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Syrie: après l’attaque chimique de Douma, les appels au Conseil de sécurité se multiplient pour recréer un mécanisme de responsabilisation

8225e séance – après-midi
CS/13284

Syrie: après l’attaque chimique de Douma, les appels au Conseil de sécurité se multiplient pour recréer un mécanisme de responsabilisation

Après les deux nouvelles attaques chimiques qui ont frappé la ville syrienne de Douma, dans la Ghouta orientale, le 7 avril, l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, et l’Adjoint de la Haut-Représentante aux affaires de désarmement, M. Thomas Markram, ont exhorté, cet après-midi, le Conseil de sécurité, réuni en urgence, à retrouver son unité pour créer une nouvelle structure d’établissement des responsabilités.  Les États-Unis, qui ont imputé ces attaques « au régime d’Assad », ont dit être sur le point de prendre « une décision importante » pour que justice soit rendue en Syrie.

M. Markram a indiqué que les deux attaques chimiques perpétrées à Douma auraient tué au moins 49 personnes et fait des centaines de blessés.  Plus de 500 personnes présenteraient des symptômes typiques d’une attaque chimique.  L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) est en train de rassembler des informations sur cet incident par le biais de sa Mission d’établissement des faits et « fera le point sur cette attaque devant les États parties après avoir conclu son enquête », a-t-il assuré, ajoutant que « l’emploi d’armes chimiques ne peut devenir le statu quo ».  M. de Mistura a pour sa part exhorté le Conseil à s’unir et à créer un mécanisme d’enquête.  « Faire autrement, ou ne rien faire, revient à accepter qu’un tel défi est insurmontable. »

Plus généralement, l’Envoyé spécial a appelé le Conseil à agir « avec unité et raison », face à des tensions internationales accrues, « avec des confrontations potentielles ou réelles possibles ».  Le danger d’escalade supplémentaire a surgi au-delà de la Ghouta orientale, avec des rapports d’attaques aériennes contre la base de « T4 » syrienne, a noté M. de Mistura, qui a déclaré que personne n’avait revendiqué la responsabilité de cet acte, ce que le représentant de la République arabe syrienne a ensuite contesté. 

Nombreux ont été les membres du Conseil à appeler à la création d’un mécanisme « indépendant et impartial » d’attribution des responsabilités et appuyé un projet de résolution des États-Unis en ce sens.  « Nous devons immédiatement mener des consultations afin de sortir de l’impasse actuelle », a affirmé le délégué de la Suède.  Comme plusieurs autres délégations, la France a rappelé que la disparition du Mécanisme d’enquête conjoint en novembre dernier, « en raison des deux vetos successifs de la Russie », avait privé le Conseil d’un « outil de dissuasion essentiel ».  Le représentant de la Fédération de Russie a, pour sa part, rappelé que son pays avait lui aussi proposé un nouveau mécanisme d’enquête, ajoutant que le projet de résolution « est prêt ».

La Fédération de Russie ayant proposé que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC se rende « immédiatement » sur place sous la protection des forces russes, la représentante du Royaume-Uni a, tout comme son homologue du Kazakhstan, appuyé l’idée, tout en dénonçant les « larmes de crocodile » versées par la Russie.  De même, pour la France, il n’existe « aucun doute » sur les auteurs de l’attaque de Douma.

« Comment peut-on accuser Damas avant même que commence l’enquête à laquelle vous appelez? » s’est étonné le représentant russe, qui a contesté l’existence même d’une attaque chimique à Douma, affirmant qu’il n’y avait « pas de trace de produit chimique et encore moins de blessés dans les hôpitaux » et affirmant que les images relevaient d’une mise en scène tournée par les Casques blancs. 

Le représentant de la Fédération de Russie a en outre répliqué vivement aux accusations menées contre son pays, dénonçant la voie de la confrontation choisie par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.  « Le ton utilisé a dépassé les limites, et pas même du temps de la guerre froide on n’avait vu ce genre de discours contre mon pays », a-t-il grondé, en demandant à ses homologues occidentaux s’ils étaient conscients de la situation extrêmement dangereuse vers laquelle ils poussent le monde.  « Partout où vous allez, c’est le chaos qui en découle », leur a-t-il lancé, affirmant, dénonçant leur « absence de stratégie » sur toutes les questions avant de rappeler qu’il n’y avait jamais eu d’armes chimiques en Iraq en 2003.  Par ailleurs, il a affirmé que le groupe Jeïch el-Islam, qui contrôlait Douma jusqu’à hier, était en possession d’armes chimiques. 

Le représentant de la République arabe syrienne a lui aussi dénoncé la « mise en scène » de Douma, « digne de Hollywood », estimant qu’elle ne servait qu’à justifier une attaque contre son pays, lequel, a-t-il répété, « ne possède pas d’armes chimiques », avant d’accuser la France, le Royaume-Uni et les États-Unis d’être des « menteurs professionnels ». 

Le représentant du Kazakhstan a déploré l’effet « destructeur » de ces « accusations mutuelles non appuyées sur les résultats d’une enquête sur le terrain ».  « Mais quel est l’objectif des parties à utiliser des armes chimiques contre leurs propres populations? » s’est-il enquis, en demandant, lui aussi, la création urgente d’un mécanisme d’enquête. 

Par ailleurs, plusieurs intervenants ont fait référence à l’affaire de Salisbury, examinée le 5 avril par le Conseil pour la deuxième fois, à la demande de la Fédération de Russie.  Le représentant russe a du reste fait valoir que la réunion se tenait à sa demande et sous l’intitulé « Menaces contre la paix et la sécurité », ce qui fait que la question de l’attaque de Douma n’en constituait, selon lui, qu’un aspect parmi d’autres.  Les Pays-Bas, qui avaient, comme plusieurs autres membres du Conseil, demandé une réunion d’urgence au titre de la situation au Moyen-Orient, ont répliqué que le Conseil avait failli tenir deux réunions séparées « parce qu’un membre permanent du Conseil de sécurité a voulu faire barrage » à la discussion sur le sujet d’actualité qu’est l’attaque chimique de Douma, avant de l’accuser de préférer voir une communauté internationale spectatrice et couvrir les crimes de son allié, le régime syrien.  À cet égard, le représentant du Koweït a rappelé que le peuple syrien « n’en peut plus » de voir se succéder les réunions du Conseil sans que cela ne se traduise par une quelconque amélioration sur le terrain. 

« Que le Conseil agisse ou n’agisse pas », la représentante des États-Unis a assuré que son pays était déterminé à faire en sorte que le « monstre » qui commet des attaques chimiques contre le peuple syrien rende des comptes.  Parlant de « décisions importantes en cours de préparation », elle a affirmé que l’Histoire retiendrait ce jour, « un jour où le Conseil soit s’est acquitté de ses responsabilités, soit les a abandonnées ». 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

M. STAFFAN DE MISTURA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a déclaré que la réunion d’urgence d’aujourd’hui soulignait la gravité des événements qui se sont déroulés en Syrie ces derniers jours, ainsi que leurs graves conséquences pour les civils.  Ces événements se sont déroulés à un moment de tensions internationales accrues, avec des confrontations potentielles ou réelles possibles.  Appelant le Conseil à trouver un moyen d’aborder ces événements avec unité et raison, il a rappelé qu’un cessez-le-feu fragile avait tenu à Douma pendant la plus grande partie du mois de mars.

En revanche, depuis le 31 mars, le Gouvernement syrien a empêché les Nations Unies de poursuivre les pourparlers et, à partir du 8 avril, Douma a été le théâtre de bombardements aériens et notamment d’attaques contre des civils et de destruction d’infrastructures civiles.  Le groupe Jeïch el-Islam a demandé l’engagement des Nations Unies, mais pas le Gouvernement syrien.  Le week-end dernier, des photos ont commencé à circuler sur les médias sociaux montrant des hommes, des femmes et des enfants sans vie ou agonisant, et des organisations non gouvernementales sur le terrain ont affirmé avoir vu des civils en proie aux effets des armes chimiques.

Comme l’a dit le Secrétaire général, l’ONU n’est pas en mesure de vérifier ces allégations, « mais elle ne peut les ignorer », a poursuivi M. de Mistura.  Alors que plusieurs États ont fait allusion au fait que le Gouvernement syrien était responsable de ces actes, ce dernier s’en est défendu, a relevé l’Envoyé spécial.  Pour lui, c’est une raison de plus pour une enquête approfondie, et il a souligné que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) avait entamé une enquête préliminaire sur les allégations, et « pour l’amour de Dieu », il a invité le Conseil à faire en sorte qu’un mécanisme soit mis en place pour enquêter sur ces allégations.

La Fédération de Russie a indiqué qu’elle avait conclu un accord avec Jeïch el-Islam et que jusqu’à 8 000 combattants et 40 000 membres de leurs familles évacuaient Douma, a ensuite précisé l’Envoyé spécial, qui a ajouté que certains détenus avaient été libérés.  L’accord prévoit que les civils qui ont décidé de rester soient placés sous la protection de la Fédération de Russie, a-t-il détaillé.  M. de Mistura a donc exhorté ce pays et le Gouvernement syrien à assurer la protection de ces civils et à se recentrer immédiatement sur l’application de la résolution 2401 (2018) du Conseil de sécurité. 

Le danger d’escalade supplémentaire a également surgi au-delà de la Ghouta orientale, avec des rapports d’attaques aériennes contre la base syrienne dite « T4 », dont, a-t-il ajouté, personne n’a revendiqué la responsabilité.  Les États-Unis et la France ont spécifiquement nié toute responsabilité dans cette attaque, tandis que la Fédération de Russie et la Syrie ont laissé entendre qu’Israël était responsable, a-t-il fait observer.  L’Organisation des Nations Unies n’a pas été en mesure de vérifier ou d’attribuer la responsabilité de cette attaque de manière indépendante, mais elle a instamment invité toutes les parties à faire preuve de retenue. 

L’Envoyé spécial a insisté sur le fait que la lutte contre l’usage d’armes chimiques doit être la priorité du Conseil de sécurité car les civils payent un lourd tribut.  Il a aussi insisté sur le fait que, pour la première fois, il estimait que la situation présentait un risque non pour la sécurité régionale, mais pour la sécurité internationale. 

M. THOMAS MARKRAM, Adjoint à la Haut-Représentante pour les affaires de désarmement, a mentionné les informations faisant état de l’emploi présumé d’armes chimiques à Douma, en Syrie, le week-end dernier.  Selon les informations parvenues la veille, au moins 49 personnes auraient été tuées et des centaines d’autres blessées lors d’une attaque à l’arme chimique, a-t-il déploré.  Plus de 500 personnes présenteraient des symptômes confirmant une telle attaque.  Il a précisé que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) était en train de rassembler des informations sur cet incident par le biais de sa Mission d’établissement des faits.  Cette mission fera le point sur cette attaque devant les États parties après avoir conclu son enquête, a-t-il précisé. 

« Il y a, malheureusement, peu à dire qui n’a pas été dit », a poursuivi M. Markram.  Il a rappelé que l’emploi des armes chimiques était injustifiable et que les responsables devraient rendre des comptes.  « Le fait que ces vues ont été exprimées ici, à maintes reprises, ne diminue pas la gravité avec laquelle le Secrétaire général considère ces allégations », a-t-il insisté, en répétant que ce que nous voyons en Syrie ne peut pas être laissé sans réponse.  Il a exhorté le Conseil à s’unir face à cette menace continue: « le Conseil doit s’acquitter de ses responsabilités », a-t-il ajouté.  Faire autrement, ou ne rien faire, revient à accepter qu’un tel défi est insurmontable, a encore affirmé M. Markram, pour qui « l’emploi d’armes chimiques ne peut devenir le statu quo, pas plus que nous ne pouvons continuer à abandonner les victimes de telles armes ».

En conclusion, M. Markram a déclaré que l’impunité ne devait pas l’emporter et a souhaité que le Conseil s’unisse autour d’un nouveau mécanisme d’établissement des responsabilités. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit avoir fait convoquer cette réunion sous le point « menaces contre la paix et la sécurité internationales » parce que les responsables des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France se sont lancés sur la voie de la confrontation vis-à-vis de la Fédération de Russie et de la Syrie par des moyens tels que le chantage et la diffamation.  Pour lui, « le ton utilisé a dépassé les limites » et « pas même du temps de la guerre froide » on n’avait vu ce genre de discours contre son pays.  Il a rappelé qu’en 2015, le Président russe avait déjà évoqué « des expérimentations de l’Occident au Moyen-Orient ».  Selon le représentant, « l’Occident fait montre d’absence de stratégie sur toutes les questions ».  « Partout où vous allez, c’est le chaos qui en découle », leur a-t-il lancé en leur demandant s’ils étaient conscients de la situation extrêmement dangereuse vers laquelle ils poussent le monde. 

M. Nebenzia a salué le fait que, grâce à la Fédération de Russie et aux résolutions du Conseil de sécurité, les populations de la Ghouta orientale avaient pu être libérées.  Il a réfuté les allégations sur une modification de la composition sociologique des sites libérés.  Il a aussi salué les difficiles négociations menées avec les groupes armés, qui ont abouti au départ de ces derniers, alors que d’autres combattants ont préféré rester et bénéficier de la grâce présidentielle, en droite ligne du principe onusien de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).  Il a accusé les forces occidentales d’œuvrer à la préservation de foyers d’opposition aux alentours de la capitale syrienne.

Pour la Fédération de Russie, les « rumeurs » d’utilisation du chlore ou d’autres gaz toxiques qui ont été reprises par l’Occident ont eu pour origine les « soi-disant sauveteurs des Casques blancs ».  Il a même accusé certains membres du Conseil de sécurité de faire parvenir, par voie de courriel, des informations sensibles aux groupes d’opposition en Syrie.  Pourquoi Damas aurait-il besoin de mener ces attaques chimiques? a-t-il demandé, tout en soulignant que la Fédération de Russie et l’Iran avaient été immédiatement mis également au banc, sans aucune enquête.  Il a accusé le groupe Jeïch el-Islam d’être en possession d’armes chimiques et affirmé que « la trajectoire qu’aurait suivie la bombe larguée par le Gouvernement syrien n’est pas naturelle », car le projectile aurait survolé des toitures pour aller directement sur les victimes. 

M. Nebenzia a en outre fait part de son étonnement face au fait que certaines des délégations qui avaient également appelé à une réunion du Conseil avaient déjà prévu un texte de résolution sur « l’usage d’armes chimiques ».  On doit d’abord enquêter, a-t-il martelé, affirmant que la Fédération de Russie avait envoyé des spécialistes sur le terrain et que ces derniers n’avaient vu de présence ni de chlore ni de substance neurotoxique.  Aucun habitant n’a confirmé avoir vécu une quelconque attaque chimique, et les responsables de l’hôpital local ont affirmé n’avoir pas reçu de victime, a-t-il ajouté.  De plus, les représentants du Croissant-Rouge arabe syrien ont nié avoir été à l’origine de la déclaration que l’on veut leur attribuer sur l’assistance aux victimes.

Pour la Fédération de Russie, il faut mettre en œuvre les propositions de l’OIAC qui a dit, par la voix de son Directeur, être prête à enquêter « dès demain ».  Les autorités syriennes sont prêtes à accueillir la Mission d’établissement des faits, a-t-il assuré.  Le Gouvernement syrien avait déjà lancé des mises en garde contre de telles attaques imaginaires mais le Conseil de sécurité les a sciemment ignorées, « parce que vous voulez une autre liquidation d’un autre gouvernement de la région », a-t-il accusé. 

M. Nebenzia a aussi dénoncé le fait que des informations sur les découvertes de substances toxiques dans des zones précédemment tenues par les groupes rebelles n’avaient pas attiré l’attention du Conseil, citant des cas de sites identifiés.  Il a également accusé des instructeurs militaires américains d’avoir formé des groupes d’opposition sur des « provocations à l’arme chimique » pour justifier des frappes aériennes.  Il a dénoncé les frappes de ce matin sur la base syrienne « T4 ».  Pour la Fédération de Russie, c’est là exactement le même scénario qui fut mis en place l’an dernier avant les prétendues attaques chimiques qui avaient entraîné le tir de missiles Cruise américains sur une base syrienne. 

Pour la Fédération de Russie, les « fake news » de dimanche dernier font penser à « l’affaire de Salisbury » et semblent avoir pour but de créer un « front antirusse ».  Aujourd’hui, les Britanniques s’éloignent d’une enquête et « troublent les pistes », a-t-il affirmé.  Il a accusé le Secrétaire au Foreign Office du Royaume-Uni de poursuivre sa « campagne de diffamation » contre son pays, évoquant même des interceptions de services secrets qui auraient fait état du « paquet livré » et de « deux personnes supprimées ». 

S’adressant ensuite à la représentante des États-Unis, le représentant a affirmé que son pays ne quêtait pas leur amitié: il « ne leur demande rien et n’attend rien d’eux ».  « Nous voulons juste des relations normales et vous y renoncez en méprisant toute norme de diplomatie », a regretté M. Nebenzia.  La Fédération de Russie n’a qu’un seul ennemi: le terrorisme international.  Elle propose donc aux États-Unis de coopérer pour « résoudre les problèmes de sécurité du monde », et non ceux que les États-Unis inventent.  Le représentant a conclu en demandant une réunion publique du Conseil de sécurité sur Raqqa.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a rappelé que le Conseil de sécurité s’était réuni il y a cinq jours à l’occasion de l’anniversaire de l’attaque au gaz sarin de Khan Cheikhoun, pour constater que, trois jours après cette réunion, une attaque chimique dévastatrice est rapportée dans la ville de Douma, qui aurait fait 45 morts tandis que plus de 500 personnes souffrent de ses conséquences.  Pour le représentant, « il s’agit d’une nouvelle série d’attaques chimiques en Syrie, et cela est inacceptable ». 

M. van Oosterom a fait observer que son pays figure parmi les neuf États membres du Conseil de sécurité qui ont demandé cette réunion en urgence pour faire face à cette attaque horrible.  Il a ensuite rappelé que le Conseil avait failli tenir deux réunions aujourd’hui « parce qu’un membre permanent du Conseil de sécurité a voulu faire barrage » à la discussion sur le sujet d’actualité, à savoir l’attaque chimique de Douma.  Il a accusé ce membre du Conseil de préférer voir une communauté internationale spectatrice et couvrir les crimes de son allié, le régime syrien.

Les Pays-Bas proposent donc de condamner en premier lieu l’usage des armes chimiques, soulignant que le silence et l’impunité ne sont pas une option, et qu’une simple condamnation ne suffit pas.  Il a donc également invité le Conseil à assumer ses prérogatives de protection.  Il a également appelé les États garants du processus d’Astana à user de leur influence pour prévenir toute nouvelle attaque et s’assurer de la cessation des hostilités et de la désescalade de la violence, en droite ligne de la résolution 2401 (2018).  Il a plaidé pour un cessez-le-feu immédiat à Douma afin de permettre d’apporter une aide humanitaire et immédiate aux victimes de cette attaque et faire en sorte que le personnel humanitaire puisse faire son travail.  Les Pays-Bas ont en outre rappelé que la majorité des Membres des Nations Unies ont signifié qu’ils ne voulaient pas que des membres permanents du Conseil de sécurité utilisent leur droit de veto dans les cas d’atrocités de masse. 

M. van Oosterom a également parlé de responsabilisation, accusant le Conseil de ne pas être en mesure de gérer la crise syrienne du fait qu’un membre permanent y est partie et a démontré qu’il défendrait le régime syrien à tout prix.  Le représentant a plaidé pour la mise en place d’un mécanisme susceptible de prendre le relais du travail du défunt Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU afin d’identifier les auteurs de l’attaque, indépendamment des politiques à l’œuvre au sein du Conseil.  Pour les Pays-Bas, la fin du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint ne doit pas signer la fin de l’histoire, signalant qu’après la cessation de ses activités, six autres attaques chimiques imputées au régime ont été recensées. 

L’ONU est plus grande que le Conseil de sécurité seul et peut compter sur le pouvoir de l’Assemblée générale, a ensuite rappelé M. van Oosterom, qui a invité à faire fond sur le travail important de l’OIAC et du Mécanisme conjoint d’enquête.  Il a du reste salué l’enquête immédiate lancée par l’OIAC et a souhaité que la Mission d’établissement des faits ait un accès total au site et bénéficie de la coopération de toutes les parties.  Pour les Pays-Bas, le renvoi de la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale est la voie la plus appropriée vers la responsabilisation et la justice, et il a conclu en insistant sur le fait qu’il ne saurait y avoir d’impunité pour l’utilisation d’armes chimiques. 

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a déclaré qu’elle a prié pour ne plus avoir à montrer des photos d’enfants victimes d’armes chimiques au Conseil de sécurité comme elle l’avait fait il y a un an.  Malheureusement, des femmes et des enfants qui se cachent dans des sous-sols et sont le visage de l’innocence ont été les victimes de gaz chimiques samedi, à Douma.  Nous savons que des dizaines de personnes ont péri, a poursuivi Mme Haley, pour qui seul un « monstre » peut être responsable d’une telle attaque.  Un tel monstre n’est en rien ému par des photos d’enfants morts, a-t-elle affirmé, en accusant aussi la Russie, allié du régime syrien, de ne pas éprouver de honte.  Des photos d’enfants morts n’ont aucun d’effet sur la Russie, qui a pris en otage les civils syriens, ici à l’ONU, en opposant son droit de veto à 11 reprises pour protéger Assad, a-t-elle déploré. 

La Russie a en effet « tué » le Mécanisme d’enquête conjoint, a déclaré Mme Haley.  La représentante a, dans le même temps, déploré que le Conseil ait, au nom de l’unité, fermé les yeux sur les agissements de la Russie.  Nous ne parlons pas ici d’un différend entre la Russie et les États-Unis mais de l’emploi d’armes chimiques, a-t-elle poursuivi, avant de demander la création d’un mécanisme impartial et indépendant pour identifier les responsables, en dénonçant l’obstructionnisme de la Russie.

Mon pays est convaincu que ce « monstre » doit rendre des comptes, a ajouté Mme Haley, qui a averti qu’une « décision importante » était sur le point d’être prise.  « L’heure est venue de rendre justice », a-t-elle affirmé.  Pour la représentante, l’Histoire retiendra ce jour, « un jour où le Conseil soit s’est acquitté de ses responsabilités, soit les a abandonnées ».  Quoi qu’il en soit, les États-Unis sont déterminés à agir, a conclu la représentante. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a indiqué que les victimes des deux nouvelles attaques chimiques à Douma présentaient des symptômes typiques d’une exposition à un agent neurotoxique puissant, combiné au chlore pour en augmenter l’effet létal.  « L’expérience et les rapports successifs du Mécanisme d’enquête conjoint font qu’il n’existe aucun doute sur les auteurs de cette nouvelle attaque », a-t-il déclaré, en désignant les forces armées syriennes qui ont, seules, le savoir-faire pour mettre au point de telles substances toxiques. 

M. Delattre a déclaré que le régime syrien et ses alliés, russes et iraniens, sont engagés en vue de la victoire finale, mais aussi de la destruction maximale dans la Ghouta orientale.  Ces attaques sont intervenues soit avec l’accord tacite ou explicite de la Russie, soit malgré elle et en dépit de sa présence militaire sur le terrain, a-t-il affirmé. 

Pointant l’extrême gravité des enjeux de cette nouvelle attaque, le représentant a exigé deux choses de la Russie.  La première est l’arrêt des hostilités et l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat, conformément à la résolution 2401 (2018), que le « régime de Damas » n’a toujours pas appliquée.  La seconde consiste en la création d’un nouveau mécanisme d’enquête international, qui permettrait de consigner tous les paramètres de l’attaque de Douma et de contraindre ses responsables à répondre de leurs actes.  « La disparition du Mécanisme d’enquête conjoint en novembre dernier, en raison des deux vetos successifs de la Russie, nous a privés d’un outil de dissuasion essentiel », a poursuivi le représentant de la France, qui a dit soutenir le projet de résolution des États-Unis sur la question.  Le « régime d’Assad » doit trouver de notre part une « réponse unie et implacable », a-t-il conclu.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dit sa colère devant les attaques à Douma.  Les armes chimiques ne doivent pas devenir monnaie courante dans les conflits, a-t-elle déclaré en pointant la responsabilité éminente des membres du Conseil pour empêcher une telle situation. 

Malheureusement, la Russie n’en est pas convaincue, a déploré la représentante, qui a accusé ce pays, le « régime syrien » et l’Iran d’être à la source de l’instabilité mondiale.  Elle a déclaré le « régime syrien » responsable de cette nouvelle attaque avant d’appuyer l’idée de l’envoi d’une mission de l’OIAC sur place sous la protection des forces russes. 

Le Royaume-Uni soutient en outre le projet de résolution des États-Unis visant à créer un nouveau mécanisme d’enquête indépendant.  Nous n’avons rien à cacher, mais il semble que la Russie et l’Iran ont quelque chose à craindre, a-t-elle fait observer avant d’affirmer que « la responsabilité des atrocités commises en Syrie repose sur les épaules du régime syrien et de ses alliés russes et iraniens ». 

Mme Pierce a dénoncé les « larmes de crocodile » versées par la Russie ainsi que sa tentative de faire diversion en ressuscitant le conflit Est-Ouest.  Revenant sur l’attaque de Salisbury, elle a estimé qu’il s’agissait d’une affaire différente de l’emploi d’armes chimiques en Syrie mais que les deux situations avaient néanmoins un point commun: le refus de la Russie de s’opposer à l’emploi irresponsable d’armes chimiques.  « Nous ne voulons pas isoler la Russie mais c’est ce pays qui s’isole de lui-même », a-t-elle affirmé. 

M. WU HAITAO (Chine) a rappelé la position de son pays, opposé à toute utilisation d’armes chimiques par qui que ce soit.  La Chine est favorable à une enquête complète et impartiale pour identifier les auteurs de l’attaque et le représentant a salué le rôle du Conseil de sécurité et de l’OIAC pour élucider les faits et faire en sorte que les armes chimiques ne soient plus utilisées. 

Pour la Chine, la seule solution à la crise en Syrie est politique et la communauté internationale doit respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie.  Opposée à toute utilisation de la force, la Chine invite l’ONU à œuvrer à une solution pacifique en Syrie.  Elle estime par ailleurs que la lutte contre le terrorisme doit faire partie de la solution à la crise syrienne et que la communauté internationale doit lutter contre les entités inscrites sur les listes de sanctions du Conseil. 

Revenant à « l’affaire Skripal », le représentant a appelé à une enquête objective et en droite ligne de la Convention sur les armes chimiques, tout en invitant les parties concernées à éviter de prendre toute mesure qui ferait monter les tensions. 

M. OLOF SKOOG (Suède) a déclaré que l’impunité ne devait pas prévaloir en Syrie.  Pour le représentant, la réponse à apporter à l’emploi d’armes chimiques en Syrie met à l’épreuve la crédibilité de ce Conseil.  « Malgré les difficultés, nous pouvons mettre de côté nos divergences et nous unir », a-t-il déclaré, ajoutant: « Il est temps de faire preuve d’unité. » 

M. Skoog a demandé une enquête immédiate sur les informations alarmantes en provenance de Douma, avant d’appeler au déploiement urgent de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC en Syrie.  Toutes les parties au conflit, y compris les autorités syriennes, doivent coopérer avec la Mission, a poursuivi le représentant.  Il a souhaité une intensification des efforts du Conseil visant à la création d’un nouveau mécanisme « impartial et indépendant » permettant d’identifier les responsables de l’emploi d’armes chimiques en Syrie.  « Nous devons immédiatement mener des consultations afin de sortir de l’impasse actuelle », a conclu M. Skoog. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a estimé que « ce crime atroce semble être la réponse cynique à la réunion tenue la semaine dernière par le Conseil de sécurité pour commémorer l’attaque au gaz sarin de Khan Cheikhoun l’an dernier ».  Il a invité les parties en Syrie, notamment la Fédération de Russie et l’Iran, à prendre les mesures nécessaires pour éviter une autre utilisation d’armes chimiques dans le pays.  Il a aussi invité les acteurs de la crise à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.

Pour la Pologne, il est regrettable que la reconduction du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint ait été bloquée du fait d’un veto.  Ce fait a conduit à l’impunité, a-t-il déclaré, tout en invitant les membres du Conseil à remettre sur pied le Mécanisme.  Pour la Pologne, « c’est le minimum que nous puissions faire pour la mémoire des victimes de toutes les villes où ces armes ont été utilisées ».

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a jugé préoccupante la poursuite de l’emploi d’armes chimiques en Syrie, ajoutant que les responsables devaient rendre des comptes.  Il a demandé une enquête à Douma par la Mission d’établissement des faits de l’OIAC et a exhorté toutes les parties à coopérer avec elle.  Le représentant a appelé le Conseil à s’unir en vue de créer un nouveau mécanisme d’attribution des responsabilités et de remédier ainsi au vide institutionnel actuel. 

M. Alemu a aussi déploré le manque d’unité du Conseil, qui compromet sa crédibilité.  Nous avons besoin d’un dialogue entre grandes puissances, a-t-il dit, avant d’appeler à la tenue de consultations précoces pour désamorcer les vives tensions actuelles. 

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme de responsabilisation et de lutte contre l’impunité, afin de mettre un terme à l’usage répété des armes chimiques en Syrie.  Il a donc invité le Conseil à retrouver l’unité qui avait été la sienne quand il s’était agi de mettre en place le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.  Le représentant a regretté la non-application de la résolution 2401 (2018) et demandé la cessation des hostilités.  Seul un processus politique inclusif en Syrie pourra mettre définitivement fin au conflit, a-t-il conclu, en précisant que cette solution politique devrait être conforme à la résolution 2254 (2015). 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a rappelé que les informations de la presse internationale ont fait état de plus de 40 victimes après des attaques chimiques à Douma, en Syrie.  Il a noté qu’une mission de l’OIAC était sur le terrain, mais a regretté le fait que ses futures conclusions ne seront pas contraignantes.  Il a donc souhaité qu’un mécanisme onusien soit à l’œuvre pour établir des faits et assurer la poursuite des coupables en justice.  Face à la crise actuelle, M. Ndong Mba a estimé que le Conseil avait deux options: soit il renforce la présence internationale dans le pays et prépare une intervention militaire future, soit il poursuit les processus de Genève et d’Astana.  Rappelant que les interventions militaires avaient toujours créé désolation et destruction, le représentant a demandé aux pays ayant une influence en Syrie et en Palestine d’œuvrer à l’allégement des souffrances des populations. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a noté que la situation au sein du Conseil de sécurité devenait de plus en plus tendue, soulignant que des accusations mutuelles non appuyées sur les résultats d’enquête sur le terrain n’auraient qu’un effet destructeur et ne pourraient pas conduire aux résultats que le monde attend de cet organe.  Concernant la situation à Douma, le Kazakhstan a toujours condamné l’usage d’armes chimiques et il appelle à des enquêtes immédiates afin de clarifier les faits.  Le représentant a demandé s’il existait d’autres sources d’information crédibles en dehors des Casques blancs pour confirmer les informations alléguées.  Observant que le nombre de victimes variait selon les sources, il n’en a pas moins affirmé qu’une seule victime serait une victime de trop.

M. Umarov a ensuite rappelé que le représentant de la République arabe syrienne avait averti le Conseil de sécurité, à plusieurs reprises, sur le fait que des groupes terroristes essayaient de transférer des armes chimiques dans la Ghouta orientale.  Il a regretté que ces informations n’aient pas été prises au sérieux et qu’aucune vérification n’ait été faite.  « Nous ne défendons aucune partie au conflit », a-t-il affirmé, en insistant pour avoir des vérifications objectives.  Pour le Kazakhstan, il ne faut pas oublier l’aspect le plus important de l’enquête, le mobile.  « Quel est l’objectif des parties à utiliser des armes chimiques contre leurs propres populations? » s’est-il enquis, en demandant à qui un tel acte profite.  Nous en venons encore, a-t-il poursuivi, à demander un mécanisme d’enquête urgent dont la mise en activité ne dépend que des membres influents du Conseil de sécurité.  En conclusion, le représentant a souhaité que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC se rende sur le site de l’attaque au plus vite. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déploré la détérioration de la situation en Syrie, ainsi que l’inaction du Conseil.  Le Conseil est divisé, si bien que la crise syrienne perdure, a-t-il constaté, en condamnant l’attaque chimique perpétrée à Douma le 7 avril.  Il a demandé la création d’un nouveau mécanisme d’attribution des responsabilités « impartial et indépendant » afin de mettre fin à l’impunité et appuyé le projet de texte américain qui va en ce sens.  Le Conseil doit agir à cette fin, il doit assumer ses responsabilités, a poursuivi le représentant pour qui « nous ne pouvons pas tolérer l’utilisation d’armes chimiques en Syrie ».  En conclusion, M. Alotaibi a rappelé que le peuple syrien « n’en peut plus » de voir se succéder les réunions du Conseil sans que cela ne se traduise par une quelconque amélioration sur le terrain. 

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a condamné l’emploi d’armes chimiques, que rien ne peut justifier.  Il a demandé la création d’un nouveau mécanisme d’attribution des responsabilités « impartial et indépendant » et appelé à éviter de « politiser » cette question.  Le représentant a en outre demandé l’application de la résolution 2401 (2018), dénoncé tout bombardement de la population civile et demandé un accès humanitaire sans entrave en Syrie.  Il a ensuite plaidé pour une solution politique en Syrie et exprimé son rejet de toute mesure unilatérale, qui ne peut que mettre à mal la recherche d’une telle solution.  Enfin, il a souhaité une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur l’attaque de Salisbury. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a exprimé la vive préoccupation de son pays face à l’utilisation d’armes chimiques contre des populations.  Il a rappelé qu’il s’agit d’une violation du régime de non-prolifération et du droit international humanitaire.  Il a invité les parties en Syrie à respecter la résolution 2401 (2018) du Conseil et à collaborer avec la Mission d’établissement des faits de l’OIAC qui se rendra sur le terrain.  Pour le Pérou, toute réponse au conflit syrien doit respecter la Charte de l’ONU et le Pérou s’oppose à toute utilisation ou menace d’utilisation de la force pour résoudre la crise syrienne.  Le représentant a lancé un appel aux membres du Conseil afin que cet organe retrouve son unité, avant d’appeler à mener une enquête et à sanctionner les auteurs des crimes atroces commis en Syrie. 

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a repris la parole pour accuser la délégation des États-Unis de manquer à ses obligations en désignant des gouvernements légitimes par l’expression de « régime », y compris à l’encontre de son propre pays.  Il a averti que si une telle chose devait se reproduire, sa délégation déposerait une motion d’ordre.  Il a ensuite fait observer que, pour la représentante du Royaume-Uni, la différence entre Douma et Salisbury tient à ce que, dans le second cas, une enquête en bonne et due forme est en cours.  Il a donc dit attendre les résultats de celle-ci, dénonçant l’euthanasie rapide des animaux de compagnie de la famille Skripal, faisant observer que tant Sergei Skripal que sa fille Yulia se seraient rendus dans un restaurant avant d’être pris de malaise et déplorant le fait qu’un membre de la famille des deux victimes ait vu sa demande de visa refusée par les autorités du Royaume-Uni.  Il a également affirmé que la CIA (Central Intelligency Agency) avait proposé aux Skripal de venir s’établir aux États-Unis sous un nouveau nom, ce qui, selon lui, empêcherait son pays de s’entretenir avec des témoins clefs.  Le représentant a en outre affirmé que la présente séance était bien placée sous le point de l’ordre du jour du Conseil intitulé « menace contre la paix et la sécurité internationales », et que l’attaque de Douma n’en représentait qu’un aspect. 

Revenant à la question syrienne, M. Nebenzia a estimé qu’on « s’approche d’un point dangereux ».  Comment accuser Damas avant même que commence l’enquête à laquelle vous appelez? s’est étonné le représentant.  Pour la Fédération de Russie, « il n’y a pas eu d’attaque chimique, il n’y a pas de trace de produit chimique et encore moins de blessés dans les hôpitaux » et les images présentées ont clairement été tournées par les Casques blancs.  Le représentant a enfin assuré que sa délégation était prête à présenter un texte sur un nouveau mécanisme d’enquête si les autres États sont prêts à en discuter.  « Le projet de résolution russe est prêt », a-t-il affirmé.

Mme PIERCE (Royaume-Uni) a repris à son tour la parole pour indiquer que l’enquête sur l’attaque de Salisbury est en cours.  Elle a ajouté que son pays s’acquitte de ses obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques, contrairement à la Syrie.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a dénoncé les menaces des États-Unis contre son pays et le manque de crédibilité du Gouvernement américain.  Aucune arme chimique n’a été trouvée en Iraq, a-t-il rappelé, avant de condamner « l’agression d’Israël perpétrée ce matin » dans la province de Homs et qui a fait, selon lui, 14 victimes.  Grâce à l’appui des États-Unis, Israël jouit de l’impunité pour ses actes, a ajouté le représentant, qui s’est étonné que les membres occidentaux du Conseil n’aient pas mentionné cette attaque dans leurs interventions.  Il a aussi reproché à l’Envoyé spécial d’avoir dit que l’on ne savait pas d’où venait l’attaque aérienne contre le site « T4 », affirmant que le Premier Ministre d’Israël, M. Benjamin Netanyahu, en avait lui-même revendiqué la responsabilité.

Pour M. Ja’afari, cette agression israélienne est une réponse indirecte aux succès engrangés par les forces syriennes contre les terroristes, notamment dans la Ghouta orientale.  Il a dénoncé les « mensonges » proférés au Conseil par certains membres permanents, qualifiés de « véritables menteurs professionnels ».  Ces mensonges avaient déjà conduit à l’occupation de l’Iraq et à la destruction de la Libye, a accusé M. Ja’afari.

Le représentant a ensuite estimé que l’intervention de la représentante des États-Unis était en contradiction avec un entretien récent donné par le général Mattis, Secrétaire à la défense des États-Unis, au magazine Newsweek, dans lequel ce dernier indiquait qu’il n’y a pas de preuve que le Gouvernement syrien a utilisé des armes chimiques.  « Où est la cohérence dans le Gouvernement américain? » a-t-il demandé.

Pour M. Ja’afari, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont accumulé les mensonges et veulent entraîner le Conseil dans ce jeu mensonger.  Il a affirmé que des centaines de civils avaient pu quitter Douma en toute sécurité grâce à un accord passé entre son gouvernement et un groupe terroriste.  Il a dénoncé le caractère fallacieux des interventions prononcées sur la situation humanitaire dans la Ghouta, avant de mentionner les 145 lettres envoyées par son pays au Conseil dans lesquelles il informe du danger posé par l’emploi d’armes chimiques par des groupes terroristes en Syrie, et qui n’ont selon lui pas reçu la moindre réponse. 

M. Ja’afari a dénoncé des « mises en scène » visant à justifier une agression armée contre la Syrie et ses alliés.  Mon gouvernement n’a pas d’armes chimiques, a-t-il réaffirmé, en dénonçant les campagnes de désinformation lancées par les groupes armés.  Enfin, le représentant a déclaré que son pays était disposé à faciliter le travail d’enquête d’une équipe de la Mission d’établissement des faits à Douma.  « La Syrie ne possède pas d’armes chimiques, condamne leur utilisation et coopère pleinement avec l’OIAC », a-t-il une nouvelle fois affirmé en dénonçant une fois de plus la « mise en scène de Douma, digne de Hollywood ». 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Attaque de Salisbury: Royaume-Uni et Fédération de Russie se renvoient des accusations devant un Conseil de sécurité hanté par l’usage d’armes chimiques

8224e séance – après-midi
CS/13279

Attaque de Salisbury: Royaume-Uni et Fédération de Russie se renvoient des accusations devant un Conseil de sécurité hanté par l’usage d’armes chimiques

Un mois après l’attaque menée à Salisbury, au Royaume-Uni, contre deux ressortissants russes, M. Sergei Skripal et sa fille Yulia, à l’aide d’un agent neurotoxique, le Conseil de sécurité s’est de nouveau penché aujourd’hui sur cette affaire, à la demande cette fois de la Fédération de Russie, mise en cause.  Le représentant russe a, de nouveau, véhémentement nié toute implication de son pays dans une « affaire bien trouble, inventée de toutes pièces, voire une véritable conspiration », qualifiant les accusations comme un « théâtre de l’absurde » et soupçonnant les pays occidentaux de chercher à discréditer la Fédération de Russie.  Au-delà de l’agression de Salisbury, c’est aussi le spectre d’une utilisation croissante des armes chimiques qui hantait le Conseil. 

Le 14 mars, c’était le Royaume-Uni qui avait porté l’affaire devant le Conseil de sécurité, estimant que cette agression -opérée avec un agent neurotoxique de qualité militaire appartenant à la famille des Novitchok, mis au point à l’époque de l’Union soviétique– indiquait, selon les termes de la Première Ministre britannique, Mme Theresa May, une implication « hautement probable » de l’État russe. 

Cet après-midi, le représentant de la Fédération de Russie, M. Vassily Nebenzia, a rappelé que le recours à une arme chimique, « s’il y en a eu », constitue bien une menace à la paix et la sécurité internationales et justifie la saisine du Conseil de sécurité.  Faisant observer que le Royaume-Uni n’avait pas donné de nouvelles informations depuis le 14 mars, il a annoncé d’entrée que son pays souhaitait « informer en détail » le Conseil. 

M. Nebenzia s’est longuement attaché à dénoncer les « accusations odieuses et absolument pas prouvées » à l’encontre de son pays.  Convoquant successivement le Docteur Goebbels et le lapin blanc d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carrol, il a dénoncé un « théâtre de l’absurde », dans lequel la Russie se voyait sommée de reconnaître son implication avant d’avoir le droit de coopérer à l’enquête sur l’agression. 

Raillant le « niveau intellectuel des accusations, qui ferait presque sourire », M. Nebenzia a dénoncé « une guerre de propagande » menée par le Royaume-Uni et ses alliés, entraînés par lui dans son « exemple dangereux ».  Guerre qui, a-t-il ajouté, est menée en utilisant les médias occidentaux, présentés comme « l’arme la plus dangereuse de notre époque » et accusés de « répéter constamment le même mensonge, afin qu’il devienne la vérité », selon la « méthode du Docteur Goebbels ».  Le représentant a d’ailleurs affirmé que « le Novitchok n’est pas une substance d’origine russe », mais un nom « inventé en Occident » pour qualifier des agents neurotoxiques « fabriqués aux États-Unis et au Royaume-Uni », ajoutant que le laboratoire de Porton Down, proche de Salisbury, possède bien des agents. 

Si le Royaume-Uni n’avait pas demandé cette réunion, il est heureux de « faire la lumière sur l’attaque de Salisbury », a rétorqué sa représentante, Mme Karen Pierce, qui a détaillé « l’enquête très complexe » lancée par son pays et expliqué l’ampleur des moyens déployés par le fait qu’une « arme de destruction massive a été utilisée dans mon pays ». 

Opposant aux « 30 versions » de l’incident, que M. Nebenzia reprochait au Royaume-Uni d’avoir présentées depuis un mois, les « 24 théories » de la Russie pour se disculper, Mme Pierce a insisté sur la responsabilité « hautement probable » de la Russie, y compris le fait que l’État russe a commandité des assassinats par le passé.  Une accusation reprise par les États-Unis qui ont rappelé la « longue tradition russe d’assassinats d’État, notamment au Royaume-Uni ».

La représentante britannique a aussi répondu aux allégations de la Russie selon lesquelles son pays n’aurait pas respecté les procédures prévues par la Convention sur les armes chimiques.  Elle a vu dans la demande russe d’une enquête conjointe une démarche de « pompier pyromane ».  « Je n’accepte aucune leçon de morale au sujet de cette Convention de la part d’un pays qui ne recule devant rien pour faire obstacle à tout établissement des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie », a-t-elle ajouté.

Au-delà de l’agression de Salisbury et du soutien sans faille apporté au Royaume-Uni par les États-Unis et les membres européens du Conseil, lors d’une réunion qui n’a « rien appris », selon les mots du représentant russe, c’est la question du recours croissant à des armes chimiques dans le monde qui se trouvait en toile de fond. 

La « campagne de discrédit lancée contre la Russie » vise d’ailleurs, selon son représentant, à discréditer la position de son pays sur le volet « armes chimiques » de la crise syrienne.  De fait, Mme Pierce a accusé la Russie de s’évertuer à « saper l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) », après avoir provoqué la fin du Mécanisme d’enquête conjoint ONU-OIAC sur les attaques chimiques en Syrie.

C’est pourquoi, de la Chine à l’Éthiopie et du Kazakhstan au Koweït, les membres du Conseil ont condamné une nouvelle fois toute utilisation des armes chimiques.  Face à la « réémergence tous azimuts, au Moyen-Orient, en Asie, et désormais en Europe », de ces armes « barbares aux conséquences meurtrières », le représentant de la France a appelé à l’engagement de tous pour rétablir l’interdiction absolue des armes chimiques et dénoncer des « tentations, jeux tactiques et politiques qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et des responsabilités d’un membre du Conseil de sécurité ». 

La France, a martelé le représentant, n’acceptera jamais de laisser dans l’impunité ceux qui utilisent ou développent des agents toxiques.  Dans le même sens, les États-Unis ont rappelé qu’ils avaient, lors de la séance d’hier du Conseil sur les armes chimiques en Syrie, pressé la communauté internationale de réagir et d’empêcher la banalisation de ces armes. 

LETTRE DATÉE DU 13 MARS 2018, ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ, PAR LE CHARGÉ D’AFFAIRES PAR INTÉRIM DE LA MISSION PERMANENTE DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2018/218)

Déclarations

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que le Conseil de sécurité a organisé, le 14 mars dernier, une séance d’information sur la base « d’accusations odieuses et absolument pas prouvées » sur une attaque commise contre deux ressortissants russes vivant au Royaume-Uni, M. Sergei Skripal et sa fille Yulia.  Faisant observer qu’il n’y a pas eu depuis lors de nouvelle séance d’information sur le sujet, il a exprimé le souhait d’« informer en détail » le Conseil de sécurité.

M. Nebenzia a rappelé les faits: le recours à une arme chimique, s’il y en a eu, constitue une menace à la paix et la sécurité internationales et justifie la saisine du Conseil de sécurité.  Il a rappelé que M. Skripal avait été condamné en 2006 pour espionnage au profit du Royaume-Uni, puis gracié en 2010.  Il vit depuis lors au Royaume-Uni et pour la Russie, il ne présente aucune menace, a affirmé le représentant qui a estimé que, dès lors, toute une série de questions se posent.  Pourquoi, même si pour prendre une attitude cynique, la Russie aurait-elle attendu huit ans et choisi d’agir à deux semaines de l’élection présidentielle et à quelques semaines de la Coupe du monde de football?  Nous connaissons tous les histoires d’espionnage et les romans policiers mais « pourquoi aurait-on choisi le moyen le plus dangereux »?

« De plus en plus de questions se posent », a avoué le représentant, qui a rappelé que tant la Première Ministre que le Ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni avaient parlé d’entrée de jeu d’un agent neurotoxique russe, le Novitchok.  Si cet agent a été placé sur la porte de la maison de M. Skripal, comment se fait-il que lui et sa fille n’auraient été affectés que quelques heures plus tard alors que le policier qui s’est rendu sur les lieux a été tout de suite gravement affecté?  Pour M. Nebenzia, la seule explication, c’est la présence d’un antidote.  Il a rappelé que le centre de Porton Down, connu pour avoir élaboré des armes chimiques, était très proche. 

Le laboratoire de Porton Down a parlé d’un agent neurotoxique de qualité militaire mais dont l’origine exacte n’a pas été identifiée, a poursuivi le représentant.  Il a ajouté que, selon le laboratoire, aucun antidote n’avait été administré aux Skripal.  Il a aussi déclaré que le médecin du centre avait ajouté qu’une telle substance n’aurait pas pu quitter les murs du laboratoire.  Qu’est-ce qui ne pourrait en aucun cas quitter les murs du laboratoire? s’est étonné M. Nebenzia.

« Le Novitchok n’est pas une substance d’origine russe », a-t-il affirmé.  Ce nom « de consonance russe » a été « inventé en Occident » pour qualifier des agents neurotoxiques fabriqués aux États-Unis et au Royaume-Uni.  Le laboratoire de Porton Down possède bien des agents de ce type.  Citant diverses « prétendues informations » de la presse britannique, le représentant a affirmé qu’on est dans « un théâtre de l’absurde » et a demandé s’il existait encore des « informations ». 

Plutôt que d’utiliser « le mégaphone de la diplomatie », il faut fournir des réponses claires à des questions précises, a conseillé le représentant, qui a estimé que toute l’affaire souffre d’un « manque de réflexion » de la part des autorités politiques britanniques qu’il a accusées d’avoir fait le choix des « déclarations sensationnelles » sans songer qu’elles leur « reviendraient comme un boomerang ».

Le représentant a en outre accusé Londres d’avoir entraîné ses alliés dans son « exemple dangereux », en provoquant des expulsions de diplomates par dizaines, y compris des membres de la mission diplomatique de la Fédération de Russie auprès des Nations Unies à New York.  Le représentant s’en est pris aux États-Unis qu’il a accusés d’avoir « fait preuve d’un dédain total vis-à-vis du fonctionnement du Siège des Nations Unies » puis d’avoir violé à de multiples reprises leurs engagements diplomatiques, y compris en saisissant des propriétés diplomatiques de la Fédération de Russie, notamment à New York, ou encore en limitant la liberté de mouvement des diplomates russes en poste au Siège des Nations Unies à New York.  Le représentant a demandé aux États-Unis de revenir sur ces mesures et de ne plus en prendre. 

Il a répété qu’on a affaire à un « nouveau système de droit » dans lequel on « accuse sans preuve, sur la base de simples soupçons ».  « Où est passé la bonne Angleterre?  S’agit-il d’une perte de professionnalisme ou d’une nouvelle culture politique? » a lancé le représentant qui a reproché au Royaume-Uni de se moquer de son pays en présentant « 30 versions différentes ».

M. Nebenzia a poursuivi sa série de questions.  Où se trouvaient les Skripal pendant les quatre heures qui se sont écoulées entre la prétendue contamination et le moment où on les a retrouvés?  Où a-t-on trouvé si rapidement un antidote contre une substance inconnue?  Avec qui Sergei Skripal était-il en contact?  Où sont les enregistrements des caméras de surveillance?  Où sont les animaux de compagnie qui vivaient dans la maison des Skripal et dans quel état sont-ils? a-t-il demandé, trouvant très rapides les conclusions de Scotland Yard alors qu’il faudrait normalement, selon lui, « des semaines » pour en tirer.  Pourquoi les autorités britanniques n’autorisent-elles pas les autorités russes à entrer en contact avec des ressortissants russes? a-t-il encore demandé.

Pour le représentant, l’enquête est « très loin d’être finie ».  Il a réaffirmé que son pays est prêt, conformément aux accords internationaux, à répondre dans un délai de 10 jours.  Au lieu de cela, Londres a préféré lancer un ultimatum, exigeant des explications complexes dans un délai de 24 heures.  « On ne peut pas s’adresser à la Russie de cette manière », s’est indigné le représentant.  Mon pays, a-t-il dit, a réclamé, hier, une enquête conjointe russo-britannique lors de la réunion du Conseil exécutif de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) mais la demande a été bloquée.  Le représentant a fait observer que « la majorité des États Membres » avaient en fait refusé de soutenir la position britannique.

Le niveau intellectuel des accusations contre la Russie ferait presque sourire, a-t-il raillé, en s’en prenant notamment au Ministre britannique des affaires étrangères, M. Boris Johnson, qui avait, entre autres, comparé la prochaine Coupe du monde de football en Russie aux Jeux olympiques de Berlin de 1936, sous le régime nazi.  L’URSS avait boycotté les Jeux, alors que le Royaume-Uni y été représenté officiellement, a taclé le représentant. 

M. Nebenzia a réaffirmé, comme le 14 mars, que le Royaume-Uni mène une « guerre de propagande » contre la Russie.  Il a décrit les médias occidentaux comme « l’arme la plus dangereuse de notre époque », les accusant de « répéter constamment le même mensonge, pour qu’ils deviennent la vérité », et estimant que c’était là la « méthode du Docteur Goebbels ».

« Tout ce qui se passe correspond à ce que nous avons dit depuis le début », à savoir que l’affaire Skripal fait partie d’une « campagne de discrédit lancée contre la Russie » que l’on accuse aujourd’hui de cacher certains arsenaux et de violer la Convention sur les armes chimiques.  Il s’agit, a-t-il tranché, de remettre en question la légitimité politique de la Russie et de discréditer notre position sur le volet « armes chimiques » de la crise syrienne. 

Face à cette « affaire bien trouble, inventée de toutes pièces, voire une véritable conspiration », nous « arriverons à la vérité, sur la base de la Convention sur les armes chimiques, a affirmé M. Nebenzia, qui a insisté sur le respect des procédures prévues par la Convention et réclamé l’accès consulaire aux deux membres de la famille Skripal, estimant qu’un « acte odieux, peut-être même terroriste », a été commis contre deux de nos ressortissants au Royaume-Uni. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré qu’elle ne souhaitait pas cette réunion mais s’est dite heureuse de faire la lumière sur l’attaque de Salisbury.  Après celle-ci, mon pays a lancé une enquête très complexe, forte de 250 enquêteurs, comprenant l’examen de 5 000 heures de vidéos, de 1 300 éléments de preuve et l’audition de 500 témoins, a-t-elle dit, avant de souligner l’indépendance de la police britannique.  De tels moyens ont été déployés parce qu’une arme de destruction massive a été utilisée dans mon pays, a-t-elle poursuivi.  La déléguée a indiqué que Yulia Skripal est désormais en mesure de parler et poursuit sa convalescence.  Elle devrait bientôt pouvoir se prononcer sur l’offre de protection consulaire formulée par la Russie, a-t-elle poursuivi. 

La déléguée a ensuite étayé la très probable responsabilité de la Russie par le fait que la Russie a produit l’agent neurotoxique incriminé, le « Novitchok ».  Nous savons aussi que l’État russe a pu commanditer des assassinats par le passé, a-t-elle rappelé.  La déléguée a expliqué l’emploi de l’expression « hautement probable » pour pointer la responsabilité de la Russie en raison du fait que, dans son pays, seule une juridiction peut établir une responsabilité.  Mais cela ne doit en aucun cas jeter de doute sur la culpabilité de la Russie, a-t-elle dit. 

Elle a rappelé que le laboratoire britannique qui a examiné les échantillons prélevés sur les lieux de l’attaque a conclu qu’il s’agit bien du « Novitchok ».  Elle a ensuite dénoncé les différentes théories avancées par la Russie - 24 plus précisément.  L’attaque a ainsi été présentée par la Russie, tour à tour, comme l’acte de groupes terroristes ou bien comme une diversion pour détourner l’attention du Brexit, a-t-elle dit.

Elle a indiqué que son pays a demandé une aide auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), sur la base de l’article 8 de la Convention sur les armes chimiques.  Tout ce que nous avons fait est conforme à la Convention, a-t-elle tranché.  « Je n’accepte aucune leçon de morale au sujet de cette Convention de la part d’un pays qui ne recule devant rien pour faire obstacle à tout établissement des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie. »  Elle a précisé que l’OIAC a dépêché, le 21 mars, une équipe technique chargée de prélever des échantillons environnementaux et médicaux.  Les analyses vont ensuite être renvoyées à l’OIAC qui préparera son rapport, a-t-elle dit, ajoutant que son pays s’empressera de diffuser les informations contenues dans ledit rapport. 

Concernant la demande russe relative à une enquête conjointe, la déléguée a utilisé la métaphore du « pompier pyromane ».  Maintenant qu’elle n’a pas pu obtenir son enquête conjointe, la Russie s’évertue désormais à saper l’OIAC, a-t-elle dit.  Elle a dénoncé la demande du Ministre russe des affaires étrangères que des experts russes participent à l’enquête sur l’attaque de Salisbury.  « Cela ne sera plus une enquête indépendante alors. »

La déléguée a dénoncé le discrédit jeté par la Russie sur le Mécanisme d’enquête conjoint, les actes d’agression russes en Crimée et en Géorgie ou bien encore les tentatives de coup d’État au Monténégro.  Chacune de ces actions est accompagnée d’une campagne de désinformation orchestrée par la Russie, a-t-elle accusé.  Elle a conseillé au Conseil de rester saisi de cette question, avant d’accuser la Russie de saper les institutions internationales qui « nous protègent tous ».  Nous n’avons rien à cacher, mais je pense que la Russie a beaucoup à craindre, a-t-elle conclu. 

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a rappelé que son pays avait saisi l’occasion de la séance d’hier sur les armes chimiques en Syrie pour inviter la communauté internationale à réagir et empêcher la banalisation de ces armes.  Elle a vu dans la séance d’aujourd’hui une tentative de la Russie « d’utiliser le Conseil de sécurité à des fins politiques et de semer le doute » sur ce qui s’est passé à Salisbury.  Nous discutons, a-t-elle rappelé, de l’utilisation « odieuse » d’un agent neurotoxique contre deux personnes qui vivaient paisiblement au Royaume-Uni.  La représentante a réaffirmé l’appui « infaillible » et la solidarité « totale » des États-Unis au Royaume-Uni.  Soit la Russie a utilisé sciemment un agent neurotoxique militaire, soit elle ne contrôle pas ses armes, a tranché la représentante.  Pour elle, l’expulsion de plus de 130 agents russes par plus de 20 pays témoigne de la profonde préoccupation de la communauté internationale face au comportement de la Russie. 

« La Russie a une longue tradition d’assassinats d’État notamment au Royaume-Uni », a estimé la représentante qui a rappelé que les plus hautes autorités russes avaient averti que « les traitres » seraient « des cibles ».  La vérité de l’implication de la Russie dans l’affaire de Salisbury demeure, a-t-conclu, en prévenant que le Conseil de sécurité ne saurait être utilisé pour « hypothéquer la vérité ». 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a rappelé que l’usage d’armes chimiques est « inacceptable » et constitue une grave violation du droit international.  Il a noté que 20 ans après l’entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques, le respect des normes est de plus en plus sapé.  Il est de l’intérêt de tous, a-t-il prévenu, de tout mettre en œuvre pour maintenir l’usage d’armes chimiques dans la catégorie des tabous et préserver l’intégrité du régime pour la paix et la stabilité mondiales.  Le représentant a réitéré sa solidarité avec les deux victimes et avec le peuple et le Gouvernement du Royaume-Uni.  Il a espéré qu’une enquête indépendante sera menée et que la coopération prévue par la Convention sera de mise afin de traduire les auteurs en justice.  L’Éthiopie prend note du fait que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a été saisie par le Gouvernement britannique et espère que le rapport de cette organisation spécialisée clarifiera les faits.  En attendant, M. Alemu a invité les parties impliquées à coopérer avec l’OIAC et à n’épargner aucun effort pour résoudre cette question selon les normes prévues par la Convention.  Le manque de confiance et la détérioration des relations entre les grandes puissances ne feront que contribuer à saper davantage l’ordre international établi, a-t-il dit craindre. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) est revenu sur les faits « choquants, graves et inacceptables ».  Le représentant a renouvelé le soutien « plein et entier et la totale solidarité » de la France au Royaume-Uni.  Alors que le laboratoire britannique de Porton Down a confirmé l’appartenance du gaz identifié à la famille des Novitchok, alors que le Royaume-Uni poursuit son enquête dans le plein respect de la Convention sur les armes chimiques, je tiens à redire toute la confiance de la France dans les travaux menés par les enquêteurs britanniques », a déclaré M. Delattre.

La France, a-t-il dit, se tient à la disposition du Royaume-Uni, s’il souhaite avoir recours à l’expertise française.  Je souhaiterais également saluer la décision du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) d’accéder à la demande britannique de dépêcher une mission d’assistance au Royaume-Uni.  L’enquête engagée doit être menée à son terme, en toute indépendance et sans aucune interférence.  Au vu des éléments que le Royaume-Uni a communiqués jusqu’ici, a poursuivi le représentant, « nous partageons son évaluation selon laquelle il n’y a pas d’autre explication plausible que la responsabilité de la Russie ».

La Russie prône la coopération et la France s’étonne donc du refus russe de répondre aux questions du Royaume-Uni.  Nous invitons la Russie à faire toute la lumière sur les responsabilités liées à l’inacceptable attaque de Salisbury et à déclarer à l’OIAC d’éventuels programmes qui ne l’auraient pas été, a ajouté le représentant pour qui l’interdiction des armes chimiques est au cœur du régime de non-prolifération « qui fonde notre système de sécurité collective ».  Dans ce contexte, la réémergence tous azimuts, au Moyen-Orient, en Asie, et désormais en Europe, de ces armes « barbares aux conséquences meurtrières » ne peut pas être tolérée.

La gravité des enjeux nous impose de nous engager, ensemble, pour rétablir l’interdiction absolue des armes chimiques et impose à chacun de coopérer, de se ressaisir et de s’affranchir des tentations, des jeux tactiques et politiques, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et des responsabilités d’un membre du Conseil de sécurité.  La France, a martelé le représentant, n’acceptera jamais de laisser dans l’impunité ceux qui utilisent ou développent des agents toxiques.  « Nous rappelons notre plein soutien aux institutions existantes, en particulier l’OIAC », a dit le représentant, promettant que la France restera pleinement engagée pour soutenir leur action et par tous les moyens à sa disposition.  C’est notamment l’objet du « Partenariat international contre l’impunité en cas d’utilisation d’armes chimiques » créé en janvier dernier.

M. WU HAITAO (Chine) a dit suivre de très près l’affaire de Salisbury et a rappelé que son pays avait dûment réaffirmé sa position devant le Conseil exécutif de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  Il a noté que ce dernier n’a pu parvenir à une conclusion commune et que les parties n’ont pas pu s’entendre.  Pour la Chine, toute utilisation d’arme chimique est « inacceptable » et tout auteur d’une attaque doit être poursuivi.  La Chine réclame une enquête « impartiale et objective » afin de tirer des « conclusions irréfutables ».  Elle invite les parties concernées à coopérer et à éviter les mesures qui pourraient aggraver les tensions.  Alors que la communauté internationale est confrontée à de nombreux défis, toutes les parties devraient renoncer à la mentalité des confrontations et de la guerre froide au profit d’une coopération bénéfique pour tous, a conclu le représentant. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a rappelé que son pays a une réputation internationale bien connue comme farouche opposant aux armes de destruction massive, y compris les armes chimiques et les substances toxiques.  Le Kazakhstan condamne donc de manière « catégorique » toute utilisation d’armes de destruction massive qu’il juge « immorale, inhumaine et contraire aux principes de l’humanité ».  Le représentant a condamné l’incident de Salisbury et a dit espérer des éléments « factuels » confirmant l’usage d’agents chimiques et les individus impliqués, acteurs étatiques ou pas.  Il a appelé à une enquête approfondie, objective et impartiale, conforme aux normes du droit international et menée en vertu de la Convention sur les armes chimiques. 

Le représentant a dit aussi souhaiter la normalisation des relations, le rétablissement de la confiance entre les parties, la préservation de l’intégrité de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), la poursuite des efforts communs contre les menaces à la sécurité et l’abandon de la mentalité des « prétendus blocs ».  Il a enfin souhaité que cette question soit résolue dans les normes internationales et selon l’esprit et les principes de la Déclaration d’Astana de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur « la vision d’une communauté de sécurité euro-atlantique et eurasienne ».

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a dit partager l’opinion de la délégation britannique selon laquelle il est très probable que la Russie soit responsable de l’attaque de Salisbury.  « Il n’y a pas d’autre explication plausible », a-t-il admis.  Il a noté que le Royaume-Uni coopère avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) dans le cadre de son enquête policière et agit conformément à la Convention sur les armes chimiques.  Nous appelons la Russie à répondre aux questions du Royaume-Uni, a-t-il encouragé, avant de réclamer l’établissement des responsabilités dans chaque cas d’emploi d’armes chimiques. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a rappelé que la position de son pays a été dûment présentée par les plus hautes autorités nationales dès le lendemain de l’attaque et que des mesures diplomatiques ont été prises pour confirmer la solidarité totale de la Pologne avec le Royaume-Uni.  Le représentant a vu dans l’incident de Salisbury « un autre exemple de la violation de la Convention sur les armes chimiques ».  Tout acte de ce type ne saurait rester impuni, a-t-il poursuivi, y voyant une menace à la sécurité de tous puisqu’il sape le régime international de désarmement. 

Le représentant a félicité le Gouvernement britannique pour la transparence dont il a fait preuve et de sa coopération avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  Il a dit attendre avec intérêt les résultats de l’enquête indépendante de l’OIAC.  Il a en outre rappelé que le Conseil européen a pleinement appuyé la position du Royaume-Uni sur la « probabilité élevée » de l’implication de la Russie dans l’attaque, estimant, à son tour, qu’il n’y a pas d’autre explication plausible. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) s’est inquiété des menaces pesant sur le régime de non-prolifération et a dénoncé l’attaque de Salisbury.  Il a demandé une enquête et souligné le rôle de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), en tant qu’institution « neutre ».  Il a condamné l’emploi d’armes chimiques et rappelé que le Koweït est partie à la Convention sur les armes chimiques depuis 1997.

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a rejeté de manière catégorique l’emploi d’agents chimiques comme arme, y voyant une grave menace à la paix et la sécurité internationales.  Le représentant a demandé une enquête impartiale, indépendante et « dépolitisée », dans le respect de la Convention sur les armes chimiques et a appelé à la coopération des parties concernées, « essentielle pour avancer ». 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a demandé une enquête indépendante et impartiale sur l’attaque de Salisbury.  Les conclusions de cette enquête devront être rendues publiques et les auteurs traduits en justice, a-t-il dit.  Il a appelé la Russie et le Royaume-Uni à assumer leurs responsabilités de membres permanents du Conseil et à régler leur différend de manière pacifique.  Le délégué a souhaité l’apaisement et rappelé l’opposition de son pays à la production et à l’emploi d’armes chimiques. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a apporté son soutien à la déclaration faite par la représentante du Royaume-Uni en insistant sur trois points.  En premier lieu, l’attaque de Salisbury est inacceptable et les Pays-Bas l’ont déjà condamnée fermement lors de la séance du 14 mars.  Ils sont pleinement solidaires du Royaume-Uni. 

En deuxième lieu, les Pays-Bas apportent leur plein soutien à l’enquête dirigée par le Royaume-Uni: les auteurs de ce crime odieux doivent être poursuivis en justice.  Les autorités britanniques travaillent en ce sens et ont reçu l’assistance technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), ce qui a été reconfirmé hier à l’occasion de la réunion du Conseil exécutif de l’Organisation, lors de laquelle son Directeur général a confirmé que le Royaume-Uni avait respecté les procédures prévues.  Il n’y a donc aucune raison pour que quiconque retarde, écarte, mette en cause ou tente de discréditer l’enquête en cours. 

Enfin, les Pays-Bas estiment comme le Royaume-Uni qu’il est « hautement probable » que la Fédération de Russie soit responsable de l’attaque et qu’il n’existe aucune autre explication plausible.  En conséquence, les Pays-Bas demandent à la Fédération de Russie de collaborer pleinement avec l’enquête, en fournissant à l’OIAC toutes ses informations sur le programme Novitchok.  Toute utilisation d’armes chimiques constitue une menace à la paix et la sécurité internationales que le Conseil de sécurité ne peut ignorer, a prévenu le représentant. 

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a réitéré la position de principe de sa délégation qui est celle de la condamnation de toute utilisation d’armes chimiques, quelle qu’en soit la forme, en temps de paix comme de guerre.  Le représentant a souligné qu’il était impérieux de faire toute la lumière sur l’utilisation d’agent chimique neurotoxique à Salisbury, en collaboration avec les organes compétents en la matière, notamment l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  À cet égard, le représentant a exhorté tous les États à fournir toutes les informations nécessaires à l’OIAC, en vue de situer les différentes responsabilités.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a condamné tout emploi d’armes chimiques, lequel constitue une menace à la paix internationale.  L’attaque de Salisbury doit faire l’objet d’une enquête dans le cadre de la Convention sur les armes chimiques, a-t-il dit, souhaitant que les résultats soient connus de tous. 

Reprenant la parole, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté que l’on n’ait « rien appris » aujourd’hui.  Il faut avancer sur la voie de la vérité, a-t-il conseillé, en remerciant les Pays-Bas pour avoir invité son pays à coopérer avec le Royaume-Uni.  Mais, a-t-il fait observer, la coopération ne peut fonctionner de la manière dont l’a proposée le Royaume-Uni: on nous demande, « pourquoi avez-vous fait cela? », on répond « nous ne l’avons pas fait », on nous rétorque, « non, comment l’avez-vous fait?  Fournissez-nous des preuves - et reconnaissez que c’est vous! »  Personne ici ne se rend-il compte que c’est réellement le théâtre de l’absurde? s’est impatienté le représentant qui a, en conséquence, présenté au Conseil un exemplaire d’Alice au pays des merveilles et lu le passage du jugement en citant le grand lapin blanc.  M. Nebenzia a encore noté que la représentante du Royaume-Uni a annoncé sa volonté de diffuser les conclusions de l’enquête de l’OIAC.  Il a dit attendre ces conclusions avec impatience et espérer qu’elles seraient « plus concrètes que ce qui a été entendu aujourd’hui ». 

La représentante du Royaume-Uni a confirmé que sa délégation partagerait avec les membres du Conseil toutes les informations sur l’enquête. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité demande au Gouvernement burundais de s’engager en faveur du dialogue politique et de protéger les droits de l’homme

8223e séance – après-midi
CS/13278

Le Conseil de sécurité demande au Gouvernement burundais de s’engager en faveur du dialogue politique et de protéger les droits de l’homme

« Profondément préoccupé » par la lenteur du dialogue interburundais et « l’immobilisme » du Gouvernement, le Conseil de sécurité a, dans une déclaration présidentielle adoptée cet après-midi, exhorté ce dernier à s’engager afin d’aboutir à un accord avant les élections de 2020.

Le dialogue est le seul processus viable en vue d’un règlement politique durable au Burundi, insiste le Conseil.  Il exprime par ailleurs l’espoir que les élections de 2020 seront « libres, régulières, transparentes, pacifiques et pleinement ouvertes à tous ».

Dans cette déclaration, le Conseil condamne « fermement » les violations des droits de l’homme commises dans le pays, y compris les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture et les « actes de harcèlement et d’intimidation » visant la société civile et les journalistes.

Il exhorte le Gouvernement burundais à protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, « conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales ».  Tous les responsables de violations, « y compris les membres des forces de sécurité et de partis politiques », doivent être traduits en justice, demande le Conseil. 

Par ailleurs, il exhorte le Gouvernement à renouer les liens avec les partenaires internationaux, en particulier l’ONU, « d’une manière constructive et dans un esprit de confiance mutuelle ».  Le Conseil regrette en particulier que le Gouvernement ait suspendu toute coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Le Gouvernement s’était pourtant engagé devant le Conseil des droits de l’homme à rétablir la pleine coopération mutuelle avec ledit Haut-Commissariat et à accepter la visite d’une équipe de trois experts en vue de collecter des informations sur la situation des droits de l’homme.

Le Haut-Commissariat et le Gouvernement doivent dialoguer afin de trouver « rapidement » une solution permettant au premier de reprendre pleinement ses activités, notamment de surveillance et de communication de l’information, insiste le Conseil dans sa déclaration.

Enfin, constatant la suspension de l’aide par un certain nombre de partenaires, le Conseil appelle le Gouvernement à créer des « conditions propices à la reprise de l’assistance » afin de faire face à la dégradation « persistante » de la situation humanitaire.  Le Burundi compte près de 180 000 personnes déplacées et 3,6 millions de personnes dans le besoin.

LA SITUATION AU BURUNDI

Déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité demeure profondément préoccupé par la situation politique au Burundi, la lenteur des progrès dans le dialogue interburundais engagé sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’immobilisme du Gouvernement burundais à cet égard.  Il rappelle sa déclaration S/PRST/2017/13.

Le Conseil salue et appuie l’engagement qu’ont de nouveau pris l’Union africaine et la CAE, lors du 30e Sommet de l’Union africaine et du 19e Sommet de la CAE, de trouver une solution pacifique à la situation politique au Burundi grâce à un dialogue ouvert à tous, sur la base de l’Accord d’Arusha du 28 août 2000 et de la Constitution du Burundi, et réaffirme son appui à la facilitation dirigée par l’ancien Président B. Mkapa, sous la médiation du Président Museveni.  Il demeure profondément préoccupé par la lenteur des progrès réalisés dans le cadre de ce dialogue et demande à toutes les parties prenantes burundaises de prendre part activement et sans conditions au processus.  Il est crucial que toutes les parties, et plus particulièrement le Gouvernement, s’engagent en faveur du processus mené sous les auspices de la CEA et parviennent à un accord avant les élections qui se tiendront en 2020.  Le Conseil souligne en outre que le dialogue est le seul processus viable en vue d’un règlement politique durable au Burundi.

Le Conseil souligne qu’il importe au plus haut point de respecter, dans la lettre et dans l’esprit, l’Accord d’Arusha, qui a aidé le Burundi à connaître une décennie de paix, et s’inquiète de ce que la situation qui règne au Burundi porte gravement atteinte aux progrès notables réalisés grâce à l’Accord d’Arusha, ce qui a des conséquences désastreuses au Burundi et dans la région.  Il exhorte les garants de l’Accord à s’acquitter de leurs obligations à cet égard, pour s’assurer du respect de l’Accord dans son intégralité.

Le Conseil demande à l’Organisation des Nations Unies, à l’Union africaine, à la CAE, à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et aux garants de l’Accord d’Arusha de coordonner leurs efforts pour aider les parties prenantes burundaises à régler les questions en suspens dans l’application de l’Accord d’Arusha.  Il note avec appréciation que l’Union africaine s’est dite prête à dépêcher au Burundi son Comité de haut niveau des chefs d’État.

Le Conseil réaffirme qu’il est fermement attaché à la souveraineté, à l’indépendance politique, à l’intégrité territoriale et à l’unité du Burundi.  Il souligne qu’il importe d’appliquer l’Accord d’Arusha, demande aux autorités burundaises de prendre toutes les initiatives politiques en se fondant sur un large consensus de toutes les parties prenantes, lequel requiert des conditions politiques et de sécurité qui inspirent confiance à tous les acteurs politiques et, à cet égard, appuie avec force la décision que l’Union africaine a prise à son 30e Sommet.  Il affirme que toutes ces conditions sont un préalable aux initiatives politiques prévues.

Le Conseil demande aux États de la région de contribuer à trouver une solution politique à la situation qui règne au Burundi, de s’abstenir de toute ingérence, notamment de n’appuyer les activités des mouvements armés d’aucune manière, et de respecter les obligations que leur impose le droit international, et rappelle à cet égard les engagements qu’ils ont pris dans l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région et la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Le Conseil exprime l’espoir que les élections prévues pour 2020 au Burundi seront libres, régulières, transparentes, pacifiques et pleinement ouvertes à tous, avec la participation de tous les partis politiques et une participation pleine et égale des femmes à l’ensemble du processus.  Il souligne également que pour permettre la tenue d’élections crédibles, il faudra pouvoir compter sur des améliorations considérables de la situation politique et de la situation des droits de l’homme, en particulier pour ce qui est des libertés fondamentales, notamment la liberté de la presse et la liberté des acteurs de la société civile, comme les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que sur des progrès dans la réconciliation.

Le Conseil exprime sa vive préoccupation face à la dégradation persistante de la situation humanitaire, avec près de 180 000 personnes déplacées, 3,6 millions de personnes dans le besoin et plus de 429 000 Burundais cherchant refuge dans les pays voisins, salue les pays hôtes pour leurs efforts et demande aux gouvernements de la région de s’assurer que la décision de retour est volontaire et prise en connaissance de cause et que le retour se fait dans la sécurité et dans la dignité.

Le Conseil constate qu’un certain nombre de partenaires bilatéraux et multilatéraux ont suspendu leur aide financière et technique au Gouvernement burundais, compte tenu de la situation au Burundi, et encourage les partenaires bilatéraux et multilatéraux et le Gouvernement burundais à poursuivre leur dialogue afin que le Gouvernement burundais crée des conditions propices à la reprise de l’assistance.  Il se félicite que l’aide apportée par les partenaires bilatéraux et multilatéraux améliore la situation humanitaire et demande aux État Membres de continuer d’aider à répondre aux besoins humanitaires dans le pays.

Le Conseil condamne fermement toutes les violations des droits de l’homme ou atteintes à ces droits perpétrées au Burundi, quels qu’en soient les auteurs, y compris les exécutions extrajudiciaires, les violences sexuelles, les arrestations et détentions arbitraires, y compris celles qui touchent des enfants, les disparitions forcées, les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, les actes de harcèlement et d’intimidation commis contre les organisations de la société civile et les journalistes et la restriction des libertés fondamentales, ainsi que le recours aveugle aux attaques à la grenade, particulièrement contre des civils.

Le Conseil réaffirme que c’est au Gouvernement burundais qu’il incombe au premier chef d’assurer la sécurité sur son territoire et de protéger sa population, dans le respect de l’état de droit, des droits de l’homme et du droit international humanitaire, selon qu’il convient.  Il exhorte le Gouvernement burundais à respecter, protéger et garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales, à adhérer à l’état de droit, à traduire en justice et à faire répondre de leurs actes tous les responsables de violations du droit international humanitaire ou de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits, selon qu’il convient, notamment les violences sexuelles et toutes les violations et atteintes commises contre des enfants, y compris les membres des forces de sécurité et de partis politiques.

Le Conseil note les mesures prises par le Gouvernement burundais pour lever les interdictions visant certaines organisations de la société civile, annuler des mandats d’arrêt et libérer un certain nombre de détenus comme suite à la grâce présidentielle du 31 décembre 2017.  Il exhorte le Gouvernement burundais à prendre d’autres mesures pour protéger et garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales pour tous, et assurer leur respect, conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales.

Le Conseil regrette à nouveau que le Gouvernement burundais ait suspendu toute coopération et toute collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, présent dans le pays depuis 1995 pour renforcer les institutions qui œuvrent en faveur de l’état de droit au Burundi, et demande au Haut-Commissariat et au Gouvernement de dialoguer afin de trouver rapidement une solution permettant au Haut-Commissariat de reprendre pleinement ses activités, notamment de surveillance et de communication de l’information, et de s’acquitter de son mandat.  Il rappelle que le Gouvernement burundais s’est engagé à la 36e session du Conseil des droits de l’homme à rétablir la pleine coopération mutuelle avec le Conseil des droits de l’homme et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, notamment la pleine coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat à Bujumbura, et à accepter la visite d’une équipe de trois experts du Haut-Commissariat chargée de collecter des informations sur la situation des droits de l’homme au Burundi.  Il note que les échanges à propos des révisions à apporter au projet de mémorandum d’accord entre la République du Burundi et l’Organisation des Nations Unies concernant l’actualisation du mandat du Bureau du Haut-Commissariat au Burundi se poursuivent depuis plus d’un an et exhorte le Gouvernement burundais à finaliser l’accord avec le Haut-Commissariat sans plus tarder.

Le Conseil se déclare de nouveau préoccupé par les retards importants pris dans le déploiement des observateurs des droits de l’homme et des experts militaires de l’Union africaine.  Il appuie la demande de l’Union africaine tendant à ce que le mémorandum d’accord concernant les activités de ses observateurs des droits de l’homme et experts militaires soit rapidement signé, ce qui leur permettra de mener pleinement dans le pays les tâches prévues dans leur mandat.

Le Conseil salue la contribution des soldats de la paix burundais servant dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et celles dirigées par l’Union africaine, et souligne à nouveau qu’il importe de respecter les normes de l’Organisation des Nations Unies.

Le Conseil exhorte le Gouvernement burundais à renouer les liens avec les partenaires internationaux, en particulier l’Organisation des Nations Unies, d’une manière constructive et dans un esprit de confiance mutuelle.  Il renouvelle son plein appui au Secrétaire général et à son Envoyé spécial dans les efforts qu’ils déploient pour engager le dialogue et collaborer avec le Gouvernement burundais pour aider à sortir de l’impasse politique actuelle et favoriser un processus de réconciliation ouvert à tous.  Il prie par ailleurs le Secrétaire général et le Gouvernement burundais de parachever et d’appliquer l’Accord sur le statut de la mission pour le Bureau de l’Envoyé spécial, de façon à œuvrer avec le Gouvernement burundais et les autres parties prenantes concernées en faveur du dialogue interburundais tenu sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est dans les domaines de la sécurité et de l’état de droit, à dialoguer avec toutes les parties prenantes à la crise et à œuvrer avec toutes les parties burundaises à l’élaboration de mesures de confiance, en vue d’améliorer la situation des droits de l’homme et les conditions de sécurité et d’instaurer un climat propice au dialogue politique.  Il se félicite de la participation active de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, qui sert de plateforme viable pour le dialogue entre le Burundi et ses partenaires, en suivant une approche globale pour régler la situation politique et socioéconomique.

Le Conseil est déterminé à continuer de suivre de près la situation au Burundi.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale suit les recommandations de sa Commission budgétaire et bloque, à son tour, l’accès de la première classe au personnel de l’ONU

Soixante-douzième session,
81e séance plénière – après-midi
AG/12007

L’Assemblée générale suit les recommandations de sa Commission budgétaire et bloque, à son tour, l’accès de la première classe au personnel de l’ONU

L’Assemblée générale a adopté, aujourd’hui, sans vote, les sept projets de résolution soumis par sa Cinquième Commission* chargée des questions administratives et budgétaires et confirmé la décision « de ne plus autoriser les fonctionnaires des Nations Unies à voyager en première classe.  L’Assemblée a aussi confirmé la tenue, au mois de septembre, de la réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose.

À partir d’aujourd’hui pour le personnel de l’ONU, l’accès de la première classe** est bloqué et le Secrétaire général est prié d’inciter les fonctionnaires à voyager à titre volontaire en classe économie et premium économie plutôt qu’en classe affaires chaque fois que possible.  Il doit aussi présenter des recommandations sur l’application du « seuil unique » qui permettrait de déterminer quand les fonctionnaires de rang inférieur à celui de sous-Secrétaire général sont autorisés à voyager en classes affaires. 

Pour ceux qui n’ont pas le statut de fonctionnaire mais sont autorisés à voyager en première classe, l’Assemblée les invite à opter à titre volontaire pour la classe immédiatement inférieure, à l’exception des pays les moins avancés (PMA) et des membres des organes et organes subsidiaires, comités, conseils et commissions de l’ONU.

Informée par sa Cinquième Commission que l’organisation de la réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose***, le deuxième jour du débat général de sa prochaine session, coûtera la somme de 59 700 dollars, l’Assemblée a confirmé la réunion, étant entendu que les frais seront ponctionnés sur les budgets des Départements des affaires de l’Assemblée générale et des services de conférence (DAAGSC) et de l’information (DPI).

L'Assemblée a souscrit aux conclusions du Comité consultatif sur les questions administratives et budgétaires (CCQAB) sur la construction d’un nouveau bâtiment pour la division d’Arusha**** du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.  L’Assemblée avait fixé un budget total de 8 787 733 dollars, dont 7 737 362 dollars pour l’exécution du projet et 1 050 371 dollars pour les imprévus.  Le CCQAB lui conseille de demander au Secrétaire général de lui présenter un rapport sur le budget final*****; les coûts directs et indirects liés aux malfaçons et aux retards; et la somme finale imputée sur la réserve pour imprévus.

En revanche, l’Assemblée générale a reporté à la deuxième partie de sa reprise de session sa décision sur le taux de remboursement aux pays fournisseurs de contingents et de personnel de police.  Pour l’utilisation du fonds de réserve******, c’est carrément à la session prochaine que l’Assemblée générale a reporté sa décision.  Quant au projet de restructuration******* de la présence régionale du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la décision est reportée à 2019.

Enfin, l’Assemblée se félicite que le Corps commun d’inspection (CCI), le Comité des commissaires aux comptes (CCC) et le Bureau des services de contrôle interne du Secrétariat (BSCI) coordonnent leurs activités******** et les engage à continuer de mettre en commun leurs données d’expérience, leurs connaissances, leurs pratiques de référence et les enseignements qu’ils tirent de leur expérience avec les autres organes d’audit et de contrôle des Nations Unies, ainsi qu’avec le Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit, en vue d’éviter les chevauchements d’activités et les doubles emplois et de renforcer les effets de synergie, la coopération, l’efficacité et l’efficience, sans préjudice des mandats respectifs des organes d’audit et de contrôle.

L’Assemblée engage les chefs de secrétariat des organisations à suivre les recommandations du CCCI et à examiner les éventuelles possibilités d’améliorer la coordination de leurs activités.  Les organes délibérants de ces organisations doivent aussi examiner à fond les recommandations du CCI les concernant, à en débattre et à y donner sans tarder une suite concrète.

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

*Voir communiqué de presse AG/AB/4275

**A/72/681/Add.1

*** A/72/811

****A/C.5/72/L.25

***** A/72/669/Add.1

******A/72/682/Add.1

*******A/72/681/Add.1

********A/72/810

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Appels à l’unité du Conseil de sécurité pour créer un nouveau mécanisme d’établissement des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie

CS/13276

Appels à l’unité du Conseil de sécurité pour créer un nouveau mécanisme d’établissement des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie

Un an, jour pour jour, après l’attaque au gaz sarin perpétrée à Khan Cheikhoun, dont la responsabilité a été imputée au Gouvernement syrien par le Mécanisme d’enquête conjoint de l’ONU et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’Adjoint de la Haute Représentante aux affaires de désarmement, M. Thomas Markram, a exhorté, ce matin, le Conseil de sécurité à s’unir pour créer une nouvelle structure d’établissement des responsabilités.  Le 16 novembre dernier, le Conseil n’était pas parvenu à renouveler le mandat du Mécanisme.

Comme un projet de résolution des États-Unis est sur la table, le délégué de la Fédération de Russie a accusé les pays occidentaux de vouloir créer une nouvelle structure présentant les mêmes défauts que le Mécanisme d’enquête conjoint, dont le travail, selon lui, ne pouvait pas être pris « au sérieux ».

Le représentant russe a parlé après que l’Adjoint de la Haute Représentante aux affaires de désarmement a fait le point sur la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) relative à l’élimination du programme d’armes chimiques de la Syrie*.  M. Thomas Markram a tout d’abord mentionné les efforts syriens pour détruire les deux usines restantes d’armes chimiques.  Leur destruction, que l’OIAC vérifiera, doit s’achever dans un délai de deux ou trois mois, a-t-il annoncé.

M. Markram a néanmoins déclaré que la déclaration initiale que la Syrie a faite ne peut être considérée comme « exacte et complète ».  L’Adjoint de la Haute Représentante a indiqué que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC, dont une équipe séjourne actuellement à Damas, remettra son prochain rapport dès qu’elle aura recueilli suffisamment d’informations sur les allégations d’emploi d’armes chimiques.  Cette Mission n’est néanmoins pas en mesure d’identifier les responsables, puisque cette tâche incombait au Mécanisme d’enquête conjoint, a-t-il rappelé.

M. Markram a en effet déploré le « ralentissement apparent » des efforts –voire leur arrêt complet– pour établir les responsabilités, alors que les allégations d’emploi d’armes chimiques en Syrie n’ont pas cessé.  Il a exhorté le Conseil à s’unir, comme il avait su le faire en adoptant la résolution 2118 (2013), pour créer un mécanisme adéquat.  « Il ne saurait y avoir d’impunité », a conclu l’Adjoint.

Cet appel a été relayé par la plupart des délégations, le représentant de l’Éthiopie exhortant le Conseil à remédier au « vide institutionnel » actuel.  Accusant le Conseil de perdre de vue l’aspect humain des attaques chimiques, la déléguée des États-Unis a rendu un hommage appuyé à l’action d’un médecin syrien, le docteur Mourad qui s’est levé à l’énonciation de son nom.  Du fait de l’inaction du Conseil, le régime syrien, « avec l’appui d’un membre permanent du Conseil de sécurité », utilise ces armes « pratiquement une fois toutes les deux semaines », a dénoncé la représentante américaine.

Son homologue des Pays-Bas, qui a vanté le « travail méticuleux » du Mécanisme d’enquête conjoint, a demandé un nouveau mécanisme qui déciderait, de manière indépendante, de la façon dont il veut mener ses enquêtes et opérerait « indépendamment » du Conseil, y compris pour l’établissement des responsabilités.  « Le Conseil devrait s’unir autour du projet de résolution des États-Unis », a-t-il déclaré, appuyé par le représentant du Koweït.

Rappelant que son pays n’avait pas pu soutenir le renouvellement du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint, en raison du caractère « fallacieux » de ses enquêtes, le délégué de la Fédération de Russie a affirmé qu’il n’était pas opposé à la création d’une structure indépendante.  Il a attiré l’attention sur son propre projet de résolution et précisé que toute nouvelle structure devrait rassembler des experts compétents, issus de toutes les régions du monde et que sa direction serait assumée par les cinq membres permanents du Conseil, qui prendraient leur décision par consensus.  Sur la base d’une enquête rigoureuse, le Conseil déciderait alors de l’établissement des responsabilités.  Malheureusement, a déploré le représentant, « mes collègues occidentaux veulent un mécanisme à leur convenance ».

Le délégué de la Syrie, qui a assuré que son pays s’est dûment acquitté de ses engagements en vertu de la résolution 2118 (2013), a dénoncé « l’art de la désinformation et de la tromperie » des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France qui ont mis en scène, la « pièce de Khan Cheikhoun » pour ternir la réputation du Gouvernement syrien.

Les délégations des trois pays incriminés sont revenues sur l’attaque commise à Salisbury, au Royaume-Uni, le 4 mars 2018, avec un « gaz russe », a confirmé la représentante britannique.  Son homologue de la Fédération de Russie a demandé la convocation demain à 15 heures d’une séance publique du Conseil de sécurité sur ce sujet.

*S/2018/823

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

 

Lettre du 28 mars 2018, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2018/283)

 

Déclarations

M. THOMAS MARKRAM, Directeur et Adjoint de la Haute Représentante aux affaires de désarmement, a fait le point sur la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) relative à l’élimination du programme d’armes chimiques de la Syrie, alors qu’il y a un an, jour pour jour, de telles armes, en l’occurrence du gaz sarin, étaient utilisées à Khan Cheikhoun.  Le Secrétaire général avait alors parlé d’atrocités, a rappelé M. Markram.  Le Directeur a mentionné les efforts de la Syrie pour détruire les deux installations restantes de fabrication d’armes chimiques.  Leur destruction que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) vérifiera, doit s’achever dans un délai de deux ou trois mois à compter de son début.  Le Directeur a ajouté que la destruction effective de ces deux installations est un pas essentiel dans la pleine mise en œuvre de la résolution 2118.

M. Markram a souligné que les discussions entre l’OIAC et la Syrie n’ont pas permis de régler toutes les questions en suspens.  « L’OIAC n’est toujours pas en mesure d’affirmer que la Syrie a fait une déclaration qui peut être considérée comme exacte et complète », a-t-il dit, en rappelant que le Secrétaire général a demandé une coopération accrue de la part de la Syrie.  Il a ensuite précisé que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC continue son travail, une équipe séjournant actuellement à Damas pour faire la lumière sur les allégations d’emploi d’armes chimiques portées à l’attention du Directeur général de l’OIAC par le Gouvernement syrien.  Le prochain rapport de la Mission sera soumis dès lors que suffisamment d’informations auront été collectées pour aboutir à une conclusion tangible.

Le Directeur a rappelé que les conclusions de la Mission ne détermineront pas les responsables car c’est une tâche qui incombait au Mécanisme d’enquête conjoint ONU-OIAC dont le mandat n’a malheureusement pas été renouvelé.  M. Markram a ainsi déploré le ralentissement apparent des efforts –voire leur arrêt complet– pour établir les responsabilités, alors que les allégations d’emploi d’armes chimiques n’ont pas cessé.

La persistance des allégations souligne la nécessité de parvenir à un accord sur un mécanisme adéquat d’établissement des responsabilités, a-t-il insisté, ajoutant que les responsables doivent être traduits en justice.  Il ne saurait y avoir d’impunité, a martelé M. Markram, pour qui, l’unité du Conseil, telle qu’on l’a vue lors de l’adoption de la résolution 2118 (2013), est un gage de succès. 

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a constaté que parfois le Conseil de sécurité perd de vue l’aspect humain des attaques chimiques.  Elle a donc raconté deux histoires, celle d’un militaire américains gazé en France en 1917, et celle d’un médecin syrien, le docteur Mourad, un siècle plus tard à Khan Cheikhoun, lors d’une attaque chimique qui a fait près de 100 morts et 500 blessés.  Après la toute première utilisation d’armes chimiques, pendant la Première Guerre mondiale, les États ont décidé de bannir ces armes, de manière absolue.  On pouvait donc espérer, s’est désolée la représentante, que ces armes ne seraient plus mentionnées que dans les livres d’histoire et les musées.

Mais, le « régime d’Assad » est arrivé et le monde a découvert avec horreur, en 2013, l’emploi d’armes chimiques contre une population, la propre population du « régime d’Assad ».  La représentante a fait l’historique des réactions de la communauté internationale et des mesures prises depuis lors, pour constater que, malgré les espoirs, le régime syrien poursuit ses agissements « avec l’appui d’un membre permanent du Conseil de sécurité », qui a fait voler en éclat le consensus et, avec lui, le Mécanisme d'enquête conjoint OIAC-ONU.  

Il y a quelques années encore, une seule attaque aux armes chimiques nous aurait fait réagir, a souligné Mme Haley.  Mais aujourd’hui, du fait de l’inaction du Conseil de sécurité et de la communauté internationale, « un régime utilise ces armes pratiquement une fois toutes les deux semaines » et il fait des émules.  Mme Haley a cité l’attaque de Salisbury, au Royaume-Uni, mais aussi l’utilisation d’armes chimiques en Malaisie.  Elle a dit voir le spectre d’un retour en arrière « vers un monde que nous pensions avoir quitté, un monde dans lequel un gaz sans odeur, sans couleur, peut s’insinuer jusque dans nos maisons et nous étouffer.  Si nous n’agissons pas et si nous ne changeons pas de cap, « voici le monde qui sera bientôt le nôtre », a averti Mme Haley.

Elle a rappelé que l’Assemblée générale avait elle aussi adopté une résolution sur la création du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables.  Les États-Unis, a-t-elle poursuivi, appuient en outre l’initiative de la France de créer le Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques.  Mme Haley a rendu un hommage appuyé à l’action du docteur Mourad, présent dans la salle, affirmant qu’il doit être « une source d’inspiration » pour le Conseil.  Le docteur Mourad ne renonce jamais, ne s’arrête jamais, a affirmé Mme Haley, qui a exhorté le Conseil à ne pas s’arrêter lui non plus de lutter pour l’éradication des armes chimiques. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a rappelé que l’OIAC n’est toujours pas en mesure d’affirmer que la Syrie a fait une déclaration qui peut être considérée comme exacte et complète.  Il a en conséquence exhorté la Syrie à coopérer avec l’OIAC, avant de rappeler l’attaque atroce commise à Khan Cheikhoun le 4 avril 2017 par le « régime d’Assad ».  Il a aussi rappelé que le rapport du Mécanisme d’enquête conjoint avait déjà pointé le doigt sur la responsabilité de Daech dans les attaques au gaz moutarde commises à Oum Housh, les 15 et 16 septembre 2016.  « L’emploi d’armes chimiques ne doit pas rester impuni », a tonné le représentant qui a déploré, une nouvelle fois, que le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint n’ait pas été renouvelé à cause « des calculs politiques ».  Comme « ça ne peut être la fin de l’histoire », le représentant a appelé à l’action sur la base des conclusions du Mécanisme d’enquête conjoint et de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC.  Le renvoi de la situation en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI) est le moyen le plus adéquat pour rendre justice, a-t-il martelé.

Le représentant a demandé la création d’un mécanisme qui pourrait poursuivre le « travail méticuleux » du Mécanisme d’enquête conjoint, un mécanisme qui déciderait, de manière indépendante, de la façon dont il veut mener ses enquêtes, identifierait les responsables parmi toutes les parties au conflit et opérerait indépendamment du Conseil, y compris pour l’établissement des responsabilités.  Le représentant a donc a exhorté le Conseil à s’unir autour du projet de résolution des États-Unis.

Nous devons envisager tous les instruments en dehors de ce Conseil pour promouvoir l’établissement des responsabilités dans l’emploi des armes chimiques, a ajouté le représentant dont le pays est prêt à jouer un rôle de chef de file.  Il a apporté son soutien au « Partenariat international contre l’impunité en cas d'utilisation d’armes chimiques » car s’agissant de ces armes, le Conseil ne peut s’arrêter au milieu du gué.  « L’impunité ne saurait gagner. »

Mme Karen PIERCE (Royaume-Uni) a salué la présence du docteur Mourad aujourd’hui, avant de rappeler que l’on a déjà conclu à la responsabilité du « régime d’Assad » dans l’attaque de Khan Cheikoun.  Malgré les promesses que la Syrie et la Russie ont faites en 2013, de nombreux autres emplois d’armes chimiques ont eu lieu.  La représentante a donc douté de la destruction effective des armes chimiques par la Syrie, estimant que ce pays n’avait pas déclaré toutes ses armes.  Elle a relevé des lacunes et des incohérences dans les déclarations syriennes, prévenant qu’on ne saurait tolérer l’impunité.  La représentant a rappelé que c’est la Russie qui, en novembre dernier, avait empêché le renouvèlement du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.  Ce n’est pas seulement en Syrie que la Russie fait preuve d’un tel dédain, a accusé Mme Pierce, qui est revenue sur l’attaque de Salisbury commise avec un « gaz russe ».  Nous ne pouvons nous permettre d’échouer dans la lutte contre les armes chimiques, que ce soit en Syrie, au Royaume-Uni ou dans n’importe quel endroit dans le monde, a-t-elle conclu.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) s’est réjoui que durant la période considérée, des progrès aient été enregistrés dans la destruction des deux usines de production d’armes chimiques restantes.  Le représentant a appelé l’OIAC, le Gouvernement syrien et le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) à intensifier leurs efforts aussi longtemps que les circonstances resteront favorables.  Le représentant s’est dit préoccupé par le fait que les questions en suspens n’aient pu être clarifiées, s’agissant de la déclaration initiale de la République arabe syrienne.  Il a exhorté le Gouvernement syrien et l’OIAC à coopérer plus étroitement et à multiplier les interactions afin de corriger les lacunes et les incohérences et les contradictions.  Ils pourraient demander au Conseil, a suggéré le représentant, des propositions pratiques sur la manière d’intensifier leur coopération.  Ils devraient montrer les obstacles concrets qui les empêchent d’obtenir des résultats. 

Le représentant a souligné que le Conseil n’a pas encore rétabli son « potentiel d’investigation ».  Il a espéré que les deux porte-plumes n’épargneront aucun effort pour trouver un terrain commun et avancer.  Le facteur le plus perturbant, a poursuivi le représentant, est la poursuite des allégations sur l’emploi d’armes chimiques.  Il faut des mesures proactives qui établissent clairement que l’emploi de ces armes compromet tous les efforts internationaux visant à trouver une solution globale à la crise politique et militaire en Syrie, a-t-il dit.  En l’occurrence, les actions militaires unilatérales, qui iraient au-delà des décisions légitimes du Conseil, « ne sont pas une option », a martelé le représentant.  Il est « extrêmement » important et nécessaire de surmonter les divergences au sein du Conseil et tout aussi vital de lever tous les obstacles à la conduite d’une enquête impartiale et indépendante pour identifier ceux qui utilisent des armes chimiques en Syrie. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé, à son tour, que la réunion d’aujourd’hui coïncide, jour pour jour, avec l’attaque survenue à Khan Cheikhoun, au cours de laquelle au moins 80 personnes ont perdu la vie.  Un an plus tard, le déchaînement de violence se poursuit en Syrie et le régime syrien n’a pas cessé de recourir à des armes chimiques, a accusé le représentant.  La responsabilité du régime syrien a été établie publiquement et sans ambiguïté.  Aucune tentative pour discréditer et faire oublier les conclusions des mécanismes créés pour établir les responsabilités, ne pourra changer cette réalité: le travail du Mécanisme d'enquête conjoint OIAC-ONU ne sera pas oublié.

À ceux qui s’emploient à réfuter la responsabilité du régime syrien, je rappelle, a poursuivi M. Delattre, qu’il n’est pas possible à ce jour de confirmer que la Syrie a déclaré l’intégralité de ses stocks et capacités en 2013.  L’utilisation continue d’armes chimiques en Syrie est une indication incontestable que des stocks de sarin, de chlore existent.  Devant ces éléments, soit la Syrie a menti au moment de souscrire à ses obligations, soit elle a poursuivi un programme clandestin, en violation de ses obligations.  On ne peut donc ici que renouveler notre appel au régime syrien à répondre à toutes les interrogations restées sans explications et qui sont nombreuses.

Le représentant a ajouté que l’impunité de ceux qui ont contribué à la réémergence de ces armes brise le tabou de leur utilisation et contribue à leur prolifération.  L’emploi sur le territoire britannique d’un agent neurotoxique de qualité militaire, il y a tout juste un mois, confirme toute la justesse de nos inquiétudes.  Dans ce contexte, l’impunité ne peut devenir la règle, en Syrie comme ailleurs.  Il ne peut y avoir d’impunité pour les responsables de l’utilisation d’armes chimiques contre les civils.  Ils auront à répondre de leurs actes. 

La question de l’établissement des responsabilités ne peut donc être éludée.  D’ores et déjà des preuves sont collectées en particulier par le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie, créé par l'Assemblée générale.  Ces preuves sont conservées et utilisées pour servir dans le cadre de procédures judiciaires nationales voire internationales car il n’y aura pas de paix durable en Syrie sans justice pour les victimes syriennes.  La justice devra être une dimension à part entière de toute solution politique, conformément à la résolution 2254 (2015) et au Communiqué de Genève.  « Je le redis aujourd’hui: alors que les pays du processus d’Astana se réunissent en Turquie, Genève est la seule enceinte permettant d’obtenir une solution durable au conflit », a martelé le représentant français.

Les risques d’érosion du régime de non-prolifération sont majeurs si nous laissons prévaloir l’impunité.  C’est pour cela que la France a lancé en janvier dernier un partenariat ouvert et pragmatique en ce sens: non pas pour rentrer dans des enjeux tactiques que l’on pourrait vouloir nous imputer mais parce que la conviction de la France, c’est que l’immensité des enjeux nous oblige à surmonter les blocages et à agir, et non à abdiquer nos responsabilités.

Au-delà des différences politiques contingentes, il est des règles fondamentales qui ne peuvent être transgressées.  Il n’y a donc de place ni pour le constat d’impuissance, ni pour le fatalisme, ni pour l’instrumentalisation politique.  Il en va de notre crédibilité future et de notre capacité à préserver les futures générations face aux risques d’érosion du régime de prolifération et de notre système de sécurité.  

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé que depuis l’incident de Kahn Cheikhoun, son pays demande qu’une enquête internationale soit immédiatement menée, de manière indépendante et neutre.  Le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU a pu arriver à des conclusions sur l’identité des responsables de cet incident douloureux et d'autres incidents.  Toutefois, le Conseil de sécurité a été incapable de faire rendre des comptes à quiconque, de sorte que la justice que nous espérions a disparu, du fait de la division du Conseil qui a conduit à l’arrêt du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint.  Le Koweït appuie pleinement les travaux des Nations Unies, de l’OIAC et de sa Mission d’établissement des faits.  Le représentant a appelé la Syrie à coopérer avec l’OIAC pour corriger les contradictions sur son programme d’armes chimiques.  Nous ne pouvons, a-t-il prévenu, accepter la situation actuelle, à savoir l’utilisation continue des armes chimiques, plus de quatre ans après l’adoption de la résolution 2118 (2013). 

Plus d’une fois, a rappelé le représentant, le Koweït a exprimé son plein appui à des mécanismes d’établissement des responsabilités qui remporteraient l’adhésion de tous les membres du Conseil, de manière à assurer l’indépendance, la neutralité et le professionnalisme et dont le mandat serait exclusivement de dire qui est responsable de l’utilisation des armes chimiques en Syrie.  Le Conseil pourrait alors faire rendre des comptes aux responsables, conformément au principe zéro impunité consacré dans la résolution 2118.  Je crois, a estimé le représentant, que ces éléments sont présents dans le projet de résolution des États-Unis.  Il a donc appelé tous les membres du Conseil à considérer ce texte comme une bonne base de négociations sur un mécanisme futur.  Il n’a pas manqué de saluer les efforts de l’Assemblée et le Mécanisme international qu’elle a créé.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a déploré la poursuite de l’emploi d’armes chimiques en Syrie un an après l’attaque odieuse de Khan Cheikhoun.  Les responsables doivent être traduits en justice sur la foi d’éléments de preuve solides, a-t-il déclaré, avant de plaider pour une « réponse unifiée » du Conseil.  Sans cette unité, les dommages infligés au régime de non-prolifération pourraient être irréversibles, a prévenu M. Alemu.  Il a salué les préparatifs en vue de la destruction des deux usines restantes d’armes chimiques en Syrie et espéré qu’elles seront bel et bien détruites.  Le délégué a jugé crucial que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC puisse continuer son travail mais le Conseil doit répondre au vide institutionnel actuel en créant un mécanisme d’enquête « indépendant, impartial et professionnel » qui identifierait les responsables publics comme non étatiques, a conclu M. Alemu, en appelant à la « restauration de l’unité du Conseil ».

M. WU HAITAO (Chine) a dit avoir toujours condamné les attaques contre les civils et rappelé l’opposition de son pays à l’utilisation d’armes chimiques quelles que soient les circonstances.  La Chine appuie toute enquête impartiale pour que les responsables rendent des comptes à la justice.  Elle juge indispensable la mise en place d’un nouveau mécanisme d’enquête indépendant et voyant que tous les membres du Conseil sont d’accord sur ce point, elle rappelle les propositions faites par la Fédération de Russie.  La Chine, a poursuivi le représentant, se félicite des progrès réalisés pour détruire les deux usines restantes de produits chimiques en Syrie et souhaité que le Gouvernement syrien continue de coopérer avec l’OIAC pour régler toutes les questions en suspens.  Seul un règlement politique pourra mettre fin au conflit syrien, a conclu le représentant, qui a souhaité la reprise le plus vite possible des pourparlers de Genève, tout en saluant la tenue d’un sommet dans le cadre du processus d’Astana.

M. JUAN MARCELO ZAMBRANA TORRELIO (Bolivie) a salué les efforts du Gouvernement syrien pour détruire les deux usines restantes d’armes chimiques, tout en l’exhortant à renforcer sa coopération avec l’OIAC.  Le délégué s’est dit vivement préoccupé par les allégations d’emploi d’armes chimiques, un tel emploi étant « injustifiable et criminel » en toutes circonstances.  Il a apporté son appui à la Mission d’établissement des faits de l’OIAC, avant de demander la création d’un nouveau mécanisme permettant d’identifier les responsables de l’emploi d’armes chimiques.  Si nous prétendons créer un nouveau mécanisme, il est crucial de ne pas politiser ce Conseil, a déclaré le délégué.  Le Conseil doit montrer son unité à la communauté internationale.  Le représentant de la Bolivie a rejeté, une nouvelle fois, toutes les sanctions unilatérales.

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a condamné l’utilisation continue d’armes chimiques en Syrie dont les auteurs doivent être tenus pour responsables.  Nous ne pouvons pas accepter l’impunité.  Concernant la mise en œuvre de la résolution 2118 (2013), le représentant s’est dit profondément préoccupé que l’OIAC soit toujours incapable de confirmer le caractère exact et complet de la déclaration initiale de la Syrie sur son programme d’armes chimiques.  Il y a encore un certain nombre de questions graves en suspens, a relevé le représentant, affirmant que le Directeur général de l’OIAC a dit, le mois dernier, que le nombre de ces questions est passé de 5 à 22 dont plusieurs concernent le Centre d’études et de recherches scientifiques syrien.  Le représentant a de nouveau appelé les autorités syriennes à coopérer pleinement et proactivement avec l’OIAC.  Tous les documents requis doivent être soumis sans délai.

M. Orrenius Skau a regretté que le Conseil n’ait pas réussi à se mettre d'accord sur la prorogation du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, en novembre dernier.  Un mécanisme de contrôle est essentiel pour protéger le régime international de désarmement et de non-prolifération et garantir la redevabilité en Syrie.  La Suède, a dit le représentant, appuie tous les efforts internationaux visant à combattre l’utilisation et la prolifération des armes chimiques par des États ou des acteurs non étatiques, partout dans le monde.  Nous assumerons nos responsabilités de mettre fin à l’impunité, a promis le représentant, expliquant que c’est la raison pour laquelle son pays a adhéré au Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, une initiative de la France visant à compléter et soutenir le travail des forums et mécanismes multilatéraux existants. La Suède continuera aussi de soutenir la Commission d’enquête internationale du Conseil des droits de l’homme et de travailler à la création d’un nouveau mécanisme indépendant et impartial sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a pris note de la destruction de toutes les armes chimiques syriennes envoyées en dehors du territoire syrien par les États parties à l’OIAC, ainsi que de 25 des 27 unités de production d’armes chimiques déclarées par la République arabe syrienne.  Il a également salué les efforts des parties concernées qui ont conduit à l’amendement apporté à Beyrouth à l’Accord tripartite en vue de la destruction des unités de production restantes et s’est félicité de la soumission régulière par la Syrie de ses rapports mensuels au Comité exécutif de l’OIAC.

Toutefois, le représentant a noté la persistance de défis majeurs et donc demandé à la Syrie d’apporter « une réponse adéquate aux questions en souffrance » sur la destruction des unités de production restantes, sa déclaration initiale sur son arsenal chimique et les activités du Centre d’études et de recherches scientifiques.  Pour la Côte d’Ivoire, toute utilisation d’armes chimiques constitue une violation de la Convention sur les armes chimiques et de la « norme internationale durement gagnée qui interdit ces armes ».  Le représentant a en outre rappelé que son pays avait signé, le 23 janvier dernier à Paris, la Déclaration de principe sur le Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques.  Il a, en conclusion, a appelé le Conseil de sécurité à retrouver son unité d’action pour mettre en place un mécanisme consensuel chargé de situer les responsabilités dans l’utilisation des armes chimiques en Syrie et à mettre définitivement fin à leur usage dans ce conflit.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) s’est félicité des efforts de la Mission d’établissement des faits et a exprimé sa très vive préoccupation face à l’incapacité de l’OIAC de confirmer que la déclaration initiale présentée par la Syrie, il a y quatre ans, est exacte et complète.  Il a invité la Syrie à coopérer pour expliquer ces « lacunes et incohérences ».  Le représentant a rappelé que le Mécanisme d'enquête conjoint avait jugé suffisantes les preuves de la responsabilité des autorités syriennes dans l’attaque de Khan Cheikhoun.  Or, il n’y a eu aucune poursuite judiciaire et l’utilisation d’armes chimique est devenue « presque quotidienne » dans ce conflit.  Le représentant a donc engagé les parties concernées à négocier un mécanisme d’enquête impartial et professionnel pour remplacer le défunt Mécanisme d'enquête conjoint OIAC-ONU.  Il a estimé, à cet égard, que le projet de résolution des États-Unis est un bon point de départ. Il s’est à son tour indigné de l’utilisation inédite, il y a un mois à Salisbury, au Royaume-Uni, d’un agent chimique.  « Les responsables doivent être identifiés et punis », a martelé le représentant. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a invité le Conseil à briser un « tabou ».  L’emploi d’armes chimiques en Syrie est bel et bien une atteinte à la paix et à la sécurité internationales.  Il a indiqué qu’un accord politique inclusif en Syrie est la seule manière de mettre un terme au recours aux armes chimiques.  Le délégué a exhorté le Conseil à se mettre d’accord sur un nouveau mécanisme d’établissement des responsabilités « impartial et professionnel ».  Il a invité les membres du Conseil à réfléchir à l’Article 26 de la Charte des Nations Unies qui stipule « afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé d'élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l’Organisation en vue d'établir un système de réglementation des armements ».  Le délégué a condamné, une nouvelle fois, l’attaque de Khan Cheikhoun, perpétrée il y a un an.

M.  VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a condamné, une nouvelle fois, l’attaque de Khan Cheikhoun.  Un an s’est écoulé mais les circonstances de cet incident n’ont toujours pas été tirées au clair, a-t-il estimé.  Il a répété que le travail du Mécanisme d’enquête conjoint ne pouvait pas être pris au sérieux d’un point de vue professionnel, ce Mécanisme s’étant ingénié, s’est-il expliqué, à prouver une conclusion qui avait été arrêtée en amont, à savoir la culpabilité de Damas.  Dénonçant la mauvaise foi du Président du Mécanisme, le représentant a affirmé que les experts ne s’étaient même pas rendus sur les lieux de l’incident, basant leurs résultats « fallacieux » sur les informations transmises par des « groupes douteux tels que les Casques blancs ».  La Fédération de Russie n’a donc pas pu soutenir le renouvellement du mandat du Mécanisme.  Mais, a assuré le représentant, mon pays n’est pas opposé à la création d’une structure indépendante sur laquelle il a même fait circuler un projet de résolution.  Toute nouvelle structure, a précisé le représentant, doit regrouper des experts compétents, toutes les régions du monde.  C’est sur la base d’une enquête rigoureuse de la nouvelle structure que le Conseil pourrait alors décider de l’établissement des responsabilités, en coopération avec les comités des sanctions pertinents.  La direction de cette nouvelle structure, a encore précisé le représentant, serait assumée par les représentants des cinq membres permanents du Conseil qui prendraient leur décision par consensus.

Malheureusement, « mes collègues occidentaux » veulent un mécanisme à leur convenance, avec les mêmes défauts que l’ancien Mécanisme, a déploré M. Nebenzia.  Il a accusé la France et ses alliés de saper, avec leur récente initiative, la crédibilité de l’OIAC et du régime de non-prolifération.  Il a dénoncé l’attaque perpétrée par les États-Unis le 7 avril 2017, soit trois jours après l’incident de Khan Cheikhoun, contre une base aérienne syrienne.  Ce ne sont pas des enquêtes impartiales que ces capitales souhaitent mais la destruction pure et simple du Gouvernement syrien, a asséné le représentant en révélant des « soupçons en vérité bien établis ».  Il a demandé la convocation demain d’une réunion publique du Conseil sur l’attaque de Salisbury.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit alarmé par la récurrence de l’utilisation d’armes chimiques contre la population civile en Syrie et l’absence d’accord sur un mécanisme d’établissement des responsabilités.  Il a dénoncé ces « crimes atroces » commis en violation du régime de non-prolifération, y voyant une grave menace pour la paix et la sécurité internationales que ce Conseil de sécurité ne peut tolérer.  Le représentant a salué l’accord conclu à Beyrouth entre l’OIAC, les Nations Unies et le Gouvernement syrien sur la destruction des dernières usines d’armes chimiques.  Mais il s’est dit inquiet des incohérences dans la déclaration initiale du Gouvernement syrien, faite il y a plus de quatre ans lors de son adhésion à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.  Il a donc demandé aux autorités syriennes de fournir toutes les informations requises sans plus de délai.  Il a rendu hommage au travail de la Mission d’établissement des faits de l’OACI, tout en estimant que ce travail devrait être complété par un mécanisme indépendant qui permettra d’établir les responsabilités, conformément au droit international et au droit international humanitaire.  

M. MOUNZER MOUNZER (République arabe syrienne) a insisté sur le fait que son pays s’était dûment acquitté de ses engagements au titre de la Convention sur les armes chimiques et de la résolution 2118 (2013), et ce, « malgré le comportement hostile de certaines parties », nationales ou régionales.  Le Gouvernement syrien a été en mesure d’éliminer ses armements chimiques en un temps record, a poursuivi le représentant, qui a regretté qu’au lieu de saluer les efforts du Gouvernement syrien, certains membres de ce Conseil tentent d’exploiter cette tribune pour continuer de « propager des informations fausses ».  Il a dénoncé les États-Unis, « qui n’ont pas détruit leur propre arsenal chimique » ou encore le Royaume-Uni et la France qui, comme les États-Unis, « maîtrisent l’art de la désinformation et de la tromperie ».

On invente même, s’est amusé le représentant, de nouveaux formats de réunion dans le seul but de ternir la réputation du Gouvernement syrien et de le faire tomber, a encore accusé le représentant qui a dénoncé les « mises en scènes des Casques blancs » mais aussi la « pièce de Khan Cheikhoun, mise en scène par certains membres permanents du Conseil de sécurité ».  Le représentant a ensuite accusé ces membres permanents du Conseil de sécurité de se complaire « dans le déni ».  Plusieurs membres du Conseil, s’est-t-il expliqué, ont considéré comme fausses les conclusions du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU sur l’attaque de Khan Cheikhoun.  Le Mécanisme, a-t-il affirmé, avait refusé de visiter le site, préférant se fonder sur des déclarations de « témoins présentés par des terroristes ».

Pour la République arabe syrienne, l’utilisation d’armes chimiques et d’autres armes de destruction massive est « un crime contre l’humanité », a affirmé le représentant, qui a répété que l’armée syrienne n’y avait jamais recouru et n’a plus de telles armes.  En revanche a-t-il poursuivi, l’armée syrienne a, comme la population civile, été victime d’attaques chimiques, notamment au chlore.  Le représentant a rappelé que son pays a adressé au Conseil de sécurité « plus de 130 lettres » sur la fabrication et l’utilisation d’armes chimiques par des groupes terroristes, dont le Front el-Nosra.  Mais, s’est-il étonné, ces lettres sont restées sans réponse.

Avec « leur passé colonial », le représentant s’est dit surpris que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France prétendent se présenter aujourd’hui comme des « défenseurs de la justice ».  Il a rappelé que la ville de Raqqa avait été « presque totalement détruite du fait des attaques de la coalition internationale ».  Il s’en est pris à la « prétendue initiative française » de Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, qu’il a vue comme une « tentative de créer un mécanisme parallèle et politisé » pour servir les intérêts d’États déterminés à renverser le Gouvernement syrien.  Un tel mécanisme ne vise pas à poursuivre les auteurs de crime, mais à les protéger, a-t-il tranché.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Forum des partenariats de l’ECOSOC entend des appels à une meilleure utilisation des mégadonnées et à un secteur privé au service du bien de l’humanité

Session de 2018 -
Forum des partenariats– matin & après-midi
ECOSOC/6898

Le Forum des partenariats de l’ECOSOC entend des appels à une meilleure utilisation des mégadonnées et à un secteur privé au service du bien de l’humanité

Avec près de 2,5 milliards d’internautes, les mégadonnées sont « la ressource la plus précieuse au monde », « le pétrole du XXIe siècle ».  C’est ce qu’a appris aujourd’hui du magazine « The Economist », le Conseil économique et social (ECOSOC) qui tenait la session 2018 de son Forum des partenariats sur le thème « partenariats pour des sociétés résilientes et inclusives: les contributions du secteur privé ».

Lancé depuis 2008, le Forum a depuis connu un nouvel élan avec l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030, à la suite duquel les dirigeants du monde avaient appelé le milieu des affaires à exploiter sa créativité et son sens de l’innovation pour surmonter les défis du développement durable, conformément à l’objectif 17 du Programme 2030 sur les partenariats.

Cette édition 2018 a réuni un grand nombre de représentants des gouvernements, de la société civile, du secteur privé, des fondations, du système des Nations Unies, des universités, qui ont discuté de la contribution du secteur privé aux objectifs de développement durable et des craintes nées de l’utilisation des mégadonnées.

Avec près de 2,5 milliards d’internautes, 6,5 milliards de téléphones mobiles et plus de 10 milliards d’objets connectés, les mégadonnées ont donné lieu au scandale « Cambridge analytica », du nom du Centre de recherche britannique qui aurait exploité les données personnelles des utilisateurs de Facebook pour influencer le vote sur le Brexit au Royaume-Uni et l’élection de Donald Trump aux États-Unis.

Consciente de l’importance de cette nouvelle donne, l’ONU a lancé en 2009 l’initiative « Global Pulse » pour assurer une exploitation « sûre et responsable » des mégadonnées en tant que « bien public mondial ».  Les participants au débat n’ont pas caché leurs inquiétudes devant les dérives potentielles et ont prôné un partenariat fort entre ceux qui collectent les données, ceux qui les analysent et ceux qui les utilisent pour le bien de l’humanité.

Des exemples ont été données.  À Sao Paulo, les données transmises par les téléphones portables contribuent à une meilleure gestion des embouteillages.  En Ouganda, c’est la lutte contre les épidémies qui a été améliorée grâce aux mégadonnées.  Avec ses sept satellites braqués sur la Terre, « Global Impact Initiatives, Planet Inc. » a affûté les armes contre la déforestation ou l’urbanisation sauvage.  Mais les dangers sont là et ont conduit la représentante de « MasterCard » à réclamer un « code de responsabilité ».

Le secteur privé ne peut plus continuer à fonctionner au détriment des gens et de son environnement, a prévenu la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies.  Il doit travailler pour « le bien de l’humanité », a insisté Mme Amina J. Mohammed, et en particulier en faveur des groupes les plus vulnérables comme les jeunes, les femmes, les handicapés, les personnes âgées et les réfugiés. 

Nous attendons du secteur privé des modi operandi durables, a renchéri la Présidente de l’ECOSOC, Mme Marie Chatardová.  Il a été démontré, a-t-elle expliqué, qu’une nouvelle manière de fonctionner pourraient créer 12 000 milliards de dollars d’opportunités d’affaires et 380 millions d’emplois d’ici à 2030.

L’ECOSOC a tenu une brève séance au cours de laquelle elle a décidé* que le débat consacré aux affaires humanitaires de sa session de fond 2018 se tiendra sous la forme de trois tables rondes sur le thème « restaurer l’humanité, respecter la dignité humaine et ne laisser personne de côté: agir de concert pour réduire les besoins humanitaires, les risques et la vulnérabilité des populations ».

Le Conseil économique et social a également élu le Luxembourg à la Commission de la population et du développement jusqu’en 2021.  Les autres postes vacants seront pourvus à une date ultérieure.

*E/2018/L.6

CONVERSATION DE HAUT NIVEAU: DE L’ENGAGEMENT AUX RÉSULTATS: CONTRIBUTIONS DU SECTEUR PRIVÉ À LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

La contribution du secteur privé pour la réalisation des objectifs de développement est un débat qui n’est pas nouveau.  En l’an 2000, a été lancé le Pacte mondial qui est un accord international mis en place par les Nations Unies pour encourager les entreprises à s’engager sur le chemin du développement durable.  Le Pacte mondial réunit aujourd’hui plus de 8 000« entreprises citoyennes » de 160 pays différents autour de 10 principes universels articulés autour des droits de l’homme, des normes internationales du travail, de la lutte contre la corruption et de la protection de l’environnement.

Aujourd’hui, des acteurs du secteur privé ont présenté quelques exemples d’initiatives qui contribuent « au bien mondial ».  La Conseillère générale dans la compagnie d’assurance Aviva, Mme Kirstine Cooper, a parlé d’une alliance d’entreprises, la « World Benchmarking Alliance », qui a permis d’établir un « système de notation » de la performance des entreprises en fonction des objectifs de développement durable.  Des États comme les Pays-Bas et le Danemark appuient cette alliance, mais un plus grand soutien de la communauté internationale permettrait de gagner en importance.  

En Afrique du Sud, a témoigné M. Dan Matjila, Président de la compagnie sud-africaine « Public Investment Corporation », l’entreprise envoie régulièrement des questionnaires à près de 200 sociétés pour mesurer leur engagement en faveur de l’environnement et leur attribuer une note, selon le modèle des agences de notation financière.

Quant à l’essor des groupes vulnérables, Mme Rie Vejs-Kjeldgaard, Directrice des partenariats à l’Organisation international du Travail (OIT), a fait observer que 50% à 60% des salaires les plus bas au monde sont touchés par les femmes, alors que parmi les 10% des rémunérations les plus élevées du monde, seulement 35% concernent les femmes.

C’est pour y remédier, a expliqué M. Bob Wigley, Président de « UK Finance », qu’une initiative de promotion de la parité salariale a été lancée sur la place financière de Londres, la « City », lieu réputé pour son machisme.  Pour accélérer le mouvement de parité, le Ministère britannique des finances a lancé en mars 2016 la « Charte pour les femmes dans la finance », signée à ce jour par plus de 200 entreprises qui se sont engagées en faveur de la parité. 

M. Wigley a également souligné l’importance de la technologie de la chaîne de blocs pour trouver des solutions aux problèmes sociaux.  Cette technologie est une base de données à écriture unique sur un réseau d’ordinateurs, faisant appel au codage informatique pour rendre infalsifiable un registre public.  Cela pourrait aider par exemple à sécuriser les méthodes d’identification des populations dont des centaines de millions dans le monde n’ont pas de carte d’identité.  Avec la chaîne de blocs, on peut aussi vérifier les flux de capitaux et renforcer ainsi la lutte contre la corruption, a ajouté M. Vincent Molinari, Président de « Liquid M Capital ».

M. Peter Rhee, Vice-Président des affaires publiques à « Samsung Electronics », a présenté un projet qui favorise la formation des jeunes des pays en développement aux métiers de la technologie.  Des plateformes numériques servent ainsi de site de formation à distance et d’accompagnement des jeunes dans le monde du travail.

Pour rester dans le domaine didactique, M. Sameer Raina de « Digital Divide Data (DDD) », a présenté un programme de formation des jeunes aux métiers du numérique qui a permis de créer, dans des pays en développement, un pool d’ingénieurs capables de travailler pour des multinationales, tout en restant dans leur propre pays ou dans d’autres pays en développement.

Un apport financier et un encadrement des agricultrices colombiennes a permis de faire de leur coopérative une véritable multinationale, a témoigné M. Ricardo Oteros Sánchez-Pozuelo, Président de « Supracafé ».  Il a expliqué que grâce à au soutien de son entreprise, ces femmes produisent désormais 550 000 kg de café par an.  Un café biologique qui est vendu à des prix avantageux, permettant l’émancipation économique de ces veuves de la guerre civile.

Dans la même veine, une représentante de « Global Impact Sourcing Coalition », a déclaré que son organisation illustre la façon dont les entreprises peuvent travailler en faveur de l’emploi inclusif.  Une collaboration de 40 entreprises, dont Microsoft, Bloomberg et Tech Mahindra, a permis de faire avancer une pratique commerciale appelée « sourcing d’impact » privilégiant les fournisseurs qui offrent des opportunités d’emplois aux plus vulnérables.

Devant ces exemples concrets, le représentant du Groupe des 77 et la Chine (G77) a insisté sur des partenariats robustes, transparents et durables, tenant compte des besoins nationaux.  Il a jugé que les Nations Unies doivent éviter que ces nouveaux partenariats ne bouleversent les choses.  Les pays développés doivent rester fidèles à leur engagement en matière d’aide publique au développement (APD) et d’allègement de la dette publique des pays en développement. 

Le représentant des pays les moins avancés (PMA) a voulu que l’on n’oublie pas les partenariats déjà engagés mais non encore concrétisés, comme la Banque de technologies.  Il ne faut pas oublier tous ces partenariats dans le secteur des infrastructures et du commerce, a ajouté le délégué des pays en développement sans littoral.

Ce sont les bonnes politiques qui font les bons partenariats, a souligné l’Observateur permanent de la Chambre de commerce internationale (CCI) aux Nations Unies, M. Andrew Wilson.  Les gouvernements doivent renoncer à leur « dogmatisme », a conseillé le Président de « UK Finance ».  Il a donné l’exemple de la technologie de fabrication des objets plastiques biodégradables qui se heurte toujours au refus des gouvernements, coincés dans leur dogmatisme « antipollution des écosystèmes terrestres et marins ».

CONVERSATION DE HAUT NIVEAU: LE RÔLE DU SECTEUR PRIVÉ DANS LA LIBÉRATION DU POTENTIEL DES MÉGADONNÉES POUR LE BIEN PUBLIC

« La ressource la plus précieuse au monde », voilà comment la publication financière « The Economist » qualifie les mégadonnées qui sont même décrites comme le pétrole du XXIe siècle.  Le monde compte aujourd’hui plus de 7 milliards d’êtres humains dont quelque 2,5 milliards d’internautes et 2 milliards d’actifs sur les réseaux sociaux, sans oublier les 6,5 milliards de téléphones mobiles et les 10 milliards d’objets connectés. 

Une quantité incroyable de données est produite en ligne, que ce soit par les opérations de paiement, les commentaires, les visites sur les sites Internet, les médias sociaux, les photos, les vidéos ou même les émoticônes.  Les grandes entreprises recueillent cette multitude de données -mégadonnées- sur les caractéristiques démographiques, les comportements, les attitudes des clients, le genre de technologies utilisées pour prédire les tendances futures et peut-être même augmenter leurs ventes.  C’est de ce contexte qu’est né le scandale « Cambridge analytica », du nom du Centre de recherche britannique, soupçonné d’avoir exploité les données personnelles des utilisateurs de Facebook pour influencer les votes sur le Brexit ou l’élection de Donald Trump aux États-Unis.

C’est conscient de l’importance des mégadonnées que l’ONU a lancé l’initiative « Global Pulse » en 2009 qui consiste, dans des laboratoires à Jakarta, à Kampala et New York, à exploiter les mégadonnées « de manière sûre et responsable » en tant que « bien public mondial ».  C’est l’appel qui a été lancé aujourd’hui par de nombreux orateurs.  

Animateur du débat, M. Robert Kirkpatrick, Directeur de l’initiative Global Pulse, a expliqué que face à ce flux d’informations, les citoyens semblent avoir baissé les bras, laissant leurs informations aux mains d’entreprises privées alors que la confidentialité des communications est protégée par la Déclaration universelle des droits de l’homme.  

Les mégadonnées en elles-mêmes ne servent pas à grand-chose, a souligné M. Anil Arora, Statisticien en chef à l’Agence nationale canadienne des statistiques.  Pour être utilisables, les données doivent être regroupées, transformées et analysées.     Au nom du secteur de la téléphonie mobile, Mme Ana María Blanco, Directrice des politiques et des relations internationales au Groupe Spéciale Mobile Association (GSMA), a expliqué les applications concrètes des mégadonnées, comme pour la lutte contre la pollution dans la ville de Sao Paulo.  Les données transmises par les téléphones mobiles aux autorités contribuent à identifier avec précision les zones de grands embouteillages et d’agir en conséquence.

La Banque mondiale s’est par exemple appuyée sur des mégadonnées fournies par le GSMA pour rétablir les systèmes de transports affectés par le séisme de 2010 en Haïti, a affirmé M. Bjorn Gillsater, Représentant spécial du Groupe de la Banque mondiale auprès des Nations Unies à New York.

En Ouganda, le laboratoire de « Global Pulse » a aidé les autorités à utiliser les mégadonnées pour lutter contre les épidémies, a témoigné M. Eddy Mukooyo, Président de la Commission de lutte contre le sida de l’Ouganda.  En même temps, a-t-il souligné, des médias traditionnels comme la radio sont mis à contribution pour atteindre les populations des zones reculées.  Grâce à mon entreprise, a rebondi Mme Rachel Samrén, Vice-Présidente de Millicom, des infrastructures de connectivité ont apporté l’Internet à haut débit à des femmes parmi les plus démunis dans les pays en développement.  Elle s’est félicitée d’avoir ainsi contribué à la réduction du fossé numérique entre les sexes.

Avec pas moins de sept satellites braqués sur la Terre en permanence, Global Impact Initiatives, Planet Inc offre une vue en temps réel de l’évolution des écosystèmes, a expliqué son Vice-Président, M. Andrew Zolli.  Avec ces données, on peut cibler la lutte contre la déforestation en Bolivie ou anticiper les mesures contre l’urbanisation sauvage à Dar es-Salam, s’est-il enorgueilli en se félicitant que les mégadonnées puissent renforcer la résilience des communautés.

La représentante du Grand groupe des enfants et des jeunes a tout de même appelé à la transparence dans l’utilisation de ces mégadonnées et à la mise en place d’institutions « responsables ».

Plaidant pour un « code de responsabilité », Mme JoAnn Stonier, Chef des données à MasterCard, a reconnu que de nombreuses entités essayent de tirer parti des données inscrites sur les cartes bancaires.  Elle a voulu l’introduction d’« un sens de l’éthique ».  C’est pourquoi, ont proposé plusieurs orateurs, il faut un partenariat fort entre ceux qui collectent les données, ceux qui les analysent et ceux les utilisent comme « bien public mondial ».

Certains États, dont la République de Corée et le Mexique, ont également appelé à la prudence et à la mise en place d’un environnement où les mégadonnées servent véritablement au bien et à l’essor des populations.  Adoptant une position médiane, M. Stefan Schweinfest, Directeur de la Division des statistiques du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, a dit qu’il faut allier mégadonnées et méthodes statistiques traditionnelles.

En conclusion, l’Économiste en chef des Nations Unies, M. Elliot Harris, a invité le secteur privé à œuvrer au renforcement des capacités des plus vulnérables.  Aux gouvernements, il leur a suggéré d’établir des cadres de partenariats avec le secteur privé, afin de « renforcer le nexus entre le secteur privé et les communautés », sans oublier le rôle des partenaires au développement.  Concluant en économiste, il a dit: nous avons déjà perdu 17% du temps dévolu à la mise en œuvre du Programme de développent durable à l’horizon 2030.

La Présidente de l’ECOSOC a invité les Nations Unies à ouvrir de nouvelles perspectives de partenariats dans lesquels les acteurs étatiques et non étatiques auraient les mêmes obligations et les mêmes responsabilités pour réaliser notre vision commune de « ne laisser personne de côté ».  Elle a promis que les conclusions du Forum seront prises en compte par la Réunion spéciale de l’ECOSOC, prévue le mois prochain à New York, sur « des sociétés inclusives, résilientes et durables à travers la participation de tous ».  Ces conclusions seront également soumises au Forum politique de haut niveau sur le développement durable, prévu en juillet.

 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Haïti: le Conseil de sécurité cherche les moyens d’assurer grâce à la MINUJUSTH une transition sans heurt du maintien à la pérennisation de la paix

8220e séance – matin
CS/13274

Haïti: le Conseil de sécurité cherche les moyens d’assurer grâce à la MINUJUSTH une transition sans heurt du maintien à la pérennisation de la paix

Il existe aujourd’hui une occasion unique pour la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), l’Équipe de pays des Nations Unies, la communauté internationale et le Gouvernement haïtien de travailler ensemble à la sécurité et au développement à long terme, a plaidé ce matin devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix.  À la veille du renouvèlement du mandat de la Mission, États membres du Conseil et « Amis d’Haïti » ont insisté sur la nécessité de réussir la transition du maintien vers la pérennisation de la paix et le développement durable d’un État qui a retrouvé la stabilité politique après des « décennies d’abandon ». 

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, qui s’est rendu en Haïti à la mi-mars, a présenté le rapport du Secrétaire général sur la MINUJUSTH, le premier depuis l’entrée en fonctions de la Mission le 15 octobre dernier, à l’issue d’une transition de six mois pendant laquelle la précédente Mission, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), a transféré ses compétences en partie aux autorité haïtiennes, en partie à l’Équipe de pays et en partie à la nouvelle opération de maintien de la paix, seule du genre actuellement à ne compter aucun Casque bleu.  Cette transition a été saluée comme un succès par de nombreuses délégations, en premier lieu par celles des États-Unis et du Brésil, lequel a dirigé pendant 13 ans la Force de la MINUSTAH. 

M. Jean-Pierre Lacroix a décrit la MINUJUSTH comme « pleinement opérationnelle » et mettant en œuvre son mandat.  Il a présenté son mode opératoire -une composante civile concentrée dans la zone de Port-au-Prince et des unités mobiles pluridisciplinaires se déplaçant dans les 10 départements du pays- comme étant conforme à l’esprit de la Mission, marqué par une « empreinte légère et non intrusive ».  Il s’agit pour la MINUJUSTH de réaliser son mandat tout en assurant une « transition sans heurt » vers un développement inclusif et durable, grâce à une approche cohérente, globale et intégrée conforme aux réformes en cours aux Nations Unies et à la vision de prévention du Secrétaire général.

Dès la création de la nouvelle Mission par la résolution 2350 (2017), il y aura un an le 13 avril prochain, le Conseil avait demandé au Secrétaire général de lui présenter « une stratégie de sortie sur deux ans bien établie et assortie d’objectifs clairs ».  Ce matin, le Secrétaire général adjoint a estimé que la série de 11 objectifs présentés dans le rapport constituait un cadre « ambitieux mais souple », dans lequel les Nations Unies peuvent avec confiance transformer leur présence dans le pays.  Là aussi, il a été largement soutenu par les intervenants.

En outre, ces 11 objectifs « font écho » aux priorités récemment annoncées par le Président Jovenel Moïse pour réformer l’État et consolider la stabilité politique et sociale, a affirmé M. Lacroix qui s’est dit encouragé par les indices récents d’une plus grande convergence des priorités nationales et de la Mission, souhaitant une « relation saine » entre la Mission, le Gouvernement et la population.

Une telle relation est conditionnée par le « respect scrupuleux des obligations réciproques » et un « authentique esprit de solidarité, de respect mutuel et de confiance », a précisé le représentant d’Haïti, qui a rappelé que le mandat de la MINUJUSTH s’inscrit « dans une perspective différente de la Mission précédente », axée sur la stabilisation.  « Mécanisme d’accompagnement et de consolidation des acquis, l’horizon temporel de la MINUJUSTH ne peut être que limité », a-t-il ajouté, estimant que la stratégie de retrait proposée impliquait un calendrier « qui devra être établi de concert par les deux parties, en fonction de jalons et de points de repères convenus ». 

Mais « au-delà d’un calendrier, la sortie de la Mission doit se fonder sur la réalisation progressive du mandat et l’évolution de la situation sur le terrain », a mis en garde l’Argentine, membre du Groupe des Amis d’Haïti. Ces derniers ont plaidé pour que la présence de la Mission soit ajustée le cas échéant afin de préserver les progrès accomplis au cours des 13 années du mandat de la MINUSTAH.  Comme l’a rappelé la France, les succès engrangés grâce au soutien international « dépendent désormais de la volonté des autorités haïtiennes de s’approprier le travail réalisé jusqu’à présent ».

Or, le pays est loin d’avoir relevé tous les défis.  Pour l’Union européenne, le retour à un fonctionnement constitutionnel normal est certes une condition sine qua non pour permettre à Haïti de faire face aux multiples défis politiques, économiques, sociaux et environnementaux auxquels il est confronté, mais ce n’est pas une condition suffisante.  Pour arracher « les racines encore intactes de l’instabilité », il faut, « d’urgence, des réformes courageuses », a plaidé son représentant, pour qui « des signes de la volonté de réforme ont été donnés, qu’il faut désormais concrétiser ».

Pour la plupart des délégations, ces réformes concernent la justice -notamment son accès-, le secteur pénitentiaire, la professionnalisation de la police, la protection et la promotion des droits de l'homme et la lutte contre l’impunité.  Les Pays-Bas ont ainsi fait état de « cas inacceptables de violation des droits de l’homme par la Police nationale ».  Le représentant d’Haïti s’est dit « sensible » à ces questions, affirmant que « des réponses sont en train d’être apportées ».  « L’état de droit ne se divise pas », a-t-il ajouté, rejetant toutefois la responsabilité de la situation actuelle sur des « décennies d’abandon ». 

Il reste que la présence de l’ONU ne doit pas être limitée de manière trop radicale au regard des besoins du pays, a estimé le représentant de la Pologne, pour qui, néanmoins, « le verre est à moitié plein » et qui a souhaité que la prospérité future du pays ne dépende plus de la présence d’une opération de l’ONU. 

À cet égard, le Secrétaire général adjoint a estimé, comme après lui la représentante du Royaume-Uni, qu’en créant à l’unanimité la MINUJUSTH, le Conseil avait accordé à Haïti un « vote de confiance » et de reconnaissance des progrès réalisés, progrès dont il y a, selon M. Lacroix, tout lieu de penser qu’ils sont irréversibles.

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI

 

Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) (S/2018/241)

 

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, qui a déclaré qu’il s’était rendu en Haïti les 14 et 15 mars, a affirmé que la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) était pleinement opérationnelle et mettait en œuvre son mandat.  Il a expliqué son mode de déploiement, avec une composante civile concentrée dans la zone de Port-au-Prince et des unités mobiles pluridisciplinaires pour suivre l’évolution politique et celle de l’état de droit et discuter avec les communautés et autres acteurs dans l’ensemble des 10 départements.  Ce mode opératoire est conforme à l’esprit de la Mission qui est lié à son empreinte légère et non intrusive.

En même temps, la Mission a placé 135 officiers de police auprès de la Police nationale haïtienne (PNH) dans les 10 départements et 23 membres des services pénitentiaires dans 9 des 18 prisons que compte le pays.  Enfin, la présence de sept unités de police constituées dans cinq régions permet de satisfaire aux prescriptions de soutien opérationnel à la PNH.  La Mission travaille en coopération étroite avec les 19 agences et programmes des Nations Unies présents dans le pays, ainsi qu’avec le Bureau de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général, Mme Josette Sheeran, afin de réaliser son mandat tout en assurant une transition sans heurt vers un développement inclusif et durable, grâce à une approche cohérente, globale et intégrée conforme aux réformes en cours et à la vision de la prévention du Secrétaire général. 

L’objectif principal est de s’appuyer sur les réalisations de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) et de consolider la stabilité et la sécurité dans le pays, pour faciliter son développement à long terme, ce qui suppose des fondements plus solides en matière d’état de droit et de respect des droits de l'homme, a poursuivi M. Lacroix.

La MINUJUSTH a mis en œuvre en coopération avec l’Équipe de pays des Nations Unies diverses activités pour soutenir ses objectifs, préparant ainsi le terrain pour des changements plus systémiques, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.  Ainsi, la Mission assiste la Police nationale haïtienne dans la mise en œuvre de son plan stratégique de développement 2017-2021, en particulier par son programme de mentorat.  Dans un autre domaine clef, la Mission appuie les mesures visant à limiter la détention provisoire prolongée et la surpopulation carcérale, en coopération notamment avec le barreau de Port-au-Prince.

Pour M. Lacroix, le rôle de la Mission en matière de suivi des droits de l'homme permet de disposer d’un système d’alerte précoce et d’analyse structurelle qui la rend en mesure d’ajuster son rôle de plaidoyer et son soutien spécialisé.  Toutefois, a-t-il ajouté, la faiblesse actuelle des institutions de l’état de droit génère des défis et encourage une culture de l’impunité.  Il faut donc encore renforcer les institutions nationales de droits de l’homme.

Pour être efficace, une opération de maintien de la paix comme la MINUJUSTH doit entretenir une « relation saine » avec le Gouvernement et la population, fondée sur la solidarité et la confiance mutuelle, a fait observer M. Lacroix, qui s’est dit encouragé par les efforts du Président Moïse pour créer un climat de changement et améliorer la vie quotidienne de la population, y compris par l’initiative de la « Caravane pour le changement ».  Tout en notant que les relations entre la Mission et le Gouvernement auraient pu être plus harmonieuses, le Secrétaire général adjoint s’est dit encouragé par les indices récents d’une plus grande convergence des priorités nationales et de la Mission.  Il a notamment salué le fait que le Président Moïse ait annoncé récemment ses priorités en matière de réforme de l’État et de maintien de la stabilité politique et sociale.  Les 11 objectifs fixés par le Secrétaire général dans son rapport font écho à cette vision, a-t-il estimé.

Dès lors, il existe une occasion unique pour la MINUJUSTH, l’Équipe de pays des Nations Unies, la communauté internationale et le Gouvernement haïtien de travailler ensemble à la mise en œuvre des priorités communes indiquées dans la résolution 2350 (2017), a poursuivi M. Lacroix, qui a rappelé que, malgré les progrès, le pays devait encore surmonter de nombreux défis et risques dans le cadre de la transition du maintien de la paix vers le développement.  Il a mentionné en particulier les incertitudes économiques persistantes et l’exclusion sociale qui en résulte, notamment pour les jeunes et les plus vulnérables. 

Si parvenir à ses résultats doit rester notre priorité commune, nous avons déjà commencé à préparer la transition vers une présence onusienne sans maintien de la paix, a expliqué le Secrétaire général adjoint, qui a rappelé que l’un des instruments de cette transition était le Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement.  Il faudra aussi combler toutes les lacunes qui pourraient apparaître dans le temps imparti et le Secrétaire général adjoint a dit compter sur une collaboration étroite avec le Gouvernement et d’autres partenaires pour assurer le succès de la transition.

À cet égard, les 11 objectifs fixés représentent un cadre « ambitieux mais souple », dans lequel les Nations Unies peuvent avec confiance transformer leur présence dans le pays, a estimé M. Lacroix.  Le Secrétariat fournira dans les mois à venir au Conseil de sécurité des évaluations qualitatives et quantitatives des progrès et tendances, a promis le Secrétaire général adjoint, pour qui une sortie fondée sur des objectifs largement partagés et fruits de consultations larges est l’approche qui convient pour préserver les acquis de la stabilisation obtenue par plus d’une décennie de consolidation de la paix en Haïti.

Le vote unanime du Conseil qui a créé la MINUJUSTH, il a y aura un an le 13 avril, a été un « vote de confiance en Haïti, de reconnaissance des progrès réalisés par ce pays », a encore affirmé M. Lacroix.  Pour le Secrétaire général adjoint, il y a tout lieu de penser que ce progrès est irréversible.  Nous devons tous invertir dans ce succès, a-t-il insisté.  Il a conclu en rappelant qu’en annonçant la semaine dernière son initiative « Action pour le maintien de la paix », le Secrétaire général avait présenté comme un facteur critique le soutien du Conseil de sécurité à ses opérations de maintien de la paix et, dans le cas présent, au succès de la MINUJUSTH et d’Haïti. 

Mme AMY NOEL TACHCO (États-Unis) a salué la transition exemplaire entre la MINUSTAH et la MINUJUSTH, avant de se dire encouragée par le chemin parcouru par Haïti, s’agissant en particulier de la Police nationale.  La promotion de l’état de droit et le renforcement des capacités de la police sont essentiels, a-t-elle dit.  La déléguée a exhorté le Gouvernement haïtien à renforcer le secteur judiciaire, à lutter contre la surpopulation carcérale et à accroître la participation des femmes dans les processus de prise de décisions afin de garantir l’avenir du pays après le départ de la MINUJUSTH.  Elle a salué la stratégie de sortie échelonnée de la Mission et souligné qu’il reste encore beaucoup de travail à abattre jusqu’au retrait de la Mission.  Mon pays est un partenaire de longue date d’Haïti, a-t-elle dit, en se félicitant qu’un nouveau chapitre de l’histoire du pays soit en train de s’écrire.

Pour M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie), la communauté internationale doit continuer d’afficher un front uni pour appuyer le développement économique et social d’Haïti, en consultation avec le Gouvernement haïtien.  Le mandat de la MINUJUSTH est à cet égard déterminant, a dit le représentant.  Nous avons deux ans pour nous acquitter de toute une série de tâches et atteindre nos objectifs, conformément aux 11 critères fixés pour assurer la sortie de la Mission, a poursuivi le représentant.  Il a souhaité un renforcement de la coopération entre la Mission et le Gouvernement haïtien dans les domaines de l’état de droit, de la justice et des droits de l’homme.  Il s’est félicité des programmes de réformes nationales, en particulier le renforcement et la modernisation du secteur de la justice et le programme visant à améliorer les services sociaux.  Il a encouragé le Parlement haïtien à poursuivre son travail en matière de justice, notamment le Code pénal.  Il est indispensable, a-t-il insisté, de garantir l’état de droit et de créer des bases solides pour le développement à long terme.  Le représentant s’est également félicité de la coopération régionale d’Haïti avec la Communauté des Caraïbes (CARICOM)

Il a salué le programme de mentorat de la Mission au profit de la police haïtienne, ainsi que son travail dans le domaine des droits de l’homme et de l’état de droit.  Le représentant a ensuite rappelé que la communauté internationale devait honorer ses engagements en matière de lutte contre le choléra, qui reste un problème majeur.  Lutter contre ce fléau est une priorité, a-t-il rappelé.  En conclusion, il a rappelé l’attachement de son pays au principe d’appropriation nationale et invité la MINUJUSTH à s’acquitter de son mandat dans le plein respect de la souveraineté et de l’indépendance d’Haïti.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a noté que la terrible épidémie de choléra qui a ravagé le pays pendant plus de huit ans semble « enfin en voie d’être maîtrisée ».  Préoccupée par les cas inacceptables de violation des droits de l’homme par la Police nationale, la déléguée a demandé la mise en place de mécanismes renforcés de surveillance dans le secteur public.  Elle a plaidé pour une collaboration étroite entre la MINUJUSTH et le Gouvernement, et souhaité une stratégie conjointe détaillée pour poser les jalons de l’achèvement de la phase « maintien de la paix ».  Soulignant la nécessité d’une présence crédible et légitime de l’ONU dans le pays, la représentante a salué la politique de tolérance zéro appliquée par le Secrétaire général face à l’exploitation et aux atteintes sexuelles commises par le personnel de l’ONU.  La Mission précédente, la MINUSTAH, doit rendre compte des actes commis par le passé, a-t-elle conclu. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a rappelé les catastrophes naturelles et les « complications politiques » qui avaient pendant longtemps empêché le pays d’avancer sur la voie du développement durable.  Il s’est félicité de la création de la MINUJUSTH l’an dernier et de la coopération entre les autorités haïtiennes et la Mission en vue de réaliser les 10 objectifs fixés pour 2019.  Cette coopération, a-t-il rappelé, doit déboucher l’an prochain sur le passage vers la phase « développement » avec l’appui de l’Équipe de pays des Nations Unies.  Le représentant a jugé les 11 objectifs fixés « ambitieux mais réalisables ».  Il a aussi voulu que l’on tienne compte des facteurs qui peuvent nuire au progrès dans le pays, en particulier le choléra, une question très importante puisque liée aux ressources en eau, aux services de santé et à la stabilité, en général.  Le représentant a enfin plaidé pour le respect de l’autorité de l’État, de l’état de droit et des droits de l’homme.  Il a insisté sur le renforcement des institutions judiciaires.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a souligné les progrès accomplis en Haïti, grâce notamment à la « caravane du changement » qui a amélioré le quotidien des Haïtiens.  Il a salué le rôle crucial joué par la MINUJUSTH en vue notamment de promouvoir les droits de l’homme et de renforcer les capacités de la Police nationale.  Il a souhaité que les postes vacants au sein de la Mission soient pourvus le plus rapidement possible.  Le délégué a ensuite souligné l’importance qu’il y a à lutter contre les violences sexuelles et contre la surpopulation carcérale et invité le Gouvernement haïtien à faire davantage dans ces domaines.  La présence de l’ONU ne doit pas être limitée de manière « trop radicale » au regard des besoins du pays, a argué le représentant qui a néanmoins souhaité que la prospérité future du pays ne dépende plus de la présence d’une opération de l’ONU.  « Pour nous, le verre est à moitié plein », a-t-il conclu.

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est félicitée de la mise en place d’une stratégie de sortie pour la MINUJUSTH en coopération avec les autorités haïtiennes, estimant qu’elle fixe des critères très clairs en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain.  En conséquence, l’Éthiopie soutient le renouvèlement pour un an du mandat de la Mission, ce qui lui permettra de continuer d’aider le Gouvernement à renforcer l’état de droit et les institutions correspondantes.  La représentante a toutefois noté les défis à relever en matière de justice et de système pénitentiaire ainsi que les efforts de la Mission en la matière.  Elle a pris note également des progrès réalisés en matière de sécurité.

Haïti reste toutefois très fragile dans certains domaines, a fait observer la représentante qui a appelé à une politique dynamique de la part des autorités et souhaité que la Mission apporte le soutien requis aux efforts du Gouvernement, en coopération avec la société civile et d’autres acteurs.  Elle a plaidé pour que le nouveau partenariat noué entre les Nations Unies et Haïti permette d’assurer le développement durable du pays, et s’est notamment félicitée de l’enveloppe de 3 millions de dollars accordée au pays par le Fonds pour la consolidation de la paix pour renforcer le rôle des femmes et des jeunes dans les mécanismes de résolution des conflits.  Elle a également salué l’appui apporté par les organisations régionales et sous-régionales, y compris la Communauté des Caraïbes (CARICOM), actuellement présidée par Haïti.  En conclusion, la représentante a réitéré la solidarité de l’Éthiopie avec la « nation sœur » d’Haïti qui s’efforce de consolider les acquis des dernières années et de relever les défis actuels.

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) s’est dit convaincu que la présence de la MINUJUSTH constitue une réelle opportunité devant permettre de consolider les acquis et de soutenir les efforts du Gouvernement haïtien en vue d’une « sortie de l’actuelle opération de maintien de la paix ».  Il a appuyé la décision de la mise en place prochaine, en collaboration avec le Gouvernement haïtien, d’un mécanisme de suivi des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de la stratégie de sortie de crise, assortie d’un calendrier et des indicateurs arrêtés d’un commun accord.  Sur le plan sécuritaire, les progrès enregistrés dans la professionnalisation de la Police nationale ne doivent pas nous faire perdre de vue que la situation d’ensemble demeure vulnérable, a-t-il prévenu.  Le délégué a appuyé la nouvelle stratégie de l’ONU visant à éradiquer l’épidémie de choléra.  Il a encouragé le Conseil à donner à la MINUJUSTH et à l’Équipe de pays des Nations Unies les moyens nécessaires à la réussite de leur mission, « dans le cadre du renouvellement du mandat de la MINUJUSTH ».

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a d’abord mis l’accent sur le volet politique, pour se féliciter du travail effectué par le Président Moïse, d’Haïti, en coopération avec le Parlement.  Il a dit attendre avec impatience la publication du Code pénal et du Code de procédure pénale.  Il s’est ensuite félicité de l’amélioration de la sécurité et de la baisse de la criminalité, et demandé aux autorités de consolider les acquis en utilisant les compétences des Nations Unies et notamment de la MINUJUSTH, en renforçant l’état de droit et la lutte contre l’impunité et la corruption.  Le représentant s’est également inquiété des violations des droits de l’homme et a souhaité que les autorités traduisent leurs auteurs en justice.  Après avoir noté les progrès réalisés dans la lutte contre le choléra, il a salué le travail de la MINUJUSTH et a apporté son appui aux éléments du rapport du Secrétaire général concernant les critères à réaliser pour assurer la stratégie de sortie de la Mission.  Ces critères permettront de satisfaire aux objectifs de développement durable, a-t-il estimé.

M. WU HAITAO (Chine) a noté l’amélioration graduelle de la situation sécuritaire en Haïti grâce aux efforts de la Police nationale, entre autres.  Les pays de la région et la communauté internationale doivent continuer à accompagner Haïti sur la route du développement durable, a-t-il poursuivi.  Il a salué le bon fonctionnement de la MINUJUSTH et souhaité une coopération accrue entre cette dernière et le Gouvernement.  Enfin, le délégué a rappelé que son pays a contribué au Fonds d’affectation spéciale pluripartenaire des Nations Unies pour la lutte contre le choléra en Haïti et exhorté tous les États Membres à appuyer la nouvelle stratégie de l’ONU en vue d’éradiquer l’épidémie.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est félicitée des progrès constants réalisés en Haïti et des initiatives pour la justice pénale, ainsi que de la nouvelle approche des Nations Unies face au choléra.  La représentante a ainsi approuvé la manière dont la MINUJUSTH apporte son soutien au Gouvernement haïtien, estimant qu’il s’agit d’un véritable « vote de confiance » en faveur d’Haïti, qui permettra une transition sans heurt vers le développement durable.  La représentante a appelé le Gouvernement à assumer la mise en œuvre de réformes centrales et à long terme pour assurer le développement et la stabilité du pays, en particulier en matière de justice, de police et de droits de l'homme, mais aussi pour autonomiser les femmes.  L’ONU doit agir de manière intégrée et mettre l’accent sur la coopération entre l’Équipe de pays, la Mission et le Fonds pour la consolidation de la paix.  Enfin, la stratégie de sortie devra se faire conformément aux critères établis par le Secrétaire général.

Le transfert des compétences vers l’Équipe de pays est un processus complexe, a averti Mme Pierce, pour qui l’établissement de seuils devrait permettre d’éliminer les risques.  Elle a rappelé la nécessité d’une coopération fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les Nations Unies.  Pour sa part, le Royaume-Uni coopérera avec les Nations Unies et Haïti pour garantir l’application d’une politique de tolérance zéro face à l’exploitation et aux atteintes sexuelles commises par le personnel de l’ONU.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a souhaité que la MINUJUSTH soit dotée des moyens nécessaires en vue d’accompagner dans les meilleures conditions possibles la Police nationale haïtienne lors de ses opérations sur le territoire national, « y compris avec l’appui de capacités aériennes et médicales ». Ce soutien international ne représente néanmoins qu’une transition vers une pleine appropriation par les autorités haïtiennes du maintien de l’ordre public, a-t-il poursuivi.  S’agissant du renforcement de l’état de droit, autre axe du mandat de la Mission, le délégué a souligné l’importance du vote d’un code pénal et d’un code de procédure pénale avant la fin du mandat de la MINUJUSTH.

Les succès engrangés grâce au soutien international dépendent désormais de la volonté des autorités haïtiennes de s’approprier le travail réalisé jusqu’à présent, a-t-il déclaré.  Défendant une politique « active et ambitieuse » en matière des droits de l’homme, M. Delattre a appelé à un suivi attentif de ce sujet majeur lors de la mise en œuvre du mandat de la MINUJUSTH.  Il a notamment souhaité une amélioration du système pénitentiaire, la défense des droits des femmes et le respect des droits des citoyens face à l’État.  Enfin, M. Delattre a appelé au renouvellement du mandat de la MINUJUSTH avant d’entamer une transition vers une nouvelle forme de la présence de l’ONU en Haïti.

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a souhaité que le processus futur de transition entre la MINUJUSTH et l’Équipe de pays des Nations Unies soit bien planifié et mené « dans l’esprit de la pérennisation de la paix ».  Alors que l’Équipe de pays doit s’acquitter de plus en plus de tâches, les donateurs doivent faire en sorte que les agences onusiennes aient les ressources nécessaires pour appuyer efficacement le processus de consolidation de la paix en Haïti, a-t-il dit.  Le délégué a rappelé que la MINUJUSTH est la seule mission de maintien de la paix de l’ONU qui ne comporte que des composantes purement civile et policière.  Nous devons tirer les leçons de cette expérience lorsque nous nous pencherons sur les stratégies de transition et de retrait d’autres missions onusiennes, a-t-il estimé.  Le délégué a demandé que tous les cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles fassent l’objet d’une enquête approfondie.  Enfin, il a exhorté tous les États Membres à contribuer au Fonds d’affectation spéciale pluripartenaire des Nations Unies pour la lutte contre le choléra en Haïti.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a jugé très utiles les évaluations du Secrétaire général adjoint et a dit avoir constaté des progrès très encourageants.  Il a salué les efforts des autorités haïtiennes pour développer un état de droit, et notamment l’initiative présidentielle de la « Caravane du changement ».  Il a constaté la participation accrue d’Haïti à des organisations internationales et régionales, notamment la présidence de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).  Comme pour toute opération de maintien de la paix, il est indispensable de tenir compte à chaque étape de la MINUJUSTH de l’avis du Gouvernement hôte et du principe d’appropriation nationale, a rappelé le représentant.  Une assistance adéquate est importante pour le Gouvernement, à qui il appartient de définir les tâches et priorités en matière de consolidation de la paix et de développement.

Le représentant s’est dit préoccupé par la situation humanitaire du pays, qui subit toujours les conséquences de l’ouragan Matthews.  Il a pris note du retour progressif des populations, tout en faisant observer que ces retours créaient aussi un fardeau supplémentaire pour les communautés.  Il s’est félicité des progrès de la Police nationale haïtienne mais s’est dit préoccupé par les informations faisant état de crimes d’abus sexuels commis par des agents humanitaires appartenant à des organisations internationales.  Alors qu’il s’apprête à renouveler le mandat de la MINUJUSTH, le Conseil de sécurité doit s’assurer que les réalités du terrain ont bien été prises en compte, notamment en ce qui concerne la structure de la mission, a encore estimé le représentant, qui a conclu en souhaitant pour Haïti « un gouvernement fort et une société unie » qui, ensemble, pourront renforcer les capacités du pays.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a salué le dialogue politique mené en Haïti avec tous les secteurs clefs du pays en vue de l’élaboration d’une stratégie de développement.  Il a demandé une amélioration du secteur judiciaire, ainsi qu’une diminution de la durée des détentions préventives.  Il a appelé la MINUJUSTH à se concentrer sur le renforcement des capacités de la Police nationale et sur les moyens de garantir l’indépendance du secteur judiciaire haïtien.  Il a pris note de la stratégie de sortie échelonnée de la MINUJUSTH et défendu une coopération accrue entre la Mission et le Gouvernement.  Il a ensuite rappelé qu’Haïti assume la présidence actuelle de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).  La lutte contre le choléra en Haïti doit rester prioritaire, a conclu le représentant du Kazakhstan.  

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est dit attaché à la pérennisation de la paix en Haïti et a rappelé que son pays avait fourni près de 6 000 hommes à la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  Aujourd’hui, la MINUJUSTH, qui a pour mandat d’organiser une transition viable, doit, a dit le représentant, aider à la mise en place d’institutions viables de protection et de promotion des droits de l'homme, « une des activités essentielles du mandat ».  Le représentant a plaidé pour des mesures spécifiques contre l’imputé et pour la protection des femmes et des enfants.  Il importe aussi, a-t-il poursuivi, d’assurer une coordination ordonnée en vue de la transition vers le développement durable.  Le représentant a plaidé à cet égard pour un renforcement de la présence onusienne, l’implication des institutions financières internationales et une plus grande participation des femmes et des jeunes.  Il a enfin rappelé les « efforts colossaux » du Secrétaire général pour obtenir l’appui de la communauté internationale dans la lutte contre le choléra et a demandé aux États Membres d’apporter l’assistance nécessaire. 

M. DENIS RÉGIS (Haïti) a indiqué « qu’un nouvel ordre des choses » a émergé en Haïti.  Le pays est aujourd’hui en paix et dans le sillage des élections démocratiques de 2017, la stabilité institutionnelle et l’autorité de l’État ont été restaurées, les acquis démocratiques sont consolidés, les institutions prévues par la Constitution fonctionnent régulièrement.  Le représentant a loué « la certitude politique retrouvée ».  Parmi les indicateurs de progrès, il a mentionné la très nette diminution de la criminalité violente, le renforcement de la lutte contre la corruption, « y compris dans le cadre du dossier Petro Caribe » ou bien encore le professionnalisme accru de la Police nationale.  Le délégué s’est dit « sensible » aux questions relatives à l’accès à la justice, au renforcement du système judiciaire ou au non-respect des droits de la personne.  Des réponses sont en train d’être apportées, a-t-il affirmé, ajoutant que ces problèmes sont la résultante de « décennies d’abandon ».  Le délégué a indiqué que son gouvernement a également pris note des préoccupations face à certains cas « isolés » d’abus de droits de l’homme perpétrés par des représentants des forces de l’ordre.  Les deux incidents signalés dans le rapport du Secrétaire général font l’objet « de la plus sérieuse attention » de la part des autorités compétentes, a assuré le délégué.  « L’état de droit ne se divise pas. »

Le délégué a redit toute la valeur qu’attache son gouvernement au mandat de la MINUJUSTH, qui s’inscrit dans une perspective différente de la Mission précédente qui était axée sur la stabilisation.  Mécanisme d’accompagnement et de consolidation des acquis, l’horizon temporel de la MINUSJUSTH ne peut être que limité, a-t-il dit.  Le délégué a noté la stratégie de retrait proposée par le Secrétaire général, selon un calendrier qui devra être établi de concert par les deux parties, « en fonction de jalons et de points de repères convenus ».  Comme il l’a fait valoir, le Gouvernement adhère au principe d’une évolution de la Mission vers une présence de l’ONU s’inscrivant dans un cadre de renforcement des capacités au lieu du maintien de la paix.

M. Régis a souhaité la poursuite de la coopération entre Haïti et l’ONU, dans le cadre d’un partenariat fort, qui favorise réellement de nouvelles avancées dans tous les secteurs de l’état de droit.  Rien de tout cela ne sera possible sans le respect scrupuleux des obligations réciproques et en dehors d’un authentique esprit de solidarité, de respect mutuel et de confiance, a-t-il prévenu.  Le délégué a souhaité un accompagnement de la communauté internationale en vue de favoriser les conditions d’une stimulation vigoureuse de la croissance et de la réduction de la pauvreté et a salué l’initiative de la « retraite sur la transformation d’Haïti » lancée par le Secrétaire général.  S’agissant de l’épidémie de choléra, qui continue de sévir malgré les progrès enregistrés, le délégué a souhaité que la nouvelle initiative du Secrétaire général « permette enfin la concrétisation des deux volets de la nouvelle approche de l’ONU contre le choléra ».  Le Fonds d’affectation spéciale n’a pu recueillir jusqu’à présent qu’un peu plus de 7 millions de dollars, ce qui est nettement insuffisant au regard des 400 millions de dollars nécessaires, a-t-il déploré.  En conséquence, M. Régis a appelé à « un sursaut de bonne volonté » et à l’exploration de sources de financement « innovantes et prévisibles » afin que les victimes, leurs proches et leurs ayants droit puissent recevoir la juste compensation qui leur est due.  Enfin, le délégué a assuré que son pays entend approfondir son dialogue avec le Conseil de sécurité, le Secrétariat et toutes les instances de l’ONU.

M. JOÃO PEDRO VALE DE ALMEIDA, Chef de délégation de l’Union européenne, a rappelé que le mandat principal de la MINUJUSTH est le renforcement de l’état de droit, de la police et la défense et la promotion des droits de l'homme.  Il a constaté la fin d’un long cycle d’instabilité institutionnelle avec l’élection du Président Moïse et d’un nouveau Parlement.  L’Union européenne s’en félicite et considère ce retour à un fonctionnement constitutionnel normal comme une condition sine qua non pour que le pays puisse faire face aux nombreux défis politiques, économiques, sociaux et environnementaux auxquels il est confronté.

Toutefois, cette condition nécessaire n’est pas suffisante, a poursuivi le représentant qui a estimé que « les racines de l’instabilité sont encore intactes ».  Il faut donc, d’urgence, des réformes courageuses » de la Constitution, du système électoral et du système judiciaire, en particulier pour assurer l’accès de tous à une justice impartiale, équitable et efficace.  Pour l’Union européenne, « des signes de la volonté de réforme ont été donnés, il faut désormais les concrétiser » et saisir l’occasion historique offerte par cette période de relative stabilité et de légitimité démocratique.  Le représentant a insisté sur le caractère clef d’une « réforme consensuelle et profonde du système électoral ».

Il a appuyé le travail de la MINUJUSTH mais a estimé, malgré les progrès, que la « situation sécuritaire demeure très fragile ».  Le représentant a donc jugé essentiel de compléter le travail de renforcement et de professionnalisation de la Police nationale haïtienne, d’insister sur une réforme de la justice et du système pénitentiaire et de consolider les droits de l'homme.  Il faut pour cela à la Mission « une période de temps suffisante pour la transition des responsabilités à l’Équipe de pays », y compris pour assurer l’irréversibilité des réformes menées.

Tout en répétant l’appréciation positive de l’Union européenne face à la MINUJUSTH, M. de Almeida a estimé qu’il fallait « d’ores et déjà penser  à l’avenir ».  Dès lors, l’organisation de la transition de la Mission est fondamentale et, pour l’Union européenne, il faudra notamment accorder une attention spéciale au respect des droits de l'homme dans l’action sécuritaire et à l’accès à une justice impartiale pour tous.  Il est essentiel que la police et le système judiciaire haïtiens soient efficacement préparés à assumer toutes les tâches actuellement réalisées par la Mission, a-t-il averti.  L’Union européenne soutiendra les autorités haïtiennes pour qu’elles puissent consolider leur engagement et leurs efforts, a conclu le représentant. 

Au nom du Groupe des Amis d’Haïti, M. MARC-ANDRE BLANCHARD (Canada) a souligné la nécessité de mettre en œuvre des réformes structurelles en Haïti en vue notamment de promouvoir les droits humains, de lutter contre la surpopulation carcérale, d’accroître la participation des femmes dans les processus de prise de décisions ou d’améliorer la qualité des services publics.  Il a insisté sur l’importance de la lutte contre la corruption et l’impunité dans le pays.  « Le renforcement de l’état de droit et des institutions démocratiques est crucial pour la stabilité et la prospérité de long terme du pays ».  Appelant de ses vœux une coopération accrue entre la MINUJUSTH et le Gouvernement, M. Blanchard a appuyé le renouvellement du mandat de la Mission pour une année supplémentaire, avant de souhaiter que les critères de retrait de la Mission soient affinés, en étroite collaboration avec les autorités haïtiennes.  Les conditions sur le terrain doivent être rigoureusement examinées et la présence de la Mission doit être ajustée en vue de préserver les progrès accomplis en Haïti, a-t-il déclaré.  Enfin, le délégué a exhorté tous les États Membres à soutenir les efforts de lutte de l’ONU contre le choléra.

M. ALEJANDRO GUILLERMO VERDIER (Argentine) s’est félicité du dernier rapport du Secrétaire général et notamment des dispositions sur la stratégie de sortie.  L’Argentine, a-t-il rappelé, insiste depuis longtemps sur le fait qu’au-delà d’un calendrier, la sortie de la Mission doit se fonder sur la réalisation progressive du mandat et l’évolution de la situation sur le terrain, afin de ne pas menacer les acquis des 14 années de la MINUSTAH.  Le représentant a relevé que les objectifs de la stratégie de sortie intégraient la nécessité d’harmoniser le mandat de la Mission avec le Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement 2017-2021.  Il a ensuite détaillé les progrès réalisés par la Mission, tout en soulignant les efforts déployés par les autorités nationales haïtiennes.  Il a cité en exemple les progrès considérables dans la lutte contre le choléra, lesquels doivent encore être poursuivis, notamment par la mobilisation des ressources nécessaires.

L’Argentine continuera de fournir des forces de police à la Mission tout en poursuivant son assistance bilatérale à Haïti, a également affirmé le représentant, qui a pris note de la reconstitution de Forces armées nationales en souhaitant que cette décision souveraine ne perturbe pas le plan de développement stratégique de la Police nationale haïtienne.

Mme MARIA DEL CARMEN DOMÍNGUEZ ÁLVAREZ (Chili) a loué le rôle fondamental joué par la MINUJUSTH et appuyé une stratégie de sortie échelonnée de la Mission en fonction de la réalité sur le terrain.  Nous ne pouvons pas nous permettre de compromettre les progrès enregistrés en Haïti, a-t-elle dit.  La Mission ne pourra consolider ces acquis que si elle coopère étroitement avec tous les acteurs nationaux, a-t-elle poursuivi.  La déléguée a pris note de la diminution des cas de choléra dans le pays et appuyé la nouvelle stratégie de l’ONU visant à éradiquer l’épidémie.  Elle a demandé à tous les États Membres d’imiter le Chili et d’apporter une contribution au Fonds d’affectation spéciale pluripartenaire des Nations Unies pour la lutte contre le choléra en Haïti.  Enfin, la représentante a souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la vulnérabilité du pays notamment face aux catastrophes naturelles et salué à ce titre le Plan de réponse humanitaire élaboré par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

M. MAURO VIEIRA (Brésil) a constaté avec satisfaction que la transition entre la MINUSTAH et la MINUJUSTH avait pu se faire sans conséquences négatives sur la stabilité et la sécurité nationale, y voyant un signe du succès de la MINUSTAH, y compris du retrait progressif de sa composante militaire et du transfert réussi des responsabilités à la Police nationale haïtienne.  Le représentant a insisté sur le succès de la MINUSTAH, dont la Force a été dirigée pendant ses 13 années d’existence par le Brésil.  Il a cité diverses « expériences positives », comme la coopération entre le personnel civil et militaire sur le terrain, la communication auprès des communautés, les mesures de confiance ou encore le rôle important confié aux femmes, voyant dans ces approches innovantes de possibles modèles pour d’autres missions.  Tout en se félicitant de la diminution de la criminalité et du nombre des homicides, M. Vieira a toutefois invité à la prudence et a souhaité la poursuite par la MINUJUSTH des projets à impact rapide et des projets communautaires de réduction de la violence, estimant qu’ils avaient contribué à la stabilisation.

M. Vieira a pris note de la stratégie de sortie sur deux ans préconisée par le Secrétaire général pour la transition vers une présence des Nations Unies qui ne soit plus une opération de maintien de la paix.  Il a salué le fait que les 11 objectifs définis comme critères de sortie aient été adoptés en étroite coopération avec le Gouvernement haïtien.  Il a souhaité que cette consultation se poursuive tout au long de l’examen de la stratégie de sortie.  À cet égard, il a encouragé tant la Mission que le Gouvernement à profiter du mandat de la Mission pour mettre en pratique un ambitieux programme de réforme de l’état de droit, afin que le pays puisse consolider les gains de stabilité acquis ces 14 dernières années.

Enfin, le représentant a encouragé la prorogation d’un an du mandat de la MINUJUSTH avec un budget et une composante de police inchangés.  Le Brésil aurait toutefois préféré que la référence au Chapitre VII de la Charte de l’ONU dans le projet de résolution se limite aux activités de la composante police.  Par ailleurs, le Brésil reste engagé à long terme en faveur d’Haïti.  Si ses Casques bleus sont partis, son engagement reste ferme, comme en témoigne la coopération bilatérale croissante, a conclu le représentant. 

M. FRANCISCO GONZÁLEZ (Colombie) a salué la transition sans heurts entre la MINUSTAH et la MINUJUSTH et le bon fonctionnement de cette dernière.  Il n’y aura pas de stabilité en Haïti sans le renforcement des institutions démocratiques, a-t-il prévenu.  Il a rappelé que la MINUJUSTH a pour tâches essentielles de promouvoir l’état de droit et de renforcer les capacités de la Police nationale.  Il a souhaité la mise en œuvre de réformes profondes du secteur judiciaire haïtien ainsi que l’affectation de davantage de ressources pour financer les efforts de formation de la Police nationale.  En conclusion, le délégué a salué la souplesse affichée par le Conseil de sécurité dans l’évaluation du mandat de la Mission, en tenant compte de la situation sur le terrain. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission du désarmement termine son débat général avec l’intention de faire de l’espace extra-atmosphérique « un lieu de coopération et non de conflit »

Session de 2018,
371e séance – matin
CD/3764

La Commission du désarmement termine son débat général avec l’intention de faire de l’espace extra-atmosphérique « un lieu de coopération et non de conflit »

La Commission du désarmement a achevé, ce matin, son débat général de deux jours, dans une multiplication d’appels à faire de l’espace extra-atmosphérique « un lieu de coopération et non de conflit » au profit de toute l’humanité.  Les travaux de la Commission qui s’inscrivent dans un nouveau cycle triennal allant de 2018 à 2020, devraient aboutir à des recommandations sur le désarmement nucléaire et les mesures de confiance à établir pour éviter une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

Parmi les 56 délégations qui ont participé au débat, la Côte d’Ivoire a dressé la topographie de la situation: ébranlement de l’architecture internationale du désarmement et de non-prolifération nucléaires dont témoignent les essais nucléaires et le lancement de missiles balistiques, de haute portée; et la course à l’acquisition de nouveaux types d’armes, tels que les systèmes d’armes létales autonomes, les cyberarmes et d’autres armes de destruction massive.  Cette situation, s’est-elle désolée, nous replonge dans l’atmosphère « morose » de la guerre froide.  L’espace extra-atmosphérique est tant convoité que sa militarisation n’est plus à exclure, menaçant ainsi notre objectif commun de désarmement et de non-prolifération nucléaires, a ajouté la Côte d’Ivoire. 

Hier, le Haut-Représentant adjoint aux affaires de désarmement a estimé que l’une des mesures spécifiques à laquelle la Commission pourrait travailler serait la protection de l’espace extra-atmosphérique contre les conflits.  Il a noté la croissance massive du nombre des acteurs dans l’espace, tant du secteur public que du secteur privé, et a aussi parlé de la généralisation des missiles terrestres qui sont devenus des armes contre les satellites, sans oublier le développement des technologies et concepts qui ont des applications potentielles dans les systèmes antispatiaux. 

Aussi longtemps que certains verront l’espace extra-atmosphérique comme un terrain potentiel de confrontation, nous verrons les risques de militarisation et de conflit s’aggraver, a averti le haut fonctionnaire, craignant des conséquences dévastatrices.  L’Inde a jugé important d’examiner la sécurité spatiale de façon globale et a prôné l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant, une proposition à laquelle se sont opposés hier les États-Unis.  Cette session est l’occasion d’examiner et de contribuer à la mise en œuvre des recommandations que le Groupe d’experts gouvernementaux chargé de mener une étude sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales a faites en 2013, a souligné, toujours hier, le Haut-Représentant aux affaires de désarmement.

Cela est d’autant plus important que la technologie spatiale et ses applications sont des outils indispensables pour trouver des solutions viables à de nombreux défis du développement et contribuer à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ont plaidé les Philippines, reprenant le point de vue de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  Hier, la Fédération de Russie avait attiré l’attention, une nouvelle fois, sur le projet de traité contre le déploiement d’armes dans l’espace et la menace ou l’emploi de la force contre des objets spatiaux qu’elle a présenté conjointement avec la Chine, en juin 2014.

Revenant au désarmement nucléaire, l’Inde a imputé l’impasse au manque de volonté politique des États.  Elle a plaidé, comme le Mouvement des pays non-alignés, pour une convention générale sur les armes nucléaires.  « L’appétit insatiable de certains États et l’absence de progrès dans la recherche d’un accord sur la dénucléarisation » sont les principaux points de blocage, a taclé le Pakistan qui a accusé un « pays d’Asie du Sud » de continuer inlassablement de renforcer ses capacités militaires », secouant la stabilité stratégique de la région.  Le Pakistan a rappelé l’ensemble des propositions qu’il a présenté sur la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive en Asie du Sud. 

La France a rejeté « avec la plus grande fermeté », le Traité d’interdiction complète des armes nucléaires, comme une tentative visant à affaiblir le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Le Traité d’interdiction fragilise non seulement le régime international de non-prolifération mais aussi l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) puisqu’il ne reprend pas ses plus hauts standards de vérification, dont le Protocole additionnel, s’est expliquée la France.  Ces propos lui ont valu un droit de réponse de l’Autriche, du Brésil, du Mexique et du Nigéria qui ont défendu un Traité « en tout point compatible » avec le TNP, comme son préambule le souligne.  Le Traité d’interdiction soutient les trois piliers du TNP s’inscrit comme une « mesure historique servant à nous rapprocher de l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires », ont fait valoir ces pays.

Aujourd’hui, le débat général a aussi été marqué par un vif échange entre la Fédération de Russie et le Royaume-Uni au sujet de l’empoisonnement par la substance chimique « Novitchok » de l’ex-agent double russe Sergei Skripal et de sa fille Loulia Skripal dans la ville britannique de Salisbury, le 3 mars dernier.  La Fédération de Russie, qui s’est amusée des scénarii dignes d’un « James Bond ou d’un roman d’Agatha Christie », a annoncé la convocation demain d’une séance spéciale de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour que la vérité éclate enfin.  Le Royaume-Uni a promis de déposer les preuves de la culpabilité de Moscou à l’OIAC et de fournir à la Fédération de Russie les conclusions de sa procédure judiciaire « en temps voulu ».  La France en a profité pour rappeler qu’elle a lancé en janvier dernier le « Partenariat contre l’impunité dans l’utilisation d’armes chimiques ».

La Commission du désarmement, qui poursuit ses travaux au sein de deux Groupes de travail, terminera sa session annuelle le 20 avril prochain.

Débat général

Au nom de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. ARIEL RODELAS PENARANDA (Philippines) a plaidé pour la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.  Il a appelé ceux qui ne l’ont pas encore fait à signer sans attendre le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).  Saluant l’annonce du sommet intercoréen et la rencontre annoncée entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et les États-Unis ainsi que les efforts de la République de Corée et de toutes les parties concernées pour une issue pacifique de la crise dans la péninsule coréenne, le représentant a pris note de l’engagement de la RPDC en faveur de la dénucléarisation et de sa promesse de renoncer aux essais nucléaires et aux lancements de missiles durant cette période.  Le représentant a réitéré l’appui de l’ASEAN à la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la péninsule coréenne, et ce, de manière pacifique et a exprimé l’espoir d’une solution « pacifique et amicale ».

L’ASEAN est convaincue, a-t-il poursuivi, que la technologie spatiale et ses applications sont des outils indispensables pour trouver des solutions viables à de nombreux défis du développement et contribuer à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  S’agissant des recommandations sur des mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales, le représentant a souligné que pour l’ASEAN, l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique doit se faire à des fins pacifiques et pour le bien de toute l’humanité.  À cet égard, il a prôné la recherche d’un consensus sur des normes liées à l’utilisation pacifique de l’espace

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Mme ASHA CECILY CHALLENGER (Antigua-et-Barbuda) a rappelé que cette session est la première après l’adoption du Traité d’interdiction des armes nucléaires, l’année dernière.  Elle a invité les pays de la CARICOM qui ne l’ont pas encore fait à le ratifier au plus vite.  Elle a aussi invité la communauté internationale à faire fond sur ce succès et à veiller à ce que les travaux de ce cycle triennal soient également couronnés de succès.  Elle a rappelé les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires, s’inquiétant de voir que certains États modernisent leur arsenal.

Elle s’est ensuite félicitée du fait que la CARICOM soit la première région à avoir été déclarée exempte d’armes nucléaires grâce au Traité de Tlatelolco qui couvre également l’Amérique latine.  Elle a conclu en espérant, une nouvelle fois, que les succès de l’année dernière permettront de faire avancer l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires.  Elle a également plaidé pour la démilitarisation de l’espace et la mise en œuvre de mesures de transparence et de confiance.

M. MARK POWER (Royaume-Uni) a dit qu’il était profondément préoccupant que depuis la dernière réunion de la Commission, les règles et les normes contre la prolifération des armes nucléaires aient été violées de manière flagrante et avec agressivité par la Russie, l’exemple le plus récent étant la toute première utilisation d’armes chimiques sur le sol européen, depuis la création de l’Union européenne et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).  Il s’agissait là, a martelé le représentant, d’une violation claire de la Convention sur les armes chimiques et, comme utilisation illégale de la force, d’une violation de la Charte des Nations Unies.  La communauté internationale a reconnu à l’unisson qu’il n’y a pas d’autres conclusions plausibles que la culpabilité de l’État russe.  L’incapacité de la Russie à répondre aux demandes directes du Gouvernement britannique et de la communauté internationale confirme sa culpabilité, a estimé le représentant.  Le mépris de la Russie pour les normes et les lois internationales menace les fondations mêmes de nos démocraties, de nos sociétés ouvertes et de nos économies libérales, s’est indigné le représentant.  Ces activités hostiles ne respectent pas les frontières et nous menacent tous, a-t-il prévenu, avant d’exprimer sa gratitude à tous ceux qui ont répondu aux agissements russes par la plus grande expulsion collective des agents de renseignements non déclarés de l’histoire.  L’expulsion du réseau que la Russie a utilisé pour mener à bien cette provocation envoie un signal clair: les tentatives russes de bafouer le droit international et de saper nos valeurs ne seront plus tolérées.

Le représentant a pris le temps de saluer le prochain sommet intercoréen, la réunion annoncée entre les dirigeants américains et nord-coréens et les efforts continus de la Chine sur la dénucléarisation.  Il a aussi salué la promesse de Kim Jong Un de s’abstenir de mener des essais nucléaires ou de lancer des missiles pendant la poursuite du dialogue.  Toutefois, en attendant que la Corée du Nord joigne la parole aux actes, nous continuerons, a prévenu le représentant, de travailler avec les partenaires internationaux pour maintenir la pression, à l’aide des sanctions.  Le représentant a exhorté la Corée du Nord à respecter ses obligations internationales, y compris le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Pour sa part, le Royaume-Uni s’est engagé depuis longtemps à ne pas utiliser ou menacer d’utiliser les armes nucléaires contre les États parties au Traité qui respectent leurs obligations, a rappelé le représentant.  Mais, a-t-il averti, le Royaume-Uni se réserve le droit de revenir sur ces garanties si ces États le menacent avec d’autres armes de destruction massive.  Le représentant a aussi réaffirmé que son pays ne deviendra pas partie au TNP.  Pour ce qui est des activités spatiales, M. Power a souligné l’importance des mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales, conformément aux recommandations du Groupe d’experts gouvernementaux chargé de mener une étude sur l’application à l’espace de diverses mesures de confiance.

M. MATTEO FACHINOTTI (Suisse) a déploré le fait que le monde vive aujourd’hui une course à l’armement et non pas une course au désarmement.  Il a invité la communauté internationale à mener des enquêtes sur les allégations d’usages d’armes chimiques en Syrie.  Il a estimé qu’il faut revitaliser les organes du désarmement, tout en saluant les avancées récentes de la Commission du désarmement qui a pu arriver à un consensus l’an dernier sur des recommandations portant sur les armes classiques.  Selon la Suisse, les conséquences catastrophiques de l’usage des armes nucléaires nous invitent à œuvrer pour leur destruction totale.  Le délégué s’est inquiété du programme nucléaire de la RPDC et a invité ce pays à se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Il a noté qu’en plus des sanctions, il faut maintenir le dialogue, comme celui en cours avec son voisin du Sud et auquel la Suisse est prête à contribuer si les parties le souhaitent.  Il ne nous faut pas plus d’armes, il faut plus de dialogue, a-t-il martelé avant de recommander que la Commission du désarmement rédige un catalogue sur les risques d’usage des armes nucléaires.

Dans le cadre des activités spatiales, il a relevé que l’espace extra-atmosphérique est le siège d’un regain d’activités, autant civiles que militaires.  La transparence dans ces activités spatiales et la confiance entre États jouent un rôle majeur.  Il a aussi dit que le rapport 2013 du Groupe d’experts gouvernementaux sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales était un document idoine pour les débats.

M. N’CHO VIRGILE AKIAPO (Côte d’Ivoire) a dit que l’architecture internationale du désarmement et le régime juridique de la non-prolifération avaient été fortement ébranlés au cours des dernières années.  En effet, la réalisation des essais nucléaires et le lancement de missiles balistiques, de haute portée, par certains États ainsi que la course à l’acquisition de nouveaux types d’armes, tels que les systèmes d’armes létales autonomes, les cyberarmes et d’autres armes de destruction massive, nous replongent dans l’atmosphère « morose » de la guerre froide.  Le marché des armes classiques s’est étendu, alimentant le terrorisme et les conflits de tous ordres.  De la même manière, l’espace extra-atmosphérique est tant convoité que sa militarisation n’est plus à exclure.  Notre objectif commun de désarmement et de non-prolifération nucléaires est menacé.  En effet, la poursuite du programme nucléaire par les autorités de la RPDC appelle à la nécessité d’une entrée en vigueur, sans délais, du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN). 

Le représentant a appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Traité.  Il a invité les États à respecter scrupuleusement le moratoire sur les essais nucléaires, à s’abstenir de tout acte contraire à l’esprit et la lettre du TICEN.  Il a exhorté à appliquer pleinement les dispositions pertinentes du Traité sur la non-prolifération (TNP) et à adhérer au tout nouveau Traité d’interdiction des armes nucléaires pour éviter que l’utilisation de telles armes ne cause des conséquences incommensurables à notre planète.  En outre, plus de 50 ans après la création du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, il convient aujourd’hui de faire en sorte que les politiques de conquête de l’espace ne débouchent pas sur la militarisation de l’espace extra-atmosphérique.     

M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a salué le nouveau thème de discussions de la Commission à savoir les mesures de confiance pour prévenir la course aux armements dans l’espace.  Pour la Croatie, en allant au-delà des domaines des armes classiques et du nucléaire, la Commission a fait montre de flexibilité et de sa disposition à répondre à de nouveaux défis.  Le délégué a estimé que l’année 2017, qui a été la seconde année la plus importante s’agissant du nombre de satellites mis en orbite, porte à croire que les questions liées à l’espace gagnent en importance et qu’y prévenir les conflits est une bonne chose pour l’humanité.

Il a rappelé que la Commission du désarmement est le seul organe subsidiaire de l’Assemblée générale à composition universelle dont le consensus demeure le principe.  C’est la raison pour laquelle la Commission a une autorité et une responsabilité avérées au sein du mécanisme onusien du désarmement.  Il a également rappelé qu’en vertu de la résolution 69/77 de 2014, l’Assemblée générale avait invité la Commission à convier l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR) à prendre part à ses travaux.  Il a souhaité que cela soit fait pour permettre aux membres de la Commission de comprendre les tenants et aboutissants des nouvelles tendances dans les différents domaines du désarmement.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a noté une recrudescence des tensions dans le monde en raison de la menace de certains pays d’utiliser la force contre d’autres.  C’est une violation de la Charte des Nations Unies, a constaté le représentant qui a argué que les 15 000 têtes nucléaires déployées dans le monde rendent leur élimination « inéluctable ».  On assiste, au contraire, s’est désolé le représentant, à la modernisation des armes nucléaires.  Il a exhorté les pays dotés à commencer à réduire leurs armes de destruction massive, ajoutant que face « au péril », il faut des garanties de sécurité négatives selon lesquelles les États dotés ne doivent pas menacer d’utiliser ou utiliser ces armes contre les États non dotés.  Le représentant a annoncé que depuis mars 2018, le Venezuela est devenu partie au TNP.  Il n’a pas oublié de dénoncer les restrictions au droit de tous les pays à se doter de la technologie nucléaire à des fins pacifiques.  S’agissant de l’exploitation de l’espace extra-atmosphérique, il a jugé que le débat sur les mesures de transparence et de confiance ne devrait pas occulter celui sur un instrument juridiquement contraignant contre la course aux armements dans l’espace.

M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a plaidé pour la destruction totale de toutes les armes de destruction massive, afin de veiller à la sécurité des générations actuelles et futures.  L’Iraq a déjà ratifié le Traité d’interdiction complète des armes nucléaires et plaide pour l’établissement des zones exemptes d’armes nucléaires dans toutes les régions du monde, y compris au Moyen-Orient.  L’Iraq, a poursuivi le représentant, est déçu de la dernière la Conférence d’examen du TNP en 2015 qui n’a pu se mettre d’accord sur un document final.  Il faut espérer que la Conférence de 2020 aura une issue plus heureuse, a dit le représentant, arguant que la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient ne pourrait que renforcer la paix et la sécurité dans la région et dans le monde entier.  Il a invité Israël à délaisser ses armes nucléaires et à soumettre ses installations au contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Il a également rappelé le droit inaliénable de tous les États, notamment ceux en développement, de mener des activités de recherche dans le domaine nucléaire à des fins pacifiques, sous la surveillance de l’AIEA et selon les normes du régime de non-prolifération.  M. Bahr Aluloom s’est dit inquiet de la possibilité que les armes nucléaires tombent entre les mains des terroristes.  Il a prôné le renforcement de la sécurité des installations nucléaires.

Mme YOLANNIE CERRATO (Honduras) a exprimé son ferme soutien au Programme d’action visant à prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects et à appliquer l’Instrument international de traçage.  La représentante a fait savoir que le désarmement devrait être directement lié au maintien de la paix et de la sécurité internationales et à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Concernant les armes nucléaires, elle a exprimé son soutien à l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et pour le développement.  Mme Cerrato a également exprimé son soutien à la Journée internationale de l’élimination totale des armes nucléaires en septembre et a encouragé les États à redoubler d’efforts à cet égard.  Elle a ajouté que les dépenses en armes en général, et nucléaires, en particulier, privent les États de ressources essentielles au développement durable.  Il est « immoral » d’essayer de parvenir à la paix avec des armes nucléaires, a-t-elle martelé, avant de réitérer l’engagement de son pays à assurer le succès des travaux de la Commission.  Elle a exprimé l’espoir que des propositions concrètes seraient transmises à l’Assemblée générale à la fin du cycle triennal

Mme CAMILLE ANDRIEU (France) a noté que la prolifération des armes biologiques, chimiques, nucléaires et leurs vecteurs, et le risque de leur utilisation par des États ou des groupes terroristes, continuent de constituer des dangers bien réels.  Pour la France, le régime de non-prolifération est aujourd’hui dangereusement éprouvé.  La déléguée a ainsi cité l’emploi d’armes chimiques par le régime syrien et Daech, et la poursuite d’activités nucléaires balistiques déstabilisatrices, ou encore le cas d’un allié de la France qui a été indignement frappé. 

Dans le même temps, les armes conventionnelles continuent de représenter un enjeu majeur de sécurité pour l’ensemble des régions du monde.  L’année dernière a en effet permis de voir que l’action internationale dans le domaine des armes conventionnelles doit désormais intégrer le risque d’acquisition et d’utilisation d’armes conventionnelles par des groupes terroristes.  La France, comme d’autres pays, en a fait la tragique expérience.  C’est pourquoi la communauté internationale, dans son ensemble, doit s’engager à combattre le trafic de ces armes et de leurs munitions.

La représentante a aussi rappelé qu’alors que nous nous reposons de manière croissante sur les applications spatiales, l’environnement spatial se détériore de manière continue et fait face aujourd’hui à de nombreux défis, que nous ne pouvons laisser de côté.

La France réitère en outre son ferme attachement à la préservation et la mise en œuvre par toutes les parties du Plan d’action global commun, l’accord portant sur le nucléaire iranien.  Le pays a appelé aussi à rester unis et déterminés pour le démantèlement complet, vérifiable et irréversible des programmes nucléaire et balistique nord-coréens, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.  Pour la France, il est indispensable que les récentes manifestations d’ouverture de la Corée du Nord sur la dénucléarisation de la péninsule s’accompagnent de gestes concrets de la part de Pyongyang en vue d’une négociation sincère.

Mme Andrieu a dit « rejeter, avec la plus grande fermeté, toutes les tentatives qui visent à affaiblir le TNP », comme c’est le cas du Traité d’interdiction complète des armes nucléaires qui fragilisent le régime international de non-prolifération, en étant contraire au TNP.  Il fragilise également l’AIEA, a-t-elle argué en expliquant qu’il ne reprend pas ses plus hauts standards de vérification, dont le Protocole additionnel de l’AIEA duquel la France soutient l’universalisation. 

Elle a ensuite cité des actions concrètes de la France dans le domaine du désarmement nucléaire, notamment le démantèlement irréversible de son site d’essais nucléaires, de ses installations de production de matières fissiles à des fins d’armes et de la composante terrestre de sa dissuasion. 

La déléguée a par ailleurs dénoncé, tour à tour, l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, l’assassinat du beau-frère du dirigent nord-coréen en 2017 en Malaisie, et la tentative d’assassinat de Sergei Skripal et de sa fille le mois dernier au Royaume-Uni.  Face au risque intolérable d’une impunité de fait, la France a pris l’initiative de lancer le « Partenariat contre l’impunité dans l’utilisation d’armes chimiques », à Paris en janvier dernier.  Il s’agit d’appuyer les efforts des enceintes dédiées à la préservation du régime de non-prolifération chimique dont nous avons la responsabilité, a-t-elle expliqué.   

M. TEODORO LOPEZ LOCSIN, JR. (Philippines) a déclaré que la communauté internationale doit s’entendre sur des recommandations concrètes sur les deux points à l’ordre du jour de cette session de la Commission à savoir le désarmement nucléaire et l’espace extra-atmosphérique.  Sur le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), les recommandations devraient contribuer à surmonter les blocages actuels.  Notre réponse collective doit garder le même rythme que le développement des armes nucléaires.  Concernant la dénucléarisation de la péninsule coréenne, le représentant a encouragé la reprise du dialogue entre les parties concernées pour trouver une issue pacifique à la question.  Au sujet de l’espace extra-atmosphérique, il a rappelé que sa délégation a voté pour les résolutions sur la prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique et le non-déploiement en premier d’armes dans l’espace extra-atmosphérique, en décembre 2017.   

M. JOSÉ ATAÍDE AMARAL (Portugal) a déclaré qu’un monde exempt d’armes nucléaires est un impératif moral au vu des conséquences humanitaires qui découleraient de leur utilisation.  Il a salué le Traité d’interdiction des armes nucléaires adopté l’an dernier et a prôné une approche inclusive pour parvenir à la dénucléarisation.  M. Amaral s’est dit inquiet des nouveaux signes d’une course aux armements.  Il faut, dans ce contexte, rétablir la confiance entre les États dotés.  Pour le Portugal, le TNP est la pierre angulaire du régime de non-prolifération nucléaire et il est crucial que la Conférence d’examen de 2020 soit un succès.  Le Portugal salue le Plan d’action global commun sur le programme nucléaire iranien mais s’inquiète des essais nucléaires de la RPDC.  S’agissant de l’espace extra-atmosphérique, le Portugal estime qu’il faut établir « une base démocratique ».  Des mesures de transparence et de renforcement de la confiance joueraient un rôle majeur pour éviter la militarisation et pour y parvenir, il faut un engagement politique sur des garanties agréées par l’ONU. 

M. MODEST JONATHAN MERO (République-Unie de Tanzanie) a souligné la nécessité pour la Commission d’obtenir des résultats concrets sur les points inscrits à son ordre du jour: l’objectif de désarmement nucléaire et la non-prolifération des armes nucléaires, et les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales.  Le représentant a souligné l’importance de parvenir à l’élimination totale, irréversible et vérifiable des armes nucléaires et de toutes les armes de destruction massive.  M. Mero s’est dit préoccupé par l’échec de la Conférence d’examen de 2015, imputant la situation au manque de volonté politique des États.  Il s’est également dit profondément inquiet des implications de la course aux armements dans l’espace.  Il a appelé la communauté internationale à souligner l’importance du respect des accords de désarmement et du régime juridique existant concernant l’espace extra-atmosphérique.  Il a exhorté les États à rapprocher leurs points de vue et à faire preuve de volonté politique pour que la Commission puisse se mettre d’accord sur des recommandations.

M. NABEEL MUNIR (Pakistan) a déploré « l’appétit insatiable de certains États » et l’absence de progrès due aux États dans la recherche d’un accord sur la dénucléarisation.  Voilà les principaux points de blocage du mécanisme du désarmement, a asséné le représentant.  En Asie du Sud, s’est-il expliqué, un pays continue « inlassablement » de renforcer ses capacités militaires, secouant la stabilité stratégique de la région.  Face à cette situation, le Pakistan n’a d’autre choix que de se prémunir, même s’il a montré sa bonne volonté comme en atteste l’ensemble des propositions sur la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive en Asie du Sud.  Malheureusement, a-t-il regretté, ces propositions sont restées lettres mortes.  Or, il s’agissait de reconnaître que le besoin de sécurité est un droit égal de tous les États; de travailler sur les raisons qui poussent les États à acquérir des armes; d’obtenir l’engagement des États dotés à parvenir au désarmement dans un délai raisonnable; en attendant que cela soit une réalité; d’offrir aux États non dotés la garantie que ces armes ne seront pas utilisées contre eux; de parvenir à un accord universel sur la question des systèmes antibalistiques; de soumettre les systèmes d’armes létales autonome (SALA) à un régime de contrôle; et de créer un régime de retenue stratégique en Asie du Sud.

Mme RACHITA BHANDARI (Inde) a dit que la Commission du désarmement était capable de faire fond sur les succès passés et d’apporter une contribution précieuse au désarmement.  Notre incapacité à parvenir à un accord est plutôt le fait d’un manque de volonté des États.  La représentante a jugé important de rapprocher les positions au cours de ce cycle triennal et a apporté son appui à la position du Mouvement des pays non-alignés sur une convention générale sur les armes nucléaires.  Elle a aussi appelé au dialogue avec les États dotés pour rétablir la confiance.  Concernant l’espace extra-atmosphérique, elle a estimé qu’il faut examiner la sécurité spatiale de façon globale.  Les États devraient négocier un instrument juridiquement contraignant au lieu de défendre leurs intérêts étroits.  L’espace doit être un lieu de coopération et non de conflit.

M. ANDREA ROMUSSI (Italie) a déploré les essais nucléaires de la RPDC et a dit se réjouir des pourparlers à venir entre les différents protagonistes de la péninsule coréenne.  Il a aussi salué le Plan d’action global commun relatif au programme nucléaire iranien et condamné les attaques chimiques en Syrie et l’incident de Salisbury au Royaume-Uni.  Le représentant a défendu l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires et souligné que le TNP reste, à cet égard, la pierre angulaire du régime de non-prolifération nucléaire.  Pour l’Italie, le désarmement nucléaire doit se faire de manière progressive, avec des méthodes de vérification.  L’Italie, a rappelé le représentant, a toujours été un fervent défenseur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN).  Elle est prête à apporter son soutien à l’organisation d’une conférence sur l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive au Moyen-Orient.  En outre, a conclu le représentant, l’Italie estime que des principes de transparence et de confiance seraient les bienvenus pour prévenir la militarisation de l’espace.  Il faut des « mesures non contraignantes », a jugé le représentant.

Mme STALLE KABURIS (Pays-Bas) a estimé que l’ensemble des instruments internationaux de régulation des activités dans l’espace extra-atmosphérique est insuffisant.  Des règles internationales supplémentaires sont nécessaires ainsi que des mesures immédiates.  Les mécanismes de contrôles des armes spatiales devraient être vérifiables et être soumis à un régime de contrôle.  Il est important de renforcer les mesures de transparence et de confiance et d’établir des normes de responsabilité.

Pour les Pays-Bas, a poursuivi la représentante, un monde exempt d’armes nucléaires reste une priorité importante de la politique étrangère.  Mais la mise en œuvre du TNP, la route vers l’objectif zéro, est un processus « difficile et compliqué ».  C’est la raison pour laquelle, il est important de trouver un terrain d’entente où des progrès sont possibles, en dépit des difficultés, et ne cédons pas à la tentation d’une distinction artificielle entre désarmement et non-prolifération.  Ce sont les deux faces d’une seule pièce, a argué la représentante à propos de faces qui se renforcent mutuellement et dans de nombreux cas, se conditionnent l’une, l’autre.  De nombreux traités et instruments renforcent à la fois les acquis du désarmement et de la non-prolifération, a-t-elle fait observer.

M. JASSER JIMÉNEZ (Nicaragua) a salué l’adoption en 2017 du Traité d’interdiction des armes nucléaires que le Nicaragua a ratifié et invite d’autres États à le faire.  Il a déploré la tendance de certaines puissances nucléaires à moderniser leur arsenal.  Malgré l’échec de la Conférence d’examen du TNP en 2015, il a dit espérer que celle de 2020 sera plus positive, mais il a prévenu que le vrai obstacle au désarmement nucléaire est le manque de volonté de certains États dotés.  Au sujet de la course aux armements dans l’espace, il a rappelé que l’espace extra-atmosphérique est ouvert à tous sans discrimination.  Il a donc prôné une coopération scientifique de tous les pays qui y mènent des activités.

M. ENRI PRIETO (Pérou) a rappelé que son pays est le premier de sa région à avoir signé le TICEN.  Le représentant a affirmé l’attachement de sa délégation au TNP et rappelé le droit des États à l’utilisation de la technologie nucléaire à des fins pacifiques.  M. Prieto a ajouté que le Pérou a été l’un des premiers États à souscrire au TNP lequel exprime le souci du monde face à l’incapacité des États dotés à garantir un mécanisme de contrôle de leurs arsenaux nucléaires.  Il a demandé aux États qui ne l’ont pas encore fait de signer le Traité, condamnant la modernisation des arsenaux nucléaires par certains États dotés.  Pour le représentant, il est nécessaire d’avoir une garantie juridique internationale contre le recours aux armes nucléaires et il est urgent de tendre vers un mécanisme de désarmement total sous un strict contrôle international.

M. LUKE TANG (Singapour) a appelé la communauté internationale à renforcer son engagement en faveur du TNP qui demeure la pierre angulaire du régime international de non-prolifération.  Il faut également soutenir la création de zones exemptes d’armes nucléaires qui représente une étape pratique dans le cadre de l’Article VII du TNP.  Singapour encourage l’établissement d’une telle zone au Moyen-Orient, comme c’est le cas en Asie du Sud-Est.  Singapour soutient également l’entrée en vigueur du TICE et souligne que le Traité d’interdiction des armes nucléaires est un pas vers un monde sans arme nucléaire.  En outre, a conclu le représentant, Singapour estime que l’espace doit rester démilitarisé et exploré pour le bien commun de l’humanité.  En attendant qu’un instrument international ne voit le jour pour réguler l’espace extra-atmosphérique, Singapour prône des mesures de transparence et de confiance pour les activités spatiales et salue, ce faisant, le travail du Groupe d’experts gouvernementaux.

M. ABDULLAH HALLAK (République arabe syrienne) a dit que le monde traverse à l’heure actuelle les défis de la modernisation des arsenaux nucléaires par certains États dotés, des menaces de recourir aux armes nucléaires, de la stratégie de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui repose sur la puissance nucléaire, et du terrorisme.  Certains États dont des membres permanents du Conseil de sécurité utilisent désormais le terrorisme contre d’autres, y compris la Syrie, a dénoncé le représentant, en accusant les États-Unis et le Royaume-Uni d’avoir fait échouer la Conférence d’examen du TNP de 2015.  Ces pays, s’est-il expliqué, se sont opposés aux appels lancés pour qu’Israël adhère au TNP, préférant protéger le programme nucléaire israélien et encourager ce pays à développer son arsenal biologique, chimique et nucléaire. 

M. Hallak a en outre condamné l’utilisation des armes chimiques.  La Syrie, a-t-il dit, a honoré ses engagements en vertu de la Convention sur les armes chimiques.  Par contre, d’autres États continuent à transférer des armes chimiques à des groupes terroristes qui s’en servent en Syrie contre les populations civiles et les militaires.  Le Gouvernement syrien a envoyé plus de 130 lettres au Secrétaire général, au Conseil de sécurité et au Comité créé en vertu de la résolution 1540 pour exprimer ses craintes face au soutien offert par certains États Membres aux terroristes.  Le Gouvernement syrien a en effet demandé « comment et par quels moyens ces États fournissent ces armes chimiques aux groupes terroristes ? »  Il est temps que les États concernés assument leurs responsabilités et mettent à la circulation des armes et des munitions à travers les frontières des pays voisins.

En réponse à la représentante française, le représentant a affirmé que c’est bien la France qui a accueilli des Israéliens pour travailler dans le domaine du nucléaire français, ce qui est contraire au droit international.  C’est la France qui a aidé Israël à se doter de son programme nucléaire.  C’est elle qui a effectué ses premiers essais nucléaires dans le désert algérien, commettant « un crime contre l’humanité ».  La France est impliquée dans la fourniture d’armes chimiques aux groupes terroristes en Syrie, a poursuivi le représentant qui a demandé une enquête internationale.

M. RAUF ALP DENKTAŞ (Turquie) a déclaré que son pays est engagé en faveur de l’élimination complète des armes nucléaires et soutient, à cet effet, le TNP qui est la pierre angulaire du mécanisme mondial du désarmement et de la non-prolifération nucléaires.  Le représentant a voulu que l’on oublie les frustrations nées de l’échec de la Conférence d’examen de 2015 pour œuvrer au succès de celle de 2020.  La Turquie salue le fait que la Commission du désarmement ait choisi de discuter de la question des mesures de confiance relatives aux activités dans l’espace extra-atmosphérique, a conclu le représentant, en plaidant pour que le consensus de l’an dernier se répète dans ce cycle triennal.

M. NONTAWAT CHANDRTRI (Thaïlande) a dit qu’il faut conceptualiser le désarmement dans le contexte actuel.  Les États Membres doivent participer à cet effort et la Commission du désarmement a un rôle à jouer pour orienter les débats.  C’est la personne humaine qui doit être au cœur du désarmement et de la non-prolifération nucléaires.  Les armes de destruction massive n’ont pas leur place.  Le TNP a été un grand pas vers le désarmement nucléaire total, a indiqué le représentant qui a demandé à la Commission d’ouvrir ses portes aux universités et à la société civile, en particulier aux femmes.

Droits de réponse

Le délégué de la RPDC a dit réagir aux discours du Royaume-Uni, de la France et de la Suisse.  Il a dénoncé « la politique hostile et les menaces nucléaires des États-Unis contre son pays depuis de décennies ».  C’est au cœur même, a-t-il dit, des tensions dans la péninsule coréenne parce que la RPDC a toujours prôné l’élimination de toutes les armes nucléaires du monde.  

Au nom de l’Autriche, du Mexique et du Nigéria, le représentant du Brésil a tenu à défendre le Traité d’interdiction des armes nucléaires qui « est en tout point compatible avec le TNP » comme son préambule le souligne.  Le Traité, a-t-il souligné, soutient les trois piliers du TNP et s’inscrit comme une « mesure historique servant à nous rapprocher de l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires ».

Le représentant de la Fédération de Russie a répondu « aux allégations » du Royaume-Uni et de la France sur la « supposée » responsabilité de son pays dans l’empoisonnement l’ex-agent double russe Sergei Skripal et de sa fille Loulia Skripal dans la ville britannique de Salisbury, en mars dernier.  Ces accusations n’ont jamais été prouvées par les faits.  Londres, a dit le représentant, se contente d’« indices très probables » alors que la Fédération de Russie a manifesté sa volonté de collaborer à l’enquête.  L’accès à notre compatriote et à sa fille nous est interdit, s’est indigné le représentant, voyant là une violation des normes internationales pertinentes.

Le délégué russe a annoncé que son pays a fait convoquer demain une séance extraordinaire de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dans l’espoir que la vérité éclate enfin.  Il s’est dit surpris que la France ait confirmé les accusations de Londres « alors qu’elle n’a rien à voir dans cette histoire ».  Il a donc invité la France à venir à la séance de l’OIAC pour déposer ses éléments de preuve.

Il y a bien eu une enquête sur l’affaire de Salisbury et les procédures pénales sont en cours, a indiqué le représentant du Royaume-Uni qui a dit la disposition de son pays à déposer les preuves auprès de l’OIAC et à soumettre à la Fédération de Russie les conclusions de l’affaire « en temps voulu ».  La Fédération de Russie, a souligné le représentant, aurait dû démanteler dès l’année dernière ses programmes d’armes chimiques mais un de ses responsables a reconnu que cela n’a pas été fait.  Comment le Novitchok a-t-il été retrouvé sur notre sol? s’est indigné le représentant, s’impatientant devant le silence de Moscou.  C’est pour cela que nous et nos alliés avons pris des mesures pour protéger nos citoyens.

Le délégué russe s’est amusé devant ces scénarii dignes d’un « James Bond ou d’un roman d’Agatha Christie ».  Aucun responsable russe n’a jamais affirmé que la Fédération de Russie avait un programme chimique impliquant le Novitchok.  Mon pays, a souligné le représentant, a bien détruit ses produits chimiques, ce qui a été confirmé par les instances internationales pertinentes.  Le représentant a invité le Royaume-Uni à en discuter devant l’OIAC, mais cette fois-là avec des faits et non plus avec des arguments du style « hautement probable ».

Son homologue du Royaume-Uni a reconnu que la Fédération de Russie avait bien fait l’objet de vérification, mais il ne s’agissait que de ses programmes « déclarés ».

Le représentant des États-Unis s’est tourné vers la RPDC pour la presser de respecter ses engagements internationaux et de prendre part aux pourparlers sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  Notre pression va continuer jusqu’à ce que la RPDC démantèle son programme nucléaire, a promis le représentant.

La paix dans la péninsule coréenne dépendant plutôt des États-Unis, a taclé le délégué de la RPDC qui a invité ces derniers à avoir une meilleure maitrise de soi et du respect pour les autres.  « La pression maximale » n’est pas nécessaire », a prévenu le représentant.

Son homologue de la République arable syrienne a accusé le Royaume-Uni d’être l’un des plus grands exportateurs de terroristes, notamment vers la Syrie.  Il a rappelé que le colonialisme britannique a semé la mort dans la région et a privé les pays de leurs richesses.  Il a donc conseillé au Royaume-Uni de « balayer devant sa porte » et de se concentrer sur ses propres problèmes comme les velléités indépendantistes en Ecosse ou encore la question de Gibraltar.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Commission du désarmement ouvre sa session dans un contexte marqué par « l’angoisse des armes nucléaires »

369e et 370e séances,
matin & après-midi
CD/3763

La Commission du désarmement ouvre sa session dans un contexte marqué par « l’angoisse des armes nucléaires »

La Commission du désarmement a entamé aujourd’hui sa session annuelle qui prendra fin le 20 avril, au moment où le contexte international est marqué par « l’angoisse des armes nucléaires qui est à son niveau le plus haut depuis la guerre froide », selon les mots du Haut Représentant adjoint aux affaires de désarmement, M. Thomas Markram.

Les travaux de la Commission s’inscrivent dans un nouveau cycle triennal -2018/2020- devant aboutir à des recommandations sur le désarmement nucléaire et les mesures de confiance à établir pour éviter une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

Il y a six mois, a rappelé le Haut Représentant adjoint aux affaires de désarmement, le Secrétaire général avait parlé de la « montée du péril nucléaire », inquiet de la rhétorique belliqueuse dans la péninsule coréenne et du manque de respect des engagements pris sur le contrôle stratégique des armes nucléaires.  Le Secrétaire général a donc pris l’initiative de mettre en place un programme de désarmement qui « sauve des vies » sur lequel le Bureau des affaires de désarmement travaille déjà.

Péril nucléaire?  Aujourd’hui, la République de Corée a plutôt parlé d’une « occasion historique » qu’elle ne veut pas rater, après la série de réunions de haut niveau, « à une vitesse vertigineuse », y compris le sommet intercoréen prévu le 27avril prochain.  Le pays a dit s’efforcer de maintenir cet élan durement acquis pour la réalisation pacifique d’une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la Corée du Nord, qui, à son tour, conduira à l’établissement d’une paix durable dans la péninsule coréenne.  Le Japon a averti que la Corée du Nord sera jugée « par ce qu’elle fait et non par ce que nous voudrions qu’elle fasse » et qu’il n’acceptera jamais une Corée du Nord dotée de l’arme nucléaire.  Les États-Unis ont promis que la pression se poursuivra voire s’accroîtra jusqu’à ce que la République populaire démocratique de Corée (RPDC) mette fin à son programme nucléaire.  « Franchise et responsabilité », c’est ce que la RPDC a conseillé au Japon et aux États-Unis, ajoutant « prudence » pour éviter d’alourdir l’atmosphère.

« Irresponsable et destructrice » c’est par ces mots que l’Iran a qualifié l’approche américaine.  Soupçonné par les États-Unis et Israël de poursuivre son programme nucléaire, l’Iran a rappelé que dans 10 rapports successifs, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé le plein respect de ses engagements.  L’Iran a prévenu que la mise en œuvre du Plan d’action global commun « n’est pas à sens unique ».  Il ne peut se poursuivre que si toutes les autres parties l’appliquent pleinement, effectivement et sans condition.  Ce Plan, a-t-il averti, « ne saurait être renégocié ni modifié » et l’Iran ne peut continuer et ne continuera pas à le préserver à n’importe quel prix, c’est tout simplement « infaisable ».   

« Soutien constant du désarmement nucléaire », la Fédération de Russie a affirmé qu’elle a réduit son arsenal de 85% par rapport à l’époque de la guerre froide mais elle a pris soin de dénoncer comme une « atteinte à la stabilité », le déploiement illimité de la défense antimissile des États-Unis, la mise au point d’armes non nucléaires offensives de haute précision ou encore la réticente américaine à abandonner le projet de déploiement d’armes de frappe dans l’espace extra-atmosphérique.  Il faut « contrer activement » ces atteintes à l’architecture de désarmement, a martelé la Fédération de Russie qui s’est dite inquiète de certaines « doctrines » visant à baisser le seuil d’utilisation des armes nucléaires.

Notre position se focalise sur l’identification des politiques, de la stratégie et des capacités dont nous avons besoin pour nous protéger et protéger nos alliés, ont rétorqué les États-Unis, arguant de la « politique de dissuasion nucléaire », largement décriée aujourd’hui.  Les États-Unis ont présenté leur nouvelle approche pour créer les conditions d’une nouvelle négociation sur le désarmement nucléaire: le Plan –« CNDD »- sera discuté à la Commission mais aussi au Comité préparatoire de la Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), le 23 avril prochain à Genève. 

Pour ce qui est d’éviter les conflits dans l’espace extra-atmosphérique, comme le souhaite le Secrétaire général, les États-Unis se sont dits prêts à faire face à toute menace mais entendent aussi favoriser les pourparlers sur les mesures de transparence et de confiance, tout en refusant d’emblée des négociations « inutiles et illimitées » sur un instrument juridiquement contraignant.   La Fédération de Russie a attiré l’attention, une nouvelle fois, sur le projet de traité contre le déploiement d’armes dans l’espace et la menace ou l’emploi de la force contre des objets spatiaux qu’elle a présenté conjointement avec la Chine, en juin 2014.

En début de séance, la Commission a pris note de son programme de travail* et du document** d’organisation des différentes séances.  Elle a aussi élu Mme Diedre Mills, de la Jamaïque, Présidente du Groupe de travail I sur le désarmement nucléaire, et M. Jeroen Cooreman, de la Belgique, Président du Groupe de travail II sur les mesures de confiance relatives à l’espace extra-atmosphérique.  La Commission a remis à plus tard l’élection des vice-présidents qui assisteront sa Présidente, Mme Gillian Bird, de l’Australie.

La Commission poursuivra son débat général demain, mardi 3 avril, à partir de 10 heures.

*A/CN.10/L.80/Rev.1

**A/C.10/2018/CRP.1

Déclarations

M. THOMAS MARKRAM, Haut-Représentant adjoint aux affaires de désarmement, a rappelé qu’il y a six mois, le Secrétaire général avertissait l’Assemblée générale de la montée du péril nucléaire, inquiet de la rhétorique belliqueuse dans la péninsule coréenne laquelle a même conduit à une situation de crise.  Le Secrétaire général était aussi inquiet du manque de respect des engagements sur le contrôle stratégique des armements dans d’autres secteurs et de l’impact que cela pourrait avoir sur le régime de non-prolifération nucléaire.  Le Haut-Représentant adjoint a aussi évoqué l’usage, dans une totale impunité, des armes chimiques en Syrie où l’on voit aussi le recours à des armes lourdes et à des explosifs dans des zones habitées.  En outre, l’accélération des avancées scientifiques et technologiques font naître de nouvelles méthodes et moyens de guerre, avec des conséquences potentielles indésirables ou peu claires.  C’est pour ces raisons que le Secrétaire général a annoncé son intention de mettre en place un programme de désarmement, avec un accent sur « un désarmement qui sauve des vies ».  Le Bureau des affaires de désarmement travaille donc à ce programme qui sera révélé ce printemps-ci. 

M. Markram a dit que le Secrétaire général est encouragé par l’annonce d’un sommet entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et les États-Unis, en mai prochain.  Le Secrétaire général a aussi salué l’annonce sur la dénucléarisation qu’a faite la RPDC après ses derniers pourparlers avec la Chine.  L’ONU, a souligné le Haut-Représentant adjoint, espère que cette évolution positive sonnera le début d’un dialogue sincère menant à une paix durable et à la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  En février dernier, a-t-il rappelé, le Secrétaire général avait félicité la Fédération de Russie et les États-Unis pour la réduction de leurs forces nucléaires stratégiques à des niveaux requis par le Traité New Start.  Cela doit être suivi d’un leadership et d’un dialogue durables menant à davantage de réductions et à des progrès irréversibles vers le désarmement.  Au moment où l’angoisse autour des armes nucléaires est à son niveau le plus haut depuis la guerre froide, des mesures de désarmement et de contrôle sont plus que jamais vitales, a noté M. Markram. 

Il a salué « les signes d’un nouveau souffle » dans les organes de désarmement des Nations Unies, se félicitant par exemple de la décision de la Conférence du désarment d’établir des organes subsidiaires dont l’importance, a-t-il prévenu, sera jugée à leur capacité de mener à la reprise des négociations sur les deux sujets phares de cette session.  S’agissant du désarmement nucléaire et de la non-prolifération, le Haut-Représentant adjoint a reconnu que tout le monde est conscient des difficultés et des divisions.  En tant qu’organe universel qui a pour mandat d’assurer des progrès vers le consensus, la Commission du désarmement ne peut aller de l’avant que si elle renonce à discuter des résultats controversés d’autres processus ou de revenir sur des divergences irréconciliables.

La force de la Commission, a estimé le Haut-Représentant adjoint, réside dans son universalité qui lui permet de tenir des discussions ouvertes entre toutes les parties prenantes.  La Commission, a-t-il conseillé, doit commencer par l’un des points consensuels les plus récents, à savoir la Conférence des États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 2010 dont les conclusions ont été approuvées par presque tous les États.  Même si le document n’a pas été entériné par l’ONU, la substance des nombreuses actions qu’il contient reflète des principes et aspirations universels.  Le Haut-Représentant adjoint a aussi noté que les enseignements tirés du passé montrent que lorsque les négociations sur le désarmement sont difficiles, ce sont les mesures collatérales sur le contrôle des armes qui ont permis de renforcer la confiance, faire baisser la tension et créer un environnement favorable.  Dans le domaine nucléaire, de telles mesures servent à stopper et inverser la course aux armements. 

Dans ce cadre, l’une des mesures spécifiques à laquelle la Commission pourrait travailler serait la protection de l’espace extra-atmosphérique contre les conflits, a estimé le Haut-Représentant adjoint qui a attiré l’attention sur la croissance massive des acteurs opérant dans cet espace, y compris les gouvernements et le secteur privé.  Il n’a pas oublié de mentionner la question des débris et la dépendance croissante des secteurs civils, gouvernementaux et militaires vis-à-vis de cet espace.  M. Markram a également attiré l’attention sur la généralisation des missiles terrestres qui sont devenus des armes contre les satellites et sur le développement des technologies et concepts qui ont des applications potentielles dans les systèmes antispatiaux. 

Aussi longtemps que certains voient l’espace extra-atmosphérique comme un terrain potentiel de confrontation, nous verrons les risques de militarisation et de conflit s’aggraver, a-t-il averti, craignant des conséquences dévastatrices.  Le Haut-Représentant adjoint s’est néanmoins réjoui de voir que malgré les tensions géopolitiques, des terrains d’entente existent toujours entre les principaux pays engagés dans l’espace extra-atmosphérique et d’autres acteurs.  Il a prôné des mesures de transparence et de confiance pour, s’est-il expliqué, gommer les incompréhensions et clarifier les incertitudes sur les intentions et les capacités des uns et des autres.  Étant donné que l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique affecte tous les pays, il faut, a ajouté le Haut-Représentant adjoint, ouvrir les mesures de transparence et de confiance au plus grand nombre.  Les discussions de la Commission sont l’occasion d’examiner et de contribuer à la mise en œuvre des recommandations que le Groupe d’experts gouvernementaux chargé de mener une étude sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales a faites en 2013.

Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. ROLLIANSYAH SOEMIRAT (Indonésie) a exprimé la détermination de son Mouvement à promouvoir le multilatéralisme pour parvenir au désarmement nucléaire.  Il a salué le travail de la Commission du désarmement et exhorté les États Membres à parvenir au consensus au sein du Groupe d’experts gouvernementaux sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales.  Il est urgent, a estimé M. Soemirat, de parvenir à des résultats concrets au stade actuel des négociations sur le désarmement nucléaire.  Le Mouvement des pays non alignés est préoccupé par l’absence de progrès, a insisté le représentant qui a appelé pour l’élimination totale de tous les arsenaux nucléaires.

Il a aussi réitéré la validité des engagements pris dans le cadre du désarmement nucléaire lequel, est une obligation juridique internationale.  Il a mis en exergue l’importance du principe de transparence, de vérifiabilité et d’irréversibilité et défendu le droit de chaque État à l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire.  Il s’est donc opposé aux restrictions s’agissant de l’accès aux matériaux et technologies nucléaires à des fins pacifiques. 

Le représentant a en revanche demandé la mise en œuvre « sans délai » de la résolution sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  Cette résolution restera valide tant que ses objectifs ne seront pas atteints, a précisé le représentant.  Il a dénoncé le fait qu’Israël reste le seul pays de la région à ne pas avoir adhéré à la résolution et s’est dit préoccupé par la capacité d’Israël à accéder aux technologies nucléaires.  Le représentant s’est dit favorable à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et a défendu la nécessité de prévenir la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Il faut respecter le régime juridique en vigueur, a-t-il insisté, prenant note de l’initiative sino-russe. 

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJA (Nigéria), a rappelé le soutien de principe de son Groupe à la diplomatie multilatérale en matière de désarmement, ajoutant que la Commission du désarmement est le seul organe délibérant spécialisé du système des Nations Unies à cet égard.  Mon Groupe estime que, malgré certaines difficultés, la Commission contribue de manière positive aux discussions sur le désarmement, a insisté le représentant.  Il s’est félicité de l’adoption par consensus en 2017 des recommandations sur les mesures de confiance concrètes dans le domaine des armes classiques et a regretté qu’il n’y ait pas eu un tel consensus sur le thème du désarmement nucléaire.

Rappelant les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires, le représentant a rejeté comme inacceptable toute doctrine justifiant l’utilisation de ces armes et la menace de les utiliser.  Il a rappelé, à cet égard, l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) de 1996.  Il s’est félicité de l’adoption le 7 juillet dernier du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, réaffirme qu’il ne sape en rien le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) mais vient, au contraire, le compléter.  Le représentant a invité tous les États à ratifier rapidement le Traité d’interdiction et rappelé qu’il est urgent d’universaliser le TNP.  Il a noté à cet égard que le second Comité préparatoire à la Conférence d’examen de 2020 du Traité commencera le 23 avril et espéré que ce sera l’occasion de renforcer les trois piliers du TNP et d’obtenir des États dotés qu’ils honorent leurs obligations.  L’absence d’engagement « solennel » a créé des divisions croissantes entre les États parties, a noté le représentant qui a regretté que la neuvième Conférence d’examen du TNP n’ait pas pu, en 2015, parvenir à un consensus du fait de l’opposition de trois États parties.

Le Groupe des États d’Afrique, a poursuivi le représentant, rappelle également son attachement aux zones exemptes d’armes nucléaires dont la zone établie en Afrique grâce au Traité de Pelindaba.  Il a réitéré son appel à la création d’une telle zone au Moyen-Orient et s’est dit déçu que la Conférence qui devrait s’ouvrir pour ce faire en 2012 n’ait toujours pas vu le jour. 

Le Groupe des États d’Afrique, a encore dit le représentant, rappelle l’objectif de la résolution de l’Assemblée générale sur le suivi de la Réunion de haut niveau sur le désarmement nucléaire de 2013.  Il s’est félicité de la convocation en septembre prochain de la neuvième Conférence ministérielle sur le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et a souligné l’importance d’une ratification universelle, rappelant la responsabilité particulière des États nucléaires.  Le représentant a appelé les États cités dans l’Annexe II à ratifier sans retard le Traité afin qu’il puisse entrer en vigueur.  Il a aussi réaffirmé l’importance de la Conférence du désarmement en tant que seul organe de négociations multilatérales et a souhaité qu’elle mette enfin un terme à son blocage, en adoptant un ordre du jour équilibré. 

Enfin, le Groupe des États d’Afrique souligne l’importance de l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique et insiste sur les principes du Traité de 1967.  Les pays africains, a conclu le représentant, s’inquiètent de la prolifération des débris spatiaux et estiment qu’il faut traiter de la question, en évitant de compromettre la faculté des pays en développement à s’assurer des capacités.  La volonté politique et la transparence, y compris les principes de vérifiabilité et d’irréversibilité, sont les clefs des négociations sur le désarmement, a martelé le représentant. 

Mme MARÍA DEL CARMEN DOMÍNGUEZ ÁLVAREZ (Chili) a expliqué que pour son pays, le désarmement nucléaire est l’objectif le plus urgent en raison de son potentiel incomparable de destruction.  Elle a regretté le manque d’accord sur une approche plus spécifique de la question.  Le Chili, a-t-elle confié, est convaincu qu’un monde débarrassé des armes nucléaires est possible et qu’un maintien de la paix et la sécurité internationales sans dissuasion nucléaire est non seulement un impératif éthique, mais aussi un objectif atteignable dans le contexte du système actuel de protection des droits de l’homme.  Cela est particulièrement urgent à un moment où l’on menace de recourir aux armes nucléaires, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit international.

L’engagement du Chili en faveur du désarmement nucléaire et de la non-prolifération est clair, a poursuivi la représentante, qui a rappelé que son pays a signé, le 20 septembre dernier, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, dernière catégorie d’armes de destruction massive à ne pas faire l’objet d’un traité d’interdiction juridiquement contraignant. 

Le Chili reconnaît aussi l’importance de la transparence et des mesures de confiance s’agissant de l’espace extra-atmosphérique, l’exploration de cet espace devant servir à des fins pacifiques au profit de tous.  Le Chili, a dit la représentante, appuie donc la création d’un nouvel organe subsidiaire de la Conférence du désarmement chargé de la prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

La Commission du désarmement, tout en ayant fait des recommandations concrètes, n’a pas échappé à la crise générale du système de désarmement, a reconnu la représentante, devant la version « extrême » de la recherche du consensus.  La confiance et la transparence, a-t-elle conclu, exigent des États qu’ils adoptent une approche pragmatique et fassent preuve d’une grande souplesse au début de ce nouveau cycle, afin de reproduire le succès de l’année dernière.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a dit qu’en ce début de cycle triennal, la Commission du désarmement n’a pas d’autres options que de parvenir à des recommandations.  Le Kazakhstan est engagé dans la dénucléarisation et a fait ses preuves, a-t-il assuré.  Il a rappelé que le 18 janvier dernier, devant le Conseil de sécurité, son Président avait appelé à un monde exempt d’armes nucléaires d’ici à l’an 2045 pour marquer le centenaire des Nations Unies.  Il a salué l’adoption, après 20 années d’impasse dans les négociations, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, estimant qu’il s’agit là d’un signal fort et important qui montre que la grande majorité du monde ne veut plus de la menace nucléaire. 

Maintenant, a poursuivi le représentant, les États dotés doivent se joindre au mouvement.  Regrettant le fossé qui se creuse entre ces derniers et les autres États, le représentant a constaté une perte de confiance la multiplication des désaccords et des différends, et une confrontation « extrême » dans le monde.  Il a même parlé d’une nouvelle course aux armements, surpris que le monde n’ait rien appris des guerres et des conflits qui nous enseignent pourtant qu’il est impossible d’assurer sa propre sécurité en sapant celle des autres.  M. Umarov a aussi déploré le manque de mesures de confiance qui fait que désormais, les différends entre les grandes puissances peuvent conduire à une longue période de confrontations.

Il a appelé à des instruments internationaux juridiquement contraignants pour interdire les découvertes scientifiques sur de nouveaux types d’armes de destruction massive.  Il a insisté sur l’attachement de son pays à l’expansion des zones exemptes d’armes nucléaires, avant d’attirer l’attention sur une nouvelle menace, la cybercriminalité, qui pourrait devenir l’arme la plus dangereuse entre les mains des terroristes.  Ces nouvelles armes et les nouvelles technologies peuvent être une menace encore plus grave si elles sont combinées aux armes nucléaires.  Le Kazakhstan estime donc que les différends entre États doivent se régler par le dialogue et des négociations constructives.

M. DIEGO FERNANDO MOREJÓN PAZMIÑO (Équateur) s’est dit préoccupé par le fait que des États dotés de l’arme nucléaire tentent de dévier de l’objectif de désarmement nucléaire.  Nous sommes pour l’élimination totale des armes nucléaires, a martelé le représentant qui s’est également dit préoccupé de la reprise de la course aux armements nucléaires lequel baisse le seuil de recours à l’arme nucléaire et fragilise la position des États non dotés.  Le représentant a réitéré son appel aux États qui ne l’ont pas encore fait à signer le nouveau Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, adopté en 2017.  Un moratoire volontaire ne suffit pas, a-t-il estimé, saluant en attendant tous les efforts de désescalade lesquels ne sauraient se substituer au désarmement pur et simple, a averti M. Morejón Pazmiño.  Il a regretté que quelques États dotés découragent l’adhésion au nouveau Traité, arguant qu’il nuit au régime de non-prolifération.  Le désarmement et la non-prolifération sont indissociables, a contré le représentant qui, s’agissant des mesures de transparence et de confiance dans l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, a souligné que l’espace est un « patrimoine commun de l’humanité » qui doit être protégé de la militarisation et de la course aux armements.

Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) s’est dite inquiète par l’idée même de la destruction de la vie humaine par des armes nucléaires.  Le TNP est crucial, a-t-elle insisté, plaidant pour un monde exempt d’armes nucléaires et appelant à une forte participation à la Conférence internationale de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire qu’organise l’Assemblée générale du 14 au 16 mai 2018 à New York.  La représentante s’est dite préoccupée de voir des États continuer de développer des armes nucléaires, en arguant de la dissuasion nucléaire.  Elle a dénoncé une approche de la sécurité contraire au TNP et aux conclusions des Conférences chargées de l’examen du Traité.  La représentante a voulu l’organisation, sans délai, d’une conférence internationale sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. 

Elle s’est ensuite félicitée des discussions sur la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Elle a espéré un traité, tout en précisant que la proposition qu’ont faite les Gouvernements chinois et russe en 2006 est une bonne base de négociations.  Mais tant qu’un traité ne sera pas adopté, il faudra mettre en place des mesures de transparence et de confiance car, a insisté la représentante, l’espace extra-atmosphérique doit être le siège d’actions de tous les États visant le bien de toute l’humanité.

M. NIRMAL RAJ THAPA (Népal) a exhorté tous les États Membres à faire preuve de volonté politique et de souplesse pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires.  Il a souligné que les États dotés devraient respecter les principes de transparence, d’irréversibilité et de vérifiabilité.  Le Népal, a dit son représentant, est d’avis que l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique devraient se faire au bénéfice de toute l’humanité.  Tous les pays devraient avoir le même accès à la technologie spatiale, y compris les pays les moins avancés (PMA) et les pays en développement sans littoral.  L’utilisation de l’espace extra-atmosphérique doit être pacifique et la communauté internationale doit s’engager à protéger cet espace de la course aux armements.  L’atmosphère de confiance et de sécurité doit y être préservée grâce à des mesures de transparence et de confiance. 

M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN (Égypte) a dit craindre que le monde vive un nouveau chapitre de la course aux armements entre États dotés.  Il s’est dit alarmé par une tendance qui sape les objectifs qui prévalaient à la création des Nations Unies, dans la toute première résolution de l’Assemblée générale en 1946 et dans d’autres obligations et engagements internationaux.  Cette situation appelle à la revitalisation des efforts multilatéraux de désarmement et à une évaluation sérieuse de l’approche du désarmement qui a failli.

Le succès du cycle triennal actuel de la Commission du désarmement pourrait créer les conditions et la confiance nécessaires à une bonne Conférence des Parties chargée d’examiner le TNP et à une issue réussie de la session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le désarmement.  M. Hassan a relevé que la Conférence du désarmement vient d’établir des organes subsidiaires qui pourraient donner lieu à un programme de travail équilibré permettant à la Commission du désarmement de reprendre sa fonction originelle de seul forum de négociation sur le désarmement.

Au sujet des deux thèmes principaux de ce cycle triennal, le représentant a espéré que les négociations ne s’enliseront pas comme d’habitude, surtout quand les principes et objectifs finaux ont déjà été agréés et codifiés.  S’agissant en particulier du désarmement nucléaire, il a jugé urgent d’établir une feuille de route claire pour l’élimination complète des armes nucléaires dans un délai précis.  Il faut également lancer des négociations sur les zones exemptes d’armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient et s’agissant de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, l’Égypte soutient tous les efforts menant à une utilisation pacifique de cet espace.  Le représentant a salué la création d’un nouveau Groupe d’experts gouvernementaux chargé de mener une étude sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales.  L’Égypte insiste, à cet égard, sur des mesures de confiance juridiquement contraignantes.

M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a appelé tous les États Membres à parvenir à un consensus au sein du Groupe de travail de la Commission du désarmement sur le thème « recommandations pour parvenir à l’objectif de désarmement et la non-prolifération d’armes nucléaires ».  Le représentant a réitéré son appel à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  Il s’est dit préoccupé par le fait que les engagements et les obligations du Plan d’action de la Conférence d’examen du TNP de 2010 n’aient pas été mis en œuvre.  M. Gertze a souligné, à son tour, que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires ne sape en rien le TNP mais qu’au contraire, il complète et renforce le régime de non-prolifération.  La Namibie, a-t-il annoncé, est d’ailleurs en train de finaliser le processus de ratification. 

Toute utilisation d’armes nucléaires est une violation de la Charte des Nations Unies et constitue un crime contre l’humanité, a-t-il martelé.  L’élimination totale des armes nucléaires et la garantie qu’elles ne seront plus jamais fabriquées constituent la seule manière de prévenir des conséquences humanitaires « catastrophiques ».  Le représentant s’est dit profondément préoccupé par le manque de respect qu’affichent les États dotés à l’égard de leurs obligations et engagements.  Il a, une fois encore, appelé ces États à éliminer leurs arsenaux nucléaires.  S’agissant de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, il a souligné que cet espace doit être exploré et utilisé exclusivement à des fins pacifiques et bénéficier à tous les États indépendamment de leur niveau de développements économique, social ou scientifique.  Nous disons « non » aux armes nucléaires dans l’espace extra-atmosphérique, a prévenu M. Gertze.  

M. SUN LEI (Chine) a appelé à une nouvelle vision du désarmement marquée par l’harmonie entre les nations.  C’est la voie à suivre pour répondre aux défis actuels en matière de sécurité.  Il a exhorté toutes les nations à respecter les engagements pris en matière de désarmement et soutenu le concept de légitime défense.  Mon pays, s’est-il expliqué, n’a jamais déployé d’armes nucléaires en dehors de ses frontières et est le seul État doté qui a donné des garanties sur la non-utilisation de ces armes nucléaires dans les zones qui en sont exemptes.  Pour la Chine, le désarmement nucléaire doit se faire dans le consensus et il revient aux États dotés des plus grands arsenaux de procéder à des réductions pour contribuer au désarmement mondial.  La Chine espère que les États renonceront à la confrontation et feront davantage de contributions à la paix internationale.  Le délégué a aussi appelé à l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).  Comprenant les inquiétudes des pays arabes, il a invité les parties à convoquer une conférence sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.

Pour ce qui est de l’espace extra-atmosphérique, le représentant a estimé que tous les États doivent adopter des mesures de confiance et promouvoir la collaboration.  Les États, a-t-il plaidé, doivent s’engager à ne pas placer d’armes dans l’espace et les mesures de confiance, bien que non contraignantes, sont nécessaires.  Le représentant a donc appelé à des négociations multilatérales sur un futur traité en la matière, rappelant que son pays et la Fédération de Russie ont présenté des propositions en ce sens dont une résolution que l’Assemblée générale a adoptée par consensus l’an dernier.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a regretté que la crédibilité et l’efficacité de certains piliers du TNP aient été gravement ébranlées.  La violation brutale des obligations internationales, y compris le Mémorandum de Budapest, par un État doté, a sapé l’ensemble du système de sécurité de l’ONU.  Ce qui est encore plus grave, a poursuivi le représentant, c’est le fait que, s’efforçant d’échapper à leurs responsabilités, des hauts responsables russes ont ouvertement menti en déclarant que les dispositions du Mémorandum de Budapest ne concernent que l’utilisation d’armes nucléaires contre l’Ukraine.  Ils sont allés plus loin et ont dit que le Mémorandum était une simple déclaration juridiquement non contraignante.  « Je me demande quel sera le prochain argument? », s’est étonné le représentant, au nom de son pays qui, en dépit de l’agression et de l’occupation russes, continue de considérer le TNP comme un élément « fondamental » du régime de non-prolifération.  M. Yelchenko a aussi soutenu les efforts nationaux et internationaux de promouvoir un espace extra-atmosphérique sûr et pacifique dont l’utilisation doit se faire sur une base équitable et acceptable pour tous.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a estimé que, du fait de sa composition universelle, entre autres, la Commission du désarmement est l’instance idoine pour discuter des questions de désarmement.  Il a dit espérer que les recommandations de la Commission constitueront l’héritage de ce cycle triennal.  Il s’est opposé à toute militarisation de l’espace extra-atmosphérique qui est « patrimoine commun de l’humanité » méritant un traité de protection.  Des mesures de confiance sont nécessaires, a-t-il souligné, jugeant que le Rapport produit en 2013 par le Groupe d’experts gouvernementaux chargé de mener une étude sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales est une bonne base de discussions.

M. MAURO VIEIRA (Brésil) a regretté qu’après plus de 70 ans, le désarmement et la non-prolifération nucléaires soient toujours en suspens à la Commission.  Le représentant a répété que la seule garantie contre les dangers et les risques d’une utilisation possible des armes nucléaires, par accident ou par intention, est leur totale élimination de manière transparente, irréversible et vérifiable, et dans le cadre multilatéral.  M. Vieira a estimé que la Commission pourrait focaliser son attention sur trois questions importantes: la transparence, l’irréversibilité et la vérification. 

Le débat sur la vérification pourrait se baser sur les principes de vérification de 1988 et se dérouler dans différents fora comme le Groupe d’experts gouvernementaux sur le désarmement nucléaire.  Il a ajouté que l’élément fondamental de la viabilité du régime de prolifération se trouve dans la suppression des motifs.  Toute approche axée exclusivement sur la non-prolifération qui ignorerait les progrès nécessaires dans le désarmement serait « illogique ».  Le représentant a exhorté la Commission à examiner aussi la question de la modernisation des arsenaux nucléaires.  M. Vieira a également estimé que le temps est venu de débattre de la prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique lequel devrait rester un environnement pacifique pour l’exploration scientifique au nom du bien commun de l’humanité. 

M. GEORGE WILHELM GALLHOFER (Autriche) a salué une année 2017 prolifique pour le désarmement nucléaire avec l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et le prix Nobel de la paix à la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires.  Il a invité tous les États à œuvrer pour l’entrée en vigueur rapide du Traité d’interdiction que l’Autriche a déjà ratifié.  Il a fait part de son inquiétude face aux essais nucléaires de la RPDC, estimant que ces actes pourraient faire d’autres émules.  Il a déploré l’expansion d’une nouvelle doctrine de sécurité qui conduit à faire baisser le seuil d’utilisation des armes nucléaires.  Pour l’Autriche, non seulement le concept de dissuasion est biaisé et erroné dans les faits, mais il fait également courir un grand risque d’accidents, d’où l’importance du nouveau Traité d’interdiction qui complète le Traité d’interdiction des essais nucléaires, notamment son Article 6 relatif au règlement des différends.

L’Autriche reconnaît en outre le droit de tous les pays d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, mais ce droit doit être exercé dans des conditions d’extrême sécurité.  L’Autriche est également fortement engagée dans les activités relatives à l’espace extra-atmosphérique et abrite d’ailleurs, à Vienne, le Bureau des affaires spatiales de l’ONU.  Terminant par les méthodes de travail de la Commission, le délégué a souhaité que des experts du milieu universitaire, du secteur privé ou d’organisations réputées comme l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement soient invités à partager leurs connaissances avec la Commission.

M. NIRUPAM DEV NATH (Bangladesh) a estimé que la ligne artificielle entre désarmement et non-prolifération ne sert qu’à nous diviser pour nous éloigner de l’objectif de l’élimination totale des armes nucléaires.  S’il a noté le caractère progressif du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté en 2017, le représentant a insisté sur la validité des résolutions antérieures.  Il a exhorté les États dotés à éliminer leurs arsenaux nucléaires et a souligné le caractère universel et contraignant des engagements qu’ils ont pris de ne pas utiliser l’arme nucléaire et de ne pas menacer de l’utiliser.  Il a aussi réaffirmé le droit de chaque État de recourir librement à la technologie nucléaire à des fins pacifiques.  Il a réitéré l’importance qu’il y a à prévenir la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique et a pris note du projet de traité de la Chine et de la Fédération de Russie. 

FAISAL MOHAMMED IBRAHIM (Nigéria) a invité la Commission du désarmement, seul organe de délibération de l’ONU sur le désarmement, à améliorer ses méthodes de travail afin de mener à bien son mandat dont le désarmement nucléaire constitue une priorité majeure.  Soulignant que les armes nucléaires représentent une « menace existentielle » pour l’humanité, le délégué a rappelé l’Arrêt émis en 1996 par la Cour internationale de Justice (CIJ) qui souligne que la menace d’utiliser ou l’utilisation d’armes nucléaires constitue un crime contre l’humanité et une violation du droit international, y compris le droit international humanitaire.  Le représentant s’est félicité du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui a été ouvert à la signature le 20 septembre dernier.  En tant que partie au Traité de Pelindaba sur la zone exempte d’armes nucléaires en Afrique, le Nigéria invite tous les États à œuvrer à l’extension de ce genre de traité dans toutes les régions du monde, y compris au Moyen-Orient.

Le représentant s’est insurgé contre l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires et a soutenu la négociation d’un traité contre la course aux armements dans l’espace et l’établissement de mesures de confiance.  Il a insisté sur le fait que la technologie spatiale doit bénéficier à tous et que l’ONU doit promouvoir un accès non discriminatoire à l’espace extra-atmosphérique, quels que soient les niveaux social, économique et scientifique des États.  Le représentant a salué la contribution des Centres régionaux des Nations Unies pour la paix et le désarmement, notamment l’appui qu’ils offrent au renforcement des capacités et à l’assistance technique qu’ils proposent.

Au nom du Groupe des États arabes, M. MOHAMED KHALED KHIARI (Tunisie) a souligné que la paix et la stabilité dans le monde ne s’obtiendront par les armes nucléaires.  Il s’est dit préoccupé par l’échec du désarmement nucléaire et de la mise en œuvre des recommandations de la Conférence d’examen de 1995 et des 13 recommandations de la Conférence de 2 000.  Il a dénoncé les États dotés qui se dérobent et regretté le fait que trois de ces États n’aient pas adhéré à l’initiative arabe pour surmonter l’impasse actuelle.  M. Khiari a appelé ces États à arrêter leur politique de deux poids, deux mesures en faveur d’Israël et a souligné que contraindre Israël à accepter la création d’une région exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient relève de la responsabilité collective de la communauté internationale.

Tous les pays du Moyen-Orient ont adhéré au régime de non-prolifération, sauf Israël.  Or, un Moyen-Orient exempt d’armes nucléaires est le quatrième pilier du désarmement nucléaire.  Le non-respect de la résolution sur la création d’une région exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient déséquilibre tout le système de désarmement, a martelé le représentant.  S’agissant des activités humaines dans l’espace extra-atmosphérique, il a voulu qu’elles se fassent dans le cadre de l’ONU, conformément au consensus international sans porter atteinte au droit des États d’utiliser cet espace à des fins pacifiques.  Le représentant a exprimé le vœu de voir un espace extra-atmosphérique protéger de la course aux armements.  Il a plaidé pour l’interdiction des armes défensives et le partage des technologies spatiales.

M. SABRI BOUKADOUM (Algérie) a dit qu’en tant que partie à des traités majeurs sur les armes de destruction massive, l’Algérie souligne que le désarmement nucléaire reste la plus grande priorité.  Le seul moyen de se prémunir des armes nucléaires est de les détruire complètement et c’est pourquoi, le TNP doit être universel, même si les États peuvent mener des recherches, produire et utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. 

L’Algérie, a poursuivi le représentant, déplore, comme de nombreux autres États, le peu de progrès dans le processus multilatéral des négociations sur le désarmement nucléaire, notamment les 13 mesures résultant de la Conférence des parties chargée de l’examen du TNP en 2 000.  Il a appelé les États à faire des progrès avant la Conférence de 2020 et a rappelé que l’Algérie est l’un des premiers signataires du tout nouveau Traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui est, a-t-il estimé, une étape nécessaire pour délégitimer les armes nucléaires et une voie vers leur élimination complète.  L’Algérie souligne également la nécessité d’arriver à un instrument juridiquement contraignant pour protéger les États non dotés d’armes contre l’emploi ou la menace d’emploi des armes nucléaires.  Le représentant a aussi insisté sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.

Quant à l’espace extra-atmosphérique, « patrimoine commun de l’humanité », il doit, a souligné le représentant, être exploré et utilisé exclusivement à des fins pacifiques et pour le bien de tous, quel que soit leur niveau de développement social, économique et scientifique.  M. Boukadoum a estimé que le cadre juridique qui régit les activités extra-atmosphériques a montré ses limites.  Il faut donc entamer des négociations sur un instrument international juridiquement contraignant contre la course aux armements dans l’espace.  L’installation de systèmes antibalistiques aurait un impact sécuritaire négatif, a prévenu le représentant, prônant plutôt des mesures de confiance pour promouvoir la paix et la sécurité régionales et internationales. 

M. JUAN CARLOS MENDOZA GARCÍA (Costa Rica) a dit que tous les États, y compris les États dotés, sont appelés à éliminer les armes nucléaires de leur stratégie de défense et de sécurité.  Il a mis sur un pied d’égalité le régime de non-prolifération et le Traité d’interdiction des armes nucléaires.  Le TNP, s’est-il expliqué, est essentiel pour le désarmement nucléaire et l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire mais les armes nucléaires représentent une menace permanente car tant qu’elles sont là, leur utilisation reste possible.  Les progrès vers le désarmement sont trop timides, s’est impatienté le représentant qui a dit voir au contraire la modernisation des armes nucléaires existantes.  Il a voulu que l’on mette fin à cette tendance et a conclu, en appelant tous les États à signer le Traité d’interdiction des armes nucléaires.  Il a réservé son dernier mot à l’extra-atmosphérique pour dire qu’en la matière, les mesures de confiance et l’échange d’informations sont de la plus haute importance.

M. JOHN BRAVACO (États-Unis) a expliqué que le retour de la compétition entre grandes puissances est un élément majeur de la politique de défense des États-Unis.  En plus d’étendre leurs capacités nucléaires, la Fédération de Russie et la Chine, a-t-il accusé, veulent reformer le monde de l’après Deuxième Guerre mondiale dans un sens contraire aux valeurs et aux intérêts des États-Unis.  Notre position s’agissant du nucléaire et de la défense, a-t-il expliqué, se focalise sur l’identification des politiques, de la stratégie et des capacités dont les États-Unis ont besoin pour se protéger et protéger leurs alliés et leurs partenaires dans cet environnent marqué par une menace grandissante.  Selon le délégué, c’est la politique de dissuasion nucléaire des États-Unis qui a joué un rôle majeur dans le maintien et la défense des traditions et institutions démocratiques contre des agressions potentielles en Europe, en Asie et ailleurs dans le monde.  Le représentant a déploré le fait que la RPDC continue de développer ses programmes de missiles balistiques qui déstabilisent et menacent une grande partie du monde.  De même, l’Iran poursuit son programme de missile et ses activités déstabilisatrices au Moyen-Orient.  Le représentant a rappelé les propos du Président Trump qui avait déclaré qu’il faut faire en sorte que les armes et les matériels nucléaires ne tombent pas entre les mains des terroristes et soient utilisés contre les États-Unis ou ailleurs. 

M. Bravaco a souligné les multiples exemples d’usage des armes chimiques ces dernières années en Syrie par des acteurs étatiques et non étatiques.  Mais, a-t-il poursuivi, les États-Unis tiennent pour responsable la Fédération de Russie d’avoir utilisé un agent neurotoxique en Europe le mois dernier, à Salisbury au Royaume-Uni.  Il s’agissait soit d’un acte délibéré, soit d’un manquement dans le contrôle des stocks.  Les États-Unis restent solidaires du Royaume-Uni et la semaine dernière, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et ses 29 membres, ont pris des mesures coordonnées contre le comportement « dangereux et déstabilisateur » de la Fédération de Russie.  Ignorant ces menaces, c’est le faire à ses risques et périls.  Il faut tout simplement voir le monde tel qu’il est, s’est résigné le représentant.

Il a rappelé qu’après plusieurs années, les sujets de discussions restent les mêmes au sein du Groupe I de la Commission du désarmement, sans résultat consensuel.  À moins que nous ne nous focalisions de nouveau sur nos intérêts communs, il serait peu probable, a-t-il averti, de voir des résultats différents pour le cycle 2018-2020.  C’est fort de ce constat que les États-Unis ont établi une nouvelle approche pour créer les conditions d’une nouvelle négociation sur le désarmement nucléaire.  Cette nouvelle voie permettra des avancées graduelles vers la baisse des tensions et le renforcement de la confiance entre États.  Ce Plan, a annoncé le représentant, sera discuté au sein du Groupe I mais aussi au sein du Comité préparatoire de la Conférence des Parties chargée d’examiner le TNP, le 23 avril prochain à Genève. 

En ce qui concerne le Groupe II sur l’espace extra-atmosphérique, le délégué a noté que de nombreux pays achètent des satellites pour soutenir leurs activités militaires, croyant que la possibilité d’attaquer des biens spatiaux offre un avantage asymétrique.  Les États-Unis sont prêts à faire face à toute menace même s’ils auraient préféré que l’espace extra-atmosphérique reste une zone pacifique, a dit le représentant.  La nouvelle stratégie spatiale américaine vise la protection des intérêts vitaux du pays dans l’espace, tout en renforçant la sécurité, la stabilité et la viabilité de ses activités spatiales.  Les États-Unis entendent aussi continuer à favoriser des pourparlers bilatéraux et multilatéraux sur les mesures de transparence et de confiance, afin d’encourager des actions responsables dans l’espace, au lieu, a-t-il déploré, de s’engager dans des négociations « inutiles et illimitées » sur un instrument juridiquement contraignant.  Mon pays, a assuré le représentant, a déjà pris une série de mesures sur les recommandations faites en 2013 par le Groupe d’experts gouvernementaux chargé de mener une étude sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales.

M. KOSUKE AMIYA (Japon) a estimé que pour créer un monde exempt d’armes nucléaires, il faut renforcer les efforts de désarmement nucléaire avec la participation des États dotés et non dotés, en prenant en compte les menaces actuelles.  Le Japon continuera de promouvoir l’entrée en vigueur rapide du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et son universalisation et plaide pour le maintien des moratoires.

La communauté internationale, a poursuivi le représentant, fait face à la montée des tensions.  Les programmes nucléaires et de missiles de la Corée du Nord représentent une menace sans précédent, grave et imminente pour toute la communauté internationale.  Une Corée du Nord dotée de l’arme nucléaire ne sera jamais acceptée, a averti le représentant qui a ajouté qu’en dépit de ses engagements récents en faveur du dialogue et de la dénucléarisation, la Corée du Nord sera jugée par ce qu’elle fait et non par ce que nous voudrions qu’elle fasse.  Nous devons veiller à ce que les paroles de la Corée du Nord se transforment en actes concrètes de démantèlement total, complet et vérifiable des armes nucléaires et des missiles.  La Corée du Nord doit subir une pression maximum jusqu’à ce qu’elle change et prenne des étapes décisives et irréversibles pour dénucléariser.  Le représentant a appelé à la pleine coopération de la communauté internationale.

En ce qui concerne l’espace extra-atmosphérique, il a estimé qu’il était important de développer des initiatives pour assurer la confiance mutuelle et la transparence.  Le Japon réaffirme aussi l’importance de renforcer l’état de droit dans l’espace extra-atmosphérique et de mettre en place les principes d’un comportement responsable, préludes à des règles internationales.  Il s’est dit préoccupés par le développement des capacités antisatellites.  

M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) s’est dit alarmé par deux tendances: celle d’une nouvelle course aux armements nucléaires et celle d’une course à la modernisation des armes nucléaires.  Nous devons veiller à détruire ces armes « monstrueuses » avant qu’elles ne nous détruisent tous, a-t-il prévenu.  Si cela relève de la responsabilité individuelle, il est évident que les États dotés ont une responsabilité particulière, a souligné le représentant, qui a rappelé à la fois leurs obligations juridique, éthique et morale, qualifiant les stratégies de dissuasion d’« irréalistes et obscures ».  Tout en saluant l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires l’an passé, il a souhaité que commencent rapidement au sein de la Conférence du désarmement les négociations sur une convention générale relative aux armes nucléaires. 

Les travaux de la Commission du désarmement devraient quant à eux se concentrer sur des résolutions concernant le désarmement et la non-prolifération nucléaires.  Mais, a-t-il ajouté, la Commission doit aussi veiller à prévenir une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, lequel doit être exploré et exploité uniquement à des fins pacifiques pour le bien de toute l’humanité.  Par ailleurs, la République islamique d’Iran réclame depuis 1974 une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  Le représentant a dénoncé l’entêtement du « régime israélien », estimant qu’il faut contraindre Israël à adhérer au TNP sans condition et en tant qu’État non doté.  Israël doit placer toutes ses installations sous le contrôle général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). 

M. Khoshroo a ensuite rappelé qu’il est essentiel que toutes les parties au Plan d’action global commun continuent de l’appliquer pleinement.  Il a rappelé que l’AIEA avait, dans 10 rapports successifs, confirmé que l’Iran avait pleinement mis en œuvre ses engagements, avant de dénoncer l’approche « irresponsable et destructrice » des États-Unis, qui met sérieusement en péril la poursuite du Plan.  Pour le représentant, les agissements des États-Unis sont en contradiction flagrante avec « la lettre, l’esprit et l’intention » du Plan d’action global commun.  Cet accord « n’est pas à sens unique », a averti le représentant.  Sa mise en œuvre par l’Iran ne peut se poursuivre que si toutes les autres parties continuent de respecter pleinement, effectivement et sans condition l’ensemble de leurs engagements. 

De même, a ajouté M. Khoshroo, le Plan d’action global commun « ne saurait être renégocié ou modifié ».  L’AIEA est la seule autorité habilitée à vérifier le respect par l’Iran de ses engagements.  L’Iran continue d’appliquer à titre provisoire le Protocole additionnel au TNP, mais cette situation dépend de la mise en œuvre inconditionnelle du Plan d’action global commun par les autres parties, et en particulier les États-Unis, a insisté le représentant.  L’Iran ne peut continuer et ne continuera pas, à préserver le Plan d’action global commun à n’importe quel prix, c’est « infaisable », a-t-il averti.  La communauté internationale ne doit pas laisser le Gouvernement des États-Unis se moquer du Plan d’action global commun et le saper.  « Ce n’est pas dans l’intérêt du multilatéralisme et empêcher les États relève d’une responsabilité collective », a-t-il conclu. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a rappelé sa préoccupation face aux conséquences humanitaires dévastatrices qu’aurait l’utilisation d’armes nucléaires et s’est inquiété de la modernisation constante des arsenaux nucléaires existants par certains États dotés, en violation flagrante de la lettre et de l’esprit de l’article VI du TNP et des engagements solennels qu’ils ont pris lors des conférences d’examen.

L’Afrique du Sud salue l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et rappelle qu’elle a figuré parmi la cinquantaine d’États qui l’ont signé dès la date d’ouverture à signature, le 20 septembre dernier.  Si le Traité n’est pas le dernier mot du désarmement nucléaire, c’est un pas essentiel dans l’évolution du régime qui doit être mis en place pour libérer le monde des armes nucléaires, a poursuivi M. Matjila.  L’Afrique du Sud soutient donc le Traité sans préjudice des engagements existants en matière de désarmement nucléaire, notamment ceux agréés dans le cadre du TNP.  À cet égard, l’Afrique du Sud juge inacceptable que certains États parties traitent leurs obligations comme un « menu à la carte ».  Ils doivent mettre en œuvre tous leurs engagements pris en 1995, 2000 et 2010, y compris la résolution de 1995 appelant à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.

Le représentant a rappelé que la Commission du désarmement devait promouvoir des mesures concrètes pour la transparence et la confiance dans l’espace extra-atmosphérique, afin d’y prévenir toute course aux armements.  L’Afrique du Sud considère que le meilleur moyen de préserver l’ordre, la sécurité et la viabilité des activités dans l’espace extra-atmosphérique est de dialoguer et de coopérer au plan international.

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a salué l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui devrait compléter le TNP quand il entrera en vigueur.  Il a exhorté les États dotés à respecter le caractère dénucléarisé de sa région.  Il a fait part de sa déception après l’absence de consensus à la session 2015 de la Conférence des parties chargée de l’examen du TNP.  En ce qui concerne l’espace extra-atmosphérique, M. Escalante Hasbún a rappelé l’importance de son utilisation pour le bien de tous.  La dépendance croissante à des technologies spatiales renforce la nécessite d’une plus grande collaboration entre États, a-t-il estimé.  Il faut également renforcer les mesures de transparence et de confiance, lesquelles passent par les échanges d’informations sur les programmes spatiaux et les dépenses militaires ou encore l’ouverture des sites spatiaux aux autres États.  Le représentant a ensuite déploré le fait que la Conférence du désarmement à Genève soit dans l’impasse depuis déjà 20 ans.  Il a attribué la situation à l’opposition de « quelques-uns » qui empêchent la majorité de faire avancer les choses.  Il s’est néanmoins réjoui de ce que la Commission ait surmonté l’impasse l’année dernière, en adoptant des recommandations sur les armes classiques.  Il a émis le vœu que ce nouveau cycle sera également couronné de succès.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est d’abord félicité de ce que la Commission du désarmement, « seul organe délibérant spécialisé » du système de Nations Unies, ait pu l’an dernier surmonter dix-huit années de blocage et s’accorder sur les « Mesures de confiance concrètes dans le domaine des armes classiques », un document jugé important. 

« Soutien constant du désarmement nucléaire », la Fédération de Russie a dûment apporté sa contribution au processus, a rappelé le représentant.  Ainsi, le 5 février dernier, le pays a confirmé avoir pleinement mis en œuvre ses engagements en vertu de l’Accord START de réduction des armements nucléaires, réduisant même le nombre de ses têtes nucléaires en deçà du plafond prévu.  La Fédération de Russie a réduit son arsenal nucléaire de 85% par rapport à l’époque de la guerre froide, a affirmé le représentant.  Estimant que la recherche de conditions favorables à de nouvelles réductions doit être une priorité, le représentant a jugé nécessaire d’une part, d’impliquer tous les États dotés et d’autre part, de créer les conditions nécessaires à cette évolution, en assurant la sécurité aux plans mondial et régional.

À cet égard, il faut tenir compte de tout une série de facteurs, a poursuivi le représentant, qui a dénoncé comme une atteinte à la stabilité, le déploiement illimité de la défense antimissile des États-Unis, la mise au point d’armes non nucléaires offensives de haute précision, la réticente des États-Unis à abandonner leur projet de déploiement d’armes de frappe dans l’espace extra-atmosphérique ou encore le déséquilibre grandissant en matière d’armes classiques.  Il faut « contrer activement » ces atteintes à l’architecture de désarmement, a poursuivi le représentant. 

Il s’est également dit inquiet de l’adoption par certains États de « doctrines » qui font la part belle aux armes nucléaires, en baissant leur seuil d’utilisation.  Il a  cité certaines pratiques de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), prévenant que l’histoire nous enseigne qu’essayer d’assurer la sécurité de quelques-uns aux dépens de celle des autres est a priori vouée à l’échec.  Le représentant a plaidé pour que « l’égalité des droits », le « respect mutuel » et le « consensus » ne soient pas seulement des formules déclarées, mais des mesures appliquées.

C’est pour prévenir les scénarios les plus dangereux et préserver l’équilibre stratégique que la Fédération de Russie a été « obligée » de prendre les « mesures techniques » annoncée le 1er mars dernier par le Président Poutine, a expliqué le représentant, qui a fait observer que toutes les mesures annoncées pour renforcer les capacités russes de défense étaient prises « dans le strict respect des accords existants de contrôle des armements ».

Il a ensuite estimé que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires ne satisfaisait pas aux préalables nécessaires à un désarmement nucléaire complet, à savoir la prise en compte de tous les facteurs qui concernent la stabilité stratégique mondiale et le principe de sécurité égale pour tous.  Il a donc jugé le texte « prématuré » et s’est également dit inquiet de l’avenir du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), du fait que « l’un des États clefs » s’est retiré du processus de ratification.  La nouvelle doctrine nucléaire des États-Unis n’exclut pas la possibilité de reprendre les essais, a-t-il fait observer, en voyant une atteinte au Traité d’autant plus grave que certains pays hors du TICE se laissent guider par l’exemple des États-Unis.  La Fédération de Russie soutient une approche équilibrée des trois piliers du TNP et elle est également favorable à la création de zones exemptes d’armes nucléaires.  Elle juge préoccupante l’impossibilité d’en créer une au Moyen-Orient. 

Enfin, le représentant a jugé au moins aussi important que l’élimination totale des armes nucléaires, la militarisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires, qui, en outre, est « réalisable dans la pratique ».  À cet égard, il a rappelé le projet de traité contre le déploiement d’armes dans l’espace et la menace ou l’emploi de la force contre des objets spatiaux présenté conjointement par son pays et la Chine en juin 2014.  L’approbation l’année passée par l’Assemblée générale de la résolution présentée par les deux pays ouvre de réelles possibilités, a estimé le représentant, qui a également mentionné les efforts du Comité sur les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique pour mettre au point une série de lignes directrices. 

M. M. SHAHRUL IKRAM YAAKOB (Malaisie) a estimé que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté en juillet 2017 complète les instruments internationaux existants de désarmement et de non-prolifération nucléaires.  Mon Gouvernement avance vers sa ratification, a-t-il annoncé, ajoutant qu’il continue aussi de respecter les principes du TNP qui servent de principes directeurs au désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.  Le délégué a réitéré l’avis consultatif que la Cour internationale de Justice a rendu le 8 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires qui stipule, entre autres choses qu’« il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à bien des négociations conduisant au désarmement nucléaire sous tous ses aspects sous un contrôle international strict et efficace ».  Le représentant a également salué l’adoption en décembre 2017 par l’Assemblée générale des résolutions 72/76 et 72/27 contre la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

M. FRED FRIMPONG (Ghana) a voulu que l’on prenne toutes les mesures nécessaires pour l’élimination complète des armes nucléaires.  Il a souhaité que la session 2020 de la Conférence des parties chargée de l’examen du TNP ait une issue plus heureuse que celle de 2015 et conduise à des négociations multilatérales sur le désarmement et la non-prolifération nucléaires.  Il a rappelé que le Ghana a été l’un des premiers signataires du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, un élément indispensable du désarmement nucléaire qui vient renforcer les objectifs du TNP, notamment son article VI portant sur le règlement des différends. 

S’agissant de l’espace extra-atmosphérique, le représentant a insisté sur une utilisation pacifique.  Il a invité toutes les parties qui y sont engagées à mener leurs activités exploratoires « avec responsabilité ».  Il a aussi salué la Stratégie politique spatiale africaine en 2016, un cadre pour la réalisation du programme extra-atmosphérique africain qui est intégré à l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

Afin de parvenir à l’objectif commun d’un monde pacifique, sûr et débarrassé des armes nucléaires, a dit M. CHO TAE-YUL (République de Corée), nous devons prendre des mesures efficaces, viables et inclusives dans le cadre des trois piliers du TNP, conformément au Plan d’action de 2010.  La République de Corée est fermement engagée dans cette vision et cet objectif et a pris des mesures pour traduire son engagement en actions.  Le pays a non seulement participé au Groupe d’experts de haut niveau sur les matières fissiles pour la fabrication d’armes et autres dispositifs explosifs nucléaires et au Partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire, mais il a aussi fait tous les efforts possibles pour résoudre la question du programme nucléaire de la Corée du Nord, par une pression et un engagement maximums.

Avec la série de réunions de haut niveau « à une vitesse vertigineuse », y compris le sommet intercoréen prévu le 27 avril prochain, le monde entier se concentre désormais sur l’évolution de la situation dans la péninsule coréenne.  La République de Corée s’efforce de maintenir cet élan durement acquis pour la réalisation pacifique d’une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la Corée du Nord, qui à son tour conduira à l’établissement d’une paix durable dans la péninsule coréenne.  C’est une « occasion historique » que nous ne voulons pas rater et nous comptons sur l’appui de la communauté internationale, a conclu le représentant.

Mme MARÍA ANTONIETA SOCORRO JÁQUEZ HUACUJA (Mexique) a décrié une situation internationale préoccupante marquée par des menaces d’utiliser l’arme nucléaire.  Elle s’est même avouée « éberluée » par la banalisation des conséquences humanitaires.  On entend des justifications telles que la modernisation des arsenaux nucléaires et on voit des dépenses militaires toujours plus énormes, alors que dans le même temps, il y a de moins en moins de ressources pour le développement et la pérennisation de la paix.  Mme Jáquez Huacuja s’est aussi avouée étonnée par les délégations qui défendent le point de vue selon lequel « les armes nucléaires défendent la paix ».  Ces armes, a-t-elle rappelé, auraient un impact catastrophique sur les civils et on ne voit pas pourquoi elles seraient bonnes dans les mains des uns et mauvaises dans celles des autres.  Le Mexique défend un désarmement nucléaire de toute urgence lequel passe par le respect de toutes les dispositions du TNP et l’entrée en vigueur de tous les instruments et accords internationaux pertinents.  Ces instruments sont la base juridique pour arriver à l’élimination totale des armes nucléaires.  « C’est bien l’avis de la majorité des États Membres », a martelé la représentante. 

Elle a en outre appelé à des mesures de confiance pour éviter une course aux armements dans l’espace car pour le Mexique, l’espace extra-atmosphérique doit être utilisé sans préjudice pour quiconque.  Avec l’arrivée de nombreux acteurs privés, il devient urgent de mettre sur pied un cadre pour réglementer les activités spatiales.

Mme HADAS ESTER MEITZAD (Israël) a demandé à la Commission d’examiner la question du désarmement nucléaire dans son contexte, en établissant un équilibre entre ce qui est plausible et ce qui est possible.  Les circonstances régionales doivent toujours être prises en compte, a souligné la représentante.  Elle a appelé à une meilleure compréhension des réalités dominantes avant que les États n’envisagent de se lancer dans de nouvelles négociations sur le désarmement.  Israël, a-t-elle affirmé, a toujours soutenu l’idée d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, mais seulement dans un contexte de reconnaissance mutuelle et de cessation de toutes les hostilités et de tous des actes de terrorisme et d’agression. 

Le Moyen-Orient, s’est expliquée la représentante, est devenu un « laboratoire du terrorisme » où les Conventions sur les armes chimiques ont été violées à plusieurs reprises.  La Syrie ne respecte pas ses obligations internationales et l’Iran poursuit sans relâche son programme de missiles balistiques et ses activités nucléaires.  Il est clair que tout processus de contrôle des armements dans la région « ne peut être séparé de la réalité à laquelle nous sommes confrontés », a dit la représentante.  Elle a rappelé qu’un rapport de la Commission du désarmement de 1999 contient des éléments détaillés sur la création de zones exemptes d’armes nucléaires dont la nécessité de tenir compte des réalités sur le terrain.  Les accords ne peuvent émaner que des protagonistes d’une région donnée.  

M. TEGAN BRINK (Australie) a salué le fait que la Conférence du désarmement ait connu des avancées notables la semaine dernière avec un accord sur la création de cinq organes subsidiaires et la désignation de coordinateurs pour les diriger.  Si nous voulons que le mécanisme de désarmement joue pleinement son rôle, a-t-il suggéré, la Commission du désarmement doit également réexaminer ses méthodes de travail et ses objectifs.  La Commission doit par exemple réapprendre à délibérer en se focalisant sur des thèmes, les résultats pouvant ainsi être envoyés à la Conférence du désarmement ou à d’autres organes pertinents pour examen.  Ce nouveau cycle triennal est l’occasion de faire « quelque chose de nouveau, de ciblé et de significatif ».  Le représentant a rappelé que les dernières recommandations de la Commission avaient ceci de particulier qu’elles étaient ciblées.  Il a ainsi proposé de discuter des recommandations sur la réduction du risque nucléaire, un thème assez large pour permettre la contribution de tous, mais également assez pointu.  Il a enfin estimé que les discussions du Groupe II sur l’espace extra-atmosphérique pourraient conduire à des mesures de confiance et de transparence non contraignantes, une approche immédiate et adéquate pour renforcer la sécurité spatiale, a-t-il argué.

Droits de réponse

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a annoncé que les tensions ont cédé la place au dialogue dans la péninsule coréenne.  Ce n’est en aucun cas les conséquences des pressions évoquées par les États-Unis et le Japon mais bien le fait de « notre vœu d’une paix durable ».  Notre programme nucléaire répond à la menace nucléaire que font peser les États-Unis depuis 70 ans.  Les États-Unis sont le principal responsable de la situation sur dans la péninsule coréenne et il serait judicieux que tous les États avancent avec prudence et évitent d’alourdir l’atmosphère.

Le représentant de la République islamique d’Iran a répété qu’Israël est le seul pays du Moyen-Orient à être doté d’armes de destruction massive.  Ce pays refuse d’adhérer au TNP et rejette la résolution sur la création d’une région exempte de l’arme nucléaire au Moyen-Orient, a-t-il aussi répété.

Son homologue du Japon a réaffirmé qu’une Corée du Nord dotée de l’arme nucléaire ne sera jamais acceptée.  Les paroles doivent être suivies d’actes concrets de démantèlement du programme nucléaire, a-t-il martelé.

Le représentant des États-Unis a insisté sur le fait que c’est bien le programme nucléaire de la RPDC qui menace la paix internationale.  La RPDC ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité et ses programmes illégitimes ne font que renforcer la détermination du monde à intensifier la pression pour qu’elle les abandonne.  Les États-Unis n’accepteront jamais une RPDC dotée de l’arme nucléaire, a dit à son tour le représentant, ajoutant: « notre engagement à défendre nos alliés reste le même ».  Les États-Unis, a-t-il martelé, sont prêts à répondre aux menaces de la RPDC et les pressions se poursuivront.

Le représentant de la République arabe syrienne a dénoncé le fait qu’Israël ne fait partie d’aucun traité de paix.  L’entité israélienne développe des armes chimiques et des missiles.  L’entité israélienne a fourni des armes et des armes chimiques à Daech et à el-Nosra.  Elle a formé ces groupes terroristes à l’utilisation d’armes chimiques.  L’entité israélienne a utilisé des armes chimiques contre des populations civiles arabes.

Notre programme nucléaire est une réaction à la politique hostile des États-Unis, a réitéré le représentant de la République populaire démocratique de Corée.  Les sanctions et les pressions, si maximales soient-elles, ne résoudront pas le problème.  Nous demandons aux États-Unis et au Japon d’être « francs et responsables ».

La pression se poursuivra voire s’accroîtra jusqu’à ce que la RPDC mette fin à son programme nucléaire, a promis le représentant des États-Unis.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: après le lourd bilan de la « Marche du retour » à Gaza, l’Observateur de la Palestine demande une nouvelle fois « une protection internationale »

8219e séance – soir
CS/13273

Conseil de sécurité: après le lourd bilan de la « Marche du retour » à Gaza, l’Observateur de la Palestine demande une nouvelle fois « une protection internationale »

À la demande du Koweït, le Conseil de sécurité a tenu ce soir une réunion d’urgence après que les manifestants de la « Marche du retour » à Gaza se sont heurtés aux forces de sécurité israéliennes, avec un bilan de 15 morts et plus de 1 000 blessés, selon les chiffres du Ministère palestinien de la santé.  L’Observateur permanent de la Palestine a profité de la réunion pour demander, une nouvelle fois, la « protection internationale » du peuple palestinien.

De nombreuses victimes de la « Marche du retour », marquant le quarante et unième anniversaire de la « Journée de la terre » au cours de laquelle six Palestiniens ont été tués, auraient été touchées par des balles réelles tirées par les forces de sécurité israéliennes mais aussi après des affrontements avec des Palestiniens, y compris à la suite du bombardement d’un point d’observation du Hamas, a confirmé le Secrétaire général adjoint par intérim aux affaires politiques.  M. Tayé-Brook Zerihoun a aussi parlé des manifestants aux comportements violents, certains portant même des armes à feu et d’autres tentant de passer la barrière avec Israël pour déposer des explosifs.  Des dirigeants du Hamas auraient été aperçus dans certains rassemblements.  Avant les manifestations, Israël a pris soin d’augmenter le nombre de ses forces le long de la barrière, déployant des tireurs d’élite, des unités spéciales et des drones, a indiqué le Secrétaire général adjoint par intérim qui a fait part d’actes de violence en Cisjordanie où environ 900 Palestiniens ont marché.  Quelque 27 Palestiniens auraient été blessés près de Naplouse. 

Citant un à un le nom et l’âge de ceux qui ont perdu la vie aujourd’hui, l’Observateur permanent de l’État de Palestine a jugé qu’il est temps que les populations palestiniennes bénéficient d’une « protection internationale ».  Si cela n’est pas possible, alors les pays responsables devront reconnaître qu’ils protègent « les criminels israéliens ».  « Mû par un sentiment d’horreur et d’urgence », M. Ryad Mansour a annoncé demain une « journée de deuil national » et rappelé que, cette année, les manifestations de la « Marche du retour » sont prévues jusqu’au 15 mai pour commémorer le soixante-dixième anniversaire du déracinement de 800 000 Palestiniens après des massacres brutaux dans 400 villes et villages par des groupes sionistes.  Nous sommes devant un déséquilibre flagrant, s’est-il indigné, entre des civils pacifiques et des forces qui déchaînent toute la puissance de leurs armes.

Les attaques vicieuses d’aujourd’hui, a accusé l’Observateur, ont été préméditées et délibérées.  Les responsables israéliens les ont préparées par des discours violents et provocateurs qui ont poussé des organisations comme Amnesty International à lancer l’alerte.  Il ne faut pas oublier, a ajouté l’Observateur, que Gaza abrite deux millions de personnes soumises à un blocus qui a mené à une crise humanitaire et économique « très grave ».  Les actes des responsables israéliens n’ont rien à voir avec la sécurité mais tout à voir avec le contrôle et la détermination à asphyxier les Palestiniens. 

L’Observateur a salué les États qui ont demandé une enquête sur « le massacre » d’aujourd’hui mais a insisté sur la « protection internationale » pour éviter un bain de sang et apaiser cette situation « volatile ».  Le peuple palestinien ne saurait demeurer l’exception à l’obligation du droit international de protéger les civils des atrocités et des violations.  Ces propos ont été repris par le Koweït.  « Voilà ce qui arrive quand il n’y a pas de réaction internationale. »  La violence, ont rétorqué les États-Unis, ne saurait servir les objectifs de la communauté internationale qui se concentre sur des mesures concrètes en faveur de la situation humanitaire et du développement économique de Gaza ainsi que sur un plan de paix. 

La situation à Gaza, qui ne peut être dissociée du contexte plus large du processus de paix, comme l’ont dit plusieurs délégations, est depuis longtemps une source de préoccupations.  Ce qui est d’actualité, c’est une solution durable et une aide humanitaire et économique qui aille de pair avec les efforts de paix, ont souligné les Pays-Bas, arrivés au terme de la présidence du Conseil de sécurité.  L’Autorité palestinienne doit rétablir son autorité à Gaza, les parties palestiniennes doivent avancer sur le chemin de la réconciliation et la solution des deux États est indispensable si l’on ne veut pas voir se répéter les évènements tragiques d’aujourd’hui, ont martelé les Pays-Bas.

La Fédération de Russie s’est dite prête à accueillir des négociations entre les leaders israéliens et palestiniens.  Il nous faut, a renchéri le Royaume-Uni, un accord urgent et durable qui traite des causes sous-jacentes du conflit, fasse en sorte que le Hamas et les autres groupes terroristes mettent fin à leurs attaques contre Israël, et assure le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza et la levée du blocus par Israël.  Il est crucial que le Conseil de sécurité reste activement saisi de la question, dont la protection des civils contre l’usage disproportionné de la force, a insisté la France.  Plusieurs délégations ont regretté qu’Israël n’ait pu être présent aujourd’hui en raison de la fête du Pessah.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. TAYÉ-BROOK ZERIHOUN, Secrétaire général adjoint par intérim aux affaires politiques, a confirmé que la « Marche du retour » aux environs de la barrière qui sépare la bande de Gaza d’Israël s’est terminée dans la violence.  Selon les informations reçues par l’ONU, environ 30 000 personnes ont pris part à cette marche à divers endroits de Gaza.  Mais la situation s’est détériorée à plusieurs endroits.  Dans l’après-midi, le Ministre palestinien de la santé de Gaza a confirmé la mort d’au moins 15 Palestiniens et décompté plus de 1 000 blessés, y compris à cause des gaz lacrymogènes.  De nombreuses victimes auraient été touchées par des balles réelles tirées par les forces de sécurité israéliennes au cours de la marche, mais aussi après des affrontements avec des Palestiniens, y compris à la suite du bombardement d’un point d’observation du Hamas.  Des informations indiquent également que la plupart des manifestants sont restés à bonne distance de la barrière et n’ont pas été violents.

Néanmoins, des informations pointent le doigt sur des manifestants qui ont jeté des pierres et eu un comportement violent, certains portant même des armes à feu.  Selon les informations des forces de sécurité israéliennes, des militants ont essayé d’atteindre la barrière pour y déposer des explosifs.  Les Palestiniens auraient également fait traverser la barrière à une fillette de 9 ans mais les troupes israéliennes ont pu la ramener en toute sécurité.  Des dirigeants du Hamas auraient été aperçus dans certains rassemblements.  Avant la marche, Israël avait augmenté le nombre de ses forces le long de la barrière, déployant des tireurs d’élites, des unités spéciales et des drones, et avertissant qu’il comptait prévenir toute brèche dans la barrière ou toute violation de sa souveraineté.  La violence a également éclaté en Cisjordanie où environ 900 Palestiniens ont manifesté, notamment dans des villes du centre de la Cisjordanie comme Ramallah et Hébron.  Selon le Croissant-Rouge, 27 Palestiniens ont été blessés pendant les affrontements près de Naplouse. 

Le Secrétaire général adjoint par intérim a rappelé qu’au cours de son exposé devant le Conseil de sécurité cette semaine, le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Nickolay Mladenov, avait fait part des plans palestiniens pour la marche et avait invité toutes les parties à faire preuve de retenue et à prendre les mesures nécessaires pour éviter l’escalade de la violence.  Dans des communiqués aux médias, il a réitéré ces appels et souligné la nécessité de veiller à ce que les civils, particulièrement les enfants, ne soient mis en danger.  M. Mladenov a également pris langue avec les Forces de défense israéliennes et les factions palestiniennes, particulièrement à Gaza, afin de renforcer la portée de son message.  Pour assurer la sécurité du personnel de l’ONU, le Département de la sûreté et de la sécurité a diffusé plusieurs fois des avis.  Au cours de la journée, le Coordonnateur spécial était en contact avec les forces palestiniennes et israéliennes et va le rester, étant donné que d’autres manifestations sont prévues au cours des six semaines à venir. 

L’ONU, a confié le Secrétaire général adjoint par intérim, craint que la situation ne se détériore dans les prochains jours.  L’Organisation continue de souligner qu’il est impératif que les civils, notamment les enfants, ne soient pas ciblés et que tous les acteurs se gardent de mettre les enfants en danger.  Israël doit respecter ses responsabilités en vertu du droit international et du droit international humanitaire, a rappelé M. Zerihoun.  « La force létale ne doit être utilisée qu’en dernier ressort, et toutes les victimes doivent faire l’objet d’investigation en bonne et due forme de la part des autorités », a-t-il déclaré.  L’ONU entend également continuer d’exhorter les forces israéliennes à faire preuve d’un maximum de retenue pour éviter des victimes.  « Le Secrétaire général de l’ONU a du reste appelé à des enquêtes rapides et transparentes sur ces incidents. »  M. Zerihoun a enfin relevé que les évènements d’aujourd’hui à Gaza sont un rappel douloureux de ce qui peut arriver quand la paix est absente.  Les évènements rappellent aussi la nécessité d’intensifier les efforts en faveur d’un règlement pacifique du conflit.  Comme le Secrétaire général et le Coordonnateur spécial ont répété devant le Conseil, l’ONU exhorte fortement les Israéliens, les Palestiniens et la communauté internationale à prendre des mesures concrètes pour rompre avec les conflits et avancer vers l’objectif d’une paix juste et durable basée sur la solution des deux États.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé qu’il y a quatre jours, le Conseil de sécurité a entendu un exposé sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016).  Nous voyons aujourd’hui, s’est indigné le représentant, l’arrogance et l’injustice d’Israël.  Chaque année, le 30 mars, les Palestiniens organisent des manifestations et ce sont des droits garantis par le droit international.  Le représentant a dénoncé les activités illégales d’Israël lesquelles constituent des violations des résolutions du Conseil de sécurité.  Soyons clairs, a dit le représentant, ce qui est arrivé aujourd’hui c’était des manifestations pacifiques de gens non armées.  Ce qu’on voit aujourd’hui est une violation du droit international et des droits de l’homme.  Les Palestiniens, s’est-il impatienté, ne peuvent être l’exception à l’engagement international, au droit international et à l’obligation de protéger les civils des atrocités et des violations.  Il faut une protection internationale pour le peuple palestinien, compte tenu des violations flagrantes de l’État israélien.  On ne peut dissocier les évènements d’aujourd’hui du contexte général, a estimé le représentant qui a rappelé que Gaza est toujours soumis à un blocus et que ceux qui ont manifesté aujourd’hui sont des réfugiés qui souffrent d’une occupation de 50 ans et de la baisse des contributions à l’Office de travaux et de secours des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA).  Quand il n’y a pas de réaction à cette situation, voilà ce qui arrive, a souligné le représentant.  Il a défendu le droit des Palestiniens à un État indépendant, fondé sur les résolutions du Conseil, le principe « terre contre paix », la Feuille de route et l’Initiative de paix arabe.

M. WALTER MILLER (États-Unis) a regretté qu’Israël n’ait pas été en mesure de participer à la réunion, arguant qu’en toutes choses, le Conseil de sécurité doit préserver l’équilibre.  Le représentant s’est dit attristé par les pertes en vies humaines, avant de souligner que la communauté internationale se concentre sur des mesures concrètes en faveur de la situation humanitaire et le développement économique de Gaza.  Nous travaillons aussi à un plan sur la paix et en l’occurrence, la violence ne sert aucun de ces objectifs. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) s’est dit gravement préoccupé par les évènements tragiques survenus dans la bande de Gaza.  Il a appelé les parties à faire preuve de retenue et à protéger la vie des civils.  Il faut, a-t-il dit, intensifier les efforts diplomatiques de médiation diplomatique et rechercher une stratégie pour le règlement la crise.  Le représentant n’a pas oublié de prôner la réconciliation interpalestinienne et la consolidation des rangs palestiniens sur la plateforme de l’Organisation de libération de la Palestine, voyant les conditions préalables de la relance économique de Gaza et de la création d’un État palestinien indépendant.  Il faut, a-t-il poursuivi, des négociations directes entre Palestiniens et Israéliens sur toutes les questions liées au statut final.  Le règlement de la crise doit se fonder sur les résolutions du Conseil de sécurité et les autres processus internationaux, dont l’Initiative de paix arabe.  La Fédération de Russie, a souligné le représentant, est prête à accueillir des négociations entre les leaders israéliens et palestiniens.  En attendant, il a insisté sur l’importance qu’il y a à mettre fin aux activités de colonisation et aux discours incendiaires.  La communauté internationale doit travailler tous les jours dans l’unité, a conclu le représentant, en disant attendre beaucoup de la réunion que la Ligue des États arabes a prévu de tenir à Ryad.  Il a espéré des discussions constructives et la levée de tous les obstacles.  La Fédération de Russie, a-t-il conclu, poursuivra ses efforts pour faire avancer la paix entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi dans la région du Moyen-Orient dans son ensemble et en l’occurrence, le Conseil se doit d’identifier les domaines où l’on peut travailler ensemble.

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) a condamné les actes de violence et appelé les parties à faire preuve de retenue.  Seul le dialogue permettra un règlement pacifique du conflit, a-t-il tranché.  La Côte d’Ivoire, a-t-il conclu, suit de près l’évolution de la situation et se réserve le droit de faire une déclaration dans les jours à venir.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a jugé regrettable que le représentant d’Israël n’ait pu participer à cette réunion.  Il s’est dit horrifié par les évènements d’aujourd’hui et a appelé au calme, à la retenue et au respect du droit international.  Cela fait longtemps, a-t-il reconnu, que nous sommes préoccupés par la situation à Gaza.  Il nous faut un accord urgent et durable qui traite des causes sous-jacentes du conflit, fasse en sorte que le Hamas et les autres groupes terroristes mettent fin à leurs attaques contre Israël, assure le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza et la levée du blocus par Israël.  Chaque Israélien ou chaque Palestinien a le droit de vivre dans la paix et la sécurité, a souligné le représentant.  Il nous faut un nouvel engagement en faveur de la solution des deux États et il temps que toutes les parties travaillent ensemble dans ce sens pour mettre fin à l’occupation et offrir la paix aux Israéliens et aux Palestiniens. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) s’est à son tour dit horrifier par les évènements d’aujourd’hui et a demandé des enquêtes d’autant plus que les forces israéliennes semblent avoir utilisé des balles réelles.  L’utilisation de la force doit toujours être proportionnée et la force létale doit toujours être une mesure de dernier ressort.  Préoccupé par les attaques aériennes sur Gaza, le représentant a reconnu que le Conseil de sécurité avait été prévenu.  Il faut maintenant éviter que la violence ne se poursuive et obtenir des forces israéliennes qu’elles fassent preuve de retenue.  La situation humanitaire à Gaza est « terrible » et une solution durable doit être trouvée, dont la levée du blocus.  Gaza ne peut être dissocié du contexte large du processus de paix et la solution des deux États, a conclu le représentant. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a dit suivre étroitement la situation sur le terrain et déploré les pertes en vies humaines.  Á son tour, il a appelé les parties à faire preuve de retenue.  La violence doit cesser immédiatement et définitivement, a-t-il martelé, avant d’insister sur le respect du droit international.  Le représentant a condamné, une nouvelle fois, l’attentat contre le Premier Ministre palestinien et argué que la solution, c’est le dialogue politique.  Les parties doivent mettre de côté leurs différends et se réunir autour de la table de négociations.  Elles doivent accepter de faire des compromis.  La solution des deux États est la seule solution juste et en l’occurrence, la réconciliation interpalestinienne est importante.  La communauté internationale, a conclu le représentant, ne doit pas renoncer.  Il a appuyé l’idée du Koweït d’obtenir du Conseil qu’il appelle les Israéliens et les Palestiniens à mettre fin à la violence.  Le Conseil doit les mettre en garde contre toute escalade, a insisté le représentant.

M. ANTOINE IGNACE MICHON (France) s’est dit préoccupé par les évènements d’aujourd’hui qui exacerbent une situation déjà tendue.  Un seuil a été franchi, a prévenu le représentant.  Il a insisté sur le respect du droit international humanitaire et sur la protection des civils.  Il a aussi insisté sur le droit des Palestiniens de manifester pacifiquement.  Israël, qui a le droit d’assurer sa sécurité, doit utiliser la force de façon proportionnée, a rappelé le représentant.  Il a reconnu que la réconciliation interpalestinienne est dans l’impasse et que la violence se poursuit de part et d’autre.  Il n’y a aucune perspective qui donnerait de l’espoir au peuple, a-t-il regretté.  Il a donc estimé que la communauté internationale doit promouvoir le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza, la levée du blocus et des garanties de sécurité pour Israël.  On ne peut dissocier la situation de Gaza de la question palestinienne dans son ensemble, a conclu le représentant, en soulignant que la clef est de parvenir à la solution des deux États et que pour y arriver, il faut des négociations sérieuses.  Il est crucial que le Conseil de sécurité reste activement saisi de la question, dont la protection des civils contre l’usage disproportionné de la force. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a dénoncé des pertes en vies humaines « irréparables et insensées ».  Il a réitéré le droit des Palestiniens à la liberté d’expression et à liberté de réunion pacifique.  Il est très important, a-t-il dit, que les soldats « calibrent » correctement leur force contre des manifestants pacifiques.  Il a condamné l’utilisation d’armes qui pourrait être une évolution dangereuse de la situation au Moyen-Orient.  Il a jugé nécessaire de mener des enquêtes approfondies sur les évènements d’aujourd’hui et a jugé tout aussi important de consolider les rangs palestiniens sur la plateforme politique de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).  Il a aussi demandé une solution à la situation humanitaire de Gaza, sans oublier la dimension économique.  Le représentant n’a pas manqué de dénoncer l’expansion des colonies de peuplement et a appelé les leaders israéliens et palestiniens à prendre des mesures concrètes pour préserver la possibilité d’une coexistence pacifique et de la solution des deux États, fondée sur les droits inaliénables des Palestiniens à un État et le droit d’Israël à la sécurité.  Aujourd’hui, a-t-il conclu, nous soulignons aussi le droit inaliénable des Palestiniens à la sécurité.  Seule une politique novatrice, consciente du lien entre sécurité et développement et soutenue par une approche régionale et une ONU plus transparente et plus efficace pourra aider les parties à échapper au type de tragédies que l’on a vues aujourd’hui.

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a lancé un appel au Gouvernement israélien pour qu’il cesse son occupation illégale et l’expansion des colonies.  L’annonce de certains États de déplacer leur siège diplomatique à Jérusalem ne pourra que mener à une escalade de la violence, a prévenu le représentant.  Pour garantir une paix juste et durable, a estimé le représentant, il faut promouvoir le dialogue et les négociations.  Il a réitéré son engagement en faveur du multilatéralisme et du respect du droit international, sans oublier de marquer son appui à la Feuille de route du Quatuor, au Processus de Madrid et l’Initiative de paix arabe.  Il a insisté sur le fait que la seule solution durable est la solution des deux États.

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a prévenu que tant qu’il n’y a pas d’efforts véritables pour résoudre cette crise, les tragédies comme celle que l’on a vue aujourd’hui ne manqueront pas de reproduire.  Il est essentiel de trouver une solution pérenne, a-t-il insisté, craignant véritablement une aggravation incontrôlable de la situation.  Le représentant s’est dit attristé par le nombre de victimes et a appelé les deux parties à faire preuve de retenue.  Il a aussi lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu’il suive de près la situation. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a dit suivre avec inquiétude l’évolution de la situation, dont la mort de 15 Palestiniens aujourd’hui.  La violence, a-t-il relevé, s’accompagne d’une agressivité plus marquée dans les discours des deux parties et il est possible que le Hamas veuille encourager l’escalade de la violence.  Le statu quo est intenable, a prévenu le représentant, en soulignant le droit des Palestiniens de manifester pacifiquement et en condamnant toute attaque ou attentat terroriste.  Reconnaissant aussi le droit d’Israël à la légitime défense, le représentant a tout de même dénoncé toute utilisation disproportionnée de la force.  Nous ne sommes devant une situation surprenante, a-t-il dit: « le Conseil était prévenu ».  Le représentant a donc souligné la nécessité pour les Nations Unies et les pays qui ont une influence dans la région, de prendre des mesures qui s’imposent pour prévenir la violence et protéger la population civile.  Il a appelé toutes les parties à agir et à éviter toute escalade de la violence.  Les parties, a-t-il insisté, doivent laisser la solution des deux États s’imposer.

M. LIE CHENG (Chine) a, à son tour, appelé les parties qui ont de l’influence sur les parties à jouer un rôle « constructif ».  La question centrale, a-t-il dit, c’est la paix qui exige que la communauté internationale fasse preuve d’unité.  La solution des deux États est la seule solution capable de garantir la paix, a ajouté le représentant, en appelant la communauté internationale à intensifier ses efforts en ce sens.  La Chine souhaite voir des progrès pour que les Palestiniens puissent faire émerger un État indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale.  Le Président chinois continue d’ailleurs de promouvoir cette politique et de jouer un rôle positif dans le processus de paix, a affirmé le représentant.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a également relevé le fait que le représentant d’Israël n’a pas été en mesure de participer à cette réunion en raison de la fête du Pessah.  Il a regretté les tensions et condamné l’escalade de la violence.  Tout recours à la force doit être proportionné, a-t-il rappelé, en appelant au respect du droit international humanitaire.  Il a condamné tout acte de terrorisme et d’incitation à la violence qui, a-t-il prévenu, est un obstacle majeur à la désescalade.  Les deux parties doivent condamner le terrorisme et prendre des mesures susceptibles de calmer la situation sur le terrain. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a regretté le fait qu’Israël n’ait pu participer à cette réunion en raison de la fête de Pessah.  Il s’est dit alarmé par le nombre de morts et de blessés et a appelé les parties à faire preuve de retenue et à éviter l’escalade.  Les autorités de Gaza, a-t-il souligné, doivent préserver le caractère pacifique des manifestations et Israël, réagir de manière proportionnée.  L’utilisation de balles réelles doit être une décision de dernier recours, a ajouté le représentant, souhaitant qu’Israël enquête sur tous les incidents causés par ces balles.  Il a aussi estimé que le fait que des personnes aient tenté d’entrer sur le terrain israélien montre bien que les préoccupations d’Israël sont justifiées.  Toutes les parties, a-t-il martelé, doivent éviter les incitations à la violence, respecter le droit international humanitaire et protéger les civils.  La situation à Gaza est depuis longtemps une source de préoccupations mais ce qui est d’actualité, c’est une solution durable et une aide humanitaire et économique qui aille de pair avec les efforts de paix.  L’Autorité palestinienne doit rétablir son autorité à Gaza et les parties palestiniennes doivent avancer sur le chemin de la réconciliation.  La solution des deux États est indispensable si l’on ne veut pas voir les mêmes évènements à l’avenir, a prévenu le représentant.

M. RIYAD H. MANSOUR, Observateur permanent de l’État de Palestine, a salué la résistance du peuple courageux de Palestine, à Gaza, à Jérusalem et dans la zone verte, alors qu’il fête la « Journée de la terre » et la « Marche du retour ».  Il a eu une pensée pour les familles des victimes et les blessés, en condamnant dans les termes les plus forts « ce massacre ignoble ».  Il est temps que les populations bénéficient d’une protection internationale, s’est-il impatienté, en interpelant le Conseil de sécurité.  Si cela n’est pas possible, alors les pays responsables devront reconnaître qu’ils protègent « les criminels israéliens ».  Nous sommes mus, a avoué l’Observateur, par un sentiment d’horreur et d’urgence, compte tenu des attaques contre des populations sans défense, en violation fragrante du droit international humanitaire.  Aujourd’hui, au moins 17 Palestiniens ont été tués et plus de 1 400 personnes ont été blessées dans la bande de Gaza « assiégée », a rappelé le représentant, annonçant pour demain une « Journée de deuil national ».  La plupart de ceux qui ont perdu la vie prenaient part à une manifestation « pacifique et non violente », marquant le quarante et unième anniversaire de la « Journée de la terre » au cours de laquelle six Palestiniens ont été tués, en protestant contre une expropriation illégale en 1976 et en réclamant leur droit au retour.  N’oublions pas, a rappelé l’Observateur que 70% des deux millions de Gazaouites sont des réfugiés dont le droit au retour continue d’être nié par Israël.

Citant un à un le nom et l’âge de ceux qui ont perdu la vie aujourd’hui, l’Observateur permanent a jugé qu’il n’y a rien de plus « écœurant » que le massacre de populations civiles sans défense et non armées.  C’est pourtant ce que fait Israël chaque année depuis sa création, face à des manifestants qui ne constituent aucune menace pour des soldats lourdement armés.  Ces soldats « à la gâchette facile » ont utilisé aujourd’hui des balles réelles et des balles en caoutchouc contre des manifestants qui étaient à côté de la barrière qui sépare le territoire palestinien d’Israël.  Comment est-ce possible? s’est indigné l’Observateur, en appelant ceux qui parlent d’équilibre à « être sérieux ».  Nous sommes devant un déséquilibre flagrant, a-t-il tranché, entre des civils pacifiques et des forces qui déchaînent toute la puissance de leur armement.  La manifestation d’aujourd’hui, a répété l’Observateur permanent, était censée marquée les six semaines de manifestations jusqu’au 15 mai, pour marquer le soixante-dixième anniversaire du déracinement de 800 000 Palestiniens après des massacres brutaux dans 400 villes et villages par des groupes sionistes. 

Les attaques vicieuses d’aujourd’hui, a accusé l’Observateur, ont été préméditées et délibérées.  Les responsables israéliens les ont préparées par des discours violents et provocateurs qui ont poussé des organisations comme Amnesty International à lancer l’alerte et à appeler les forces d’occupation à éviter toute force excessive.  Israël, a affirmé l’Observateur permanent, avait éployé plus de 100 tireurs d’élite avec pour ordre de tirer sur quiconque tente de franchir la barrière entre Israël et Gaza.  Les forces d’occupation ont aussi déployé des véhicules blindés, des chiens de combat et des soldats lourdement armés.  Il ne faut pas oublier, a-t-il dit, que Gaza abrite deux millions de personnes soumises à un blocus qui a mené à une crise humanitaire et économique très grave.  L’incitation des responsables israéliens à la violence n’a rien à voir avec la sécurité mais tout à voir avec le contrôle et la détermination à asphyxier les Palestiniens, a accusé l’Observateur.  La détermination de la Puissance d’occupation à étouffer dans l’œuf toute velléité chez les Palestiniens de réclamer leurs droits, à nier ces droits et à déshumaniser un peuple, est vouée à l’échec, a prévenu l’Observateur.  Les Palestiniens, a-t-il prédit, continueront de lutter pour leurs droits à vivre dans la paix, la sécurité et la dignité.

L’Observateur permanent a dénoncé une occupation marquée depuis 50 ans par des vols de terre, des destructions de terres arables, des révocations de droits fonciers, d’attaques militaires brutales, une négation du droit au retour pourtant internationalement reconnu.  Le Conseil, a-t-il plaidé, doit agir et défendre l’intégrité et l’autorité de ses résolutions.  La communauté internationale doit condamner sans équivoque et dans les termes les plus forts les actions illégales d’Israël qui doit répondre de ses actes.  L’Observateur permanent a salué les États qui ont demandé une enquête sur le massacre d’aujourd’hui et étant donné le lourd bilan d’aujourd’hui, le Conseil, a-t-il insisté, doit fournir une protection internationale au peuple palestinien pour éviter le bain de sang et apaiser cette situation « volatile ».  Le Conseil de sécurité doit assumer sa responsabilité de maintien de la paix et de la sécurité internationales car le peuple palestinien ne saurait demeurer l’exception à l’obligation du droit international de protéger les civils des atrocités et des violations de ce droit. 

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