En cours au Siège de l'ONU

La Troisième Commission se penche sur la situation des Rohyngia du Myanmar et la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran

Soixante-douzième session,
30e & 31e séances – matin & après-midi   
AG/SHC/4211

La Troisième Commission se penche sur la situation des Rohyngia du Myanmar et la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a commencé aujourd’hui à entendre les exposés de Rapporteurs spéciaux chargés de situations de pays –en l’occurrence le Myanmar et la République islamique d’Iran- suscitant les critiques du Mouvement des pays non alignés.

La Commission a également dialogué avec les Rapporteurs spéciaux sur les questions relatives aux minorités, sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et sur les droits culturels, qui tous trois ont mis l’accent sur la vulnérabilité accrue des femmes dans ces différents contextes.

La situation des musulmans rohingya a été au cœur des échanges concernant le Myanmar.  La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Mme Yanghee Lee, a dû constater que beaucoup de choses avaient changé depuis le bouclage de son rapport, fin août, des centaines de milliers de Rohingya axant depuis lors vers le Bangladesh.  Disant craindre que seule une petite partie de ce peuple puisse revenir au Myanmar, Mme Lee a demandé à l’Assemblée générale de rester saisie de la question, recommandant également au Conseil de sécurité d’inscrire le Myanmar à son ordre du jour, en vue de l’adoption d’une « résolution forte ».

En réaction à ces propos, le Myanmar a rappelé que, bien que s’étant dissocié du consensus créant le mandat de la Rapporteuse, le pays lui avait permis de se rendre sur place.  Et d’ajouter que la situation était le résultat d’attaques terroristes de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan, des actes « que le Gouvernement ne peut tolérer ».  Directement concerné par l’afflux des réfugiés et la crise humanitaire à sa frontière, le Bangladesh a estimé que la situation exigeait une réponse très ferme de la communauté internationale.  La Malaisie a souhaité, quant à elle, que l’Assemblée générale crée un autre mandat pour aider la Rapporteuse spéciale dans son travail.

Le dialogue avec Mme Lee, première titulaire de mandat de procédures spéciales concernant une situation de pays, à prendre la parole devant la Troisième Commission, a été précédée d’un rappel par le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, de l’opposition de ce groupe à ce type de mandat.  Pour le Mouvement, c’est la procédure de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme qui constitue le cadre pertinent pour évoquer des situations des droits de l’homme de tous les pays.  Lors du dialogue suivant, nombre de délégations ont rappelé cette position.

La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, Mme Asma Jahangir, a pour sa part constaté des développements positifs dans le pays, notamment avec l’élection présidentielle de mai dernier, marquée par une très forte participation, « reflétant le désir du peuple iranien à donner son opinion ».  Elle a toutefois noté que les discours très positifs du Président sortant réélu, Hassan Rouhani, avaient été pour l’instant peu suivis d’effets, et a déploré le taux élevé d’exécutions capitales -435 depuis janvier 2017, dont quatre mineurs- ainsi que des cas de torture, de détention arbitraire et de privation de liberté de binationaux.

La République islamique d’Iran a dénoncé un rapport basé sur des « éléments fallacieux », et manquant de professionnalisme.  Le représentant a en outre regretté que le rapport ne fasse pas mention des sanctions économiques imposées par les États-Unis ou encore des interdictions de voyage imposées à ses ressortissants, actes qui impactent la situation des droits de l’homme.

Plus tôt, les dialogues avec les autres Rapporteurs spéciaux avaient notamment mis l’accent sur la vulnérabilité accrue des femmes, que ce soit en situation de minorité, lorsqu’elles sont défenseurs des droits de l’homme ou encore en matière de droits culturels.  Ainsi, le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, M. Fernand de Varennes, a expliqué que les droits des minorités étaient les droits humains de personnes figurant parmi les plus vulnérables au monde, et que « les plus vulnérables parmi les vulnérables » étaient les femmes et les enfants issus de minorités.  Lors du dialogue, plusieurs pays se sont inquiétés de cette vulnérabilité, la Norvège se disant particulièrement préoccupée par la situation des femmes issues des minorités attaquées par le groupe terroriste État islamique.

De même, lors du dialogue relatif aux défenseurs des droits de l’homme, les délégations de la République tchèque ou encore de la Pologne ont observé qu’en raison de leur double vulnérabilité, en tant que femmes et défenseurs des droits de l’homme, il y avait plus de femmes parmi les victimes des attaques contre cette catégorie de personnes.  La Slovénie a d’ailleurs demandé au Rapporteur spécial de s’attacher à l’introduction d’une perspective de genre dans ses travaux, afin de mieux protéger les femmes défenseurs des droits de l’homme.  Le Rapporteur spécial sur ce sujet, M. Michel Forst, a plus largement fait part de son envie de voir proposer que les défenseurs des droits de l’homme reçoivent le prix Nobel de la paix en reconnaissance de leur travail.

Les droits culturels des femmes sont également menacés par les effets des différentes formes de fondamentalisme et d’extrémisme, a expliqué la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Mme Karima Bennoune, qui a plaidé pour « une réponse internationale vigoureuse ».  Rejetant les critiques de la Fédération de Russie qui l’accusait d’adopter un positionnement trop « occidental », elle a regretté les réserves parfois faites à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au prétexte « inacceptable » du relativisme culturel.

Demain, jeudi 26 octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures son dialogue avec plusieurs titulaires de mandats de procédures spéciales, et notamment avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, M. Tomas Ojea Quintana, qui n’a pu s’exprimer aujourd’hui, faute de temps.

 

 

 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/72/40 ET A/C.3/72/9)

Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs

M. FERNAND DE VARENNES, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, s’est déclaré honoré de se présenter devant la Troisième Commission en tant que titulaire de ce mandat.  Il a commencé par rappeler les principales recommandations du rapport final de son prédécesseur, Mme Rita Izsák-Ndiaye, qui préconise notamment une promotion accrue par les Nations Unies de la protection des droits des minorités aux niveaux national et régional, un renforcement des mécanismes existants au sein du système de l’ONU et une meilleure visibilité du Forum sur les questions relatives aux minorités.  Mme Izsák-Ndiaye a également souhaité que le Réseau des Nations Unies pour la lutte contre le racisme et la protection des minorités fasse régulièrement état de ses travaux au Conseil des droits de l’homme.

M. de Varennes a ensuite rappelé plusieurs des préoccupations de son prédécesseur, précisant vouloir en faire des priorités de son propre mandat.  Il a ainsi cité la montée des discours haineux et xénophobes, la progression des incitations à la haine contre les minorités, la persistance de vues divergentes quant au terme de « minorité », l’exclusion et la discrimination des minorités dans la vie publique et politique, les obstacles à une gouvernance inclusive, le respect des droit de l’homme des minorités en tant que préalable pour la prévention des conflits, les moyens de renforcer le potentiel et la portée du Forum sur les questions relatives aux minorités et l’absence de références explicites aux minorités dans le document final du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Évoquant les perspectives de son mandat pour les trois années à venir, M. de Varennes a expliqué qu’elles tenaient en une formule: « les droits des minorités sont les droits de l’homme des personnes figurant parmi les plus vulnérables au monde ».  À cet égard, a-t-il souligné, s’il existe déjà des traités spécifiques pour lutter contre le racisme et protéger les enfants, les personnes en situation de handicap, les femmes et les migrants, rien de tel n’a encore été prévu pour les minorités.  Dans l’immédiat, le Rapporteur spécial s’emploiera à promouvoir les dispositions de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.

M. de Varennes a expliqué que, dans ce cadre, il entendait se concentrer sur quatre thématiques prioritaires, en lien avec les vulnérabilités particulières des minorités dans le monde: l’apatridie et les droits fondamentaux des minorités, la prévention des conflits ethniques, la montée de l’intolérance et des discours de haine antiminorités, et l’éducation en tant que droit de l’homme.

Pour cela, M. de Varennes prévoit d’explorer des dimensions centrales mais encore incomprises des droits de l’homme des minorités, à savoir la signification du terme « minorité » tel qu’il apparaît dans la Déclaration des Nations Unies et l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le renouvellement des engagements des États à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du dixième anniversaire du Forum, et les avantages économiques liés à la protection des droits des minorités.

M. de Varennes a déclaré vouloir continuer à renforcer les dialogues constructifs avec les gouvernements, les minorités elles-mêmes, les organisations non gouvernementales, les agences de l’ONU et d’autres partenaires afin de répondre à ces défis et poursuivre sur la voie tracée par ses prédécesseurs.  À cette fin, il entend mettre l’accent sur deux thèmes transversaux: les femmes et les enfants au sein des minorités, ces deux catégories de personnes étant les plus vulnérables parmi les vulnérables.  Il continuera également à s’intéresser au sort spécifique des Roms, des dalits et d’autres minorités rendues vulnérables par la discrimination dont elles font l’objet du fait de leur ascendance.

Précisant, enfin, que son premier rapport thématique annuel traitera, en 2018, de l’apatridie et de ses liens avec les droits fondamentaux des minorités, le Rapporteur spécial a remercié les États qui ont invité ses prédécesseurs et s’est dit impatient d’effectuer des visites dans le cadre de son mandat.

Lors du dialogue avec M. de Varennes, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, plusieurs situations de crise impliquant des minorités ont été évoquées.  Ainsi, l’Iraq a mentionné les attaques de l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) à l’encontre des minorités du pays, notamment religieuses, et détaillé les mesures prises par le Gouvernement pour protéger ces dernières.  La Norvège s’est, elle aussi, déclarée préoccupée par la situation des minorités attaquées par l’État islamique, et notamment celle des femmes issues des minorités.  Elle a demandé quelles bonnes pratiques existaient pour protéger les droits des femmes issues des minorités.

La Hongrie a, elle aussi, évoqué la situation des minorités chrétiennes au Moyen-Orient, mais aussi celle des Roms en Europe, ainsi que la question de l’enseignement dans les langues des minorités en Ukraine.  Elle a demandé comment faciliter un meilleur engagement des États pour la protection des droits des minorités et comment traiter la question de l’éducation dans la langue maternelle pour les minorités.  La Fédération de Russie a, elle aussi, insisté sur l’importance de l’enseignement en langue maternelle pour les minorités, mentionnant la situation dans les pays baltes ainsi que sur les « limitations » imposées par l’Ukraine aux droits de la minorité russophone et sur ce qu’elle a qualifié de « politique agressive d’assimilation des pouvoirs qui imposent un régime linguistique monoethnique dans un État multiethnique ». 

L’Ukraine a répondu à la Fédération de Russie et a cité l’article 53 de la Constitution du pays, qui garantit le droit à l’éducation en langue maternelle.  Elle a fait observer que 735 écoles du pays enseignaient en langue locale tout en insistant sur le fait que la primauté des langues officielles ne pouvait être remise en question.

Les États-Unis se sont dits prêts à collaborer sur la question des Roms en Europe avant de faire état d’actes « inacceptables » visant les Rohingya du Myanmar ainsi que des menaces contre les Mongols en Chine.  Ils ont demandé comment faire pour renforcer le droit des minorités aux niveaux national et international.  La Chine a répliqué en mentionnant les discriminations raciales qui existent aux États-Unis, qu’elle a invités à « réfléchir d’abord à leur propre cas avant de commenter la situation dans d’autres pays ».  La Chine a ensuite rappelé le caractère multiethnique du pays, qui compte 56 groupes ethniques, et les mesures mises en place sur le plan national pour en protéger les droits.

De manière plus générale, le Mexique a demandé quels étaient les défis auxquels les États étaient confrontés face aux droits des minorités et ce qui pouvait être fait pour renforcer la législation qui protège celles-ci.

L’Indonésie a mis en avant les mesures mises en place au plan national pour protéger les droits des minorités et les dangers des discours pouvant inciter à l’intolérance.  Elle a demandé ce qui pouvait être fait pour empêcher les discours de haine et de discrimination dans la société.

Préoccupée, elle aussi, par les discours de haine contre les minorités, l’Autriche a demandé quelles pratiques donnaient de bons résultats pour s’y attaquer, avant de rappeler la plus grande vulnérabilité des femmes et des enfants au sein des minorités.  Elle a aussi demandé comment ces questions pouvaient être traitées globalement et comment s’assurer de la participation des populations les plus vulnérables au sein des minorités.  La Suisse a insisté sur le rôle clef de la société civile et des protecteurs des droits de l’homme dans la protection des membres de minorités et a demandé le point de vue du Rapporteur spécial sur cet aspect, ainsi que ce qui pouvait être fait pour renforcer leurs rôles.

L’Union européenne a fait état de la formation des forces de l’ordre sur les questions de non-discrimination à l’encontre des minorités ethniques et a demandé quelles autres mesures pouvaient être prises pour éviter le profilage ethnique de la part de la police. 

Dans ses conclusions, M. de Varennes, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, a déclaré avoir observé, à travers ses analyses, une augmentation des discours de haine contre les minorités à travers le monde.  Dans certains pays, les minorités sont même présentées comme une menace, a-t-il ajouté, rappelant que ce serait une des thématiques de son mandat.  Pour le Rapporteur spécial, on peut remédier à cette situation, notamment en adoptant des législations interdisant ces discours de haine.  Malheureusement, a-t-il déploré, ce n’est pas le cas et il existe même des faiblesses dans l’application des lois existantes.  Le Rapporteur spécial a toutefois aussi observé que certains États acceptent et reconnaissent les minorités.  Certains autres combattent et s’opposent aux discours de haine en célébrant la diversité culturelle, ethnique ou religieuse, y compris en menant des campagnes de sensibilisation, s’est-il réjoui.

M. de Varennes a également déclaré que les premières victimes d’exclusion étaient les femmes et les enfants, comme on le voit avec la crise des musulmans rohingya qui fuient du Myanmar vers le Bangladesh.  Dans ce contexte, il a estimé que, pour lutter contre cette exclusion et promouvoir l’inclusion, il faut tout simplement commencer par reconnaître les minorités en tant que minorités.  Or, certains pays ne les reconnaissent même pas, a-t-il poursuivi, prenant à nouveau l’exemple des musulmans rohingya, non reconnus comme minorité par le Gouvernement du Myanmar.

Le Rapporteur spécial a également estimé que le Forum sur les questions relatives aux minorités, maintes fois mentionné, est un outil utile et indispensable pour reconnaître cette réalité.  Mais une seule session par an, à Genève, ne suffit pas, a-t-il estimé, avant de plaider pour davantage de débats et de contributions, afin que le Forum puisse tenir aussi des débats régionaux et être plus accessible aux questions transversales. 

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a commencé par remercier le Mexique de l’avoir reçu, en janvier dernier, et a indiqué que le rapport consacré à cette visite de pays serait présenté à la prochaine session du Conseil des droits de l’homme.  Il a ajouté qu’il envisageait actuellement la possibilité de visites au Pérou, au Honduras et en République démocratique du Congo, si possible au cours de l’année 2018.

Rappelant avoir présenté, l’an dernier, à la Troisième Commission un rapport sur la situation des droits des défenseurs de l’environnement, soumis à de trop nombreuses violations des droits de l’homme, il a déclaré avoir décidé cette fois de consacrer son nouveau rapport à la situation de ceux qui font face aux abus d’entreprises.  Il a avoué à cet égard n’avoir rien de vraiment nouveau à dévoiler.  Les défenseurs des droits fondamentaux, les communautés locales, les peuples autochtones mais aussi les syndicalistes et les lanceurs d’alerte, tous ceux qui s’élèvent contre les violations de droits commises par des entreprises, sont souvent menacés, harcelés voire éliminés, a-t-il dénoncé, jugeant que les réponses apportées à ces violations ne sont pas proportionnelles à la gravité de la situation.  À ses yeux, la hausse du nombre de ces menaces et de ces agressions peut s’expliquer par un manque de mesures préventives et de mécanismes de plainte.

Au cours des seules années 2015 et 2016, a poursuivi M. Forst, 450 attaques contre des défenseurs des droits de l’homme travaillant dans l’univers des entreprises ont été signalées dans le monde, ce chiffre ne représentant que « la partie émergée de l’iceberg ».  Ces attaques se sont produites dans de nombreux pays, notamment en Australie, au Brésil, en Colombie, au Honduras, au Guatemala, en Thaïlande et aux États-Unis, pour n’en citer que quelques-uns.  « Il ne s’agissait pas d’attaques aveugles mais bien d’attaques délibérées destinées à réduire au silence ceux qui tiennent un langage de pourvoir face au pouvoir », a souligné le Rapporteur spécial.

Rendant hommage à des défenseurs des droits de l’homme ayant payé de leur vie le fait de s’élever contre les pratiques de corporations, notamment le Philippin Renato Anglao, le Brésilien Raimundo dos Santos Rodriguez et le Guatémaltèque Pascual Pablo Francisco, M. Forst a précisé que, depuis 2004, ses prédécesseurs et lui-même avaient adressé quelque 4 000 communications, dont une centaine concernaient directement des défenseurs de droits travaillant dans le contexte des entreprises.  Parmi les auteurs présumés de ces actes figurent des États, au travers de la police, de l’armée, des forces de sécurité et d’autres acteurs, mais également des acteurs non étatiques tels que des groupes transnationaux, des sociétés de sécurité privée et des groupes appartenant au crime organisé.  Malheureusement, a-t-il observé, « ceux qui pourraient arrêter ce cycle de violence soit ferment les yeux, soit sont directement impliqués ».

Se disant choqué par le nombre de cas dans lesquels des entreprises tirent profit de systèmes de corruption politique aux dépens des droits de l’homme, le Rapporteur spécial a indiqué avoir rencontré différentes parties prenantes pour les besoins de son rapport, notamment des représentants d’États, d’entreprises et de banques de développement.  Le plus souvent, a-t-il expliqué, ces personnes exprimaient un engagement sincère en faveur d’une amélioration de la situation des défenseurs de droits l’homme.

Certaines grandes entreprises ont même contribué au changement, tel le groupe Adidas, qui a mis en œuvre des consignes et des mesures sur cette question, a relevé le Rapporteur spécial, qui a également salué les plans d’action nationaux sur le monde entrepreneurial, qui incluent des chapitres spécifiques sur la société civile et les défenseurs des droits de l’homme.  M. Forst s’est cependant déclaré préoccupé par l’augmentation du nombre d’entreprises venues de pays hors Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n’ayant ni adhéré à des initiatives internationales de responsabilisation sociale ni été contraintes de rendre des comptes.  À cet égard, il a estimé que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme constituaient un outil puissant à l’usage des États, des entreprises et des autres acteurs concernés.

Conformément à l’esprit de ces Principes directeurs, M. Forst a encouragé les pays à adopter des lois obligeant les entreprises à faire preuve de « diligence raisonnable » dans la protection des droits de l’homme et à garantir la participation des communautés et des défenseurs des droits dans les décisions communautaires.  De même, il a enjoint aux institutions financières de veiller à ce que leurs projets évitent tout impact négatif sur les droits de l’homme sur le terrain, ajoutant que « la mondialisation devrait accompagner l’expansion des normes relatives aux droits de l’homme ».  Enfin, le Rapporteur spécial a souhaité qu’en 2018, le vingtième anniversaire de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus permette de « célébrer » tous ceux qui, au quotidien, « se battent pour que nos droits soient respectés et deviennent une réalité pour tous ». 

Après la présentation de M. Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, de nombreuses délégations ont exprimé leur inquiétude face au nombre d’attaques commises à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.  La Norvège s’est ainsi dite outrée, estimant qu’avec 200 personnes tuées en 2016, soit plus d’un défenseur tous les deux jours, on ne pourrait atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, compte tenu du rôle de ces personnes dans la mise en œuvre de ce Programme.

Inquiète elle aussi, la Suisse a souhaité savoir si le Rapporteur spécial avait des exemples de bonnes pratiques mises en place par des États pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur octroyer des moyens de recours.  L’Union européenne a, elle, demandé des exemples de bonnes pratiques de la part des entreprises, et souhaité savoir quels moyens supplémentaires les États pouvaient apporter.  Le Danemark, un des premiers pays à avoir mis en place un plan d’action de mise en œuvre des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, a souhaité lui aussi avoir des exemples de bonnes pratiques.  La Nouvelle-Zélande a, quant à elle, rappelé l’obligation des États de protéger les droits de l’homme et les défenseurs des droits de l’homme. 

Les États-Unis se sont joints à l’appel du Rapporteur spécial invitant les entreprises à respecter les droits de l’homme et ont demandé comment protéger les défenseurs des droits de l’homme qui coopèrent avec les Nations Unies, sachant qu’ils sont souvent victimes de représailles. 

L’Afrique du Sud a observé qu’il n’y avait toujours pas de responsabilité pour les violations des droits de l’homme commises par les entreprises, dans le contexte où ces entreprises font de très gros profits et peuvent peser sur les politiques des pays faibles.

La République tchèque a observé que l’on trouvait des femmes parmi les victimes des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, en raison de leur double vulnérabilité en tant que femmes et défenseurs des droits de l’homme.  Elle a demandé, ainsi que la Pologne, quelles mesures concrètes le Rapporteur spécial recommandait pour protéger celles-ci, compte tenu de leur vulnérabilité particulière.  La Slovénie, qui prépare un nouveau plan d’action pour la mise en œuvre de ces Principes directeurs, a demandé au Rapporteur spécial de s’attacher à l’introduction d’une perspective de genre dans ses travaux pour mieux protéger les femmes défenseurs des droits de l’homme.

Le Canada, qui applique lui aussi les Principes directeurs, entend mettre l’accent sur la responsabilité et la perspective de genre.  Il aimerait savoir quelles sont les ressources envisageables pour la consultation préalable des communautés locales.

L’Irlande a déclaré que nombre d’attaques pourraient être évitées si les États reconnaissaient le rôle de ces défenseurs des droits de l’homme et annoncé qu’elle lancerait bientôt un plan d’action pour la mise en œuvre des Principes directeurs. 

La France, qui estime, elle aussi, qu’il revient aux États de protéger les défenseurs des droits de l’homme, considère que les Principes directeurs peuvent fournir des cadres pour élaborer des lois pertinentes en ce sens.  La France, qui dispose d’une loi sur les droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement, a souhaité savoir quels efforts pouvaient être faits de manière collective pour que les entreprises respectent ces Principes directeurs.

Les Pays-Bas ont estimé que des entreprises pouvaient aussi avoir des effets bénéfiques sur les droits de l’homme, comme c’est le cas dans le pays.  Ils ont souhaité savoir comment les États pouvaient s’aider mutuellement à cette fin.  Le Royaume-Uni a dit s’assurer que les entreprises du pays respectent et appliquent les droits de l’homme, notamment qu’elles coopèrent avec les représentants des communautés locales.

L’Espagne, future membre du Conseil des droits de l’homme, s’est dite préoccupée notamment par les attaques commises dans le contexte des entreprises intervenant dans les communautés rurales et de peuples autochtones.  Elle a expliqué qu’elle finançait actuellement des programmes, en Amérique latine, pour la participation des peuples autochtones et a souhaité savoir si le Rapporteur spécial avait des idées sur la manière d’améliorer les mécanismes de consultation préalable et éclairée.

La Colombie, qui dispose d’un groupe de haut niveau de garantie de non répétition et d’un poste de mandat unifié pour le suivi et l’analyse des agressions, s’est demandé comment faire une distinction statistique entre les attaques visant les défenseurs des droits de l’homme dans le contexte des industries et celles les visant dans le contexte des activités syndicales.  Le Brésil a expliqué avoir une politique de protection des défenseurs des droits de l’homme mais a souhaité entendre du Rapporteur spécial ce qu’il faudrait faire pour combler les lacunes qu’il mentionne dans son rapport en matière de protection.

Le Panama a expliqué avoir saisi l’occasion de la réunion, hier, de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, pour réaffirmer son engagement à lutter contre les attaques touchant les défenseurs des droits de l’homme.  Il s’est aussi engagé à résoudre les cas d’attaque portés à sa connaissance. 

Le Mexique, qui a reçu la visite du Rapporteur spécial, a dit vouloir continuer de travailler avec lui.

En revanche, Cuba a estimé que le rapport contenait des éléments qui pourraient être manipulés à des fins autres que celles visées et être préjudiciables aux pays en développement.  Cuba a rappelé au Rapporteur spécial qu’il devait se conformer au Code de conduite des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.  La Turquie a, elle aussi, rappelé au Rapporteur spécial et « à tous » que les détenteurs de mandat ont l’obligation de respecter le Code de conduite des procédures spéciales « en tout temps ».  Même rappel de la part de la Chine qui a aussi insisté sur l’obligation des procédures spéciales de coopérer avec les gouvernements.  La Chine déplore aussi la présentation dans le rapport de données non vérifiées sur les investissements chinois et rappelle par ailleurs qu’il n’y a pas de consensus international sur la notion de défenseurs des droits de l’homme: ceux qui violent la loi violent la loi, c’est aussi simple que cela.

La Fédération de Russie a pour sa part regretté que le Rapporteur spécial ait fondé son rapport sur une thématique dépendant d’autres mécanismes des Nations Unies, y voyant une illustration des problèmes créés par la multiplication des mandats de procédures spéciales.  La Fédération de Russie a par ailleurs dit ne pas accepter que l’on utilise les droits de l’homme pour présenter des informations sur les investissements.

Le représentant du Conseil de l’Europe a dit être personnellement intervenu pour tenter de résoudre des cas impliquant des défenseurs des droits de l’homme en Azerbaïdjan, en Turquie et en Fédération de Russie.  Mais comment faire davantage pour les aider alors qu’ils sont souvent présentés comme des agents de l’étranger, des terroristes ou des traîtres à la nation, a-t-il demandé.  

Dans ses réponses, M. Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a insisté sur le fait qu’il fallait changer la perception des défenseurs des droits de l’homme.  Il faut les présenter comme des agents positifs de changement là où ils sont perçus comme des « ennemis des États » a-t-il déclaré.

Pour le Rapporteur spécial, la question des représailles est de première importance et il a annoncé son intention d’y travailler en coopération avec le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme et Chef du Bureau de liaison du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour.  M. Forst a également insisté sur la nécessité de travailler avec les entreprises, auxquelles il a dit adresser désormais des communications, une pratique auparavant réservée aux États.

M. Forst a enfin annoncé son intention de travailler, l’an prochain, avec les États parties et les organisations non gouvernementales pour créer une coalition mondiale pour les défenseurs des droits de l’homme.  En conclusion, il a fait part de son envie de voir proposer que les défenseurs des droits de l’homme reçoivent le prix Nobel de la paix en reconnaissance de leur travail.

Mme KARIMA BENNOUNE, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a précisé que son rapport se concentrait sur les effets des différentes formes de fondamentalisme et d’extrémisme sur les droits culturels des femmes.  Elle a indiqué avoir fait ce choix, dans le cadre de son mandat, sur la base de constats d’experts, selon lesquels, dans toutes les régions du monde, le fondamentalisme et l’extrémisme sont parmi les principales menaces pour les droits fondamentaux des femmes.  Elle a remercié, à cet égard, les plus de 54 États et organisations de la société civile qui ont contribué à ces travaux.

Ces tendances antidroits, qu’elles soient le fait d’entités étatiques ou non étatiques, nécessitent une réponse internationale « vigoureuse », a souligné la Rapporteuse spéciale, avertissant qu’il ne sera pas possible de réaliser l’égalité de genre d’ici à 2030, comme le prévoit le Programme de développement durable à l’horizon 2030, si l’on ne s’attaque pas à la question des effets du fondamentalisme et de l’extrémisme sur les droits de l’homme, y compris les droits culturels.  Regrettant sur ce point que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes contienne des réserves s’appuyant sur le « prétexte inacceptable » du relativisme culturel, Mme Bennoune a fait valoir que les droits culturels ne pouvaient excuser les violations des droits fondamentaux des femmes ni les discriminations dont elles sont l’objet.  « Ils sont fermement ancrés dans le cadre des droits de l’homme universels », a-t-elle martelé.

La Rapporteuse spéciale a souligné que des fondamentalismes ont émergé des traditions de toutes les principales religions, y compris le bouddhisme, le christianisme, l’hindouisme, l’islam et le judaïsme.  Dans tous les cas, ils représentent des phénomènes minoritaires distincts des traditions religieuses et ils abusent des droits culturels des femmes, a-t-elle constaté, ajoutant que l’opposition au fondamentalisme n’était pas antinomique avec la foi religieuse, en particulier chez les femmes.  Autre élément crucial de la lutte contre le fondamentalisme, la laïcité permet aux femmes de s’opposer à ces idéologies et à jouir de leurs droits culturels sans discrimination, a-t-elle poursuivi.

Pour Mme Bennoune, les manifestations du fondamentalisme et de l’extrémisme se renforcent au travers de ce qui est communément appelé la « radicalisation mutuelle ».  Elles nous rappellent la « crise humaniste mondiale » à laquelle nous assistons alors que nous nous efforçons de progresser vers l’objectif de l’égalité des femmes à l’horizon 2030, a-t-elle commenté, appelant les États à « faire contrepoids » face aux discours fondamentalistes et extrémistes en les dénonçant publiquement et en défendant l’égalité des femmes.  Elle a toutefois mis en garde contre les dangers qu’encourent les défenseurs des droits fondamentaux des femmes dans ce combat.

La Rapporteuse spéciale a noté, à cet égard, qu’il était impossible de recenser toutes les femmes artistes tuées par des fondamentalistes et des extrémistes.  Les événements culturels associés aux femmes et aux filles sont ainsi régulièrement la cible du terrorisme, comme l’a rappelé l’attentat perpétré, en mai dernier, lors d’un concert d’Ariana Grande à Manchester, au Royaume-Uni, a-t-elle souligné, observant que 7 des 22 victimes étaient des femmes et des filles.

Plaidant pour que les femmes puissent participer de manière égale aux affaires culturelles comme aux affaires générales de toutes les sociétés, Mme Bennoune a relevé que l’éducation était une cible prioritaire des fondamentalistes et des extrémistes pour imposer leurs vues.  À ses yeux, la promotion et la défense d’une éducation non sexiste, conformément aux normes internationales, et des principes de non-discrimination et de pleine égalité des femmes et des filles dans l’éducation sont les principales mesures que doivent prendre les gouvernements pour faire reculer ces phénomènes.

Face à « l’avalanche multidirectionnelle de misogynie » à laquelle font face les femmes dans le monde entier, une riposte féministe urgente s’impose, a conclu la Rapporteuse spéciale.  Au nom des femmes et des filles, « rassemblons-nous et prononçons-nous de façon univoque en faveur de droits culturels égaux pour les femmes afin d’inverser cette tendance inquiétante », a-t-elle lancé.

Lors du dialogue avec Mme Bennoune, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, l’Union européenne a estimé que les rhétoriques patriarcales accroissaient la vulnérabilité des femmes.  Sans démocratie culturelle et protection des droits des femmes, il sera impossible de réaliser les objectifs de développement durable, a-t-elle averti. 

La France a insisté sur le fait que les fondamentalismes rejettent l’égalité homme-femme et sur la vocation universelle des droits des femmes.  Jugeant inacceptables les violences sexuelles et sexistes, elle a estimé qu’il fallait intégrer les droits des femmes dans la lutte contre l’extrémisme.  La France aimerait avoir l’avis de la Rapporteuse spéciale sur les moyens à utiliser pour promouvoir des programmes éducatifs mettant en avant l’égalité homme-femme dans le cadre des politiques de prévention de l’extrémisme.

Les Maldives ont insisté sur la nécessité de protéger les femmes et filles contre les éléments radicaux de la société, avant de présenter les mesures qu’elles avaient prises au plan national et tout en estimant que les lois ne suffisaient pas: il faut aussi instaurer une culture de respect des droits fondamentaux.

Le Maroc a dit considérer les violations intentionnelles des droits culturels comme du « terrorisme culturel » et des « crimes contre l’humanité » et a rappelé son combat contre le terrorisme sur tous les fronts et notamment au plan international contre la destruction du patrimoine de l’humanité.  Il a demandé comment renforcer le rôle des défenseurs des droits culturels au même titre que les défenseurs des autres droits.

Malte a émis des réserves sur certaines parties du rapport concernant notamment les droits génésiques.  L’avortement étant illégal dans le pays, Malte ne peut s’associer à un rapport imposant à un État Membre de considérer l’avortement comme une forme légitime de contrôle des naissances.

La Pologne a insisté sur le fait que les femmes étaient les plus exposées au fondamentalisme religieux, même si elles jouent aussi un rôle clef dans la propagation de cette idéologie, ajoutant qu’il fallait aussi traiter de ce dernier aspect.

La Fédération de Russie a critiqué le rapport, estimant que la Rapporteuse spéciale avait outrepassé son mandat et que les problèmes du fondamentalisme et des questions religieuses n’avaient rien à voir avec les droits culturels.  Elle a accusé la Rapporteuse spéciale de défendre le point de vue occidental comme le seul acceptable, sans reconnaître l’héritage historique et culturel des différents pays.

En réponses à ces interventions, Mme Bennoune, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a estimé que l’accusation de « démarche occidentale » qu’on lui reproche relevait très probablement d’un « malentendu ».  Les voix qui, comme la sienne, dénoncent les abus du fondamentalisme et de l’extrémisme n’appartiennent pas tous au monde occidental, a-t-elle fait observer.  Ceux qui soutiennent cette démarche fondamentaliste se basent sur une mauvaise interprétation des traditions et cultures, laquelle doit être combattue, a ajouté la Rapporteuse spéciale.

Mme Bennoune a également estimé que la question des codes vestimentaires était un sujet de discussion possible, notamment quand on voit que des fondamentalistes imposent des vêtements aux femmes contre leurs choix habituels.  Parmi les sujets sur lesquels on peut avancer figure aussi l’éducation non sexiste, a ajouté la Rapporteuse spéciale, qui a souhaité continuer de travailler avec les délégations, vu que son rapport et les recommandations qu’il contient ne sont qu’un début.  

Mme YANGHEE LEE, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a entamé son exposé en reconnaissant que « beaucoup de choses » se sont produites entre la finalisation de son rapport, fin août, à la suite de sa visite au Myanmar en juillet, et aujourd’hui.

Beaucoup de choses ont été dites sur la situation dans l’État Rakhine ces deux derniers mois et de nombreuses allégations de violences terribles et inhumaines ont été rapportées, a-t-elle constaté, ajoutant que si des incertitudes demeurent, il est en revanche indéniable que des centaines de milliers de musulmans rohingya ont fui vers le Bangladesh depuis le nord de l’État Rakhine et que des centaines de villages ont été brulés et réduits en cendres à la suite d’attaques prétendument menées par des militants rohingya le 25 août.  Pourtant, a-t-elle poursuivi, les autorités du Myanmar ont tenté de minimiser ces faits et même de laisser croire à un maquillage de nettoyage ethnique.

Revenant aux grands points de son rapport, Mme Lee s’est félicitée que le Myanmar ait ratifié, début octobre, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en l’assortissant toutefois d’une déclaration sur le droit à l’autodétermination.  Elle a par ailleurs déclaré qu’elle continuait de penser qu’une réforme constitutionnelle devait être réalisée afin de permettre la réalisation de l’état de droit au Myanmar.

Affirmant avoir rencontré pour les besoins de son rapport des représentants de la société civile et des communautés affectées par les trois zones économiques spéciales construites à Yangon, Dawei et Kyaukphyu, Mme Lee a constaté que ces chantiers affectaient de manière négative la vie de ces communautés et a plaidé pour qu’elles soient consultées sur ces projets.  Elle a également affirmé que la  confiscation des terres restait un motif de préoccupation pour ces communautés, lesquelles sont frustrées de ne pas pouvoir obtenir réparation.

Mme Lee s’est par ailleurs déclarée « extrêmement préoccupée » par les informations faisant état d’accrochages entre les forces armées et des groupes ethniques et par l’escalade du conflit dans les États de Kachin et de Shan.  De plus, a-t-elle noté, de nombreuses personnes continuent d’être déplacées dans le pays, certaines ne pouvant pas retourner dans leur région d’origine en raison notamment de la présence des forces armées et de la difficulté à obtenir des papiers d’identification. 

Observant que des discours déshumanisants précèdent le plus souvent les atrocités de masse, la Rapporteuse spéciale a confirmé que des discours de haine étaient proférés à l’encontre de la population rohingya.  Il semble qu’il n’y ait au Myanmar que peu d’empathie vis-à-vis de ce peuple, a-t-elle déploré.  Il est ainsi dit qu’ils ne sont pas autochtones et n’ont donc aucun droit, a-t-elle souligné, ajoutant que des informations font également état de violences à l’égard des musulmans et des chrétiens dans tout le pays.

À la suite de l’exode ces dernières semaines de plus de 500 000 Rohingya depuis le nord de l’État Rakhine, la question se pose de savoir qui est responsable et qui devra répondre de ce déplacement massif de population, a expliqué Mme Lee.  Selon elle, la Constitution du Myanmar permet à l’armée de garder le contrôle des questions de sécurité et de maintien de l’ordre, le gouvernement civil n’ayant qu’un pouvoir de surveillance très limité.  Cependant, a-t-elle estimé, il y a beaucoup de choses que pourrait faire ce gouvernement civil, notamment en matière d’informations vers l’ensemble de la population et de solidarité au-delà des questions confessionnelles.

Mme Lee s’est dite inquiète de l’évolution de la situation des Rohingya, jugeant qu’une mise en œuvre réelle des recommandations de la Commission Annan aurait permis de s’attaquer aux causes profondes du cycle de violences dans l’État Rakhine.  Au moment où l’essentiel de la population rohingya semble désormais être passée au Bangladesh, Mme Lee a dit sa crainte qu’une petite partie seulement de ce peuple puisse revenir au Myanmar.  Elle a d’autre part indiqué avoir été informée que le Gouvernement du Myanmar avait insisté pour que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), deux entités expertes sur les questions d’apatridie, de réfugiés et de retours volontaires, soient exclus des discussions bilatérales sur le processus de rapatriement.  Elle a trouvé cela « déraisonnable » et « inacceptable ».

De l’avis de Mme Lee, le bien-être des Rohingya et celui des autres communautés de Rakhine devraient être assurés de manière égale avant d’envisager une réconciliation au niveau national.  Dans l’immédiat, la Rapporteuse spéciale a demandé à l’Assemblée générale de rester saisie de cette situation à l’échelle du pays, recommandant également au Conseil de sécurité d’inscrire le Myanmar à son ordre du jour, en vue de l’adoption d’une « résolution forte » montrant que la crise dans l’État Rakhine va au-delà des frontières du Myanmar.

Avant que le dialogue de Mme Lee, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, avec les délégations ne commence, le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a pris la parole pour rappeler la position de principe des chefs d’États des pays membre de ce groupe, à savoir que les droits de l’homme sont universels et interdépendants et ne doivent pas faire l’objet de sélectivité et de politisation.  Les États membres du Mouvement estiment également que l’Examen périodique universel et le Conseil des droits de l’homme sont les cadres les plus pertinents pour évoquer des situations des droits de l’homme pour tous les pays.

En tant que pays concerné, le Myanmar a rappelé que sa délégation, bien que s’étant dissociée du consensus créant le mandat du Rapporteur spécial à Genève, lui avait permis de se rendre au Myanmar et lui avait accordé toute sa coopération.  Aujourd’hui, le Gouvernement est prêt à mettre en œuvre les 44 recommandations qui lui ont été adressées par la Rapporteuse spéciale, tout en relevant que cette dernière n’en a adressé que quatre à la communauté internationale et une seule aux Nations Unies.  La délégation déplore cependant que le rapport ne fasse pas mention des causes profondes du conflit qui secoue le pays.  Citant Aung San Suu Kyi, la Conseillère d’État du Myanmar, le représentant a assuré que son pays répondrait, non par des paroles, mais par des actes.  Ainsi, le Myanmar a mis en place une commission consultative, dirigée par l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, M. Koffi Annan, et organisé une conférence de la paix de l’Union avec les parties prenantes.  Cette conférence a abouti à la signature d’un accord de paix.

Le représentant a également déclaré que la réalité est que la situation dans l’État Rakhine est le fruit des attaques terroristes de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan.  Or, le Gouvernement, comme n’importe quel autre, ne peut tolérer ces actes terroristes sur son territoire.  Par ailleurs, la Commission dirigée par M. Annan reconnaît, elle-même, que la situation dans l’État Rakhine est complexe et ne peut être résolue facilement.  Le Gouvernement entend mettre en œuvre les recommandations de cette Commission.

S’agissant de la situation humanitaire, le Gouvernement du Myanmar est déterminé à prendre toutes les mesures pour y remédier, notamment par le retour sûr et digne des personnes concernées.  Un mémorandum d’accord a ainsi été signé entre le Myanmar et le Bangladesh à cet effet.  En conclusion, le représentant du Myanmar a affirmé que personne ne connaissait mieux le Myanmar et n’était aussi déterminé à y installer la paix que son gouvernement, qui honorera de bonne foi et de façon résolue ses obligations.

Une trentaine de délégations ont ensuite demandé la parole.

Directement concerné par l’afflux des réfugiés rohingya et la crise humanitaire à sa frontière, le Bangladesh a estimé que la situation dans l’État Rakhine exigeait une réponse très ferme de la communauté internationale, et notamment que l’Assemblée générale devait adopter la résolution proposée par l’Organisation de la coopération islamique afin de résoudre ce problème.

La Malaisie, qui a noté que la relation entre le Myanmar et les Nations Unies ne cessait de se détériorer, a demandé, elle aussi, s’il était possible à l’Assemblée générale de créer un autre mandat pour aider la Rapporteuse spéciale dans son travail.  L’Indonésie s’est déclarée inquiète de la situation des droits de l’homme dans l’État Rakhine et a condamné les violences et les déplacements forcés de populations.  Elle a ajouté qu’elle dialoguait avec les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh pour aider à la résolution de la crise humanitaire.

Le Viet Nam s’est félicité des efforts déployés par le Myanmar pour promouvoir la réconciliation au niveau national.  Il a estimé que, par la voie du dialogue, une solution durable pouvait être trouvée, notamment dans l’État Rakhine.  Les États voisins membres de l’ASEAN sont prêts à apporter leur aide au Myanmar à cette fin, a-t-il ajouté.  La Thaïlande s’est dite d’accord avec la Rapporteuse spéciale pour dire que, malgré de nombreux défis, le Gouvernement du Myanmar était prêt à œuvrer pour la paix.  Elle a encouragé le Gouvernement à poursuivre le dialogue avec les différents organes de l’ONU.

La Chine pense qu’un dialogue constructif est essentiel et qu’il ne faut pas politiser ces questions.  Elle estime que les questions dans l’État Rakhine sont complexes et historiques et ne peuvent être réglées du jour au lendemain.  La communauté internationale devrait rester patiente et apporter un soutien au Myanmar.  La Chine a par ailleurs félicité le Bangladesh pour son assistance humanitaire sur le terrain.  Singapour a estimé qu’au cœur de cette situation se trouve un problème intercommunautaire complexe et a appelé toutes les parties impliquées à s’entendre pour permettre l’accès de l’aide humanitaire aux personnes qui en ont besoin. 

L’Arabie saoudite s’est dite déçue que le rapport ne mette pas assez en lumière le nombre de musulmans rohingya ayant fui « l’épuration ethnique » en cours au Myanmar.  Selon les Nations Unies, il y en aurait 800 000, a-t-elle rappelé, en demandant à la communauté internationale de traduire les auteurs de ces actes en justice et d’apporter une aide humanitaire à ceux qui fuient le pays pour le Bangladesh.

L’Iraq a condamné toutes les violations inhumaines perpétrées au Myanmar à l’encontre des musulmans, et particulièrement des Rohingya.  Il a plaidé pour que soit garanti un accès humanitaire et le retour des réfugiés et appelé à la constitution d’une commission internationale chargée de lutter contre les violations des droits fondamentaux au Myanmar.  La Turquie s’est dite inquiète du sort des Rohingya, regrettant que les forces de sécurité du Myanmar soient à l’origine des violences perpétrées notamment dans l’État Rakhine.  Elle a réclamé que soient garantis l’accès humanitaire et le retour des déplacés, assurant qu’elle continuerait à apporter son aide, en collaboration avec les autorités du Myanmar. 

La Suisse a déploré que la Rapporteuse spéciale n’ait pas pu se rendre dans toutes les régions du pays.  Compte tenu de tout ce qui est dit dans le rapport, la Suisse appelle le Gouvernement du Myanmar à mener des enquêtes sur toutes les allégations et à traduire les auteurs en justice.  Le Liechtenstein a souhaité savoir quel message peut envoyer la Troisième Commission au Myanmar.

Les États-Unis ont condamné les violations des droits de l’homme et demandé à la Rapporteuse spéciale son avis sur l’origine de ces violences.  Le Royaume-Uni a reconnu que des progrès ont été accomplis par le Myanmar mais a constaté que beaucoup reste à faire, comme le montrent les violences dans l’État Rakhine.  Exhortant les forces armées à respecter les civils et les normes internationales, le Royaume-Uni juge désormais essentiel de veiller au bon retour des réfugiés.  Il a aussi voulu savoir comment la communauté internationale peut participer au règlement de cette crise.

L’Union européenne a voulu savoir ce qui peut être fait pour garantir la sécurité et les droits de l’homme dans l’État Rakhine, en particulier ceux des personnes qui rentrent du Bangladesh.  La Norvège a réitéré son appel visant à mettre un terme à la violence et à favoriser l’accès de l’aide humanitaire aux populations déplacées et a demandé l’avis de la Rapporteuse spéciale sur ce que devrait faire la communauté internationale pour trouver un règlement à cette situation dramatique.  La France a voulu savoir quelle appréciation la Rapporteuse spéciale faisait de la mise en œuvre de ses recommandations et de celles de la Commission Annan.

Face aux graves violations constatées et aux centaines de milliers de réfugiés, les Pays-Bas ont appelé à une fin immédiate de toutes les violences et à un retour volontaire des réfugiés.  Saluant la décision de la Conseillère d’État du Myanmar de mettre fin à l’impunité, ils ont souhaité savoir quelles autres mesures d’urgence permettraient au Gouvernement de ce pays de démontrer le sérieux de ses engagements.  La République tchèque a observé que la Rapporteuse spéciale n’a pu se rendre dans toutes les zones du pays.  L’Irlande a dit son inquiétude devant les allégations de violations des droits de l’homme dans l’État Rakhine, mais aussi dans ceux de Kashin et de Shan et a demandé des informations complémentaires à la Rapporteuse spéciale.   

L’Australie a demandé au Gouvernement du Myanmar de coopérer avec la Mission d’établissement des faits instituée par le Conseil des droits de l’homme.  Elle se félicite du rapport de la Commission dirigée par M. Annan et des progrès faits dans le cadre de l’accord de paix.

La Fédération de Russie a appuyé les efforts déployés par le Gouvernement pour résoudre les problèmes subsistants dans l’État Rakhine, qui présentent un caractère complexe.

Le Japon s’est dit inquiet de la situation relative aux droits de l’homme dans l’État Rakhine et a demandé que la sécurité soit rétablie dans le plein respect de l’état de droit.  Il a aussi appelé au retour volontaire des personnes déplacées et à la levée des restrictions dans le pays, tout en saluant les efforts du Myanmar pour apporter une réponse à la crise actuelle.  La République de Corée a dit espérer que le Gouvernement du Myanmar continuerait sa coopération avec la communauté internationale.  Elle est disposée à apporter son aide, comme elle l’a déjà fait avec une aide humanitaire de 20 millions de dollars.  Les Maldives ont souhaité savoir ce que pensait la Rapporteuse spéciale des progrès réalisés sur le plan humanitaire.

Le Mexique a demandé à la Rapporteuse spéciale de fournir davantage d’informations sur ce qui est fait pour accroître la participation des femmes au processus de paix.  

Dans la ligne du Mouvement des pays non alignés, Cuba a dit ne pas favoriser les mandats spécifiques de pays, car ils sont de nature à politiser les droits de l’homme et à ne pas promouvoir la coopération.  La position de Cuba reste la même, à savoir que le Conseil des droits de l’homme et l’Examen périodique universel sont les plus pertinents pour se pencher sur les droits de l’homme.  Dans le même sens, l’Inde a plaidé pour une approche des droits de l’homme basée sur la non-sélectivité, estimant, elle aussi, que l’Examen périodique universel permet d’avoir une instance de dialogue non politisée entre les États Membres et reste donc l’instance préférable pour traiter de ce type de situation.  La République démocratique populaire lao a, elle aussi, estimé que l’Examen périodique universel permettrait de mieux comprendre la situation relative aux droits de l’homme au Myanmar. 

Enfin, la République populaire démocratique de Corée a dit s’opposer à toute politisation de l’examen des questions des droits de l’homme. Il faut suivre les principes de non-ingérence dans les affaires des autres États, a-t-elle plaidé, demandant que des progrès soient effectués par le Gouvernement du Myanmar pour assurer la protection des droits de son peuple.

Dans ses réponses, Mme Lee, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a déclaré que la communauté internationale, notamment l’Assemblée générale, devait rester saisie de la situation au Myanmar, notamment de celle qui prévaut dans l’État Rakhine.  Par ailleurs, la presse internationale, de même que la Mission d’établissement des faits doivent pouvoir se déployer rapidement sur place pour constater les allégations et les crimes commis.

En ce qui concerne les causes du conflit, la Rapporteuse spéciale a estimé que c’est la marginalisation de l’État Rakhine et les discriminations à l’encontre des musulmans rohingya qui en sont à l’origine et qui doivent être traitées.  En ce qui concerne les réfugiés, elle a déclaré que la solution serait d’abord d’éviter de construire un immense camp de réfugiés, au risque de voir d’autres problèmes apparaître, notamment une traite des êtres humains ou l’exploitation des femmes et enfants.  Mme Lee a par ailleurs estimé que la plupart des recommandations qu’elle avait formulées au nouveau Gouvernement n’ont pas été mises en œuvre, notamment les réformes législatives, alors que la plupart des lois datent de l’époque coloniale et ne sont plus adaptées.  Elle a conclu en souhaitant que le Gouvernement modifie cette situation. 

Mme ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a déclaré que le rapport présenté aujourd’hui couvre les six premiers mois de 2017 et est basé sur des informations reçues de sources internes et externes au pays et des communications envoyées au Gouvernement.  Le rapport s’inspire également d’un examen des législations et des consultations tenues avec divers acteurs et autres parties prenantes, dont les organisations de la société civile.  Alors que la coopération avec le Gouvernement iranien se poursuit, le rapport constate des développements positifs, notamment l’élection présidentielle de mai dernier, marquée par une très forte participation, reflétant le désir du peuple iranien à donner son opinion.  Par ailleurs durant la campagne, le Président sortant Hassan Rouhani, réélu pour un second mandat, a parlé de la liberté de la presse, des droits des femmes, des minorités et des segments marginalisés de la société iranienne.  Il a également relayé les préoccupations concernant la réduction de l’espace des réseaux sociaux, la répression des étudiants et la question des  réformistes placés en résidence surveillée. 

Concernant les points négatifs, la Rapporteuse spéciale a dit être préoccupée par les taux d’exécutions en Iran, avec 435 personnes exécutées rien que depuis le début de l’année, dont quatre mineurs.  Par ailleurs, et bien que la loi sur les narcotiques devrait réduire le nombre de personnes attendant dans le couloir de la mort, 86 mineurs y sont toujours.  Des cas de torture, de détention arbitraire et de privation de liberté de binationaux ont également été portés à sa connaissance, de même que des cas de harcèlement, d’intimidation et de persécution de défenseurs des droits de l’homme.  Des cas de restriction de la liberté d’expression, d’option et de l’information lui ont aussi été rapportés.

La Rapporteuse spéciale a en outre documenté des cas de discrimination touchant les minorités ethniques et religieuses et en particulier les Baha’i.  Par ailleurs, et bien que M. Rouhani en ait parlé, la situation des droits des femmes est également préoccupante.  Elles sont interdites de regarder des matchs de football ou d’occuper certains postes ou se voient imposer un code vestimentaire obligatoire, a-t-elle dit.  Dans ce contexte, le rapport contient une série de recommandations invitant, entre autres, le Gouvernement à revoir ses législations, à réformer son système judiciaire, ou encore à ouvrir des enquêtes sur les allégations et à fournir aux familles de victime des réparations et à faire cesser les représailles, a conclu la Rapporteuse spéciale. 

Pays concerné, la République islamique d’Iran a déclaré que la réélection écrasante du Président Hassan Rouhani avait montré la volonté de son peuple de protéger les droits de l’homme.  Or, depuis des années, la République islamique d’Iran fait l’objet « d’une farce qui manipule les droits de l’homme à des fins politiques ».

Il n’y a pas de raisons de produire quatre rapports par an sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a poursuivi le représentant, ajoutant que celui examiné aujourd’hui ne faisait que reprendre « les mêmes éléments fallacieux » en plus de manquer de professionnalisme.  Ce rapport ne fait même pas mention des sanctions économiques imposées sur la République islamique d’Iran par les États-Unis, ni même des interdictions de voyages imposée à ses ressortissants, s’est-il indigné.  Or, qui peut penser que ces sanctions n’ont pas de conséquences sur les droits de l’homme, a demandé le représentant, qui a ajouté que le rapport ignorait aussi les 17 000 victimes iraniennes assassinées par le terrorisme et ne mentionnait pas les soutiens ayant contribué à la guerre Iran-Iraq dans les années 1980.

Ce rapport fabrique en outre des réalités qui n’existent pas en République islamique d’Iran, en parlant de discriminations faites aux minorités, alors que tous les iraniens appartiennent à des minorités, a ajouté la délégation.  Lorsqu’il parle de la drogue, le rapport ne fait pas mention des jeunes qui en sont victimes, pas plus qu’il ne fait état des officiers de police tombés dans le cadre de la lutte contre ce fléau.

Si la délégation reconnaît que la situation des droits de l’homme n’est pas parfaite dans son pays, comme dans tous les autres, elle estime qu’elle ne mérite pas un tel rapport.  En ce qui la concerne, la République islamique d’Iran n’entend pas changer son mode de vie et ses valeurs pour faire plaisir à d’autres pays, en particulier ceux dans lesquels l’islamophobie est installée dans les sociétés ou qui ne protègent pas les groupes vulnérables sur leurs territoires.  Elle entend continuer de travailler en toute coopération avec les partenaires réellement intéressés par les droits de l’homme, dans le contexte du Conseil des droits de l’homme et de son Examen périodique universel. 

Lors du dialogue avec Mme Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, les États-Unis ont condamné les représailles menées vis-à-vis des personnes qui avaient collaboré avec Mme Jahangir en Iran, ainsi que la détention de ressortissants étrangers, l’utilisation de la torture et de traitements cruels et dégradants.  Ils ont en outre dit partager l’inquiétude de la Rapporteuse spéciale concernant les objecteurs de conscience et l’imposition de la peine de mort à des personnes ayant commis des infractions alors qu’elles étaient mineures.  Ils ont enfin dénoncé les représailles perpétrées contre des membres de minorités religieuses.

Le Royaume-Uni a dit partager l’inquiétude de la Rapporteuse spéciale sur l’imposition à grande échelle de la peine de mort en République islamique d’Iran et a demandé à ce qu’elle soit abolie, notamment pour les enfants.  Il a exhorté le Gouvernement iranien à reconnaître la liberté de culte et à respecter ses obligations au regard du Pacte sur les libertés culturelles.  Il a par ailleurs demandé à Mme Jahangir si elle avait observé de la part de l’Iran des mesures visant à une application de la Charte sur les droits des citoyens. 

L’Arabie saoudite a estimé que le Gouvernement iranien n’avait pas adopté des politiques adaptées.  Ce pays ne respecte pas les instruments en matière de droits de l’homme et il n’y a aucune évolution positive, a-t-elle affirmé, dénonçant une discrimination vis-à-vis des Arabes et des citoyens non perses.  Pour l’Arabie saoudite, l’Iran est responsable de tous les problèmes que connaît le Moyen-Orient.

La Japon a déclaré maintenir un dialogue bilatéral avec l’Iran sur les droits de l’homme afin de contribuer à une amélioration de la situation sur le terrain.  Affirmant vouloir poursuivre cette forme de coopération, il a souhaité savoir quelle question était prioritaire s’agissant des droits fondamentaux des femmes en Iran.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée a souhaité savoir si les sources de la Rapporteuse spéciale concernant l’Iran étaient crédibles.  Elle a aussi voulu savoir pourquoi le Gouvernement iranien n’a pas répondu à ses 21 communications.  Le Canada a souhaité savoir si une visite de la Rapporteuse spéciale était prévue en République islamique d’Iran.

La République arabe syrienne a noté que la Rapporteuse spéciale s’était concentrée sur des questions ne relevant pas de son mandat.  Cela met en péril la crédibilité des mécanismes de droits de l’homme, a-t-elle regretté, s’interrogeant sur la pertinence d’un tel débat.  Selon elle, la Rapporteuse spéciale n’aurait pas dû publier des informations qui n’avaient pas encore été vérifiées.  Il aurait été préférable, a-t-elle ajouté, de nommer des rapporteurs en Arabie saoudite car ce pays « détruit le Yémen ». 

L’Arabie saoudite s’est élevée contre les propos de la République arabe syrienne, estimant qu’il n’était pas approprié de parler de son pays dans ce contexte.  Elle a demandé à la République arabe syrienne de s’abstenir de citer des pays n’ayant rien à voir avec l’ordre du jour.  La République arabe syrienne a ensuite jugé que le représentant de l’Arabie saoudite n’avait pas demandé formellement de motion d’ordre et a reproché au Président d’avoir manqué de neutralité, provoquant une suspension de séance.

L’Union européenne a dit reconnaître les progrès réalisés en République islamique d’Iran mais a demandé à son gouvernement de continuer ses efforts, notamment d’abolir la peine de mort, en particulier dans les cas liés à la drogue, à l’orientation sexuelle ou à l’adultère.  La délégation constate aussi que les engagements du Président Rouhani ont peu été traduits dans les faits.  Partageant le même point de vue, la République tchèque a demandé à la République islamique d’Iran de faire davantage notamment pour les droits des femmes.

Dans le même sens, l’Irlande a demandé à la République islamique d’Iran d’abolir la peine de mort, de libérer les prisonniers politiques et de protéger les droits des minorités ethniques et religieuses.  Opposée, elle aussi, à la peine de mort, la Norvège a déploré les restrictions aux libertés fondamentales en République islamique d’Iran.  Elle espère que le pays coopèrera avec la Rapporteuse spéciale.  L’Allemagne est également préoccupée par le taux d’exécutions alarmant et demande à la République islamique d’Iran d’abolir cette peine ou de trouver des alternatives.  Quel type de communication la Rapporteuse spéciale entend-elle envoyer au Gouvernement, dans le contexte où celui-ci n’a pas répondu à toutes les communications, a-t-elle demandé.  La Suisse a souhaité savoir dans quel sens le Code pénal iranien avait été amendé.

Le Pakistan a observé que l’Iran coopérait avec les principaux instruments internationaux en matière de droits de l’homme et avait organisé des élections présidentielles libres et démocratiques.  Il a plaidé pour une approche des droits de l’homme non politisée et évitant les affrontements, sur la base du principe de non-ingérence.

L’Érythrée a estimé que le Conseil des droits de l’homme était l’organe idoine pour traiter des questions relatives aux droits de l’homme.  Malheureusement, a-t-il dit, des efforts sont déployés pour y présenter des projets de résolution politisés.  Malgré cela, il a réaffirmé son engagement en faveur de la protection des droits de l’homme.  Le Burundi a rejoint la position du Mouvement des pays non alignés, regrettant la tendance à politiser les droits de l’homme pour satisfaire certains pays.  Cette attitude, en plus du « deux poids, deux mesures » et de la sélectivité, mine les efforts collectifs, a dit la représentante, plaidant au contraire pour le dialogue et la coopération avec les États concernés.  Le Venezuela a également rejeté la sélectivité dans les affaires relatives aux droits de l’homme, de même que le Zimbabwe, qui a exprimé des inquiétudes quant à l’attitude vis-à-vis de la République islamique d’Iran.  La République populaire démocratique de Corée a dénoncé et condamné, elle aussi, cette tendance à la politisation et a répété que l’Examen périodique universel était le seul mécanisme pertinent pour les droits de l’homme.  Cuba a déclaré que ce qui se passait dans cette salle apportait la preuve de la politisation des questions relatives aux droits de l’homme.  Cuba s’oppose à cette tendance et demande que cesse cette politisation.

La Fédération de Russie s’est dite, elle aussi, opposée à la politisation des droits de l’homme, d’autant que l’accent mis sur les pays va à l’encontre de la Charte des Nations Unies.  Donner des leçons ou montrer du doigt n’est pas constructif et ne fait que porter le discrédit sur les Nations Unies, estime-t-elle, ajoutant que la coopération doit être encouragée en particulier quand le pays concerné y est intéressé.

Le Bélarus a déclaré que les rapports ne bénéficiant pas de l’appui des pays concernés, compte tenu de leur mode de rédaction, à savoir la collecte d’informations non vérifiées et hors du pays, ne peuvent être que biaisés, politisés et idéologisés.  Ce qui prouve une fois de plus que les mandats de pays ne sont pas constructifs, selon la délégation.  La Chine est de même opposée à l’imposition de mécanisme de pays contre leur volonté, d’autant qu’ils ne sont pas de nature à encourager la coopération. 

En réponse aux délégations, Mme Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a estimé que le dialogue avec des représentants de la République islamique d’Iran avait été « utile » pour l’établissement de son rapport et lui avait permis de mieux comprendre la situation relative aux droits de l’homme dans ce pays.  Ce dialogue permet aussi au Gouvernement iranien de comprendre la complexité de la situation et encourage l’ensemble des acteurs concernés à mieux respecter les droits de l’homme, a-t-elle ajouté.

Se disant préoccupée par le fait que l’état de droit soit régulièrement bafoué en Iran, Mme Jahangir a répété que la solution résidait dans la poursuite du dialogue et a exhorté le Gouvernement iranien à la recevoir dans le cadre de son mandat.  « Peut-être la visite d’un rapporteur thématique spécial permettrait de répondre à ses inquiétudes », a-t-elle commenté.

Évoquant les données de son rapport et leurs sources, la Rapporteuse spéciale a assuré qu’elle tenait ses informations d’Iraniens à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ces personnes prenant souvent d’importants risques pour communiquer avec son mandat.  « Ces personnes communiquent avec moi par tous les moyens, y compris par Skype », a-t-elle précisé, ajoutant que son mandat est celui qui reçoit le plus grand nombre de communications en provenance d’Iran.  « Je passe au crible toute l’information qui m’est envoyée.  Et si elle n’est pas vérifiée, je ne l’inclus pas dans le rapport », a-t-elle encore déclaré.  Répondant au représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, elle a indiqué qu’il n’y avait pas de faible niveau de réponse de la part des autorités iraniennes puisque, pour 21 communications adressées, elle a reçu 20 réponses.

S’agissant des droits fondamentaux des femmes en Iran, Mme Jahangir s’est félicitée que la Charte des droits des citoyens garantisse le respect de certains droits.  Elle a cependant estimé que les lois établissant une discrimination vis-à-vis des femmes devaient être abrogées, notamment celles qui discriminent les femmes pour l’obtention de postes ou pour leur participation à la vie publique.  Elle a dit espérer des progrès dans un avenir proche. 

Concernant l’imposition de la peine de mort, la Rapporteuse spéciale a regretté qu’elle concerne également les personnes reconnues coupables de trafic de drogue à grande échelle.  Elle a également émis l’espoir qu’un texte législatif prévoyant un recours moindre à la peine capitale soit adopté.

Mme Jahangir a conclu son propos en soulignant une nouvelle fois l’importance du dialogue avec la République islamique d’Iran.  Se disant particulièrement préoccupée par les violations de la liberté d’expression, elle a déclaré vouloir faire de cette question sa priorité, étant donné les intimidations dont font l’objet certaines personnes, « même si elles ne sont plus dans leur pays ».  

En conclusion de cette intervention, le représentant de la République islamique d’Iran a déclaré qu’il n’était pas difficile de produire un rapport comme celui présenté aujourd’hui.  Mais à l’adresse des pays qui voteront la résolution sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, il a souhaité rappeler quelques faits, ajoutant que certains pays « semblent souffrir d’amnésie ».

Comment peut-on oublier les crimes commis par les États-Unis, a-t-il demandé, citant la torture, les détentions arbitraires, les assassinats extrajudiciaires, le racisme, la ségrégation, les discriminations faites aux minorités, les discours de haine, l’interventionnisme à l’étranger, les changements de régimes, la guerre d’Iraq, ou encore le soutien au « dernier régime d’apartheid au monde », Israël.  L’Arabie saoudite pour sa part tue plus d’enfants au Yémen qu’Al-Qaida, Daech, et le Front el-Nosra, a encore affirmé le représentant, qui a accusé ce pays de financer une idéologie extrémiste et des groupes terroristes en Afrique ou ailleurs.

S’agissant enfin de la Rapporteuse spéciale, le représentant a déclaré qu’elle aurait pu être la bienvenue en République islamique d’Iran si l’on avait nommé 192 rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l’homme dans chacun des pays du monde. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission adopte deux projets de résolution sur les travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international

Soixante-douzième session,
20e & 21e séances - matin & après-midi
AG/J/3556

La Sixième Commission adopte deux projets de résolution sur les travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a adopté sans vote aujourd'hui deux projets de résolution* portant sur les travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international(CNUDCI).  Elle a également poursuivi l’examen des premiers chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI), concentrant son attention sur les projets d’articles consacrés aux crimes contre l’humanité et à l’application provisoire des traités.

La commission demande ainsi à l’Assemblée générale de prendre note du rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), présenté le 9 octobre dernier.  Par le second projet de résolution, l’Assemblée générale remercierait la CNUDCI d’avoir achevé et adopté la « Loi type sur les documents transférables électroniques de la CNUDCI ».  L’Assemblée recommanderait à tous les États de tenir compte de la Loi type lorsqu’ils modifieront leur législation régissant le commerce électronique ou en adopteront une.

Comme le veut la tradition, la commission a approuvé l’envoi d’une lettre de son Président à son homologue de l’Assemblée générale, dans le cadre du débat et des consultations officieuses concernant le rapport du Secrétaire général sur l’administration de la justice à l’ONU.

Si les délégations ne se sont pas montrées unanimes quant à la pertinence d’adopter une convention sur les crimes contre l’humanité, plusieurs ont jugé que les projets d’articles adoptés par la CDI représentent un pas dans la bonne direction.  Ainsi, pour le Paraguay, l’adoption des projets d’articles sous la forme d’un instrument juridique contraignant est « fondamentale », en particulier en référence au droit international humanitaire, au droit pénal international et au droit international des droits de l’homme. 

Une position partagée par la Croatie, les Pays-Bas et la République tchèque, pour qui les efforts visant à accroître la coopération interétatique pour les crimes contre l’humanité vont de pair avec l’initiative lancée par les Pays-Bas, l’Argentine, la Belgique, le Sénégal et la Slovénie en vue d’élaborer un traité multilatéral d'entraide judiciaire et d’extradition pour les crimes les plus graves. 

Pour la Nouvelle-Zélande, les travaux de la CDI concernant les crimes contre l’humanité sont l’occasion de « combler un vide » en droit international.  En mettant l’accent sur la coopération entre les États, les projets d’articles contribuent à l’application du principe de complémentarité qui est au cœur de nombre de traités internationaux, notamment le Statut de Rome établissant la Cour pénale internationale (CPI).  Estimant que trop peu d’États se sont acquittés de leurs obligations en vertu du Statut de Rome et des Conventions de Genève, les Pays-Bas ont aussi considéré que l’adoption éventuelle d’une convention permettrait de combler ces lacunes, en faisant des États, et non d’une entité internationale, les premiers responsables du respect de ces dispositions. 

Les États, en vertu du principe de complémentarité, demeurent en première ligne en matière d’enquêtes et de poursuites pour les crimes internationaux, a d’ailleurs fait observer l’Afrique du Sud, ajoutant que les projets d’articles représentent une opportunité de renforcer leurs capacités à cet égard.  Cependant, a déploré l’Iran, l’obligation faite aux États d’œuvrer à la prévention des crimes contre l’humanité laisse peu de marge de manœuvre aux systèmes nationaux en termes d’administration et de procédure. 

Les travaux de la CDI sur les crimes contre l’humanité ne devraient pas « dévier » du cadre du Statut de Rome, a prévenu l’Iran, pour qui la portée des projets d’articles ne devrait pas s’étendre au crime de génocide et aux crimes de guerre.  Notant pour sa part l’absence de disposition relative à l’immunité des représentants de l’État dans les projets d'articles, l’Algérie a invité la commission à se pencher sur les exemples de lois d’amnistie existant.  « L’amnistie est un important outil pour parvenir à la paix », a déclaré sa représentante.

De son côté, Cuba a réitéré sa préoccupation devant l’adoption de projets d’articles ou de directives internationales sans caractère contraignant, estimant que la portée de ces textes demeure loin des effets qu’ils pourraient avoir dans le cadre d’une convention multilatérale.

Les effets des changements climatiques se font ressentir sur la terre comme dans les océans, ont par ailleurs relevé les Tonga, or ils ne sont pas encore reconnus en droit international.  La hausse du niveau de la mer représente « une menace existentielle » pour les États insulaires, en particulier les îles de faible altitude et les atolls, a renchéri la Micronésie.  « Quand un État perd son territoire géographique, peut-il encore être considéré comme un État d’après le droit international? »  La Micronésie a dit son intention de soumettre une proposition écrite sur les implications juridiques de ce phénomène.  

S’agissant de l’application provisoire des traités, l’Iran a approuvé les projets de directives adoptés par la commission en tant qu’instruments « flexibles et non contraignants ».  L’Afrique du Sud a estimé que ces projets de directives peuvent servir de fondement juridique en l’absence de traités. 

« En se distançant de l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui parle explicitement des États négociateurs, la commission navigue en terrain inconnu », a critiqué le représentant du Brésil.  Il a douté que l’état actuel de la pratique soit suffisamment pertinent pour permettre la création d’une nouvelle règle de droit international. 

Pour leur part, les États-Unis sont revenus sur les débats relatifs à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  S’ils sont en accord avec les travaux de la commission sur l’immunité rationae personae, qui reposent sur le droit international coutumier, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les travaux sur l’immunité rationae materiae.  Les propositions « catégoriques » avancées dans les projets d’articles sur les bénéficiaires et la portée de l’immunité rationae materiae ne reflètent pas selon eux l’étendue de la pratique des États. 

La Sixième Commission entamera l’examen des chapitres VI et VII du rapport de la Commission du droit international demain, jeudi 26 octobre, à 15 heures.

*A/C.6/72/L.10, A/C.6/72/L.11

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-NEUVIÈME SESSION (A/72/10)

Suite des déclarations

Mme BATZION BENDAVID GERSTMAN (Israël) a relevé que suite à une recommandation faite par une commission d’enquête publique établie en 2013 par le Gouvernement israélien, une législation nationale qui interdirait les crimes contre l’humanité sur la base du droit international coutumier est en cours de rédaction.  Une bonne codification des crimes contre l’humanité devrait bénéficier de l’approbation de la communauté internationale dans son ensemble, a-t-elle déclaré.  Cependant le processus de codification soulève des questions qui doivent être résolues.  Par exemple, elle a exhorté les États à se montrer attentifs lors de l’établissement de mécanismes d’application des traités en question, car les mécanismes d’adhérence pourraient être utilisés par certains États pour des motifs politiques plutôt que faire valoir le droit des victimes.  De plus, il serait approprié de prendre en considération les multiples mécanismes d’exécution déjà en place, dans le but d’éviter les doublons et d’encourager la synergie avec les mécanismes existants. 

La représentante a dit croire à l’importance de la création d’un futur traité sur les crimes contre l’humanité, qui doit être universel, tout en soulignant l’importance de rester conforme au droit international coutumier.  Elle a pensé cependant que le paragraphe 2 du projet d’article 13 sur les infractions politiques est en conflit avec l’actuelle pratique d’extradition.  En outre, toute codification doit couvrir les acteurs non étatiques en raison de l’augmentation du nombre de crimes qu’ils commettent.

Passant à la question de l’application provisoire des traités, Mme Gerstman a rappelé que la pratique de son pays ne permet généralement pas l’application provisoire des traités.  Cependant il existe des exceptions.  Par ailleurs, cette année, Israël a examiné sa pratique en la matière et la représentante a espéré que d’autres États se livrent à cet exercice et fassent connaître leur expérience.  À propos des projets de directives, la représentante s’est déclarée préoccupée par la rédaction de la directive 4 sur la forme de l’accord, car il lui a semblé que ce texte puisse être interprété comme permettant à d’autres États ou entités d’initier le processus de l’application provisoire des traités sans le consentement de l’État en question.

M. THEMBILE JOYINI (Afrique du Sud) a estimé que les projets d’articles représentent un instrument de renforcement de la coopération entre États afin d’assurer la reddition de comptes pour les crimes contre l’humanité.  Les États, en vertu du principe de complémentarité, demeurent en première ligne en matière d’enquêtes et de poursuites pour les crimes internationaux, a noté le représentant, ajoutant que les projets d’articles sont une opportunité de renforcer leurs capacités à cet égard. 

Alors qu’une convention multilatérale sur l’entraide judiciaire et l’extradition est en cours d’élaboration, l’Afrique du Sud aurait aimé que les crimes de guerre et le génocide soient inclus dans les projets d’articles, a poursuivi le représentant.  Notant qu’ils sont rédigés sur le modèle de la Convention des Nations Unies contre la corruption et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ratifiées par son pays, il a donné son appui aux projets d’articles.  Il a reconnu que le projet d’article 6 demande aux États d’intégrer les crimes contre l’humanité à leurs lois nationales, ce que l’Afrique du Sud a fait en appliquant le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Par ailleurs, il a déploré la terminologie employée pour le projet d’article 9, sur les mesures préliminaires lorsque l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur le territoire d’un État, qui fait fi de son caractère circonstanciel, selon lui. 

M. Joyini a approuvé l’approche « flexible » des projets d’articles portant sur l’extradition et l’entraide judiciaire, qui peuvent servir de fondement juridique en l’absence de traités à cet effet.  Cependant, a-t-il continué, le projet d’article 14 rend son annexe applicable par défaut, ce qui a pour effet d’entraver le recours aux demandes d’entraide informelles souvent utilisées.  S’agissant du projet d’article 5 sur le non-refoulement, le représentant a expliqué que l’Afrique du Sud ne permet pas l’extradition vers un pays où la personne visée peut être sujette à des crimes contre l’humanité.  Pour ce qui est de la question des immunités, il faut, selon lui, tenir compte des circonstances propres à chaque situation plutôt que d’imposer des mesures globales. 

M. JOSÉ MARTÍN Y PÉREZ DE NANCLARES (Espagne) a jugé excessif le programme de travail de la Commission du droit international (CDI), ce qui peut affecter son efficacité.  Si des questions telles que la succession d’États en matière de responsabilité de l’État sont pertinentes, il s’est demandé si le moment était bien venu de l’aborder.  Suite à l’adoption des projets d’articles, il s’est dit « vivement préoccupé » que la CDI ait recours à des votes plutôt qu’au consensus pour prendre des décisions, estimant que cela faisait courir le risque de diviser la commission. 

En ce qui concerne les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité, le représentant a jugé le travail de la commission « adéquat et équilibré ».  Cependant, il a émis des réserves sur le projet d’article 5 sur le non-refoulement, notant qu’il ne reflète pas la nature systématique des crimes contre l’humanité.  Quant au projet d’article 12 sur les victimes, témoins et autres personnes, il a jugé qu’il était fondé, d’un point de vue technique, sur une approche incorrecte.  Il a souligné que la commission laisse habituellement le soin aux États de rédiger les projets de clauses tels que le projet d’article 15, portant sur le règlement des différends.

Bien qu’il considère appropriés les projets de directives sur l’application provisoire des traités, M. Pérez de Nanclares a souligné que de nombreux doutes subsistent sur cette question.  Selon lui, les projets de directives 7, 9 et 10 requièrent une étude plus approfondie de la pratique internationale et de la jurisprudence.  Il s’est par ailleurs dit en désaccord avec le commentaire du projet de directive 6 sur les effets juridiques de l’application à titre provisoire relatif à la non-opérationnalité de la Convention de Vienne en cas d’application provisoire.

Saluant l’adoption en première lecture des projets d'articles sur les crimes contre l’humanité, M. MARTIN SMOLEK (République tchèque) a noté que les projets d'articles relatifs aux droits des victimes, des témoins et des suspects ainsi qu’à l’extradition et à l’entraide judiciaire sont le reflet des derniers développements dans le domaine du droit pénal international.  Il s’est prononcé en faveur de l’élaboration d’une convention sur la prévention, la poursuite et la coopération interétatique pour les crimes contre l’humanité, estimant que ces efforts vont de pair avec l’initiative de certains pays visant à adopter un traité d’entraide judiciaire pour les crimes internationaux les plus graves.

M. Smolek a salué l’adoption des 11 projets de directives et des commentaires sur l’application provisoire des traités.  Il a toutefois jugé « superflues » les directives 1 et 2, sur le champ d’application et l’objet, suggérant plutôt de les combiner au sein d’un seul projet de directive portant sur l’objet.  En outre, il a noté qu’il n’est mentionné nulle part que le terme « traité » fait référence à un traité écrit, comme le fait la Convention de Vienne.  Il a invité la commission à clarifier les projets de directives 5 et 8 concernant le début et la fin de l’application provisoire.  Il s’est également dit en accord avec le projet de directive 6, sur les effets juridiques de l’application à titre provisoire, considérant que l’application provisoire d’un traité n’est pas différente de l’application d’un traité en général, du point de vue des obligations qui incombent aux parties, sauf pour son caractère provisoire. 

Enfin, le représentant a salué l’ajout de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État et des principes généraux de droit à l’ordre du jour de la commission, exprimant toutefois des doutes quant à la pertinence de traiter de l’administration de la preuve devant les juridictions internationales.

Concernant les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité adoptés par la Commission du droit international (CDI) en première lecture, M. RENE LEFEBER (Pays-Bas) a jugé d’une extrême importance les dispositions concernant l’obligation de chaque État d’établir une compétence nationale pour ces crimes, assortie d’une obligation d’enquêter et de poursuivre ou d’extrader les responsables.  Sur ces points, il a estimé que trop peu d’États s’étaient acquittés de leurs obligations en vertu, notamment, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et des Conventions de Genève.  La future adoption d’une convention sur les crimes contre l’humanité permettrait, selon lui, de combler ces lacunes, en faisant des États, et non d’une structure internationale, les premiers responsables du respect de ces dispositions.

M. Lefeber a par ailleurs estimé qu’il était crucial, pour garantir l’efficacité de la future convention, de prévoir des dispositions appropriées en matière d’extradition et d’entraide judiciaire.  Il s’est dit satisfait des dispositions actuelles sur ces points dans les projets d’article.  Au passage, il a rappelé qu’il soutenait l’initiative en cours, soutenue par 58 pays dont les Pays-Bas, en faveur de l’élaboration d’un nouveau traité sur l’entraide judiciaire et l’extradition, instrument qui pourrait bien couvrir les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.  Il a estimé que cette initiative était complémentaire des travaux de la commission sur les crimes contre l’humanité et pourrait même avoir un rôle de clarification.

S’agissant de l’application provisoire des traités, le représentant a salué les efforts de la commission pour faire preuve de flexibilité dans le texte des projets de directives, et ce, afin de préserver la possibilité de déterminer une solution au cas par cas.  Au nom de ce même principe de flexibilité, il a salué la décision de la commission, dans sa directive 8, de ne pas retenir une période de préavis concernant l’extinction au moment de la notification de l’intention de ne pas devenir partie.

M. TOMA GALLI (Croatie) s’est félicité des efforts de la Commission du droit international (CDI) visant à élaborer un mécanisme international pour la prévention et la poursuite des crimes contre l’humanité.  Il a toutefois relevé que la définition de la torture contenue dans les projets d’articles diffère de celle présentée dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.  Il a plaidé à cet égard pour l’adoption de définitions et de terminologies uniformes.  Il ne s’agit pas, a-t-il précisé, de s’opposer au développement progressif du droit international, mais bien d’en assurer la cohérence.  M. Galli a proposé de placer le projet d’article 10 « Aut dedere aut judicare » après le projet d’article 5 sur le non-refoulement, jugeant qu’ils sont interdépendants.  

S’agissant des normes impératives du droit international (jus cogens), le représentant a recommandé de prendre en compte le travail de la CDI sur l’identification du droit coutumier ainsi que sur les principes généraux de droit.  Il a également accueilli favorablement l’inclusion de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État à l’ordre du jour de la commission, rappelant que la Croatie a été partie, récemment, à un différend sur l’application de la Convention sur le génocide devant la Cour internationale de Justice.  Il a soutenu à cet égard le premier projet de conclusions du Rapporteur général de la commission et appelé à redoubler d’efforts afin de clarifier le droit international sur cette question.

Mme ANA EDELMIRA ROLÓN CANDIA (Paraguay) a indiqué que son pays a promu l’adoption du projet de loi sur la mise en œuvre du Statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale (CPI) et auquel il est partie.  Le but est d’appliquer au niveau national la jurisprudence de la Cour, et de punir les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre.  La Constitution du Paraguay protège les droits de l’homme et interdit la torture, et les traitements cruels, inhumains et dégradants.  En ce qui concerne les crimes contre l’humanité, la torture, les disparitions forcées, les enlèvements et le meurtre pour des raisons politiques, le Code pénal du Paraguay les a déclarés imprescriptibles, a-t-elle expliqué.

La représentante a appuyé l’idée que ce projet d’articles puisse prendre la forme d’un instrument juridique contraignant et elle a considéré que son approbation par le droit international est fondamentale, notamment dans le cadre du droit international humanitaire, du droit pénal international et du droit international des droits de l’homme.  Il est également important de signaler que ce projet d’articles est compatible avec le statut de Rome et contribue à l’application du principe de complémentarité prévu par ledit instrument, a-t-elle conclu.

Les effets des changements climatiques se font ressentir sur la terre comme dans les océans, a souligné M. MAHE’ULI’ULI SANDHURST TUPOUNIUA (Tonga).  Les effets les plus évidents sur l’océan sont ceux de la montée du niveau de l’eau, de l’acidification de l’océan, du blanchiment du corail.  Ces impacts sont nouveaux et ne sont pas reconnus en profondeur par les instruments légaux internationaux.  Il y a des lacunes dans le droit international qui devraient être examinées, a-t-il estimé.

Cela inclut l’impact potentiel des changements climatiques sur le droit des océans et de leurs ressources, les frontières maritimes, les mesures de conservation côtières, la souveraineté ou les migrations, en un mot, sur toutes les activités liées aux océans, a poursuivi le représentant.  Pour combler ces lacunes, a-t-il estimé, il est nécessaire d’avoir l’aide et l’expertise de la Commission du droit international(CDI) qui devrait jouer un rôle de premier plan pour fournir des recommandations, des interprétations ainsi que des lignes directrices sur ces sujets, a-t-il conclu.

M. ABBAS BAGHERPOUR ARDEKANI (République islamique d’Iran) a estimé que les travaux de la Commission du droit international (CDI) sur les crimes contre l’humanité ne devraient pas « dévier » du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Il s’est félicité de l’inclusion, dans le projet d’article 3, de la définition contenue dans l’article 7 du Statut de Rome, ajoutant que la portée de ce texte ne devrait pas s’étendre au crime de génocide et aux crimes de guerre.  La codification devrait reposer sur la pratique des États, a-t-il fait valoir, déplorant que les projets d’articles fassent état de la pratique des organes judiciaires internationaux tout en négligeant la pratique générale des États.  Il s’est également demandé pourquoi les projets d’articles ont été rédigés sur le modèle de la Convention des Nations Unies sur la corruption, un sujet fort différent des crimes contre l’humanité, selon lui. 

Le représentant a par ailleurs jugé que la formulation du projet d’article 2, qui stipule que les crimes contre l’humanité sont des « crimes au regard du droit international », prête à confusion, précisant que ces crimes sont définis dans le cadre de traités.  Il a également estimé que l’obligation des États d’œuvrer à la prévention des crimes contre l’humanité est trop large et laisse peu de liberté aux systèmes nationaux en termes d’administration et de procédure.  S’agissant de la question de l’amnistie en droit interne, il a déclaré que la prohibition de l’amnistie n’est pas établie en droit international coutumier.

En ce qui concerne l’application provisoire des traités, M. Ardekani a estimé que le principe de consentement qui a cours en droit international, et notamment dans le droit des traités, demeure fondamental.  Il a approuvé les projets de directives de la CDI en tant qu’instruments flexibles et non contraignants.  Il a également invité la commission à prendre en compte le fait qu’il existe peu de lois nationales qui fournissent une base juridique à l’application provisoire des traités.  Enfin, il a suggéré l’étude approfondie de la Convention de Vienne sur le droit des traités afin de déterminer avec précision quelles dispositions s’appliquent à l’application provisoire des traits.

Pour Mme VICTORIA HALLUM (Nouvelle-Zélande), les travaux de la Commission du droit international (CDI) concernant les crimes contre l’humanité sont l’occasion de combler un vide qui existe en droit international.  Ces projets d’articles mettent l’accent sur la coopération entre les États en droit interne en vue de prévenir ces crimes.  Cela complèterait le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) qui prévoit cette coopération mais ne la régule pas, a-t-elle expliqué.

La Nouvelle-Zélande appuie le renforcement de la coopération pour punir les crimes internationaux graves, mettre fin à l’impunité et prévenir de leur récurrence, a affirmé la représentante, rappelant la responsabilité première des États à cet égard.  Elle a noté avec intérêt l’inclusion du nouveau projet d’article 5 qui étend le principe de non-refoulement à certaines personnes s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être victimes d’un crime contre l’humanité. 

Passant à la question de l’application provisoire des traités, Mme Hallum a soutenu l’actuel projet de directives 1 à 11.  Toutefois, elle s’est dite préoccupée par la formulation du projet de directive 6, qui dispose que « l’application provisoire d’un traité produit les mêmes effets juridiques que si le traité était en vigueur, à moins que le traité en dispose autrement ».  Cette position par défaut risque de saper l’entrée en vigueur de certaines dispositions qui sont pourtant des éléments clefs de la démocratie parlementaire et de l’état de droit dans les systèmes de droit anglo-saxon.  Selon elle, c’est l’intention des parties qui doit déterminer si l’application provisoire des traités produit les mêmes effets juridiques que si le traité est en vigueur.

Concernant la question des crimes contre l’humanité M. ANDREI METELITSA (Bélarus) a proposé d’inclure le droit des victimes dans la future convention.  À ce sujet, il a approuvé le discours de l’Espagne concernant l’article 12 sur la réhabilitation des victimes.  S’agissant du non-refoulement, il a estimé que d’autres critères devraient être envisagés.  Il a considéré en outre qu’il faut tirer au clair l’alinéa 2 de l’article 6.  « Nous proposons d’appliquer ce paragraphe sans préjudice des normes applicables », a-t-il déclaré.

En ce qui concerne l’application provisoire des traités, le délégué a estimé qu’il faut préciser quelles sont les autres normes du droit international, outre la Convention de Vienne, qui portent sur l’application provisoire des traités.  Concernant le projet de directive 6 sur les effets juridiques, il a proposé d’examiner les amendements à l’application provisoire des traités, « car cela rendrait plus utile le document ».  À propos de la directive 10, il a proposé d’ajouter une liste des normes les plus importantes.  Sur la directive 11, il a souhaité que la question des limites découlant du droit interne des États ou des règles des organisations internationales soit clarifiée.  De son point de vue, le droit interne peut limiter l’application provisoire des traités.

Concernant les principes généraux de droit, le représentant a estimé que les travaux devraient s’aligner sur le « jus cogens » et le droit coutumier.  Pour ce qui est de la preuve en droit international, il a dit avoir participé à une table ronde la veille où un membre d’un cabinet juridique a déclaré que la preuve en droit international n’était pas un sujet important car il appartenait aux juridictions nationales de fournir ces preuves.  « Si j’étais moi-même représentant d’un cabinet juridique, je penserais sûrement de la même façon, mais je suis représentant d’un État et je crois au contraire que c’est un sujet utile, car cela permettrait aux États d’avoir moins d’incertitudes.  Je suis en accord avec les Pays-Bas sur cette question », a-t-il souligné.  Les différences qui existent en matière de règles précises n’empêchent pas l’établissement de règles générales.

D’après M. JEEM LIPPWE (États fédérés de Micronésie), la Commission du droit international (CDI) reste le forum de référence pour traiter de la nature foisonnante du droit international et pour encourager son développement progressif et sa codification.  En ce qui concerne la question de l’application provisoire des traités, le représentant a dit apprécier la relative brièveté du projet de directives, qui ne sont pas trop contraignantes et tiennent compte de la flexibilité des États.  Approuvant le projet de directive 3, il a relevé qu’un État ou une organisation internationale peut appliquer provisoirement un traité ou une partie du traité qui n’est pas entré en vigueur pour cet État ou cette organisation internationale, même si le traité lui-même est entré en vigueur.

Le représentant a noté que la CDI invite les États à formuler des propositions concernant d’éventuels nouveaux sujets à inscrire à son programme de travail à long terme.  La Micronésie, a-t-il annoncé, a l’intention de soumettre à une date ultérieure une proposition écrite sur les implications juridiques de l’augmentation du niveau de la mer.  Il s’agit de mettre en relief la pertinence de ce sujet pour l’ensemble de la communauté internationale et de voir comment les travaux de la commission pourraient contribuer au développement progressif ou à la codification du droit en la matière.

En premier lieu, a insisté M. Lippwe, la hausse du niveau de la mer touche pratiquement tous les États, car elle est susceptible de rétrécir les droits maritimes des États côtiers.  Cela peut avoir des conséquences sur la sécurité alimentaire, la défense nationale et d’autres intérêts de ces États, ainsi que sur ceux des États enclavés qui dépendent des ressources extraites dans les zones maritimes.

En deuxième lieu, a poursuivi le représentant, la hausse du niveau de la mer pose « une menace existentielle » aux États insulaires, en particulier les îles de faible altitude et les atolls comme la Micronésie.  « Quand un État perd son territoire géographique, peut-il encore être considéré comme un État d’après le droit international? »  Il ne s’agit pas là d’un simple exercice académique, a-t-il précisé.  « Cette question frappe au cœur même de la capacité de la Micronésie et des autres États insulaires en développement à participer en tant que membres à part entière de la communauté internationale », a-t-il déclaré.  À son avis, la commission doit conduire une étude complète sur les implications susmentionnées à partir des instruments internationaux pertinents, comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

M. YUKI HIROTANI (Japon) a noté que l’Article 13 de la Charte des Nations Unies précise que l’Assemblée générale est mandatée pour encourager le développement progressif du droit international et sa codification, qui est le fondement de la Commission du droit international (CDI) et de la Sixième Commission.  Un des rôles les plus importants de la CDI est la clarification des principes de base du droit international dans le but d’éviter sa fragmentation.  Dans le monde moderne, de nouvelles lois sont promulguées quasiment chaque jour, ce qui accélère le processus de fragmentation, a-t-il fait observer.  La commission peut identifier et codifier les principes émergents du droit international qui dérivent des normes privées.

En outre, le représentant a estimé essentiel que les États donnent une orientation appropriée concernant les sujets qui sont abordées par la commission.  Il serait utile, a-t-il proposé, de tenir une session à la Sixième Commission qui soit uniquement dévolue à l’exploration de nouveaux sujets pour la CDI.  Par exemple, en ce qui concerne les principes généraux de droit, il a recommandé à la commission d’examiner avec attention la pratique des États.

Passant à la question des crimes contre l’humanité, M. Hirotani a souligné que la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves est un sujet important pour la communauté internationale.  Les débats sur l’entraide judiciaire aideront à renforcer la relation horizontale entre les États, concernant la prévention et les sanctions de ces crimes, du point de vue procédural.  Cependant il a noté qu’il y avait des points de vue divergents à ce sujet, notamment sur le paragraphe 5 du projet d’article 6 qui vise les infractions commises par des personnes occupant une fonction officielle.

Mme ANNE-MARIE O’SULLIVAN (Irlande) a noté que la conférence préparatoire en vue de l’élaboration d’un traité multilatéral d'entraide judiciaire et d'extradition pour les poursuites nationales pour les crimes les plus graves s’est tenue la semaine dernière aux Pays-Bas.  Elle a invité la Commission du droit international à communiquer avec les États impliqués dans cette initiative, afin d’éviter la fragmentation dans ce domaine. 

En ce qui concerne l’application provisoire des traités, Mme O’Sullivan a noté avec satisfaction le mémorandum de la CDI qui analyse la pratique des États dans le domaine des traités au cours des 20 dernières années.  Enfin, elle a pris note de l’ajout des sujets « principes généraux de droit » et « preuve devant les juridictions internationales » à son programme de travail, la commission devant disposer de suffisamment de temps pour traiter ces questions de manière approfondie.

De fortes mesures juridiques sont nécessaires pour prévenir les crimes contre l’humanité et punir leurs auteurs, a fait valoir Mme ANNELI LEEGA PIISKOP (Estonie).  Elle a regretté que les crimes contre l’humanité n’aient toujours pas de traité dont les lois nationales, les juridictions internes et la coopération interétatique puissent se servir afin de combattre l’impunité.  D’après elle, la finalisation des projets d’articles représente un pas important vers une future convention.  Elle a ainsi jugé crucial le travail de la commission pour clarifier les éléments se rapportant à ces crimes.  Elle a souligné l’importance d’inclure le projet d’article 12 sur les obligations des États envers les victimes et les témoins, y compris l’accès à la justice, la protection, la participation et la réparation.

Passant à la question de l’application provisoire des traités, la représentante a invité la Commission du droit international à développer plus avant les commentaires sur les projets de directives afin de clarifier les effets juridiques et la portée de l’application provisoire.  Il ne faut pas perdre de vue le fait que l’application provisoire des traités est une décision qui revient en fin de compte aux États, ou aux organisations internationales, en accord avec leurs lois internes, a-t-elle ajouté.  Elle a espéré que l’analyse des informations rassemblées dans le Mémorandum sur la pratique des États sera complétée par une étude comparative des lois et pratiques nationales.

M. FIRAT SUNEL (Turquie) a regretté que les crimes contre l’humanité n’aient pas de règles internationalement reconnues.  Il est noté dans le rapport de la Commission du droit international (CDI) qu’il n’existe pas de convention dédiée à la prévention et aux sanctions contre les crimes contre l’humanité et cette lacune juridique doit être comblée.  Des règles et concepts doivent être établis avec la plus grande diligence, a-t-il déclaré.  Cependant, ces crimes contre l’humanité sont bien souvent par nature très politiques et impliquent des représentants officiels de l’État.  Cela comporte le risque d’être exploité pour des raisons politiques.  Ce risque est noté dans le projet d’article 7 sur l’établissement de la compétence nationale.  Il a estimé que ces dispositions devraient être étudiées de manière plus approfondie.

Les éléments définissant les crimes contre l’humanité sont complexes et correspondent à de nombreuses situations différentes, a poursuivi le représentant en parlant de notions « ambiguës ».  Comme souligné par la CDI, la Cour pénale internationale (CPI), et il a encouragé plus de débats sur ces questions fondamentales.  Il est important que les règles soient le plus largement acceptées, a-t-il déclaré.

Nous avons déjà partagé notre préoccupation concernant la notion de jus cogens, pour ce qui est des normes impératives du droit international général, a rappelé M. Sunel.  Selon lui, l’incorporation des dispositions prévues dans le paragraphe 4 des commentaires ne coïncide pas avec les niveaux de compréhension de la communauté internationale sur le jus cogens en général.  Il a pensé en conséquence que le préambule doit être traité avec prudence et qu’il serait utile d’avoir une clause de non-rétroactivité insérée dans le projet d’article.

En ce qui concerne les nouveaux sujets proposés, notamment la preuve devant les juridictions internationales, le représentant a noté que chaque juridiction est différente en termes d’objet et de collecte de la preuve.  Les traditions juridiques sont à prendre en considération et il ne semble pas réaliste d’établir des règles.  Il a donc hésité à inclure ce sujet pour éviter toute fragmentation des procédures, et a invité à se concentrer plutôt sur les principes généraux de droit.

M. ANDITYA HUTAMA PUTRA (Indonésie) a accueilli avec satisfaction le fait que les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité s’intéressent à la prévention et aux sanctions.  Il a cependant invité la Commission du droit international (CDI) à préciser les mesures de prévention envisagées et la formulation afin d’éviter l’incertitude juridique et l’ambiguïté.  Dans le projet d’article 5, il s’est félicité de l’ajout de l’extradition au principe de non-refoulement.  Il a noté que son pays a déjà criminalisé 10 des 11 crimes contre l’humanité contenus dans les projets d’articles.  Il a par ailleurs salué l’accent mis sur la coopération judiciaire internationale, alors qu’il n’existe présentement aucun traité régional ou global sur l’entraide judiciaire pour les crimes contre l’humanité. 

Notant que la commission s’était inspirée des dispositions de la Convention des Nations Unies contre la corruption et de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le représentant a invité la CDI à en étudier les modalités avec soin, notant que ces crimes n’ont pas nécessairement la même gravité que les crimes contre l’humanité.  De plus, il a proposé de rendre obligatoires les dispositions relatives à la coopération, ainsi que le recours aux traités en tant que fondement juridique pour l’extradition, dans certains cas.

Se tournant vers l’application provisoire des traités, M. Putra a considéré que la Convention de Vienne sur le droit des traités constitue la base sur laquelle la commission devrait fonder ses directives.  Il a en outre estimé essentiel d’étudier le lien entre l’application provisoire des traités et le droit constitutionnel au niveau national avant qu’un traité ne puisse entrer en vigueur.

M. GEORGE RODRIGO BANDEIRA GALINDO (Brésil) s’est félicité de l’adoption en première lecture du préambule sur le sujet des crimes contre l’humanité.  Cela  marque une avancée significative sur la voie d’une convention, a-t-il déclaré.  Un tel instrument devrait promouvoir l’harmonisation des législations nationales, mais aussi faciliter la coopération judiciaire dans ce domaine.  Le représentant a voulu faire un commentaire sur le projet d’article 13 paragraphe 6 qui concerne l’extradition.  Quand elles établissent les conditions de l’extradition, les législations nationales peuvent avoir besoin de commuer certaines peines, surtout en cas de peine de mort ou d’emprisonnement à vie.  Le représentant a souhaité que la commission donne des exemples, tout du moins dans les commentaires, de différentes conditions dans les législations nationales qui n’impliquent pas nécessairement le refus d’une demande d’extradition.

« En se distançant de l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui parle explicitement des États négociateurs, la commission navigue en terrain inconnu », a estimé le représentant en abordant le sujet de l’application provisoire des traités.  Il a douté que l’état actuel de la pratique soit suffisamment pertinent pour permettre la création d’une nouvelle règle de droit international.  Il s’est dit principalement préoccupé par le fait que l’État non négociateur puisse donner son accord à l’application provisoire d’un traité.  Il a également jugé problématique d’admettre qu’il puisse y avoir un traité que quelques parties seulement s’engageraient à appliquer provisoirement.

Par ailleurs, a fait remarquer M. Bandeira Galindo, plusieurs délégués ont souligné à juste titre que les directives semblent considérer l’application provisoire des traités comme la règle alors que cela devrait être une exception, a-t-il déclaré.  Dans le projet de directive 11, il s’est demandé si le terme « droit d’un État » est le plus approprié pour traiter des limites découlant du droit interne des États ou des règles des organisations internationales.

Abordant les nouveaux sujets à l’étude, le représentant a estimé que la commission devrait se pencher sur l’universalité des principes généraux de droit et saisir cette opportunité pour clarifier que le mot démodé « civilisé » qui figure dans l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ) ne justifie aucune hiérarchie entre les États ou les systèmes juridiques.

Reconnaissant que les crimes contre l’humanité constituent l’un des crimes les plus graves, Mme ZAKIA IGHIL (Algérie) a souligné l’importance de prendre en compte le cadre juridique et les nombreux traités existants.  Elle a noté l’absence de disposition relative à l’immunité dans les projets d’articles, estimant que le projet d’article 6 a « importé » l’article 27 du Statut de Rome sur la responsabilité pénale sans distinction fondée sur la qualité officielle, insistant sur l’inclusion d’une mention que ce paragraphe est « sans préjudice » de l’immunité des représentants de l’État dans les juridictions pénales étrangères.  « L’amnistie est un important outil pour parvenir à la paix », a-t-elle ajouté, invitant la commission à se pencher sur les exemples de lois d’amnistie existant.  Elle a également noté que le projet d’article 12 ne comporte pas de définition des victimes ni des responsabilités des États en termes de réparations. 

Concernant l’application provisoire des traités, la représentante a considéré qu’il aurait été utile que la commission étudie plus en détail la pratique des États, notamment par le biais du mémorandum préparé par le Secrétariat sur cette question.  Selon elle, le projet de directive 4 sur les effets juridiques devrait clarifier le moment où une résolution d’une organisation internationale doit être considérée comme un accord d’application provisoire.

M. RICHARD VISEK (États-Unis) a déclaré avoir suivi avec beaucoup d’intérêt les débats sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Si les États-Unis sont en accord avec les travaux de la Commission de droit international (CDI) sur l’immunité rationae personae, qui reposent sur le droit international, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les travaux sur l’immunité rationae materiae.  Les propositions « catégoriques » avancées dans les projets d’articles 5 et 6 sur les bénéficiaires et la portée de l’immunité rationae materiae ne reflètent pas l’étendue de la pratique des États.  Des représentants de l’État étrangers, y compris américains, ont déjà été poursuivis pour diverses infractions, comme la corruption, la cybercriminalité ou des crimes violents.  

Le représentant a également fait part de sa préoccupation concernant le projet d’article 7 sur les crimes de droit international à l’égard desquels l’immunité rationae materiae ne s’applique pas.  Il a rappelé que les décisions des cours nationales en la matière sont rares.  D’après lui, il n’y a pas suffisamment de pratique des États et d’opinio juris pour invoquer une « nette tendance ».  La majorité des membres de la CDI soulignent que l’immunité ne doit pas s’appliquer en ce qui concerne les crimes les plus graves, mais, a-t-il regretté, ils ne reconnaissent pas que l’immunité est purement procédurale par nature.

M. Visek aurait également souhaité que, dans ses commentaires, la commission explique pourquoi le projet d’article 7 n’inclut pas une exception pour les crimes perpétrés par des agents publics étrangers dans le territoire de l’État du for et pourquoi il exclut la corruption.  Dans sa forme actuelle, s’est-il inquiété, ce projet d’article « pourrait perturber l’environnement actuel de relative stabilité et de retenue mutuelle qui caractérise la conduite des États dans cet espace ».  N’ayant pas d’autre orientation, les magistrats, les juges, les procureurs, les individus à l’origine des poursuites et les universitaires pourraient voir dans le projet d’article 7 « l’expression définitive et complète du droit international ».  Mais, avec tout le respect dû à cette commission, le développement du droit dans ce domaine appartient en première instance aux États, a-t-il insisté.

Passant à la question des crimes contre l’humanité, M. Visek a salué la contribution du Rapporteur spécial aux travaux de la commission.  Le développement du concept de « crimes contre l’humanité » et l’adoption de divers instruments sur les crimes les plus graves ont apporté une contribution de taille au droit international.  C’est pour cette raison que les États-Unis estiment qu’un examen soigneux des projets d’articles pour une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité pourrait être utile.

Concernant l’application provisoire des traités, le représentant a estimé que la signification de l’application provisoire est « bien établie » et que cela veut dire qu’un État ou une organisation internationale s’engage à appliquer un traité, ou certaines parties du traité, avant son entrée en vigueur pour cet État ou cette organisation.  Mais il a fait part de ses préoccupations concernant les projets de directives 3 et 4 et leurs commentaires et leur manque de clarté par rapport à l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Pour ce qui est du projet de directive 6, il a également douté que l’application à titre provisoire d’un traité produise les mêmes effets juridiques dans tous les cas.

Enfin, le représentant a réagi à la proposition d’inclure de nouveaux sujets dans le programme à long terme.  Concernant les principes généraux de droit, il a mis en garde contre le fait qu’il risque de ne pas y avoir suffisamment de matériel concernant la pratique des États.  Et pour ce qui est de la preuve devant les juridictions internationales, il a mis en avant la pratique hétérogène qui s’est développée à la lumière des expériences et des circonstances de chacun.

Mme ANET PINO RIVERO (Cuba) a réitéré sa préoccupation devant l’adoption de projets d’articles ou de directives sans caractère contraignant.  Pour elle, la portée de ces textes demeure loin des effets qu’ils pourraient avoir dans le cadre d’une convention multilatérale.  Concernant les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité, elle a jugé que se doter d’un instrument contraignant pour la prévention, la sanction et la coopération internationale en la matière serait d’une grande importance.  À propos du projet d’article 5 sur le non-refoulement, elle a souligné la nécessité de supprimer la mention de tenir compte « de toutes les considérations pertinentes », pour la remplacer par tenir compte « des preuves pertinentes », afin d’éviter toute référence à des considérations subjectives.  En outre, elle a invité la commission à clarifier le projet d’article 6 sur l’incrimination en droit interne et les actes qui constituent des infractions au regard du droit pénal des États.  Elle a accueilli favorablement le projet d’article 12, qui traite de la protection des victimes et des témoins, ainsi que l’article 14, sur l’entraide judiciaire, estimant qu’il conduit à éviter l’impunité.

S’agissant des projets de directives sur l’application provisoire des traités, la représentante a jugé qu’il s’agit d’un document important afin de déterminer la portée du principe de l’application provisoire, défini dans l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  La représentante a estimé que le projet de directive 6, qui définit l’effet juridique de l’application des traités, est important.  Elle a toutefois considéré que les projets de directives portant sur la prolongation, la suspension ou la fin des traités provisoires doivent être plus précis.  

M. DUONG NAM NGUYEN (Viet Nam) s’est déclaré en faveur de mesures punitives pour les crimes contre l’humanité, dans le respect de la souveraineté nationale, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et de la Charte des Nations Unies.  Toutefois, devant les multiples défis auxquels est confrontée la Cour pénale internationale (CPI), il a émis des doutes sur la nécessité et l’efficacité d’un traité international sur cette question.  Pour cette raison, il a estimé que la priorité devrait être donnée aux tribunaux nationaux, tant pour les crimes contre l’humanité que pour l’interprétation et l’application d’une éventuelle convention.  Selon lui, les États devraient avoir un droit de réserve pour les dispositions qui ne vont pas à l’encontre des objectifs de la convention. 

Malgré leur caractère non contraignant, le représentant a appuyé les projets de directives sur l’application provisoire des traités en tant que guide à l’intention des États.  Il a soulevé des questions d’ordre pratique sur l’effet sur la souveraineté nationale de l’application de la directive 4, en cas de non-consentement d’un État visé par une résolution.  Enfin, il a suggéré de remplacer, dans l’ensemble des projets de directives, l’expression « entre États ou organisations internationales concernés » par « entre États ou organisations internationales appliquant provisoirement » un traité. 

M. SEO UNG-HO SHIN (République de Corée) a trouvé judicieux pour la nouvelle convention de traiter de l’extradition en vertu du projet d’article 13, compte tenu du fait qu’il n’y a pas de convention universelle sur l’extradition.  « Nous sommes également d’accord qu’il n’est pas nécessaire de traiter de la question de la double incrimination dans le cadre de la disposition sur l’extradition puisque les projets d’articles exigent de chaque État qu’il déclare les crimes contre l’humanité comme un délit dans son propre système juridique ».  En outre, la délégation a apporté son soutien aux dispositions sur l’extradition et l’entraide judiciaire, ainsi qu’à celle sur le principe de non-refoulement contenu dans le projet d’article 5. 

Le représentant a rappelé que l’article 27 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) stipule que la qualité officielle n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale et que le Comité de rédaction a traité cette année d’une disposition similaire en se penchant sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Enfin, M. Seo a apporté son soutien à la disposition relative aux victimes, aux témoins et à d’autres en vertu de l’article 12, qui s’inspire de l’article 68 du Statut de Rome.  Leur participation et leur protection sont vitales pour le bon déroulement des poursuites judiciaires dans la mesure où ces individus fournissent des informations et des éléments de preuve décisifs, a-t-il ajouté. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Débat de fond et de forme à la Deuxième Commission sur le repositionnement du système onusien pour le développement et le rééquilibrage de ses ressources

Soixante-douzième session,
22e & 23e séances – matin & après-midi     
AG/EF/3486

Débat de fond et de forme à la Deuxième Commission sur le repositionnement du système onusien pour le développement et le rééquilibrage de ses ressources

Tout processus de « repositionnement » ou de « réforme » ne serait que « cosmétique et sans enjeu réel s’il ne permettait pas de restaurer l’indépendance et l’impartialité du système onusien de développement », a déclaré le délégué camerounais à la Deuxième Commission en résumant l’avis dominant sur un sujet qui fera l’objet d’un deuxième rapport très attendu du Secrétaire général en décembre prochain.  Sur le financement des activités opérationnelles de développement, l’équilibre entre ressources de base et ressources dites « préaffectées » a été revendiqué par de nombreux orateurs.

À l’instar de la Chine et du Japon, les orateurs ont souvent souligné que toute réforme du système des Nations Unies pour le développement devait être le fruit de négociations intergouvernementales.  C’est ce qui a poussé le représentant du Japon à souhaiter que ce deuxième rapport soit assez exhaustif pour guider ces négociations, en demandant aussi que sa publication ne soit pas précédée d’actions de fond et de mesures.

Pour la délégation mexicaine, le processus de réforme lancé par le Secrétaire général constitue une opportunité pour les États Membres d’adapter leurs espaces intergouvernementaux, en particulier le Conseil économique et social (ECOSOC) qui est un lieu privilégié pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Expliquant ce que l’on entend par « repositionnement », le représentant de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) a précisé qu’il fallait clarifier les rôles et l’importance opérationnelle des composantes du système onusien de développement, à savoir le Groupe des Nations Unies pour le développement, le Conseil des chefs de secrétariat, le Département des affaires économiques et sociales, les fonds et programmes du système de développement et l’ECOSOC. Davantage de clarté est également nécessaire sur la manière dont elles se coordonnent et collaborent entre elles.

Avec en chef de file le Groupe des 77 et de la Chine, de nombreuses délégations ont rappelé les principes qui doivent guider ces activités opérationnelles: elles doivent répondre à la demande des pays en développement et être menées en accord avec leurs politiques et priorités.  C’est pourquoi les États Membres ont fait valoir que le repositionnement du système devait veiller à accorder une place centrale au principe de l’alignement de l’aide sur les priorités nationales.  Les pays attendent en effet du système onusien « un soutien cohérent, intégré et sur mesure », a expliqué l’Iran, se faisant l’écho des appels lancés en faveur du respect de l’appropriation et du leadership national.

Sur le terrain, la révision du système des coordonnateurs résidents doit permettre de mieux soutenir les efforts entrepris par les gouvernements pour réaliser le Programme 2030, en toute impartialité et avec une hiérarchie claire, ont aussi recommandé les délégués. 

Le Directeur du Bureau de l’appui à l’ECOSOC et de la coordination du Département des affaires économiques et sociales, M. David Hanif, qui présentait le rapport sur le financement des activités opérationnelles de développement des organismes onusiens, a reconnu un enjeu majeur pour l’ONU, celui d’accompagner les efforts de développement au plan national par le biais d’une nouvelle génération d’équipes-pays et de coordonnateurs résidents.  Cette volonté marquée en faveur de l’intégration nationale du Programme 2030 témoigne selon lui d’un nouvel état d’esprit et de nouvelles modalités de fonctionnement.

Sur le volet financement du développement, M. Hanif a indiqué qu’en 2015 le système onusien pour le développement avait reçu 26,7 milliards de dollars, soit 4% de plus que l’année précédente, mais que cette hausse concernait essentiellement les ressources préaffectées, confirmant une tendance qui inquiète un grand nombre d’États Membres.  En effet, sur les 15 dernières années, la part des ressources préaffectées a augmenté six fois plus vite que celle des ressources de base, représentant ainsi 79% des 26 milliards.  Or, pour de nombreux pays, les ressources de base restent le socle des activités de développement de l’ONU dans la mesure où ces financements sont prévisibles et flexibles, comme l’a fait valoir l’AOSIS, contrairement aux ressources préaffectées.

Ce déséquilibre affaiblit le système multilatéral dans la mesure où il crée des conditions au financement du développement tout en augmentant les coûts opérationnels et la fragmentation du système des Nations Unies, a regretté le représentant de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). 

De son côté, les représentants de la CELAC et de l’ASEAN ont plaidé pour que les activités de développement des Nations Unies soutiennent davantage la coopération Sud-Sud et triangulaire, étant entendu que celle-ci est complémentaire à la coopération Nord-Sud mais ne s’y substitue pas.

Beaucoup ont vanté les mérites la coopération Sud-Sud qui a réalisé des progrès transformateurs en 25 ans, comme l’a exprimé le Kenya qui a demandé une analyse comparative entre les différentes formes de coopération en termes d’investissements et de financements.  Lui répondant, le Directeur du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud au PNUD, qui présentait le rapport sur la question, a indiqué que le PNUD travaillait actuellement à la mise en place d’une cellule de réflexion.  Un rapport sur les progrès accomplis en termes de politique et de qualité de la coopération Sud-Sud sera bientôt présenté, a-t-il dit, un rapport qui tiendra compte du fait que celle-ci s’est largement développée en dehors des cadres de l’ONU.

La prochaine réunion de la Deuxième Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES DE DÉVELOPPEMENT

a) Activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies (A/72/124–E/2018/3 et A/72/61–E/2017/4)

Déclaration de la Vice-Secrétaire générale

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a jugé impératif d’être à l’avant-garde en matière d’activités opérationnelles de développement.  Elle a salué la large portée de la résolution 71/243 sur ce sujet.  Elle a expliqué à cet égard que l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies avait permis de lancer le processus de repositionnement du système des Nations Unies dans un environnement marqué par les changements technologiques, démographiques et autres.

De nos jours, a-t-elle souligné, la communauté internationale doit faire face à des difficultés croissantes, telles que les inégalités, un taux de migration sans précédent, les changements climatiques, les conflits, la violence.  Elle a aussi noté le manque de satisfaction croissant par rapport aux systèmes politiques.  Qui plus est, la crise économique et financière mondiale de 2008 a rendu plus difficile l’accès aux financements et a conduit certains États à sauver le système financier national, ce qui a contribué à ralentir les investissements et les prêts sur le long terme.  Aujourd’hui, a exigé la Vice-Secrétaire générale, il est urgent d’arriver à des cadres plus efficaces pour que le système financier soit en ligne avec les impératifs du développement durable et des changements climatiques.

Évoquant les mouvements de population qui sont souvent liés aux conflits et aux changements climatiques, elle a invité la communauté internationale à repenser les schémas de consommation et de production.  Mme Mohamed a aussi parlé de la crise de confiance dans les gouvernements, au moment où ceux-ci doivent pourtant traiter de ces défis complexes.  Pour elle, cette crise découle du fait que trop de personnes ont été laissées de côté alors qu’une poignée d’hommes milliardaires détient la plus grande partie de la richesse mondiale.  Elle en a voulu pour preuve que 14% seulement de la population dit faire confiance à son gouvernement.

Les Nations Unies ne sont pas à l’abri de ces changements, a-t-elle poursuivi avant d’affirmer que leur réponse, à savoir le Programme de développement durable à l'horizon 2030, est le meilleur instrument dont dispose la communauté internationale pour instaurer un monde de paix et de développement pour tous.

Mme Mohamed a invité à la réflexion sur le rôle de la Deuxième Commission pour faire avancer le Programme 2030.  Pour elle, il ne fait pas de doute que le système de développement des Nations Unies doit procéder à des changements pour rester un partenaire de choix dans la mise en œuvre nationale des objectifs de développement durable.  Le Secrétaire général, a-t-elle rappelé, a d’ailleurs fait des recommandations concrètes en ce sens pour réduire la fragmentation et pour s’assurer que l’appui des Nations Unies soit adapté aux besoins spécifiques de chaque pays dans ce processus par le biais des coordonnateurs locaux.  La     Vice-Secrétaire générale a en outre encouragé la coopération Sud-Sud et une plus grande participation des femmes aux efforts de développement. 

Elle a annoncé qu’en décembre, le Secrétaire général publierait son deuxième rapport sur le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement.  Mme Mohammed a également dit travailler en collaboration avec les Secrétariats du Conseil économique et social (ECOSOC) et de la Deuxième Commission pour voir en quoi ces instances peuvent accompagner ce travail.

b) Coopération Sud-Sud pour le développement (A/72/297)

Déclarations liminaire (au titre des alinéas a) et b)), suivies d’une période de questions

Suite et fin de la discussion générale

Échange interactif

Dans le dialogue qui a suivi, le représentant du Mexique a donné la vision de son pays sur la réforme du système des Nations Unies, y compris du système pour le développement, qui comprend selon lui un groupe de réformes que le Secrétaire général peut mettre en place et pour lesquelles il a besoin d’appui politique de la part des États Membres ainsi que des réformes qui dépendent des négociations des États Membres eux-mêmes.  Il a résumé cela en deux contrats actuellement en place, l’un entre le Secrétaire général et le système onusien, l’autre entre le système des Nations Unies et les États Membres.  Le Mexique propose, en outre, un troisième contrat entre États Membres dans le but d’en finir avec les inerties, pour avoir une vision à long terme et pour corriger un système qui s’est construit sur la « base de la méfiance et non de la confiance ».

Élaborant sur ce « troisième contrat », le représentant a estimé qu’il était impossible de mettre en œuvre le Programme 2030 « si nous n’arrivons pas à améliorer les espaces de délibérations des États Membres ».  Pour tout ce qui a trait au développement, il a estimé que l’espace central devait être le Conseil économique et social (ECOSOC).  Or, au fil des années ce Conseil a perdu de sa pertinence, a-t-il regretté en le présentant comme un organe « rempli d’activités intéressantes mais pas toujours pertinentes ».  Alors qu’aujourd’hui le développement est devenu l’élément central du travail des Nations Unies, il a misé sur l’opportunité qui se présente de relancer la fonction centrale de l’ECOSOC, à savoir les délibérations entre États Membres sur les activités de développement.  Il a invité ces derniers à utiliser le moment de l’adoption de la résolution sur le travail de l’ECOSOC pour apporter les changements nécessaires.

La délégation du Mexique a également émis des réserves sur le mode de fonctionnement actuel du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, rappelant qu’il s’agit de l’organe principal chargé du suivi au plan national du Programme 2030.  Pour le Mexique, le Forum doit être l’espace au sein des Nations Unies qui permette aux États Membres d’échanger sur leurs expériences nationales, lors de leurs présentations de rapports nationaux.  Or, a-t-il relevé, on y limite ces échanges à 15 minutes par délégation, lors.  Il a donc suggéré de donner plus de place à cet exercice.  Sa délégation fera des propositions concrètes sur les réformes à apporter à l’ECOSOC pour qu’il devienne un espace de délibérations entre États Membres, a-t-il dit.

Le représentant du Kenya a également estimé que le système actuel ne permet pas le débat nécessaire pour parvenir aux objectifs fixés par le Programme 2030.  Pour lui, « nous sommes dans une impasse parce que le monde change trop rapidement ».  La réalisation du Programme 2030 exige, selon lui, de travailler ensemble.  Reste le problème du financement de ce programme, a-t-il ajouté en précisant qu’il faut 26 milliards de dollars pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Il faut prévoir comment l’ONU peut consolider sa position de pivot des efforts du développement et en même temps mobiliser des ressources en dehors du système, a estimé le représentant qui « ne comprend toujours pas ce que sera la valeur ajoutée du nouveau système des Nations Unies et notamment du rôle des coordonnateurs résidents ».

S’agissant de la coopération Sud-Sud, dont il a salué les progrès transformateurs accomplis en 25 ans, il a suggéré de faire une analyse comparative entre les investissements traditionnels faits dans le cadre de la coopération Nord-Sud et les cadres de financement de la coopération Sud-Sud.  Revenant au système onusien, il a souscrit à la préoccupation de son homologue du Mexique quant au rôle de l’ECOSOC et sur le besoin de faire en sorte que le système fonctionne mieux.  Si le Forum politique de haut niveau veut remplir sa mission, il faut qu’il mise sur des processus plus proactifs et qu’il participe au débat avec les États Membres qui y présentent leurs rapports nationaux, a estimé le représentant.

Répondant à ces deux interventions, M. DAVID HANIF, Directeur du Bureau de l'appui au Conseil économique et social et de la coordination du Département des affaires économiques et sociales (DAES), a partagé l’opinion du Mexique sur le contrat à mettre en place entre États Membres, ce qui ne sera possible que par le dialogue.

Sur la question du financement, il a estimé que les 26 milliards de dollars reçus par le système onusien de développement étaient une sorte de vote de confiance dans ce système en expliquant que 79% de ces fonds sont préaffectés.  Le système doit jouer un rôle de catalyseur pour s’assurer que les flux financiers servent les objectifs de développement durable, a expliqué M. Hanif avant d’annoncer que son département allait proposer un pacte de financement qui figurera dans le rapport de décembre.

Il a souligné que ledit système avait évolué pour répondre à la complexité des défis récents, notamment pour tenir compte des changements climatiques, des avancées technologiques et de la crise mondiale.  Pour M. Hanif, il faut que ces changements se reflètent dans un nouvel état d’esprit et de nouvelles modalités de fonctionnement, car la réalisation du Programme 2030 exige, plus que jamais, une intégration nationale.  C’est la raison pour laquelle l’ONU doit accompagner les efforts nationaux avec une nouvelle génération d’équipes de pays de coordonnateurs résidents, a-t-il souhaité.

À son tour, M. JORGE CHEDIEK, Directeur du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud au PNUD, a expliqué que l’explosion de cette forme de coopération au cours des 25 dernières années avait entraîné une augmentation du travail universitaire sur ce sujet.  Dans ce contexte, le PNUD travaille avec d’autres partenaires pour mettre en place des cellules de réflexion pour répondre aux questions soulevées par le représentant du Kenya.  Il y aura un rapport sur les progrès accomplis en termes de politique et de qualité de la coopération   Sud-Sud, en tenant compte du fait que celle-ci s’est largement développée en dehors des cadres de l’ONU, a annoncé M. Chediek.

M. HENRY JONATHAN VIERA SALAZAR (Équateur), s’exprimant au nom du Groupe des 77 et de la Chine (G77), a indiqué que les caractéristiques premières des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies pour le développement doivent être leur universalité, leur neutralité, leur caractère volontaire et multilatéral, ainsi que leur souplesse pour répondre au mieux aux besoins de développement des pays.  Ces activités opérationnelles doivent être menées à la demande des pays en développement et en accord avec leurs politiques et priorités de développement, a-t-il ajouté.  Le système des coordonnateurs résidents est important pour soutenir les efforts des gouvernements en vue de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a plaidé le représentant en souhaitant voir améliorer l’efficacité des activités opérationnelles de développement au niveau pays.  Il a aussi invité à tenir compte des différents niveaux de développement et des réalités de terrain dans l’aide apportée aux pays pour qu’ils renforcent leurs capacités nationales de développement.

Le Groupe a souligné que l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies (QCPR) est le principal instrument de positionnement du système des Nations Unies pour le développement.  Toute réforme de ce dernier doit donc s’appuyer sur le mandat du QCPR.  Cette réforme doit également tenir compte du fait que l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et dimensions est la priorité majeure et l’objectif de base du système des Nations Unies pour le développement.

Pour le G77, la coopération Sud-Sud est la manifestation de la solidarité entre peuples et pays du Sud.  Il faut donc que cette coopération, ainsi que la coopération triangulaire, soient au centre de la mise en œuvre du Programme 2030.  Le représentant a rappelé néanmoins que la coopération Sud-Sud est un complément et non un substitut de la coopération Nord-Sud, et qu’il est urgent de trouver une solution aux promesses non tenues en termes d’aide publique au développement (APD), en accord avec les engagements historiques des pays développés.  L’APD reste la principale source de financement du développement des pays en développement, a-t-il souligné. 

La coopération Sud-Sud se déploie désormais dans des domaines aussi variés que l’éradication de la pauvreté et de la faim, le développement agricole, les changements climatiques, la réduction des risques de catastrophe, les infrastructures et l’assistance humanitaire, a relevé la délégation.  Le G77 souligne en outre le rôle des nouvelles banques de développement des pays en développement, censées revitaliser le partenariat entre pays du Sud.  Ces derniers vont célébrer, en 2018, le quarantième anniversaire de la coopération Sud-Sud à Buenos Aires, en Argentine, et le G77 espère que la Conférence de haut niveau qui suivra, en mars 2019, dans la même ville, produira des résultats positifs pour le renforcement de la solidarité entre pays en développement.  Le G77 réaffirme en outre son soutien au travail du Bureau des Nations Unies pour la coopération   Sud-Sud, et il invite le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), et d’autres organisations pertinentes du système des Nations Unies pour le développement, à assister les pays en développement dans la mise en œuvre de projets relatifs à la coopération Sud-Sud.

Mme NGUYEN PHUONG NGA (Viet Nam) au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a souligné l’élargissement constant de la coopération entre l’ONU et l’ASEAN.  « Nos dirigeants ont réaffirmé leur engagement en faveur de la mise en œuvre de la Communauté de l’ASEAN à l’horizon 2025 et du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui se renforcent mutuellement ».  Parmi les domaines de coopération les plus notables, elle a mentionné les infrastructures, l’éradication de la pauvreté ou bien encore la gestion durable des ressources naturelles.

Le système onusien pour le développement doit veiller à la cohérence de son travail avec les priorités des pays, a poursuivi la déléguée.  Elle a, en outre, jugé essentiel un « leadership impartial et efficace » des coordonnateurs résidents pour garantir des bons résultats sur le terrain, ainsi qu’une coopération étroite avec le gouvernement du pays hôte.  La déléguée a souligné l’importance des ressources de base pour atteindre les objectifs stratégiques dudit système.  Enfin, elle a rappelé que, aussi cruciales soient-elles, les coopérations Sud-Sud et triangulaire ne pouvaient se substituer à la coopération Nord-Sud.  « L’ASEAN réaffirme de nouveau la nécessité pour les pays développés d’honorer leurs promesses au titre de l’APD, comme le rappelle par ailleurs le Programme d’action d’Addis-Abeba ».

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh), s’exprimant au nom des pays les moins avancés (PMA), a rappelé que la résolution relative au QCPR, adoptée l’an dernier, prescrivait au système des Nations Unies pour le développement de tenir compte des défis spécifiques des PMA et de leur fournir le soutien nécessaire pour la mise en œuvre du Programme d’action d’Istanbul en faveur des PMA pour la Décennie 2011-2020 et le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Le QCPR, a rappelé le représentant, avait demandé un soutien ciblé pour les pays qui sortent à peine ou sont sortis depuis peu de la catégorie des PMA.  Le QCPR avait aussi reconnu l’importance de la banque de technologies qui doit être soutenue par le système des Nations Unies pour le développement, mais ce système ne semble pas à même de jouer ce rôle avant d’être réformé pour mieux soutenir les États Membres.  Les PMA attendent une pleine mise en œuvre du QCPR et réitèrent que tout repositionnement du système des Nations Unies pour le développement en vue de la mise en œuvre du Programme 2030 doit s’appuyer sur la résolution du QCPR.

Il faut une présence plus forte du système des Nations Unies pour le développement dans les pays vulnérables, notamment les PMA, a ensuite plaidé le délégué, ajoutant que dans le rapport du Secrétaire général attendu en fin d’année, les PMA souhaiteraient voir plus de détails sur le financement des objectifs de développement durable.  En outre, le principe du respect des priorités des pays doit être de mise alors que le système est en cours de réforme.  Le délégué a fait part de l’inquiétude des PMA du fait que les fonds dévolus aux objectifs de développement durable semblent être concentrés sur les objectifs 2, 3 et 16, relatifs à la faim, la santé, la paix et la justice, au détriment des autres.  Pour les PMA, les 17 objectifs sont indivisibles et le système onusien pour le développement devrait adopter une approche plus équilibrée dans leur mise en œuvre.  Il a précisé que la réforme de ce système devait se faire en harmonie avec les autres réformes en cours dans l’ensemble du système onusien.

Le représentant a par ailleurs fait remarquer que la coopération Sud-Sud, notamment entre les PMA et d’autres pays du Sud, ne cesse de croître et de se diversifier.  La plupart des initiatives lancées dans ce cadre touchent les infrastructures, le renforcement des capacités et le partage de politiques et de connaissances, a-t-il noté.  Il a salué le fait que des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Turquie ciblent les PMA dans le cadre de leurs stratégies de coopération Sud-Sud.  Pour les PMA, cette coopération pourrait permettre de fournir des fonds prévisibles et de faciliter le transfert de technologies en faveur des PMA.  C’est dans l’esprit de la coopération Sud-Sud que les PMA plaident pour l’ouverture des marchés des pays émergents aux produits des PMA, un accès aux marchés hors quota et hors taxe.

Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. HECTOR ENRIQUE JAIME CALDERÓN (El Salvador) a souligné la nécessité pour les pays de la région de pouvoir continuer à compter sur le soutien du système des Nations Unies pour le développement dans leur effort de mise en place du Programme 2030, estimant que les mandats des agences, fonds et programmes des Nations Unies doivent se préoccuper de l’interdépendance entre les objectifs de développement durable.  À cet égard, M. Jaime Calderón a appelé les entités du système de développement à intégrer ces objectifs dans leur planification stratégique et dans leur travail à tous les niveaux, en tenant compte du fait que l’éradication de la pauvreté est le plus grand défi et une condition indispensable au développement durable.

Les pays membres de la CELAC soulignent par ailleurs que l’architecture de gouvernance du système des Nations Unies pour le développement doit être plus efficace et transparente, qu’elle doit être rendue plus responsable de ses actes, qu’elle doit disposer de davantage de capacité pour répondre aux États Membres et qu’elle améliore la coordination, la cohérence et l’efficacité des activités opérationnelles.  Ils réitèrent que le système doit intégrer dans ses activités son soutien à la coopération Sud-Sud et triangulaire, étant entendu que celle-ci ne se substitue pas à la coopération Nord-Sud mais la complète.  La coopération Sud-Sud et triangulaire est largement mise en pratique dans la CELAC, a expliqué M. Jaime Calderón, sur la base d’objectifs communs et de la solidarité et guidée par le principe du respect de la souveraineté.

En conclusion, le représentant a estimé que tous les efforts faits par le biais de l’examen quadriennal complet ont pour finalité de parvenir à un système des Nations Unies pour le développement qui soit plus stratégique, sujet à la reddition de comptes, transparent, collaboratif, efficace, effectif et orienté vers les résultats, en recherchant de meilleures façons d’aider les États Membres dans la mise en place du Programme 2030.

M. TUMASIE BLAIR (Antigua-et-Barbuda), qui s’exprimait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a estimé que les recommandations de l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies devraient être respectées et qu’elles devraient former la base de toute réforme du système des Nations Unies pour le développement.  La CARICOM, qui a étroitement collaboré avec les fonds et agences des Nations Unies dans la mise en œuvre du Programme 2030, salue les efforts en cours pour repositionner le système de développement des Nations Unies, une initiative qui devrait permettre au système de mieux répondre aux besoins des Caraïbes notamment.

Agir à l’unisson à l’échelle mondiale, régionale et nationale est essentiel pour arriver à un système intégré des Nations Unies, a-t-il estimé, car cela encourage la cohérence et une meilleure coordination ainsi qu’un soutien plus ciblé des États Membres.  À cet égard, il a affirmé qu’il n’y avait pas un seul modèle qui convienne à tous et que, par conséquent, les activités opérationnelles de l’ONU devaient veiller à répondre aux priorités nationales en termes de développement, de manière souple, et faciliter la consolidation des capacités nationales.

La CARICOM insiste en outre sur l’importance de renforcer le cadre multilatéral de développement, pour que le système des Nations Unies remédie au déséquilibre actuel entre ses ressources de base et les « ressources autres » ou préaffectées.  Ce déséquilibre affaiblit, selon la CARICOM, le système multilatéral en créant des conditions tout en augmentant les coûts opérationnels et la fragmentation du système des Nations Unies, y compris au niveau pays.  La CARICOM a également souligné l’importance de la coopération Sud-Sud qui, à son avis, devrait être intégrée dans les activités opérationnelles de développement des Nations Unies car elle a un potentiel multiplicateur.  Toutefois, a averti la CARICOM, elle ne saurait remplacer la coopération Nord-Sud.

Mme ANADELLA EDWARD (Nauru), au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, a insisté sur les vulnérabilités spécifiques des petits États insulaires en développement (PEID), ainsi que sur leur positionnement géographique et leurs caractéristiques économiques uniques.  Le chemin de ces pays vers le développement durable, tel que consacré par les Orientations de Samoa, doit pleinement prendre en compte ces éléments, a-t-elle dit.  Elle a souligné la nécessité d’une refonte du système de développement de l’ONU afin d’inclure ces Orientations dans tous les programmes relatifs aux PEID.  Mme Edward a ensuite demandé la pleine mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport du Corps commun d’inspection, notamment celles relatives aux bureaux multipays.  La déléguée a en outre souhaité le renforcement du système des coordonnateurs résidents, ces derniers devant veiller à la cohérence de leurs actions avec les priorités nationales.  Dans la région du Pacifique, un seul coordonnateur résident sert 10 pays, a-t-elle noté en conclusion.

Au nom de l’Alliance des petits États insulaires, M. ALI NASEER MOHAMED (Maldives) a réitéré la nécessité de clarifier les rôles et l’importance opérationnelle de certaines des composantes essentielles du système onusien de développement, à savoir le Groupe des Nations Unies pour le développement, le Conseil des chefs de secrétariat, le Département des affaires économiques et sociales, les fonds et programmes du système de développement et l’ECOSOC.  Davantage de clarté est également nécessaire sur la manière dont elles se coordonnent et collaborent entre elles, et sur la surveillance par les États Membres.  Par ailleurs, a fait savoir la délégation, un système des coordonnateurs résidents bien conçu avec un réseau régional et mondial adéquat est primordial pour l’Alliance des petits États insulaires, qui demande, de nouveau, au système des Nations Unies pour le développement de revoir et adapter les activités opérationnelles aux bureaux multipays.

L’Alliance attend du rapport du Secrétaire général à venir en décembre qu’il traite de tous les aspects des opérations et de la gestion du système pour le développement, conformément aux paramètres de l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de 2016.  Le système doit être correctement financé, a souhaité la délégation, afin d’éliminer la concurrence pour accéder aux ressources et d’optimiser les économies et l’efficacité, tout en fournissant des services efficaces aux pays de programme par rapport à leurs priorités nationales.  Le mécanisme de financement doit être prévisible et flexible, a aussi recommandé l’Alliance qui a exprimé sa préférence pour les ressources de base.  Elle estime que le système devrait étudier des options de financement à faible risque et qu’il doit continuer à travailler avec l’Institut de finance internationale.

Les partenariats sont particulièrement importants pour les PEID, à condition qu’ils soient durables et fondés sur le respect mutuel, a poursuivi la délégation. Par rapport au rôle du secteur privé dans le chemin vers le développement durable, l’Alliance aimerait recevoir l’aide de l’ONU en termes de politiques et de directives pour le développer davantage.  Elle décourage néanmoins l’ONU d’entrer en concurrence avec les pays de programme pour chercher des partenariats avec les secteurs privés locaux.  À cet égard, l’Alliance a souligné l’importance de la coopération Sud-Sud et triangulaire, encourageant le système pour le développement à continuer de l’intégrer dans son cadre stratégique, même si elle ne peut remplacer la coopération Nord-Sud.

M. A.P. JITHENDER REDDY (Inde) a souligné que la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le système des Nations Unies pour le développement est équipé pour soutenir les efforts nationaux de mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Ce système doit selon lui éviter la fragmentation, adopter des approches plus cohérentes, tenir compte des priorités nationales et éviter la politisation.  En même temps, la part des ressources de base doit augmenter afin d’allouer suffisamment de fonds au développement, notamment en faveur des pays les plus vulnérables, a-t-il plaidé.  Il a rappelé que le système des Nations Unies pour le développement reçoit le tiers du total de l’aide multilatérale, mais que ces fonds sont généralement préaffectés à des projets donnés.  Il a précisé que 9 des 10 plus grands donateurs fournissent plus de ressources préaffectées que de ressources de base.

C’est dans ce contexte que grandit l’intérêt pour la coopération Sud-Sud, car celle-ci accorde davantage d’attention aux priorités des pays partenaires plutôt que d’imposer des conditions comme le font les donateurs traditionnels.  L’Inde continue de poursuivre sa coopération avec des pays du Sud; certains figurant parmi les plus vulnérables.  En juin dernier, le pays a établi le fonds Inde-ONU pour le partenariat au développement, afin de renforcer la contribution du pays à la coopération Sud-Sud comme moyen de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il s’est également félicité du fait que l’Inde soit le premier pays à faire une contribution volontaire au fonds d’affectation spéciale pour le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, afin de faciliter la participation des pays en développement aux travaux du Comité.  Il a aussi rappelé qu’en mai dernier, l’Inde a lancé un satellite qui va soutenir la communication, les services audiovisuels et d’Internet, ainsi que la gestion des catastrophes ou encore la télééducation et la télémédecine dans les pays voisins.

Mme MARIA ANGELA A. PONCE (Philippines) a souligné l’importance d’un alignement des activités opérationnelles du programme de développement onusien avec les priorités des États Membres.  L’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies doit être à la base de nos efforts visant au repositionnement dudit système, a-t-elle dit.  Elle a exhorté les fonds et programmes composant ce système à travailler ensemble.  « Le système de développement onusien doit œuvrer en tant que véritable système ».  Tout en notant le déséquilibre entre les ressources de base et les autres ressources, la déléguée a souligné le besoin critique d’y remédier en s’attachant à une plus grande transparence et à une meilleure gouvernance de ce système.  La déléguée a souhaité, en outre, une clarification sur la nouvelle génération d’équipes pays telle que recommandée par le Secrétaire général. Enfin, Mme Ponce a salué les initiatives concourant à « l’institutionnalisation de la coopération Sud-Sud », telles que le renforcement du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud (UNOSSC).

M. ALIKHANI (République islamique d’Iran) a insisté sur la pertinence des directives et mandats donnés au système de développement des Nations Unies par la résolution sur l’examen quadriennal complet.  Ce système doit apporter un soutien cohérent, intégré et sur mesure aux États, en tenant compte des besoins et priorités nationales en termes de développement, a estimé le représentant qui a mis l’accent sur la notion d’appropriation et de leadership national.  Les coordonnateurs résidents doivent, pour sa délégation, être des professionnels du développement durable.

Il a mis l’accent sur le déséquilibre actuel entre les ressources de base et les ressources autres pour le financement du développement par le système des Nations Unies.  Pour l’Iran, les ressources de base sont le socle des activités opérationnelles de développement du système.  Dès lors, le déséquilibre actuel ne contribue pas au renforcement du caractère multilatéral de ce système, a-t-il argué.  Il a souhaité une évolution du système onusien pour le développement, vers une architecture de gouvernance qui soit à la fois transparente, responsable et réponde aux besoins des États.  Le délégué a regretté que le rapport sur le repositionnement de ce système ne comprenne pas plus d’informations analytiques.

Mme NURAN (Indonésie) a souhaité que le QCPR serve de guide pour faire en sorte que le système des Nations Unies pour le développement soit à la hauteur de la tâche qui lui est confiée, à savoir le soutien à la mise en œuvre du Programme 2030.  Elle a invité ce système à travailler de manière innovante avec les États Membres, les partenaires des Nations Unies et la communauté internationale dans son ensemble, afin de mobiliser les ressources, publiques et privées, nécessaires à une stratégie de financement plus intégrée, en accord avec le Programme d’action d’Addis-Abeba.  Elle a indiqué que l’Indonésie, en partenariat avec l’ONU, avait lancé un programme de facilitation des financements des paysages tropicaux, afin de canaliser les capitaux privés en faveur des objectifs de développement durable.  Cette initiative entend mobiliser 1 milliard de dollars en termes de prêts sur le long terme et 100 autres millions comme dons dans le cadre de l’assistance technique.

La déléguée a en outre souhaité une plus grande coordination au sein du système des Nations Unies pour le développement, appelant aussi au renforcement du rôle des agences onusiennes en charge de la coopération Sud-Sud.  Elle a enfin souligné qu’en accord avec l’esprit du Sommet Asie-Afrique de 1955 à Bandung, l’Indonésie réaffirme son engagement à renforcer les capacités nationales des pays en développement, la preuve étant les partenariats établis avec 96 pays.

Mme ZVEREVA (Fédération de Russie) a jugé important de souligner l’amélioration constante des activités opérationnelles de développement des Nations Unies.  Compte tenu de la complexité des mécanismes onusiens dans ce domaine, sa délégation insiste sur le fait que tout changement ne sera possible que s’il recueille un large consensus parmi les États Membres.  Elle demande au Secrétaire général de soumettre une analyse des conséquences des réformes et initiatives proposées dans ce domaine. 

La Fédération de Russie est contre la politisation des activités opérationnelles de développement et encourage l’appropriation nationale dans ce domaine.  Elle est favorable au renforcement du rôle de l’ECOSOC pour élaborer les normes relatives aux activités opérationnelles de développement.  Enfin, la représentante a rappelé les principes directeurs issus de la Conférence sur la coopération Sud-Sud de Nairobi et a espéré qu’ils seraient renforcés lors de la prochaine conférence prévue prochainement à Buenos Aires.  

Mme LEYVA REGUEIRA (Cuba) a dit espérer avec grand intérêt le prochain rapport du Secrétaire général sur le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement et attendre des propositions plus élaborées.  Le système est en effet appelé à jouer un rôle essentiel pour respecter les priorités nationales de développement et pour la mise en œuvre du Programme 2030, a souligné la délégation, jugeant nécessaire de renforcer la contribution du système pour faire face aux défis particuliers des pays les plus vulnérables, notamment les pays africains, les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement.  Les pays en situation de conflit ou de post conflit, les pays sous occupation étrangère et les pays à revenu intermédiaire demandent également une attention spéciale, a-t-elle ajouté.

Dans son ambitieux processus de réforme, le système devra respecter les principes qui guident les activités opérationnelles dans les pays, à savoir la neutralité, son caractère intergouvernemental et son objectif strictement lié au développement.  La délégation a souhaité que le système soit plus proactif dans l’élimination de la pauvreté et réponde de manière efficace aux priorités nationales.  Il doit, en outre, garantir la participation décisive des pays en développement dans la gouvernance du système et promouvoir des politiques flexibles et inclusives selon le principe du caractère volontaire, dans le respect de la souveraineté et du leadership de l’État récepteur.  Cuba soutient également la solidarité de la coopération Sud-Sud mais observe avec préoccupation l’importance qui lui est donnée pour justifier le non-respect persistant des engagements d’aide au développement de la part des pays développés alors que la coopération Sud-Sud ne peut en aucun cas se substituer à la coopération Nord-Sud.

M. VLADAMIR BUDHU (Trinité-et-Tobago) a vu dans le système de développement onusien un partenaire fiable pour le développement de son pays.  Classé comme pays en développement à revenu intermédiaire de la tranche élevée, Trinité-et-Tobago pâtit de cette classification qui l’empêche de recevoir une aide internationale pour son développement, tout en étant confrontée aux défis qui sont ceux des PEID, a-t-il dit.  Il a insisté sur une autre conséquence négative d’une telle classification, faite sur la seule base du revenu par tête, qui est la privation de l’accès à des prêts à des conditions de faveur.  Par conséquent, il est impératif que toute proposition sur le repositionnement de long terme du système de développement onusien prenne dûment en compte les principes d’universalité et de diversité, a-t-il déclaré.  Le délégué a insisté sur l’importance de ce système pour renforcer les capacités statistiques des pays.  Cette question est cruciale pour Trinité-et-Tobago, a-t-il poursuivi, expliquant que les statistiques étaient capitales pour assurer un bon suivi de la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Enfin, M. Budhu a loué la bonne coopération de     Trinité-et-Tobago avec l’équipe pays de l’ONU.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a souligné que les pays en développement ont toujours préconisé un système des Nations Unies pour le développement qui soit sensible à leurs besoins, une exigence qu’ils ont exprimée à travers le QCPR.  Dans le rapport que le Secrétaire général va publier en fin d’année, l’Afrique du Sud attend de voir des éléments sur la réforme du système des Nations Unies pour le développement, en accord avec les prescriptions de l’examen quadriennal complet.  Le système de coordonnateurs résidents doit tenir compte des politiques et priorités nationales, a-t-il rappelé.  Le caractère indivisible de l’ensemble des objectifs de développement durable doit également être respecté dans ce rapport attendu en fin d’année.  Le représentant, tout en reconnaissant que la paix et le développement sont liés, a demandé d’éviter que les efforts en faveur de la paix empiètent sur les ressources consacrées au développement.

Il a aussi déploré le déséquilibre permanent entre les ressources de base et les autres ressources pour financer les activités opérationnelles de développement de l’ONU.  Pour que le QCPR soit plus efficace pour aider les pays à éradiquer la pauvreté sous toutes ses formes, la communauté internationale doit renforcer les outils de développement comme le renforcement des capacités, le transfert de technologies et l’instauration d’un environnement international favorable au développement, a-t-il conclu.

M. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a insisté sur le fait que le système des Nations Unies pour le développement doit mieux répondre aux exigences créées par le Programme 2030.  Cela suppose, selon lui, plus d’efficacité, de coordination, de cohérence et d’impact.  Ces efforts doivent s’accompagner d’une approche qui privilégie l’appropriation et le leadership national, en permettant des réponses sur mesure pour chaque pays. Il a partagé le point de vue que la coordination des politiques régionales n’est pas la plus efficace et s’est félicité du plan du Secrétaire général pour revoir toutes les fonctions et politiques régionales du système onusien en vue d’améliorer sa cohérence et de privilégier une approche unifiée.

Sa délégation salue, en outre, les améliorations proposées au système de coordonnateurs résidents qui devraient, à son avis, disposer de structures pour faciliter leur impartialité, leur indépendance et avoir une structure hiérarchique claire.  Il a également fait part de la préoccupation de sa délégation relative au fait que les agences des Nations Unies disposent de moins en moins de ressources de base qui sont pourtant celles qui permettront de promouvoir l’équité dans le cadre de la mise en œuvre du Programme 2030. 

Mme BAGDASAROVA (Bélarus) a été d’avis qu’il fallait réorganiser le système des Nations Unies pour le développement afin de le rendre plus transparent, plus responsable et davantage cohérent avec les priorités nationales des pays aidés.  Elle a d’ailleurs insisté sur la prise en compte des priorités nationales dans la mise en œuvre des activités opérationnelles de développement.  Elle a également souhaité qu’un travail plus systématique soit enclenché, et qu’un mécanisme de coordination soit mis en place, pour cibler spécifiquement les besoins particuliers de pays à revenu intermédiaire.

La création de partenariats entre mécanismes régionaux de développement pourrait aussi favoriser la mise en œuvre des objectifs de développement durable, selon la déléguée qui s’est par ailleurs dite inquiète du déséquilibre entre les ressources de base et les autres ressources consacrées aux activités opérationnelles de développement.  Cette situation conduit, selon elle, à une politisation de l’allocation des fonds.  Se disant enchantée par la réforme du système des Nations Unies pour le développement, elle a mis en garde contre « des réformes pour la réforme », appelant plutôt à viser des résultats tangibles.  Il faut que ce processus aboutisse à mieux tirer parti des avantages comparatifs des différentes entités du système des Nations Unies pour le développement, a-t-elle dit.

Mme YOLANNIE CERRATO (Honduras) a estimé que la coopération Sud-Sud constituera un outil essentiel et complémentaire dans le contexte de la grande mobilisation de ressources nécessaires à la mise en place du Programme 2030, en ce qu’elle peut apporter des solutions adaptées et efficaces.  Elle a noté que, ces dernières années, cette coopération a augmenté principalement dans les domaines du transfert de technologies, de l’échange d’expériences et d’experts.  Pour ce qui concerne le Honduras, quelque 50 projets ont été mis en place en 2016 avec 7 pays de la région latino-américaine dans des domaines aussi divers que l’éducation, la santé, le développement économique et social, la gestion des ressources hydriques, le secteur forestier et l’environnement.  Et plus ce type d’initiatives augmente, plus la capacité du gouvernement de les gérer et d’optimiser les effets de la coopération s’affinent, a fait observer la délégation, qui a indiqué que ces bonnes pratiques et expériences étaient désormais disponibles dans un catalogue d’offres appelé « Compartiendo Honduras » (Partager le Honduras).  En juillet, il est devenu le premier pays à signer un mémorandum d’accord avec le système pour le développement par le biais du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud et pour renforcer l’échange d’expériences entre pays en voies de développement.

Pour M. ALAIN WILFRIED BIYA (Cameroun), tout repositionnement du système des Nations Unies pour le développement ne peut être décidé qu’au moyen d’une résolution négociée au niveau intergouvernemental, comme le prévoit le paragraphe 20 de la résolution 71/243 sur l’examen quadriennal complet.        « II faudrait, en outre, se garder de prendre des décisions à la hâte au mépris du nécessaire respect des procédures et de l’autorité des organes intergouvernementaux », a-t-il prévenu.  Le Cameroun est d’avis que tout repositionnement dudit système devrait accorder une place centrale au principe de l’alignement sur les priorités nationales.  Il a aussi appelé à « conjurer la tentation de s’éloigner des questions essentielles de développement par l’inclusion de thématiques telles que la pérennisation de la paix ou la prévention des conflits ».  Une telle démarche ne violerait pas seulement la division du travail au sein de l’Organisation, mais elle ouvrirait aussi la porte à la politisation des activités de développement des Nations Unies, a-t-il craint.  Il a expliqué que les questions de paix et de prévention des conflits relèvent davantage de mécanismes distincts dont on peut, lorsque cela s'avère nécessaire, renforcer la collaboration et la complémentarité avec le système de développement de l’Organisation.

S’agissant du financement, le Cameroun indique que tout processus de « réforme », de « repositionnement » ou d’« adaptation » ne serait que cosmétique et sans enjeu réel s’il ne permettait pas de restaurer l’indépendance et l’impartialité du système onusien de développement.  Il a préconisé un équilibre judicieux entre les ressources ordinaires, non liées, et les ressources liées dites « préaffectées ».  De même, selon le Cameroun, il est difficilement envisageable d’accorder une suite favorable à toute proposition qui engendrerait une augmentation des dépenses liées aux postes et des autres dépenses de gestion, au détriment des ressources devant être allouées aux projets et programmes de développement sur le terrain.  Le représentant a en outre indiqué que le Cameroun était disposé à apporter son soutien aux propositions visant à renforcer l’obligation redditionnelle du système des Nations Unies pour le développement vis-à-vis des États Membres.  L’une des solutions pourrait provenir d’un renforcement des liens entre d’une part, les conseils d’administration et la session de l’ECOSOC sur les activités opérationnelles et, d’autre part, le Comité du Programme et de la Coordination (CPC) qui est chargé d’examiner le Rapport du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination. 

 À propos de la nécessité de réviser les schémas de coopération au développement, M. ROLANDO CASTRO (Costa Rica) a prôné une approche multidimensionnelle dans la lutte contre la pauvreté et les efforts de développement, se disant convaincu de la nécessité de réduire les failles structurelles en se concentrant sur l’efficacité, la transparence, la reddition de comptes et la gestion par rapport aux résultats.  Les lignes de financement international pour le développement étant une question prioritaire pour son pays, le Costa Rica demande le respect de l’engagement des pays donateurs de verser 0,7% de leur PIB à l’aide publique au développement.

Quant au financement concessionnel, le Costa Rica considère qu’il devrait tenir compte du niveau de développement de chaque pays bénéficiaire, dont son niveau de revenus, ses capacités institutionnelles, ses vulnérabilités particulières et ses caractéristiques spéciales de pays à revenu intermédiaire, ces derniers étant souvent exclus de ces financements.  Dans le contexte de son entrée dans ce groupe de revenus, la stratégie de coopération internationale du Costa Rica s’oriente vers la construction d’alliances entre pays dont le niveau de développement est relativement équivalent ou inférieur, pour promouvoir ou renforcer la coopération triangulaire.  Quant à la coopération Sud-Sud, le Costa Rica considère qu’elle doit se fonder sur l’échange solidaire entre pays en développement, en suivant trois principes de base: l’horizontalité, le consensus et l’équité.

Pour M. LEULSEGED TADESSE ABEBE (Éthiopie), le Programme 2030 exige de nouveaux cadres de gouvernance à tous les niveaux et la mise en place de la réforme du système des Nations Unies pour le développement.  Celle-ci s’impose à l’heure où les pays en développement doivent pouvoir compter sur un système plus efficace dans son soutien à la mise en œuvre de ce Programme.  À cet égard, il a insisté sur les notions d’appropriation et de leadership national, exigeant des réponses taillées sur mesure pour le contexte national plutôt qu’une approche uniforme du développement.  L’ONU étant le principal partenaire de développement de l’Éthiopie, son représentant attend le rapport de décembre du Secrétaire général avec intérêt et espère qu’il sera en mesure d’apporter des éléments de réponse au défi du financement du développement par des ressources de base.

Le représentant a également vanté les mérites de la coopération Sud-Sud en tant que facteur majeur de développement pour le monde en développement, y compris les pays les moins avancés.  Cette forme de coopération va bien au-delà de l’assistance technique et des échanges de connaissances, a-t-il souligné en signalant qu’elle comprend désormais les échanges commerciaux, les investissements, les infrastructures et la connectivité.  Il a plaidé en faveur de l’institutionnalisation de cette forme de coopération tout en précisant qu’elle est complémentaire de la coopération Nord-Sud et ne la remplace pas.

Mme LUO JIN (Chine) a estimé que la mise en œuvre du QCPR devrait permettre de s’assurer que les activités opérationnelles de développement tiennent compte des priorités et spécificités des pays bénéficiaires.  L’éradication de la pauvreté devrait en outre être la priorité majeure de ces activités, a-t-elle recommandé en souhaitant à cet égard le renforcement de la fonction de développement des Nations Unies.  C’est pourquoi il faut réformer le système des Nations Unies pour le développement, afin notamment de fournir un soutien plus fort aux États en développement, a-t-elle lancé en préconisant de la faire mener par les États Membres pour garantir que des bénéfices réels profitent aux populations des pays en développement.  Elle a rappelé le principe de responsabilité commune mais différenciée dans le contexte de l’appui international au développement, invitant les pays développés à respecter leurs engagements en matière de l’aide publique au développement (APD).  Ces pays doivent aussi fournir des ressources appropriées pour les activités de développement du système des Nations Unies, a-t-elle plaidé, précisant qu’il faut notamment se concentrer sur la fourniture de ressources de base.  

Par ailleurs, la déléguée a salué le rôle que joue la coopération Sud-Sud dans le cadre du développement international, tout en précisant qu’elle ne doit pas se substituer à la coopération Nord-Sud.  Avec 1,3 milliard d’habitants, la Chine s’est engagée à faire sortir les populations rurales de la pauvreté, tout en soutenant les pays amis dans le cadre, par exemple, du Fonds d’assistance de la coopération Sud-Sud et de l’Institut pour la coopération Sud-Sud.

Mme PUNNAPA PARDUNGYOTEE (Thaïlande) a affirmé que son pays, qui accueille plus de 50 agences onusiennes, était en faveur d’une coordination accrue entre agences grâce à l’équipe pays de l’ONU, mais aussi entre cette dernière et le gouvernement hôte.  Elle a jugé important que le coordonnateur résident soit doté des compétences nécessaires pour occuper ce poste et qu’il comprenne les priorités du pays hôte.  La Thaïlande, qui abrite la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), est en faveur d’un échange de bonnes pratiques entre commissions économiques régionales et les autres organisations régionales et sous-régionales, a-t-elle affirmé.  Elle a également souhaité que l’Assemblée générale soit pleinement impliquée dans le processus d’examen en cours du système chargé du développement à l’ONU.  La représentante a insisté sur l’importance de la coopération Sud-Sud, complément indispensable de la coopération Nord-Sud.  Enfin, elle s’est félicitée de la réouverture du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud (UNOSSC) à Bangkok et a appelé les pays à appuyer ledit Bureau.

Pour M. LEONARD NKHOMA (Zambie), la coopération Nord-Sud et la coopération triangulaire sont des éléments clefs pour la mise en œuvre du Programme 2030, que la coopération Sud-Sud peut complémenter mais pas substituer.  Cette dernière représente cependant un potentiel important pour contribuer à faire avancer les programmes de développement nationaux équitables, car elle utilise les forces spécifiques de la région.  Le représentant a appuyé l’appel en faveur de l’intégration de la coopération Sud-Sud et triangulaire dans le Programme 2030, soulignant, à cet égard, le rôle des commissions régionales de l’ONU.  Il a appelé à multiplier les efforts d’intégration régionale et sous-régionale en ce qui concerne les nouvelles initiatives de coopération Sud-Sud.  Conscient que les échanges commerciaux entre pays du Sud ont changé les caractéristiques géographiques du commerce international, des échanges ont été un moteur de la croissance économique, il a ajouté que la coopération Sud-Sud avait été un facteur de stabilisation de plusieurs économies en développement.  La Zambie se félicite de l’appui dont bénéficie cette forme de coopération dans le cadre des Forums Afrique-Inde; Afrique-Chine; Afrique-Brésil ou encore Malaisie-Zambie.

M. NECTON D. MHURA (Malawi) a estimé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 fait partie des changements opérés par l’ONU pour « se réconcilier avec les populations ».  Le Malawi rappelle l’importance du QCPR et apporte son soutien au Secrétaire général et à la Vice-Secrétaire générale dans leurs efforts de réforme du système des Nations Unies.  Les agences, fonds et programmes de l’ONU sont essentiels, a-t-il souligné, pour la réussite de la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Il faut donc renforcer les partenariats au sein du système et entre ce dernier et les acteurs externes.  Le Malawi déplore la baisse des ressources de base et l’augmentation des ressources préaffectées, a déclaré le représentant, estimant que les pratiques actuelles de financement risquent de conduire à l’échec de la mise en œuvre du Programme 2030.  Le délégué a en outre invité le PNUD à mettre sur pied des actions concrètes, accompagnées de financements appropriés, pour la promotion de la coopération Sud-Sud.

Mme PHOUTABANH OUANEPHONGHALEUNE (République démocratique populaire lao) a souligné, à l’instar du Secrétaire général, que le système de développement des Nations Unies doit accélérer la transition enclenchée avec les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) pour pouvoir mettre en œuvre le Programme 2030.  Ce système doit devenir plus efficace dans la prestation de ses services aux États Membres. Ce faisant, les agences de développement de l’ONU doivent se focaliser sur l’appui et l’assistance nécessaires au développement des pays, dans le respect de la Charte, de leurs mandats respectifs et des priorités des pays hôtes.  À cet égard, le QCPR doit servir de référence, tout en ayant à l’esprit que les besoins et les défis varient d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre.

En tant que PMA, le Laos a bénéficié d’un appui et d’une assistance au cours de ces dernières années qui ont grandement contribué à son développement socioéconomique.  Pour cette raison, une collaboration continue avec le système onusien de développement demeure cruciale, et ce, pour une mise en œuvre efficace du plan socioéconomique national, présent et futur, des initiatives mondiales de développement comme le Programme 2030 et l’Accord de Paris.  La réalisation des objectifs de développement durable étant la plus critique, la représentante s’est inquiétée de la baisse persistante des ressources clefs, et a appelé les États Membres, principalement les pays développés, à contribuer au financement du budget ordinaire et à s’abstenir de réserver des fonds aux activités opérationnelles de sorte que les agences onusiennes puissent concrètement s’acquitter de leur mandat et fournir un service efficace aux États Membres.

Pour Mme LIVIA OLIVEIRA SOBOTA (Brésil), la résolution adoptée l’an passé sur l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies est une bonne base pour le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement et pour la mise en œuvre du Programme 2030 au niveau des pays.  À cet égard, le Brésil appuie la vision globale présentée par le Secrétaire général dans son rapport et apprécie l’accent qu’il met sur l’appropriation et le leadership national dans ces efforts.

La représentante a fait des propositions pour favoriser les délibérations des États Membres sur les activités opérationnelles de développement, en insistant notamment sur la nécessité d’améliorer la coordination interagences.  En outre, elle a demandé que les pays les plus vulnérables fassent l’objet d’une attention particulière, tout en ayant une souplesse suffisante pour pouvoir opérer dans les contextes de développement spécifiques à chaque pays.   Renforcer les équipes pays et le système des coordonnateurs résidents est un moyen efficace, selon elle, pour rationaliser les efforts et mieux rentabiliser les bureaux pays au service du développement durable.  Elle a également plaidé en faveur de la promotion de la coopération Sud-Sud, jugeant crucial le rôle du Bureau pour la coopération     Sud-Sud.

M. ELAWAD (Soudan) a demandé que la réforme du système des Nations Unies pour le développement permette de rendre celui-ci plus adapté au soutien à apporter aux pays en développement dans leurs efforts visant à mettre en œuvre le Programme 2030.  Il est en effet très important de renforcer les capacités des pays en développement dans cette optique, tout en tenant compte du contexte et des priorités propres à chaque pays.  Le Soudan réaffirme l’importance du QCPR et estime qu’il est l’outil idoine pour rendre les activités opérationnelles de développement plus efficientes.  Le représentant a affirmé, en outre, que la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire sont toutes aussi importantes pour accompagner le développement, mais, a-t-il précisé, elles viennent en complément de la coopération Nord-Sud et ne sauraient s’y substituer.

Ayant retenu que la plupart des entités du système de développement des Nations Unies couvrent chacune six objectifs de développement durable, M. VUSUMUZI NTONGA (Zimbabwe) a dit voir là l’illustration même de l’urgence qu’il y a à « institutionnaliser » la culture de la collaboration entre ces entités pour tirer parti de leurs avantages comparatifs et veiller à ce que le travail sur les objectifs de développement durable soit complémentaire et non répétitif.  La culture de la collaboration, a-t-il ajouté, aurait aussi le mérite d’assurer une allocation plus équitable de l’expertise et des ressources à tous les 17 objectifs de développement durable.  Améliorer le financement du système de développement des Nations Unies est « essentiel », a poursuivi le représentant, rappelant que les États Membres ne cessent de dénoncer le déséquilibre entre les ressources de base, estimées par le Secrétaire général à 20%, et les ressources extrabudgétaires.  Le représentant a donc fermement appuyé la recherche de moyens plus novateurs et de nouveaux partenariats pour combler ce fossé, étant entendu que tout nouveau partenariat sera soumis à un contrôle adéquat et que ses objectifs resteront conformes à ceux fixés par les États Membres.

Conscient néanmoins qu’une diminution des ressources extrabudgétaires est peu probable, le représentant a estimé qu’il fallait alors travailler sur leur prévisibilité et leur conformité avec les mandats fixés et les priorités nationales.  Il faut, s’est-il expliqué, éviter que ces ressources ne consolident la primauté de certains objectifs sur d’autres.  En conclusion, le représentant a insisté sur l’importance de l’appropriation nationale et du lien entre aide humanitaire et aide au développement, sans oublier celle de la coopération Sud-Sud.  « Nous sommes fiers des principes d’appropriation et de souveraineté nationales qui guident notre coopération avec nos partenaires du Sud », a conclu le représentant. 

M. WON DOYEON (République de Corée) a demandé qu’il y ait plus de coordination entre les trois piliers de la réforme du système des Nations Unies pour le développement en vue de créer les synergies nécessaires entre les volets humanitaire, développement et consolidation de la paix.  L’ONU devrait adopter une approche innovante et une nouvelle culture pour maximiser le potentiel d’une approche coordonnée sur le terrain.  Sa délégation appelle, en outre, à une réforme urgente des mesures de financement de ce système, afin de sécuriser suffisamment de fonds de base et faire face au déséquilibre croissant entre ressources de base et ressources préaffectées.  À ce titre, il a dénoncé le fait que 90% des financements préaffectés aient été alloués à un seul projet de donateur.  La Corée a également bon espoir que ce processus de réforme permettra de dépasser la bureaucratie et la lourdeur administrative du système.  Elle accorde un intérêt particulier aux mesures de gouvernance horizontale et aux mesures visant les configurations pays.

M. SHANKER DAS BAIRAGI (Népal) a demandé le renforcement du système onusien pour le développement pour mieux répondre aux besoins des pays en développement, en particulier les pays les moins avancés qui souffrent d’un enclavement géographique ou les petits États insulaires.  Il a souligné la nécessité de disposer de statistiques plus fiables et accessibles et a demandé, à cette fin, le renforcement des capacités nationales dans ce domaine.  La Commission de statistique de l’ONU devrait être dotée des ressources nécessaires, a-t-il poursuivi.  Jugeant que le pilier développement de l’ONU avait toujours été « historiquement faible », le délégué a salué les efforts en cours du Secrétaire général visant à corriger cet état de fait.  Des moyens adéquats pour la mise en œuvre des programmes onusiens de développement doivent être prévus, a-t-il souhaité.  Enfin, le représentant du Népal a demandé « une élévation institutionnelle » de la coopération Sud-Sud, ainsi que l’élargissement de son domaine d’action.

M. ANTÓNIO GUMENDE (Mozambique) a souligné l’aspect vital d’un accès à des ressources financières prévisibles et demandé un renforcement des partenariats et initiatives en faveur du développement prévus par le Programme d’action     d’Addis-Abeba.  Le délégué a également demandé la correction du déséquilibre constaté entre ressources de base et les autres ressources, les premières ressources citées jouant en effet un rôle important pour garantir la souplesse dans le fonctionnement des agences onusiennes.  À cette fin, il a demandé aux partenaires de développement d’honorer leurs engagements au titre de l’APD.  Le délégué a, en outre, souhaité que l’ONU embauche davantage au sein des pays qu’elle sert.  Enfin, le délégué a dit attendre avec impatience les recommandations du Secrétaire général qui doivent être rendues publiques en décembre prochain.  Le Mozambique appuiera la réforme du système onusien pour le développement, a conclu M. Gumende.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a indiqué que la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire constituent un axe stratégique de la politique extérieure de l’Argentine.  Le Fonds argentin de coopération Sud-Sud et triangulaire, qui fête ses 25 ans, permet le développement et la mise en place de projets de coopération technique dans des domaines tels que l’agro-industrie, la sécurité alimentaire, la science et la technologie, et la santé.  La coopération Sud-Sud a permis aux pays en développement de renforcer leurs capacités institutionnelles, de remédier aux asymétries, d’encourager un développement inclusif, de construire des politiques publiques et d’articuler des positions communes dans les plateformes et les forums internationaux, a expliqué M. García Morítan.  Il a estimé que la coopération Sud-Sud et triangulaire devrait devenir un élément clé dans l’Alliance mondiale pour le développement durable, en complément de l’APD, le principal défi étant de trouver un cadre stratégique en appui à la mise en œuvre du Programme 2030 et des autres accords internationaux.  À cet égard, la deuxième Conférence de haut niveau des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud, qui aura lieu à Buenos Aires en mars 2019, sera l’occasion d’approfondir la compréhension des différentes dynamiques qui poussent cette coopération.

M. TOSHIYA HOSHINO (Japon) a dit attendre avec impatience le rapport du Secrétaire général, prévu pour décembre prochain, sur la réforme du système des Nations Unies pour le développement, souhaitant qu’il soit assez exhaustif pour guider les négociations intergouvernementales et que sa publication ne soit pas précédée d’actions ou de mesures.  La délégation du Japon entend échanger à ce sujet avec le Secrétariat, de manière interactive, a-t-il annoncé, souhaitant ainsi recevoir à l’avance des propositions devant figurer dans le rapport, et soumettant par la même occasion des suggestions qu’elle jugerait importante. 

Le représentant a anticipé en posant plusieurs questions sur la réforme du système des coordonnateurs résidents.  « Comment cette fonction pourrait-elle être plus indépendante et revigorée?  Comment les coordonnateurs résidents devront-ils interagir avec d’autres acteurs?  Comment seront-ils soutenus à la fois par le Siège et par les pays?  Comment leurs activités seront–elles financées?  Comment le système des Nations Unies va-t-il s’assurer de leur efficacité sur le terrain? »  Il a invité le Secrétariat à apporter des réponses claires à ces préoccupations.

M. MOURAD MEBARKI (Algérie) a affirmé qu’un système des Nations Unies renouvelé et plus performant ne saurait s’élaborer en dehors d’une réforme globale des Nations Unies, estimant qu’il s’agit d’une question de cohérence intimement liée à l’efficacité de l’ONU et à sa crédibilité.  En prélude au rapport à venir du Secrétaire général prévu en décembre prochain, l’Algérie propose que les rapports du Secrétaire général soient mieux structurés, de telle sorte qu’il serait plus aisé d’identifier les problèmes nécessitant par exemple des décisions des États Membres ou des organes de décision des entités du système.  Selon l’Algérie, le Secrétaire général pourrait, par exemple, accompagner chacun de ses rapports d’une « note concise dans laquelle il identifie les actions requises et d’autres questions d’urgence et prioritaires ».  Il a, par ailleurs, attiré l’attention sur la question du financement des activités opérationnelles de développement, tout comme sur celle du système de coordonnateur résident dont « le mode de désignation devrait obéir à des critères de compétence, de transparence et d’équité en termes de représentation géographique ».

Pour Mme HATTANE (Maroc), la mise en œuvre du Programme 2030 nécessite une action concertée du système des Nations Unies pour le développement, et même une redynamisation de l’approche « multilatéraliste ».   Le Maroc soutient le processus de consultation lancé par le Secrétaire général sur le repositionnement de ce système au service de la coopération internationale et souhaite que ce processus débouche sur des résultats tangibles pour donner un nouvel élan à l’action des agences de développement de l’ONU.  Pour cela, la représentante a estimé qu’il fallait tenir compte de trois éléments, à savoir respecter le modèle de développement et la spécificité de chaque pays; veiller à ce que le plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (PNUAD) soit l’instrument de coopération avec chaque pays en vue de renforcer la contextualisation et l’appropriation des objectifs de développement durable; et enfin, renforcer le principe de reddition de comptes au niveau des organes intergouvernementaux selon le mandat de chaque entité du système des Nations Unies.  Le Maroc insiste, en outre, sur la nécessité de rationaliser les dépenses du système des Nations Unies pour le développement et d’aboutir à un équilibre entre les ressources de base et les ressources extrabudgétaires en vue de pouvoir assurer un financement viable du développement durable.

Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a souligné la nécessité, pour un système onusien pour le développement renouvelé, de se concentrer sur les priorités spécifiques d’un pays afin d’apporter une solution qui lui soit propre.  Il a en effet mis en garde contre une approche unique qui serait appliquée à tous, avant d’affirmer que les populations devraient être au cœur des efforts dudit système.  « Donner la priorité aux peuples signifie protéger, en toutes circonstances, la dignité de la personne, ainsi que ses droits fondamentaux, et spécifiquement, les droits à la vie et à la liberté de religion, desquels tous les autres droits découlent et qui sont, par conséquent, la base commune des piliers de la paix, de la sécurité et d’un développement humain intégral. »  Le nonce a estimé que ces deux derniers droits étaient en effet inséparables des autres droits et libertés fondamentales permettant une vie digne sur les plans spirituel, matériel et intellectuel pour chaque individu et sa famille.  Parmi ces droits, il a cité le droit à la nourriture, le droit à l’eau et le droit au travail.  Rappelant la nécessité de respecter chaque culture et système de valeurs, le délégué a indiqué que les programmes de développement ne devaient pas imposer « des idées controversées visant à changer ces cultures et systèmes de valeurs ».  Le conditionnement d’une aide financière à l’introduction d’idées qui ne respectent pas les valeurs de ses récipiendaires relève de ce que le pape François appelle « la colonisation idéologique », a conclu Mgr Auza.

Mme HIROKO MURAKI GOOTLIEB, de la Chambre de commerce internationale (CCI), a plaidé pour le renforcement de la coopération Sud-Sud, qui passe par celui du multilatéralisme.  Elle a également plaidé pour le renforcement des capacités, surtout en faveur des femmes et filles et des populations vulnérables, et de la redynamisation du commerce multilatéral.  Pour la déléguée, le Programme de financement du commerce international est un outil idoine de soutien au commerce, comme cela est mentionné explicitement dans le Programme d’action d’Addis-Abeba.  « C’est un outil essentiel de soutien à la croissance des entrepreneurs en permettant l’accès aux marchés mondiaux et aux chaînes de valeur », a-t-elle expliqué en observant aussi que c’est un outil particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises des pays en développement.  La CCI collabore avec l’équipe spéciale interinstitutions sur le financement du développement pour organiser, au Siège de l’ONU le mois prochain, une réunion d’experts sur le financement de ce programme qui traitera du renforcement du commerce international.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission: les délégations réfléchissent au moyen de dépasser les blocages du mécanisme de désarmement

Soixante-douzième session,
22e séance – après-midi
AG/DSI/3588

Première Commission: les délégations réfléchissent au moyen de dépasser les blocages du mécanisme de désarmement

La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a poursuivi aujourd’hui, sa discussion sur le mécanisme de désarmement, un débat au cours duquel la question de son efficacité et le dépassement des blocages qui entravent son fonctionnement a été au centre de toutes les attentions.

Dans un premier temps, les délégations ont entendu le Président du Groupe de travail chargé d’examiner les objectifs et l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement annoncer que le Groupe, grâce à une grande souplesse des participants, était parvenu à s’accorder par consensus sur un libellé « qui n’était pas idéal pour tous, mais qui était acceptable par tous ». 

M. Fernando Luque Márquez a indiqué que les recommandations du Groupe sont tournées vers l’avenir et proposent notamment que la quatrième session extraordinaire permette de faire concrètement avancer le désarmement.  Pour éviter que les discussions deviennent trop abstraites, a-t-il ajouté, il a été également suggéré que cette session fasse des propositions pratiques et efficaces et mette en place un comité préparatoire.

L’Assemblée générale a tenu trois sessions extraordinaires consacrées au désarmement: la première en 1978, la deuxième en 1982 et la troisième en 1988.  Elle demande la tenue d’une quatrième session consacrée au désarmement depuis 1995. 

La France a vu dans ce consensus un signe qu’on peut retrouver l’efficacité du mécanisme de désarmement, alors que l’Union européenne a apprécié de voir les États Membres avancer de manière constructive en dépit de leurs divergences.  

Au nom du Mouvement des pays non alignés, le représentant de l’Indonésie a d’ailleurs souligné que la convocation d’une quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale permettrait à la communauté internationale d’aborder la question du désarmement sous tous ses aspects, y compris les plus critiques, à savoir ceux relatifs à l’élimination de toutes les armes nucléaires et toutes les armes de destruction massive. 

« Même si mon pays reste sceptique sur la valeur ajoutée de cette session, nous avons soutenu les efforts pour montrer notre engagement dans les institutions multilatérales de désarmement » a fait savoir de son côté le délégué des États-Unis. 

Plusieurs États se sont également félicités des récents progrès enregistrés au sein de la Commission du désarmement, l’adoption par consensus du rapport du Groupe de travail II sur les armes classiques ayant mis fin à près de deux décennies de blocage.  « Nous avons été longtemps préoccupés par le fait que la Commission ne s’accorde pas sur des recommandations de fond, mais nous avons vu cette année que les États Membres pouvaient avancer de concert », s’est notamment félicité le délégué algérien.  À l’instar de nombreuses délégations, l’Autriche a souhaité de son côté qu’on parvienne au même genre de succès en matière de désarmement nucléaire.  

Pour sa part, le représentant de l’Australie a estimé que la communication des recommandations adoptées par consensus à la Commission pourrait appuyer l’élaboration d’un accord sur un programme de travail constructif tant pour la Commission que pour la Conférence du désarmement.  En suivant cette voie, a-t-il ajouté, nous devrons veiller à l’utilisation responsable du principe du consensus dans les organes de désarmement afin de garantir que nos efforts ne soient pas entravés inutilement. 

Mais face à la persistance de l’impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement, l’Inde a dénoncé « l’exclusivisme sécuritaire de certains États », tandis que l’Afrique du Sud a tout mis sur la « résistance têtue » d’un petit nombre de pays qui ne respectent pas le droit international. 

Le représentant du Pakistan a pour sa part pointé les États qui bloquent la négociation de nouveaux traités qui iraient à l’encontre de leurs intérêts, et ceux « qui veulent obtenir des résultats à tout prix », même s’ils ne contribueraient pas réellement au désarmement.  La représentante de Cuba a d’ailleurs estimé qu’il ne servira à rien de faire évoluer le mode de fonctionnement de l’organe, « puisque tout est dû au manque de volonté politique de certains États Membres ». 

De son côté, la représentante de la Suisse a souligné que la revitalisation de la Conférence est plus urgente que jamais, et nécessitera de dépasser des méthodes de travail anachroniques, par exemple concernant la participation de la société civile.  Finalement, seule la France a voulu voir du positif dans la création d’un groupe de travail permettant des discussions techniques qui contribueront à lancer des négociations. 

Les débats se sont aussi arrêtés sur le cas de la Première Commission, le représentant du Kazakhstan ayant notamment noté que cet organe n’était pas non plus exempt de division, seule une de ses résolutions sur le désarmement nucléaire y étant adoptée par consensus.  « La culture du consensus, qui a guidé nos travaux pendant 70 ans, est une relique du passé », a lancé pour sa part le représentant des États-Unis.  

Déplorant que la règle de la majorité dans les questions multilatérales du désarmement prime désormais sur l’égalité souveraine entre les États, ce dernier a rappelé que « le concept de sécurité collective sur lequel les Nations Unies sont fondées requiert que les États Membres évitent, autant que possible, des situations où un État ou un groupe d’États impose sa volonté aux autres ».

Pour autant, le délégué égyptien a jugé que la Première Commission restait la meilleure enceinte pour jeter des passerelles et faire accepter de nouvelles idées dans le domaine du désarmement et de la sécurité internationale.

La Première Commission poursuivra son débat thématique jeudi 25 octobre, à partir de 15 heures.

QUESTIONS À L’ORDRE DU JOUR ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION ET DE DÉCISION DEPOSÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Exposé du Président du Groupe de travail à composition non limitée chargé d’examiner les objectifs et l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement

M. FERNANDO LUQUE MÁRQUEZ (Équateur), intervenant en sa qualité de Président du Groupe de travail à composition non limitée chargé d’examiner les objectifs et l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement, s’est réjoui que le groupe ait pu s’accorder par consensus sur les objectifs de cette quatrième session extraordinaire.  Alors que l’espacement entre les différentes réunions du groupe de travail aurait pu nuire au suivi de la question et entraver la possibilité de parvenir à un accord, ce laps de temps a en fait permis, a indiqué le délégué, une réflexion plus approfondie et davantage de discussions entre différentes délégations qui ont contribué au résultat final.  À ses yeux, « l’utilisation d’un texte évolutif, bien que plus compliqué à gérer, a permis aux participants de voir refléter leurs idées à un moment ou un autre et de trouver des solutions collectives ». 

Même si dans les dernières semaines de travail des divergences demeuraient, a-t-il poursuivi, grâce à une grande souplesse des participants on a pu se mettre d’accord sur un libellé « qui n’était pas idéal pour tous, mais qui était acceptable par tous ».  Selon lui, ces recommandations sont tournées vers l’avenir et proposent que la quatrième session extraordinaire permette de faire concrètement avancer le désarmement.  Pour éviter que les discussions deviennent trop abstraites, il a été également suggéré que la quatrième session fasse des propositions pratiques et efficaces et mette en place un comité préparatoire.  Il a indiqué qu’il incombe maintenant aux délégués de déterminer la voie à suivre en organisant des discussions supplémentaires pour définir les modalités.

Débat thématique sur le mécanisme de désarmement

M. DANNY RAHDIANSYAH (Indonésie), au nom du Mouvement des pays non alignés, a réaffirmé l’importance de la Conférence du désarmement, unique organe multilatéral de négociations sur le désarmement, et a réitéré son appel à ce que la Conférence mette au point un programme de travail équilibré et complet sans délai, cela en tenant compte des intérêts en matière de sécurité de tous les États.  Pour le représentant, les membres de la Conférence du désarmement doivent faire preuve de la volonté politique nécessaire afin que cet organe soit en mesure d’exécuter son mandat.  Il a également noté que la Commission du désarmement, en tant qu’organe délibérant sur des questions essentielles concernant les armes classiques et les armes nucléaires, était indispensable au bon fonctionnement du mécanisme onusien de désarmement.  Il a salué le fait que la Commission, en 2017, ait été en mesure de formuler des recommandations sur les armes classiques à l’Assemblée générale, et souhaité qu’elle puisse se mettre d’accord, l’an prochain, sur les armes nucléaires.  Le Mouvement des pays non alignés est aussi d’avis que la convocation d’une quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement permettrait à la communauté internationale d’aborder la question du désarmement sous tous ses aspects, y compris les plus critiques, à savoir ceux relatifs à l’élimination de toutes les armes nucléaires et toutes les armes de destruction massive.  Il a en outre appelé les États à appuyer financièrement l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR) et les Centres régionaux de l’ONU pour la paix et le désarmement. 

M. MARWAN ALI NOMAN AL-DOBHANY (Yémen), au nom du Groupe des États arabes, a appelé de ses vœux la tenue de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement, espérant que celle-ci puisse donner des résultats concrets et prendra en compte les menaces croissantes qui pèsent contre la paix.  Il a affirmé que nous vivons un moment historique en matière de désarmement nucléaire avec l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

S’agissant de la conférence du désarmement, il a souhaité que la question de son ordre du jour soit abordée en synergie avec les efforts mondiaux.  À ses yeux, les blocages que connaît cette conférence sont avant tout politiques et dus à un manque de volonté venant d’États dotés ne faisant preuve d’aucune souplesse. « Notre groupe souhaite affirmer que les États dotés doivent faire preuve de volonté politique pour parvenir à un consensus », a-t-il souligné.

Mme ANGGI SAZIKA JENIE (Indonésie), intervenant cette fois au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a appelé les États Membres à faire de l’amélioration de l’efficacité du mécanisme de désarmement leur priorité.  Elle s’est inquiétée de l’impasse persistante dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement, affirmant qu’elle démontre un manque de volonté politique qui n’est plus acceptable, puisqu’il empêche à cet organe sans équivalent de s’acquitter de son mandat de négociation, a-t-elle ajouté.  La représentante a reconnu que les États ont des intérêts légitimes à défendre, soulignant toutefois que cela ne devrait pas se faire au détriment de la sécurité collective.  Aller de l’avant pour le bien de l’humanité, ou rester dans l’impasse faute de volonté politique, voilà le choix qui est le nôtre, a noté la déléguée.  Elle a aussi affirmé que les États dotés d’armes nucléaires, du fait même de la détention de ces stocks, sapent la pleine mise en œuvre des instruments les plus importants en matière de désarmement. 

Mme SHEILA CAREY (Bahamas), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a affirmé attacher la plus haute importance à la réalisation de l’objectif de développement durable 16, qui appelle à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable.  La représentante a ensuite rendu hommage aux activités des Centres régionaux pour la paix et le désarmement de l’ONU, elle a notamment salué les efforts du Centre de Lima, au Pérou, qui a entrepris pour la seule année 2017 plus de 60 actions d’appui aux États dans leur mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre (ALPC), de l’Instrument international de traçage, du Traité sur le commerce des armes (TCA) et de la résolution 1540 du Conseil de sécurité sur les armes de destruction massive .  Elle a aussi noté avec satisfaction les contributions volontaires dont les Gouvernements du Canada, de l’Allemagne, des États Unis, du Pérou, du Mexique et du Guyana se sont acquittés au titre du Centre.

Mme JUDIT KÖRÖMI, de l’Union européenne, a estimé que la Première Commission est l’endroit idoine pour favoriser le dialogue et a appelé les États Membres à en accroître l’efficacité.  Elle a estimé que la Première Commission gagnerait à avoir des débats plus ciblés sur la sécurité collective au lieu de mettre à jour des résolutions adoptées précédemment.  Il faudrait aussi mettre en place de nouvelles méthodes de travail en s’abstenant notamment de demander des rapports non nécessaires au Secrétariat, a-t-elle estimé.

Elle s’est ensuite inquiété de l’impasse actuelle dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement, exhortant à faire preuve d’imagination pour relancer les travaux de cet organe.  Disant son attachement au multilatéralisme et aux discussions, elle appelé les États Membres à poursuivre leurs efforts pour parvenir à un accord en faisant preuve de volonté politique et d’engagement.  Elle a ensuite réitéré l’appui de l’Union européenne à l’élargissement de la Conférence du désarmement, mais également au dialogue avec la société civile et le milieu universitaire.  Pour l’UE, le démarrage immédiat de la négociation d’un traité interdisant la production de matières fissiles demeure une priorité.  Elle a donc appelé tous les États à amorcer les discussions.  Se félicitant des travaux du groupe d’experts de haut niveau sur la question, elle a appelé les États dotés qui ne l’auraient pas fait à cesser cette production.  À ses yeux, le consensus obtenu au sujet de l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement montre qu’en dépit de leurs divergences, les États Membres peuvent avancer de manière constructive.  Elle a conclu en rappelant que le mécanisme de désarmement ne peut bien fonctionner que si les États Membres s’acquittent de leurs obligations financières.

Mme SABRINA DALLAFIOR (Suisse) a constaté que des problèmes financiers significatifs affectent le bon fonctionnement de plusieurs traités de désarmement administrés par l’ONU, des sessions officielles ayant même été annulées et la stabilité des unités d’appui de conventions sérieusement affectée.  Tous les États doivent s’acquitter de leurs contributions obligatoires sans délai, a-t-elle exhorté.  Elle a en outre demandé que les réunions à venir des États parties aux conventions affectées se saisissent pleinement de cette problématique et prennent les mesures nécessaires.  En ce qui concerne le blocage de la Conférence du désarmement, la représentante a noté qu’en raison de sa paralysie depuis deux décennies, « la tendance qui veut que des processus soient mis en place afin de se substituer à la Conférence se renforce petit à petit ».  Une revitalisation de la Conférence du désarmement est plus urgente que jamais, et ceci nécessitera notamment de dépasser des méthodes de travail anachroniques, par exemple concernant la participation de la société civile, a-t-elle déclaré.  La composition limitée de la Conférence soulève d’importantes questions au vu des thématiques globales qu’elle traite, a-t-elle expliqué.  Sur la convocation d’une quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement, elle a indiqué que l’ordre du jour adopté par le Groupe de travail concerné souligne que cette session devra s’appuyer sur la base du consensus.  

M. HAJNOZI (Autriche) a salué l’amélioration des méthodes de travail de la Première Commission, tout en plaidant pour une plus grande participation de la société civile.  Il a noté que la Commission du désarmement avait réussi à sortir partiellement de son impasse en s’accordant sur des recommandations en matière de renforcement volontaire de la confiance dans le domaine des armes classiques.  Il a espéré qu’elle puisse en faire de même sur la question des armes nucléaires.  Il a ensuite appelé à examiner les causes profondes de l’impasse à la Conférence du désarmement.  Trop de temps a été perdu et des questions pressantes ont été négligées, s’est-il inquiété, soulignant qu’il revient aux membres de la Conférence du désarmement d’en garantir la pertinence « et d’ouvrir les portes à d’autres acteurs qui permettraient de renforcer sa crédibilité ».  Il s’est ensuite réjoui qu’un compromis ait été trouvé pour la quatrième session extraordinaire à venir de l’Assemblée générale.  « Tous les États doivent saisir cette occasion d’adapter le mécanisme de désarmement au XXI e siècle », a-t-il conclu.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a souligné que la machinerie du désarmement doit être axée sur une reconnaissance claire de l’environnement sécuritaire international dominant et une culture du consensus.  Il a regretté que ces dernières années, certains aient décidé que la règle de la majorité dans les questions multilatérales du désarmement primait sur l’égalité souveraine entre les États.  « La culture du consensus, qui a guidé nos travaux pendant 70 ans, est une relique du passé » a-t-il déploré, soulignant que son pays est en désaccord avec cette approche.  « Le concept de sécurité collective sur lequel les Nations Unies sont fondées requiert que les États Membres évitent, autant que possible, des situations où un État ou un groupe d’États impose sa volonté aux autres ».  Reconnaissant que les règles de procédure de l’Assemblée générale et de la Première Commission permettent de voter, il a estimé que cette pratique devait relever du dernier recours sur les questions qui affectent la sécurité nationale et internationale.

Le représentant a indiqué que son pays avait joué sa part dans les modestes succès enregistrés, cette année, par deux organes de la machinerie, notant que la Commission du désarmement était parvenue à un consensus sur les recommandations concernant les mesures de confiance dans le domaine des armes classiques, ce qui n’était pas arrivé depuis 1999.  Il a aussi souligné que le groupe de travail de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement s’était mis d’accord, également par consensus, sur ses objectifs et son programme de travail.  « Même si mon pays reste sceptique sur la valeur ajoutée de cette session, nous avons soutenu les efforts pour montrer notre engagement dans les institutions multilatérales de désarmement » a fait savoir M. Wood.  S’agissant de la Conférence du désarmement, le représentant s’est inquiété qu’un État Membre, qui en assurait cette année la présidence, ait refusé de convoquer des réunions plénières.  « Cette action injustifiée a privé la communauté internationale d’un forum où elle aurait pu s’attaquer aux défis sécuritaires que présentent les programmes nucléaires et balistiques de la République populaire démocratique de Corée », a jugé le délégué, qui a dénoncé une situation « inacceptable ».  

Il a par ailleurs regretté la manière dont s’est déroulée, au sein de la Première Commission, la table ronde de haut niveau du 11 octobre, notant que les appels au compromis de sa délégation avaient été rejetés.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a noté que la Première Commission, qui dispose pourtant d’une très large marge de manœuvres, n’était pas exempte de division.  Il en a voulu pour exemple qu’aucune de ses résolutions sur le désarmement nucléaire, à l’exception de celle reconnaissant de manière formelle le rôle des zones exemptes d’armes nucléaires, n’était adoptée par consensus.  Par ailleurs, il a estimé que pour que la Conférence du désarmement sorte de l’impasse, il était devenu nécessaire que les Chefs d’États et de Gouvernement démontrent clairement la volonté politique requise pour que cet organe de négociation des traités soit en mesure d’exécuter son mandat.  Le représentant a également souligné la nécessité que la communauté du désarmement onusien prenne davantage en compte, pour ses débats, l’expertise fournie par l’UNIDIR et celle des organisations non gouvernementales.  Les organisations de la société civile ont prouvé qu’elles pouvaient être des contributeurs déterminants dans le domaine du désarmement, à l’instar du lauréat 2017 du prix Nobel de la paix, la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, a-t-il souligné.  

M. DARREN HANSEN (Australie) a appelé à renforcer le dialogue en ce moment critique.  Il a souhaité voir une relation renforcée entre la Commission du désarmement à New York et la Conférence du désarmement à Genève.  La Commission du désarmement est l’organe délibérant du mécanisme de désarmement des Nations Unies et elle devrait présenter des recommandations à la Conférence du désarmement que celle-ci ferait avancer.  De toute évidence, cela ne s’est pas produit, a déploré le représentant.  Il a indiqué la communication des recommandations adoptées par consensus à la Commission pourrait appuyer l’élaboration d’un accord sur un programme de travail constructif pour les deux organes.  En suivant cette voie, a-t-il ajouté, nous devrons veiller à l’utilisation responsable du principe du consensus dans les organes de désarmement afin de garantir que nos efforts ne soient pas entravés inutilement.

Le représentant a ensuite fait part de sa déception qu’un certain nombre de réunions sur les conventions sur le désarmement aient été annulées ou raccourcies l’année dernière faute de financement.  Il a appelé tous les États à verser leurs contributions dans les délais impartis et a appuyé la création de nouvelles mesures financières pour prévenir la récurrence de ce problème.  Un financement durable est essentiel pour un mécanisme de désarmement fonctionnel, a insisté le représentant.   

Mme HERNANDEZ (Cuba) a souligné que chacune des composantes joue un rôle différent au sein du mécanisme de désarmement.  Rappelant son attachement au multilatéralisme, elle s’est dite encouragée par l’adoption et la signature du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui a codifié dans le droit international le caractère illégitime de ces armes.  Elle s’est inquiétée de l’effet négatif de la paralysie dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement.  Tout en se disant favorable à faire évoluer le mode de fonctionnement de ce mécanisme, elle a estimé que cela ne réglera rien puisque tout est dû au manque de volonté politique de certains États Membres.  Elle a aussi réitéré sa préoccupation quant à la tendance croissante à créer des groupes d’experts limités alors que ces questions sont très sensibles pour beaucoup d’États Membres et les intéressent au premier chef.  Selon elle, tous les États devraient pouvoir participer à ces travaux sur un pied d’égalité. 

M. KINJARAPU RAMMONAH NAIDU (Inde) a imputé l’impasse de la Conférence du désarmement  à « l’exclusivisme sécuritaire de certains États et au manque de confiance d’autres États ».  Pour lui, la Conférence du désarmement, qui a apporté la preuve de son utilité dans le passé, doit à présent sauver sa crédibilité.  Il a assuré que l’Inde demeurait attachée aux objectifs et principes fondateurs de la Conférence, et qu’elle continuerait à appuyer tous les efforts destinés à mettre au point un programme de travail permettant à cet organe d’exécuter pleinement son important mandat de négociation des traités.  Le représentant a par ailleurs salué les travaux de la Commission du désarmement en 2017, à l’issue desquels des recommandations sur les armes classiques ont pu être formulées, cela après 17 ans de blocage, en vue d’être proposées à l’Assemblée générale.  Enfin, il a estimé nécessaire que l’UNIDIR puisse disposer des ressources nécessaires pour maintenir son autonomie et son indépendance et continuer de développer une expertise technique précieuse pour les États sur le désarmement sous tous ses aspects.  L’Inde s’est acquittée récemment de sa contribution à l’égard de l’UNIDIR, a-t-il indiqué à ce propos.  

M. VINICIO MATI (Italie) s’est dit profondément satisfait de l’adoption des recommandations sur les mesures de confiance dans le domaine des armes classiques par la Commission du désarmement.  « Avec ce résultat substantif, elle a été capable de dépasser une impasse historique ».  Il a espéré que ce résultat positif aide à relancer le rôle crucial de la Conférence du désarmement, comme « seul forum de négociations multilatéral sur le désarmement ».  Il a indiqué que la priorité pour son pays était de démarrer rapidement des négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes et autres dispositifs explosifs nucléaires et de poursuivre les efforts sur les garanties de sécurité négatives, « deux initiatives qui représenteraient des pas concrets vers un monde débarrassé des armes nucléaires ».  Affirmant que son pays a toujours soutenu toute proposition concrète permettant de remettre la Conférence du désarmement sur les rails, M. Mati a fait savoir qu’il avait beaucoup apprécié les « riches et productives discussions » dans le cadre du groupe de travail sur la voie à suivre, et qu’il était prêt à soutenir les recommandations du président.  « Nous sommes très déçus qu’elles n’aient pas été adoptées, et espérons qu’elles seront une bonne base pour les futures délibérations de la prochaine session de la Conférence du désarmement », a-t-il indiqué.

M. ENRIQUE JOSÉ MARÍA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) se félicite de l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et de la mise au point des objectifs et de l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale, y voyant des contributions essentielles au mécanisme de désarmement.  Après avoir appelé tous les États à adhérer aux traités liés au désarmement, il a exhorté la communauté internationale à s’abstenir de tous actes contraires aux objectifs de ces traités et à rejeter les essais nucléaires de la République populaire démocratique de Corée.  Il s’est également dit aussi en faveur de l’élaboration d’un programme de travail pour créer d’autres zones exemptes d’armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient, à l’adoption d’un cadre complémentaire au Traité sur le commerce des armes, et à l’adoption de normes multilatérales dans le contexte des technologies de l’information et des communications, afin de réduire le fossé technologique qui sépare les pays développés des pays en développement.  Il a aussi souhaité voir une meilleure participation des femmes dans le domaine de la sécurité.  Il a par ailleurs demandé aux États Membres d’affecter les ressources consacrées à la modernisation de leurs arsenaux à des objectifs de développement durable.

Mme YANILMAZ (Turquie) a dit que les problèmes qui ont entravé les travaux de la Conférence du désarmement n’étaient pas créés par les procédures ou des dynamiques internes.  La Conférence ne travaille pas dans le vide et nous devons nous abstenir d’évaluer le travail de la Conférence en faisant abstraction du reste des efforts de désarmement, a-t-elle estimé, déplorant que la session de 2017 n’ait débouché sur aucun résultat concret.  Elle s’est dite convaincue que la Conférence est dotée du mandat, des règles de procédures et du nombre de membres nécessaires pour s’acquitter de son mandat.  La représentante s’est en revanche félicitée que des recommandations sur les armes classiques aient pu être formulées dans le cadre des travaux de la Commission du désarmement.  Cette avancée nous rappelle qu’il est effectivement possible de procéder par consensus en matière de désarmement.

M. HASSAN (Égypte) a réaffirmé le plein soutien de son pays au mécanisme de désarmement établi lors de la première session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement.  Sur la Conférence du désarmement, il a estimé que le manque de volonté politique empêchait l’adoption d’un programme de travail équilibré susceptible de permettre à cet organe d’exécuter son mandat de négociation des traités.  Il a estimé nécessaire que soient lancées, au sein d’une Conférence du désarmement revitalisée, des négociations sérieuses sur des mesures volontaires et non discriminatoires sur l’élimination des armes nucléaires.  La Commission du désarmement a un potentiel inexploité, a-t-il encore jugé saluant les progrès partiels obtenus en 2017 par cet organe, qui a pu formuler des recommandations sur les armes classiques mais échoué à faire de même sur les armes nucléaires.  Enfin, le délégué égyptien a jugé que la Première Commission était la meilleure enceinte pour jeter des passerelles et faire accepter de nouvelles idées dans le domaine du désarmement et de la sécurité internationale.

M. USMAN JADOON (Pakistan) a rappelé que le mécanisme de désarmement ne pouvait pleinement fonctionner si certains États réclament et obtiennent des avantages au détriment des autres.  Selon lui, des mesures juridiquement contraignantes ne peuvent être adoptées que par consensus et au sein de la Conférence du désarmement.  Or, a-t-il affirmé, certains États bloquent la négociation de nouveaux traités car ils iraient à l’encontre de leurs intérêts particuliers, tandis que d’autres pays veulent obtenir des résultats à tout prix, même si ceux-ci ne sauraient contribuer réellement à la réalisation du désarmement.  Le représentant a appelé à ne pas contourner la Conférence du désarmement, mais à la revitaliser en faisant montre de la volonté politique requise.  Le blocage de la Conférence du désarmement n’est pas la conséquence de problème de procédures ou de méthodes de travail, a-t-il insisté.  Adopter, dans d’autres enceintes et sans consensus, de simples mesures ne permettront pas de résoudre les problèmes posés par le nouvel environnement sécuritaire mondial, a dit le délégué.

M. ABDELKARIM AIT ABDESLAM (Algérie) s’est inquiété du manque de volonté politique manifeste en matière de désarmement nucléaire, et de l’échec à trouver un consensus au tour du programme de travail de la Conférence du désarmement.  À ses yeux, cette situation nuit aux États non dotés de l’arme nucléaire.  La règle du consensus est un moyen de promouvoir un terrain d’entente, a-t-il poursuivi, et ce mécanisme a d’ailleurs contribué au désarmement multilatéral.  Il a souligné que la Conférence du désarmement ne pourra assumer son mandat que si les États Membres font preuve de volonté politique. 

Poursuivant, il a indiqué que sa délégation avait longtemps été préoccupée par le fait que la Commission du désarmement n’ait pas pu tomber d’accord sur des recommandations de fond, pour ensuite se féliciter de l’adoption par consensus du rapport du Groupe de travail II sur les armes classiques.  Il a souhaité qu’une même avancée soit réalisée en matière de désarmement nucléaire.  Il s’est aussi réjoui du fait que le Groupe de travail à composition non limitée chargé d’examiner les objectifs et l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement ait pu adopter un programme et des recommandations par consensus.

M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh) s’est dit préoccupé par l’impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement.  Exhortant les États Membres à faire montre de volonté politique pour que cet organe puisse accomplir son mandat, il a appelé la Haut-Représentante pour les affaires de désarmement à intensifier ses efforts pour mobiliser les États dotés de l’arme nucléaire.  Il s’est ensuite réjoui que la Commission du désarmement ait pu démontrer son potentiel après une longue impasse.  Nous nous félicitons de l’adoption par le groupe de travail II de recommandations concrètes en matière d’armes classiques et espérons la même chose sur le nucléaire, a-t-il ajouté.  Soulignant l’importance de l’éducation et de la recherche en matière de désarmement, il a appuyé le travail utile réalisé par l’UNIDIR.  Il a conclu en clamant la nécessité d’insuffler un nouvel élan au mécanisme de désarmement sur un certain nombre de questions en souffrance.

M. SHUAIB MAHOMED (Afrique du Sud) a estimé entre autres que le cœur du problème expliquant l’impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement depuis deux décennies découlait de la « résistance têtue » d’un petit nombre d’États à ne pas honorer leurs obligations internationales et à ne pas respecter le droit international.  Il a estimé que la poursuite de négociations sur la revitalisation du mécanisme onusien de désarmement, « qui doit être plus inclusif », était nécessaire « si nous voulons renforcer le droit international, qui est la clef de voûte de la promotion de la paix et de la sécurité ». 

Pour M. CRISTINA MARIA CERQUEIRA PUCARINHO (Portugal), la Première Commission, la Conférence du désarmement et la Commission du désarmement devraient travailler en se renforçant mutuellement.  Il a regretté que le mécanisme du désarmement des Nations Unies ait échoué, ces dernières décennies, à remplir ses mandats.  Il a estimé que l’impasse « historique » actuelle ne pourra être dépassée qu’en faisant preuve de volonté politique.  Il a demandé que la Conférence du désarmement soit ouverte à d’autres États Membres, notant que le dernier élargissement remonte à 17 ans et qu’avec 65 membres, la Conférence n’est pas représentative.  Il a rappelé que des pays tels que le sien avaient constamment réaffirmé leur intérêt à en faire partie et a exhorté les États Membres à s’emparer de cette question, jugeant que l’élargissement pouvait constituer « un pas décisif pour sa revitalisation ».  Abordant la question de la Commission du désarmement, le délégué a salué les recommandations de cette année concernant les mesures de confiance dans le domaine des armes classiques.  « C’est une avancée importante, qui met fin à une impasse de 18 ans! », s’est-il félicité.  Il a cependant regretté que le Groupe de travail sur le désarmement et la non-prolifération ait à nouveau échoué à atteindre un consensus.

M. MIROSLAW BROILO (Pologne) a souligné que l’opinion publique et la société civile étaient des composantes essentielles des sociétés modernes, et qu’elles avaient le droit d’attendre davantage de résultats concrets de la part des organisations internationales.  Les citoyens veulent des avancées dans le domaine du désarmement nucléaire, a-t-il souligné, et il est de la responsabilité des États de rompre l’impasse qui empêche la Conférence du désarmement de négocier des traités majeurs sur la question.  Les initiatives prises en dehors du mécanisme onusien de désarmement ne constituent pas des réponses adéquates aux aspirations des populations, a-t-il jugé.

M. BENJAMIN WEISZ (France) a estimé que le consensus est le socle indispensable pour renforcer la confiance entre tous les acteurs de la communauté internationale, dont la société civile, comme pour garantir l’efficacité des mesures prises.  À l’inverse, a-t-il poursuivi, les initiatives qui visent à cliver les débats ne permettent pas de fédérer les efforts autour d’objectifs communs.  La France est profondément préoccupée par cette dynamique qui tourne le dos à l’esprit de la machinerie du désarmement, a-t-il indiqué, regrettant par ailleurs que la Conférence du désarmement n’ait pas pu se réunir durant quatre semaines. 

Au titre des développements encourageants, le représentant a noté que la Conférence du désarmement a décidé par consensus la création d’un Groupe de travail sur les perspectives d’avenir qui a permis des discussions techniques à l’ordre du jour de la Conférence.  Il a ajouté que ces discussions permettent de préparer le terrain au lancement des négociations.  

La Commission du désarmement, a-t-il poursuivi, est aussi parvenue, pour la première fois depuis 1999, à s’accorder fin avril sur des recommandations relatives à des mesures de confiance pratique dans le domaine des armes conventionnelles.  Quant au Groupe de travail chargé d’examiner les objectifs et l’ordre du jour de la quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement, il est parvenu en juin à s’entendre par consensus sur des recommandations quant aux objectifs et à l’ordre du jour.

D’après le délégué français, ces différentes avancées montrent que la machinerie du désarmement peut retrouver sa pleine efficacité.  Il a par ailleurs estimé essentiel que la Conférence du désarmement reste saisie du suivi des graves crises de prolifération, « notamment s’agissant de la Corée du Nord ».  Il a aussi considéré que le traité sur l’interdiction de la production de matières fissiles comme le sujet le plus mûr pour faire l’objet de négociations à la Conférence.

Mme SACHI CLARINGBOULD (Pays Bas) a déclaré que l’impasse persistante de la Conférence du désarmement ne devait pas provoquer une suspension, même partielle et temporaire, de ses travaux.  Nous attachons une réelle importance aux discussions de fond conduites par le Groupe de travail sur la voie à suivre, en particulier celles ayant porté en 2017 sur un traité d’interdiction des matières fissiles à des fins militaires.  C’est, a-t-elle ajouté, à force de souplesse et d’esprit de compromis que la Conférence du désarmement  pourra sortir de l’impasse et redevenir cette enceinte de négociations où les traités de désarmement et de non-prolifération les plus importants ont été créés.  Après s’être dite encouragée par les résultats positifs enregistrés à la Commission du désarmement en 2017, la représentante a appelé les États à s’acquitter de leurs obligations financières pour assurer le bon fonctionnement de l’UNIDIR et du Conseil consultatif pour les questions de désarmement.

M. KIM IN-CHUL (République de Corée) a lui aussi salué l’intérêt des travaux du Groupe de travail sur la voie à suivre à Genève, lesquels, a-t-il dit, montre bien que les États Membres savent tous ce qu’il conviendrait de faire pour revitaliser la Conférence du désarmement et démarrer des négociations de fond sur des traités dont les objectifs ont été fixés.  Le représentant a souhaité que les États surmontent leurs divergences et s’appuient sur les accomplissements du passé de la Conférence pour aller de l’avant.  C’est d’un nouvel élan dont a besoin la Conférence du désarmement, alors que devraient être supprimées quatre semaines de travail à Genève l’an prochain, a souligné le délégué.

Droits de réponse

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a rejeté les attaques des États-Unis qui essaient, selon lui, d’induire en erreur tout le monde.  Affirmant que c’est en raison de la politique hostile des États-Unis que la RPDC persiste à développer son programme nucléaire.  Si les États-Unis ont si peur de nos armes, a-t-il insisté, ils devraient démanteler les leurs et devenir membre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en tant qu’État non doté.  « Ça permettrait de régler tous les problèmes », a-t-il conclu. 

Le représentant des États-Unis a qualifié de « ridicule » le commentaire de la RPDC.  Nous ne sommes pas une menace pour la RPDC, en revanche son comportement à elle préoccupe le monde entier, a-t-il insisté, affirmant qu’il s’agissait bien d’un problème entre la Corée du Nord et la communauté internationale.  « Si la Corée du Nord souhaite rétablir des relations amicales, elle sait ce qu’elle a à faire: mettre fin à ses actions », a-t-il lâché avant de demander au représentant nord-coréen de cesser ses diatribes constantes contre les États-Unis.  « Vous êtes une menace contre le monde », a-t-il déclaré.

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a rétorqué en répétant que c’est en raison des États-Unis que la RPDC possède des armes nucléaires.  Selon lui, les États-Unis essaient de transformer ce problème en un problème international.  C’est une tentative de tromper le monde, a-t-il affirmé, appelant de nouveau les États-Unis à devenir membre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en tant qu’État non doté. 

Le représentant des États-Unis a affirmé que jamais son pays ne reconnaîtrait la Corée du Nord comme État doté de l’arme nucléaire.  

Le représentant de la République de Corée a relevé que, durant le débat sur le mécanisme de désarmement, au moins un tiers des remarques concernaient les provocations de la Corée du Nord.  Il a exhorté ce pays à cesser d’essayer de « nous convaincre que le ciel n’est pas bleu ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Maintien de la paix: à la Quatrième Commission, les États Membres appuient la volonté de réforme du Secrétaire général

Soixante-douzième session,
17e séance – matin
CPSD/646

Maintien de la paix: à la Quatrième Commission, les États Membres appuient la volonté de réforme du Secrétaire général

La Quatrième Commission (décolonisation et questions politiques spéciales) a entamé, aujourd’hui, son débat sur les opérations de maintien de la paix, l’occasion pour les délégations d’apporter leur soutien aux initiatives lancées par le Secrétaire général, M. António Guterres, pour améliorer l’efficacité de ces opérations, en réformant l’architecture en place depuis la création de l’ONU, afin de mieux y intégrer la prévention des conflits et la pérennisation de la paix.

Comme l’ont souligné les États Membres dans leurs interventions, les opérations de maintien de la paix sont l’essence même de l’action des Nations Unies, avec quelque 110 000 Casques bleus déployés dans 15 missions autour de la planète.  Ils ont d’ailleurs tous rendu hommage à leur courage et leur dévotion, rappelant le sacrifice de ceux qui sont tombés sous la bannière de l’ONU, dont 67 en 2017. 

S’ils ont rappelé la nécessité de préserver les principes de la Charte (souveraineté, intégrité territoriale, non-ingérence) et ceux des opérations de maintien de la paix (consentement des parties, impartialité, non-recours à la force sauf en cas de légitime défense), les États ont aussi reconnu la singularité des nouveaux conflits et théâtres d’opération, caractérisés par l’émergence de menaces asymétriques qui impliquent des acteurs non étatiques ou des organisations terroristes qui menacent directement les Casques bleus et compliquent l’exécution de leur mandat, dont la priorité reste la protection des civils.  À l’instar de l’Inde ou de l’Indonésie, plusieurs pays contributeurs de troupes ont rappelé l’importance de la définition de mandats clairs et réalisables par le Conseil de sécurité, avec les ressources financières et matérielles adaptées.

Reconnaissant toutefois que ce nouveau contexte a transformé profondément la notion de « maintien de la paix », conduisant parfois à l’échec ou la prolongation excessive de certaines opérations de maintien de la paix, les délégations ont apporté leur soutien à la réforme souhaitée par le Secrétaire général.

S’exprimant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), la représentante d’El Salvador a rappelé que les opérations de maintien de la paix « ne sont pas une fin en soi » mais « un instrument pour mener à des solutions pacifiques » devant intégrer « un processus de paix parallèle, inclusif et bien planifié ».  Au nom du Mouvement des pays non alignés, le Royaume du Maroc a estimé que ces opérations devaient « s’accompagner d’efforts en matière de redressement économique et de renforcement des capacités des États ».  Pour l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), l’Indonésie a insisté pour que des solutions politiques figurent « au cœur de la conception des mandats et de la décision de déploiement » des opérations de maintien de la paix.

De son côté, la Jamaïque, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a mis en avant la nécessité de « comprendre les causes profondes des conflits pour créer une paix durable », en aidant tout particulièrement les États à bâtir des institutions solides qui permettent de prévenir le retour de conflit et de renforcer leur résilience.  À cet égard, son représentant a salué la création de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH).

La représentante de l’Union européenne a aussi appelé à s’attaquer aux racines des conflits, saluant d’une part les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de maintien de la paix, ainsi que le concept de « pérennisation de la paix » défendu par le Secrétaire général. « Aucune opération de maintien de la paix ne peut se substituer à un règlement politique, via la médiation, le dialogue et la prévention », a-t-elle expliqué, défendant une ONU plus tournée « vers le terrain et les peuples ».

Faisant le même constat que les opérations de maintien de la paix doivent devenir plus efficaces et plus adaptées aux conflits actuels, le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, M. Atul Khare, a rappelé dans son propos liminaire la volonté de son département d’améliorer le soutien aux missions en réformant la planification, la budgétisation, la délégation de l’autorité et la chaîne d’approvisionnement, afin de rapprocher la prise de décisions du terrain et de renforcer la confiance et la transparence.  Il a insisté sur les efforts déployés pour être plus rapide et performant en éliminant les obstacles bureaucratiques ou les doublons de structures.

De son côté, le Sous-Secrétaire général à l’état de droit et aux institutions chargées de la sécurité au Département des opérations de maintien de la paix, M. Alexandre Zuev, a rappelé le succès de l’ONU au Libéria ou en Côte d’Ivoire, reconnaissant les difficultés d’autres missions comme celles au Darfour (MINUAD), en République centrafricaine (MINUSCA) ou en République démocratique du Congo (MONUSCO).  Il a d’ailleurs mis en avant les efforts déployés pour améliorer l’efficacité de ces missions, avec un plan d’évaluation des performances, expérimenté avec la MONUSCO.  Au-delà de la gestion des missions, il a également insisté sur la dimension politique des opérations de maintien de la paix, sur l’importance de la prévention et de la médiation, en impliquant les acteurs régionaux, citant en exemple l’Union africaine.

Soutenant aussi la réforme de l’architecture du maintien de la paix défendue par le Secrétaire général, le CANZ (Australie, Canada et Nouvelle-Zélande) a défendu la création d’une structure politico-opérationnelle unique, placée sous la direction de sous-secrétaires généraux régionaux, qui permettrait plus de cohérence et d’adaptation au contexte régional.

Le représentant de la République islamique d’Iran a toutefois appelé à faire preuve de prudence en la matière, notant que le nom même d’un nouveau « département des opérations de paix » est évocateur d’un « changement considérable ».  Renchérissant, le Royaume du Maroc pour le Mouvement des pays non alignés et El Salvador pour la CELAC ont demandé que la création de ce nouveau département soit examinée dans un esprit de consensus et sans outrepasser le Comité spécial des opérations de maintien de la paix, « seul organisme intergouvernemental habilité à examiner tous les aspects de ces opérations ».

La Quatrième Commission poursuivra son débat jeudi 26 octobre 2017, à partir de 10 heures.

ÉTUDE D’ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS

Déclarations liminaires

M. ATUL KHARE, Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, a rappelé le rôle important des pays contributeurs de troupes et le sacrifice, le dévouement et le courage des 110 000 Casques bleus déployés dans 15 missions.  Il a rappelé la nécessité de rendre les opérations de maintien de la paix plus efficaces, pour leur permettre d’atteindre les objectifs qui leurs ont été fixés.  Les Nations Unies, a-t-il souligné, doivent devenir une organisation qui privilégie le terrain, a-t-il affirmé.  Il a ensuite indiqué que la réforme initiée par le Secrétaire général des Nations Unies était en cours pour améliorer les performances, rendre les missions plus rapides, plus efficaces et plus responsables. 

Il a déploré que le soutien aux opérations de maintien de la paix soit ralenti par des services qui ne sont pas livrés, la fragmentation des structures, la microgestion de certaines structures, et des ressources inadéquates.  Face à ces défis, a indiqué M. Khare, le Secrétaire général a proposé un changement majeur qui met l’accent sur l’amélioration de la budgétisation et de la planification, pour soutenir les prises de décisions.  La réforme vise aussi à assurer une meilleure délégation de l’autorité aux gestionnaires de programmes et à modifier la gestion et le soutien aux structures du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP).  Il a précisé que l’objectif était de rapprocher la prise de décisions du terrain, de renforcer la confiance dans les gestionnaires, d’améliorer la transparence et la redevabilité, de réduire les doublons de structures et d’améliorer le soutien aux missions. 

Le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions a ensuite rappelé que l’une de ses préoccupations restait la sécurité des Casques bleus.  Il a également rappelé l’impact préjudiciable de la mauvaise conduite de certains membres du personnel sur la réputation des opérations de maintien de la paix.  Il a ensuite souligné que le Secrétaire général a fait de l’élimination des abus sexuels sa priorité en instaurant un Programme d’action pour lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles, précisant que le Département de l’appui aux missions travaillait à la mise en œuvre de ce programme, ainsi que de la résolution 2272 du Conseil de sécurité sur la pénalisation des abus sexuels.  Il a ensuite indiqué que le nombre de cas de mauvaises conduites du personnel des opérations de maintien de la paix avait diminué en 2017, 50 allégations d’abus sexuels ayant été recensés, comparés aux 89 cas enregistrés en 2015 et aux 55 enregistrés en 2016. 

Il a expliqué que le contrôle de la conduite et de la discipline dans les opérations de maintien de la paix avait été renforcé, et que des rapports trimestriels et annuels sur la conduite et la discipline sont également rédigés.  

M. Khare a ensuite souligné l’importance de renforcer la gestion des ressources et l’impact environnemental des opérations de maintien de la paix.  Il a parlé des progrès réalisés grâce à la mise en place d’un système de gestion de l’environnement, précisant que les budgets des opérations de maintien de la paix intégraient aussi des indicateurs de normes de performance dans ce domaine.  Il a également souligné les efforts déployés pour améliorer le déséquilibre géographique et de genre existant dans certaines missions.

Abordant la question de la gestion de la chaîne d’approvisionnement, il a fait part de la volonté de disposer d’un processus plus clair, avec une meilleure synchronisation entre les planificateurs, les fournisseurs et les distributeurs de biens et services.  Il a ainsi expliqué que la Division du soutien logistique avait été réformée.  Il a ensuite insisté sur une meilleure intégration des nouvelles technologies et de l’innovation, avec le développement de la première phase du portail « UMOJA Extension 2 » dédié à la chaîne d’approvisionnement intégrant le système Galileo.  Il a également mis en avant le développement d’outils pour la protection des camps de Casques bleus, à Kidal, au Mali, indiquant que ces outils seraient disponibles dans toutes les zones où cela serait nécessaire.  Il a ajouté qu’un programme de sensibilisation aux situations avait aussi été lancé au Mali afin de standardiser la gestion de l’information et du renseignement, dans le cadre de la politique de collecte de renseignements des opérations de maintien de la paix. 

Abordant la question du renforcement du maintien de la paix, le Secrétaire général adjoint a une nouvelle fois insisté sur la coopération étroite avec le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) pour améliorer les performances en dépit de ressources limitées.  Il a toutefois fait part des défis à relever, pointant notamment l’insuffisance des équipements à disposition des contingents.  « Les missions ne peuvent pas protéger les civils et remplir leurs mandats si elles ont un équipement inapproprié », a-t-il souligné, avant d’encourager les États Membres à fournir des équipements. 

M. Khare a ensuite cité des exemples de réussite, tels que les partenariats triangulaires lancé depuis deux ans avec le soutien du Japon pour former des militaires de Tanzanie ou de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), ainsi que les partenariats renforcés avec l’Académie militaire d’Entebbe, en Ouganda.  « Les organisations régionales comme l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) restent des partenaires clefs pour nous, tout comme l’Union africaine », a-t-il noté, insistant sur la coopération avec l’Union africaine pour renforcer les capacités des missions en Somalie et au Darfour.

En conclusion, le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions a souligné que la réforme lancée par le Secrétaire général allait permettre d’opérer de manière plus efficace.  « Avec les changements proposés, nous serons mieux à même de remplir nos mandats, de stopper les cas de mauvaise conduite du personnel des opérations de maintien de la paix et de mieux équiper nos Casques bleus », a-t-il expliqué. 

M. ALEXANDRE ZUEV, Sous-Secrétaire général à l’état de droit et aux institutions chargées de la sécurité au Département des opérations de maintien de la paix, a déclaré que le maintien de la paix est un moyen efficace pour édifier les États, ainsi que pour éviter la reprise de conflits.

Bien qu’elle soit surtout la victoire du peuple du Libéria, le fait que ce pays ait pu organiser des élections justes et libres en s’appuyant sur les institutions nationales, est aussi une preuve que le travail de la Mission des Nations Unies au Libéria a porté ses fruits, a-t-il poursuivi, précisant qu’en Côte d’Ivoire et à Haïti, et dans de nombreux autres pays du monde, « nous avons vu que le maintien de la paix pouvait faire la différence ».  Il a cependant reconnu l’existence de difficultés, rappelant les « échecs tragiques en matière de protection des civils » et affirmant son engagement dans la lutte contre l’exploitation sexuelle.

Tout en signalant que les opérations de maintien de la paix « ont su s’adapter, évoluer et ont toujours prouvé leur utilité », il a pointé une série de nouveaux défis, citant notamment les environnements asymétriques, les groupes armés qui ciblent les soldats de la paix, le fléau du crime organisé, la prolifération d’une nouvelle génération d’armes difficiles à contrôler, ainsi que les acticités de groupes armés guidés par une idéologie extrémiste.  « Nous devons apprendre à répondre à ces phénomènes », a-t-il indiqué notant que les accords politiques conclus par les élites ou les élections peuvent ne pas régler seuls de tels problèmes de violence.

Il a aussi noté l’existence de conflits de plus en plus prolongés, qui se traduisent par une longue présence des missions sur le terrain, comme au Darfour, en République démocratique du Congo ou en République centrafricaine.  Tout en reconnaissant que la stratégie politique doit primer dans les opérations de maintien de la paix, il a estimé que renforcer des institutions alors que le consentement du gouvernement d’accueil diminue, ou protéger les civils malgré l’absence d’un processus politique pose question.  « Nous nous demandons parfois si nous ne sommes pas trop ambitieux », a-t-il indiqué.  Il s’est aussi préoccupé du manque d’unité de la communauté internationale pour régler nombre de différends. « Gérer les intérêts régionaux et équilibrer le rôle de l’ONU avec ceux qui sont sur le terrain présente un vrai défi pour l’Organisation », a-t-il commenté.

Comment fonctionner dans le contexte actuel? a poursuivi M. Zuev, soulignant que l’ONU doit mieux comprendre et définir son rôle politique.  Poursuivant en français, il a indiqué que les réformes annoncées par le Secrétaire général au mois de septembre renforceront la cohérence et le caractère conjoint des efforts, permettront un soutien plus flexible et adapté aux besoins du terrain, ainsi qu’un meilleur usage d’outils d’intervention à la disposition du Secrétariat.  Il a aussi indiqué que l’élimination et la lutte contre les abus sexuels figurent au cœur de ces initiatives de réforme.

Pour sa part, M. Zuev a aussi initié un plan pour améliorer la performance générale des missions, en s’appuyant sur des « évaluations stratégiques et franches », qui encouragent une meilleure exécution des mandats et une obligation de résultat au Siège et sur le terrain.

Il a précisé que l’examen de la revue stratégique de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) est la première étape de ce processus.  « La capacité de notre mission la plus importante et la plus couteuse à se transformer en outil plus dynamique et plus flexible sera une mesure du succès des réformes du Secrétaire général.  Concrètement, il s’agit d’évoluer vers une présence plus flexible, ciblée et mobile avec une structure de commandement intégrée » a-t-il précisé.

Il a aussi appelé à adapter le maintien de la paix au contexte du conflit concerné et à l’espace politique pour mettre en œuvre les mandats en toute sécurité.  Il a parlé de mécanismes de mise en œuvre de mandat à distance, grâce aux technologies et au partenariat, qui peuvent offrir des voies novatrices pour les principales tâches, y compris la protection des civils et le renforcement des institutions.

Poursuivant en russe, M. Zuev s’est attardé sur le rôle politique des opérations de maintien de la paix, indiquant qu’il présente un problème complexe. Il a indiqué que lorsqu’une crise est de nature politique, l’ONU ne peut pas imposer la paix de force et a appelé le Conseil de sécurité à établir des mandats clairs, à avoir une position unifiée et à rappeler que le travail diplomatique sur le terrain est essentiel pour obtenir un accord politique du gouvernement d’accueil.  « Il faut aussi penser aux conditions politiques de la fin de l’opération », a-t-il ajouté.  M. Zuev a aussi invité les pays fournisseurs de contingents à apporter leur contribution aux discussions sur la création des mandats et l’examen des indicateurs d’exécution des missions.

Reprenant la parole en anglais, il a rappelé que l’espace politique de la médiation et de la gestion des conflits se partageait aujourd’hui avec les acteurs régionaux.  « Il faut nouer des partenariats plus forts et définir la valeur ajoutée de ces partenariats.  C’est aussi une question de cohérence politique et stratégique », a-t-il insisté.  Il a cité le G5 Sahel comme exemple de cette volonté de coopérer, ainsi que l’accord-cadre entre l’Union africaine et l’ONU et le travail avec l’Union européenne sur différentes questions.  Il a aussi appelé à mieux définir les stratégies de sortie des missions et de les lier aux processus de transition politique.

Sur le plan des capacités et de la performance opérationnelle M. Zuev a noté que des progrès significatifs réalisés depuis 2015, précisant que 83 États Membres se sont inscrits au Système de préparation des moyens de maintien de la paix, « un succès impressionnant deux ans après sa création ».  Il a fait part de son espoir que la rencontre des ministres de la défense qui se tiendra à Vancouver les 14 et 15 novembre, permettra de fournir des capacités facilitatrices aux missions et d’augmenter le nombre de femmes en uniforme pour atteindre 15% pour les officiers et 20% pour la police.

M. Zuev a par ailleurs indiqué que l’année dernière, l’ONU a fourni un encadrement aux missions et aux fournisseurs de contingents sur le danger des engins explosifs improvisés et qu’elle s’apprête à achever une politique d’évacuation des blessés.  Il a aussi cité l’adoption d’une politique de renseignement, pour faciliter la collecte et l’analyse d’informations.  Sur le plan de la performance opérationnelle, il a expliqué que près de 35% des unités déployées avaient été certifiés par les États Membres, appelant ces derniers à renforcer la conformité avec les exigences de certification.  « Nous avons également commencé à mettre en œuvre un plan de réforme visant à augmenter la performance à travers des procédures de recrutement plus rigoureuses, un cadre politique plus robuste et une adaptation des compétences et capacités politiques aux mandats d’aujourd’hui », a-t-il fait savoir.

Débat général

M. ABDERRAZZAK LAASSEL (Maroc), au nom du Mouvement des pays non alignés, a demandé une approche plus prudente suite aux évolutions récentes dans le domaine des opérations de maintien de la paix.  Il a notamment souligné que la création d’un nouveau « département de paix », avec un basculement de la notion d’opération de maintien de la paix à celle d’opération de paix, doit être examinée de manière attentive et prudente.  Il a également estimé que la création de toute nouvelle politique doit bénéficier du consensus des États Membres, appelant le Secrétariat à éviter de mettre en œuvre des politiques qui n’ont pas encore été approuvées.  Le représentant a aussi fait part de son espoir que les prochaines sessions du Comité spécial des opérations de maintien de la paix seront différentes des précédentes, et permettront de renforcer la pertinence du rapport annuel et de le rendre plus facile à utiliser.

M. Laassel a ensuite rappelé que la création d’opérations de maintien de la paix et la prorogation de leurs mandats devaient se faire dans le strict respect des principes énoncés dans la Charte.  Il a demandé au Conseil de sécurité de créer des mandats clairs et réalistes, en collaboration avec les pays fournisseurs de contingents et à s’abstenir d’adopter à la hâte des mandats sans fondement politique, ni ressources suffisantes ou qui ne peuvent pas être mis en œuvre.  Il a souligné qu’une planification intégrée est primordiale pour obtenir des succès, appelant par ailleurs à éviter de changer les mandats des missions sans consultation avec les pays fournisseurs de contingents.  Le représentant a aussi insisté sur l’importance d’une coopération triangulaire entre pays fournisseurs, le Secrétariat et le Conseil de sécurité, précisant que le Mouvement des non-alignés appuyait le remaniement complet des modalités de cette coopération afin de la rendre plus efficace.

M. Laassel a ensuite fermement condamné toute forme d’exploitation sexuelle commise par le personnel de Nations Unies et a réitéré son appui à la politique de tolérance zéro.  Il a insisté sur le fait que les enquêtes et les poursuites devaient se faire au sein des juridictions nationales des pays concernés.  Il a salué les efforts du Secrétaire général et des pays fournisseurs de contingents, ajoutant que cette lutte est une responsabilité de tous les États Membres, et qu’elle doit être prise au sérieux.

En matière d’appui financier et humain, il a salué la dernière augmentation du taux de remboursement, et a appelé à un échange d’information en vue de la prochaine augmentation en 2017.  Il s’est ensuite penché sur la question de la sécurité du personnel du maintien de la paix, soulignant que la collecte d’information peut y contribuer mais que des inquiétudes persistent à cet égard.  Il a rappelé l’importance de trouver un consensus à ce sujet, notamment au sein du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (C34), afin de développer plus avant le cadre politique.

M. Laassel a aussi estimé que le maintien de la paix doit être accompagné d’efforts en matière de redressement économique et de renforcement des capacités. Les opérations ne doivent pas non plus être utilisées comme alternatives à la lutte contre les causes profondes des conflits ou pour gérer les conflits eux-mêmes, a-t-il ajouté, précisant que la gestion des conflits doit se faire par le biais d’outils politiques, sociaux et de développement afin d’arriver à une transition douce qui permet une paix, une sécurité et un développement durables.

Le Mouvement a aussi demandé la tenue de consultations avec les États Membres sur les moyens d’assurer la protection du personnel des missions, leur sécurité restant une préoccupation majeure pour les pays fournisseurs de contingents.  Il a en outre souligné que la protection des civils est la responsabilité première des États, et que cet argument ne doit pas être utilisé comme justificatif unique pour le déploiement de troupes.  Il a aussi appelé à répondre aux problèmes liés au manque de ressources et à la difficulté à fournir des troupes et des équipements pour les opérations militaires.

Enfin, M. Laassel a appelé les Nations Unies à intensifier leur appui aux opérations de maintien de la paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité en leur octroyant un financement prévisible et durable.

En tant que groupe qui comporte le plus grand nombre de pays fournisseurs de contingents, le Mouvement a par ailleurs rendu hommage à tous ceux qui ont perdu leur vie en défendant la cause de la paix.  Il a demandé que le monument aux soldats de la paix, qui se trouve au Siège de l’ONU, soit plus visible et accessible aux visiteurs.

Intervenant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), Mme CARLA ESPERANZA RIVERA SÁNCHEZ (El Salvador) a souligné que les opérations de maintien de la paix « ne sont pas une fin en soi » mais un instrument politique pouvant mener à des solutions pacifiques négociées et à des processus de paix viables et durables.  Le maintien de la paix s’est révélé être un des outils les plus efficaces à la disposition des Nations Unies pour aider les pays à traverser le chemin difficile du conflit à la paix, d’où la nécessité, a-t-elle affirmé, de renforcer ses capacités opérationnelles et sa structure organisationnelle. 

Prenant note du processus de réforme enclenché par le Secrétaire général, elle a encouragé ce dernier à poursuivre les consultations avec les États Membres, ajoutant que le Comité des 34 est le seul organisme intergouvernemental habilité à examiner tous les aspects de ces opérations.  Dans ce contexte, elle a souligné que toutes ces opérations devaient strictement honorer les buts et principes de la Charte, de même que les principes qui sont venus s’ajouter avec le temps: consentement des parties, impartialité, et non recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat.  El Salvador a aussi estimé que, pour être réellement efficaces, les opérations de maintien de la paix doivent jouir, dès le début, d’un appui politique, de ressources humaines, financières et logistiques suffisantes, ainsi que de mandats clairement définis et viables.  Elle a mis l’accent, à ce propos, sur la transition du maintien de la paix à la consolidation. 

Préoccupée par l’augmentation de pertes en vies humaines là où se trouvent ces opérations, elle a jugé que celles-ci devraient toujours être accompagnées d’un processus de paix parallèle et inclusif, bien planifié et soigneusement conçu, épaulé par le consentement et l’adhésion des parties concernées.  Elle a aussi qualifié d’essentielles les stratégies de sortie, recommandant notamment la mise en place, sous la houlette de l’État concerné, d’un cadre de sécurité établissant une stratégie à long terme, axée sur la stabilité politique et le développement socioéconomique.  El Salvador a aussi dit sa gratitude à tout le personnel de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), en particulier les contingents et les forces de police, et salué la création de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH). 

La représentante a par ailleurs insisté sur la nécessité de resserrer la coordination entre les opérations de maintien de la paix et la Commission de consolidation de la paix, ainsi qu’avec tous les programmes, fonds et organismes spécialisés de sorte à mettre davantage l’accent sur la corrélation étroite entre paix et développement.  Elle a en outre reconnu le rôle indispensable des femmes et des jeunes dans la résolution des conflits.  

Mme GILIAN BIRD (Australie), au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a constaté que la nature des opérations de maintien de la paix a beaucoup changé en 70 ans.  À ce titre, elle a soutenu l’ambitieux agenda de réforme des opérations de maintien de la paix initié par le Secrétaire général. Selon elle, une seule et unique structure politico-opérationnelle placée sous la direction de sous-secrétaires généraux régionaux, permettra d’assurer une plus grande cohérence du système et de s’assurer que ces missions de maintien de la paix sont bien alignées avec le contexte régional dans lequel elles opèrent.  Elle a aussi appuyé la réforme de la gestion, soulignant que l’autorité doit être déléguée au terrain pour rendre les opérations de maintien de la paix plus souples et plus efficaces.  Elle a appelé les États Membres à être à la hauteur du niveau d’ambition que s’est fixé le Secrétaire général.  Ce n’est pas le moment de travailler comme d’habitude, a-t-elle affirmé.

La représentante a par ailleurs estimé que la Commission spéciale pour les opérations de maintien de la paix peut faire mieux, l’engageant à revoir ses méthodes de travail pour produire des orientations politiques claires.  Rappelant que 67 Casques bleus ont trouvé la mort cette année, la déléguée a ensuite appelé à renforcer les capacités opérationnelles des missions afin de mieux protéger ces soldats qui sont « attaqués au seul motif qu’ils font du maintien de la paix ». Elle a aussi exhorté les Nations Unies à accroître le contingent des femmes au sein de ces opérations et à New York.  Cette recommandation n’a rien de « politiquement correcte » mais est au contraire un facteur fondamental de succès et de paix durable, a-t-elle commenté.

Mme Bird a par ailleurs appelé à combler les écarts linguistiques, notamment au sein des missions déployées dans des environnements francophones.  Elle a aussi insisté sur la protection des civils, véritable baromètre du succès de ces missions, dénonçant les cas d’abus sexuels et la persistance de graves violations à l’encontre d’enfants.  Elle s’est aussi félicitée de la tenue, au mois de novembre, à Vancouver, de la Réunion des Ministres de la défense sur le maintien de la paix des Nations Unies, y voyant l’occasion de véritablement faire réformer et améliorer le maintien de la paix.

Après avoir salué, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’engagement des 100 000 Casques bleus au service de la paix dans le monde et honoré la mémoire de ceux qui y ont laissé leur vie, M. E. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a salué la création de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) pour une période de six mois courant du 16 octobre 2017 au 15 avril 2018.  « Afin de consolider les progrès réalisés en Haïti et maintenir un environnement propice au développement durable, la communauté internationale doit rester activement engagée dans un partenariat effectif avec le Gouvernement et la population d’Haïti », a-t-il indiqué.

M. Rattray a ensuite déclaré que le débat sur le maintien de la paix était complémentaire à l’examen décennal de l’architecture de consolidation de la paix, et a appelé à une coordination étroite entre les deux secteurs.  Il a par ailleurs affirmé que la « synergie naturelle entre paix, sécurité et développement » figure au centre de la proposition de réforme du Secrétaire général concernant le pilier paix et sécurité, et qui vise l’établissement d’un département unique qui intègrerait le Département des affaires politiques au Bureau d’appui à la consolidation de la paix.  « Nous anticipons que cela permettra une approche plus holistique dans la prévention des conflits, la construction de la paix, et sa durabilité », a-t-il indiqué.

Le représentant de la CARICOM s’est ensuite longuement attardé sur la participation active des femmes dans la prévention et la résolution des conflits, le maintien et la consolidation de la paix, et dans les efforts de promotion de la paix et la sécurité internationales.  Il s’est notamment réjoui que le Bureau des affaires militaires ait accepté d’engager des femmes officiers et lieutenants et a salué l’objectif d’atteindre 15% de femmes officiers et observateurs militaires.  Il a toutefois jugé nécessaire d’assurer une plus grande institutionnalisation de la sexospécificité dans toutes les missions militaires et de maintien de la paix.

M. Rattray est ensuite revenu sur les actes d’abus sexuels commis par le personnel du maintien de la paix, se disant pleinement en faveur de l’approche « Tolérance zéro ».  Il a appelé à placer les droits et la dignité des victimes au centre des efforts pour mettre fin à l’impunité.  Il a aussi appelé à renforcer l’engagement avec la société civile et des acteurs nationaux et internationaux clefs.

Poursuivant, il a mis en évidence le besoin de missions de maintien de la paix bien équipées, disposant de ressources appropriées face aux risques accrus sur le terrain.  Il s’est dit encouragé par l’usage des avancées technologiques, notant les cours en ligne multilingues et gratuits offerts par l’Institut de formation aux opérations de paix.

Enfin, M. Rattray a rappelé que la CARICOM attachait une grande importance à la participation des pays fournisseurs de troupes et de policiers dès la création initiale des mandats, et a souligné le besoin d’une « coopération triangulaire efficace et transparente » entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays fournisseurs de contingents ou de personnels de police pour faire face aux défis du maintien de la paix.

M. DANNY RAHDIANSYAH (Indonésie), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a pris note du processus de réforme de l’architecture du maintien de la paix et de la sécurité, tout en soulignant qu’il importe aussi de disposer des moyens et capacités de s’acquitter des mandats et d’assurer la sécurité des Casques bleus.  L’ASEAN a ensuite rappelé que les principes d’impartialité et d’usage de la force seulement à des fins de légitime défense doivent être réaffirmés, en dépit des défis de plus en plus relevés auxquels font face les missions.  Il a aussi estimé que des solutions politiques devaient figurer au cœur de la conception des mandats et de la décision de déployer des missions de maintien de la paix.  Tout en condamnant fermement les actes de violence perpétrés à l’encontre des Casques bleus, le représentant a estimé que ceux-ci ne devaient pas constituer une excuse pour lancer ces unités dans des opérations de contre-terrorisme.  « La neutralité et la crédibilité des Casques bleus est essentielle », a-t-il souligné.

 Le représentant a également partagé les préoccupations de la communauté internationale sur la question des abus sexuels.  Il a aussi appelé à adopter des mesures novatrices pour augmenter le nombre de femmes Casques bleus.  Il a aussi insisté sur l’importance d’un engagement précoce et de tenir des consultations rapprochées entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays fournisseurs de contingents ainsi que les acteurs régionaux et les pays hôtes non seulement lors de l’élaboration et de l’ajustement des mandats des missions, mais aussi lors de l’examen de toute question stratégique ou politique affectant les opérations.  Leur connaissance du terrain peut apporter des informations pertinentes, a soutenu le délégué.

Intervenant ensuite en sa capacité nationale, le représentant de l’Indonésie a souhaité une plus grande coopération entre le Secrétariat et les pays contributeurs de contingents.  Il a aussi estimé que la refonte de l’architecture de paix et de sécurité doit se faire en tandem avec une réforme sur le plan de la gestion.  Il a exprimé sa vive inquiétude quant au manque de financement et de capacités que rencontrent ces missions, pour ensuite appeler le système des Nations Unies à veiller davantage à la sécurité et au bien-être des Casques bleus et du personnel civil sur le terrain.  Il a aussi appelé la communauté internationale à accroître le nombre de femmes dans les opérations de maintien de la paix, précisant que l’Indonésie a déployé 258 femmes militaires dans quatre missions.

Rappelant finalement son implication dans la prévention des abus sexuels, il a indiqué que son pays avait été un des premiers à signer, le 18 septembre 2017, l’engagement volontaire.

Mme NARCISSA VLADULESCU, de l’Union européenne, a salué les efforts lancés par le Secrétaire général pour mettre en œuvre les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de maintien de la paix, ainsi que le lancement de la réforme de l’architecture des opérations de maintien de la paix qui cible notamment la prévention des crises, leur meilleure gestion, l’amélioration des méthodes de travail, le renforcement du leadership, de la transparence et de la redevabilité.

Elle a estimé que les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargée d’étudier les opérations de maintien de la paix avaient permis d’améliorer l’avenir de l’architecture de la paix et de la sécurité internationales, se félicitant que le Secrétaire général des Nations Unies ait mis en avant le rôle clef du partenariat entre l’Union européenne et les Nations Unies pour la stabilité internationale.  L’Union européenne entend d’ailleurs renforcer ce partenariat, notamment sur le modèle trilatéral avec l’Union africaine.

La représentante a ensuite souhaité que les meilleures pratiques en termes de conduite et de discipline soient observées et que les leçons du passé soient tirées.  Elle a aussi souligné l’importance essentielle d’apporter des solutions politiques aux conflits, de traiter de leurs causes profondes et donner la priorité à la prévention.  Saluant la formule de « pérennisation de la paix », elle a ajouté qu’aucune opération de maintien de la paix ne pouvait se substituer à un règlement politique, via la médiation, le dialogue et la prévention.

Abordant la question de la protection des civils et de la prévention des crimes de masse, la représentante a insisté pour qu’elles soient le dénominateur commun des opérations de maintien de la paix, rappelant l’importance de s’assurer que les missions disposaient d’un mandat adéquat.  Elle a également insisté sur l’importance de la protection des enfants et des femmes, notamment contre les violences et abus sexuels.  Elle a indiqué que l’Union européenne soutenait une meilleure prise en compte des problématiques de genre dans la résolution des conflits, mettant aussi en avant le rôle de l’implication des acteurs locaux pour la protection des civils.  « Renforcer la police, la justice et les institutions de redressement est une mesure de sauvegarde cruciale de l’état de droit », a-t-elle souligné.

La représentante a également rappelé le besoin pour les Casques bleus de disposer de mandats clairs, cohérents et réalistes, avec une composante droit de l’homme forte, ainsi qu’une stratégie de sortie de crise.  Elle a insisté aussi sur l’entrainement, la formation et l’équipement des missions. 

Elle a aussi souligné l’importance de diminuer l’impact environnemental des opérations, indiquant que si les missions devaient disposer de ressources adéquates, elles devaient aussi s’assurer que ces ressources étaient utilisées de la bonne manière, avec transparence et redevabilité.

La représentante a aussi parlé de l’importance de l’information et du renseignement dans des environnements critiques et dangereux, non seulement pour assurer la réussite des missions mais aussi pour veiller à la sécurité du personnel onusien.  Elle a encouragé le recours à des nouvelles technologies et a estimé que les missions doivent aussi disposer d’un soutien médical adapté.

M. JULIO CÉSAR ARRIOLA (Paraguay) a souligné que le Paraguay, en tant que pays contributeur de troupes, était très attaché à la mise en œuvre efficace des mandats des opérations de maintien de la paix auxquels il participe.  Fort de ce principe, il a rappelé que son pays avait créé le centre d’entrainement conjoint des opérations de paix (CECOPAZ), dont la fonction première est de former le personnel militaire des Nations Unies, en vue de son déploiement. 

Dressant, par ailleurs, l’historique de la participation croissante du Paraguay aux opérations de maintien de la paix, le représentant a rappelé que son pays avait participé à sa première opération en 1998, sous la bannière du contingent argentin, dans le cadre de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP).  Par la suite, a-t-il poursuivi, le Paraguay a déployé du personnel au sein de contingents menés par d’autre pays, y compris, à partir de 2001, auprès de la Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE) et de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).  En 2006, le Paraguay a pour la première fois déployé un peloton entier au sein du bataillon brésilien de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  Puis, en décembre 2010, le pays s’est vu confier les rênes de son premier bataillon, toujours dans le cadre de la MINUSTAH. 

Aujourd’hui, a précisé le représentant, le Paraguay participe à cinq des 14 missions en exercice.  Dans le cadre de la réforme des opérations de maintien de la paix, le représentant a principalement appelé à renforcer le mandat de protection des civils des missions, notamment en clarifiant les règles régissant ce volet.

M. HOSSEIN MALEKI (République islamique d’Iran) a appuyé la proposition de réforme du Secrétaire général, tout en appelant à faire preuve de prudence, notamment en ce qui concerne la création d’un nouveau « Département des opérations de paix », dont le titre, a-t-il relevé, est évocateur d’un changement considérable.  Après avoir apporté son appui aux principes directeurs du maintien de la paix, le représentant a rappelé que les normes de conduite les plus élevées étaient attendues du personnel des Nations Unies, notamment des Casques bleus de l’ONU.  Il a déclaré attendre du Secrétaire général des actions « décisives et nécessaires » pour mettre fin à l’« acte odieux et inhumain » que constituent l’exploitation et les abus sexuels.  Pour sa délégation, toute intervention militaire par les Nations Unies ou d’autres forces étrangères au prétexte de protéger les civils devraient être évitée, cette protection relevant de la responsabilité première des États.  M. Maleki a également été d’avis que les organisations régionales ne devraient « en aucune façon » se substituer à l’ONU lorsqu’il s’agit d’assumer la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales. 

M. BHARTRUHUARI MAHTAB (Inde) a souligné que le contexte des opérations de maintien de la paix avait changé en sept décennies, les conflits entre États ayant laissé la place à une profusion de conflits intra-étatiques, impliquant des acteurs non étatiques et des organisations internationales terroristes.  « Cela a de sérieuses implications sur l’efficacité des opérations de maintien de la paix », a-t-il ajouté.  Il a également déploré que de nombreuses situations de conflit se poursuivent en raison de l’incapacité des membres du Conseil de sécurité à s’entendre, à cause d’intérêts géopolitiques majeurs divergents.

Le représentant a constaté qu’en raison de l’implication croissante d’acteurs non étatiques dans les conflits, la pression s’accroissait pour confier des mandats plus « robustes » aux opérations de maintien de la paix, « au risque d’être en conflit avec ces principes ».  Il a également rappelé que les défis auxquels étaient confrontés les Casques bleus devenaient « de plus en plus complexes et dangereux ».

Dans ce contexte et pour permettre aux Casques bleus d’être plus efficaces, le représentant a estimé important qu’ils disposent d’un « mandat clairement défini, avec des objectifs clairs, une structure de commandement claire et des ressources adaptées.  Il a aussi jugé indispensable d’institutionnaliser des consultations des pays contributeurs de troupes.

Rappelant les incidents survenus dans le domaine de la protection des civils, le représentant a insisté pour que tous les efforts visant à établir une politique de performance et de redevabilité prennent en compte la clarté du mandat et la spécificité de la situation, et qu’elle s’applique aussi aux responsables onusiens à tous les niveaux.

Il a estimé qu’alors que l’attention se focalise sur le renforcement de la logistique, les engagements accrus des États Membres, le déploiement de nouvelles technologies ou encore le renforcement de forces de réaction rapides, « il y a clairement besoin d’une implication plus forte dans les processus de règlement des conflits ».  Il a également souligné que la pérennisation de la paix impliquait une approche plus globale, axée sur l’égalité de genre, l’autonomisation, l’accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi et le renforcement des institutions démocratiques et de l’état de droit.

Rappelant que l’Inde était le principal pays contributeur de troupes, le représentant a rappelé que ses Casques bleus avaient toujours défendu leurs mandats de manière proactive.  L’Inde participe également à la formation des Casques bleus, par l’intermédiaire de partenariats avec des pays d’Afrique.

Abordant la question des abus sexuels et des mauvaises conduites de personnels de missions, le représentant a réitéré son soutien à la politique de tolérance zéro dans ce domaine, soutenant la création d’un fonds pour les victimes de ces abus.

Il a enfin espéré que les réformes proposées par le Secrétaire général permettront de mettre fin aux retards bureaucratiques, d’améliorer la logistique sur le terrain et de renforcer plus largement la dimension politique des missions.
 

M. JORGE SKINNER-KLÉE (Guatemala) a appelé au renforcement des capacités stratégiques et opérationnelles des opérations de maintien de la paix aux fins de mieux les adapter aux circonstances sur le terrain et à garantir davantage d’efficacité dans la recherche d’une paix durable.

S’agissant des défis à relever, le Guatemala a appelé à remédier à la « polarisation actuelle » entre les pays contributeurs de contingents et les bailleurs de fonds, moyennant une coopération plus étroite entre les États, aussi bien dans le cadre du Comité des 34 que de la Cinquième Commission.  Dans cet objectif, il serait fondamental de renforcer le consentement et la coopération entre les États hôtes et les fonctionnaires des missions, ainsi qu’au sein même du Conseil de sécurité puisque ce sont les membres de cet organe qui doivent œuvrer à la défense des mandats des missions, a-t-il argué.  De ce fait, il a qualifié d’indispensable la coopération triangulaire entre les contributeurs de contingents, le Conseil de sécurité et le Secrétariat.

Le représentant du Guatemala a par ailleurs souligné que les définitions et/ou principes émanant du Comité des 34 doivent être mis en œuvre et « non interprétés » par le Secrétariat.  Il a aussi regretté que l’équipe chargée de rédiger et de soumettre la politique de collecte et d’analyse des informations et de renseignement « n’ait pas été fidèle au consensus reflété au sein du Comité des 34 ».  

M. SUKHBOLD SUKHEE (Mongolie) a indiqué que son pays vise à améliorer les capacités de maintien de la paix des forces armées mongoliennes, augmenter le niveau d’entrainement des troupes avant leur déploiement et accroître sa participation aux opérations de maintien de la paix.  « Depuis 2002, lorsque nous avons envoyé nos deux premiers observateurs militaires dans le cadre de la MONUSCO, la Mongolie a déployé plus de 15 000 soldats au cours des 15 dernières années », a rappelé le délégué.  « Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, plus de 900 soldats mongoliens sont présents dans six opérations de maintien de la paix, parmi lesquelles celles de la République démocratique du Congo, du Darfour et du Soudan du Sud ».  Après avoir encouragé à augmenter la participation des femmes dans ces missions, le représentant a exhorté la communauté internationale à redoubler d’efforts pour assurer la protection des civils.  Il a aussi appelé à veiller à ce que l’ensemble du personnel des opérations de maintien de la paix sache que les Nations Unies prohibent l’exploitation sexuelle, et qu’il connaisse aussi les normes à observer en matière de comportement.

Mme MARÍA EMMA MEJÍA VELÉZ (Colombie) a indiqué qu’elle partageait la vision sur une réforme qui tient compte de l’ajustement des opérations de maintien de la paix aux nouvelles dynamiques et aux nouveaux types de conflit.  Cette réforme est nécessaire et urgente pour assurer un exercice plus efficace du maintien de la paix, a souligné la représentante qui a estimé que la Réunion des Ministres de la défense sur le maintien de la paix des Nations Unies qui se tiendra à Vancouver au mois de novembre, soit l’occasion de progresser dans ce domaine.  Pour Mme Mejía Veléz, les efforts doivent passer par une reconnaissance des victimes des conflits, la réduction de la disparité entre les sexes et la durabilité de l’environnement.  La fermeture récente de certaines missions, comme au Libéria et en Côte d’Ivoire, montre que les progrès réalisés sont mesurables, et que les opérations de maintien de la paix peuvent permettre une transition qui privilégie les capacités d’appropriation nationale.

Poursuivant, la représentante a particulièrement insisté sur la nécessité de faire face au déficit chronique des femmes dans les opérations de maintien de la paix.  Elle a noté qu’en décembre 2004, ces dernières ne représentaient que 3,2% des effectifs militaires, qualifiant d’encourageant l’objectif qu’elles représentent 15% des officiers et 20% des forces de police.  Elle a aussi mis l’accent sur le rôle primordial que jouent les femmes dans les accords de paix et la gestion après-conflit.

M. CHUMPHOT NURAKKATE (Thaïlande) a estimé qu’en matière de réforme du pilier de la paix et de la sécurité, il est essentiel d’établir des principes clairs de responsabilité et d’autorité, des plans cohérents et une synergie.  Il a aussi indiqué que les réformes ne peuvent pas aboutir sur la seule base d’initiatives individuelles venant d’en haut.  « Leur succès dépend de l’engagement collectif, des efforts partagés et des actions concertées de tous les acteurs impliqués », a-t-il indiqué.  Selon lui, toutes les propositions de réformes doivent tenir compte de la nature transversale du travail des Nations Unies.

En tant que pays contributeur de troupes, la Thaïlande attache aussi une grande importance à l’impact pratique au niveau opérationnel et souhaite que l’emphase soit mise sur l’amélioration de l’efficacité des opérations de maintien de la paix.  Le représentant a notamment appelé à améliorer la coopération triangulaire entre le Conseil de Sécurité, les pays contributeurs de troupes et le Secrétariat.  La coopération régionale et sous-régionale est, selon le délégué, un autre élément crucial.  Il a ensuite indiqué que la notion de « paix durable » est intrinsèquement liée à celle du développement durable.  Il a aussi souligné que les femmes sont des agents de changement efficaces, tout spécialement lorsqu’il s’agit de consolidation de la paix, exhortant les Nations Unies à augmenter le quota féminin dans toutes les sphères du personnel du maintien de la paix.  Enfin, il a demandé à tous les Casques bleus d’adopter « les plus hauts standards de conduite », rappelant que la Thaïlande s’est toujours prononcée en faveur d’un principe de tolérance zéro en matière d’exploitation et d’abus sexuels.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées dénonce la stérilisation forcée des jeunes femmes handicapées

Soixante-douzième session,
28e & 29e séances – matin & après-midi     
AG/SHC/4210

Troisième Commission: la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées dénonce la stérilisation forcée des jeunes femmes handicapées

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a continué aujourd’hui d’examiner la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ses aspects.  Elle a ainsi pu discuter du droit des personnes handicapées, des personnes atteintes d’albinisme, de la liberté de religion ou de conviction, d’opinion et d’expression ou encore du rôle des tribunaux d’arbitrage internationaux dans le contexte de la dette souveraine des États.

Avec plus d’un milliard de personnes considérées comme en situation de handicap dans le monde, dont la moitié des femmes, un tiers des enfants handicapés qui ne vont pas à l’école et les filles handicapées qui quittent l’école au moment de leurs premières règles, les droits de ces personnes doivent, plus que tout, être promus et protégés, a plaidé la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, Mme Theresia Degener.

Lors d’une séance retransmise en langage des signes et dont les interventions étaient sous-titrées en anglais sur le site Internet des Nations Unies, Mme Degener s’est félicitée qu’avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées et deux titulaires de mandat de procédures spéciales les concernant, ces personnes sont enfin vues comme des « sujets des droits de l’homme » et non plus comme des « objets de l’aide sociale et de la réinsertion ».

Malgré ces avancées, des problèmes demeurent, notamment en ce qui concerne les droits sexuels et reproductifs des femmes handicapées, thème du rapport annuel de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Mme Catalina Devandas Aguilar.  Handicapée elle-même, celle-ci a déclaré ne pas pouvoir « concevoir que la réponse des États face à la violence sexuelle dont souffrent de façon disproportionnée les jeunes filles handicapées soit davantage de violence envers leur corps », faisant ainsi référence aux abus opérés dans certains États.  « Nous avons des preuves que les stérilisations forcées sont accompagnées d’impunité pour les responsables, même si les personnes qui prennent de telles décisions s’arrangent souvent pour qu’il n’existe aucune », a-t-elle affirmé, tout en reconnaissant aussi que, compte tenu de la sensibilité de la question, il était très difficile d’en parler.

Le dialogue entre Mmes Degener et Devandas Aguilar avec les délégations est dans l’ensemble resté consensuel, plusieurs lui posant des questions sur la manière de promouvoir et protéger ces droits sexuels et reproductifs et des exemples de bonnes pratiques.  Le Maroc a toutefois demandé que l’expression « personne en situation de handicap » soit préférée à « personne handicapée » dans les rapports en langue française, dans le but de donner plus de dignité à ces personnes.

La Troisième Commission a examiné un autre sujet proche, celui des personnes atteintes d’albinisme, considérées par certains comme des personnes handicapées, et qui sont victimes de discriminations, voire assassinées dans le cadre de pratiques de sorcellerie.  Face à ces pratiques, l’approche normative est celle qui convient le mieux, en plus des campagnes de sensibilisation, a plaidé l’Experte indépendante sur la jouissance des droits de l’homme pour les personnes atteintes d’albinisme, Mme Ikponwosa Ero.  Appelant à l’adoption de lois contre les discriminations, la traite des personnes, le trafic des parties humaines, ou la sorcellerie, Mme Ero s’est en outre réjouie des plans d’action adoptés par le Malawi, le Mozambique, la République-Unie de Tanzanie et par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

Autres sujets abordés par la Troisième Commission, ceux de la liberté de religion ou de conviction et de la liberté d’opinion et d’expression, dont la situation a été jugée inquiétante.  Alors que plusieurs délégations ont présenté leur pays comme des sociétés multiculturelles et plurireligieuses vivant en harmonie, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. Ahmed Shaheed, a, lui, observé que les trois quarts de la population mondiale vivent dans des pays qui, soit imposent des restrictions à la liberté de religion ou de conviction, soit connaissent un haut niveau d’hostilité envers la religion ou la conviction.  Dans quelque 70 pays des lois antiblasphème sont en vigueur, souvent utilisées pour la suppression de points de vue divergents.

Par ailleurs, des individus sont arrêtés au seul motif d’avoir posté en ligne des commentaires critiques à l’égard de politiques gouvernementales tandis que les journalistes continuent d’être assassinés pour le seul motif de faire leur travail et que les militants de la société civile subissent des menaces et agressions, a déploré le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. David Kaye.

Tout cela montre le décalage entre les engagements des États et la réalité sur le terrain, ont conclu ces deux titulaires de mandat.

La dernière intervention du jour n’a pas donné lieu à un dialogue.  L’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, M. Juan Pablo Bohoslavsky, est venu expliquer que les mécanismes d’arbitrage en matière d’investissement international n’étaient pas les outils les plus appropriés pour aborder et résoudre des conflits en lien avec la restructuration de la dette souveraine.  Ce qui pouvait apparaître comme une solution se révèle une alternative problématique du point de vue des droits de l’homme, a estimé l’Expert indépendant, qui a proposé que les différends portant sur les crises financières soient réglés par un mécanisme international de la dette souveraine ou que les accords d’investissement puissent contenir des références explicites aux droits de l’homme.

Demain, mercredi 25 octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures son dialogue avec des titulaires de mandat de procédures spéciales et des organes conventionnels de droits de l’homme. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/72/40 ET A/C.3/72/9)

Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs

Mme THERESIA DEGENER, Présidente du Comité sur le droit des personnes handicapées, a estimé que l’adoption de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, puis la désignation des deux titulaires de mandats de procédures spéciales les concernant, témoignaient de ce que les personnes handicapées étaient enfin vues comme des « sujets des droits de l’homme » et non plus comme des « objets de l’aide sociale et de la réinsertion ».

Mme Degener a ensuite expliqué qu’alors que l’inadéquation du modèle médical du handicap était désormais largement reconnue et dénoncée, il y avait encore beaucoup à faire concernant une approche « droits de l’homme » du handicap.

La Présidente du Comité a ensuite détaillé les mesures prises par celui-ci pour mettre en œuvre la résolution 68/268 de l’Assemblée générale.  Elle a cité en exemples l’accès à la traduction en langue internationale des signes sur le site Web et la télévision en ligne des Nations Unies –une première– ainsi que l’accès à un service de vidéoconférence pour un dialogue de six heures avec un État Membre.

Mme Degener a cependant déploré que le Comité n’ait pas encore le droit à un budget pour produire des documents en format plain text et easy read et que les procédures de voyage applicables aux experts handicapés et à leurs assistantes personnelles perpétuent l’approche médicale inadéquate du handicap.  Il est important que le Secrétariat éradique toutes les pratiques obsolètes et mette en place des procédures conformes à l’approche des droits humains du handicap, a-t-elle insisté en conclusion.

Lors du dialogue avec Mme Degener, Présidente du Comité sur le droit des personnes handicapées, le Mexique a dit partager les préoccupations du Comité quant aux difficultés d’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, avant de demander quelles mesures celui-ci recommandait pour les dépasser, et en particulier pour accroître la participation des personnes handicapées ou la protection des enfants.  Le Comité a-t-il des exemples de bonnes pratiques?  Le Japon a lui aussi souhaité savoir ce que pouvait faire le Comité pour renforcer la participation sociale ou autre des personnes handicapées.

L’Union européenne, seule organisation internationale partie à la Convention, a rappelé qu’elle avait mis en place une stratégie pour les personnes handicapées qui couvre la période 2010-2020, et qui prend en compte les recommandations du Comité.  L’Union européenne aimerait toutefois recevoir des exemples de bonnes pratiques quant à l’autonomisation des personnes handicapées.

La Suisse a dit souhaiter que la cohérence et la pluridisciplinarité persistent au sein du Comité, car elles seules permettront une bonne application de la Convention.  Elle estime aussi que les organes de traités doivent travailler ensemble pour prendre en compte systématiquement les droits des personnes handicapées.  Dans ce contexte, la Suisse a demandé à la Présidente son appréciation sur une telle prise en compte dans les autres conventions sur les droits de l’homme et dans le fonctionnement de leur organe conventionnel respectif.

Le Royaume-Uni a expliqué qu’il souhaitait mettre fin aux pratiques néfastes qui touchent les personnes handicapées, notamment celles qui contrôlent leur vie sexuelle, leur imposent des mariages forcés ou des mutilations génitales féminines.  Il a demandé au Comité des informations sur les programmes d’éducation sexuelle des filles handicapées. 

Parmi les États qui ont mis en avant leurs mesures nationales, l’Espagne a déclaré que sa législation était l’une des plus avancées en ce qui concerne les droits des personnes handicapées, y compris en matière de participation des femmes et enfants handicapés.  Les Maldives ont dit avoir facilité récemment l’emploi de plus de 200 personnes en situation de handicap dans les agences publiques et privées, avant de demander des informations sur la participation des personnes handicapées dans les stratégies de réduction de risques et d’urgence humanitaire.  Au Maroc aussi, les personnes handicapées bénéficient de politiques publiques, mais le Maroc aimerait que les rapports en langue française du Comité parlent à l’avenir de « personnes en situation de handicap » et non plus de « personnes handicapées », car ce terme n’est pas digne de ces personnes.

L’Iraq a cité comme exemple de la protection des droits des personnes handicapées la loi qui impose aux écoles un quota de personnes handicapées.  Mais l’Iraq a besoin de l’assistance de la communauté internationale, notamment pour venir en aide aux personnes handicapées dans les villes récemment délivrées de Daech, où elles ont souffert des pratiques de ce groupe terroriste.

L’Indonésie a voulu savoir comment peut-on davantage protéger les droits des personnes handicapées dans les pays en développement, notamment des femmes et comment s’assurer de leur présence au sein du Comité. 

La Fédération de Russie a, quant à elle, rappelé que les procédures spéciales se devaient de respecter le Code de conduite, notamment de mettre à disposition des documents en langue russe et de tenir également compte de l’avis des États et des organisations de la société civile travaillant sur le terrain.  De même, les procédures spéciales ne doivent pas fonder leurs avis sur les informations collectées dans des médias.  La Fédération de Russie, qui présentera au Comité son rapport au printemps 2018, espère que les processus de consultation et les documents seront disponibles en langue russe et que la société civile russe pourra participer à ce débat.  Elle rappelle en outre que les commentaires généraux élaborés par les organes de traités ne sont que des avis d’experts et ne sont pas de nature à imposer des obligations supplémentaires aux États en plus de celles déjà contractées.  En conséquence, ils ne doivent pas être inclus dans les observations finales.

Dans ses réponses, Mme Degener, Présidente du Comité sur le droit des personnes handicapées, a expliqué que l’objectif du Comité était de parvenir à une ratification universelle de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui compte actuellement 174 États parties, ainsi que l’Union européenne.  « Nous nous en approchons », a-t-elle affirmé, ajoutant que, dans l’immédiat, la priorité était donnée à la mise en œuvre de l’article 33 relatif aux mécanismes nationaux de suivi, y compris un mécanisme de suivi indépendant.

Mme Degener a en outre remercié les délégations qui ont posé des questions relatives aux femmes handicapées -Suisse, Royaume-Uni et Indonésie- en faisant observer qu’elle était la seule femme parmi les 18 experts du Comité des droits des personnes handicapées.  Elle a indiqué que, dans ses commentaires généraux, le Comité avait donné de nombreux exemples de mesures visant à améliorer la situation des femmes et des filles en situation de handicap.  Le Comité a également tenu compte du rapport thématique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a poursuivi la Présidente, soulignant que l’un des plus grands défis pour son organe était de répondre à la discrimination intersectorielle.  Dans la plupart des pays, a-t-elle en effet relevé, il y a des lois discriminatoires et pas suffisamment de moyens pour y faire face.

Mme Degener s’est dite très fière du commentaire général relatif à l’article 19 sur l’indépendance des personnes handicapées au sein des communautés. Elle a ajouté à ce sujet que l’un des grands problèmes soulevés par le Comité concernait la manière pour les États et leurs partenaires de mieux faire face à la question de l’institutionnalisation de ces personnes.

S’agissant de la question, posée par le Maroc, de l’utilisation du mot « handicapé » en langue française, Mme Degener a indiqué qu’elle avait fait l’objet de discussions au sein de l’organe afin de trouver « la bonne terminologie à utiliser ».  Elle a estimé que « personne en situation de handicap » serait effectivement plus approprié. 

Répondant aux Maldives, Mme Degener a rappelé que l’article 11 de la Convention dispose qu’il ne faut pas oublier les personnes handicapées lorsqu’on parle de stratégie de préparation aux risques de catastrophe.

La Présidente du Comité a par ailleurs répondu à la Fédération de Russie en expliquant que le russe était une des trois langues de travail du Comité.  Toutefois, a-t-elle concédé, nous n’avons pas pu présenter tous nos documents en russe.  Il conviendrait qu’on accorde plus de ressources au Comité, a-t-elle ajouté, souhaitant d’autre part qu’un effort accru soit fait en matière d’accessibilité des personnes handicapées, et notamment handicapées mentales, à l’information. 

Mme Degener s’est enfin déclarée d’accord avec les délégations sur le rôle important que jouent les commentaires généraux du Comité, notamment pour interpréter la jurisprudence et étayer ses conclusions.  

Mme CATALINA DEVANDAS AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, a présenté son rapport, consacré à la santé et aux droits des filles et des jeunes femmes handicapées en matière de sexualité et de procréation.  Disant reconnaître la sensibilité du sujet pour de nombreux États, elle a cependant insisté sur l’importance vitale du sujet, estimant qu’il exigeait l’adoption de mesures d’urgence pour protéger l’avenir de millions de jeunes handicapées.

« J’ai été une jeune fille handicapée.  Grandir en étant une enfant ou une adolescente handicapée n’est pas une tâche facile » a témoigné la Rapporteuse spéciale.  En plus des stéréotypes de genre, les jeunes filles handicapées doivent faire face à la discrimination, aux préjugés, à l’isolement social, au manque d’accessibilité et au manque de services et de soutien, a-t-elle expliqué, ce qui réduit de manière significative leurs opportunités de développement et d’accès aux soins, à l’éducation et à la formation professionnelle.

L’exclusion et la discrimination auxquelles font face les jeunes filles handicapées affectent également leurs droits à l’intégrité physique ainsi qu’à la santé sexuelle et reproductive, a poursuivi Mme Devandas Aguilar.  La Rapporteuse spéciale a déploré que les stérilisations puissent également s’accompagner d’une impunité face aux abus sexuels, et notamment que les jeunes handicapées continuent à être stérilisées sans leur consentement, une pratique qui reste perçue comme une mesure de protection, alors qu’elle expose les jeunes handicapées à des niveaux élevés de violence sexuelle.

« Je ne peux concevoir que la réponse des États face à la violence sexuelle dont souffrent de façon disproportionnée les jeunes filles handicapées soient davantage encore de violence envers leurs corps, au lieu de plus d’information, de renforcement des capacités, de soutien et de protection! » s’est exclamée Mme Devandas Aguilar, pour qui il faut absolument éliminer la stérilisation involontaire des jeunes handicapées.

Pour la Rapporteuse spéciale, la meilleure façon de protéger et d’assurer le développement futur des jeunes filles handicapées consiste à garantir leur droit à la santé ainsi que leurs droits sexuels et reproductifs.  Protéger leur droit à être informée, à avoir le contrôle sur leurs corps et leur sexualité est un défi incontournable pour mettre un terme à la violence, à l’exploitation et aux abus que nombre d’entre elles expérimentent, a-t-elle ajouté.

Les adolescentes et les jeunes filles handicapées ont les mêmes préoccupations et les mêmes besoins que leurs pairs sans handicap, et des schémas de comportements sexuels similaires, a encore déclaré la Rapporteuse spéciale.  Par manque d’accès à l’information et aux services de santé sexuelle et reproductive, les jeunes handicapées risquent davantage de contracter des infections sexuellement transmissibles ou encore de subir des mariages précoces et des grossesses non désirées, a-t-elle ajouté.

Mme Devandas Aguilar a insisté sur le fait que, pour les jeunes femmes qui ne vont pas à l’école ou pas dans une école spécialisée, il est difficile d’avoir accès à une éducation sexuelle exhaustive.  De même, l’information et les services de santé sexuelle et reproductive, quand ils existent, ne sont pas toujours accessibles ou inclusifs pour les personnes handicapées.

Les États ont l’obligation de respecter, de protéger et de rendre efficaces la santé et les droits sexuels et reproductifs des jeunes filles et jeunes femmes handicapées, a insisté Mme Devandas Aguilar.  Elle a tenu à rappeler que la santé sexuelle et reproductive, les droits de l’homme et le développement durable étaient interconnectés, et que, de ce fait, l’élimination de toutes formes de violence contre les jeunes femmes, y compris les jeunes femmes handicapées, était une priorité du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Enfin, la Rapporteuse spéciale a émis deux recommandations, insistant de nouveau sur l’importance d’interdire la stérilisation involontaire des jeunes filles handicapées, ainsi que sur celle d’éliminer les barrières légales qui leur empêchent d’accéder à l’information, et aux biens et services de santé sexuelle et reproductive.   

Lors du débat avec Mme Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, le Maroc a déploré que les droits sexuels des personnes en situation de handicap soient souvent niés pour des raisons culturelles.  Après avoir cité une organisation marocaine active dans le domaine des droits sexuels de cette population, la représentante a demandé comment la coopération internationale peut aider à promouvoir ces droits.  L’UNICEF a déclaré qu’un tiers des enfants qui ne vont pas à l’école sont des enfants handicapés.  Les chiffres montrent aussi que les filles handicapées qui quittent l’école le font au moment où apparaissent leurs règles mensuelles. 

Le Mexique a souhaité savoir comment aider ou former les personnels médicaux à la question des droits sexuels et reproductifs des personnes handicapées.  Le Brésil a voulu savoir quel rôle les Nations Unies et leurs mécanismes pouvaient jouer pour aider les États en matière de droit à la santé sexuelle et génésique des personnes handicapées et quelles étaient les bonnes pratiques en la matière.  L’Estonie, qui a fait état de plus d’un milliard de personnes handicapées dans le monde, dont la moitié sont des femmes, a demandé ce que pouvaient faire les Nations Unies pour que ces dernières puissent accéder aux services nécessaires, tenant compte des différences entre États.

L’Union européenne a réitéré son attachement à la liberté de chacun à vivre sa sexualité et à jouir de ses droits sexuels et reproductifs.  Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale si elle avait des exemples de bonnes pratiques en la matière.  L’Argentine a expliqué avoir créé une agence nationale pour le handicap en vue de renforcer la coordination des politiques publiques sur le handicap.  Elle est d’accord avec la Rapporteuse spéciale sur le devoir des États de promouvoir les droits sexuels et génésiques des personnes handicapées.

Les États-Unis ont demandé à la Rapporteuse spéciale comment lutter contre les traitements préjudiciables dont elle parle dans son rapport, notamment la stérilisation forcée.  Dans le même sens, le Costa Rica a souhaité savoir comment déterminer l’existence de telles pratiques néfastes et comment les éliminer.

La Nouvelle Zélande a voulu savoir, à la lumière du rapport, les manières de combler les lacunes entre les législations et les pratiques touchant les personnes handicapées.  L’Australie a souligné la nécessité de collecter des données sur les personnes handicapées, comme le fait le Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités.  L’Indonésie a invité à ne pas confondre handicap et incapacité, avant de demander comment s’assurer de la participation des personnes handicapées dans les affaires publiques.

La Suisse a souhaité avoir l’opinion de la Rapporteuse spéciale sur le meilleur moyen d’assurer une collaboration entre les différents comités concernés par la thématique des jeunes filles et jeunes femmes handicapées.

Les Maldives ont expliqué avoir accordé des allocations spéciales à 6 800 personnes handicapées, avant d’affirmer que le Gouvernement, qui cherche encore à améliorer leur cadre de vie, prendra en compte les recommandations de la Rapporteuse spéciale.

La Fédération de Russie a demandé à la Rapporteuse spéciale de ne pas utiliser dans ses rapports des terminologies non acceptées au plan international, comme le titre même de son rapport.  Cela ne ferait que créer ou renforcer la politisation sur ces questions.  Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale qui, à son avis, devait prendre des décisions sur la santé sexuelle des personnes handicapées, dans des situations où elles ne sont pas à même de décider elles-mêmes aux termes des lois en vigueur.

Dans ses réponses Mme Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, s’est félicitée d’avoir entendu des commentaires « en majorité positifs », affirmant qu’ils l’encourageaient à travailler à la reconnaissance des droits des jeunes femmes et des filles handicapées. 

Comme l’a souligné le Maroc, la coopération internationale doit être accrue dans ce domaine et les questions taboues posées pour faire avancer la condition des femmes et des filles en situation de handicap, a fait valoir la Rapporteuse spéciale.  Concernant les bonnes pratiques relevées dans le cadre de ses travaux, elle a indiqué que son rapport présentait plusieurs exemples de telles pratiques optimales.  Elle a en outre observé que, dans de nombreux pays, comme l’Estonie, des progrès étaient accomplis dans la façon d’impliquer les personnes handicapées dans les discussions et les processus de prise de décisions qui les concernent.

À l’Indonésie, Mme Devandas Aguilar a répondu que la meilleure manière de faire entendre la voix des jeunes femmes et des filles handicapées consistait à recenser leurs attentes et leurs espoirs, afin de déterminer ce qui empêche encore leur plein épanouissement.  Ces femmes ont droit à avoir une famille, a souligné la Rapporteuse spéciale, qui a plaidé pour une « transformation de la société » prenant en compte leurs aspirations.  « Cela se fera avec l’aide des témoignages des jeunes femmes et des filles qui nous aident à mieux faire notre travail », a-t-elle a souligné.

Quant à savoir comment le système des Nations Unies peut avancer sur ces questions de manière coordonnée, la Rapporteuse spéciale a estimé que les progrès reposaient sur la collaboration des différents organes.  Elle a ainsi salué l’UNICEF et a dit compter sur sa collaboration, comme avec celle du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).  Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, nous devons reconnaître toujours plus la contribution des jeunes femmes et des filles handicapées dans le contexte des dispositions de la Convention portant sur la capacité de ces personnes à prendre des décisions de façon autonome, notamment en matière de sexualité.  Pour la Rapporteuse spéciale, il est crucial que les jeunes femmes et les filles handicapées puissent bénéficier d’une égalité de condition et décider en connaissance de cause.

Face au problème des décisions concernant l’intégrité physique des femmes handicapées prises par d’autres personnes, Mme Devandas Aguilar a reconnu que le problème se posait, précisant que les décisions prises par les représentants légaux ou les directeurs d’institutions visaient le plus souvent à prévenir des grossesses, à gérer des cycles menstruels voire à éviter la naissance d’autres personnes handicapées.  

La Rapporteuse spéciale a ajouté que, « chose très grave », les personnes qui prennent de telles décisions s’arrangent souvent pour qu’il n’existe « aucune preuve » des violences commises à l’encontre des personnes handicapées.  « Nous avons des preuves que les stérilisations forcées sont accompagnées d’impunité pour les responsables de ces violences à l’égard des femmes handicapées », a-t-elle accusé, reconnaissant que traiter ces actes de violence est « très difficile ».  C’est pourquoi, a-t-elle affirmé, il faut insister sur une éducation inclusive pour que les filles handicapées restent dans des écoles ordinaires et aient ainsi accès à l’enseignement et à l’information dont bénéficient les autres éléments de la société.

Dans ce contexte, la Rapporteuse spéciale a encore estimé qu’il fallait réfléchir à la possibilité de lancer une campagne internationale pour promouvoir l’élimination des stérilisations forcées et de toute atteinte à l’intégrité des femmes handicapées.

Rappelant l’importance des informations et statistiques, Mme Devandas Aguilar s’est félicitée des avancées dans ce domaine et a souhaité qu’elles soient évaluées dans la perspective de la mise en œuvre du Programme 2030.  Nous ne pourrons y parvenir sans ces informations ventilées, notamment en fonction du sexe, a-t-elle déclaré.

En réponse à l’Argentine, la Rapporteuse spéciale a confié s’être mise « à la place des jeunes filles handicapées » car les situations dans lesquelles elles se trouvent appellent toute notre attention.  

En conclusion, la Rapporteuse spéciale a jugé fondamental de rappeler que les femmes et les filles handicapées ont droit à une vie digne et saine, à l’autonomisation et à la sécurité.  Leur condition rejoint celle des autres femmes qui souffrent de « problèmes de considération » en termes de paramètres fixés par la société, a-t-elle estimé, en rappelant une nouvelle fois que toutes les femmes et filles doivent pouvoir déterminer leur vie, leur destin et leur sexualité de manière autonome, y compris les femmes et les filles handicapées. 

Mme IKPONWOSA ERO, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, a insisté sur le fait que ces dernières étaient chassées et tuées pour la collecte de parties de leurs corps et que nombre de ces personnes faisaient face en outre à des formes extrêmes de stigmatisation du fait de leur couleur de peau, et ce, dans différentes parties du monde.  Elle est revenue sur deux choses dans son rapport: un aperçu des normes de droits de l’homme applicables aux personnes atteintes d’albinisme ainsi qu’une brève analyse de la situation sur le terrain. 

L’Experte indépendante a expliqué que la première norme est « égalité, non-discrimination et intersectionnalité », insistant sur le fait que les personnes atteintes d’albinisme se voyaient souvent ouvrir l’accès au cadre de protection offert par la Convention relative aux droits des personnes handicapées du fait de leur déficience visuelle, alors même qu’elles souffrent de discriminations découlant de leur couleur de peau.  Ceci suggère que les personnes atteintes d’albinisme font face à de multiples formes croisées de discriminations, a-t-elle expliqué.

La Convention reconnaît des formes multiples et aggravées de discrimination, a rappelé Mme Ero, qui a précisé qu’elle le faisait principalement pour les femmes et les enfants.  En revanche, il n’y a dans la Convention aucune disposition portant sur les questions raciales ou en lien avec la couleur, sauf une référence dans le préambule, a-t-elle expliqué.  Pour Mme Ero, c’est la combinaison des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de celles de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui fournissent un cadre plus exhaustif de protection et d’avancement des droits de l’homme des personnes atteintes d’albinisme.

La seconde norme est en lien avec les droits civils et politiques, a expliqué l’Experte indépendante.  Le droit à la vie et à l’intégrité physique des personnes atteintes d’albinisme est systématiquement violé dans le contexte d’attaques, de meurtres et de mutilations, a-t-elle fait valoir.  De même, une autre norme pertinente est l’interdiction des pratiques préjudiciables, telle que la sorcellerie, qui est le moteur de la plus extrême des violations, a ajouté Mme Ero.  Les lois sur la traite des personnes sont, elles aussi, pertinentes dans ce cas, a précisé l’Experte indépendante, tout en déplorant que ces dernières ne portent que sur la traite des personnes et non sur le trafic des parties du corps humain.

Enfin, Mme Ero a mentionné les dispositions relatives aux réfugiés, qui offrent également un cadre pertinent puisqu’en raison des stigmatisations et discriminations extrêmes qu’elles subissent, les personnes atteintes d`albinisme fuient parfois leur pays et demandent l’asile dans des pays plus sûrs.

Sur le plan pratique, Mme Ero s’est déclarée heureuse de constater que plusieurs pays avaient adopté un plan d’action national, à l’image du Malawi, du Mozambique et de la République-Unie de Tanzanie, et qu’en outre un plan d’action régional avait été approuvé par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en mai 2017.

Lors du débat avec Mme Ero, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, la République-Unie de Tanzanie s’est dite d’accord avec l’Experte indépendante sur la nécessité de traduire en justice les auteurs d’attaques contre les personnes atteintes d’albinisme.  En tant que pays concerné par cette question, la République-Unie de Tanzanie a pris des mesures pour sanctionner les méfaits.  Ainsi, entre 2006 et 2015, les autorités de police à travers le pays ont été saisies de 66 cas d’attaques.  Jusqu’en février dernier, 58 cas avaient été traités devant les tribunaux et 21 personnes reconnues coupables d’actes de violence, ayant conduit à la mort de personnes atteintes d’albinisme, ont, elles-mêmes, été condamnées à la peine de mort.  Toutefois, compte tenu qu’un moratoire sur cette peine est en vigueur en Tanzanie, les condamnés n’ont pas été exécutés.

Autre pays concerné par le phénomène de violence contre les personnes atteintes d’albinisme, le Malawi a expliqué avoir adopté, en 2016, un amendement au Code pénal inscrivant des mesures correctives pour ces personnes.  Le Malawi a en outre mis au point un manuel pour la protection de leurs droits.  La Tanzanie et le Malawi présenteront à la Troisième Commission un projet de résolution sur les personnes atteintes d’albinisme.

Le Kenya, également concerné par le problème d’attaques contre les personnes atteintes d’albinisme, a expliqué qu’il disposait d’un programme d’appui à l’égard de ces personnes pour atténuer les effets négatifs de ces comportements néfastes.  Un juge atteint d’albinisme a par exemple été nommé au Kenya à cet effet et dans le but de changer les mentalités.  Le Panama, qui a l’incidence d’albinisme la plus élevée du monde, avec un habitant sur neuf porteur du gène, distribue des kits de protection contre le soleil afin d’aider ces personnes très sensibles au cancer de la peau. 

La Somalie a demandé comment veiller à ce que le plan d’action contre l’albinisme soit mis en œuvre avec efficacité.  L’Afrique du Sud souhaite tenir ses engagements pris, en 2013, lors de la conférence nationale sur l’albinisme.  Elle met en garde contre toute « racialisation » de la violence à l’égard des personnes atteintes d’albinisme, car cette violence s’observe partout dans le monde et dans toutes les races.  L’Afrique du Sud a souhaité savoir comment lutter contre les mythes relatifs aux personnes atteintes d’albinisme. 

Les États-Unis, eux aussi, aimeraient savoir comment les États peuvent aider à démonter les mythes sur l’albinisme et les personnes atteintes d’albinisme.  Ils ont en outre redit leur condamnation des attaques contre les personnes atteintes d’albinisme et du commerce de leurs organes.  L’Union européenne a souhaité apprendre davantage sur les moyens de lutter contre l’impunité pour les actes de violence contre les personnes atteintes d’albinisme et pour s’attaquer aux causes profondes des discriminations les visant.

Le Japon a souligné que la question de l’albinisme était complexe et ne connaissait pas de solution unique.  Il souhaite en savoir davantage sur la démarche axée sur les normes proposées par l’Experte indépendante.  Il souhaite aussi savoir ce qui peut être fait pour mieux faire connaître le problème de l’albinisme dans les pays où il est mal connu.  Les Fidji ont pour leur part rappelé que l’albinisme n’est pas une maladie, juste un trouble génétique, avant de demander comment faire pour répondre aux besoins des personnes atteintes d’albinisme, notamment en termes de droit à la santé.

Israël a dit défendre les personnes atteintes d’albinisme et chercher à leur donner une meilleure vie.  Il a demandé à l’Experte indépendante quelles étaient ses priorités pour les années à venir.

Dans ses réponses, Mme Ero, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, s’est félicitée de l’existence de bonnes pratiques dans de nombreux pays, comme au Kenya, où, au sein du Conseil des personnes handicapées, une personne a été dédiée à l’action spécifique en faveur des personnes atteintes d’albinisme.

L’Experte indépendante a ajouté que son rapport faisait état d’une vaste gamme de pratiques bénéfiques, notamment d’investissements publics dans des cliniques de la peau ou encore de fournitures au niveau local de différents moyens de protection.  En effet, a-t-elle déploré, les personnes atteintes d’albinisme ne reçoivent pas d’aide des bailleurs de fonds internationaux.  De plus, un pays ne fournira une assistance à un autre pays que si tous les deux défendent la même cause.  Il convient donc de faire appel à la solidarité régionale et internationale pour faire évoluer favorablement la situation, a-t-elle plaidé. 

Répondant aux demandes d’exemples de mise en œuvre réussies dans le cadre de son mandat, Mme Ero a déclaré que son travail n’avait pas pour but d’élaborer de nouvelles normes.  « L’objectif poursuivi est de faire des normes existantes des mesures permettant de défendre les droits de l’homme sur le terrain », a-t-elle expliqué, affirmant se reposer sur l’éducation et l’action pour mieux faire comprendre les problèmes.  À cet égard, elle a précisé avoir travaillé avec la société civile pour que son rapport soit accessible et compréhensible par ceux qui défendent les droits de l’homme.

S’agissant des données désagrégées concernant, au niveau national, les personnes atteintes d’albinisme, l’Experte indépendante a félicité la République-Unie de Tanzanie pour ses « excellentes données ».  De surcroît, a-t-elle observé, alors que les personnes atteintes d’albinisme sont le plus souvent considérées comme des personnes handicapées et traitées comme telles dans les statistiques, ce pays, tout comme la Namibie, y a remédié en créant une « classe spéciale » pour les personnes atteintes d’albinisme.

En réponse à Israël, l’Experte indépendante a déclaré se concentrer sur les actions positives afin d’améliorer l’exercice des droits de l’homme pour les personnes atteintes d’albinisme.  « Je suis médiatrice entre les normes et la situation pratique sur le terrain », a-t-elle résumé, ajoutant à ce sujet que le Plan d’action régional sur l’albinisme en Afrique recherchait de nouveaux partenariats pour que toutes les organisations intéressées puissent travailler ensemble à cette cause.

Mme Ero a indiqué à l’Union européenne que le traitement des causes profondes de ce problème faisait partie du plan d’action régional.  Il s’agit aussi de combler les lacunes sur les trafics des parties du corps humain et de s’attaquer à la sorcellerie et aux pratiques violentes dont sont victimes les personnes atteintes d’albinisme, a-t-elle conclu.  

M. AHMED SHAHEED, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a rappelé que les actes d’intolérance commis sur la base ou au nom de la religion ou de certaines convictions étaient répandus partout dans le monde.  Il a notamment fait observer qu’aujourd’hui les trois quarts de la population mondiale vivent dans des pays qui, soit imposent des restrictions à la liberté de religion ou de conviction, soit connaissent au sein de la société un haut niveau d’hostilité en lien avec la religion ou les convictions.

Revenant sur ce qu’est l’intolérance religieuse, M. Shaheed a expliqué que les lois antiblasphème, antiapostasie ou anticonversion servaient souvent de plateformes à l’intolérance.  Quelque 70 pays possèdent à ce jour des lois antiblasphème, adoptées officiellement pour renforcer l’« harmonie sociale » ou « l’ordre public » entre différentes communautés, a-t-il détaillé.  En pratique, ces lois peuvent en fait être utilisées pour la suppression de points de vue divergents, a déploré le Rapporteur spécial, qui y a vu une violation du droit international des droits de l’homme, qui protège la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de religion et de conviction.

Le Rapporteur spécial a expliqué que, dans de nombreux cas, les limites à la liberté de religion ou de conviction, ou son déni, ne proviennent pas d’une action des gouvernements mais plutôt de pressions de la part de la société.  Il a également mentionné que les acteurs non étatiques, et plus particulièrement les groupes armés classés comme organisations terroristes, continuaient à être engagés dans la violence, souvent au nom de la religion, contre des minorités et leurs lieux de culte.

Les autorités de l’État ont le devoir de protéger les individus et les groupes contre la discrimination venue d’acteurs non étatiques et les capacités des États doivent être renforcées de façon à ce qu’ils puissent remplir leurs obligations de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent, a affirmé le Rapporteur spécial.  Le rôle des États dans l’exacerbation de ce même extrémisme violent ne doit toutefois pas être oublié, a fait observer M. Shaheed, pour qui il s’agit d’une menace réelle à laquelle il faut faire face.

M. Shaheed a également estimé qu’une approche de « sursécurisation » destinée à contrer la violence extrémiste commise au nom de la religion s’était souvent avérée inefficace et n’avait fait que provoquer une hausse de l’intolérance religieuse.  De même, a-t-il insisté, les États devraient se retenir de politiser la religion ou de l’utiliser comme un moyen de « façonner et de renforcer des définitions rigides de l’identité nationale, en puisant dans des sentiments d’appartenance religieuse dans le but de renforcer des loyautés politiques ».

Le Rapporteur spécial a également reconnu que la mondialisation avait rendu de nombreuses sociétés plus vulnérables au tribalisme et à la xénophobie, et que le climat d’intolérance contre ceux perçus comme différents ou étrangers avait considérablement contribué à sensibiliser le public aux incitations à la discrimination ou à la violence.  À ce propos, M. Shaheed a reconnu qu’une partie du défi reposait sur le fait que les États ne peuvent pas décider par la loi des attitudes de leurs ressortissants.

Pour M. Shaheed, le fossé qui existe entre les engagements à combattre les actes d’intolérance et leur mise en pratique devrait être comblé grâce à des politiques publiques transparentes, crédibles et responsables, appliquées aussi bien au niveau national que local.  Les États doivent abroger toutes les lois qui discriminent sur la base de la religion ou des convictions ainsi que toutes les lois antiblasphème, a affirmé le Rapporteur spécial.  M. Shaheed a enfin demandé que soient adoptées des sanctions pénales visant les discriminations commises par les États comme par les acteurs non étatiques partout où elles n’existent pas encore, et qu’elles soient renforcées.

Pour le Rapporteur spécial, une attention particulière doit être apportée au respect de l’obligation de protéger les droits des membres de minorités religieuses, de même que les femmes, les enfants et les membres de la communauté LGBTI, ainsi que les autres populations en situation vulnérable, comme les migrants, les réfugiés et les déplacés internes.  M. Shaheed a également insisté sur l’utilisation des outils des Nations Unies, et notamment la Déclaration de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et discrimination fondées sur la religion ou la conviction et le dialogue interreligieux, qu’il considère comme des stratégies efficaces pour répondre aux défis interdépendants de l’intolérance fondée sur la religion ou la conviction.

Lors du dialogue avec M. Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, les États-Unis ont observé que le rapport abordait le manque d’action des États et les abus commis par des acteurs non étatiques.  Soucieux que les actions discriminatoires soient traitées par le biais de mécanismes tels que le processus d’Istanbul, ils ont constaté un grand écart entre ce qui est promis et ce qui est fait par les États pour combattre l’intolérance religieuse.  À cet égard, ils ont souhaité savoir comment améliorer l’expression des minorités.

La Suisse a estimé que le défi principal résidait dans la mise en œuvre des instruments existants et a salué les efforts du Rapporteur spécial visant à réduire cet écart, grâce à l’analyse des lacunes ainsi que son appréciation positive du Plan d’action de Rabat.  Elle aimerait savoir quelles sont les pratiques positives établies afin de promouvoir la tolérance religieuse et les principes d’égalité et de non-discrimination.

L’Allemagne a dit suivre de près la montée de l’intolérance religieuse dans le monde, appelant la communauté internationale à renforcer son engagement dans ce domaine.  L’Allemagne, qui partage les préoccupations du Rapporteur spécial sur les restrictions gouvernementales imposées à la liberté religieuse, lui a demandé comment limiter ces phénomènes et encourager un climat de tolérance.

La Pologne a noté que le Rapporteur spécial avait identifié des acteurs non étatiques s’attaquant à la liberté de religion ou de conviction.  Elle a convenu que des sanctions pénales à l’égard d’actes commis par des groupes, étatiques ou non, devraient être imposées.  Dans ce contexte, elle aimerait savoir comment faire en sorte que les sanctions soient proportionnelles, sans encourager le cycle d’intolérance.  Le Liechtenstein a noté que la migration faisait que les groupes religieux étaient en contact de plus en plus étroits.  Dans ce contexte, il aimerait savoir comment le nouveau pacte mondial devrait être organisé pour réduire les excès découlant des flux migratoires. 

La Fédération de Russie a mis l’accent sur les attaques contre les minorités.  Rappelant qu’elle est un État dans lequel vivent de nombreuses confessions, elle a proposé au Rapporteur spécial d’étudier le rôle de l’éducation pour encourager la tolérance religieuse.  En outre, la Fédération de Russie s’est demandé pourquoi le Rapporteur spécial avait mentionné, aux côtés des minorités religieuses, les minorités sexuelles ou les migrants et lui a demandé de s’en tenir à son mandat.

Le Royaume-Uni a dénoncé les poursuites menées contre les minorités religieuses et a plaidé pour une meilleure compréhension réciproque en travaillant avec la société civile.  Se disant prêt à partager son expérience, il a demandé au Rapporteur spécial de préciser comment il se propose d’encourager les États Membres à se prémunir des discriminations religieuses.

L’Union européenne a fait observer que la liberté de religion faisait partie de sa politique des droits de l’homme et incluait différents niveaux de dialogues interreligieux avec ses partenaires.  Évoquant les accusations de blasphème en ligne, elle a voulu savoir quelles bonnes pratiques permettraient de lutter contre l’intolérance sur Internet et dans les réseaux sociaux. 

La Norvège a partagé l’analyse du Rapporteur spécial sur le fait que la religion est une marque d’identité et que les États ne doivent pas associer la religion à la nationalité.  Elle aimerait savoir si le Rapporteur spécial a des pratiques optimales à proposer.   

Le Danemark a souligné le lien entre la liberté de religion et les actions hostiles d’entités, étatiques ou non.  Dans ce cadre, il a aussi jugé nécessaire d’éclairer le lien entre l’intolérance et le droit des femmes.  L’Irlande s’est félicitée que le rapport tienne compte de la situation des femmes et des personnes LGBT au regard de la liberté de religion.  Elle aimerait savoir comment la société civile peut jouer un rôle positif pour appuyer les travaux du Rapporteur spécial.  

L’Albanie a dit attendre avec intérêt le rapport du Rapporteur spécial sur sa récente visite dans le pays et s’est dite préoccupée par les attaques dont sont l’objet les groupes vulnérables.  Réaffirmant son haut respect de la liberté de religion ou de conviction ainsi que du dialogue interreligieux, elle a encouragé les États à mettre en œuvre le Plan d’action de Rabat et la résolution 16/18 du Conseil des droits de l’homme. 

Le Brésil a noté que, selon une étude citée par le rapport, il figurait parmi les pays ayant le plus faible niveau d’intolérance.  Nous demeurons vigilants et encourageons le dialogue interreligieux, a-t-il dit, ajoutant que les migrations doivent être abordées comme une façon de mieux traiter les convictions.

Le Canada s’est dit préoccupé par la montée de l’intolérance et a appelé à la promotion d’un climat favorisant la diversité et d’une gouvernance plus inclusive.  Évoquant les recommandations du Rapporteur spécial sur les écarts dans la mise en œuvre, il a demandé en quoi consisterait la plateforme évoquée dans le rapport. 

L’Iraq a rappelé qu’il avait adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et respectait les minorités.  Malgré les ravages provoqués par Daech, il a réaffirmé son engagement à protéger les droits des minorités.  Implorant la communauté internationale à lutter contre l’extrémisme, il a demandé quelles mesures permettaient d’éradiquer l’esprit terroriste et de lui barrer la route.

Le Bahreïn s’est présenté comme une nation qui accueille les valeurs de la coexistence et appuie le dialogue entre les religions.  Selon lui, la liberté de religion est une solution face à des problématiques comme le terrorisme.  Dans ce contexte, le Bahreïn défend la liberté de religion et la diversité culturelle, en se disant fier d’être un exemple en matière de tolérance.

Le Myanmar s’est présenté comme une société multiethnique et multireligieuse ou plusieurs croyances vivent en bonne harmonie avec la participation des différentes communautés.  Rappelant qu’un forum d’érudits religieux avait récemment réuni des représentants de 145 pays sur son territoire, il a dit compatir avec ceux qui souffrent et vouloir réaliser la liberté de religion. 

Dans ses réponses, M. Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, est revenu sur l’étendue de son mandat et a souligné l’importance de bien comprendre les religions, notamment à travers un dialogue transfrontière mené dans un contexte multireligieux.  Il faut comprendre ce qui est dit dans les textes, a-t-il ajouté, estimant que, bien trop souvent, on agit sur la base de l’ignorance et la peur.  « Connaître les religions permet de réagir et évite de devenir vulnérable aux idées qui incitent et stimulent la violence et l’exclusion » a-t-il plaidé.  Le Rapporteur spécial a également plaidé pour un enseignement des religions qui ne manifeste aucune préférence entre celles-ci.

M. DAVID KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a commencé par rappeler qu’aux premiers temps du mandat qu’il exerce aujourd’hui, les rapports mettaient l’accent sur les mesures gouvernementales et les lois mettant à mal la liberté d’expression.  Ils étaient aussi le reflet de l’accès sans précédent à l’information, rendu possible par la démocratisation des années 1990, couplée à la révolution des technologies numériques.  C’est ainsi que ses prédécesseurs, de concert avec le Conseil des droits de l’homme et le Comité des droits de l’homme du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont développé un cadre juridique puissant pour la protection et la promotion de la liberté d’opinion et d’expression.

Or, a-t-il constaté, ce cadre est à présent menacé.  Des journalistes sont assassinés et leurs meurtriers rarement traduits en justice.  Des individus sont arrêtés au seul motif d’avoir posté en ligne des commentaires critiques à l’égard de politiques gouvernementales.  De fait, notre sécurité en ligne est sapée par des forces gouvernementales ou des intérêts privés, la confiance du public dans l’information est attaquée par des démagogues et les militants de la société civile subissent des menaces croissantes et sont soumis à des agressions numériques ainsi qu’à une surveillance et des accusations constantes.

Revenant à son rapport, qui fait le point sur l’accès à l’information ayant trait aux activités des organisations internationales, M. Kaye a expliqué qu’il s’efforçait de comprendre comment les individus peuvent appréhender le travail de leur gouvernement, participer à la vie publique ou exiger que les responsables publics rendent des comptes au travers d’élections libres, sans savoir comment ils agissent en leur nom.  Il explore cette question dans le contexte des organisations internationales. 

À cet égard, a-t-il relevé, les organisations internationales, y compris les Nations Unies, sont souvent à la traîne des gouvernements en ce qui concerne les cadres juridiques et les processus de promotion de l’accès à l’information.  La plupart d’entre elles ont pris des mesures pour mettre leurs informations en ligne.  Toutefois, a-t-il dit, il ne suffit pas de se contenter de ce que ces organisations divulguent.  Il faut que les individus puissent demander à connaître des informations non divulguées par ce biais.

Parmi les éléments permettant un accès effectif à l’information, M. Kaye a distingué sept principes clefs: un processus ouvert, des divulgations proactives, claires, recherchables et sécurisées, des politiques globales avec des règles obligatoires, des règles claires sur les informations non divulguées, des mécanismes de plainte et de recours, et des protections pour les lanceurs d’alerte.  Au sujet de ceux-ci, le Rapporteur spécial s’est félicité que le Secrétaire général des Nations Unies ait pris des mesures pour mieux protéger les lanceurs d’alerte au sein du Système de l’ONU.

Le rapport inclut également des recommandations, parmi lesquelles la promotion de politiques d’accès à l’information au travers de mécanismes de gouvernance et le développement de fonctions de suivi et de contrôle.  À cet égard, M. Kaye recommande que les États Membres encouragent les organisations intergouvernementales à adopter des politiques d’accès à l’information répondant aux normes identifiées dans son rapport.  Pour le Rapporteur spécial, la liberté d’information est dans l’intérêt des organisations intergouvernementales, à commencer par les Nations Unies, dont l’image dépend de la politique d’ouverture.

Évoquant par ailleurs les fausses nouvelles, ou « fake news », il a jugé que le terme n’avait aucun sens dans un environnement où le langage est tellement attaqué.  Mais ce type de données sape la confiance du public dans les institutions, a-t-il constaté, notant qu’une partie de ces informations provient d’organisations non gouvernementales.  De plus, a-t-il relevé, il ne faut pas oublier que ce travail se fait dans un champ numérique qui permet à la désinformation de se diffuser rapidement.

Pour M. Kaye, qui a travaillé sur cette question avec ses collègues de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et les rapporteurs spéciaux de la Commission interaméricaine et de la Commission africaine sur la liberté d’expression, la désinformation est un problème de la liberté d’expression.  Elle ne peut être séparée du problème de la censure et de la pénalisation de certaines formes d’informations.  À ce sujet, il a dit avoir identifié un nombre de principes qui concernent la lutte contre la désinformation.  En vertu de l’un d’eux, les acteurs étatiques doivent s’abstenir de diffuser de telles informations.

Enfin, s’agissant du secteur privé à l’ère numérique, M. Kaye a observé qu’il y avait un partage d’informations sans précédent mais aussi des sources de plus en plus nombreuses d’information et de désinformation.  Dans ce contexte, il a déclaré avoir lancé un appel public aux gouvernements pour que des idées lui soient adressées.  Il a dit espérer une forte participation à ce processus.  

Lors du dialogue avec M. Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, les États-Unis ont demandé quelles étaient les meilleures pratiques concernant la liberté d’opinion à utiliser dans les organisations internationales.  L’Union européenne a demandé quelles sont les plus grands obstacles pour un meilleur accès à l’information au sein des organismes internationaux.

La Lettonie a demandé comment les nouvelles technologies de l’information et des communications pourraient promouvoir la transparence des organisations internationales et l’accès à l’information.  L’Estonie a demandé plus de précision sur l’organe séparé que mentionne le rapport en matière de protection de l’information.  L’Autriche a demandé en quoi la proposition contenue dans le rapport de la création d’un bureau de redevabilité pour traiter de la protection des donneurs d’alerte était une meilleure solution que celles existant pour le moment.  Elle a aussi demandé quels pouvaient être les autres modèles pour les donneurs d’alerte dans le contexte international?

La France a demandé comment les États pouvaient accompagner les organisations internationales dans l’élaboration des politiques relatives à l’accès à l’information ainsi que comment apporter des réponses plus efficaces à la question de la protection des journalistes.

La République tchèque a insisté sur l’importance de la liberté d’information sans censure et a demandé quelles seraient les recommandations pour travailler avec les États Membres et la société civile pour avoir un meilleur accès à l’information.

La Norvège s’est déclarée engagée en faveur des mesures de protection des donneurs d’alerte et a estimé que la protection de ces personnes était indispensable.  À cet égard, la Pologne a demandé plus d’informations sur les défis à relever pour assurer une bonne protection des donneurs d’alerte, notamment en ce qui concerne les acteurs non étatiques.  La Suisse a demandé comment tenir compte des vulnérabilités particulières des défenseurs de droits de l’homme au sein des politiques des organisations internationales.

La Fédération de Russie a souligné le fait que certains États fermaient certains accès à l’information sur Internet comme les réseaux sociaux et des plateformes et a déploré la réduction de l’espace d’information pour des groupes linguistiques minoritaires, notamment en Ukraine.

Le Mexique a demandé comment renforcer les mécanismes de responsabilisation pour permettre un accès rapide et efficace à l’information.  La République de Corée a demandé quels étaient les obstacles à la mise en œuvre des recommandations du rapport.  L’Indonésie a indiqué que la transparence devait être renforcée pour lutter contre la corruption et que la responsabilisation était importante pour que le travail de l’ONU soit conforme à son mandat.

Le Qatar a déploré que certains pays essayent de réprimer la liberté d’expression et demandent la fermeture de certaines chaînes de télévision et diffusent de fausses informations.  Les Émirats arabes unis ont expliqué qu’il fallait combattre le terrorisme partout et surtout au sein des médias qui encouragent les terroristes en se cachant derrière la liberté d’opinion.

Les Maldives ont expliqué que la transparence renforçait la responsabilisation et que la Constitution du pays garantissait ce droit aux citoyens.

M. Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a remercié les délégations pour la clarté de leurs questions et a souhaité soulever différentes questions qui en découlent.

S’agissant des obstacles principaux au recensement d’une politique d’accès à l’information, il a cité la trop grande distance existant entre les organisations intergouvernementales et la vie de l’essentiel de la population mondiale.  Les médias ne couvrent pas les questions relatives à l’ONU de la même manière qu’ils couvrent l’actualité au niveau national, a-t-il observé.  M. Kaye a cependant jugé important que les organisations intergouvernementales continuent de bénéficier d’un appui, même si elles ont, à l’évidence, un « problème d’inertie » et veulent « garder leurs secrets », ce qui n’est plus possible à l’heure des réseaux sociaux.

À propos de la nécessaire protection des journalistes et des lanceurs d’alerte, il a jugé que les organisations intergouvernementales devraient promouvoir la défense de ces acteurs de la démocratie.  Selon lui, il ne faut pas se limiter aux cas les plus durs, des procédures devant être partout mises en place pour améliorer l’accès à l’information.  De plus, a-t-il dit, il faut des sanctions en cas de représailles contre ces personnes.  Or, lorsque la crainte existe, il y a des hésitations à donner l’alerte, il y a une réticence à s’adresser au public, a déploré le Rapporteur spécial.

Évoquant sa proposition de la création d’un nouveau bureau de déontologie dédié aux lanceurs d’alerte, il s’est expliqué, en affirmant que ce n’est pas le rôle principal de l’actuel Bureau de la déontologie de l’ONU.  De fait, il faut un bureau spécial pour les lanceurs d’alerte, a-t-il insisté, rappelant que celui de l’Organisation dépend des 13 normes de conduite des organes des droits de l’homme.

Concernant les moyens de mobilisation des États Membres, le Rapporteur spécial a cité des processus de consultation de la société civile sur l’accès à l’information, notamment dans le lieu de travail.  Cette approche participative a, selon lui, conduit à la création de processus robustes dans de grandes organisations internationales.  En outre, a-t-il noté, cela va dans le sens de la charte de ces organisations.  À ses yeux, le fait d’avoir des exemples de mesures d’accès à l’information montre qu’il s’agit réellement d’une politique.

Enfin, abordant la délicate question des défenseurs des droits de l’homme et des protections dont ils doivent bénéficier, il a déclaré que toute politique d’accès à l’information devait comporter des « exceptions ».  La première d’entre elles doit être la protection des individus et des défenseurs des droits de l’homme de toute publicité les exposant à des risques, a-t-il souligné, demandant instamment aux organisations et à leur direction de pousser davantage l’accès à l’information dans un contexte de transparence.

M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué que son rapport thématique s’intéressait, cette année, aux implications sur les droits de l’homme des différends portant sur la dette souveraine, lorsqu’ils sont soumis devant les systèmes internationaux d’arbitrage.  L’Expert indépendant s’est demandé si les mécanismes d’arbitrage sont les outils les plus appropriés pour résoudre des conflits dans le contexte de la restructuration de la dette.  Son rapport soutient que de tels mécanismes ne sont pas conçus pour les obligations financières et encore moins pour fournir des pistes, face aux demandes des fonds spéculatifs et des crédits non coopératifs.  De fait, et en l’absence de cadre internationaux robustes pour réguler la restructuration des dettes souveraines, ce qui pouvait apparaître comme une solution se révèle, en fait, être une alternative problématique du point de vue des droits de l’homme.

Dans son rapport, M. Bohoslavsky constate aussi que, bien que les tribunaux d’arbitrage aient occasionnellement fait référence aux obligations en matière de droits de l’homme, ils les ont rarement appliquées directement.  L’Expert indépendant estime que l’une des raisons tient à ce que les accords d’investissements bilatéraux contiennent peu de références explicites aux droits de l’homme, donnant le sentiment que ces derniers sont restés à la périphérie des régimes internationaux d’investissement, même si certains modèles d’accord bilatéraux commencent depuis peu à introduire des normes de protection plus flexibles et qui reconnaissent les droits de l’homme, comme le modèle indien de 2016.

Pour M. Bohoslavsky, on peut se demander si les accords d’investissement bilatéraux sont ou peuvent être utilisés pour résoudre des différends relatifs à la dette souveraine.  Il constate en tout état de cause que, si l’on peut voir dans les transactions financières une forme d’investissement, la jurisprudence concernant la dette souveraine de l’Argentine semble accréditer l’idée selon laquelle, le recours arbitraire d’un État à sa souveraineté pour changer les termes d’un accord financier, en vue d’échapper à ses obligations envers ses créditeurs, peut constituer une violation de l’accord. 

Or, il apparaît aussi que certains tribunaux arbitraux échouent bien souvent à prendre en considération d’autres aspects que ceux relatifs à l’investissement, a fait observer l’Expert indépendant.  Son analyse montre aussi que les normes développées par ces tribunaux et les termes des accords bilatéraux d’investissement des dernières décennies ne répondent pas à la question de la restructuration de la dette.  Par ailleurs, si un État endetté ne peut plus financer les services publics de base, il manque à ses responsabilités en matière des droits de l’homme, a poursuivi M. Bohoslavsky, ajoutant que le succès d’une bonne restructuration de la dette ne devrait pas seulement être tourné vers la restauration de la durabilité, mais également minimiser les coûts sociaux.

Pour répondre aux lacunes observées et analysées, l’Expert indépendant propose cinq recommandations.  Il suggère notamment que les différends portant sur les crises financières soient réglés à travers un mécanisme international de la dette souveraine, préalablement informé des principes directeurs sur la dette souveraine et les droits de l’homme et des principes de base des processus de restructuration de la dette souveraine.  Il recommande également que soit menée une évaluation des effets sur les droits de l’homme de tout accord d’investissement avant sa signature et que les accords contiennent des références explicites aux droits de l’homme.  Il recommande aussi que les processus de négociation de ces accords se fassent de façon ouverte et transparente et enfin que les cours et tribunaux d’arbitrage tiennent compte des normes applicables en matière de droits de l’homme.  

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Cinquième Commission: malgré une situation financière « saine », les prestations sociales risquent de « ruiner » le budget de l’ONU

Soixante-douzième session,
8e séance – matin
AG/AB/4248

Cinquième Commission: malgré une situation financière « saine », les prestations sociales risquent de « ruiner » le budget de l’ONU

Quoique la situation financière de l’ONU demeure « globalement saine », les quatre délégations, qui sont intervenues aujourd’hui à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires, se sont inquiétées de la capacité de l’Organisation de couvrir les prestations sociales, soit « les engagements au titre des avantages du personnel » estimés à 4,4 milliards de dollars.  L’assurance maladie, les frais de rapatriement et les pensions risquent de « ruiner » le budget ordinaire de l’ONU, s’est alarmé le Groupe des 77 et de la Chine devant la Commission qui examinait les états financiers de l’Organisation pour 2016.

Avec l’Union européenne, les États-Unis et l’Inde, le Groupe des 77 et la Chine se sont félicités de ce que dans ses rapports, le Comité des commissaires aux comptes (CCC) maintienne une « opinion sans réserve » concernant 19 entités de l’ONU.  « Ces entités ont démontré leur solvabilité et leur capacité à couvrir leurs engagements à court et à long termes », se sont réjouis les États-Unis, réaffirmant leur confiance dans « l’intégrité » des états financiers.  Pour la première fois, a noté avec enthousiasme l’Union européenne (UE), neuf entités ont pu établir leurs états financiers au moyen du progiciel de gestion intégré Umoja et les présenter au CCC « dans les délais impartis ».  

Si la situation financière de l’Organisation reste globalement saine, le CCC note toutefois que « les passifs liés aux avantages du personnel risquent d’absorber une part croissante du budget ordinaire au fil du temps s’ils demeurent non financés ».  Au 31 décembre 2016, l’actif net de l’ONU s’élevait à 2,4 milliards, en baisse de 67 millions par rapport à 2015.  Selon le CCC, cette diminution est principalement imputable à des pertes actuarielles d’un montant de 48 millions et liée à l’évaluation à la hausse des engagements au titre de l’assurance maladie, des frais de rapatriement et des pensions dus aux fonctionnaires. 

L’ampleur et l’impact financier de ces engagements de 4,4 milliards de dollars sur le budget ordinaire ne sauraient être sous-estimés, se sont inquiétés les États-Unis.  À terme, ces engagements risquent de « ruiner » le budget ordinaire, a renchéri l’Équateur, au nom du Groupe des 77 et de la Chine.

Les États-Unis ont jugé essentiel d’avoir un « aperçu clair » de la situation, dont des données suffisamment « fiables » pour garantir une bonne planification financière.  Cela suppose de corriger les « lacunes » liées au processus de collecte et d’agrégation des informations soumises à l’actuaire, a estimé l’Équateur, appelant à tirer parti des « opportunités nouvelles » offertes par Umoja pour améliorer l’évaluation des passifs.

Au-delà même de l’évaluation des engagements, a estimé l’Inde, l’absence d’arrangements pour s’acquitter des passifs liés aux avantages du personnel doit être réglée rapidement. 

La prochaine réunion de la Cinquième Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

RAPPORTS ET ÉTATS FINANCIERS VÉRIFIÉS ET RAPPORTS DU COMITÉ DES COMMISSAIRES AUX COMPTES

Rapport du Comité des commissaires aux comptes (CCC) sur les états de la situation financière, des résultats financiers, des variations de l’actif net, des flux de trésorerie, des montants effectifs et des montants inscrits au budget, ainsi que les notes relatives aux états financiers, y compris un récapitulatif des principales conventions comptables. (A/72/5/Vol. I et A/72/5/Vol. I/Corr.1)

La Commission était également saisie des états financiers des entités suivantes: Centre du commerce international (A/72/5/Vol. III), Université des Nations Unies (UNU) (A/72/5/Vol. IV), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) (A/72/5/Add.1), Fonds d’équipement des Nations Unies (UNOPS) (A/72/5/Add.2), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) (A/72/5/Add.3), Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) (A/72/5/Add.4), Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) (A/72/5/Add.5) et Fonds de contributions volontaires gérés par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) (A/72/5Add.6).

Les autres entités sont le Fonds du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) (A/72/5/Add.7), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) (A/72/5/Add.8), le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) (A/72/5/Add.9), l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) (A/72/5/Add.10), le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) (A/72/5/Add.11) et l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes) (A/72/5/Add.12).

Les dernières entités sont le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) (A/72/5/Add.13), le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) (A/72/5/Add.14) et le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (A/72/5/Add.15).

La Commission a aussi examiné le résumé concis des principales constatations et conclusions du Comité des commissaires aux comptes (A/72/176 et A/72/176/Corr.1) et les rapports sur la suite donnée aux recommandations du CCC à l’ONU et au plan-cadre d’équipement (A/72/355) et à celles faites aux fonds et programmes (A/72/355/Add.1)

Dans son rapport (A/72/537), le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) se félicite de ce que toutes les entités ont de nouveau reçu du Comité des commissaires aux comptes des opinions sans réserve.  Il note que la situation financière des entités auditées est demeurée solide.

Le Comité appelle à la prudence lorsqu’il s’agit de déterminer le niveau des réserves, en particulier pour les entités qui sont financées par des contributions volontaires et celles qui ont des engagements pluriannuels.  Le comité compte que le Secrétaire général fera tout pour établir des critères raisonnables concernant le niveau des réserves.

Le CCQAB convient avec le Comité des commissaires aux comptes que la mise en commun de la trésorerie et des placements pourrait être un modèle de gestion des investissements intéressant pour les entités du système des Nations Unies.  Il préconise une étude de faisabilité sur les avantages et les inconvénients de cette formule et des solutions viables pour la mise en place d’un système centralisé de gestion des placements de la trésorerie dans le système des Nations Unies.

Enfin Le Comité consultatif convient avec le Comité des commissaires aux comptes que les différentes entités des Nations Unies et le Secrétariat doivent s’employer à mettre en œuvre d’anciennes recommandations d’audit afin de pouvoir les classer.  Le CCQAB souscrit aussi aux préoccupations concernant la gestion des partenaires d’exécution et considère qu’il convient d’améliorer les pratiques en matière de contrôle.  Il estime qu’Umoja et d’autres progiciels de gestion intégrés utilisés par d’autres entités des Nations Unies devraient être mis à profit pour favoriser le partage de l’information et le contrôle des partenaires d’exécution.

Le Comité consultatif compte que le Comité des commissaires aux comptes poursuivra l’examen des pratiques relatives aux coûts et à la gestion des voyages, y compris l’utilisation d’autres moyens de communication, ainsi que le respect de la politique d’achat anticipé, que ce soit au Secrétariat ou dans les autres entités des Nations Unies, afin de garantir la transparence et l’efficacité de l’utilisation des ressources.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme AMÉRICA LOURDES PEREIRA SOTOMAYOR (Équateur) a noté que le Comité des commissaires aux comptes (CCC) avait émis une « opinion sans réserve » concernant toutes les entités auditées pour l’année terminée le 31 décembre 2016, comme il l’avait fait les années précédentes.  Elle a appelé les entités à maintenir ce cap, tout en s’attaquant aux faiblesses identifiées par le CCC.  En outre, Mme Pereira Sotomayor s’est dite satisfaite de constater que la santé financière des Nations Unies demeurait « saine » dans l’ensemble.  « Toutefois, nous souhaiterions attirer l’attention sur le fait que les engagements au titre des avantages du personnel risquent, à terme, de ruiner le budget ordinaire s’ils ne sont pas financés », s’est inquiétée la représentante.

Concernant la réalisation des objectifs de développement durable, Mme Pereira Sotomayor a noté la mise au point de la méthodologie d’évaluation pour les indicateurs sur les objectifs de développement durable.  Elle a voulu que l’on « évite tout retard » dans la finalisation de cette méthodologie et des normes de collecte des données, au risque de retarder l’évaluation des progrès dans la mise en œuvre de près d’un tiers du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  En effet, a-t-elle insisté, ce travail d’évaluation des progrès ne pourra commencer qu’après l’adoption de la méthodologie d’évaluation pour tous les indicateurs.

Mme Pereira Sotomayor a par ailleurs déploré le fait que la gestion des achats n’ait pas été déléguée de façon « structurée et organisée », en raison, selon elle, de la persistance de pratiques historiques sans lien avec les exigences du processus.  Elle a ainsi appelé à définir et mettre en œuvre une organisation structurée de la chaîne d’approvisionnement, avec des responsabilités bien établies.

La représentante a en outre exprimé les inquiétudes de son groupe face au manque de suivi de la mise en œuvre des directives du Secrétaire général concernant l’accès des employés vivant avec un handicap au bâtiment du Secrétariat de l’ONU.  De plus, elle a noté que les journées de travail perdues en raison de troubles de santé mentale étaient susceptibles de constituer un « risque institutionnel » pour l’Organisation.

Soulignant les investissements « considérables » consentis par l’ONU pour le déploiement du progiciel de gestion intégré Umoja, la représentante s’est réjouie des « opportunités nouvelles » offertes par le système pour redéfinir les processus de l’ONU, au profit d’une plus grande valeur ajoutée.  En particulier, Mme Pereira Sotomayor a appelé le Secrétariat à utiliser Umoja pour surmonter les « lacunes » liées au processus de collecte et d’agrégation des informations soumises à l’actuaire, pour l’évaluation des passifs au titre des avantages du personnel.

Mme Pereira Sotomayor a enfin estimé que l’application des recommandations d’audit « était insuffisante ».  Elle a appelé les différentes entités des Nations Unies et le Secrétariat à redoubler d’efforts pour mettre en œuvre les anciennes recommandations non appliquées.

M. THOMAS HYNDRAK, de l’Union européenne, a salué les conclusions et les recommandations du Comité des commissaires aux comptes (CCC) et s’est réjoui d’apprendre que neuf entités des Nations Unies ont pu, pour la première fois, préparer leur état financier en se servant d’Umoja et les présenter dans les délais impartis au CCC.  Le représentant s’est aussi réjoui que le CCC ait noté de réelles améliorations dans l’utilisation des Normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS) pour préparer les états financiers.  S’agissant de la prévention des fraudes, il a relayé les appels du CCC à de meilleures formations et à des directives spécifiques.  À la lumière du Dispositif de lutte contre la fraude et la corruption publié l’année dernière, d’autres efforts doivent être faits pour assoir la culture de la transparence et de la bonne gouvernance aux Nations Unies, a insisté le représentant.

Il a conclu en notant que le taux de mise en œuvre des recommandations du CCC a certes augmenté mais qu’il n’est pas encore satisfaisant, s’agissant en particulier des recommandations faites il y a plus de deux ans.  Il a encouragé le Secrétaire général à assurer une mise en œuvre pleine et entière de toutes les recommandations du CCC.  

Mme CHERITH A. NORMAN CHALET (États-Unis) a salué le fait que le Comité des commissaires aux comptes (CCC) ait émis une « opinion sans réserve » concernant toutes les entités auditées.  « Ces entités ont démontré leur solvabilité et leur capacité de couvrir leurs engagements à court et à long termes », s’est-elle félicitée, tout en réaffirmant la confiance de son pays dans « l’intégrité » des états financiers des Nations Unies.  Grâce à l’utilisation d’Umoja, a-t-elle également salué, ces états financiers ont pu, cette année, être produits dans les délais impartis.

S’agissant du plan stratégique patrimonial, Mme Norman a relayé les préoccupations soulevées par le CCC concernant la gestion du projet et les retards accusés en matière d’achats.  Elle a appelé l’Organisation à intégrer les enseignements tirés du plan-cadre et à mettre en place des initiatives sans coût pour compenser les retards.  « Nous insistons sur le fait que le projet doit être finalisé dans les limites du budget et des délais impartis, d’ici à 2023 », a-t-elle insisté.

Par ailleurs, la représentante américaine a plaidé en faveur d’un processus de gestion des achats plus « efficace », caractérisé notamment par « une délégation d’autorité plus transparente », le respect des contrats d’approvisionnement, une bonne gestion des données et des processus de transaction via Umoja. 

Quoique l’ONU dispose de suffisamment d’actifs pour couvrir ses engagements, le problème lié aux engagements concernant les avantages du personnel n’a toujours pas été réglé, a par ailleurs regretté la représentante.  « L’ampleur et l’impact financier de ces engagements sur le budget ordinaire, évalué à environ 4,4 milliards de dollars pour 2016, ne sauraient être sous-estimés », a-t-elle insisté.  Pour remédier à cette situation, la représentante a jugé essentiel d’avoir un « aperçu clair » de ces engagements, dont des données fiables sur le personnel, pour une bonne planification financière.

La représentante a enfin appelé à mieux appliquer les recommandations dans le travail quotidien pour améliorer la performance, la bonne gouvernance et la transparence, et faire en sorte que les États Membres puissent prendre des décisions « informées » sur les ressources de l’Organisation.

M. RAGHAV LAKHANPAL (Inde) a repris l’observation du Comité des commissaires aux comptes (CCC) sur la nécessité d’aligner au mieux les stratégies à long terme avec les activités de mise en œuvre du Programme 2030.  Cela contribuerait à une plus grande cohérence et à un meilleur contrôle des objectifs de développement durable.  La responsabilité première de cette mise en œuvre incombe aux États mais l’importance de l’appui du système des Nations Unies à ces États est bien « établie », a souligné le représentant. 

Dans le domaine de la gestion financière, le représentant a voulu que l’on réponde aux préoccupations du CCC sur l’absence d’arrangements appropriés pour s’acquitter des passifs liés aux avantages du personnel.  Nous comprenons aussi qu’il y a quelques améliorations à apporter à la gestion des réserves financières, a ajouté le représentant. 

Notant que les états financiers de neuf entités des Nations Unies pour 2016 ont été établis via Umoja, le représentant a voulu que l’élan soit maintenu pour une gestion efficace des fonds et autres ressources du système des Nations Unies.

Le représentant a par ailleurs souligné la nécessité de définir clairement les critères pour la délégation d’autorité en matière d’achats fondée sur les besoins et un meilleur suivi des processus de passation des marchés et des contrats.  Il faut, a-t-il ajouté, un meilleur contrôle de la collecte de données sur le personnel pour l’évaluation actuarielle.  À cet égard, la mise en œuvre des recommandations du CCC doit être la priorité pour une bonne gestion financière.

Maintenir la culture d’intégrité à l’ONU et dans ses fonds et programmes est important, a poursuivi le représentant.  Il faut évaluer les risques de fraude pour identifier les faiblesses dans les procédures et mettre en place des stratégies de prévention « robustes ».  Une mise en œuvre effective du Dispositif de lutte contre la fraude et la corruption publié en septembre 2016 serait une étape importante dans la bonne direction.

À son tour, M. Lakhanpal a appelé à une mise en œuvre pleine et entière des recommandations du CCC.  Une meilleure synergie entre les différents organes de contrôle dans la mise en œuvre de ces recommandations contribuerait à consolider les gains d’efficacité, a insisté le représentant.  

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La réunion extraordinaire de L’ECOSOC sur les ouragans entend des appels à l’aide, avant la conférence d’annonce de contributions du 21 novembre

Session de 2018,
4e séance – matin & après-midi
ECOSOC/6873

La réunion extraordinaire de L’ECOSOC sur les ouragans entend des appels à l’aide, avant la conférence d’annonce de contributions du 21 novembre

La conférence d’annonce de contributions en faveur des pays des Caraïbes touchés par les récentes catastrophes, qui sera conjointement organisée par l’ONU et la Communauté des Caraïbes (CARICOM) le 21 novembre, a suscité l’espoir des participants à la Réunion extraordinaire que tenait aujourd’hui le Conseil économique et social (ECOSOC) pour examiner la question suivante: « les conséquences des récents ouragans: mettre en œuvre un Programme 2030 résilient et tenant compte des risques ».

« Tout ce que je veux, c’est qu’il cesse de pleuvoir », avait déclaré, transi de froid et d’espoir, un enfant de 2 ans en s’adressant à ses secouristes, des propos rapportés par la représentante de la Dominique qui dressait le bilan des récents ouragans.

En septembre, Harvey, Irma et Maria ont fait des dizaines de morts dans les territoires touchés, tandis que des milliers de gens ont été déplacés, des infrastructures et des maisons ont été endommagées et les moyens de subsistance ont été affectés.  Puis, ce fût la tempête tropicale Nate, en octobre, qui a provoqué des inondations, des glissements de terrain et des vents violents en Amérique centrale, faisant plus de 30 morts et affectant 600 000 personnes dans la région.  À cela se sont ajoutés de puissants tremblements de terre au Mexique qui ont dévasté les communautés à proximité de l’épicentre et tué plus de 400 personnes.

Une première estimation des dommages matériels causés par les ouragans Harvey et Irma évalue les pertes à 150-200 milliards de dollars aux États-Unis, et à plus de 10 milliards de dollars dans la région des Caraïbes, tandis qu’on attend encore l’évaluation des dommages résultant du passage de Maria.  C’est dire l’importance de cette conférence d’annonce de contributions qui a été annoncée, ce matin, par le Secrétaire général pour le développement humain et social de la CARICOM, M. Douglas Slater, peu après la visite du Secrétaire général de l’ONU en Dominique et à Antigua-et-Barbuda.

Si cette initiative a été saluée par les participants, le représentant du Venezuela a toutefois demandé d’éviter de commettre les mêmes erreurs qu’avec Haïti pour qui les promesses sont restées lettre morte après le tremblement de terre de 2010.  Son homologue de la République dominicaine a donc proposé, très concrètement, de créer un fonds de résilience spécial des Nations Unies pour aider les pays les plus vulnérables et prévenir un endettement excessif de ces derniers.

Dix millions de dollars ont d’ores et déjà été annoncés par les Émirats arabes unis comme leur contribution aux opérations de secours aux pays des Caraïbes, en plus des financements pour la reconstruction des systèmes énergétiques alloués à Antigua-et-Barbuda et à la Dominique, par le truchement des 50 millions de dollars du Fonds Émirats arabes unis-Caraïbes pour les énergies renouvelables.

Soulignant l’importance de cette aide financière, les participants à la réunion ont reconnu que les coûts de la reconstruction allaient saper les perspectives des pays touchés par ces catastrophes en termes de développement durable, comme l’a dit à l’ouverture la Présidente de l’ECOSOC, Mme Marie Chatardová (République Tchèque).

Prônant une approche préventive, la Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies, Mme Amina J. Mohammed, a recommandé d’établir des systèmes de gestion des risques qui tiennent compte à la fois des catastrophes naturelles, des risques environnementaux et des aléas climatiques.  Cela se justifie d’autant plus que, selon des scientifiques, le nombre d’ouragans devrait augmenter si la température mondiale croît de plus de 2 degrés Celsius d’ici à 2050, comme l’a relevé M. Douglas Slater de la CARICOM.  Avec, en plus, l’augmentation prévue du niveau de la mer, il a anticipé un scénario catastrophe pour les îles de sa région et a plaidé pour qu’on facilite leur accès aux financements pour leur permettre de faire face aux chocs externes de cette ampleur. 

« Ces catastrophes nous rappellent que les changements climatiques ne sont pas une discussion philosophique », et c’est pourquoi il nous faut réitérer nos engagements en faveur de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, a proposé le Président de l’Assemblée générale, M. Miroslav Lajčák (Slovaquie).  C’est dans cette optique qu’a été créée l’initiative CREWS, a rebondi le délégué de la France, une initiative qui vise à augmenter les capacités des systèmes d’alerte intégrés avec pour ambition de couvrir 80 pays vulnérables grâce à 100 millions de dollars d’ici à 2020.

« On parle de catastrophes naturelles, mais elles ne sont pas si naturelles, puisqu’elles sont le résultat des actions humaines », s’est étonné le Représentant spécial du Secrétaire général pour la réduction des risques de catastrophe, M. Robert Glasser, en soulignant l’impact anthropique dans les modifications du climat.  Il a relevé par exemple que l’acidification des océans, due au réchauffement du climat, conduit à la dégradation des récifs coralliens, lesquels ont toujours servi de barrière à l’impétuosité des vagues frappant les côtes.  C’est pourquoi il faut que les pays responsables des changements climatiques en payent la facture, ont exigé de nombreuses délégations.

Le représentant d’Antigua-et-Barbuda a pour sa part invité les Nations Unies à aider son pays à prendre en charge des milliers de réfugiés climatiques dont certains viennent des pays voisins affectés par les récents ouragans.  « Nous dépensons 45 000 dollars par jour rien que pour les nourrir », a-t-il affirmé. 

Il est vrai que 160 000 personnes ont été évacuées vers Antigua après le passage de l’ouragan Irma, a relevé la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Ursula Mueller, tout en plaidant pour la mise en place de méthodes d’alerte rapide dans les Caraïbes.  Elle a expliqué que les évacuations avaient été ralenties par le fait que les secouristes, ne disposant pas de données sur la population vulnérable, n’ont pas pu localiser rapidement les enfants, les femmes, les personnes âgées et les handicapés.

« Chez nous », s’est enorgueillie la déléguée de Cuba, les systèmes locaux et nationaux d’alerte rapide sont efficaces.  La Vice-Ministre des affaires étrangères du Panama a, quant à elle, annoncé la construction prochaine d’un centre logistique régional de prévention des catastrophes, qui pourra être mobilisé pour des secours d’urgence dans la région.

Au-delà des secours d’urgence, le relèvement doit aussi prendre en compte les actions de développement, a noté la Directrice régionale pour l’Amérique latine et les Caraïbes du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Sous-Secrétaire générale Jessica Faieta.  Elle a indiqué à cet égard que le PNUD avait déjà signé des partenariats avec des organisations non gouvernementales nationales et internationales et avec d’autres parties prenantes dans le cadre de la reconstruction des pays des Caraïbes affectés ces dernières semaines.  

Dans le cadre à la fois de la reconstruction et de la prévention, certains ont plaidé pour des solutions durables.  « On ne va reconstruire sans cesse les mêmes infrastructures qui seraient détruites le lendemain », a argué le Chef du Dispositif mondial de réduction des effets des catastrophes et de relèvement (GFDRR) du Groupe de la Banque mondiale, M. Francis Ghesquiere.  La Présidente de l’ECOSOC et d’autres orateurs ont rappelé à cette occasion les engagements pris dans le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015–2030.  Elle a aussi vanté les mérites des informations géospatiales dans la prévention des catastrophes, tout en se félicitant de la contribution du Comité d’experts sur la gestion de l’information géospatiale à l’échelle mondiale, un organe subsidiaire de l’ECOSOC.

La délégation des États-Unis a plaidé pour que les régions les plus vulnérables aux catastrophes collaborent davantage entre elles en vue de renforcer leur résilience.  Elle a aussi suggéré de s’appuyer sur les partenariats public-privé, expliquant qu’ils peuvent jouer un rôle important dans la réduction des risques de catastrophe.

Consciente du besoin de renforcement des capacités des pays en développement en matière de réduction des risques de catastrophe, la Fédération de Russie organise des formations pour des pays des Caraïbes et d’Amérique du Sud, a indiqué la délégation.  Le délégué du Chili a pour sa part donné un exemple de coopération triangulaire avec le projet Kizuna: des experts japonais et chiliens ont formé 2 900 professionnels de la gestion des risques de catastrophe des pays des Caraïbes.

« Pourquoi donc ne pas inviter ces pays vulnérables à se tourner vers des assurances privées quand ils ne sont pas éligibles aux aides publiques pour se prémunir des catastrophes », a interrogé la déléguée du Royaume-Uni pour explorer une autre voie en matière de prévention.

Les difficultés de financement de la prévention et de la résilience ont suscité de nombreux commentaires.  Le représentant de la Jamaïque a ainsi relevé que les mécanismes de financement innovants ne sont disponibles que lorsque le pays est déjà frappé par les phénomènes météorologiques extrêmes.  Et même dans ce cas, les barrières administratives rendent ces fonds inaccessibles, conduisant ces pays à s’endetter de plus belle.   

« Si l’on combine le poids de la dette des pays de la région avec les destructions annuelles causées par les catastrophes naturelles, alors il ne sera pas possible à ces pays de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 », a même prédit le Représentant spécial du Secrétaire général pour la réduction des risques de catastrophe, M. Robert Glasser, en parlant de la situation des Caraïbes. 

Le taux d’endettement de la région dépasse 70% du produit intérieur brut, avec des pointes de 83% pour Antigua-et-Barbuda et de 110% pour la Barbade, a noté la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), Mme Alicia Bárcena Ibarra.  « Et c’est dans ces conditions qu’Antigua-et-Barbuda est censée passer à la catégorie des pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure? » a déclaré, stupéfaite, Mme Bárcena Ibarra en se désolant face au tableau d’un pays littéralement détruit.   

Mme Bárcena Ibarra a précisé que la dette de la région s’élève à 52 milliards de dollars, dont 2 milliards représentent la dette multilatérale.  C’est pourquoi la CEPALC a proposé la création d’un « fonds d’affectation vert » dédié aux investissements en faveur des projets d’adaptation aux changements climatiques pour les pays de la région.  La CEPALC propose en outre que l’encourt de la dette vis-à-vis des bailleurs privés soit remboursé en monnaies locales, afin que les États ne soient plus tributaires des fluctuations du cours du dollar.

Les pays des Caraïbes ont notamment dénoncé le « piège du revenu intermédiaire » qui veut que ces pays dotés d’un PIB élevé soient confrontés à de nombreuses vulnérabilités telles que leur petite taille, leur marché étroit, et la vulnérabilité de leurs économies face aux chocs externes.  « Le PIB par habitant n’est pas, selon M. Slater de la CARICOM, un critère adéquat pour mesurer le développement d’un pays. »  Abondant dans le même sens, plusieurs orateurs se sont plaints que ce critère prive ces pays d’accès à des financements à des conditions concessionnelles.

C’est pourquoi la Vice-Secrétaire générale, Mme Mohammed, a appelé à des financements innovants pour soutenir une résilience sur le long terme.  Il faut aussi revoir les critères d’éligibilité aux prêts concessionnels comme cela s’est déjà fait dans le passé dans le cas de pays à revenu intermédiaire abritant de larges populations de réfugiés, notamment la Jordanie et le Liban, a-t-elle aussi estimé avant de proposer un allongement des délais de paiements de la dette des pays touchés dans le contexte des catastrophes. 

Face à toutes ces préoccupations, les Pays-Bas ont proposé la création d’un poste d’envoyé spécial du Secrétaire général sur les changements climatiques, afin de focaliser les actions dans ce domaine, tandis que le Venezuela s’est improvisé porte-parole des « sept territoires non autonomes des Caraïbes » pour pointer du doigt le peu d’intérêt qu’accordent les puissances administrantes aux problèmes de ces territoires.

L’ECOSOC entend publier une déclaration présidentielle demain, 25 octobre 2017, pour capter les messages clefs et les recommandations de cette réunion. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission appelle à établir une stratégie pour publier les communiqués de presse dans les six langues officielles de l’ONU

Soixante-douzième session,
16e séance – matin
CPSD/645

La Quatrième Commission appelle à établir une stratégie pour publier les communiqués de presse dans les six langues officielles de l’ONU

La Quatrième Commission a adopté, aujourd’hui, par consensus, deux projets de résolution relatifs à l’information, dont un qui accorde une large place à l’importance de promouvoir le multilinguisme dans les activités du Département de l’information, notamment en ce qui concerne la rédaction des communiqués de presse.

Un premier projet de résolution, intitulé « L’information au service de l’humanité » et proposé par le Comité de l’information, appelle pour sa part les États à coopérer et à fournir une assistance accrue pour développer les infrastructures et les capacités de communication dans les pays en développement, « de manière à leur permettre d’élaborer librement et indépendamment leurs propres politiques d’information et de communication ».

Ce texte demande aussi de faire en sorte que les journalistes puissent travailler librement et efficacement, « toute attaque contre leur personne étant résolument condamnée ».

Également adopté sur recommandation de son Comité de l’information, le projet de résolution intitulé « Politiques et activités de l’Organisation des Nations Unies en matière d’information » aborde la question du multilinguisme.  Son dispositif qui contient plus de 100 paragraphes aborde aussi d’autres questions ayant trait à la communication stratégique, au sein des missions de maintien de la paix notamment, et aux moyens de communication traditionnels, entre autres.

Ce texte indique notamment que contrairement au principe de l’égalité des six langues officielles, les communiqués de presse quotidiens ne sont pas publiés dans toutes les langues officielles.  Le Département de l’information se verrait donc prié d’élaborer à titre prioritaire une stratégie permettant de publier des communiqués de presse quotidiens dans les six langues officielles, « par des moyens innovants et sans que cela ait d’incidences financières ».

Le dispositif souligne aussi combien il importe que le Département de l’information intègre le multilinguisme dans la planification et la mise en œuvre de campagnes de publicité, notamment en concevant des logotypes et des logos ISO dans différentes langues, ainsi qu’en utilisant des mots-dièse pour les campagnes menées dans les médias sociaux dans plusieurs langues.

À l’issue de l’adoption de ce texte, plusieurs délégations, dont celle des États-Unis, ont insisté sur le fait que le paragraphe 24 de son dispositif, qui concerne particulièrement le multilinguisme, ne laissait en rien présager d’une augmentation des ressources pour le Département de l’information, qui devait s’appuyer sur les « capacités existantes ».

Ce paragraphe indique qu’il importe d’utiliser et de traiter sur un pied d’égalité toutes les langues officielles des Nations Unies dans toutes les activités de l’ensemble des divisions et bureaux du Département de l’information, en vue d’éliminer le décalage entre l’emploi de l’anglais et celui des cinq autres langues officielles.

Selon ce paragraphe du dispositif, le Secrétaire général se verrait de nouveau prié de veiller à ce que le Département dispose, dans toutes les langues officielles, des moyens nécessaires pour mener à bien l’ensemble de ses activités. L’Assemblée générale demanderait qu’il soit tenu compte de cette exigence dans les futurs projets de budget-programme concernant le Département, en gardant à l’esprit le principe de l’égalité des six langues officielles et en prenant en considération la charge de travail dans chacune d’elles.

Au préalable, lors de la clôture du débat général sur les questions relatives à l’information, la représentante de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a souligné que la mise en œuvre effective du multilinguisme relevait d’une « véritable stratégie de survie » pour les Nations Unies à l’heure où le « multilatéralisme est sérieusement remis en cause ».  Elle a particulièrement souligné l’enjeu de la réforme du système des Nations Unies, qui doit compter sur « l’appropriation de toutes et tous » et ne saurait se faire « si les échanges ne sont pas possibles dans les langues officielles des Nations Unies ».

Lui emboîtant le pas, le représentant du Maroc a demandé à ce que l’ensemble des documents utilisés dans les opérations de maintien de la paix soient disponibles en français et dans les autres langues officielles des Nations Unies, dénonçant la prépondérance de l’anglais comme un « obstacle à la participation des troupes francophones ».

La séance a par ailleurs été marquée par de vifs échanges entre les délégations du Maroc et de l’Algérie dans le cadre de l’exercice du droit de réponse, suite à la demande, vendredi, de l’Algérie de publier le rapport sur la visite, en 1975, du Comité spécial de la décolonisation au Sahara occidental.

La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 25 octobre, à partir de 10 heures.

QUESTIONS RELATIVES À L’INFORMATION (A/72/21 ET A/72/258)

Fin du débat général

M. NIRMAL RAJ KAFLE (Népal) a estimé que les centres d’information des Nations Unies (CINU) étaient des outils essentiels pour communiquer avec les populations dans leur propre langue, et qu’ils devaient être renforcés au plan technique et des infrastructures.  Il a aussi rappelé que les nouveaux médias, bien que populaires chez les jeunes, sont parfois difficiles d’accès dans certains pays en développement et que la radio, la télévision et la presse écrite demeurent, à l’heure actuelle, les premières sources d’information dans ces pays.  Il a appelé à allier ces différentes plateformes de communication afin de s’adresser à tous les publics.  Il également souhaité que le Département de l’information envisage la possibilité de rendre gratuit, dans le monde entier, le numéro de téléphone permettant d’obtenir du matériel des Nations Unies.  Saluant le travail du Département de l’information vis-à-vis de la jeunesse, des institutions éducatives et de la société civile, il l’a engagé à renforcer encore ses partenariats.  Il a aussi rappelé l’importance du multilinguisme, encourageant le Département de l’information à augmenter le nombre de langues couvertes par ses publications, y compris le népali, qui est parlé par des millions de personnes au Népal et ailleurs.

M. YASSER HALFAOUI (Maroc) a salué les différentes campagnes de communication menées par le Département de l’information, précisant que son pays appréciait particulièrement le programme spécial d’information sur la question de la Palestine.  Il a toutefois regretté le manque d’information sur de nombreuses activités liées au maintien de la paix, et a appelé à une meilleure collaboration avec les Départements des opérations de maintien de la paix, des affaires politiques et de l’appui aux missions, qui « permettrait de pallier à ce manque ». Le représentant a aussi dénoncé les obstacles qui continuent à se dresser lorsqu’il s’agit de la participation de troupes francophones aux opérations de maintien de la paix, citant la prépondérance des procédures anglophones, le manque de manuels en français, et le fait que les principaux documents de doctrines sont principalement disponibles en anglais.  « L’ensemble des documents précités devraient être disponibles non seulement en français, mais dans toutes les langues officielles des Nations Unies », a-t-il déclaré.

Le multilinguisme, a poursuivi le délégué, est une chance. Il s’est dit conscient des défis financiers et logistiques que cela implique, tout en appelant le Département de l’information à faire preuve d’ingéniosité en proposant des solutions novatrices qui puissent permettre de réduire la différence de traitement entre les six langues officielles.  Il a pointé le recours aux technologies de l’information et des communications, comme moyen de pallier au manque de moyens.  Il a toutefois souligné que l’engouement pour ces supports ne doit pas faire oublier l’importante fracture numérique, qui reste une réalité, d’où la nécessité de continuer à recourir aux moyens traditionnels tels que la radio et la presse écrite.  M. Halfaoui a salué le rôle de premier plan joué par les centres d’information des Nations Unies (CINU), et particulièrement le CINU de Rabat, établi en 1962, qui s’est distingué récemment par la couverture de la COP22 qui s’est tenue à Marrakech.  Il a d’ailleurs estimé que ses efforts auraient pu figurer dans le rapport du Comité de l’information.

Enfin, le délégué a fait part de sa surprise concernant la demande de l’Algérie de publier le rapport du Comité spécial de la décolonisation datant de 1975.  « Le Département de l’information n’a d’ordres à recevoir de personne, il est indépendant », a-t-il affirmé.  « Pourquoi faire preuve de sélectivité en demandant un seul rapport en particulier, qui date de presque un demi-siècle? »  « Allons-nous mettre en ligne toutes les résolutions du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental? »  Il a jugé que cela constituerait un « précédent » et que d’autres pays exigeront la diffusion de tel ou tel rapport, « avec les risques d’instrumentalisation et de politisation que nous connaissons ».  La mission du Département de l’information n’est pas de servir l’agenda de l’Algérie ou de toute autre délégation, a-t-il asséné.  « Ouvrir cette voie équivaudrait à ouvrir la boîte de Pandore », a-t-il jugé, en précisant que « fort heureusement, le Maroc ne s’inscrit pas dans cette logique ».  Il a demandé au Département de l’information de continuer à se focaliser sur les thématiques et tâches qui lui sont recommandées par le Comité de l’information.

Mme SAHAR SALEM, de l’État de Palestine, s'est associée au Groupe des 77 et de la Chine et a salué le Programme spécial d’information sur la question de Palestine, qui a contribué de manière efficace et objective à accroître la sensibilisation de la communauté internationale sur cette question qui a trait au droit international et aux résolutions des Nations Unies.  Elle a également salué le développement de l’assistance aux médias via le programme annuel de formation offert aux jeunes journalistes palestiniens.  Elle a ajouté que l’État de Palestine, en collaboration avec la Division des droits des Palestiniens du Département des affaires politiques, présenterait en novembre une exposition mettant à l’honneur la résilience du peuple palestinien et les réalisations individuelles ou collectives en matière de droits de l’homme, d’éducation, de science, d’art et de sport.  Elle a appelé les délégations à continuer de soutenir le Programme spécial d’information sur la Palestine, qui a joué un rôle déterminant pour fédérer les soutiens aux efforts régionaux et internationaux visant à trouver une solution juste, durable et globale à la question de Palestine.

Mme NARJESS SAIDANE, de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a déclaré qu’il n’y avait « pas de meilleur moment qu’aujourd’hui pour insister sur la nécessité d’un multilinguisme effectif au sein des organisations internationales ».  Elle a souligné que la mise en œuvre effective du multilinguisme relevait d’une « véritable stratégie de survie » pour les Nations Unies à l’heure où le « multilatéralisme est sérieusement remis en cause ».  Elle a également évoqué la réforme importante du système des Nations Unies, soulignant que les décisions qui se prendront à cet égard doivent compter sur l’appropriation de toutes et de tous, « ce qui ne saurait se faire si les échanges ne sont pas possibles dans les langues officielles des Nations Unies ».

Pour Mme Saidane, la capacité de mettre en œuvre un multilinguisme effectif relève d’une « véritable stratégie de survie » pour l’Organisation.  Il a toutefois jugé crucial de ne pas seulement traduire des contenus dans les langues officielles, mais également de produire ces contenus dans d’autres langues qui pourraient ensuite être traduits en anglais.  Il a souligné que cette option est d’autant plus fondamentale pour le travail important du Département de l’information lié à la sensibilisation du public et à la communication stratégique.

Droits de réponse

Usant de son droit de réponse, M. MOHAMMED BESSEDIK (Algérie) a souligné que le fait que le rapport du Comité spécial des 24 date de 1975 n’enlevait aucune valeur à ce document.  S’adressant à son « frère, voisin et collègue du Maroc », il a indiqué que ce rapport n’est pas du ressort de Département de l’information mais du Comité spécial des 24 et qu’une résolution appelle le Département de l’information à diffuser toute information relative à la situation dans les 17 territoires n’ayant pas accédé à leur droit à l’autodétermination.  Il a aussi signalé que tous les rapports de visites dans les territoires non autonomes figurent sur le site Internet des Nations Unies, à l’exception de ce rapport de 1975, ajoutant qu’il est du devoir et de l’obligation du Département de l’information de faire son travail.

Poursuivant, le représentant a indiqué que « la question du Sahara occidental n’est pas celle du Sahara marocain » et que comme le disent les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, c’est le Sahara occidental qui doit faire l’objet d’un référendum d’autodétermination pour permettre à ce peuple de décider de son sort.  « Si c’est son choix libre de s’associer au Maroc, qu’il s’intègre au Maroc, pourquoi pas, mais après avoir choisi son sort, pas après une invasion au nom d’une Marche verte », a encore insisté le représentant de l’Algérie.

Revenant sur le fait que le rapport de 1975 n’est pas publié en ligne, le délégué a souligné que l’Algérie ne fait que réclamer une mesure pour rétablir ce qui est valable pour tous les territoires non des territoires non autonomes. « L’Algérie, a-t-il insisté, ne fait que défendre un droit juridiquement et internationalement consacré qui est le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination.  « On ne parle pas de Sahara marocain, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, qui toutes reconnaissent le droit du peuple du Sahara occidental à jouir de son droit inaliénable à l’autodétermination, de manière libre et sans intervention étrangère », a encore insisté le représentant.  « Telle est la position de l’Algérie et telle est la position des Nations Unies.  Nous ne demandons que l’application du droit international », a-t-il conclu.

Répondant à l’Algérie, M. HALFAOUI (Maroc) a regretté que « son collègue et voisin » ne rate aucune occasion pour évoquer la question du Sahara occidental et a dénoncé l’utilisation du mot « invasion » pour parler de la Marche verte, qui, a affirmé le délégué marocain, était « une marche pacifique par laquelle le Maroc a récupéré son Sahara en 1975 ».  Abordant ensuite la question du rapport de 1975, il a souligné que sa délégation avait demandé à ce qu’il n’y ait pas de sélectivité. « Pourquoi se limiter à ce rapport ? Pourquoi ne pas mettre en ligne tous les documents, depuis la création des Nations Unies ? On a de moyens technologiques qui pourraient nous le permettre », a-t-il indiqué. Commentant ensuite le fait que le rapport du Secrétaire Général invite les pays voisins à faire d’importantes contributions au processus lié au Sahara occidental le représentant a estimé qu’il devrait plutôt leur demander de faire des « contributions positives » à ce processus.

Reprenant la parole, M. BESSEDIK (Algérie) a affirmé « à son frère et collègue » que la Marche verte n’avait pas été une marche pacifique puisqu’elle a entrainé des réfugiés sur le territoire algérien et engendré des victimes de tortures, meurtres, disparitions.  Il a aussi souligné que l’Algérie n’avait jamais exprimé de réserves quant à la publication de plus de rapports des Nations Unies sur le site Internet. Au contraire, a-t-il affirmé, elle encourage la transparence et demande juste que ce rapport de 1975 soit mis en ligne.

Il a ensuite évoqué un autre rapport sur une visite, datant de 2006, du Commissaire aux droits de l’homme dans les camps de réfugiés de Tindouf. Il a expliqué que ce document avait été « finalisé » et qu’il devait « être soumis au Conseil des droits de l’homme », mais que malheureusement, il est toujours « dans les tiroirs » et il n’a jamais été rendu public.

Il a par ailleurs fait savoir que l’Algérie a toujours accueilli avec satisfaction les résolutions du Conseil de sécurité appelant les pays voisins, en qualité d’observateurs, à contribuer. Il a ajouté qu’en sa qualité d’« État observateur », l’Algérie avait toujours « œuvré dans le sens positif, sur un conflit ouvert entre le Polisario et le Maroc », et s’est également montrée ouverte aux visites du Secrétaire général.

« Tant qu’il y aura une occupation étrangère et qu’il n’y aura pas de mise en œuvre du droit à l’autodétermination, l’Algérie continuera à défendre ce droit, car c’est la pire violation des droits de l’homme, car ce droit renferme d’autres droits, comme celui à l’éducation.  Quand le droit à l’autodétermination sera mis en œuvre, l’Algérie sera satisfaite », a-t-il affirmé.

Répondant à nouveau à l’Algérie, M. HALFAOUI (Maroc) a dénoncé le fait que son homologue se permette de remettre en question un fait historique, la Marche verte, en la qualifiant de non pacifique.  « A-t-il des preuves de ce qu’il avance? »  « Comme peut-il se permettre de parler de séquestrés? » a lancé le délégué avant d’ajouter que « les Marocains séquestrés à Tindouf n’ont pas le droit à la liberté de quoi que ce soit ».  Il a également estimé que le Département de l’information a des choses plus intéressantes à faire que de déterrer tel ou tel rapport demandé par une délégation.  Le représentant marocain a par ailleurs remis en question la qualification de l’Algérie comme « pays observateur ».  « Comment peut-elle se qualifier comme telle quand on sait qu’elle est partie prenante au conflit? » a lancé le délégué qui a indiqué que l’Algérie a créé le Polisario, l’a accueilli sur son territoire et a assuré sa formation.  Enfin, il a demandé d’éviter toute instrumentalisation du terme d’autodétermination, qui n’est, selon lui, pas « synonyme d’indépendance ».  « J’ai entendu parler d’occupation étrangère.  Mais il s’agit d’une question de parachèvement de notre intégrité territoriale », a-t-il encore insisté.

DÉCISIONS SUR LES PROJETS DE RÉSOLUTION A ET B FIGURANT DANS LE RAPPORT DU COMITÉ DE L’INFORMATION (A/72/21, CHAPITRE IV) ET AMENDEMENT AU PROJET DE RÉSOLUTION B FIGURANT DANS LE DOCUMENT A/C.4/72/L.9

Aux termes du projet de résolution A intitulé « L’information au service de l’humanité », contenu dans le rapport du Comité de l’information (A/72/21) l’Assemblée générale demanderait instamment que tous les pays, les organismes du système des Nations Unies dans son ensemble et tous les autres acteurs intéressés, coopèrent afin d’atténuer les disparités dans la façon dont l’information circule à tous les niveaux en fournissant une assistance accrue pour développer les infrastructures et les capacités de communication dans les pays en développement, de manière à leur permettre d’élaborer librement et indépendamment leurs propres politiques d’information et de communication.

Elle leur demanderait aussi de faire en sorte que les journalistes puissent travailler librement et efficacement, « toute attaque contre leur personne étant résolument condamnée ».

Elle leur demanderait aussi de renforcer les programmes de formation pratique destinés aux journalistes des organes de presse, de radio et de télévision publics, privés et autres des pays en développement.

Par ce texte, les États Membres, les organismes du système des Nations Unies dans son ensemble et tous les autres acteurs intéressés devraient aussi s’efforcer de fournir tout l’appui possible pour instaurer des conditions qui permettent aux pays en développement ainsi qu’à leurs médias, « publics, privés ou autres », de se doter des techniques de communication qui répondent à leurs besoins nationaux ainsi que des éléments de programmes nécessaires, notamment pour la radiodiffusion et la télévision.

Ils devraient également aider à créer des réseaux de télécommunication sous-régionaux, régionaux et interrégionaux, notamment entre pays en développement, et faciliter, par ailleurs, l’accès des pays en développement aux techniques de communication de pointe disponibles sur le marché.

Par le projet de résolution B intitulé « Politiques et activités de l’Organisation des Nations Unies en matière d’information », également contenu dans le rapport du Comité de l’information (A/72/21), adopté par consensus, l’Assemblée générale demanderait de nouveau au Département de l’information et aux services auteurs du Secrétariat de faire en sorte que les publications des Nations Unies soient produites dans les six langues officielles, dans le respect de l’environnement et sans que cela ait d’incidences financières.

Elle réaffirmerait notamment qu’elle est de plus en plus préoccupée par le fait que, contrairement au principe de l’égalité des six langues officielles, les communiqués de presse quotidiens ne sont pas publiés dans toutes les langues officielles, et prierait le Département de l’information d’élaborer à titre prioritaire une stratégie permettant de publier des communiqués de presse quotidiens dans les six langues officielles, par des moyens innovants et sans que cela ait d’incidences financières.

L’Assemblée générale soulignerait en outre qu’il importe d’utiliser et de traiter sur un pied d’égalité toutes les langues officielles de l’Organisation des Nations Unies dans toutes les activités de l’ensemble des divisions et bureaux du Département de l’information, en vue d’éliminer le décalage entre l’emploi de l’anglais et celui des cinq autres langues officielles et, à cet égard, prierait de nouveau le Secrétaire général de veiller à ce que le Département dispose, dans toutes les langues officielles, des moyens nécessaires pour mener à bien l’ensemble de ses activités, et demanderait qu’il soit tenu compte de cette exigence dans les futurs projets de budget -programme concernant le Département, en gardant à l’esprit le principe de l’égalité des six langues officielles et en prenant en considération la charge de travail dans chacune d’elles.

S’agissant du Réseau de centres d’information des Nations Unies, l’Assemblée générale prendrait note de l’inquiétude manifestée par de nombreux États Membres en ce qui concerne les mesures qu’a prises le Secrétariat au sujet des centres d’information de Mexico, Pretoria et Rio de Janeiro (Brésil)et demanderait au Secrétaire général d’étudier les moyens de renforcer les centres d’information du Caire, de Mexico, de Pretoria et de Rio de Janeiro.  Elle l’engagerait aussi à envisager la possibilité de renforcer d’autres centres, notamment en Afrique.

Au titre des Services de communication stratégique, l’Assemblée générale soulignerait combien il importe que le Département de l’information intègre le multilinguisme dans la planification et la mise en œuvre de campagnes de publicité, notamment en concevant des logotypes et des logos ISO dans différentes langues, ainsi qu’en utilisant des mots-dièse pour les campagnes menées dans les médias sociaux dans plusieurs langues.

Par ailleurs, l’Assemblée générale soulignerait qu’il importe de renforcer la capacité d’information du Département de l’information dans le domaine des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, et inviterait le Département de l’information à détacher des fonctionnaires de l’information ayant les qualifications requises pour assumer les tâches confiées à ces opérations ou missions.

L’Assemblée générale prierait également le Département de l’information, le Département des opérations de maintien de la paix, le Département de l’appui aux missions, le Département des affaires politiques et le Bureau d’appui à la consolidation de la paix de poursuivre leur coopération dans la mise en œuvre d’un programme efficace de communication pour expliquer la politique de tolérance zéro de l’Organisation à l’égard de l’exploitation et des agressions sexuelles, et de tenir le public au courant de la suite donnée à toutes les affaires dans lesquelles sont impliqués des membres du personnel des Nations Unies ou du personnel apparenté.  Elle les prierait également de tenir le public informé des mesures prises pour protéger les droits des victimes et apporter aux témoins un soutien adapté.

S’agissant des moyens traditionnels de communication, l’Assemblée générale se féliciterait des efforts soutenus que fait la Radio des Nations Unies, « qui demeure l’un des moyens de communication traditionnels de très grande portée les plus efficaces dont le Département de l’information dispose », pour que ses émissions multilingues soient plus d’actualité, mieux présentées et davantage ciblées sur des thèmes précis.  Elle prierait aussi le Secrétaire général de continuer à tout faire pour que les six langues officielles soient à égalité dans la production radiophonique de l’Organisation.

Elle saluerait par ailleurs l’achèvement de l’inventaire de 67 ans d’histoire audiovisuelle de l’Organisation et soulignerait qu’il est urgent de numériser les archives pour empêcher que ces pièces historiques uniques ne se détériorent davantage.

L’Assemblée générale constaterait avec préoccupation que le développement multilingue du site Web de l’Organisation et son enrichissement dans certaines langues officielles ont progressé bien plus lentement que prévu et, à ce propos, prierait instamment le Département de l’information de renforcer les dispositions prises pour atteindre l’égalité parfaite entre les six langues officielles sur le site.

L’Assemblée générale soulignerait enfin qu’il importe que le Département de l’information continue à mettre en œuvre le Programme de stages de journalisme Reham Al-Farra et le prierait d’étudier les moyens de tirer le meilleur parti possible des avantages de ce programme, notamment en prolongeant la durée des stages et en augmentant le nombre des stagiaires.

Elle engagerait aussi le Département de l’information à publier la Chronique de l’ONU sous forme électronique uniquement dans la perspective d’assurer ce service dans les six langues officielles tout en restant dans la limite des ressources existantes.

Déclaration avant adoption des deux résolutions

Le représentant des États-Unis a indiqué que sa délégation avait retiré son projet d’amendement A/C.4/72/L.9, expliquant que son pays avait voulu ainsi reconnaître le travail productif mené lors des négociations à propos de ce texte. Le délégué a cependant fait part de sa « frustration » concernant la lecture du paragraphe 24, et ses incidences budgétaires, notant que celui-ci reprend les mêmes termes qui figuraient dans les résolutions adoptées lors des trois dernières sessions de l’Assemblée générale.  Il a souligné que la lecture du paragraphe 24 doit se faire dans le cadre de l’actuel projet de résolution.

Aux yeux du représentant, ce libellé ne constitue pas un justificatif pour des ressources supplémentaires.  Ces capacités, a-t-il insisté, doivent être trouvées dans le cadre des ressources existantes.

Avant l’adoption de ces textes, le Secrétariat a par ailleurs indiqué qu’il n’y avait pas d’incidence sur le budget-programme des résolutions A et B.

Explications de position sur le projet de résolution B (A/72/21)

Mme HUNTER (Canada) s’est félicitée de l’adoption par consensus de ces deux textes et du travail important accompli par le Comité de l’information.  Elle a déclaré que le Canada attachait une grande importance au multilinguisme et était fier de défendre cette cause.  Elle a toutefois fait observer que le paragraphe 23 du projet de résolution B appelle le Secrétariat à poursuivre son travail avec les capacités et a estimé que le paragraphe 24 ne doit pas être interprété comme une demande de ressources supplémentaires.

M. HAJIME KISHIMORI (Japon) s’est lui aussi félicité que les deux textes aient été adoptés sans mise aux voix et a espéré que cela contribue à promouvoir la diplomatie et la coopération entre les États Membres.  S’agissant du paragraphe 24 du projet de résolution B, il a affirmé qu’il serait mal avisé que le Secrétariat continue à mal l’interpréter en estimant qu’il implique l’octroi de ressources supplémentaires pour le budget 2018-2019.  Il a rappelé l’existence d’un autre paragraphe qui stipule que la promotion du multilinguisme doit se faire dans le cadre des capacités existantes.

M. ROWAN ASHBY (Australie) a réitéré son soutien au multilinguisme. Il a noté que le paragraphe 24 du projet de résolution B signifie qu’il n’y pas de ressources supplémentaires. « Nous attendons toutefois avec impatience de discuter des ressources nécessaires au Département de l’information (DPI) dans le cadre de la Cinquième Commission de l’Assemblée générale », a-t-il ajouté.

M. LEE JOO IL (République de Corée) a salué l’adoption par consensus du projet de résolution B, soulignant l’importance du multilinguisme.  Il a cependant estimé que le paragraphe 23 mentionne que cette obligation doit être « faite dans le cadre des ressources actuelles » et a considéré par conséquent que « le paragraphe 24 ne peut être interprété comme impliquant des ressources supplémentaires ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Sixième Commission: l’idée d’une convention internationale sur la question des crimes contre l’humanité divise les délégations

Soixante-douzième session,
19e séance – matin
AG/J/3555

Sixième Commission: l’idée d’une convention internationale sur la question des crimes contre l’humanité divise les délégations

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a poursuivi ce matin l’examen des premiers chapitres thématiques du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), en examinant notamment les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité et les projets de directives sur l’application provisoire des traités.  Si les délégations ont salué l’adoption en première lecture d’un texte sur les crimes contre l’humanité, elles sont restées divisées sur l’idée d’élaborer une convention spécifique sur ce thème. 

D’après le Pérou, la Thaïlande ou la Pologne, les crimes contre l’humanité sont pourtant des crimes si graves qu’il convient de leur consacrer un traité multilatéral spécifique.  Une convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité viendrait compléter le cadre juridique existant, notamment la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les Conventions de Genève et leurs protocoles et le Statut de Rome établissant de la Cour pénale internationale (CPI), en obligeant les États à coopérer entre eux.

Le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Roumanie ont souligné en particulier qu’une éventuelle convention pourrait compléter le Statut de Rome.  Position totalement rejetée par le Soudan qui a déclaré prématuré d’avoir un nouvel instrument international relatif aux crimes contre l’humanité alors que de nombreuses conventions existent déjà.  Évoquant à son tour les mécanismes internationaux, y compris la CPI, qui traitent de cette question, l’Inde s’est demandé dans quelle mesure le travail de la commission est essentiel. 

La Grèce et le Chili ont rappelé l’initiative actuelle visant à la négociation d’un instrument international consacré aux questions de l’extradition et de l’entraide judiciaire, en lien non seulement avec les crimes contre l’humanité mais aussi avec tous les crimes graves reconnus par le droit international. 

Concernant l’application provisoire des traités, plusieurs délégations, comme la Slovénie, la Grèce ou encore le Royaume-Uni, ont demandé des clarifications. 

De façon plus générale, sur le travail de la Commission du droit international, la Fédération de Russie n’a pas jugé utile de continuer à débattre de sujets comme la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État ou les normes impératives du droit international (jus cogens).  « N’oublions pas que ce sont les États qui décident du droit international », a rappelé le représentant russe.

Pour ce qui est de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, la Hongrie a noté que ce sujet complexe a toujours été important, en particulier dans les années 90 avec la disparition du bloc soviétique, et qu’il reste pertinent aujourd’hui. 

La Sixième Commission poursuivra son examen du rapport annuel de la Commission du droit international mercredi 25 octobre, à partir de 10 heures.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-NEUVIÈME SESSION (A/72/10)

Suite des déclarations

M. IAIN MACLEOD (Royaume-Uni) a salué l’achèvement de la première lecture des projets d’articles sur les crimes contre l’humanité.  Notant qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de cadre multilatéral sur les crimes contre l’humanité, il a estimé utile d’approfondir la question.  Selon lui, une éventuelle convention sur ce sujet devrait compléter le Statut de Rome établissant la Cour pénale internationale (CPI).  Il a noté que le projet d’article 5, portant sur le non-refoulement, va au-delà des dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés.  Selon lui, le droit international sur les droits de l’homme, notamment par le biais de la Convention européenne des droits de l’homme, offre déjà une protection suffisante.

Par ailleurs, M. Macleod a déclaré que les dispositions de l’article 13, portant sur l’extradition, sont les mêmes que celles de la Convention des Nations Unies contre la corruption, ce qui pose un certain nombre de questions sur le droit interne et les obligations de son pays au regard du Statut de Rome.  Il a demandé des clarifications sur la distinction juridique entre un traité appliqué de façon provisoire et un traité en vigueur.  Enfin, il a estimé que le projet d’article 7 sur l’établissement de la compétence nationale devrait préciser l’effet d’une rupture de l’application provisoire d’un traité.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA VELASQUEZ (Pérou) a appuyé la future convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité qui sont des crimes si graves qu’il convient de leur consacrer un traité multilatéral spécifique.  Ladite convention viendrait compléter le cadre juridique existant avec notamment la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les Conventions de Genève et leurs protocoles et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Il a aussi mis l’accent sur l’avant-projet d’articles qui aborde la coopération entre les États aux fins de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité.  Il a aussi appelé, s’agissant des individus sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI, à prendre en considération les procédures de l’Assemblée des États parties à ce statut en matière de « non-coopération ».

Le représentant s’est ensuite félicité de retrouver dans le texte la définition des crimes contre l’humanité figurant dans le Statut de Rome, de même que la référence au principe aut dedere aut iudicare, ou le droit à des réparations, entre autres.  Nonobstant, il a jugé qu’il manque une interdiction claire des amnisties de caractère général, compte tenu du caractère atroce de tels crimes.

Passant à l’application provisoire des traités, il a expliqué que le Pérou ne dispose d’aucune norme interne mentionnant directement une telle application, à l’exception de l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Il a mis l’accent sur le projet de directive 11 intitulé « Accord relatif à l’application à titre provisoire avec les limites découlant du droit interne des États ou des règles des organisations internationales ».

M. V. D. SHARMA (Inde) a relevé que le Rapporteur spécial, M. Sean D. Murphy, avait abordé, dans son troisième rapport sur les crimes contre l’humanité, un certain nombre de questions dont l’extradition, le non-refoulement, l’entraide judiciaire, les victimes, témoins et autres personnes affectées, le règlement des différends, la dissimulation des crimes contre l’humanité, l’immunité et l’amnistie.  M. Murphy a également proposé sept projets d’articles et un projet de préambule.  La Commission du droit international (CDI) a examiné et adopté deux rapports du Comité de rédaction relatifs aux projets de préambule, d’articles 1 à 15 avec commentaires, et d’annexe, a rappelé le représentant.  La commission a aussi décidé de transmettre les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité aux gouvernements, aux organisations internationales et autres pour commentaires et observations d’ici au 1er décembre 2018.

Or, sachant qu’il existe déjà des mécanismes internationaux, y compris la Cour pénale internationale (CPI), qui traitent de cette question en général, M. Sharma s’est demandé dans quelle mesure le travail de la commission est essentiel.  Réitérant la position de l’Inde, il a averti que « tout travail sur cette question pourrait conduire à dupliquer les efforts déployés par les régimes existants ».  

S’agissant de l’application provisoire des traités, M. Sharma a salué les efforts du Rapporteur spécial, M. Juan Manuel Gomez, qui y a consacré quatre rapports.  À la présente session, la commission a provisoirement adopté l’avant-projet des directives 1 à 11 préparé par le Rapporteur spécial, ainsi que les commentaires sur ces mêmes directives.  D’un autre côté, la commission était aussi saisie d’un mémorandum du Secrétariat passant en revue la pratique dans les traités bilatéraux et multilatéraux, déposés ou enregistrés, au cours des 20 années écoulées, qui prévoient une application provisoire.  Il a estimé qu’un système politique, social et juridique national a un rôle plus important en matière d’application provisoire d’un traité, notamment la manière d’exprimer l’acceptation du traité.  Comme l’Inde est « un État dualiste », les traités ne font pas automatiquement partie de la loi nationale et leurs dispositions ne deviennent applicables qu’une fois qu’elles ont été approuvées par les procédures internes. 

M. MICHAEL KOCH (Allemagne) a remercié le Rapporteur spécial de la Commission du droit international pour son rapport et l’achèvement des projets d’articles en vue d’une éventuelle convention sur les crimes contre l’humanité.  Selon lui, une telle convention compléterait le droit des traités pertinents et permettrait d’approfondir la coopération entre les États en matière d’enquêtes, de poursuites et de sanctions, afin de mettre un terme à l’impunité.  Il a salué à cet égard l’utilisation d’une terminologie qui va dans le sens du Statut de Rome établissant la Cour pénale internationale.  Il faut assurer la compatibilité avec les règles et institutions relatives au droit pénal international, en particulier la CPI, a-t-il ajouté.  Il a en outre salué le fait que la CDI ne propose pas de mécanisme institutionnel additionnel dans le cadre des projets d’articles de la convention, ce qui aurait mené, selon lui, à des interprétations divergentes.

Devant les ressources limitées de la Commission du droit international et des États Membres, M. BORUT MAHNIČ (Slovénie) a encouragé la CDI à choisir judicieusement les sujets de son programme de travail ou à renvoyer certaines questions, telles que le cyberespace, à d’autres commissions de l’Assemblée générale.  Il a cependant proposé l’inclusion du droit à l’autodétermination à son ordre du jour.  Il a salué les efforts de la commission dans la promotion de l’état de droit, le développement progressif du droit et sa codification, fondements, selon lui, de la paix et de la sécurité.  Après avoir souligné l’adoption en première lecture des projets d’articles sur les crimes contre l’humanité, M. Mahnič a appelé à l’adoption d’un nouveau traité sur l’entraide judiciaire et l’extradition couvrant les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, soit l’« Initiative MLA ». 

Se tournant vers l’application provisoire des traités, le représentant a considéré que les projets de directives doivent être mieux définis.  Toutefois, il s’est dit préoccupé par l’utilisation d’une terminologie non conforme à la Convention de Vienne sur le droit des traités dans le projet de directive 3, qui peut aussi avoir un impact sur l’interprétation de la directive 6.  En ce qui concerne la directive 6, il a estimé qu’une analyse plus poussée est nécessaire, à tout le moins dans le commentaire qui l’accompagne.  Ainsi, il devrait être fait mention qu’il s’agit de l’annulation d’une application provisoire, et non du traité, a-t-il ajouté.  Enfin, il a noté que le projet de directive 8 n’offre aucune orientation quant à la mise en œuvre de l’annulation et celle prévue dans le texte de la Convention de Vienne, qui contient une disposition similaire.

Au sujet du chapitre IV sur les crimes contre l’humanité, M. HECTOR ENRIQUE CELARIE LANDAVERDE (El Salvador) s’est dit satisfait du projet d’articles visant à ce que chaque État prenne des mesures pour que ces crimes soient intégrés dans son droit pénal mais il a regretté que ne figure pas la « participation indirecte » dans les actes énumérés.  Même si l’« auteur indirect » figure dans les commentaires, il n’apparaît plus dans le cadre d’une structure de pouvoir dans le projet d’articles, et le représentant a estimé que les différents types de participation à un crime contre l’humanité devraient être clairement énoncés dans le droit pénal international.  Il s’est également dit préoccupé par l’annexe au projet d’article 14, qui évoque la possibilité que l’entraide judiciaire puisse être refusée par un État qui estimerait que cela porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à son ordre public.

À propos du chapitre V sur l’application provisoire des traités, M. Celarie Landaverde a souligné que le travail d’interprétation dans le suivi des orientations doit être systématique et cohérent avec les autres normes existantes en la matière, comme la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 et la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales de 1986.  Une interprétation systématique permettrait de clarifier des situations telles que l’extinction de l’application provisoire, qui suppose de faire la différence entre l’extinction en raison de l’entrée en vigueur et l’extinction en raison de la notification de l’intention de ne pas devenir partie.

Le représentant a salué l’idée d’inscrire au programme de travail de la commission deux nouveaux sujets, à savoir les principes généraux de droit et la preuve devant les juridictions internationales.  Sur le premier sujet, la délégation a jugé nécessaire d’en approfondir le développement car les tribunaux peuvent se trouver face à une absence de normes, de coutume ou de jurisprudence dans certaines circonstances.  Un exemple en est le principe de bonne foi, qui s’applique à la coopération internationale.  Quant au sujet de la preuve devant les juridictions internationales, il a estimé que le développement progressif de cette thématique renforcera la nature procédurale qui caractérise le travail de ces instances sur l’examen des faits présentés lors d’un différend international.

M. MAXIM V. MUSIKHIN (Fédération de Russie) a suivi avec intérêt les travaux de la Commission du droit international (CDI), qui puise son autorité dans le fait qu’elle choisit ses thèmes et présente ses conclusions aux États.  Le droit international doit avoir un rôle stabilisateur, a-t-il déclaré.  Il existe diverses opinions exprimées dans les universités ou par les organisations non gouvernementales, mais « n’oublions pas que ce sont les États qui décident du droit international ».  Selon lui, la CDI « doit faire preuve d’un conservatisme sain sur cette question ».

Le représentant a estimé que l’étude de « la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » a montré qu’il n’y a pas assez de pratique au sein des États pour témoigner d’une quelconque utilité de cette question.  Il a émis des doutes sur l’utilité de continuer à débattre de ces sujets.

De même, il a estimé que la question de « l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État » dépend du droit coutumier.  Il a déploré que le sujet des exceptions ait pris le dessus sur les procédures dans cet examen.  L’élaboration de règles de procédures est essentielle, a-t-il insisté.  Il a partagé l’idée selon laquelle l’immunité n’est pas applicable concernant les personnes qui bénéficient de l’immunité « rationae personae ».  Selon lui, il existe d’autres façons de faire répondre les coupables de leurs actes, comme par exemple le fait de les juger dans leur propre État.

Passant à la question des « normes impératives du droit international (jus cogens) », M. Musikhin s’est félicité du nouvel énoncé du titre.  « La définition du Jus cogens va dans le bon sens », a-t-il déclaré.  Cependant ce projet soulève des questions, a-t-il déclaré; par exemple, comme il n’a pas de caractère normatif, il devrait être déplacé dans le préambule ou la conclusion.  « Nous partons du principe que les normes impératives viennent des traités, pas de la coutume », a-t-il ajouté, avant de poser la question de l’utilité de continuer l’examen de cette question.

 Pour ce qui est de « la succession d’États en matière de responsabilité de l’État », nous ne comprenons pas bien comment ce thème peut être productif, a-t-il déclaré.  La codification du droit international ne peut être possible que s’il existe des normes de droit, or il n’existe pas de normes de droit coutumier concernant la non-succession.

Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a dit comprendre l’intention de la Commission du droit international (CDI) d’inclure dans ses projets d’articles concernant les crimes contre l’humanité les dispositions les plus détaillées sur l’extradition et l’entraide judiciaire.  À ce stade, nous voudrions néanmoins nous faire l’écho des préoccupations exprimées par certains membres de la commission sur la portée extensive de ces dispositions qui risque d’occulter le principal sujet de ces projets d’articles et de saper leur équilibre, a-t-elle dit.  Elle a ensuite rappelé l’initiative actuelle visant à la négociation d’un instrument international consacré exclusivement à ces questions de l’extradition et de l’entraide judiciaire, en lien non seulement avec les crimes contre l’humanité mais aussi avec tous les crimes graves reconnus par le droit international.  Notant la décision de la commission de conserver le projet d’article 15 sur le règlement des différends entre États, elle a indiqué que l’élaboration de clauses sur le règlement de tels différends devrait être laissée aux États.

Mme Telalian a ensuite pleinement appuyé le travail de la CDI sur l’application provisoire des traités en raison de son intérêt pratique et doctrinal.  Elle a dit son accord avec l’approche de la commission, selon laquelle la base juridique d’une telle application peut être trouvée dans le traité en lui-même ou dans un accord séparé.  « Ceci étant dit, nous ne voyons pas comment une déclaration faite par un État ou une organisation internationale, comme le suggère le projet de directive 4, peut constituer la base d’un agrément sur une application provisoire. »  Elle a notamment demandé une clarification des concepts juridiques d’acceptation, de consentement tacite et de non-objection afin d’éviter la confusion avec le régime des actes unilatéraux des États.  Elle a également souhaité une clarification de la durée d’une telle application provisoire, en particulier lorsqu’une longue période s’est écoulée depuis le début de ladite application.

En conclusion, la représentante s’est dite préoccupée par l’inclusion de nouveaux sujets dans le programme de travail de la commission.  À son avis, la CDI devrait, avant tout, achever rapidement ses travaux sur les sujets actuellement soumis à son examen.

M. METOD SPACEK (Slovaquie) a estimé que la question des crimes contre l’humanité est essentielle et il a noté avec satisfaction la décision de la Commission du droit international (CDI) de transmettre le projet d’articles aux gouvernements pour commentaires.  « Nous sommes prêts à fournir à temps nos observations », a-t-il assuré.  Cependant, il a recommandé à la CDI de suivre de près les diverses initiatives internationales qui ont pour but de renforcer la coopération juridique et l’assistance concernant les crimes internationaux atroces.  Il s’est déclaré satisfait de voir que le projet d’article 5 contient l’application du principe de non-refoulement qui a été inclus en tant que concept plus large de prévention.  « Réaffirmer l’application de ce principe fondamental eu égard aux crimes contre l’humanité peut jouer un rôle important dans le renforcement des mécanismes de prévention de la future convention », a-t-il insisté.

Le représentant a soutenu l’inclusion du projet d’article 12 qui concerne les victimes, les témoins et les autres personnes, en particulier, l’obligation du paragraphe 3 de prendre des mesures pour assurer aux victimes le droit d’obtenir réparation pour les dommages matériaux et moraux.  Les projets d’articles 13 sur l’extradition et 14 sur l’entraide judiciaire sont des éléments clefs pour punir les crimes contre l’humanité dans un système international de coopération. 

Passant à la question de l’application provisoire des traités, M. Spacek a fait part de sa satisfaction concernant le développement de ce sujet devant la CDI.  Lorsqu’elle sera conclue avec succès, a-t-il prédit, cette question fournira un ensemble très utile de directives générales qui pourront aider les États et les organisations internationales à clarifier les questions pertinentes en la matière et à harmoniser les particularités dans la pratique des États.  Cependant, il a estimé que définir le champ d’application des directives est un peu redondant.  En conséquence, il a estimé qu’il serait suffisant de garder ce sujet tel que défini dans le projet de directive 2 intitulé « Objet » et de le fusionner avec le projet de directive 1.  Il a vu aussi des chevauchements dans les projets de directives 3 et 4 qui traitent quasiment des mêmes questions.  Quant au projet de directive 8, il nécessite de plus amples élaborations, a poursuivi le représentant.  Il a pensé qu’il existe d’autres formes d’extinction d’un traité qui ne sont pas encore présentées et que l’examen de la pratique de l’État pourrait être pertinent en cas de prolongation.  L’exclusion de la possibilité de suspendre ou d’assurer l’extinction provisoire du traité restreindrait le droit des États, a-t-il ajouté.

Le représentant s’est par ailleurs félicité de l’inclusion du sujet « principes généraux de droit ».  En conclusion, il a soutenu la pratique consistant à continuer de tenir les travaux de la Commission du droit international à Genève, ce qui devrait être la norme, l’idée d’en organiser une partie à New York devant rester une exception.

Mme VILAWAN MANGKLATANAKUL (Thaïlande) a reconnu la nécessité d’une prévention efficace et de l’élimination des crimes contre l’humanité comme moyen de mettre un terme à l’impunité et de préserver l’état de droit.  En outre, la Thaïlande accueille positivement la suggestion d’intégrer ces projets d’articles dans une convention sur les crimes contre l’humanité, qui faciliterait les poursuites nationales et renforcerait la coopération internationale.

Si la Thaïlande soutient l’obligation de poursuivre ou extrader telle qu’elle figure dans le projet d’article 10, la représentante a néanmoins fait observer que, étant donné que cette obligation n’apparaît toujours pas clairement comme faisant ou non partie du droit international coutumier, la recherche d’une meilleure clarification de la pratique des États en ce qui concerne la nature et la portée de cette obligation serait utile.  Enfin, la Thaïlande soutient l’article 3 sur la définition de crimes contre l’humanité basée sur l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), l’article 13 sur l’extradition et l’article 14 sur l’entraide judiciaire.  Elle a toutefois plaidé pour davantage d’élaboration dans les articles, faisant observer qu’ils s’inspirent des dispositions de traités existants concernant différents types de crimes, qu’elles soient compatibles ou non avec les dispositions liées aux crimes contre l’humanité.

Quant aux autres décisions et conclusions de la Commission, Mme Mangklatanakul a salué l’intégration de la question des principes généraux de droit et a encouragé la commission à en clarifier la nature, l’étendue et les fonctions.  Elle a également salué son engagement avec d’autres organisations, notamment l’Organisation juridique consultative pour les pays d’Asie et d’Afrique, qui aide à créer des synergies.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a déclaré que la lutte contre l’impunité est une tâche noble de l’administration de la justice et la responsabilité principale des cadres judiciaires nationaux.  Il a affirmé qu’il fallait éviter les tentatives visant à faire le lien entre les projets d’articles de la CDI sur les crimes contre l’humanité et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  Devant le manque de consensus international, il a également mis en garde contre la tentative de faire un lien entre ces deux entités. 

Le représentant a souligné qu’aucune définition n’a été adoptée sur ce qui constitue un crime contre l’humanité.  Il a déploré que les commentaires de son pays appelant à examiner davantage la définition n’a pas été prise en compte au moment d’adopter le Statut de Rome, ajoutant que la commission n’a fait que reproduire le Statut de Rome sans refléter les développements récents.  Selon lui, l’objectif de la CDI devrait être d’élaborer une convention internationale présentant des définitions internationales des crimes visés.  Il a jugé essentiel à cet effet de respecter les diverses législations et pratiques existantes.  

La CDI devrait envisager la possibilité d’une mise en œuvre du projet de convention indépendante du Statut de Rome dont la portée, a-t-il rappelé, n’est pas universelle.  Les États qui ne sont pas partie du Statut de Rome représentent plus de la moitié de la population mondiale, a noté M. Mohamed, ajoutant qu’il faut éviter toute politisation de ce débat.  Il a espéré que la commission fasse usage du jus cogens pour les questions relatives à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Il a déclaré que ces immunités font partie intégrante du droit international coutumier.  Il est tout à fait prématuré d’avoir un nouvel instrument international relatif aux crimes contre l’humanité alors que de nombreuses conventions existent déjà, a-t-il conclu. 

Sur la question des crimes contre l’humanité, Mme REKA VARGA (Hongrie) a estimé que la Commission du droit international (CDI) avait fait de grands progrès vers une convention avec l’adoption des projets d’articles.  « La codification de mesures de sanctions ouvrirait la porte à une plus grande coopération entre les États », a-t-elle dit.  Les crimes contre l’humanité ont souvent une nature transfrontalière et il est important de pouvoir mettre en place la coopération interétatique.

S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante a été d’avis que la communauté internationale doit trouver un équilibre entre la stabilité et la nécessité de réprimer les crimes les plus graves.  Elle s’est félicitée du projet d’article 7 sur l’établissement de la compétence nationale, cependant, a-t-elle dit, « il faudrait savoir si l’on possède suffisamment de retours de pratiques des États pour pouvoir envisager la question de l’immunité rationae materiae ».

Concernant le chapitre consacré à « la succession d’États en matière de responsabilité de l’État », la représentante a noté que ce sujet a toujours été important, en particulier dans les années 90 avec la disparition du bloc soviétique, mais il reste pertinent aujourd’hui.  Il faut toutefois garder à l’esprit la complexité de ce sujet qui peut entraîner des controverses et faire preuve de prudence, a-t-elle déclaré.  Par ailleurs, elle a souligné que la Hongrie fait partie des États pour qui l’application provisoire des traités est pratiquement non existante.

Mme ALINA OROSAN (Roumanie) a considéré que la Commission du droit international (CDI) devrait travailler sur la base d’un consensus international, reconnaissant toutefois que ses travaux ont un impact sur des relations interétatiques complexes.  Elle a estimé que le renforcement de la coopération interétatique est une priorité pour lutter contre les crimes contre l’humanité.  Elle a cependant prévenu que tout nouveau mécanisme dans ce domaine ne doit pas entrer en conflit avec le droit international existant.  En outre, le travail de la CDI ne doit pas s’écarter des dispositions pertinentes du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), et devrait contribuer au principe de complémentarité.

Alors que la définition de crime contre l’humanité s’oriente autour de l’article 7 du Statut de Rome, la représentante a salué la confirmation par la commission de la possibilité de poursuivre des acteurs non étatiques.  Elle a appuyé la mise en place du principe aut dedere aut judicare au cœur de la question de la compétence, comme c’est le cas pour d’autres traités internationaux.  Elle a de plus estimé que les projets d’articles sur l’extradition et l’entraide judiciaire adoptés par la CDI constituent un cadre normatif global adéquat permettant la mise en place de ce principe. 

S’agissant de l’application provisoire des traités, elle s’est déclarée en accord avec l’inclusion des États et des organisations internationales dans les projets de directives.  Cependant, elle a déploré que les commentaires des projets de directives 3 et 4 n’offrent pas suffisamment de clarté sur la source de l’obligation de l’application provisoire par les États.  De même, les commentaires des projets de directives 6 et 8 ne reflètent pas, selon elle, la nature temporaire de l’application provisoire des traités.  Enfin, elle a souhaité que la question des principes généraux de droit, que la CDI compte examiner au cours des prochaines années, soit abordée d’un point de vue pratique et non théorique.

M. CLAUDIO TRONCOSO REPETTO (Chili) a salué la décision de la Commission du droit international d’introduire deux nouveaux points à son ordre du jour, soit les principes généraux de droit et la preuve devant les juridictions internationales, qui revêt une importance particulière en raison de l’augmentation du nombre d’affaires présentées devant le Cour internationale de Justice (CIJ).  Il a estimé que les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité visent à combler le fossé existant entre les juridictions nationales dans l’application des lois relatives aux crimes contre l’humanité.  Il a rappelé que le principe de complémentarité auquel est soumise la Cour pénale internationale a pour effet de restreindre sa compétence et de laisser aux tribunaux nationaux le soin d’initier les poursuites judiciaires. 

Le représentant s’est déclaré en faveur du projet d’article 5 portant sur le non-refoulement, ajoutant qu’il s’agit là d’une responsabilité pour l’ensemble de la communauté internationale.  Il a salué le projet d’article 14, portant sur l’entraide judiciaire, ainsi que son annexe, qui assure une coopération adéquate dans les enquêtes sur les crimes contre l’humanité.  S’agissant de l’article 15 sur le règlement des différends, il a estimé utile d’accorder à la Cour internationale de Justice la compétence quant à l’interprétation des projets d’articles.  Enfin, il s’est déclaré en faveur de l’initiative visant à créer un traité multilatéral de portée universelle sur l’entraide judiciaire et l’extradition pour la poursuite des crimes internationaux au sein des tribunaux nationaux.

M. ANDRZEJ MISZTAL (Pologne) a salué l’adoption par la commission d’un ensemble de projets d’articles sur les crimes contre l’humanité en première lecture.  En tant que victime de tels crimes durant la Seconde Guerre mondiale, la Pologne estime que ce travail, conduisant à un projet de convention, est d’une importance capitale.  Il a estimé que la disposition sur les victimes et les témoins devrait être complétée par la définition de victime, la détermination de l’étendue des réparations et garantir le droit de participer librement à des organisations ayant pour but d’aider les victimes et de protéger leurs droits.  Il a également plaidé pour l’introduction dans les articles d’une approche centrée sur les victimes, en particulier pour les catégories les plus vulnérables, comme les enfants.

Au sujet de l’application provisoire des traités, le représentant a émis des réserves à propos du projet de directive 4 sur la forme de l’accord, qui tente d’intégrer toutes les sources possibles d’obligation d’application provisoire alors que l’acceptation de la déclaration d’un État exprimant le désir d’appliquer provisoirement un traité ne devrait prendre qu’une forme écrite.  Il a réitéré la nécessité d’une analyse complète des dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités dans le contexte de l’application provisoire afin de mieux comprendre cette question et a demandé des explications sur les commentaires de la directive 6 sur les effets juridiques de l’application à titre provisoire.

Enfin, M. Misztal a suggéré à la commission d’intégrer dans son futur programme de travail le sujet de l’obligation de non-reconnaissance légale d’une situation créée par la violation grave par un État d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international.  Il a par ailleurs accueilli favorablement l’inscription de la question des principes généraux de droit, regrettant que ce soit la seule source de droit utilisée par la Cour internationale de Justice (CIJ) qui n’ait jamais fait l’objet d’une étude de la commission.

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