En cours au Siège de l'ONU

8394e séance – après-midi
CS/13569

Conseil de sécurité: « 80% des Libyens sont fatigués de l’aventurisme et des petites manœuvres politiques. Ils veulent des élections »

Sept ans après le début de la guerre civile en Libye, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), M. Ghassan Salamé, a donné aujourd’hui au Conseil de sécurité les résultats d’un sondage qu’il a reçus ce matin même : « 80% des Libyens insistent sur la tenue des élections, fatigués qu’ils sont de l’aventurisme et des petites manœuvres politiques ».

Il faut donc soutenir le processus politique, a souligné le Représentant spécial selon lequel les Libyens veulent avancer avec la Conférence nationale qui doit se tenir dans les premières semaines de 2019, pour avoir un processus électoral au printemps 2019 ».  Cette Conférence, a-t-il insisté, sera un processus mené « par et pour les Libyens ».  Elle fera fond sur les contributions des Libyens ayant participé à 77 réunions préparatoires à travers tout le pays, et servira de « plateforme pour donner la voix au peuple libyen » afin de pousser les institutions à prendre les mesures idoines pour avancer vers le processus politique tant attendu.

L’autre raison de soutenir l’option politique est qu’elle donne des résultats: grâce aux accords de cessez-le-feu obtenus par la MANUL, la violence des derniers mois a enfin cessé à Tripoli, après avoir causé la mort de 120 personnes dont 34 femmes et enfants en septembre, s’est réjoui le Représentant spécial.  Les groupes armés vont se retirer des installations publiques, tandis que des patrouilles seront déployées aux abords de la ville.  Tripoli devrait être protégée par des forces de police disciplinées, a-t-il indiqué, ajoutant que la sécurité dans la capitale est « cruciale », non seulement parce qu’elle abrite les institutions de l’État et 30% de la population libyenne, mais aussi parce que le cas de Tripoli peut être répété dans d’autres villes. 

L’approche du Représentant spécial a été soutenue par plusieurs membres du Conseil de sécurité, inquiets de l’impasse dans laquelle se trouve le processus politique en Libye, en raison de l’incapacité de la Chambre des représentants d’adopter la loi électorale.  C’est le manque de volonté politique des dirigeants libyens, réticents à regarder au-delà de leurs intérêts personnels, qui bloque le processus politique, ont jugé les Pays-Bas, appelant les dirigeants libyens à prendre leurs responsabilités et à saisir la chance offerte pas la Conférence de haut niveau, prévue la semaine prochaine, à Palerme.  La MANUL soutiendra les politiques, non les politiciens.  Elle cherchera à améliorer les institutions et non à promouvoir des individus, a prévenu le Représentant spécial. 

Le statu quo est « intenable » a reconnu la Suède, tandis que la France estimait que seules des élections, assorties d’un calendrier précis, rapide et ambitieux sont à même d’ancrer la stabilité et que le respect des engagements pris en mai dernier à Paris par les acteurs libyens est indispensable pour sortir de ce statu quo.  Toutes les conditions législatives, politiques et sécuritaires doivent être réunies pour faciliter la tenue d’élections crédibles et acceptables aux yeux de tous les Libyens, a poursuivi l’Éthiopie, appelant tous les acteurs libyens à s’engager de façon constructive avec M. Salamé.

Défendant son gouvernement, la Libye a voulu que l’on poursuive les efforts diplomatiques et que l’on tende la main à toutes les factions libyennes pour parvenir à un accord politique mutuellement acceptable.  Mais, a prévenu le Représentant spécial, la crise en Libye n’a pas que des origines politiques.  C’est une guerre pour le contrôle des ressources d’un pays riche qui produit 1,3 million de barils par jour et a généré 13 milliards de dollars, rien que les six premiers mois de cette année, alors que dans le même temps les Libyens s’appauvrissent et que des criminels volent des milliards des coffres de l’État. « Voilà le résultat de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Libye en 2011 », a tranché la Fédération de Russie, appuyée par la Bolivie. 

En plus des groupes armés, financés par des tiers, qui sèment « la terreur et la désolation », il y a même des États qui violent de façon répétée des résolutions du Conseil de sécurité, notamment celles concernant le trafic illicite de pétrole, a accusé la Libye, ajoutant que le Conseil n’a pris aucune mesure contre ces États qui pactisent avec des « acteurs parallèles ».  Elle a réitéré son souhait de gérer elle-même les avoirs gelés, car « nous ne comprenons pas pourquoi les autorités libyennes qui ont dûment écrit au Conseil de sécurité, ne peuvent pas les utiliser ».  La Libye a insisté sur « la perte colossale » que représente le gel de ces avoirs qui « appartiennent à l’État ».

Nous avons discuté de cette question avec les autres membres du Comité des sanctions, les représentants de la Libye à New York et les entités dont les avoirs ont été gelés, a indiqué le Président du Comité des sanctions et Représentant de la Suède, de retour d’une mission en Libye, sans avoir pu se rendre dans l’est du pays.  Respecter le régime des sanctions, a-t-il professé, est crucial pour veiller à ce que les ressources naturelles de la Libye soient dûment protégées et bien gérées au profit du peuple libyen.

Le Président a dit avoir retenu de sa mission en Libye que le peuple libyen veut la paix, la sécurité et un avenir meilleur.  Nous savons, comme pour toutes les questions à l’ordre du jour du Conseil, que l’unité entre ses membres et parmi les acteurs régionaux est un facteur déterminant du succès.  Restons unis, rangeons-nous derrière le processus facilité par l’ONU et saisissons la chance de la Conférence de haut niveau de Palerme, a conclu le Président.  Une Conférence, a expliqué le Représentant spécial, qui permettra de progresser sur l’élaboration d’un système pratique de répartition des richesses « non pour le bénéfice des millionnaires, mais pour toute la population ».

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. GHASSAN SALAMÉ, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a déclaré que depuis sa dernière intervention en septembre dernier, la violence à Tripoli avait enfin pris fin.  Grâce aux accords de cessez-le-feu obtenus par la MANUL, les parties ont accepté de renoncer à la violence.  Le 25 septembre dernier, la plupart des attaquants extérieurs se sont retirés de la ville.  Depuis lors, tous les efforts déployés ont visé à transformer cette occasion en opportunités, notamment pour consolider le cessez-le-feu. 

Ainsi la nouvelle Commission sur les arrangements sécuritaires a élaboré un plan global, soutenu par le Conseil présidentiel.  Les groupes armés vont se retirer des installations publiques, tandis que des patrouilles seront déployées aux abords de la ville.  Tripoli devrait être protégée par des forces de police disciplinées, a-t-il indiqué, ajoutant que la sécurité dans la capitale est « cruciale », non seulement parce qu’elle abrite les institutions de l’État et 30% de la population libyenne, mais aussi parce que le cas de Tripoli peut être répété dans d’autres villes. 

Le Représentant spécial a également déclaré que les violences de septembre dernier, qui ont fait 120 morts, dont 34 femmes et enfants, témoignent de la fragilité de la situation.  Le conflit libyen est pour une large partie un conflit pour le contrôle des ressources.  Tant que cet aspect ne sera pas résolu, la stabilité échappera au pays.  La Libye est un pays riche: sa production pétrolière atteint les 1,3 million de barils par jour.  Ce pays de 6,5 millions d’habitants a généré des revenus de 13 milliards de dollars, rien que les six premiers mois de cette année.  En dépit de cela, les Libyens s’appauvrissent progressivement alors que des criminels se livrent à la violence pour voler des milliards de dollars des coffres de l’État. 

Il faut donc faire plus pour normaliser la situation et préserver les acquis, a-t-il poursuivi, estimant que l’un des dysfonctionnements du pays est la division de ses institutions financières.  À cet égard, la MANUL, sur recommandation du Conseil de sécurité, a commencé un audit financier de la Banque centrale et de ses branches, afin d’accroître la transparence et la responsabilité.  La Conférence, qui se tiendra la semaine prochaine à Palerme, permettra en outre de progresser sur l’élaboration d’un système pratique de répartition des richesses « non pour le bénéfice des millionnaires, mais pour toute la population ».

Mais, a prévenu le Représentant spécial, l’évolution sur les plans sécuritaire et économique doivent s’accompagner de progrès politiques.  Alors que le remaniement du Conseil présidentiel le 7 octobre dernier a vu la nomination de quatre nouveaux ministres, les Nations Unies soutiendront toute autre nomination qui contribuera à plus de sécurité et de services pour les Libyens.  La MANUL soutiendra les politiques, non les politiciens.  Elle cherchera à améliorer les institutions non à promouvoir des individus, a encore déclaré le Représentant spécial. 

M. Salamé a ajouté que les Nations Unies et la communauté internationale dans son ensemble avaient donné à la Chambre des représentants l’occasion d’agir dans l’intérêt du pays.  Mais cette dernière a échoué dans sa mission.  Rien n’a été fait, ni le référendum constitutionnel ni pour des élections législatives et présidentielle.  La loi électorale n’a pas été adoptée, a-t-il déploré. 

Or, selon un sondage qui lui a été transmis ce matin, 80% des Libyens insistent sur la tenue des élections, fatigués qu’ils sont de l’aventurisme et des petites manœuvres politiques.  Ils veulent avancer avec la Conférence nationale qui doit se tenir dans les premières semaines de 2019, pour avoir un processus électoral au printemps 2019.  Il s’agira d’une Conférence « menée par et pour les Libyens », a-t-il dit, ajoutant que cette conférence, qui vise à faire fond sur les contributions des Libyens ayant participé à 77 réunions préparatoires à travers tout le pays, n’aura cependant pas vocation à être une nouvelle institution ni même à remplacer les organes législatifs existants.  Elle servira de « plateforme pour donner la voix au peuple libyen » et avec leur voix, ils pourront pousser les institutions à prendre les mesures idoines pour avancer vers le processus politique tant attendu, a-t-il conclu. 

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a considéré que la paix et la stabilité ne seront rétablies en Libye qu’en parvenant à une solution politique négociée, qui devra s’appuyer sur les éléments présentés par le Représentant spécial.  Selon lui, le succès de la Conférence sur la Libye, qui se déroulera les 12 et 13 novembre à Palerme, en Italie, dépendra de la participation de toutes les couches de la société libyenne, laquelle ne pourra avoir confiance que si l’État est en mesure de lui fournir les services de base dont elle a besoin. 

En outre, a préconisé le représentant, les modalités sécuritaires mises en place à Tripoli ne doivent pas se limiter à la capitale.  La délégation britannique a par ailleurs souligné l’importance de poursuivre la lutte antiterroriste.  Ceux qui violent le droit international humanitaire devront rendre des comptes, a-t-il exhorté. 

Sur le plan économique, l’introduction de frais sur les transactions en devises étrangères, afin de réduire l’écart entre le taux de change officiel et le taux de change au marché noir de la monnaie locale, doit maintenant ouvrir la voie à d’autres réformes, a-t-il poursuivi.  Il s’est toutefois félicité de la réunification de la Banque centrale libyenne, avant d’appeler les autorités à veiller à ce que les sanctions imposées par le Conseil de sécurité soient mises en œuvre de façon efficace. 

M. OLOF SKOOG (Suède) a appelé à la mise en œuvre effective de l’accord de cessez-le-feu et des arrangements sécuritaires pour Tripoli et exhorté toutes les parties à cesser les hostilités, à s’abstenir de toute action ou menace déstabilisatrice et à protéger les civils.  Le représentant a parlé de la toute première visite qu’il a effectuée en Libye, les 1er et 2 novembre à Tripoli en tant que Président du Comité du Conseil de sécurité créé en vertu de la résolution 1970 (2011).  Espérant que la visite dans l’est du pays pourra se faire très bientôt, il a précisé que l’objectif des sanctions est de faire avancer la paix, la sécurité et la stabilité.  En 2018, sept personnes ont été ajoutées à la liste des individus frappés par les sanctions pour des violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire, des attaques contre les infrastructures pétrolières et des tentatives d’exporter du pétrole illégalement.  Cela montre, a-t-il souligné, la disposition du Comité à utiliser la liste pour servir la paix et la stabilité et protéger les intérêts plus larges des Libyens.  Le flux illégal d’armes contribue à alimenter le conflit et à causer des souffrances aux populations, a constaté le représentant, avant d’indiquer que, lors de son entretien avec le Président Serraj, il a mis le doigt sur les violations présumées de l’embargo sur les armes.  Tous les États Membres doivent faire plus pour mettre en œuvre les sanctions, a-t-il insisté, prévenant que son pays demeure ouvert à l’idée de frapper de sanctions ceux qui cherchent à faire obstruction au processus facilité par les Nations Unies. 

Respecter le régime des sanctions, a-t-il poursuivi, est aussi crucial pour veiller à ce que les ressources naturelles de la Libye soient dûment protégées et bien gérées au profit du peuple libyen.  Cela est également vrai pour les fonds gelés.  Nous avons entendu, a confié le représentant, les préoccupations de la Libye sur la gestion de ces biens et nous avons discuté de cette question avec les autres membres du Comité des sanctions, les représentants de la Libye à New York et les entités dont les fonds ont été gelés.  Le Conseil, a rappelé le représentant, a maintes fois affirmé que les fonds gelés seront tôt ou tard rendus au peuple libyen.  Le représentant s’est dit encouragé par la disposition de la Libye à poursuivre son dialogue avec la Banque mondiale pour trouver une solution à cette question.  Il a dit avoir retenu de sa visite que le peuple libyen veut la paix, la sécurité et un avenir meilleur.  La principale conclusion est que le statu quo est « intenable ».  La dernière crise, a-t-il rappelé, a failli annihiler tous les efforts.  Il faut maintenant saisir l’élan actuel pour placer fermement la Libye sur une voie crédible vers la paix et l’unité.  Le Conseil de sécurité, tous les États Membres de l’ONU et toutes les organisations régionales ont un intérêt stratégique commun à voir la Libye parvenir à une solution politique.  Nous savons, comme pour toutes les questions à l’ordre du jour du Conseil, que l’unité entre ses membres et parmi les acteurs régionaux est un facteur déterminant du succès.  Restons unis, rangeons-nous derrière le processus facilité de l’ONU et saisissons la chance de la Conférence de haut niveau de Palerme, prévu la semaine prochaine, a conclu le représentant. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) s’est félicité de l’amélioration de la situation sécuritaire à Tripoli, grâce à l’action de la MANUL, dont les efforts ont abouti à un cessez-le-feu.  Il a souligné la nécessité de combler le vide politique et sécuritaire dans le reste du pays, pour éviter que l’État islamique n’y prospère.  Le représentant a donc émis l’espoir que la Conférence de Palerme permette d’avancer sur la voie du processus politique, afin de parvenir à une Libye unifiée et stable. 

Sur le plan économique, il s’est félicité que la production de pétrole soit revenue au niveau normal de trois millions de barils par jour.  Il a par ailleurs salué l’ouverture prochaine d’un bureau de la MANUL à Benghazi.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) s’est tout d’abord déclaré préoccupé par la dégradation, ces derniers mois, de la situation sécuritaire en Libye.  Il a salué, à cet égard, les efforts et l’engagement du Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Ghassan Salamé, s’agissant des évolutions sécuritaires.  Face à cette situation instable, l’unification des forces armées libyennes sous l’autorité du pouvoir civil est une priorité, a-t-il observé, se félicitant du dialogue militaire parrainé par l’Égypte. 

Dans ce contexte, le représentant s’est dit à nouveau inquiet de la prédation économique qui se poursuit et des diverses tentatives de déstabilisation des fragiles équilibres en Libye.  Il a souligné que tous ceux qui menacent la paix, la sécurité et la stabilité du pays s’exposent à des sanctions internationales, comme l’a rappelé le renouvellement en début de semaine du régime de sanctions.  M. Delattre a aussi jugé essentiel que les réformes économiques se poursuivent, centrées en priorité sur le fonctionnement collégial de la Banque centrale libyenne et la gestion transparente des ressources de la Libye au bénéfice de tous les Libyens.  Selon lui, la conférence qui se tiendra la semaine prochaine à Palerme doit être l’occasion d’engager une action déterminante des Libyens et de la communauté internationale contre l’économie de prédation. 

S’alarmant également de la dégradation de la situation humanitaire, en particulier celle des migrants et des réfugiés, le représentant a estimé qu’il y a urgence à progresser vers un règlement politique.  À ses yeux, la Conférence de Palerme organisée par l’Italie offre à la communauté internationale la possibilité de manifester son unité et de se mobiliser, en appui des efforts des Libyens et du Représentant spécial. 

De même, a-t-il poursuivi, la France considère essentiel de soutenir les efforts de ce dernier et de la MANUL pour sortir de l’impasse institutionnelle et faire avancer la transition.  Seules des élections, assorties d’un calendrier précis, rapide et ambitieux sont à même d’ancrer la stabilité, a-t-il souligné, ajoutant que le respect des engagements pris en mai dernier, à Paris, par les acteurs libyens est indispensable pour sortir du statu quo

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré que les enjeux liés à la stabilité et au progrès n’ont jamais été aussi élevés que ces derniers mois.  Or, la communauté internationale ne s’est pas suffisamment mobilisée pour rendre comptables de leurs actes les responsables libyens qui emmènent leur pays vers le chaos et les groupes armés qui se livrent à la prédation.  Tout en se réjouissant de l’amélioration de la situation sécuritaire et économique, le représentant a exprimé la détermination de son pays à soutenir tout processus politique mené par les Libyens eux-mêmes.  Il a donc appuyé le processus qui sera lancé la semaine prochaine à Palerme et a estimé qu’il doit s’appuyer sur les conclusions de la Conférence de Paris sur la Libye. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est joint aux appels lancés, aujourd’hui, pour condamner les attaques « lâches, ignobles et déplorables » perpétrées ces derniers jours par des milices contre le personnel médical libyen.  Après avoir rappelé que toute attaque contre des civils est proscrite par le droit humanitaire international, le représentant s’est dit préoccupé par la violation systématique des droits des migrants et des réfugiés, notamment ceux qui se trouvent en détention et qui endurent des conditions de vie extrêmes, privés d’accès aux soins médicaux et à une alimentation adéquate.  Il s’est donc félicité de l’inclusion sur la liste des individus et entités visés par les sanctions du Conseil de sécurité des personnes qui se sont rendues coupables de violations de ces droits.  Il a déploré le fait que des groupes armés, financés par des tiers, sèment « la terreur et la désolation », sans que ces tiers ne soient jamais inquiétés.  Il a plaidé, en conclusion, pour la mise en œuvre du Plan d’action des Nations Unies, afin de parvenir à la réunification et à la stabilisation de la Libye.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a estimé que c’est le manque de volonté politique des dirigeants libyens, réticents à regarder au-delà de leurs intérêts personnels, qui bloque le processus politique.  Elle a invité la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État à traduire leur engagement en actes concrets et à jeter les bases du travail nécessaires à la tenue des élections.  La déléguée a regretté que les discussions sur la Libye ne prennent pas en compte la moitié de la population que sont les femmes.  Elle a dit espérer que des femmes feront parties des délégations qui se rendront à la Conférence de Palerme, la semaine prochaine.  Elle a invité la communauté internationale à s’unir pour soutenir la MANUL, y compris en inscrivant sur la liste des individus, frappés par les sanctions, ceux qui sabotent le processus politique. 

Mme Van Haaren a déclaré que la réconciliation politique et la sécurité de la Libye doivent être renforcées par des réformes économiques et la transparence financière.  Selon elle, de nombreuses personnes tirent profit de l’impasse politique en Libye: les dirigeants corrompus sont les principaux bénéficiaires de l’instabilité, de la violence et du chaos.  Elle a salué le rapprochement entre les deux Banques centrales du pays et la priorité que l’on accorde de plus en plus aux réformes économiques.  « Ce Conseil doit soutenir activement la lutte contre les flux illicites de devises sur le marché noir », a plaidé la représentante. 

Elle a ensuite souligné qu’après la réunion de la semaine dernière, au cours de laquelle avait été évoqué le travail de la Cour pénale internationale (CPI) sur la Libye, il faut désormais renforcer les efforts pour mettre fin à l’impunité, renforcer l’état de droit et traduire les auteurs de violence en justice.  Le fait d’avoir ajouté au Comité des sanctions le critère « violence sexuelle » envoie un message fort aux auteurs de cette violence sur le fait que la communauté internationale se tient prête à agir contre ce genre de pratiques en Libye.  Pour les Pays-Bas, a prévenu la représentante, les sanctions ne suffisent pas, il faut des actions judiciaires.  À ce propos, elle a invité toutes les parties à coopérer et à exécuter les mandats d’arrêt contre les fugitifs inculpés par la CPI, y compris M. Al-Werfalli.  Enfin, la déléguée a exhorté les dirigeants libyens à prendre leurs responsabilités et à saisir la chance offerte pas la Conférence de Palerme, prévue la semaine prochaine.  « Le Conseil de sécurité attend des résultats, mais au-delà de tout, le peuple libyen attend des résultats », a-t-elle conclu. 

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a dit avoir constaté que l’impasse dans laquelle se trouve le dialogue politique ne permet pas de sortir d’une crise aggravée par les difficultés économiques.  Si l’on fait preuve de bonne foi, on pourra sortir du statu quo, a-t-il souligné, en jugeant urgent que la Chambre des représentants adopte la loi électorale afin que « les élections tant attendues puissent se tenir ».  Sur le plan économique, le représentant a dit attendre du Gouvernement d’entente nationale qu’il élabore un plan transparent de contrôle des hydrocarbures, source principale des revenus du pays.  Il est primordial d’empêcher les milices et les groupes armés de profiter de cette manne. 

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a déploré qu’en dépit de l’espoir suscité par la Conférence de Paris du 29 mai 2018, prévoyant l’organisation d’élections législatives et présidentielle le 10 décembre 2018, la situation actuelle demeure préoccupante, notamment en raison du retard accusé dans la mise en place du cadre juridique de ces élections et de la fragilité de l’environnement sécuritaire.  Il a noté, à cet effet, les menaces graves que constituent les groupes terroristes, tout en exhortant la communauté internationale à apporter son soutien au Gouvernement d’entente nationale afin de mettre un terme aux affrontements et aux souffrances de milliers de Libyens.  La Côte d’Ivoire se réjouit de l’adoption, par le Gouvernement d’entente nationale, du plan de sécurité pour le grand Tripoli, élaboré avec le soutien de la MANUL, et qui vise à mettre en place des forces de sécurité professionnelles. 

Pour le rétablissement de la paix en Libye, la Côte d’Ivoire souligne que les acteurs régionaux jouent un rôle non négligeable.  C’est pourquoi la délégation salue l’initiative de l’Union africaine (UA) d’organiser très prochainement une conférence nationale de réconciliation à Addis-Abeba, à la suite de la rencontre du 2 novembre dernier entre le Commissaire pour la paix et la sécurité de l’UA et une délégation de haut niveau de l’Armée nationale libyenne. 

Enfin, sur le plan humanitaire, la Côte d’Ivoire invite tous les acteurs au respect des normes internationales et condamne également l’attaque de l’hôpital Al Jalla le 6 novembre dernier.

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a lui aussi observé que la situation sécuritaire demeure fragile en Libye, aggravée encore par l’impunité qui menace gravement la stabilité et la sécurité du pays.  Dans ce contexte, il a qualifié le dossier sécuritaire de prioritaire et a salué les efforts de la MANUL, en appui au cessez-le-feu conclu en septembre, et les arrangements sécuritaires à Tripoli, lesquels visent à renforcer le pouvoir des institutions légitimes.  Il a jugé, à cet égard, qu’il est de la responsabilité de tous les acteurs libyens de mettre de côté leurs différends et de coopérer pour rétablir la stabilité en Libye. 

Évoquant par ailleurs les difficultés économiques que traverse le pays, le représentant a plaidé pour une réforme économique qui assure une répartition plus équitable des ressources entre tous les Libyens, non seulement pour relever les défis économiques mais aussi pour ouvrir la voie à un processus politique.  Il a estimé à ce propos qu’il était vital que la communauté internationale maintienne son partenariat et soutienne les efforts de la Libye.  Le délégué a, d’autre part, réitéré le plein soutien de son pays au Représentants spécial et à ses efforts pour mettre en œuvre le Plan d’action des Nations Unies pour la Libye.  Il a estimé que l’organisation de la Conférence nationale à laquelle s’emploie la MANUL offre l’occasion d’un processus inclusif et transparent pour réaliser les aspirations des Libyens, qu’ils vivent dans ou en dehors de leur pays.  Selon lui, toutes les conditions législatives, politiques et sécuritaires doivent être réunies pour faciliter la tenue d’élections crédibles et acceptables aux yeux de tous les Libyens.  Il est donc indispensable que tous les acteurs libyens s’engagent à travailler de façon constructive avec M. Salamé pour que tous les instruments politiques et législatifs soient en place, a conclu le représentant qui a appelé le Conseil de sécurité à leur adresser un message clair et unifié. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a jugé « crucial » de garantir la participation des femmes dans les processus et la transition politiques en cours, y compris à la prochaine Conférence de Palerme.  Elle s’est félicitée par ailleurs de la reconduite du régime de sanctions, qui sont à ses yeux un outil utile de sortie de crise.  Elle s’est particulièrement réjouie de l’introduction de la violence sexuelle comme critère des sanctions. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a constaté que la réalité en Libye était rarement porteuse de bonnes nouvelles encourageantes et s’est dit préoccupé par la flambée de violence qui touche jusqu’à la capitale.  « Voilà le résultat de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Libye en 2011 », a-t-il tranché.  Il a souligné la nécessité de créer des conditions propices à la réussite de la Conférence de Palerme, la semaine prochaine.  Il s’est félicité des propositions de réformes économiques faites par les institutions financières internationales, mais a insisté pour que l’on garde dûment à l’esprit les intérêts des Libyens.  Rappelant la prudence de son pays face aux sanctions, il a pris note des appels lancés de part et d’autre pour renforcer le régime.  Nous savons que nous devons lutter contre les auteurs de violations des droits de l’homme ou ceux qui pillent les ressources pétrolières.  Mais, a nuancé M. Safronkov, nous estimons que le système judiciaire national est en mesure de les juger.  Rappelant que sa délégation a participé à la visite du Comité des sanctions en Libye, le représentant a regretté qu’il n’ait pas été possible de se rendre dans l’est du pays.  Il a espéré, à son tour, que le Président du Comité pourra rectifier la situation et réaliser les objectifs fixés pour cette mission. 

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a souligné la compétence de la Cour pénale internationale pour les attaques contre des installations civiles et médicales car ce sont des violations du droit international humanitaire.  Elle s’est dite aussi préoccupée par la détention de migrants dans les centres contrôlés par le Gouvernement où ils sont victimes de mauvais traitements, dont la torture et la privation de soins médicaux.  Elle a par ailleurs estimé que le processus politique doit être accéléré pour respecter les échéances électorales.  Elle a donc soutenu la Conférence de Palerme, car il n’y pas d’issue militaire à la crise libyenne.  N’oublions pas, a-t-elle rappelé, que la situation en Libye est la conséquence des politiques interventionnistes et des changements de régime opérés par certains États et dont les conséquences se font ressentir dans tout le Sahel. 

M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a réitéré son appel à renforcer les structures publiques de la Libye, y compris ses Forces armées et le secteur de la sécurité. L’absence de volonté, à cet égard, continue de créer un terreau fertile à l’émergence d’activités illégales et de forces terroristes et extrémistes. Il a préconisé, à cet égard, de prendre des mesures adéquates pour éviter la répétition des récents événements de Tripoli. L’accord entre la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État sur la mise en place d’un mécanisme de restructuration du Conseil présidentiel constitue, à ses yeux, un pas positif vers cet objectif.  Il a espéré que le Conseil restructuré pourra agir en tant que gouvernement d’union. Pour finir, il a salué la tenue les 12 et 13 novembre prochain de la Conférence de Palerme qui réunira les principaux interlocuteurs libyens et les acteurs internationaux.  La crise libyenne ne peut être résolue que par une solution politique, a souligné le représentant.

M. MA ZHAOXU (Chine) a appelé la communauté internationale au respect de la souveraineté de la Libye et à la facilitation du processus politique en cours.  Il convient, a-t-il dit, de renforcer le rôle de médiation de l’ONU pour aider la Libye à élaborer sa nouvelle constitution et à mettre en œuvre le Plan d’action des Nations Unies.  Rappelant que les sanctions ne sont jamais une fin en soi, il s’est félicité des efforts constructifs déployés pour ramener la Libye sur le chemin de la stabilité.

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a considéré qu’il faut appliquer les modalités sécuritaires de façon précise grâce à des forces armées professionnelles pour mettre fin à l’activisme de certains groupes armés qui affirment agir au nom de l’État alors qu’ils font obstacle à la réconciliation nationale. Sept ans après l’intervention armée, les Libyens se demandent comment ils en sont arrivés là, a constaté le représentant.  Il a dénoncé les violations répétées des résolutions du Conseil de sécurité, notamment le trafic illicite de pétrole et les tentatives de s’approprier les avoirs gelés.  Le Conseil, a-t-il accusé, n’a pris aucune mesure contre les États Membres qui pactisent avec des « acteurs parallèles », semant la discorde et la division parmi les Libyens. Nous espérons, a-t-il ajouté, que vous serez assez « courageux » pour barrer la route à ces acteurs.

M. Elmajerbi a estimé qu’il faut poursuivre intensivement les efforts diplomatiques et tendre la main à toutes les factions libyennes pour parvenir à un accord politique mutuellement acceptable.  Le Conseil de sécurité doit établir un distinguo entre les acteurs libyens et les groupes armés qui se livrent à des actes criminels sans rapport avec un processus politique, et qui doivent accepter de se placer sous l’autorité des forces armées légitimes, a-t-il insisté.  Le statu quo ne peut se prolonger indéfiniment, a mis en garde le représentant, en pointant du doigt les agissements des mercenaires, qui violent la souveraineté de son pays et mettent en danger la vie et la sécurité des civils.  S’agissant des migrations, il a tenu à dire qu’il ne faut pas oublier de remonter à la source de ce phénomène « de plus en plus lucratif » et faire échec à la migration clandestine et à la traite des êtres humains.  Quant aux avoirs gelés, il a réitéré la demande de son gouvernement de les gérer lui-même car « nous ne comprenons pas pourquoi les autorités libyennes qui ont dûment écrit au Conseil de sécurité, ne peuvent pas les utiliser ».  Le représentant a insisté sur « la perte colossale » que représente le gel de ces avoirs, lesquels, a-t-il souligné, « appartiennent à l’État libyen ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.