En cours au Siège de l'ONU

Assemblée générale: la zone de libre-échange africaine « un véritable coup d’accélerateur à l’intégration du continent »

Soixante-treizième session,
23e séance plénière – matin
AG/12081

Assemblée générale: la zone de libre-échange africaine « un véritable coup d’accélerateur à l’intégration du continent »

Aujourd’hui à l’Assemblée générale, les 25 intervenants ont salué unanimement la création de la Zone de libre échange sur le continent africain, au cours de l’examen des progrès accomplis dans la mise en œuvre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) que les pays africains ont continué de mettre en œuvre dans plusieurs domaines clefs, notamment les infrastructures, l’agriculture et la prise en compte de la problématique femmes-hommes, selon le rapport du Secrétaire général.

L’une des avancées majeures, ajoute-t-il, a été la création de la Zone de libre-échange continentale, à Kigali, en mars 2018, qui a donné « un véritable coup d’accélérateur » à l’intégration du continent.  Grâce à la reprise de l’économie mondiale, notamment du commerce, et à une gestion saine des politiques économiques, la croissance africaine a connu une accélération de 3,6% en 2017, alors que l’aide publique au développement (APD) a légèrement diminué en 2016.  Le niveau élevé de la dette est toujours une préoccupation majeure pour l’ensemble du continent africain car trop d’emprunt peut conduire au surendettement, menacer la croissance et le développement et saper les progrès socioéconomiques durement acquis.

« L’Organisation ne peut connaître le succès sans l’implication de l’Afrique », a souligné la Présidente de l’Assemblée générale, Mme Maria Fernanda Espinosa Garcés.  La signature, en 2017, du Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, suivi, en 2018, du Cadre pour la mise en œuvre de l'Agenda 2063 et du Programme de développement durable à l'horizon 2030 démontre, a estimé le Groupe des États d’Afrique, l’engagement des deux Organisations à aligner leur coopération avec les domaines prioritaires.

L’ONU n’est pas la seule à prêter main-forte: avec son Plan d’investissement extérieur, adopté en septembre 2017, l’Union européenne a augmenté le niveau de son appui, avec un fonds de garanties de 1,5 milliard d’euros, complété par une assistance technique et un appui à l’amélioration des investissements climatiques.  Ces efforts, qui s’ajoutent aux facilités d’investissement de 2,6 milliards d’euros, devraient permettre de collecter plus de 44 milliards d’euros d’ici à 2020, sans compter la nouvelle Alliance Afrique-Europe annoncée le 12 septembre dernier.  Le Canada a parlé de la création d’un affilié au « Global infrastructure hub » de Toronto, afin de tirer parti de l’expertise canadienne en matière d’infrastructure et relier les capitaux aux projets.  Avec le Kenya, il organisera la première Conférence sur l’économie bleue durable à Nairobi le mois prochain. 

L’Indonésie a annoncé quant à elle le Dialogue maritime Afrique-Indonésie pour explorer les contours de la coopération sur la pêche durable et la sécurité maritime.  Avec plusieurs pays côtiers, l’Inde dit également tourner aussi son partenariat vers l’économie bleue.  Le Japon a annoncé l’organisation, l’année prochaine, du septième Sommet de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD IX), l’année prochaine.  Avant cela, à la fin de ce mois-ci, l’Italie a dit son intention d’accueillir la deuxième Conférence ministérielle Afrique-Italie, avec comme sujets de discussion la croissance économique et la paix.

Pour revenir à l’APD, l’Union européenne a souligné qu’elle assure déjà 50% de l’aide mondiale, passant 0,31% du PNB en 1999 à 0,50% en 2017.  Sur une APD totale de 2,17 milliards de dollars, l’Afrique a reçu la part la plus importante, a indiqué le Qatar.  La Norvège dont l’APD a atteint 1% de son PNB a fait observer qu’elle se tourne de plus en plus vers le commerce, les investissements privés, la coopération entre les entreprises et les questions multilatérales.

L’Afrique, qui est « l’avenir du monde », doit être respectée et vue comme un partenaire et non comme une source de problèmes ou de menaces pour les autres.  La coopération, le respect mutuel, le partenariat véritable et la solidarité, voilà ce qu’il nous faut, a martelé l’Algérie.  L’Afrique sait ce qu’elle veut, elle sait où elle va et « nous savons ce qu’il nous faut », a renchéri le Cameroun, en appelant au respect des engagements pris par toutes les parties.  

L’Assemblée générale reprendra ses travaux le jeudi 25 octobre à 10 heures pour examiner le rapport de la Cour internationale de Justice. 

NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE

Seizième rapport de synthèse du Secrétaire général sur les progrès de la mise en œuvre et l’appui international (A/72/269)

Le Secrétaire général souligne que son rapport coïncide avec la troisième année de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Dans le cadre de l’Agenda 2063: L’Afrique que nous voulons, vision stratégique pour la transformation du continent, et de son premier plan décennal de mise en œuvre (2014-2023), les pays africains se sont employés à intégrer les priorités du Programme 2030 et de l’Agenda 2063 dans leurs programmes nationaux de développement, avec l’appui des institutions régionales et sous-régionales.  L’une des avancées majeures au cours de la période considérée a été la création de la Zone de libre-échange continentale africaine, à Kigali, en mars 2018, qui a donné un véritable coup d’accélérateur à l’intégration du continent et à la réalisation de la vision par l’Union africaine d’une Afrique intégrée, pacifique et prospère.

Grâce à la reprise de l’économie mondiale, notamment du commerce, et à une gestion saine des politiques économiques dans les pays d’Afrique, la croissance a connu une accélération de 3,6% en 2017, alors que l’aide publique au développement (APD) pour l’Afrique a légèrement diminué en 2016, avec le risque de nuire à la mise en œuvre des objectifs de développement durable, notamment dans les pays les moins avancés d’Afrique, où les apports de fonds publics contribuent sensiblement au financement du développement.

Les pays d’Afrique ont continué de mettre en œuvre le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique dans plusieurs domaines clefs, notamment les infrastructures, l’agriculture et la prise en compte de la problématique femmes-hommes.  Le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) est de plus en plus largement reconnu comme un instrument de promotion de la bonne gouvernance, ainsi qu’en témoigne le nombre croissant de pays africains qui y adhèrent.  Le niveau élevé de la dette demeure toutefois une préoccupation majeure pour l’ensemble du continent africain.  En effet, trop d’emprunt peut conduire au surendettement, qui constitue une menace pour la croissance et le développement et risque de saper les acquis socioéconomiques durement gagnés en matière de réduction de la dette grâce aux efforts internationaux d’allègement de la dette.  La priorité des gouvernements africains doit être de s’attaquer à cette question ainsi qu’aux défis actuels essentiels à la transformation structurelle afin de créer des emplois en promouvant l’industrialisation, en investissant dans l’agriculture et en développant des chaînes logistiques agricoles, a dit encore le Secrétaire général.

Rapport biennal du Secrétaire général sur l’examen de la concrétisation des engagements pris en faveur du développement de l’Afrique (A/73/270)

Dans ce rapport, le Secrétaire général donne un aperçu de la concrétisation des engagements pris par les pays africains et les partenaires de développement. Il met en évidence les progrès réalisés, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées dans quatre domaines thématiques importants pour la promotion d’une paix et d’un développement durables, ainsi que pour la mise en œuvre du Programme 2030 et de l’Agenda 2063, à savoir l’industrialisation et l’intégration régionale; la santé, l’eau et l’assainissement; les changements climatiques; le financement du développement durable.

En ce qui concerne l’industrialisation et l’intégration régionale, le Secrétaire général indique que malgré les efforts visant à promouvoir la diversification économique, des progrès limités ont été faits dans la promotion d’une industrialisation inclusive et durable.  Il demeure essentiel d’assurer un environnement national, régional et international favorable à la stimulation des capacités productives et à la promotion d’un développement industriel inclusif et durable, l’insuffisance des infrastructures et les obstacles non tarifaires comptant parmi les facteurs qui continuent d’empêcher l’amélioration de l’efficacité et de la rentabilité du commerce intra-africain.  Néanmoins, la création de la Zone de libre-échange continentale africaine est une étape importante de l’action visant à promouvoir l’intégration régionale.

Dans les domaines de la santé, de l’eau et de l’assainissement, l’accès aux services de base a été amélioré, mais des difficultés essentielles doivent encore être surmontées.  Les taux de mortalité juvénile demeurent plus élevés que dans les autres régions.  D’importantes inégalités persistent quant à l’accès à l’eau et à l’assainissement entre les zones rurales et les zones urbaines.  Il faut absolument que les gouvernements des pays africains, presse le Secrétaire général, honorent les engagements financiers qu’ils ont pris au titre de la Déclaration d’Abuja sur le VIH/sida, la tuberculose et autres maladies infectieuses connexes et continuent de privilégier l’amélioration des systèmes de santé nationaux et de moderniser les infrastructures de la santé.

S’agissant des changements climatiques, les pays africains continuent d’appliquer des politiques nationales et des initiatives régionales afin de promouvoir la résilience face aux effets des changements climatiques et l’adaptation à leur égard et d’améliorer la préparation en prévision des catastrophes.  Il importe, estime le Secrétaire général, d’appuyer ces efforts en respectant les engagements relatifs au financement de l’action climatique, au transfert des technologies et au renforcement des capacités.

Dans le domaine du financement du développement durable, poursuit le Secrétaire général, il est impératif de continuer d’exploiter toutes les possibilités offertes par les diverses sources de financement.  Les pays africains continuent de réaliser des progrès considérables en matière de mobilisation des ressources intérieures mais il importe d’accroître la coopération internationale afin de lutter contre les flux financiers et de tirer parti du potentiel des ressources financières intérieures.  Le respect des engagements pris en matière d’aide publique au développement est également essentiel au financement du développement.

Rapport du Secrétaire général sur les causes des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique (A/73/273-S/2018/566)

Le Secrétaire général souligne que ce rapport marque le vingtième anniversaire de son premier rapport annuel sur la question.  Il réexamine donc les facteurs structurels qui ont accru la probabilité de conflits et d’insécurité sur le continent au cours des deux dernières décennies, et pour lesquels des mesures supplémentaires sont nécessaires pour répondre aux aspirations et atteindre les objectifs communs du Programme 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

Conformément à sa conception de la prévention des conflits et du maintien de la paix et au mandat donné dans la résolution 71/315, à savoir élaborer des propositions de politique générale sur les questions identifiées dans le rapport (A/52/871-S/1998/318), le Secrétaire général préconise le renforcement des capacités de prévention structurelle des conflits en Afrique.  Des progrès appréciables ont été accomplis, surtout en ce qui concerne l’opérationnalisation de l’architecture africaine de paix et de sécurité.  Toutefois, une action plus concertée des organisations régionales et sous-régionales africaines et des partenaires internationaux de l’Afrique est nécessaire pour renforcer encore l’action menée par l’Afrique pour prévenir les conflits et s’attaquer à leurs causes profondes, notamment par des actions mieux intégrées et plus inclusives centrées sur la population africaine elle-même.

Déclaration liminaire

Mme MARIA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, Présidente de la soixante-treizième session de l’Assemblée générale, a salué le renforcement des liens entre l’ONU et le continent africain.  Elle a plaidé auprès de la communauté internationale pour qu’elle appuie financièrement la mise en œuvre du Programme 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA).  Dans le domaine de la paix et la sécurité, la Présidente a rappelé que près 60% des femmes Casques bleus sont des africaines, tout en notant que l’Afrique est également le continent qui fournit la majorité des soldats de la paix.  Quant à la parité des genres, Mme Espinosa Garcés a félicité l’Éthiopie qui vient de former un gouvernement composé à moitié de femmes.  Elle a en outre félicité le Docteur Denis Mukwege de la République démocratique du Congo (RDC) pour avoir reçu le prix Nobel de la paix.

La Présidente a ensuite salué les avancées économiques de l’Afrique.  Elle s’est particulièrement félicitée de la création de la Zone de libre échange sur le continent, souhaitant que ce soit les prémices d’un marché commun.  Elle a insisté sur le soutien nécessaire à ces initiatives africaines, notamment par le biais de l’aide publique au développement (APD), le transfert des connaissances et des capacités, et ce, dans un esprit de libre partenariat.  Elle a aussi plaidé pour un financement durable et prévisible des opérations africaines de maintien de la paix, autorisées par le Conseil de sécurité.  En conclusion, la Présidente de l’Assemblée générale a souligné que l’Afrique est au cœur des activités de l’ONU.  « L’Organisation ne peut connaître le succès sans l’implication de l’Afrique. » 

Débat

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. OMAR HILALE (Maroc) a fait observer que le débat coïncide cette année avec les « Séries de dialogues sur l’Afrique ».  Il s’est félicité de ce que le Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique ait adopté une nouvelle approche pour la Série, en estimant que « peut-être » cette synergie et cet équilibre s’avèreront « fondamentales » pour répondre aux besoins spécifiques du continent en matière de développement.  Saluant le rapport du Secrétaire général sur le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), le représentant a appelé tous les partenaires à appuyer les efforts des pays africains pour maintenir la stabilité macroéconomique, y compris grâce au transfert des technologies.  La fracture numérique, s’est expliqué le représentant, met en lumière la nécessité d’investissements plus importants pour éviter que l’Afrique ne soit abandonnée en marge de la « société de l’information ».

Le représentant s’est réjoui du fait que le rapport du Secrétaire général reconnaisse que l’agriculture est toujours au centre de l’agenda du développement de l’Afrique.  Toutefois, pour éradiquer la pauvreté, les investissements dans l’agriculture devront être « socialement responsables, écologiquement viables et finalement bénéfiques pour tous les petits exploitants ». 

La signature, en 2017, du Cadre conjoint Union africaine-ONU sur un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, suivi, en 2018, du Cadre conjoint pour la mise en œuvre de la Vision 2063 et du Programme 2030 démontre, a estimé le représentant, l’engagement des deux organisations à aligner leur coopération avec les domaines prioritaires.  Il a insisté sur une mise en œuvre et un suivi efficaces pour maximiser l’impact des deux Cadres et assurer des résultats sur le terrain.  Il a souligné qu’une approche multidimensionnelle, impliquant la mobilisation des ressources et le renforcement du partenariat mondial au développement est incontournable pour réaliser cet objectif ambitieux.

Le représentant s’est dit préoccupé par l’aggravation de la crise de la dette, demandant une aide pour contenir la volatilité et renforcer la capacité des pays africains de générer des revenus pour booster la croissance et le développement.  Il est important, a-t-il martelé, que les pays développés et les donateurs d’aide publique au développement (APD) continuent à honorer leurs engagements. 

Compte tenu de la place désavantagée qu’occupe l’Afrique dans la course au développement durable, le représentant a appelé à un appui international accru dans les domaines du financement, du commerce, du transfert des technologies et de l’allègement de la dette.  La lutte contre les flux financiers illicites et la restitution des biens et des fonds détournés aux pays d’origine donnera à l’Afrique les ressources qu’il faut pour financer la santé, l’éducation, les infrastructures et autres besoins critiques.  Le représentant a donc appelé les partenaires au développement à aider l’Afrique à mettre fin à ce fléau et améliorer, ce faisant, la transparence du système fiscal et de l’actionnariat des grandes entreprises. 

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte), s’est félicité des analyses et des recommandations du Secrétaire général.  L’engagement conjoint de la communauté internationale à éliminer la pauvreté sous tous ses aspects a été consacré dans le Programme 2030.  Il est donc crucial d’appuyer sa réalisation, en créant des synergies entre les stratégies nationales et internationales et en apportant suffisamment de moyens financiers, sans oublier le renforcement des capacités et l’assistance technique.  Passant au rapport sur les engagements pris en faveur du développement de l’Afrique, le représentant a noté une baisse des investissements étrangers directs (IED) et de l’APD.  Il a d’ailleurs rappelé la cible de 0,7% du PIB fixé pour les pays développés.  Le terrorisme et l’instabilité s’aggravant, il est indispensable, a estimé le représentant, que les partenaires renforcent leur appui à la paix et à la sécurité pour atteindre l’objectif « Faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020 ».  La signature des deux Cadres Union africaine-ONU montre bien l’engagement ferme de l’Afrique pour la paix et la sécurité, et le développement durable, a-t-il conclu.

Au nom de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. DANG DINH QUY (Viet Nam), a salué les avancées que l’Afrique a connues l’an dernier dans la mise en œuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), particulièrement sur les plans des infrastructures, de l’agriculture, de l’éducation, de l’égalité des genres et de la bonne gouvernance.  L’établissement d’une Zone de libre échange sur le continent en mars dernier va certainement renforcer l’intégration économique et commerciale intra-africaine, s’est-il félicité.  Le représentant a également promis que l’ASEAN allait continuer de travailler de concert avec tous ses amis et partenaires, y compris l’Afrique, afin de renforcer les valeurs du multilatéralisme.  Il a insisté sur les larges possibilités de collaboration entre l’ASEAN et l’Afrique, notamment dans le domaine de l’échange des connaissances sur l’agriculture, l’éducation, les technologies de l’information et des communications (TIC), le commerce, les investissements et les infrastructures.  Dans ce contexte, le représentant a souligné le potentiel de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire.

Mme ELISABETH MARIA PAPE, déléguée de l’Union européenne, a souligné que l’Union européenne a été un solide partisan du NEPAD depuis le début et salué l’alignement de la Vision 2063 de l’Union africaine et du Programme 2030 ainsi que les conclusions du rapport qui met en évidence les avancées dans l’exécution des priorités du NEPAD.  Elle a reconnu l’importance des infrastructures pour l’industrialisation du continent et l’intégration régionale ainsi que le manque d’investissement pour élever l’Afrique aux normes mondiales.  Elle a salué les initiatives africaines tendant à remédier aux difficultés, comme le lancement récent de l’Agenda 5% par le Réseau d’affaires continental du NEPAD.  L’Union européenne est une très ancienne partenaire de la région comme en témoigne ses investissements dans des projets de pointe tels que l’interconnecteur Caprivi.

Avec le Plan européen d’investissement extérieur, adopté en septembre 2017, l’Union européenne augmente encore le niveau de son appui, en mobilisant les investissements des institutions financières et du secteur privé dans un fonds de garanties de 1,5 milliard d’euros, complété par une assistance technique et un appui à l’amélioration des investissements climatiques.  Ces efforts qui s’ajoutent aux facilités d’investissement de 2,6 milliards d’euros, devraient permettre de collecter plus de 44 milliards d’euros d’ici à 2020, a expliqué la représentante.

Elle a également souligné que l’Union européenne demeure de loin le premier destinataire des exportations africaines et a donc salué la signature de l’accord sur la Zone de libre-échange.  La représentante s’est dit préoccupée par l’augmentation de la dette dans beaucoup de pays africains, en particulier celle due aux pays non parties au Club de Paris.  Elle a dit attendre beaucoup de la Conférence sur la coopération Sud-Sud qui doit se tenir à Buenos Aires en mars 2019.  Concluant sur l’APD, la représentante a fait observer que la part de l’Union européenne dépasse les 50%.  Elle est passé de de 0,31% du PNB en 1999 à 0,50% en 2017.  L’Afrique, a conclu la représentante, demeure une priorité pour l’Union européenne.  Elle a d’ailleurs rappelé la nouvelle Alliance Afrique-Europe qu’a annoncée le Président de la Commission européenne le 12 septembre dernier. 

M. VITAVAS SRIVIHOK (Thaïlande) a, à son tour, salué l’établissement d’une Zone de libre-échange en Afrique et la signature de l’Accord sur le marché unique du transport.  Selon les données de la Banque mondiale, a-t-il affirmé, la Thaïlande est le pays de l’ASEAN qui a le plus de liens commerciaux avec l’Afrique.  Comme le recommande l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Thaïlande a depuis 2015 instituer un système d’importation des produits africains en franchise et sans restriction.  Le pays est prêt à partager son expertise et ses meilleures pratiques dans des domaines tels que l’agriculture, le développement des ressources humaines ou la santé publique.  Avant de conclure, le représentant dont le pays compte de nombreux Casques bleus en Afrique, a annoncé le déploiement prochain d’une compagnie d’ingénierie militaire au Soudan du Sud.

Mme TAHANI R. F. A. ALNASER (Koweït) s’est félicitée de la coopération entre l’ONU et l’Union africaine qui a favorisé la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent et le renforcement du partenariat pour surmonter les obstacles qui subsistent dans les domaines politique, économique et du développement.  Elle s’est plus particulièrement félicitée du Cadre pour la mise en œuvre du Programme 2030, signé début 2018.  Elle a, au contraire, déploré les difficultés auxquelles se heurtent les décideurs africains et l’Union africaine pour préserver les acquis en matière de développement.  Il faut en effet trouver rapidement des solutions viables aux conflits et aux situations d’instabilité sur le continent et soutenir toutes les initiatives tendant à la paix ou à sa consolidation.  Elle a recommandé, entre autres, d’aider à la formation des forces de sécurité et de police.  Le Fonds koweïtien d’aide au développement a appuyé 42 pays africains, consentant à des prêts préférentiels.  Quelque 312 prêts ont ainsi été octroyés en 2017-2018. 

M. OMAR A. A. ANNAKOU (Libye) a déclaré que ce débat se déroule trois ans après l’adoption du Programme 2030, qui a pour objectif principal de ne laisser personne de côté, alors que la Vision 2063 de l’Union africaine s’étend sur 50 ans.  Les deux programmes se renforcent mutuellement, a souligné le représentant.  Mais, s’est-il demandé, en parlant en particulier des conflits, que fait réellement la communauté internationale pour aider les pays concernés?  Qu’ont fait les pays africains pour appuyer la Libye dans les difficultés qu’elle traverse pendant sa période de transition?  N’ont-ils pas contribué à l’aggravation de la situation?  Le problème migratoire, a-t-il prévenu, ne sera résolu que par le développement durable et l’éradication des organisations criminelles.  Le représentant a aussi dénoncé « l’hémorragie » qui résulte du régime de sanctions imposées à son pays par le Conseil de sécurité 2011.  Jusqu’ici, a accusé le représentant, le Comité des sanctions où siègent trois pays africains, reste sourd aux plaintes de la Libye.  Ce sont d’ailleurs les États africains, a affirmé le représentant, qui exploitent l’instabilité pour mettre la main sur les avoirs libyens sous des prétextes fallacieux.  Le règlement de ces problèmes définira les relations futures de la Libye avec certains pays, a prévenu le représentant qui a réclamé la restitution des avoirs et des biens volés à son peuple.  Il faut cesser de protéger les criminels qui ont détourné ces biens, a-t-il martelé, sans oublier de critiquer « l’inertie » des pays développés.  Malgré ces difficultés, la Libye, a conclu le représentant, entend devenir un État civil, un État de droit et d’alternance politique pour reprendre le rôle qui lui revient en Afrique.    

Mme NOA FURMAN (Israël) a souligné que l’Afrique fait face aux mêmes défis auxquels Israël est confronté depuis sa création, il y a 70 ans.  MASHAV, l’Agence israélienne pour le développement international et la coopération, travaille depuis 60 ans avec ses partenaires africains dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de l’éducation, de l’autonomisation des femmes, de l’innovation et de l’entrepreneuriat.  Quelque 70 000 Africains ont bénéficié d’une formation en Israël ou sur place en Afrique, selon un modèle de renforcement des capacités fondé sur la formation de formateurs, afin de s’assurer, a-t-elle expliqué, que les Africains puissent passer le flambeau et former les nouvelles générations, rendant ainsi le développement véritablement durable.  Mme Furman a parlé d’un programme de formation en horticulture et en marketing ciblant les petits agriculteurs en Éthiopie.  Au Ghana, un partenariat avec les autorités locales permet de réduire la mortalité infantile tout en améliorant l’accès à la santé par le renforcement des capacités du personnel médical.  La représentante a insisté sur le travail de l’ONG israélienne « Save a Child’s Heart » en Afrique.  L’organisation a été lauréate du prix 2018 du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) car elle opère les enfants africains du cœur directement en Israël ou indirectement en Afrique par la formation du personnel médical.

M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a salué la création d’un marché unique de transport aérien et de la Zone de libre-échange.  Il a prédit que ces mesures et d’autres politiques adéquates contribueront à l’éradication de la pauvreté.  Il faut laisser aux pays africains le soin de mener leurs politiques de développement et les mesures visant la réalisation du Programme 2030 selon leurs propres priorités et orientations africaines, a dit le représentant, tout en ajoutant que la communauté internationale doit continuer d’apporter son soutien. La Fédération de Russie offre déjà des taux préférentiels aux exportations africaines.  Elle a aussi allégé la dette à hauteur de 20 milliards de dollars dans la cadre de l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE).  En outre, plus de 11 000 étudiants africains sont formés dans les instituts supérieurs russes et la Fédération de Russie est bien déterminée à poursuivre son partenariat avec le continent africain, d’égal à égal.

M. AHMAD SAIF Y.A. AL-KUWARI (Qatar) a mentionné l’importance du financement du développement durable et la nécessité d’alléger la dette publique pour que les pays africains puissent atteindre les objectifs de développement durable.  Quant aux conflits en Afrique, il serait opportun de se pencher sur leurs causes profondes et de s’inspirer des recommandations du Secrétaire général, dans lesquelles l’accent est mis sur les deux Cadres conjoints.  Le Qatar s’est engagé à aider les nations africaines à trouver les moyens d’améliorer les conditions de vie de leurs populations.  Le Qatar a fourni une aide publique au développement.  Sur une aide totale de 2,17 milliards de dollars, l’Afrique a reçu la part la plus importante, a indiqué le représentant, ajoutant que les fonds ont été essentiellement destinés aux infrastructures, à l’éducation et à la santé.  Le Fonds du Qatar pour le développement a également aidé les pays africains dans les secteurs humanitaires.  À ce jour, quelque 596 000 écoliers du monde entier ont reçu des bourses d’études.

Mme LOUISE BLAIS (Canada) a rappelé qu’à l’ouverture de la session de l’Assemblée générale, son Premier Ministre, le Président du Ghana, celui du Rwanda et le Premier Ministre du Royaume-Uni ont organisé ensemble une réunion sur l’investissement dans des opportunités d’emplois de qualité pour les jeunes africains.  70% de la population d’Afrique subsaharienne a moins de 30 ans et nous savons également qu’au cours des 20 prochaines années, les 10 villes les plus dynamiques au monde seront africaines, a souligné la représentante.  Pour soutenir cette réalité, nous devons construire une infrastructure essentielle et pour aider à combler le déficit actuel, le Premier Ministre Justin Trudeau a annoncé la création d’un affilié au « Global infrastructure hub » de Toronto, afin de tirer parti de l’expertise canadienne en matière d’infrastructure et relier les capitaux aux projets.  Ces projets alimentent la croissance économique à long terme et soutiennent la transition vers une économie à faible émission de carbone, tout en contribuant au progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable et en améliorant la représentation des femmes et des groupes marginalisés dans des infrastructure durables.  Comme l’a dit le Premier Ministre, a rappelé la représentante, « les pays en développement ne doivent pas être punis pour un problème qu’ils n’ont pas créé.  Ils ne doivent pas non plus être privés des opportunités de croissance propre que les pays développés poursuivent maintenant ».

En tant que Président du G7 cette année, le Canada a eu l’honneur de voir les Présidents du Rwanda, du Kenya, de l’Afrique du Sud et des Seychelles participer à la conversation « critique » sur la résilience climatique et la reconstruction après les catastrophes.  Le Canada est tout aussi fier de s’associer au Kenya pour organiser la première Conférence sur l’économie bleue durable à Nairobi le mois prochain.  Le pays continue également d’appuyer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et croyant dans le leadership africain, il n’a pas hésité à se rallier au consensus et à la volonté africaine en élisant Mme Louise Mushikiwabo du Rwanda à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie.  Le Canada sera d’ailleurs une voix pour la Francophonie au Conseil de sécurité en 2021-2022. 

Le pays a également mis en marche l’Initiative Elsie pour les femmes dans les opérations de maintien de la paix, un projet pilote visant à accroître la participation significative des femmes en uniforme.  Le Canada établira des partenariats bilatéraux d’assistance technique et de formation avec les Forces armées du Ghana et le Service de police de la Zambie.  Il soutiendra également la mise en œuvre de la stratégie d’intégration des genres dans les forces armées du Sénégal, a indiqué la représentante.

On ne saurait surestimer le rôle critique de l’APD et de l’IED, a prévenu Mme INA KRISNAMURTHI (Indonésie).  Elle a aussi appelé à des efforts pour alléger la dette des pays africains, leur assurer une part plus importante dans le commerce international, les aider à développer des infrastructures essentielles pour le commerce et l’intégration dans l’économie mondiale et contribuer à renforcer leurs capacités.  La représentante s’est dit fière que son pays ait été l’un des initiateurs du Nouveau Partenariat stratégique Asie-Afrique (NAASP).  Les pays africains sont d’ailleurs les premiers récipiendaires du programme indonésien de coopération Sud-Sud fondée sur la demande et l’absence de conditionnalité.  Au début de l’année, l’Indonésie a accueilli le premier Forum Indonésie-Afrique pour promouvoir le commerce et les investissements, dont les promesses de contrats ont été chiffrés, lors de cette dernière édition, à 586 millions de dollars.  Des discussions ont également eu lieu sur l’accord sur le commerce préférentiel et profitant de cet élan, l’Indonésie entend convoquer en août 2019, un Dialogue Afrique-Indonésie sur les infrastructures.  À la fin de ce mois, l’Indonésie accueillera aussi le Dialogue maritime Afrique-Indonésie en marge de la conférence « notre océan » pour explorer les contours de la coopération sur la pêche durable et la sécurité maritime.  La représentante a conclu en rappelant que son pays a déployé 1 388 soldats de la paix dans sept missions de maintien de la paix en Afrique.  Il est d’ailleurs sur le point de déployer un bataillon d’intervention rapide de 800 hommes au sein de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).

M. ASHISH SINHA (Inde) a fait une intervention en forme de chapelet d’initiatives: l’Inde a ouvert 180 lignes de crédit de 11 milliards de dollars pour plus de 40 pays africains.  Au dernier Sommet Inde-Afrique, le pays s’est engagé à ouvrir une ligne de crédit concessionnel de 10 milliards de dollars et à verser 600 millions de dollars de dons pour l’assistance technique.  Chaque année, quelque 8 000 jeunes africains viennent étudier en Inde.  Les sociétés indiennes ont investi plus de 54 milliards de dollars en Afrique et le commerce avec le continent a atteint les 62 milliards de dollars, soit une augmentation de 21% par rapport à l’année précédente.  Le réseau électronique panafricain lie désormais 48 pays d’Afrique entre eux et avec l’Inde, avec le potentiel de devenir la nouvelle colonne vertébrale de l’innovation numérique en Afrique.  Avec plusieurs pays côtiers, le partenariat se tourne de plus en plus vers l’économie bleue.  Par ailleurs, les médicaments indiens ont inversé la tendance des maladies qui menaçaient l’avenir de l’Afrique.  L’Alliance solaire internationale, une initiative de l’Inde et de la France, compte 70 pays dont 25 d’Afrique, avec l’objectif de faire une contribution concrète à l’action climatique. 

Malgré des progrès indéniables, l’Afrique doit encore surmonter des défis persistants et émergents, a reconnu Mme HMWAY KHYNE (Myanmar).  Un financement suffisant et prévisible est « indispensable » pour une mise en œuvre réussie de la Vision 2063 et du Programme 2030, a-t-elle souligné, plaidant pour l’augmentation de l’APD, conformément aux promesses faites aux pays africains.  La coopération entre l’Afrique et la communauté internationale est cruciale, a poursuivi la représentante qui a cité les domaines du commerce, des investissements, du transfert des technologies, de l’allègement de la dette et de la lutte contre les flux financiers illicites.  Il faut aussi promouvoir la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire.  La représentante a d’ailleurs espéré que le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement renforcera encore les capacités des pays africains de réaliser le développement durable.

M. STEFANO STEFANILE (Italie) a salué les progrès des pays africains dans la mise en œuvre des priorités du NEPAD.  Il a estimé que la création d’une Zone de libre-échange peut conduire à des progrès économiques notables.  L’Italie, a-t-il dit, est un gros pourvoyeur d’investissements privés et d’APD en Afrique.  En 2018, l’APD italienne vers l’Afrique s’est élevée à 182 millions d’euros, en plus des programmes de renforcement des capacités qui sont organisés, en fonction des priorités africaines.  L’Italie est particulièrement présente dans la Corne de l’Afrique, a souligné le représentant, en rappelant que son Premier Ministre vient d’y séjourner pour appuyer le rapprochement récent entre l’Éthiopie et l’Érythrée.   L’Italie se félicite également des avancées du Plan de soutien des Nations Unies au Sahel, a-t-il ajouté, avant d’annoncer l’organisation, à la fin du mois à Rome, de la deuxième Conférence ministérielle Afrique-Italie, avec comme sujets de discussion la croissance économique et la paix.

Si la mise en œuvre de la Vision 2063 relève de la responsabilité première des pays africains, dans ce monde interconnecté dans lequel nous nous sommes engagés à revitaliser le partenariat mondial par des cadres de développement internationalement agréés, soutenir l’Afrique est la bonne chose à faire, a déclaré Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie).  L’Afrique doit être soutenue par des actions coordonnées car elle sera le test ultime du succès de la communauté internationale dans la mise en œuvre du Programme 2030, a prévenu la représentante.  La paix, a-t-elle souligné, est une condition préalable au développement de l’Afrique, sachant que la prévention des conflits est au bout du compte l’illustration de la capacité des pays à assurer la résilience et à rendre les communautés locales aptes à maintenir la paix et à promouvoir le développement durable.  Pour ce faire, l’Éthiopie a ouvert un nouveau chapitre de son histoire politique et sociale et d’autres développements historiques ont cours dans la sous-région. L’ONU doit donc penser sérieusement à la manière d’appuyer cette évolution. 

M. SABRI BOUKADOUM (Algérie) a jugé positif que l’Agence du NEPAD porte le Projet de réseau ferré intégré à grande vitesse en Afrique qui ambitionne de connecter toutes les capitales africaines.  Alors que l’on pense déjà à connecter l’Afrique du Sud à l’Algérie par le chemin de fer, il est pratiquement possible aujourd’hui d’aller d’Alger à Lagos par l’autoroute transsaharienne, qui a pour but de rapprocher 400 millions de personnes sur près de 6 millions de km2.  Ce projet, a-t-il expliqué, permettra aux pays enclavés du Sahel, dont le Mali, le Niger et le Tchad, d’avoir un accès direct à la Méditerranée. 

Le représentant a d’ailleurs noté avec préoccupation que les données de 2017 sur l’APD sont absentes du rapport du Secrétaire général.  Il a aussi demandé des informations sur ce que l’ONU et les partenaires au développement font pour soutenir la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.  Il s’est par ailleurs demandé pourquoi le Secrétaire général fait peser tout le poids du financement du secteur de la santé sur les épaules de la coopération Sud-Sud.  Cet effort doit être élargi à toutes les formes de coopération, a-t-il estimé.  Il a d’ailleurs insisté auprès des partenaires au développement pour qu’ils augmentent leur APD, proportionnellement aux défis auxquels sont confrontés les pays africains.  L’Afrique, qui est « l’avenir du monde », doit être respectée et vue comme un partenaire et non comme une source de problèmes ou de menaces pour les autres.  La coopération, le respect mutuel, le partenariat véritable et la solidarité, voilà ce qu’il nous faut, a conclu le représentant.

Il y a beaucoup de raisons de se montrer optimiste face à l’avenir de l’Afrique, a estimé Mme MARI SKÅRE (Norvège) qui a tout de même reconnu que la croissance économique n’a pas créé suffisamment d’emplois pour les pauvres, en particulier les minorités, les femmes et les jeunes.  Nous devons, a-t-elle dit, renforcer notre appui, combattre les flux financiers illicites et intensifier la coopération.  La Norvège vient d’ailleurs d’ouvrir sa nouvelle Mission permanente auprès de l’Union africaine à Addis-Abeba.  Nous devons aussi travailler plus étroitement pour renforcer le système multilatéral et développer d’autres normes communes.  La Norvège qui a toujours été un partenaire fiable de l’Afrique et de l’Union africaine, comme en témoigne la place d’une APD de 1% du PNB dans sa coopération au développement, se tourne de plus en plus vers le commerce, les investissements privés, la coopération entre les entreprises et les questions multilatérales.  La représentante dont le pays tient au leadership des femmes et à l’égalité des sexes, a félicité l’Éthiopie pour son gouvernement paritaire et s’agissant de la prévention des conflits, a rappelé que la Norvège appuie politiquement et financièrement la formation dispensée par l’Union africaine aux pays qui entrent au Conseil de sécurité.

M. MELITÓN ALEJANDRO ARROCHA RUĺZ (Panama) a déclaré d’emblée que le sujet à l’ordre du jour exige « l’engagement de tous » si l’on veut insuffler une dynamique au dialogue sur la coopération au développement en Afrique.  Il a insisté sur le lien entre « l’Afrique que nous voulons » et « ne laisser personne de côté ».  Il a salué la future Zone de libre-échange et a dit placer beaucoup d’espoirs sur la « Série de dialogues sur l’Afrique » qui se déroulent depuis plusieurs jours.  Il a dit en attendre un renforcement de l’alliance « stratégique » entre l’Union africaine et l’ONU.  Il a de son côté attiré l’attention sur la « Politica halcón » du Panama visant à resserrer les liens politiques, d’amitié et de coopération avec l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient.

M. MAGDI AHMED MOFADAL ELNOUR (Soudan) a également mis en exergue l’accord sur la Zone de libre-échange et celui signé le 12 septembre dernier, entre son pays et le Soudan du Sud.  Le représentant s’est aussi félicité des processus de réconciliation dans d’autres sous-régions, comme la Corne de l’Afrique, lesquels s’inscrivent, s’est-il réjoui, dans l’initiative « Faire taire les armes d’ici à 2020 ».  Le rapport du Secrétaire général, a-t-il retenu, montre que l’Afrique aura besoin de 130 à 160 milliards de dollars pour ses infrastructures, ce qui exige des efforts accrus aux niveaux régional et international.  Il a donc voulu que l’on appui les réformes lancées par l’Union africaine.  Après avoir insisté sur l’appropriation africaine, M. Elnour a encouragé la lutte contre le trafic de drogues, la traite des personnes, les flux financiers illicites, et la criminalité transnationale organisée. 

M. TOSHIYA HOSHINO (Japon) a rappelé que son pays a lancé dès 1993 la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD) à laquelle participent les pays africains, l’ONU, la Commission de l’Union africaine et la Banque mondiale.  La TICAD se caractérise par son ouverture et ses mécanismes de suivi pour assurer une bonne mise en œuvre des engagements pris.  Elle s’aligne avec la Vision 2063 et le Programme 2030, en se focalisant sur le nexus « paix, développement et aide humanitaire » et en se fondant sur une approche centrée sur la personne.  Lors de la dernière Réunion ministérielle de la TICAD, ce mois-ci à Tokyo, il a été convenu que l’appui international doit obéir aux normes internationales, en tenant compte de la viabilité de la dette.  Les participants ont aussi convenu de l’importance des investissements privés pour diversifier les économies africaines et développer des infrastructures de haute qualité.  Ils ont également souligné l’importance de la couverture sanitaire universelle.  À la lumière de ces résultats, le Japon entend accélérer les préparatifs du septième Sommet du TICAD qui aura lieu l’année prochaine au mois d’août.

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana) a estimé que la Vision 2063 constitue un plan stratégique efficace pour le développement de l’Afrique.  Elle a salué la conclusion, l’an dernier, par l’Union africaine d’un ensemble de traités majeurs, tels que la Zone de libre-échange en Afrique ou l’Accord sur le marché unique du transport.  Ces avancées portent la marque de l’engagement de l’Afrique à réaliser les transformations socioéconomiques qui s’imposent pour mettre le continent sur la voie de la prospérité.  Face à la profusion des initiatives centrées sur le développement durable en Afrique, Mme Pobee a appelé à garantir la cohérence entre les efforts nationaux, régionaux et internationaux.  Elle a salué, à cet égard, l’action de coordination du NEPAD.

Les conditions économiques mondiales ont des répercutions majeures sur les performances des économies africaines, a par ailleurs relevé la représentante, ajoutant que les chocs externes mettent souvent à mal les efforts de développement du continent.  Pour se prémunir de ces effets négatifs, Mme Pobee a appelé les pays africains à renforcer leur résilience économique.  Elle a appelé la communauté internationale à respecter les niveaux convenus d’APD et à lutter contre les flux financiers illicites.  Enfin, la représentante a estimé que les objectifs de la Vision 2063 ne pourraient être pleinement remplis sans une plus grande intégration des femmes et des jeunes à la vie économique africaine.

M. MICHEL TOMMO MONTHE (Cameroun) a souligné que les efforts de coordination, de finalisation de projets et de mobilisation des ressources n’ont pas toujours produit les résultats escomptés.  Il a souscrit à la recommandation du Secrétaire général mettant en relief une vision appropriée pour le progrès durable de l’Afrique.  Ayant fait sienne cette orientation stratégique, le Cameroun, a dit le représentant, regrette que ses efforts pour assurer la sécurité nutritionnelle, conformément à la Déclaration de Malabo, soient gravement mis en péril par la désertification, la sécheresse, le terrorisme de la secte Boko Haram, et l’instabilité dans la sous-région qui imposent une gestion de réfugiés socialement et économiquement lourde.  Il s’est aussi montré préoccupé par l’alourdissement de la dette africaine et par la tendance baissière de l’APD.  Il a invité la communauté internationale à renforcer les capacités du NEPAD, et à respecter des règles justes et équitables pour un meilleur accès des pays africains au commerce international et aux technologies nécessaires au développement de l’Afrique.  Le continent sait ce qu’il veut, il sait où il va et « nous savons ce qu’il nous faut », a conclu le représentant, en appelant au respect des engagements pris par toutes les parties.  Les Nations Unies, a-t-il ajouté, doivent renforcer la coordination de leurs organismes et les capacités du Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique, de la Commission économique pour l’Afrique et de ses structures sous régionales qui jouent un rôle de coordination, de planification et de programmation, en plus de la mobilisation des ressources et de l’opinion internationale en faveur de l’Afrique.

En dépit des perspectives économiques positives esquissées dans les rapports du Secrétaire général pour l’année 2017, M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a rappelé que le continent faisait toujours face à de nombreux défis, dont la dette, le manque de création d’emploi, le déficit d’investissements et la désertification, pour ne citer qu’eux.

En tant que Président du Groupe des pays les moins avancés, le représentant a souligné que le Bangladesh était particulièrement conscient des intérêts de cette catégorie de pays en Afrique, notamment en termes de transformations structurelles, de technologies de l’information et de la communication, de questions sociales et de santé publique et de renforcement de la résilience.

Le représentant a salué la Vision 2063 et s’est dit prêt à contribuer à sa mise en œuvre par quelque manière que ce soit.  Il a estimé que le Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud constituait une plateforme efficace pour contribuer au développement du continent.  En tant que l’un des principaux pays contributeurs de troupes et de bataillons de police, le Bangladesh continuera également de travailler en faveur du maintien de la paix en Afrique, a-t-il ajouté. 

Du point de vue bilatéral, en dépit de la distance géographique entre son pays et l’Afrique, le représentant a indiqué que le Bangladesh continuait d’approfondir ses relations diplomatiques avec le continent, ce qu’il l’a conduit, en 2016, à ouvrir 3 missions diplomatiques dans des pays africains.  « D’autres le seront prochainement », a-t-il promis.

Le représentant a en outre indiqué que son pays partageait actuellement les succès qu’il a rencontrés en matière d’e-gouvernance avec la Somalie et l’Éthiopie, s’agissant de la gestion en ligne des services publics.  Ces expériences, a-t-il ajouté, sont des bons exemples de la coopération Sud-Sud.

Par ailleurs, le représentant a souligné que son pays avait fait des progrès significatifs dans la lutte contre le paludisme, comme en témoigne la diminution de moitié du nombre de cas depuis 2010 et le recul de 54% des décès liés à la maladie.  Il a offert de partager ce savoir-faire avec les pays d’Afrique pour réaliser de la cible 3.3 du Programme 2030.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’interdiction de la production des matières fissiles au premier plan des travaux de la Première Commission

Soixante-treizième session,
12e séance – après-midi
AG/DSI/3606

L’interdiction de la production des matières fissiles au premier plan des travaux de la Première Commission

Aujourd’hui, les débats de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) ont connu deux temps très nets.  L’intervention de la Présidente du groupe d’experts de haut niveau chargé de l’élaboration d’un traité interdisant la production de matières fissiles a d’abord jeté un éclairage sur un rapport très attendu par la communauté internationale.  Ensuite, les débats sur le désarmement nucléaire ont repris de plus belle.  Mais en réalité, en tant qu’instrument venant compléter le régime de désarmement, les deux sujets se sont trouvés intimement liés.

Évoquant les grandes lignes et objectifs du rapport du groupe d’experts de haut niveau qu’elle a présidé, Mme Heidi Hulan a rappelé que ces travaux n’avaient aucun mandat de négociation.  « Ils jettent avant tout les bases pour permettre aux négociateurs d’entamer les discussions », comme elle l’a précisé.

Cette limite intégrée, elle a jugé le résultat de la plus haute importance.  D’abord, parce qu’il est une contribution essentielle pour la négociation du traité.  Ensuite, parce qu’il présente toutes les dispositions nécessaires et les considérations que les négociateurs devront prendre en compte.  Enfin, parce qu’il réunit les plus grands experts du domaine en présentant ses conclusions sous un format compréhensible.  « Ce document est une feuille de route qui présente des mesures à prendre mais aussi le cap à suivre pour les négociations », a-t-elle insisté.

Lors de son intervention, le Pakistan a objecté qu’un traité qui reposerait uniquement sur l’interdiction de produire des matières fissiles mettrait en danger le Pakistan et « n’apporterait rien ».

Renvoyant dans le camp des négociateurs la question de la prise en compte des stocks dans le futur traité, la Présidente du groupe a appelé les États parties à faire des compromis sur cette question de portée pour permettre le début des négociations.

Quant à ceux qui reprochent à ces recommandations de manquer d’ambitions, elle a opposé que les progrès sont toujours plus lents lorsque les intérêts vitaux des États sont concernés.  « Les positions des grands acteurs ont été disséquées et respectées, a-t-elle assuré, et toutes les possibilités permettant de régler les différends ont été abordées. »

Face à l’érosion des normes de non-prolifération et de désarmement, le Canada a en tout cas estimé que la négociation de ce traité était une étape clef dans le processus de renforcement du régime.  Le jugeant indispensable pour rapprocher les États dotés de ceux qui ne le sont pas, il a espéré que le rapport consensuel final du groupe « éclairera les discussions à venir ».

Si le groupe d’experts s’est effectivement rapproché au maximum de la compréhension de ce que pourrait être ce traité, la Présidente a cependant reconnu qu’il reste des entraves pour débuter les négociations.  « Il n’est dans l’intérêt de personne que le processus de ce traité soit entravé, a-t-elle souligné, il est donc important que les États Membres répètent qu’ils sont en sa faveur et qu’ils fassent les efforts nécessaires. »

Reste un problème: en attendant l’ouverture éventuelle des négociations, la production de matières fissiles se poursuit.  C’est pourquoi la Présidente a encouragé les puissances nucléaires à envisager des mesures de remplacement en attendant que les négociations débutent.  Un appel que le Japon a relayé lors de son intervention en appelant, à son tour, tous les États dotés à déclarer ou maintenir un moratoire sur les matières fissiles.

Mais la situation internationale est-elle vraiment propice à un tel moratoire?  Le délégué des États-Unis a utilement rappelé que l’apaisement des rivalités avait permis aux États-Unis et à la Fédération de Russie de réduire les arsenaux de 88% à la fin de la guerre froide.  Mais hélas, a-t-il ajouté, l’environnement sécuritaire n’est plus ce qu’il était alors.  Citant la modernisation des arsenaux nucléaires de plusieurs pays et la mise à mal de plusieurs traités par « l’attitude de certaines nations », il a explicitement pointé la Fédération de Russie qui « continue de violer le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ».

À ce sujet, la Lettonie a exhorté la Fédération de Russie à interagir de manière constructive auprès des États-Unis sur cette question, soulignant que le maintien de ce traité est essentiel pour la paix, la sécurité et la stabilité internationales.

« Certains États ont toujours clairement des intentions de conserver ces instruments de destruction », a regretté l’Afrique du Sud, tandis que le Mexique s’est même alarmé de l’abaissement du seuil des critères d’emploi qui inclue désormais, selon lui, les attaques cybernétiques.  Le souci, a rappelé le délégué sud-africain, c’est que du fait « des répercussions dans l’espace-temps d’une explosion nucléaire, ces armes ne peuvent pas être traitées sur le seul plan de la sécurité nationale, elles planent sur notre sécurité collective ».

Face à ces impasses, les États-Unis ont expliqué baser leur action sur une approche baptisée CCND -Creating the Conditions for Nuclear Disarmament-, un concept qui, a expliqué la délégation, consiste à créer les conditions du désarmement nucléaire, donc à s’attaquer aux circonstances qui poussent les pays à la dissuasion.  « Les États doivent avoir une idée réaliste de ce qui est faisable en matière de désarmement », a-t-elle insisté.

Pour la délégation, l’évolution actuelle des relations avec la République populaire démocratique de Corée (RPDC) est d’ailleurs un exemple réussi d’approche CCND.

« En renouant le dialogue, nous avons fait la preuve que des pays historiquement en froid pouvaient arriver à des résultats par le dialogue », a corroboré le délégué de la RPDC.  Estimant que ces nouvelles relations sont basées sur le renforcement de la confiance, il a même assuré que la RPDC était « prête à prendre des mesures supplémentaires, si les États-Unis prennent des mesures réciproques ».

La Première Commission poursuivra ses travaux lundi 22 octobre à partir de 10 heures.

EXPOSÉ

Mme HEIDI HULAN, Présidente du groupe d’experts de haut niveau chargé de l’élaboration d’un traité interdisant la production de matières fissiles, a rappelé les grandes lignes et objectifs du rapport du groupe d’experts de haut niveau qu’elle a présidé.  Chargé d’élaborer un traité interdisant la production de matières fissiles, le groupe s’est réuni deux fois pendant deux semaines.  Elle a précisé que le groupe n’avait pas de mandat de négociations et que son rapport jetait avant tout les bases pour permettre aux négociateurs d’entamer les discussions.

Ce rapport, a-t-elle indiqué, revêt trois importances majeures.  Premièrement, il s’agit d’une contribution essentielle en vue de la négociation d’un traité sur les matières fissiles.  Deuxièmement, il présente les dispositions nécessaires pour chacun des aspects du traité, mais aussi les considérations que les négociateurs devront prendre en compte.  « Il a fallu beaucoup de débats pour établir ces dispositions et ces considérations », a précisé la Présidente.  Troisièmement, ce rapport a réuni les plus grands experts du domaine et a présenté ses conclusions sous un format compréhensible.  Si tous les États Membres ont des intérêts à voir l’aboutissement de ce traité, a-t-elle indiqué, ils n’ont pas tous les experts pour les éclairer.  Ce document est donc une feuille de route qui présente des mesures à prendre mais aussi le cap à suivre pour les négociations.

La Présidente a ensuite cité trois critiques qui ont été régulièrement adressées aux travaux du groupe.  En premier lieu, il est reproché au groupe de n’avoir rien fait pour améliorer la portée du traité.  À ce sujet, la Présidente a rappelé que son rapport présente juste l’état actuel des débats et acte qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, de barrières insurmontables pour débuter les négociations.  « L’idée selon laquelle nous devrions inclure la question des stocks existants comme précurseur des négociations est démodée », a-t-elle ajouté, avant de renvoyer cette question dans le camp les négociateurs.  Son point de vue est que les États parties doivent faire des compromis sur la portée du traité pour permettre le début des négociations.

À la critique selon laquelle le rapport ne fait que répéter celui du Groupe d’experts gouvernementaux de 2015, Mme Hulan a répondu que le mandat du Groupe d’expert n’est pas le même que celui qu’elle préside « Notre groupe a fait des progrès sans précédent en envisageant tous les aspects du traité et en ayant la plus haute expertise possible, a-t-elle signalé.  Notre objectif était de disséquer les différentes opinions afin de faciliter le travail des négociateurs.

Troisième et dernière critique: ces recommandations sont faibles et manquent d’ambition.  Pour la Présidente, il est tout à fait normal, lorsque les intérêts vitaux des États sont concernés, que les progrès soient plus lents.  « Nous avons décidé d’essayer de préparer au mieux la communauté internationale au début des négociations, a-t-elle insisté.  Les positions des grands acteurs ont été disséquées et respectées et toutes les possibilités permettant de régler les différends ont été abordées. »

Tout en considérant que les recommandations de ce rapport sont un accomplissement, elle n’en a pas moins reconnu qu’il fallait faire preuve de créativité pour pouvoir les utiliser.  Nous nous sommes rapprochés de la compréhension de ce que pourrait être ce traité, mais il reste des entraves pour les négociations, a-t-elle indiqué.  Or, « il n’est dans l’intérêt de personne que le processus de ce traité soit entravé, a-t-elle jugé, il est donc important que les États Membres réitèrent qu’ils sont en sa faveur et qu’ils fassent les efforts nécessaires ».

Elle a insisté sur l’importance du dialogue, mais aussi sur les mesures de renforcement de la confiance, pour sortir des impasses politiques.  Reconnaissant qu’une analyse actualisée des coûts de ce traité serait utile, elle a dit espérer que la Conférence du désarmement s’en chargera.  Constatant qu’en l’absence de traité, la production de matières fissiles se poursuit, elle a encouragé les puissances nucléaires à envisager des mesures de remplacement en attendant que les négociations dudit traité démarrent.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR 

Déclarations

M. E. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque), s’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a estimé que les armes nucléaires ne font qu’augmenter le risque militaire et l’instabilité.  Il a pris note des progrès réalisés par les plus importants États détenteurs pour réduire leurs arsenaux, tout en relevant qu’il existe toujours plusieurs milliers d’armes nucléaires dans le monde.  Il s’est inquiété de l’impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement.  Des organes subsidiaires ont, certes, été établis pour examiner de nouvelles questions, mais les négociations n’ont pas pu reprendre.  Aussi, le représentant a espéré que la session 2019 du Comité préparatoire de la Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2020 débouchera sur de meilleurs résultats.  Le TNP est aussi pertinent qu’il l’était lors de son adoption il y 50 ans, a-t-il souligné.

Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) continue, par ailleurs, d’être partie intégrante du cadre juridique du désarmement nucléaire, a indiqué le représentant, qui a espéré son entrée en vigueur sans tarder.  Pour la première fois, en 20 ans, a-t-il poursuivi, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires constitue un instrument majeur en termes de sécurité.  Il a enfin lancé un appel au nom des États non dotés: donnez-nous des garanties de sécurité négatives contre la menace d’utilisation de l’arme nucléaire.  C’est un impératif étant donné le danger qu’elles représentent. 

Mme SOCORRO FLORES LIERA (Mexique) s’est alarmée du fait que les doctrines militaires de certains États mettent en exergue la menace d’emploi des armes nucléaires, et que le seuil des critères d’emploi a été réduit de façon importante, incorporant même les attaques cybernétiques.  Jugeant cette situation « inacceptable », elle a estimé que le contexte actuel devrait renforcer le besoin de prendre des actions urgentes.  « Le système de sécurité mondial doit être pour tout le monde, pas seulement pour les grandes puissances », a-t-elle affirmé.

Nous disposons d’un traité qui interdit les armes nucléaires, a poursuivi la déléguée, c’est une contribution essentielle pour le dispositif de désarmement qui complète le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et ceux régissant les zones exemptes d’armes nucléaires.  Elle a rappelé, à cet égard, que tous les États doivent respecter leurs engagements au titre du TNP.

Condamnant tous les essais nucléaires de manière énergique, elle a insisté sur le fait que « les moratoires sur les essais sont les bienvenus, mais ils ne se substituent pas aux traités internationaux ».  En tant que fondateur de la première zone exempte d’armes nucléaires, le Mexique a appelé à prendre toutes les dispositions pour en édifier une au Moyen-Orient.

M. SUKHENDU SEKHAR RAY (Inde) a rappelé que son pays a été un des premiers à exiger l’interdiction des essais nucléaires, en 1954, ainsi qu’un traité non discriminatoire sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1965. Puis en 1978, l’Inde a proposé des négociations sur une convention internationale qui interdirait l’utilisation ou la menace d’utiliser des armes chimiques, a poursuivi le représentant, ajoutant qu’en 1988, son pays a présenté le plan d’action Rajiv Ghandi à l’Assemblée générale qui offrait un cadre holistique pour l’élimination totale de ces armes avec un calendrier. 

L’Inde demande aussi la réduction de l’importance des armes nucléaires dans les doctrines de sécurité et des négociations sur un accord global entre les puissances nucléaires sur le concept du non recours en premier aux armes nucléaires.  Elle souhaite également des négociations, à la Conférence du désarmement, sur un instrument universel et juridiquement contraignant sur le non recours aux armes nucléaires contre des pays qui n’en disposent pas; sur une convention sur l’interdiction complète de l’utilisation ou de la menace de l’utilisation des armes nucléaires, « avec la participation de toutes les puissances nucléaires »; ainsi que sur une convention interdisant le développement, la production, le stockage et l’utilisation d’armes nucléaires et de destruction massive.

En tant que puissance nucléaire « responsable », l’Inde a suivi une politique de maintien d’un arsenal nucléaire minimal de dissuasion et de non recours en premier de ces armes contre des pays non nucléaires, a expliqué son représentant.  Il a également fait part de la disposition de son Gouvernement à transformer ces engagements en des arrangements multilatéraux légaux et a rappelé que l’Inde restait engagé à respecter de manière unilatérale et volontaire le moratoire sur les essais d’explosifs nucléaires.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a affirmé que son pays est un chef de file de la non-prolifération nucléaire et que ses engagements en la matière sont vérifiables.  Il a fait observer que « l’apaisement des rivalités avait permis aux États-Unis et à la fédération de la Russie de réduire les arsenaux de 88%.  Hélas, a-t-il déploré, l’environnement sécuritaire s’est dégradé depuis.  Pointant la modernisation des arsenaux nucléaires de plusieurs pays et la mise à mal de plusieurs traités en raison de « l’attitude » de certaines nations, il a explicitement cité la Russie qui « continue de violer le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ».  Voilà pourquoi les États-Unis axent leur approche du problème sur la base de la « création des conditions pour le désarmement nucléaire » qui consiste notamment à s’attaquer aux circonstances qui nous poussent à la dissuasion.  Le délégué a ensuite appelé les États à aborder la question du désarmement en faisant preuve de réalisme.

Selon lui, l’optimisme est de rigueur puisque les États-Unis et la Russie ont respecté les limites établies par le nouveau Traité de réduction des armes stratégiques (Traité START). Les niveaux atteints au titre de ce Traité sont les plus bas depuis la guerre froide, s’est-il félicité. Il a dit espérer voir des progrès en République populaire démocratique de Corée et a appelé tous les États à maintenir leur pression sur ce pays tant que des résultats ne seront pas visibles.  À ses yeux, le cas de la RPDC exemplifie l’approche de « création des conditions pour le désarmement nucléaire ».  À propos du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, il a considéré que ce Traité cible des objectifs à court terme et n’a contribué à diviser les États Membres.

M. ENRIQUE CARRILLO GOMEZ (Paraguay) a demandé aux États dotés d’adopter des mesures immédiates et urgentes pour réduire le risque d’utilisation des armes nucléaires, même par accident.  Il a réclamé un traité d’interdiction universel et juridiquement contraignant sur les armes nucléaires et appelé tous les États détenteurs qu’à éviter d’agir de manière contraire à ces traités.  Les négociations bilatérales ne peuvent se substituer aux négociations multilatérales devant conduire au désarmement a-t-il encore insisté.  Le Paraguay suit de près les réunions préparatoires, à la Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 2020.

Le représentant a, par ailleurs, demandé que les ressources allouées à la modernisation des arsenaux soient plutôt versées aux programmes de développement.  Il a également plaidé pour la mise en place de zones exemptes d’armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient. 

Mme SABRINA DALLAFIOR (Suisse) a estimé que le Plan d’action global commun était un élément essentiel de la non-prolifération.  Elle s’est félicitée que tous les rapports de l’AIEA pointent la même chose: « La République islamique d’Iran s’acquitte intégralement de ses obligations. »  C’est pourquoi elle s’est inquiétée du retrait des États-Unis de cet Accord.

Heureuse des évolutions positives de la situation en péninsule coréenne, elle a néanmoins rappelé qu’il ne pouvait s’agir que « d’avancées initiales ».  Elle a encouragé la poursuite des efforts en cours et s’est dite convaincue du rôle clef que jouent, dans cette affaire, des institutions multilatérales comme l’AIEA et l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE).  Elle a d’ailleurs appelé la République populaire démocratique de Corée à rejoindre ce Traité et réintégrer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Concernant le désarmement, la déléguée s’est montrée moins optimiste.  « Les réductions de armes nucléaires, considérables par le passé, sont au point mort », a-t-elle regretté, ajoutant que les arsenaux nucléaires sont toujours plus modernisés et que certains engagements et obligations vis—à-vis notamment du TNP ne sont pas mis en œuvre par les États détenteurs.  Face à cette situation, elle a rappelé qu’il est difficile d’imaginer comment l’emploi de l’arme nucléaire pourrait être conforme aux exigences du droit international humanitaire.  Elle a souhaité, à cet effet, un débat sur la réduction des risques nucléaires et de la disponibilité opérationnelle. Selon elle, les sujets de la vérification et de la transparence devraient, par ailleurs, faire l’objet d’un engagement constructif dans l’optique de la Conférence d’examen du TNP en 2020.

Si elle a reconnu la valeur du récent Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, elle a expliqué que son pays n’y adhérerait pas à ce stade.  En cause, selon elle, l’interrogation qui demeure quant à la capacité réelle de ce Traité de renforcer l’architecture multilatérale de non-prolifération et le désarmement.  Mais la Suisse participera en tant qu’État observateur aux futures conférences du Traité et suivra étroitement la mise en œuvre et l’interprétation de ses dispositions.

Mme ROSEMARY MCCARNEY (Canada) a salué l’apaisement récent des tensions dans la péninsule coréenne et s’est dite consciente des difficultés persistantes.  Le Canada soutient donc la poursuite du dialogue mais appelle au maintien du régime de sanctions tant que la Corée du Nord n’aura pas pris de mesure significative pour démanteler ses programmes d’armes de destruction massive et de missiles balistiques.  De même, le Canada demeure préoccupé par les ambitions à long terme de l’Iran mais est d’avis que le Plan global d’action commun constitue une mesure importante qui permet de restreindre le programme nucléaire de l’Iran, grâce à la vérification de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). 

La communauté internationale ne peut laisser se poursuivre l’érosion des normes de non-prolifération et de désarmement nucléaires qui sont fondées sur le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), en raison des conséquences déstabilisantes pour la paix et la sécurité.  Aussi, la négociation d’un traité sur l’interdiction de la production de matières fissiles représente une étape clef dans ce processus.  Il est indispensable pour rapprocher les États dotés de ceux qui ne le sont pas et concrétiser la vision d’un monde exempt d’armes nucléaires.  Le récent groupe préparatoire et les consultations informelles associées ont renforcé la valeur de ce traité, a-t-elle jugé, en espérant que le rapport consensuel final du groupe « éclairera les discussions à venir ».

M. KANG MYONG CHOL (République populaire démocratique de Corée) a assuré que son pays est résolu à parvenir à une paix pérenne dans la région et travaille sincèrement à sa dénucléarisation.  La République populaire démocratique de Corée est décidée à mettre fin à ses essais nucléaires et balistiques, mais aussi à démanteler ses sites nucléaires, a-t-il assuré.  Et nous sommes prêts à prendre des mesures supplémentaires si les États-Unis prennent des mesures réciproques, a-t-il affirmé.

Le délégué a rappelé que le sommet entre la RPDC et les États-Unis avait été l’occasion pour les deux pays d’envisager comment dénucléariser la péninsule et établir de nouvelles relations.  Nous avons réussi à démontrer que même des pays historiquement en froid pouvaient arriver à des résultats par le dialogue, s’est-il félicité.  Selon lui, la façon la plus rapide pour mettre en œuvre les dispositions de cette entente, c’est d’adopter une approche étape par étape.

M. FARUKH AMIL (Pakistan) a affirmé que la Conférence du désarmement n’avait pas respecté sa raison d’être et a avancé que c’est la frustration provoquée par sa paralysie qui a conduit à la négociation d’un Traité sur l’interdiction des armes nucléaire en dehors de cet organe.  Il a souligné qu’afin de promouvoir un Programme de désarmement complet, il faut un ordre international non discriminatoire qui tienne compte des besoins des États, renforce le régime de non-prolifération, et donne des garanties de sécurité négatives aux États non dotés.

Un traité qui reposerait uniquement sur l’interdiction de produire des matières fissiles mettrait en danger le Pakistan et n’apporterait rien, a-t-il jugé.  Il en va de même pour les contributions du Groupe d’experts en raison de sa composition limitée, a ajouté le représentant.  Et le Pakistan ne saurait accepter les recommandations de ce Groupe.  Le représentant a toutefois assuré que son gouvernement reste engagé en faveur d’un désarmement complet, vérifiable et transparent.  

Le délégué a également fait observer qu’un monde débarrassé des armes nucléaires continuera d’être instable si certains pays disposent encore de capacités militaires classiques en quantité excessive.  Le désarmement classique doit donc se dérouler en même temps que le désarmement nucléaire, a-t-il soutenu.

M. Amil a, par ailleurs, rappelé que la question des garanties de sécurité négatives figure au cœur de l’ordre du jour international depuis plus de 50 ans, et qu’il faut tenir pleinement compte des exigences des États non dotés en la matière.

M. BASSEM HASSAN (Égypte) a rappelé que seule l’élimination des armes nucléaires est une garantie contre leur non-utilisation.  Les arguments qui vont à l’inverse de cette vision ne produisent que des contre-arguments, a-t-il ajouté.  C’est un cercle vicieux qui ne peut conduire qu’à l’échec et à la destruction du régime de désarmement nucléaire.  Pour lui, c’est là l’une des causes de l’instabilité du monde actuel et il est grand temps que les Nations Unies prennent des mesures pour assurer la mise en œuvre ses résolutions.  Se félicitant du programme du désarmement du Secrétaire général, il a compté sur lui pour essayer de réduire la menace à la paix et à la sécurité.  C’est dans cet esprit, a-t-il ajouté, que nous avons présenté un projet de résolution pour la tenue d’une conférence sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  Il a dit compter sur l’appui de tous les États Membres vis-à-vis de cette initiative dans le cadre de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) prévue en 2020.

M. ANDREJS PILDEGOVIES (Lettonie) a estimé que les efforts de désarmement nucléaire doivent prendre en compte le contexte de sécurité et de stabilité stratégique.  À cet égard, les éléments constitutifs du Plan d’action 2020 du Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) sont plus pertinents que jamais.  L’approche dite « pas à pas » requiert un engagement entier et constructif de toutes les parties, a-t-il rappelé.

Le représentant a salué la décision de la République populaire démocratique de Corée de suspendre son programme d’essais balistiques.  Cependant, une dénucléarisation vérifiée et irréversible est requise, et la Lettonie continuera de soutenir le régime de sanctions existant.

Le délégué a ensuite exhorté la Fédération de la Russie à répondre aux préoccupations concernant son respect du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et à interagir de manière constructive auprès des États-Unis sur cette question.  Le maintien de ce Traité est essentiel pour la paix, la sécurité et la stabilité internationales, a-t-il souligné.

La Lettonie est également profondément préoccupée du fait que la Fédération de la Russie continue de violer des dispositifs clefs du Mémorandum de Budapest sur les assurances de sécurité envers l’Ukraine.  « Ce type d’action sape nos efforts collectifs vers la non-prolifération et risque d’avoir des effets à long terme en érodant le niveau de confiance entre les États non nucléaires », a-t-il conclu.

Mme NICOLE YEO (Singapour) a rappelé que son pays a accueilli le sommet entre le Président Donald Trump et le Dirigeant suprême Kim Jong-un le 12 juin dernier, et a exhorté les parties à observer leurs obligations internationales au titre de la Charte des Nations Unies.  Il est urgent de reprendre un dialogue constructif pour mettre fin à l’emploi et aux essais nucléaires, d’où l’importance de renforcer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et d’œuvrer à son universalisation. 

Elle a espéré que tous les pays dotés et ceux non dotés continueront de dialoguer afin de rapprocher leurs points de vue avant la Conférence d’examen de 2020.  Elle a aussi appelé à ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et à progresser dans l’établissement de zones exemptes d’armes nucléaires en Asie du SUD-EST. 

M. ENRI PRIETO (Pérou) a relevé un paradoxe: alors que les efforts conjoints pour éliminer les armes nucléaires ont toujours fait partie des objectifs des Nations Unies, les pays dotés continuent de moderniser leurs arsenaux et de posséder quelque 15 000 armes nucléaires.  Il a jugé inexplicable que certains pays dépendent toujours des armes nucléaires dans leurs doctrines militaires.  Nous ne comprenons pas, a-t-il ajouté, les sommes considérables qui y sont consacrées.  Selon lui, l’usage de la menace d’utilisation des armes nucléaires est un crime contre l’humanité.  La seule garantie contre les menaces de ces armes nucléaires, c’est de les interdire, a-t-il asséné.  « C’est pourquoi, le Pérou s’est porté signataire du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires », a-t-il précisé.  Il a appelé à renouveler les efforts pour atténuer les dangers que font peser ces armes, à réduire le rôle qu’elles jouent dans les doctrines, et à limiter leur modernisation.  Observant avec préoccupation ce qui se passe avec le régime de non-prolifération, il a rappelé à la République populaire démocratique de Corée qu’elle devait abandonner toutes ses activités de façon vérifiable et irréversible.

Mme ANAYANSI RODRIGUEZ CAMEJO (Cuba) a jugé inacceptable et illégal que se poursuive la modernisation des arsenaux nucléaires et que soient développées de nouvelles armes nucléaires.  La communauté internationale ne peut rester muette alors que les doctrines de défense renforcent l’usage des armes nucléaires même en cas de réponses stratégiques à des menaces non nucléaires a-t-elle dit.  Cette doctrine n’a fait qu’encourager la course aux armements.  Elle a appelé à avancer dans la mise en œuvre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Elle a appelé les États à s’engager en faveur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, exigeant par ailleurs des États détenteurs qu’ils fournissent des garanties de sécurité négatives par écrit aux États non dotés.  Cuba soutient le projet de décision demandant la tenue d’une conférence internationale, avant juin 2019, pour étudier la mise en place d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  Elle a regretté la décision des États-Unis de se retirer du Plan d’action global commun.

Mme ANN-SOFIE NILSON (Suède) a estimé que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) devait demeurer la voie principale à suivre sur le désarmement nucléaire et a appelé à assurer le succès de la Conférence d’examen prévue en 2020.

À cette occasion, il faudra notamment établir un agenda pour l’avenir qui inclut des mesures de réduction du risque, d’abaissement du niveau de risques opérationnels, ainsi que des mesures de transparence et de vérification.  Les garanties de sécurité négatives, l’entrée en vigueur de la Convention sur les armes biologiques et le lancement des négociations sur le traité sur l’interdiction de la production de matières fissiles sont des pas cruciaux.  Cependant, rien ne montre que le fruit soit assez mûr pour être cueilli, a-t-elle déploré, appelant à lancer des discussions plus détaillées avec pour objectif d’identifier les domaines spécifiques où ces questions peuvent faire des progrès. 

M. JOHANN KELLERMAN (Afrique du Sud) a averti que tant que la prolifération verticale et horizontale persistera, le monde sera menacé de destruction.  Compte tenu des répercussions dans l’espace et le temps d’une explosion nucléaire, ces armes ne peuvent pas être traitées sur le seul plan de la sécurité nationale, elles planent sur notre sécurité collective.  À ses yeux, peu de progrès ont été réalisés en matière de désarmement.  Les réductions d’arsenaux ne sauraient remplacer les procédures vérifiables et irréversibles d’élimination, a-t-il ajouté, notant que certains États ont, de toute évidence, toujours l’intention de conserver ces instruments de destruction.  Selon lui, ces activités mettent à mal le compromis du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), en particulier l’article VI.

C’est pour toutes ces raisons que l’Afrique du Sud se félicite de l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.  D’après lui, il s’agit de l’évolution la plus importante sur ce plan depuis 1945.  Il a, néanmoins rappelé que ce Traité et l’article 4 du TNP garantissent le droit inaliénable d’utiliser le nucléaire à des fins pacifiques pour alimenter la croissance économique et durable.  Il a conclu en affirmant que les armes nucléaires n’ont pas leur place dans l’environnement sécuritaire d’aujourd’hui.  « Plutôt que d’éloigner les guerres, elles sont une source d’insécurité », a-t-il précisé, ajoutant que s’en débarrasser constituait un impératif moral.  C’est à ce titre que la délégation sud-africaine a présenté un projet de résolution intitulé « Impératifs éthiques pour un monde exempt d’armes nucléaires. »

M. NIKOLAI OVSYANKO (Bélarus) a appelé à assurer le succès, en 2020, du cycle d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Le résultat du cycle d’examen doit permettre de surmonter les divergences, notamment sur la convocation d’une conférence sur la zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, a-t-il estimé.  Le Bélarus reste engagé en faveur des mesures de confiance entre les grands acteurs pour abaisser les tensions et élaborer des mesures pratiques et réalistes de désarmement.  Il a demandé des garanties de sécurité négatives pour les États non dotes.

Le Bélarus a aussi estimé qu’il n’existe pas d’alternatives au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et s’est inquiété du manque de volonté des États concernés à assurer son entrée en vigueur.

M. DAOVY VONGXAY (République populaire démocratique de lao) a estimé que le Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) reste la pierre angulaire du régime de désarment et de non-prolifération.  « C’est le seul instrument international pertinent qui soit presque universel », a-t-il déclaré.  En conséquence, il nous incombe d’en appliquer entièrement les mesures en toute bonne foi, notamment le mesures que l’on trouve à l’article VI.  Il a, en outre, souligné l’importance de l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).  « Cependant, deux décennies après son adoption, il reste inefficace », a-t-il rappelé.  Il a donc émis l’espoir que les pays qui ne l’ont pas fait signent et ratifient le TICE, en particulier les États parties à son Annexe 2.

Par ailleurs, il a rappelé que son pays attache une grande importance à la création d’une zone régionale exempte d’armes nucléaires.

M. JAMIE WALSH (Irlande) a déclaré que le désarmement nucléaire et la non-prolifération sont des priorités politiques pour son pays, qui cultive une approche multilatérale et coopérative en la matière.  Après avoir salué le TNP comme l’une des success stories les plus notables de la communauté internationale, il a déclaré que la pertinence de cet instrument juridiquement contraignant tient à sa capacité à se montrer à la hauteur des attentes placées en lui: tous les États devraient donc réaffirmer leurs engagements à l’occasion du cycle d’examen 2020.  Malheureusement, certains États dans cette salle sont convaincus que le désarmement nucléaire ne peut progresser que si et quand les conditions de sécurité nationales et internationales le permettent: « À court terme, cette approche est une recette pour la stagnation et, à long terme, menace le TNP ». 

M. Walsh a estimé, ensuite, que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires comble un manque dans l’architecture de désarmement nucléaire en établissant une interdiction robuste sur la seule catégorie des armes de destruction massive non encore interdites.  Il s’est dit ensuite encouragé par les changements d’atmosphère dans la péninsule coréenne, marqués par la reprise des pourparlers entre la RPDC et les États-Unis.  « Toutefois, ces pourparlers doivent être secondés par une action concrète », a-t-il souligné.  Aussi, a-t-il appelé la RPDC à répondre aux préoccupations de la communauté internationale au sujet de son programme de missiles nucléaires, à redevenir partie au TNP, et à signer et ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).

M. GIANFRANCO INCARNATO (Italie) a réitéré l’importance du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) pour le désarment et la non-prolifération nucléaires dans le monde, avant d’appeler tous les États qui ne le sont pas encore à en devenir parties en tant qu’États non nucléaires « sans délais et sans conditions ».  Il faut, à ses yeux, respecter ce Traité dans le contexte difficile actuel, estimant qu’il contribue d’une certaine manière à la stabilité internationale et rappelant qu’il se fonde sur l’idée de la sécurité pour tous.  Cet objectif ne peut être atteint que par une approche progressiste basée sur des mesures efficaces, en accord avec l’article VI du TNP, a-t-il insisté.  L’une de ces mesures est l’entrée en vigueur rapide du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), a estimé le représentant, qui a encouragé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à le signer et ratifier, en particulier ceux qui figurent à l’Annexe 2.  L’Italie exhorte, en outre, tous les pays à respecter le moratoire sur les essais nucléaires et à éviter toute action qui pourrait saper les objectifs du Traité.

Pour l’Italie, il est également prioritaire de commencer sans plus tarder des négociations, au sein de la Conférence du désarmement, sur un traité interdisant la production de matières fissiles.  À cet égard, le représentant a salué le rapport du Groupe préparatoire d’experts de haut niveau mis en place par la résolution 71/259 de l’Assemblée générale.

Il a également soutenu les efforts en matière de vérification du désarmement nucléaire et le début des travaux du Groupe d’experts gouvernementaux.  Par ailleurs, l’Italie appuie l’idée d’une conférence sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et de destruction massive au Moyen-Orient, à laquelle tous les États de la région seraient tenus de participer, a précisé le représentant.

Il n’a pas manqué de souligner la responsabilité première des puissances nucléaires dans l’application de l’article VI du TNP, encourageant au passage les États-Unis et la Russie à aller plus loin dans le Traité de réduction des armements stratégiques (New START) de février 2018.  L’Italie se félicite, en outre, des développements positifs dans le dossier de la République populaire démocratique de Corée et espère qu’ils mèneront à un dialogue constructif et ouvert pour concrétiser la dénucléarisation de la péninsule coréenne de manière complète, vérifiable et irréversible.

M. FRED FRIMPONG (Ghana) a estimé que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires avait fourni, depuis son adoption en 2017, un moyen clair et juste d’empêcher une catastrophe humanitaire due aux armes nucléaires.  Ce Traité représente l’une des mesures les plus efficaces du désarmement nucléaire et renforce le rôle absolument central du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Il ne constitue en aucun cas une norme concurrente, a-t-il jugé.

La réduction des stocks, l’universalisation du TNP, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et la possible négociation d’un traité sur l’interdiction de produire des matières fissiles sont des critères requis pour aller vers un monde exempt d’armes nucléaires.  Il a appelé ceux qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le TICE et encouragé la consolidation des cinq zones exemptes d’armes nucléaires, notamment en soutenant l’appel à mettre en place une telle zone au Moyen-Orient

M. RUBEN ESCALALNTE HASBUN (El Salvador) a regretté qu’après 70 ans d’existence du programme de désarmement des Nations Unies, son objectif ne soit toujours pas atteint.  « L’utilisation de la dissuasion, le stockage de matières fissiles et l’existence de programmes de modernisation sont autant d’obstacles qui nous empêchent d’arriver au désarmement nucléaire », a-t-il estimé.  Assurant qu’aucun État ou organisation n’est totalement préparé aux conséquences graves de l’utilisation de l’arme nucléaire, il a considéré qu’elles étaient donc une menace claire à la sécurité de tous.  Après avoir rappelé que son pays a adhéré au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, il a insisté pour qu’on mette les armes nucléaires sur le même plan que les armes chimiques et qu’on considère qu’il y a une « même honte » à les posséder.  Pour ce qui concerne les essais nucléaires, il a estimé qu’ils ne font pas que saper la paix et la sécurité, mais qu’ils mettent aussi en péril la vie de millions de personnes et vont à l’encore du TNP. Il a finalement dénoncé les répercussions de ces armes sur l’économie, l’environnement et le développement durable.

M. NIBUSHIGE TAKAMIZAWA (Japon) a appelé les États dotés à multiplier les efforts pour se conformer à l’article 6 du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP): il leur demande de réduire les armes nucléaires unilatéralement et d’entamer des négociations multilatérales avec les autres États dotés, d’accroitre la transparence en transmettant des informations chiffrées, et de réduire les risques d’utilisation accidentelle de l’arme nucléaire.  Les États non parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) doivent prendre des mesures concrètes sur une base volontaire et adhérer au Traité.

S’agissant du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), le Japon appelle les pays de l’Annexe 2 à le ratifier.  Le rapport final du groupe préparatoire sur le traité interdisant la production de matières fissiles évoque les différents éléments devant figurer dans un traité potentiel et les éléments utiles pour de futures négociations.  Le Japon demande en attendant à tous les États dotés de déclarer ou de maintenir un moratoire sur les matières fissiles.  La vérification du désarmement reste indispensable, enfin, pour parvenir à une élimination des armes nucléaires.  Toutes ces initiatives sont importantes et appellent les États à travailler ensemble, a-t-il estimé.

M. RUDIGER BOHN (Allemagne) a déploré qu’en dépit de nombreux développement positifs, il reste trop d’endroits dans le monde qui ne connaissent pas la paix; trop de gens qui pleurent la perte de leurs bien-aimés; trop de tensions dans le monde.  « Nous devrions constamment nous rappeler quels sont les enjeux, si nous ne préservons et ne renforçons pas le système existant de contrôle des armes », a-t-il déclaré.  Depuis 50 ans, la pierre angulaire de notre architecture de non-prolifération et du désarmement et le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaire (TNP).  Cela ne fait aucun doute que, sans ce Traité, il y aurait plus d’États détenteurs, a-t-il déclaré.

Il a appelé à renforcer l’effectivité du TNP et de ses trois piliers, saluant au passage l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.  Même s’il n’est pas entré en vigueur, il est de facto la norme du comportement international, a-t-il indiqué.

M. Bohn a ensuite rappelé que le Conseil de sécurité a appelé à un démantèlement entier et vérifiable du programme nucléaire de la RPDC et a appelé la communauté internationale à augmenter la pression sur ce pays.  L’Allemagne reste, en outre, fermement engagée en faveur du Plan d’action global commun avec l’Iran car c’est un facteur de stabilité de la région.  « Avec nos partenaires européens, nous avons dit clairement que nous soutiendrions l’accord sur le nucléaire iranien, aussi longtemps que l’Iran remplira ses obligations », a souligné le délégué. Il a demandé à l’Iran d’appliquer de manière urgente la résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui comprend les dispositions relatives aux activités des missiles balistiques et du transfert des armes.

Mme FATHIMA NUZUHA (Maldives) a regretté que certains pays restent déterminés à poursuivre le développement d’armes nucléaires, avant de les exhorter à accéder et appliquer le TNP, le TICEN et le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.  « Ces Traités nous montrent la voie à suivre », a-t-elle déclaré, affirmant que la communauté internationale est « prête » pour un monde sans armes nucléaires, et que la seule chose qui manque « c’est la volonté politique pour le concrétiser ».

En tant qu’État partie au TNP et au TICE, les Maldives sont profondément attachées à leurs objectifs pour éviter la menace que font peser ces armes sur l’humanité.  Pour sa délégation, il est de la responsabilité morale de tous d’œuvrer au renforcement et à l’application de la « machinerie du désarmement international et de la non-prolifération ».  Elle revendique la création d’une zone de paix dans l’océan Indien.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’ECOSOC organise sa session de 2019 qui comprendra quatre débats et cinq forums entre avril et juillet

Session de 2019 
4e séance plénière – matin
ECOSOC/6950

L’ECOSOC organise sa session de 2019 qui comprendra quatre débats et cinq forums entre avril et juillet

Le Conseil économique et social (ECOSOC) a adopté à l’unanimité, cet après-midi, une résolution* qui fixe les dates des différents forums et réunions de sa session de 2019.  Il a également élu par acclamation M. Valentin Rybakov, du Bélarus, en tant que Vice-Président de la session de 2019.

Les 54 États membres du Conseil se retrouveront donc l’an prochain pour quatre débats, une réunion spéciale sur la coopération internationale en matière fiscale et cinq forums, dont le Forum politique de haut niveau pour le développement durable.

Ce Forum, qui a pour thème « autonomiser les peuples et assurer l’inclusion et l’égalité », se tiendra du 9 au 15 juillet.  Il se prolongera avec le débat de haut niveau de l’ECOSOC, dont trois journées de réunion ministérielle du Forum politique de haut niveau organisé sous ses auspices, du 16 au 19 juillet.

Les travaux de la session commenceront en avril avec le Forum de la jeunesse, du 8 au 9, et le Forum des partenariats, le 11, suivi du quatrième Forum sur le suivi du financement du développement, du 15 au 18.

Toujours en avril, le 26, aura lieu la réunion spéciale d’une journée sur la coopération internationale en matière fiscale.

Puis se tiendra le Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation pour la réalisation des objectifs de développement durable, les 14 et 15 mai.

Le débat consacré aux activités opérationnelles de développement se tiendra du 21 au 23 mai.  Elle précédera le débat consacré aux affaires humanitaires qui aura lieu du 29 au 31 mai, cette fois à l’Office des Nations Unies à Genève. 

Les réunions du débat consacré à la gestion se tiendront les 6 et 7 juin, puis les 23 et 24 juillet.  Auparavant, des réunions sur la gestion seront spécialement organisées le 7 mai pour élire des candidats aux sièges devenus vacants dans les organes subsidiaires du Conseil et dans les organes connexes. 

Le débat de l’ECOSOC consacré à l’intégration se tiendra le 8 juillet.

La dernière réunion de l’ECOSOC pour 2019 se tiendra le 25 juillet: le Conseil organisera ce jour-là son programme de travail pour la période allant de juillet 2019 à juillet 2020.

La délégation du Mexique et celle l’Union européenne ont regretté le chevauchement de la date de tenue du Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation pour la réalisation des objectifs de développement durable et de la réunion sur la science au service du développement prévue à Genève.  Les deux événements n’auraient pas dû être programmées aux mêmes dates, ont-ils estimé en demandant que cette situation soit évitée à l’avenir.  Ils ont plaidé pour que l’ECOSOC tienne compte de l’importance de la coordination sur cette question.

« Nous sommes sur la même longueur d’onde », a commenté la Présidente de l’ECOSOC, Mme Ida Rhonda King, de Saint-Vincent-et-les Grenadines.  « Je comprends vos préoccupations », a-t-elle assuré.

* E/2019/L.1

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Deuxième Commission: réduire les inégalités et la fracture numérique pour un ordre économique plus juste et une migration non subie

Soixante-treizième session,
15e et 16e séances – matin & après-midi
AG/EF/3503

Deuxième Commission: réduire les inégalités et la fracture numérique pour un ordre économique plus juste et une migration non subie

Les fruits de la croissance et du développement ne sont pas répartis de façon équitable.  C’est le constat fait ce matin à la Deuxième Commission (questions économiques et financières), qui a abordé le nouvel ordre économique international ainsi que les liens entre migrations internationales et développement, avant de se pencher, dans l’après-midi, sur l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC).

Dans son rapport sur le nouvel ordre économique international, le Secrétaire général reconnaît en effet que la reprise économique n’a pas touché l’Afrique centrale et l’Afrique australe, que l’accumulation de la dette pourrait ralentir la croissance, que l’Aide publique au développement est en baisse et que les taxes supplémentaires imposées par certains grands pays ces derniers mois ne font qu’accroître les tensions.

Le groupe des pays les moins avancés (PMA) a illustré ces disparités en rappelant que 82% de la richesse mondiale sont tombés entre les mains des 1% les plus riches, dans un ordre mondial que le Népal a qualifié de « casino, où les plus riches ramassent toute la mise ».  Le creusement des inégalités en termes de richesse et de technologie, la persistance des famines, des sécheresses et des catastrophes d’origine humaine montrent la nécessité de créer un environnement économique international cohérent et de renforcer la gouvernance économique mondiale, a fait valoir le groupe des 77 et la Chine.  Ce à quoi l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a rajouté les menaces comme le terrorisme, les pandémies et les problèmes de cybersécurité. 

Nombre de délégations ont rappelé l’importance d’un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et plaidé en faveur des pays en développement, pour qu’ils bénéficient de financements, de transferts de technologies à des conditions favorables et du renforcement de leurs capacités.  Cuba a fustigé l’inégalité des conditions d’accès aux marchés selon les pays, tout en soulignant le rôle multilatéral de l’ONU comme rempart contre les politiques unilatéralistes.  Pour la Communauté des Caraïbes (CARICOM), les défis à relever pour stimuler une croissance équitable et inclusive exigent l’harmonisation des actions politiques et des réformes structurelles internationales.

Les migrations sont l’une des conséquences des différentes crises dans le monde, qu’elles soient politiques, économiques ou climatiques: entre 2000 et 2017, le nombre de migrants internationaux a augmenté de près de 50%, atteignant 258 millions en 2017, indique le Secrétaire général dans son rapport sur les migrations et le développement.  Avec la diminution du taux de natalité, les migrants peuvent avoir un effet positif sur les économies des pays développés, mais leurs droits sont peu respectés, bien que la majorité des États Membres aient ratifié des traités onusiens visant à garantir leur protection contre les trafics et l’amélioration de leurs conditions de travail.  Étant donné que la majorité des migrants viennent de zones rurales, investir dans l’agriculture et le développement rural est essentiel pour trouver des alternatives aux migrations, a fait observer l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Toutes les délégations se sont félicitées de l’accord sur le « pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », qui devrait être adopté durant la Conférence intergouvernementale organisée à Marrakech les 10 et 11 décembre et qui constitue le premier cadre multilatéral exclusivement dédié aux migrations.  Pour les Philippines, ce pacte est une preuve que le multilatéralisme reste bien vivant, et qu’il crée une norme morale pour le monde, un instrument des droits de l’homme qui place la protection des migrants, quel que soit leur statut, au cœur de ses principes.  La Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) a d’ailleurs prié tous les États de garantir le plein respect des droits de l’homme des migrants, d’éviter les procédures inadéquates de détention et, le cas échéant, d’assurer des procédures de retour avec les garanties nécessaires et une attention particulière aux femmes et aux enfants, accompagnés ou non.   

La fracture numérique a été évoquée à maintes reprises comme l’un des freins au développement et, cet après-midi, la Deuxième Commission s’est penchée sur les TIC au service du développement.  L’accès à ces technologies, leur utilisation et leur champ d’application n’ont en effet cessé de croître mais les progrès accomplis sur la voie de l’inclusion dans la société de l’information restent très inégaux, selon le rapport du Secrétaire général consacré au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI).  Ainsi, en 2017, la moitié de la population mondiale n’avait pas accès à Internet.  En outre, la quatrième révolution industrielle devrait provoquer des changements radicaux et ceux qui ne peuvent accéder à ces nouvelles technologies risquent d’être laissés pour compte.

Les TIC sont si importantes qu’elles sont inscrites dans les objectifs de développement durable, ont relevé les PMA.  Elles ont en effet permis des améliorations dans certains secteurs essentiels comme l’accès à la santé et à l’eau douce, a noté le Groupe des États d’Afrique.  Les pays de la CARICOM souhaiteraient, par exemple, bénéficier de mécanismes et technologies d’alerte précoce en cas de catastrophe naturelle, afin d’en atténuer les effets dévastateurs.  Une fois encore, la coopération internationale multipartite s’impose pour remédier au problème, mais aussi pour relever des défis tels que celui de la cybersécurité.  À cet égard, le Qatar a proposé d’organiser une Conférence sur la cybercriminalité.

La Deuxième Commission reprendra ses travaux lundi 22 octobre, à partir de 10 heures, pour faire un point sur les groupes de pays en situation particulière, puis aborder la question des activités opérationnelles.

MONDIALISATION ET INTERDÉPENDANCE

Présentation de rapports

M. NAZRUL ISLAM, Économiste hors classe de la Division des politiques et de l’analyse économique du Département des affaires économiques et sociales, a présenté le Rapport du Secrétaire général (A/73/290) sur le nouvel ordre économique international, qui donne une vue d’ensemble actualisée des grands problèmes d’ordre économique et de politique générale à résoudre sur le plan international pour assurer une croissance économique soutenue et un développement durable qui soient équitables et partagés, ainsi qu’une description du rôle que joue l’ONU à cet égard dans la perspective de l’instauration d’un nouvel ordre économique international.

M. Islam a donné un aperçu du contexte du rapport, à savoir des changements notables dans le commerce international, une hausse significative des déficits budgétaires, des efforts internationaux insuffisants pour atteindre les objectifs relatifs aux changements climatiques ainsi que la quatrième révolution industrielle.  La croissance mondiale devrait être de 3,3% en 2018 et 2019, mais la reprise économique n’a pas touché l’Afrique centrale et l’Afrique australe.  De plus l’accumulation de la dette pourrait ralentir la croissance. 

M. Islam s’est également inquiété des taxes supplémentaires imposées par certains grands pays ces derniers mois, ce qui bouleverse les équilibres.  Quant à l’aide publique au développement (APD), elle représentait 146,6 milliards de dollars en 2017, soit 800 millions de moins qu’en 2016, marquant aussi le premier déclin de cette aide depuis 2012.  Il a rappelé que la Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international met l’accent sur un système monétaire mondial stable et sur l’immense potentiel des nouvelles technologies pour ce qui est de relever de nombreux défis économiques, sociaux et environnementaux, et de la nécessité de multiplier les efforts sur le plan national et en matière de coopération internationale.

Pour évaluer les progrès accomplis et les difficultés rencontrées dans la réalisation d’une croissance économique et d’un développement durable équitables et partagés, le rapport s’appuie sur les informations communiquées dans les examens nationaux volontaires présentés au Forum politique annuel de haut niveau pour le développement durable.  Il ressort de cette évaluation que d’importants progrès ont été faits en 2016 et 2017 dans la réalisation de nombreux objectifs de développement durable.  Cependant, les perspectives qu’offre à court terme l’économie mondiale, au regard des incertitudes qui planent sur le commerce international, des ajustements de la politique monétaire et des conditions des marchés financiers, menacent la réalisation d’une croissance économique équitable et soutenue. 

En outre, la lenteur des progrès accomplis en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques et l’amélioration de la viabilité environnementale, qu’aggrave l’insuffisance des financements, est un obstacle supplémentaire au développement durable.  Dans ce rapport, il est également demandé à l’ONU d’élargir son rôle et d’encourager le recours responsable aux nouvelles technologies au service de la réalisation des objectifs de développement durable. 

M. JOHN WILMOTH, Directeur de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales, a présenté le rapport du Secrétaire général (A/73/286) sur les migrations internationales et le développement, « un sujet qui constitue une priorité politique pour de nombreux pays », a-t-il noté.  Il porte notamment sur les niveaux et tendances les plus récents en matière de migration internationale, ainsi que sur l’état de la ratification des instruments juridiques de l’ONU relatifs aux migrations et à la mobilité humaine.  

Le rapport estime qu’entre 2000 et 2017, le nombre de migrants internationaux a augmenté de près de 50 %, atteignant 258 millions en 2017.  Dans les régions les plus développées, les migrants représentant 12% de la population, et seulement 2% dans les régions les moins développées; ensemble, l’Asie et l’Europe accueillent 6 migrants internationaux sur 10.

À mesure que la fécondité mondiale continue de décliner, le rôle moteur des migrations dans les mutations démographiques devrait s’accentuer au cours des prochaines décennies: avec la diminution du taux de natalité, les migrants peuvent avoir un effet positif sur les économies des pays développés, mais ils ne combleront pas la chute de la natalité, selon le rapport.

M. Wilmoth a aussi noté que les droits des migrants demeuraient une rareté bien que la majorité des États Membres aient ratifié des traités onusiens visant à garantir leur protection contre les trafics et l’amélioration de leurs conditions de travail.  Diverses agences de l’ONU tentent d’accompagner la mise en œuvre de la Déclaration de New York pour les réfugiés et migrants adoptée en 2016, a-t-il souligné, en citant notamment le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

Le rapport appelle à une meilleure utilisation des ressources existantes et à la création d’un observatoire régional pour développer des partenariats. 

M. Wilmoth a enfin observé que les transferts de fonds de migrants ont un grand impact sur l’économie mondiale, vu les sommes importantes (466 milliards de dollars de transfert dans le monde en 2017); ces transferts ont un impact gigantesque et positif sur les objectifs de développement durable. 

Discussion générale

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MOHAMED ABDELRAHMAN MOHAMED MOUSSA (Égypte) a affirmé qu’il est évident que la mondialisation peut apporter des gains économiques et financiers à tous les pays et améliorer le niveau de vie en général.  Toutefois il apparait que les fruits de la croissance et du développement ne sont pas répartis de façon équitable.  Et le paysage politique et économique est entaché de nombreux problèmes, tels que la pauvreté, la hausse des inégalités, la prévalence de crises économiques et financières, la crise des migrants et des réfugiés, les changements climatiques et la dégradation de l’environnement.  En outre, le creusement des inégalités en termes de richesse et de technologie, la persistance des famines, des sécheresses et des catastrophes d’origine humaine montrent la nécessité de créer un environnement économique international cohérent et de renforcer la gouvernance économique mondiale, ce qui permet aussi d’éliminer la pauvreté sous toutes ses formes. 

Le G77 et la Chine ont rappelé qu’une aide de la part des pays développés est toujours nécessaire, en particulier en ce qui concerne le transfert de technologies à des conditions favorables, le renforcement des capacités et les financements vers les pays en développement.  Sans percée dans la coopération internationale dans le domaine des technologies, la voie vers un développement plus durable sera difficile à emprunter pour les pays en développement, a ajouté M. Edrees.  Il a réitéré l’importance d’un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).  À cet égard, un nouvel ordre économique mondial peut contribuer à renforcer le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Au sujet des flux de migration, le G77 et la Chine estiment qu’il faut comprendre le lien entre mondialisation et développement et que les avantages d’une migration sûre, ordonnée et régulière sont souvent sous-estimées, comme par exemple leur contribution aux problèmes démographiques ou au manque de main d’œuvre.  Les rôles et responsabilités des pays d’origine, de transit et de destination devraient être correctement équilibrés, a dit M. Edrees, afin de coopérer au niveau international en respectant les droits de l’homme et un traitement humain des migrants, quel que soit leur statut migratoire.  Il a aussi appelé la communauté internationale à mettre en place des stratégies sur la contribution des migrants au développement durable afin de combattre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie, de même qu’à protéger les droits des enfants migrants.

M. BURHAN GAFOOR (Singapour), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a reconnu que le système multilatéral faisait face à un défi complexe et difficile, citant comme menaces le terrorisme, les pandémies et les problèmes de cybersécurité.  Appelant à la coopération internationale pour exploiter les nouvelles technologies dans l’intérêt de tous, il a recommandé de favoriser les partenariats avec les pays en développement.  À cet égard, l’ASEAN a fait des efforts pour créer des partenariats régionaux et développer une meilleure connectivité dans le monde, via l’accord de cybercommerce de l’ASEAN, qui encourage le commerce électronique.  L’ASEAN a aussi développé un réseau de « villes intelligentes » rassemblant 26 villes pionnières; déjà cinq accords de coopération ont été signés entre ces villes et les partenaires extérieurs, notamment du secteur privé. 

Si l’ASEAN a redoublé d’efforts pour maintenir une architecture ouverte et inclusive, elle a reconnu qu’elle ne pouvait agir seule, et elle a réaffirmé l’importance du multilatéralisme et du régionalisme.  M. Gafoor attend d’ailleurs avec impatience le prochain Forum régional de l’ASEAN « pour lutter contre le terrorisme et aussi contre la résistance antimicrobienne ».  Croyant fermement au rôle de gouvernance de l’ONU et à son rôle capital, l’ASEAN soutient le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Au cours de la réunion de l’Assemblée générale du 29 septembre 2018, ses dirigeants ont réaffirmé leur attachement à l’ONU et à tout ce qui peut mettre en œuvre la vision 2025 de l’ASEAN, qui va main dans la main avec les objectifs de développement durable, a souligné M. Gafoor. 

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. COSMOS RICHARDSON (Sainte-Lucie) a déclaré que les petits États insulaires en développement des Caraïbes n’étaient pas en mesure de répondre aux besoins d’investissement accrus pour la transformation économique, l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de ses effets, ainsi que pour l’élargissement de la trajectoire économique à cause de nombreux obstacles laissés par ce nouvel ordre mondial. Notre engagement international en faveur du développement durable bute sur l’insuffisance des efforts mondiaux tangibles pour répondre à notre ambition, a regretté le représentant.  Les objectifs de développement durable ne peuvent pas être atteints sans nouveaux engagements significatifs sur les ressources.  Nous devons travailler à combler le fossé entre souhait et réalisation, a exhorté le représentant. 

Pour la CARICOM, les défis à relever pour stimuler et maintenir une croissance équitable et inclusive nécessiteront l’harmonisation des actions politiques et des réformes structurelles internationales, le cas échéant, afin de stimuler les investissements, la création d’emplois et la croissance économique, conformément à nos objectifs plus larges de développement durable.  La mobilisation de l’investissement dans les infrastructures, la transparence accrue dans la fiscalité internationale exigeront plus de coordination politique et de coopération au niveau mondial.  La mondialisation et l’interdépendance signifient que les efforts pour le développement durable à tous les niveaux doivent se renforcer mutuellement. 

Il est donc nécessaire d’adapter les régimes, les institutions et les politiques internationaux régissant les différentes dimensions du développement durable pour qu’ils capitalisent sur l’interdépendance croissante entre les domaines politiques et au sein de ceux-ci, et réduire ainsi leurs contradictions. 

Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a rappelé que le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières devrait être adopté durant la Conférence intergouvernementale organisée à Marrakech les 10 et 11 décembre et s’est félicité de l’accord sur ce premier cadre de coopération sur les migrations internationales sous l’égide des Nations Unies.  Le représentant a souligné l’importance de traiter des défis et des opportunités que pose la migration internationale pour les pays d’origine, de transit et de destination en termes de régularisation, d’intégration sociale dans des conditions d’égalité et de non-discrimination.  Il a condamné tous les actes de xénophobie, racisme, discrimination, persécution et intolérance contre les migrants et a exhorté les États membres de la CELAC à prendre des mesures en ce sens. 

M. Escalante Hasbún a aussi prié tous les États de garantir le plein respect des droits de l’homme des migrants, d’éviter les procédures inadéquates de détention et, le cas échéant, d’assurer des procédures de retour avec les garanties nécessaires et avec une attention particulière aux femmes et aux enfants accompagnés ou non.  La CELAC reconnaît la contribution positive des migrants à la croissance inclusive et au développement durable dans les pays d’origine, de transit et de destination.  Les envois de fonds des travailleurs migrants sont une source financière privée et ne peuvent être placés sur le même plan que d’autres flux financiers tels que l’investissement étranger direct, l’aide publique au développement (APD) ou d’autres sources de financement public, a fait observer la CELAC.

M. PERKS LIGOYA (Malawi), au nom du groupe des pays les moins avancés (PMA), a relevé que le rapport du Secrétaire général traitant du nouvel ordre mondial encourage la croissance économique équitable et la réduction des inégalités au sein des pays, et entre les pays.  À l’intérieur des pays, le rapport préconise de donner la priorité à la qualité de l’emploi, d’encourager le secteur recherche et développement, et de mettre l’accent sur le développement des compétences.  Pour ce qui est des inégalités entre les pays, le rapport n’en parle pas assez, a déploré le représentant en soulignant que 82% de la richesse mondiale est tombée entre les mains des 1% les plus riches de la population mondiale, un chiffre tiré par M. Ligoya d’un rapport d’OXFAM.  L’activité économique plus vigoureuse depuis la crise de 2008 n’a pas été suivie d’effets pour les PMA, dont le produit intérieur brut (PIB) augmente, mais dont la croissance est loin de permettre d’envisager l’élimination de l’extrême pauvreté d’ici à 2030. 

Les pays en situation particulière estiment que les soutiens financiers, quoique généreux, ne suffisent pas, a poursuivi M. Ligoya en citant les chiffres de 2017 (5 milliards de dollars) qui sont inférieurs aux chiffres de 2012.  C’est pourquoi les PMA ont demandé à leurs partenaires de renforcer leurs dons afin d’accélérer la mise en œuvre du développement durable, du renforcement de leurs capacités et du transfert des technologies.  L’ONU a un rôle capital à jouer également, a poursuivi le représentant, pour combler le fossé entre les PMA et le reste du monde.  De multiples facteurs imposent les migrations, comme les impacts dévastateurs des changements climatiques, le vieillissement de la population dans les pays développés et la pression fiscale qui en découle.  À cet égard, M. Ligoya a appelé à réduire les frais des transferts de fonds des migrants vers leur pays d’origine de manière globale. 

Les PMA attendent avec impatience l’adoption du pacte mondial sur les migrations, a conclu le représentant avant de demander le plein fonctionnement du régime préférentiel accordé aux fournisseurs de services des PMA, comme prévu par l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Pour M. SHRI NARESH GUJRAL (Inde), les biens communs comme le climat, les océans, l’espace et maintenant le cyberespace représentent des domaines dans lesquels la collaboration internationale est nécessaire pour gérer nos intérêts collectifs.  La prise en compte de cette interdépendance et la nature collective de la paix, de la prospérité et de la sécurité pour tous ont conduit à l’adoption du Programme 2030, de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et du Plan d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement.

L’Inde, a poursuivi le délégué, continue de jouer sa part pour renforcer ses succès multilatéraux sur la lutte contre les changements climatiques, les défis du développement durable et d’autres domaines émergents.  S’agissant de la migration, le représentant a indiqué que les économies d’aujourd'hui, fondées sur le savoir et l’innovation, exigent la mobilité des personnes, tout comme l’économie moderne repose sur la circulation des capitaux, des biens et des services à travers les frontières.  Les négociations intergouvernementales sur un pacte mondial ont offert aux États Membres l’occasion d’élaborer un cadre qui facilite la coopération internationale sur des migrations sûres, ordonnées et régulières, s’est-il réjoui.

M. BANDAR MAHDI S. ALNAHDI (Arabie saoudite) a dit que les migrants contribuent au développement selon trois axes fondamentaux: les transferts de fonds, le transfert de technologie et de savoirs, et les échanges commerciaux. L’Arabie saoudite est une source économique importante pour plusieurs pays qui lui envoient des migrants, a-t-il fait observer.  Le représentant a salué l’attention universelle croissante portée au problème de la traite des personnes, qui est une violation des droits de l’homme.  Il a souligné l’importance de concrétiser un dialogue international sur les migrations.

M. FOUDECKA (Fédération de Russie) a réaffirmé l’absolue nécessité pour la communauté internationale de suivre une voie commune pour parvenir à une croissance économique durable.  Avec l’instabilité et les évolutions des politiques monétaires, l’écart entre pays développés et pays en développement se creuse de plus en plus, notamment à cause du fossé technologique, a-t-il noté.  Dans un contexte d’alourdissement de la dette, il a noté que les questions de protection sociale ne pouvaient être éludées.  En matière d’immigration, il a jugé qu’il fallait que les États Membres se concentrent pour resserrer leurs liens sous l’égide du futur pacte mondial. 

M. JUAN MIGUEL GONZÁLEZ PEÑA (Cuba) a fustigé l’inégalité des conditions d’accès aux marchés selon les pays, tout en soulignant le rôle multilatéral des Nations Unies comme rempart contre les politiques unilatéralistes.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 suppose la reconnaissance des priorités nationales de chaque peuple, a-t-il rappelé.  Regrettant que le fossé entre Nord et Sud ne cesse de s’élargir, et que le chômage et la pauvreté demeurent encore trop présents, le représentant a dénoncé un manque de volonté politique pour inverser la tendance, et invité à un meilleur accès aux soins pour les populations.  Il a dénoncé l’embargo imposé à Cuba par les États-Unis comme le plus grand obstacle à la réalisation des objectifs de développement durable pour Cuba. 

M. AKMAL AJI (Brunei Darussalam) a déclaré que son pays appuyait les efforts collectifs consacrés à l’établissement d’un ordre économique international plus inclusif, efficace et transparent.  L’ONU occupe un rôle central pour atteindre cet objectif, a-t-il noté.  En promouvant un multilatéralisme plus inclusif, Brunei se félicite aussi l’engagement régulier entre le Groupe pour la gouvernance mondiale, le G20 et l’ONU.  Ces interactions, a-t-il remarqué, offrent des occasions précieuses pour les petites et moyennes économies de faire entendre leurs voix aux travaux du G20 en particulier en assurant que leurs programmes complètent et renforcent le système des Nations Unies.  Pour capitaliser sur les opportunités que nous offre la mondialisation, il est important que les pays développés et les pays en développement travaillent ensemble, a ajouté le représentant.  

Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA (Philippines) a fait part de sa préoccupation à propos de la décision de certains pays de se retirer du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières quelques mois avant son adoption à Marrakech.  Elle a estimé que le pacte est une preuve que le multilatéralisme reste bien vivant, et qu’il crée une norme morale pour le monde, un instrument des droits de l’homme qui place la protection des migrants, quel que soit leur statut, au cœur de ses principes.  Mme Azucena a aussi vanté les mérites des envois de fonds des migrants en soulignant le lien entre eux et le développement: ces envois soutiennent des stratégies de développement à long terme, en particulier pour l’élimination de la pauvreté et l’accès à des services de base grâce à des investissements, à des transferts de compétence, et au commerce qu’ils génèrent.

Mme ACHARA CHAIYASAN (Thaïlande) a dit que la mondialisation apporte des bénéficies économiques et sociaux mais relevé en même temps qu’elle pose des défis pour maintenir l’égalité car les vagues migratoires sont très irrégulières.  Elle a proposé de renouveler la foi dans le multilatéralisme et de renforcer la résilience pour aider les pays à faire face aux effets négatifs de la mondialisation.  S’agissant des nouvelles technologies, qui peuvent débloquer des potentiels économiques, elle a plaidé pour davantage de coopération, y compris en recherche et développement.

En tant que pays accueillant plus de 3,8 millions de travailleurs migrants, la Thaïlande a pris une série de mesures pour, notamment, garantir un recrutement éthique de migrants, combattre le trafic de personnes, mettre fin à la détention d’enfants migrants, donner accès à la couverture de santé universelle aux migrants avec ou sans papiers.  Enfin, afin de veiller à ce que la mondialisation ne laisse personne de côté, la Thaïlande met en place une politique de partenariats public-privé pour aider à renforcer la résilience et les capacités, en particulier au niveau local.  Quant à la coopération qu’elle promeut, elle est toujours centrée sur les personnes.

M. SUVANGA PARAJULI (Népal) a souligné que, dans un monde plus connecté que jamais, le rythme de la mondialisation avait augmenté et les interdépendances aussi.  Mais il a aussi noté que ceux qui gagnaient le plus gagnent encore davantage, et ceux qui gagnaient le moins gagnaient encore moins; il a jugé cette affirmation valable pour les individus à l’intérieur des pays mais aussi entre pays.  Déplorant que s’élargisse le fossé numérique entre les États, il a ironisé sur le fait que beaucoup de pays n’avaient pas digéré les premières révolutions industrielles qu’il en arrivait déjà une quatrième.  Il a comparé la communauté internationale à un casino, où les plus riches ramassent toute la mise.

Ces constatations ont conduit le représentant à réclamer plus d’efforts pour les pays en développement, ainsi que davantage de possibilités pour eux de participer aux activités de réformes en matière de gouvernance mondiale.  Appelant à diffuser les technologies vers les pays en développement, il a aussi appelé à développer la connectivité numérique de ces pays mais aussi la connectivité physique (trains, routes, aéroports) pour développer la mobilité.  Il faut que la mondialisation fonctionne pour tous, a-t-il noté.

Mme SHARON JUAREZ (Guatemala) s’est dite convaincue que le secteur recherche et développement amènerait les pays en développement à plus de développement durable et de prospérité.  Le Guatemala a développé un cadre moderne pour renforcer son système éducatif et pour garantir le développement des petites et moyennes entreprises (PME), a-t-elle indiqué.  Se félicitant d’avoir pu progresser dans la réalisation des objectifs de développement durable et d’avoir établi une union douanière avec le Honduras, Mme Juarez a appelé à défendre les droits des plus vulnérables et à réagir de façon coordonnée entre nations pour assurer des migrations sûres, ordonnées et régulières.  Enfin, elle s’est félicitée de la résolution A/RES/72/281(2018) proclamant la Journée internationale des envois de fonds à la famille.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a affirmé qu’il était important de mettre fin à l’approche fragmentée de la migration aux Nations Unies.  Avec l’adoption du Programme 2030, la migration est réapparue dans le programme de l’ONU comme un problème majeur, a-t-il noté.  Puisqu’il n’est pas possible pour un seul pays de gérer les migrations internationales de manière isolée, une réponse mondiale est essentielle pour protéger les droits et la dignité des migrants et de tirer profit du potentiel de développement de ce processus.  Le Bangladesh a compris l’importance de remédier tôt à ce vide politique mondial et a appelé à l’élaboration d’un pacte mondial distinct pour les migrations au début de 2016.

« En tant que principal pays d’origine des migrants, nous sommes heureux de constater que la migration a finalement trouvé sa place dans les discussions aux Nations Unies », a ajouté le représentant.  Se disant satisfait du texte final du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, M. Momen a estimé qu’il constitue une pierre angulaire pour renforcer la gouvernance mondiale de la migration parce qu’il est la première référence mondiale pour gérer la migration mondiale avec une perspective à 360°.  Le but est de mobiliser la coopération internationale et de permettre le renforcement des capacités dans un esprit de partage des responsabilités. 

Au sujet de la mondialisation, M. ZHOU CHENGDU (Chine) a dit qu’aucun pays ne peut faire face, seul aux difficultés, et qu’une coopération mondiale est nécessaire, en tenant compte des spécificités de chaque pays.  Le représentant a plaidé pour une accélération des réformes structurelles afin d’assurer la conversion des anciens modèles vers les nouveaux modèles et de maintenir une économie ouverte.  La Chine soutient toujours les pays qui veulent travailler en vue d’obtenir des résultats, dans le respect des intérêts communs, a fait valoir M. Zhou.  Elle a par exemple donné une nouvelle impulsion aux échanges entre la Chine et l’Afrique pour poursuivre une coopération avantageuse pour tous.

M. JAJILARI (République islamique d’Iran) a déclaré qu’une coopération internationale renforcée est indispensable pour que la mondialisation profite à tous et en particulier aux pays laissés de côté: elle doit permettre d’exploiter ses avantages et de réduire ses risques et ses défis.  À cet égard, a ajouté le représentant, nous sommes d’avis que la solidarité, l’égalité, l’appropriation nationale, l’autodétermination, le respect mutuel et la responsabilité mondiale entre partenaires égaux, ainsi que le principe de la responsabilité commune mais différenciée, devraient être dûment pris en compte dans les discussions sur la mondialisation.  Au niveau international, l’ONU devrait être une force en faveur des aspirations légitimes des pays en développement pour avoir une voix et une représentation plus grandes dans les institutions de gouvernance mondiale.

Pour que tous les pays profitent des avantages de la mondialisation, l’ONU a un rôle important à jouer non seulement pour les aider à mieux faire face aux risques, mais également pour amener tous les pays et autres parties prenantes concernées à trouver des solutions globales à des problèmes communs dans un cadre multilatéral.  Le représentant a ajouté que la migration est un important aspect du développement durable avec ses propres défis et opportunités.  La coopération internationale reste la clef pour tirer parti des opportunités qu’elle offre.  Dans le même temps, le droit souverain des États à déterminer leurs politiques nationales de migration et leurs prérogatives de gérer les migrations dans le cadre de leurs juridictions et conformément au droit international ne peut être occulté. 

Mme FADUA ORTEZ (Honduras) a souligné l’importance de relever les défis que pose la migration aux pays d’origine, de transit et de destination, tels que la régularisation, l’intégration sociale dans des conditions non discriminatoires, par le biais de politiques intégrales et multisectorielles.  Elle a prié tous les États de garantir le plein respect des droits de l’homme de tous les migrants et d’éviter les procédures de détention inadéquates, qui entravent les droits de ces personnes.  Elle a aussi évoqué la Journée internationale des envois de fonds à la famille, le 16 juin, pour rappeler la contribution des travailleurs migrants au développement de leur pays d’origine et l’amélioration des conditions de vie de leur famille.   À cet égard, Mme Ortez a plaidé pour une réduction des frais d’envoi de ces fonds à moins de 3%.  Quant au pacte mondial sur les migrations, elle l’a qualifié de jalon historique et de cadre dynamique permettant d’unir les efforts pour augmenter les bénéfices de la migration comme facteur de croissance économique et de développement social.

M. NEVILLE GERTZE (Namibie) a rappelé qu’avec deux déserts, la Namibie subit régulièrement des sécheresses suivies souvent par des inondations qui affaiblissent les réalisations de développement.  La Namibie est un pays en développement qui souhaite accéder au financement de l’adaptation aux changements climatiques, a-t-il plaidé.  Le représentant a appelé les partenaires du développement à intensifier les efforts et à respecter leurs engagements en matière de financement climatique conformément à l’Accord de Paris, en particulier l’article 9, et au principe des responsabilités communes mais différenciées.  La Namibie est le deuxième pays le moins densément peuplé du monde, a continué M. Gertze pour souligner qu’elle compte beaucoup sur le commerce multilatéral.

M. ABDULMONEM ESHANTA (Libye) a noté que la mondialisation économique pouvait avoir des retombées positives si elle était exploitée à bon escient, commerciales notamment. Cependant, « le commerce ne fait pas tout », et le développement a aussi une grande importance, a noté M. Eshanta.  Du coté des pays en développement, beaucoup n’ont pas accès aux nouvelles technologies: les promesses n’ont pas été respectées, a-t-il déploré.  Il a regretté que le Programme d’action d’Addis-Abeba, qui promet l’utilisation des nouvelles technologies pour combler la fracture numérique, n’ait pas été appliqué en Libye.  Il a aussi interpellé la communauté internationale sur la question humanitaire des migrations, et appelé à des vrais partenariats dans ce domaine.  La Libye est confrontée à des réseaux informels de traite d’êtres humains, une situation qui exacerbe l’instabilité politique dans le pays.  M. Eshanta s’est félicité de l’adoption future du pacte mondial sur les migrations, à Marrakech en décembre, et a invité à traiter les causes profondes qui forcent les personnes à migrer, à savoir éradiquer la pauvreté, et mettre fin aux guerres.

Mme AMENA ALHOSANI (Émirats arabes unis) a loué la mondialisation, mais remarqué que le développement n’était pas équitable dans le monde, que le fossé se creusait et que les changements climatiques faisaient partie de cette équation, tout comme la fracture numérique et les catastrophes entropiques.  Les Émirats arabes unis ont noté que les technologies vertes pouvaient devenir une solution pour l’élimination de la pauvreté: dans ce contexte, elle a évoqué « le nombre titanesque de migrants », et souligné les liens entre développement et immigration, des liens souvent positifs pour les pays d’origine comme les pays de destination.  Les Émirats arabes unis participeront à la conférence internationale de Marrakech, espérant développer des outils supplémentaires pour trouver de nouvelles solutions et réaliser les objectifs de développement durable.

La représentante de l’(Afrique du Sud) a regretté les tendances non démocratiques qui ne font que creuser le gouffre entre pays développés et en développement.  Elle a constaté que les politiques unilatérales ont des répercussions négatives sur le développement durable et équitable et entraînent de plus en plus de disparités entre le Nord et le Sud.  Pour l’Afrique du Sud, le système mondial a négligé les aspirations des pays en développement et entravé le développement de l’Afrique.  Si l’industrialisation a été longtemps reconnue comme un moteur pour parvenir au développement, l’Afrique est préoccupée par le fait que certains pays développés se soient retirés de l’agence chargée de promouvoir l’industrialisation.  Il faut soutenir la création d’un système équitable fondé sur des règles et revitaliser le Cycle de négociations de Doha pour faire avancer les objectifs communs, notamment l’élimination de la pauvreté, menacés par des mesures unilatérales, a conclu la représentante.

Pour M. ALADE AKINREMI BOLAJI (Nigéria), la mondialisation est un processus puissant permettant la croissance et le développement, qui a aussi permis d’augmenter l’intégration sociale et culturelle.  Toutefois, le représentant a noté que les retombées positives ne sont pas réparties de manière équilibrée et que la plupart des pays industrialisés ont utilisé la mondialisation à mauvais escient en essayant d’imposer la redistribution de produits de moindre qualité dans les pays en développement.  Il s’est dit préoccupé que le Cycle de Doha ne soit toujours pas allé au bout du processus et a espéré que les États Membres feront le nécessaire pour le relancer, appelant à plus de démocratie, car seul un système mondial plus juste permettra de résorber les inégalités.  S’agissant des migrations, il a fait valoir qu’elles ont permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté et qu’elles promeuvent le commerce et le développement.

Mgr TOMASZ GRYSA, Observateur du Saint-Siège, a noté avec effarement l’augmentation du nombre des demandeurs d’asile, et appelé à voir les êtres humains au-delà des statistiques.  Les migrants fuient les persécutions, veulent de meilleures conditions de vies, et sont victimes des changements climatiques, a noté le représentant en relevant aussi que très peu d’entre eux veulent quitter leur famille.  On accuse souvent les migrants d’avoir créé les facteurs qui les ont fait fuir, à tort, a-t-il noté.  Rappelant les défis démographiques auxquels sont confrontés les pays développés, il a rappelé que les migrants emmenaient avec eux non seulement leur courage, leur envie de travailler, leur ténacité, mais aussi leurs trésors culturels.  Le pacte mondial sur les migrations fournit tout un éventail de protections pour les migrants, s’est-il réjoui.  Le pacte « réaffirme notre responsabilité à tous de partager ».

Mme CARLA MUCAVI, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a fait savoir que la FAO a publié lundi l’édition 2018 de son rapport phare (La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture), qui met l’accent sur la migration et ses liens avec l’agriculture et le développement rural.  La migration fait en effet partie du développement économique, social et humain et elle constitue un moyen de réduire les inégalités au sein et entre les pays.  Pour autant, a continué Mme Mucavi, la migration devrait être un choix, et non une nécessité.  Les facteurs migratoires sont complexes et entrecroisés.  Ils sont très liés aux objectifs de la FAO de lutte contre la faim, de réduction de la pauvreté rurale et de promotion d’une utilisation durable des ressources naturelles. 

Étant donné que la majorité des migrants viennent de zones rurales, investir dans l’agriculture et le développement rural et des moyens de subsistance résilients est essentiel pour trouver des alternatives aux migrations, a ajouté Mme Mucavi.  Coprésidente du Groupe mondial des migrations avec l’Organisation internationale pour les migrations, la FAO a soutenu la préparation du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.  Elle entend participer activement au nouveau réseau de l’ONU sur les migrations.  En outre, elle aide les pays à traiter des facteurs migratoires et à renforcer les alternatives dans les zones rurales pour offrir à leurs habitants de meilleures options de vie.

M. CHRISTOPHER ROBERT RICHTER, Organisation internationale pour les migrations (OIM), a assuré que la prochaine adoption du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières sera un moment historique, s’agissant du premier cadre multilatéral exclusivement dédié aux migrations.  Pour l’OIM, les progrès enregistrés vont de pair avec d’autres cadres importants de développement comme les Orientations de Samoa, le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, le Programme d’action d’Addis-Abeba, le Nouveau Programme pour les villes, l’Accord de Paris et bien sûr le Programme 2030, qui intègrent tous des éléments clefs sur la migration et reconnaissent donc le lien entre migration et développement.

Aussi le représentant de l’OIM a-t-il invité la communauté internationale à renforcer la cohérence des politiques et la Deuxième Commission à veiller à ce que ses propres délibérations soient en cohérence avec les objectifs prévus du pacte mondial.  En outre, de forts partenariats seront nécessaires entre les parties prenantes concernées: les États et leurs voisins, les autorités régionales, les communautés locales, les migrants et leur famille, les diasporas, les employeurs et les syndicats, certaines organisations intergouvernementales et non gouvernementales.  L’OIM est prête à leur apporter le soutien nécessaire et à leur fournir une plateforme.

Mme SAMIKA SIRIMANNE, Directrice de la division logistique et technologie de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a présenté le rapport du Secrétaire général (A/73/66-E/2018/10) traitant des progrès accomplis dans la mise en œuvre et le suivi des résultats du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) aux niveaux régional et international.  Elle a rapporté que l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC), leurs utilisations et leurs champs d’application n’ont cessé de croître et qu’ils entraînent des changements radicaux dans toutes les sociétés, parfois imprévus.

Elle a noté des progrès avec la téléphonie mobile et les réseaux à haut débit; 90% des 750 millions de personnes en ligne pour la première fois en 2017 viennent de pays en développement.  Cependant, en 2017, la moitié de la population mondiale n’avait pas accès à Internet.  Il reste beaucoup à faire pour atteindre les objectifs arrêtés au niveau international, à savoir la connectivité pour tous et la maximisation de la contribution des TIC au développement durable.  « Le fossé numérique est multidimensionnel, entre âge, sexe, région », a-t-elle relevé. « Il faut traiter tous ces facteurs ».  Les progrès accomplis sur la voie de l’inclusion dans la société de l’information restent très inégaux, a-t-elle ajouté.

Les nouvelles technologies comme la robotique offrent des opportunités pour les pays en développement.  Internet y a créé de nouveaux débouchés pour les petites et moyennes entreprises (PME) surtout celles détenues par des femmes.  Mais les nouvelles technologies comportent aussi des risques: par exemple, l’autonomisation a beaucoup de conséquences sur les secteurs manuels.

Le potentiel de l’économie numérique est immense mais les pays en développement, et surtout les PMA, ne sont pas prêts.  La fracture numérique est immense, a-t-elle noté: le commerce électronique est très avancé dans les pays développés mais encore très peu dans les PMA. 

De nombreuses personnes, en particulier dans les pays à faible revenu, ne parviennent pas à tirer parti des TIC parce que la connectivité y est insuffisante, les coûts y sont élevés pour leur niveau de vie, et leurs compétences font défaut.  La coopération internationale multipartite s’impose pour remédier au problème, et pour relever des défis tels que celui de la cybersécurité, faute de quoi le public perdra confiance dans Internet et les services en ligne, compromettant ainsi leur exploitation au service du développement.  Elle s’est aussi inquiétée du manque de normes concernant les objets connectés, et le grand risque de cyberattaques qui en découle.

Les textes issus du SMSI énoncent les principes que la communauté internationale devrait appliquer pour édifier une société de l’information à dimension humaine, ouverte à tous, privilégiant le développement et contribuant aux trois piliers du développement durable que sont la prospérité économique, l’équité sociale et la durabilité environnementale.  Il appartient à la communauté internationale et à toutes les parties prenantes de favoriser les objectifs de développement dans un contexte d’évolution rapide et imprévisible des technologies, a-t-elle conclu.

Débat interactif

Le Mexique a demandé quels étaient les défis que les experts avaient rencontrés dans les différents organismes ou entités des Nations Unies.  L’experte de la CNUCED, Mme Sirimanne, a fait remarquer qu’il y avait 33 entités et parties prenantes à avoir participé aux travaux.  « Nous entrons dans une nouvelle ère, et nous devons permettre de renforcer les capacités des pays en développement. » Elle a souligné que les besoins sont immenses dans les PMA et les pays en développement sans littoral.  « Hélas, nous ne disposons que de cinq experts; nous n’avons pas les moyens de mettre en œuvre nos conclusions, et d’appliquer nos connaissances. »

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. MAHMOUD EL ASHMAWY (Égypte) a relevé que les TIC sont des vecteurs essentiels pour atteindre les objectifs de développement durable ainsi que les besoins essentiels pour combler les fractures entre et au sein des pays.  Cette quatrième révolution industrielle a montré combien il est difficile d’anticiper les nouvelles technologies et de prendre les mesures nécessaires pour atténuer les inégalités, a souligné le représentant.  Il a rappelé que les personnes âgées, les personnes handicapées ou les personnes vivant dans les zones rurales sont particulièrement tenues à l’écart de l’accès à Internet. 

Le G77 a jugé essentiel de traiter les questions clefs qui devraient permettre à tous de tirer parti des TIC et a insisté sur la nécessité de réduire toutes les inégalités numériques, entre les femmes et les hommes, en renforçant des environnements politiques propices, en améliorant l’accès et le coût aux nouvelles technologies, ainsi que le multilinguisme, grâce à des financements adéquats.  Il est crucial que les pays développés apportent un appui coordonné aux pays en développement par le biais de transferts de technologie à des conditions préférentielles, d’un renforcement des capacités et de l’assistance technique.  Le Groupe a indiqué avoir toujours défendu le mécanisme de facilitation des technologies.  Le monde est de plus en plus interdépendant et il est essentiel de renforcer la représentation des pays en développement dans les instances de décisions mondiales, a-t-il conclu.

Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago), s’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a dit qu’en ayant à l’esprit le principe éthique de ne laisser personne à la traîne, les Nations Unies devraient s’assurer que les bénéfices des TIC, y compris les nouvelles technologies, soient disponibles pour tous.  Les pays de la CARICOM souhaiteraient par exemple bénéficier de mécanismes et technologies d’alerte précoce en cas de catastrophe naturelle, afin de permettre à ces pays vulnérables d’atténuer les effets dévastateurs des phénomènes imprévisibles.  La feuille de route et le cadre d’établissement d’un espace unique des TIC aux Caraïbes ont été approuvés en 2017, mais leur mise en œuvre demande une expertise technique, d’où le besoin de renforcement des capacités en faveur de la sous-région, ainsi qu’un accès préférentiel aux financements pour les pays en développement.  La CARICOM reconnaît, en outre, que les TIC peuvent également être utilisées par des criminels et des terroristes.  Il est donc crucial d’établir une collaboration internationale pour améliorer la cybersécurité.

M. PERKS LIGOYA (Malawi), au nom du groupe des pays les moins avancés (PMA), a noté que les TIC étaient si importantes qu’elles étaient inscrites dans les objectifs de développement durable.  La nature des infrastructures est capitale pour permettre aux PMA de mieux s’intégrer dans la société numérique et de développer leur potentiel, a-t-il souligné.  La propagation des TIC offre, selon lui, de grandes possibilités pour le progrès humain, mais ce potentiel n’est possible que si les TIC sont appliquées pour répondre aux besoins particuliers des pays en retard, a-t-il mis en garde.

Le représentant a fait observer que les bouleversements numériques donnent des résultats complexes et que les progrès demeurent inégaux: le taux d’inscription aux services de téléphonie mobile est passé à 68% dans les PMA; en revanche, l’accès à Internet demeure faible dans ces pays.  « Au rythme actuel, il faudra plus de 50 ans pour que les PMA voient plus de la moitié de leurs citoyens en ligne. »  La plupart des PMA n’ont pas de centrale Internet ni un accès fiable à l’électricité, ce qui constitue un obstacle majeur, a aussi noté M. Ligoya, en précisant également que les réseaux à haut débit font souvent défaut.  Il a cependant noté des améliorations de l’accès aux TIC dans le secteur agricole, de la santé et des banques.  Concernant les banques, elles ont permis l’épanouissement du grand nombre de PME et d’habitants. 

M. FARZANA ZAHIR (Maldives), s’exprimant au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a salué le fait que chaque pays de l’Alliance est désormais connecté à au moins un câble sous-marin de télécommunication.  Ils peuvent donc apprécier un Internet de qualité, même si le coût et l’accès restent un défi.  Il a rappelé que la plupart des petits États insulaire en développement (PEID) ont des populations éparpillées sur plusieurs îles.  De ce fait, la séparation par la mer et les grandes distances entre les territoires et les points de départ des connexions font que la construction de câbles sous-marins pour desservir des petites îles est une activité peu rentable.  En plus, le fait que la plupart des îles sont en dessous du niveau de la mer et le risque des catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre font que ces infrastructures courent le risque d’être détruites.

Pourtant, a expliqué le représentant, les TIC pourraient permettre à ces pays de faciliter l’éducation à distance pour ces contrées éloignées les unes des autres.  Bien plus, des technologies appropriées permettraient d’appuyer des systèmes d’alerte précoce aux catastrophes, tout en facilitant la communication qui est cruciale après les catastrophes.  Les TIC ont déjà permis de renforcer l’inclusion financière dans des îles dépourvues de banques en y introduisant les banques mobiles accessibles grâce au téléphone portable, a salué les Maldives.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. OLADAPO (Nigéria) a noté que les TIC se sont révélées utiles pour faire face à de nombreux problèmes en Afrique, notamment l’accès à la santé et à l’eau douce.  La difficulté est de bâtir une société de l’information pour les générations futures en exploitant les technologies pour mieux intégrer l’Afrique dans la société mondiale de l’information. 

Le représentant a fait savoir que l’Union africaine avait adopté une stratégie basée sur les infrastructures, le renforcement des capacités, la mobilisation des ressources, les partenariats, la recherche et développement, entre autres.  Le cadre réglementaire a aussi été modifié et le mouvement s’accélère.  Le représentant a espéré que l’introduction de ce programme africain permettrait au continent d’avoir plus de possibilités d’accès à Internet, tout en regrettant les difficultés générées par de nouveaux règlements pour lutter contre la cybercriminalité.  Pour sa part, l’Union africaine a adopté une Convention africaine sur la sécurité des services et la protection des données personnelles.  La bonne gestion des TIC est une base nécessaire pour renforcer les projets en cours, a souligné le représentant.  Quant à la fracture numérique, elle montre que des ressources sont nécessaires pour éviter que l’Afrique reste à la traîne de la société de l’information.

M. SHRI VISHNU DAYAL RAM (Inde) a relevé que les TIC ont transformé le monde; la connectivité instantanée et l’information en temps réel a bouleversé l’industrie manufacturière, l’imprimerie, les transports, la santé.  Les TIC forment une base solide pour mettre en œuvre le Programme 2030, a-t-il estimé, tout en déplorant le fossé entre pays développés et pays en développement: 80% des habitants de pays développés utilisent Internet, contre seulement 35% dans les pays en développement.  « Cela doit changer », a-t-il exigé.

Louant les succès du secteur des TIC en Inde, il les a mis sur le compte de programmes gouvernementaux tels que « Startup India ».  Le secteur, a-t-il estimé, pourrait doper le produit intérieur brut (PIB) indien en le faisant passer de 550 milliards de dollars, aujourd’hui, à 1 000 milliards de dollars en 2025.  Le représentant s’est aussi réjoui qu’un nouveau programme ait donné à 1,2 milliard d’indiens leur première « carte d’identité numérique » liée à la technologie biométrique et au secteur bancaire, qui a permis l’ouverture de 320 millions de comptes en banque « pour une industrie de services efficace et transparente ».  Il a aussi évoqué des succès dans le secteur de la santé et de l’agriculture.

Selon M. KONSTANTIN Y. KULIKOV (Fédération de Russie), l'extension de la connectivité et le déploiement des TIC joueront un rôle concret dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  De même, les décisions du SMSI auront une importance capitale dans la stimulation de la coopération internationale. L’économie numérique doit jouer un grand rôle dans la croissance économique inclusive, et il est nécessaire d'inclure les TIC dans des stratégies de développement national et sectoriel, a-t-il aussi déclaré, ajoutant que les TIC devaient être équilibrées et accroître la cybersécurité.  Le représentant a aussi dit qu'il était absolument nécessaire de redoubler d'efforts pour apporter le haut débit aux pays en développement, et ainsi réduire la fracture numérique. Enfin, il a tenu à préciser que la Russie continue de considérer l’ONU comme la principale instance mondiale habilitée à mettre en place un cadre juridique international pour les TIC. 

Mme ROSALIA LUCIA CUE DELGADO (Cuba) a souhaité que la communauté internationale œuvre à la mise en place de politiques pour un usage en toute sécurité des technologies telles que la chaîne de blocs, le nuage et l’intelligence artificielle.  Il faut également, au niveau mondial, éliminer le fossé numérique et promouvoir un accès équitable de tous à ces technologies.  Mais cela nécessite une volonté politique et l’engagement des pays en développement en termes financier, de formation et d’infrastructures, de transfert de technologies ainsi qu’en matière de droit de la propriété intellectuelle. 

Cuba plaide pour que les TIC ne soient pas utilisées comme outils de promotion de la guerre, de déstabilisation ou d’actes de terrorisme, a plaidé la représentante.  Elle a, par exemple, dénoncé les attaques cybernétiques contre des pays tiers et qui ont le potentiel de conduire à des conflits internationaux.  Le seul moyen d’y faire face, a proposé Cuba, est la coopération entre États.  L’Internet doit avoir une gouvernance internationale, démocratique et basée sur le droit international et le multilatéralisme, a suggéré la déléguée, en soulignant que cela devrait contribuer au développement durable des peuples.  Elle a enfin dénoncé le blocus que subit Cuba de la part des États-Unis depuis plus de cinquante ans.  Elle a indiqué que de mai 2017 à mai 2018, ce blocus aura créé un manque à gagner de plus de 60 millions de dollars au pays rien que dans le domaine des télécommunications.

M. ALRAQSHABNDI (Iraq) a relevé les changements apportés par les TIC dans la vie quotidienne, qui renforcent aussi l’efficience, la transparence et la responsabilisation.  La communauté internationale se doit d’apporter un soutien aux pays en développement dans ce domaine, afin que personne ne soit laissé pour compte, a fait valoir le représentant.  Pour sa part, l’Iraq a adopté une stratégie avec une nouvelle trajectoire pour répondre aux besoins de développement et faire en sorte de combler la fracture numérique.  À cet égard, le représentant s’est félicité de la coopération avec la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO).  En 2014, un ministère consacré à la technologie et au développement a été institué, mais le gouvernement, confronté à des difficultés en raison des prix du pétrole et du terrorisme, a dû le fusionner avec un autre.

M. BRUNO RÍOS SÁNCHEZ (Mexique) a jugé fondamental de surmonter les obstacles que rencontrent les personnes pour accéder aux nouvelles technologies car elles sont au centre de toute l’activité humaine et de la connaissance.  Réduire les fractures numériques, en particulier entre les femmes et les hommes, permettra de tirer parti des TIC en faveur du développement durable et de réduire les inégalités.  Sur le plan national, cela demande des améliorations dans les infrastructures, une mise à jour des cadres juridiques et institutionnels et un développement des capacités afin de générer des synergies dans toute la société.  Pour profiter de manière efficace du développement des nouvelles technologies, le Mexique a adopté dès 2013 une stratégie numérique nationale, ce qui lui permet aujourd’hui d’être le premier pays de la région pour les services numériques et le deuxième pour la participation selon l’Indice d’administration en ligne de l’ONU.

Mme RACHEL CHEN (Singapour) a dit être convaincue que les technologies, anciennes et nouvelles, sont destinées à améliorer la vie de tous.  La vision singapourienne est que les personnes doivent pouvoir vivre des vies significatives et bien remplies, offrant des opportunités passionnantes pour tous, avec une transparence que permet la technologie.  Pour atteindre cet objectif, Singapour est en train de mettre sur pied un « gouvernement numérique », grâce à un plan qui vise à faciliter l’usage des technologies dans la fourniture de services gouvernementaux.  Les autorités investissent aussi dans l’économie numérique, grâce à une Feuille de route sur la transformation de l’industrie de l’information et de la télécommunication, qui espère développer les capacités numériques des petites et moyennes entreprises.  Singapour, a jouté la représentante, investit aussi dans les capacités de sa population à utiliser ces technologies.

Mme PAWEENA SUBHIMAROS (Thaïlande) a mis le doigt sur l’écart numérique et encouragé à utiliser davantage les TIC en faveur des personnes aux moyens limités, y compris les ruraux.  La Thaïlande met en œuvre sa politique 4.0 en tant que modèle économique axé non seulement sur la technologie et l’innovation mais aussi sur le renforcement des capacités aux fins de demeurer en phase avec un monde rapide et dynamique sans laisser aucun groupe de côté.  La représentante a précisé que son pays s’efforçait d’assurer un accès inclusif et abordable à l’infrastructure numérique grâce à l’expansion de son système à large bande à haut débit sur l’ensemble du territoire, à travers le programme « Net Pracharath » lancé en 2017 dans les villages.  L’objectif est de couvrir 74 965 villages à la fin de 2018.

Plusieurs initiatives ont également été prises dans le but de maximiser les gains de l’infrastructure numérique existante.  Le gouvernement est également engagé dans un processus de transition vers le numérique pour promouvoir davantage de transparence et d’efficacité en se servant de la technologie électronique dans la plupart de ses opérations.  Le système électronique de la santé a également été promu avec la Stratégie e-santé, tandis qu’existent aussi le Réseau des centres digitaux communautaires et le Centre village commerce électronique.  La Thaïlande travaille enfin dans le cadre des initiatives des villes intelligentes, qui visent à l’intégration des technologies numériques de l’énergie et des transports pour améliorer la qualité de vie des résidents: Pukhet, Chiang Mai et Khon Kaen sont des villes pilotes.  La mise sur pied de l’agence nationale de cybersécurité est en cours afin de prévenir toute menace dans ce domaine.  La représentante a conclu qu’une coopération accrue s’impose pour s’attaquer à ce défi commun et réduire les risques, l’ONU ayant un rôle de levier à jouer pour un partenariat entre pays et parties prenantes.  

M. AL KWARI (Qatar) a souligné la nécessité de redoubler d’efforts en vue de favoriser un environnement propice à la science et à la technique, et pour offrir de meilleures chances à tous, en particulier aux femmes et aux enfants, de profiter des services offerts par les TIC.  Celles-ci sont un moyen de parvenir au développement durable, a-t-il souligné avant d’indiquer que le Qatar avait mis en place des politiques pour favoriser leur développement, dans lesquelles le ministère de la communication joue un rôle essentiel.  Son objectif est de bâtir une société équitable dans laquelle nul n’est laissé pour compte.

Par ailleurs, les cybercrimes et la piraterie sont une source de préoccupation pour le Qatar, qui a été victime l’an passé d’un acte malveillant.  Le représentant a estimé qu’il faut s’attaquer aux dangers que ces phénomènes représentent, en considérant qu’il s’agit d’une menace à la paix et à la sécurité internationales, et que la cybercriminalité est un véritable défi posé à la communauté internationale.  Aussi la coopération est-elle nécessaire sur cette question et le Qatar a proposé d’accueillir une Conférence sur la lutte contre la cybercriminalité.

M. KADIRI (Nigéria) estime que le renforcement des capacités pour une utilisation productive des TIC devrait être dûment pris en compte dans la mise en œuvre du Programme 2030 étant donné son impact direct sur la capacité des États Membres à améliorer le bien-être économique de leurs populations.  Le Gouvernement du Nigéria a lancé sa Feuille de route nationale pour les TIC pour 2017-2020 qui vise à créer 2,5 millions d’emplois entre 2017 et 2020 et à atteindre 30% de niveau de pénétration de bandes passantes avant 2020.  La Feuille de route devrait aider à exploiter les compétences innées et les opportunités offertes aux jeunes, et contribuer à faciliter la prestation de services publics en ligne par le gouvernement et le commerce électronique. 

Le représentant a ajouté qu’il était aussi important que toutes les parties prenantes travaillent ensemble afin de parvenir à une société informative centrée sur l’être humain et ouverte, et à œuvrer aussi en faveur du développement.  Il a appelé les États Membres et le système des Nations Unies pour le développement à assurer que les avantages des TIC, y compris des nouvelles technologies, soient disponibles pour tous.  Il leur faut donc augmenter l’accès aux TIC et fournir un accès universel et abordable à Internet d’ici à 2020, a conclu le représentant.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a déclaré que son pays s’était servi des TIC pour faire avancer son développement et arriver à un « Bangladesh numérique », pour imprégner un changement qualitatif dans la vie de ses citoyens.  Une ample infrastructure digitale couvre tout le pays, les taux de densité Internet sont à la hausse, tandis que les services éducatifs, sanitaires, agricoles et de protection sociale se font désormais en ligne.  L’introduction massive d’Internet à travers les services publics a favorisé la création d’emplois, amélioré la qualité des services et réduit la corruption et les mauvaises pratiques, a-t-il indiqué.  Et de préciser qu’une « immense priorité » avait été octroyée dans le septième plan quinquennal à l’économie rurale, ce qui a permis de réduire les coûts des transactions commerciales avec l’économie urbaine, en rapprochant les fermes des centres de croissance, et les services financiers de la population rurale.  La facilitation de l’accès des femmes rurales et des ruraux en général à des services financiers a réduit les inégalités.

De son côté, la Banque centrale du Bangladesh a joué un rôle pivot en introduisant des services financiers mobiles.  M. Bin Momen a annoncé, en outre, que le Bangladesh explorait la possibilité de garantir la croissance de l’économie bleue reposant sur ses vastes ressources marines.  Le pays crée aussi des parcs TIC, encourage l’investissement privé dans le développement de logiciels, et est entré dans l’ère spatiale après le lancement réussi de son premier satellite Bangadandhu I.  Le représentant s’est toutefois inquiété que tous ces acquis de haute lutte demeurent ouverts à de nombreux risques et menaces, des infrastructures critiques étant devenues les cibles régulières de cyberattaques partout dans le monde.  Ces risques peuvent s’avérer sérieux pour la paix, la sécurité et le développement, a-t-il averti, indiquant également que son pays avait promulgué la loi sur la sécurité numérique.

M. AL-GHFELI (Émirats arabes unis) a assuré que les TIC contribuaient aux progrès de l’humanité dans beaucoup de domaines, comme la recherche scientifique, le développement, les médias: au XXIe siècle, il faut cependant s’assurer que personne ne soit oublié dans la révolution des nouvelles technologies.  Sur le plan national, les Émirats arabes unis ont lancé un service de « gouvernement intelligent » conformément à la vision 2021 du gouvernement.  En outre, une femme a été nommée Ministre pour les sciences avancées.

Les Émirats arabes unis se préparent aussi à explorer l’espace et la planète Mars: le centre spatial des Émirats prépare actuellement un prototype, une sonde, qui sera envoyée autour de Mars en 2020.  Des efforts ont aussi été faits au niveau régional: cette semaine, une école numérique a été lancé en langue arabe et permet de fournir plus de 5 000 cours vidéo en ligne, afin de réduire la fracture numérique en matière de connaissances.  Au niveau international, M. Al-Ghfeli s’est félicité des initiatives numériques du Secrétaire général de l’ONU; les Émirats arabes unis vont d’ailleurs accueillir les 23 et 24 octobre, en collaboration avec la Commission des statistiques de Nations Unies, un forum avec des centaines d’experts et de dirigeants.  Ces efforts ne sont qu’un début: les Émirats arabes unis s’engagent à découvrir de nouvelles frontières scientifiques.

M. MUHAMMAD IMRAN KHAN (Pakistan) a estimé que les gouvernements et l’ONU devraient créer un cadre juridique et réglementaire qui facilite la diffusion et le transfert de technologies et qui aide à redresser leurs conséquences négatives.  Le document final du SMSI, a rappelé le représentant, établit les principes que la communauté internationale devrait suivre dans l’élaboration d’une société de l’information inclusive, centrée sur les personnes et axée sur le développement. M. Khan a annoncé que les efforts du Pakistan pour divulguer les services de télécommunications et pour combler le fossé numérique avaient été récompensés par le prix « GSMA Gouvernement Leadership » en 2017 au Congrès mondial de la téléphonie mobile à Barcelone (Espagne), la plus grande réunion annuelle du secteur de télécommunication.

Mme MERIEM EL HILALI (Maroc) a noté que le monde vivait dans une période de progrès rapides, où la science et les technologies deviennent cruciales pour développer l’agriculture et bien d’autres secteurs.  Elle s’est félicitée de l’initiative du Secrétaire général António Guterres d’organiser des consultations régionales sur le thème du numérique.  La digitalisation est en marche au Maroc, a assuré la représentante, avec le lancement d’une agence de développement numérique qui a insufflé un nouvel élan dans le pays.  La facture Internet a baissé pour les ménages, et l’accès à la téléphonie mobile s’est développé dans les villes comme dans les campagnes; le secteur bancaire marocain a lui aussi connu une embellie grâce aux nouvelles technologies.  Une génération de jeunes diplômés est actuellement formée au Maroc, où le nombre de professionnels a fortement augmenté, avec 30 000 personnes formées par an, a encore signalé Mme El Hilali.  Sur le plan de la coopération Sud-Sud, le Maroc s’est engagé avec d’autres pays d’Afrique, comme la Côte-d’Ivoire, le Gabon, l’Égypte, en signant des partenariats prometteurs.

M. GEBEYEHU GANGA GAYITO (Éthiopie) a noté que bien que les TIC puissent améliorer la productivité et créer des emplois, elles peuvent également être perturbatrices et créer de nouveaux défis pour la société et les décideurs.  Il est donc vital d’adopter des politiques idoines à tous les niveaux, et les Nations Unies et les partenaires au développement devraient soutenir les États Membres pour la mise en œuvre de ces politiques, a estimé le représentant.  Le partenariat multilatéral est également important pour combler le fossé numérique, a indiqué le représentant qui a également évoqué le besoin de ressources pour financer les infrastructures dans le domaine des TIC, sans oublier les transferts de technologies.  Enfin, il a signalé que l’Éthiopie s’était servie des TIC pour exploiter tout le potentiel des secteurs prioritaires comme l’agriculture, la santé, l’éducation et les services.  

M. MACKAY (Bélarus) a évoqué le nouveau modèle de développement que permettent les TIC.  Le principal défi à relever est celui des inégalités entre pays développés et pays en développement, a-t-il estimé.  Il a poursuivi en disant que le Bélarus était en train d’établir une véritable économie numérique.  En outre, le pays s’est doté d’une nouvelle loi pour réglementer les technologies de pointe et jeter les bases d’un nouvel écosystème.  Il occupe d’ailleurs la 32e place au classement mondial du développement des TIC établi par l’Union internationale des télécommunications (UIT).  Le représentant a ajouté qu’il fallait redoubler d’efforts pour aider les États Membres à utiliser davantage les TIC aux fins de développement.  À cette fin, il a conseillé d’adopter une approche plus large pour examiner la question de l’accès aux technologies agricoles, industrielles et autres.

M. ARTHUR AMAYA ANDAMBI (Kenya) a déclaré que l’accès à l’information était crucial pour le développement socioéconomique et que les TIC constituent un outil puissant qui, s’il est exploité d’une façon efficace et équitable, serait susceptible d’autonomiser à la fois les individus et les gouvernements. L’information est vitale pour des services publics efficaces répondant aux besoins des entreprises et des citoyens, a-t-il relevé, soulignant que les TIC sont fondamentales pour la croissance économique.  Compte tenu du fait que les sociétés de demain reposeront sur le savoir, il en résulte que ceux qui réussiront seront ceux-là même qui auront effectivement tiré profit des informations pertinentes.

M. Andambi a ensuite décrit les grandes lignes du Master Plan national de TIC qui définit la façon dont le Gouvernement kenyan entend atteindre ses objectifs économiques.  Le plan englobe des domaines allant de la législation, aux règlements et politiques, en passant par l’infrastructure et le développement du capital humain.  Il identifie également les rôles des secteurs public et privé dans la réalisation des résultats escomptés, tout en reconnaissant que ni le gouvernement ni le secteur privé ne pourront, à eux seuls, réaliser les objectifs. Il ambitionne de faire du Kenya une plateforme régionale (un « hub ») de TIC et d’assurer la transition du pays vers une économie numérique compétitive fondée sur le partenariat; l’équité et la non-discrimination; la neutralité technologique; la protection environnementale et la conservation; la bonne gouvernance; et les mesures incitatives. À cette fin, le Kenya investit également dans l’éducation aux TIC en créant des institutions d’apprentissage pour produire de jeunes talents créatifs.  C’est ainsi qu’à présent, les 47 comtés du pays sont connectés à la technologie à fibre optique.

Mme THERESAH CHIPULU LUSWILI CHANDA (Zambie) a souligné que les TIC présentent de nouveaux défis et des opportunités.  La délégation est également consciente du besoin urgent de répondre aux questions portant sur l’accès des pays en développement aux technologies.  Cela doit se faire dans le cadre du Programme 2030, a estimé la représentante, appelant la communauté internationale à s’engager à réduire la fracture numérique entre les pays.

En ce qui la concerne, la Zambie a identifié les TIC comme vecteur et catalyseur du développement socioéconomique.  Mais avant cela, plusieurs défis doivent être relevés, notamment en matière d’infrastructures, a indiqué la déléguée.  Or à l’heure actuelle, les infrastructures tant publiques que privées sont inadaptées ou fragmentées en Zambie.  C’est pour cette raison que le gouvernement a lancé un plan d’installation d’antenne relais.  Ce programme est dans sa deuxième phase, avec à ce jour, 318 antennes installées sur les 1 009 prévues, s’est félicitée la représentante.

M. VITALII BILAN (Ukraine) s’est dit convaincu que la coopération technique et la diffusion des technologies permettront de combler nombre de lacunes au niveau national pour parvenir au développement durable.  Le monde est en train d’opérer une transition vers une économie numérique et l’Ukraine se veut un modèle en la matière.  Elle met l’accent sur la transition numérique de l’économie et de la société et sur la mise en place d’une coopération efficace entre gouvernement, entreprises et autres secteurs.

L’Ukraine, a poursuivi le représentant, a adopté une approche systémique de gouvernance et a créé par exemple un système de déclaration de revenus en ligne ou un mécanisme de proposition de pétitions en ligne.  Elle a ainsi pu moderniser son service public.  Sa nouvelle stratégie adoptée cette année permettra de mettre en place les pratiques optimales de la technique moderne dans divers domaines, l’objectif étant de passer d’une économie basée sur les matières premières à une économie basée sur les technologies de pointe, a encore expliqué le délégué.

M. HARYO BUDI NUGROHO (Indonésie) a noté le rôle crucial joué par les TIC dans les secteurs économique, social, de la santé et de l’environnement.  Néanmoins, les problèmes de la fracture numérique et du manque de connectivité sont la réalité, a-t-il rappelé.  Se félicitant de la création d’un groupe de haut niveau sur la coopération numérique, il souligné que l’inclusion numérique devait être mise en œuvre pour permettre l’usage du numérique en zone urbaine comme en zone rurale.  « Le pouvoir des TIC est immense pour limiter les intermédiaires et améliorer les processus de décision », a ajouté M. Nugroho, qui a aussi recommandé de garantir une reconversion pour les personnes qui ont perdu leur emploi à cause des TIC.

M. AL HAMAR (Bahreïn) a assuré que le royaume faisait de son mieux pour la digitalisation, grâce notamment à son programme national de création d’une ville intelligente.  Des règlements ont été établis, et des lois amendées, pour renforcer les TIC dans le royaume.  Les investissements étrangers au Bahreïn ont augmenté, a-t-il ajouté en expliquant que le pays était devenu un modèle en matière de TIC dès 2017 quand l’entreprise de commerce en ligne Amazon l’avait choisi comme premier centre régional au Moyen-Orient.  « Nul doute qu'il bénéficiera à tous les pays de la région », s’est réjoui le représentant.  Pour continuer sur cette voie, il a dit qu’il faudrait encore élargir les infrastructures pour renforcer le numérique au Bahreïn et former des cadres et des talents. 

Mme T KHAM SENG (Myanmar) a dit que son gouvernement avait adopté des politiques et des plans pour le développement des TIC et pour une meilleure connectivité.  La politique économique en 12 points du Myanmar adoptée en 2016 donne la priorité au secteur des TIC et vise à créer la stratégie numérique du gouvernement, un système de gouvernement en ligne et des bases de données numériques pour les cartes d’identité numérisées.  Le gouvernement offre aussi des options numériques pour les soins de santé, l’apprentissage, et des services financiers.

Il déploie des efforts pour avoir une bonne infrastructure numérique en coopération avec les partenaires du développement et des investisseurs afin de parvenir à une plus grande inclusion financière.  Le gouvernement accélère aussi ses initiatives pour le développement de l’économie numérique: les secteurs agricoles, hôteliers, touristiques et des petites et moyennes entreprises en ont été les domaines prioritaires.  La représentante a enfin indiqué que le Myanmar élabore à l’heure actuelle une loi qui entend lutter contre la cybercriminalité et règlementer la preuve électronique.

M. PHILIP FOX-DRUMMOND GOUGH (Brésil) a plaidé pour le renforcement de la collaboration internationale en vue de résoudre le fossé numérique et les questions de transfert de technologies.  Il faut également renforcer les capacités nationales afin de réduire les inégalités en matière de TIC entre pays.  Le Brésil suggère que ces renforcements de capacités tiennent compte des priorités et besoins de chaque pays et de leurs priorités de développement durable.  Et il faut aussi veiller à donner la priorité aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées qui sont le plus souvent laissés à la traîne. 

Pour sa part, le Brésil a modifié son cadre national sur la science, la technologie et l’innovation en février dernier, avec pour but de renforcer les liens entre le secteur privé et les institutions scientifiques.  En mars, c’est la stratégie nationale de transformation numérique qui fut lancée, alors qu’en août dernier, le Président de la République a promulgué une loi sur la protection des données.  Le Brésil souhaite que ces concepts complexes portant sur l’emploi, la régulation, les impôts, la vie privée et l’éthique soient débattus continuellement par les Nations Unies. 

M. AL JAUWAN (Arabie saoudite) a reconnu que les TIC avaient amélioré la vie des gens et eu une forte influence sur le développement des pays.  Il a déploré le manque d’accès aux TIC dont souffrent les pays en développement en général et a demandé à la communauté internationale de redoubler d’efforts pour que tout le monde y ait accès.  Ces technologies ont une importance fondamentale pour obtenir un emploi et, sur le plan national, l’Arabie saoudite a développé plusieurs programmes numériques qui ont facilité le travail de milliers d’entreprises.  Le représentant a dit toutefois partager les inquiétudes communes sur la cybersécurité des données, ce qui a poussé l’Arabie saoudite à créer une organisation nationale dédiée à ce problème.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Éducation, eau, logement, santé mentale: la Troisième Commission s’intéresse à ces droits sous l’angle des personnes en mouvement et du rôle des États

Soixante-treizième session,
25e & 26e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4239

Éducation, eau, logement, santé mentale: la Troisième Commission s’intéresse à ces droits sous l’angle des personnes en mouvement et du rôle des États

Les cinq Rapporteurs spéciaux qui se sont entretenus, aujourd’hui, avec les délégations à la Troisième Commission ont cherché à identifier les moyens de promouvoir les droits de l’homme en faveur des personnes les plus vulnérables, notamment les migrants et les réfugiés, sous l’angle de l’éducation, du logement, de l’accès à l’eau ou encore de la santé mentale.  Ils se sont également interrogés sur l’action de la société civile, les prétentions du secteur privé et les capacités de l’État, en particulier dans la lutte contre la pauvreté extrême, en s’élevant le plus souvent contre la tendance visant à marginaliser le rôle régulateur de ce dernier.

Les prémisses de la privatisation sont basées sur des postulats fondamentalement différents de ceux qui sous-tendent le respect des droits de l’homme, a accusé M. Philip Alston, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté.  « Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui a été fondamentalement transformé par l’expansion généralisée de politiques économiques néolibérales », l’objectif étant d’assurer une « présence minimale de l’État » dans la vie des citoyens, a-t-il regretté.

C’est aussi le constat du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, M. Leo Heller, pour qui la mondialisation et la vague néolibérale ont souvent affaibli le rôle de l’État dans la fourniture et la régulation des services d’accès à l’eau et à l’assainissement.  L’idée d’une plus grande efficacité du secteur privé ou de sa plus grande aptitude à mobiliser des ressources financières, l’affirmation qu’il serait plus innovant, pourrait générer des profits plus importants, serait plus flexible et pourrait éviter les rigidités et l’inefficacité des bureaucraties gouvernementales ont été vigoureusement contestées par M. Alston, qui a dénoncé une énorme déconnection entre cette version idéalisée et les résultats de nombreuses études théoriques et empiriques sur le sujet.  Pour lui, les initiatives privées sont souvent plus coûteuses, moins efficaces et fournissent des services de qualité inférieure, tout cela en amassant des profits considérables.

L’affaiblissement du rôle régulateur ou moteur de l’État soulève en tout cas des questions quant à la possibilité d’une réglementation efficace des prestataires de services privés et des défis aux mécanismes de redevabilité, a ajouté M. Heller. 

Or, jugé fondamental par l’Espagne, ce principe de redevabilité est aussi l’un des principaux facteurs permettant d’assurer le bien-être économique d’un pays, a estimé la Fédération de Russie, alors que l’Union européenne lui accordait deux aspects, l’un correctif et l’autre préventif.  Mais si le principe est approprié, il est susceptible d’interprétations diverses, et donc d’abus, a mis en garde l’Afrique du Sud.

Le rôle de l’État était également présent dans la présentation de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation, Mme Koumbou Boly Barry, pour qui la mise en œuvre de celui-ci incombe aux gouvernements.  Mais comment s’en prendre à l’État quand cela n’est pas fait? a demandé l’Afrique du Sud.

Surtout comment assurer le suivi de l’éducation pour les migrants et les réfugiés, a enchaîné le Maroc, alors que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture s’interrogeait sur les mesures que les gouvernements pourraient prendre pour intégrer l’éducation des réfugiés dans les plans et politiques d’éducation nationale.

Il a encore été beaucoup question des réfugiés et migrants dans les discussions de ce jour.  En matière d’éducation, la Convention relative au statut des réfugiés est claire et dispose expressément que les réfugiés doivent être traités sur le même pied d’égalité que les nationaux, au moins en ce qui concerne l’enseignement primaire, a insisté Mme Boly Barry.  Or, a-t-elle rappelé, seuls 61% des enfants réfugiés ont accès à l’enseignement primaire, contre une moyenne mondiale de 91%. 

Le Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, M. Dainius Pūras, s’est, lui aussi, intéressé aux quelque 65,6 millions de personnes dans le monde qui ont été forcées de quitter leur domicile du fait des conflits, de diverses formes de violences, de catastrophes ou de la pauvreté.  Son rapport traite en effet à la fois du droit à la santé mentale des enfants et des familles en déplacement, et de la détention des personnes migrantes, une pratique que de nombreux pays ont adoptée comme stratégie par défaut pour réglementer la mobilité humaine.  M. Pūras a notamment dénoncé les atteintes à l’unité familiale dans le contexte de la mobilité humaine comme portant préjudice à la santé mentale et au bien-être des enfants et des adolescents en mouvement, avec des conséquences susceptibles de durer des années.

C’est surtout face à la « violation terrible des droits de l’homme » que constitue la question des sans-abri que la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination dans ce contexte, Mme Leilani Farha, s’est élevée, qui a rappelé qu’un quart de la population urbaine mondiale, soit 870 millions de personnes, vit dans des logements inadéquats, dépourvus de services d’eau et d’assainissement.  La Rapporteuse spéciale a dit ne pas comprendre pourquoi, dans toujours plus de pays, les gouvernements avaient du mal à gérer la crise du logement et le faisaient de manière parcellaire plutôt qu’en adoptant une stratégie globale fondée sur les droits de l’homme. 

Enfin, huit délégations sont intervenues aujourd’hui dans le cadre de la discussion générale sur tous les aspects de la protection et la promotion des droits de l’homme, thème dont la Troisième Commission continuera l’examen lundi 22 octobre, à partir de 10 heures.  Experts et délégations dialogueront en particulier sur les droits des personnes handicapées ou atteintes d’albinisme, sur les libertés de religion ou de croyance ainsi que d’opinion et d’expression et sur les effets de la dette sur les droits de l’homme, notamment les droits économiques, sociaux et culturels. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

Mme KOUMBOU BOLY BARRY, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation, a présenté son rapport, consacré principalement au droit à l’éducation des réfugiés, une question « particulièrement pertinente dans le contexte actuel ».  Insistant sur le fait que plus de la moitié des 25,4 millions de réfugiés dans le monde ont moins de 18 ans, donc sont en âge d’aller à l’école et que la précarité de leur situation perdure pendant des décennies, la Rapporteuse spéciale a expliqué que l’éducation des réfugiés devait être envisagée à moyen et long terme pour permettre le développement pacifique et durable des pays hôtes, ainsi que la reconstruction des pays en proie aux conflits, grâce au retour de populations qualifiées et instruites. 

Seuls 61% des enfants réfugiés ont accès à l’enseignement primaire, contre une moyenne mondiale de 91% et les filles sont deux fois moins susceptibles de s’inscrire à l’école que leurs pairs masculins, a fait observer Mme Boly Barry.  Or, il y a là une responsabilité de l’État, d’autant que la Convention relative au statut des réfugiés dispose expressément qu’ils doivent être traités sur le même pied d’égalité que les nationaux, au moins en ce qui concerne l’enseignement primaire. 

Mme Boly Barry a rappelé que la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, de 2016, faisait de l’éducation un élément essentiel de la réponse à la crise de réfugiés.  Elle a d’ailleurs noté que la Déclaration appelait également à l’élaboration d’un pacte mondial sur les réfugiés, apportant son « soutien total » à ce dernier.

La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté ses recommandations pour aider les États Membres dans leurs efforts visant à assurer une éducation inclusive de qualité aux réfugiés.  Elle a cité, entre autres, le fait d’anticiper et répondre aux différences culturelles et linguistiques de ces étudiants ou encore de mettre à leur disposition des formes d’éducation souples, telles que l’éducation accélérée, l’éducation non formelle, les rattrapages, les programmes de transition et de soutien linguistique intensif, et ce, afin de les aider à combler le fossé des années de scolarisation manquées ou à acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour s’adapter au système d’enseignement du pays d’accueil.

Répétant que la mise en œuvre du droit à l’éducation incombe aux États, la Rapporteuse spéciale a ajouté que ces derniers devaient aussi prendre les mesures nécessaires pour que les familles de réfugiés soient bien intégrées dans la communauté, notamment en accordant des permis de travail leur permettant de s’affranchir de la pauvreté.  Elle a demandé qu’une attention particulière soit accordée à l’accès des filles réfugiées à l’école.  En outre, les États devraient aussi prendre les mesures nécessaires pour qu’existe un nombre suffisant d’enseignants formés et motivés pour répondre efficacement aux situations des apprenants en situation de crise, ce qui suppose notamment un salaire adéquat et un soutien psychologique approprié.  Il serait d’ailleurs souhaitable que soient utilisés des enseignants de profession se trouvant parmi les réfugiés. 

Sur l’aspect financier, Mme Boly Barry a rappelé que les pays en développement étaient les principales victimes de la crise mondiale des réfugiés, et que ces derniers se retrouvaient souvent dans des endroits où les ressources étaient limitées.  « Il est pour cela essentiel que les donateurs, les agences d’aide et les organisations internationales planifient et financent de manière adéquate l’inclusion des réfugiés dans l’éducation » a-t-elle insisté.

La Rapporteuse spéciale a enfin rappelé que les apprenants des populations réfugiées souffraient souvent de cicatrices émotionnelles trop souvent ignorées ou traitées superficiellement dans les programmes éducatifs.  Elle a donc insisté sur le fait que les États devaient prendre des mesures appropriées pour intégrer une dimension psychosociale, ainsi que des valeurs de paix, de spiritualité, de confiance en soi, de tolérance et d’inclusion dans le noyau pédagogique. 

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec Mme Koumbou Boly Barry, le Qatar a dit accepter les recommandations de la Rapporteuse spéciale car elles accordent un intérêt particulier à la nécessité pour les jeunes filles réfugiées d’aller à l’école.  Les filles reçoivent « la part du lion de l’éducation » au Qatar, notamment celles vivant en situation de vulnérabilité.  Le Qatar a demandé à Mme Boly Barry de faire état des bonnes mesures prises par les États à cet égard. 

Le Royaume-Uni a rappelé qu’il travaillait en partenariats multilatéraux dans le domaine de l’éducation.  Il fournit notamment un appui important à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et apporte des mesures d’assistance dans le cadre du Programme 2030.  Il considère également qu’il faut 12 ans d’éducation au moins pour les garçons comme pour les filles et qu’une plus grande attention doit être accordée aux différentes formes de violence auxquelles sont confrontés les enfants.  Dans ce contexte, il a demandé comment améliorer l’accès et la qualité de l’éducation dans le monde. 

L’Union européenne a rappelé son ferme engagement à garantir le droit à l’éducation pour tous.  Face aux conflits qui durent dans le monde, il est essentiel de réfléchir à des solutions d’éducation à long terme pour répondre aux besoins des personnes déplacées.  À cette fin, l’Union européenne accorde des bourses pour permettre aux réfugiés d’aller dans des universités nationales et finance des solutions pour les jeunes en situation d’urgence.  L’Union européenne a souhaité savoir comment faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’enseignants pour les situations d’urgence et a demandé des exemples de bonnes pratiques en la matière. 

L’Indonésie a estimé que l’éducation en situation d’urgence méritait une attention particulière et un financement supplémentaire de la communauté internationale.  Elle a toutefois reconnu que les États avaient de nombreux obstacles à surmonter en la matière, notamment pour réaliser l’objectif 4 de développement durable d’une éducation de qualité.  Elle a aussi demandé comment impliquer les réfugiés dans les mesures les concernant en lien avec l’éducation.  Enfin, elle a souhaité en savoir plus sur les avantages pour les jeunes d’Internet et des technologies de l’information et de la communication.  Cette question a également été posée par l’Estonie, qui estime par ailleurs que l’éducation est un des outils les plus efficaces pour la prévention des conflits et permettre la création de sociétés résilientes, et fournit à cette fin une éducation de qualité aux réfugiés, l’objectif étant d’intégrer les enfants de réfugiés dès leur arrivée dans le pays. 

Le Maroc a souhaité savoir quel système éducatif devrait être mis en place pour garantir un droit effectif à l’éducation pour les réfugiés.  Il aimerait également savoir comment garantir la reconnaissance de certificats d’éducation antérieurs dans un nouveau pays dans le cas des réfugiés et comment l’éducation peut permettre à ces personnes de s’intégrer dans la société. 

Cuba a souligné que, depuis le 1er janvier 1959, la garantie d’une éducation complète et gratuite est l’un des principaux engagements du Gouvernement.  Celui-ci a développé des efforts importants dans ce domaine, comme cela est reconnu par le système spécialisé des Nations Unies, mais il est limité par la politique criminelle de blocus imposée par les États-Unis. 

Le Portugal a rappelé qu’il avait mis en place une plateforme mondiale pour les étudiants syriens, laquelle a permis l’octroi de nombreuses bourses à ces jeunes.  Il a lancé un appel pour la création d’un mécanisme de réponse rapide dans ce domaine et a, lui aussi, demandé ce qui pourrait être fait pour soutenir l’inclusion des réfugiés dans les États d’accueil. 

La Hongrie a mis l’accent sur l’éducation des minorités et le droit de recevoir une éducation dans sa langue maternelle.  Le Gouvernement hongrois s’est engagé à promouvoir le droit des minorités à l’éducation et la législation en vigueur étend ses dispositions aux personnes qui appartiennent à l’une des 13 communautés hongroises.  Mais la Hongrie est préoccupée par la politique de l’Ukraine concernant les langues minoritaires, notamment par la loi qui limite les droits des minorités en matière d’utilisation de leur langue.  À cet égard, elle a demandé comment l’éducation pour les minorités peut contribuer à l’ensemble de la société.  L’Ukraine a dit accorder une grande place à l’éducation afin de garantir un développement pacifique et durable de ses jeunes.  Il a précisé qu’une réforme de l’éducation avait été entamée, en 2017, avec pour objectif une modification systémique afin de garantir le principe d’inclusivité, notamment des minorités nationales.

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) est d’accord avec le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les obstacles rencontrés par les migrants et les réfugiés en matière d’éducation.  Dans ce contexte, l’UNESCO a toujours travaillé sur la définition de normes pour que le droit à l’éducation soit une réalité pour ces populations, notamment à l’adoption de conventions nationales pour la reconnaissance des diplômes et qualifications.  Le mois prochain, l’UNESCO publiera son rapport de suivi sur l’éducation dans le monde, qui se penche notamment sur les questions d’éducation et de migrations.  L’UNESCO aimerait avoir l’opinion de la Rapporteuse spéciale sur les mesures que les gouvernements pourraient prendre pour intégrer l’éducation des réfugiés dans les plans et politiques d’éducation. 

Réponses

Dans ses réponses, Mme KOUMBOU BOLY BARRY a insisté sur la question de l’inclusion en accordant une attention particulière aux filles réfugiées.  Elle a suggéré la mise en place d’un budget spécifique pour l’éducation de celles-ci, qui ont besoin d’une protection supplémentaire.  Un autre élément, selon elle, est de former ces filles à s’auto-protéger en gérant leurs émotions.  La Rapporteuse spéciale a préconisé d’impliquer la famille, la communauté et les enseignants, lesquels doivent aussi être formés à une approche sexospécifique.  Mme Boly Barry a, de même, plaidé pour un budget et des mesures spécifiques en matière de santé, d’environnement scolaire et d’encadrement pédagogique au profit des enfants en situation de handicap. 

Pour garantir les réformes nécessaires au sein du système éducatif des pays d’accueil, elle a plaidé pour une planification qui intègre l’éducation des réfugiés par des politiques ayant pour cible les réfugiés.  Un budget et des mécanismes nationaux de prévention, de gestion et d’alerte précoce des conflits et des crises sont à intégrer dans cette approche. 

Mme Boly Barry a de nouveau insisté sur la formation des enseignants, notamment quant aux valeurs et à la psychologie des populations réfugiées.  Elle a cité le Burkina Faso comme un exemple de bonnes pratiques, notamment pour faire face à l’insuffisance du personnel enseignant et pour la préservation des langues et cultures des minorités au sein des réfugiés, à travers un système du « cotutorat », chaque enseignant burkinabé étant accompagné d’un enseignant issu du groupe des réfugiés.  C’est là, pour la Rapporteuse spéciale, un moyen d’intégrer directement les réfugiés dans le processus d’apprentissage. 

Enfin, Mme Boly Barry a mis en avant l’importance des données spécifiques aux populations réfugiées, qui permettent ensuite de mieux répondre à leurs besoins et de les aider à une meilleure intégration dans les sociétés d’accueil, sans pour autant ignorer leur particularité en vue d’un éventuel retour dans leur pays d’origine.

Déclaration liminaire

M. PHILIP ALSTON, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, a présenté son rapport portant sur l’impact des politiques de privatisation des biens, de l’espace et des services publics sur la pleine jouissance de tous les droits de l’homme, particulièrement pour les personnes vivant dans la pauvreté. 

« Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui a été fondamentalement transformé par l’expansion généralisée de politiques économiques néolibérales » a exposé le Rapporteur spécial.  Ainsi, a expliqué M. Alston, alors que la notion de néolibéralisme renvoie à une panoplie complexe de politiques, ses principes de base reposent sur un attachement profond à la diminution à la fois du rôle joué par les gouvernements et des ressources qui leur sont allouées, à la privatisation du plus grand nombre possible d’aspects de l’activité sociale et économique et à la réduction des impôts, l’objectif étant d’assurer une présence minimale de l’État dans la vie des citoyens.

Les prémisses de la privatisation sont basées sur des postulats fondamentalement différents de ceux sous-jacents au respect des droits de l’homme, tels que la dignité et l’égalité, a estimé M. Alston.  « Le profit est l’objectif prépondérant et toutes autres considérations telles que l’égalité et la non-discrimination sont automatiquement écartées » a-t-il encore noté.  « La régulation et autres contraintes sont vues comme des obstacles à l’efficacité, les titulaires de droits comme des clients et ceux qui sont pauvres, dans le besoin ou en difficulté sont marginalisés ».

Le Rapporteur spécial a déploré que, dans ce genre de système, il n’y ait pas de place pour la bienveillance, la compassion, les interactions sociales ou encore la solidarité.  Pour lui, la société civile a un rôle vital à jouer, rôle qu’elle ne peut remplir sans ressource ou autorité.  M. Alston s’est opposé à l’idée d’une plus grande efficacité du secteur privé ou de sa plus grande aptitude à mobiliser des ressources financières, à l’affirmation qu’il serait plus innovant, pourrait générer des profits plus importants, serait plus flexible et pourrait éviter les rigidités et l’inefficacité des bureaucraties gouvernementales.  Le rapport démontre au contraire une énorme déconnection entre cette version idéalisée et les résultats de nombreuses études théoriques et empiriques sur le sujet, a affirmé M. Alston, selon qui les initiatives privées sont souvent plus coûteuses, moins efficaces et fournissent des services de qualité inférieure, tout cela en amassant des profits considérables.

Le Rapporteur spécial a en outre regretté que les droits de l’homme soient rarement inscrits dans les accords de privatisation et s’est élevé contre l’affaiblissement de la démocratie qu’entraînent les privatisations en marginalisant le rôle des gouvernements, en décidant de l’allocation des biens et services publics, n’encourageant ainsi pas les citoyens à participer aux élections.  « Une tendance au désintérêt de la chose politique, particulièrement chez les personnes à faible revenu, est visible depuis maintenant plusieurs années et les politiques d’austérité connectées à la privatisation ont créé un terreau fertile à l’émergence d’hommes politiques populistes et antidroits de l’homme » a-t-il lancé en conclusion.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Philip Alston, l’Union européenne a estimé que le rapport de celui-ci montrait clairement les efforts à faire face à l’extrême pauvreté et la complexité des réponses à apporter pour s’attaquer à ses causes profondes.  Pour l’Union européenne, la pauvreté est essentiellement liée à la discrimination et beaucoup de mesures restent à mettre en place pour éliminer ce fléau, en particulier pour les plus marginalisés.  Dans ce contexte, l’Union européenne aimerait que le Rapporteur spécial précise les bonnes pratiques rencontrées en lien avec la réalisation de l’objectif 1 de développement durable (l’élimination de la pauvreté).  Elle aimerait aussi savoir si des initiatives ciblant spécifiquement des personnes vivant dans l’extrême pauvreté avaient été couronnées de succès. 

L’Afrique du Sud a souligné la nécessité d’évaluer les effets de la privatisation sur les droits de l’homme et a remercié le Rapporteur spécial de s’être intéressé à cette question et à son suivi.  Si les organes des droits de l’homme n’agissent pas, comment faire en sorte que ce suivi ait lieu? s’est-elle interrogée.  Comment s’en prendre à l’État quand cela n’est pas fait?  L’Afrique du Sud aimerait aussi connaître l’opinion du Rapporteur spécial sur la responsabilité du secteur des affaires à la suite de violations des droits de l’homme.  L’Érythrée a dit apprécier le travail réalisé par le Rapporteur spécial et l’accent mis dans son rapport sur la privatisation.  Elle a dit appuyer de façon continue ses travaux. 

Réponses

Dans ses réponses, M. PHILIP ALSTON a tout d’abord réaffirmé le lien existant entre l’élimination de la pauvreté et la promotion des objectifs de développement durable et s’est dit préoccupé des modalités d’évaluation des programmes visant leur réalisation. 

Par ailleurs, le Rapporteur spécial a attiré l’attention sur le sort des filles et des enfants en général et a évoqué le dernier rapport 2018 de la Banque mondiale sur la pauvreté et la prospérité partagée intitulé: « compléter le puzzle de la pauvreté », en pointant du doigt la réalité à l’intérieur d’un ménage, où l’homme se taille la part du lion en matière de nourriture et autres ressources disponibles, contrairement aux femmes et aux enfants, particulièrement les filles.  Même s’il existe une prise de conscience, « nous ne faisons pas assez » en faveur de la protection des filles et des enfants, a-t-il fait observer. 

M. Alston a indiqué que, dans le cadre de ses visites sur le terrain, il s’est rendu compte que, malheureusement, « il y a plus de paroles que d’actions ».  Il a invité en outre les différents organes de suivi en matière des droits de l’homme à « faire beaucoup plus », une critique qu’il s’adresse également à « lui-même ».  Il a par ailleurs, évoqué la question de la réduction des impôts aux États-Unis, qu’il a qualifiée de « dramatique » et d’ « attaque » aux droits de l’homme.  Pour lui, la communauté des droits de l’homme et la société civile auraient dû se pencher sur cette question et travailler avec les autorités.

Déclaration liminaire

M. LEO HELLER, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, a indiqué que la diversité des acteurs jouant un rôle clef dans le secteur de l’eau et de l’assainissement remet en question le cadre traditionnel des droits de l’homme centré sur l’État.  En effet, a-t-il expliqué, ce cadre comporte des lacunes en matière de redevabilité.  En conséquence, lorsque le droit à l’eau et à l’assainissement est affecté, il n’est pas toujours aisé d’identifier les responsables, ni comment appliquer les sanctions et encore moins comment remédier à la situation.  C’est pourquoi son rapport porte, cette année, sur le principe de responsabilité dans le contexte de la réalisation des droits de l’homme à l’eau et à l’assainissement.

La mondialisation et la vague néolibérale ont souvent affaibli le rôle de l’État dans la fourniture et la régulation de l’eau et de l’assainissement des services, a fait observer M. Heller.  Cela soulève des questions quant à la possibilité d’une réglementation efficace des prestataires de services privés et des défis aux mécanismes de redevabilité, en particulier du fait que ces services sont fournis dans le cadre d’un système de monopole naturel, avec seulement un fournisseur pour un territoire donné.

Une autre caractéristique particulière à ce secteur est la présence de fournisseurs de services informels et non réglementés qui opèrent sans autorisation et qui, par conséquent, ne peuvent être tenus pour responsables, a poursuivi le Rapporteur spécial.  De même, dans le contexte de crises comme celle des migrants, il n’existe pas de cadre défini de responsabilité basé sur les droits de l’homme pour fournir des orientations et normes adéquates.  Conjuguée à l’urgence de la situation dans laquelle les acteurs opèrent, cette situation crée un fossé dans lequel personne n’est tenu pour responsable.

Compte tenu de ces observations, le Rapporteur spécial a dit avoir adopté dans son rapport une approche multidimensionnelle pour expliquer la notion de redevabilité dans le secteur de l’eau potable et de l’assainissement.  Celle-ci repose sur trois dimensions: la redevabilité et le rôle des responsables, l’explication et la justification et enfin les sanctions.

Pour M. Heller, la redevabilité est un principe fondamental et transversal des droits de l’homme.  Son objectif est d’aboutir à un équilibre dans la concentration des pouvoirs, afin de protéger les plus vulnérables.  Ces principes doivent servir de mécanismes pour identifier les acteurs étatiques et non étatiques redevables des décisions ou inactions qui affectent la jouissance des droits de l’homme en matière d’eau et d’assainissement.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Leo Heller, l’Espagne s’est dite d’accord avec le Rapporteur spécial sur le caractère fondamental du principe de redevabilité.  L’Espagne, qui constate les défis auxquels sont confrontés les acteurs du secteur de l’eau, notamment dans la réalisation du droit à l’eau potable et à l’assainissement, a souhaité avoir des exemples de bonnes pratiques en matière d’accès à ces services de base pour les personnes vulnérables.  L’Allemagne, qui estime que chacun devrait avoir accès à l’eau potable et à l’assainissement, a reconnu que c’était encore loin d’être le cas.  Renforcer les capacités des fournisseurs de services d’eau doit être une priorité pour tous les États.  L’Allemagne demande, à cet égard, au Rapporteur spécial d’identifier les meilleures pratiques en la matière et aimerait savoir comment concevoir le droit à l’eau potable et à l’assainissement sur le plan légal.

L’Union européenne a estimé que, s’agissant du droit à l’eau potable et à l’assainissement, le principe de redevabilité a deux aspects, l’un correctif et l’autre préventif.  Rappelant qu’elle est l’un des principaux donateurs de la coopération internationale dans le monde, l’Union européenne a souhaité savoir comment mettre en place un système de redevabilité mutuel, comme cela est prévu dans la Déclaration de Paris.  Se félicitant que le rapport souligne le frein à la mise en œuvre du concept de redevabilité que représente la fragmentation dans le secteur de l’eau, la Suisse y a vu la justification de sa politique de promotion d’une gestion intégrée de l’eau.  Elle a demandé dans quelle mesure une gestion décentralisée de l’eau pourrait faciliter, ou compliquer, la mise en œuvre du principe de responsabilité.

L’Afrique du Sud s’est déclarée convaincue que l’eau, c’est la vie, et l’assainissement, la dignité.  Le principe de redevabilité est approprié car il met en avant l’importance des moyens mis en œuvre pour la réalisation des objectifs de développement durable et l’élimination de la pauvreté.  Dans le contexte de la justice transitionnelle, la redevabilité présente un potentiel d’interprétations diverses, et donc d’abus, a mis en garde l’Afrique du Sud, qui a demandé au Rapporteur spécial de livrer sa position sur ce que le principe de redevabilité représente par rapport au droit à l’eau potable et à l’assainissement pour les communautés pauvres.

L’État de Palestine a rappelé que, depuis l’occupation par Israël, les Palestiniens avaient subi des violations des droits de l’homme à grande échelle, notamment en matière d’accès à l’eau potable.  Israël utilise l’eau comme une arme contre les Palestiniens, a accusé la délégation, qui a fait observer qu’à Gaza et en Cisjordanie, de très nombreux Palestiniens n’avaient pas d’accès à l’eau alors qu’à quelques kilomètres d’eux, des Israéliens arrosent leur pelouse.  La délégation se félicite que le rapport souligne ces déséquilibres et mette l’accent sur la redevabilité.  Elle souhaiterait savoir quel mécanisme permettrait de mettre Israël devant ses responsabilités.  Israël a dit travailler avec ses partenaires de la région en vue d’élargir les ressources en eau disponibles au Moyen-Orient.  Israël a notamment un projet de « Grande mer Morte », qui doit créer de nouvelles sources dans la région et dont la Jordanie et les Palestiniens devraient bénéficier, tout comme Israël.  Les États-Unis, l’Union européenne, le Japon et d’autres pays ont déjà promis des fonds pour ce projet, a ajouté la délégation, qui a demandé au Rapporteur spécial s’il connaissait des projets semblables transfrontaliers.

El Salvador a, lui aussi, mis l’accent sur la redevabilité et a souhaité savoir quelles sont les déficiences en matière de responsabilité partagée.  Existe-t-il une jurisprudence en la matière, a-t-il, demandé.

Le Maroc a assuré avoir déployé des efforts considérables en matière d’accès à l’eau comme à l’assainissement, en tenant pour preuve le programme d’urgence 2018-2025 lancé pour répondre à ces défis.  En outre, le Conseiller ministériel de l’eau a lancé un programme pour accélérer les investissements dans le secteur et construire de nouveaux barrages.  Le Maroc a aussi mis en place un programme d’épuration des eaux usées et d’assainissement liquide en milieu urbain et rural.  Sur cette base, le Maroc souhaiterait avoir des exemples pratiques pour atteindre l’objectif 6 du Programme 2030.

La Fédération de Russie estime que la redevabilité est l’un des principaux facteurs permettant d’assurer le bien-être économique d’un pays.  En cas de conflit ou de situation d’urgence, ce sont souvent les structures civiles qui sont attaquées, notamment les stations d’épuration d’eau, et la population civile se retrouve en situation de vulnérabilité, a-t-elle constaté, avant de dénoncer les « agissements inhumains » de l’Ukraine, qui a fermé le canal de Crimée du nord, ce qui a eu des effets néfastes sur les personnes vulnérables.  Elle aimerait savoir quelles mesures, dans le cadre du droit international, pourraient être prises face à une telle violation.  L’Ukraine s’est étonnée de la « logique étrange » de la Fédération de Russie, qui occupe une part de son territoire et se plaint ensuite que l’Ukraine ne fournisse pas d’eau à l’occupant.  En tant que Puissance occupante, c’est la Fédération de Russie qui doit assumer la responsabilité de ce qui se passe sur le territoire qu’elle occupe, a fait observer l’Ukraine, qui demande au Rapporteur spécial d’en tenir compte. 

Réponses

Dans ses réponses, M. LEO HELLER a expliqué qu’il était difficile de savoir ce que « responsabilité » voulait dire.  Quels sont les acteurs responsables?  Comment ouvrir des espaces participatifs pour que les usagers fassent usage de ce droit? s’est-il interrogé.  Sur les principales barrières à la bonne application des mécanismes de redevabilité, le Rapporteur spécial a répondu à l’Espagne qu’il fallait voir la situation des gens qui vivent sans accès à l’eau et à l’assainissement, insistant sur le fait que les plus vulnérables étaient les plus touchés par l’absence de redevabilité.  Même quand les mécanismes pour porter plainte existent, ces populations n’ont pas de bons services, n’ont pas accès à ces mécanismes et n’ont pas de voie de recours pour montrer quels sont leurs besoins, surtout lorsque le fournisseur s’intéresse plus au profit qu’à tout autre chose, a-t-il expliqué.

À la Suisse, M. Heller a déclaré que, lorsque les services d’accès à l’eau et à l’assainissement étaient fournis par les autorités locales, le service était généralement meilleur et les besoins de toute la population, mieux pris en compte.  Lorsqu’il existe des fournisseurs locaux et nationaux dans le cadre d’une structure fédérale, il est plus difficile de savoir qui est responsable de quoi, a-t-il ajouté.

Au Moyen-Orient, la question de l’accès à l’eau et à l’assainissement ne peut pas être traitée séparément des autres, a estimé M. Heller, qui a suggéré qu’une visite sur place serait adéquate pour approfondir le sujet.  À la Fédération de Russie et à l’Ukraine, il a répondu qu’en situation de conflit, l’eau devrait continuer d’être fournie, et que, trop souvent en cas de guerre, les stations d’épurations étaient détruites et bombardées, ce qu’il a jugé « inacceptable ».

M. Heller a enfin mentionné un certain nombre de bonnes pratiques citées dans son rapport et qui, bien que localisées, pourraient sans doute être universalisées.  Il a cité l’exemple du Mexique où, depuis 2014, une ligne téléphonique anticorruption est ouverte 24 heures sur 24 pour protéger les donneurs d’alerte, ou encore au Burkina Faso, où il existe des discussions fréquentes en direct à la télévision durant lesquelles les gens peuvent poser des questions aux autorités concernant l’accès à l’eau et à l’assainissement.

Déclaration liminaire

Mme LEILANI FARHA, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination dans ce contexte, a présenté son rapport, consacré à la question du droit au logement des résidents d’implantations sauvages et de l’engagement pris par les États d’améliorer ces implantations à l’horizon 2030, après avoir rappelé qu’elle en avait présenté un autre au Conseil des droits de l’homme, en mars dernier, consacré à la mise en œuvre effective de stratégies de logement fondées sur les droits de l’homme.

Au cœur de ces rapports figure l’impératif du droit à la réhabilitation des logements informels, a expliqué Mme Fahra.  La Rapporteuse spéciale a estimé à un quart de la population urbaine mondiale, soit 870 millions, le nombre de personnes vivant dans des logements inadéquats, dépourvus de services d’eau et d’assainissement.  Pour Mme Fahra, ce phénomène est la plus répandue et la plus flagrante des violations des droits à la vie, à la sécurité, à la dignité et au logement dans le monde.  « Nous devons agir et nous devons agir urgemment! » a-t-elle tonné.

La Rapporteuse spéciale a fait état de la honte qu’elle a pu éprouver en visitant les bidonvilles du monde et les conditions dans lesquelles des enfants pouvaient vivre, ainsi que de son admiration pour la résilience et le courage des personnes vivant dans des logements informels.  Elle a dit avoir essayé de naviguer entre ses deux sentiments dans son rapport avec, d’un côté, des violations flagrantes des droits de l’homme et, de l’autre, l’appel au droit à la dignité et au logement décent.

Mme Fahra a conclu en rappelant ses différentes recommandations, notamment la nécessité d’inscrire dans la loi l’amélioration du logement, le droit des habitants de ces logements, et notamment des femmes, à participer aux aspects de cette amélioration, l’importance d’interdire dans la loi les mesures punitives et discriminatoires des logements informels, et l’accès à la justice pour les personnes impliquées.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Leilani Farha, le Maroc a constaté que les sans-abri étaient de plus en plus nombreux dans le monde, y compris dans les pays les plus riches, et que les prix des logements devenaient inabordables pour les plus pauvres, même si les gouvernements ont fait des promesses en matière de logements décents d’ici à 2030.  Dans ce contexte, le Maroc a souhaité savoir quel pourrait être le point de départ immédiat pour mettre en place des stratégies de logement fondées sur les droits de l’homme et sur l’objectif 11 de développement durable.  L’Afrique du Sud a estimé que tous les acteurs, y compris le secteur privé, devaient contribuer à l’objectif de logement convenable pour tous.  La Constitution sud-africaine garantit à chacun le droit à un logement décent, qui peut faire l’objet de recours en justice.  L’Afrique du Sud a demandé à la Rapporteuse spéciale d’expliquer dans quelle mesure le droit au logement est inaliénable pour tout être humain.

L’Union européenne a salué l’évaluation faite par Mme Fahra des installations informelles, constatant des éléments récurrents comme l’insécurité et l’absence d’accès aux services de base.  Elle a demandé des précisions quant à l’amélioration de la qualité de vie dans les camps et logements informels dans le monde.  L’Union européenne aimerait aussi connaitre les bonnes pratiques qui permettraient de mieux protéger les femmes et les filles qui courent davantage de risques dans ce type d’environnement.  L’Allemagne a noté que le droit à un logement convenable était lié à d’autres droits et que sa violation mettait en péril la réalisation même des objectifs de développement durable.  Elle a souhaité savoir quelles étaient les principales raisons des évictions et relocalisations des habitants des logements informels et demandé quelles meilleures pratiques pouvaient être signalées dans les programmes de mise à niveau.

La République de Corée a mis l’accent sur l’importance d’un cadre juridique pour garantir un logement convenable dans le cadre du Programme 2030.  La République de Corée, qui a consolidé sa politique du logement afin de réduire la charge que ce dernier représente pour sa population, souligne le rôle essentiel de l’État en matière de défense du droit au logement convenable.

La Fédération de Russie a observé que les questions liées au logement étaient interdisciplinaires et touchaient à des domaines examinés par d’autres Rapporteurs spéciaux et d’agences, comme Habitat.  Elle a donc invité la Rapporteuse spéciale à tenir compte de ce qui se passe ailleurs, avant de lui demander son avis sur les logements informels dans les pays recevant une aide humanitaire internationale. 

L’État de Palestine a estimé que le droit de rester dans sa communauté était constitutif du droit au logement convenable.  Or, chaque semaine, on annonce de nouveaux plans de colonisation israéliens, lesquels constituent des crimes de guerre à l’encontre des Palestiniens.  Étant donné ces projets, quelles mesures pourraient être prises pour protéger la population palestinienne et ses logements, s’est-il interrogé.

Réponses

Dans ses réponses, Mme LEILANI FARHA a dit ne pas comprendre pourquoi, dans toujours plus de pays, les gouvernements avaient du mal à gérer la crise du logement et le faisaient de manière parcellaire plutôt qu’en adoptant une stratégie globale fondée sur les droits de l’homme.  Pour elle, il est urgent de lutter contre le problème des sans-abri, dans lequel elle voit « une violation terrible des droits de l’homme ».  La cible 1 de l’objectif 11 de développement durable précise que tout le monde devrait avoir accès à un logement adéquat, a-t-elle rappelé.  « Si cela ne signifie pas aller vers l’élimination des sans–abri, je ne sais pas ce que ça veut dire » a-t-elle tonné.

La Rapporteuse spéciale a aussi insisté sur l’importance de la coopération internationale, « essentielle à tous les niveaux », et a précisé que le droit au développement n’était pas en concurrence et ne nécessitait pas une approche différente de celle du droit au logement.  Au contraire, ces droits sont complémentaires.  « Les droits que je défends sont des droits concrets facilement mis en œuvre lorsqu’il y a une volonté politique », a-t-elle insisté.

Face aux risques encourus par les femmes dans les logements informels et en l’absence de foyers d’accueil, Mme Fahra a jugé très important que les femmes soient consultées et qu’elles déterminent, elles-mêmes, quelles étaient les meilleures approches pour lutter contre les violences qu’elles rencontrent.

À la Fédération de Russie, la Rapporteuse spéciale a dit avoir l’intention de consacrer un rapport aux établissements informels dans le contexte de conflits et d’aide humanitaire et vouloir soulever la responsabilité des États à cet égard.  Le droit au logement convenable doit s’appliquer dans tous les contextes, on ne peut pas saper les droits de l’homme dans ces situations, a-t-elle encore insisté.

Concernant la Palestine, elle a expliqué ne pas pouvoir aller au-delà de son mandat, tout en ajoutant qu’elle suivait l’évolution de la situation, qu’elle avait soulevé la question de la démolition des logements et qu’elle continuerait de le faire.

À propos des expulsions, la Rapporteuse spéciale a noté qu’elles avaient lieu souvent dans le cas de personnes vivant sur des terres ayant une immobilière, lesquelles étaient ensuite vendues à des investisseurs pour obtenir des fonds.  Elle a déploré que, dans ces situations, on ne demande pas aux communautés leurs avis alors que, souvent, ces dernières ont des solutions ingénieuses à proposer pour maintenir les communautés concernées sur place.  « Mais il faudrait pour cela déjà les consulter », a-t-elle conclu.

Déclaration liminaire

M. DAINIUS PŪRAS, Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a commencé par rappeler que la santé mentale est définie comme « l’état de bien-être dans lequel chaque individu réalise son propre potentiel, peut faire face au stress normal de la vie, peut travailler de manière productive et fructueuse, et peut apporter une contribution à sa communauté ».  Il a ensuite expliqué que son rapport traitait de la réalisation du droit à la santé mentale des personnes en mouvement ou vivant dans des communautés d’accueil.

Pour réaliser le droit de chacun à la santé mentale, y compris des personnes qui arrivent en tant que migrants ou réfugiés, les États doivent s’assurer qu’ils peuvent réaliser leur potentiel et sont capables de contribuer à leurs nouvelles communautés, a expliqué le Rapporteur spécial.  Si cela n’est pas fait, ou même si les actions sont prises dans le sens opposé, le droit à la santé mentale est alors gravement compromis.

Environ 65,6 millions de personnes dans le monde ont été forcées de quitter leur domicile du fait de la violence et de la guerre, de formes religieuses, ethniques, culturelles et autres, de persécutions, de la famine, de la pauvreté, des catastrophes environnementales, de la discrimination et d’autres formes de privations systémiques, a rappelé M. Pūras.  Alors que ce mouvement sans précédent de personnes est en cours, un autre phénomène, la montée de la « santé mentale de l’ombre », a atteint les programmes mondiaux de santé, de développement humain et des droits de l’homme.  À ses yeux, la principale leçon tirée de ces deux grands problèmes des temps modernes est que les politiques et pratiques qui sont discriminatoires et alimentées par des attitudes hostiles doivent être abandonnées.

De fait, a relevé M. Pūras, les dirigeants, les responsables politiques et autres personnes en position de force politique doivent être conscients que leurs actions et leurs paroles, quand elles ont une dimension xénophobe, contribuent à créer des environnements émotionnels et psychosociaux hostiles et érodent la qualité des relations humaines.  Le Rapporteur spécial a recommandé que tout soit fait pour mettre fin à ces discriminations et tendances xénophobes, afin de développer des communautés fortes où la qualité des relations humaines prévaut.

M. Pūras a précisé que son rapport développait deux thèmes principaux: le droit à la santé mentale des enfants et des familles en déplacement, et la détention des personnes migrantes, une pratique que de nombreux pays ont adoptée comme stratégie par défaut pour réglementer la mobilité humaine.  Le fait de nuire à l’unité familiale dans le contexte de la mobilité humaine est préjudiciable à la santé mentale et au bien-être des enfants et des adolescents en mouvement et génère des effets qui pourraient durer des années, voire des générations, a-t-il averti.

Selon lui, les lois et politiques qui institutionnalisent la séparation des enfants en mouvement de leurs familles ou compliquer la réunification des familles doivent être éliminées sans délai.  D’autre part, a-t-il souligné, la détention des migrants en tant que forme de dissuasion est inefficace et peut exacerber les problèmes de santé mentale existants qui persistent après la détention, affectant négativement la qualité de vie des personnes en mouvement.  De fait, a fait valoir M. Pūras, la détention des immigrants doit être progressivement abolie et la détention d’enfants et de migrants atteints de troubles psychosociaux, cognitifs ou intellectuels doit être immédiatement interdite.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Dainius Pūras, l’Afrique du Sud a estimé que l’État se devait de prendre les mesures législatives et autres afin de réaliser le droit à la santé mentale de manière non discriminatoire.  L’Afrique du Sud a, pour sa part, adopté un cadre de politique nationale visant à transformer les services de santé afin qu’ils soient abordables et complets, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Elle a souhaité savoir si les personnes qui se déplacent avaient plus de problèmes mentaux que les autres.

Le Portugal a vu dans le droit à la santé mentale un élément central de la dignité humaine.  Au Portugal, les réfugiés et migrants disposent du même accès que les Portugais au service de santé national.  Le Portugal aimerait savoir comment le pacte mondial sur les réfugiés pourrait être utilisé par les États pour mettre en place des stratégies fondées sur l’être humain.

L’Union européenne a salué l’accent mis dans le rapport sur le droit à la santé mentale pour définir les réactions de la communauté internationale concernant les personnes en mouvement.  Le rapport lui paraît opportun, car il n’y a pas de discussions sur la santé mentale dans le domaine public.  L’Union européenne souhaiterait aussi savoir quelles mesures permettraient de réduire les risques pour la santé mentale des personnes qui se déplacent de la rhétorique hostile à leur encontre.  Dans le même sens, la Lituanie, qui estime que les fausses informations qui circulent sur les personnes qui se déplacent peuvent affecter leur santé mentale, s’est dite préoccupée en particulier par la santé mentale des enfants migrants et a demandé quelles autres mesures les États pourraient prendre pour assurer un meilleur environnement à ces derniers.

Le Bahreïn a réaffirmé son engagement en faveur de la santé mentale et notamment sa contribution à la stratégie du bien-être lancée par le Secrétaire général.  Il a demandé au Rapporteur spécial quelles mesures il préconisait pour mettre en place des démarches communautaires.  Le Maroc a dit avoir inclus des mesures pour la santé mentale et environnementale dans le cadre de la mise en œuvre du Programme 2030 lorsqu’il a fixé des lignes directrices en matière de santé pour les 15 prochaines années.  Dans la perspective du pacte mondial sur les migrations, le Maroc souhaite savoir si M. Pūras compte organiser une action parallèle pour attirer l’attention sur la question de la santé mentale des migrants.

La Colombie a rappelé que la région des Amériques était confrontée à une crise migratoire importante.  À cet égard, elle a soulevé la nécessité d’apporter une réponse globale en matière de santé mentale.  La Colombie souligne en outre l’accent mis dans le rapport sur le fait que les questions de santé mentale donnent la possibilité de refaçonner des services sociaux inclusifs et accessibles à tous.

La République islamique d’Iran a relevé que l’objectif 3 de développement durable -Santé et bien-être- soulignait l’importance d’une vie saine pour tous.  L’Iran offre à tous un accès aux installations sanitaires, mais les sanctions génocidaires imposées par les États-Unis visent sans discernement les personnes les plus fragiles.  En conséquence, l’Iran demande au Rapporteur spécial s’il est possible de faire une évaluation des incidences de ces mesures coercitives unilatérales sur les services de santé du pays, et notamment sur ceux traitant de la santé mentale.

Réponses

Dans ses réponses, M. DAINIUS PŪRAS a expliqué que les personnes en transit n’étaient pas plus enclines à souffrir de troubles mentaux que les autres mais que, bien sûr, celles souffrant de tortures ou violences sexuelles avaient besoin d’interventions spéciales de santé mentale.  Toutefois, il a dit ne pas recommander le recours à la médicalisation parce qu’elle pourrait accroître la stigmatisation de ces personnes.  Pour le Rapporteur spécial, il vaut mieux utiliser la créativité et les talents de ces personnes qui pourraient contribuer aux communautés des pays où elles arrivent.  M. Pūras a déploré qu’en cas de lois discriminatoires, ces bonnes politiques ne soient pas mises en œuvre et il ne soit pas permis au personnel de santé mentale de travailler correctement.  Il a de plus regretté que les discriminations soient doubles pour les personnes en déplacement.

M. Pūras a ensuite rendu hommage au Liban, qu’il a décrit comme « un bon exemple pour les pays réticents à accepter les migrants et les réfugiés ».  Le Liban, a-t-il ajouté, est un petit pays qui accueille des millions de personnes et qui « s’en tire assez bien », avec notamment un soutien psychosocial à ces populations déplacées, « ce qui est essentiel ».  Il a dit ne pas recommander la mise en place de systèmes parallèles, estimant que ce n’était pas une bonne idée sur le plan financier et que cela ne faisait que créer une discrimination supplémentaire, puisque l’on sépare les réfugiés du reste de la population.

Le Rapporteur spécial a expliqué que la question de la santé mentale des enfants en mouvement était une question difficile et a rappelé que son rapport, il y a trois ans, sur le droit à la santé des jeunes enfants mettait en avant l’importance des interventions psychosociales.  Il a déploré, dans certains pays, les enfants migrants soient séparés de leurs parents et mis en détention, qualifiant cette pratique d’« exemple classique d’intervention négative sur le développement des enfants ».  Ces pratiques doivent être abandonnées parce qu’elles privent les enfants de leur besoin fondamental, qui est celui de se sentir en sécurité et relation étroite avec leurs parents.

M. Pūras a insisté sur la nécessité de se mobiliser et de répondre à ces considérations essentielles.  Il faut se départir des approches sélectives, a-t-il encore ajouté, et ne pas traiter ces deux domaines en crise, le processus de migration et les problèmes de santé mentale, de manière séparée.  « Il ne peut y avoir d’approches sélectives quand les droits de l’homme sont concernés » a-t-il conclu.

Suite de la discussion générale

Mme GABRIELLA MICHAELIDOU (Chypre) a rappelé que 200 000 Chypriotes grecs étaient toujours déplacés et a dénoncé la « politique délibérée de colonisation » de la Turquie dans les zones occupées, avec l’installation de plus de 160 000 colons turcs.  Les personnes qui demeurent « enclavées » font face à des violations quotidiennes de leurs droits fondamentaux, tandis qu’églises et cimetières sont vandalisés, a accusé la représentante, pour qui ces pratiques constituent un traitement discriminatoire.  Les personnes disparues constituent une question humanitaire majeure, a-t-elle poursuivi, en accusant la Turquie de procéder à l’enlèvement délibéré de dépouilles.  Enfin, Mme Michaelidou a dénoncé une situation très préoccupante en Turquie, affirmant que ce pays connaissait « une marche arrière » sur la question des droits de l’homme.

Mme MARIA THEOFILI (Grèce) a indiqué que la Grèce avait envoyé une invitation ouverte aux mécanismes internationaux des droits de l’homme, signe de sa volonté d’accroître sa coopération avec le système des Nations Unies.  Sur le plan national, elle met en œuvre une politique des droits de l’homme ouverte, transparente et cohérente, fondée sur les principes d’égalité, de diversité et de non-discrimination, comme en témoignent le Plan d’action national pour les droits de l’homme et les programmes sur l’égalité entre les sexes, sur l’autonomisation des femmes et l’éducation des migrants et sur les enfants réfugiés.   

En réponse à la crise des réfugiés, la Grèce est déterminée à continuer à se coordonner avec toutes les parties prenantes pertinentes, notamment pour partager le fardeau et traiter des causes à l’origine d’un phénomène sans précédent.  Elle a aussi récemment lancé d’importantes initiatives en matière juridique afin de parvenir à un traitement équitable et à la jouissance des droits de l’homme pour tous, telles que la reconnaissance de l’identité de genre et l’extension du droit à l’union civile et à l’adoption aux membres de la communauté LGBTI.

Par ailleurs, Mme Theofili a attiré l’attention sur « l’invasion militaire et l’occupation illégale de près de 37% du territoire de la République de Chypre » par la Turquie depuis 1974, pour déplorer le maintien de la situation, ainsi que les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales du peuple de Chypre malgré des jugements de la Cour européenne des droits de l’homme et de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.

M. YE MINN THEIN (Myanmar) a assuré que la protection et la promotion des droits fondamentaux constituaient la priorité de son gouvernement.  Celui-ci est prêt à travailler avec les pays et les organisations internationales, y compris les Nations Unies.  Le Myanmar souhaite toutefois que l’on adhère aux principes d’universalité, d’impartialité, d’objectivité, de non-sélectivité et de non-politisation lorsque l’on aborde les questions des droits l’homme.  À cet égard, le représentant a rappelé l’opposition du Myanmar aux résolutions spécifiques par pays et considère que l’Examen périodique universel est le bon mécanisme d’examen des situations de droits de l’homme.

Rappelant par ailleurs que le Myanmar est un pays multireligieux et multiethnique, M. Thein a affirmé que l’état de droit, la paix et la réconciliation nationale étaient essentiels pour garantir la promotion des droits de l’homme dans le pays.  Parmi les défis que rencontre le Myanmar, il a cité la situation sensible dans l’État rakhine, qui a mis « une pression énorme » sur le pays.  Pour le représentant, les actes terroristes et la violence, qui y ont sévi, ont provoqué une grave situation humanitaire, mais le Gouvernement a pris des mesures pour assurer le retour rapide des personnes déplacées.  M. Thein a affirmé, en conclusion, que son pays avait mis en œuvre 81 des 88 recommandations contenues dans le rapport final de la commission consultative sur l’État rakhine -la « Commission Annan »- ajoutant par ailleurs que la commission d’enquête mise en place par le Gouvernement poursuivait son travail.

Mme BEGALA (Cameroun) a souligné le rôle primordial de chacun des organes conventionnels dans la garantie des droits de l’homme, et leur apport individuel et collectif de cette entreprise.  C’est pourquoi le Cameroun est disposé à contribuer au renforcement et à l’amélioration du fonctionnement du système des organes conventionnels des droits de l’homme.  Pour ce faire, le Cameroun, qui est à jour de ses obligations redditionnelles au regard des sept conventions des droits de l’homme qu’il a ratifiées, poursuivra ses efforts visant à toujours soumettre, en temps et en heure, ses rapports périodiques, a affirmé la représentante.

M. IHOR YAREMENKO (Ukraine) a affirmé que son pays respectait ses engagements en matière de protection et de promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales.  Toutefois, a souligné le représentant, l’agression russe a entraîné une détérioration de la situation de ces droits, notamment en Crimée et à Sébastopol.  En 2014, a-t-il rappelé, le Gouvernement a invité une mission des Nations Unies à venir constater la situation sur le terrain.  À la suite de cette mission, les différents rapports présentés ont fait apparaître les crimes commis par la Russie en Crimée, a-t-il fait observer, avant de dénoncer l’absence de coopération de la Fédération de Russie avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et le non-respect de ses obligations en tant que Puissance occupante.  Condamnant les violations des droits civils, politiques et culturels, notamment ceux du peuple tatar, dans ces territoires occupés, le représentant a indiqué que l’Ukraine présenterait un projet de résolution sur la situation en Crimée et a appelé les États Membres à la soutenir.

Mme HIWOT TUFFA (Éthiopie) a souligné l’importance des valeurs et principes des droits de l’homme qui devraient être défendus par tous les États.  L’Éthiopie a, quant à elle, ratifié tous les instruments internationaux des droits de l’homme.  La représentante a ensuite précisé l’approche de son pays en matière de politique de développement et pour la réduction de la pauvreté.  Enfin, elle a évoqué les réformes menées en cours pour élargir les espaces de démocratie et de l’action civique, en vue d’assurer une plus grande participation, la transparence et la responsabilisation.

Mme PHUMLA ANDY MAKWABE (Afrique du Sud) a expliqué que son pays avait réalisé d’importants progrès pour permettre le bon fonctionnement des organes conventionnels.  À cet égard, la représentante s’est dite préoccupée par les responsabilités imposées aux organes de suivi, notamment en termes de charge de travail en lien avec les rapports.

Par ailleurs, tout en soutenant la nécessité d’utiliser au mieux les technologies numériques, l’Afrique du Sud est préoccupée face à la diffusion de discours haineux par ces moyens.  Le Gouvernement a pris des mesures pour incriminer ces discours de haine.  L’Afrique du Sud développe en outre son cadre institutionnel et juridique pour lutter contre toutes les formes de racisme, en particulier contre l’incitation à la haine raciale par le biais d’Internet et des réseaux sociaux.  Mais, en dépit des efforts déployés par les fournisseurs de services en ligne, il y a encore trop de discours de haine, a affirmé la représentante, qui a demandé aux États Membres et aux Nations Unies de mieux combattre le racisme et de prévoir, à cette fin, des protocoles supplémentaires aux conventions existantes.

Droits de réponse

Exerçant son droit de réponse, la Turquie a accusé le représentant de la Grèce de livrer une interprétation partielle de l’histoire.  Elle a voulu rappeler quelques « faits pour décrire la situation », notamment que les Chypriotes turcs faisaient face à des violations des droits de l’homme, et que beaucoup d’entre eux étaient déplacés.  Les Chypriotes turcs ont manifesté leur attachement aux négociations pour résoudre le problème, tandis que les mécanismes des Nations Unies sont manipulés par les Chypriotes grecs pour dépeindre de façon incorrecte la situation, a accusé le représentant.  Les accusations portées sont dès lors pour la Turquie de la « propagande politique » sans fondements.

Chypre a regretté l’insistance de la Turquie à vouloir s’opposer à la communauté internationale et à violer de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale au sujet de l’intégrité territoriale du pays.  Il s’agit là du résultat de leur occupation depuis 1974, a conclu la délégation. 

La Fédération de Russie a remercié les délégations qui avaient présenté leurs condoléances après le massacre commis la veille dans un lycée en Crimée, mais a souligné qu’il y avait erreur dans le nom: il s’agit bien de la République de Crimée, qui se trouve dans la Fédération de Russie.  La Russie s’acquitte de toutes ses obligations en matière de droits de l’homme et ceux-ci s’appliquent à tous les sujets, y compris à Sébastopol.  « Nous faisons un suivi de la situation des droits de l’homme y compris en Crimée », a ajouté le représentant, qui a appelé l’Ukraine à corriger la situation des droits de l’homme dans son pays.  Quant à l’initiative des autorités de Kiev pour intervenir à l’Assemblée générale et présenter une « résolution totalement politisée » sur la Crimée, la Fédération de Russie l’a qualifiée d’acte « inamical » et a appelé les États à voter contre.

L’Ukraine a répété que la Fédération de Russie était la Puissance occupante dans le territoire ukrainien de la République autonome de Crimée et dans la région du Donbass.  La délégation russe continue de vivre dans une « réalité parallèle », a déclaré le représentant de l’Ukraine, estimant que cette situation était vraisemblablement liée à la propagande des médias russes.  Lorsqu’un pays se livre à une telle agression, il ne peut pas avouer qu’il l’a fait, a-t-il ajouté, observant qu’aucune autre délégation dans cette salle ne pouvait prétendre que l’Ukraine ne souffre pas de l’occupation russe.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Mali: la sécurité dans le nord et le centre reste préoccupante, souligne le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix

8376e séance – matin
CS/13546

Mali: la sécurité dans le nord et le centre reste préoccupante, souligne le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, s’est félicité, devant le Conseil de sécurité, de la situation au Mali depuis la dernière élection présidentielle, qui a « démontré la maturité politique du peuple malien, mais aussi l’adhésion de la classe politique au processus démocratique ».

Mais en dépit de ces progrès, soulignés par le rapport du Secrétaire général, la situation reste également marquée par une situation sécuritaire préoccupante dans le centre et le nord du Mali.  Selon le rapport, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans a lancé des attaques contre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), les Forces de défense et de sécurité maliennes et les forces internationales dans le centre et le nord du Mali, et mené des actions d’intimidation, d’enlèvements et des assassinats ciblés.  Le bilan de 287 personnes tuées, rien que ces derniers mois est le plus lord depuis la création de la MINUSMA en 2013, note le rapport.

Sur le plan politique, on note un manque de progrès dans la mise en œuvre des réformes institutionnelles clefs, comme celle du secteur de la sécurité ou du processus de démobilisation, désarmement et réintégration.

On constate aussi une « stagnation de certaines initiatives cruciales » pour renforcer le dialogue politique, avec pour conséquence un déficit de cohésion nationale et des divergences politiques, portant notamment sur la loi électorale et le registre électoral » pour les prochaines élections législatives prévues les 25 novembre et 16 décembre.

À la décharge de son pays, le représentant du Mali a dit comprendre les « impatiences » des membres du Conseil.  Mais a-t-il insisté, « force est de reconnaître que la mise en œuvre de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation requiert d’importants engagements financiers, hors de portée du seul Mali », a-t-il dit, avant de demander que les « ressources promises » lors de la conférence des donateurs qui s’est tenue à Paris le 22 octobre 2015 soient mobilisées. 

S’agissant de la question sécuritaire et après l’aveu de la délégation malienne elle-même, la France qui dispose de 3 000 hommes au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane, a reconnu que l’État malien a en effet besoin de disposer de plus de moyens pour reconquérir le centre.  Il en a besoin d’autant que de graves menaces pèsent toujours sur cette partie du Mali.  La stabilisation du Mali et de sa région ne peut passer que par une action complémentaire et coordonnée sur place, plaidant pour une approche partenariale, notamment entre et les Forces armées maliennes dans la lutte antiterroriste.

Son homologue de la Côte d’Ivoire a partagé le même sentiment, estimant aussi que la mise en œuvre du plan de sécurisation intégré des régions du centre devrait, selon lui, s’accompagner d’initiatives multiformes visant à renforcer la gouvernance, le développement et surtout la réconciliation entre communautés. 

Dans ce contexte, plusieurs délégations comme celles de la Fédération de Russie, de la Chine, du Kazakhstan ou du Pérou ont estimé que la Force conjointe du G5-Sahel devait être opérationnalisée à cette fin et au plus vite.

Toutes les délégations se sont par ailleurs réjouies du bon déroulement de l’élection présidentielle au Mali, considérée comme un pas dans la mise en œuvre de l’accord de paix. 

Cela dit, comme l’a noté la Guinée équatoriale, les élections législatives à venir seront considérées comme un autre moyen de le mettre en œuvre, dans un contexte politique tendu par les divergences politiques entre le Gouvernement et l’opposition.  « Il est indispensable que les réformes attendues avancent.  La décentralisation est un impératif et le système électoral doit être radicalement revu », ont même prévenu les Pays-Bas.

LA SITUATION AU MALI (S/2018/866)

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, présentant le rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, a déclaré que les trois mois qui se sont écoulés ont été marqués par la tenue de l’élection présidentielle, reconnue par l’ensemble des observateurs électoraux, comme s’étant déroulée dans un climat globalement paisible.  « Le bon déroulement de l’élection a démontré la maturité politique du peuple malien, mais aussi l’adhésion de la classe politique au processus démocratique.  Cette élection a également mis en exergue un acquis important de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, à savoir que le consensus établi entre les parties signataires est l’élément central qui a permis à l’élection de se tenir en accord avec le calendrier électoral et sans incident sécuritaire majeur, malgré les troubles rapportés dans le centre du pays », a-t-il dit. 

Cependant, la tenue de ces élections aurait dû être sous-tendue par de plus amples progrès, en particulier dans la mise en œuvre de réformes institutionnelles clefs, notamment l’opérationnalisation des autorités intérimaires, la réforme constitutionnelle, celle du secteur de la sécurité ou encore le processus de démobilisation, désarmement et réintégration.  Ces retards dans la mise en œuvre de l’Accord, combinés à la stagnation de certaines initiatives cruciales pour renforcer le dialogue politique, telles que la Charte pour la réconciliation nationale, ont aussi eu pour conséquence un déficit de cohésion nationale manifesté par des divergences politiques.  Ces divergences portent sur la loi électorale et le registre électoral, a poursuivi M. Lacroix, avant d’appeler le Gouvernement et l’opposition à engager un « dialogue politique constructif, basé sur l’inclusivité et gardant à l’esprit l’intérêt national ».

M. Lacroix a également déclaré que le pacte pour la paix demandé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2423 (2018), et signé le 15 octobre dernier, constitue un outil essentiel pour catalyser les efforts des parties maliennes pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord et apporter un nouvel élan au processus de paix en mettant l’accent sur l’inclusivité.  « Le pacte ne remplace pas l’Accord de paix.  Il souligne l’importance de la mise en œuvre des dispositions principales de l’Accord », a-t-il insisté.

Abordant la question sécuritaire au Mali, le Secrétaire général adjoint a dit être préoccupé par la situation qui prévaut en particulier dans le centre du pays, une région qui, lors des deux tours de l’élection présidentielle, a concentré près de 80% des centres de vote affectés par l’insécurité.  Ces trois derniers mois ont été les plus meurtriers depuis la mise en place de la MINUSMA en 2013, a-t-il dit, indiquant qu’au cours de cette période, 287 civils ont été tués dans des attaques ciblées, y compris à l’engin explosif improvisé ou à la mine.  Des conflits intercommunautaires entre groupes armés d’autodéfense ou groupes extrémistes violents ont en outre éclaté. 

Cette situation restreint l’accès des acteurs humanitaires aux personnes les plus vulnérables, et limite le champ d’action des interventions de développement.  Elle risque également de perpétuer un sentiment de frustration au sein d’une population malienne qui peine à voir se matérialiser les retombées concrètes de la mise en œuvre de l’Accord de paix, a-t-il prévenu, avant d’insister sur la nécessité de rétablir l’autorité de l’État et d’en faire une priorité. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a salué l’élection du Président Ibrahim Boubacar Keïta comme un moment important de la vie démocratique malienne et remercié la MINUSMA pour son rôle décisif, dont le soutien logistique et sécuritaire apporté au scrutin qui s’est déroulé dans des « conditions satisfaisantes », a-t-il estimé.  La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali doit cependant demeurer « la priorité des priorités », a-t-il insisté.  La signature du pacte pour la paix quelques mois après l’adoption de la résolution 2423 (2018) est une bonne nouvelle qui acte notamment le réengagement de l’ensemble des parties maliennes et des acteurs internationaux. 

Le représentant a souhaité que le Comité des sanctions poursuive son travail dès les prochaines semaines et demandé, à cet égard, qu’il effectue un déplacement sur le terrain afin de contacter toutes les parties maliennes et les acteurs de la médiation internationale. 

De nombreux progrès restent à réaliser et ils sont urgents, a insisté le représentant.  La résolution 2423 (2018) a posé un cadre clair en définissant une liste de mesures prioritaires, dont la mise en œuvre sera examinée dans un rapport du Secrétaire général six mois après l’investiture du Président malien: « ce délai a commencé à courir et nous engage tous », a-t-il rappelé.

Il a relevé « un début de dynamique positive », mentionnant le lancement imminent d’un processus de désarmement, démobilisation et réintégration accéléré pour les combattants du Mécanisme opérationnel de coordination; et la finalisation en cours des contours de la zone de développement des régions du nord, ainsi que l’octroi d’une plus grande place aux femmes au sein du nouveau gouvernement.  D’autres progrès sont encore nécessaires, a-t-il cependant poursuivi, citant le volet institutionnel, la justice et la réconciliation.

En revanche, la dégradation de la situation dans le centre reste « vivement » préoccupante et de graves menaces pèsent toujours sur cette partie du Mali, comme l’ont montré les attaques récentes: aussi a-t-il appelé la communauté internationale à appuyer pleinement les efforts engagés par le Premier Ministre sur ce dossier.  Il importe que l’État malien dispose de plus de moyens pour reconquérir le centre, a-t-il affirmé, tandis que la MINUSMA doit continuer d’œuvrer pour protéger les civils. 

La stabilisation du Mali et de sa région ne peut passer que par une action complémentaire et coordonnée des différentes présences de sécurité sur place, a conclu le représentant en saluant cette approche partenariale, notamment entre l’opération Barkhane et les Forces armées maliennes dans la lutte antiterroriste.  « Chacun doit rester dans les limites de son mandat, mais tous doivent se coordonner dans ce contexte difficile. »

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a rappelé que les élections maliennes auront démontré l’aspiration profonde du peuple malien à la paix ainsi que la maturité de la classe politique tout au long du processus électoral.  En vue de maintenir la dynamique positive actuelle, il a exhorté celle-ci et le Gouvernement malien à œuvrer davantage, au-delà de leurs divergences, à la préservation de la paix et de la stabilité au Mali. 

Aussi a-t-il salué la signature, le 15 octobre 2018, du pacte pour la paix, entre le Gouvernement et l’ONU, conformément à la résolution 2423 (2018).  Le paragraphe 7 confère un caractère exécutoire aux décisions de la médiation internationale, renforçant ainsi le rôle des acteurs internationaux, y compris l’ONU, a pris note le représentant. 

Il a ensuite salué les efforts déployés par le Gouvernement malien, notamment le redéploiement de l’Administration malienne, qui s’est matérialisé par la nomination des autorités intérimaires dans 21 districts des cinq régions du nord; l’opérationnalisation progressive des unités mixtes du Mécanisme de coordination opérationnel dans les régions de Kidal et de Tombouctou, et l’adoption de la stratégie nationale de réforme du secteur de la sécurité. 

La délégation ivoirienne a par ailleurs appelé à la finalisation de la vision d’une nouvelle armée reconstituée ainsi que de la police territoriale, en vue d’assurer une meilleure protection des populations civiles dans le nord et le centre du Mali. 

M. Ipo a par ailleurs exprimé sa préoccupation devant la persistance des atteintes à la sécurité dans le centre du pays, faisant état de violences intercommunautaires et d’allégations d’exactions imputables à des éléments des Forces armées maliennes.  À cet effet, la mise en œuvre du plan de sécurisation intégré des régions du centre devrait, selon lui, s’accompagner d’initiatives multiformes visant à renforcer la gouvernance, le développement et surtout la réconciliation entre communautés. 

Compte tenu de l’extension des attaques terroristes dans certains pays voisins, la Côte d’Ivoire a également salué l’unité du Conseil de sécurité et le niveau constant de mobilisation de la communauté internationale autour de la MINUSMA et son appui à la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel. 

M. JONATHAN A. COHEN (États-Unis) a déclaré qu’il ne faut pas seulement se satisfaire du climat dans lequel s’est déroulée l’élection présidentielle au Mali.  Il faut également exiger que la feuille de route issue de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali soit respectée et mise en œuvre, en particulier dans le contexte où la situation sécuritaire reste précaire dans le centre du pays, et où les auteurs de graves crimes ne sont pas encore tenus responsables de leurs actes, a dit le représentant. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a reconnu les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, et salué la signature du pacte pour la paix à Bamako plus tôt cette semaine.  Il est maintenant crucial que les parties redoublent d’efforts pour mettre en œuvre les réformes prévues par le pacte et la résolution 2423 (2018), avec le soutien du Conseil de sécurité. 

Le représentant s’est toutefois dit préoccupé de la détérioration continue de la situation sécuritaire, en particulier dans le centre du Mali, qui a provoqué des pertes civiles, dont le nombre au cours de la période à l’examen est le plus élevé depuis le déploiement de la MINUSMA, sans compter les débordements constatés sur les pays limitrophes, notamment le Burkina Faso. 

La stabilité et la prospérité de long terme du Mali, dont la Suède est un partenaire de premier plan, a rappelé la délégation, ne seront atteintes qu’au travers d’une combinaison de mesures de sécurité et de développement, dans le cadre d’une coordination stratégique avec la MINUSMA et l’ONU, ainsi qu’avec l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et d’autres partenaires.

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a déclaré qu’en tant qu’observateur à l’Union africaine, son pays se félicite des progrès réalisés au Mali, notamment par son gouvernement pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé avec les groupes armés.  Cependant, le Kazakhstan reste préoccupé par le cycle de violence au nord et au centre du pays, ayant conduit à une détérioration de la situation humanitaire dans ces zones. 

À ce sujet, la délégation estime que pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent qui frappent au Mali, comme dans d’autres pays d’Afrique, il faut une approche incluant sécurité et développement.  Or la plupart des opérations de maintien de la paix n’intègrent pas cette approche dans leurs mandats, alors que c’est l’approche qu’il faut, a déploré le représentant. 

Pour cette raison la délégation soutient l’opérationnalisation de la Force conjointe G5-Sahel, afin de coordonner les efforts en ce sens dans la région, a conclu le représentant. 

Si elle a salué la tenue réussie de l’élection présidentielle malienne cet été, ainsi que la signature du pacte pour la paix il y a quelques jours, Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a toutefois constaté que la situation des droits de l’homme dans le pays demeure préoccupante.  Elle a donc appelé les autorités à prévenir les violations, y compris celles qui auraient été commises par les forces gouvernementales dans le cadre de leurs opérations antiterroristes, et à ouvrir des enquêtes sur l’ensemble des allégations. 

La représentante s’est ensuite félicitée des résultats obtenus jusqu’à présent dans la stabilisation du Mali, grâce à la contribution de la MINUSMA, mais aussi celle de la Force conjointe du G-5 Sahel, dont la composante de police permettra d’assurer la continuité entre les opérations conduites par la Force et les systèmes judiciaires, dans le respect de l’état de droit et des droits de l’homme.

M. ALEXANDER A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que « les efforts de Bamako sont louables », notamment dans le nord du pays, où l’autorité de l’État se reconstruit petit à petit et le tissu économique reprend.  Mais on constate aussi que dans d’autres régions où la présence de l’État est faible, notamment le centre du pays, les conflits interethniques reprennent, a dit le représentant, observant aussi qu’une partie de la jeunesse, en particulier celle qui ne voit pas d’horizon à sa vie, est facilement attirée par les groupes armés terroristes de la région. 

Dans ce contexte, la Fédération de Russie est convaincue que pour régler la situation eu Mali, il faut régler la situation dans la région.  Car celle qui prévaut en Libye a des conséquences au Mali, a dit le représentant, plaidant pour une opérationnalisation de la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a noté que le Gouvernement malien est en train de concevoir une stratégie nationale de réforme de l’appareil de sécurité, qui définit un projet fondé sur les principes d’inclusion et de représentativité.  Il a ensuite salué les efforts déployés par le Président réélu Ibrahim Boubacar Keïta, qui s’est rendu dans le centre du Mali. 

Sa délégation s’est félicitée de la signature du pacte pour la paix, qui vise à accélérer l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, appuyer les efforts de paix actuels et adopter des objectifs à plus long terme.  Mais le représentant s’est dit vivement préoccupé par la menace terroriste qui pèse sur les populations civiles, victimes d’engins explosifs improvisés.  À cet égard, il a salué les efforts déployés par la MINUSMA et la Force conjointe du G-5 Sahel pour inverser ces tendances sur le terrain.  « Nous devons désormais faire porter ses efforts sur la mise en œuvre de l’Accord et à faire fond sur les progrès déjà accomplis », a encouragé en conclusion M. Alotaibi.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a déclaré qu’en dépit de la bonne tenue de l’élection présidentielle, les tensions entre le Gouvernement et l’opposition perdurent.  Il est « indispensable que les réformes attendues avancent.  La décentralisation est un impératif et le système électoral doit être radicalement revu », a-t-il dit.  Il a également déclaré que « les citoyens maliens méritent d’avoir un Gouvernement auquel ils puissent faire confiance et qui leur fasse confiance », a-t-il dit ajoutant « que le fait que les forces armées maliennes soient directement liées à 18 cas de violations des droits de l’homme suscite des préoccupations ».  Dans ce contexte, le représentant a appelé le Gouvernement à ouvrir des enquêtes et traduire en justice les auteurs de ces actes.

Le délégué a également estimé que les répercussions de l’instabilité que connaît le Mali se font sentir au-delà de ses frontières, dans le Sahel et jusqu’en Europe.  La stabilité de l’ensemble de cette région est donc cruciale pour combattre des menaces telles que le trafic d’êtres humains, l’immigration clandestine, le terrorisme et la criminalité organisée.  Pour cette raison, les Pays-Bas, comme d’autres appellent à l’opérationnalisation de la Force conjointe G5-Sahel, et assurent de leur ferme engagement la stabilité au Sahel, a-t-il conclu. 

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a estimé que des progrès avaient été accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, nommément la nomination des autorités intérimaires au niveau des districts, la création de municipalités pour les régions de Ménaka et de Taoudenni, et l’adoption d’une stratégie de réforme du secteur de la sécurité.  Il a toutefois regretté l’incapacité des parties signataires de l’Accord de s’accorder sur les questions des quotas d’intégration pour l’armée reconstituée et d’autres services en tenue, qui a continué de retarder le processus de désarmement, démobilisation et réintégration. 

Le représentant a ensuite émis l’espoir que la signature du pacte pour la paix faciliterait l’application des volets en suspens de l’Accord.  En outre, l’adoption d’une loi d’entente nationale par le Conseil des ministres permettra la réinsertion des personnes qui, bien que reconnues coupables de crimes commis dans le contexte des événements liés à la crise ayant débuté en 2012, ont fait acte de contrition.  « Une telle initiative devrait faciliter la tenue des élections parlementaires dans les prochains mois », s’est-il félicité. 

Considérant comme important le rôle de la Force conjointe du G-5 Sahel dans le rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali et dans la région, la délégation éthiopienne a cependant souligné la nécessité d’un financement prévisible comme l’a noté le Mécanisme tripartite, qui comprend la Force conjointe, l’ONU et l’Union européenne. 

M. ZHANG DIANBIN (Chine) a déclaré que le Gouvernement malien a une responsabilité en ce qui concerne la paix et la sécurité dans son pays.  La communauté internationale doit donc appuyer ses efforts en ce sens.  Pour ce faire, il faut adopter une approche intégrée, notamment en opérationnalisant la Force conjointe G5-Sahel. 

À ce titre, la Chine apprécie les efforts de la MINUSMA pour aider cette force et assister le Gouvernement malien dans ses missions de sécurité.  La Chine assure de sa disponibilité à continuer d’aider le Mali, et les autres pays africains en général, dans ces domaines de la paix et de la sécurité, a conclu son représentant. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a espéré que la signature du pacte pour la paix permettrait d’imprimer un nouvel élan à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.  Il a rappelé que les parties signataires doivent œuvrer sans délai à la réforme du secteur de la sécurité et au redéploiement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire, sans négliger pour autant la lutte contre l’impunité, y compris pour les crimes commis par les Forces armées maliennes, ni l’examen des causes profondes de la crise actuelle. 

Le délégué a par ailleurs salué la contribution de la Force conjointe du G-5 Sahel dans le cadre des efforts de lutte contre le terrorisme déployés au Mali, ainsi que celle de la MINUSMA, dans un environnement sécuritaire et opérationnel particulièrement dangereux. 

Mme AMPARO MELE-COLIFA (Guinée équatoriale) a déclaré que la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali doit demeurer la priorité du nouveau Gouvernement.  « C’est le document idoine pour parvenir à la paix », a dit la représentante, se félicitant des initiatives qui ont déjà été prises dans ce sens, notamment la reprise des patrouilles conjointes à Tombouctou et les opérations de désarmement.  On ne pourra parler de paix, si l’Accord n’est pleinement mis en œuvre, a-t-elle ajouté. 

La déléguée a également estimé qu’après l’élection présidentielle, les législatives seront une autre occasion de mettre cet accord en œuvre.  Cependant, la délégation estime, comme le Secrétaire général adjoint, que le Pacte pour la paix signé entre les parties maliennes et les Nations Unies ne remplace pas l’Accord de paix de 2014.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est félicité du déroulement réussi cet été de l’élection présidentielle, en dépit des tentatives de groupes terroristes de la perturber, ainsi que de la signature récente du pacte pour la paix.  Préoccupé par le bilan de 287 morts parmi la population civile en l’espace de trois mois –soit le bilan le plus élevé depuis le déploiement de la MINUSMA–, le représentant a estimé que la réforme du secteur de la sécurité revêt aujourd’hui un caractère d’urgence. 

Il s’est félicité que la Mission recentre son action sur les tâches prioritaires stipulées par son mandat, lequel sera réexaminé en février dernier.  En conclusion, M. Allen a souligné que la mise en œuvre de l’Accord demeure aujourd’hui le principal enjeu au Mali. 

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a dit partager le point de vue de nombre de délégations qui ont estimé que la bonne tenue de l’élection présidentielle est un climat propice à revitaliser le processus de paix.  La Bolivie est également de l’avis du Secrétaire général adjoint lorsqu’il dit que le pacte pour la paix n’est pas destiné à remplacer l’accord de paix de 2014.  C’est un outil appelé à aider les efforts déployés par le Mali, les Nations Unies et la communauté internationale afin de dissiper les désaccords. 

Cinq ans après la création de la MINUSMA et trois ans après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le Conseil de sécurité doit continuer de se pencher sur la situation dans ce pays, qui subit le contrecoup des « politiques interventionnistes et de changement de régime qui ont atteint la Libye », a dit la représentante, estimant que cet appui doit viser au rétablissement de l’autorité de l’État malien sur tout son territoire. 

M. ISSA KONFOUROU (Mali) a commencé par se réjouir de la reconnaissance, par le Secrétaire général dans son rapport, des nouveaux progrès substantiels accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, en particulier l’organisation réussie de l’élection présidentielle les 29 juillet et 12 août 2018.  Il a dit comprendre les « impatiences » des membres du Conseil, tout en cherchant à les rassurer sur la volonté commune des parties signataires maliennes d’honorer les engagements souscrits dans l’Accord.  « L’illustration parfaite vient d’en être donnée, à nouveau, avec la signature, le lundi 15 octobre, du pacte pour la paix au Mali entre le Gouvernement et l’ONU.  Aux termes de ce pacte, les parties maliennes réaffirment leur engagement ferme à accélérer la mise en œuvre diligente et intégrale de l’Accord, conformément au paragraphe 5 de la résolution 2423 (2018) », a déclaré le délégué. 

Il est vrai, a ajouté M. Konfourou, que la concrétisation de ces engagements a longtemps souffert de l’instauration tardive de relations de réelle confiance entre les différents protagonistes.  Aujourd’hui, ce préalable est désormais satisfait et les effets positifs qui en découlent sont des plus éloquents, a-t-il constaté: « […] l’installation des autorités intérimaires et l’opérationnalisation en cours des patrouilles mixtes, combinées avec le redéploiement progressif des Forces armées maliennes, autorisent le retour tant attendu de l’administration et des services sociaux de base dans de nombreuses localités autrefois soumises à l’emprise des terroristes et des bandes armées ». 

Il a également cité en exemple l’absence de belligérance et d’affrontements entre les Forces armées maliennes et les mouvements signataires.  En outre, 63 collectivités territoriales ont été créées dans les nouvelles régions de Ménaka et Taoudéni, a poursuivi le représentant, en se réjouissant aussi de la poursuite de la campagne de pré-enregistrement des combattants, une étape décisive du processus de désarmement, démobilisation et réintégration, « pierre angulaire de la stratégie nationale de stabilisation du pays ».  Force est de reconnaître que la mise en œuvre de certaines dispositions de l’Accord requiert d’importants engagements financiers, « hélas hors de portée du seul Mali », a souligné M. Konfourou, qui a donc demandé aux partenaires internationaux de mobiliser les « ressources promises » lors de la conférence des donateurs qui s’est tenue à Paris le 22 octobre 2015.

Alors que les régions du centre continuent de subir des attaques terroristes aveugles autant de nombreuses pertes en vies humaines, il est nécessaire de maintenir aussi les programmes d’aide des agences de l’ONU et les autres organismes présents sur le terrain.  « Nous sommes préoccupés face au gap de financement du plan d’aide pour 2018 qui s’élève à 330 millions de dollars, dont 32% seulement ont été mobilisés », s’est alarmé le représentant. 

Abordant ensuite la question des droits de l’homme, il a assuré le Conseil de sécurité que « tous les cas de violation signalés font systématiquement l’objet d’enquêtes par les structures nationales compétentes » et que, d’ores et déjà, des mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre des présumés responsables d’atteintes. 

Le délégué a toutefois observé que la plupart des abus sont imputables à des groupes extrémistes violents.  Par ailleurs, le Gouvernement malien a-t-il dit, est d’avis avec le Secrétaire général que toute stratégie de sortie de crise doit prendre en compte la dimension régionale marquée par une augmentation exponentielle de la criminalité transnational organisée.  Aussi a-t-il demandé en conclusion que la Force conjointe du G-5 Sahel soit dotée d’un mandat adéquat et de ressources pérennes afin de lui permettre d’accomplir sa mission.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission: Préoccupations face à la paralysie des négociations sur le désarmement nucléaire

Soixante-treizième session,
11e séance – après-midi
AG/DSI/3605

Première Commission: Préoccupations face à la paralysie des négociations sur le désarmement nucléaire

La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a entamé, cet après-midi, son débat thématique sur « les armes nucléaires », qui a fait apparaître une nouvelle fois l’inquiétude des délégués face à la paralysie des négociations sur le désarmement.

Celles-ci se trouvent « dans une impasse alarmante », a notamment estimé l’Indonésie au nom du Mouvement des pays non alignés (NAM), appuyée par le Maroc pour le Groupe africain: les puissances nucléaires n’ont fait « aucun progrès » dans l’élimination de leurs arsenaux, bien au contraire, ils les modernisent et escomptent même développer de nouveaux vecteurs, ont-ils pointé.

Il est évident, aux yeux de ces orateurs, que l’approche dite « pas à pas » a échoué à conduire le monde vers leur élimination complète.  Pourtant, le désarmement ne se fera pas sans les États dotés, a insisté l’Australie, qui a appelé à renforcer la confiance par un dialogue constructif et soutenu.

L’Égypte, au nom du Groupe arabe, a appelé à accélérer le rythme pour assurer la crédibilité et la continuité du mécanisme de désarmement, citant notamment la création de zones exemptes d’armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient.  À quoi les États-Unis ont riposté, lors d’un droit de réponse, que faire dépendre le succès de la Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP), en 2020, de la création d’une telle zone portait en soi le germe de l’échec.

Au nom du Groupe de la levée de l’état d'alerte, la Nouvelle-Zélande a averti que les risques se multiplient quand les armes nucléaires sont en alerte rouge, évoquant notamment le risque d’un lancement dû à un problème technique, à une mauvaise interprétation, de faux rapports ou à l’utilisation de l’arme nucléaire par des acteurs non étatiques.  Étant donné les conséquences dévastatrices potentielles de ces armes, « nous ne pouvons plus gager notre survie sur la chance », a-t-elle averti. 

Les Philippines, au nom de l’Initiative sur la non-prolifération et le désarmement, ont par ailleurs insisté sur la nécessité d’adjoindre des mesures de vérification au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

C’est précisément le sujet du Groupe d’experts gouvernementaux chargé d’examiner le rôle de la vérification dans la progression du désarmement nucléaire, dont le Président a présenté les réflexions en début de séance.

Ces travaux ne concernent pas un traité en particulier, a insisté M. Knut Langeland.  En revanche, ils doivent permettre un partage d’expériences et d’associer des États non dotés, en privilégiant les notions de transparence et d’irréversibilité. 

Le Groupe va se poser trois questions, a-t-il détaillé: qu’est ce qui constitue une vérification du désarmement adéquate?  Comment tirer les enseignements du passé?  Et enfin, qui pense avoir un rôle à jouer pour la mise en œuvre de la vérification?  Un rapport sera soumis en avril prochain à l’Assemblée générale et à la Conférence du désarmement.

La Commission a également entendu le Président d’un autre Groupe d’experts gouvernementaux qui est chargé d’étudier de nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace.  L’objectif, a expliqué M. Guilherme de Aguiar Patriota, est d’examiner des recommandations sur la création d’un « instrument juridiquement contraignant » relatif au placement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique. 

Ce dernier a indiqué que le projet de traité sur la prévention du déploiement d’armes dans l’espace est apparu comme une référence constante dans les débats et des questions ont par ailleurs émergé sur les mesures de vérification correspondant à la diversité des menaces.  Un projet de rapport sera transmis à la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale, ainsi qu’à la Conférence du désarmement avant 2020.

La Première Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 19 octobre, à partir de 15 heures.

EXPOSÉS

M. KNUT LANGELAND (Norvège), intervenant en tant que Président du Groupe d’experts gouvernementaux chargé d’examiner le rôle de la vérification dans la progression du désarmement nucléaire, a rappelé les termes de la résolution 7167 sur le désarmement, adoptée il y a deux ans: elle fournit le mandat du Groupe, stipule l’importance de la vérification pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires et appelle à la coopération étroite entre les États Membres.

Il a ensuite indiqué qu’en janvier 2018, la Norvège et le Royaume-Uni ont organisé un comité préparatoire et des consultations informelles en marge de la Conférence du désarmement et de cette Commission.  Il a été noté que le processus de vérification du désarmement ne concerne pas un traité en particulier mais qu’il permet de partager les expériences, d’examiner les initiatives et de parvenir à un rapport consensuel.

Les 14 et 18 mai, le Groupe d’experts gouvernementaux s’est retrouvé à Genève pour une réunion au cours de laquelle il a été convenu que la vérification peut permettre d’atteindre l’objectif d’un monde exempt d’armes nucléaires et que, indépendamment de la façon dont il mènera ses travaux, le Groupe pourra aider à préparer le terrain et renforcer le processus sans exclusive en associant les États non dotés d’armes nucléaires.  Tous les États, a souligné le Président, ont le devoir de coopérer et les États non dotés ont beaucoup d’informations à partager.  À cette occasion, il a également été reconnu qu’une vérification efficace peut renforcer la confiance, un aspect du processus qui sera de plus en plus important au fur et à mesure que les stocks seront réduits, a-t-il estimé.

La discussion a aussi porté sur les notions de transparence et d’irréversibilité.  À ce titre, des experts ont partagé les expériences de l’Afrique du Sud, du Kazakhstan, de l’Argentine et du Brésil, ainsi que dans le cadre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et du nouveau Traité de réduction des armements stratégiques.  Certains ont estimé que seules les parties aux traités concernés pourront avoir un rôle dans la vérification, a fait savoir M. Langeland, qui a par ailleurs souligné le rôle essentiel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans la vérification mais aussi dans le maintien d’un monde sans armes nucléaires. 

Il a ensuite expliqué que le Groupe cherche à dégager quelques pistes à partir d’expériences passées mais qu’il lui a été rappelé qu’il ne doit pas créer un régime spécial, ni préjuger du champ d’application d’un éventuel traité sur le désarmement.  Il a ajouté que le Groupe a jusqu’en avril 2019 pour traiter de cette question.

Le Groupe, a enchaîné M. Langeland, a considéré que les principes génériques identifiés par la Conférence du désarmement en 1988 pourront être source d’inspiration, au regard des 30 dernières années.

Se félicitant de l’atmosphère de coopération et collégiale qui a marqué les discussions, il a fait savoir que le Groupe allait présent entrer dans les détails en se posant trois questions: qu’est ce qui constitue une vérification du désarmement adéquate?  Comment tirer les enseignements du passé?  Et, enfin, à qui revient le rôle d’assurer la mise en œuvre de la vérification?

Le Groupe fera rapport en avril prochain à l’Assemblée générale et à la Conférence du désarmement.

M. GUILHERME DE AGUIAR PATRIOTA, Président du Groupe d’experts gouvernementaux chargé d’étudier de nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace, a rappelé que ce Groupe a été instauré par la résolution 72/250, adoptée par vote, qui prévoit qu’il devra se réunir deux fois entre 2018 et 2019.  Il a expliqué que l’objectif est d’examiner des recommandations sur la création d’un instrument juridiquement contraignant relatif au placement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique et que le rapport du Groupe sera transmis à la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale, ainsi qu’à la Conférence du désarmement avant 2020.  La première réunion avec les États Membres de l’ONU se tiendra du 31 janvier au 1er février 2019.  Il a aussi déclaré que les trois États qui avaient voté contre la résolution participent aux discussions.  Il s’est félicité de la qualité du dialogue entre les membres du Groupe.

M. de Aguiar Patriota a ensuite indiqué qu’avec l’appui de la Chine et de la Fédération de la Russie, un atelier de travail a été organisé, en juillet, à Beijing, avec l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR).  Cet atelier a facilité un premier échange sur les sujets à aborder et bien que peu de membres désignés aient été présents, les experts ont mieux compris les préoccupations des uns et des autres, a-t-il estimé.

Une première réunion a ensuite été organisée du 6 au 17 août, à Genève, avec un ordre du jour prévoyant d’examiner: la sécurité internationale, le régime juridique existant, le droit à l’autodéfense, les principes existants applicables et les nouveaux principes, ainsi que les interdictions, mesures et comportement des États et les limites à l’emploi de la force.  À cela s’ajoutent également les termes nécessitant d’être précisés, la surveillance et la coopération, les mesures de confiance, le renforcement des capacités et les dispositions finales. 

Le projet de traité sur la prévention du déploiement d’armes dans l’espace est apparu comme une référence constante dans les débats mais les échanges ont également porté sur l’importance de la cohérence avec les traités existants.  Le travail dans les instances connexes a été pris en compte, notamment les discussions conduites à la Conférence du désarmement, ainsi que les recommandations du rapport du Groupe d’experts gouvernementaux sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales de 2013.

Le Président a précisé que différents types et niveaux de vérification ont été envisagés s’agissant notamment du placement des armes, des menaces et de l’emploi de la force contre des objets spatiaux.  Une perspective a également été envisagé pour établir des catégories de risques de hauts et bas niveaux concernant, entre autres, les menaces liées aux débris spatiaux et à leur traitement, les capacités antisatellitaires, le double usage des satellites. Les experts ont également réfléchi aux mesures de confiance et de vérification qui pourraient correspondre à chaque défi.

Le Groupe va élaborer une grille ouvrant la possibilité de contributions des experts sur tous les points importants.  Un projet de grille a déjà été discuté au sein du Groupe de façon à ce que chaque expert puisse y contribuer d’ici à la fin novembre.  Cette grille servira de base à l’élaboration du rapport qui doit être examiné en mars 2019.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RESOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Déclarations

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie), au nom du Mouvement des pays non alignés, a estimé que le désarmement nucléaire est dans une impasse alarmante. Les États nucléaires n’ont fait aucun progrès dans l’élimination de leurs armes nucléaires.  Au contraire, ils modernisent leurs arsenaux et affichent leurs intentions de développer un nouveau type de véhicules de livraison des armes nucléaires, a-t-elle dénoncé.  Le Mouvement des pays non alignés (MNA) est profondément préoccupé par ces affaires qui montrent que les États nucléaires ne remplissent pas les obligations légales qui sont les leurs.  À ses yeux, il est évident que l’approche dite « pas à pas » a échoué à faire des progrès concrets, et le désarmement nucléaire continue d’être pris en otage par de fausses notions. « Il est temps de mettre en place une nouvelle approche pour le désarmement nucléaire », a-t-elle déclaré.

Le Mouvement réitère en outre que la tenue d’une conférence internationale de haut niveau sur le désarmement nucléaire, qui serait décidée par l’Assemblée générale, fournirait une opportunité pour faire l’examen des progrès réalisés et promouvoir le noble objectif du désarmement.

La représentante a émis l’espoir qu’une fois entré en vigueur, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires contribuera à atteindre l’objectif d’élimination totale des armes nucléaires, tout en réaffirmant la nécessité urgente de conclure un instrument universel et juridiquement contraignant, pour assurer à tous les États non détenteurs qu’il n’y aura pas d’utilisation ou de menace d’utilisation de l’arme nucléaire, « quelles que soient les circonstances ».

La représentante a regretté l’échec de la neuvième Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) à trouver un consensus.  Elle a appelé tous les États nucléaires à faire montre de leur volonté politique pour permettre à la Conférence prévue en 2020 de prendre des recommandations concrètes.  Enfin, le Mouvement a réaffirmé le droit pour chaque État de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire, à des fins pacifiques, ainsi que le droit souverain de chaque État de définir ses politiques énergétiques.

M. OMAR HILALE (Maroc) s’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné que l’élimination des armes nucléaires est la seule garantie de ne pas les utiliser et a insisté sur le besoin urgent de débarrasser le monde de ces arsenaux « qui menacent la paix et la sécurité ».  L’Afrique appuie le principe de la dénucléarisation et, dans cet esprit, salue l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui complète et renforce le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).  Aussi, le Groupe demande « instamment » à tous les pays de le signer et le ratifier, notamment les États dotés.  L’élimination des armes nucléaires est notre objectif et c’est également celui du TNP, a-t-il insisté, en regrettant « le rythme lent » des négociations pour y parvenir.

Le Groupe africain a ensuite rappelé l’importance des zones exemptes d’armes nucléaires qui renforcent la paix régionale et internationale.  Il s’est inquiété de l’échec à organiser une conférence régionale pour envisager l’établissement d’une telle zone au Moyen-Orient.  Celle-ci devait se tenir en 2012, a-t-il notamment rappelé.

Le représentant a par ailleurs rappelé le droit inaliénable des États à bénéficier de l’énergie nucléaire, insistant en outre sur l’importance des transferts de technologies pour le développement des pays, notamment africains.

M. BASSEM HASSAN (Égypte), au nom du Groupe arabe, a exprimé sa préoccupation quant à l’échec continu pour parvenir au désarmement nucléaire.  Critiquant les États dotés pour avoir refusé à plusieurs reprises d’établir un calendrier en vue de mettre en œuvre leurs engagements, il a rappelé que le Groupe rejetait les doctrines militaires de ces pays.  Selon lui, l’échec de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 2015 met la communauté internationale face à des responsabilités.  Il a estimé notamment qu’il fallait accélérer le rythme pour assurer la crédibilité et la continuité du mécanisme de désarmement, citant la création de zones exemptes d’armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient.  En 2015, les États arabes ont essayé de sortir de l’impasse avec la rédaction d’un document, a-t-il expliqué, mais cette approche positive a finalement échoué puisque trois États ont brisé le consensus.

« Se débarrasser des armes de destruction massive est un effort collectif », a-t-il insisté avant de réclamer un engagement des autres parties, au risque d’abîmer la crédibilité du TNP.  Prendre des actions rapides et concrètes sur la création de zones exemptes d’armes nucléaires, notamment au Moyen-Orient, est nécessaire, a-t-il affirmé.  Regrettant que l’appel de 1995 à la création de cette zone ait été entravé, il a considéré que cela avait empêché et empêche toujours l’avènement d’une paix et d’une sécurité durables dans la région.  « Nous demandons à tous les États défenseurs de la paix de venir appuyer ce travail. »  À ce titre, il s’est dit préoccupé par les menaces persistantes à la sécurité que fait peser le refus d’Israël d’adhérer au TNP.

M. JOHANN KELLERMAN (Afrique du Sud) au nom de la Coalition pour un nouvel ordre du jour, a regretté qu’il reste tant à faire pour arriver à un monde sans armes nucléaires.  Engagée dans cet objectif, il a présenté les grandes lignes du projet de résolution que la Coalition présentera au cours de cette session.

Le projet de résolution rappelle notamment les inquiétudes de la coalition, concernant l’impact humanitaire de l’usage de ces armes.  Il demande aussi instamment aux États dotés de réduire l’opérationnalité de leurs systèmes d’armement nucléaire et ainsi que leur rôle dans leurs doctrines militaires et leurs stratégies.  Le projet veut aussi s’assurer de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, conformément aux engagements de 1995, et plaide pour l’universalisation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Mme DELL HIGGIE (Nouvelle-Zélande) s’exprimant au nom du Groupe de la levée de l’état d’alerte, a averti que les risques nucléaires se multiplient de façon significative quand ces armes sont en alerte rouge, énumérant ensuite les risques liés à un lancement dû à un problème technique, une mauvaise interprétation, de faux rapports ou l’utilisation de l’arme nucléaire par des acteurs non étatiques, y compris des groupes terroristes ou lors de cyberattaques.  Selon elle, ces risques sont étayés par des incidents survenus ces dernières décennies, les États-Unis et la Fédération de Russie ayant par exemple reçu des informations erronées par le passé.  Et ce cas est loin d’être isolé, a-t-elle signalé.  Étant donné les conséquences dévastatrices potentielles de ces armes, on ne peut pas confier la survie des pays à la chance.

La représentante a regretté la position de certains États nucléaires qui estiment que la levée de l’état d’alerte pourrait créer une situation dangereuse en cas de crise.  Cette position éloigne les États concernés de leurs engagements.  Aussi, le Groupe présentera, une nouvelle fois, une résolution visant à réduire les préparatifs opérationnels des armes nucléaires avec quelques mises à jour par rapport à celle de 2016.

Mme MARATEE NALITA ANDAMO (Thaïlande), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN, a appelé, à préserver son statut de zone exempte d’armes nucléaires. Selon elle, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires constitue un pas essentiel vers un désarmement nucléaire effectif qui complète les traités existants, soulignant d’ailleurs que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) constitue toujours la pierre angulaire du désarmement nucléaire.  La Thaïlande a, en outre, ratifié le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), en septembre dernier, permettant à l’ensemble de l’ASEAN d’y être désormais partie.  Pour leur part, le Brunei et le Myanmar ont signé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Concernant la situation dans la péninsule coréenne, la représentante s’est réjouie de la tenue des trois sommets intercoréens et du sommet entre les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée.  Elle a réaffirmé le droit inaliénable de chaque pays de faire un usage pacifique du nucléaire.  À ce titre, elle a considéré que le plan quinquennal du réseau des organismes de réglementation de l’énergie atomique de l’ASEAN permettra de garantir un emploi en toute sécurité du nucléaire civil dans la région.

Mme SALLY MANSFIELD (Australie), au nom d’un groupe de pays, a indiqué que les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) se sont donné rendez-vous, dans moins de deux ans, à New York pour la Conférence d’examen 2020 du TNP - 50 années après son entrée en vigueur.  Cet anniversaire « nous oblige à regarder vers l’avenir et à nous concentrer sur nos intérêts communs en soutenant et renforçant ce Traité », a-t-elle déclaré, invitant les délégations à faciliter l’émergence d’un compromis pour avancer sur la voie d’un monde sans armes nucléaires.  « Une approche multilatérale est la seule voie possible », et cela est aussi vrai aujourd’hui qu’au moment de la négociation de ce Traité. 

L’Australie préconise pour cela une approche progressive qui consiste en une série de pas pragmatiques, inclusifs et efficaces.  À ce titre, elle a cité l’universalisation et l’entrée en vigueur rapide du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), les négociations au sujet de l’établissement d’un traité interdisant la production de matières fissiles; ainsi que les efforts de coopération en faveur de la vérification du désarmement nucléaire.  Une approche progressive tient également compte de l’environnement sécuritaire international sans perdre de vue les préoccupations relatives à la menace nucléaire, a précisé le représentant.

Elle s’est dite préoccupée par la remise en question de normes de longue date et de l’ordre mondial fondé sur des règles.  « Nous avons tous une responsabilité à assumer en matière de désarmement nucléaire, par conséquent nous devons dépasser nos différences et trouver un socle commun », a martelé la représentante, pour qui le statu quo n’est pas une option.  Tout progrès dépend néanmoins d’un engagement direct des puissances nucléaires, a-t-elle reconnu, pour ensuite les enjoindre à faire preuve de leadership et à respecter leurs obligations en vertu de l’article VI du TNP. 

Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA (Philippines), qui s’exprimait au nom de l’Initiative sur la non-prolifération et le désarmement, a réaffirmé l’importance d’une action concertée pour parvenir à créer un monde sans armes nucléaires.  Profondément engagés à réaliser le principal mandat de cette Initiative, qui est de renforcer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) sur la base du Plan d’action pour 2010, ses membres soulignent que, vu la situation géopolitique actuelle, il est plus nécessaire que jamais de renforcer et d’appuyer le TNP.  Ils appellent d’ailleurs à prendre des mesures courageuses en ce sens à l’approche de la Conférence des Parties chargée d’examiner le TNP en 2020.  L’Initiative réitère en outre sa détermination à poursuivre un dialogue constructif avec les cinq puissances nucléaires, en particulier pour ce qui est de la transparence et du renforcement du processus d’examen du TNP.

Abordant la situation de la péninsule coréenne, la représentante a salué les développements positifs et a émis l’espoir de pouvoir parvenir à sa dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible.  Elle a également apporté le soutien de membres de l’Initiative au Partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire, et au Groupe d’experts gouvernementaux chargé d’examiner le rôle de la vérification dans la progression du désarmement nucléaire.

Mme ANNE KEMPPAINEN, Union européenne, a estimé que malgré la situation sécuritaire actuelle, il y a une marge pour faire progresser le contrôle des armes, le désarmement et la non-prolifération.

Elle a rappelé l’engagement des États de l’UE au titre de l’article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), notamment en ce qui concerne la réduction des arsenaux nucléaires.  C’est pourquoi elle a appelé la Fédération de Russie à tenir compte des inquiétudes concernant le respect du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire.  Ce pays ainsi que les États-Unis doivent préserver ce Traité crucial pour la sécurité de l’Europe et d’autres régions, a souligné la représentante.  Elle a également encouragé ces deux puissances nucléaires à prolonger le nouveau Traité sur la réduction des armes stratégiques (START) et à réduire davantage leurs stocks respectifs d’armes nucléaires, « notamment en raison du contexte sécuritaire tendu que nous connaissons ».

Regrettant que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ne soit toujours pas entré en vigueur, elle a appelé tous les États qui ne l’ont pas fait à le ratifier.  Elle a par ailleurs souhaité que la Conférence du désarmement accorde la priorité au début des négociations autour d’un futur traité interdisant la production de matières fissiles.  En attendant, elle a exhorté tous les pays dotés à ordonner un moratoire sur leur propre production.  À propos des garanties négatives de sécurité, elle a rappelé que la Conférence d’examen du TNP de 2010 avait demandé à la Conférence du désarmement de commencer les discussions sur cette question.  « L’UE demande à tous les États dotés de réaffirmer l’existence de ces garanties », a-t-elle ajouté.

La déléguée a enchaîné en demandant à la Russie d’honorer son engagement à réfréner la menace ou l’usage de la force contre l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Elle a aussi soutenu l’édification d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  Se disant persuadée des vertus du dialogue et des mesures de renforcement de la confiance, elle a par ailleurs exhorté la République populaire démocratique de Corée à s’engager « sérieusement » dans les négociations et à procéder de manière « crédible » à une élimination de son arsenal nucléaire.

Enfin, considérant le Plan d’action global commun comme un élément clef de l’architecture de non-prolifération, elle s’est félicitée des conclusions de l’AIEA selon lesquelles l’Iran se conforme à ses obligations.  Elle a souhaité que cet État joue un rôle constructif dans la région et n’entreprenne aucune activité liée aux missiles balistiques.

Droit de réponse

Réagissant aux propos de l’Égypte, le délégué des États-Unis a rappelé que son pays appuie la mise en œuvre de la résolution de 1995, mais pas les initiatives qui ne sont pas le produit d’un dialogue direct et d’un consensus entre tous les pays de la région.  Il a par ailleurs souligné que lors de la Commission préparatoire de la Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2020, les États-Unis ont présenté certaines idées pour créer un climat capable d’ouvrir la voie à l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  La seule façon de créer cette zone est de prendre en compte les perspectives de tous les pays de la région, a-t-il souligné, dénonçant toute tentative de faire reposer le succès de la prochaine Conférence d’examen du TNP sur la création de cette zone.  Ceux qui essaieront, a-t-il ajouté, devront en assumer la responsabilité.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale réfléchit aux moyens de tirer parti de la « quatrième révolution industrielle » pour accélérer la mise en œuvre du programme 2030

Soixante-treizième session,
22e séance plénière – après-midi
AG/12080

L’Assemblée générale réfléchit aux moyens de tirer parti de la « quatrième révolution industrielle » pour accélérer la mise en œuvre du programme 2030

La « quatrième révolution industrielle », les « chances formidables » qu’elle offre mais aussi les défis qu’elle présente ont été commentés aujourd’hui à l’Assemblée générale qui tenait une séance sur l’« incidence de l’évolution rapide de la technique sur la réalisation des objectifs de développement durable ».  Les États ont souligné le rôle de « catalyseur » que les nouvelles technologies peuvent jouer dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

C’est un fait établi, a dit la Présidente de l’Assemblée générale: les changements technologiques ont un impact sur chaque objectif de développement durable, et il est donc indispensable d’identifier ceux qui nous permettront d’accélérer la réalisation du Programme 2030 et ceux qui sont susceptibles de l’entraver.

Mme Maria Fernanda Espinosa Garcés a par exemple rappelé que pour réaliser l’objectif lié au plein emploi et au travail décent, il faudra créer 600 millions d’emplois d’ici à 2030, dans un contexte où l’automatisation devrait conduire à la suppression de quelque 75 millions d’emploi d’ici à 2022, tout en en créant 133 millions.  La Présidente a aussi parlé du potentiel des changements technologiques pour l’action climatique et l’objectif de contenir le réchauffement planétaire à 1,5ºC.  L’évolution technologique peut en effet booster le développement d’une énergie propre et abordable, a-t-elle souligné.  Le recours aux technologies propres a permis de changer la matrice du secteur électrique chilien, ce qui a fait du pays un pionnier régional en matière de transition énergétique, s’est enorgueilli le Chili. 

Chaque jour, s’est réjoui Israël, des compagnies et individus israéliens repoussent les limitent du possible.  Ce qui était inconcevable hier devient la réalité aujourd’hui: c’est un défi certes mais aussi une « chance formidable ».  Chez nous, a embrayé le Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, la numérisation a apporté une meilleure croissance économique, une plus grande efficacité dans la gestion des ressources et un meilleur développement humain.  L’Estonie, a rappelé le Ministre, est le premier pays à avoir instauré des « élections en ligne », ce qui a provoqué la hausse du taux de participation, alors que le recensement numérique a permis au pays d’économiser l’équivalent de 2% de son produit intérieur brut (PIB).   

Le leadership du Mexique sur la question de l’évolution rapide du changement technologique au sein des Nations Unies a été longuement salué.  Son Ministre des affaires étrangères, M. Luis Videgaray Caso, a annoncé un projet de résolution en préparation, après le texte qui a été adoptée, l’année dernière.  Le Groupe de travail de haut niveau du Secrétaire général sur la coopération numérique et sa Stratégie sur les nouvelles technologies ont été d’autant plus applaudis que les défis sont là, dont la persistance de la fracture numérique dans les pays et entre eux. 

Le Canada a avoué que le grand nord canadien est encore « peu et pas connecté » et selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la différence entre les utilisateurs et les utilisatrices est de 250 millions dans le monde.  L’Inde a cité d’autres risques comme la cybersécurité, les attaques cybernétiques contre des infrastructures cruciales, l’exposition de données personnelles, les questions éthiques liées à la manipulation génétique ou encore l’obsolescence de certains métiers et industries.

Il revient aux gouvernements et aux autres parties prenantes, a conseillé l’Union européenne, de faire en sorte que le « pouvoir de transformation » des nouvelles technologies soit exploité dans l’intérêt de tous.  Cuba a appelé à l’engagement des pays développés dans les questions liées au financement, aux investissements, à la formation et à l’échange des connaissances, aux infrastructures, sans oublier les aspects pertinents du droit de propriété intellectuelle.  Malgré les dangers et risques, les promesses sont tellement « alléchantes » qu’il ne faut pas freiner l’innovation.  Il faut plutôt, a proposé la Géorgie, veiller et prévenir les dangers.

L’Assemblée générale tiendra une autre séance plénière demain, vendredi 19 octobre, à partir de 10 heures pour examiner la question du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique.

INCIDENCE DE L’ÉVOLUTION RAPIDE DE LA TECHNIQUE SUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLE

Déclaration liminaire

Mme MARIA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, Présidente de la soixante-treizième session de l’Assemblée générale, a déclaré que le changement technologique est en train de modifier d’une façon vertigineuse notre présent et nos perspectives d’avenir.  Les universitaires, les scientifiques, le secteur privé, la société civile et les gouvernements se sont concentrés sur les chances, les défis et les menaces que cette transformation substantielle et accélérée que l’histoire implique.  En conséquence, la Présidente de l’Assemblée a estimé à l’ONU de participer à la « conversation la plus importante de notre temps », selon certains. 

C’est un fait établi: les changements technologiques ont un impact sur chaque objectif de développement durable, a affirmé la Présidente, soulignant qu’il est indispensable d’identifier ceux qui nous permettront d’accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ceux qui sont susceptibles de l’entraver.

La Présidente s’est attardée sur l’impact de ces changements sur les emplois de l’avenir et a d’abord rappelé que pour réaliser l’objectif du Programme lié au plein emploi et au travail décent, il faudra créer 600 millions d’emplois d’ici à 2030.  L’automatisation devrait conduire à la suppression de quelque 75 millions d’emploi d’ici à 2022 mais en créer 133 millions nouveaux.  Il faudra donc amorcer des stratégies pour que les gens, y compris les femmes et les filles, s’adaptent et tirent profit du nouveau marché du travail.

La Présidente a ensuite parlé du potentiel des changements technologiques pour l’action climatique et l’objectif de contenir le réchauffement planétaire à 1,5ºC, conformément à l’Accord de Paris et à l’objectif 13 du Programme 2030.  L’évolution technologique peut en effet booster le développement d’une énergie propre et abordable.

Poursuivant, la Présidente a souligné que les progrès technologiques peuvent transformer positivement la vie s’ils touchent tout le monde.  Il faut en effet éviter de creuser encore les inégalités et de voir s’éloigner la possibilité de réaliser l’objectif 10 du Programme 2030.  La Présidente a cité l’exemple de la technologie numérique qui, en dépit de son expansion rapide, ne touche que 48% de la population mondiale.  Le fossé numérique persiste tant dans les pays qu’entre eux et reste un obstacle au développement.  L’autre défi, a reconnu la Présidente, est le respect de la vie privée à l’ère numérique.  Elle a parlé des autres technologies en cours de développement, comme l’intelligence artificielle, qui exige des cadres de réglementation solides pour pallier aux risques de manipulation.

Débat

M. MAUTHE-KAETER, délégué de l’Union européenne, a déclaré qu’alors que des millions de personnes ont su tirer profit des chances offertes par les nouvelles technologies, d’autres courent le risque d’être laissées sur le côté, notamment celles qui ne sont pas connectées à Internet.  Il revient donc aux gouvernements et aux autres parties prenantes de faire en sorte que le « pouvoir de transformation » des nouvelles technologies puisse être exploité dans l’intérêt de toute la population mondiale.  Le représentant a salué, à cet égard, la mise en place, par le Secrétaire général, du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique et de la Stratégie sur les nouvelles technologies. 

Pour l’Union européenne, ces nouvelles technologies doivent mener à un développement durable, à la croissance économique et à la création d’emplois, tout en contribuant à la protection de l’environnement et au renforcement des institutions démocratiques.  Pour ce faire, nous devons entretenir un dialogue transparent à l’échelle mondiale, a expliqué le représentant, tout en améliorant la coopération.  Les mécanismes tels que le Forum sur la gouvernance d’Internet doivent être mis à contribution pour favoriser la mise en œuvre du Programme 2030. 

Pour sa part, l’Union européenne a déjà mis en place un marché unique numérique ainsi qu’un règlement relatif à la protection des données à l’intention des entreprises concernées.  En adoptant la politique « Digital4Development », les États membres de l’Union européenne entendent intensifier leur coopération avec les pays en développement.

M. LUIS VIDEGARAY CASO, Ministre des affaires étrangères du Mexique, a d’abord parlé des migrants honduriens et guatémaltèques qui ont formé « une caravane » en direction des États-Unis.  Il a prié les pays sud-américains et les États-Unis de répondre aux besoins de ces personnes, dans le respect de leurs droits.  Il a exhorté toutes les régions du monde à aider l’Amérique centrale à traiter des causes profondes et structurelles de ce phénomène humanitaire aux racines économiques.

Le Ministre a déclaré que la résolution A/RES72/242 que son pays avait présentée sur la question examinée aujourd’hui et qui avait été adoptée en décembre 2017, grâce à l’appui de 35 États, montrait déjà les répercussions à plusieurs facettes, inévitables et profondes de la « quatrième révolution industrielle ».  Le Secrétaire général a reconnu l’importance de ce phénomène et en a fait une de ses priorités.  Les technologies, a dit le Ministre, ont un impact économique, sociale et écologique sur tous les pays.  Elles peuvent présenter des risques mais aussi apporter des choses positives.  Cette réalité a d’ailleurs été illustrée par l’attribution du prix Nobel d’économie à Paul Romer pour sa contribution méthodologique à l’identification des causes et des conséquences de l’innovation technologique.  Devant des défis de cette ampleur, le Mexique, a indiqué le Ministre, a décidé de ne pas rester observateur mais de rechercher activement des solutions car, alors que le monde se transforme à un rythme exponentiel, les politiques publiques restent les mêmes.

Depuis l’adoption de la résolution A/RES/72/242, entre 44 et 60 pays se réunissent régulièrement pour écouter les experts, discuter et voir comment élaborer de meilleures politiques publiques.  Une de ces réunions a eu lieu à la « Silicon Valley », « centre de la quatrième révolution industrielle ».   Le Ministre a salué le Secrétaire général de l’ONU qui a assumé son rôle de chef de file en créant le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique et en présentant la Stratégie sur les nouvelles technologies.  Avec ces initiatives et le Forum sur la science, la technologie et l’innovation, nous sommes, s’est félicité le Ministre, en train de poser les premiers jalons d’une prise de conscience mondiale.  Les Nations Unies et l’Assemblée générale sont les forums les plus importants pour diriger les débats les plus importants de notre temps, a souligné le Ministre.    

M. SVEN MIKSER, Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a attribué, en grande partie, le développement rapide de son pays aux technologies de l’information et des communications (TIC), dont la gouvernance électronique.  La numérisation a apporté une meilleure croissance économique, une plus grande efficacité dans la gestion des ressources et un meilleur développement humain.  La numérisation, a expliqué le Ministre, améliore en effet l’efficacité du gouvernement, sa transparence et la confiance du citoyen dans les processus publics, tout en renforçant la participation de ce dernier à l’édification d’une société plus inclusive et plus unie, ce qui est crucial pour la réalisation du Programme 2030.

Pour l’Estonie, a poursuivi le Ministre, les TIC peuvent tout simplement « révolutionner » l’entrepreneuriat, l’éducation, l’emploi et même le secteur de la santé.  Les services en ligne, qui dépassent les frontières géographiques, détruisent les barrières inutiles, entre le citoyen et l’État, entre le monde des affaires et les autres.  Le Ministre a d’ailleurs indiqué que son pays a partagé ses connaissances avec de nombreux pays et va continuer à le faire, en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Union africaine et toutes les autres parties intéressées.  Un projet avec le PNUD va d’ailleurs permettre à l’Estonie de partager son expérience de gouvernance électronique avec près de 170 pays et territoires.

Mais, a prévenu le Ministre, aucune technique ni expertise technologique n’aidera les pays à se numériser si la volonté politique et le leadership nécessaire ne sont pas là pour guider les processus.  Il a donné l’exemple du recensement numérique des Estoniens, un projet qui a permis au pays d’économiser l’équivalent de 2% de son produit intérieur brut (PIB).  De même, en 2017, 96% de la population estonienne effectuait leur déclaration d’impôt en ligne.  L’Estonie, s’est enorgueilli le Ministre, est le premier pays à avoir instauré des « élections en ligne », ce qui a provoqué la hausse du taux de participation.

La numérisation n’est pas la panacée, a reconnu le Ministre.  Mais, a-t-il encouragé, les obstacles peuvent être surmontés.  L’expérience estonienne montre que les avantages sont bien supérieurs aux inconvénients, a rassuré M. Mikser, qui a dit voir dans les nouvelles technologies « des catalyseurs » de l’égalité des chances quand ils sont sous-tendus par les bonnes politiques.  Les dangers qui entourent ces technologies accroissent les risques conventionnels mais rien qu’un environnement juridique international approprié ne pourrait prévenir.  Le monde, a conclu le Ministre, ne peut s’offrir le luxe d’ignorer le potentiel de la numérisation s’il veut réaliser les objectifs de développement durable. 

M. VITALY MACKAY (Bélarus) a estimé que les nouvelles technologies sont l’un des meilleurs leviers pour la réalisation du Programme 2030 et a appuyé la prospection technique qui est au cœur même du développement.  Le Bélarus met d’ailleurs au point un programme national de prévision technique 2025-2040 pour identifier avec exactitude les biens et services qui seront nécessaires et élaborer des recommandations.  La question de la prospection et des prévisions n’a pas été proprement abordée par les gouvernements, a estimé le représentant, constatant que c’est la « chasse gardée » des entreprises.  Il a donc invité les États à axer davantage leurs efforts sur des domaines tels que l’analyse des tendances technologiques et les projets de recherche.  Une telle coopération devrait permettre de répondre aux priorités nationales et d’affiner les stratégies aux fins de développement durable.

Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) a dit que la « quatrième révolution technologique » aura une portée inédite.  Si les nouvelles technologies peuvent en effet faire avancer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, il ne faut pas pour autant oublier les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international.  La représentante s’est surtout attardée sur le potentiel des TIC pour la santé et la prévention des risques de catastrophe.  Elle s’est d’ailleurs félicitée du rôle de chef de file que joue son pays dans le projet européen « Galileo » qui exploite les images satellites pour la prévention des catastrophes.

Mme ANAYANSI RODRIGUEZ CAMEJO (Cuba) a cité quelques technologies qui peuvent faciliter la réalisation du Programme 2030 comme les mégadonnées; l’intelligence artificielle; le 3D; ou la biotechnologie.  Pour Cuba, la numérisation et la connectivité sont deux facteurs majeurs qui exigent les politiques nécessaires pour les mettre au service des peuples.  Cuba plaide pour une lutte bien financée pour rétrécir le fossé entre les pays du Nord et du Sud.  Il faudra de la volonté politique mais aussi l’engagement des pays développés dans les questions liées au financement, aux investissements, à la formation et à l’échange des connaissances, aux infrastructures, sans oublier les aspects pertinents du droit de propriété intellectuelle.  Cuba est du reste toujours préoccupée par l’utilisation « illégale et secrète » des nouvelles technologies pour promouvoir la guerre, l’interventionnisme, la déstabilisation, la subversion, l’unilatéralisme et les actes terroristes.  La seule manière d’éliminer ces menaces, c’est la coopération entre États, a souligné la représentante qui a conclu sur la détermination de son pays à réaliser le Programme 2030 malgré le blocus imposé depuis plus de cinquante ans par les États-Unis.

M. RAUF ALP DENKTAS (Turquie) a indiqué qu’en tant que membre du Groupe sur l’évolution rapide du changement technologique, il a apprécié que le Mexique ait placé cette question au centre des débats.  La Turquie ayant la population la plus jeune et la deuxième population la plus importante d’Europe, accorde un intérêt croissant à l’impact des technologies dans cette « quatrième révolution industrielle » qu’il faut embrasser aux niveaux local, national et international.  Les États et l’ONU doivent et peuvent influencer ce processus, a-t-il assuré, en encourageant l’ONU à servir de plateforme pour sensibiliser l’opinion publique et établir de bons modèles pour les cadres réglementaires nationaux.

Il nous faut des politiques souples et favorables au renforcement des capacités novatrices pour aider la population active à s’adapter aux nouvelles demandes et aux technologies émergentes, comme l’intelligence artificielle et la robotique.  Il nous faut mieux comprendre les retombées potentielles des nouvelles technologies sur les pays à faible revenu et en l’occurrence, l’ONU doit contribuer au renforcement des capacités, en veillant à des partenariats renforcés et à l’échange des expériences et du savoir-faire.  L’innovation scientifique et technologique est une question transversale pour les objectifs de développement durable, a souligné le représentant qui a rappelé que la Banque technologique que son pays abrite jouera un rôle primordial dans l’intégration des pays les moins avancés (PMA) dans l’économie fondée sur le savoir.   La Banque a d’ores et déjà commencé à créer des banques de données après avoir évaluer les besoins en Guinée, en Haïti, au Soudan, au Timor-Leste et en Ouganda, en collaboration avec les agences de l’ONU.     

M. CHO TAE-YUL (République de Corée) a insisté sur les « angoisses » et « désagréments » générés par les nouvelles technologies s’agissant notamment du respect de la vie privée, de l’équité ou de la sécurité d’emploi. Il a jugé essentielle la tenue d’un dialogue entre toutes les parties prenantes afin d’y remédier et tirer le meilleur parti de ces technologies, l’ONU devant à ce titre jouer un rôle central.  Le délégué a exhorté tous les pays, développés ou en développement, à miser sur l’éducation des jeunes générations pour une utilisation efficace de ces technologies.  Le fossé technologique entre pays doit également être comblé, a-t-il dit, ajoutant, en conclusion, que l’ONU peut servir à cet égard de plateforme d’échange des bonnes pratiques.

M. MILENKO SKOKNIC TAPIA (Chili) a déclaré que l’intelligence artificielle, les mégadonnées, l’automatisation, la neuroscience et la nanotechnologie ont des incidences multiples et variées sur tous les aspects de la vie quotidienne.  Il faut, a-t-il estimé, saisir cette chance « incroyable » pour élaborer des politiques à même d’améliorer la qualité de vie de l’être humain partout dans le monde surtout dans les domaines de la santé, de l’alimentation, de l’énergie et de l’éducation.  C’est à juste titre que le Programme 2030 qualifie les nouvelles technologies de « catalyseurs ».  Il est donc tout à fait logique de tirer profit des possibilités offertes par la « quatrième révolution industrielle » et le Programme à l’horizon 2030 pour concevoir des politiques publiques plus efficaces.  Le représentant a donné l’exemple du recours aux technologies propres pour changer la matrice du secteur électrique chilien, ce qui a permis au pays de devenir un pionnier régional en matière de transition énergétique.  Les mégadonnées et leur relation avec l’intelligence artificielle sont aussi au cœur d’une plateforme qui regroupe plus de 50% de la capacité des observatoires astronomiques du monde.  Le représentant a espéré que ce taux montera à 75%, au cours des dix prochaines années.   

Mme SALOME IMNADZE (Géorgie) a dit que les nouvelles technologies peuvent contribuer à guérir des maladies, nourrir des populations, améliorer la croissance économique et connecter les entreprises, les communautés, les familles et les amis à travers le monde.  Les nouvelles technologies peuvent être les « agents de changement » et accélérer la réalisation du Programme 2030.  L’intelligence artificielle peut, par exemple, « révolutionner » les salles de classe en mettant à la disposition des élèves des « mentors virtuels ».  La représentante s’est tout de même attardée sur les risques: l’intelligence artificielle et la robotique conduisent à l’automatisation qui elle-même peut déstabiliser les travailleurs et les forcer à émigrer.  La différence entre cette « quatrième révolution industrielle » et les précédentes, a-t-elle estimé, tient à son échelle et à sa vitesse.  Les pays en développement et les économies en transition sont ceux qui porteront le poids de ces changements, puisque leur avantage traditionnel du coût de production finira par disparaître.  N’oublions pas non plus, a ajouté la représentante, que la technologie n’est qu’un outil et qu’aux mains de criminels ou de terroristes, elle devient meurtrière.  Mais, s’est-elle résignée, les promesses sont tellement alléchantes qu’il ne faut pas freiner l’innovation.  Il faut plutôt, a-t-elle proposé, veiller et prévenir les dangers.

Nous sommes au début d’une « quatrième révolution industrielle », a affirmé, à son tour, Mme MILICA PEJANOVIĆ ĐURIŠIĆ (Monténégro), pour qui les innovations en matière de technologies, d’intelligence artificielle, de nanotechnologie et de biotechnologie « se potentialisent les unes aux autres ».  Dans cet environnement « dynamique et interconnecté » où l’imagination ne connait pas de limite, la représentante monténégrine a appelé les États à mettre en commun leurs ressources pour capitaliser rapidement sur les changements technologiques et mieux comprendre les risques liés aux innovations récentes.  Dans cet esprit de partage, Mme Pejanović Đurišić a souhaité rendre compte d’une « excellente expérience » en cours, impliquant le Monténégro, l’Union internationale des télécommunications (UIT) et plusieurs autres pays, et consistant à cartographier l’innovation digitale des États impliqués.  Cette expérience, a-t-elle précisé, permettra d’établir des mesures de comparaison des capacités d’innovation nationales respectives.

M. TANMAYA LAL (Inde) a relevé que la convergence des nouvelles technologies est facilitée par l’émergence de plateformes numériques et la réduction du coût d’entrée pour les innovateurs.  « Même si la technologie est neutre, son déploiement et son accès ne le sont pas », a affirmé le délégué.  Les nouvelles technologies aggravent les inégalités existantes et créent de nouvelles lignes de faille.  Il a évoqué d’autres risques comme la cybersécurité, les attaques cybernétiques contre des infrastructures cruciales, l’exposition de données personnelles, les questions éthiques liées à la manipulation génétique ou encore l’obsolescence de certains métiers et industries.  « Toute révolution technologique fait des gagnants et des perdants dans les communautés et les nations », a-t-il reconnu, prévenant que le monde ne peut s’offrir ce luxe alors qu’il est engagé dans la réalisation du Programme 2030. 

En Inde, les autorités se sont servies des TIC pour renforcer l’inclusion financière, notamment en liant le système d’identification biométrique unique à l’ouverture de comptes bancaires et à l’utilisation de téléphones portables, y compris pour les plus pauvres et les marginalisés.  Ces mesures ont facilité l’accès aux services publics tout en améliorant la transparence et en faisant baisser la corruption.  Le représentant a aussi parlé de la télémédecine et le télé-enseignement ou encore des systèmes d’informations géographiques déployés pour diffuser les informations relatives à l’eau, faire l’inventaire des cultures ou encore prévenir les risques de catastrophes naturelles.  Pour l’Inde, l’impact « transformateur » des nouvelles technologies est évident, même si toutes les implications ne sont pas encore comprises.  Il est donc important que la communauté internationale discute des risques, dans un cadre de collaboration pour l’intérêt collectif.

M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a estimé que le monde est au seuil d’un profond changement de paradigme compte tenu de la vitesse et de l’accélération constante des sciences numériques qui transforment les sociétés de plus en plus rapidement.  Ainsi, les biotechnologies transforment l’agriculture, et la nanotechnologiques ouvre la porte à de nouvelles possibilités pour l’être humain. L’étude de cette évolution est un sujet essentiel pour les Nations Unies, a reconnu le représentant qui a jugé que le Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation est la plateforme la plus adéquate pour analyser les incidences des nouvelles technologies sur le développement durable.  Il a d’ailleurs demandé des informations plus détaillées sur le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique créé par le Secrétaire général.  Il nous faut, s’est-il expliqué, une approche globale et équilibrée, qui tienne compte des défis et des avantages.  Nous devons littéralement faire « un bond de géant » dans l’examen de ces questions et de l’utilisation des technologies, en promouvant la recherche interdisciplinaire.  

M. JÜRG LAUBER (Suisse) a estimé que nous nous trouvons face à un tournant décisif où les citoyens mais aussi les entreprises et les politiciens sont de plus en plus préoccupés par certains aspects les plus compliqués de la numérisation.  En ce qui concerne l’intervention du gouvernement et la régulation de la numérisation, la Suisse considère qu’il est important de suivre une approche favorable à l’innovation.  La numérisation relie divers secteurs politiques qui ont traditionnellement été traités indépendamment les uns des autres.  Dans l’univers numérique, nous devons prendre en compte ces interdépendances en abordant conjointement les questions telles que l’accès à Internet pour tous, la régulation du marché et le potentiel de la numérisation pour réaliser les objectifs de développement durable.

Le représentant a salué le lancement du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique par le Secrétaire général.  Ce panel constitué de membres éminents issus d’horizons divers, apportera des idées concrètes sur la manière dont les nombreux acteurs de la gouvernance numérique coopèrent de manière plus constructive et efficace afin que nous puissions tous mieux profiter des opportunités que nous offre la numérisation.  La coopération multipartite est capitale et le Forum mondial sur la gouvernance d’Internet a un rôle essentiel à jouer dans la coopération numérique présente et future. 

Il faut se demander, a estimé M. SAUD HAMAD GHANEM HAMAD ALSHAMSI (Émirats arabes unis), si le développement technologique et son utilisation nous rapprochent de la réalisation de notre objectif d’éliminer la pauvreté, de parvenir à l’éducation universelle ou de combattre les changements climatiques.  Pour répondre à cette question, la communauté internationale doit se mettre d’accord sur des mécanismes et des valeurs sur lesquels notre gestion des technologies se fondera.  En deuxième lieu, l’approche public-privé semble la plus efficace pour mettre le changement technologique au service des objectifs de développement durable.  Le secteur privé doit donc être invité à participer aux forums et aux réunions de l’ONU.  En troisième lieu, a conclu le représentant, nous devons agir rapidement pour réduire le fossé technologique.

Mme AHMAD RAFIE (Brunéi Darussalam) a indiqué que son pays vit la « quatrième révolution industrielle » laquelle a changé le quotidien des citoyens. La Vision 2035, mise au point par le gouvernement, vise d’ailleurs à l’émergence d’une société hautement qualifiée, bien éduquée et capable d’assurer la viabilité de l’économie.  La représentante a insisté sur les efforts déployés pour renforcer le système éducatif qui met désormais un accent particulier sur la science et les technologies.  Elle a mentionné le Centre de formation permanente pour doter le pays d’une main d’œuvre conforme à la Vision 2035.  Brunéi Darussalam, a-t-elle conclu, s’est lancé dans la diversification de son économie et reste déterminé à réaliser le Programme 2030.

Mme NOA FURMAN (Israël) s’est réjouie qu’Israël fasse partie du Groupe des Amis créé par le Mexique sur l’évolution rapide du changement technologique.  Israël est en effet « au top » de l’innovation technologique.  Chaque jour, s’est réjouie la représentante, des compagnies et individus israéliens repoussent les limitent du possible.  Ce qui était inconcevable hier devient la réalité aujourd’hui: c’est un défi certes mais aussi une « chance formidable », s’est exclamée la représentante.  Elle s’est aussi dit fière que l’Israélienne, Kira Radinsky, ait été nommée au Groupe de haut niveau du Secrétaire général sur la coopération numérique.  Kira Radinsky, a-t-elle expliqué, est l’une des plus jeunes scientifiques au parcours extraordinaire.  C’est elle qui a mis au point un algorithme pour détecter les signaux d’alerte d’évènements majeurs comme les soulèvements politiques ou les épidémies.

La représentante a donc insisté sur la formation des jeunes, « indispensable », pour en faire des agents du changement.  Elle a donné l’exemple d’une startup israélienne qui enseigne aux très jeunes enfants les rudiments de la programmation, et ce, de façon ludique en se servant de briques pour fabriquer des robots.  Les femmes sont également partie intégrante du changement car la technologie leur ouvre, à elles et aux populations marginalisées, des portes dont elles ne soupçonnaient même pas l’existence.

Selon M. MHER MARGARYAN (Arménie), le taux de pénétration d’Internet dans le pays est de 72,5%.  L’Arménie abrite en effet un secteur de la technologie et de l’information « vibrant et dynamique », exploitant le potentiel de ses scientifiques et de leurs liens avec la diaspora.  Les nouvelles technologies sont, il est vrai, indispensables pour jeter des ponts avec la diaspora et créer un écosystème d’entreprises et des fonds d’investissements pour les jeunes entrepreneurs.  Les nouvelles technologies sont aussi de plus en plus utilisées en Arménie pour améliorer l’efficacité des services publics et le travail quotidien du gouvernement. 

Ce dernier a lancé un programme qui vise à tourner l’économie vers la haute technologie et l’innovation.  Le représentant a d’ailleurs rappelé que la semaine dernière, Erevan a accueilli le Sommet de la Francophonie dont l’un des thèmes principaux était « la Francophonie numérique » pour favoriser l’accès des jeunes et des femmes aux nouvelles technologies.  Pour le représentant, l’ONU reste un important partenaire pour la promotion des nouvelles idées et de la créativité au-delà de la coopération traditionnelle au développement.  Avec l’équipe de pays des Nations Unies, l’Arménie a mis en place des plateformes focalisées sur le potentiel des réformes et de l’innovation dans la réalisation d’un « développement intelligent ».

M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a salué le Ministre mexicain des affaires étrangères pour avoir attiré l’attention sur le sort des migrants et a voulu que l’on aborde le phénomène migratoire, en accordant la priorité aux droits de l’homme et à la protection des migrants.  S’agissant du changement technologique, le représentant a reconnu qu’il ne manquera pas d’avoir une incidence sur tous les aspects de la réalisation du Programme 2030.  Mais, a-t-il prévenu, le manque d’informations et de clarté sur les effets négatifs et positifs des nouvelles technologies sur les sociétés, les économies et l’environnement et même sur les politiques nationales demeure préoccupant.  Le Mécanisme de facilitation des technologies pour la réalisation des objectifs de développement durable et son Groupe de travail interinstitutions sont d’une grande importance en ce sens qu’ils facilitent un dialogue élargi sur les vulnérabilités.  D’après le Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Roberto Azevêdo, 80% des emplois perdus le sont à cause des nouvelles technologies.  Il est donc urgent d’épauler le Mécanisme de facilitation pour avoir une connaissance plus approfondie des technologies et de leur impact sur nos vies quotidiennes.

M. TORE HATTREM (Norvège) a jugé important d’examiner soigneusement le rôle que la technologie numérique peut jouer pour le développement durable et d’être conscient du nouvel ensemble de défis qu’elle crée.  Nous devons continuer d’avancer pour réduire le fossé numérique, y compris entre les sexes.  Nous devons aussi, a poursuivi le représentant, combler nos lacunes dans la compréhension du phénomène et promouvoir une collaboration interdisciplinaire pour que le système des Nations Unies pour le développement puisse non seulement suivre et relever les défis mais également exploiter et propager les opportunités.  La création par le Secrétaire général du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique et sa Stratégie sur les nouvelles technologies montre que l’ONU place cette question en tête de ses priorités, s’est réjoui le représentant.  Notre expérience nationale, a-t-il confié, nous a appris que nombreuses sont les entreprises et les organisations aux riches compétences technologiques qui sont disposées à prêter main forte.

M. PIERRE-DAVID JEAN (Canada) a prévenu que ce ne sont pas « les vieilles recettes » qui vont nous permettre de réaliser le Programme 2030.  Les technologies innovantes peuvent nous servir.  Le représentant a donc plaidé pour que la communauté internationale veille à ce que ces technologies soutiennent l’intégration économique et sociale.  Le Canada, a-t-il confié, s’intéresse particulièrement au potentiel de ces technologies pour l’égalité entre les sexes, en particulier l’accès égal des femmes au capital, aux marchés, à l’entreprenariat ou encore au leadership.  Il a rappelé que malgré l’expansion de ces technologies, le fossé numérique subsiste dans les pays et entre eux, et ce, en fonction du sexe, de la localisation, de l’âge ou du revenu.  Même dans un pays comme le Canada, a-t-il avoué, la connectivité demeure un défi, car de nombreuses régions du nord sont encore peu ou pas connectées.

M. ROBIN OGILVY, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a souligné que l’innovation rapide, y compris de la numérisation, détient un énorme potentiel pour améliorer la productivité, les revenus et le bien-être partout dans le monde.  Il a espéré que l’on se servira de ces technologies pour réaliser le Programme 2030 et veiller à ne laisser personne sur le côté.  Il a jugé particulièrement encourageant le potentiel de ces technologies pour les pays en développement, soulignant que l’accès aux technologies reste inégalitaire.  Les différences entre les utilisateurs et les utilisatrices est de 250 millions dans le monde et malgré des progrès, les femmes et les filles sont toujours sous-représentées non seulement dans l’accès aux technologies mais aussi dans les filières scientifique, technologique ou mathématique.  Les normes sociales et les institutions sont des obstacles de taille, a alerté le représentant.  Il a prévenu que l’innovation sera un facteur perturbateur pour le marché de l’emploi, affectant la répartition des postes, les salaires et les revenus.  La solution n’est pas de mettre des freins à l’innovation mais de travailler ensemble pour adopter les bonnes politiques et faire en sorte que les dividendes de l’innovation soient plus largement partagés. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: inquiétudes pour les droits des personnes déplacées internes et des migrants, et appel à une ratification plus large des conventions

Soixante-treizième session,
23e & 24e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4238

Troisième Commission: inquiétudes pour les droits des personnes déplacées internes et des migrants, et appel à une ratification plus large des conventions

La Troisième Commission a poursuivi, aujourd’hui, l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous ses différentes facettes en se penchant sur les thèmes des disparitions forcées, des personnes déplacées sur le plan interne et des droits des migrants et de leur famille.  Les Présidents des organes de traités ont insisté sur l’importance d’une ratification plus large des conventions traitant de ces questions, l’attention des délégations étant par ailleurs attirée sur la difficulté d’accès des déplacés internes et des migrants à la justice.

En sa qualité de Présidente du Comité des disparitions forcées, organe de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, Mme Suela Janina a rappelé qu’à ce jour, cette Convention ne comptait encore que 59 États parties pour 98 États signataires.  Elle s’est toutefois félicitée que, dans le cadre de l’Examen périodique universel, certains États aient exprimé l’intention de ratifier la Convention ou d’y accéder.  Il y a en effet urgence: Mme Janina a fait état de 541 procédures d’action urgente reçues par le Comité à la date du 9 octobre.

Même ton alarmiste de la part de M. Bernard Duhaime, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires: pour la seule année 2018, son instance a transmis 802 nouveaux cas de disparitions forcées à 42 États, dont 264 en application de la procédure d’urgence.  Ces chiffres démontrent une progression « inacceptable », a-t-il constaté, ajoutant que de nombreux cas n’avaient pas encore été notifiés au Groupe de travail et ne le seraient probablement jamais. 

M. Duhaime a évoqué une pratique tout aussi inquiétante à ses yeux, qui tient aux cas de « disparition de courte durée », notamment dans le cadre d’opérations antiterroristes visant à rassembler des preuves ou à parachever des enquêtes, le plus souvent sous la contrainte physique et psychologique.  Quant aux enlèvements extraterritoriaux, il a noté que, le plus souvent, la personne était détenue dans son pays après une courte période de disparition.  Dans d’autres cas, a-t-il expliqué, elle disparaît à jamais, comme ce fut le cas récemment du journaliste saoudien Jamal Khasshoggi, « un cas parmi des milliers d’autres, bien qu’exceptionnel dans ses modalités ». 

S’agissant des droits des personnes déplacées dans leur propre pays, dont le nombre s’élevait à quelque 40 millions fin 2017, Mme Cecilia Jimenez-Damary, Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, a imputé l’augmentation croissante de ce phénomène, ces deux dernières décennies, aux conflits armés.  Son rapport se veut du reste une « feuille de route » afin, notamment, de s’assurer que les mesures de justice transitionnelle veillent à prévenir de tels déplacements et à parvenir à des solutions durables.  Considérant que la justice transitionnelle devrait aller de pair avec les processus de consolidation de la paix, les actions humanitaires et les projets de développement, Mme Jimenez-Damary a vivement souhaité la participation des personnes déplacées pour que leurs points de vue, besoins et objectifs soient pris en compte.

Dans le même ordre d’idée, M. Felipe González Morales, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, a mis l’accent sur l’accès effectif des migrants à la justice, assurant que toute personne avait le droit d’accéder au système prévu pour la résolution des conflits et le rétablissement des droits.  Cela implique de veiller à ce que quiconque puisse se tourner vers des tribunaux.  Cet accès à la justice doit, en outre, être garanti aux migrants indépendamment de leur statut migratoire.  À cet égard, M. González Morales a aussi appelé à l’amélioration de la situation des travailleurs domestiques, préconisant des mesures appropriées dans les pays d’accueil aussi bien que d’origine.

Le Rapporteur spécial a également observé que les mesures visant à accélérer le retour des migrants les privent souvent de leur droit de rechercher une protection internationale et violent le principe de non-refoulement.  L’un des mécanismes leur permettant d’exercer leurs droits fondamentaux sans craindre d’être signalés est la protection par un « pare-feu », a-t-il indiqué, invitant les États à mettre en place des lois et pratiques qui interdisent clairement le transfert d’informations et suppriment l’obligation de signaler le statut de migration irrégulière d’un individu.  « Cela contribuera à réduire la crainte des migrants d’être signalés, détenus et expulsés, réduisant ainsi l’impunité pour les violations dont ils sont victimes », a-t-il dit.

Dernier intervenant de cette séance, M. Ahmadou Tall, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a tenu à avertir que la migration a été et restera une réalité quotidienne.  Tout porte à croire, en effet, que le monde est à la veille d’une mobilité internationale beaucoup plus importante, due en grande partie à la diminution de la main-d’œuvre et au vieillissement de la population, conjugués aux faibles taux de natalité dans de nombreux pays industrialisés, a-t-il mis en garde, non sans pointer l’apport des migrants aux besoins du marché du travail dans ces pays. 

Alors que l’on dénombre plus de 258 millions de migrants dans le monde, dont quelque 30 millions d’enfants, environ 20% d’entre eux étant en situation irrégulière, M. Tall a regretté que les droits des travailleurs migrants soient régulièrement bafoués et a appelé à une mobilisation collective pour trouver des solutions durables.  À cet égard, il a déploré que seuls 53 États soient aujourd’hui parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 28 ans après son adoption.  Il a souhaité, que le pacte mondial sur les migrations qui doit être adopté en décembre, contribue à répondre à un grand nombre de ces enjeux.

En fin de séance, une dizaine de délégations sont intervenues dans le cadre du débat général sur la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ses aspects.

Demain, vendredi 19 octobre, la Troisième Commission poursuivra, à partir de 10 heures, son examen du même thème.  Elle dialoguera dans ce cadre avec six autres Rapporteurs spéciaux.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

Mme SUELA JANINA, Présidente du Comité des disparitions forcées, organe de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, a présenté le septième rapport du Comité - qui porte sur ses treizième et quatorzième sessions, tenues respectivement en septembre 2017 et mai 2018.  Elle a rappelé qu’à ce jour, la Convention comptait 59 États parties pour 98 États signataires.  Elle s’est félicitée, à cet égard, que certains États ont, dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), indiqué leur intention de ratifier la Convention ou d’y accéder.

En revanche, Mme Janina a déploré le nombre croissant de cas urgents de disparitions forcées reçus régulièrement par le Comité, un phénomène qui n’augure pas d’une tendance à la baisse.  Elle en veut pour preuve les 541 cas de procédures d’actions urgentes enregistrés à la date du 9 octobre 2018. 

À chaque session, le Comité entreprend une analyse des tendances reflétées par ces cas dans ses rapports sur les actions urgentes, a expliqué sa Présidente.  Il a été également décidé de lancer la préparation d’études analytiques sur les principales tendances et les conclusions sur ces procédures.  Toutefois, elle s’est dite satisfaite de voir de nombreux États coopérer avec ce mécanisme, ce qui a permis, dans certains cas, de localiser les victimes. 

Durant la période considérée, le Comité a examiné les rapports de cinq États parties -la Lituanie, le Gabon, l’Albanie, l’Autriche et le Honduras- et adopté des observations finales.  Lors de sa treizième session, le Comité a également adopté son rapport sur le suivi des observations finales qui a reflété les statuts de la mise en œuvre de ses observations sur le Burkina Faso, l’Iraq, le Kazakhstan, le Monténégro et la Tunisie.  Il a salué les engagements de ces États avec ses procédures de suivi.

Par ailleurs, le Comité s’est dit préoccupé concernant des rapports en souffrance et a réitéré sa décision d’examiner la situation des États dont la remise du rapport initial affiche plus de cinq ans de retard.  À cet effet, le Comité a adressé au Brésil, au Mali et au Nigéria une note les informant qu’en cas de non réception de leurs rapports à la date butoir du 23 octobre 2018, l’examen serait mené en absence de rapport. 

Mme Janina a ensuite détaillé la méthode de travail du Comité, notamment s’agissant d’informations additionnelles reçues avec l’objectif d’évaluer la mise en œuvre des recommandations faites par le Comité.  Elle a cité, à cet égard, l’exemple du Mexique qui, conformément à cette procédure, a été invité à un dialogue de suivi.  Mme Janina en a profité pour saluer l’engagement de ce pays avec ces procédures et estimé que ce sont « de bonnes pratiques » à suivre. 

À ce jour, seuls 22 des 59 États parties à la Convention ont accepté la compétence du Comité de recevoir des communications individuelles conformément à l’article 31 de la Convention, a regretté Mme Janina, pour qui ce faible nombre ne facilite pas l’objectif du Comité d’être pleinement opérationnel pour soutenir les victimes et accompagner les États parties vers la totale mise en œuvre de leurs obligations conventionnelles, a-t-elle regretté.  

En conclusion, Mme Janina a affirmé la disposition du Comité à utiliser de manière correcte et efficace tous les principaux outils fournis par la Convention et dont, a-t-elle répété, le but ultime est d’assister les États parties dans la mise en œuvre effective des engagements souscrits.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Suela Janina, le Mexique a dit avoir accepté l’invitation du Comité à un dialogue de suivi sur les questions liées aux disparitions forcées.  Conscient des défis existant en la matière, il a assuré qu’il s’employait à respecter les normes internationales sur les enquêtes et les disparitions.  Il a enfin réitéré son engagement à suivre les recommandations du Comité et à coopérer pleinement.

L’Argentine a dit appuyer fermement les travaux du Comité et de son Groupe de travail, les jugeant essentiels pour lutter contre les disparitions forcées dans le monde.  La mise en place d’un mécanisme international détaillé reflète la prise de conscience de la communauté internationale sur ce grave problème.  D’ailleurs, les Ministres des affaires étrangères de la France et de l’Argentine ont lancé une campagne conjointe en faveur de la ratification de la Convention.  Si elle salue les nouvelles directives émises par le Comité, l’Argentine souhaite savoir comment les États parties pourraient les utiliser.  Le Japon a, lui aussi, assuré qu’il jouerait un rôle actif de sensibilisation en faveur de la ratification de la Convention.  Il aura en outre un dialogue avec le Comité sur les disparitions forcées, en novembre, et s’est dit prêt à collaborer avec lui. 

L’Union européenne a salué la ratification de la Convention par de nouveaux États et a appelé à poursuivre les efforts visant à lui conférer une portée universelle.  Elle aimerait savoir quelle pourrait être la stratégie collective pour élargir cette ratification, en impliquant notamment les institutions nationales des droits de l’homme.  L’Union européenne a par ailleurs félicité le Comité pour ses travaux en matière de justice transitionnelle. 

L’Iraq a regretté que le Comité n’ait pas cité dans son rapport les réponses qu’il a apportées concernant les allégations de disparitions sur son territoire, face auxquelles il a réclamé des enquêtes complètes.  Rappelant d’autre part qu’il est partie à la Convention, l’Iraq a invité le Comité, le Groupe de travail et la Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays à se rendre dans le pays. 

Réponses

Dans ses réponses, Mme SUELA JANINA a rappelé l’importance de parvenir à la ratification universelle de la Convention.  Elle a expliqué qu’il fallait aborder cette question de manière plus globale et qu’elle souhaitait que le nombre de ratifications augmente.  Quant à savoir ce qui pourrait être fait à cette fin, elle a répondu que des mesures supplémentaires étaient possibles, et que « en travaillant collectivement et de concert, toutes les parties concernées peuvent y arriver ».  Elle a mentionné l’objectif « ambitieux » de doubler le nombre d’États parties d’ici à 2022, tout en disant ne pas toujours comprendre ce qui retient certains pays d’y adhérer. 

Mme Janina a en outre regretté que certains États Membres pensent que les disparations forcées appartiennent au passé ou qu’il s’agisse d’un phénomène régional.  « Ce n’est pas vrai, les disparitions forcées sont un phénomène qui n’a pas disparu! » a-t-elle lancé.

Revenant sur l’importance de la lutte contre l’impunité, la Présidente du Comité des disparitions forcées a insisté sur l’effet préventif de celle-ci: « il faut que les États Membres parlent aux autres États Membres de cette Convention, qui est un outil efficace contre les disparitions forcées », a-t-elle insisté.  Elle a mentionné la réunion des États parties qui doit avoir lieu l’an prochain, estimant qu’il serait souhaitable d’y tenir une discussion de fond sur la manière de garantir l’universalisation de la Convention, « un objectif concret que l’on peut atteindre rapidement ».

Mme Janina a rappelé que les engagements pris par les États parties pour lutter contre les disparitions forcées et rechercher les personnes disparues étaient contraignants.  Mais « il n’y a pas de pratiques uniformes en la matière » a-t-elle expliqué, « nous essayons simplement de proposer les meilleures pratiques ».  Le Comité des disparitions forcées a entamé une discussion sur ce point et devrait prochainement adopter des principes directeurs qui, elle espère, constitueront un guide utile pour les États.  Détaillant certains des principes, Mme Janina a en particulier expliqué que la recherche devait être immédiate, qu’il fallait partir du principe que la personne disparue est vivante et exécuter la recherche de manière indépendante, efficace et en coordination avec les familles, qui doivent être tenues informées de l’évolution de la procédure.

Sur la consolidation du dialogue avec les États parties et en réponse au Mexique, Mme Janina s’est félicitée que, pour la première fois, un dialogue de suivi ait pu être mis en place avec le Mexique ainsi que d’autres pays.  Elle a insisté sur le fait que son objectif était d’aider les pays.  Répondant à l’Iraq sur la coopération avec le Comité, elle a insisté à nouveau sur l’importance d’une réaction rapide en cas d’urgence: « Le temps est notre ennemi quand la vie de la personne est engagée; il est donc essentiel que des mesures pertinentes soient prises par les États pour coordonner leurs actions avec les autorités locales pour pouvoir coopérer avec les familles des victimes pour que la recherche soit menée à bien avec une issue positive ». 

Déclaration liminaire

M. BERNARD DUHAIME, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a mentionné en fin d’intervention que la disparition forcée du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, « bien qu’exceptionnelle dans ses modalités », demeurait, malheureusement, « un cas parmi des milliers d’autres ». 

De fait, pour la seule année 2018, le Groupe de travail a transmis 802 nouveaux cas de disparitions forcées à 42 États, parmi lesquels 264 en application de la procédure d’urgence.  Cela démontre le nombre croissant de nouveaux cas et cela est inacceptable, a-t-il martelé.  Bien plus, a poursuivi M. Duhaime, il existe de nombreux cas qui n’ont pas encore été notifiés au Groupe de travail et qui ne le seront probablement jamais.

Le Président du Groupe de travail a rappelé que les disparitions forcées constituaient des crimes et une atteinte à la dignité humaine.  Une autre pratique tout aussi inquiétante, selon lui, tient aux cas de « disparition de courte durée », notamment dans le cadre d’opérations anti-terroristes, qui visent à rassembler des preuves ou parachever des enquêtes, le plus souvent sous la contrainte physique et/ou psychologique.  À cela, le Groupe répond qu’il n’y a pas de limite de temps, aussi court soit-elle, pour considérer qu’il y a eu disparition forcée.

M. Duhaime a également soulevé le phénomène examiné dans le dernier rapport du Groupe de travail et relatif aux enlèvements extraterritoriaux, que ce soit avec ou sans l’accord du pays dans lequel cet enlèvement est commis.  Le plus souvent, la personne est détenue dans son pays après une courte période de disparition; dans d’autres cas, elle disparaît à jamais comme ce fut le cas pour Jamal Khashoggi, a-t-il expliqué. 

L’actuel rapport intérimaire s’est donc penché sur les principaux éléments sur la question, avec pour objectif de les examiner lors du prochain cycle, pour évaluer quels droits et obligations découlent pour les États de l’obligation d’enquêter en conformité avec le droit international des droits de l’homme.  M. Duhaime a indiqué, à cet égard, que le prochain cycle de son rapport examinerait comment les cas de disparitions forcées font l’objet d’une enquête dans les situations de justice transitionnelle et analyserait les différents régimes de réparation en faveur des victimes. 

Le prochain rapport se penchera également sur l’approche à adopter lorsque les victimes sont exposées à des situations de vulnérabilité, a poursuivi M. Duhaime, qui a donné l’exemple des enfants, des femmes, des migrants, des défenseurs des droits de l’homme ou des peuples autochtones.  À cet égard, il a indiqué que l’objectif de cette étude thématique était d’identifier les bonnes pratiques comme les expériences non concluantes.  C’est pourquoi il a invité tous les États, ainsi que les familles des personnes disparues, la société civile, les mécanismes des Nations Unies et d’autres parties concernées à fournir toute aide pertinente qui pourrait contribuer à cette étude.

Dialogue interactif

À l’occasion de la discussion avec M. Bernard Duhaime, les États-Unis, qui ont présenté les disparitions forcées comme dévastatrices pour les victimes, leur famille et leur communauté, ont dénoncé les cas de disparitions forcées de Tatars et d’activistes de Crimée enregistrés depuis 2014.  Ils ont aussi fait état de nombreuses disparitions forcées en Syrie, au Nicaragua, en Iran et au Burundi.  Ils se sont, en revanche, félicités que le Mexique ait adopté, en 2017, une législation pour y faire face.  Les États-Unis sont en outre préoccupés par les disparitions en Chine de membres de groupes minoritaires musulmans et par l’arrestation d’opposants.  Les États-Unis aimeraient, à cet égard, savoir quelles pressions étaient susceptibles de forcer les États à enquêter sur les cas de disparitions forcées.

L’Union européenne s’est déclarée préoccupée par la progression alarmante des disparitions forcées dans le monde et par le nombre élevé d’actions urgentes soumises au Groupe de travail.  Elle soutient l’appel lancé par ce dernier pour qu’il se voit confier un rôle consultatif.  Elle se félicite par ailleurs que le Gouvernement du Mali ait invité le Groupe de travail pour une visite en fin d’année.  Elle aimerait savoir comment le Groupe de travail envisage son dialogue avec les États pour les inciter à accepter des visites.

La Fédération de Russie a assuré que toutes les questions du Groupe de travail étaient examinées par les organes et instances du pays.  « Nous recevons de très nombreuses demandes au sujet de personnes dont les droits auraient été violés mais, souvent, on ne nous communique que les initiales, ce qui rend difficiles les recherches », a observé la délégation, qui a « l’impression que l’on ne veut pas faire travailler le mécanisme mais désigner les coupables avant l’enquête ».  La Fédération de Russie demande également aux auteurs du rapport de veiller à une plus grande objectivité et impartialité.  Elle a enfin conseillé à ses homologues occidentaux de mieux s’informer sur les régions au sujet desquelles ils portent des accusations sans fondement.  L’Ukraine a salué les travaux du Groupe de travail et s’est dite heureuse d’avoir pu accueillir des titulaires de mandat.  Soulignant par ailleurs la problématique des disparitions forcées en Crimée et à Sébastopol, la délégation a invité les différents organes des Nations Unies à y accorder une importance particulière.

La République arabe syrienne a estimé que l’intervention des États-Unis témoignait de leur « hypocrisie connue de tous ».  La délégation américaine a ignoré les pratiques de son propre pays, lesquelles ont touché de nombreux civils, notamment en Syrie, a-t-elle accusé, avant de rejeter avec force cette politisation des droits de l’homme et cette sélectivité.

La Chine a dit soutenir les efforts mondiaux destinés à lutter contre les disparitions forcées.  Affirmant avoir eu une coopération positive avec le Groupe de travail, elle a souhaité que les informations fournies dans le rapport soient fiables, respectent la souveraineté judiciaire des États et leurs affaires intérieures.  La Chine s’oppose aux commentaires négatifs et inappropriés du Groupe de travail, qu’elle exhorte à s’acquitter de son mandat en respectant les objectifs et principes de la Charte de l’ONU.  La délégation a encore précisé que, contrairement aux affirmations américaines, les droits des habitants du Xinjiang étaient respectés et que la région était désormais stabilisée. 

La République islamique d’Iran a exprimé son inquiétude à propos des prisons secrètes de la CIA dans le monde entier.  Elle a demandé à avoir des précisions sur le sort des dizaines de personnes qui ont disparu dans le cadre de ce programme du Gouvernement américain.

Réponses

Dans ses réponses, M. BERNARD DUHAIME, a précisé la façon dont les organisations non gouvernementales peuvent participer au processus d’enquête.  En réponse à l’Union européenne, il a expliqué que les familles des personnes portées disparues et les organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent sur les disparitions forcées étaient harcelées et menacées à cause de leur travail.  Or, « leur contribution est très importante, et ce, sont très souvent les seules à jeter de la lumière sur ces questions », a-t-il plaidé.  Il a de nouveau rappelé aux États leurs obligations de réaliser ces enquêtes, même en l’absence de plainte formelle.  En outre, une analyse plus détaillée des procédures pour les enquêtes sera présentée dans le cadre du prochain rapport thématique du Groupe de travail.  Le rapport reviendra en outre sur la façon dont l’appareil d’État devrait être organisé, notamment concernant les équipes d’investigations dotées d’experts spécialisés.

Quant aux pressions à exercer sur les États pour les amener à agir sur ces cas de personnes disparues ou accepter les demandes de visite sur place, M. Duhaime a insisté sur le fait qu’il n’était pas là pour critiquer qui que ce soit, et que son rôle était d’aider les États à mettre en œuvre la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.  Il a cependant insisté sur le fait que les visites sur le terrain étaient, à ses yeux, fondamentales, car elles permettent de parler avec les proches des personnes disparues qui ne pourraient pas autrement entrer en contact avec son Groupe de travail.  « Cela permet un dialogue constructif avec les autorités locales pour les différentes mesures qui pourraient être prises pour essayer d’éliminer ce phénomène » a-t-il ajouté.

M. Duhaime s’est par ailleurs félicité que sa récente visite en Gambie ait été suivie par la ratification de la Convention par ce pays et que, par le passé, des membres de son Groupe de travail aient pu se rendre au Mexique avant l’examen de la loi sur les personnes disparues.  « Il s’agit de mesures importantes, les visites sont au cœur de nos travaux » a-t-il insisté.

Déclaration liminaire

Mme CECILIA JIMENEZ-DAMARY, Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, a tiré la sonnette d’alarme sur ce phénomène en augmentation croissante ces deux dernières décennies, puisque le nombre des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays a atteint quelque 40 millions à la fin de 2017.

Mme Jimenez-Damary a expliqué cette augmentation significative par les violations des droits de l’homme et les conflits armés.  C’est pourquoi son nouveau rapport se veut une feuille de route avec l’objectif de soutenir la mise en œuvre des cadres existants, notamment dans les processus de justice transitionnelle.  Il s’agit, selon elle, de s’assurer que les mesures de justice transitionnelle veillent à prévenir de tels déplacements et à parvenir à des solutions durables à l’égard de de ce phénomène.

La Rapporteuse spéciale a insisté sur le rôle important de la justice transitionnelle dans la prévention du risque de déplacement à l’avenir, car celle-ci est à même de se pencher sur les causes profondes des violences et des conflits et de renforcer les règles de droit et la reddition de comptes.

Dans ce processus, Mme Jimenez-Damary a vivement souhaité la participation des personnes déplacées, pour que leurs points de vue, besoins et objectifs soient pris en compte.  Elle a, de même, estimé que la justice transitionnelle devait aller de pair avec les processus de consolidation de la paix, humanitaires et de développement.

La Rapporteuse spéciale est revenue sur le Plan d’action pour faire progresser la prévention, la protection et les solutions pour les personnes déplacées dans leur propre pays, lancé en avril 2018.  Ce plan a identifié quatre volets à savoir, la participation des personnes déplacées, les politiques et lois sur le déplacement à l’intérieur des pays, les données et analyses ainsi que les déplacements prolongées et les solutions durables.  Il vise ainsi à poser les fondements d’actions stratégiques et mieux coordonnées, a-t-elle fait observer.

Enfin, Mme Jimenez-Damary a présenté quelques résultats issus de ses visites sur le terrain, notamment en Libye et au Niger, qu’elle a visités respectivement en janvier et mars 2018.  Dans le premier pays, notamment à Misrata et Tripoli, elle a mis l’accent sur « une crise de grande complexité », marquée notamment par les capacités limitées du Gouvernement à répondre aux besoins des déplacés ainsi que par les contraintes d’accès.  Au Niger, elle a décrit une situation de crise humanitaire dans les zones en bordure du Mali.  Mme Jimenez-Damary a précisé qu’elle s’était également rendue au Mexique, au Honduras et en Colombie.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Cecilia Jimenez-Damary, la Norvège a apporté son soutien sans réserve aux conclusions de la Rapporteuse spéciale sur la justice transitionnelle et a jugé crucial de mettre en avant les meilleures pratiques en la matière.  Elle a aussi apprécié les appels en faveur d’une approche sexosensible, jugeant toutefois qu’une approche globale était également nécessaire.  Elle a enfin demandé à avoir davantage d’informations sur la façon dont les agences de développement pourraient participer au processus de justice transitionnelle concernant les personnes déplacées internes.

Les États-Unis se sont présentés comme les « champions des droits des personnes déplacées », affirmant que leur assistance humanitaire visait à aider ces personnes et celles qui sont victimes de catastrophes naturelles.  Les États-Unis sont en outre préoccupés par la situation des personnes déplacées au Myanmar et en Syrie.  Faisant par ailleurs référence au rapport 2020 de l’UNICEF, les États-Unis ont souhaité savoir quels étaient les besoins spécifiques des enfants déplacés et ce que pouvait faire la communauté internationale pour venir en aide à ce groupe vulnérable.

Rappelant que le Programme 2030 comprend parmi ses objectifs un accès égal à la justice pour tous, l’Union européenne a constaté que les déplacés internes ne bénéficiaient souvent pas d’un tel accès.  Alors que les déplacements s’accompagnent de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, la justice transitionnelle est sans doute la seule manière de rendre la justice après une période de déplacement, estime l’Union européenne, qui a demandé quelles étaient les meilleures pratiques en matière de mise en œuvre de cette forme de justice.  Comment partager ces bonnes pratiques, a demandé la Suisse, qui estime que la problématique des personnes déplacées est fondamentale pour une mise en œuvre effective de la justice transitionnelle et soutient l’appel de la Rapporteuse spéciale à explorer le potentiel de la justice transitionnelle afin de contribuer à prévenir et résoudre la question du déplacement interne.  L’Autriche voudrait, quant à elle, connaître le rôle des pays dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des personnes déplacées internes, et savoir comment garantir que les personnes déplacées soient au centre des actions de justice transitionnelle.

La Libye a pris note des recommandations de la Rapporteuse spéciale et s’est félicitée qu’elles prennent en compte la crise que traverse le pays.  Elle a rappelé la création d’un ministère spécial traitant des affaires de réfugiés et déplacés.  Le Gouvernement libyen a en outre œuvré à un retour des déplacés internes qui a concerné 1 300 familles.  L’Iraq a assuré qu’il traitait avec sérieux des questions des réfugiés et des déplacés internes afin d’encourager leur retour, y compris en s’efforçant de les dédommager des pertes qu’ils ont subies.  Le pays offre des services de base dans les camps de réfugiés et les régions libérées du joug de Daech, témoignage du traitement humanitaire accordé par le Gouvernement iraquien à ces personnes.

La Géorgie, qui a rappelé que l’on marquait, cette année, le vingtième anniversaire de l’adoption des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, a fait observer qu’elle figurait parmi les pays ayant connu les effets dévastateurs de disparitions forcées liées à plusieurs vagues d’épuration ethnique.  Le Gouvernement continue de mettre en œuvre des programmes nationaux pour garantir le droit à la vie et à la sécurité de toutes les personnes déplacées internes ainsi que leur droit au logement.  Il veut aussi permettre le retour de ces personnes dans leur pays d’origine de manière sûre et digne, mais ce droit est toujours dénié par la Fédération de Russie qui maintient son contrôle sur le territoire géorgien.

L’Arménie, qui a rappelé son expérience de la question des personnes déplacées internes, a expliqué que, plutôt que de créer des camps pour ces personnes, le Gouvernement se concentrait plutôt sur des solutions durables prévoyant leur pleine intégration à la société du pays.  Elle considère aussi que les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays doivent avoir le même traitement et le même accès aux mécanismes internationaux que les autres.  L’Azerbaïdjan a déploré que la problématique des droits de l’homme des déplacés internes ne bénéficie pas d’une attention suffisante au niveau international, avant d’estimer qu’il fallait employer tous les moyens politiques et diplomatiques pour prévenir de telles violations, en veillant à ce que les pays intègrent ce problème dans leur fonctionnement et leur législation.

La République arabe syrienne a dit déployer des efforts importants en collaboration avec les pays amis, les agences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales pour apporter une assistance aux personnes déplacées internes sur son territoire.  Elle a par ailleurs rappelé à la Rapporteuse spéciale la nécessité de respecter le principe de souveraineté des États.

Pour la Fédération de Russie, la justice transitionnelle pourrait effectivement minimiser les effets négatifs des déplacements internes pour les personnes concernées, si elle s’inscrivait dans un cadre global mettant l’accent sur la prévention des conflits, ce qui implique une coordination des efforts au niveau mondial.  Faute d’une telle coordination, les efforts seront de courte durée et inefficaces.  En outre, les mesures ne peuvent être prises qu’avec l’accord des États.  En réponse à la Géorgie, la délégation a affirmé de pas avoir de contrôle sur les territoires évoqués et s’est dite prête à prendre part à un dialogue constructif pour régler la situation.

Réponses

Dans ses réponses, Mme CECILIA JIMENEZ-DAMARY a rappelé la responsabilité fondamentale de l’État concerné dans la prévention des déplacements internes et la protection des personnes déplacées.  « Il s’agit d’une garantie de l’expression de leur responsabilité et de leur souveraineté » a-t-elle insisté.  Pour la Rapporteuse spéciale, les déplacements internes ne sont pas qu’une question humanitaire, mais également une question de développement et de justice.  Il est donc important que les agences de développement participent à tout le processus de justice transitionnelle, comme le fait le Programme des Nations Unies pour le développement.  En outre, a-t-elle rappelé, les objectifs de développement durable liés à la justice pour tous incluent la justice transitionnelle.

Rappelant que le trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant sera célébré l’année prochaine, la Rapporteuse spéciale a souhaité que les droits des enfants déplacés soient pris en compte dans les discussions relatives aux personnes déplacées internes.  Elle a félicité les États qui avaient déjà commencé à travailler sur la question et a annoncé qu’elle présenterait un rapport portant sur les enfants déplacés.  « Les enfants déplacés sur le plan interne ont des vulnérabilités et des besoins spécifiques en matière de droits de l’homme » a-t-elle ajouté.

Mme Jimenez-Damary a applaudi la décision « historique » prise, hier, par un État de déclarer que le déplacement interne des personnes était un crime de guerre et un crime contre l’humanité ».  En matière de justice transitionnelle, la question des déplacements internes ne relève pas seulement des démarches humanitaires ou de développement, mais doit aussi être abordée sous l’angle des tribunaux, a-t-elle poursuivi.  Elle a également insisté sur la nécessaire participation des personnes déplacées internes, dont elle a déploré qu’elle n’était pas vraiment assurée.

Enfin, la Rapporteuse spéciale a mentionné le rôle des organisations humanitaires et l’accès aux populations déplacées.  « Je ne pense pas que l’on pourra régler le problème des déplacements internes sans la pleine coopération des États et des organisations régionales », a-t-elle reconnu, car « il est nécessaire que l’accès à ces populations soit organisé ».

Déclaration liminaire

Pour M. AHMADOU TALL, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui présentait le rapport du Comité, la migration a été et restera une réalité quotidienne.  C’est pourquoi, il a regretté que les droits des travailleurs migrants soient régulièrement bafoués.  Face aux plus de 258 millions de migrants dans le monde, dont la moitié sont des femmes et quelque 30 millions sont des enfants, et dont environ 20% sont en situation irrégulière, M. Tall a donc appelé à une mobilisation collective pour trouver des solutions durables.

Tout porte à croire, a poursuivi le Président du Comité, que le monde est à la veille d’une mobilité internationale beaucoup plus importante, due en grande partie à la diminution de la main-d’œuvre et au vieillissement de la population, conjugués aux faibles taux de natalité dans de nombreux pays industrialisés.  Les migrants seront encore plus indispensables pour répondre aux besoins du marché du travail et assurer la durabilité du développement dans ces pays, a-t-il estimé.

M. Tall a expliqué la migration par différents facteurs, pas uniquement économiques.  Il y a certes la pauvreté et l’absence de développement humain, mais aussi l’inégalité entre les sexes, la discrimination, les conflits et la violence, l’instabilité politique, la mauvaise gouvernance l’insécurité alimentaire, la dégradation environnementale et les changements climatiques. Pour lui, la crise migratoire actuelle à travers le monde souligne l’importance fondamentale de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée le 18 décembre 1990 et entrée en vigueur le 1er juillet 2003.

Il y a maintenant 52 États parties à la Convention, alors que 15 des États signataires ne l’ont pas encore ratifiée, a rappelé le Président du Comité, qui assure le suivi de sa mise en œuvre.  Pour M. Tall, la Convention représente un cadre juridique solide et convenu pour les droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille dans les pays d’origine, de transit et de destination.  La Convention définit la meilleure stratégie pour prévenir les abus et relever les défis auxquels sont confrontés les travailleurs migrants.  Elle fournit également des orientations pour l’élaboration de politiques migratoires nationales dans le cadre de la coopération internationale, fondées sur le respect des droits de l’homme et de l’état de droit.

M. Tall a plaidé l’urgence d’entamer un débat sincère et honnête sur les obstacles à la ratification de la Convention et au respect des droits de l’homme de tous les migrants.  Il a souhaité que le futur pacte mondial sur les migrations, qui doit être adopté en fin d’année, contribuera à répondre à un grand nombre de ces principaux enjeux, afin que toutes les personnes puissent vivre dans la dignité et à l’abri du besoin.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Ahmadou Tall, l’Indonésie a déclaré son attachement à la mise en œuvre de la Convention qu’elle a ratifiée, en 2012, et a appelé tous les États Membres à suivre son exemple.  Quelque 9 millions de travailleurs indonésiens vivent à l’étranger, ce qui fait de la protection des travailleurs migrants une priorité nationale du pays.  L’Indonésie a, pour sa part, adopté en 2017 une loi nationale sur la protection des travailleurs migrants étrangers.  Elle rappelle en outre l’adoption du consensus de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur les travailleurs migrants en 2016.  El Salvador est revenu sur la question des filles, garçons et adolescents migrants et ceux séparés de leurs familles, et a déploré que les différents instruments de protection des droits de l’homme travaillent trop séparément alors que les droits sont tous interconnectés.

L’Union européenne –dont aucun État Membre n’a ratifié la Convention- a expliqué vouloir protéger les droits des migrants.  Elle a demandé au Rapporteur spécial son évaluation générale des politiques migratoires à mener pour que personne ne soit laissé sur le bord du chemin et a demandé comment faire pour assurer des sociétés inclusives et durables.

Le Maroc a déploré que la Convention ait été un des instruments de l’ONU qui avait mis le plus longtemps à entrer en vigueur: 12 ans et demi, et qui a connu le moins de progrès depuis lors.  « Actif depuis 1979 pour la rédaction de la Convention », le Maroc a mis en place, en 2013, une politique nationale de migration.  Entre 2014 et 2017, sur 50 000 demandes présentées, 23 000 ont bénéficié de deux opérations de régularisation de la situation des migrants.  Le Maroc aimerait savoir comment le Comité entend participer à la mise en œuvre du futur pacte mondial et quelles mesures il envisage pour défendre le droit des enfants et des femmes migrantes.  Comme l’a expliqué le Nigéria, ces deux groupes figurent parmi les plus vulnérables et leurs droits doivent être protégés; c’est pourquoi il a mis en place une base de données sur les migrants.

La Libye a condamné les abus des droits des travailleurs et des mauvais traitements subis par les migrants et s’est défendue contre les accusations dont elle a été l’objet, notamment dans le rapport.  Pour la Libye, les accusateurs ne tiennent pas compte des migrants qui sont arrivés dans le pays après avoir été refoulés ailleurs, ni de la longueur des frontières du pays ou encore des nombreuses activités illégales qui s’y mènent, telles qu’enlèvements, trafic d’armes ou de drogues.  La Libye déplore les mauvais traitements que les réseaux de passeurs internationaux font subir aux migrants, mais rappelle que la traite des personnes est organisée par des réseaux de la criminalité transnationale qui passent par des pays voisins.

L’Arabie saoudite a réfuté les accusations faisant état de confiscation des documents officiels des migrants sans leur fournir d’interprète, affirmant que ces mesures ne pouvaient avoir lieu car elles seraient contraires aux lois du pays.  Elle a également démenti les accusations d’expulsion de travailleurs migrants.  Pour l’Arabie saoudite, le Rapporteur spécial n’a pas saisi le sens des campagnes de surveillance des visas mises au point pour tous les travailleurs migrants et qui ont permis de régulariser leur situation.  Une telle mesure relève de surcroît du droit souverain du pays et n’est pas contraire aux instruments internationaux. 

Réponses

Dans ses réponses, M. AHMADOU TALL a affirmé que le Comité avait toujours respecté la souveraineté des États.  Cependant, a-t-il insisté, la mise en œuvre de ce principe doit être conforme à l’esprit des droits de l’homme.  Il y a donc un équilibre à rechercher car le plus important est de préserver ces droits.

Quant aux faits dénoncés par le Comité, M. Tall a tenu d’abord à souligner que ce mécanisme « n’a ni amis, ni ennemis ».  Il travaille sur des faits et informations vérifiés.  Il s’appuie sur les enquêtes de la société civile et autres organisations qui sont présentes sur le terrain.  Sur la base de ces éléments, le Comité vérifie leur crédibilité et émet ses opinions.  Il situe les responsabilités et invite à prendre des mesures appropriées pour corriger des violations éventuelles.  Il veille également à ce que celles-ci ne se reproduisent plus.  Mais si les violations s’inscrivent dans la durée, alors le Comité alerte la communauté internationale.

M. Tall a, par ailleurs, salué l’Indonésie pour son action en faveur de la Convention.  S’agissant de la valeur ajoutée du Comité dans son travail commun avec le Comité des droits de l’enfant, qui a abouti à l’adoption, en novembre 2017, des observations générales conjointes nos 3 et 4 (2017), M. Tall a estimé qu’une telle approche était essentielle et servirait de guide.  Mieux, pour lui, il s’agit d’un document de référence qui servira de jurisprudence.  Quant au sort qui lui sera réservé, « l’avenir nous le dira », a-t-il indiqué, saluant le travail d’experts avertis qui ont travaillé d’arrache-pied pour élaborer ce texte dont la finalité est de préserver le droit des enfants dans le contexte de la migration.

La Convention est aux yeux de M. Tall un instrument international qui met l’être humain au centre de ses préoccupations.  Certes, a-t-il reconnu, les États ont un droit et un intérêt légitimes à protéger leurs frontières et à choisir leur développement, mais dans le respect des droits fondamentaux des êtres humains, a-t-il insisté.  La migration est une réalité historique, a-t-il réitéré, soulignant qu’« il y aura davantage de migrants et, à cela, on doit s’y faire! »  À cet égard, le futur pacte sur la migration représentera « un pas de plus » dans la bonne direction.  Il y aura des « vases communicants » entre les actions de son Comité et le pacte, s’est-il félicité.

Déclaration liminaire

M. FELIPE GONZÁLEZ MORALES, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, s’est dit honoré de présenter son rapport thématique à la Troisième Commission, consacré à l’accès effectif des migrants à la justice.  Il y a vu une excellente occasion de dialoguer avec les États Membres afin d’améliorer la situation des migrants dans le monde, alors même qu’ils sont victimes de discrimination et de xénophobie dans de nombreux pays.  Le Rapporteur spécial a précisé avoir effectué, cette année, deux visites de pays, l’une au Népal, du 29 janvier au 5 février, et la plus récente au Niger, du 1er au 8 octobre, et a remercié les deux Gouvernements pour leur coopération.

Évoquant d’abord la question du retour et de la réintégration des migrants, M. González Morales a souligné qu’aucun retour ne devrait être mis en œuvre sans contrôle individuel visant à déterminer la vulnérabilité et les besoins de protection des personnes migrantes concernées.  Ce processus, a-t-il dit, doit être suivi par une procédure juridique régulière, lors de laquelle le migrant est effectivement et correctement représenté, avec des possibilités de recours.  Or, malgré les protections prévues par la législation contre ces pratiques, des refoulements vers les pays d’origine et les pays tiers, où l’état de droit est faible, ont été menés à tort.  Étant donné les conséquences potentiellement dramatiques des retours forcés, la priorité devrait, selon le Rapporteur spécial, être donnée aux retours indépendants et volontaires.  C’est pourquoi il avait choisi pour étude de son rapport l’accès effectif des migrants à la justice.

Pour M. González Morales, l’accès à la justice signifie que toute personne, sans discrimination, a le droit d’accéder au système prévu pour la résolution des conflits et le rétablissement des droits.  Cela implique également de veiller à ce que quiconque puisse se tourner vers des tribunaux pour demander la protection de ses droits, avec comme garanties d’une procédure régulière le droit à l’assistance judiciaire et à la représentation légale, le droit à l’information et à un interprète, le droit à l’assistance consulaire, ainsi que l’accès aux voies de recours et à la réparation.

Pour le Rapporteur spécial, les politiques de retour qui incluent des mesures telles que les accords de réadmission, des exceptions au statut de pays sûr, des expulsions et des non-réadmissions, sapent ou entravent un accès effectif des migrants à la justice.  Ces mesures, qui visent à accélérer le retour des migrants, les privent souvent de leur droit de rechercher une protection internationale et violent le principe de non-refoulement.

L’un des mécanismes permettant aux migrants d’exercer leurs droits fondamentaux sans craindre d’être signalés est la protection par un « pare-feu », a poursuivi le Rapporteur spécial, qui a invité les États à mettre en place des lois et pratiques qui interdisent clairement le transfert d’informations et suppriment l’obligation de signaler le statut de migration irrégulière d’un individu.  « Cela contribuera à réduire la crainte des migrants d’être signalés, détenus et expulsés, réduisant ainsi l’impunité pour les violations dont ils sont victimes », a-t-il commenté.  À cet égard, M. González Morales a dit avoir identifié quelques bonnes pratiques, principalement aux niveaux local et régional.  Les villes, par exemple, peuvent jouer un rôle de protection pour les migrants, leur permettant d’accéder aux services publics sans leur demander de révéler leur statut, a-t-il relevé.

Observant, en conclusion, que le statut migratoire d’une personne est un facteur important pour son accès effectif à la justice, le Rapporteur spécial a reconnu que, compte tenu des nombreux obstacles empêchant les migrants de faire valoir leurs droits, il existait un grand besoin de canaux de migration accessibles, réguliers, sûrs et abordables.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Felipe González Morales, le Qatar, qui s’est félicité du rôle essentiel joué par les personnes expatriées dans le pays, a dit faire tout son possible pour garantir le respect des droits fondamentaux des étrangers au Qatar, notamment par le biais de la loi de 2017 portant sur les droits des travailleurs migrants.  Les Émirats arabes unis ont dit avoir mis en œuvre un cadre global pour protéger les migrants, notamment ceux qui travaillent.

El Salvador a rappelé qu’il était à la fois pays d’origine, de transit, de destination et de retour.  Connaissant toutes les étapes du cycle migratoire, il juge essentielle une visite du Rapporteur spécial et l’invite à venir en 2019.  La Colombie, qui fait face à une augmentation des flux de migrants en provenance du Venezuela, a expliqué qu’elle évitait d’aggraver la situation de ces derniers en leur facilitant l’accès aux services publics.  Ainsi, a été menée une campagne de vaccination tout le long de la frontière, qui profite à de nombreux migrants vénézuéliens.  Le Brésil fournit, lui, un accès aux services de base aux migrants, y compris pour qu’ils n’aient pas peur lorsqu’ils sont approchés par les services migratoires.  Il aimerait plus de détails sur les défis et les possibilités liées à la création de « pare-feu ».  Le Venezuela a expliqué que la protection des droits de l’homme des migrants était une question politique et que la promotion du blocus était contraire au droit international.

Cuba a insisté sur le fait que la politique migratoire relevait de l’exercice de la souverainetè nationale et a regretté le racisme, la xénophobie et autres pratiques discriminatoires qui touchent les migrants.  Il a notamment dénoncé les pratiques des États-Unis consistant à « mettre des enfants dans des cages loin de leurs parents ».

Le Canada a appelé à la mise en place d’un système international plus souple afin de permettre de répondre aux grands déplacements de personnes.  Il s’est félicité de l’intégration des droits fondamentaux dans le pacte sur les migrations et a appelé à ce que les retours se fassent de façon moins délétère tout en respectant la dignité et les droits fondamentaux des migrants.  Il a aussi plaidé pour le multilatéralisme, « essentiel » dans ce cadre pour prendre en compte la perspective de genre.  Il a demandé s’il existait des pratiques optimales établies pour protéger les groupes vulnérables tels que les femmes. 

L’Érythrée a demandé quelle collaboration entre États pouvait être utile pour aider les migrants.  L’Afrique du Sud a déclaré que ses lois nationales prenaient en compte les migrants et notamment la vulnérabilité des femmes et des enfants, plus exposés aux violations et exactions.

La Suisse a estimé que 2018 serait une année importante pour les droits des migrants et a demandé quel rôle le Rapporteur spécial allait jouer dans le suivi du pacte ainsi que dans la planification des activités dans l’accès à la justice pour les migrants.

L’Union européenne a expliqué que les États étaient les premiers responsables de la protection des droits de l’homme et que les organisations non gouvernementales les aidaient à assumer leurs responsabilités.  Mais comment les États et la société civile peuvent-ils travailler ensemble et comment créer un environnement protecteur pour permettre aux femmes de reprendre leurs droits?  L’Allemagne a notamment insisté sur la nécessité de disposer de voies migratoires sûres pour réduire les risques de violation des droits fondamentaux.  Elle aimerait savoir comment la communauté internationale peut agir pour tenir compte des migrants travaillant de manière illégale dans des pays où les droits des travailleurs migrants n’étaient pas respectés.  La Grèce a expliqué que les services d’identification fournissaient aux migrants des informations sur leurs droits concernant notamment la procédure d’asile et que les demandeurs d’asile avaient accès à des interprètes certifiés ainsi qu’à des voies de recours et recevaient une aide médicale gratuite.

Le Maroc a rappelé l’adoption, en 2014, d’une stratégie nationale portant sur l’accès aux services publics pour les migrants en situation régulière.  En outre, au niveau régional, le Maroc joue un rôle dynamique en favorisant une meilleure gouvernance des migrations.  Il a demandé plus d’information sur le projet de programme de mobilité à l’horizon 2035.

Réponses

Dans ses réponses, M. FELIPE GONZALEZ MORALES a jugé fructueux ce type de dialogue et a rappelé qu’il avait eu des réunions avec de nombreuses délégations depuis son entrée en fonctions, l’année dernière.  Il a expliqué tenir à ce dialogue aussi bien dans le contexte des préparatifs au pacte mondial sur les migrations que pour traiter d’autres questions relatives aux migrants, notamment l’égalité hommes-femmes dans le contexte de la migration. 

Le Rapporteur spécial est notamment revenu sur les questions d’accès à la justice, qui a des aspects multiples, et qu’il place au cœur de cette problématique, en particulier dans un contexte de mobilité.  L’accès à la justice est essentiel à l’exercice de tous les droits de l’homme, a-t-il rappelé.  Le principe de non-discrimination est important en ce sens qu’il doit garantir cet accès aux migrants indépendamment de leur statut migratoire.  À cet égard, M. Gonzalez Morales a appelé à l’amélioration de la situation des travailleurs domestiques, préconisant des mesures appropriées qui « doivent être mises en œuvre aussi bien dans les pays d’accueil que d’origine ».  Les États doivent fournir des services consulaires dans les pays qui accueillent de nombreux ressortissants pour leur assurer l’accès à la justice, a-t-il insisté.

Au sujet des meilleures pratiques, M. González Morales a cité une législation prévoyant un recours juridique pour les femmes victimes de violence domestique, quel que soit leur statut migratoire.  Il a préconisé une action contre les détentions d’enfants dans le contexte de la migration.  Cela est un acte contraire au droit international, a-t-il martelé.  En outre, les migrants doivent être représentés légalement lorsqu’ils font face à des procédures administratives, telles que l’expulsion et la détermination de leur statut de réfugié.  Tous les États doivent également reconnaître la liberté d’association des migrants et le droit des travailleurs migrants de s’organiser dans le cadre d’associations, a plaidé le Rapporteur spécial.

S’agissant enfin du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, M. González Morales a souligné l’importance de la participation des procédures spéciales à la garantie de la place des droits de l’homme dans le processus de suivi.

Suite de la discussion générale

M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a indiqué que la politique de son gouvernement avait toujours été cohérente en matière des droits de l’homme, à savoir respecter et assurer la pleine jouissance de ces droits conformément au droit international.  Il s’est dit révolté par le fait que chaque cinq minutes un enfant meurt des suites des violences, qu’un million d’autres sont sujets à l’exploitation sexuelle et que 750 millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté.  Il a rappelé, à cet égard, que son pays a reçu, l’année dernière, le Rapport spécial sur le droit à l’alimentation, se félicitant des discussions fructueuses, dans ce contexte.  Il a également rappelé au respect de la souveraineté des États et du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures.

Mme ALANOUD QASSIM M. A. AL-TEMIMI (Qatar) a expliqué que son pays plaçait le renforcement des droits de l’homme au centre de ses préoccupations.  Le Qatar apprécie le rôle des travailleurs migrants et a adopté des mesures pour assurer la protection de leurs droits humains.  La représentante a insisté sur la nécessité de respecter les droits de l’homme, surtout dans les régions qui souffrent de conflits armés.  Elle est en outre revenue sur les défis auxquels fait face le pays du fait des sanctions imposées par la coalition, qu’elle a dénoncées comme une violation des droits de l’homme.  Malgré cela, nous avons poursuivi nos efforts pour apporter les services nécessaires aux Qataris, a-t-elle conclu.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a regretté que les droits de l’homme soient régulièrement violés à travers le monde.  Il a pointé du doigt les inégalités et discriminations et plaidé pour l’amélioration des droits fondamentaux.  Il a rappelé que son pays avait ouvert ses portes au peuple rohingya persécuté.  « Nous voulons que les victimes de génocide soient protégées », a-t-il insisté, avant de s’inquiéter de la situation du peuple palestinien.  Le représentant a évoqué les différentes réformes menées par son gouvernement pour assurer la protection et la promotion des droits de l’homme, a réitéré son soutien à la procédure de l’Examen périodique universel et a annoncé la candidature du Bangladesh à un poste au Conseil des droits de l’homme pour la période 2019-2021.

M. KOUSSAY ALDAHHAK (République arabe syrienne), rappelant que 2018 marque le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, s’est demandé si le monde avait réussi à préserver les générations futures du fléau de la guerre.  Il a déploré que les mécanismes des droits de l’homme soient utilisés pour menacer certains États et qu’à cause de cela certains États se retirent de ces instruments.

Le représentant a ensuite dénoncé l’occupation d’Israël qui se poursuit dans les territoires arabes occupés.  Il a regretté que certains gouvernements appuient le terrorisme et l’extrémisme violent ou encore violent les droits de l’homme, alors qu’ils sont appréciés pour leur rôle en matière de lutte contre le terrorisme.  Les droits de l’homme et les valeurs nobles sont devenus aujourd’hui des outils de la manipulation politique, a-t-il déploré.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a souligné l’engagement continu de son pays envers les droits de l’homme, le présentant comme un devoir éthique.  La promotion des droits de l’homme est, selon la représentante, la meilleure réponse à l’extrémisme.  La protection et la promotion des droits de l’homme relèvent avant tout de la responsabilité des États, et leurs institutions nationales devraient être alignées sur les principes des droits de l’homme, a-t-elle poursuivi.  Compte tenu de l’importance des individus, les États doivent veiller à ce que les jeunes et les enfants puissent vivre dans la dignité et participer à la vie publique, a encore affirmé Mme Shaheen, ajoutant qu’il était dans l’intérêt du pays d’accroître la tolérance.  Les crimes contre les droits de l’homme doivent être punis, a-t-elle dit.

M. ERIC Y. TIARE (Burkina Faso) a indiqué que son pays avait ratifié la quasi-totalité des instruments régionaux et internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme.  Le Gouvernement a adopté, en avril dernier, la politique « Justice et droits humains » afin de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’égalité des citoyens devant la loi, tout en favorisant un développement fondé sur les droits de l’homme, a expliqué le représentant.  En outre, l’adoption d’un nouveau code pénal a permis l’abolition de la peine de mort.

Le Burkina Faso a mis en place un « pôle judiciaire » chargé d’améliorer la coordination de la lutte contre le terrorisme, a poursuivi M. Tiare, et confié à la Commission nationale des droits humains le mandat d’établir un mécanisme de prévention de la torture.  Afin de pérenniser les progrès réalisés en matière de défense des droits de l’homme, le Burkina Faso compte tirer profit des accords de coopération conclus avec les pays voisins, notamment pour le déploiement de la Force conjointe du G5 Sahel.

Mme ISABELLE PICCO (Monaco) a concentré son intervention sur la peine de mort.  « Rien ne prouve que la peine de mort décourage les criminels plus que les autres formes de sanction », a-t-elle affirmé, reprenant les propos de l’ancien Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein.  Pourtant, Amnesty International affirme qu’au moins 1 032 personnes ont été exécutées dans 23 pays distincts en 2016, a déploré Mme Picco, avant de préciser que la dernière exécution sur le sol monégasque remontait à 1847.  La représentante a également rappelé que la Principauté avait ratifié, en mars 2000, le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.  Le pays a aussi ratifié les Protocoles 6 et 13 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, concernant l’abolition de la peine de mort « en toutes circonstances ».  Au niveau international, Mme Picco a rappelé que Monaco s’était porté co-auteur de l’intégralité des résolutions ayant appelé à un moratoire sur la peine de mort depuis 2007.  « Tout individu a le droit à la vie », a ainsi conclu la représentante.

M. CHRISTOPHE NANGA (Gabon) a assuré que la promotion et la protection des droits et des libertés fondamentales figuraient parmi les priorités de son pays, comme en témoigne son adhésion à la plupart des instruments juridiques internationaux en matière de droits de l’homme.  Sur le plan intérieur, les réformes engagées par le Gabon, destinées à en faire un pays émergent d’ici à 2025, mettent l’accent sur la protection des droits des personnes vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.

Le pays a par ailleurs souscrit à la plupart des instruments internationaux relatifs aux statuts des réfugiés, en particulier la Convention de Genève de 1951, et les conventions de l’Organisation de l’unité africaine de 1967 et de l’Union africaine de 2003 sur les réfugiés et les déplacés internes, a ajouté M. Nanga.  Le représentant a précisé que l’assistance apportée aux réfugiés et déplacés allait de la fourniture d’un accès à l’éducation et aux soins de santé jusqu’à la mise à disposition des terres cultivables en vue de faciliter leur intégration et leur autonomisation économique.

M. RUMONGI (Rwanda) a indiqué que son pays avait récemment lancé son premier plan national d’action pour les droits de l’homme.  Il s’est pour cela appuyé sur un ensemble de mesures mises en place par le Gouvernement pour créer une société inclusive qui prendra en compte les réalités de manière à permettre la stabilité, le développement et l’autonomisation de tous, notamment des personnes les plus marginalisées.  Ce plan d’action identifie les questions prioritaires sur lesquelles le Rwanda se concentrera durant les quatre prochaines années au travers d’une série de programmes et de législations destinés à renforcer la protection des droits humains, a précisé le représentant.  Parmi ces questions figurent les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels et la protection des groupes vulnérables, a-t-il ajouté.  M. Rumongi a encore souligné que le Rwanda avait ratifié la plupart des instruments internationaux des droits de l’homme, qu’il a depuis intégrés dans son système juridique national.

M. DIMITRI ROBERTSON (Jamaïque) a déclaré que son pays s’engageait pleinement à assurer la protection de l’État de droit de tous les peuples.  Après avoir ratifié sept des neuf instruments fondamentaux relatifs aux droits de l’homme, le Gouvernement a utilisé une approche interministérielle pour la préparation des rapports et des réponses concernant ses obligations.  Il travaille assidûment à soumettre tous les rapports en suspens sans plus tarder.  La Jamaïque encourage les autres États parties à faire de même, car elle est préoccupée par les incidences sur les organes conventionnels de l’ONU de la transmission tardive ou de l’absence de remise de rapports périodiques par les États parties aux traités.  Par ailleurs, le Plan de développement national du Gouvernement est entièrement aligné sur les objectifs de développement durable.

M. Robertson a par ailleurs rappelé l’engagement sans faille de la Jamaïque en faveur de la diplomatie internationale des droits de l’homme et déploré que des mesures coercitives empêchent des États de mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Condamnant ces mesures contraires à la Charte des Nations Unies, le représentant a appelé à la levée de l’embargo imposé à Cuba, qui sape son droit au développement et contredit l’engagement du Programme 2030 de ne laisser personne de côté.

Mme MAJDA MOUTCHOU (Maroc) a souligné la constance de son pays à accorder une place éminente aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à veiller à l’harmonisation de sa législation interne avec les conventions internationales y afférentes.  C’est dans cette perspective que le Maroc a adhéré à la majorité des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention relative aux droits de l’enfant.

L’approche du Maroc en matière des droits de l’homme trouve son fondement juridique dans la Constitution du pays, qui confirme « l’attachement du Maroc aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus, ainsi que de sa volonté de continuer à œuvrer pour préserver la paix et la sécurité dans le monde », a expliqué la représentante.  La Constitution consacre également le pluralisme de la nation.  Le préambule dispose que le Maroc est un « État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale ».  Le Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible, a encore déclaré la représentante, qui a rappelé que l’unité du pays était forgée par la « convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ».

M. PANGERAN IBRANI SITUMORANG (Indonésie) a expliqué avoir accueilli, en février 2018, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’époque pour constater les progrès en matière de droits de l’homme.  L’Indonésie avait de même reçu le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.  Le représentant a aussi insisté sur la nécessité de la non-politisation et sur l’importance du respect de la souveraineté nationale dans le domaine des droits de l’homme.  Il a aussi rappelé que les membres du système des organes de traités devaient protéger leur indépendance et veiller à ce que leur travail se fasse conformément aux principes des Nations Unies.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Cinquième Commission: une somme supplémentaire de 1,5 million demandée pour l’administration de la justice à l’ONU en 2019

Soixante-treizième session,
6e séance – matin
AG/AB/4294

Cinquième Commission: une somme supplémentaire de 1,5 million demandée pour l’administration de la justice à l’ONU en 2019

Ce sont exactement des crédits supplémentaires de 1 495 400 dollars que le Secrétaire général demande à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires, pour améliorer le fonctionnement de l’administration de la justice à l’ONU en 2019.  Aujourd’hui, plusieurs délégations ont voulu que le Secrétariat utilise ces fonds pour désengorger les tribunaux administratifs, améliorer l’accès à la justice des non-fonctionnaires et protéger les lanceurs d’alerte contre les représailles.

Inauguré en 2009 avec un budget d’environ 320 millions de dollars pour la période 2018-2019, le système d’administration de la justice autorise un fonctionnaire de l’ONU qui n’est pas satisfait d’une décision administrative à saisir, dans le cadre d’une procédure formelle, le Groupe du contrôle hiérarchique.  S’il n’est toujours pas satisfait, il peut déposer une requête auprès du Tribunal du contentieux administratif, puis, si le jugement lui est défavorable, saisir le Tribunal d’appel de l’ONU.  À tout moment, le fonctionnaire peut frapper à la porte du Bureau de l’aide juridique au personnel pour bénéficier de conseils et d’une représentation juridiques.  Parallèlement, le fonctionnaire peut se contenter de résoudre un conflit par des moyens informels, en sollicitant le Bureau des services d’ombudsman et de médiation, lequel peut également être saisi par le Tribunal du contentieux administratif.

Plusieurs éléments du système ont connu une forte augmentation de leur charge de travail en 2017, ont noté le Groupe des 77 et la Chine, imputant cette tendance à des « exercices de réduction des effectifs » et aux grandes réformes en cours dans l’Organisation.  Les requêtes soumises au Groupe du contrôle hiérarchique et au Bureau d’aide juridique au personnel se sont sensiblement accrues en 2017.  Quant au Tribunal du contentieux administratif, si le nombre de nouvelles requêtes est demeuré stable par rapport à 2016, le faible nombre de jugements rendus et de requêtes tranchées s’est traduit par une augmentation des requêtes en instance de 44% par rapport à 2016.

Pour y faire face, le système doit être « suffisamment pourvu en personnel » et « financé de manière adéquate », ont estimé le Groupe des 77 et la Chine, saluant la proposition du Secrétaire général de créer trois postes permanents de juge à temps complet au Tribunal du contentieux administratif, en lieu et place des trois juges ad litem actuels, et de convertir les postes temporaires du personnel d’appui aux juges en postes permanents.  Le Groupe a aussi noté avec intérêt la proposition de M. António Guterres de créer un fichier officiel de candidats qualifiés et jugés aptes à occuper les fonctions de juge. 

Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) préconise une réduction de 277 400 dollars des crédits supplémentaires de 1,5 million de dollars demandés par le Secrétaire général pour 2019, puisqu’il rejette le recrutement d’un des trois juges permanents proposés.  Pour désengorger le Tribunal, le CCQAB appelle à définir un plan de résorption d’arriérés de contentieux, assorti d’indicateurs de résultats en matière de traitement du contentieux.    

Investir dans un système efficace et performant de la justice permettra en effet à terme de réduire le nombre de cas soumis et d’accélérer leurs traitements, ce qui profitera tant au personnel qu’à l’Organisation, ont estimé la Suisse et le Liechtenstein.  Les deux pays ont toutefois jugé « problématique » que les non-fonctionnaires, soit près de la moitié du personnel, n’aient pas accès au système.  Pour remédier à cette situation, M. Guterres propose de lancer un projet pilote offrant aux non-fonctionnaires un accès aux services d’ombudsman et de médiation. 

La résolution des conflits par des moyens informels est préférable pour éviter tout litige « inutile », ont estimé le Groupe des 77 et la Chine, une position partagée par les États-Unis, pour qui le règlement à l’amiable des litiges dès leur apparition constitue « la voie la plus efficace » afin de créer un environnement de travail harmonieux.  Cela améliore l’accès à la justice, a renchéri l’Union européenne, saluant le nombre croissant de cas résolus dans le système à l’amiable.   

On ne peut cependant par faire l’économie des recours juridictionnels formels, ont prévenu la Suisse et le Liechtenstein, appelant le Secrétaire général, en plus de son projet pilote, à réfléchir à un mécanisme qui garantirait aux non-fonctionnaires l’accès au système judiciaire formel d’administration de la justice.  L’ONU doit aussi créer un climat où les membres du personnel peuvent dénoncer tout manquement en toute sécurité, afin de maintenir les normes élevées de professionnalisme et d’intégrité, ont-ils déclaré, appelant à renforcer la protection contre les représailles envers les lanceurs d’alerte.

Il faut également un système « stable » pour obtenir des résultats satisfaisants, a jugé le Japon, qui a, une nouvelle fois, plaidé pour la régularisation du régime de financement complémentaire volontaire actuel du Bureau de l’aide juridique au personnel, établi en janvier 2014 « sur une base expérimentale ». 

Les États Membres étaient également saisis des rapports du Secrétaire général sur le projet de mise aux normes parasismiques et de remplacement des équipements en fin de vie au siège de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), à Bangkok, pour un budget global de 40 019 000 dollars, et sur l’état d’avancement du remplacement des bâtiments A à J de l’Office des Nations Unies à Nairobi, pour un budget initialement estimé à 69 880 000 dollars. 

La Commission tiendra sa prochaine séance publique lundi 22 octobre, à partir de 10 heures, sur les rapports et états financiers de l’Organisation en 2017.

BUDGET-PROGRAMME DE L’EXERCICE BIENNAL 2018-2019

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le projet de mise aux normes parasismiques et de remplacement des équipements en fin de vie au siège de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique, à Bangkok (CESAP) (A/73/425)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/73/327) qui indique que l’invitation à soumissionner serait rendue publique au début janvier 2019 et que l’adjudication du marché devrait avoir lieu au dernier trimestre de la même année.  En 2019, les activités porteront essentiellement sur le soumissionnement, le transfert dans les locaux transitoires, la logistique et l’acquisition de mobilier.

La CESAP a continué d’informer régulièrement les États Membres et de leur demander des contributions volontaires mais, à ce jour, aucune offre concrète n’a été faite.  Le Comité consultatif rappelle que l’Assemblée générale a approuvé le cahier des charges du projet et souligne que tout changement à y apporter devra être approuvé par celle-ci. 

Comme les prévisions de dépenses, qui s’élevaient à l’origine à 6,53 millions de dollars, sont désormais estimées à 4,27 millions, la différence étant réservée aux imprévus.  Le Comité compte que le Secrétaire général saisira l’Assemblée générale d’informations circonstanciées justifiant le coût prévu (2,26 millions de dollars) des travaux de mise aux normes en matière de sécurité incendie et sécurité des personnes.  Il compte également que le Secrétaire général accélèrera le recrutement du titulaire du poste d’ingénieur électromécanicien en bâtiment et recommande d’approuver la création, à compter du 1er janvier 2019, l’un d’assistant-informaticien (agent local), et l’autre d’administrateur recruté sur le plan national.

Le Comité consultatif attend du Secrétaire général qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir l’exécution du projet dans les limites, le budget et le calendrier approuvés par l’Assemblée générale.  Il compte également que, dans son prochain rapport, le Secrétaire général fera le point des mesures prises pour gérer les risques et les atténuer.  Ce dernier indique en effet qu’en raison du délai d’exécution nécessaire à la préparation des locaux transitoires sur place, les travaux de construction commenceront au début de 2020, et non au milieu de 2019.  Afin de respecter la date d’achèvement du projet fixée à décembre 2023, les dates de clôture seront échelonnées pour débuter après la fin de chacune des cinq phases de construction, et la phase ultime de réception des travaux sera ramenée de 12 à 6 mois.  Le Secrétaire général note que le changement de calendrier ne devrait pas occasionner de coûts supplémentaires.

Le Comité note avec préoccupation que la procédure de passation des marchés pour la société de conseil a conduit à l’attribution d’un contrat dépassant de 632 000 dollars le montant inscrit au budget, pour se chiffrer à un total de 2,5 millions de dollars, et compte que les mesures voulues seront prises pour réduire l’ampleur des services requis et les dépenses correspondantes.

Le Comité estime aussi que le montant de 333 000 dollars inscrit au titre des dépenses imprévues n’est pas totalement justifié.  Il recommande que l’Assemblée générale ouvre un crédit de 4 484 500 dollars pour 2019, qui sera imputé sur le fonds de réserve.

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur l’état d’avancement du remplacement des bâtiments A à J de l’Office des Nations Unies à Nairobi (A/73/426)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires a examiné celui du Secrétaire général (A/73/344) qui indique que la proposition révisée prévoit trois volets: la réaffectation du bâtiment des services de publication ainsi que la construction d’une annexe, la construction d’un nouveau bâtiment « de la bonne taille » pour remplacer les bâtiments A à J et la mise en place de stratégies de gestion souple de l’espace de travail dans l’ensemble des bâtiments du complexe de Gigiri.  Le Secrétaire général indique que cette démarche permettra de répondre aux futurs besoins de locaux de l’Office et de toutes les autres entités des Nations Unies actuellement locataires et, au vu de l’augmentation du nombre de demandes reçues par l’Office, d’envisager l’implantation d’autres institutions spécialisées, fonds et programmes dans le complexe sécurisé.

Pour ce qui est des coûts de construction, le Comité consultatif note que, bien que les coûts liés à l’utilisation du bâtiment des services de publication s’élèvent à 10 531 300 dollars, les coûts de construction associés au nouveau bâtiment à usage de bureaux ont diminué de 7 062 700 dollars et que les coûts prévus pour la préparation, l’ameublement et l’aménagement des locaux transitoires (3,84 millions de dollars) ne sont plus applicables étant donné que le projet ne prévoit plus de locaux transitoires temporaires.

Le Comité consultatif accueille favorablement la proposition révisée et note que la réception provisoire des nouveaux bâtiments se fera à la fin du troisième trimestre de 2023.

Le Comité consultatif recommande que l’Assemblée générale approuve le cahier des charges et le montant total maximum du projet (66 260 100 dollars) qui ont été proposés ainsi que la stratégie d’exécution relative au remplacement des bâtiments A à J de l’Office des Nations Unies à Nairobi.  L’Assemblée devrait aussi approuver la création de six emplois de temporaire à Nairobi et d’un emploi de temporaire à New York

Elle devrait ouvrir un crédit d’un montant de 6,595 millions de dollars dans le budget-programme de l’exercice biennal 2018-2019, qui sera imputé sur le fonds de réserve, et approuver la création d’un compte pluriannuel des travaux de construction en cours pour ce projet.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MOHAMED FOUAD AHMED (Égypte) a déclaré qu’il était impératif que l’ONU assure que le projet lié à la CESAP soit exécuté dans les temps impartis et le budget prévu.  Pour ce faire, la gestion du projet doit respecter les normes les plus élevées de gouvernance, de contrôle, de transparence et de responsabilité, a réitéré le délégué qui a insisté sur l’efficacité énergétique et une utilisation optimale de l’espace.  Le représentant a douté de la possibilité de terminer le projet dans les limites du budget approuvé.  Il a pressé le Secrétaire général de prendre de bonnes mesures d’atténuation des risques.  Pour ce qui est des travaux à Nairobi, le représentant a adhéré aux observations du CCQAB. 

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme JO-PHIE TANG (Singapour) a insisté sur l’importance qu’il y a à ce que les Commissions régionales des Nations Unies aient des locaux « sûrs, adaptés et accessibles ».  Parmi les cinq commissions régionales actuelles, la CESAP est la plus importante en taille, a-t-elle souligné.  Elle a donc insisté sur une « bonne gouvernance, un suivi efficace et une gestion responsable » du projet et a espéré que le recrutement d’un responsable de la coordination de projet se traduira par une coordination plus étroite entre New York et Bangkok.

La représentante s’est réjouie que la CESAP ait mis en œuvre ou soit en train de mettre en œuvre les huit recommandations du Bureau des services de contrôle interne (BSCI), dont la finalisation des plans pour la nouvelle stratégie relative aux locaux transitoires.  Elle a souhaité une analyse des coûts et des bénéfices, assortie d’une étude de faisabilité opérationnelle.  Elle a encouragé l’équipe projet à continuer d’envisager des moyens innovants d’optimiser l’utilisation de l’espace, de faire des économies et de limiter la consommation d’énergie et, ce faisant, à utiliser des technologies, capacités et matériels locaux. 

La représentante a dit tenir au respect du calendrier et à la limite budgétaire de 40 millions de dollars.  Elle s’est donc inquiétée de l’analyse quantitative des risques qui pointe vers un dépassement de 2,5 millions.  Elle a prié le Secrétaire général de mettre en œuvre rapidement des mesures d’atténuation des risques pour éviter un tel scénario.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, Mme CAROLINE NALWANGA MAGAMBO (Ouganda) s’est félicitée d’un budget de 66,26 millions de dollars pour les travaux à Nairobi.  Elle a encouragé le Secrétaire général à prendre les mesures nécessaires pour éviter les retards et les dépassements budgétaires.  Elle a d’ailleurs salué la réduction de 5,2% du coût du projet rendue possible par l’amélioration du plan d’exécution.  Elle a adhéré à la position du CCQAB, s’agissant des recrutements qui doivent se faire en fonction des besoins et a souligné la nécessité de recourir aux capacités locales, y compris le matériel.

M. VITAVAS SRIVIHOK (Thaïlande) s’est dit ravi des progrès, espérant que l’analyse du rapport coût-efficacité et la faisabilité opérationnelle ont été dûment prises en compte pour la fin des travaux et le respect des limites budgétaires.  L’optimisation de l’espace, en particulier, permettra d’accueillir plusieurs entités des Nations Unies, s’est félicité le représentant au nom d’un gouvernement dont la politique est de faire de Bangkok, « la Genève de l’Asie ».  Réaffirmant l’importance qu’il attache à la gestion, au contrôle, au rapport coût-efficacité, à la transparence et à la responsabilité, M. Srivihok a encouragé la CESAP à continuer d’interagir avec New York pour assurer au projet des progrès harmonieux.

M. ANTHONY ANDANJE (Kenya) a rappelé que l’Office des Nations Unies à Nairobi jouait un rôle important en Afrique, dans la mesure où il s’agit du seul lieu d’affectation d’un pays du Sud à abriter le siège des agences de l’ONU, dont celui du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat).  Le représentant a indiqué que son pays avait débloqué des ressources importantes pour que sa capitale offre un cadre favorable à l’exécution des mandats importants de l’Office.

Il a rappelé que les bâtiments A à J de l’Office ont été construits à titre semi-permanent à la fin des années 1970 et qu’ils ne respectent plus les réglementations en vigueur s’agissant de la santé et de la sécurité, de la réglementation parasismique, des matières dangereuses, de l’accessibilité, de l’efficacité énergétique et de la durabilité ainsi que l’utilisation de l’espace.  Ces bâtiments présentent des « risques structurels majeurs ».  « En somme, les bâtiments sont irréparables », a-t-il déclaré, saluant par conséquent les efforts du Secrétaire général pour faire approuver le projet de remplacement des bâtiments A à J.

Dans le cadre du projet, le représentant a salué la proposition de M. António Guterres de réaffecter le bâtiment des services de publication et de construire une annexe à côté, afin de créer de nouveaux espaces de travail, qui pourraient également servir de locaux transitoires en vue de passer à un mode d’organisation souple du travail dans tous les espaces.  Il a appelé le Secrétaire général à fournir des mises à jour régulières sur l’avancée du projet pilote.

Il a également salué la révision à la baisse des prévisions de dépenses totales à 66 260 100 dollars.  Tout en affirmant que son pays ferait le nécessaire pour faciliter l’importation de matériel de construction et d’équipement, il a fortement encouragé l’équipe projet à s’approvisionner le plus possible localement.

Étant donné que l’Office est perçu comme le siège des Nations Unies en Afrique, il a estimé que davantage de fonds devraient lui être alloués en général.  Cela adresserait un message important non seulement en Afrique, pour le projet mais également dans le reste du monde, a-t-elle estimé.

ADMINISTRATION DE LA JUSTICE À l’ONU

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur l’administration de la justice à l’ONU et sur les activités du Bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies (A/73/428)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires a examiné ceux du Secrétaire général (A/73/217 et A/73/217Add.1), du Bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies (A/73/167) et du Conseil de justice interne (A/73/218).  Le rapport du Secrétaire général sur l’administration de la justice rend compte du fonctionnement de la procédure formelle d’administration de la justice en 2017, proposant notamment des statistiques sur le dernier état du contentieux devant les différentes entités du système: le Groupe du contrôle hiérarchique, le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies, le Tribunal d’appel des Nations Unies et le Bureau de l’aide juridique au personnel.

Dans ses commentaires, le Comité consultatif recommande à l’Assemblée générale d’approuver la création de deux postes de juge permanent à temps complet en remplacement de deux postes de juge ad litem actuels au Tribunal du contentieux à Genève et à Nairobi) à compter du 1er janvier 2020; et de reconduire les deux postes de juge ad litem à Genève et Nairobi jusqu’au 31 décembre 2019 au plus tard, en attendant que le Conseil de justice interne lui présente des candidats et qu’elle élise deux juges à temps complet à titre permanent.

Étant donné le rôle global moins chargé et l’activité moindre du Tribunal du contentieux à New York et la disponibilité de deux juges à temps partiel en ce lieu d’affectation, le Comité consultatif recommande de ne pas y proroger le mandat du juge au-delà de 2018 et de déduire en conséquence tous coûts afférents au poste proposé pour 2019.  Le Comité recommande donc à l’Assemblée générale de modifier l’article 4.1 du statut du Tribunal du contentieux de sorte qu’il se lise comme suit: « Le Tribunal du contentieux administratif est composé de cinq juges à temps complet et de deux juges à temps partiel. »

Le Comité consultatif recommande en outre que soit approuvée la création de deux postes de juriste (P-3), soit un à Genève et un à Nairobi, d’un poste d’assistant juridique à Genève, et d’un poste d’assistant juridique à Nairobi en lieu et place d’emplois de temporaire.  S’agissant des effectifs à New York, le Comité recommande que les deux emplois, 1 P-3 et 1 agent des services généraux, demeurent des emplois de temporaire.

Le Comité consultatif constate que, depuis qu’il a été créé par l’Assemblée générale pour l’exercice biennal 2014-2015, le régime de financement complémentaire volontaire du Bureau de l’aide juridique au personnel a permis d’apporter des fonds supplémentaires aux fins du financement du Bureau.  Il réitère la recommandation qu’il avait formulée tendant à ce que l’Assemblée régularise ce régime.  Par ailleurs, il encourage le Secrétaire général à redoubler d’efforts pour sensibiliser davantage les fonctionnaires à l’utilité dudit régime.

Le Comité consultatif recommande aussi que l’Assemblée générale approuve la proposition de projet pilote visant la fourniture par le Bureau des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies de services de règlement amiable des différends aux non-fonctionnaires et prie le Secrétaire général de veiller à ce que le projet pilote soit exécuté dans la limite des ressources disponibles.  En outre, il recommande que l’Assemblée générale demande au Bureau, lorsqu’il évaluera la charge de travail que représente pour lui la fourniture de services aux non-fonctionnaires, non seulement de préciser des indicateurs quantitatifs, comme le nombre de dossiers, mais aussi de présenter une analyse qualitative concernant la complexité des affaires traitées, les mesures prises pour leur donner suite et les résultats des interventions du Bureau.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. KARIM SAMIR ISMAIL ALSAYED (Égypte) a réaffirmé son attachement à un système d’administration de la justice « indépendant » et « transparent », pour s’assurer du respect des droits et obligations du personnel de l’ONU, ainsi que de la responsabilité des managers comme de l’ensemble du personnel.  À cette fin, le représentant a plaidé en faveur d’un système d’administration de la justice « décentralisé » et « doté des ressources nécessaires ».  M. Alsayed a noté que plusieurs éléments du système de justice interne avaient connu une charge de travail supplémentaire au cours des dernières années.  L’an dernier, a-t-il précisé, cette charge a même très fortement augmenté.  Le représentant a estimé que cette tendance sera amenée à se poursuivre, en raison « d’exercices de réduction des effectifs » et des « réformes de grande ampleur » en cours dans l’ensemble de l’Organisation.  Il a par conséquent appelé à faire en sorte que le système soit « suffisamment pourvu en personnel » et « financé de manière adéquate ». 

Dans ce cadre, M. Alsayed a salué les propositions du Secrétaire général et noté avec intérêt celle de créer un fichier officiel de candidats qualifiés et aptes à occuper les fonctions de juge.  Il a estimé que ce fichier devrait tenir compte de l’impératif de la « représentation géographique équitable ».  Le représentant a par ailleurs promis d’envisager la pérennisation du régime de financement du Bureau de l’aide juridique, tout en rappelant que les dépenses de l’Organisation sont prises en charge par les États, conformément à l’Article 17 de la Charte.  Il a en outre rappelé les conclusions du Groupe d’experts chargé de l’évaluation indépendante intermédiaire à savoir que le Bureau de l’aide juridique manquait de ressources et que son budget était insuffisant, y compris dans le cadre d’un modèle de financement sur une base volontaire.

Par ailleurs, M. Alsayed a rappelé l’attachement de son groupe à la résolution des conflits par des moyens informels, afin d’éviter « les litiges inutiles ».  Il a également salué la proposition du Secrétaire général de lancer un projet pilote qui permettrait aux non-fonctionnaires d’avoir accès à des services de règlement à l’amiable des différends, « dans le cadre du mandat » du Bureau des services d’ombudsman et de médiation.

M. TAULANT ZEQIRI, de l’Union européenne, a dit la grande importance qu’il attache à un fonctionnement efficace et efficient de l’administration de la justice dont le système doit incarner les principes d’indépendance, d’impartialité, de transparence et de confidentialité.  Nous devons veiller à ce que les individus et l’Organisation soient tenus responsables de leurs actes, conformément aux règles en vigueur aux Nations Unies.  Pour l’Union européenne, le règlement informel des différends est un élément fondamental de l’administration de la justice.  Nous sommes ravis de voir, a dit le représentant, le nombre croissant d’affaires résolues de cette façon ainsi que les activités de sensibilisation et de renforcement des capacités pour mieux prévenir et résoudre les conflits sur le lieu de travail.  Le représentant a jugé important d’examiner les améliorations à apporter au système dans le contexte plus large des exigences liées aux ressources financières et humaines.  L’Assemblée doit veiller à ce que les changements soient justifiés par des besoins réels et des résultats attendus, conformément aux objectifs du système de justice et dans un esprit de rentabilité.

Un système de justice interne équitable, efficace et performant pour toutes les catégories du personnel de l’ONU est essentiel pour assurer un niveau élevé de motivation et un bon état d’esprit au sein de l’Organisation, a estimé Mme CRISTINA VERONES (Suisse), également au nom du Liechtenstein.  À ses yeux, investir dans un système efficace et performant de la justice permettra à terme de réduire le nombre de cas soumis et d’accélérer leur traitement, ce qui profitera tant au personnel qu’à l’Organisation.

Dans ce cadre, la représentante a appelé l’ONU à mettre en place un système où tous les membres du personnel disposent d’un recours effectif, indépendamment de leur statut de fonctionnaire ou de non-fonctionnaire.  Cependant, elle a constaté que près de la moitié des membres du personnel n’avaient pas accès au système de justice interne, « ce qui est problématique ».  Elle a, dans ce cadre, salué la proposition du Secrétaire général de lancer un projet pilote offrant explicitement aux non-fonctionnaires un accès aux services informels de règlement des différends par le biais des services d’ombudsman et de médiation des Nations Unies. 

Bien qu’elle constitue une première étape pour améliorer la situation des non-fonctionnaires dans les conflits professionnels, la représentante a estimé que cette mesure ne leur donnerait toutefois pas accès à un recours juridictionnel effectif.  Elle a, par conséquent, recommandé de poursuivre le débat sur les moyens d’assurer l’accès adéquat des non-fonctionnaires à un système judiciaire de résolution des différends.  Elle a également appelé le Secrétaire général à proposer des options efficaces en termes de coût.

En outre, la représentante a insisté sur l’importance d’une protection efficace contre les représailles.  Il est essentiel, a-t-elle jugé, que l’ONU crée un climat où les membres du personnel, fonctionnaires et non-fonctionnaires, puissent dénoncer tout manquement en toute sécurité, afin de maintenir les normes élevées de professionnalisme et d’intégrité de l’Organisation.  Elle s’est, par conséquent, félicitée des efforts déployés pour renforcer la politique du Secrétaire général sur la protection contre les représailles envers les personnes ayant signalé des irrégularités ou ayant coopéré à des enquêtes et des audits dûment autorisés.

Mme ANCA S. DIGIACOMO (États-Unis) a noté la « stabilité » du nombre de cas portés devant le Tribunal du contentieux administratif en 2017 mais aussi la baisse de celui des jugements rendus, le plus bas depuis la création du Tribunal en 2009.  Comme le CCQAB attribue cette tendance à une moindre souplesse du Tribunal, la représentante a dit attendre avec intérêt des informations plus détaillées.  En attendant, elle a salué la proposition du Secrétaire général de créer un projet pilote sur l’accès des non-fonctionnaires à certains mécanismes de règlement des différends.  Cette session, a-t-elle conclu, est l’occasion de renforcer l’administration de la justice à l’ONU et de consolider son indépendance, tout en veillant à la conformité de ses jugements avec les décisions de l’Assemblée générale.  Un bon système est essentiel pour permettre à l’ONU d’employer et de garder le meilleur personnel, a conclu la représentante, qui s’est dite pressée de travailler avec ses homologues pour parvenir à un consensus sur cette « question importante ».

M. DAISUKE WAKABAYASHI (Japon) a souligné que l’administration de la justice à l’ONU était essentielle pour garantir « un lieu de travail équitable » et de « bonnes relations entre les fonctionnaires et la direction ».  En renforçant l’équité au travail, a-t-il estimé, le système d’administration de la justice devrait donc avoir un impact positif sur les résultats des fonctionnaires et de la hiérarchie aux Nations Unies.

Pour cela, « ce système doit être stable », a jugé M. Wakabayashi, appelant à pérenniser le régime de financement complémentaire volontaire actuel du Bureau de l’aide juridique au personnel.  Il a également appelé à sensibiliser les membres du personnel à l’importance de leur contribution financière à ce Bureau, afin que tous puissent équitablement avoir accès à ses services.

Par ailleurs, le représentant a souligné que le système contribuait à responsabiliser et renforcer la crédibilité des Nations Unies.  « Il doit donc fonctionner de façon efficace », a-t-il ajouté.  Prenant bonne note du nombre de requêtes reçues par le Tribunal du contentieux administratif, le représentant a estimé que la structure du Tribunal devait correspondre à sa charge de travail.  M. Wakabayashi a indiqué qu’il analyserait de manière plus approfondie la situation du Tribunal pour prendre une décision concernant la création de postes de juge permanent et la demande optionnelle de proroger le mandat des juges ad litem.

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