prévenu le représentant, avant de plaider pour la mise en place de centres d’alerte rapide.

Pour Mme CECILIA ANDERBERG (Suède), la responsabilité de protéger a reçu des critiques non justifiées sur le recours aux interventions militaires pour stopper les atrocités.  « L’action collective, selon le pilier 3, inclut des mesures coercitives ou non coercitives et il est impératif que ces dernières soient en accord avec la Charte des Nations Unies », a rappelé la déléguée.  Mettant en évidence l’importance de la prévention, elle a affirmé qu’un travail continu sur l’identification des risques, le développement de systèmes d’alerte précoce et une évaluation anticipée des capacités permettent d’éviter les atrocités.  « Mais les alertes précoces doivent être suivies d’actions précoces », a mis en garde la représentante qui a salué le rapport du Secrétaire général à cet égard.  « Nous soutenons les recommandations sur le renforcement des capacités existantes, la promotion de la responsabilité et la reconnaissance du potentiel d’autres acteurs, comme les femmes », a fait savoir la représentante. 

M. MICHAEL BONSER (Canada) a rappelé qu’au Sommet mondial de 2005, les chefs d’État et de gouvernement avaient pris l’engagement de prévenir les atrocités en adoptant la responsabilité de protéger.  En ce moment, a ajouté le représentant, malgré le cadre normatif solide, 65,5 millions de personnes sont déplacées de force dans le monde dont une grande partie sont des enfants.  En Syrie, au Yémen, au Myanmar et au Soudan du Sud, des millions de personnes cherchent à conserver un tant soit peu de leur dignité, de leurs moyens de subsistance et de leur sécurité.  En examinant les situations d’atrocités, nous devons mettre en pratique les leçons apprises et reconnaître que nous devons faire davantage pour éviter les conflits, dont renforcer les capacités des États en matière d’alerte rapide, d’analyses des conflits, de règlement des différends et de médiation. 

Le Canada appuie le programme de prévention des Nations Unies et défend les valeurs d’une gouvernance inclusive et responsable, d’un pluralisme pacifique, de l’égalité des sexes et des droits de la personne.  Nous croyons qu’il faut aider les États fragilisés à assumer leur responsabilité de protéger de manière à renforcer leur prise en charge au niveau national et leur résilience et à garantir qu’aucun vecteur de conflits et de violence ne s’aggrave au point de consumer un pays entier, puis une région entraînant des conséquences internationales.

Le délégué a aussi déclaré que si la prévention échoue, la réponse devrait être collective.  Le Conseil de sécurité doit assumer la responsabilité particulière de veiller à ce que la détection des premiers signes d’atrocité mène à des réponses appropriées.  L’inaction ou les actions inadéquates ont un coût humanitaire.  Il est essentiel que le Conseil de sécurité s’unisse pour concevoir des réponses en temps opportun lorsqu’il y a des risques d’atrocité.  À cet égard, il serait utile que les conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger, de même que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, fassent le point de la situation plus régulièrement devant le Conseil.  Avec la réforme de l’ONU en cours qui accorde une place importante à la prévention, nous espérons que la responsabilité de prévenir les atrocités sera clairement définie dans une structure des Nations Unies cohérente. 

M. KAI SAUER (Finlande) a indiqué que son pays avait organisé la huitième réunion mondiale des coordonnateurs nationaux de la responsabilité de protéger à Helsinki.  Cette réunion a été l’occasion d’échanger des pratiques exemplaires pour intégrer la responsabilité de protéger dans les activités quotidiennes au niveau national et dans les politiques étrangères.  La réunion a permis de réaffirmer la foi dans l’état de droit et dans un système international fondé sur cet état de droit.  Le représentant a affirmé le soutien sans réserve de son pays à la Cour pénale internationale, estimant qu’il est justifié de discuter de son rôle au cours de cette réunion car elle peut avoir un rôle de dissuasion. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a réaffirmé son attachement aux trois piliers de la responsabilité de protéger, regrettant un problème de compréhension concernant le pilier 3 et l’intervention militaire.  « Nous devons le traiter.  Tout un ensemble de mesures prévues au titre du pilier 3 telles que l’embargo sont différentes de l’action militaire » a-t-il tenu à préciser.  Notant l’écart entre l’engagement et les actes, il a appelé à investir dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, regrettant que la communauté internationale n’ait pas fait preuve de la détermination suffisante.  Il a encouragé les États à ratifier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et a demandé de soutenir le Groupe ACT.  « Ce sont des mesures nécessaires pour que le Conseil de sécurité agisse efficacement en cas d’atrocités de masse », a-t-il expliqué. 

Soulignant le rôle crucial de la Cour pénale internationale, il a salué la nomination du Coordinateur de l’Union européenne pour la responsabilité de protéger et a appelé les États Membres à faire de même.  Nous devons utiliser au mieux le système des Nations Unies.  Les conseillers spéciaux doivent intervenir au Conseil de sécurité ainsi que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme lorsque des populations sont confrontées à des menaces, a-t-il souhaité.  Les mécanismes de Genève jouent un rôle important pour réagir aux crimes et il faut renforcer l’Examen périodique universel.  Pour lui, les opérations de maintien de la paix sont un bon véhicule pour intégrer la responsabilité de protéger.  La communauté internationale, a-t-il conclu, doit être ferme contre les applications abusives de la responsabilité de protéger à des fins privées.  « Toute ambigüité doit être levée ». 

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a rappelé que la responsabilité de protéger les civils incombe aux États, ajoutant que le développement durable est la meilleure prévention contre les atrocités de masse.  Il a exhorté la communauté internationale à aider les pays à prévenir les conflits.  Toute action collective visant à remédier à des situations d’atrocités de masse doit se faire par le biais de l’ONU, comme cela a été clairement rappelé lors du Sommet mondial de 2005, a-t-il dit.  C’est uniquement lorsque les moyens pacifiques ne suffisent pas et que les autorités nationales ne protègent manifestement pas leur population, que naît la responsabilité d’une action collective, a-t-il aussi souligné.  Il a appelé à une limitation du droit de veto en cas d’atrocités de masse et mis en garde contre une utilisation de la responsabilité de protéger pour justifier une ingérence dans les affaires intérieures d’un État souverain.  Prônant le dialogue, il a conclu que ce concept ne devait pas être vu comme imposé par un groupe d’États à un autre.  Il doit être utilisé de manière sélective pour avancer l’agenda politique de certains États. 

M. PAVEL RADOMSKI (Pologne) a jugé que la responsabilité de protéger n’est pas un concept abstrait, mais une mesure qui sauve des vies.  « Il est de notre responsabilité de permettre aux femmes, aux hommes et aux enfants de vivre une vie sans souffrances ».  Le représentant a aussi jugé qu’utiliser des formules adaptées en matière de prévention de conflits permettait de réduire les interventions.  Les actions préventives doivent être adaptées au contexte, a-t-il ajouté, précisant qu’il n’existe pas de solution « à taille unique ».  Au contraire, M. Radomski a encouragé les initiatives à l’échelon local, le plus possible individualisées.  Concernant l’obligation de rendre des comptes, il a rappelé que les États Membres sont moralement, politiquement et juridiquement dans l’obligation de se conformer aux mesures visant à mettre fin à l’impunité et à rendre justice.

Se félicitant des progrès accomplis depuis le Sommet mondial de 2005, M. HAM SANG WOOK (République de Corée) s’est cependant dit alarmé par le rapport du Secrétaire général.  Le délégué a formulé trois recommandations et d’abord, l’amélioration des mécanismes d’alerte précoce aux niveaux domestique, régional et international, et un renforcement des synergies entre elles pour faire de la prévention des atrocités un programme pratique.  Il a ensuite cité la nécessité d’une action rapide, la responsabilité de protéger ne pouvant être réalisée si cette dernière ne suit pas les mécanismes d’alerte précoce.  À cet égard, la République de Corée soutient le Code de conduite du Groupe ACT qui prévoit que le droit de véto soit limité dans les situations qui requièrent une action immédiate en réponse aux atrocités criminelles.  Le délégué a aussi appelé à une meilleure utilisation de l’Examen périodique universel et des procédures spéciales.  Enfin, il a appelé à renforcer les efforts « pour mettre fin à l’impunité et assurer le respect de l’obligation de rendre des comptes « pour toutes les atrocités commises dans chaque coin du globe ». 

M. SHAHRUL IKRAM YAAKOB (Malaisie) a reconnu les intentions nobles de la responsabilité de protéger, tout en partageant la circonspection d’autres États Membres sur sa mise en œuvre.  Il a noté que les divergences d’opinion persistaient sur ce concept, sa compréhension et sa mise en œuvre concernant, notamment la sécurité des États, et les mandats internationaux.  Jugeant que les solutions non militaires devraient toujours avoir la priorité, M. Yaakob a rappelé que les atrocités commises par des groupes armés non étatiques entrainaient de nouveaux défis, relatifs notamment à l’impact des nouvelles technologies de l’information.  Il a appelé à davantage de collaboration entre États Membres, organisations régionales et sociétés civiles dans ce domaine. 

Notant que les alertes précoces s’étaient considérablement améliorées ces dernières années, il a souhaité que la prévention des conflits devienne désormais la règle plutôt que l’exception au sein de l’Organisation.  Dans cet esprit, M. Yaakob a appelé les membres du Conseil de sécurité à renoncer à leur droit de véto, en cas d’atrocités criminelles, et se montrer disposés à réagir aux signes précurseurs.  Il a insisté sur une régulation du droit de véto afin de permettre à la communauté internationale d’agir rapidement pour sauver des vies innocentes.

Évoquant les crimes brutaux du siècle dernier, M. JORGE SKINNER-KLEÉ ARENALES (Guatemala) a rappelé que la communauté internationale a élaboré, au fil du temps, un système de codification qui donne la priorité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.  Chaque État a la responsabilité première de protéger sa population des atrocités.  La responsabilité de protéger, a estimé le représentant, est une forme « exceptionnelle » de protection des populations.  Elle doit être renforcée au niveau des foyers de tension.  Pour lui, le Conseil de sécurité doit davantage intervenir, conformément à sa mission.  Se félicitant que son pays fasse partie de l’initiative du Code de bonne conduite, il a relancé l’appel à défendre les obligations découlant du droit international humanitaire, des droits de l’homme et du droit des réfugiés, car elles sont intimement liées à la responsabilité de protéger.  Cette responsabilité, a-t-il affirmé, est complétée par une approche préventive pour éviter les conflits.  Que ce sujet soit à l’ordre du jour de l’Assemblée générale est une preuve de notre volonté politique, s’est réjoui le délégué qui a souhaité qu’il y reste de manière permanente.  En conclusion, il a tenu à condamner des pratiques, qui même si elles ne relèvent pas du génocide et des crimes contre l’humanité, sont « inacceptables »: « J’ai en tête la séparation des parents et des enfants à la frontière, qui provoque des dégâts émotionnels immenses ». 

Mme NINIKANWA OLACHI OKEY-UCHE (Nigéria) a proposé de renforcer les capacités de prévention existantes, de continuer à promouvoir l’obligation de rendre compte et d’innover en élargissant sensiblement l’implication de la société civile dans la prévention des atrocités.  Elle a invité le Conseil à exploiter davantage le potentiel offert par les mécanismes formels et informels existants.  Le Conseil devrait améliorer sa coopération avec le Conseil des droits de l’homme, a-t-elle dit, avant de souligner l’importance du Statut de Rome.  Elle a demandé à tous les États Membres de respecter le droit humanitaire et le droit des réfugiés qui sont à la base de la responsabilité de protéger.  La prolifération des armes légères et de petit calibre a nourri les activités terroristes de Boko Haram au nord-est du Nigéria, a-t-elle dit, et le Gouvernement a mis en place un point focal national sur la responsabilité de protéger et un Bureau des droits de l’homme pour veiller à ce que les opérations militaires de l’armée nigériane respectent les règles d’engagement, a conclu la déléguée nigériane. 

Pour M. MOHAMED OMAR MOHAMED GAD (Égypte), la responsabilité de protéger relève des États et les efforts internationaux doivent viser le renforcement des capacités nationales.  La mise en œuvre de cette responsabilité ne saurait saper les principes internationaux tels que l’égalité entre État et la souveraineté nationale, a mis en garde le représentant.  La communauté internationale doit avoir un rôle d’appui pour que les États Membres honorent leur engagement et les interventions doivent rester conformes à la Charte.  Les stratégies internationales doivent bénéficier d’un large appui des États Membres afin de dissiper tout doute sur leur finalité, dont l’ingérence dans les affaires d’un pays tiers.  Il faut éviter toute initiative qui n’a pas été approuvée en dehors des gouvernements, a-t-il insisté.  Nous sommes d’accord avec l’objectif noble sur lequel repose la responsabilité de protéger mais le problème réside dans l’ambiguïté qui entoure cette notion, en particulier le fait que c’est une notion politique qui n’est pas encore devenue une notion juridique.  Il nous faut plus de temps, a plaidé le représentant, pour poursuivre le dialogue et répondre aux préoccupations des uns et des autres.  Il faudra du temps pour parvenir à un consensus » a-t-il conclu, affirmant que le travail qui reste à faire à un préalable à l’inscription permanente de la question à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  À ce stade, sans une définition agréée, nous nous y opposons, a prévenu le représentant. 

Conscient des différences d’approche quant à la mise en œuvre pratique de la responsabilité de protéger, M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a incité à garder un dialogue constant entre États Membres.  Au sujet des systèmes d’alertes précoces, il a proposé l’organisation de réunions à intervalle régulier, « où les conseillers spéciaux du Secrétaire général sur la prévention du génocide et la responsabilité de protéger présenteraient au Conseil de sécurité, et à d’autres organes pertinents des Nations Unies, les informations qu’ils ont recueillies, pour ensuite formuler des recommandations d’actions concrètes ».

Jugeant le travail de prévention « indispensable », mais pas suffisant, M. Pecsteen de Buytswerve s’est référé au Document final du Sommet mondial de 2005 pour inciter à ce que, « lorsque les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leur population », l’action de la communauté internationale soit primordiale.  Plus concrètement, il a souhaité que le Conseil de sécurité remette la protection des civils au cœur des mandats des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.

La lutte contre l’impunité doit également être une priorité, a-t-il poursuivi; une lutte qu’il a jugé « de la responsabilité de chaque État ».  Invitant les États ne l’ayant pas encore fait à ratifier la version la plus récente du Statut de Rome, il a plaidé pour que le Conseil de Sécurité renforce son soutien à la Cour, en particulier pour les missions qu’il lui a confiées.  « Face à l’inaction du Conseil », le représentant a salué l’action du Mécanisme international d’enquêter sur les violations commises en Syrie.

Il a aussi exhorté le Conseil à ne pas laisser les désaccords entre ses membres permanents déboucher sur l’inaction: « il y va de sa crédibilité comme acteur essentiel du maintien de la paix et de la sécurité internationales », a-t-il dit, en soutenant l’initiative franco-mexicaine pour encadrer le droit de véto en cas d’atrocités.

Droit de réponse

Le représentant de l’Inde a noté qu’une délégation a utilisé cette instance à des fins abusives, comme par le passé.  « Le Jammu-et-Cachemire est une partie inaliénable de l’Inde.  Aucune rhétorique du Pakistan ne changera cette situation ».

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale demande à la Fédération de Russie de retirer ses troupes et armements de la République de Moldova

Soixante-douzième session,
8293e séance – matin
AG/12030

L’Assemblée générale demande à la Fédération de Russie de retirer ses troupes et armements de la République de Moldova

L’Assemblée générale a adopté*, ce matin, une résolution qui exhorte la Fédération de Russie à retirer en bon ordre, sans conditions et sans plus tarder ses forces et ses armements du territoire de la République de Moldova.  Une motion a été présentée au préalable par la Fédération de Russie pour ajourner l’examen de cette question, mais elle a été rejetée.  Une autre résolution a été adoptée au cours de cette séance, sur le renforcement de la coopération régionale et internationale pour assurer la paix, la stabilité et le développement durable dans la région de l’Asie centrale.

La première résolution avait trait à la question à l’ordre du jour de l’Assemblée des « Conflits prolongés dans la région du Groupe GUAM** et leurs incidences sur la paix et la sécurité internationales et sur le développement ».  Elle a été adoptée par 64 voix pour, 83 abstentions et 15 voix contre.

Pour le Ministre moldave des affaires étrangères et de l’intégration européenne, le résultat du vote montre bien que « notre appel est juste et légitime ».  M. Tudor Ulianovschi a d’ailleurs salué ce jour « historique » où, après plus de 26 ans, l’Assemblée générale a déclaré que la présence militaire russe est illégale et doit être retirée.

Par ce texte, l’Assemblée se déclare profondément préoccupée par le stationnement du Groupe opérationnel des forces russes et de ses armements sur le territoire de la République de Moldova, qui se poursuit sans le consentement de cet État Membre des Nations Unies.

L’Assemblée assure les États participants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de son soutien et les engage à continuer de faciliter l’achèvement du retrait des forces militaires et des armements russes du territoire de la République de Moldova, conformément aux décisions de l’OSCE et comme convenu au sommet que cette Organisation a tenu à Istanbul en 1999.

La représentante de l’Union européenne a réaffirmé son appui à la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Moldova dans ses frontières internationalement reconnues.  Elle a souligné l’importance de parachever les processus entamés sur la base des engagements convenus au Sommet d’Istanbul de l’OSCE de 1999.  Le respect de la neutralité de la République de Moldova est un élément clef dans les efforts déployés pour régler de façon pacifique le conflit transnistrien, a-t-elle rappelé.  À cet égard, l’Union européenne salue les progrès encourageants réalisés dans le cadre du « format 5+2 ».

La Fédération de Russie a dénoncé la politisation du problème.  Les parties ont signé un accord qui a permis de régler de nombreux problèmes de la vie quotidienne de la population comme les transports, a argué le délégué.  Cette résolution n’aidera pas ces progrès, a-t-il estimé avant de dénoncer les membres de l’OSCE qui ont voté en faveur de la résolution: « Bruxelles ne souhaite pas le règlement de la situation ».  Il a aussi regretté que l’Assemblée générale ait été amenée à ce vote.   

La République islamique d’Iran, qui a voté contre la résolution, a renchéri en affirmant que l’Assemblée générale n’est pas l’enceinte appropriée pour discuter de cette question.  De son côté le Viet Nam, qui s’est abstenu, a appelé les parties au dialogue et au règlement pacifique du différend.

Avant le vote, la Fédération de Russie a évoqué l’article 74 du règlement intérieur pour demander l’ajournement du débat sur la question soumise et pour que l’Assemblée générale ne se prononce pas sur la proposition de la République de Moldova.  La motion russe a été rejetée par 80 voix contre, 24 voix pour et 48 abstentions.

L’Assemblée générale a également adopté par consensus une résolution*** qui prône le renforcement de la coopération régionale et internationale pour assurer la paix, la stabilité et le développement durable dans la région de l’Asie centrale.  Un texte qui demande aux États Membres d’appuyer les efforts que font les États d’Asie centrale pour atténuer les effets environnementaux et socioéconomiques de l’assèchement de la mer d’Aral.  Une demande est faite aussi aux institutions spécialisées, fonds et programmes des Nations Unies pour qu’ils harmonisent leurs programmes et activités à l’appui des priorités recensées par les pays d’Asie centrale en matière de coopération, d’intégration et de développement durable dans la région.

La représentante de l’Union européenne, partenaire engagé des cinq pays de la région, a salué les développements positifs en Asie centrale.  L’Union européenne, a-t-elle indiqué, lancera début 2019 sa nouvelle stratégie pour l’Asie centrale.  Elle a encouragé ces pays à continuer de créer les conditions régionales pour la paix et le développement en Afghanistan. 

Le Kirghizistan a dit s’être joint au consensus sur cette résolution mais a précisé qu’il ne pouvait pas reprendre ses activités au sein du Fonds international pour le sauvetage de la mer d’Aral sous les auspices du Turkménistan.

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

*A/72/L.58

** Groupe GUAM: Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Moldova

**A/72/L.61

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité élit M. Yuji Iwasawa, du Japon, juge à la Cour internationale de Justice

8292e séance – matin
CS/13390

Le Conseil de sécurité élit M. Yuji Iwasawa, du Japon, juge à la Cour internationale de Justice

Le Conseil de sécurité, simultanément avec l’Assemblée générale, a élu, aujourd’hui, M. Yuji Iwasawa, du Japon, au poste de juge à la Cour internationale de Justice (CIJ). 

Pour être déclaré élu, un candidat doit obtenir la majorité absolue dans les deux organes, comme cela a été le cas aujourd’hui puisque M. Iwasawa a reçu 15 voix au Conseil de sécurité et obtenu la majorité absolue à l’Assemblée générale. 

Comme le prescrit le Statut de la CIJ, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité procèdent indépendamment l’un de l’autre à l’élection des membres de la Cour dont le mandat est par ailleurs de neuf ans.  Une fois que les deux instances se sont notifié que le candidat a obtenu la majorité absolue des voix aux deux scrutins, ils annoncent chacun son élection.  Les élections se tiennent normalement tous les trois ans pour un renouvellement par tiers des 15 juges, les dernières ayant eu lieu en novembre 2017.

En l’espèce, M. Iwasawa a été élu en remplacement de son compatriote, M. Hisashi Owada, qui avait annoncé sa démission au Président de la CIJ le 6 février dernier, avec effet dès le 7 juin 2018.  

Le nouveau juge, dont la candidature unique était endossée par 44 États Membres, prend fonctions dès ce jour pour un mandat qui s’achèvera le 5 février 2021. 

M. Iwasawa a à son actif une carrière académique et judiciaire internationale.  Président du Comité des droits de l’homme depuis 2017, il assumait aussi, depuis 2016, les fonctions de Président de la Société japonaise de droit international et de Vice-Président de l’Association de droit international de Londres.  Il a donné des cours dans plusieurs universités et instituts à travers le monde et été membre de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones de 2002 à 2004.  

Instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies, la Cour internationale de Justice est l’organe judiciaire principal des Nations Unies.  Sa mission est de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les États et de donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes et les institutions spécialisées de l’ONU autorisés à le faire.  La Cour, qui est assistée du Greffe, son organe administratif, siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas).  Ses langues officielles sont le français et l’anglais.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale, en accord avec le Conseil de sécurité, élit M. Yuji Iwasawa, du Japon, juge à la Cour internationale de Justice

Soixante-douzième session,
97e séance plénière - matin
AG/12029

L’Assemblée générale, en accord avec le Conseil de sécurité, élit M. Yuji Iwasawa, du Japon, juge à la Cour internationale de Justice

M. Yuji Iwasawa, du Japon, a été élu ce matin membre de la Cour internationale de Justice (CIJ) par l’Assemblée générale, à la majorité absolue des voix et en accord avec le Conseil de sécurité, comme l’exige le Statut de la Cour.  L’Assemblée a ainsi pourvu le siège devenu vacant à la CIJ à la suite de la démission du juge Hishashi Owada, également du Japon, qui a pris effet le 7 juin 2018.

Le nouveau juge siègera à compter d’aujourd’hui et jusqu’à l’expiration du mandat de son compatriote, soit le 5 février 2021. 

Professeur à la faculté de droit de l’Université de Tokyo depuis 2005, M. Iwasawa préside aussi le Comité des droits de l’homme à Genève depuis 2017, et la Société japonaise de droit international depuis 2016.  Auparavant, il a été juge au Tribunal administratif de la Banque asiatique de développement, à Manille (Philippines), de 2004 à 2013.  Spécialisé en droit international public, il est l’auteur de nombreuses publications.  

La CIJ est composée de 15 juges élus pour neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité.  Sa composition est normalement renouvelée par tiers tous les trois ans.  Les 14 autres membres de la Cour sont M. Abdulqawi Ahmed Yusuf (Somalie), Mme Xue Hanqin (Chine), M. Peter Tomka (Slovaquie), M. Ronny Abraham (France), M. Mohamed Bennouna (Maroc), M. Antonio Augusto Cançado Trinidade (Brésil), Mme Joan E. Donoghue (États-Unis d’Amérique), M. Giorgio Gaja (Italie), Mme Julia Sebutinde (Ouganda), M. Dalveer Bhandari (Inde), M. Patrick Lipton Robinson (Jamaïque), M. James Richard Crawford (Australie), M. Kirill Gevorgian (Fédération de Russie) et M. Nawaf Salam (Liban). 

Créée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies, la CIJ est l’organe judiciaire principal de l’ONU.  Siégeant à La Haye, aux Pays-Bas, la Cour règle les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les États Parties et donne des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes et les institutions spécialisées de l’ONU.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Comité de la décolonisation: La Nouvelle-Calédonie, à la veille d’un « acte politique historique », avec le référendum du 4 novembre 2018

session 2018,
10e séance plénière – matin
AG/COL/3327

Comité de la décolonisation: La Nouvelle-Calédonie, à la veille d’un « acte politique historique », avec le référendum du 4 novembre 2018

Le Comité spécial de la décolonisation a achevé les travaux de sa session 2018 en examinant la situation de la Nouvelle-Calédonie, qui se trouve, selon le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), « à quelques mois d’un acte politique historique », avec la tenue, le 4 novembre prochain, d’un référendum d’autodétermination, aboutissement de l’Accord de Nouméa de 1998.

Dans un projet de résolution*, l’un des six adoptés aujourd’hui, le Comité spécial, qui s’est rendu en Nouvelle-Calédonie en mars dernier, recommande à l’Assemblée générale de demander à la France d’étudier, au vu des recommandations de sa mission de visite, la possibilité d’élaborer un programme d’éducation visant à informer le peuple néo-calédonien de la nature de l’autodétermination, afin qu’il soit mieux préparé au moment de prendre une décision sur la question.

« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante? » sera la question posée au corps électoral néo-calédonien.

La composition de ce corps électoral est l’objet de vives tensions entre partis pro et anti-indépendantistes, comme l’a rappelé M. Roch Wamytan, du Congrès de Nouvelle-Calédonie.  Le droit à l’autodétermination, a-t-il martelé, est « un droit dont l’exercice est réservé à des peuples qui, à un moment donné de leur histoire, ont été colonisés par des peuples européens venus dans le Pacifique chercher des terres à coloniser ou à évangéliser ».

Le pétitionnaire a dénoncé l’« immigration massive » encouragée par la France qui pourrait « enterrer » les revendications d’indépendance.  Même son de cloche du côté de M. Michael Forrest, du FLNKS, qui a déclaré que des « personnes non concernées par le processus politique continuent d’être inscrites sur la liste ».  Une telle pratique installe le doute au sein de la population concernée, a-t-il prévenu.  À cet égard, l’Assemblée devrait, selon le Comité spécial, se féliciter de l’engagement du Comité des signataires de l’Accord de Nouméa à définir les modalités d’un « acte incontestable » d’autodétermination, notamment l’établissement d’une liste électorale.  Le vote référendaire du 4 novembre 2018 devrait se tenir en présence d’observateurs des Nations Unies.

En cas de rejet de l’accession à l’indépendance, un second référendum pourra être organisé en 2020 à la demande du tiers des membres du Congrès (19 membres).  En cas de nouveau rejet, un troisième référendum pourra se tenir en 2022, selon les mêmes conditions.  Si le résultat est toujours négatif, les parties à l’Accord devront alors se réunir pour examiner la situation ainsi créée.

Dans un autre projet de résolution consacré à la Polynésie française**, adopté sans vote comme les autres textes, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de prier la Puissance administrante d’intensifier son dialogue avec la Polynésie française afin de favoriser la mise en place rapide d’un processus d’autodétermination équitable et effectif, dans le cadre duquel seront arrêtés le calendrier et les modalités de l’adoption d’un acte d’autodétermination.

« La France doit sortir de « l’ombre diplomatique » et s’acquitter de ses obligations, en soumettant notamment des renseignements sur la Polynésie française au Secrétaire général de l’ONU », a réagi M. Richard Ariihau Ruheiava, du Groupe Tavini Huiraatira, qui a réclamé un véritable processus de décolonisation associant les Nations Unies et conduisant à la tenue d’un référendum.

En revanche, pour M. Manuel Terrai, Délégué aux affaires internationales, européennes et du Pacifique, la Polynésie française est bien « un territoire autonome » qui doit être retiré de l’ordre du jour du Comité spécial.  « C’est le choix et la position qui se sont librement exprimés lors des échéances électorales de 2013 et de 2017 », a-t-il insisté.

Aux termes du projet relatif aux Tokélaou***, l’Assemblée devrait constater que la Nouvelle-Zélande continue de s’efforcer sans relâche de répondre aux besoins socioéconomiques du peuple tokélaouan, notamment par la mise en place de nouveaux équipements de transport, le développement de l’infrastructure de transport et la fourniture d’un appui budgétaire et de la détermination de ce pays et des Tokélaou à continuer d’œuvrer ensemble dans l’intérêt du peuple.

La Nouvelle-Zélande, a affirmé aujourd’hui son représentant, est confiante que la nouvelle relation avec les Tokélaou aura des retombées positives et tangibles pour la population locale.  L’Ulu-o-Tokelaou, M. Faipule Afega Gaualofa, a reconnu que son territoire aura besoin de la Nouvelle-Zélande pour son développement, eu égard à son éloignement géographique et à sa vulnérabilité aux changements climatiques.

S’agissant du projet de résolution sur les Îles Turques et Caïques****, le Comité spécial recommande à l’Assemblée de réaffirmer son soutien au plein rétablissement de la démocratie, de noter que le débat engagé sur la réforme constitutionnelle se poursuit et de souligner qu’il importe que l’ensemble des groupes et des parties intéressés participent à ces consultations.

Enfin en ce qui concerne les îles Vierges américaines, l’Assemblée devrait prier la Puissance administrante de faciliter le processus d’approbation du projet de constitution, une fois qu’il aura été approuvé et se féliciter de la création du bureau de l’autodétermination et du développement constitutionnel de l’Université des Îles Vierges financé par la Puissance administrante.

L’Assemblée devrait « déclarer de nouveau qu’elle soutient les aspirations des peuples soumis à la domination coloniale qui souhaitent faire valoir leur droit à l’autodétermination » et « demander aux puissances administrantes de chaque territoire d’apporter leur appui au Comité spécial ».  Ces dispositions se trouvent dans le projet de résolution sur l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.  Le Comité spécial a aussi adopté les conclusions et recommandations du Séminaire régional pour le Pacifique qui s’est tenu à Saint-Georges du 9 au 11 mai 2018. *******

*A/AC.109/2018/L.22;**A/AC.109/2018/L.24;***A/AC.109/2018/L.23;****A/AC.109/2018/L.20;

******A/AC.109/2018/L.21;******A/AC.109/2018/L.25 ;*******A/AC.109/2018/CRP.4.

APPLICATION DE LA DÉCLARATION SUR L’OCTROI DE L’INDÉPENDANCE AUX PAYS ET AUX PEUPLES COLONIAUX

Question de la Nouvelle-Calédonie

Rapport de la mission de visite des Nations Unies en Nouvelle-Calédonie (12-16 mars et 19 mars 2018) (A/AC.109/2018/20)

Le mandat de la mission était de recueillir des informations de première main sur la situation relative aux divers aspects de l’application de l’Accord de Nouméa de 1998, et aider le territoire à préparer le référendum sur l’autodétermination qui devrait se tenir probablement le 4 novembre 2018.  La mission était composée des représentants de Cuba, de l’Indonésie, de l’Iraq et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

En Nouvelle-Calédonie, le mouvement indépendantiste mené par les Kanaks, peuple autochtone, a pris de l’ampleur dans les années 1970.  Les affrontements entre indépendantistes et anti-indépendantistes ont culminé avec les « événements » violents des années 1980, entraînant la mort d’environ 80 personnes entre 1984 et 1988.  Les violences ont pris fin avec la signature des Accords de Matignon, le 26 juin 1988, entre le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), favorable au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, et le Gouvernement français.

Les Accords de Matignon accordaient une plus grande autonomie locale et des aides substantielles pour réduire les inégalités marquées entre les communautés française et kanake, et prévoyaient la tenue d’un référendum sur l’autodétermination 10 ans plus tard.  Le 5 mai 1998, les indépendantistes et anti-indépendantistes ont signé l’Accord de Nouméa, qui a redéfini le statut du territoire sans qu’il soit nécessaire d’organiser le référendum prévu par les Accords de Matignon.

La décolonisation de la Nouvelle-Calédonie est donc régie par l’Accord de Nouméa, dont la mise en œuvre est suivie par le Comité des signataires.  Aux termes de l’Accord, la France s’est engagée à transférer certaines compétences au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie entre 1998 et 2018, à l’exception des compétences régaliennes.  L’Accord de Nouméa prévoit que la question posée lors du référendum porte sur le transfert des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité.  En cas de rejet de l’accession à l’indépendance, un second référendum pourra être organisé en 2020 à la demande du tiers des membres du Congrès (19 membres).  En cas de nouveau rejet, un troisième référendum pourra se tenir en 2022 selon les mêmes conditions.  Si le résultat est toujours négatif, les parties à l’Accord devront alors se réunir pour examiner la situation ainsi créée.

La Nouvelle-Calédonie compte trois listes électorales: une liste électorale générale composée des ressortissants français pouvant voter aux élections françaises et européennes, une liste électorale spéciale composée des électeurs pouvant voter aux élections du Congrès et des assemblées provinciales (dit « corps électoral restreint »), et une liste électorale spéciale formée des électeurs admis à participer aux référendums.  Les conditions d’inscription sur cette dernière liste sont énoncées dans l’article 218 de la loi organique 99-209 du 19 mars 1999.

Depuis 1999, la composition de la liste électorale pour les élections provinciales fait l’objet d’intenses débats politiques et juridiques entre partisans de l’indépendance et partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.  La liste est actualisée chaque année par des commissions administratives spéciales présidées par des magistrats, eux-mêmes nommés par le premier président de la Cour de cassation.

Selon les conclusions formulées par le Comité des signataires le 2 novembre 2017, il a été estimé que 10 922 natifs résidant en Nouvelle-Calédonie n’étaient pas inscrits sur la liste électorale générale.  En prévision du prochain référendum, les partenaires sont convenus de la nécessité politique de prendre des mesures exceptionnelles pour procéder à l’inscription automatique de ces personnes sur la liste électorale générale.  Les partenaires se sont également accordés sur le principe de l’ouverture en 2018 d’une période complémentaire pour permettre aux électeurs de s’inscrire sur la liste électorale générale, la liste électorale spéciale provinciale et la liste électorale spéciale pour la consultation.

La mission s’est entretenue avec le Haut-Commissaire, le Gouvernement néo-calédonien, le Président du Congrès, le Sénat coutumier et le Secrétaire général du Haut-Commissariat.  La mission s’est également rendue auprès des assemblées de province et a parlé avec les autorités, les fonctionnaires municipaux et les groupes politiques.  La mission a en outre vu les magistrats des commissions administratives spéciales, le Président de la Cour d’appel, le Président du tribunal de première instance, le Président du tribunal administratif, et les experts électoraux de l’ONU.  En France, elle s’est entretenue avec la Ministre des Outre-mer et des représentants du Ministère des affaires étrangères.

La mission estime que la situation reste incertaine et fragile, compte tenu de la divergence des opinions au sujet du référendum.  La génération des Néo-Calédoniens nés après les troubles civils et politiques des années 1980 est en général moins préoccupée par le processus d’autodétermination que les générations précédentes et les délinquants juvéniles, notamment les jeunes d’origine kanake de Nouméa, sont considérés comme un problème potentiel.

Il faut veiller, dit-elle, à ce que le processus électoral soit acceptable pour toutes les parties et que les enjeux du vote soient clairement expliqués à la population, ce qui reste encore à faire.  Les dirigeants politiques et le peuple néo-calédonien ont exprimé de vives inquiétudes au sujet de la question qui serait posée au référendum.  La question doit être précise, simple et facile à comprendre, notamment dans ce qu’elle signifie pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

La mission encourage la Puissance administrante, le Gouvernement néo-calédonien, et les autres parties intéressées à envisager d’inviter les entités compétentes des Nations Unies à agir en qualité d’observateurs pendant le référendum, et invite par ailleurs la Puissance administrante à définir à l’avance le mandat des observateurs internationaux.

Aujourd’hui, la représentante du Venezuela s’est félicitée du succès de la mission et s’est réjouie que les habitants de la Nouvelle-Calédonie pourront bientôt exercer leur droit à l’autodétermination.  Elle a remercié la France, Puissance administrante, pour sa collaboration avec le Comité spécial.  Lui emboitant le pas, son homologue de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a retenu l’unité avec laquelle les membres de la mission se sont mis d’accord sur ce rapport.  Le Président du Comité spécial a saisi cette occasion pour remercier tous les membres de la mission de visite.

Audition de pétitionnaires

M. ROCH WAMYTAN, Congrès de Nouvelle-Calédonie, a rappelé que la population mélanésienne kanake s’est engagée dans une lutte politique à la fin des années 60 portée par la vague du mouvement de décolonisation, dans le monde, dont les Accords de Matignon-Oudinot de 1988 et de Nouméa de 1998 ont été l’aboutissement logique.  « Si le FLNKS, le Front de libération kanak, a accepté de signer ces Accords, c’est parce qu’ils incluaient la promesse de rendre au peuple kanak son droit inné à l’autodétermination et de mener une décolonisation progressive devant déboucher sur la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. »

Signataire de l’Accord de Nouméa, M. Wamytan a signifié, lors de la réunion du 30 octobre 2017 avec le Président français, que le droit à l’autodétermination n’est pas ouvert à toutes les personnes qui habitent en Nouvelle-Calédonie.  « C’est un droit dont l’exercice est réservé à des peuples qui, à un moment donné de leur histoire, ont été colonisés par des peuples européens venus dans le Pacifique chercher des terres à coloniser ou à évangéliser. »  Les pères fondateurs du mouvement indépendantiste ont souhaité élargir le périmètre du droit à l’autodétermination aux ressortissants de communautés non kanakes et aux nombreux métis présents depuis de nombreuses générations qui, par leur sang et leur sueur, ont fait la Nouvelle-Calédonie et peuvent donc se reconnaître dans le projet politique porté par les indépendantistes.  « Cette ouverture aux autres ne vaut pas pour autant l’acceptation sans condition des politiques d’assimilation ou de fusion dans un ensemble dénué de sens pour le peuple originel. »

M. Wamytan s’est félicité de la mission du Comité spécial qu’il a toujours appelé de ses vœux.  Il a précisé qu’il avait souhaité en octobre 2017 que le Comité puisse réaliser un « véritable audit » du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie.  C’eût été plus logique, a-t-il avoué, que le Comité spécial établisse un bilan de l’Accord de Nouméa en fonction des principes de décolonisation dont un des principes nous posent problème, celui de l’article 11 sur la question des flux de migration de la France alimentant la colonie de peuplement et son impact sur le droit à l’autodétermination, a déclaré M. Wamytan.  « Cela est d’autant plus regrettable qu’un cahier des charges pour ce travail a été transmis par le Gouvernement français au Comité spécial après le refus du Secrétariat général de l’ONU de donner suite favorable à la réalisation de cet audit. »

Le pétitionnaire a insisté sur le fait que la composition du corps électoral référendaire et les procédures d’inscription suscitent encore des interrogations.  « Le Comité doit prendre cela très au sérieux », a-t-il dit, jugeant inacceptable que « l’on puisse continuer à nous tromper sur cette question du corps électoral, récurrente depuis plus de 60 ans ».  L’exercice du droit à l’autodétermination n’a pas été pensé pour enterrer des revendications par une immigration massive, mais pour permettre à des peuples colonisés de choisir librement leur destin, a-t-il conclu.

M. MICHAEL FORREST, Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), s’est exprimé, a-t-il dit, « à quelques mois d’un acte politique historique pour un futur souverain de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie ».  Les parties prenantes de l’Accord de Nouméa ont fixé la date et la question de la consultation référendaire prévue: « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante? »  L’acte d’autodétermination aura lieu le 4 novembre 2018, a-t-il confirmé.

Le pétitionnaire a précisé que ce sera la première fois que cette opportunité est donnée au peuple de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, celle de se libérer du colonialisme français.  Il a salué le rôle du Comité spécial auprès de la Puissance administrante pour garantir une consultation qui se veut juste et incontestable et faire avancer le processus de décolonisation, notamment par ses deux missions de visite sur place et ses trois missions d’observation électorale depuis 2014.

À cet égard, il a rappelé que le dernier Comité des signataires de l’Accord de Nouméa a acté la présence d’observateurs des Nations Unies durant le vote référendaire du 4 novembre.  Le pétitionnaire a également salué l’adoption de la résolution sur la Nouvelle-Calédonie aujourd’hui « car elle reflète parfaitement la situation du pays à ce stade du processus ».  Il a toutefois émis des préoccupations par rapport à l’établissement de la liste électorale, notamment pour ce qui est de l’inscription automatique décidée le 2 novembre 2017 par la Puissance administrante.  « Une posture politique que le Bureau du FLNKS a dénoncée le 8 juin 2018 car des personnes non concernées par le processus politique continuent d’être inscrites sur la liste et le plus souvent contre leur volonté », a-t-il expliqué.  Une telle pratique menace, selon lui, l’acte d’autodétermination et installe le doute au sein de la population concernée.

Il a également noté une multiplication des visites de parlementaires français depuis début 2018.  En s’immisçant dans le débat préréférendaire, ces responsables français déséquilibrent, de l’avis du FLNKS, l’impact du référendum auprès des populations concernées.  Le pétitionnaire a dénoncé l’immigration massive et organisée qui se poursuit dans un esprit opposé au processus d’émancipation et de décolonisation du territoire, et qui développe des inégalités socioéconomiques dans le pays, notamment pour ce qui est de l’accès à l’emploi et au logement.

Le FLNKS est plus que jamais mobilisé sur la promotion de son projet d’indépendance politique qui s’appuie sur les acquis des 30 dernières années tout en donnant une perspective d’avenir fiable à la jeunesse, a expliqué le pétitionnaire.  Il a précisé que ce projet avait fait l’objet de modifications cette année pour répondre aux observations de la société civile.  Le pétitionnaire a passé en revue un certain nombre d’autres initiatives menées en ce sens par le FLNKS dans le but de promouvoir le « Oui » au référendum auprès des 341 tribus et 33 communes du pays.

Adoption du projet de résolution (A/AC.109/2018/L.22)

En présentant le projet, le délégué de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a indiqué que, quel que soit le résultat du référendum, la Nouvelle-Calédonie doit demeurer sur la liste des territoires non autonomes.

Son homologue des Fidji a insisté sur la crédibilité du référendum et sur la nécessité de dissiper les préoccupations des parties.

La Nouvelle-Calédonie est à la croisée des chemins, a commenté, à son tour, le représentant la Sierra Leone.  Le destin du territoire est entre les mains de son peuple.  Un résultat positif du référendum est tout à fait possible, a-t-il ajouté, appelant la Puissance administrante à veiller à ce que les listes électorales finales soient crédibles, compte tenu des préoccupations sur une immigration massive.

La déléguée de l’Indonésie a insisté, une nouvelle fois, sur l’utilité de la mission du Comité spécial, avant de se porter coauteur du projet de résolution.

Question de la Polynésie française (A/AC.109/2018/7)

Audition de pétitionnaires

Pour M. MANUEL TERRAI, Délégué aux affaires internationales, européennes et du Pacifique, la situation économique s’améliore en Polynésie française.  En effet, les recettes fiscales ont significativement augmenté en 2016/2017, ce qui a permis de faire baisser la dette du territoire.  En 2017, c’est le secteur tertiaire qui a porté la croissance, et le niveau de consommation des ménages est revenu à celui d’avant la crise de 2004, a-t-il souligné. 

En ce qui concerne l’intégration régionale, la Polynésie française a été reconnue par ses pairs au quarante-huitième Forum du Pacifique en septembre 2017.  Depuis, le Gouvernement polynésien s’applique activement à une plus forte intégration. 

Le clivage politique en Polynésie française voit toujours, d’une part, les autonomistes et, de l’autre, les indépendantistes, a expliqué M. Terrai.  Tous les citoyens ont les mêmes droits que ceux du continent et votent tous les cinq ans leur président.  En 2013, 71% de la population avait voté pour les parties autonomistes et, cinq ans après, les résultats de l’échéance électorale ont à nouveau été clairs: 77% en faveur des partis autonomistes contre 23% pour les indépendantistes.  Après cette élection, M. Edward Fritch a été reconduit comme Président de la Polynésie française et ses priorités sont la modernisation de la société et la création de richesses grâce à des investissements stratégiques. 

La Polynésie française est bien un territoire autonome qui doit être retiré de la liste du Comité spécial, a estimé le pétitionnaire, arguant du choix et de la position librement exprimés lors des échéances électorales de 2013 et de 2017.  « Nous sommes un territoire autonome au sein de la République française », a-t-il insisté en s’étonnant que le Comité spécial prétende le contraire.  « Seule la population polynésienne a le droit de choisir son destin et elle l’a fait », a dit le pétitionnaire, en réclamant que le Comité spécial respecte ce choix et qu’il cesse ses propos malveillants contre de son pays. 

M. Terrai a également jugé plus pertinent que les auditions de pétitionnaires se tiennent avant les sessions formelles pour que leur point de vue puisse être reflété dans les résolutions du Comité spécial.  Il a d’ailleurs demandé que le Comité spécial ne reprenne pas le paragraphe 6 de la résolution de l’année dernière, même s’il a reconnu une petite modification cette année.

M. RICHARD ARIIHAU TUHEIAVA, Groupe Tavini Huiraatira, a demandé à la Puissance administrante de sortir de « l’ombre diplomatique » et de s’acquitter de ses obligations, en soumettant notamment des renseignements sur la Polynésie française au Secrétaire général de l’ONU.  Il a réclamé un véritable processus de décolonisation associant les Nations Unies et conduisant à la tenue d’un référendum.  Le pétitionnaire a énuméré les obstacles à l’exercice du droit à l’autodétermination, dont les inégalités économiques très profondes en Polynésie française, qui découlent de l’exploitation économique française.  Il a dénoncé l’accaparement des ressources naturelles, y compris sous-marines, et les difficultés à obtenir des dédommagements pour les 30 années d’essais nucléaires qui ont eu des conséquences désastreuses sur la santé de la population.  Le pétitionnaire a aussi dénoncé la mainmise de la Puissance administrante sur le découpage électoral et la composition des listes électorales.  La France peut ainsi, à sa guise, octroyer des sièges à des partis anti-indépendantistes dans une Assemblée « qui est aux mains d’un parti pro-France ».  M. Tuheiava a demandé au Comité spécial de veiller à la bonne concrétisation du droit à l’autodétermination de la Polynésie française.

M. CARLYLE CORBIN, chercheur, s’est demandé pourquoi le Comité spécial n’examine pas les territoires « au cas par cas », comme le lui a demandé la résolution 72/111.  À ses yeux, les méthodes de travail actuelles ne permettent pas les analyses approfondies et portent atteinte à la crédibilité des recommandations du Comité spécial qui, a-t-il insisté, est chargé d’évaluer en profondeur le degré d’autonomie des territoires en fonction de critères fixés par l’Assemblée générale dans ses résolutions 1514 et 1541. 

Le Comité spécial doit se méfier et éviter de légitimer la dépendance des territoires, en n’oubliant le caractère transitoire des arrangements existants, en attendant que les peuples puissent atteindre une autonomie véritable et l’exercice de tous leurs droits. 

Dans le cas de la Polynésie française, a-t-il accusé, c’est la Puissance administrante qui refuse de travailler avec le C24 sur un programme de travail.  Mais le Comité ne doit pas faire de ce refus un « veto » ou une « excuse » pour ne pas examiner les effets des tests nucléaires menés en Polynésie française.  M. Corbin a d’ailleurs demandé un rapport des Nations Unies sur cette question, avant de conclure: « La décolonisation ne doit pas devenir un mandat gelé et immobile des Nations Unies. »

Question des Tokélaou (A/AC.109/2018/14)

Audition d’un pétitionnaire

M. FAIPULE AFEGA GAUALOFA, Ulu-o-Tokélaou, a délivré trois messages au Comité spécial: premièrement, les Tokélaou n’abandonneront pas leur droit à l’autodétermination même si elles entendent entretenir des « relations amicales » avec la Nouvelle-Zélande.  Deuxièmement, en ce qui concerne la coopération entre les Tokélaou, la Nouvelle-Zélande et le Comité spécial, le pétitionnaire a jugé crucial que les intérêts de son peuple soient au centre de tous les efforts.  Troisièmement, il a souhaité que les Tokélaou et la Nouvelle-Zélande continuent de travailler ensemble pour promouvoir le bien-être de son peuple et a demandé à l’ONU de fournir une assistance aux Tokélaou.  Malgré le fait que les deux referenda qui se sont tenus en 2006 et 2007 n’ont pas recueilli la majorité des deux tiers, les Tokélaou ont renforcé leur système de gouvernance mais le pétitionnaire a exhorté le Comité à préserver son engagement en faveur du droit à l’autodétermination des Tokélaou, un territoire « qui va dans la bonne direction ».

Les Tokélaou auront besoin de la Nouvelle-Zélande pour leur développement, eu égard à leur éloignement géographique et à leur vulnérabilité aux changements climatiques, a-t-il affirmé.  Les Tokélaou continueront de solliciter le soutien de la Nouvelle-Zélande dans leur quête d’autodétermination.  Le pétitionnaire s’est attardé sur les conséquences des changements climatiques aux Tokélaou et remercié la Nouvelle-Zélande et Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour leur soutien.  « Les Tokélaou continuent d’avancer doucement mais sûrement vers l’autodétermination en renforçant leurs infrastructures, leur système de transport, leur gouvernance et leurs services publics », a conclu l’Ulu-o-Tokélaou.

Déclaration

« Nous sommes à un moment exaltant dans la relation entre la Nouvelle-Zélande et les Tokélaou », a déclaré M. CRAIG J. HAWKE (Nouvelle-Zélande) en expliquant que, l’an dernier, son gouvernement a nommé un nouvel administrateur dont le seul rôle était précisément cela.  La Nouvelle-Zélande a également décidé de « mettre à plat » sa relation avec le Pacifique et de lui donner une nouvelle impulsion.  Le représentant s’est dit confiant que la nouvelle relation avec les Tokélaou aura des retombées positives et tangibles pour la population locale.

Après avoir passé en revue un certain nombre de mesures prises sur les 30 dernières années, le représentant a indiqué que ces mesures ont permis aux Tokélaou d’arriver à un niveau substantiel d’autogouvernance dès 2000, au point d’avoir organisé une consultation référendaire en 2006 dans le but de permettre au territoire de devenir autonome en libre association avec la Nouvelle-Zélande.  Malheureusement la majorité des 2/3 requise n’a pu être obtenue, a rappelé le représentant tout en affirmant que son gouvernement continue de soutenir les efforts pour développer les capacités locales en vue d’accroître l’autonomie des Tokélaou et pour permettre à l’atoll de trouver un équilibre entre les besoins spécifiques des villages et ceux de la nation tout entière.  C’est une question qui avait été soulevée par l’Ulu devant le Comité spécial, a précisé le représentant, avant d’assurer au Comité de la volonté de son gouvernement à œuvrer en ce sens. 

En attendant, et à la demande des Tokélaou, le soutien néozélandais s’articule autour de l’amélioration de la qualité de vie des 1 500 personnes de l’atoll, grâce à un soutien budgétaire direct et à des projets de développement.  Quelque 11 millions de dollars néozélandais ont été injectés aux Tokélaou, a-t-il précisé.  Une autre somme de 15,8 millions de dollars a été débloquée en 2017 pour la remise en état des chenaux d’accès à l’attol qui dépend entièrement de la voie maritime pour son approvisionnement et son transport.  La Nouvelle-Zélande va également procurer un nouveau navire pour assurer la liaison entre les îles de l’atoll.  Pour assurer leur connexion avec le reste du monde, compte tenu de l’éloignement, la Nouvelle-Zélande a l’intention d’investir la somme de 22,2 millions de dollars néozélandais dans la fibre optique sous-marine.

Le représentant a, à son tour, souligné la vulnérabilité des Tokélaou face aux changements climatiques qui se traduit d’ores et déjà par la dégradation des zones côtières et l’acidification des lagons.  La Nouvelle-Zélande se veut le porte-parole de l’atoll sur la scène mondiale et l’associe aux négociations internationales sur les changements climatiques.

Comme le dit le Document stratégique du Secrétariat, les Tokélaou sont particulièrement exposées aux changements climatiques, à l’élévation du niveau de la mer, aux phénomènes climatiques extrêmes et aux dangers afférents.  Cette réalité a poussé le Fono général à inclure, en juillet 2016, les changements climatiques parmi ses priorités nationales de développement, au titre de son cadre de développement national pour 2016-2020.  En avril 2017, les Tokélaou ont officiellement lancé leur stratégie de lutte contre les changements climatiques, intitulée « Vivre avec le changement: stratégie nationale intégrée visant à renforcer la résilience des Tokélaou face aux changements climatiques et aux risques afférents, 2017-2030 ».  Cette stratégie comporte trois volets stratégiques et interconnectés: l’atténuation (développement de la décarbonisation); l’adaptation (renforcement de la réduction intégrée des risques et adaptation pour renforcer la résilience face aux changements climatiques et aux catastrophes) et le développement humain (renforcement des capacités, éducation, formation, information et sensibilisation du public).  Également lancé en avril 2017, le plan de mise en œuvre correspondant offre un aperçu des cinq premières années de la stratégie, du 1er juillet 2017 au 30 juin 2022.

Adoption du projet de résolution (A/AC.109/2018/L.23)

Le représentant de la Sierra Leone s’est porté coauteur du projet et s’est dit impressionné par la relation « cordiale et remarquable » entre la Nouvelle-Zélande et les Tokélaou.

Son homologue des Fidji, également coauteur du projet de résolution, a insisté sur les aspirations des Tokélaou à l’autodétermination mais a demandé que l’on replace ce processus dans le contexte des changements climatiques.  Il a salué la relation « privilégiée » entre la Nouvelle-Zélande et les Tokélaou.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Face aux besoins humanitaires record dans le monde, l’ECOSOC adopte sa résolution annuelle sur l’aide d’urgence fournie par les Nations Unies

Session de 2018,
39e & 40e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/6932

Face aux besoins humanitaires record dans le monde, l’ECOSOC adopte sa résolution annuelle sur l’aide d’urgence fournie par les Nations Unies

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a clos, cet après-midi, la session 2018 de son segment humanitaire en adoptant sans vote sa résolution annuelle sur le « renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence fournie par les organismes des Nations Unies ».

Par ce texte, long de 17 pages, l’ECOSOC encourage les organismes humanitaires des Nations Unies et les autres organisations compétentes à continuer de coopérer étroitement avec les autorités nationales, tout en accentuant la coordination de l’aide humanitaire sur le terrain.

Le rapport du Secrétaire général sur la question souligne qu’en 2017, les besoins humanitaires n’ont jamais été aussi grands du fait des crises humanitaires engendrées par les conflits et les catastrophes naturelles.  À la fin de l’année, 135,7 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire et les besoins de financement s’élevaient à 23,5 milliards de dollars.

Dans cette résolution qui touche à tous les défis de l’aide humanitaire d’urgence, l’ECOSOC demande au Secrétaire général de faire, dans son prochain rapport, le point des stratégies de financement par anticipation mises en œuvre dans le cadre d’urgences humanitaires.

L’ECOSOC aborde aussi la question des changements climatiques: il engage les États Membres ainsi que les organisations régionales et internationales compétentes à continuer, entre autres, de contribuer à l’adaptation et à l’atténuation de ces changements, et à consolider les dispositifs de réduction des risques de catastrophe et les systèmes d’alerte rapide multirisques.

Plus loin, il exhorte les États à continuer de prévenir les actes de violence sexuelle et sexiste, ainsi que les violations et atteintes commises contre des enfants dans les crises humanitaires, à intervenir et enquêter le cas échéant et à traduire en justice les auteurs de tels actes.

« Nous devons mobiliser l’action politique pour stopper la brutalité infligée à nos enfants », a renchéri le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Jerry Matthews Matjila, délégué de l’Afrique du Sud.

Autre domaine où l’action et la coordination sont nécessaires dans les réponses aux crises humanitaires: l’éducation, « le secteur le moins résilient en situation de crise humanitaire », selon le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock.  C’est pourquoi l’ECOSOC réaffirme « le droit à l’éducation pour tous » et l’importance d’assurer la sécurité des établissements scolaires, des conditions propices à l’apprentissage et un enseignement de qualité. 

Par ailleurs, l’ECOSOC condamne dans les termes les plus énergiques l’augmentation « alarmante » du nombre de menaces pesant sur la sûreté et la sécurité des membres du personnel humanitaire ou du personnel des Nations Unies et du personnel associé, du nombre de fois où ceux-ci sont délibérément pris pour cibles, et du nombre d’actes terroristes et d’attaques de convois humanitaires.

Il prie également le Coordonnateur des secours d’urgence de continuer à diriger les initiatives visant à renforcer la coordination et l’efficacité de l’aide humanitaire et l’obligation de rendre des comptes dans ce domaine, notamment au moyen d’un dialogue plus approfondi avec les États.  Considérant que la responsabilité est un élément à part entière de l’efficacité de l’aide humanitaire, il souligne qu’il faut « responsabiliser davantage les intervenants humanitaires à tous les stades ».

Après l’adoption de la résolution, le Groupe des 77 et la Chine a estimé que ce texte représentait un progrès pour les personnes les plus vulnérables, comme les personnes handicapées ou âgées.  Ce groupe aurait cependant souhaité que le texte incite à contribuer d’avantage au Fonds central pour les interventions d’urgence.  L’Union européenne a vu un autre point faible: alors que les conflits sont le principal facteur des situations humanitaires, cet élément est passé sous silence.  Elle a en outre déploré la régression du texte en ce qui concerne la santé reproductive, rejointe par le Canada, au nom du groupe CANZ. 

Le thème de cette session, « Restaurer l’humanité, respecter la dignité humaine et ne laisser personne de côté: travailler ensemble pour réduire les besoins humanitaires, les risques et la vulnérabilité des populations », a nourri le débat général auquel ont participé une cinquantaine de délégations.  Trois tables rondes ont été organisées, dont la dernière, ce matin, qui a porté sur le renforcement des capacités locales pour des résultats durables. 

Cet après-midi, l’ECOSOC a terminé son débat général, entamé mardi.  La clef, pour répondre aux besoins humanitaires, est la résolution des conflits qui sont responsables de 90% des besoins humanitaires, a affirmé la Fédération de Russie.  Pour sa part, la Chine a souligné l’importance de ne pas politiser l’action humanitaire, d’investir dans le développement des pays et de répondre aux besoins immédiats lors des crises.  Les États-Unis ont rappelé qu’ils restaient le plus gros donateur du monde, ayant déboursé en 2017 plus de 8 milliards de dollars pour l’aide humanitaire.  Cependant, ont-ils averti, il va falloir combler les lacunes pour ne pas « compter en permanence sur la générosité des mêmes donateurs ».

« L’écosystème humanitaire doit faire face à des défis sans précédent », a ensuite reconnu le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  Comme son homologue de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il a appuyé la vision du Secrétaire général sur le lien entre l’action humanitaire et le développement.  À l’occasion du vingtième anniversaire des Principes directeurs relatifs aux déplacements de personnes à l’intérieur de leur propre pays, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a rappelé son engagement à cet égard.  Quant au Service de la lutte antimines de l’ONU, il ne faut pas oublier qu’il mène des activités dans certains des conflits les plus complexes.

À l’issue des travaux, le Vice-Président a dit avoir entendu un appel clair: « nous devons promouvoir la dignité humaine, restaurer l’humanité, renforcer les acteurs et les communautés locales partout où c’est possible ».

ASSISTANCE ÉCONOMIQUE SPÉCIALE, AIDE HUMANITAIRE ET SECOURS EN CAS DE CATASTROPHE

Table ronde: Renforcer les capacités locales pour des résultats durables et la résilience locale - contribution de l’action humanitaire

Le Vice-Président de l’ECOSOC, M. JERRY MATTHEWS MATJILA, de l’Afrique du Sud, a ouvert la discussion consacrée à l’expérience des acteurs humanitaires locaux qui, souvent, sont à la fois touchés par les situations d’urgence humanitaire et les premiers intervenants à y répondre.  Malgré des améliorations au cours de la dernière décennie, « nous savons que le système de réponse humanitaire international n’a pas toujours été en mesure de suivre le rythme et de faire preuve de la souplesse suffisante pour adapter ses mécanismes et ses financements et fournir une réponse adaptée aux contextes », a constaté M. Matjila.  Selon lui, l’engagement international devrait être prévisible et durable.  Il devrait être basé sur une bonne compréhension de la capacité de réponse existante et des lacunes à combler, pour soutenir au mieux les efforts nationaux et locaux.

Modératrice du débat, Mme URSULA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a rappelé que plus de 400 engagements ont été pris en faveur de l’action locale lors du Sommet mondial sur l’action humanitaire d’Istanbul en 2016.  Aujourd’hui, a-t-elle relevé, « davantage de partenaires internationaux adoptent une approche plus collaborative tandis que les agences des Nations Unies rendent les partenaires locaux plus visibles ».  La voix des organisations non gouvernementales (ONG) internationales se fait aussi entendre. 

La discussion a souligné que les efforts visant à réduire la vulnérabilité des populations, à renforcer leur résilience et leur capacité à répondre aux chocs doivent commencer au niveau local, car les efforts internationaux renforcent, et ne remplacent pas, l’action humanitaire locale.  La discussion s’est basée sur les leçons tirées des pratiques actuelles des acteurs internationaux et sur les améliorations apportées à l’aide dans différents contextes locaux.

Né il y a 80 ans, le Croissant-Rouge afghan est l’une des organisations les plus anciennes d’Afghanistan, a témoigné Mme NILAB MOBAREZ, sa Secrétaire générale.  « La clef, c’est que nous nous sommes ancrés localement au sein de la société et que nous avons toujours fait preuve d’impartialité », une gageure dans un pays où s’affrontent plus de 20 groupes non étatiques armés.  Par le biais de ses réseaux locaux, le Croissant-Rouge négocie en permanence avec tous les acteurs dans l’objectif d’alléger les souffrances des êtres humains où qu’ils se trouvent.  Ce sont ses bénévoles qui retirent les corps des champs de bataille, dont un tiers sont des membres des forces gouvernementales, a précisé la panéliste.  Par ailleurs, le Croissant-Rouge a mené des campagnes de vaccination contre la polio et mis en place 40 cliniques mobiles.  Il est en train de réformer la façon dont il gère ses activités, notamment pour pouvoir « suivre chaque centime utilisé ».

« Nous connaissons nos lacunes et nous connaissons nos forces », a assuré Mme Mobarez, en expliquant que le Croissant-Rouge afghan n’hésite pas à se tourner vers des partenaires et des bailleurs de fonds extérieurs.  Par exemple, le Gouvernement indien lui a fourni 5 millions de dollars pour cinq ans et il reçoit un financement d’une organisation islamique.  Malgré un conflit prolongé de 40 ans, « le peuple a soif de montrer un autre visage de son pays », a-t-elle insisté, saluant la montée de l’équipe de cricket afghane qui est devenue l’une des 10 meilleures du monde.  Elle a aussi indiqué que pendant la fête de l’Eïd, trois jours de cessez-le-feu ont été rendus possibles: « certains soldats afghans ont pris des photos avec des Taliban venus aux portes de Kaboul déposer leurs armes avant d’entrer dans la ville ».

Il faut un processus collectif pour agir plus localement, a enchaîné Mme MONIQUE PARIAT, Directrice générale de l’aide humanitaire et de la protection civile, Commission européenne.  Elle a proposé d’engager un dialogue avec les acteurs en présence et d’aborder les questions de confiance et de transparence pour avoir « une vue précise de la façon dont l’argent est utilisé », car le fait de travailler avec des milliers d’organisations locales est très difficile.  D’où l’importance de renforcer des structures internationales telles que la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR).  À titre d’exemple, les efforts consentis en Haïti ont permis de limiter les conséquences de l’ouragan Matthew de 2016 grâce à une préparation avant et après la catastrophe et à une approche participative.  Ce succès est le fruit d’années de soutien international, a-t-elle noté. 

Pour répondre aux exigences des donateurs tout en diversifiant les sources de financement, il va falloir réviser la nature transactionnelle actuelle du système et trouver des solutions sur le long terme, notamment dans le domaine de l’eau.  Il faudra aussi renforcer la résilience et absorber les chocs, a résumé Mme Pariat en prévenant que les bailleurs de fonds devraient mieux intégrer les besoins locaux dans leur planning.  

À son tour, Mme DINEO MATHLAKO, Chef des opérations du Département des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, a expliqué que l’assistance humanitaire s’inscrit dans un projet global de promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance, du développement socioéconomique et des ressources humanitaires, et du relèvement après les conflits.  Des projets ont été menés à bien au Lesotho et au eSwatini, en collaboration avec le Programme alimentaire mondial (PAM), pour aider les femmes et les enfants à la suite d’une crise alimentaire en 2012 et après l’épisode El Niño en 2016.  « Nous avons choisi de former de petits agriculteurs locaux sud-africains au sein de leurs communautés pour aider les pays voisins », s’est-elle félicitée.  Pour transformer le maïs, « nous avons choisi des entreprises de petite taille dans des communautés désavantagées », tout en répondant aux normes de qualité du PAM et à l’exigence de « dignité de l’aide ».

C’est au travers d’un véritable partenariat que nous sommes en mesure d’aider les populations touchées dans les pays bénéficiaires, a assuré Mme Mathlako.  Son département œuvre avec le Croissant-Rouge au Sahara occidental et travaille sur le terrain avec des groupes confessionnels au Soudan du Sud pour aider les personnes déplacées qui se trouvent en dehors des camps. 

Mme MORIKA HUNTERM, Présidente du Business Disaster Resilience Council des Fidji, a présenté son organisation qui est un réseau de résilience pour le Pacifique: elle a été développée avec le secteur privé et le Gouvernement en 2016, après le passage du cyclone Winston qui a ravagé l’archipel.  L’organisation est soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), « ce qui nous permet d’avoir une plateforme pour parler votre langue et avancer ensemble », car il nous faut travailler en amont des catastrophes et « cartographier nos capacités » pour développer une approche unifiée, a expliqué Mme Hunterm.

Le Business Disaster Resilience Council des Fidji est composé d’entreprises vulnérables, qui sont les maillons de la chaîne d’approvisionnement d’entreprises multinationales, mais qui jouent un rôle vital dans leurs communautés, a précisé Mme Hunterm.  Y sont impliquées des assurances et des banques commerciales.  Mme Hunterm a précisé que l’organisation travaille aussi en partenariat avec l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et les entreprises de télécommunication de la région.  Ses efforts s’étendent aux Tonga, Vanuatu et Samoa.  « Nous pouvons vous aider à comprendre les traditions et les valeurs locales », a-t-elle ajouté en parlant des liens de confiance tissés avec les communautés.

Invitées à réagir aux exposés des panélistes, les délégations ont souligné l’importance de la mobilisation de toute la société pour contribuer aux réponses humanitaires et, en amont, aux préparations face aux risques de catastrophe.

Le représentant de la Chine a insisté sur le soutien de l’ensemble de la société au plan national de prévention des catastrophes et d’atténuation des risques jusqu’en 2020, dans ce pays en développement frappé par de nombreuses catastrophes naturelles.

Il faut « investir dans un changement de culture », a préconisé le délégué de la Suisse, avant d’ajouter qu’il fallait adhérer à des principes de gestion et fiduciaires. 

Ce sont aussi les manques d’accès au financement, aux informations et à l’éducation qu’il faut pallier, a dit la représentante d’Action Aid en expliquant ce qui avait été difficile lors de son intervention au Libéria pendant l’épidémie de maladie à virus Ebola en 2014.  Elle a plaidé pour des financements qui parviennent de façon plus directe aux acteurs locaux travaillant sur le terrain.  Cela implique une communication directe avec les ONG locales, a fait remarquer la représentante du Japon.

La continuité des activités est un facteur de motivation, a reconnu la représentante de l’Australie, car cela permet d’attirer le secteur privé dans la prévention des catastrophes.  « Nous savons bien qu’il faut être présent sur le long terme en identifiant les partenaires les plus efficaces. »  Mais il faut davantage travailler dans le domaine du transfert des risques, a-t-elle insisté, une opinion partagée par le représentant des États-Unis

À propos des risques, des informations relatives à leur évaluation sont collectées par le Programme alimentaire mondial (PAM) grâce à des téléphones mobiles.

« Il nous faut courir des risques avec des organisations que nous ne connaissons pas, c’est certain », a reconnu l’experte de la Commission européenne.  Mais, afin de contourner ces difficultés, elle a préconisé davantage de transparence avec les partenaires classiques, pour « comprendre comment ils accordent leur confiance ».  Ensuite, les financements du développement étant plus prévisibles que les financements humanitaires, il faut combler ce fossé en coopérant plus étroitement avec les acteurs du développement.  En réponse à une autre question, elle a proposé de rendre plus visibles « ceux qui sont invisibles », comme les enfants déscolarisés ou les personnes handicapées, en les identifiant clairement comme des priorités.  Elle a aussi vanté les indices liés à la problématique hommes-femmes.

Une représentante de Care International s’étant d’ailleurs intéressée aux efforts consentis pour trouver des partenariats avec des organisations de femmes, Mme Mobarez a dit que le Croissant-Rouge afghan fédère des groupes de femmes, mène des plaidoyers pour faire avancer leur cause, crée des abris pour accueillir des veuves de guerre ou encore éduquer des orphelines.  C’est en outre la seule institution du pays à s’occuper des femmes touchées par des maladies psychiatriques.

L’experte de l’Afrique du Sud a dit pour sa part travailler en partenariat avec ONU-Femmes, en impliquant des agricultrices et des femmes locales pour préparer des repas pour les enfants vulnérables.  Elle œuvre aussi avec des contractants en Namibie pour creuser des puits, avant de développer les capacités locales de gestion des projets.

Sa collègue de Disaster Resilience Council des Fidji a loué les efforts d’intégration régionale dans les pays du Sud et le travail des organisations neutres qui travaillent avec tous les acteurs, notamment pour créer davantage de résilience dans les zones de conflit ou dans les zones affectées par des catastrophes naturelles.

« Nous devons mieux tirer parti du secteur privé », a lancé le Vice-Président.  Constatant qu’il existe beaucoup de surplus dans des économies comme celles des États-Unis et de la Chine, il a estimé que « beaucoup de choses pourraient être données ».  À son avis, il faudrait peut-être que les Nations Unies fassent un audit de toutes les entreprises agroalimentaires, automobiles ou autres pour « mettre en place une espèce de banque » pour la collecte et le stockage de ces surplus. 

Suite et fin du débat général

Décision concernant le projet de résolution E/2018/L.14 

Mme MARÍA BASSOLS DELGADO (Espagne) a assuré que la protection des civils et le respect du droit international humanitaire sont parmi les grandes priorités de son pays à l’ONU.  Elle a aussi plaidé pour que l’on accorde la plus haute priorité à la solution pacifique des conflits.  L’Espagne a organisé, les 24 et 25 avril dernier, la première retraite annuelle sur le droit international humanitaire pour les membres du Conseil de sécurité, dédiée à l’assistance médicale dans le cadre des conflits.  Il ne faut pas se concentrer uniquement sur les « crises médiatiques », a ajouté la représentante dont le pays a coparrainé un évènement parallèle sur un nouveau schéma de financement pour répondre aux « crises oubliées ».  S’agissant de la résolution adoptée aujourd’hui, elle s’est dite préoccupée par un « retour en arrière » dans les domaines de la santé sexuelle et reproductive.  Enfin, elle a annoncé que l’Espagne accueillera la troisième conférence des écoles sûres en 2019.

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a lancé un appel pour une action concertée, « en ayant à l’esprit les personnes ».  D’après la dernière étude du Haut-Commissariat pour les réfugiés, « une personne quitte son foyer toutes les deux secondes », s’est-il alarmé.  Il s’est aussi inquiété que les ONG nationales et locales ne reçoivent qu’une petite partie de l’aide internationale, appelant à trouver des façons complémentaires de travailler avec elles.  Pour sa part, le Brésil a continué de proposer « des visas humanitaires » à ceux qui fuient des guerres civiles. 

En amont, a-t-il préconisé, il faut prévenir la résurgence des crises et œuvrer pour des solutions politiques complétées par une assistance en matière de développement.  La saison des ouragans a causé des pertes terribles dans la région des Caraïbes, a-t-il noté, en évoquant l’effet du réchauffement climatique et l’importance du renforcement de la résilience.  Il a salué l’accent mis sur la protection des enfants et des personnes handicapées dans la résolution adoptée cette année.  Enfin, il a appuyé la nouvelle approche du Secrétaire général pour rapprocher les acteurs du développement et les acteurs de l’humanitaire. 

M. SERGEY B. KONONUCHENKO (Fédération de Russie) a déclaré que les besoins humanitaires croissants nécessitent des actions adaptées et coordonnées de la part de la communauté internationale.  Il a précisé que l’aide humanitaire doit respecter les besoins des pays concernés.  Le représentant a aussi souligné l’importance de la résolution 46/182 de l’Assemblée générale, datant de 1991, pour garantir l’impartialité de l’aide humanitaire.  Pour répondre aux besoins urgents, il a fait appel aux États qui disposent de capacités incomparables.  Le représentant a constaté que le volume d’aide ne correspond plus au besoin d’aide, d’où la nécessité de trouver d’autres formes permanentes d’assistance.  La clef, pour répondre aux besoins humanitaires, est la résolution des conflits qui sont responsables de 90% des besoins humanitaires, a-t-il fait valoir.  C’est pourquoi il a plaidé pour que la communauté internationale trouve des solutions politiques opérationnelles aux conflits en favorisant le dialogue et en luttant contre le terrorisme notamment en Syrie, au Yémen et en Libye.

Mme LUO JIN (Chine) a fait remarquer que les catastrophes humanitaires et les effets des changements climatiques sapent les efforts de développement des pays pauvres.  Pour aider ces pays à sortir des crises, il faut les aider à renforcer leur résilience et améliorer leurs capacités institutionnelles, a-t-il prôné.  Mais pour que l’aide soit efficace, elle doit non seulement prendre en compte les besoins des pays concernés mais aussi respecter des principes de la Charte tels que l’impartialité, la neutralité et l’objectivité de l’aide.  L’aide doit aussi respecter les principes de souveraineté, d’intégrité territoriale et d’indépendance des États.  La représentante a souligné l’importance de ne pas politiser l’action humanitaire, d’investir dans le développement des pays et de répondre aux besoins immédiats lors des crises.  Outre l’augmentation du niveau de l’aide humanitaire, il faut aussi remédier aux défis technologiques pour que les pays pauvres puissent répondre eux-mêmes aux crises.  La Chine, a-t-elle signalé, apporte une aide humanitaire à 48 pays et huit agences de l’ONU à hauteur de 3 milliards de dollars. 

M. OMAR HILALE (Maroc) a estimé que la résilience devrait reposer sur une approche de long terme axée sur le développement.  La résilience doit également mettre davantage l’accent sur la prévention, la préparation et l’analyse des vulnérabilités.  Il a aussi souligné que la prise de décisions dans le cadre de l’action humanitaire ne peut être efficace en l’absence de données vérifiées, actualisées et adaptées aux besoins des populations affectées.  Il a dénoncé les obstacles qui entravent l’action du personnel humanitaire, ainsi que l’instrumentalisation, à des fins politiques, des souffrances des populations vulnérables.  Le représentant a ensuite relevé qu’en dépit d’une augmentation notable des contributions, l’aide fournie demeure en deçà des besoins réels: le déficit de financement demeure significatif.  Il a aussi souligné que l’efficacité de l’aide humanitaire reste largement tributaire de l’accès aux populations touchées, condamnant par ailleurs le détournement de l’aide humanitaire.

M. AMMAR AWAD (République arabe syrienne) a assuré vouloir apporter une assistance humanitaire à tous les Syriens.  Toutefois, il a critiqué le projet de résolution qui, selon lui, n’est pas équilibré.  En cohérence avec les interventions de certains pays, le texte ignore les principales raisons des crises, notamment les attentats terroristes.  Le représentant a dénoncé l’imposition de sanctions arbitraires contraires au droit international, avant d’exprimer ses réserves à propos du sommet humanitaire mondial.

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a jugé la situation humanitaire dans le monde très préoccupante.  Elle a assuré que les États-Unis restent engagés aux côtés des personnes dans le besoin dans le cadre de conflits ou de catastrophes naturelles.  Ils participent aux efforts liés à la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes et ne renonceront jamais à leur engagement en matière d’éducation.  La représentante a recommandé de trouver des solutions politiques aux crises et d’amener de nouveaux partenaires à la table des négociations.

Les États-Unis, s’est-elle félicitée, restent le plus gros donateur dans le monde, ayant déboursé en 2017 plus de 8 milliards de dollars pour l’aide humanitaire.  Cependant, a-t-elle averti, il va falloir combler les lacunes pour ne pas « compter en permanence sur la générosité des mêmes donateurs ».  Plus que jamais, des efforts coordonnés sont nécessaires sur le terrain dans tous les domaines d’action de l’ONU, a-t-elle réclamé.  Elle a demandé en outre que le Yémen, le Soudan et la République démocratique du Congo (RDC) restent à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Les États-Unis, a conclu la représentante, sont « le chef de file de l’action diplomatique humanitaire dans le monde ».

M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh) a souligné l’importance de la coordination pour répondre aux besoins humanitaires.  Le représentant a ensuite mis en garde contre la politisation de l’aide.  Pour lui, le meilleur moyen d’empêcher la survenue d’une crise humanitaire, c’est la prévention.  La communauté internationale doit mettre en place des activités de développement pour réduire la dépendance à l’aide humanitaire, a-t-il aussi recommandé, souhaitant aussi qu’elle réfléchisse aux moyens d’élever le volume de l’aide face à l’augmentation constante des besoins.  S’agissant du déplacement d’un million de Rohingya vers le Bangladesh, il a indiqué que son gouvernement avait fait son possible pour améliorer les camps d’accueil.  Il a demandé au Myanmar de mettre en place les conditions du retour de ces réfugiés et dénoncé le fait que moins de 20% des engagements d’aide aient été honorés à l’égard de cette crise.  Le rapatriement volontaire des Rohingya nous permettra d’obtenir de bons résultats, a-t-il estimé.

Mme HESSA MUNEER MOHAMMED RASHED ALATEIBI (Émirats arabes unies) a souligné l’importance d’intégrer la perspective genre dans l’aide humanitaire.  La représentante a aussi demandé à ce que des outils soient mis en place pour identifier les besoins des personnes handicapées dans les situations de crise.  Elle a ensuite souligné l’importance de la prévention pour éviter les crises.  Le financement conjoint est également important aux yeux de la délégation qui a conseillé de réduire la concurrence des différentes organisations humanitaires pour les financements.  Elle a indiqué que son gouvernement avait consacré plus de 300 millions de dollars pour répondre aux besoins des plus vulnérables ces dernières années. 

M. YASHAR T. ALIYEV (Azerbaïdjan) a estimé que le déplacement interne de populations constitue un obstacle sérieux à la réalisation des objectifs de développement durable.  Il a partagé le point de vue du Secrétaire général selon lequel l’attention accordée à ce problème n’est pas suffisante.  Son pays, a-t-il rappelé, est lui-même confronté à une crise de déplacement interne en raison de l’occupation étrangère.  « Le Gouvernement a prouvé que l’amélioration des conditions socioéconomiques des personnes déplacées est possible », a-t-il témoigné en affirmant que d’énormes ressources budgétaires ont été allouées pour répondre aux besoins des déplacés.

Soulignant l’importance de se préparer aux catastrophes naturelles, Mme ANAT FISHER-TSIN (Israël) a souligné que son pays était à l’avant-garde des réponses dans ce cadre.  Israël a ainsi envoyé une équipe d’experts au Guatemala juste après l’éruption récente du volcan El Fuego.  La résilience et le renforcement des capacités sont l’un des piliers du développement, a souligné la représentante.  « Celui qui sauve une vie sauve le monde entier », a-t-elle dit en citant un dicton juif.

M. ABDALLAH Y. AL-MOUALLIMI (Arabie saoudite) a fait remarquer que son pays avait toujours répondu aux appels des pays touchés par les crises humanitaires.  Son gouvernement vient de lancer divers projets d’aide humanitaire, dont le projet de réintégration des enfants enrôlés dans la guerre, comme au Yémen.  Le Centre du roi Shalman sur le développement investit ainsi plusieurs millions de dollars dans ce pays pour faire face à la crise humanitaire.  Au plan international, l’aide pour le développement de l’Arabie saoudite se chiffre à un milliard de dollars dans 37 pays.

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a demandé à ce que les principes de la résolution 46/182 de l’Assemblée générale soient être respectés.  « Nous devons aussi promouvoir la prévention pour éviter les crises. »  Le représentant a ainsi souligné l’importance d’aider les pays en développement, notamment par le renforcement de leurs capacités et de leurs actions entreprises dans le domaine du développement durable.  Tous les acteurs du développement doivent coopérer pour réduire les besoins des personnes vulnérables, a encore exhorté le représentant qui a prié pour que l’on garde toujours à l’esprit l’idée de ne laisser personne de côté. 

M. ASHRAF ELNOUR MUSTAFA MOHAMED NOUR, Organisation internationale pour les migrations (OIM), a abordé la question des mouvements de population qui se font par nécessité et non pas par choix: les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées sont souvent parmi les populations les plus vulnérables, et ils sont souvent oubliés.  Les faits parlent d’eux-mêmes, a-t-il rappelé en citant le chiffre record de 65,6 millions de déplacés.  « Il est impératif de les protéger. »  Alors que nous célébrons le vingtième anniversaire des Principes directeurs relatifs aux déplacements de personnes à l’intérieur de leur propre pays, le délégué a rappelé l’engagement de l’OIM à cet égard.  Il ne faut pas oublier que les risques de déplacement sont dus à plusieurs facteurs sociétaux et que les personnes concernées doivent faire partie intégrante des solutions, a-t-il déclaré.  Il a conclu en relevant que les migrations sont au cœur des nouveaux phénomènes complexes.

Mme LIANA GHUKASYAN, déléguée de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge (FICR), a évoqué de nouvelles causes de conflits, en plus des traditionnels conflits inter et intra-étatiques, notamment l’urbanisation non planifiée, les changements climatiques.  Elle a aussi parlé des changements dans le financement des activités humanitaires qui affectent et compliquent les efforts d’assistance humanitaire.  Avec ces nouvelles tendances, les projections laissent voir que de plus en plus de gens seront affectés par les phénomènes naturels et les crises d’origine anthropique au cours des prochaines décennies.  Ainsi, leurs besoins d’aide vont croître et cela va mettre à mal les capacités des acteurs humanitaires internationaux et locaux.  Avec les changements des menaces et des besoins, il faut de nouvelles approches plus intelligentes de préparation, d’anticipation et de réponse aux situations d’urgence, a conseillé la représentante. 

Mme Ghukasyan a salué le fait que la résolution adoptée à l’issue de ce segment humanitaire prévoie de mettre davantage l’accent sur les signes précurseurs, y compris par le biais de mécanismes de financement innovants comme de financements prévisionnels.  Le financement doit permettre de couvrir les actions d’urgence et la prévention, tout en jouant sa fonction naturelle de financement de l’assistance humanitaire.  Elle a en outre insisté sur l’autonomisation et le renforcement des capacités des acteurs humanitaires locaux afin d’améliorer l’efficacité des actions humanitaires et assurer la durabilité des interventions. 

M. PHILIP SPOERRI, Observateur permanent du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a reconnu que « l’écosystème humanitaire doit faire face à des défis sans précédent ».  Il a appelé toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international.  Il a attiré l’attention en particulier sur les personnes déplacées dans les cadres urbains, préconisant des mesures adaptées et une approche multipartite pour les aider.  Dans le cadre des mesures de lutte contre le terrorisme, il a rappelé le besoin de mener des activités humanitaires impartiales et « en dehors du droit pénal ».  Pour ce qui est du lien entre humanitaire et développement, il a préconisé d’établir des synergies pour renforcer la résilience.  Ce lien dépend toutefois de la façon dont les guerres sont menées, dont les dommages sont causés, a-t-il précisé.  Enfin, il a rappelé que, dans les zones de conflit, la responsabilité première en matière de protection revient à ceux qui mènent les hostilités.

Mme FATIMA KHAN, Organisation mondiale de la Santé (OMS) a demandé une protection efficace pour le personnel de son organisation sur le terrain, afin qu’il puisse fournir l’aide nécessaire.  Elle a fait valoir que l’action de l’OMS, dans différents pays, avait empêché la propagation de nombreuses maladies qui y étaient apparues.  Il n’en demeure pas moins que des efforts financiers sont nécessaires pur une protection plus efficace des populations, a-t-elle prévenu.  L’OMS appuie la vision du Secrétaire général sur le lien entre l’action humanitaire et le développement.  Enfin, pour prévenir les attaques contre le personnel humanitaire, elle a dit qu’il fallait recueillir et analyser des données pertinentes.

M. DANIEL SEYMOUR, délégué d’ONU-Femmes, a plaidé pour que l’action humanitaire tienne compte des besoins des femmes et des filles.  La fourniture de l’aide humanitaire à leur égard doit aller au-delà de la fourniture de l’aide immédiate, a-t-il estimé par ailleurs.  Ce dont elles ont besoin, c’est une aide efficace et pérenne, car elles doivent pouvoir faire face à l’avenir avec sérénité, a expliqué le représentant.

Mme AGNÈS MARCAILLOU, Directrice du Service de la lutte antimines de l’ONU, a indiqué que ce service mène des activités dans certains des conflits les plus complexes, de Mossoul à Mogadiscio, en passant par Benghazi et Bentiu.  Au soudan du Sud, par exemple, le Service a élaboré des campagnes d’éducation pour réduire la vulnérabilité des femmes exposées aux risques que posent les explosifs lorsqu’elles vont chercher de l’eau ou du bois de chauffe.  Le déminage n’est pas un concept, a-t-elle fait remarquer en expliquant que c’est un danger quotidien pour des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent dans des communautés contaminées à travers le monde.  « Je vous demande de vous mettre à la place d’une jeune fille syrienne qui doit s’inquiéter des risques d’explosifs en allant à l’école après les bombardements de la veille », a invité l’intervenante.  Elle a fait valoir que le déminage est souvent un précurseur à l’aide humanitaire.  Il ne doit pas être pris en compte après coup.  

Mme SEGOLENE ADAM, Organisation des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a lancé un appel à l’action humanitaire d’urgence.  Elle a souligné la nécessité de tenir les engagements internationaux pour préserver la survie des enfants dans les situations de crise.  Les droits fondamentaux des enfants doivent être respectés, a-t-elle insisté en demandant aussi que les pratiques nuisibles contre les enfants cessent.  La représentante a insisté pour que l’on assure l’accès humanitaire auprès des enfants se trouvant dans des situations de crise.  Il faut en outre atténuer les vulnérabilités, a-t-elle plaidé, recommandant en particulier de combler les besoins en ressources financières et de prévoir des financements souples et prévisibles.  Enfin, elle a exigé de la part de la communauté internationale des réponses adéquates pour traiter les cas d’enfants victimes d’atteintes sexuelles.

Adoption de la résolution

Avant l’adoption de la résolution du segment humanitaire de l’ECOSOC, les États-Unis se sont dissociés du consensus sur les paragraphes 15 et 20 du texte, la délégation ne reconnaissant pas l’avortement comme une méthode de planification familiale.  Elle ne peut pas non plus appuyer l’ajout d’une référence aux services de santé reproductive.  La délégation a aussi exprimé son désaccord avec le paragraphe 29 du préambule, la Déclaration de New York n’étant pas compatible à son avis avec la souveraineté des États-Unis.

La résolution E/2018/L.14 a ensuite été adoptée à l’unanimité, telle qu’oralement amendée.

À l’issue de l’adoption du texte, l’Égypte, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a estimé que ce texte représentait un progrès pour les personnes les plus vulnérables comme les personnes handicapées ou âgées.  Elle a aussi appelé à maintenir l’équilibre géographique au sein des organes chargés de l’aide humanitaire.  Le G77 aurait cependant souhaité que le texte incite à contribuer d’avantage au Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF).

La Bulgarie, au nom de l’Union européenne, a souligné que les conflits sont le principal facteur des situations humanitaires et a déploré que le texte passe cela sous silence.  De même pour l’impact des changements climatiques.  Elle a déploré la régression du texte en ce qui concerne la santé reproductive, évoquant à cet égard le pourcentage élevé de morts maternelles et infantiles.  Il ne fait aucun doute que la santé génésique sauve des vies, a-t-elle souligné.  Elle a déploré que les accords précédents sur ce point n’aient pas été maintenus.

Renchérissant, le Canada, au nom du groupe CANZ, s’est dit déçu que des accords précédents sur les services de santé reproductive n’aient pas été maintenus.

Le Saint-Siège s’est félicité des améliorations apportées au texte, citant notamment les nouveaux paragraphes qui mettent en exergue l’importance de fournir une éducation dans les situations humanitaires d’urgence, le libellé sur les obstacles qu’affrontent les personnes handicapées, ou encore le rôle des jeunes et la situation des déplacés.  Il a rappelé la position de sa délégation eu égard à la santé sexuelle et reproductive, soulignant par ailleurs que le sexe d’une personne doit être défini sur une base purement biologique.

L’Uruguay a déploré les difficultés rencontrées pour parvenir au consensus pour ce qui est de l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive.  La délégation s’est notamment inquiétée de l’élimination, dans le texte, de la référence aux services minima en la matière, notant que cette référence figurait pourtant dans le texte adopté l’an dernier.

La Fédération de Russie est intervenue pour appeler à organiser, à l’avenir, une séance plénière supplémentaire pour permettre à toutes les délégations de disposer de suffisamment de temps pour s’exprimer.

Revenant au texte de la résolution, le Nigéria s’est félicité de la reconnaissance de la situation des personnes déplacées et a souhaité qu’elle fasse l’objet de discussions plus poussées à l’avenir.  Il a aussi salué la référence faite au rôle de l’éducation.  Il a affirmé que l’accès à l’avortement n’est pas cohérent avec l’octroi de soins, estimant en outre que le sexe d’une personne doit se définir sur une base purement biologique.

La Hongrie a indiqué que les flux migratoires posent des problèmes de sécurité pour les pays.  Chacun a le droit de vivre en paix et en sécurité dans sa terre natale et la communauté internationale doit aider chaque personne à vivre le plus près possible de son foyer, a-t-elle plaidé.  La délégation a exprimé son désaccord avec le paragraphe 32, relatif aux droits des réfugiés et notamment au principe de non-refoulement.  Mentionner les migrants dans la résolution n’apporte aucune valeur ajoutée au texte, selon la Hongrie qui considère que le traitement de cette question devrait être limité au pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

Enfin, le Soudan a dit refuser toute tentative de manipulation du texte pour y introduire « l’agenda de l’avortement ».

Déclarations de clôture

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a brièvement résumé les débats engagés par les délégations au cours de ces deux journées de travaux.  Il a noté que l’an 2017 avait été la cinquième année consécutive à avoir enregistré une augmentation du nombre de personnes déplacées.  Il a aussi relevé que l’éducation est le secteur le moins résilient en situation de crise humanitaire et a appelé à accorder une attention particulière à l’éducation des jeunes filles dans ce contexte.  Il a aussi insisté sur l’importance de la prévoyance pour réagir aux crises liées aux changements climatiques, comme l’insécurité alimentaire.  Deux ans après le Sommet mondial sur l’action humanitaire, des progrès ont été réalisés, mais nous devons, et pouvons faire mieux encore, a-t-il affirmé.

Le Vice-Président de l’ECOSOC, M. JERRY MATTHEXS MATJILA, a fait le bilan de ces trois jours qui ont vu émerger plusieurs thèmes relatifs à la façon d’éviter les attaques contre la dignité humaine.  Les enfants sont parmi les plus vulnérables aux impacts de conflit et des changements climatiques, a-t-il relevé en soulignant qu’ils ont besoin de beaucoup d’aide.  Des millions d’entre eux sont forcés de quitter leurs foyers et menacés quotidiennement; des millions connaissent la faim et l’insécurité alimentaire; des millions sont privés d’école.  Tout cela a des répercussions négatives sur leur bien-être et leurs projets d’avenir.  Or leurs besoins humanitaires et de protection sont insuffisamment comblés.

Une des constatations du Vice-Président est qu’il faut « rester intelligents » dans les réponses apportées pour optimiser les bénéfices des actions pour les enfants, que ce soit pour leur bien-être physique et psychologique actuel ou pour leur avenir.  « Nous devons mobiliser l’action politique pour stopper la brutalité infligée à nos enfants.  Nous devons changer le comportement des belligérants qui souvent foulent au pied le droit international humanitaire.  Nous devons investir plus dans le pouvoir d’une éducation de qualité et l’espoir que l’éducation crée pour le futur. »  

En deuxième lieu, le Vice-Président a souligné la nécessité de trouver de meilleures solutions pour contrer l’impact croissant des catastrophes et des crises humanitaires.  L’année dernière, les catastrophes naturelles ont entraîné la deuxième plus grande perte économique de l’histoire.  Ces conséquences touchent plus de 100 millions de personnes par an et sont exacerbées par le changements climatiques.  De plus, en 2017, toutes les régions ont fait l’expérience des catastrophes dévastatrices, des crises auxquelles le système des Nation Unies et ses partenaires humanitaires ont dû répondre.  Pour mieux se préparer à ce genre de crise, il faut passer de la gestion des crises à l’atténuation et la gestion des risques.  Dans ce contexte, le Vice-Président s’est dit encouragé par les nombreuses initiatives présentées qui visent à renforcer les approches anticipatives et, de ce fait, à réduire les besoins humanitaires.

En troisième lieu, il faut renforcer davantage les capacités locales et la résilience à travers l’action humanitaire.  Les acteurs nationaux et locaux restent les premiers à répondre aux crises et ils vivent au sein des communautés qu’ils servent après les crises.  C’est pourquoi il est important de renforcer la résilience et les capacités de réponse au niveau communautaire.  Les meilleures pratiques issues des réponses d’urgence dans les zones urbaines ont montré comment travailler avec les communautés et les autorités locales pour développer des solutions locales.  Ces expériences et les leçons apprises ont besoin d’être affûtées et bâties sur une action humanitaire plus importante. 

À l’issue des tables rondes, le Vice-Président a entendu un appel clair: « nous devons promouvoir la dignité humaine, restaurer l’humanité, renforcer les acteurs et les communautés locales partout où c’est possible ».  Les discussions ont prouvé qu’un changement s’opère quant à la façon de travailler: les partenariats humanitaires et de développement amènent les parties prenantes à viser des résultats collectifs pour que ceux-ci bénéficient aux populations les plus vulnérables.  Il est crucial que ces débats continuent et soient traduits en actions concrètes qui aident à atténuer la souffrance et à réduire les besoins humanitaires, a conclu le Vice-Président.

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