Cinquième Commission: malgré une situation financière « saine », les prestations sociales risquent de « ruiner » le budget de l’ONU
Quoique la situation financière de l’ONU demeure « globalement saine », les quatre délégations, qui sont intervenues aujourd’hui à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires, se sont inquiétées de la capacité de l’Organisation de couvrir les prestations sociales, soit « les engagements au titre des avantages du personnel » estimés à 4,4 milliards de dollars. L’assurance maladie, les frais de rapatriement et les pensions risquent de « ruiner » le budget ordinaire de l’ONU, s’est alarmé le Groupe des 77 et de la Chine devant la Commission qui examinait les états financiers de l’Organisation pour 2016.
Avec l’Union européenne, les États-Unis et l’Inde, le Groupe des 77 et la Chine se sont félicités de ce que dans ses rapports, le Comité des commissaires aux comptes (CCC) maintienne une « opinion sans réserve » concernant 19 entités de l’ONU. « Ces entités ont démontré leur solvabilité et leur capacité à couvrir leurs engagements à court et à long termes », se sont réjouis les États-Unis, réaffirmant leur confiance dans « l’intégrité » des états financiers. Pour la première fois, a noté avec enthousiasme l’Union européenne (UE), neuf entités ont pu établir leurs états financiers au moyen du progiciel de gestion intégré Umoja et les présenter au CCC « dans les délais impartis ».
Si la situation financière de l’Organisation reste globalement saine, le CCC note toutefois que « les passifs liés aux avantages du personnel risquent d’absorber une part croissante du budget ordinaire au fil du temps s’ils demeurent non financés ». Au 31 décembre 2016, l’actif net de l’ONU s’élevait à 2,4 milliards, en baisse de 67 millions par rapport à 2015. Selon le CCC, cette diminution est principalement imputable à des pertes actuarielles d’un montant de 48 millions et liée à l’évaluation à la hausse des engagements au titre de l’assurance maladie, des frais de rapatriement et des pensions dus aux fonctionnaires.
L’ampleur et l’impact financier de ces engagements de 4,4 milliards de dollars sur le budget ordinaire ne sauraient être sous-estimés, se sont inquiétés les États-Unis. À terme, ces engagements risquent de « ruiner » le budget ordinaire, a renchéri l’Équateur, au nom du Groupe des 77 et de la Chine.
Les États-Unis ont jugé essentiel d’avoir un « aperçu clair » de la situation, dont des données suffisamment « fiables » pour garantir une bonne planification financière. Cela suppose de corriger les « lacunes » liées au processus de collecte et d’agrégation des informations soumises à l’actuaire, a estimé l’Équateur, appelant à tirer parti des « opportunités nouvelles » offertes par Umoja pour améliorer l’évaluation des passifs.
Au-delà même de l’évaluation des engagements, a estimé l’Inde, l’absence d’arrangements pour s’acquitter des passifs liés aux avantages du personnel doit être réglée rapidement.
La prochaine réunion de la Cinquième Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
RAPPORTS ET ÉTATS FINANCIERS VÉRIFIÉS ET RAPPORTS DU COMITÉ DES COMMISSAIRES AUX COMPTES
Rapport du Comité des commissaires aux comptes (CCC) sur les états de la situation financière, des résultats financiers, des variations de l’actif net, des flux de trésorerie, des montants effectifs et des montants inscrits au budget, ainsi que les notes relatives aux états financiers, y compris un récapitulatif des principales conventions comptables. (A/72/5/Vol. I et A/72/5/Vol. I/Corr.1)
La Commission était également saisie des états financiers des entités suivantes: Centre du commerce international (A/72/5/Vol. III), Université des Nations Unies (UNU) (A/72/5/Vol. IV), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) (A/72/5/Add.1), Fonds d’équipement des Nations Unies (UNOPS) (A/72/5/Add.2), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) (A/72/5/Add.3), Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) (A/72/5/Add.4), Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) (A/72/5/Add.5) et Fonds de contributions volontaires gérés par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) (A/72/5Add.6).
Les autres entités sont le Fonds du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) (A/72/5/Add.7), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) (A/72/5/Add.8), le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) (A/72/5/Add.9), l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) (A/72/5/Add.10), le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) (A/72/5/Add.11) et l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes) (A/72/5/Add.12).
Les dernières entités sont le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) (A/72/5/Add.13), le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) (A/72/5/Add.14) et le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (A/72/5/Add.15).
La Commission a aussi examiné le résumé concis des principales constatations et conclusions du Comité des commissaires aux comptes (A/72/176 et A/72/176/Corr.1) et les rapports sur la suite donnée aux recommandations du CCC à l’ONU et au plan-cadre d’équipement (A/72/355) et à celles faites aux fonds et programmes (A/72/355/Add.1)
Dans son rapport (A/72/537), le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) se félicite de ce que toutes les entités ont de nouveau reçu du Comité des commissaires aux comptes des opinions sans réserve. Il note que la situation financière des entités auditées est demeurée solide.
Le Comité appelle à la prudence lorsqu’il s’agit de déterminer le niveau des réserves, en particulier pour les entités qui sont financées par des contributions volontaires et celles qui ont des engagements pluriannuels. Le comité compte que le Secrétaire général fera tout pour établir des critères raisonnables concernant le niveau des réserves.
Le CCQAB convient avec le Comité des commissaires aux comptes que la mise en commun de la trésorerie et des placements pourrait être un modèle de gestion des investissements intéressant pour les entités du système des Nations Unies. Il préconise une étude de faisabilité sur les avantages et les inconvénients de cette formule et des solutions viables pour la mise en place d’un système centralisé de gestion des placements de la trésorerie dans le système des Nations Unies.
Enfin Le Comité consultatif convient avec le Comité des commissaires aux comptes que les différentes entités des Nations Unies et le Secrétariat doivent s’employer à mettre en œuvre d’anciennes recommandations d’audit afin de pouvoir les classer. Le CCQAB souscrit aussi aux préoccupations concernant la gestion des partenaires d’exécution et considère qu’il convient d’améliorer les pratiques en matière de contrôle. Il estime qu’Umoja et d’autres progiciels de gestion intégrés utilisés par d’autres entités des Nations Unies devraient être mis à profit pour favoriser le partage de l’information et le contrôle des partenaires d’exécution.
Le Comité consultatif compte que le Comité des commissaires aux comptes poursuivra l’examen des pratiques relatives aux coûts et à la gestion des voyages, y compris l’utilisation d’autres moyens de communication, ainsi que le respect de la politique d’achat anticipé, que ce soit au Secrétariat ou dans les autres entités des Nations Unies, afin de garantir la transparence et l’efficacité de l’utilisation des ressources.
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme AMÉRICA LOURDES PEREIRA SOTOMAYOR (Équateur) a noté que le Comité des commissaires aux comptes (CCC) avait émis une « opinion sans réserve » concernant toutes les entités auditées pour l’année terminée le 31 décembre 2016, comme il l’avait fait les années précédentes. Elle a appelé les entités à maintenir ce cap, tout en s’attaquant aux faiblesses identifiées par le CCC. En outre, Mme Pereira Sotomayor s’est dite satisfaite de constater que la santé financière des Nations Unies demeurait « saine » dans l’ensemble. « Toutefois, nous souhaiterions attirer l’attention sur le fait que les engagements au titre des avantages du personnel risquent, à terme, de ruiner le budget ordinaire s’ils ne sont pas financés », s’est inquiétée la représentante.
Concernant la réalisation des objectifs de développement durable, Mme Pereira Sotomayor a noté la mise au point de la méthodologie d’évaluation pour les indicateurs sur les objectifs de développement durable. Elle a voulu que l’on « évite tout retard » dans la finalisation de cette méthodologie et des normes de collecte des données, au risque de retarder l’évaluation des progrès dans la mise en œuvre de près d’un tiers du Programme de développement durable à l’horizon 2030. En effet, a-t-elle insisté, ce travail d’évaluation des progrès ne pourra commencer qu’après l’adoption de la méthodologie d’évaluation pour tous les indicateurs.
Mme Pereira Sotomayor a par ailleurs déploré le fait que la gestion des achats n’ait pas été déléguée de façon « structurée et organisée », en raison, selon elle, de la persistance de pratiques historiques sans lien avec les exigences du processus. Elle a ainsi appelé à définir et mettre en œuvre une organisation structurée de la chaîne d’approvisionnement, avec des responsabilités bien établies.
La représentante a en outre exprimé les inquiétudes de son groupe face au manque de suivi de la mise en œuvre des directives du Secrétaire général concernant l’accès des employés vivant avec un handicap au bâtiment du Secrétariat de l’ONU. De plus, elle a noté que les journées de travail perdues en raison de troubles de santé mentale étaient susceptibles de constituer un « risque institutionnel » pour l’Organisation.
Soulignant les investissements « considérables » consentis par l’ONU pour le déploiement du progiciel de gestion intégré Umoja, la représentante s’est réjouie des « opportunités nouvelles » offertes par le système pour redéfinir les processus de l’ONU, au profit d’une plus grande valeur ajoutée. En particulier, Mme Pereira Sotomayor a appelé le Secrétariat à utiliser Umoja pour surmonter les « lacunes » liées au processus de collecte et d’agrégation des informations soumises à l’actuaire, pour l’évaluation des passifs au titre des avantages du personnel.
Mme Pereira Sotomayor a enfin estimé que l’application des recommandations d’audit « était insuffisante ». Elle a appelé les différentes entités des Nations Unies et le Secrétariat à redoubler d’efforts pour mettre en œuvre les anciennes recommandations non appliquées.
M. THOMAS HYNDRAK, de l’Union européenne, a salué les conclusions et les recommandations du Comité des commissaires aux comptes (CCC) et s’est réjoui d’apprendre que neuf entités des Nations Unies ont pu, pour la première fois, préparer leur état financier en se servant d’Umoja et les présenter dans les délais impartis au CCC. Le représentant s’est aussi réjoui que le CCC ait noté de réelles améliorations dans l’utilisation des Normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS) pour préparer les états financiers. S’agissant de la prévention des fraudes, il a relayé les appels du CCC à de meilleures formations et à des directives spécifiques. À la lumière du Dispositif de lutte contre la fraude et la corruption publié l’année dernière, d’autres efforts doivent être faits pour assoir la culture de la transparence et de la bonne gouvernance aux Nations Unies, a insisté le représentant.
Il a conclu en notant que le taux de mise en œuvre des recommandations du CCC a certes augmenté mais qu’il n’est pas encore satisfaisant, s’agissant en particulier des recommandations faites il y a plus de deux ans. Il a encouragé le Secrétaire général à assurer une mise en œuvre pleine et entière de toutes les recommandations du CCC.
Mme CHERITH A. NORMAN CHALET (États-Unis) a salué le fait que le Comité des commissaires aux comptes (CCC) ait émis une « opinion sans réserve » concernant toutes les entités auditées. « Ces entités ont démontré leur solvabilité et leur capacité de couvrir leurs engagements à court et à long termes », s’est-elle félicitée, tout en réaffirmant la confiance de son pays dans « l’intégrité » des états financiers des Nations Unies. Grâce à l’utilisation d’Umoja, a-t-elle également salué, ces états financiers ont pu, cette année, être produits dans les délais impartis.
S’agissant du plan stratégique patrimonial, Mme Norman a relayé les préoccupations soulevées par le CCC concernant la gestion du projet et les retards accusés en matière d’achats. Elle a appelé l’Organisation à intégrer les enseignements tirés du plan-cadre et à mettre en place des initiatives sans coût pour compenser les retards. « Nous insistons sur le fait que le projet doit être finalisé dans les limites du budget et des délais impartis, d’ici à 2023 », a-t-elle insisté.
Par ailleurs, la représentante américaine a plaidé en faveur d’un processus de gestion des achats plus « efficace », caractérisé notamment par « une délégation d’autorité plus transparente », le respect des contrats d’approvisionnement, une bonne gestion des données et des processus de transaction via Umoja.
Quoique l’ONU dispose de suffisamment d’actifs pour couvrir ses engagements, le problème lié aux engagements concernant les avantages du personnel n’a toujours pas été réglé, a par ailleurs regretté la représentante. « L’ampleur et l’impact financier de ces engagements sur le budget ordinaire, évalué à environ 4,4 milliards de dollars pour 2016, ne sauraient être sous-estimés », a-t-elle insisté. Pour remédier à cette situation, la représentante a jugé essentiel d’avoir un « aperçu clair » de ces engagements, dont des données fiables sur le personnel, pour une bonne planification financière.
La représentante a enfin appelé à mieux appliquer les recommandations dans le travail quotidien pour améliorer la performance, la bonne gouvernance et la transparence, et faire en sorte que les États Membres puissent prendre des décisions « informées » sur les ressources de l’Organisation.
M. RAGHAV LAKHANPAL (Inde) a repris l’observation du Comité des commissaires aux comptes (CCC) sur la nécessité d’aligner au mieux les stratégies à long terme avec les activités de mise en œuvre du Programme 2030. Cela contribuerait à une plus grande cohérence et à un meilleur contrôle des objectifs de développement durable. La responsabilité première de cette mise en œuvre incombe aux États mais l’importance de l’appui du système des Nations Unies à ces États est bien « établie », a souligné le représentant.
Dans le domaine de la gestion financière, le représentant a voulu que l’on réponde aux préoccupations du CCC sur l’absence d’arrangements appropriés pour s’acquitter des passifs liés aux avantages du personnel. Nous comprenons aussi qu’il y a quelques améliorations à apporter à la gestion des réserves financières, a ajouté le représentant.
Notant que les états financiers de neuf entités des Nations Unies pour 2016 ont été établis via Umoja, le représentant a voulu que l’élan soit maintenu pour une gestion efficace des fonds et autres ressources du système des Nations Unies.
Le représentant a par ailleurs souligné la nécessité de définir clairement les critères pour la délégation d’autorité en matière d’achats fondée sur les besoins et un meilleur suivi des processus de passation des marchés et des contrats. Il faut, a-t-il ajouté, un meilleur contrôle de la collecte de données sur le personnel pour l’évaluation actuarielle. À cet égard, la mise en œuvre des recommandations du CCC doit être la priorité pour une bonne gestion financière.
Maintenir la culture d’intégrité à l’ONU et dans ses fonds et programmes est important, a poursuivi le représentant. Il faut évaluer les risques de fraude pour identifier les faiblesses dans les procédures et mettre en place des stratégies de prévention « robustes ». Une mise en œuvre effective du Dispositif de lutte contre la fraude et la corruption publié en septembre 2016 serait une étape importante dans la bonne direction.
À son tour, M. Lakhanpal a appelé à une mise en œuvre pleine et entière des recommandations du CCC. Une meilleure synergie entre les différents organes de contrôle dans la mise en œuvre de ces recommandations contribuerait à consolider les gains d’efficacité, a insisté le représentant.