En cours au Siège de l'ONU

Soixante-douzième session,
30e & 31e séances – matin & après-midi   
AG/SHC/4211

La Troisième Commission se penche sur la situation des Rohyngia du Myanmar et la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a commencé aujourd’hui à entendre les exposés de Rapporteurs spéciaux chargés de situations de pays –en l’occurrence le Myanmar et la République islamique d’Iran- suscitant les critiques du Mouvement des pays non alignés.

La Commission a également dialogué avec les Rapporteurs spéciaux sur les questions relatives aux minorités, sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et sur les droits culturels, qui tous trois ont mis l’accent sur la vulnérabilité accrue des femmes dans ces différents contextes.

La situation des musulmans rohingya a été au cœur des échanges concernant le Myanmar.  La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, Mme Yanghee Lee, a dû constater que beaucoup de choses avaient changé depuis le bouclage de son rapport, fin août, des centaines de milliers de Rohingya axant depuis lors vers le Bangladesh.  Disant craindre que seule une petite partie de ce peuple puisse revenir au Myanmar, Mme Lee a demandé à l’Assemblée générale de rester saisie de la question, recommandant également au Conseil de sécurité d’inscrire le Myanmar à son ordre du jour, en vue de l’adoption d’une « résolution forte ».

En réaction à ces propos, le Myanmar a rappelé que, bien que s’étant dissocié du consensus créant le mandat de la Rapporteuse, le pays lui avait permis de se rendre sur place.  Et d’ajouter que la situation était le résultat d’attaques terroristes de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan, des actes « que le Gouvernement ne peut tolérer ».  Directement concerné par l’afflux des réfugiés et la crise humanitaire à sa frontière, le Bangladesh a estimé que la situation exigeait une réponse très ferme de la communauté internationale.  La Malaisie a souhaité, quant à elle, que l’Assemblée générale crée un autre mandat pour aider la Rapporteuse spéciale dans son travail.

Le dialogue avec Mme Lee, première titulaire de mandat de procédures spéciales concernant une situation de pays, à prendre la parole devant la Troisième Commission, a été précédée d’un rappel par le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, de l’opposition de ce groupe à ce type de mandat.  Pour le Mouvement, c’est la procédure de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme qui constitue le cadre pertinent pour évoquer des situations des droits de l’homme de tous les pays.  Lors du dialogue suivant, nombre de délégations ont rappelé cette position.

La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, Mme Asma Jahangir, a pour sa part constaté des développements positifs dans le pays, notamment avec l’élection présidentielle de mai dernier, marquée par une très forte participation, « reflétant le désir du peuple iranien à donner son opinion ».  Elle a toutefois noté que les discours très positifs du Président sortant réélu, Hassan Rouhani, avaient été pour l’instant peu suivis d’effets, et a déploré le taux élevé d’exécutions capitales -435 depuis janvier 2017, dont quatre mineurs- ainsi que des cas de torture, de détention arbitraire et de privation de liberté de binationaux.

La République islamique d’Iran a dénoncé un rapport basé sur des « éléments fallacieux », et manquant de professionnalisme.  Le représentant a en outre regretté que le rapport ne fasse pas mention des sanctions économiques imposées par les États-Unis ou encore des interdictions de voyage imposées à ses ressortissants, actes qui impactent la situation des droits de l’homme.

Plus tôt, les dialogues avec les autres Rapporteurs spéciaux avaient notamment mis l’accent sur la vulnérabilité accrue des femmes, que ce soit en situation de minorité, lorsqu’elles sont défenseurs des droits de l’homme ou encore en matière de droits culturels.  Ainsi, le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, M. Fernand de Varennes, a expliqué que les droits des minorités étaient les droits humains de personnes figurant parmi les plus vulnérables au monde, et que « les plus vulnérables parmi les vulnérables » étaient les femmes et les enfants issus de minorités.  Lors du dialogue, plusieurs pays se sont inquiétés de cette vulnérabilité, la Norvège se disant particulièrement préoccupée par la situation des femmes issues des minorités attaquées par le groupe terroriste État islamique.

De même, lors du dialogue relatif aux défenseurs des droits de l’homme, les délégations de la République tchèque ou encore de la Pologne ont observé qu’en raison de leur double vulnérabilité, en tant que femmes et défenseurs des droits de l’homme, il y avait plus de femmes parmi les victimes des attaques contre cette catégorie de personnes.  La Slovénie a d’ailleurs demandé au Rapporteur spécial de s’attacher à l’introduction d’une perspective de genre dans ses travaux, afin de mieux protéger les femmes défenseurs des droits de l’homme.  Le Rapporteur spécial sur ce sujet, M. Michel Forst, a plus largement fait part de son envie de voir proposer que les défenseurs des droits de l’homme reçoivent le prix Nobel de la paix en reconnaissance de leur travail.

Les droits culturels des femmes sont également menacés par les effets des différentes formes de fondamentalisme et d’extrémisme, a expliqué la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Mme Karima Bennoune, qui a plaidé pour « une réponse internationale vigoureuse ».  Rejetant les critiques de la Fédération de Russie qui l’accusait d’adopter un positionnement trop « occidental », elle a regretté les réserves parfois faites à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au prétexte « inacceptable » du relativisme culturel.

Demain, jeudi 26 octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures son dialogue avec plusieurs titulaires de mandats de procédures spéciales, et notamment avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, M. Tomas Ojea Quintana, qui n’a pu s’exprimer aujourd’hui, faute de temps.

 

 

 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/72/40 ET A/C.3/72/9)

Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs

M. FERNAND DE VARENNES, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, s’est déclaré honoré de se présenter devant la Troisième Commission en tant que titulaire de ce mandat.  Il a commencé par rappeler les principales recommandations du rapport final de son prédécesseur, Mme Rita Izsák-Ndiaye, qui préconise notamment une promotion accrue par les Nations Unies de la protection des droits des minorités aux niveaux national et régional, un renforcement des mécanismes existants au sein du système de l’ONU et une meilleure visibilité du Forum sur les questions relatives aux minorités.  Mme Izsák-Ndiaye a également souhaité que le Réseau des Nations Unies pour la lutte contre le racisme et la protection des minorités fasse régulièrement état de ses travaux au Conseil des droits de l’homme.

M. de Varennes a ensuite rappelé plusieurs des préoccupations de son prédécesseur, précisant vouloir en faire des priorités de son propre mandat.  Il a ainsi cité la montée des discours haineux et xénophobes, la progression des incitations à la haine contre les minorités, la persistance de vues divergentes quant au terme de « minorité », l’exclusion et la discrimination des minorités dans la vie publique et politique, les obstacles à une gouvernance inclusive, le respect des droit de l’homme des minorités en tant que préalable pour la prévention des conflits, les moyens de renforcer le potentiel et la portée du Forum sur les questions relatives aux minorités et l’absence de références explicites aux minorités dans le document final du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Évoquant les perspectives de son mandat pour les trois années à venir, M. de Varennes a expliqué qu’elles tenaient en une formule: « les droits des minorités sont les droits de l’homme des personnes figurant parmi les plus vulnérables au monde ».  À cet égard, a-t-il souligné, s’il existe déjà des traités spécifiques pour lutter contre le racisme et protéger les enfants, les personnes en situation de handicap, les femmes et les migrants, rien de tel n’a encore été prévu pour les minorités.  Dans l’immédiat, le Rapporteur spécial s’emploiera à promouvoir les dispositions de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.

M. de Varennes a expliqué que, dans ce cadre, il entendait se concentrer sur quatre thématiques prioritaires, en lien avec les vulnérabilités particulières des minorités dans le monde: l’apatridie et les droits fondamentaux des minorités, la prévention des conflits ethniques, la montée de l’intolérance et des discours de haine antiminorités, et l’éducation en tant que droit de l’homme.

Pour cela, M. de Varennes prévoit d’explorer des dimensions centrales mais encore incomprises des droits de l’homme des minorités, à savoir la signification du terme « minorité » tel qu’il apparaît dans la Déclaration des Nations Unies et l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le renouvellement des engagements des États à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du dixième anniversaire du Forum, et les avantages économiques liés à la protection des droits des minorités.

M. de Varennes a déclaré vouloir continuer à renforcer les dialogues constructifs avec les gouvernements, les minorités elles-mêmes, les organisations non gouvernementales, les agences de l’ONU et d’autres partenaires afin de répondre à ces défis et poursuivre sur la voie tracée par ses prédécesseurs.  À cette fin, il entend mettre l’accent sur deux thèmes transversaux: les femmes et les enfants au sein des minorités, ces deux catégories de personnes étant les plus vulnérables parmi les vulnérables.  Il continuera également à s’intéresser au sort spécifique des Roms, des dalits et d’autres minorités rendues vulnérables par la discrimination dont elles font l’objet du fait de leur ascendance.

Précisant, enfin, que son premier rapport thématique annuel traitera, en 2018, de l’apatridie et de ses liens avec les droits fondamentaux des minorités, le Rapporteur spécial a remercié les États qui ont invité ses prédécesseurs et s’est dit impatient d’effectuer des visites dans le cadre de son mandat.

Lors du dialogue avec M. de Varennes, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, plusieurs situations de crise impliquant des minorités ont été évoquées.  Ainsi, l’Iraq a mentionné les attaques de l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) à l’encontre des minorités du pays, notamment religieuses, et détaillé les mesures prises par le Gouvernement pour protéger ces dernières.  La Norvège s’est, elle aussi, déclarée préoccupée par la situation des minorités attaquées par l’État islamique, et notamment celle des femmes issues des minorités.  Elle a demandé quelles bonnes pratiques existaient pour protéger les droits des femmes issues des minorités.

La Hongrie a, elle aussi, évoqué la situation des minorités chrétiennes au Moyen-Orient, mais aussi celle des Roms en Europe, ainsi que la question de l’enseignement dans les langues des minorités en Ukraine.  Elle a demandé comment faciliter un meilleur engagement des États pour la protection des droits des minorités et comment traiter la question de l’éducation dans la langue maternelle pour les minorités.  La Fédération de Russie a, elle aussi, insisté sur l’importance de l’enseignement en langue maternelle pour les minorités, mentionnant la situation dans les pays baltes ainsi que sur les « limitations » imposées par l’Ukraine aux droits de la minorité russophone et sur ce qu’elle a qualifié de « politique agressive d’assimilation des pouvoirs qui imposent un régime linguistique monoethnique dans un État multiethnique ». 

L’Ukraine a répondu à la Fédération de Russie et a cité l’article 53 de la Constitution du pays, qui garantit le droit à l’éducation en langue maternelle.  Elle a fait observer que 735 écoles du pays enseignaient en langue locale tout en insistant sur le fait que la primauté des langues officielles ne pouvait être remise en question.

Les États-Unis se sont dits prêts à collaborer sur la question des Roms en Europe avant de faire état d’actes « inacceptables » visant les Rohingya du Myanmar ainsi que des menaces contre les Mongols en Chine.  Ils ont demandé comment faire pour renforcer le droit des minorités aux niveaux national et international.  La Chine a répliqué en mentionnant les discriminations raciales qui existent aux États-Unis, qu’elle a invités à « réfléchir d’abord à leur propre cas avant de commenter la situation dans d’autres pays ».  La Chine a ensuite rappelé le caractère multiethnique du pays, qui compte 56 groupes ethniques, et les mesures mises en place sur le plan national pour en protéger les droits.

De manière plus générale, le Mexique a demandé quels étaient les défis auxquels les États étaient confrontés face aux droits des minorités et ce qui pouvait être fait pour renforcer la législation qui protège celles-ci.

L’Indonésie a mis en avant les mesures mises en place au plan national pour protéger les droits des minorités et les dangers des discours pouvant inciter à l’intolérance.  Elle a demandé ce qui pouvait être fait pour empêcher les discours de haine et de discrimination dans la société.

Préoccupée, elle aussi, par les discours de haine contre les minorités, l’Autriche a demandé quelles pratiques donnaient de bons résultats pour s’y attaquer, avant de rappeler la plus grande vulnérabilité des femmes et des enfants au sein des minorités.  Elle a aussi demandé comment ces questions pouvaient être traitées globalement et comment s’assurer de la participation des populations les plus vulnérables au sein des minorités.  La Suisse a insisté sur le rôle clef de la société civile et des protecteurs des droits de l’homme dans la protection des membres de minorités et a demandé le point de vue du Rapporteur spécial sur cet aspect, ainsi que ce qui pouvait être fait pour renforcer leurs rôles.

L’Union européenne a fait état de la formation des forces de l’ordre sur les questions de non-discrimination à l’encontre des minorités ethniques et a demandé quelles autres mesures pouvaient être prises pour éviter le profilage ethnique de la part de la police. 

Dans ses conclusions, M. de Varennes, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, a déclaré avoir observé, à travers ses analyses, une augmentation des discours de haine contre les minorités à travers le monde.  Dans certains pays, les minorités sont même présentées comme une menace, a-t-il ajouté, rappelant que ce serait une des thématiques de son mandat.  Pour le Rapporteur spécial, on peut remédier à cette situation, notamment en adoptant des législations interdisant ces discours de haine.  Malheureusement, a-t-il déploré, ce n’est pas le cas et il existe même des faiblesses dans l’application des lois existantes.  Le Rapporteur spécial a toutefois aussi observé que certains États acceptent et reconnaissent les minorités.  Certains autres combattent et s’opposent aux discours de haine en célébrant la diversité culturelle, ethnique ou religieuse, y compris en menant des campagnes de sensibilisation, s’est-il réjoui.

M. de Varennes a également déclaré que les premières victimes d’exclusion étaient les femmes et les enfants, comme on le voit avec la crise des musulmans rohingya qui fuient du Myanmar vers le Bangladesh.  Dans ce contexte, il a estimé que, pour lutter contre cette exclusion et promouvoir l’inclusion, il faut tout simplement commencer par reconnaître les minorités en tant que minorités.  Or, certains pays ne les reconnaissent même pas, a-t-il poursuivi, prenant à nouveau l’exemple des musulmans rohingya, non reconnus comme minorité par le Gouvernement du Myanmar.

Le Rapporteur spécial a également estimé que le Forum sur les questions relatives aux minorités, maintes fois mentionné, est un outil utile et indispensable pour reconnaître cette réalité.  Mais une seule session par an, à Genève, ne suffit pas, a-t-il estimé, avant de plaider pour davantage de débats et de contributions, afin que le Forum puisse tenir aussi des débats régionaux et être plus accessible aux questions transversales. 

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a commencé par remercier le Mexique de l’avoir reçu, en janvier dernier, et a indiqué que le rapport consacré à cette visite de pays serait présenté à la prochaine session du Conseil des droits de l’homme.  Il a ajouté qu’il envisageait actuellement la possibilité de visites au Pérou, au Honduras et en République démocratique du Congo, si possible au cours de l’année 2018.

Rappelant avoir présenté, l’an dernier, à la Troisième Commission un rapport sur la situation des droits des défenseurs de l’environnement, soumis à de trop nombreuses violations des droits de l’homme, il a déclaré avoir décidé cette fois de consacrer son nouveau rapport à la situation de ceux qui font face aux abus d’entreprises.  Il a avoué à cet égard n’avoir rien de vraiment nouveau à dévoiler.  Les défenseurs des droits fondamentaux, les communautés locales, les peuples autochtones mais aussi les syndicalistes et les lanceurs d’alerte, tous ceux qui s’élèvent contre les violations de droits commises par des entreprises, sont souvent menacés, harcelés voire éliminés, a-t-il dénoncé, jugeant que les réponses apportées à ces violations ne sont pas proportionnelles à la gravité de la situation.  À ses yeux, la hausse du nombre de ces menaces et de ces agressions peut s’expliquer par un manque de mesures préventives et de mécanismes de plainte.

Au cours des seules années 2015 et 2016, a poursuivi M. Forst, 450 attaques contre des défenseurs des droits de l’homme travaillant dans l’univers des entreprises ont été signalées dans le monde, ce chiffre ne représentant que « la partie émergée de l’iceberg ».  Ces attaques se sont produites dans de nombreux pays, notamment en Australie, au Brésil, en Colombie, au Honduras, au Guatemala, en Thaïlande et aux États-Unis, pour n’en citer que quelques-uns.  « Il ne s’agissait pas d’attaques aveugles mais bien d’attaques délibérées destinées à réduire au silence ceux qui tiennent un langage de pourvoir face au pouvoir », a souligné le Rapporteur spécial.

Rendant hommage à des défenseurs des droits de l’homme ayant payé de leur vie le fait de s’élever contre les pratiques de corporations, notamment le Philippin Renato Anglao, le Brésilien Raimundo dos Santos Rodriguez et le Guatémaltèque Pascual Pablo Francisco, M. Forst a précisé que, depuis 2004, ses prédécesseurs et lui-même avaient adressé quelque 4 000 communications, dont une centaine concernaient directement des défenseurs de droits travaillant dans le contexte des entreprises.  Parmi les auteurs présumés de ces actes figurent des États, au travers de la police, de l’armée, des forces de sécurité et d’autres acteurs, mais également des acteurs non étatiques tels que des groupes transnationaux, des sociétés de sécurité privée et des groupes appartenant au crime organisé.  Malheureusement, a-t-il observé, « ceux qui pourraient arrêter ce cycle de violence soit ferment les yeux, soit sont directement impliqués ».

Se disant choqué par le nombre de cas dans lesquels des entreprises tirent profit de systèmes de corruption politique aux dépens des droits de l’homme, le Rapporteur spécial a indiqué avoir rencontré différentes parties prenantes pour les besoins de son rapport, notamment des représentants d’États, d’entreprises et de banques de développement.  Le plus souvent, a-t-il expliqué, ces personnes exprimaient un engagement sincère en faveur d’une amélioration de la situation des défenseurs de droits l’homme.

Certaines grandes entreprises ont même contribué au changement, tel le groupe Adidas, qui a mis en œuvre des consignes et des mesures sur cette question, a relevé le Rapporteur spécial, qui a également salué les plans d’action nationaux sur le monde entrepreneurial, qui incluent des chapitres spécifiques sur la société civile et les défenseurs des droits de l’homme.  M. Forst s’est cependant déclaré préoccupé par l’augmentation du nombre d’entreprises venues de pays hors Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n’ayant ni adhéré à des initiatives internationales de responsabilisation sociale ni été contraintes de rendre des comptes.  À cet égard, il a estimé que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme constituaient un outil puissant à l’usage des États, des entreprises et des autres acteurs concernés.

Conformément à l’esprit de ces Principes directeurs, M. Forst a encouragé les pays à adopter des lois obligeant les entreprises à faire preuve de « diligence raisonnable » dans la protection des droits de l’homme et à garantir la participation des communautés et des défenseurs des droits dans les décisions communautaires.  De même, il a enjoint aux institutions financières de veiller à ce que leurs projets évitent tout impact négatif sur les droits de l’homme sur le terrain, ajoutant que « la mondialisation devrait accompagner l’expansion des normes relatives aux droits de l’homme ».  Enfin, le Rapporteur spécial a souhaité qu’en 2018, le vingtième anniversaire de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus permette de « célébrer » tous ceux qui, au quotidien, « se battent pour que nos droits soient respectés et deviennent une réalité pour tous ». 

Après la présentation de M. Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, de nombreuses délégations ont exprimé leur inquiétude face au nombre d’attaques commises à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.  La Norvège s’est ainsi dite outrée, estimant qu’avec 200 personnes tuées en 2016, soit plus d’un défenseur tous les deux jours, on ne pourrait atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, compte tenu du rôle de ces personnes dans la mise en œuvre de ce Programme.

Inquiète elle aussi, la Suisse a souhaité savoir si le Rapporteur spécial avait des exemples de bonnes pratiques mises en place par des États pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur octroyer des moyens de recours.  L’Union européenne a, elle, demandé des exemples de bonnes pratiques de la part des entreprises, et souhaité savoir quels moyens supplémentaires les États pouvaient apporter.  Le Danemark, un des premiers pays à avoir mis en place un plan d’action de mise en œuvre des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, a souhaité lui aussi avoir des exemples de bonnes pratiques.  La Nouvelle-Zélande a, quant à elle, rappelé l’obligation des États de protéger les droits de l’homme et les défenseurs des droits de l’homme. 

Les États-Unis se sont joints à l’appel du Rapporteur spécial invitant les entreprises à respecter les droits de l’homme et ont demandé comment protéger les défenseurs des droits de l’homme qui coopèrent avec les Nations Unies, sachant qu’ils sont souvent victimes de représailles. 

L’Afrique du Sud a observé qu’il n’y avait toujours pas de responsabilité pour les violations des droits de l’homme commises par les entreprises, dans le contexte où ces entreprises font de très gros profits et peuvent peser sur les politiques des pays faibles.

La République tchèque a observé que l’on trouvait des femmes parmi les victimes des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, en raison de leur double vulnérabilité en tant que femmes et défenseurs des droits de l’homme.  Elle a demandé, ainsi que la Pologne, quelles mesures concrètes le Rapporteur spécial recommandait pour protéger celles-ci, compte tenu de leur vulnérabilité particulière.  La Slovénie, qui prépare un nouveau plan d’action pour la mise en œuvre de ces Principes directeurs, a demandé au Rapporteur spécial de s’attacher à l’introduction d’une perspective de genre dans ses travaux pour mieux protéger les femmes défenseurs des droits de l’homme.

Le Canada, qui applique lui aussi les Principes directeurs, entend mettre l’accent sur la responsabilité et la perspective de genre.  Il aimerait savoir quelles sont les ressources envisageables pour la consultation préalable des communautés locales.

L’Irlande a déclaré que nombre d’attaques pourraient être évitées si les États reconnaissaient le rôle de ces défenseurs des droits de l’homme et annoncé qu’elle lancerait bientôt un plan d’action pour la mise en œuvre des Principes directeurs. 

La France, qui estime, elle aussi, qu’il revient aux États de protéger les défenseurs des droits de l’homme, considère que les Principes directeurs peuvent fournir des cadres pour élaborer des lois pertinentes en ce sens.  La France, qui dispose d’une loi sur les droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement, a souhaité savoir quels efforts pouvaient être faits de manière collective pour que les entreprises respectent ces Principes directeurs.

Les Pays-Bas ont estimé que des entreprises pouvaient aussi avoir des effets bénéfiques sur les droits de l’homme, comme c’est le cas dans le pays.  Ils ont souhaité savoir comment les États pouvaient s’aider mutuellement à cette fin.  Le Royaume-Uni a dit s’assurer que les entreprises du pays respectent et appliquent les droits de l’homme, notamment qu’elles coopèrent avec les représentants des communautés locales.

L’Espagne, future membre du Conseil des droits de l’homme, s’est dite préoccupée notamment par les attaques commises dans le contexte des entreprises intervenant dans les communautés rurales et de peuples autochtones.  Elle a expliqué qu’elle finançait actuellement des programmes, en Amérique latine, pour la participation des peuples autochtones et a souhaité savoir si le Rapporteur spécial avait des idées sur la manière d’améliorer les mécanismes de consultation préalable et éclairée.

La Colombie, qui dispose d’un groupe de haut niveau de garantie de non répétition et d’un poste de mandat unifié pour le suivi et l’analyse des agressions, s’est demandé comment faire une distinction statistique entre les attaques visant les défenseurs des droits de l’homme dans le contexte des industries et celles les visant dans le contexte des activités syndicales.  Le Brésil a expliqué avoir une politique de protection des défenseurs des droits de l’homme mais a souhaité entendre du Rapporteur spécial ce qu’il faudrait faire pour combler les lacunes qu’il mentionne dans son rapport en matière de protection.

Le Panama a expliqué avoir saisi l’occasion de la réunion, hier, de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, pour réaffirmer son engagement à lutter contre les attaques touchant les défenseurs des droits de l’homme.  Il s’est aussi engagé à résoudre les cas d’attaque portés à sa connaissance. 

Le Mexique, qui a reçu la visite du Rapporteur spécial, a dit vouloir continuer de travailler avec lui.

En revanche, Cuba a estimé que le rapport contenait des éléments qui pourraient être manipulés à des fins autres que celles visées et être préjudiciables aux pays en développement.  Cuba a rappelé au Rapporteur spécial qu’il devait se conformer au Code de conduite des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.  La Turquie a, elle aussi, rappelé au Rapporteur spécial et « à tous » que les détenteurs de mandat ont l’obligation de respecter le Code de conduite des procédures spéciales « en tout temps ».  Même rappel de la part de la Chine qui a aussi insisté sur l’obligation des procédures spéciales de coopérer avec les gouvernements.  La Chine déplore aussi la présentation dans le rapport de données non vérifiées sur les investissements chinois et rappelle par ailleurs qu’il n’y a pas de consensus international sur la notion de défenseurs des droits de l’homme: ceux qui violent la loi violent la loi, c’est aussi simple que cela.

La Fédération de Russie a pour sa part regretté que le Rapporteur spécial ait fondé son rapport sur une thématique dépendant d’autres mécanismes des Nations Unies, y voyant une illustration des problèmes créés par la multiplication des mandats de procédures spéciales.  La Fédération de Russie a par ailleurs dit ne pas accepter que l’on utilise les droits de l’homme pour présenter des informations sur les investissements.

Le représentant du Conseil de l’Europe a dit être personnellement intervenu pour tenter de résoudre des cas impliquant des défenseurs des droits de l’homme en Azerbaïdjan, en Turquie et en Fédération de Russie.  Mais comment faire davantage pour les aider alors qu’ils sont souvent présentés comme des agents de l’étranger, des terroristes ou des traîtres à la nation, a-t-il demandé.  

Dans ses réponses, M. Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a insisté sur le fait qu’il fallait changer la perception des défenseurs des droits de l’homme.  Il faut les présenter comme des agents positifs de changement là où ils sont perçus comme des « ennemis des États » a-t-il déclaré.

Pour le Rapporteur spécial, la question des représailles est de première importance et il a annoncé son intention d’y travailler en coopération avec le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme et Chef du Bureau de liaison du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour.  M. Forst a également insisté sur la nécessité de travailler avec les entreprises, auxquelles il a dit adresser désormais des communications, une pratique auparavant réservée aux États.

M. Forst a enfin annoncé son intention de travailler, l’an prochain, avec les États parties et les organisations non gouvernementales pour créer une coalition mondiale pour les défenseurs des droits de l’homme.  En conclusion, il a fait part de son envie de voir proposer que les défenseurs des droits de l’homme reçoivent le prix Nobel de la paix en reconnaissance de leur travail.

Mme KARIMA BENNOUNE, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a précisé que son rapport se concentrait sur les effets des différentes formes de fondamentalisme et d’extrémisme sur les droits culturels des femmes.  Elle a indiqué avoir fait ce choix, dans le cadre de son mandat, sur la base de constats d’experts, selon lesquels, dans toutes les régions du monde, le fondamentalisme et l’extrémisme sont parmi les principales menaces pour les droits fondamentaux des femmes.  Elle a remercié, à cet égard, les plus de 54 États et organisations de la société civile qui ont contribué à ces travaux.

Ces tendances antidroits, qu’elles soient le fait d’entités étatiques ou non étatiques, nécessitent une réponse internationale « vigoureuse », a souligné la Rapporteuse spéciale, avertissant qu’il ne sera pas possible de réaliser l’égalité de genre d’ici à 2030, comme le prévoit le Programme de développement durable à l’horizon 2030, si l’on ne s’attaque pas à la question des effets du fondamentalisme et de l’extrémisme sur les droits de l’homme, y compris les droits culturels.  Regrettant sur ce point que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes contienne des réserves s’appuyant sur le « prétexte inacceptable » du relativisme culturel, Mme Bennoune a fait valoir que les droits culturels ne pouvaient excuser les violations des droits fondamentaux des femmes ni les discriminations dont elles sont l’objet.  « Ils sont fermement ancrés dans le cadre des droits de l’homme universels », a-t-elle martelé.

La Rapporteuse spéciale a souligné que des fondamentalismes ont émergé des traditions de toutes les principales religions, y compris le bouddhisme, le christianisme, l’hindouisme, l’islam et le judaïsme.  Dans tous les cas, ils représentent des phénomènes minoritaires distincts des traditions religieuses et ils abusent des droits culturels des femmes, a-t-elle constaté, ajoutant que l’opposition au fondamentalisme n’était pas antinomique avec la foi religieuse, en particulier chez les femmes.  Autre élément crucial de la lutte contre le fondamentalisme, la laïcité permet aux femmes de s’opposer à ces idéologies et à jouir de leurs droits culturels sans discrimination, a-t-elle poursuivi.

Pour Mme Bennoune, les manifestations du fondamentalisme et de l’extrémisme se renforcent au travers de ce qui est communément appelé la « radicalisation mutuelle ».  Elles nous rappellent la « crise humaniste mondiale » à laquelle nous assistons alors que nous nous efforçons de progresser vers l’objectif de l’égalité des femmes à l’horizon 2030, a-t-elle commenté, appelant les États à « faire contrepoids » face aux discours fondamentalistes et extrémistes en les dénonçant publiquement et en défendant l’égalité des femmes.  Elle a toutefois mis en garde contre les dangers qu’encourent les défenseurs des droits fondamentaux des femmes dans ce combat.

La Rapporteuse spéciale a noté, à cet égard, qu’il était impossible de recenser toutes les femmes artistes tuées par des fondamentalistes et des extrémistes.  Les événements culturels associés aux femmes et aux filles sont ainsi régulièrement la cible du terrorisme, comme l’a rappelé l’attentat perpétré, en mai dernier, lors d’un concert d’Ariana Grande à Manchester, au Royaume-Uni, a-t-elle souligné, observant que 7 des 22 victimes étaient des femmes et des filles.

Plaidant pour que les femmes puissent participer de manière égale aux affaires culturelles comme aux affaires générales de toutes les sociétés, Mme Bennoune a relevé que l’éducation était une cible prioritaire des fondamentalistes et des extrémistes pour imposer leurs vues.  À ses yeux, la promotion et la défense d’une éducation non sexiste, conformément aux normes internationales, et des principes de non-discrimination et de pleine égalité des femmes et des filles dans l’éducation sont les principales mesures que doivent prendre les gouvernements pour faire reculer ces phénomènes.

Face à « l’avalanche multidirectionnelle de misogynie » à laquelle font face les femmes dans le monde entier, une riposte féministe urgente s’impose, a conclu la Rapporteuse spéciale.  Au nom des femmes et des filles, « rassemblons-nous et prononçons-nous de façon univoque en faveur de droits culturels égaux pour les femmes afin d’inverser cette tendance inquiétante », a-t-elle lancé.

Lors du dialogue avec Mme Bennoune, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, l’Union européenne a estimé que les rhétoriques patriarcales accroissaient la vulnérabilité des femmes.  Sans démocratie culturelle et protection des droits des femmes, il sera impossible de réaliser les objectifs de développement durable, a-t-elle averti. 

La France a insisté sur le fait que les fondamentalismes rejettent l’égalité homme-femme et sur la vocation universelle des droits des femmes.  Jugeant inacceptables les violences sexuelles et sexistes, elle a estimé qu’il fallait intégrer les droits des femmes dans la lutte contre l’extrémisme.  La France aimerait avoir l’avis de la Rapporteuse spéciale sur les moyens à utiliser pour promouvoir des programmes éducatifs mettant en avant l’égalité homme-femme dans le cadre des politiques de prévention de l’extrémisme.

Les Maldives ont insisté sur la nécessité de protéger les femmes et filles contre les éléments radicaux de la société, avant de présenter les mesures qu’elles avaient prises au plan national et tout en estimant que les lois ne suffisaient pas: il faut aussi instaurer une culture de respect des droits fondamentaux.

Le Maroc a dit considérer les violations intentionnelles des droits culturels comme du « terrorisme culturel » et des « crimes contre l’humanité » et a rappelé son combat contre le terrorisme sur tous les fronts et notamment au plan international contre la destruction du patrimoine de l’humanité.  Il a demandé comment renforcer le rôle des défenseurs des droits culturels au même titre que les défenseurs des autres droits.

Malte a émis des réserves sur certaines parties du rapport concernant notamment les droits génésiques.  L’avortement étant illégal dans le pays, Malte ne peut s’associer à un rapport imposant à un État Membre de considérer l’avortement comme une forme légitime de contrôle des naissances.

La Pologne a insisté sur le fait que les femmes étaient les plus exposées au fondamentalisme religieux, même si elles jouent aussi un rôle clef dans la propagation de cette idéologie, ajoutant qu’il fallait aussi traiter de ce dernier aspect.

La Fédération de Russie a critiqué le rapport, estimant que la Rapporteuse spéciale avait outrepassé son mandat et que les problèmes du fondamentalisme et des questions religieuses n’avaient rien à voir avec les droits culturels.  Elle a accusé la Rapporteuse spéciale de défendre le point de vue occidental comme le seul acceptable, sans reconnaître l’héritage historique et culturel des différents pays.

En réponses à ces interventions, Mme Bennoune, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a estimé que l’accusation de « démarche occidentale » qu’on lui reproche relevait très probablement d’un « malentendu ».  Les voix qui, comme la sienne, dénoncent les abus du fondamentalisme et de l’extrémisme n’appartiennent pas tous au monde occidental, a-t-elle fait observer.  Ceux qui soutiennent cette démarche fondamentaliste se basent sur une mauvaise interprétation des traditions et cultures, laquelle doit être combattue, a ajouté la Rapporteuse spéciale.

Mme Bennoune a également estimé que la question des codes vestimentaires était un sujet de discussion possible, notamment quand on voit que des fondamentalistes imposent des vêtements aux femmes contre leurs choix habituels.  Parmi les sujets sur lesquels on peut avancer figure aussi l’éducation non sexiste, a ajouté la Rapporteuse spéciale, qui a souhaité continuer de travailler avec les délégations, vu que son rapport et les recommandations qu’il contient ne sont qu’un début.  

Mme YANGHEE LEE, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a entamé son exposé en reconnaissant que « beaucoup de choses » se sont produites entre la finalisation de son rapport, fin août, à la suite de sa visite au Myanmar en juillet, et aujourd’hui.

Beaucoup de choses ont été dites sur la situation dans l’État Rakhine ces deux derniers mois et de nombreuses allégations de violences terribles et inhumaines ont été rapportées, a-t-elle constaté, ajoutant que si des incertitudes demeurent, il est en revanche indéniable que des centaines de milliers de musulmans rohingya ont fui vers le Bangladesh depuis le nord de l’État Rakhine et que des centaines de villages ont été brulés et réduits en cendres à la suite d’attaques prétendument menées par des militants rohingya le 25 août.  Pourtant, a-t-elle poursuivi, les autorités du Myanmar ont tenté de minimiser ces faits et même de laisser croire à un maquillage de nettoyage ethnique.

Revenant aux grands points de son rapport, Mme Lee s’est félicitée que le Myanmar ait ratifié, début octobre, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en l’assortissant toutefois d’une déclaration sur le droit à l’autodétermination.  Elle a par ailleurs déclaré qu’elle continuait de penser qu’une réforme constitutionnelle devait être réalisée afin de permettre la réalisation de l’état de droit au Myanmar.

Affirmant avoir rencontré pour les besoins de son rapport des représentants de la société civile et des communautés affectées par les trois zones économiques spéciales construites à Yangon, Dawei et Kyaukphyu, Mme Lee a constaté que ces chantiers affectaient de manière négative la vie de ces communautés et a plaidé pour qu’elles soient consultées sur ces projets.  Elle a également affirmé que la  confiscation des terres restait un motif de préoccupation pour ces communautés, lesquelles sont frustrées de ne pas pouvoir obtenir réparation.

Mme Lee s’est par ailleurs déclarée « extrêmement préoccupée » par les informations faisant état d’accrochages entre les forces armées et des groupes ethniques et par l’escalade du conflit dans les États de Kachin et de Shan.  De plus, a-t-elle noté, de nombreuses personnes continuent d’être déplacées dans le pays, certaines ne pouvant pas retourner dans leur région d’origine en raison notamment de la présence des forces armées et de la difficulté à obtenir des papiers d’identification. 

Observant que des discours déshumanisants précèdent le plus souvent les atrocités de masse, la Rapporteuse spéciale a confirmé que des discours de haine étaient proférés à l’encontre de la population rohingya.  Il semble qu’il n’y ait au Myanmar que peu d’empathie vis-à-vis de ce peuple, a-t-elle déploré.  Il est ainsi dit qu’ils ne sont pas autochtones et n’ont donc aucun droit, a-t-elle souligné, ajoutant que des informations font également état de violences à l’égard des musulmans et des chrétiens dans tout le pays.

À la suite de l’exode ces dernières semaines de plus de 500 000 Rohingya depuis le nord de l’État Rakhine, la question se pose de savoir qui est responsable et qui devra répondre de ce déplacement massif de population, a expliqué Mme Lee.  Selon elle, la Constitution du Myanmar permet à l’armée de garder le contrôle des questions de sécurité et de maintien de l’ordre, le gouvernement civil n’ayant qu’un pouvoir de surveillance très limité.  Cependant, a-t-elle estimé, il y a beaucoup de choses que pourrait faire ce gouvernement civil, notamment en matière d’informations vers l’ensemble de la population et de solidarité au-delà des questions confessionnelles.

Mme Lee s’est dite inquiète de l’évolution de la situation des Rohingya, jugeant qu’une mise en œuvre réelle des recommandations de la Commission Annan aurait permis de s’attaquer aux causes profondes du cycle de violences dans l’État Rakhine.  Au moment où l’essentiel de la population rohingya semble désormais être passée au Bangladesh, Mme Lee a dit sa crainte qu’une petite partie seulement de ce peuple puisse revenir au Myanmar.  Elle a d’autre part indiqué avoir été informée que le Gouvernement du Myanmar avait insisté pour que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), deux entités expertes sur les questions d’apatridie, de réfugiés et de retours volontaires, soient exclus des discussions bilatérales sur le processus de rapatriement.  Elle a trouvé cela « déraisonnable » et « inacceptable ».

De l’avis de Mme Lee, le bien-être des Rohingya et celui des autres communautés de Rakhine devraient être assurés de manière égale avant d’envisager une réconciliation au niveau national.  Dans l’immédiat, la Rapporteuse spéciale a demandé à l’Assemblée générale de rester saisie de cette situation à l’échelle du pays, recommandant également au Conseil de sécurité d’inscrire le Myanmar à son ordre du jour, en vue de l’adoption d’une « résolution forte » montrant que la crise dans l’État Rakhine va au-delà des frontières du Myanmar.

Avant que le dialogue de Mme Lee, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, avec les délégations ne commence, le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a pris la parole pour rappeler la position de principe des chefs d’États des pays membre de ce groupe, à savoir que les droits de l’homme sont universels et interdépendants et ne doivent pas faire l’objet de sélectivité et de politisation.  Les États membres du Mouvement estiment également que l’Examen périodique universel et le Conseil des droits de l’homme sont les cadres les plus pertinents pour évoquer des situations des droits de l’homme pour tous les pays.

En tant que pays concerné, le Myanmar a rappelé que sa délégation, bien que s’étant dissociée du consensus créant le mandat du Rapporteur spécial à Genève, lui avait permis de se rendre au Myanmar et lui avait accordé toute sa coopération.  Aujourd’hui, le Gouvernement est prêt à mettre en œuvre les 44 recommandations qui lui ont été adressées par la Rapporteuse spéciale, tout en relevant que cette dernière n’en a adressé que quatre à la communauté internationale et une seule aux Nations Unies.  La délégation déplore cependant que le rapport ne fasse pas mention des causes profondes du conflit qui secoue le pays.  Citant Aung San Suu Kyi, la Conseillère d’État du Myanmar, le représentant a assuré que son pays répondrait, non par des paroles, mais par des actes.  Ainsi, le Myanmar a mis en place une commission consultative, dirigée par l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, M. Koffi Annan, et organisé une conférence de la paix de l’Union avec les parties prenantes.  Cette conférence a abouti à la signature d’un accord de paix.

Le représentant a également déclaré que la réalité est que la situation dans l’État Rakhine est le fruit des attaques terroristes de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan.  Or, le Gouvernement, comme n’importe quel autre, ne peut tolérer ces actes terroristes sur son territoire.  Par ailleurs, la Commission dirigée par M. Annan reconnaît, elle-même, que la situation dans l’État Rakhine est complexe et ne peut être résolue facilement.  Le Gouvernement entend mettre en œuvre les recommandations de cette Commission.

S’agissant de la situation humanitaire, le Gouvernement du Myanmar est déterminé à prendre toutes les mesures pour y remédier, notamment par le retour sûr et digne des personnes concernées.  Un mémorandum d’accord a ainsi été signé entre le Myanmar et le Bangladesh à cet effet.  En conclusion, le représentant du Myanmar a affirmé que personne ne connaissait mieux le Myanmar et n’était aussi déterminé à y installer la paix que son gouvernement, qui honorera de bonne foi et de façon résolue ses obligations.

Une trentaine de délégations ont ensuite demandé la parole.

Directement concerné par l’afflux des réfugiés rohingya et la crise humanitaire à sa frontière, le Bangladesh a estimé que la situation dans l’État Rakhine exigeait une réponse très ferme de la communauté internationale, et notamment que l’Assemblée générale devait adopter la résolution proposée par l’Organisation de la coopération islamique afin de résoudre ce problème.

La Malaisie, qui a noté que la relation entre le Myanmar et les Nations Unies ne cessait de se détériorer, a demandé, elle aussi, s’il était possible à l’Assemblée générale de créer un autre mandat pour aider la Rapporteuse spéciale dans son travail.  L’Indonésie s’est déclarée inquiète de la situation des droits de l’homme dans l’État Rakhine et a condamné les violences et les déplacements forcés de populations.  Elle a ajouté qu’elle dialoguait avec les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh pour aider à la résolution de la crise humanitaire.

Le Viet Nam s’est félicité des efforts déployés par le Myanmar pour promouvoir la réconciliation au niveau national.  Il a estimé que, par la voie du dialogue, une solution durable pouvait être trouvée, notamment dans l’État Rakhine.  Les États voisins membres de l’ASEAN sont prêts à apporter leur aide au Myanmar à cette fin, a-t-il ajouté.  La Thaïlande s’est dite d’accord avec la Rapporteuse spéciale pour dire que, malgré de nombreux défis, le Gouvernement du Myanmar était prêt à œuvrer pour la paix.  Elle a encouragé le Gouvernement à poursuivre le dialogue avec les différents organes de l’ONU.

La Chine pense qu’un dialogue constructif est essentiel et qu’il ne faut pas politiser ces questions.  Elle estime que les questions dans l’État Rakhine sont complexes et historiques et ne peuvent être réglées du jour au lendemain.  La communauté internationale devrait rester patiente et apporter un soutien au Myanmar.  La Chine a par ailleurs félicité le Bangladesh pour son assistance humanitaire sur le terrain.  Singapour a estimé qu’au cœur de cette situation se trouve un problème intercommunautaire complexe et a appelé toutes les parties impliquées à s’entendre pour permettre l’accès de l’aide humanitaire aux personnes qui en ont besoin. 

L’Arabie saoudite s’est dite déçue que le rapport ne mette pas assez en lumière le nombre de musulmans rohingya ayant fui « l’épuration ethnique » en cours au Myanmar.  Selon les Nations Unies, il y en aurait 800 000, a-t-elle rappelé, en demandant à la communauté internationale de traduire les auteurs de ces actes en justice et d’apporter une aide humanitaire à ceux qui fuient le pays pour le Bangladesh.

L’Iraq a condamné toutes les violations inhumaines perpétrées au Myanmar à l’encontre des musulmans, et particulièrement des Rohingya.  Il a plaidé pour que soit garanti un accès humanitaire et le retour des réfugiés et appelé à la constitution d’une commission internationale chargée de lutter contre les violations des droits fondamentaux au Myanmar.  La Turquie s’est dite inquiète du sort des Rohingya, regrettant que les forces de sécurité du Myanmar soient à l’origine des violences perpétrées notamment dans l’État Rakhine.  Elle a réclamé que soient garantis l’accès humanitaire et le retour des déplacés, assurant qu’elle continuerait à apporter son aide, en collaboration avec les autorités du Myanmar. 

La Suisse a déploré que la Rapporteuse spéciale n’ait pas pu se rendre dans toutes les régions du pays.  Compte tenu de tout ce qui est dit dans le rapport, la Suisse appelle le Gouvernement du Myanmar à mener des enquêtes sur toutes les allégations et à traduire les auteurs en justice.  Le Liechtenstein a souhaité savoir quel message peut envoyer la Troisième Commission au Myanmar.

Les États-Unis ont condamné les violations des droits de l’homme et demandé à la Rapporteuse spéciale son avis sur l’origine de ces violences.  Le Royaume-Uni a reconnu que des progrès ont été accomplis par le Myanmar mais a constaté que beaucoup reste à faire, comme le montrent les violences dans l’État Rakhine.  Exhortant les forces armées à respecter les civils et les normes internationales, le Royaume-Uni juge désormais essentiel de veiller au bon retour des réfugiés.  Il a aussi voulu savoir comment la communauté internationale peut participer au règlement de cette crise.

L’Union européenne a voulu savoir ce qui peut être fait pour garantir la sécurité et les droits de l’homme dans l’État Rakhine, en particulier ceux des personnes qui rentrent du Bangladesh.  La Norvège a réitéré son appel visant à mettre un terme à la violence et à favoriser l’accès de l’aide humanitaire aux populations déplacées et a demandé l’avis de la Rapporteuse spéciale sur ce que devrait faire la communauté internationale pour trouver un règlement à cette situation dramatique.  La France a voulu savoir quelle appréciation la Rapporteuse spéciale faisait de la mise en œuvre de ses recommandations et de celles de la Commission Annan.

Face aux graves violations constatées et aux centaines de milliers de réfugiés, les Pays-Bas ont appelé à une fin immédiate de toutes les violences et à un retour volontaire des réfugiés.  Saluant la décision de la Conseillère d’État du Myanmar de mettre fin à l’impunité, ils ont souhaité savoir quelles autres mesures d’urgence permettraient au Gouvernement de ce pays de démontrer le sérieux de ses engagements.  La République tchèque a observé que la Rapporteuse spéciale n’a pu se rendre dans toutes les zones du pays.  L’Irlande a dit son inquiétude devant les allégations de violations des droits de l’homme dans l’État Rakhine, mais aussi dans ceux de Kashin et de Shan et a demandé des informations complémentaires à la Rapporteuse spéciale.   

L’Australie a demandé au Gouvernement du Myanmar de coopérer avec la Mission d’établissement des faits instituée par le Conseil des droits de l’homme.  Elle se félicite du rapport de la Commission dirigée par M. Annan et des progrès faits dans le cadre de l’accord de paix.

La Fédération de Russie a appuyé les efforts déployés par le Gouvernement pour résoudre les problèmes subsistants dans l’État Rakhine, qui présentent un caractère complexe.

Le Japon s’est dit inquiet de la situation relative aux droits de l’homme dans l’État Rakhine et a demandé que la sécurité soit rétablie dans le plein respect de l’état de droit.  Il a aussi appelé au retour volontaire des personnes déplacées et à la levée des restrictions dans le pays, tout en saluant les efforts du Myanmar pour apporter une réponse à la crise actuelle.  La République de Corée a dit espérer que le Gouvernement du Myanmar continuerait sa coopération avec la communauté internationale.  Elle est disposée à apporter son aide, comme elle l’a déjà fait avec une aide humanitaire de 20 millions de dollars.  Les Maldives ont souhaité savoir ce que pensait la Rapporteuse spéciale des progrès réalisés sur le plan humanitaire.

Le Mexique a demandé à la Rapporteuse spéciale de fournir davantage d’informations sur ce qui est fait pour accroître la participation des femmes au processus de paix.  

Dans la ligne du Mouvement des pays non alignés, Cuba a dit ne pas favoriser les mandats spécifiques de pays, car ils sont de nature à politiser les droits de l’homme et à ne pas promouvoir la coopération.  La position de Cuba reste la même, à savoir que le Conseil des droits de l’homme et l’Examen périodique universel sont les plus pertinents pour se pencher sur les droits de l’homme.  Dans le même sens, l’Inde a plaidé pour une approche des droits de l’homme basée sur la non-sélectivité, estimant, elle aussi, que l’Examen périodique universel permet d’avoir une instance de dialogue non politisée entre les États Membres et reste donc l’instance préférable pour traiter de ce type de situation.  La République démocratique populaire lao a, elle aussi, estimé que l’Examen périodique universel permettrait de mieux comprendre la situation relative aux droits de l’homme au Myanmar. 

Enfin, la République populaire démocratique de Corée a dit s’opposer à toute politisation de l’examen des questions des droits de l’homme. Il faut suivre les principes de non-ingérence dans les affaires des autres États, a-t-elle plaidé, demandant que des progrès soient effectués par le Gouvernement du Myanmar pour assurer la protection des droits de son peuple.

Dans ses réponses, Mme Lee, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a déclaré que la communauté internationale, notamment l’Assemblée générale, devait rester saisie de la situation au Myanmar, notamment de celle qui prévaut dans l’État Rakhine.  Par ailleurs, la presse internationale, de même que la Mission d’établissement des faits doivent pouvoir se déployer rapidement sur place pour constater les allégations et les crimes commis.

En ce qui concerne les causes du conflit, la Rapporteuse spéciale a estimé que c’est la marginalisation de l’État Rakhine et les discriminations à l’encontre des musulmans rohingya qui en sont à l’origine et qui doivent être traitées.  En ce qui concerne les réfugiés, elle a déclaré que la solution serait d’abord d’éviter de construire un immense camp de réfugiés, au risque de voir d’autres problèmes apparaître, notamment une traite des êtres humains ou l’exploitation des femmes et enfants.  Mme Lee a par ailleurs estimé que la plupart des recommandations qu’elle avait formulées au nouveau Gouvernement n’ont pas été mises en œuvre, notamment les réformes législatives, alors que la plupart des lois datent de l’époque coloniale et ne sont plus adaptées.  Elle a conclu en souhaitant que le Gouvernement modifie cette situation. 

Mme ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a déclaré que le rapport présenté aujourd’hui couvre les six premiers mois de 2017 et est basé sur des informations reçues de sources internes et externes au pays et des communications envoyées au Gouvernement.  Le rapport s’inspire également d’un examen des législations et des consultations tenues avec divers acteurs et autres parties prenantes, dont les organisations de la société civile.  Alors que la coopération avec le Gouvernement iranien se poursuit, le rapport constate des développements positifs, notamment l’élection présidentielle de mai dernier, marquée par une très forte participation, reflétant le désir du peuple iranien à donner son opinion.  Par ailleurs durant la campagne, le Président sortant Hassan Rouhani, réélu pour un second mandat, a parlé de la liberté de la presse, des droits des femmes, des minorités et des segments marginalisés de la société iranienne.  Il a également relayé les préoccupations concernant la réduction de l’espace des réseaux sociaux, la répression des étudiants et la question des  réformistes placés en résidence surveillée. 

Concernant les points négatifs, la Rapporteuse spéciale a dit être préoccupée par les taux d’exécutions en Iran, avec 435 personnes exécutées rien que depuis le début de l’année, dont quatre mineurs.  Par ailleurs, et bien que la loi sur les narcotiques devrait réduire le nombre de personnes attendant dans le couloir de la mort, 86 mineurs y sont toujours.  Des cas de torture, de détention arbitraire et de privation de liberté de binationaux ont également été portés à sa connaissance, de même que des cas de harcèlement, d’intimidation et de persécution de défenseurs des droits de l’homme.  Des cas de restriction de la liberté d’expression, d’option et de l’information lui ont aussi été rapportés.

La Rapporteuse spéciale a en outre documenté des cas de discrimination touchant les minorités ethniques et religieuses et en particulier les Baha’i.  Par ailleurs, et bien que M. Rouhani en ait parlé, la situation des droits des femmes est également préoccupante.  Elles sont interdites de regarder des matchs de football ou d’occuper certains postes ou se voient imposer un code vestimentaire obligatoire, a-t-elle dit.  Dans ce contexte, le rapport contient une série de recommandations invitant, entre autres, le Gouvernement à revoir ses législations, à réformer son système judiciaire, ou encore à ouvrir des enquêtes sur les allégations et à fournir aux familles de victime des réparations et à faire cesser les représailles, a conclu la Rapporteuse spéciale. 

Pays concerné, la République islamique d’Iran a déclaré que la réélection écrasante du Président Hassan Rouhani avait montré la volonté de son peuple de protéger les droits de l’homme.  Or, depuis des années, la République islamique d’Iran fait l’objet « d’une farce qui manipule les droits de l’homme à des fins politiques ».

Il n’y a pas de raisons de produire quatre rapports par an sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a poursuivi le représentant, ajoutant que celui examiné aujourd’hui ne faisait que reprendre « les mêmes éléments fallacieux » en plus de manquer de professionnalisme.  Ce rapport ne fait même pas mention des sanctions économiques imposées sur la République islamique d’Iran par les États-Unis, ni même des interdictions de voyages imposée à ses ressortissants, s’est-il indigné.  Or, qui peut penser que ces sanctions n’ont pas de conséquences sur les droits de l’homme, a demandé le représentant, qui a ajouté que le rapport ignorait aussi les 17 000 victimes iraniennes assassinées par le terrorisme et ne mentionnait pas les soutiens ayant contribué à la guerre Iran-Iraq dans les années 1980.

Ce rapport fabrique en outre des réalités qui n’existent pas en République islamique d’Iran, en parlant de discriminations faites aux minorités, alors que tous les iraniens appartiennent à des minorités, a ajouté la délégation.  Lorsqu’il parle de la drogue, le rapport ne fait pas mention des jeunes qui en sont victimes, pas plus qu’il ne fait état des officiers de police tombés dans le cadre de la lutte contre ce fléau.

Si la délégation reconnaît que la situation des droits de l’homme n’est pas parfaite dans son pays, comme dans tous les autres, elle estime qu’elle ne mérite pas un tel rapport.  En ce qui la concerne, la République islamique d’Iran n’entend pas changer son mode de vie et ses valeurs pour faire plaisir à d’autres pays, en particulier ceux dans lesquels l’islamophobie est installée dans les sociétés ou qui ne protègent pas les groupes vulnérables sur leurs territoires.  Elle entend continuer de travailler en toute coopération avec les partenaires réellement intéressés par les droits de l’homme, dans le contexte du Conseil des droits de l’homme et de son Examen périodique universel. 

Lors du dialogue avec Mme Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, les États-Unis ont condamné les représailles menées vis-à-vis des personnes qui avaient collaboré avec Mme Jahangir en Iran, ainsi que la détention de ressortissants étrangers, l’utilisation de la torture et de traitements cruels et dégradants.  Ils ont en outre dit partager l’inquiétude de la Rapporteuse spéciale concernant les objecteurs de conscience et l’imposition de la peine de mort à des personnes ayant commis des infractions alors qu’elles étaient mineures.  Ils ont enfin dénoncé les représailles perpétrées contre des membres de minorités religieuses.

Le Royaume-Uni a dit partager l’inquiétude de la Rapporteuse spéciale sur l’imposition à grande échelle de la peine de mort en République islamique d’Iran et a demandé à ce qu’elle soit abolie, notamment pour les enfants.  Il a exhorté le Gouvernement iranien à reconnaître la liberté de culte et à respecter ses obligations au regard du Pacte sur les libertés culturelles.  Il a par ailleurs demandé à Mme Jahangir si elle avait observé de la part de l’Iran des mesures visant à une application de la Charte sur les droits des citoyens. 

L’Arabie saoudite a estimé que le Gouvernement iranien n’avait pas adopté des politiques adaptées.  Ce pays ne respecte pas les instruments en matière de droits de l’homme et il n’y a aucune évolution positive, a-t-elle affirmé, dénonçant une discrimination vis-à-vis des Arabes et des citoyens non perses.  Pour l’Arabie saoudite, l’Iran est responsable de tous les problèmes que connaît le Moyen-Orient.

La Japon a déclaré maintenir un dialogue bilatéral avec l’Iran sur les droits de l’homme afin de contribuer à une amélioration de la situation sur le terrain.  Affirmant vouloir poursuivre cette forme de coopération, il a souhaité savoir quelle question était prioritaire s’agissant des droits fondamentaux des femmes en Iran.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée a souhaité savoir si les sources de la Rapporteuse spéciale concernant l’Iran étaient crédibles.  Elle a aussi voulu savoir pourquoi le Gouvernement iranien n’a pas répondu à ses 21 communications.  Le Canada a souhaité savoir si une visite de la Rapporteuse spéciale était prévue en République islamique d’Iran.

La République arabe syrienne a noté que la Rapporteuse spéciale s’était concentrée sur des questions ne relevant pas de son mandat.  Cela met en péril la crédibilité des mécanismes de droits de l’homme, a-t-elle regretté, s’interrogeant sur la pertinence d’un tel débat.  Selon elle, la Rapporteuse spéciale n’aurait pas dû publier des informations qui n’avaient pas encore été vérifiées.  Il aurait été préférable, a-t-elle ajouté, de nommer des rapporteurs en Arabie saoudite car ce pays « détruit le Yémen ». 

L’Arabie saoudite s’est élevée contre les propos de la République arabe syrienne, estimant qu’il n’était pas approprié de parler de son pays dans ce contexte.  Elle a demandé à la République arabe syrienne de s’abstenir de citer des pays n’ayant rien à voir avec l’ordre du jour.  La République arabe syrienne a ensuite jugé que le représentant de l’Arabie saoudite n’avait pas demandé formellement de motion d’ordre et a reproché au Président d’avoir manqué de neutralité, provoquant une suspension de séance.

L’Union européenne a dit reconnaître les progrès réalisés en République islamique d’Iran mais a demandé à son gouvernement de continuer ses efforts, notamment d’abolir la peine de mort, en particulier dans les cas liés à la drogue, à l’orientation sexuelle ou à l’adultère.  La délégation constate aussi que les engagements du Président Rouhani ont peu été traduits dans les faits.  Partageant le même point de vue, la République tchèque a demandé à la République islamique d’Iran de faire davantage notamment pour les droits des femmes.

Dans le même sens, l’Irlande a demandé à la République islamique d’Iran d’abolir la peine de mort, de libérer les prisonniers politiques et de protéger les droits des minorités ethniques et religieuses.  Opposée, elle aussi, à la peine de mort, la Norvège a déploré les restrictions aux libertés fondamentales en République islamique d’Iran.  Elle espère que le pays coopèrera avec la Rapporteuse spéciale.  L’Allemagne est également préoccupée par le taux d’exécutions alarmant et demande à la République islamique d’Iran d’abolir cette peine ou de trouver des alternatives.  Quel type de communication la Rapporteuse spéciale entend-elle envoyer au Gouvernement, dans le contexte où celui-ci n’a pas répondu à toutes les communications, a-t-elle demandé.  La Suisse a souhaité savoir dans quel sens le Code pénal iranien avait été amendé.

Le Pakistan a observé que l’Iran coopérait avec les principaux instruments internationaux en matière de droits de l’homme et avait organisé des élections présidentielles libres et démocratiques.  Il a plaidé pour une approche des droits de l’homme non politisée et évitant les affrontements, sur la base du principe de non-ingérence.

L’Érythrée a estimé que le Conseil des droits de l’homme était l’organe idoine pour traiter des questions relatives aux droits de l’homme.  Malheureusement, a-t-il dit, des efforts sont déployés pour y présenter des projets de résolution politisés.  Malgré cela, il a réaffirmé son engagement en faveur de la protection des droits de l’homme.  Le Burundi a rejoint la position du Mouvement des pays non alignés, regrettant la tendance à politiser les droits de l’homme pour satisfaire certains pays.  Cette attitude, en plus du « deux poids, deux mesures » et de la sélectivité, mine les efforts collectifs, a dit la représentante, plaidant au contraire pour le dialogue et la coopération avec les États concernés.  Le Venezuela a également rejeté la sélectivité dans les affaires relatives aux droits de l’homme, de même que le Zimbabwe, qui a exprimé des inquiétudes quant à l’attitude vis-à-vis de la République islamique d’Iran.  La République populaire démocratique de Corée a dénoncé et condamné, elle aussi, cette tendance à la politisation et a répété que l’Examen périodique universel était le seul mécanisme pertinent pour les droits de l’homme.  Cuba a déclaré que ce qui se passait dans cette salle apportait la preuve de la politisation des questions relatives aux droits de l’homme.  Cuba s’oppose à cette tendance et demande que cesse cette politisation.

La Fédération de Russie s’est dite, elle aussi, opposée à la politisation des droits de l’homme, d’autant que l’accent mis sur les pays va à l’encontre de la Charte des Nations Unies.  Donner des leçons ou montrer du doigt n’est pas constructif et ne fait que porter le discrédit sur les Nations Unies, estime-t-elle, ajoutant que la coopération doit être encouragée en particulier quand le pays concerné y est intéressé.

Le Bélarus a déclaré que les rapports ne bénéficiant pas de l’appui des pays concernés, compte tenu de leur mode de rédaction, à savoir la collecte d’informations non vérifiées et hors du pays, ne peuvent être que biaisés, politisés et idéologisés.  Ce qui prouve une fois de plus que les mandats de pays ne sont pas constructifs, selon la délégation.  La Chine est de même opposée à l’imposition de mécanisme de pays contre leur volonté, d’autant qu’ils ne sont pas de nature à encourager la coopération. 

En réponse aux délégations, Mme Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a estimé que le dialogue avec des représentants de la République islamique d’Iran avait été « utile » pour l’établissement de son rapport et lui avait permis de mieux comprendre la situation relative aux droits de l’homme dans ce pays.  Ce dialogue permet aussi au Gouvernement iranien de comprendre la complexité de la situation et encourage l’ensemble des acteurs concernés à mieux respecter les droits de l’homme, a-t-elle ajouté.

Se disant préoccupée par le fait que l’état de droit soit régulièrement bafoué en Iran, Mme Jahangir a répété que la solution résidait dans la poursuite du dialogue et a exhorté le Gouvernement iranien à la recevoir dans le cadre de son mandat.  « Peut-être la visite d’un rapporteur thématique spécial permettrait de répondre à ses inquiétudes », a-t-elle commenté.

Évoquant les données de son rapport et leurs sources, la Rapporteuse spéciale a assuré qu’elle tenait ses informations d’Iraniens à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ces personnes prenant souvent d’importants risques pour communiquer avec son mandat.  « Ces personnes communiquent avec moi par tous les moyens, y compris par Skype », a-t-elle précisé, ajoutant que son mandat est celui qui reçoit le plus grand nombre de communications en provenance d’Iran.  « Je passe au crible toute l’information qui m’est envoyée.  Et si elle n’est pas vérifiée, je ne l’inclus pas dans le rapport », a-t-elle encore déclaré.  Répondant au représentant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, elle a indiqué qu’il n’y avait pas de faible niveau de réponse de la part des autorités iraniennes puisque, pour 21 communications adressées, elle a reçu 20 réponses.

S’agissant des droits fondamentaux des femmes en Iran, Mme Jahangir s’est félicitée que la Charte des droits des citoyens garantisse le respect de certains droits.  Elle a cependant estimé que les lois établissant une discrimination vis-à-vis des femmes devaient être abrogées, notamment celles qui discriminent les femmes pour l’obtention de postes ou pour leur participation à la vie publique.  Elle a dit espérer des progrès dans un avenir proche. 

Concernant l’imposition de la peine de mort, la Rapporteuse spéciale a regretté qu’elle concerne également les personnes reconnues coupables de trafic de drogue à grande échelle.  Elle a également émis l’espoir qu’un texte législatif prévoyant un recours moindre à la peine capitale soit adopté.

Mme Jahangir a conclu son propos en soulignant une nouvelle fois l’importance du dialogue avec la République islamique d’Iran.  Se disant particulièrement préoccupée par les violations de la liberté d’expression, elle a déclaré vouloir faire de cette question sa priorité, étant donné les intimidations dont font l’objet certaines personnes, « même si elles ne sont plus dans leur pays ».  

En conclusion de cette intervention, le représentant de la République islamique d’Iran a déclaré qu’il n’était pas difficile de produire un rapport comme celui présenté aujourd’hui.  Mais à l’adresse des pays qui voteront la résolution sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, il a souhaité rappeler quelques faits, ajoutant que certains pays « semblent souffrir d’amnésie ».

Comment peut-on oublier les crimes commis par les États-Unis, a-t-il demandé, citant la torture, les détentions arbitraires, les assassinats extrajudiciaires, le racisme, la ségrégation, les discriminations faites aux minorités, les discours de haine, l’interventionnisme à l’étranger, les changements de régimes, la guerre d’Iraq, ou encore le soutien au « dernier régime d’apartheid au monde », Israël.  L’Arabie saoudite pour sa part tue plus d’enfants au Yémen qu’Al-Qaida, Daech, et le Front el-Nosra, a encore affirmé le représentant, qui a accusé ce pays de financer une idéologie extrémiste et des groupes terroristes en Afrique ou ailleurs.

S’agissant enfin de la Rapporteuse spéciale, le représentant a déclaré qu’elle aurait pu être la bienvenue en République islamique d’Iran si l’on avait nommé 192 rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l’homme dans chacun des pays du monde. 

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