Troisième Commission: la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées dénonce la stérilisation forcée des jeunes femmes handicapées
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a continué aujourd’hui d’examiner la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ses aspects. Elle a ainsi pu discuter du droit des personnes handicapées, des personnes atteintes d’albinisme, de la liberté de religion ou de conviction, d’opinion et d’expression ou encore du rôle des tribunaux d’arbitrage internationaux dans le contexte de la dette souveraine des États.
Avec plus d’un milliard de personnes considérées comme en situation de handicap dans le monde, dont la moitié des femmes, un tiers des enfants handicapés qui ne vont pas à l’école et les filles handicapées qui quittent l’école au moment de leurs premières règles, les droits de ces personnes doivent, plus que tout, être promus et protégés, a plaidé la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, Mme Theresia Degener.
Lors d’une séance retransmise en langage des signes et dont les interventions étaient sous-titrées en anglais sur le site Internet des Nations Unies, Mme Degener s’est félicitée qu’avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées et deux titulaires de mandat de procédures spéciales les concernant, ces personnes sont enfin vues comme des « sujets des droits de l’homme » et non plus comme des « objets de l’aide sociale et de la réinsertion ».
Malgré ces avancées, des problèmes demeurent, notamment en ce qui concerne les droits sexuels et reproductifs des femmes handicapées, thème du rapport annuel de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Mme Catalina Devandas Aguilar. Handicapée elle-même, celle-ci a déclaré ne pas pouvoir « concevoir que la réponse des États face à la violence sexuelle dont souffrent de façon disproportionnée les jeunes filles handicapées soit davantage de violence envers leur corps », faisant ainsi référence aux abus opérés dans certains États. « Nous avons des preuves que les stérilisations forcées sont accompagnées d’impunité pour les responsables, même si les personnes qui prennent de telles décisions s’arrangent souvent pour qu’il n’existe aucune », a-t-elle affirmé, tout en reconnaissant aussi que, compte tenu de la sensibilité de la question, il était très difficile d’en parler.
Le dialogue entre Mmes Degener et Devandas Aguilar avec les délégations est dans l’ensemble resté consensuel, plusieurs lui posant des questions sur la manière de promouvoir et protéger ces droits sexuels et reproductifs et des exemples de bonnes pratiques. Le Maroc a toutefois demandé que l’expression « personne en situation de handicap » soit préférée à « personne handicapée » dans les rapports en langue française, dans le but de donner plus de dignité à ces personnes.
La Troisième Commission a examiné un autre sujet proche, celui des personnes atteintes d’albinisme, considérées par certains comme des personnes handicapées, et qui sont victimes de discriminations, voire assassinées dans le cadre de pratiques de sorcellerie. Face à ces pratiques, l’approche normative est celle qui convient le mieux, en plus des campagnes de sensibilisation, a plaidé l’Experte indépendante sur la jouissance des droits de l’homme pour les personnes atteintes d’albinisme, Mme Ikponwosa Ero. Appelant à l’adoption de lois contre les discriminations, la traite des personnes, le trafic des parties humaines, ou la sorcellerie, Mme Ero s’est en outre réjouie des plans d’action adoptés par le Malawi, le Mozambique, la République-Unie de Tanzanie et par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
Autres sujets abordés par la Troisième Commission, ceux de la liberté de religion ou de conviction et de la liberté d’opinion et d’expression, dont la situation a été jugée inquiétante. Alors que plusieurs délégations ont présenté leur pays comme des sociétés multiculturelles et plurireligieuses vivant en harmonie, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. Ahmed Shaheed, a, lui, observé que les trois quarts de la population mondiale vivent dans des pays qui, soit imposent des restrictions à la liberté de religion ou de conviction, soit connaissent un haut niveau d’hostilité envers la religion ou la conviction. Dans quelque 70 pays des lois antiblasphème sont en vigueur, souvent utilisées pour la suppression de points de vue divergents.
Par ailleurs, des individus sont arrêtés au seul motif d’avoir posté en ligne des commentaires critiques à l’égard de politiques gouvernementales tandis que les journalistes continuent d’être assassinés pour le seul motif de faire leur travail et que les militants de la société civile subissent des menaces et agressions, a déploré le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. David Kaye.
Tout cela montre le décalage entre les engagements des États et la réalité sur le terrain, ont conclu ces deux titulaires de mandat.
La dernière intervention du jour n’a pas donné lieu à un dialogue. L’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, M. Juan Pablo Bohoslavsky, est venu expliquer que les mécanismes d’arbitrage en matière d’investissement international n’étaient pas les outils les plus appropriés pour aborder et résoudre des conflits en lien avec la restructuration de la dette souveraine. Ce qui pouvait apparaître comme une solution se révèle une alternative problématique du point de vue des droits de l’homme, a estimé l’Expert indépendant, qui a proposé que les différends portant sur les crises financières soient réglés par un mécanisme international de la dette souveraine ou que les accords d’investissement puissent contenir des références explicites aux droits de l’homme.
Demain, mercredi 25 octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures son dialogue avec des titulaires de mandat de procédures spéciales et des organes conventionnels de droits de l’homme.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/72/40 ET A/C.3/72/9)
Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux
Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs
Mme THERESIA DEGENER, Présidente du Comité sur le droit des personnes handicapées, a estimé que l’adoption de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, puis la désignation des deux titulaires de mandats de procédures spéciales les concernant, témoignaient de ce que les personnes handicapées étaient enfin vues comme des « sujets des droits de l’homme » et non plus comme des « objets de l’aide sociale et de la réinsertion ».
Mme Degener a ensuite expliqué qu’alors que l’inadéquation du modèle médical du handicap était désormais largement reconnue et dénoncée, il y avait encore beaucoup à faire concernant une approche « droits de l’homme » du handicap.
La Présidente du Comité a ensuite détaillé les mesures prises par celui-ci pour mettre en œuvre la résolution 68/268 de l’Assemblée générale. Elle a cité en exemples l’accès à la traduction en langue internationale des signes sur le site Web et la télévision en ligne des Nations Unies –une première– ainsi que l’accès à un service de vidéoconférence pour un dialogue de six heures avec un État Membre.
Mme Degener a cependant déploré que le Comité n’ait pas encore le droit à un budget pour produire des documents en format plain text et easy read et que les procédures de voyage applicables aux experts handicapés et à leurs assistantes personnelles perpétuent l’approche médicale inadéquate du handicap. Il est important que le Secrétariat éradique toutes les pratiques obsolètes et mette en place des procédures conformes à l’approche des droits humains du handicap, a-t-elle insisté en conclusion.
Lors du dialogue avec Mme Degener, Présidente du Comité sur le droit des personnes handicapées, le Mexique a dit partager les préoccupations du Comité quant aux difficultés d’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, avant de demander quelles mesures celui-ci recommandait pour les dépasser, et en particulier pour accroître la participation des personnes handicapées ou la protection des enfants. Le Comité a-t-il des exemples de bonnes pratiques? Le Japon a lui aussi souhaité savoir ce que pouvait faire le Comité pour renforcer la participation sociale ou autre des personnes handicapées.
L’Union européenne, seule organisation internationale partie à la Convention, a rappelé qu’elle avait mis en place une stratégie pour les personnes handicapées qui couvre la période 2010-2020, et qui prend en compte les recommandations du Comité. L’Union européenne aimerait toutefois recevoir des exemples de bonnes pratiques quant à l’autonomisation des personnes handicapées.
La Suisse a dit souhaiter que la cohérence et la pluridisciplinarité persistent au sein du Comité, car elles seules permettront une bonne application de la Convention. Elle estime aussi que les organes de traités doivent travailler ensemble pour prendre en compte systématiquement les droits des personnes handicapées. Dans ce contexte, la Suisse a demandé à la Présidente son appréciation sur une telle prise en compte dans les autres conventions sur les droits de l’homme et dans le fonctionnement de leur organe conventionnel respectif.
Le Royaume-Uni a expliqué qu’il souhaitait mettre fin aux pratiques néfastes qui touchent les personnes handicapées, notamment celles qui contrôlent leur vie sexuelle, leur imposent des mariages forcés ou des mutilations génitales féminines. Il a demandé au Comité des informations sur les programmes d’éducation sexuelle des filles handicapées.
Parmi les États qui ont mis en avant leurs mesures nationales, l’Espagne a déclaré que sa législation était l’une des plus avancées en ce qui concerne les droits des personnes handicapées, y compris en matière de participation des femmes et enfants handicapés. Les Maldives ont dit avoir facilité récemment l’emploi de plus de 200 personnes en situation de handicap dans les agences publiques et privées, avant de demander des informations sur la participation des personnes handicapées dans les stratégies de réduction de risques et d’urgence humanitaire. Au Maroc aussi, les personnes handicapées bénéficient de politiques publiques, mais le Maroc aimerait que les rapports en langue française du Comité parlent à l’avenir de « personnes en situation de handicap » et non plus de « personnes handicapées », car ce terme n’est pas digne de ces personnes.
L’Iraq a cité comme exemple de la protection des droits des personnes handicapées la loi qui impose aux écoles un quota de personnes handicapées. Mais l’Iraq a besoin de l’assistance de la communauté internationale, notamment pour venir en aide aux personnes handicapées dans les villes récemment délivrées de Daech, où elles ont souffert des pratiques de ce groupe terroriste.
L’Indonésie a voulu savoir comment peut-on davantage protéger les droits des personnes handicapées dans les pays en développement, notamment des femmes et comment s’assurer de leur présence au sein du Comité.
La Fédération de Russie a, quant à elle, rappelé que les procédures spéciales se devaient de respecter le Code de conduite, notamment de mettre à disposition des documents en langue russe et de tenir également compte de l’avis des États et des organisations de la société civile travaillant sur le terrain. De même, les procédures spéciales ne doivent pas fonder leurs avis sur les informations collectées dans des médias. La Fédération de Russie, qui présentera au Comité son rapport au printemps 2018, espère que les processus de consultation et les documents seront disponibles en langue russe et que la société civile russe pourra participer à ce débat. Elle rappelle en outre que les commentaires généraux élaborés par les organes de traités ne sont que des avis d’experts et ne sont pas de nature à imposer des obligations supplémentaires aux États en plus de celles déjà contractées. En conséquence, ils ne doivent pas être inclus dans les observations finales.
Dans ses réponses, Mme Degener, Présidente du Comité sur le droit des personnes handicapées, a expliqué que l’objectif du Comité était de parvenir à une ratification universelle de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui compte actuellement 174 États parties, ainsi que l’Union européenne. « Nous nous en approchons », a-t-elle affirmé, ajoutant que, dans l’immédiat, la priorité était donnée à la mise en œuvre de l’article 33 relatif aux mécanismes nationaux de suivi, y compris un mécanisme de suivi indépendant.
Mme Degener a en outre remercié les délégations qui ont posé des questions relatives aux femmes handicapées -Suisse, Royaume-Uni et Indonésie- en faisant observer qu’elle était la seule femme parmi les 18 experts du Comité des droits des personnes handicapées. Elle a indiqué que, dans ses commentaires généraux, le Comité avait donné de nombreux exemples de mesures visant à améliorer la situation des femmes et des filles en situation de handicap. Le Comité a également tenu compte du rapport thématique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a poursuivi la Présidente, soulignant que l’un des plus grands défis pour son organe était de répondre à la discrimination intersectorielle. Dans la plupart des pays, a-t-elle en effet relevé, il y a des lois discriminatoires et pas suffisamment de moyens pour y faire face.
Mme Degener s’est dite très fière du commentaire général relatif à l’article 19 sur l’indépendance des personnes handicapées au sein des communautés. Elle a ajouté à ce sujet que l’un des grands problèmes soulevés par le Comité concernait la manière pour les États et leurs partenaires de mieux faire face à la question de l’institutionnalisation de ces personnes.
S’agissant de la question, posée par le Maroc, de l’utilisation du mot « handicapé » en langue française, Mme Degener a indiqué qu’elle avait fait l’objet de discussions au sein de l’organe afin de trouver « la bonne terminologie à utiliser ». Elle a estimé que « personne en situation de handicap » serait effectivement plus approprié.
Répondant aux Maldives, Mme Degener a rappelé que l’article 11 de la Convention dispose qu’il ne faut pas oublier les personnes handicapées lorsqu’on parle de stratégie de préparation aux risques de catastrophe.
La Présidente du Comité a par ailleurs répondu à la Fédération de Russie en expliquant que le russe était une des trois langues de travail du Comité. Toutefois, a-t-elle concédé, nous n’avons pas pu présenter tous nos documents en russe. Il conviendrait qu’on accorde plus de ressources au Comité, a-t-elle ajouté, souhaitant d’autre part qu’un effort accru soit fait en matière d’accessibilité des personnes handicapées, et notamment handicapées mentales, à l’information.
Mme Degener s’est enfin déclarée d’accord avec les délégations sur le rôle important que jouent les commentaires généraux du Comité, notamment pour interpréter la jurisprudence et étayer ses conclusions.
Mme CATALINA DEVANDAS AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, a présenté son rapport, consacré à la santé et aux droits des filles et des jeunes femmes handicapées en matière de sexualité et de procréation. Disant reconnaître la sensibilité du sujet pour de nombreux États, elle a cependant insisté sur l’importance vitale du sujet, estimant qu’il exigeait l’adoption de mesures d’urgence pour protéger l’avenir de millions de jeunes handicapées.
« J’ai été une jeune fille handicapée. Grandir en étant une enfant ou une adolescente handicapée n’est pas une tâche facile » a témoigné la Rapporteuse spéciale. En plus des stéréotypes de genre, les jeunes filles handicapées doivent faire face à la discrimination, aux préjugés, à l’isolement social, au manque d’accessibilité et au manque de services et de soutien, a-t-elle expliqué, ce qui réduit de manière significative leurs opportunités de développement et d’accès aux soins, à l’éducation et à la formation professionnelle.
L’exclusion et la discrimination auxquelles font face les jeunes filles handicapées affectent également leurs droits à l’intégrité physique ainsi qu’à la santé sexuelle et reproductive, a poursuivi Mme Devandas Aguilar. La Rapporteuse spéciale a déploré que les stérilisations puissent également s’accompagner d’une impunité face aux abus sexuels, et notamment que les jeunes handicapées continuent à être stérilisées sans leur consentement, une pratique qui reste perçue comme une mesure de protection, alors qu’elle expose les jeunes handicapées à des niveaux élevés de violence sexuelle.
« Je ne peux concevoir que la réponse des États face à la violence sexuelle dont souffrent de façon disproportionnée les jeunes filles handicapées soient davantage encore de violence envers leurs corps, au lieu de plus d’information, de renforcement des capacités, de soutien et de protection! » s’est exclamée Mme Devandas Aguilar, pour qui il faut absolument éliminer la stérilisation involontaire des jeunes handicapées.
Pour la Rapporteuse spéciale, la meilleure façon de protéger et d’assurer le développement futur des jeunes filles handicapées consiste à garantir leur droit à la santé ainsi que leurs droits sexuels et reproductifs. Protéger leur droit à être informée, à avoir le contrôle sur leurs corps et leur sexualité est un défi incontournable pour mettre un terme à la violence, à l’exploitation et aux abus que nombre d’entre elles expérimentent, a-t-elle ajouté.
Les adolescentes et les jeunes filles handicapées ont les mêmes préoccupations et les mêmes besoins que leurs pairs sans handicap, et des schémas de comportements sexuels similaires, a encore déclaré la Rapporteuse spéciale. Par manque d’accès à l’information et aux services de santé sexuelle et reproductive, les jeunes handicapées risquent davantage de contracter des infections sexuellement transmissibles ou encore de subir des mariages précoces et des grossesses non désirées, a-t-elle ajouté.
Mme Devandas Aguilar a insisté sur le fait que, pour les jeunes femmes qui ne vont pas à l’école ou pas dans une école spécialisée, il est difficile d’avoir accès à une éducation sexuelle exhaustive. De même, l’information et les services de santé sexuelle et reproductive, quand ils existent, ne sont pas toujours accessibles ou inclusifs pour les personnes handicapées.
Les États ont l’obligation de respecter, de protéger et de rendre efficaces la santé et les droits sexuels et reproductifs des jeunes filles et jeunes femmes handicapées, a insisté Mme Devandas Aguilar. Elle a tenu à rappeler que la santé sexuelle et reproductive, les droits de l’homme et le développement durable étaient interconnectés, et que, de ce fait, l’élimination de toutes formes de violence contre les jeunes femmes, y compris les jeunes femmes handicapées, était une priorité du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a émis deux recommandations, insistant de nouveau sur l’importance d’interdire la stérilisation involontaire des jeunes filles handicapées, ainsi que sur celle d’éliminer les barrières légales qui leur empêchent d’accéder à l’information, et aux biens et services de santé sexuelle et reproductive.
Lors du débat avec Mme Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, le Maroc a déploré que les droits sexuels des personnes en situation de handicap soient souvent niés pour des raisons culturelles. Après avoir cité une organisation marocaine active dans le domaine des droits sexuels de cette population, la représentante a demandé comment la coopération internationale peut aider à promouvoir ces droits. L’UNICEF a déclaré qu’un tiers des enfants qui ne vont pas à l’école sont des enfants handicapés. Les chiffres montrent aussi que les filles handicapées qui quittent l’école le font au moment où apparaissent leurs règles mensuelles.
Le Mexique a souhaité savoir comment aider ou former les personnels médicaux à la question des droits sexuels et reproductifs des personnes handicapées. Le Brésil a voulu savoir quel rôle les Nations Unies et leurs mécanismes pouvaient jouer pour aider les États en matière de droit à la santé sexuelle et génésique des personnes handicapées et quelles étaient les bonnes pratiques en la matière. L’Estonie, qui a fait état de plus d’un milliard de personnes handicapées dans le monde, dont la moitié sont des femmes, a demandé ce que pouvaient faire les Nations Unies pour que ces dernières puissent accéder aux services nécessaires, tenant compte des différences entre États.
L’Union européenne a réitéré son attachement à la liberté de chacun à vivre sa sexualité et à jouir de ses droits sexuels et reproductifs. Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale si elle avait des exemples de bonnes pratiques en la matière. L’Argentine a expliqué avoir créé une agence nationale pour le handicap en vue de renforcer la coordination des politiques publiques sur le handicap. Elle est d’accord avec la Rapporteuse spéciale sur le devoir des États de promouvoir les droits sexuels et génésiques des personnes handicapées.
Les États-Unis ont demandé à la Rapporteuse spéciale comment lutter contre les traitements préjudiciables dont elle parle dans son rapport, notamment la stérilisation forcée. Dans le même sens, le Costa Rica a souhaité savoir comment déterminer l’existence de telles pratiques néfastes et comment les éliminer.
La Nouvelle Zélande a voulu savoir, à la lumière du rapport, les manières de combler les lacunes entre les législations et les pratiques touchant les personnes handicapées. L’Australie a souligné la nécessité de collecter des données sur les personnes handicapées, comme le fait le Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités. L’Indonésie a invité à ne pas confondre handicap et incapacité, avant de demander comment s’assurer de la participation des personnes handicapées dans les affaires publiques.
La Suisse a souhaité avoir l’opinion de la Rapporteuse spéciale sur le meilleur moyen d’assurer une collaboration entre les différents comités concernés par la thématique des jeunes filles et jeunes femmes handicapées.
Les Maldives ont expliqué avoir accordé des allocations spéciales à 6 800 personnes handicapées, avant d’affirmer que le Gouvernement, qui cherche encore à améliorer leur cadre de vie, prendra en compte les recommandations de la Rapporteuse spéciale.
La Fédération de Russie a demandé à la Rapporteuse spéciale de ne pas utiliser dans ses rapports des terminologies non acceptées au plan international, comme le titre même de son rapport. Cela ne ferait que créer ou renforcer la politisation sur ces questions. Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale qui, à son avis, devait prendre des décisions sur la santé sexuelle des personnes handicapées, dans des situations où elles ne sont pas à même de décider elles-mêmes aux termes des lois en vigueur.
Dans ses réponses Mme Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, s’est félicitée d’avoir entendu des commentaires « en majorité positifs », affirmant qu’ils l’encourageaient à travailler à la reconnaissance des droits des jeunes femmes et des filles handicapées.
Comme l’a souligné le Maroc, la coopération internationale doit être accrue dans ce domaine et les questions taboues posées pour faire avancer la condition des femmes et des filles en situation de handicap, a fait valoir la Rapporteuse spéciale. Concernant les bonnes pratiques relevées dans le cadre de ses travaux, elle a indiqué que son rapport présentait plusieurs exemples de telles pratiques optimales. Elle a en outre observé que, dans de nombreux pays, comme l’Estonie, des progrès étaient accomplis dans la façon d’impliquer les personnes handicapées dans les discussions et les processus de prise de décisions qui les concernent.
À l’Indonésie, Mme Devandas Aguilar a répondu que la meilleure manière de faire entendre la voix des jeunes femmes et des filles handicapées consistait à recenser leurs attentes et leurs espoirs, afin de déterminer ce qui empêche encore leur plein épanouissement. Ces femmes ont droit à avoir une famille, a souligné la Rapporteuse spéciale, qui a plaidé pour une « transformation de la société » prenant en compte leurs aspirations. « Cela se fera avec l’aide des témoignages des jeunes femmes et des filles qui nous aident à mieux faire notre travail », a-t-elle a souligné.
Quant à savoir comment le système des Nations Unies peut avancer sur ces questions de manière coordonnée, la Rapporteuse spéciale a estimé que les progrès reposaient sur la collaboration des différents organes. Elle a ainsi salué l’UNICEF et a dit compter sur sa collaboration, comme avec celle du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, nous devons reconnaître toujours plus la contribution des jeunes femmes et des filles handicapées dans le contexte des dispositions de la Convention portant sur la capacité de ces personnes à prendre des décisions de façon autonome, notamment en matière de sexualité. Pour la Rapporteuse spéciale, il est crucial que les jeunes femmes et les filles handicapées puissent bénéficier d’une égalité de condition et décider en connaissance de cause.
Face au problème des décisions concernant l’intégrité physique des femmes handicapées prises par d’autres personnes, Mme Devandas Aguilar a reconnu que le problème se posait, précisant que les décisions prises par les représentants légaux ou les directeurs d’institutions visaient le plus souvent à prévenir des grossesses, à gérer des cycles menstruels voire à éviter la naissance d’autres personnes handicapées.
La Rapporteuse spéciale a ajouté que, « chose très grave », les personnes qui prennent de telles décisions s’arrangent souvent pour qu’il n’existe « aucune preuve » des violences commises à l’encontre des personnes handicapées. « Nous avons des preuves que les stérilisations forcées sont accompagnées d’impunité pour les responsables de ces violences à l’égard des femmes handicapées », a-t-elle accusé, reconnaissant que traiter ces actes de violence est « très difficile ». C’est pourquoi, a-t-elle affirmé, il faut insister sur une éducation inclusive pour que les filles handicapées restent dans des écoles ordinaires et aient ainsi accès à l’enseignement et à l’information dont bénéficient les autres éléments de la société.
Dans ce contexte, la Rapporteuse spéciale a encore estimé qu’il fallait réfléchir à la possibilité de lancer une campagne internationale pour promouvoir l’élimination des stérilisations forcées et de toute atteinte à l’intégrité des femmes handicapées.
Rappelant l’importance des informations et statistiques, Mme Devandas Aguilar s’est félicitée des avancées dans ce domaine et a souhaité qu’elles soient évaluées dans la perspective de la mise en œuvre du Programme 2030. Nous ne pourrons y parvenir sans ces informations ventilées, notamment en fonction du sexe, a-t-elle déclaré.
En réponse à l’Argentine, la Rapporteuse spéciale a confié s’être mise « à la place des jeunes filles handicapées » car les situations dans lesquelles elles se trouvent appellent toute notre attention.
En conclusion, la Rapporteuse spéciale a jugé fondamental de rappeler que les femmes et les filles handicapées ont droit à une vie digne et saine, à l’autonomisation et à la sécurité. Leur condition rejoint celle des autres femmes qui souffrent de « problèmes de considération » en termes de paramètres fixés par la société, a-t-elle estimé, en rappelant une nouvelle fois que toutes les femmes et filles doivent pouvoir déterminer leur vie, leur destin et leur sexualité de manière autonome, y compris les femmes et les filles handicapées.
Mme IKPONWOSA ERO, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, a insisté sur le fait que ces dernières étaient chassées et tuées pour la collecte de parties de leurs corps et que nombre de ces personnes faisaient face en outre à des formes extrêmes de stigmatisation du fait de leur couleur de peau, et ce, dans différentes parties du monde. Elle est revenue sur deux choses dans son rapport: un aperçu des normes de droits de l’homme applicables aux personnes atteintes d’albinisme ainsi qu’une brève analyse de la situation sur le terrain.
L’Experte indépendante a expliqué que la première norme est « égalité, non-discrimination et intersectionnalité », insistant sur le fait que les personnes atteintes d’albinisme se voyaient souvent ouvrir l’accès au cadre de protection offert par la Convention relative aux droits des personnes handicapées du fait de leur déficience visuelle, alors même qu’elles souffrent de discriminations découlant de leur couleur de peau. Ceci suggère que les personnes atteintes d’albinisme font face à de multiples formes croisées de discriminations, a-t-elle expliqué.
La Convention reconnaît des formes multiples et aggravées de discrimination, a rappelé Mme Ero, qui a précisé qu’elle le faisait principalement pour les femmes et les enfants. En revanche, il n’y a dans la Convention aucune disposition portant sur les questions raciales ou en lien avec la couleur, sauf une référence dans le préambule, a-t-elle expliqué. Pour Mme Ero, c’est la combinaison des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de celles de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui fournissent un cadre plus exhaustif de protection et d’avancement des droits de l’homme des personnes atteintes d’albinisme.
La seconde norme est en lien avec les droits civils et politiques, a expliqué l’Experte indépendante. Le droit à la vie et à l’intégrité physique des personnes atteintes d’albinisme est systématiquement violé dans le contexte d’attaques, de meurtres et de mutilations, a-t-elle fait valoir. De même, une autre norme pertinente est l’interdiction des pratiques préjudiciables, telle que la sorcellerie, qui est le moteur de la plus extrême des violations, a ajouté Mme Ero. Les lois sur la traite des personnes sont, elles aussi, pertinentes dans ce cas, a précisé l’Experte indépendante, tout en déplorant que ces dernières ne portent que sur la traite des personnes et non sur le trafic des parties du corps humain.
Enfin, Mme Ero a mentionné les dispositions relatives aux réfugiés, qui offrent également un cadre pertinent puisqu’en raison des stigmatisations et discriminations extrêmes qu’elles subissent, les personnes atteintes d`albinisme fuient parfois leur pays et demandent l’asile dans des pays plus sûrs.
Sur le plan pratique, Mme Ero s’est déclarée heureuse de constater que plusieurs pays avaient adopté un plan d’action national, à l’image du Malawi, du Mozambique et de la République-Unie de Tanzanie, et qu’en outre un plan d’action régional avait été approuvé par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en mai 2017.
Lors du débat avec Mme Ero, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, la République-Unie de Tanzanie s’est dite d’accord avec l’Experte indépendante sur la nécessité de traduire en justice les auteurs d’attaques contre les personnes atteintes d’albinisme. En tant que pays concerné par cette question, la République-Unie de Tanzanie a pris des mesures pour sanctionner les méfaits. Ainsi, entre 2006 et 2015, les autorités de police à travers le pays ont été saisies de 66 cas d’attaques. Jusqu’en février dernier, 58 cas avaient été traités devant les tribunaux et 21 personnes reconnues coupables d’actes de violence, ayant conduit à la mort de personnes atteintes d’albinisme, ont, elles-mêmes, été condamnées à la peine de mort. Toutefois, compte tenu qu’un moratoire sur cette peine est en vigueur en Tanzanie, les condamnés n’ont pas été exécutés.
Autre pays concerné par le phénomène de violence contre les personnes atteintes d’albinisme, le Malawi a expliqué avoir adopté, en 2016, un amendement au Code pénal inscrivant des mesures correctives pour ces personnes. Le Malawi a en outre mis au point un manuel pour la protection de leurs droits. La Tanzanie et le Malawi présenteront à la Troisième Commission un projet de résolution sur les personnes atteintes d’albinisme.
Le Kenya, également concerné par le problème d’attaques contre les personnes atteintes d’albinisme, a expliqué qu’il disposait d’un programme d’appui à l’égard de ces personnes pour atténuer les effets négatifs de ces comportements néfastes. Un juge atteint d’albinisme a par exemple été nommé au Kenya à cet effet et dans le but de changer les mentalités. Le Panama, qui a l’incidence d’albinisme la plus élevée du monde, avec un habitant sur neuf porteur du gène, distribue des kits de protection contre le soleil afin d’aider ces personnes très sensibles au cancer de la peau.
La Somalie a demandé comment veiller à ce que le plan d’action contre l’albinisme soit mis en œuvre avec efficacité. L’Afrique du Sud souhaite tenir ses engagements pris, en 2013, lors de la conférence nationale sur l’albinisme. Elle met en garde contre toute « racialisation » de la violence à l’égard des personnes atteintes d’albinisme, car cette violence s’observe partout dans le monde et dans toutes les races. L’Afrique du Sud a souhaité savoir comment lutter contre les mythes relatifs aux personnes atteintes d’albinisme.
Les États-Unis, eux aussi, aimeraient savoir comment les États peuvent aider à démonter les mythes sur l’albinisme et les personnes atteintes d’albinisme. Ils ont en outre redit leur condamnation des attaques contre les personnes atteintes d’albinisme et du commerce de leurs organes. L’Union européenne a souhaité apprendre davantage sur les moyens de lutter contre l’impunité pour les actes de violence contre les personnes atteintes d’albinisme et pour s’attaquer aux causes profondes des discriminations les visant.
Le Japon a souligné que la question de l’albinisme était complexe et ne connaissait pas de solution unique. Il souhaite en savoir davantage sur la démarche axée sur les normes proposées par l’Experte indépendante. Il souhaite aussi savoir ce qui peut être fait pour mieux faire connaître le problème de l’albinisme dans les pays où il est mal connu. Les Fidji ont pour leur part rappelé que l’albinisme n’est pas une maladie, juste un trouble génétique, avant de demander comment faire pour répondre aux besoins des personnes atteintes d’albinisme, notamment en termes de droit à la santé.
Israël a dit défendre les personnes atteintes d’albinisme et chercher à leur donner une meilleure vie. Il a demandé à l’Experte indépendante quelles étaient ses priorités pour les années à venir.
Dans ses réponses, Mme Ero, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, s’est félicitée de l’existence de bonnes pratiques dans de nombreux pays, comme au Kenya, où, au sein du Conseil des personnes handicapées, une personne a été dédiée à l’action spécifique en faveur des personnes atteintes d’albinisme.
L’Experte indépendante a ajouté que son rapport faisait état d’une vaste gamme de pratiques bénéfiques, notamment d’investissements publics dans des cliniques de la peau ou encore de fournitures au niveau local de différents moyens de protection. En effet, a-t-elle déploré, les personnes atteintes d’albinisme ne reçoivent pas d’aide des bailleurs de fonds internationaux. De plus, un pays ne fournira une assistance à un autre pays que si tous les deux défendent la même cause. Il convient donc de faire appel à la solidarité régionale et internationale pour faire évoluer favorablement la situation, a-t-elle plaidé.
Répondant aux demandes d’exemples de mise en œuvre réussies dans le cadre de son mandat, Mme Ero a déclaré que son travail n’avait pas pour but d’élaborer de nouvelles normes. « L’objectif poursuivi est de faire des normes existantes des mesures permettant de défendre les droits de l’homme sur le terrain », a-t-elle expliqué, affirmant se reposer sur l’éducation et l’action pour mieux faire comprendre les problèmes. À cet égard, elle a précisé avoir travaillé avec la société civile pour que son rapport soit accessible et compréhensible par ceux qui défendent les droits de l’homme.
S’agissant des données désagrégées concernant, au niveau national, les personnes atteintes d’albinisme, l’Experte indépendante a félicité la République-Unie de Tanzanie pour ses « excellentes données ». De surcroît, a-t-elle observé, alors que les personnes atteintes d’albinisme sont le plus souvent considérées comme des personnes handicapées et traitées comme telles dans les statistiques, ce pays, tout comme la Namibie, y a remédié en créant une « classe spéciale » pour les personnes atteintes d’albinisme.
En réponse à Israël, l’Experte indépendante a déclaré se concentrer sur les actions positives afin d’améliorer l’exercice des droits de l’homme pour les personnes atteintes d’albinisme. « Je suis médiatrice entre les normes et la situation pratique sur le terrain », a-t-elle résumé, ajoutant à ce sujet que le Plan d’action régional sur l’albinisme en Afrique recherchait de nouveaux partenariats pour que toutes les organisations intéressées puissent travailler ensemble à cette cause.
Mme Ero a indiqué à l’Union européenne que le traitement des causes profondes de ce problème faisait partie du plan d’action régional. Il s’agit aussi de combler les lacunes sur les trafics des parties du corps humain et de s’attaquer à la sorcellerie et aux pratiques violentes dont sont victimes les personnes atteintes d’albinisme, a-t-elle conclu.
M. AHMED SHAHEED, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a rappelé que les actes d’intolérance commis sur la base ou au nom de la religion ou de certaines convictions étaient répandus partout dans le monde. Il a notamment fait observer qu’aujourd’hui les trois quarts de la population mondiale vivent dans des pays qui, soit imposent des restrictions à la liberté de religion ou de conviction, soit connaissent au sein de la société un haut niveau d’hostilité en lien avec la religion ou les convictions.
Revenant sur ce qu’est l’intolérance religieuse, M. Shaheed a expliqué que les lois antiblasphème, antiapostasie ou anticonversion servaient souvent de plateformes à l’intolérance. Quelque 70 pays possèdent à ce jour des lois antiblasphème, adoptées officiellement pour renforcer l’« harmonie sociale » ou « l’ordre public » entre différentes communautés, a-t-il détaillé. En pratique, ces lois peuvent en fait être utilisées pour la suppression de points de vue divergents, a déploré le Rapporteur spécial, qui y a vu une violation du droit international des droits de l’homme, qui protège la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de religion et de conviction.
Le Rapporteur spécial a expliqué que, dans de nombreux cas, les limites à la liberté de religion ou de conviction, ou son déni, ne proviennent pas d’une action des gouvernements mais plutôt de pressions de la part de la société. Il a également mentionné que les acteurs non étatiques, et plus particulièrement les groupes armés classés comme organisations terroristes, continuaient à être engagés dans la violence, souvent au nom de la religion, contre des minorités et leurs lieux de culte.
Les autorités de l’État ont le devoir de protéger les individus et les groupes contre la discrimination venue d’acteurs non étatiques et les capacités des États doivent être renforcées de façon à ce qu’ils puissent remplir leurs obligations de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent, a affirmé le Rapporteur spécial. Le rôle des États dans l’exacerbation de ce même extrémisme violent ne doit toutefois pas être oublié, a fait observer M. Shaheed, pour qui il s’agit d’une menace réelle à laquelle il faut faire face.
M. Shaheed a également estimé qu’une approche de « sursécurisation » destinée à contrer la violence extrémiste commise au nom de la religion s’était souvent avérée inefficace et n’avait fait que provoquer une hausse de l’intolérance religieuse. De même, a-t-il insisté, les États devraient se retenir de politiser la religion ou de l’utiliser comme un moyen de « façonner et de renforcer des définitions rigides de l’identité nationale, en puisant dans des sentiments d’appartenance religieuse dans le but de renforcer des loyautés politiques ».
Le Rapporteur spécial a également reconnu que la mondialisation avait rendu de nombreuses sociétés plus vulnérables au tribalisme et à la xénophobie, et que le climat d’intolérance contre ceux perçus comme différents ou étrangers avait considérablement contribué à sensibiliser le public aux incitations à la discrimination ou à la violence. À ce propos, M. Shaheed a reconnu qu’une partie du défi reposait sur le fait que les États ne peuvent pas décider par la loi des attitudes de leurs ressortissants.
Pour M. Shaheed, le fossé qui existe entre les engagements à combattre les actes d’intolérance et leur mise en pratique devrait être comblé grâce à des politiques publiques transparentes, crédibles et responsables, appliquées aussi bien au niveau national que local. Les États doivent abroger toutes les lois qui discriminent sur la base de la religion ou des convictions ainsi que toutes les lois antiblasphème, a affirmé le Rapporteur spécial. M. Shaheed a enfin demandé que soient adoptées des sanctions pénales visant les discriminations commises par les États comme par les acteurs non étatiques partout où elles n’existent pas encore, et qu’elles soient renforcées.
Pour le Rapporteur spécial, une attention particulière doit être apportée au respect de l’obligation de protéger les droits des membres de minorités religieuses, de même que les femmes, les enfants et les membres de la communauté LGBTI, ainsi que les autres populations en situation vulnérable, comme les migrants, les réfugiés et les déplacés internes. M. Shaheed a également insisté sur l’utilisation des outils des Nations Unies, et notamment la Déclaration de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et discrimination fondées sur la religion ou la conviction et le dialogue interreligieux, qu’il considère comme des stratégies efficaces pour répondre aux défis interdépendants de l’intolérance fondée sur la religion ou la conviction.
Lors du dialogue avec M. Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, les États-Unis ont observé que le rapport abordait le manque d’action des États et les abus commis par des acteurs non étatiques. Soucieux que les actions discriminatoires soient traitées par le biais de mécanismes tels que le processus d’Istanbul, ils ont constaté un grand écart entre ce qui est promis et ce qui est fait par les États pour combattre l’intolérance religieuse. À cet égard, ils ont souhaité savoir comment améliorer l’expression des minorités.
La Suisse a estimé que le défi principal résidait dans la mise en œuvre des instruments existants et a salué les efforts du Rapporteur spécial visant à réduire cet écart, grâce à l’analyse des lacunes ainsi que son appréciation positive du Plan d’action de Rabat. Elle aimerait savoir quelles sont les pratiques positives établies afin de promouvoir la tolérance religieuse et les principes d’égalité et de non-discrimination.
L’Allemagne a dit suivre de près la montée de l’intolérance religieuse dans le monde, appelant la communauté internationale à renforcer son engagement dans ce domaine. L’Allemagne, qui partage les préoccupations du Rapporteur spécial sur les restrictions gouvernementales imposées à la liberté religieuse, lui a demandé comment limiter ces phénomènes et encourager un climat de tolérance.
La Pologne a noté que le Rapporteur spécial avait identifié des acteurs non étatiques s’attaquant à la liberté de religion ou de conviction. Elle a convenu que des sanctions pénales à l’égard d’actes commis par des groupes, étatiques ou non, devraient être imposées. Dans ce contexte, elle aimerait savoir comment faire en sorte que les sanctions soient proportionnelles, sans encourager le cycle d’intolérance. Le Liechtenstein a noté que la migration faisait que les groupes religieux étaient en contact de plus en plus étroits. Dans ce contexte, il aimerait savoir comment le nouveau pacte mondial devrait être organisé pour réduire les excès découlant des flux migratoires.
La Fédération de Russie a mis l’accent sur les attaques contre les minorités. Rappelant qu’elle est un État dans lequel vivent de nombreuses confessions, elle a proposé au Rapporteur spécial d’étudier le rôle de l’éducation pour encourager la tolérance religieuse. En outre, la Fédération de Russie s’est demandé pourquoi le Rapporteur spécial avait mentionné, aux côtés des minorités religieuses, les minorités sexuelles ou les migrants et lui a demandé de s’en tenir à son mandat.
Le Royaume-Uni a dénoncé les poursuites menées contre les minorités religieuses et a plaidé pour une meilleure compréhension réciproque en travaillant avec la société civile. Se disant prêt à partager son expérience, il a demandé au Rapporteur spécial de préciser comment il se propose d’encourager les États Membres à se prémunir des discriminations religieuses.
L’Union européenne a fait observer que la liberté de religion faisait partie de sa politique des droits de l’homme et incluait différents niveaux de dialogues interreligieux avec ses partenaires. Évoquant les accusations de blasphème en ligne, elle a voulu savoir quelles bonnes pratiques permettraient de lutter contre l’intolérance sur Internet et dans les réseaux sociaux.
La Norvège a partagé l’analyse du Rapporteur spécial sur le fait que la religion est une marque d’identité et que les États ne doivent pas associer la religion à la nationalité. Elle aimerait savoir si le Rapporteur spécial a des pratiques optimales à proposer.
Le Danemark a souligné le lien entre la liberté de religion et les actions hostiles d’entités, étatiques ou non. Dans ce cadre, il a aussi jugé nécessaire d’éclairer le lien entre l’intolérance et le droit des femmes. L’Irlande s’est félicitée que le rapport tienne compte de la situation des femmes et des personnes LGBT au regard de la liberté de religion. Elle aimerait savoir comment la société civile peut jouer un rôle positif pour appuyer les travaux du Rapporteur spécial.
L’Albanie a dit attendre avec intérêt le rapport du Rapporteur spécial sur sa récente visite dans le pays et s’est dite préoccupée par les attaques dont sont l’objet les groupes vulnérables. Réaffirmant son haut respect de la liberté de religion ou de conviction ainsi que du dialogue interreligieux, elle a encouragé les États à mettre en œuvre le Plan d’action de Rabat et la résolution 16/18 du Conseil des droits de l’homme.
Le Brésil a noté que, selon une étude citée par le rapport, il figurait parmi les pays ayant le plus faible niveau d’intolérance. Nous demeurons vigilants et encourageons le dialogue interreligieux, a-t-il dit, ajoutant que les migrations doivent être abordées comme une façon de mieux traiter les convictions.
Le Canada s’est dit préoccupé par la montée de l’intolérance et a appelé à la promotion d’un climat favorisant la diversité et d’une gouvernance plus inclusive. Évoquant les recommandations du Rapporteur spécial sur les écarts dans la mise en œuvre, il a demandé en quoi consisterait la plateforme évoquée dans le rapport.
L’Iraq a rappelé qu’il avait adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et respectait les minorités. Malgré les ravages provoqués par Daech, il a réaffirmé son engagement à protéger les droits des minorités. Implorant la communauté internationale à lutter contre l’extrémisme, il a demandé quelles mesures permettaient d’éradiquer l’esprit terroriste et de lui barrer la route.
Le Bahreïn s’est présenté comme une nation qui accueille les valeurs de la coexistence et appuie le dialogue entre les religions. Selon lui, la liberté de religion est une solution face à des problématiques comme le terrorisme. Dans ce contexte, le Bahreïn défend la liberté de religion et la diversité culturelle, en se disant fier d’être un exemple en matière de tolérance.
Le Myanmar s’est présenté comme une société multiethnique et multireligieuse ou plusieurs croyances vivent en bonne harmonie avec la participation des différentes communautés. Rappelant qu’un forum d’érudits religieux avait récemment réuni des représentants de 145 pays sur son territoire, il a dit compatir avec ceux qui souffrent et vouloir réaliser la liberté de religion.
Dans ses réponses, M. Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, est revenu sur l’étendue de son mandat et a souligné l’importance de bien comprendre les religions, notamment à travers un dialogue transfrontière mené dans un contexte multireligieux. Il faut comprendre ce qui est dit dans les textes, a-t-il ajouté, estimant que, bien trop souvent, on agit sur la base de l’ignorance et la peur. « Connaître les religions permet de réagir et évite de devenir vulnérable aux idées qui incitent et stimulent la violence et l’exclusion » a-t-il plaidé. Le Rapporteur spécial a également plaidé pour un enseignement des religions qui ne manifeste aucune préférence entre celles-ci.
M. DAVID KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a commencé par rappeler qu’aux premiers temps du mandat qu’il exerce aujourd’hui, les rapports mettaient l’accent sur les mesures gouvernementales et les lois mettant à mal la liberté d’expression. Ils étaient aussi le reflet de l’accès sans précédent à l’information, rendu possible par la démocratisation des années 1990, couplée à la révolution des technologies numériques. C’est ainsi que ses prédécesseurs, de concert avec le Conseil des droits de l’homme et le Comité des droits de l’homme du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont développé un cadre juridique puissant pour la protection et la promotion de la liberté d’opinion et d’expression.
Or, a-t-il constaté, ce cadre est à présent menacé. Des journalistes sont assassinés et leurs meurtriers rarement traduits en justice. Des individus sont arrêtés au seul motif d’avoir posté en ligne des commentaires critiques à l’égard de politiques gouvernementales. De fait, notre sécurité en ligne est sapée par des forces gouvernementales ou des intérêts privés, la confiance du public dans l’information est attaquée par des démagogues et les militants de la société civile subissent des menaces croissantes et sont soumis à des agressions numériques ainsi qu’à une surveillance et des accusations constantes.
Revenant à son rapport, qui fait le point sur l’accès à l’information ayant trait aux activités des organisations internationales, M. Kaye a expliqué qu’il s’efforçait de comprendre comment les individus peuvent appréhender le travail de leur gouvernement, participer à la vie publique ou exiger que les responsables publics rendent des comptes au travers d’élections libres, sans savoir comment ils agissent en leur nom. Il explore cette question dans le contexte des organisations internationales.
À cet égard, a-t-il relevé, les organisations internationales, y compris les Nations Unies, sont souvent à la traîne des gouvernements en ce qui concerne les cadres juridiques et les processus de promotion de l’accès à l’information. La plupart d’entre elles ont pris des mesures pour mettre leurs informations en ligne. Toutefois, a-t-il dit, il ne suffit pas de se contenter de ce que ces organisations divulguent. Il faut que les individus puissent demander à connaître des informations non divulguées par ce biais.
Parmi les éléments permettant un accès effectif à l’information, M. Kaye a distingué sept principes clefs: un processus ouvert, des divulgations proactives, claires, recherchables et sécurisées, des politiques globales avec des règles obligatoires, des règles claires sur les informations non divulguées, des mécanismes de plainte et de recours, et des protections pour les lanceurs d’alerte. Au sujet de ceux-ci, le Rapporteur spécial s’est félicité que le Secrétaire général des Nations Unies ait pris des mesures pour mieux protéger les lanceurs d’alerte au sein du Système de l’ONU.
Le rapport inclut également des recommandations, parmi lesquelles la promotion de politiques d’accès à l’information au travers de mécanismes de gouvernance et le développement de fonctions de suivi et de contrôle. À cet égard, M. Kaye recommande que les États Membres encouragent les organisations intergouvernementales à adopter des politiques d’accès à l’information répondant aux normes identifiées dans son rapport. Pour le Rapporteur spécial, la liberté d’information est dans l’intérêt des organisations intergouvernementales, à commencer par les Nations Unies, dont l’image dépend de la politique d’ouverture.
Évoquant par ailleurs les fausses nouvelles, ou « fake news », il a jugé que le terme n’avait aucun sens dans un environnement où le langage est tellement attaqué. Mais ce type de données sape la confiance du public dans les institutions, a-t-il constaté, notant qu’une partie de ces informations provient d’organisations non gouvernementales. De plus, a-t-il relevé, il ne faut pas oublier que ce travail se fait dans un champ numérique qui permet à la désinformation de se diffuser rapidement.
Pour M. Kaye, qui a travaillé sur cette question avec ses collègues de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et les rapporteurs spéciaux de la Commission interaméricaine et de la Commission africaine sur la liberté d’expression, la désinformation est un problème de la liberté d’expression. Elle ne peut être séparée du problème de la censure et de la pénalisation de certaines formes d’informations. À ce sujet, il a dit avoir identifié un nombre de principes qui concernent la lutte contre la désinformation. En vertu de l’un d’eux, les acteurs étatiques doivent s’abstenir de diffuser de telles informations.
Enfin, s’agissant du secteur privé à l’ère numérique, M. Kaye a observé qu’il y avait un partage d’informations sans précédent mais aussi des sources de plus en plus nombreuses d’information et de désinformation. Dans ce contexte, il a déclaré avoir lancé un appel public aux gouvernements pour que des idées lui soient adressées. Il a dit espérer une forte participation à ce processus.
Lors du dialogue avec M. Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, les États-Unis ont demandé quelles étaient les meilleures pratiques concernant la liberté d’opinion à utiliser dans les organisations internationales. L’Union européenne a demandé quelles sont les plus grands obstacles pour un meilleur accès à l’information au sein des organismes internationaux.
La Lettonie a demandé comment les nouvelles technologies de l’information et des communications pourraient promouvoir la transparence des organisations internationales et l’accès à l’information. L’Estonie a demandé plus de précision sur l’organe séparé que mentionne le rapport en matière de protection de l’information. L’Autriche a demandé en quoi la proposition contenue dans le rapport de la création d’un bureau de redevabilité pour traiter de la protection des donneurs d’alerte était une meilleure solution que celles existant pour le moment. Elle a aussi demandé quels pouvaient être les autres modèles pour les donneurs d’alerte dans le contexte international?
La France a demandé comment les États pouvaient accompagner les organisations internationales dans l’élaboration des politiques relatives à l’accès à l’information ainsi que comment apporter des réponses plus efficaces à la question de la protection des journalistes.
La République tchèque a insisté sur l’importance de la liberté d’information sans censure et a demandé quelles seraient les recommandations pour travailler avec les États Membres et la société civile pour avoir un meilleur accès à l’information.
La Norvège s’est déclarée engagée en faveur des mesures de protection des donneurs d’alerte et a estimé que la protection de ces personnes était indispensable. À cet égard, la Pologne a demandé plus d’informations sur les défis à relever pour assurer une bonne protection des donneurs d’alerte, notamment en ce qui concerne les acteurs non étatiques. La Suisse a demandé comment tenir compte des vulnérabilités particulières des défenseurs de droits de l’homme au sein des politiques des organisations internationales.
La Fédération de Russie a souligné le fait que certains États fermaient certains accès à l’information sur Internet comme les réseaux sociaux et des plateformes et a déploré la réduction de l’espace d’information pour des groupes linguistiques minoritaires, notamment en Ukraine.
Le Mexique a demandé comment renforcer les mécanismes de responsabilisation pour permettre un accès rapide et efficace à l’information. La République de Corée a demandé quels étaient les obstacles à la mise en œuvre des recommandations du rapport. L’Indonésie a indiqué que la transparence devait être renforcée pour lutter contre la corruption et que la responsabilisation était importante pour que le travail de l’ONU soit conforme à son mandat.
Le Qatar a déploré que certains pays essayent de réprimer la liberté d’expression et demandent la fermeture de certaines chaînes de télévision et diffusent de fausses informations. Les Émirats arabes unis ont expliqué qu’il fallait combattre le terrorisme partout et surtout au sein des médias qui encouragent les terroristes en se cachant derrière la liberté d’opinion.
Les Maldives ont expliqué que la transparence renforçait la responsabilisation et que la Constitution du pays garantissait ce droit aux citoyens.
M. Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a remercié les délégations pour la clarté de leurs questions et a souhaité soulever différentes questions qui en découlent.
S’agissant des obstacles principaux au recensement d’une politique d’accès à l’information, il a cité la trop grande distance existant entre les organisations intergouvernementales et la vie de l’essentiel de la population mondiale. Les médias ne couvrent pas les questions relatives à l’ONU de la même manière qu’ils couvrent l’actualité au niveau national, a-t-il observé. M. Kaye a cependant jugé important que les organisations intergouvernementales continuent de bénéficier d’un appui, même si elles ont, à l’évidence, un « problème d’inertie » et veulent « garder leurs secrets », ce qui n’est plus possible à l’heure des réseaux sociaux.
À propos de la nécessaire protection des journalistes et des lanceurs d’alerte, il a jugé que les organisations intergouvernementales devraient promouvoir la défense de ces acteurs de la démocratie. Selon lui, il ne faut pas se limiter aux cas les plus durs, des procédures devant être partout mises en place pour améliorer l’accès à l’information. De plus, a-t-il dit, il faut des sanctions en cas de représailles contre ces personnes. Or, lorsque la crainte existe, il y a des hésitations à donner l’alerte, il y a une réticence à s’adresser au public, a déploré le Rapporteur spécial.
Évoquant sa proposition de la création d’un nouveau bureau de déontologie dédié aux lanceurs d’alerte, il s’est expliqué, en affirmant que ce n’est pas le rôle principal de l’actuel Bureau de la déontologie de l’ONU. De fait, il faut un bureau spécial pour les lanceurs d’alerte, a-t-il insisté, rappelant que celui de l’Organisation dépend des 13 normes de conduite des organes des droits de l’homme.
Concernant les moyens de mobilisation des États Membres, le Rapporteur spécial a cité des processus de consultation de la société civile sur l’accès à l’information, notamment dans le lieu de travail. Cette approche participative a, selon lui, conduit à la création de processus robustes dans de grandes organisations internationales. En outre, a-t-il noté, cela va dans le sens de la charte de ces organisations. À ses yeux, le fait d’avoir des exemples de mesures d’accès à l’information montre qu’il s’agit réellement d’une politique.
Enfin, abordant la délicate question des défenseurs des droits de l’homme et des protections dont ils doivent bénéficier, il a déclaré que toute politique d’accès à l’information devait comporter des « exceptions ». La première d’entre elles doit être la protection des individus et des défenseurs des droits de l’homme de toute publicité les exposant à des risques, a-t-il souligné, demandant instamment aux organisations et à leur direction de pousser davantage l’accès à l’information dans un contexte de transparence.
M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué que son rapport thématique s’intéressait, cette année, aux implications sur les droits de l’homme des différends portant sur la dette souveraine, lorsqu’ils sont soumis devant les systèmes internationaux d’arbitrage. L’Expert indépendant s’est demandé si les mécanismes d’arbitrage sont les outils les plus appropriés pour résoudre des conflits dans le contexte de la restructuration de la dette. Son rapport soutient que de tels mécanismes ne sont pas conçus pour les obligations financières et encore moins pour fournir des pistes, face aux demandes des fonds spéculatifs et des crédits non coopératifs. De fait, et en l’absence de cadre internationaux robustes pour réguler la restructuration des dettes souveraines, ce qui pouvait apparaître comme une solution se révèle, en fait, être une alternative problématique du point de vue des droits de l’homme.
Dans son rapport, M. Bohoslavsky constate aussi que, bien que les tribunaux d’arbitrage aient occasionnellement fait référence aux obligations en matière de droits de l’homme, ils les ont rarement appliquées directement. L’Expert indépendant estime que l’une des raisons tient à ce que les accords d’investissements bilatéraux contiennent peu de références explicites aux droits de l’homme, donnant le sentiment que ces derniers sont restés à la périphérie des régimes internationaux d’investissement, même si certains modèles d’accord bilatéraux commencent depuis peu à introduire des normes de protection plus flexibles et qui reconnaissent les droits de l’homme, comme le modèle indien de 2016.
Pour M. Bohoslavsky, on peut se demander si les accords d’investissement bilatéraux sont ou peuvent être utilisés pour résoudre des différends relatifs à la dette souveraine. Il constate en tout état de cause que, si l’on peut voir dans les transactions financières une forme d’investissement, la jurisprudence concernant la dette souveraine de l’Argentine semble accréditer l’idée selon laquelle, le recours arbitraire d’un État à sa souveraineté pour changer les termes d’un accord financier, en vue d’échapper à ses obligations envers ses créditeurs, peut constituer une violation de l’accord.
Or, il apparaît aussi que certains tribunaux arbitraux échouent bien souvent à prendre en considération d’autres aspects que ceux relatifs à l’investissement, a fait observer l’Expert indépendant. Son analyse montre aussi que les normes développées par ces tribunaux et les termes des accords bilatéraux d’investissement des dernières décennies ne répondent pas à la question de la restructuration de la dette. Par ailleurs, si un État endetté ne peut plus financer les services publics de base, il manque à ses responsabilités en matière des droits de l’homme, a poursuivi M. Bohoslavsky, ajoutant que le succès d’une bonne restructuration de la dette ne devrait pas seulement être tourné vers la restauration de la durabilité, mais également minimiser les coûts sociaux.
Pour répondre aux lacunes observées et analysées, l’Expert indépendant propose cinq recommandations. Il suggère notamment que les différends portant sur les crises financières soient réglés à travers un mécanisme international de la dette souveraine, préalablement informé des principes directeurs sur la dette souveraine et les droits de l’homme et des principes de base des processus de restructuration de la dette souveraine. Il recommande également que soit menée une évaluation des effets sur les droits de l’homme de tout accord d’investissement avant sa signature et que les accords contiennent des références explicites aux droits de l’homme. Il recommande aussi que les processus de négociation de ces accords se fassent de façon ouverte et transparente et enfin que les cours et tribunaux d’arbitrage tiennent compte des normes applicables en matière de droits de l’homme.