Le Conseil de sécurité demande au Gouvernement burundais de s’engager en faveur du dialogue politique et de protéger les droits de l’homme
« Profondément préoccupé » par la lenteur du dialogue interburundais et « l’immobilisme » du Gouvernement, le Conseil de sécurité a, dans une déclaration présidentielle adoptée cet après-midi, exhorté ce dernier à s’engager afin d’aboutir à un accord avant les élections de 2020.
Le dialogue est le seul processus viable en vue d’un règlement politique durable au Burundi, insiste le Conseil. Il exprime par ailleurs l’espoir que les élections de 2020 seront « libres, régulières, transparentes, pacifiques et pleinement ouvertes à tous ».
Dans cette déclaration, le Conseil condamne « fermement » les violations des droits de l’homme commises dans le pays, y compris les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture et les « actes de harcèlement et d’intimidation » visant la société civile et les journalistes.
Il exhorte le Gouvernement burundais à protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, « conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales ». Tous les responsables de violations, « y compris les membres des forces de sécurité et de partis politiques », doivent être traduits en justice, demande le Conseil.
Par ailleurs, il exhorte le Gouvernement à renouer les liens avec les partenaires internationaux, en particulier l’ONU, « d’une manière constructive et dans un esprit de confiance mutuelle ». Le Conseil regrette en particulier que le Gouvernement ait suspendu toute coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
Le Gouvernement s’était pourtant engagé devant le Conseil des droits de l’homme à rétablir la pleine coopération mutuelle avec ledit Haut-Commissariat et à accepter la visite d’une équipe de trois experts en vue de collecter des informations sur la situation des droits de l’homme.
Le Haut-Commissariat et le Gouvernement doivent dialoguer afin de trouver « rapidement » une solution permettant au premier de reprendre pleinement ses activités, notamment de surveillance et de communication de l’information, insiste le Conseil dans sa déclaration.
Enfin, constatant la suspension de l’aide par un certain nombre de partenaires, le Conseil appelle le Gouvernement à créer des « conditions propices à la reprise de l’assistance » afin de faire face à la dégradation « persistante » de la situation humanitaire. Le Burundi compte près de 180 000 personnes déplacées et 3,6 millions de personnes dans le besoin.
LA SITUATION AU BURUNDI
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité demeure profondément préoccupé par la situation politique au Burundi, la lenteur des progrès dans le dialogue interburundais engagé sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’immobilisme du Gouvernement burundais à cet égard. Il rappelle sa déclaration S/PRST/2017/13.
Le Conseil salue et appuie l’engagement qu’ont de nouveau pris l’Union africaine et la CAE, lors du 30e Sommet de l’Union africaine et du 19e Sommet de la CAE, de trouver une solution pacifique à la situation politique au Burundi grâce à un dialogue ouvert à tous, sur la base de l’Accord d’Arusha du 28 août 2000 et de la Constitution du Burundi, et réaffirme son appui à la facilitation dirigée par l’ancien Président B. Mkapa, sous la médiation du Président Museveni. Il demeure profondément préoccupé par la lenteur des progrès réalisés dans le cadre de ce dialogue et demande à toutes les parties prenantes burundaises de prendre part activement et sans conditions au processus. Il est crucial que toutes les parties, et plus particulièrement le Gouvernement, s’engagent en faveur du processus mené sous les auspices de la CEA et parviennent à un accord avant les élections qui se tiendront en 2020. Le Conseil souligne en outre que le dialogue est le seul processus viable en vue d’un règlement politique durable au Burundi.
Le Conseil souligne qu’il importe au plus haut point de respecter, dans la lettre et dans l’esprit, l’Accord d’Arusha, qui a aidé le Burundi à connaître une décennie de paix, et s’inquiète de ce que la situation qui règne au Burundi porte gravement atteinte aux progrès notables réalisés grâce à l’Accord d’Arusha, ce qui a des conséquences désastreuses au Burundi et dans la région. Il exhorte les garants de l’Accord à s’acquitter de leurs obligations à cet égard, pour s’assurer du respect de l’Accord dans son intégralité.
Le Conseil demande à l’Organisation des Nations Unies, à l’Union africaine, à la CAE, à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et aux garants de l’Accord d’Arusha de coordonner leurs efforts pour aider les parties prenantes burundaises à régler les questions en suspens dans l’application de l’Accord d’Arusha. Il note avec appréciation que l’Union africaine s’est dite prête à dépêcher au Burundi son Comité de haut niveau des chefs d’État.
Le Conseil réaffirme qu’il est fermement attaché à la souveraineté, à l’indépendance politique, à l’intégrité territoriale et à l’unité du Burundi. Il souligne qu’il importe d’appliquer l’Accord d’Arusha, demande aux autorités burundaises de prendre toutes les initiatives politiques en se fondant sur un large consensus de toutes les parties prenantes, lequel requiert des conditions politiques et de sécurité qui inspirent confiance à tous les acteurs politiques et, à cet égard, appuie avec force la décision que l’Union africaine a prise à son 30e Sommet. Il affirme que toutes ces conditions sont un préalable aux initiatives politiques prévues.
Le Conseil demande aux États de la région de contribuer à trouver une solution politique à la situation qui règne au Burundi, de s’abstenir de toute ingérence, notamment de n’appuyer les activités des mouvements armés d’aucune manière, et de respecter les obligations que leur impose le droit international, et rappelle à cet égard les engagements qu’ils ont pris dans l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région et la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.
Le Conseil exprime l’espoir que les élections prévues pour 2020 au Burundi seront libres, régulières, transparentes, pacifiques et pleinement ouvertes à tous, avec la participation de tous les partis politiques et une participation pleine et égale des femmes à l’ensemble du processus. Il souligne également que pour permettre la tenue d’élections crédibles, il faudra pouvoir compter sur des améliorations considérables de la situation politique et de la situation des droits de l’homme, en particulier pour ce qui est des libertés fondamentales, notamment la liberté de la presse et la liberté des acteurs de la société civile, comme les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que sur des progrès dans la réconciliation.
Le Conseil exprime sa vive préoccupation face à la dégradation persistante de la situation humanitaire, avec près de 180 000 personnes déplacées, 3,6 millions de personnes dans le besoin et plus de 429 000 Burundais cherchant refuge dans les pays voisins, salue les pays hôtes pour leurs efforts et demande aux gouvernements de la région de s’assurer que la décision de retour est volontaire et prise en connaissance de cause et que le retour se fait dans la sécurité et dans la dignité.
Le Conseil constate qu’un certain nombre de partenaires bilatéraux et multilatéraux ont suspendu leur aide financière et technique au Gouvernement burundais, compte tenu de la situation au Burundi, et encourage les partenaires bilatéraux et multilatéraux et le Gouvernement burundais à poursuivre leur dialogue afin que le Gouvernement burundais crée des conditions propices à la reprise de l’assistance. Il se félicite que l’aide apportée par les partenaires bilatéraux et multilatéraux améliore la situation humanitaire et demande aux État Membres de continuer d’aider à répondre aux besoins humanitaires dans le pays.
Le Conseil condamne fermement toutes les violations des droits de l’homme ou atteintes à ces droits perpétrées au Burundi, quels qu’en soient les auteurs, y compris les exécutions extrajudiciaires, les violences sexuelles, les arrestations et détentions arbitraires, y compris celles qui touchent des enfants, les disparitions forcées, les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, les actes de harcèlement et d’intimidation commis contre les organisations de la société civile et les journalistes et la restriction des libertés fondamentales, ainsi que le recours aveugle aux attaques à la grenade, particulièrement contre des civils.
Le Conseil réaffirme que c’est au Gouvernement burundais qu’il incombe au premier chef d’assurer la sécurité sur son territoire et de protéger sa population, dans le respect de l’état de droit, des droits de l’homme et du droit international humanitaire, selon qu’il convient. Il exhorte le Gouvernement burundais à respecter, protéger et garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales, à adhérer à l’état de droit, à traduire en justice et à faire répondre de leurs actes tous les responsables de violations du droit international humanitaire ou de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits, selon qu’il convient, notamment les violences sexuelles et toutes les violations et atteintes commises contre des enfants, y compris les membres des forces de sécurité et de partis politiques.
Le Conseil note les mesures prises par le Gouvernement burundais pour lever les interdictions visant certaines organisations de la société civile, annuler des mandats d’arrêt et libérer un certain nombre de détenus comme suite à la grâce présidentielle du 31 décembre 2017. Il exhorte le Gouvernement burundais à prendre d’autres mesures pour protéger et garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales pour tous, et assurer leur respect, conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales.
Le Conseil regrette à nouveau que le Gouvernement burundais ait suspendu toute coopération et toute collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, présent dans le pays depuis 1995 pour renforcer les institutions qui œuvrent en faveur de l’état de droit au Burundi, et demande au Haut-Commissariat et au Gouvernement de dialoguer afin de trouver rapidement une solution permettant au Haut-Commissariat de reprendre pleinement ses activités, notamment de surveillance et de communication de l’information, et de s’acquitter de son mandat. Il rappelle que le Gouvernement burundais s’est engagé à la 36e session du Conseil des droits de l’homme à rétablir la pleine coopération mutuelle avec le Conseil des droits de l’homme et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, notamment la pleine coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat à Bujumbura, et à accepter la visite d’une équipe de trois experts du Haut-Commissariat chargée de collecter des informations sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Il note que les échanges à propos des révisions à apporter au projet de mémorandum d’accord entre la République du Burundi et l’Organisation des Nations Unies concernant l’actualisation du mandat du Bureau du Haut-Commissariat au Burundi se poursuivent depuis plus d’un an et exhorte le Gouvernement burundais à finaliser l’accord avec le Haut-Commissariat sans plus tarder.
Le Conseil se déclare de nouveau préoccupé par les retards importants pris dans le déploiement des observateurs des droits de l’homme et des experts militaires de l’Union africaine. Il appuie la demande de l’Union africaine tendant à ce que le mémorandum d’accord concernant les activités de ses observateurs des droits de l’homme et experts militaires soit rapidement signé, ce qui leur permettra de mener pleinement dans le pays les tâches prévues dans leur mandat.
Le Conseil salue la contribution des soldats de la paix burundais servant dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et celles dirigées par l’Union africaine, et souligne à nouveau qu’il importe de respecter les normes de l’Organisation des Nations Unies.
Le Conseil exhorte le Gouvernement burundais à renouer les liens avec les partenaires internationaux, en particulier l’Organisation des Nations Unies, d’une manière constructive et dans un esprit de confiance mutuelle. Il renouvelle son plein appui au Secrétaire général et à son Envoyé spécial dans les efforts qu’ils déploient pour engager le dialogue et collaborer avec le Gouvernement burundais pour aider à sortir de l’impasse politique actuelle et favoriser un processus de réconciliation ouvert à tous. Il prie par ailleurs le Secrétaire général et le Gouvernement burundais de parachever et d’appliquer l’Accord sur le statut de la mission pour le Bureau de l’Envoyé spécial, de façon à œuvrer avec le Gouvernement burundais et les autres parties prenantes concernées en faveur du dialogue interburundais tenu sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est dans les domaines de la sécurité et de l’état de droit, à dialoguer avec toutes les parties prenantes à la crise et à œuvrer avec toutes les parties burundaises à l’élaboration de mesures de confiance, en vue d’améliorer la situation des droits de l’homme et les conditions de sécurité et d’instaurer un climat propice au dialogue politique. Il se félicite de la participation active de la formation Burundi de la Commission de consolidation de la paix, qui sert de plateforme viable pour le dialogue entre le Burundi et ses partenaires, en suivant une approche globale pour régler la situation politique et socioéconomique.
Le Conseil est déterminé à continuer de suivre de près la situation au Burundi.