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Conseil de sécurité: Staffan de Mistura estime que des bases ont été posées pour avancer dans la création du comité constitutionnel pour la Syrie

8434e séance – matin
CS/13636

Conseil de sécurité: Staffan de Mistura estime que des bases ont été posées pour avancer dans la création du comité constitutionnel pour la Syrie

Chaleureusement applaudi à l’issue de sa dernière présentation devant le Conseil de sécurité, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie a regretté, ce matin, l’insuffisance des progrès dans la constitution d’un comité constitutionnel, mais estimé que les bases avaient été posées pour avancer.  M. Staffan de Mistura a également souligné que tout succès à l’avenir, en particulier celui de son successeur, « dépendra de l’unité du Conseil », dénonçant son insuffisance depuis l’adoption de la résolution 2254 (2015), qui lançait un cadre politique pour sortir du conflit.

M. de Mistura a profité de cette dernière intervention pour faire le point sur la création du comité constitutionnel avalisé, fin 2017, par la Déclaration de Sotchi, rappelant notamment que la Fédération de Russie et les Nations Unies s’étaient entendues sur le fait que l’Envoyé spécial devait être en mesure d’en choisir les membres, l’objectif étant de déboucher sur la création d’un comité crédible et équilibré.

Depuis Sotchi, M. de Mistura a dit avoir organisé, à cette fin, « un marathon de consultations » avec les parties prenantes.  Il a expliqué que le Gouvernement et l’opposition avaient transmis 50 noms chacun, tandis que l’ONU avait proposé une « liste du milieu » qui visait notamment à assurer une représentation de 30% de femmes au sein du comité constitutionnel.  Cette liste, a-t-il indiqué, n’a pas plu à l’opposition qui a toutefois accepté de ne pas la remettre en cause pour aller de l’avant, mais a, en revanche, été rejetée par le Gouvernement syrien qui s’est aussi opposé au principe qu’elle soit proposée par l’ONU.

Après une intensification des efforts diplomatiques, les Ministères des affaires étrangères de l’Iran, de la Turquie et de la Fédération de Russie ont proposé mardi dernier une liste de 50 noms, mais après les avoir examinés, a fait savoir l’Envoyé spécial, les Nations Unies ont conclu que ces noms ne répondent pas tous aux critères nécessaires.  M. de Mistura a aussi dit être profondément préoccupé par les informations crédibles, qui se sont intensifiées ces derniers jours, faisant état d’intimidation et de coercition sur certaines personnes qui figurent sur la liste, voire sur leur famille en Syrie.

Malgré ces embûches, l’Envoyé spécial n’en a pas moins estimé que les progrès sont réels –« une liste est pratiquement mise sur pied et les règles de procédure se précisent »– et a espéré que le comité constitutionnel soit en mesure d’entamer ses travaux au début du Nouvel An.

« Mais par-dessus tout, et au-delà de tous mes efforts, rien ne peut se substituer aux réels efforts des pays exerçant une influence à se parler et à travailler de manière constructive, avec le Conseil de sécurité et au-delà, pour appuyer le processus de l’ONU », a affirmé l’Envoyé spécial.

Depuis 11 mois, la « prétendue » initiative russe de Sotchi n’a débouché que « sur une impasse » ont cependant accusé les États-Unis, pour lesquels « en aucun cas », le régime syrien ne devait pouvoir opposer son véto sur la composition ou les procédures du comité.

« Soyons clairs: il n’y aura pas d’argent pour la reconstruction; il n’y aura aucune légitimité pour le régime; il n’y aura aucune facilitation du retour des réfugiés, tant que le processus politique n’aura pas avancé », ont mis en garde les États-Unis, appuyés par le Royaume-Uni.

« Ce qui a été présenté à Genève est clairement inacceptable », a reproché à son tour la France, déplorant que les garants d’Astana aient proposé une liste « déséquilibrée », composée de personnalités qu’ils savaient inacceptables et qui mettent en péril toute la crédibilité du futur comité. 

Convaincue qu’il existe, aujourd’hui, « pour la première fois peut-être depuis 7 ans », une étroite fenêtre d’opportunités pour une vraie dynamique politique en vue d’un règlement du conflit syrien, la France s’est inquiétée du risque qu’elle ne se referme au vu des développements des derniers jours, appelant par ailleurs à prendre garde que la tragédie syrienne ne devienne pas « le tombeau des Nations Unies ». 

Face à ces critiques, la Fédération de Russie a regretté que certains membres du Conseil de sécurité ne tiennent pas compte des efforts engagés par les garants d’Astana pour former le comité constitutionnel, précisant que le 18 décembre, au cours de la réunion à Genève, Moscou, Téhéran et Ankara sont tombés d’accord pour convoquer la première session du comité constitutionnel syrien à Genève au début de 2019. 

« Certains se plaignaient de l’absence de comité, et maintenant que les listes ont été établies, ils les rejettent au prétexte qu’elles ne seraient pas équilibrées.  C’est à n’y rien comprendre », a commenté le représentant.

Également invités au débat, l’Iran et la Turquie ont, eux aussi, défendu les « résultats probants » obtenus grâce au processus d’Astana, la délégation iranienne exhortant de plus les États qui ont une influence sur les groupes armés de l’opposition d’obtenir qu’ils cessent les combats et rejoignent le processus politique. 

« À ce moment crucial de la crise syrienne, nous devons tous accepter qu’il n’y ait pas d’autres choix que de coopérer pour faciliter le processus politique syrien », a notamment souligné l’Iran.

Disant, elle aussi, souhaiter la création « le plus vite possible » du comité constitutionnel, la Syrie a souligné pour sa part que le processus devait se faire dans le respect des normes de transparence et de non-ingérence dans les affaires internes de Damas, jugeant « inadmissible » d’imposer des « conclusions » aux travaux du comité: c’est lui qui décide de son propre calendrier et de ses propres échéances, a argué la délégation.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. STAFFAN DE MISTURA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, qui effectuait sa dernière présentation devant le Conseil de sécurité, a remarqué qu’après sept ans et demi, le conflit syrien dure depuis plus longtemps que la Seconde Guerre mondiale.  Aucun effort n’a pu enrayer la logique belliqueuse malgré plusieurs cessez-le-feu, et le champ de bataille l’a toujours emporté sur les pourparlers de paix, a-t-il déploré. 

Insistant sur l’importance d’un véritable processus politique, M. de Mistura a rappelé que la résolution 2254 avait ébauché les pistes en confiant au peuple syrien le soin de choisir son propre avenir, tout en insistant sur l’importance cruciale d’un cessez le feu.  Depuis, a-t-il indiqué, la donne a pu changer, mais pas suffisamment: des vies ont pu être sauvées en améliorant l’accès humanitaire mais les besoins des civils sont loin d’être satisfaits.  L’opposition a été convoquée et réunie sans parvenir à faire que les parties s’acceptent mutuellement et commencent à négocier.  Et d’autres principes fondamentaux ont aussi été posés, dont la participation des femmes, sans déboucher pour autant sur un véritable mécanisme.  De même, la participation de la société civile a été défendue mais reste systématiquement remise en cause. 

Il a ensuite indiqué que le travail de mise en place d’un comité constitutionnel pour dessiner un projet de réforme constitutionnelle, était pratiquement achevé, mais qu’il faut aller plus loin.  Nous savons tous ce qui est nécessaire pour établir un environnement sûr, calme et neutre en Syrie et y tenir des élections, mais nous n’avons pas été capable d’entamer le travail qui pourra véritablement en faire une réalité. 

« Je regrette profondément ce qui n’a pas pu être réalisé, a déclaré M. de Mistura, et j’estime que le Conseil de sécurité doit partager ce sentiment. »  « Ne vous leurrez pas, a-t-il poursuivi, comme pour moi, le succès de mon successeur dépendra de l’unité du Conseil de sécurité et sa capacité à exercer une véritable pression sur les parties pour les inciter à entamer un dialogue authentique, à négocier, et à faire preuve du compromis nécessaire pour répondre aux griefs du peuple syrien et mettre en œuvre la résolution 2254. » 

Poursuivant, l’Envoyé spécial a rappelé qu’au début 2017, la Fédération de Russie, l’Iran et la Turquie s’étaient engagés, à Astana, à coopérer en faveur de la désescalade, la Jordanie, les États-Unis et la Fédération de Russie ayant fait de même plus tard dans l’année pour répondre à la situation dans le sud-ouest du pays.  Il a évoqué des résultats « mitigés » qui ont néanmoins permis de sauver des vies, notamment grâce à la création d’une zone démilitarisée à Edleb où vivent trois millions de civils.  Il a, en revanche, jugé inacceptable que des dizaines de milliers de personnes aient disparu ou soient toujours derrière les barreaux.  De ce fait, les conditions n’ont jamais été réunies suffisamment longtemps pour pouvoir assurer un cessez-le-feu dans l’ensemble du pays, ni pour mettre en œuvre les mesures de confiance envisagées dans la résolution 2254, a-t-il regretté.

Rappelant que les pourparlers de Genève ont permis d’aboutir à 12 principes essentiels qui présentent une vision d’avenir pour la Syrie, M. de Mistura a souligné que seul un processus guidé par les Syriens permettra de garantir leur concrétisation. 

Il est ensuite revenu sur l’adoption, fin 2017, de la Déclaration de Sotchi qui définit 12 principes censés servir de base à un règlement politique du conflit, à commencer par la formation d’une comité constitutionnel, chargé de rédiger un projet de réforme constitutionnel en tant que contribution au processus politique.  L’Envoyé spécial a insisté sur le fait que même si le comité constitutionnel a la capacité d’être une pierre angulaire clef de tout processus politique, il n’est pas la seule.  De plus, a-t-il ajouté, la Fédération de Russie et les Nations Unies s’étaient entendues sur le fait que l’Envoyé spécial jouirait de la prérogative de finalisation du comité constitutionnel et devait être en mesure d’en choisir les membres sur la base d’une liste soumise par les parties, entre autres, l’objectif étant de déboucher sur la création d’un comité crédible et équilibré.

Depuis Sotchi, M. de Mistura a dit avoir organisé, à cette fin, « un marathon de consultations » avec les Syriens et les partenaires internationaux.  Il a expliqué que le Gouvernement et l’opposition avaient transmis 50 noms chacun, et qu’il avait été accepté d’établir une « liste du milieu » comportant elle aussi 50 noms, pour un total de 150 membres.  Un comité rédactionnel de 45 membres serait également formé en identifiant 15 membres de chaque groupe.

Il y a cinq mois, a-t-il poursuivi, l’ONU a proposé une « liste du milieu » qui visait notamment à assurer une représentation de 30% de femmes au sein du comité constitutionnel.  Cette liste n’a pas plu à l’opposition qui a toutefois accepté de ne pas la remettre en cause pour aller de l’avant.  Le Gouvernement, en revanche, a rejeté cette liste et le principe qu’elle soit proposée par l’ONU et a prévenu qu’il proposerait d’autres noms.  Afin de répondre aux préoccupations de ce dernier, sans « perdre » l’opposition, ni nuire à la légitimité du processus, les Nations Unies ont indiqué qu’elles accepteraient toute proposition « modeste, crédible et équilibrée ».

Au cours des dernières semaines, les efforts diplomatiques se sont intensifiés, débouchant sur la tenue, mardi à Genève, d’une réunion avec les Ministères des affaires étrangères de l’Iran, de la Turquie et de la Fédération de Russie qui ont fait une contribution significative en proposant une liste 50 noms.  Après l’avoir examiné, a fait savoir l’Envoyé spécial, les Nations Unies ont toutefois estimé que ces noms ne répondent pas tous aux critères nécessaires et que des efforts supplémentaires sont nécessaires.  M. de Mistura s’est cependant dit confiant qu’il sera possible de se mettre d’accord sur un seuil de représentativité de 75% et sur les modalités d’une présidence partagée.  Il est également essentiel, a-t-il ajouté, de déterminer le processus de sélection du comité rédactionnel.

Les progrès sont réels: une liste est pratiquement mise sur pied et les règles de procédure se précisent, mais, des efforts supplémentaires sont nécessaires, a-t-il de nouveau insisté, espérant que le comité constitutionnel soit en mesure d’entamer ses travaux au début du Nouvel An. 

Soulignant que le comité constitutionnel devra obtenir la « bénédiction » du Conseil de sécurité et que seules les Nations Unies ont la légitimité et le mandat pour réunir ledit comité, l’Envoyé Spécial a appelé à déployer des efforts parallèles en vue du cessez-le-feu, de la libération des détenus et du rétablissement de la confiance.  Il a dit être profondément préoccupé par les informations crédibles qui se sont intensifiées ces derniers jours, faisant état d’intimidation et de coercition sur certaines personnes qui figurent sur la liste, voire sur leur famille en Syrie.  La création de ce comité constitutionnel sera une nouvelle épreuve de volonté politique, a-t-il souligné.

Au-delà du Gouvernement et de l’opposition, M. de Mistura a ensuite salué les contributions des 519 interlocuteurs syriens, dont 220 femmes, de la société civile, d’ONG et de groupes d’experts, « qui ont eu le courage d’établir des liens au-delà des lignes de conflit ».  Il a exhorté les membres du Conseil de sécurité et les parties au conflit à entendre davantage la voix des civils syriens, à les protéger et à les inclure au processus.  Il a également appelé à appuyer le rôle « crucial » que jouent les femmes dans le cadre du processus politique syrien, citant notamment le Conseil consultatif des femmes, « modèle de rassemblement de Syriens d’origines différentes », pour appuyer le processus de médiation et y contribuer de nouvelles idées. 

Mais par-dessus tout, et au-delà de tous mes efforts, rien ne peut se substituer aux réels efforts des pays exerçant une influence à se parler et à travailler de manière constructive, avec le Conseil de sécurité et au-delà, pour appuyer le processus de l’ONU, a affirmé l’Envoyé spécial.  C’est ce Conseil qui a donné pour mandat à l’ONU, de faciliter le processus politique intersyrien afin d’assurer la mise en œuvre de la résolution 2254, seule façon, a-t-il insisté, pour les Syriens de se prononcer sur leur avenir. 

Staffan de Mistura a conclu en remerciant les membres du Conseil qui, malgré leurs divisions, ont soutenu sa mission.  Il s’est ensuite levé pour serrer la main de chacun d’entre eux, avant d’être chaleureusement applaudi.

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a assuré que Washington reste attachée à la « destruction permanente » de l’État islamique et d’autres groupes terroristes en Syrie et dans le monde.  « Comme nous l’avons dit, nous utiliserons tous les instruments [à notre disposition] pour faire pression en vue d’obtenir le retrait des forces soutenues par l’Iran.  Et les États-Unis continueront de promouvoir une solution diplomatique pacifique à la crise syrienne, dans le respect de la volonté du peuple syrien et conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies », a déclaré le représentant.  Nous continuerons à collaborer avec nos alliés pour lutter contre le terrorisme et avec les États « ayant les mêmes idées », l’ONU et l’opposition syrienne, pour tenter de mettre un terme diplomatique à ce conflit, a-t-il dit.

En janvier, a rappelé M. Hunter, la Fédération de Russie, en étroite consultation avec l’ONU, a publié la Déclaration de Sotchi, qui appelait à la création, à Genève, d’un comité constitutionnel dirigé par l’Envoyé spécial afin de redynamiser les efforts de l’ONU pour mettre en œuvre la résolution 2254, « bloquée par un manque de participation réelle du régime d’Assad ».  Cette Déclaration, a-t-il noté, indiquait « clairement » que les 150 membres du comité constitutionnel auraient une représentation équivalente entre le régime, l’opposition syrienne et les organisations indépendantes, et que ses activités, son calendrier et ses procédures de vote seraient déterminés par l’Envoyé spécial lui-même. 

En aucun cas, le régime syrien ne devait se voir accorder un veto sur la composition ou les procédures du Comité, a poursuivi le représentant.  De son côté, la Fédération de Russie avait convenu que l’ONU aurait le pouvoir de gérer le Comité afin de recueillir l’« imprimatur de légitimité » du Conseil de sécurité « en tant que contribution crédible de Moscou à la paix en Syrie ».  Depuis 11 mois, a déploré la délégation américaine, la « prétendue » initiative russe de Sotchi n’a débouché que « sur une impasse ».  « Nous ne sommes plus qu’à 11 jours de la fin de l’année et nous approchons rapidement de la dernière chance du régime syrien et de la Fédération de Russie de respecter cet engagement », a fait observer le représentant.

Selon lui, en dépit des efforts déployés de part et d’autre, les garants d’Astana n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à convaincre le régime d’Assad d’accepter la « liste équilibrée » préparée par l’ONU.  « Un comité qui n’est ni équilibré ni représentatif du peuple syrien, y compris de l’opposition, ne peut être considéré comme légitime », a-t-il tranché.  Les États-Unis sont prêts, avec leurs alliés et partenaires du groupe restreint, à soutenir les efforts menés par l’ONU pour relancer un processus politique et isoler davantage le régime sur les plans diplomatique et économique.  « Soyons clairs: il n’y aura pas d’argent pour la reconstruction; il n’y aura aucune légitimité pour le régime; il n’y aura aucune facilitation du retour des réfugiés, tant que le processus politique n’aura pas avancé », a mis en garde M. Hunter.

Pour M. FRANÇOIS DELATTRE (France), la situation dans le nord-est de la Syrie appelle aujourd’hui toute l’attention du Conseil de sécurité.  Rappelant que la priorité de la France est la lutte contre le terrorisme, et de contrer toute potentielle résurgence dans cette région, il a affirmé que Daech continue d’être une menace au Levant et que l’organisation terroriste peut continuer de s’y appuyer sur un territoire réduit, en particulier en Syrie.  Il a indiqué que les tensions croissantes sur le terrain pourraient fournir des opportunités aux groupes terroristes, avertissant du risque réel d’un basculement dans la violence et d’une reprise d’exactions de grande ampleur.

Le nord-est syrien ne doit pas venir s’ajouter à la longue liste des régions de la Syrie qui ont dû faire face à une catastrophe humanitaire, a-t-il argué, affirmant que de nouvelles hostilités y auraient des conséquences désastreuses.  S’agissant d’Edleb, où « le maintien durable de la cessation des hostilités est essentiel », la France appelle la Fédération de Russie et la Turquie à tout faire pour préserver le calme sur le terrain, « comme elles s’y sont engagées ».

M. Delattre a ensuite indiqué que les États partenaires de la coalition internationale et la France sont en conversation avec Washington sur le calendrier et les conditions de mise en œuvre de la décision de retrait des Forces américaines engagées face à Daech en Syrie, annoncée par le Président américain.  La France, a-t-il indiqué, sera attentive à ce que la sécurité de tous les partenaires soit assurée, y compris les Forces démocratiques syriennes.  Pour M. Delattre, la protection des populations du nord-est de la Syrie et la stabilité de cette zone doivent être prises en compte par les États-Unis pour éviter tout nouveau drame humanitaire et toute résurgence du terrorisme.  Il a tenu à souligner que c’est grâce à l’action de la coalition internationale depuis 2014 et aux forces locales iraqiennes d’une part, kurdes et arabes syriennes d’autre part, que Daech a été affaibli et a perdu pour l’essentiel son emprise territoriale.

Passant ensuite aux efforts « intenses » déployés ces dernières semaines sur le volet politique, il a tout d’abord remercié Staffan de Mistura pour les quatre années d’efforts incessants consacrés à résoudre l’une des crises les plus graves de la période contemporaine.

Il a noté que les dernières semaines ont été l’occasion d’une mobilisation diplomatique « sans relâche » en faveur de la formation d’un comité constitutionnel équilibré et inclusif sous l’égide des Nations Unies, rappelant que l’objectif « clair et réaliste » était de parvenir à la réunion de ce comité avant la fin de l’année.  Il a regretté que les dernières discussions de Genève « n’ont hélas pas permis de trouver une issue favorable » alors même qu’il y avait une unité de vue, « rare sur le dossier syrien », pour avancer sur le volet constitutionnel du processus politique.  Notant que Staffan de Mistura aura « jusqu’au bout », inlassablement, consacré tous ses efforts à la formation de ce comité, M. Delattre a estimé qu’il s’agit de la première contribution essentielle à un processus politique légitime et viable de règlement de la crise syrienne. 

Il a imputé la situation actuelle au régime syrien « qui n’a pas cherché à donner le moindre signe d’engagement, », ainsi qu’à la Fédération de Russie et à l’Iran qui ne sont pas parvenus à le convaincre que c’était dans son intérêt comme celui des Syriens.

Les garants d’Astana, a-t-il déploré, ont proposé au cours des derniers jours une liste non concertée et déséquilibrée, composée de personnalités qu’ils savaient inacceptables et qui mettent en péril toute la crédibilité du futur comité.  Jusqu’au bout, a affirmé le représentant, ces pays ont considéré qu’il leur revenait de déterminer seuls la composition du comité et aux Nations Unies d’en prendre acte sans plus de discussion.  « Ce qui a été présenté à Genève est clairement inacceptable et a clairement été considéré comme tel. »

N’entendant fermer aucune porte, la France appelle à mettre en œuvre, dès janvier, toutes les modalités de la résolution 2254, « qui reste notre seule feuille de route pour permettre un règlement politique de la crise syrienne ».  Pour y parvenir, il faut, selon M. Delattre, réaffirmer le caractère central de la médiation des Nations Unies, ajoutant que la seule issue possible passe par un processus constitutionnel crédible et des élections libres et impartiales, sous supervision de l’ONU et avec la participation de tous les Syriens, qu’ils se trouvent en Syrie ou en dehors. 

Il a insisté sur les mesures de confiance prévues par la résolution 2254, « autant d’actions concrètes indispensables pour établir un environnement sûr et neutre, où tous les Syriens auront une place ».  Il a également insisté sur l’aspect incontournable qu’est la lutte contre l’impunité.

La pleine application de cette résolution impliquera aussi de parvenir à un cessez-le-feu durable et de garantir la protection des populations par l’accès libre et sans entrave de l’aide humanitaire partout en Syrie, a encore souligné le délégué.

« La tragédie syrienne, par sa terrible ampleur humaine mais aussi par ce qu’elle révèle de notre impuissance collective, est et restera l’un des marqueurs de notre génération », a affirmé M. Delattre, avant d’appeler à prendre garde que cette tragédie ne devienne pas « le tombeau des Nations Unies ». 

Alors que les risques restent immenses à Edleb et ailleurs, le représentant s’est dit convaincu qu’il existe aujourd’hui pour la première fois peut-être depuis 7 ans, une étroite fenêtre d’opportunité pour une vraie dynamique politique en vue d’un règlement du conflit syrien.  Mais cette fenêtre d’opportunité risque de se refermer au vu des développements des derniers jours, s’est-il préoccupé.  Il est donc plus important et urgent que jamais que chacun prenne aujourd’hui ses responsabilités, et il revient en particulier aux garants d’Astana de se montrer à la hauteur des engagements qu’ils ont pris et d’en assurer la pleine mise en œuvre. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a appuyé les efforts de l’ONU pour créer le comité constitutionnel et souligné la nécessité d’en faire une entité crédible, inclusive et acceptable pour tous les Syriens, y compris l’opposition.  « Un comité qui ne remplirait pas ces conditions n’aurait pas de légitimité internationale », a-t-il souligné.  Il a également souhaité qu’au moins 30% des membres du comité et de ses sous-comités soient des femmes, avant d’exhorter l’ONU à ne ménager aucun effort pour que ce comité devienne réalité.  Ce comité n’est pas une fin en soi mais fait partie d’un processus politique plus large sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève, a-t-il ajouté. 

Le délégué s’est dit ensuite consterné par la situation épouvantable régnant dans les prisons syriennes et a exhorté l’Envoyé spécial à accorder la priorité à la question des personnes disparues et des détenus, en tant que partie intégrante du processus politique.  M. van Oosterom a appuyé le renvoi de la situation en Syrie à la Cour pénale internationale (CPI), avant de juger nécessaire d’amorcer une transition crédible et inclusive avant l’octroi de toute aide de l’Union européenne à la reconstruction de la Syrie.  Enfin, le délégué a indiqué qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien. 

M. TAYE ATSKE SELASSIE MADE (Éthiopie) s’est félicité de la décision de l’Envoyé spécial de faire tout son possible « jusqu’au dernier jour de son mandat » pour former un comité constitutionnel « crédible et inclusif », « pierre angulaire » pour revitaliser le processus politique.  « C’est précisément ce qu’il a fait, en s’engageant dans un dialogue avec les parties syriennes, les garants d’Astana, les membres du « Small Group » et autres parties prenantes, a observé le représentant.  Néanmoins, comme l’a souligné l’Envoyé spécial sortant, « il reste un effort supplémentaire à fournir dans cet effort digne d’un marathon », a-t-il déclaré. 

Le délégué s’est ensuite dit encouragé par les changements sur le terrain, et le calme relatif qui règne actuellement en Syrie, même si des millions d’habitants sont en proie à une crise humanitaire, dont des personnes déplacées et des réfugiés.  Après avoir souhaité que les parties coopèrent de manière constructive avec le nouvel Envoyé spécial, le représentant a appelé les États Membres exerçant une influence sur les acteurs locaux à soutenir eux aussi la paix durable en Syrie.  À cet égard, a insisté l’Éthiopie, l’unité du Conseil de sécurité, « en particulier de ses membres permanents », est cruciale pour réaliser des progrès dans la résolution de cette crise.

M. MANSOUR AYYAD SH.  A.  ALOTAIBI (Koweït) a appelé à la formation d’un comité constitutionnel inclusif et crédible, sous la houlette de l’ONU, dans le respect des normes internationales de transparence.  Il a rappelé qu’il n’y aurait pas de solution militaire à la crise, avant d’affirmer que tous les efforts visant à inspirer la confiance entre les parties au conflit doivent être encouragés.  Tant qu’Edleb est relativement stable grâce à l’accord signé entre la Turquie et la Fédération de Russie, « un espoir demeure », a estimé le représentant, qui a plaidé pour la mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a estimé important de continuer de travailler à la création du comité constitutionnel, qui permettra d’établir une nouvelle loi fondamentale pour la Syrie.  Il reste aussi d’avis que ce comité doit être équilibré et inclusif, y compris dans les arrangements concernant sa présidence, la rédaction du projet de constitution et la viabilité du processus électoral.  À cet égard, la délégation apprécie le travail de consultation et les missions de bons offices de l’Envoyé spécial, pour le suivi de la Déclaration finale de Sotchi du 30 janvier 2018 et pour la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015).  Il a également salué le fait que le Secrétaire général ait, selon lui, apprécié la « valeur » du processus d’Astana, notamment auprès de l’opposition syrienne.

Le représentant a aussi estimé que le processus d’Astana avait montré des résultats positifs, notamment en renforçant le cessez-le-feu et en assurant le suivi du mécanisme qui a conduit aux pourparlers de Genève.  Pour autant, le Kazakhstan déplore la poursuite des bombardements et des combats aux alentours des zones démilitarisées, et appelle à accorder plus d’attention aux besoins de plus de 40 000 personnes à Roukban et aux 6 000 personnes piégées à Hajin.  Le représentant s’est aussi inquiété des « nouvelles provocations chimiques et victimes civiles ». 

M. OLOF SKOOG (Suède) a appelé toutes les parties à œuvrer à une désescalade, à faire preuve de retenue et à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international.  Il s’est dit préoccupé par la poursuite des opérations militaires menées par les forces du Gouvernement syrien et par les annonces faites par la Turquie d’une possible opération militaire dans le nord-est de la Syrie.  Le délégué a souligné la nécessité de progresser sur la voie d’une solution politique, avant de regretter que le comité constitutionnel n’ait pas encore été établi.  Nous faisons pleinement confiance à l’ONU pour que la composition et les règles de procédure de ce comité soient parfaitement légitimes, a-t-il déclaré, ajoutant que le Gouvernement sera pleinement responsable de tout échec dans la création dudit comité.  Le délégué a indiqué que le relèvement du pays est un élément clef d’une paix durable et promis l’assistance de la Suède, à condition qu’une transition politique inclusive soit bien entamée.  Enfin, le représentant a souhaité le renvoi par le Conseil de la situation en Syrie à la Cour pénale internationale. 

Pour M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne), l’accord de cessez-le-feu d’Edleb a permis une avancée positive mais il s’est interrogé sur sa pérennité et la capacité des parties de le respecter.  Il a noté que la situation est aujourd’hui particulièrement inquiétante dans le nord-ouest du pays ainsi qu’au nord-est où la tension reste vive entre la Turquie et les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG).  Il a exhorté les parties à éviter de prendre des initiatives qui contribueraient à déstabiliser davantage la Syrie. 

Déplorant que le processus politique n’ait pas encore pris racine, et que le comité constitutionnel n’ait pas encore été créé, le représentant a souligné qu’il n’y aura pas de règlement militaire du conflit.  Il faut viser un accord politique intrasyrien comme l’a souligné l’Envoyé spécial, a-t-il affirmé.  Il a exhorté les garants d’Astana à honorer leurs engagements et à protéger les civils, soulignant que toute solution politique doit se faire dans le cadre de la résolution 2254.  Il a appelé à créer le comité constitutionnel sans plus tarder et à prendre des mesures pour engager une transition politique négociée, appelant les autorités syriennes à faire preuve de bonne foi et à négocier sans condition préalable. 

M. HAITAO WU (Chine) a déclaré que ces derniers mois, la situation avait bien progressé en Syrie, avec les rencontres entre l’Envoyé spécial et les garants du Processus d’Astana.  Il est à souhaiter que de tels échanges se poursuivent dans le contexte où « le peuple syrien aspire à la paix », a-t-il dit.

Le représentant a également déclaré qu’alors que le mémorandum d’accord sur Edleb avait permis un cessez le feu et la réalisation des progrès politiques, la communauté internationale, à savoir les Nations Unies et le Conseil de sécurité, se doit de soutenir ce nouvel élan, notamment en renforçant sa coopération et ses discussions avec le Gouvernement syrien. 

Il a également appelé le Conseil de sécurité à maintenir son unité et parler d’une seule voix pour pousser au règlement politique de la crise.  Parallèlement, la lutte contre les groupes reconnus comme terroristes par le Conseil de sécurité, doit se poursuivre, notamment pour éviter que ces entités ne perturbent le processus politique engagé. 

S’il a pris note que les garants d’Astana ont tout mis en œuvre pour veiller à l’organisation de la toute première réunion du comité constitutionnel, M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a toutefois constaté que la situation est actuellement dans l’impasse.  Si elle est à ce point « épineuse », c’est d’abord parce que chaque partie veut servir ses intérêts, a estimé le représentant, qui a souhaité que la troisième liste de noms proposés ne s’écarte pas de l’objectif commun de constituer un comité constitutionnel crédible.  Il a donc encouragé l’Envoyé spécial à veiller à ce que la composition de cet organe fasse l’objet d’un consensus entre les trois parties qui doivent y siéger.  Par ailleurs, le représentant a considéré que la coopération entre les principaux alliés des parties nationales au conflit est cruciale pour le développement futur de la Syrie.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué les développements récents concernant la formation d’un comité constitutionnel en Syrie, une évolution positive qu’il a attribuée en grande partie aux efforts de l’Envoyé spécial pour le pays et à l’esprit de compromis des garants du processus d’Astana.  Le représentant a estimé que, pour contribuer efficacement à la paix, le futur comité constitutionnel devait avant tout être représentatif de tous les segments de la société syrienne, y compris les femmes, et être régi par des principes de fonctionnement « transparents et démocratiques ».  Il a espéré que le futur comité puisse ainsi contribuer à l’élaboration d’une nouvelle Constitution et ouvre la voie à des élections libres, sous la supervision de l’ONU et dans le plein respect de la souveraineté du pays. 

Pour y parvenir, le représentant a jugé important de prendre des mesures préalables pour instaurer un climat de confiance, y compris davantage d’efforts pour identifier les personnes disparues, remettre aux familles les dépouilles des défunts et libérer les détenus et personnes disparues.  Il a également insisté sur l’importance de garantir l’accès des victimes à la justice pour les « crimes atroces » commis durant le conflit.  Enfin, le représentant a appelé le Conseil à s’assurer du maintien du cessez-le-feu à Edleb, dans le cadre de l’accord conclu entre la Fédération de Russie et la Turquie en septembre, afin notamment de prévenir une « nouvelle tragédie humaine ».

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a regretté l’absence de progrès suffisants sur le front constitutionnel, notant qu’il ne reste plus que quelques jours avant la date butoir de fin de décembre imposée par le Président Putin lui-même.  Elle a exhorté le régime d’Assad à redoubler d’efforts pour atteindre cet objectif.

À l’instar de la France, la représentante a estimé que la liste proposée par les garants d’Astana était « déséquilibrée », en appelant à des consultations supplémentaires.  Alors qu’approche le troisième anniversaire de la résolution 2254, ce texte reste le meilleur accord obtenu à ce jour au Conseil.  Tout en reconnaissant que la communauté internationale dans son ensemble aurait pu avancer d’avantage, elle a estimé que l’échec revient avant tout au Gouvernement syrien, l’accusant d’échouer à protéger son peuple et de refuser d’œuvrer à la mise en œuvre de la résolution 2254. 

Le problème central ici, c’est l’autorité syrienne qui refuse de traiter des griefs légitimes du peuple Syrien: c’est ainsi que le conflit a commencé et cela en demeure un élément central, a affirmé la représentante.  Mais quoiqu’il se passe sur place, quelles que soient les modalités provisoires, la Syrie ne verra pas de reconstruction, ni de réinsertion internationale tant que le processus politique n’aura pas avancé.  Et une telle situation n’aidera pas Damas à gouverner, ni à répondre aux aspirations légitimes du peuple syrien.  Sans gouvernement véritablement représentatif, a-t-elle insisté, il n’y aura jamais de fin aux souffrances des Syriens.

Saluant par ailleurs les récents progrès importants réalisés sur le terrain face à Daech, grâce à la coalition, elle a appelé à ne pas perdre de vue la menace que ce groupe continue de faire peser.

M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté que plusieurs membres du Conseil de sécurité ne tiennent pas compte des efforts engagés par les garants d’Astana pour former le comité constitutionnel.  Il a souligné que les listes du Gouvernement et de l’opposition avaient été communiquées à l’Envoyé spécial dès l’été dernier.  Et le 18 décembre, au cours de la réunion à Genève, Moscou, Téhéran et Ankara sont tombés d’accord pour convoquer la première session du comité constitutionnel syrien à Genève au début 2019.  Il s’est dit convaincu que ces mesures poseront les bases d’un processus de paix stable, avant de remercier M. Staffan de Mistura de sa contribution unique.  Notant que « certains ne sont pas satisfaits des résultats de cette collaboration russo-turco-iranienne », il a critiqué le fait que ceux-ci se plaignaient de l’absence de comité, et que maintenant que les listes ont été établies, ils les rejettent au prétexte qu’elles ne seraient pas équilibrées.  « C’est à n’y rien comprendre », a commenté le représentant.

Soulignant la nécessité de régler la crise humanitaire en Syrie, M. Nebenzia a rappelé que la levée des sanctions imposées par certains pays à la Syrie n’était envisageable pour eux que lorsqu’il y aurait des progrès dans le dossier syrien.  « Maintenant que c’est le cas, nous espérons qu’ils ne reviendront pas en arrière », a mis en garde la délégation russe.  La situation en Syrie a, selon elle, « changé pour le mieux » et des mesures positives ont été observées de la part des États voisins qui veulent normaliser leurs relations avec Damas. 

Revenant à la question de la formation du comité, le représentant a argué que la liste qui sera légitime ne sera pas celle fournie par le « Small Group », mais celle qui sera établie par Damas et l’ensemble des parties syriennes.  « Nous sommes convaincus que le dernier mot revient aux Syriens eux-mêmes », a-t-il insisté en conclusion.

M. JUAN MARCELO ZAMBRANA TORRELIO (Bolivie) a salué l’amélioration tangible de la situation sur le terrain en Syrie, au cours des dernières mois, grâce aux efforts des trois garants du processus d’Astana, qui ont notamment permis d’établir des zones de désescalade, en plus des accords bilatéraux conclus entre la Fédération de Russie et la Turquie, ainsi qu’entre la Fédération de Russie et les Etats-Unis.  Plus récemment, l’accord signé entre Moscou, Istanbul, Berlin et Paris, le 27 octobre dernier, a selon lui permis d’améliorer l’accès humanitaire aux populations dans le besoin. 

Le représentant a en outre salué les efforts de l’Envoyé spécial, dans le cadre des pourparlers inter-syriens de Genève, dont la dernière itération a consacré la volonté des parties de s’engager sur la voie d’un processus politique.  Le délégué a espéré que ces évolutions positives puissent se traduire prochainement par l’établissement d’un comité constitutionnel, en vue de consolider la « paix relative qui prévaut actuellement sur le terrain ».

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a accueilli avec préoccupation l’annonce du Président turc, le 12 décembre 2018, de lancer de nouvelles offensives en Syrie, contre les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), qualifiés d’organisation terroriste séparatiste par Ankara.  La Côte d’Ivoire exhorte les autorités turques à privilégier la voie des négociations, gage d’une stabilité durable dans la région, afin de prévenir une nouvelle flambée de violences qui occasionnerait des déplacements massifs de populations et aggraverait la situation humanitaire déjà alarmante. 

Par ailleurs, conformément à la résolution 2254 (2015), elle appelle les parties syriennes à créer les conditions permettant aux réfugiés et aux personnes déplacées de retourner, de leur plein gré, en dignité et en toute sécurité, dans leur région d’origine, et aux régions touchées par le conflit de se relever.

La délégation ivoirienne souscrit à l’appel lancé à Istanbul, les 27 et 28 octobre 2018, au cours du Sommet quadripartite, relatif à la mise en place effective du comité constitutionnel et à la rédaction d’une nouvelle constitution, d’ici à la fin de l’année 2018.  Ce comité constitutionnel permettra, selon le délégué, de relancer le processus politique qui se trouve dans l’impasse et d’ouvrir la voie à l’organisation d’élections libres et impartiales, sous la supervision des Nations Unies.

M. BACHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a déclaré qu’il est impossible de réduire la « crise syrienne » à quelques « remarques de forme » prononcées au Conseil de sécurité, lesquelles passent sous silence les agissements de certains États pour déclencher cette crise dans l’espoir, a-t-il accusé, de servir leurs intérêts géopolitiques au Moyen-Orient.  Il s’en est tout particulièrement pris au Qatar et à l’Arabie saoudite, qui auraient dépensé, selon lui, 137 milliards de dollars pour détruire son pays, et auxquels il a imputé l’apparition de l’État islamique en Iraq et en Syrie.  Il est temps que certains cessent de se « dissocier » de la réalité et renoncent à leurs illusions, en comprenant qu’ils n’ont rien obtenu en « parrainant » le terrorisme, a exhorté le représentant. 

M. Ja’afari a réitéré la disposition du Gouvernement syrien à prendre part à une solution politique fondée sur le principe selon lequel le peuple syrien est le seul à pouvoir décider de son propre avenir.  L’aboutissement d’une telle solution suppose aussi une coopération étroite avec le Gouvernement syrien et une mobilisation de la communauté internationale pour l’aider à mettre fin au terrorisme qui sévit encore dans le pays.  Près de huit ans après la fin de cette « sale guerre imposée à son pays », M. Ja’afari a jugé qu’il était justifié de s’intéresser à l’écart entre les discours et les actes de certains États Membres, résumant son propos par le proverbe suivant: « Entre dire et faire, il y a la mer! ».  Il a fustigé Israël, mais aussi l’opposition syrienne, responsable d’après lui de l’apparition des organisations terroristes en Syrie.  Le délégué a alors énuméré une liste de dirigeants de l’opposition « dite » modérée, qui auraient été « génétiquement modifiés dans les laboratoires étrangers » pour peser de tout « leur poids militaire, politique et médiatique » sur le conflit en cours en Syrie. 

La délégation s’est dite ensuite soucieuse que soit mis sur pied le comité constitutionnel « le plus vite possible », en rappelant cependant que cela devait être fait dans le respect des normes de transparence et de non-ingérence dans les affaires internes de Damas.  Il est « inadmissible », a-t-il dénoncé, d’imposer des « conclusions » aux travaux du comité: c’est lui qui décide de son propre calendrier et de ses propres échéances, a argué M. Ja’afari.  Son pays, a-t-il assuré, a toujours fait preuve de sérieux pour promouvoir un processus politique, quitte à ce que la lutte contre le terrorisme soit « la première étape » d’un tel processus.  Se félicitant de constater que la reconstruction a déjà été lancée par les Syriens fidèles à leur patrie, le représentant a, en conclusion, encouragé tous les Syriens à adhérer à la recherche d’une solution « dans la patrie », « et non à Istanbul ou à Washington », en insistant à nouveau sur le fait que toutes les questions d’ordre constitutionnel relèvent strictement de la souveraineté syrienne. 

M. ESHAGH AL HABIB (République islamique d’Iran) a déclaré que, depuis le début du conflit en Syrie, son pays avait toujours soutenu qu’il n’y a pas d’autre solution, que politique, au différend.  Or aujourd’hui, des progrès ont été faits en ce sens.  Dans ce contexte, la communauté internationale doit faciliter ce processus, et non en dicter le déroulement, a estimé le représentant. 

C’est sur cette base, et en tant qu’un des trois garants du processus d’Astana que l’Iran attache une grande importance au comité constitutionnel et qu’il considère qu’il s’agit là, d’une étape majeure du processus politique en Syrie.  Dans ce contexte, et alors que des progrès ont été faits dans l’établissement de ce comité, « il faut les poursuivre, mais avec patience, prudence et persévérance, tout en gardant à l’esprit qu’à ce moment crucial de la crise syrienne, nous devons tous accepter qu’il n’y ait pas d’autres choix que de coopérer pour faciliter le processus politique syrien », a souligné le représentant. 

Il faut aussi, a appelé le délégué, que tous les États qui ont une influence sur les groupes armés de l’opposition obtiennent qu’ils cessent les combats et rejoignent le processus politique.  « Cela est crucial pour avancer et obtenir des gains dans ce processus », a conclu le représentant, qui a par ailleurs appelé à la levée des sanctions pour permettre le redémarrage de l’économie syrienne et l’assistance humanitaire. 

M. RAUF ALP DENKTAŞ (Turquie) a dit son appréciation pour le travail sans relâche abattu par M. de Mistura tout au long de son mandat pour résoudre la crise syrienne.  Il a ensuite affirmé que depuis le début du conflit, son pays avait toujours soutenu que l’option militaire ne permettrait pas à la Syrie de sortir de la crise.  Cette dernière ne pourrait être résolue que par un dialogue politique, sous la médiation des Nations Unies et en ligne avec la résolution 2254(2015), a-t-il insisté.

En tant qu’un des garants d’Astana, la Turquie considère que sans être une alternative au Processus de Genève « qu’il ne fait que compléter », le Processus d’Astana avait permis d’obtenir des résultats probants.  Celui-ci a notamment permis d’obtenir un cessez-le-feu, la libération de prisonniers et de travailler à la finalisation du comité constitutionnel.  Avec les autres garants, la Turquie déploiera d’autres efforts pour faire en sorte que ce comité tienne sa première réunion en janvier 2019, a assuré le représentant avant d’appeler la communauté internationale à appuyer ce Processus.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Contrainte de briser le consensus de Marrakech, l’Assemblée générale adopte seulement à l’issue d’un vote le Pacte pour des migrations sûres

Soixante-treizième session,
60e & 61e séances plénières – matin & après-midi
AG/12113

Contrainte de briser le consensus de Marrakech, l’Assemblée générale adopte seulement à l’issue d’un vote le Pacte pour des migrations sûres

Contrainte, par les États-Unis, de briser le consensus qui avait prévalu au Maroc le 10 décembre dernier, l’Assemblée générale a mis aux voix aujourd’hui le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, dit « Pacte de Marrakech » dans lequel les Chefs d’État et de gouvernement déclarent: « il est crucial que nous ne nous laissions pas diviser et que nous restions unis face aux difficultés que posent les migrations internationales et aux occasions qu’elles offrent ».  Ils y exposent donc la vision, les responsabilités et les ambitions qu’ils partagent sur les migrations, de sorte qu’elles soient bénéfiques à tous.

Les 23 objectifs du Pacte mondial ont été adoptés par 152 voix pour, l’opposition des États-Unis, de la Hongrie, d’Israël, de la Pologne et de la République Tchèque, et 12 abstentions.  La majorité des 54 délégations qui se sont exprimées ont, comme l’a fait le 10 décembre dernier, le Secrétaire général de l’ONU, détruit quelques mythes: le Pacte ne permet pas à l’ONU d’imposer des politiques migratoires à ses États Membres, empiétant sur leur souveraineté et il n’établit pas un nouveau droit de migrer permettant à chacun de choisir son pays de destination et le moment de s’y rendre.

Rien n’y a fait, les États-Unis, qui ont demandé le vote, ont vu dans le Pacte un effort de promouvoir « la gouvernance mondiale » au détriment du droit souverain des États de gérer leurs systèmes des migrations.  Ils se sont dits préoccupés par le fait que les partisans du Pacte, conscients d’un manque d’appui à une convention juridiquement contraignante, essayent maintenant d’utiliser le document comme un moyen de modifier le droit coutumier international.  Ils se sont dits particulièrement préoccupés par le terme « pacte » qui n’a aucune signification dans le droit international mais qui implique une obligation juridique.  Les États-Unis se sont opposés à ce postulat et ont souligné que ni le Pacte ni aucun des engagements pris par les États ne crée d’obligations juridiques ou de nouveaux droits et protections pour des ressortissants étrangers. 

Chez nous, ont-ils martelé, les clandestins ne sont pas « irréguliers ».  Ils sont « illégaux, ils violent la loi et les politiques d’immigration et sont passibles de poursuites et de déportation ».  Les États-Unis ont rejeté catégoriquement un document qui impose ou peut imposer des directives, des normes, des attentes et des engagements internationaux susceptibles de limiter leur capacité de prendre des décisions dans l’intérêt supérieur de la nation.

Le Ministre des affaires étrangères de la Hongrie n’a pas dit autre chose face à un Pacte « déséquilibré » qui risque d’engendrer encore plus de flux migratoires dans le monde, refusant de voir se répéter les événements de 2016, lorsque des centaines de milliers de migrants ont « envahi illégalement » son pays, « provoquant des troubles, vandalisant les biens et s’attaquant même violemment aux forces de police ».

Sous une pluie d’applaudissements, les Philippines se sont livrées à un vibrant plaidoyer en faveur du Pacte, le « triomphe du multilatéralisme » qui révèle la nature fondamentalement morale de la souveraineté.  C’est peut-être là le problème, ont-elles décelé, parce que certains États veulent choisir quel migrant accueillir et lequel rejeter.  Mais les migrants ne sont pas « mis aux enchères », attendant impassiblement le mot « adjugé ».  Ils ne sont pas des « esclaves en transit, mais des êtres humains en mouvement ».  Rappelant l’épisode de ces Européens qui ont eu, en fuyant leur patrie, la chance de rencontrer, aux Amériques, des autochtones bienveillants, les Philippines ont dit: les migrations sont peut-être illégales mais elles ne sont pas un crime car « aucune force ne peut éteindre l’espoir » d’une vie meilleure.

Les 23 objectifs du Pacte associés chacun à un engagement, suivi d’une série de mesures regroupant des moyens d’action et des pratiques optimales, visent, entre autres, à collecter des données précises et ventilées pour élaborer de bonne politiques; lutter contre les problèmes structurels qui poussent des personnes à partir; munir tous les migrants d’une preuve d’identité légale; faire en sorte que les filières de migration régulière soient plus souples; et gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée.

Il s’agit aussi de veiller à l’invariabilité et à la prévisibilité des procédures migratoires, d’assurer l’accès des migrants aux services de base; de leur donner les moyens de leur pleine intégration; et de créer les conditions pour leur permettre de contribuer pleinement au développement durable de leurs pays, par des envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux.  Il s’agit surtout de « renforcer la coopération internationale et les partenariats mondiaux pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ».

À tous ceux qui parlent de la perte de souveraineté des États, la France a estimé que soit ils n’ont pas lu le Pacte, soit ils sont de mauvaise foi, ou alors les deux.  Chaque pays agira selon ses législations et priorités pour mener à bien la mise en œuvre des 23 objectifs du Pacte, a assuré, à son tour, la Présidente de l’Assemblée générale qui a en outre achevé le débat entamé hier sur le vingtième anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme.

L’Assemblée tiendra une autre séance demain, jeudi 20 décembre, à partir de 10 heures pour examiner les rapports de sa Deuxième Commission chargée des questions économiques et financières et de sa Sixième Commission chargée des questions juridiques.

APPLICATION ET SUIVI INTÉGRÉS ET COORDONNÉS DES TEXTES ISSUS DES GRANDES CONFÉRENCES ET RÉUNIONS AU SOMMET ORGANISÉES PAR LES NATIONS UNIES DANS LES DOMAINES ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, ET DOMAINES CONNEXES

L’Assemblée générale a fait sien le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (A/73/L.66), adopté par la Conférence intergouvernementale, qui s’est tenue à Marrakech les 10 et 11 décembre 2018.

Le Secrétariat de l’ONU a estimé à 58 000 dollars les incidences financières du Pacte, compte tenu des paragraphes 46, 49 et 54 selon lesquels le Secrétaire général est prié de rendre compte tous les deux ans à l’Assemblée générale de la mise en œuvre du Pacte mondial, des activités du système des Nations Unies à cet égard, ainsi que du fonctionnement des arrangements institutionnels.

Les paragraphes portent également création d’un « Forum d’examen des migrations internationales » qui se tiendra tous les quatre ans, à compter de 2022, donnant lieu à l’adoption d’une déclaration intergouvernementale sur les progrès réalisés, qui pourra être soumise pour examen au Forum politique de haut niveau pour le développement durable.

À cet égard, la Présidence de l’Assemblée générale est priée d’ouvrir et mener à terme, en 2019, un cycle de consultations intergouvernementales transparentes et ouvertes à tous, en vue de déterminer les modalités précises et les aspects organisationnels des Forums et de préciser la manière dont les contributions des examens régionaux et d’autres mécanismes pertinents seront prises en compte, l’objectif étant de renforcer l’efficacité et la cohérence des procédures de suivi et d’examen prévues dans le Pacte mondial.

Déclaration liminaire

La Présidente de l’Assemblée générale, Mme MARÍA ELENA ESPINOSA GARCÉS, a souligné que le Pacte reflète une vision « équilibrée et globale » d’un défi complexe.  Nous sommes devant une occasion « historique » pour faire des migrations, un phénomène qui a ponctué l’histoire de l’humanité, un élément positif pour tous.  Contrairement à ce qui se dit, a rectifié la Présidente, le Pacte ne met pas en cause la souveraineté des États mais reconnaît qu’un État ne peut seul relever le défi des migrations.  Le Pacte traite de sujets aussi divers qu’importants, comme l’intérêt supérieur de l’enfant, l’égalité hommes-femmes et la traite des personnes.  Il permettra de réduire les vulnérabilités, de répondre aux besoins des migrants et des communautés d’accueil, de faciliter l’accès des migrants à un emploi digne et de faire en sorte que le retour et la réinstallation se fassent dans la dignité.

Maintenant, des efforts concrets à tous les niveaux seront nécessaires, ainsi qu’une coopération renforcée entre les États, la société civile et le secteur privé, entre autres.  La Présidente a souligné que la moitié des 258 millions de migrants dans le monde sont des femmes.  La migration, a-t-elle dit, doit être une option et non un acte de désespoir.  Le Pacte, a-t-elle prédit, sera notre boussole et le témoignage de notre détermination à ne pas céder à la peur.

La Présidente a dit avoir reçu une lettre du Président de la Conférence intergouvernementale, le Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Maroc, M. Nasser Bourita, qui a proposé une révision orale de l’alinéa 2 du préambule pour qu’y figure le terme « Pacte de Marrakech sur les migrations ».

Explications de vote

Le Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie, M. PÉTER SZIJJÁRTÓ, a estimé que les Nations Unies sont en train de commettre « une grave erreur » en adoptant un Pacte « déséquilibré » qui risque d’engendrer encore plus de flux migratoires dans le monde.  Le Pacte dit en effet qu’une personne peut traverser les frontières, choisir un pays et s’y installer.  Cette approche est « inacceptable ».  Les migrations sont « un phénomène dangereux » qui risque de déstabiliser les pays d’origine, de transit et de destination, en créant des « sociétés parallèles » au sein des sociétés établies.  Le Pacte, a encore dénoncé le Ministre, ne prend nullement en considération le droit de ceux qui vivent dans la paix et la sécurité.  Il a fait observer que personne n’a pris la peine de consulter les peuples.

La Hongrie, a répété le Ministre, a décidé de ne pas participer ni à la Conférence intergouvernementale ni à l’adoption du Pacte, « une décision souveraine parmi les plus importantes que le pays a prise ».  Pour nous, a martelé le Ministre, la sécurité du peuple hongrois est la priorité, et la protection des frontières, obligation de tous les États, relève de la sécurité nationale.  La violation des frontières doit donc être considérée comme un crime passible d’une peine.

Le Ministre a aussi refusé l’idée, défendue, selon lui, dans le Pacte, que les sociétés diverses sont meilleures que les sociétés homogènes.  Il a une nouvelle fois fustigé les politiques migratoires, dont celles de l’Union européenne, qui ont été interprétées par des dizaines de milliers de migrants comme une invitation à venir s’installer, avec la montée du terrorisme que cela fait craindre, comme en atteste d’ailleurs la trentaine d’attentats commis sur le territoire européen.

Le Ministre a ensuite commenté les incidences financières du Pacte expliquées aujourd’hui par le Secrétariat de l’ONU.  Les pays n’auraient donc pas d’autre choix que de les prendre en charge?  Nous parlons alors d’un Pacte « contraignant » contrairement à ce qui a été dit.  La Hongrie, a annoncé le Ministre, s’oppose et continuera de s’opposer au Pacte parce qu’elle refuse de voir se répéter les événements de 2016, lorsque des centaines de milliers de migrants l’ont envahie illégalement, provoquant des troubles, vandalisant les biens et s’attaquant même violemment aux forces de police.  Le Ministre a plutôt appelé la communauté internationale à aider les gens à rester chez eux ou le plus près possible.  Le peuple hongrois, a-t-il conclu, s’est déjà exprimé, à trois reprises, sur la question des migrations, et même par voie de référendum.

M. TEODORO LOPEZ LOCSIN, JR. (Philippines) a fermement soutenu le Pacte.  Nous avons, a-t-il dit, battu en brèche l’idée selon laquelle les migrations sont mauvaises et nous l’avons fait avec des faits et non avec des fantasmes effrayants de pertes d’emplois, qu’aucun Occidental n’occuperait de toute façon.  Nous l’avons fait avec la raison et pas avec la passion.  Le mot « pacte » a été choisi à dessein parce qu’il n’a pas la portée juridique du mot « traité ».  Le mot « pacte » exclut toute idée d’obligation, il appelle plutôt à la conscience.  Les migrations irrégulières sont illégales mais ce ne sont pas des crimes.  Certains ici, a dit le représentant, décrient le recul du multilatéralisme mais ils se retirent du Pacte précisément à cause de son caractère multilatéral.  Or, le Pacte est le « triomphe du multilatéralisme » et il ne déroge pas d’un « iota » de la souveraineté nationale.  Il révèle au contraire la nature fondamentalement morale de la souveraineté.  C’est peut-être là le problème, parce que certains États veulent choisir quel migrant accueillir et lequel rejeter.  Mais les migrants ne sont pas « mis aux enchères », attendant impassiblement le mot « adjugé ».  Ils ne sont pas des « esclaves en transit, mais des êtres humains en mouvement ».

Parfois, les besoins de l’État et ceux des migrants se rencontrent mais parfois pas du tout, d’où les histoires « fausses et laides » des migrations colportées par ceux qui en ont bénéficié mais qui en ont trop peur aujourd’hui.  Les villes occidentales seraient vides sans les migrants et il n’y aurait ni Coupe du monde de football, ni une Miss Univers, Catriona Gray, mi-écossaise mi-philippine.  L’espoir est éternel, a souligné le représentant, comme il l’a été pour les pèlerins qui ont traversé un océan dans l’espoir d’une vie meilleure que la vie misérable qu’ils avaient en Europe, a rappelé le délégué.  Ils ont eu la chance de rencontrer des autochtones, de l’autre côté du monde, qui leur ont accordé le bénéfice du doute et des moyens d’affronter un hiver cruel.  Aucune force ne peut éteindre l’espoir, et ce n’est pas un crime de vouloir mieux et de tout faire pour.  « C’est peut-être illégal, mais ce n’est pas criminel », a conclu le représentant sous une pluie d’applaudissements.

Au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, M. SATYENDRA PRASAD (Fidji) a salué le Pacte, un document qui braque les projecteurs sur le lien crucial entre les migrations et les changements climatiques.  Avec le Mécanisme international de Varsovie sur les pertes et préjudices liés aux incidences des changements climatiques, le Pacte offre un cadre pour guider les politiques, en particulier dans la région du Pacifique, où les pays vivent déjà le phénomène des « migrations climatiques ».  C’est la raison pour laquelle, nous soutenons le Pacte, a conclu le représentant.

Les États-Unis, a dit M. ANDREW VEPREK (États-Unis), ne peuvent appuyer le Pacte et s’opposent donc à son adoption.  Nous ne sommes tenus, a-t-il précisé, par aucune approbation, aucun engagement et aucun résultat qui découlera du Pacte et nous voyons d’ailleurs que beaucoup d’États ont les mêmes préoccupations.  Pour les États-Unis, a poursuivi le représentant, les décisions sur la sécurisation des frontières et l’admission des étrangers figurent parmi les décisions souveraines les plus importantes qu’un État puisse prendre.  Ces décisions ne sauraient être soumises à aucune négociation et encore moins à un suivi dans le cadre des instruments et fora internationaux.  Les États-Unis proclament leur droit souverain de faciliter ou de restreindre l’accès sur son territoire, conformément aux lois, politiques et intérêts nationaux et à ses obligations internationales.  Or, a estimé le représentant, le Pacte représente un effort de promouvoir « la gouvernance mondiale » au détriment du droit souverain des États de gérer leurs systèmes des migrations.  Le représentant s’est dit préoccupé par le fait que les partisans du Pacte, conscients d’un manque d’appui à une convention juridiquement contraignante, essayent maintenant d’utiliser le document comme un moyen de modifier le droit coutumier international.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par le terme « pacte » qui n’a aucune signification dans le droit international mais qui implique une obligation juridique.  Le Pacte est donc censé se prévaloir d’engagements qui sont des obligations juridiques ou pour le moins la preuve du consensus international sur des principes juridiques universels.  Les États-Unis s’opposent à ce postulat et soulignent que ni le Pacte ni aucun des engagements pris par les États ne crée d’obligations juridiques ou de nouveaux droits et protections pour des ressortissants étrangers.

Le Pacte, a ajouté le représentant, ne fait pas la distinction qu’il faut entre ressortissants étrangers dotés d’un statut légal dans un pays hôte et ceux qui y sont clandestinement.  Renforcer le contrôle des frontières est essentiel pour la sécurité nationale, la prospérité économique et l’état de droit.  Aux États-Unis, les étrangers clandestins ne sont pas « irréguliers ».  Ils sont « illégaux, ils violent la loi et les politiques d’immigration et sont donc passibles de poursuites et de déportation ».  Le Pacte ne parle pas suffisamment du grand nombre des clandestins qui inquiètent les citoyens et empêchent les gouvernements d’envisager la mise en place de nouvelles formes d’immigration légale, a estimé le représentant.  Judicieusement, le Pacte minimise le coût de l’immigration surtout pour les citoyens qui perçoivent les salaires les plus bas.  Le Pacte est déséquilibré et ses appels à prévenir l’intolérance ou à promouvoir certains points de vue dans les médias sont contraires à la liberté d’opinion et d’expression, qui sont les piliers sur lesquels les États-Unis ont été fondés.  Le représentant a ensuite commenté une par une les dispositions les plus problématiques du Pacte et rejeté un document qui impose ou peut imposer des directives, des normes, des attentes et des engagements internationaux susceptibles de limiter la capacité de son pays de prendre des décisions dans l’intérêt supérieur de la nation.  Pour toutes ces raisons, nous demandons un vote, a conclu le représentant.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) s’est, à son tour, félicité du Pacte, adopté lors d’un « moment historique pour la communauté internationale ».  Ce document, a-t-il argué, est une feuille de route pour prévenir les souffrances de milliers de migrants tout en proposant des stratégies de coopération au bénéfice de tous.  Mais le Pacte est aussi le fruit de presque deux années de consultations multipartites et de négociations intenses auxquelles le Groupe des États d’Afrique a contribué dans un esprit de compromis.  Bien que plusieurs de ses revendications n’aient pas été prises en compte, le Groupe s’est engagé à soutenir le Pacte, a souligné le représentant, regrettant qu’après l’accord « équilibré » auquel étaient parvenues les délégations cet été, il faille passer aujourd’hui par un vote à l’Assemblée générale.  Mon Groupe, a-t-il promis, restera attaché au Pacte, « pur produit du multilatéralisme ».      

M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD (Canada) a considéré le Pacte comme une « étape historique » qui représente notre compréhension commune du phénomène des migrations et la nécessité de se mobiliser au sein du système de l’ONU pour gérer une question mondiale complexe qu’aucun pays ne peut résoudre seul.  Le Canada, a expliqué le représentant, tire sa force de sa diversité qui fait partie de son identité nationale.  Le Canada et son peuple ont énormément profité de ce que les migrants ont apporté à la société.  « Nous en avons tiré des avantages économiques, sociaux et culturels », a insisté le représentant, saluant des migrants qui ont favorisé la croissance de la population active et apporté de nouvelles compétences.  Avec l’adoption du Pacte, a-t-il poursuivi, nous aurons davantage l’occasion de partager les enseignements tirés de l’expérience et d’améliorer nos systèmes d’immigration pour mieux intégrer les migrants.  Notant que le Pacte ne vise ni à remplacer les politiques nationales ni à imposer des mesures arbitraires, le représentant a souligné qu’il n’est qu’une « réponse à la réalité »: les migrations ont augmenté de près de 50% dans le monde mais les migrants ne représentent que 3,4% de la population mondiale.  Les migrations, a conclu le représentant, font partie du monde dans lequel nous vivons actuellement et en feront toujours partie. 

M. RUBEN ARMANDO ESCALANTE HASBUN (El Salvador) a souligné à son tour que les migrations et la mobilité sont des aspects « inhérents » à la condition humaine, le continent américain ayant été bâti pendant 500 ans par des migrants, forcés ou volontaires.  Avec ou sans Pacte, a-t-il prédit, les migrations se poursuivront.  Le Pacte n’a pas été négocié spontanément.  Il est là pour répondre directement à une disposition de la Déclaration de New York de 2017 et malgré tout, il représente le consensus entre plus de 190 États Membres et observateurs de l’ONU, après des consultations « exténuantes » mais ouvertes, inclusives et transparentes.  Le Pacte, a poursuivi le représentant, est un pas « transcendantal » vers une approche plus intégrale des migrations dans le cadre des Nations Unies, et insiste sur le respect des droits de l’homme tout au long du cycle migratoire.  Le Pacte, a encore relevé le représentant, se fonde sur les principes de responsabilité partagée et de coopération internationale, mais aussi sur le respect de la souveraineté nationale dans la conception et la planification des politiques migratoires.  Le Pacte est résolument ancré dans le droit international, en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme et son article 13.  Nous ne disons rien de nouveau dans ce Pacte, a souligné le représentant.  Nous mettons tout simplement de l’ordre dans la gouvernance internationale des migrations pour qu’elles soient sûres, ordonnées et régulières.

M. JORGE ANDRES IGLESIAS MORI (Chili) s’est enorgueilli d’une politique consistant à ouvrir la porte aux migrants qui veulent s’intégrer au tissu social et à la fermer aux criminels et aux trafiquants.  Le Chili estime donc que certains aspects du Pacte ne sont pas compatibles avec sa politique nationale, a souligné le représentant, en pointant le doigt sur l’absence de distinction entre les migrations légales et illégales.  Le Pacte, a-t-il reproché, viole le droit souverain des États de décider de la manière de protéger leurs frontières.  Convaincu de l’importance du multilatéralisme, le Chili a tout de même décidé de s’abstenir car le Pacte ne répond pas à toutes ses exigences et priorités en matière de migrations.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), qui a réitéré son appui au Pacte, a jugé que les migrations sont un défi mondial que seul le multilatéralisme peut relever.  Elle a rappelé que beaucoup de ses compatriotes émigrent depuis des années, 17% des Irlandais vivant en dehors du pays.  Aujourd’hui en Irlande, un habitant sur six est né hors des frontières nationales et même si le Pacte n’est pas parfait, il offre un début de réponse à la question sensible des migrations.

M. ROMAN G. KASHAEV (Fédération de Russie) s’est aussi dit favorable au Pacte, un document de compromis qui couvre toute une panoplie d’aspects des migrations internationales.  Nous comptons, a affirmé le représentant, qu’il deviendra le fondement de la coopération internationale pour créer, entre autres, des voies migratoires légales et des mécanismes de contrôle efficaces mais aussi pour élaborer des instruments de lutte contre les migrations illégales.  Il ne fait pas de doute, a-t-il poursuivi, qu’il est possible de traiter des causes de la migration par des mesures politiques dans les pays d’origine et par un soutien à leur développement socioéconomique et à leur reconstruction.

Le représentant a donc rejeté le concept de « responsabilité partagée », car il implique le partage du « fardeau » dans l’accueil des migrants entre des États qui bien souvent sont étrangers aux causes des exodes massifs.  La situation actuelle, s’est expliqué le représentant, est largement imputable à « l’ingérence irresponsable » dans les affaires internes des pays souverains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  C’est donc aux auteurs de ces ingérences d’assumer en premier lieu les conséquences, y compris les flux migratoires.

La Fédération de Russie rejette aussi la notion de « déplacements climatiques » dans la mesure où il n’existe, à ce jour, aucune preuve scientifique de la corrélation entre migrations et changements climatiques.  Le Pacte, a souligné le représentant, qui n’est ni un instrument juridiquement contraignant ni une imposition d’obligations juridiques ou financières, exige désormais des mécanismes spécifiques d’application qui tiennent compte des intérêts nationaux.  La Fédération de Russie s’est déjà activement engagée dans ce sens puisque le Président Vladimir Putin a approuvé, le 31 octobre 2018, la version révisée du « Concept national de la politique migratoire ».

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a souligné que, petit de taille, son pays entend appliquer la politique migratoire qui lui convient.  Alors que la communauté internationale cherche à traiter des causes profondes des migrations, il est important, a-t-il martelé, qu’elle tienne compte des contextes particuliers et qu’elle respecte les priorités des États.  Singapour n’a donc d’autres choix que s’abstenir.

Votant en faveur du Pacte, M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a invité les États qui croient au multilatéralisme de faire pareil.  Le Pacte, a-t-il plaidé, doit renforcer notre désir de coopération plutôt que nos suspicions.  C’est un document « visionnaire », a-t-il estimé, en encourageant les autres à « voter en écoutant leur cœur » et en pensant à tous les migrants du monde.

Représentant le pays hôte de la Conférence intergouvernementale, M. OMAR HILALE (Maroc) a souligné que l’adoption du Pacte par consensus la semaine dernière, a été un « événement historique » fondé sur le volontarisme, le dialogue, la concertation et la coopération.  En adoptant le texte aujourd’hui, l’Assemblée générale enregistre un autre « succès du multilatéralisme » et il revient maintenant à la communauté internationale d’assurer la mise en œuvre et le suivi du Pacte.  Marrakech n’est pas une fin en soi, a-t-il souligné.

Fervent soutien du multilatéralisme, Mme MARIE CHATARDOVÁ (République tchèque) a regretté que certaines préoccupations de son pays n’aient été ni dissipées ni prises en compte, dont le flou entre réfugiés et migrants.  La République tchèque n’a donc pas participé à la Conférence intergouvernementale et vote « non » aujourd’hui.  Mais elle reste mobilisée et prête à entamer d’autres négociations sur les migrations.

Pour nous, a commenté, à son tour, Mme JOANNA WRONECKA (Pologne), le Pacte n’est pas l’instrument qu’il faut pour une bonne gestion des migrations internationales car il risque de saper les intérêts des citoyens.  Le document ne fait aucune distinction claire entre migration légale et illégale.  Il ne tient pas non plus compte du cadre juridique des pays, dont le code pénal.  La Pologne ne se sent donc pas tenue par le Pacte et refuse d’emblée tout débat qui tenterait d’en préciser les dispositions juridiques.  La Pologne, qui vote contre le Pacte, restera néanmoins un partenaire actif, œuvrant pour des solutions durables dans les pays d’origine, de transit et de destination, mais jaloux de sa sécurité nationale. 

Le Pacte n’est ni un instrument juridiquement contraignant ni porteur de nouveaux droits et encore moins créateur d’une nouvelle catégorie de migrants, a dit, à son tour, M. XING JISHENG (Chine).  La mise en œuvre du Pacte doit tenir compte des lois nationales car pour juguler les migrations illégales, chaque pays a le droit de décider de la meilleure manière de procéder.  Le représentant s’est opposé au principe de non-refoulement. 

Mme FATIMA ALFEINE (Comores) a regretté que certains pays n’aient pas voté en faveur du Pacte, contrairement aux pays africains qui, par leur vote, ont montré leur attachement au multilatéralisme et leur détermination à s’impliquer dans la mise en œuvre du Pacte.

M. JAN KICKERT (Autriche) a tout d’abord souligné que son pays est régi par l’état de droit et dispose d’un appareil judiciaire opérationnel.  Toutes les décisions judiciaires et administratives sont rendues dans le respect des droits humains tels qu’inscrits dans les lois nationales et dans les traités internationaux, a-t-il fait valoir.  Dans ce cadre, l’Autriche décide souverainement de l’admission des migrants et son ordre juridique ne reconnaît pas le droit de migrer.  De même, a-t-il souligné, l’Autriche rejette la création de la catégorie « migrant », laquelle n’existe pas au regard du droit international. Affirmant que son pays établit une distinction claire entre les migrations légales et illégales, il a précisé que l’Autriche s’oppose à la « dilution » de cette distinction, ce à quoi résulterait, selon lui, le Pacte mondial.  Le représentant a encore indiqué que l’accès au marché du travail autrichien et aux allocations sociales ou aux soins de santé est impérativement régi par le cadre fixé par la loi autrichienne.  Le Pacte ne peut en aucun cas avoir un effet sur ces dispositions juridiques, a-t-il insisté, ajoutant que cela s’applique également à la création de nouveaux droits ou subventions pour les migrants.  De plus, l’Autriche considère que le Pacte n’a aucune portée juridique et ne peut donc être invoqué devant les tribunaux nationaux ou internationaux.  Enfin, de l’avis de l’Autriche, le Pacte n’entraînera aucun transfert de compétences au sein de l’Union européenne.  Dans ces conditions, a conclu le représentant, l’Autriche n’adopte pas le Pacte et exprime cette position par un vote d’abstention.  Elle tient également à rappeler que le Pacte est juridiquement non contraignant et ne peut être interprété comme opinio juris dans le droit coutumier international.

Mme FARAH SIBLINI (Liban) a souligné que la question des migrations est une question de portée mondiale qui gagne chaque jour en importance.  Elle a des aspects positifs mais soulève aussi des difficultés de taille qu’il faut régler.  Le Liban, a-t-elle rappelé, a participé « avec intérêt » aux négociations et a voté pour le Pacte à Marrakech, étant lui-même un pays d’émigration dont la diaspora a contribué à l’amélioration des conditions de vie au Liban mais aussi dans ses pays d’adoption.  La représentante a toutefois rappelé que son pays n’a pas souscrit à tous les documents énumérés dans le Pacte.  L’alinéa 4 du préambule parle de la nécessité de faire une distinction entre réfugiés et migrants mais le Liban n’a pas ratifié la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés ni le Protocole de 1961.  Le Liban émet par ailleurs des réserves sur l’intégration des migrants dans les communautés d’accueil telle qu’évoquée dans le paragraphe 13.

Après Marrakech, l’heure de la mise en œuvre a sonné et le temps presse, a prévenu M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh), estimant que la réunion de l’Assemblée générale permet d’entamer un nouveau dialogue entre futurs partenaires pour renforcer la coopération autour du Pacte.  Pour le Bangladesh, les migrations sont une composante de la stratégie de développement.  Un cadre stratégique a donc été élaboré pour appliquer les recommandations du Pacte et mobiliser des ressources et la coopération à tous les niveaux.  L’adoption du Pacte n’est cependant pas une fin en soi, a-t-il souligné, mais annonce un changement de paradigme qui fait des migrations un phénomène de développement.  Sa mise en œuvre doit se faire pour ces raisons à l’échelle des États, par les États.  La représentante a salué le lancement d’un Réseau des Nations Unies pour les migrations et le fait que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) serve de coordinateur.  Il faut espérer que ce Réseau saura prendre en compte les inquiétudes des États Membres.

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a reconnu l’importance de la coopération internationale pour offrir des voies légales aux migrations et dissuader les migrations irrégulières.  Avec les pays du Pacifique, des voies temporaires ont été mises en place, encourageant le partage de responsabilité entre les États et prévoyant des engagements d’aide au retour.  Dans son état actuel, a dit craindre la représentante, le Pacte risque d’encourager les migrations illégales et irrégulières.

Compte tenu des sensibilités différentes des partis politiques nationaux, l’Italie s’abstient, a indiqué Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie).

Mme DARJA BAVDAŽ KURET (Slovénie) a vu dans le Pacte, un « jalon historique » pour la gestion globale des migrations et un accomplissement du multilatéralisme.  La Slovénie soutient ce Pacte pour promouvoir son principal objectif, à savoir le renforcement de la coopération internationale sur tous les aspects des migrations.  Pour la représentante, le traitement des causes profondes des migrations irrégulières nécessite d’aborder la question de manière globale et d’amener les États, les organisations internationales et les autres parties prenantes à coopérer dans un esprit de partenariat, de solidarité et de responsabilité partagée.  Tout en s’engageant à mettre en œuvre le Pacte, la Slovénie, a dit la représentante, rappelle qu’il s’inscrit dans un cadre de coopération non contraignant juridiquement et qu’il respecte la souveraineté des États, ainsi que leurs prérogatives en matière de politiques et de lois migratoires.  Après avoir réaffirmé l’attachement de la Slovénie à la coopération internationale en vue de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, la représentante a prévenu que le Pacte nécessitera « un fort engagement politique et un vigoureux effort de collaboration », avec à sa tête l’OIM.    

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a parlé du Pacte comme d’un document « historique » qui offre un cadre utile pour améliorer la coopération internationale et faire le lien entre les migrations et d’autres questions de première importance.  Il s’est réjoui du rôle que jouera le Pacte dans la lutte contre la traite des êtres humains.  Le Pacte, a-t-il souligné, ne crée ni obligation juridique ni nouvelle catégorie de migrants et encore moins un droit de migrer.  Le Pacte mondial réaffirme en revanche la distinction juridique entre réfugiés et migrants.  En conséquence, un État qui adopte le Pacte ne s’engage aucunement à modifier sa législation, ni à créer de nouveaux services en faveur des migrants.  Le représentant a aussi rappelé que toutes les questions liées aux changements climatiques sont amplement traitées dans l’Accord de Paris.

M. GEORGI VELIKOV PANAYOTOV (Bulgarie), qui s’est abstenu, a vu dans le Pacte, des dispositions pouvant créer un certain degré d’ambiguïté.  Par exemple, les mesures de libéralisation pourraient affaiblir le contrôle des frontières, sans compter que les « visas humanitaires » ne sont pas prévus par la législation bulgare.  Le concept de migrants non passibles de poursuite pénale parce qu’ils auraient fait l’objet de la traite n’est pas non plus prévu par la législation bulgare, a souligné le représentant.

M. VITAVAS SRIVIHOK (Thaïlande), qui a voté en faveur du Pacte, a salué le premier document mondial sur les migrations aidant à surmonter leurs difficultés. Pour la Thaïlande, a-t-il dit, le Pacte est un point de départ pour renforcer la coopération internationale et les mécanismes existants.  Nous sommes déterminés à travailler avec nos partenaires pour atteindre les objectifs consacrés dans le Pacte, a dit le représentant.

M. PETER MARTIN LEHMANN NIELSEN (Danemark), qui a également voté en faveur du Pacte, a parlé des migrations comme d’un phénomène mondial qui présente à la fois des défis et des opportunités. Le Pacte, a-t-il souligné, est signé à une époque où le multilatéralisme est sous pression.  Mais il confirme le droit souverain des États de choisir leur politique migratoire.  Son objectif est tout simplement de prévenir les migrations irrégulières, lutter contre les passeurs et la traite des êtres humains et éviter des tragédies humaines.  Il encourage la coopération entre États et il n’est en aucun cas juridiquement contraignant ni ne cherche à réinterpréter les traités existants ou à créer un nouveau droit coutumier international.  Le Pacte, a poursuivi le représentant, n’établit pas non plus « un droit à la migration » mais stipule l’obligation d’accepter le retour de tous les migrants volontaires ou non. 

Le représentant a tout de même estimé que la distinction entre migration régulière et irrégulière aurait pu être précisée plus clairement.  Il a donc souligné que conformément au principe de la souveraineté nationale, les États ne sont pas obligés de créer une nouvelle catégorie de migrants.  Le Pacte reconnaît en revanche que la gestion des migrations relève de la responsabilité partagée, d’où la nécessité pour les pays d’origine, de transit et de destination de prendre leur responsabilité.

M. MANUEL ANTONIO MADRIZ FORNOS Nicaragua a plaidé pour la protection et l’intégration des migrants, ce qui veut dire que nous faisons tous partie de la solution avec la différence que les pays industrialisés ont davantage de ressources.  Le Nicaragua a voté pour, certain que le Pacte aidera les États à gérer les migrations.  Nous émettons cependant des réserves, a indiqué le représentant, sur la mention de documents non négociés au niveau intergouvernemental et sur les expressions et les termes qui ne font pas l’objet d’un accord international.  Tout individu, s’est expliqué le représentant, a droit à la vie dès le moment de la conception et l’avortement comme moyen de réguler la fécondité n’est pas acceptable. Le représentant s’est aussi opposé à l’expression « identité sexuelle ». 

M. TORE HATTREM (Norvège) a fermement soutenu le Pacte, tout en réaffirmant, à son tour, que chaque État a le droit de décider de sa propre politique migratoire.  Le Pacte ne crée aucune nouvelle catégorie juridique et ne donne pas le droit de migrer.  Comme la législation norvégienne « fonctionne », le représentant n’a pas vu d’intérêt à la modifier après l’adoption du Pacte.

Mme SEBNEM MANAV (Turquie) a dit attendre du Pacte qu’il remplace les migrations irrégulières par des migrations régulières.  La Turquie entend tenir compte de la distinction entre migrants réguliers et clandestins.  

M. FARHAD MAMDOUHI (Iran), qui a aussi voté en faveur du Pacte, a dit que son pays a été confronté à de nombreux flux migratoires au cours des dernières décennies.  S’il est mis en œuvre, le Pacte devrait permettre de réduire les inégalités entre nations.  Lutter contre les causes profondes des migrations est essentiel, a-t-il noté, avant de souligner que son pays gère ses politiques migratoires, en tenant compte de ses priorités.  Il a donc insisté sur la nature non contraignante du Pacte et rappelé que réfugiés et migrants sont deux catégories bien distinctes.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a dit tenir compte des déclarations des différents pays européens qui précisent leur soutien au Pacte. Il est revenu sur la déclaration de son Premier Ministre à Marrakech, à propos d’un Pacte qui offre un cadre multilatéral et que son pays soutient.

Fervent défenseur du multilatéralisme, Mme AGNESE VILDE (Lettonie) s’est abstenue, conformément à la décision de son pays de ne pas se joindre au Pacte. 

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur) a salué l’adoption du Pacte, résultat d’un processus inédit, transparent et inclusif qui reflète d’une façon équilibrée les points de vue des participants au processus de négociations.  Il marque aussi l’amorce des nouveaux efforts pour la gestion des migrations, dont le caractère transnational requiert des solutions internationales, dans le plein respect des droits des migrants en toutes circonstances.

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a appelé à la coopération de tous les pays, estimant que le Pacte offre l’occasion d’améliorer la coopération en empêchant la traite des personnes.  Ce document reconnaît que tous les États jouissent du droit souverain de choisir leurs politiques migratoires et n’impose aucune nouvelle obligation ni ne consacre le droit de migrer.  Il met en revanche l’accent sur la nécessité de traiter des causes profondes des migrations irrégulières.

M. MELITÓN ALEJANDRO ARROCHA RUÍZ (Panama) a aussi exprimé son soutien sans faille au Pacte, décidant d’être du « bon côté de l’histoire », comme l’a illustré le Président Juan Carlos Varela Rodríguez, qui était là en personne à la Conférence intergouvernementale.  C’est la première fois que la communauté internationale parvient à tomber d’accord sur un document, non contraignant, pour favoriser un traitement digne des migrants, s’est-il réjoui.  Il s’agit d’un outil global qui s’avère nécessaire pour trouver un équilibre entre droits de la personne et souveraineté des États.  L’objectif ultime est d’avoir des migrations sûres, ordonnées et régulières. 

M. YE MINN THEIN (Myanmar) a dit espérer que le Pacte va permettre de lutter efficacement contre le trafic des migrants, tout en facilitant leur autonomisation.  Il a insisté sur le fait que le Pacte respecte bien le droit souverain des États à établir leur propre politique migratoire.

M. GHEORGHE NECULA (Roumanie) a dit comprendre à son tour que le Pacte n’encourage pas la migration et n’envisage pas de nouveaux droits.  C’est plutôt un menu des mesures politiques et des meilleures pratiques, dans lequel les États peuvent piocher pour mettre en œuvre leur politique migratoire.  Le Pacte préserve la souveraineté nationale des États et leurs prérogatives.  Il définit un cadre juridiquement non contraignant fondé sur les engagements pris par les États Membres dans la Déclaration de New York.  Il renforce aussi la coopération internationale entre les acteurs pertinents, reconnaissant qu’aucun État ne peut faire face seul aux migrations.  D’un point de vue procédural, et compte tenu de la diversité des opinions parmi les États membres de l’Union européenne, dont la Roumanie va présider le Conseil, le représentant a jugé important de maintenir une approche équilibrée.

M. KAI SAUER (Finlande) a rappelé que ce Pacte ne dépouille pas les États de leur souveraineté et ne crée pas non plus de droit spécifique pour les migrants.  Il rappelle au contraire que la gestion des migrations est une responsabilité partagée des États et insiste sur des migrations qui soient sûres, ordonnées et régulières.

Mme CRISTINA GOMARIZ PAMBLANCO (Espagne) s’est, à son tour, félicitée du Pacte, document « précieux ».  La migration, a-t-elle souligné, n’est ni nouvelle ni conjoncturelle.  Elle répond à des causes structurelles spécifiques qu’il faut bien gérer et le Pacte va inspirer une gestion plus équilibrée dans les pays d’origine, de transit et de destination.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a considéré que le Pacte est l’occasion de renforcer la coopération régionale, bilatérale et internationale car la migration peut être gérée de manière efficace dans le respect de la souveraineté et des priorités de chaque pays.  C’est en ayant à l’esprit son caractère non contraignant que le Pérou l’appliquera.

M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie), qui a également voté en faveur du Pacte, y a vu un appel à la coopération internationale mais aussi le libre choix des pays de gérer les migrations, conformément à leurs priorités et législations nationales.  La Croatie continuera à faire la distinction entre migrants et réfugiés et entre migration régulière et irrégulière.  Le Pacte, a-t-il insisté, ne cherche pas à créer un droit coutumier international ni à réinterpréter les instruments.  Même s’il reconnaît les droits et libertés fondamentales des migrants, il n’établit aucun droit particulier ni ne restreint les libertés d’opinion et d’expression.

Le Pacte est l’expression de la bonne volonté des États, a embrayé Mme ELENE AGLADZE (Géorgie).  Les mesures envisagées et les 23 objectifs sont déjà mis en œuvre en Géorgie, grâce à l’aide des Nations Unies, de l’Union européenne et d’autres partenaires. 

M. MUAZ MOHAMAD A. K. AL-OTOOM (Jordanie) a précisé que le statut des réfugiés est clairement différent de celui des migrants et a insisté sur le fait que ce Pacte n’oblige nullement son pays revoir sa législation sur les migrants.

M. DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse) a soutenu le Pacte, tout en précisant que la décision finale sera prise après le débat parlementaire en cours.  C’est la raison pour laquelle nous n’étions pas à Marrakech et que nous nous sommes abstenus aujourd’hui.

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) s’est aussi abstenu, à cause de la « confusion » entre migrants et réfugiés.  Il a aussi regretté que le Pacte ne se prononce pas sur les causes profondes des migrations et qu’il semble « encourager » les gens à quitter leur pays, comme « un droit ».  Mon gouvernement ayant un caractère « transitoire », il ne peut prendre d’engagements internationaux mais, avec la collaboration des pays voisins comme le Tchad, le Niger et le Soudan, la Libye, pays de transit, compte participer au débat.

M. CRAIG JOHN HAWKE (Nouvelle-Zélande) a appuyé le Pacte mais s’est inquiété de ce qu’il puisse limiter les droits des États.  Ce Pacte, a-t-il souligne, ne limite pas notre souveraineté et il ne nous dicte pas non plus ce qu’il faut ou ne faut pas faire en matière de migration.  Pour nous, il n’établit pas de nouveaux droits et n’affecte en aucun cas la liberté d’expression.

M. LEE JOOIL (République de Corée) a vu dans le Pacte une bonne base de coopération, un cadre non contraignant de coopération respectant la souveraineté des États.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé que, sans être parfait, le Pacte constitue un bon départ.  Dans le contexte de fausses informations abondamment relayées, le Pacte, a-t-il dit, ne mérite ni les lauriers ni les critiques.  La responsabilité partagée entre pays d’origine, de transit et destination est la seule voie possible, objet central du Pacte, qui est aussi un instrument non contraignant qui ne vise pas à amplifier les migrations mais bien à les gérer.  Le représentant a répété que le droit à la migration n’existe pas et que le Pacte n’en crée pas.  Il a insisté sur la distinction entre migrants réguliers et irréguliers et sur l’obligation des pays d’origine à réadmettre leurs ressortissants, en migration irrégulière.  Les États ont la responsabilité de protéger tous les droits des migrants qu’ils soient réguliers ou pas.  Répondant à tous ceux qui parlent de la perte de souveraineté des États à cause du Pacte, la France estime que, soit ils n’ont pas lu le Pacte, soit ils sont de mauvaise foi, ou alors les deux.

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a relevé que la majorité des objectifs du Pacte sont déjà mis en œuvre dans son pays, qui n’entend pas appliquer tous les 23 objectifs.  Il n’est pas question de favoriser les voies de migration, ni de faciliter le regroupement familial.  Nous nous sommes abstenus, mais nous comptons poursuivre notre participation au débat international sur les migrations et sur le Pacte, a indiqué le représentant.

Ayant voté pour, M. MOHAMED ABDELRAHMAN MOHAMED MOUSSA (Égypte) a vu une occasion « historique » de faire évoluer le débat.  Il s’est félicité de l’attention accordée à la coopération internationale et au renforcement des capacités, mais s’est dit déçu que certaines préoccupations du Groupe des États d’Afrique n’aient pas été prises en compte, dont la question de la détention des mineurs ou encore la protection des migrants contre les crimes de haine et la discrimination raciale.  Il a néanmoins salué le fait que ce Pacte ait permis de faire de la question des migrations un sujet central du travail des Nations Unies.  

Mme AUDRA PLEPYTÉ (Lituanie) a estimé que le Pacte mondial est « un jalon » même s’il a été au centre de débats « houleux » dans de nombreux pays, y compris le sien.  Pour la Lituanie, le Pacte est un instrument juridiquement non contraignant et offre la possibilité aux États de s’en inspirer pour leur législation.  C’est pour ces raisons que la Lituanie soutient fermement le Pacte.

M. E. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a justifié son vote en faveur du Pacte, conscient du rôle primordial joué par les migrations dans le façonnement de son identité.  Depuis les premiers temps de son histoire, a noté le représentant, cette petite île en développement a été un lieu de destination, d’origine et de retour.  C’est dans ce contexte qu’elle a participé à toutes les phases du processus intergouvernemental de 18 mois qui a conduit à l’adoption du Pacte à Marrakech.  Le représentant s’est dit convaincu que la coopération et l’unité permettront à la communauté internationale d’exploiter le potentiel des migrations tout en relevant les défis qu’elles représentent.  Les 23 objectifs du Pacte sont importants mais les États ont le droit de les mettre en œuvre en fonction de leur contexte national.  Soulignant l’équilibre délicat que nécessite une approche des migrations centrée sur les droits humains et la sauvegarde des intérêts de sécurité nationale, il a indiqué que la Jamaïque compte l’atteindre, bien qu’elle soit située sur l’une des routes internationales les plus empruntées et qu’elle soit confrontée aux défis liés à la porosité de ses frontières.

M. PATRICK SAINT-HILAIRE (Haïti), qui a voté en faveur du Pacte, a insisté sur le fait qu’aucun pays ne peut à lui seul apporter une solution à la question migratoire qui relève d’une responsabilité partagée.  Une approbation à l’unanimité aurait été un témoignage probant, a dit le représentant, avant de réitérer l’attachement d’Haïti à la vision et aux principes énoncés, en particulier la souveraineté des États et les droits des migrants.  Tous les pays auraient à gagner de ces principes, a-t-il déclaré.  Ce qui est certain, c’est que le Pacte constitue une avancée.  Instrument certes à parfaire, comme toute œuvre humaine, il n’en demeure pas moins un instrument utile, a poursuivi le représentant.  Comme une forte portion de la population haïtienne vit à l’étranger -alors qu’elle aimerait rester sous le soleil d’Haïti– il a souscrit au document, avant de conclure que le principal défi est de s’atteler à répondre comme il se doit aux grands défis de notre temps.

M. ELTJON VERLENI (Albanie), qui a voté pour, a salué un cadre multilatéral « efficace » de coopération qui n’encourage pas la migration.  Il a indiqué que ses autorités travaillent en étroite collaboration avec les pays voisins pour gérer les migrations.  La stratégie nationale de gouvernance des migrations et le Plan d’action ont été lancés hier, en vue d’une migration planifiée et bien gérée.

Mme GALINA NIPOMICI (République de Moldova) a aussi entériné le Pacte car ce texte non contraignant tient compte des capacités des pays et respecte leurs politiques migratoires.  Mais, a-t-elle souligné, nous ne nous sentons pas tenus par les instruments auxquels nous ne sommes pas parties.

Mgr DAVID PAUL CHARTERS, Observateur du Saint-Siège a salué l’adoption du Pacte, bâti sur les fondations solides des principes et obligations qui garantissent le respect de la dignité humaine de tous les migrants, et ce dans le plein respect de la souveraineté de tous les États Membres.  Ce premier cadre global sur les migrations servira de référence pour les bonnes pratiques et pour la coopération internationale.  Il permettra aussi à chacun, y compris les gouvernements et les ONG de mieux comprendre les défis auxquels sont confrontées les personnes en mouvement.  Il encouragera en outre les gouvernements à assumer leurs responsabilités partagées, en particulier à l’égard de ceux qui ont le plus besoin de notre solidarité.  Le pape François, a-t-il noté, a résumé ces deux points par quatre verbes: « accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ».  Toutefois, bien qu’ayant appuyé le Pacte, le Saint-Siège tient à émettre quelques réserves.  Lors des négociations, a rappelé l’Observateur, le Saint-Siège avait vigoureusement milité pour la suppression des références aux principes et lignes directrices du Groupe mondial des migration et au Cadre d’action prioritaire de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Ces documents ne sont pas le résultat de négociations intergouvernementales et contiennent des terminologies et des principes non agréés, a-t-il fait valoir.

Le Saint-Siège considère d’autre part, que les termes « santé sexuelle et reproductive » et « services de soins sexuels et reproductifs » renvoient à un concept holistique de la santé.  Il rejette en outre le soi-disant « dispositif minimum d’urgence en santé reproductive » (DMU) recommandé par le Cadre d’action prioritaire de l’OMS comme faisant partie des « services de santé essentiels », certains kits de DMU contenant des substances abortives et des instruments permettant l’avortement.  Enfin, le Saint-Siège estime que le terme « genre » s’inscrit dans le cadre de l’identité sexuelle biologique, mâle ou femelle et exclut les nouvelles interprétations selon lesquelles l’identité sexuelle peut être adaptée indéfiniment.      

Déclaration de clôture

La Présidente de l’Assemblée générale a déclaré qu’avec le Pacte, la communauté internationale démontre qu’elle est capable de travailler ensemble à la recherche de solutions aux problèmes mondiaux.  Le Pacte aidera les pays à relever les défis et une fois avalisés, je m’attacherai, a-t-elle promis, à fixer les modalités du Forum international des migrations internationales à travers un processus ouvert, transparent et inclusif.  Chaque pays agira selon ses législations et priorités.

QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME, Y COMPRIS LES DIVERS MOYENS DE MIEUX ASSURER L’EXERCICE EFFECTIF DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES

Suite de la séance plénière de haut niveau à l’occasion du vingtième anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus

Déclarations

M. RODRIGO A. CARAZO (Costa Rica) a noté que les défenseurs des droits de l’homme remplissent une fonction essentielle pour renforcer la démocratie, la paix, l’intégration sociale et le développement durable, y compris la protection de l’environnement, par le biais du dialogue, de la participation et de la justice, et en particulier en veillant au respect de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.  Il s’est ensuite inquiété de l’augmentation du nombre des attaques contre les défenseurs et leurs organisations, qui sont une réalité quotidienne dans le monde entier et dans tous les systèmes politiques.

Dans sa région, a fait savoir M. Carazo, 15 pays ont souscrit au Pacte d’Escazú, qui prévoit des garanties pour la protection des défenseurs des droits de l’homme dans des affaires environnementales.  Le Costa Rica fait aussi partie du programme « Shelter City », qui accorde un statut de protection temporaire et prévoit un accompagnement pour les militants et défenseurs en situation à risque.  Convaincu que les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle important dans le travail de prévention de l’ONU, M. Carazo a déploré que certains États Membres refusent d’accorder à la société civile la participation qu’elle mérite.

Mme MARIE CHATARDOVÁ (République tchèque) a noté un rétrécissement de l’espace des représentants de la société civile, d’où l’importance de l’application de la Déclaration.  La République tchèque a commémoré la réunion « mémorable » entre le Président François Mitterrand et Václav Havel, alors simple écrivain, qui a montré à quel point il est vital de préserver la voix des ONG et des défenseurs des droits de l’homme.  La représentante s’est alarmée du nombre croissant des actes d’intimidation et de représailles contre les personnes ou groupes ayant coopéré ou qui coopèrent avec les Nations Unies et les mécanismes des droits de l’homme comme le Conseil des droits de l’homme, dont le Président rappelle régulièrement les droits des défenseurs.

Mme RENA TASUJA (Estonie) a souligné que les défenseurs sont des acteurs essentiels du système international des droits de l’homme et appelé les États Membres à les protéger.  Elle a estimé qu’une attention particulière doit être accordée aux défenseuses en raison du risque accru de violence, d’intimidation et de persécution auquel elles font face.  Elle s’est aussi alarmée du fait que 1 019 défenseurs des droits de l’homme ont été tués ces deux dernières années dans 61 pays.  Poursuivant, Mme Tasuja a fait savoir que l’évolution de la liberté sur Internet est une source de grave préoccupation pour l’Estonie.  S’appuyant sur le rapport Freedom on the Net, publié par Freedom House, elle a décrié le fait qu’une « cohorte de pays » s’oriente vers un « autoritarisme numérique » en adoptant un modèle de censure généralisée et des systèmes de surveillance automatisés.  De nombreux gouvernements adoptent des lois, ou font un mauvais usage des lois antiterroristes, pour limiter la liberté de la société civile en ligne, a-t-elle dénoncé.  La représentante s’est ensuite enorgueillie du fait que l’Estonie partage, avec l’Islande, la première place du classement sur la liberté en ligne et a indiqué que son gouvernement finance le Digital Defenders Partnership, qui permet de débloquer rapidement des fonds en cas « d’urgences numériques » pour les défenseurs des droits de l’homme.

Mme AGATA EWELINA DUDA-PLONKA (Pologne) a réitéré le soutien de son pays à tous les efforts déployés par les Nations Unies, l’Union européenne et d’autres organisations internationales et régionales pour renforcer la démocratie, l’état de droit et la bonne gouvernance, ainsi que la protection de la société civile.  Réaffirmant également l’attachement de la Pologne à la promotion et la protection de la liberté d’expression, de la liberté d’assemblée et des droits des défenseurs des droits de l’homme, elle a constaté que la protection de ces derniers devient de plus en plus difficile.  Un nombre croissant de lois restrictives réduisent l’espace de la société civile, a déploré la représentante, faisant aussi état de graves limitations bureaucratiques à l’encontre des ONG, de restrictions d’accès aux ressources et de barrières imposées à la libre communication.  Par son histoire, a-t-elle poursuivi, la Pologne connaît l’importance de la voix des citoyens.  Notre transformation réussie n’aurait pas été possible sans la société civile, a-t-elle insisté.  Soucieuse de donner la parole aux ONG, la Pologne organise chaque année depuis 2012, la conférence internationale appelée « Dialogue de Varsovie pour la démocratie », laquelle constitue le meilleur exemple de l’engagement en faveur de la promotion et la protection des défenseurs des droits de l’homme, a indiqué Mme Duda-Plonka.  De plus, le Ministère polonais des affaires étrangères a créé le prix « Pro Dignitate Humana » pour distinguer ceux qui défendent les victimes de persécutions et de répression, a encore précisé la représentante.  

M. SAPENAFA KESONI MOTUFAGA (Fidji) a déclaré que les défenseurs des droits de l’homme doivent pouvoir compter sur le système de l’ONU pour les défendre.  Or, a-t-il déploré, nous échouons en la matière.  Le représentant a jugé « encore plus essentiel » de porter toute l’attention nécessaire sur ces défenseurs en raison des nouvelles formes de pressions auxquelles ils font face de la part d’acteurs étatiques et non étatiques.  Il a également relevé que les défenseures sont particulièrement vulnérables, 44 d’entre elles ayant été tuées en 2017.  Après avoir passé en revue les différents droits consacrés par la Constitution fidjienne et précisé que les Fidji avaient ratifié cinq des principaux instruments des droits de l’homme, le représentant s’est enorgueilli du fait que son pays est la première nation insulaire du Pacifique à avoir été élue au Conseil des droits de l’homme.  Il a indiqué que pendant son mandat, les Fidji attireront l’attention sur la vulnérabilité des femmes, des enfants et des personnes handicapées face aux catastrophes naturelles et aux mouvements provoqués par les aléas climatiques.  Il a souligné que pour faire face à la dimension « droits de l’homme » des changements climatiques, les gouvernements des États vulnérables doivent faire preuve de davantage d’inclusivité lors de leurs interactions avec les communautés et accorder la priorité aux plus vulnérables.

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a indiqué que, partout dans le monde, les défenseurs jouent un rôle important et jouissent des mêmes droits que les autres citoyens, que les gouvernements doivent respecter.  La Déclaration reste de vigueur aujourd’hui: les libertés fondamentales doivent être promues et protégées.  La représentante a critiqué la Chine pour ses mesures de représailles contre les dissidents et les ONG.  Cela est également vrai à Cuba, au Venezuela, où la répression est monnaie courante, a-t-elle déclaré.  Les défenseurs ne doivent pas être mis en prison parce qu’ils ne sont pas d’accord avec des régimes « oppresseurs ».  La représentante a salué des faits nouveaux comme la création d’un point focal au sein des Nations Unies sur les représailles, ainsi que le travail des rapporteurs spéciaux.  Elle a fermement soutenu les efforts internationaux contre l’impunité des personnes qui s’attaquent aux défenseurs des droits de l’homme et a regretté que l’Assemblée générale n’ait pas prévu la participation des représentants des organisations de la société civile à ce débat de haut niveau.

Mme CYNTHIA CHIDIAC (Liban) a voulu que l’on n’oublie pas ceux qui sont en premières lignes de la défense des droits de l’homme dans le contexte de la célébration du soixante-dixième anniversaire de cette Déclaration.  Les défenseurs des droits de l’homme sont des agents puissants du changement et leurs contributions ont été essentielles pour construire des sociétés fortes, soudées et démocratiques, dans lesquelles la contestation est bénéfique au débat public et non une menace.  Il ne faut cependant pas perdre de vue le fait que les défenseurs, et la société civile en général, continuent de faire face à des défis, a noté la représentante, qu’il s’agisse de leurs propres droits de l’homme, de leur liberté de circuler, de se rassembler et de s’exprimer librement.  Elle a réaffirmé le soutien du Liban à la Déclaration et a précisé que sur le plan national, la société civile est un partenaire essentiel du Gouvernement libanais dans la promotion et l’amélioration des droits de l’homme à tous les niveaux.

La Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme a contribué à accroître la visibilité et la protection de ces défenseurs, s’est félicité M. JUSSI SAMULI TANNER (Finlande).  Malheureusement, a-t-il immédiatement ajouté, nous assistons dans de nombreux coins du monde à d’inquiétantes restrictions et violations flagrantes des libertés d’expression, d’assemblée et d’association.  Des défenseurs sont placés en détention ou harcelés aux motifs qu’ils diffament ou qu’ils agissent comme des « agents étrangers », a constaté le représentant.  Nombre d’entre eux, avocats, militants de la société civile, journalistes, blogueurs, syndicalistes, lanceurs d’alerte, sont en prison en raison de leur travail sur les droits humains ou sur la corruption, a-t-il déploré, notant que les défenseurs des droits des femmes et des LGBTI sont parmi les plus vulnérables.

Les défenseures sont confrontées à des défis plus vastes encore dès lors qu’elles prennent un rôle actif dans la société, a poursuivi M. Tanner.  C’est particulièrement le cas lorsqu’elles abordent les rôles sexospécifiques, tels que le droit à la propriété et à l’accès à la terre, les violences faites aux femmes ou encore les droits à la santé sexuelle et reproductive.  Pour le représentant, la numérisation et l’intelligence artificielle constituent d’importants outils pour l’amélioration des droits humains et peuvent jouer un rôle facilitateur pour les défenseurs.  Mais elles peuvent aussi être utilisées pour menacer, surveiller et restreindre leur travail.  Il convient donc de prendre en compte, dans ce cadre, le droit à la vie privée et les questions liées à la redevabilité, a-t-il soutenu, invitant le Conseil des droits de l’homme à examiner cet aspect de la numérisation et de l’intelligence artificielle.  En tant que membre de cette instance pour la période 2022-2024, la Finlande en fera l’un de ses thèmes de travail.

Mme VAN DER SAR (Pays-Bas) a estimé que les défenseurs des droits de l’homme font un travail de terrain indispensable pour des démocraties inclusives, justes et pacifiques et a jugé inacceptable qu’ils soient menacés, harcelés ou violentés.  Elle s’est inquiétée que l’expression légitime de désaccords soit de plus en plus pénalisée, de même qu’elle s’est alarmée des restrictions à la liberté d’association et de réunion et à la liberté d’expression.  Pour la représentante, la société civile a un rôle central à jouer dans le développement durable, par le biais d’un dialogue pacifique et dans le respect des points de vue divergents.  Elle a fermement condamné toutes les formes de représailles contre les défenseurs des droits de l’homme et a souligné la nécessité de traduire en justice ceux qui sont responsables de meurtres ou d’autres violations.  Elle a également rappelé que la responsabilité principale de protéger les droits de l’homme incombe aux États et que tous les défenseurs devraient être protégés, quelle que soit leur cause, qu’ils défendent la liberté de religion ou de croyance, les droits des personnes LGBTI, l’égalité entre les sexes ou les droits sexuels et génésiques.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a dit qu’il est critique de rappeler le rôle complémentaire que les défenseurs des droits de l’homme jouent dans la réduction des violations et atteintes aux droits de l’homme partout dans le monde.  Il s’est dit conscient de la nécessité de les protéger et s’est engagé à le faire, au nom de son pays.  Il a salué le rôle des défenseurs des droits des migrants et des réfugiés, bien souvent dans des circonstances très difficiles.  Partant de son obligation constitutionnelle, le Gouvernement du Bangladesh s’attache en particulier à protéger les segments vulnérables de sa population et œuvre en étroite collaboration avec les défenseurs et la société civile, notamment dans le cadre de sa politique à long terme résumée dans la Vision 2021 et la Vision 2041 pour arriver à une société à l’abri des besoins et de la peur.  Le représentant s’est résolument prononcé en faveur du multilatéralisme et de l’ONU qui demeurent « notre meilleure plateforme » de protection des droits de l’homme.

Il a appelé les États Membres et l’Assemblée générale à agir à l’unisson lorsque des personnes, dans beaucoup de régions du monde, sont traitées avec cruauté et exterminées en raison de leurs identités religieuse et raciale, comme c’est le cas pour les Rohingya.  La communauté internationale doit mettre fin aux souffrances de cette communauté et garantir son retour volontaire, sûr et digne, a exhorté le représentant, rappelant que son pays abrite environ 1,1 million de Rohingya ayant fui l’État rakhine au Myanmar.  En tant que nouveau membre du Conseil des droits de l’homme pour la période 2019-2021, le Bangladesh jouera son rôle dans la réalisation des objectifs fixés par les instruments relatifs aux droits de l’homme dans un esprit d’engagement et de coopération, a promis le représentant. 

M. RICARDO DE SOUZA MONTEIRO (Brésil) a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur des principes inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Déclaration sur les défenseurs pour promouvoir et protéger les droits de l’homme.  Par le truchement de son Ministère des droits humains, le Brésil met en œuvre, depuis 2007, une politique nationale pour la protection des défenseurs, a indiqué le représentant, ajoutant qu’un programme de protection a aussi été lancé en 2016, et concerne aujourd’hui 462 défenseurs.  Dans 86% des cas, a-t-il précisé, ces derniers travaillent sur des différends fonciers, dont bon nombre impliquent des peuples autochtones et d’autres communautés traditionnelles.  Parmi les mesures de protection prises à leur égard figurent des visites, des auditions publiques pour le règlement de conflits, un suivi des enquêtes et une coordination des forces de sécurité.  Le programme, qui œuvre en coordination avec des ONG nationales et internationales, prévoit également des investigations sur les menaces et des sanctions pour leurs auteurs, a encore signalé le représentant.  Un effort est actuellement fait pour « débureaucratiser » ce système de protection et en améliorer le mécanisme d’alerte.  Dans le cadre de ce même dispositif, dont les ressources ont été augmentées de 300% en 2018, des mesures viennent d’être prises pour mieux protéger les professionnels des médias et les militants de l’environnement, a ajouté le représentant, faisant par ailleurs état d’un programme fédéral d’assistance aux victimes et témoins.  Alors que le système multilatéral se voit confronté à d’importants défis, il est crucial d’établir un dialogue constructif entre les États Membres, les organisations internationales et la société civile, a conclu le représentant.

Mme AMATLAIN E. KABUA (Îles Marshall) a déclaré que cet anniversaire ne doit pas donner lieu à des « auto-louanges », mais être l’occasion de reconnaître l’urgence à agir davantage.  Elle a dit être vivement préoccupée du fait que plus 300 défenseurs auraient été tués l’an dernier.  Elle a par ailleurs indiqué que pour un petit pays comme le sien, il est impératif d’ancrer le respect des droits dans le contexte qui lui est propre.  Ce faisant, il est également essentiel de veiller au respect des droits universels, notamment au rôle des défenseurs des droits de l’homme pour que personne ne soit laissé de côté, conformément au Programme 2030.

Mme INGRIT PRIZRENI (Albanie) a rappelé que tous les progrès enregistrés ces dernières décennies dans nombre de domaines étaient dus, dans une large mesure, à la lutte inlassable des défenseurs des droits de l’homme.  L’Albanie crée des conditions propices à leurs activités et les fait participer aux consultations sur des questions d’intérêt commun.  La représentante a également évoqué une rencontre régionale des défenseurs dans son pays.  À mesure que les défis mondiaux augmentent, les défenseurs deviennent chaque fois plus importants et il est vital de se mettre de leur côté, sans condition, a-t-elle conclu.

M. SAAD AHMAD WARRAICH (Pakistan) a déclaré que les défenseurs sont les gardiens des droits de l’homme et que les termes de la Déclaration doivent être mieux traduits.  Il a aussi déclaré que notre incapacité à faire cesser l’occupation étrangère de certains territoires et peuples reste « un poids sur la conscience ».  Le représentant a voulu que l’on ne perde pas espoir et que l’on renouvelle l’engagement international pour que chacun puisse enfin jouir de ses droits.

M. MOHAMMAD HASSANI NEJAD PIRKOUHI (République islamique d’Iran) a indiqué que dans un monde chaque fois plus interconnecté, les injustices, aux niveaux national et international, font que tous les États doivent passionnément s’impliquer en faveur des droits de l’homme.  Alors que les États veillent à leurs intérêts économiques, certains le faisant en permanence, d’autres gouvernements ferment les yeux sur les atrocités commises par leurs alliés.  Le représentant a critiqué les politiques qui font d’ailleurs réagir les défenseurs des droits de l’homme.  Cependant, a-t-il estimé, certains États ont faussé le jeu, manipulant même le Conseil économique et social (ECOSOC) -les États-Unis s’en souviendront très bien– en y présentant de « faux » défenseurs.  Il a dénoncé l’utilisation des libertés à mauvais escient pour porter précisément atteintes à ces mêmes libertés.

M. OMAR RABI (Maroc) a affirmé que l’adoption de la Déclaration était un moment fort dans l’arsenal des droits de l’homme.  Obtenir un accord sur ce texte n’a pas été une tâche facile, soit pas moins de 14 années.  Pour illustrer ces difficultés, il suffit de se pencher sur son titre, a-t-il invité.  Ce n’est que deux ans après l’adoption de la Déclaration que le titre a été retenu.  Le Maroc s’est activé en faveur de cet objectif, de même que pour la création d’une procédure spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme.  La Déclaration ne faisait pas l’unanimité il y a 20 ans, mais à présent, son acceptation est nettement plus large, a constaté le représentant, qui a insisté sur le fait que les défenseurs des droits de l’homme demeurent un maillon important de la protection de ces droits.   

Droits de réponse

Le représentant de Cuba a réagi au discours des États-Unis, en assurant que les défenseurs des droits de l’homme sont dûment protégés dans son pays.  Les États-Unis, a-t-il taclé, ne sont pas en position de donner des leçons, surtout lorsque l’on voit les violences policières contre les personnes d’ascendance africaine et les violations du droit à la santé.

Son homologue du Venezuela a également dénoncé la délégation américaine dont l’histoire des violations des droits de l’homme est largement débattue à travers le monde.  Il a ironisé sur ce Gouvernement qui semble oublier la violation des droits des minorités ou l’enfermement des réfugiés « dans des cages ».  Il a aussi cité un certain nombre d’instruments internationaux sur les droits de l’homme que les États-Unis n’ont pas ratifié, arguant que ce pays n’a pas qualité pour parler ou donner des leçons.

À son tour, le représentant de la Chine a souligné que son pays défend les droits de l’homme mais en tenant compte de son contexte national.  Il a rappelé que des millions de Chinois ont vu leur vie s’améliorer grâce aux mesures prises par les autorités.  C’est, a-t-il insisté, une des plus grandes missions des droits de l’homme jamais réalisées dans le monde.  L’état de droit est bien en vigueur en Chine et quiconque enfreint la loi fait face à la justice, a précisé le représentant, ajoutant que les minorités, y compris les Ouïgours, bénéficient de la protection nécessaire.  Il a enfin dénoncé la « politique de l’autruche » d’un État qui semble oublier la situation des droits de l’homme dans certains pays tout en s’indignant de celle d’autres pays.   

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: de « nouvelles tendances alarmantes » dans le trafic de stupéfiants sont à l’œuvre en Afrique centrale et de l’Ouest, indique l’ONUDC

8433e séance – après-midi
CS/13635

Conseil de sécurité: de « nouvelles tendances alarmantes » dans le trafic de stupéfiants sont à l’œuvre en Afrique centrale et de l’Ouest, indique l’ONUDC

À la demande de la Côte d’Ivoire, qui en préside les travaux en décembre, le Conseil de sécurité s’est intéressé, cet après-midi, aux « nouvelles tendances alarmantes » à l’œuvre en Afrique centrale et de l’Ouest s’agissant du trafic de stupéfiants, et sa cohorte d’« effets déstabilisants et perturbateurs » sur la gouvernance, la sécurité, la croissance économique et la santé publique. 

C’est que, à en croire le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Yury V. Fedotov, ces deux sous-régions ne sont plus simplement des voies d’acheminement pour les drogues en Europe, mais aussi des destinations à part entière, 87% des opioïdes pharmaceutiques saisis dans le monde en 2018 l’ayant été en Afrique centrale, de l’Ouest et du Nord.

Un chiffre en partie imputable à une hausse de la consommation « à des fins non médicales » de l’antidouleur Tramadol, a expliqué M. Fedotov, en attirant l’attention sur un faisceau d’éléments qui mettent aussi en évidence que la cocaïne, l’héroïne, les méthamphétamines, l’éphédrine, le phénacétine et le cannabis sont désormais de plus en plus consommés par les habitants de régions qui n’étaient jusqu’à récemment que des plaques tournantes. 

L’ONUDC, a indiqué le haut fonctionnaire, a estimé qu’il y a plus de 34 millions de consommateurs de cannabis et 1,8 million de cocaïne en Afrique centrale et de l’Ouest, avec une différence majeure, c’est qu’à peine une personne sur 18 y bénéficie de traitements adéquats, contre une sur six dans le reste du monde.

Dans une région déjà aux prises avec de nombreuses menaces sécuritaires, les liens entre terrorisme, stupéfiants illicites et d’autres formes de criminalité ne sont que trop évidents, a mis en garde M. Fedotov, suivi dans son analyse par la quasi-totalité des membres du Conseil.  Ce fut le cas de la France, qui a rappelé qu’au nord du Mali, une part significative des groupes armés dépend financièrement et logistiquement des flux générés par l’économie illégale et les trafics de drogue, détournant ainsi certains acteurs clefs de la mise en œuvre de l’Accord de paix.

D’autres ont convenu ne pas être eux-mêmes immuns au trafic de stupéfiants, comme les États-Unis, confrontés à « une crise d’opioïde dévastatrice et sans précédent ».  Conscient de la dimension internationale de ce fléau, le Président Donald Trump, a rappelé le représentant américain, a annoncé le 24 septembre dernier un « appel global à agir contre le problème mondial des drogues », approuvé par plus de 130 pays.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a aujourd’hui été saluée pour ses efforts régionaux en vue de lutter contre le trafic de stupéfiants, la criminalité organisée et la toxicomanie, dans le cadre de son Plan d’action contre les drogues 2016-2020, notamment salué par la Guinée équatoriale et la Côte d’Ivoire, laquelle a également cité en exemple le Programme régional pour les pays de l’Afrique de l’Ouest (2016-2020).

D’une manière générale, l’assistance technique et anticriminelle prêtée par l’ONUDC à la CEDEAO a été louée par les membres du Conseil, comme l’Éthiopie, la Bolivie, le Koweït et la Fédération de Russie, ainsi que les efforts de cette organisation en vue d’encourager la coopération régionale et interrégionale.

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS: UNE MENACE CONTRE LA STABILITÉ EN AFRIQUE DE L’OUEST

Déclarations

M. YURY V. FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a déclaré que des « tendances récentes et alarmantes » dans le trafic de stupéfiants avaient été observées en Afrique centrale et de l’Ouest, avec des « effets déstabilisants et perturbateurs » sur la gouvernance, la sécurité, la croissance économique et la santé publique.  « Les réseaux criminels ne limitent plus leurs activités à l’acheminement par l’Afrique de la cocaïne et de l’héroïne en Europe », a-t-il expliqué, en précisant que 87% des opioïdes pharmaceutiques saisis dans le monde l’avaient été dans des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest, ainsi qu’en Afrique du Nord. 

Cette tendance est en grande partie le résultat d’une hausse de la consommation de Tramadol, un antidouleur qui fait l’objet d’un trafic considérable aux fins d’un usage non médical, a expliqué M. Fedotov.  En outre, les saisies importantes de cocaïne en Afrique suggèrent que sa consommation a touché ces marchés.  Et grâce au Programme de communication aéroportuaire de l’ONUDC, qui est opérationnel dans plusieurs aéroports africains, nous savons que les saisies d’héroïne sont en hausse à travers toute la région, de Lagos à Accra, en passant par Cotonou, de même que celles de méthamphétamine, et plus récemment encore d’éphédrine et de phénacétine, a relevé le Directeur exécutif.

Même si les données fiables sur l’ampleur de la toxicomanie en Afrique centrale et de l’Ouest sont insuffisantes, l’ONUDC estime qu’il y a plus de 34 millions de consommateurs de cannabis et 1,8 million de cocaïne dans ces deux régions.  Si, au niveau mondial, à peine une personne sur six souffrant de troubles de la dépendance reçoit un traitement, en Afrique, c’est seulement une sur 18 qui y a accès. 

Simultanément, la région est aux prises avec de nombreuses menaces sécuritaires, comme le trafic d’armes, le blanchiment d’argent, la traite des personnes, la cybercriminalité et la piraterie maritime, ainsi que le terrorisme, a rappelé le Directeur exécutif.  Or, les liens entre terrorisme, stupéfiants illicites et d’autres formes de criminalité ont été largement mis en évidence, y compris par ce Conseil. 

Dans le cadre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, la composante police de la Force conjointe du G5 Sahel s’efforce de renforcer ses capacités à répondre à ces fléaux, a observé le Directeur exécutif.  De son côté, l’ONUDC s’emploie à promouvoir le dialogue régional et interrégional et les réponses spécifiques, par exemple en tentant d’intercepter les flux financiers, en renforçant les capacités des agences d’application des lois; et en mettant l’accent sur l’accès à la prévention et aux traitements.  De plus, l’Office a noué un partenariat avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour soutenir la mise en œuvre du Plan régional d’action sur le trafic illicite de stupéfiants, la criminalité organisée et la toxicomanie en Afrique de l’Ouest, au travers d’une assistance technique.  Le haut fonctionnaire a en conclusion insisté sur l’importance de soutenir les pays en situation post-conflit ou en transition, comme la Guinée-Bissau, en vue de relever les défis auxquels ils font face.

Pour M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis), les drogues coûtent trop de vies et leur consommation est liée aux flux financiers illicites et au financement du terrorisme.  Dans la région comme ailleurs, elles entravent l’état de droit et sapent le développement socioéconomique.  La première responsabilité internationale incombe à l’ONUDC, mais le Conseil de sécurité a aussi un rôle à jouer: aucun pays ne peut ni ne devrait faire face seul à ce problème.  Le Président Donald Trump, a souligné le représentant, a appelé le 24 septembre dernier à réduire la demande et le trafic de stupéfiants et à renforcer la coopération internationale, et les États-Unis exhortent tous les pays à coopérer en ce sens. 

Le délégué a salué l’assistance de l’ONDUC à l’Afrique et souligné que les États-Unis investissent beaucoup dans la région de l’Afrique de l’Ouest pour lutter contre le trafic de stupéfiants dans le cadre de la lutte contre la corruption à travers deux centres au Ghana et au Botswana.  Les capacités ont été renforcées dans le golfe de Guinée contre la piraterie et, avec INTERPOL, ils ont apporté des financements de plusieurs millions de dollars à la Côte d’Ivoire, au Togo et au Nigéria pour renforcer les renseignements et la répression en partenariat avec l’ONUCDC.  Ils y soutiennent aussi la formation maritime, la formation à la collecte de preuves et à la réduction de la demande.

Mme SUSANA RADEGUNDA EDJANG MANGUE (Guinée équatoriale) s’est dite alarmée par la tendance à l’œuvre en Afrique centrale et de l’Ouest, où le trafic et la consommation de stupéfiants fragilisent les progrès réalisés dans le domaine du développement par ces deux régions.  La représentante a fait observer que de nombreux pays en situation post-conflit doivent faire face à un tel fléau alors qu’ils s’efforcent de consolider la paix.  En outre, le narcotrafic génère des sources de revenus aux organisations terroristes qui sévissent sur cette partie du continent, d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) à Boko Haram.

La représentante a pris note « avec admiration » de la réponse apportée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), mais a souligné que les réseaux criminels ont connu des succès pour ouvrir de nouvelles routes terrestres et maritimes au trafic de stupéfiants.  Estimant que ce phénomène est autant une menace pour l’Afrique centrale et de l’Ouest qu’une menace pour la sécurité internationale, la représentante a prié le Conseil de sécurité de rester saisi de la question. 

Mme ANNE GUEGUEN (France) a fait remarquer que le problème de la drogue, avec ses conséquences sécuritaires, économiques, sociales et sanitaires, aggrave les faiblesses structurelles de la région et compromet gravement son développement.  Le trafic de drogue a également un impact négatif sur les dynamiques politiques dans la région.  Par exemple, au nord du Mali, une part significative des groupes armés dépend financièrement et logistiquement des flux générés par l’économie illégale et les trafics de drogue, ce qui détourne certains acteurs clefs de la mise en œuvre de l’accord de paix.  « Dans une région marquée à la fois par l’importance des trafics et la présence de plusieurs organisations terroristes, la question du lien entre le crime organisé et le financement du terrorisme se pose », a ajouté la représentante. 

Dans ce contexte, la France a jugé très important que les États de l’Afrique de l’Ouest fassent de la lutte contre les stupéfiants « une véritable priorité politique » et promeuvent une approche équilibrée visant, à la fois, à lutter contre l’offre de drogue et à diminuer la demande.  Pour ce faire, il est essentiel que les États de la région renforcent les capacités des institutions concernées, avec le soutien de la communauté internationale, notamment en ce qui concerne la chaîne pénale et la dimension préventive et sociosanitaire.  À l’échelle régionale, a poursuivi Mme Guéguen, il est essentiel de renforcer la coopération afin de lutter efficacement contre les trafics et la corruption.  À titre d’exemple, l’Alliance pour le Sahel, en finançant des projets de développement à impact rapide dans les zones vulnérables, contribue à offrir un horizon économique viable aux populations locales et à éviter leur récupération par les réseaux de l’économie illégale.  Enfin, les Nations Unies ont un rôle important à jouer, en premier lieu car elles ont la responsabilité de prendre en compte toute la dimension du problème dans la recherche de solutions politiques durables aux conflits.  Elles doivent aussi soutenir les États qui en font la demande en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités.  Elles sont également le garant d’une approche globale et équilibrée qui permette non seulement à l’Afrique de l’Ouest mais aussi aux autres régions affectées d’agir ensemble pour répondre au problème des drogues, selon le principe de responsabilité commune et partagée. 

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a estimé que la menace croissante de la criminalité organisée et du trafic de stupéfiants en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale sape la paix et la sécurité dans ces régions.  Ce défi est d’autant plus important dans les pays où les institutions étatiques sont relativement faibles, a-t-elle précisé.  Dans ce sens, elle a salué les efforts de l’ONUDC pour appuyer les forces de l’ordre des États concernés et renforcer la coopération régionale.  À titre d’exemple, la représentante a mis l’accent sur l’importance de l’échange de renseignements, du renforcement de la sécurité aux frontières, ainsi que de l’établissement de mécanismes réguliers d’échanges d’informations et de bonnes pratiques.  Elle a également mentionné le rôle de la Force conjointe du G5 Sahel et de la Force multinationale mixte dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et la criminalité transnationale organisée. 

Quant au Conseil de sécurité, la déléguée l’a appelé à redoubler d’efforts pour briser le lien entre trafic et criminalité organisée.  Elle a aussi exhorté l’ONU à rationaliser sa stratégie de coopération avec les deux régions, afin d’améliorer leur capacité à faire face à ces défis, notamment dans le golfe de Guinée, où des réseaux criminels trafiquent des quantités toujours plus importantes d’héroïne par voie maritime.

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a déclaré que le crime transnational organisé ne fait pas que financer et nourrir les conflits, il renforce la corruption des institutions et déstabilise des environnements déjà fragiles.  L’Afrique de l’Ouest, zone de transit du trafic de drogue, est fortement fragilisée et rendue vulnérable par le crime organisé.  Le trafic de drogue est directement lié à l’instabilité dans cette région, en particulier au Sahel, où des réseaux de trafiquants sont utilisés par les groupes de terroristes comme sources de financement, a dit le représentant.

C’est pour cette raison qu’il est crucial que les Nations Unies et le Conseil de sécurité prennent en compte et reconnaissent le rôle du crime organisé dans la dynamique des conflits.  Pour ce faire, il faut apporter des réponses cohérentes et renforcer la coopération en matière d’échanges d’informations entre différentes autorités, organisations régionales et entités telles INTERPOL, Europol, l’ONUDC et la CEDEAO, a encore déclaré le représentant. 

L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont devenues des points clefs du trafic de stupéfiants, a relevé M. HAITAO WU (Chine) qui a appelé la communauté internationale à renforcer la capacité des pays de la région, déjà confrontés au manque de ressources et de capacités.  La communauté internationale doit les aider à élaborer des stratégies, en se fondant sur le principe de « responsabilité partagée » avec la réduction du marché de la consommation.  Chaque institution doit pouvoir mobiliser ses propres compétences, les Nations Unies jouant le rôle de chef d’orchestre et servant de rempart solide pour protéger les pays.  Enfin pour surmonter les causes du trafic de stupéfiants et de la criminalité, les agences des Nations Unies doivent travailler de concert avec leurs partenaires dans la région pour aider ces pays à surmonter la pauvreté et leur permettre de se défendre eux-mêmes.  La Chine couvre déjà 50 programmes d’assistances dans la lutte contre la drogue et le renforcement de la sécurité aux frontières, la lutte contre la piraterie et la criminalité transnationale organisée. 

Pour Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie), la région de l’Afrique de l’Ouest est confrontée à de nombreux défis dont les conflits violents sont le facteur principal, qui menace les structures étatiques et la population.  À cette situation s’ajoute le crime organisé transnational qui contribue à la prolongation des conflits.  La fragilité des frontières et le manque de ressources disponibles pour combattre le crime ont favorisé la prolifération de substances qui participent au financement des groupes armés et organisations terroristes, a-t-elle noté avant de dire que la région mérite en ce sens une attention et une riposte transversale de la communauté internationale et donc une coopération renforcée.  Aussi, est-il indispensable d’adopter une série de mesures urgentes et efficaces pour contrer le trafic de drogue, et notamment neutraliser sa circulation en Afrique de l’Ouest depuis ses lieux de production jusqu’aux destinations finales.  Or, la géographie et le manque de contrôle sur les territoires de la région permettent aux organisations criminelles de s’adapter et de renforcer leurs capacités de résistance.

Le lien entre les groupes terroristes et les organisations criminelles transnationales est chaque fois plus évident permettant à ces dernières de lever des fonds via le blanchiment d’argent, a poursuivi la représentante qui a relevé la coopération déjà à l’œuvre entre la CEDEAO et l’ONUDC.  Celle-ci, fondée sur le renforcement des institutions judiciaires et sécuritaires et l’échange d’information, a permis de marquer des points.  Elle a également souligné l’importance de l’Initiative d’Afrique de l’Ouest qui, depuis 2009, a permis d’unifier les efforts déployés par les différents départements des Nations Unies, dont celui du maintien de la paix, en Afrique de l’Ouest et au Sahel avec ceux d’INTERPOL et d’ONUDC afin d’aider à renforcer les capacités des pays les plus fragiles.  Le caractère hybride et transnational du crime organisé a mis en relief l’existence de points de tensions susceptibles d’exploser à tout moment et tous les États doivent œuvrer au renforcement de mesures efficaces pour éliminer en pratique le trafic de drogue et la criminalité organisée, a conclu la représentante.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) s’est inquiété de l’impact du trafic de stupéfiants et de la criminalité transnationale organisée en Afrique de l’Ouest.  Il a notamment relevé que le Tramadol, un antalgique opiacé, est devenu une source de préoccupation croissante et que l’Afrique est aussi en train de devenir une plaque tournante pour le trafic et la consommation de cocaïne.  Pour faire face à ces fléaux, le représentant a appelé à répondre aux facteurs précurseurs, notamment l’instabilité, les conflits armés et les flux de réfugiés, de même que la pauvreté et les inégalités de développement.  Il a réclamé la pleine mise en œuvre des programmes de renforcement des secteurs sécuritaire, judiciaire et policier.  Une pleine révision du Code pénal s’impose également, a-t-il ajouté, de même que l’élaboration de systèmes d’alerte précoce, de gestion et de partage des renseignements et un contrôle « rigoureux » des frontières.

Le représentant a aussi appelé à renforcer les efforts visant à contrer le trafic d’héroïne et tirer un meilleur parti du potentiel de l’ONUDC en matière de formation du personnel et de coopération, entre autres.  Mais pour se faire, a-t-il ajouté, une mise en œuvre plus effective de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel s’impose.

M. TAREQ M.A. M.ALBANAI (Koweït) a rappelé que, lundi, le Directeur exécutif de l’ONUDC avait fait un exposé sur la relation « intime » entre les drogues et l’instabilité en Afghanistan, estimant que cette analyse s’appliquait aussi à l’Afrique centrale et de l’Ouest.  Il a souligné qu’il s’agissait d’un cercle vicieux, l’instabilité politique et sécuritaire contribuant aussi à l’épanouissement des réseaux de criminalité organisée.  La délégation s’est ensuite félicitée de la dernière réunion en date de la CEDEAO sur la lutte contre le trafic de drogue, ainsi que du lancement, entre juillet 2016 et 2018, de 24 activités par l’ONUDC.  Enfin, le représentant a encouragé l’ONUDC à redoubler d’efforts dans sa contribution à la mise en œuvre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) s’est dit convaincu que la lutte contre les stupéfiants ne peut se faire efficacement que par une action coordonnée de toute la communauté internationale sous l’égide des Nations Unies.  En ce sens, il a cité les sanctions prises contre Al-Qaida qui finance ses opérations par le trafic de stupéfiants.  Le lien entre la criminalité organisée et le terrorisme ne peut qu’inquiéter a-t-il relevé, en particulier l’utilisation de produits pharmaceutiques à des fins non médicales, celle de l’héroïne, des opiacés afghans, de la cocaïne latino-américaine, en espérant que ces questions seront abordées en mars à Vienne lors de l’examen du Programme régional pour l’Afrique de l’Ouest (2016-2020) et du Plan d’action contre les drogues. 

L’alternative à ces activités consisterait selon le représentant à favoriser dans cette région des programmes créant des emplois et veillant à prévenir la radicalisation des jeunes.  Il convient de continuer de renforcer la sécurité aux frontières, l’échange d’informations, la formation des acteurs de la répression a-t-il poursuivi, saluant les efforts de l’ONUDC pour fournir une aide aux États de la région.  Il a jugé important de poursuivre la coopération dans la lutte antidrogue en se fondant sur le principe de responsabilités conjointes.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a fait observer que le trafic de stupéfiants dégénère souvent en cercles vicieux de violence et de corruption à même de déstabiliser des pays, de saper la sécurité et d’augmenter le risque de conflits violents.  Le représentant a mis en avant trois domaines d’action pour lesquels le Pérou considère que le Conseil de sécurité peut contribuer à lutter contre ces menaces, y compris la menace terroriste.  Premièrement, il a recommandé d’identifier les liens entre crime organisé et terrorisme, rappelant que la résolution 2195 (2014) reconnaît ce lien, en particulier en Afrique, et que le Conseil a adopté en mai une déclaration présidentielle qui souligne la nécessité d’améliorer la connaissance sur ces liens afin d’optimiser la capacité de réponse. 

Deuxièmement, le représentant a estimé qu’il faut s’attaquer aux causes profondes du crime organisé et du trafic de drogue et adopter une approche multidimensionnelle afin de renforcer les capacités et institutions en faveur des droits de l’homme, de l’état de droit et du développement durable.  Il a par exemple jugé essentiel de lutter contre la corruption et d’encourager la création d’emplois dignes, en particulier pour les jeunes et pour les communautés rurales.  En venant à son troisième point, le délégué s’est prononcé en faveur d’un renforcement de la coopération régionale et de voisinage, citant par exemple le Plan d’action régional en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, la criminalité organisée qui y est liée et l’abus de drogues en Afrique de l’Ouest impulsé par la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avec le soutien de l’ONUDC.  Entre autres initiatives soutenues par l’ONUDC, la délégation a également cité le lancement du recueil de bonnes pratiques pour la prévention de la consommation de drogues, le traitement et la réduction des dommages en Afrique, en partenariat avec l’Union africaine, ainsi que la coopération offerte à la Force conjointe du G5 Sahel.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a déclaré qu’il faut se rappeler que le trafic de stupéfiants est l’une des principales sources de revenus pour les organisations terroristes.  Aussi, pour être plus efficace dans la détection des flux financiers illicites, les pays concernés devraient se concentrer en priorité sur la sécurité des frontières, a-t-il observé, tout en se disant conscient que « la porosité des frontières est l’un des défis les plus importants qui se posent aux pays d’Afrique centrale et de l’Ouest ».

Le représentant a également cité les problèmes socioéconomiques, soulignant que le développement était probablement « l’instrument le plus efficace » pour lutter contre le trafic et la consommation de stupéfiants.  Après avoir salué CRIMJUST, une initiative conjointe de lutte financée par l’Union européenne, et mise en œuvre par l’ONUDC en partenariat avec INTERPOL et Transparency International, il a apporté son soutien aux projets visant à renforcer les capacités des institutions judiciaires, à promouvoir la coopération régionale et interrégionale, avec la participation active de la société civile. 

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est félicité de l’examen de cette question par le Conseil de sécurité qui s’en est saisi pour la première fois depuis 2013.  Pour lui, la corruption et les espaces non contrôlés favorisent non seulement la criminalité, dont le trafic de drogue, mais aussi celui des personnes et des armes.  Cela facilite aussi l’apparition de groupes terroristes.  L’Afrique de l’Ouest est affectée par ces fléaux et ce sont les groupes marginalisés qui en souffrent le plus, tels les femmes, enfants et minorités, a relevé le délégué.  Il a souligné que les impacts de ces activités sont ressentis par les individus comme par les États, les réseaux criminels constituant aussi une menace à la paix et à la sécurité.

L’Afrique de l’Ouest est devenue un lieu de consommation et de transit de la cocaïne, de l’héroïne, a poursuivi le représentant.  Il a fait remarquer que l’argent et la violence qui accompagnent ces trafics sont dévastateurs car les gangs criminels peuvent ainsi aisément corrompre et affaiblir un État, quand des États et des institutions forts sont nécessaires.  Il a salué les efforts conduits dans la région, en particulier dans la lutte contre le terrorisme, et notamment ceux de l’ONU, du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel et de la CEDEAO.  Il n’y a pas de recette magique, a-t-il conclu, mais il faut une approche intégrée, soutenue par la famille des Nations Unies de façon holistique et globale.

Pour Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas), le trafic de stupéfiants alimente la corruption, le terrorisme et d’autres formes de trafic.  Il transcende les frontières et affecte la vie de millions de personnes dans le monde, en particulier les jeunes.  Il faut adopter une approche intégrée, selon la représentante, pour y faire face en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.  Cette approche doit s’articuler autour des trois piliers que sont la coopération régionale en matière de sécurité, la justice pénale et les sanctions.  L’ONUDC doit jouer un rôle de premier plan pour faciliter les initiatives régionales de lutte contre le trafic de drogue, a poursuivi Mme Van Haaren, y compris dans le cadre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.  Elle a salué l’approche régionale de ce problème dans le contexte du mandat de la Force conjointe du G5-Sahel.  De la même manière, les Pays-Bas soutiennent la « Plateforme de coopération en matière de sécurité » du G5 Sahel. 

S’agissant de la justice pénale, la représentante a mis l’accent sur la lutte contre l’impunité en matière de trafic de stupéfiants.  C’est essentiel pour défendre l’état de droit et assurer la coopération entre la population locale et les forces de sécurité, a-t-elle souligné.  C’est l’une des raisons pour lesquelles les Pays-Bas, avec la Côte d’Ivoire, ont rédigé la résolution 2447 (2018) sur la paix, la justice et les sanctions, adoptée à l’unanimité la semaine dernière.  Elle a invité le Conseil à utiliser toute sa « boîte à outils » pour contrecarrer les menaces contre la paix et la sécurité mondiales, y compris les sanctions ciblées contre des trafiquants qui nuisent aux processus de paix et affaiblissent les institutions.  À ce titre, elle a cité le régime de sanctions pour le Mali qui vise explicitement la production et le trafic de stupéfiants, ainsi que celui pour la Libye qui vise certains trafiquants.

Le trafic de stupéfiants représente aujourd’hui une menace urgente de santé publique et de sécurité nationale, voire une source d’instabilité sous-régionale, a déclaré M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire).  Il affecte profondément le tissu social et compromet les efforts de gouvernance politique, économique et sociale des États.  Dans le cas de la Côte d’Ivoire, le Comité interministériel de lutte antidrogue (CILAD), l’organe chargé de lutter contre le trafic, la production et la consommation de stupéfiants estime qu’environ 12% de la population des personnes âgées de 15 à 64 ans consomme des drogues.  Il évalue en outre à 268 tonnes la quantité de drogues saisie entre 2017 et le premier semestre de 2018. 

Or, dans leur lutte contre ce fléau, les États de l’Afrique de l’Ouest, déjà confrontés à des difficultés et des défaillances de leurs dispositifs de contrôle des frontières doivent faire face aux mutations des menaces sécuritaires, notamment liées aux alliances entre groupes terroristes et réseaux de trafiquants de drogues, a constaté M. Ipo.  De plus, l’efficacité des stratégies nationales est tributaire des initiatives sous-régionales, appuyées par les partenaires importants comme l’ONUDC.  Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, la Côte d’Ivoire se félicite de la mise en place du Programme régional pour l’Afrique de l’Ouest (2016-2020), qui vient en appui au Plan d’action régional de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants.  Ces programmes traduisent la volonté de renforcer la coopération régionale dans les domaines judiciaire, de l’échange d’informations, de la lutte contre les flux financiers liés au trafic de drogue et de la prévention du détournement des intrants utilisés pour fabriquer des drogues. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Appels au calme au Conseil de sécurité après la découverte de tunnels pénétrant dans le territoire d’Israël depuis le Liban

8432e séance – matin
CS/13634

Appels au calme au Conseil de sécurité après la découverte de tunnels pénétrant dans le territoire d’Israël depuis le Liban

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a appelé, ce matin, Israël et le Liban à maintenir le calme le long de la Ligne bleue, après la découverte de tunnels pénétrant dans le territoire israélien depuis le Liban.  Si la délégation libanaise a déclaré « haut et fort » que son pays ne veut pas d’un nouveau conflit, le représentant d’Israël a menacé d’enterrer, en cas d’attaque, le Hezbollah « sous les décombres du Liban ».

À l’entame de son intervention, le Secrétaire général adjoint a indiqué que la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a pu confirmer l’existence de quatre tunnels au sud de la Ligne bleue, ligne de démarcation entre Israël et le Liban.  Au moins deux de ces tunnels traversent cette Ligne et constituent des violations de la résolution 1701 (2006), a déclaré M. Lacroix.

Ces tunnels se situent entre 29 et 46 mètres sous la terre, sont difficiles à détecter et se trouvent près de zones sensibles pour les deux parties, a précisé le Secrétaire général adjoint.  « S’ils constituent des violations de la résolution précitée, les tunnels ne paraissent pas pour l’heure disposer de points de sortie dans le territoire israélien. »

M. Lacroix a indiqué que la FINUL, qui a demandé l’aide des autorités libanaises, met tout en œuvre pour que les tunnels soient neutralisés.  « Il s’agit d’une question sérieuse. »  Tout en félicitant les forces armées des deux pays pour leur engagement à utiliser les arrangements établis par la FINUL, le Secrétaire général adjoint a estimé qu’une potentielle erreur de jugement n’est pas à écarter. 

Les activités provocatrices le long de la Ligne bleue et la rhétorique incendiaire peuvent contribuer à des risques accrus, a-t-il expliqué, en rappelant l’incident qui s’est déroulé le 17 décembre dernier.  Sept soldats libanais et 9 soldats israéliens avaient alors pris position et pointé leurs armes les uns sur les autres, avant que la Mission n’œuvre, avec succès, à une désescalade. 

La FINUL continuera d’appuyer les parties en vue de maintenir le calme, a conclu le Secrétaire général adjoint.  Un appel au calme partagé par plusieurs délégations, dont celles de la Suède et de la Fédération de Russie, cette dernière jugeant le calme « indispensable non seulement pour le bien du Liban et d’Israël mais pour la stabilité en règle générale ».

Le délégué de la France a dénoncé ces tunnels creusés par le Hezbollah et encouragé les Forces libanaises à éviter tout débordement le long de la Ligne bleue.  Il a salué le fait que la FINUL se soit immédiatement mobilisée à la suite des révélations israéliennes et qu’elle ait entrepris des vérifications en toute indépendance, « ce qui rend ses déclarations incontestables et confirme sa crédibilité ».  Son homologue de la Côte d’Ivoire a mis en garde contre les « conséquences dramatiques » d’un nouveau conflit entre Israël et le Hezbollah, tandis que les délégations du Royaume-Uni et du Pérou ont reconnu le droit d’Israël de se défendre. 

Le délégué du Kazakhstan a, lui, plaidé pour une augmentation des patrouilles de la FINUL pour éviter les « malentendus » et l’escalade.  Regrettant les « avis divergents » au sein du Conseil sur le Hezbollah qui sapent les efforts de la FINUL, le délégué des États-Unis a exhorté le Président libanais à empêcher la construction de nouveaux tunnels, avant d’enjoindre « l’Iran et ses agents » à cesser toute provocation.

Personne ne devrait blâmer les Libanais, qui vivent et assistent depuis 40 ans aux invasions dévastatrices d’Israël, a réagi la représentante du Liban.  « Nous vivons toujours avec leurs conséquences ».  Elle a assuré que son gouvernement prend « très au sérieux » la question des tunnels et est engagé à mettre en œuvre pleinement la résolution et à respecter la Ligne bleue.  « Le Liban n’a aucune intention agressive. »

La déléguée a assuré que son pays n’a commis aucune violation, alors qu’Israël commet en moyenne 1 800 violations par an.  À titre d’exemple, Israël a violé 84 fois par jour l’espace aérien libanais au cours des derniers mois.  « Tout cela est documenté par la FINUL », a-t-elle déclaré, en appelant Israël à ne pas profiter de cette question des tunnels pour « attenter à la stabilité du Liban ». 

La déléguée libanaise a reçu l’appui de son homologue du Koweït, qui a accusé Israël de chercher à exagérer les faits sur le plan militaire et dans les médias, alors même que le pays remet quotidiennement en cause la souveraineté du Liban.  Les violations israéliennes n’ont en effet de cesse de s’intensifier, a-t-il déploré, au mépris de la sécurité des civils. 

Une position balayée par le délégué d’Israël qui a dénoncé les « tunnels de la terreur », grâce auxquels le Hezbollah est en train de se doter de capacités militaires pour s’en prendre à Israël.  Comment avez-vous pu permettre au Hezbollah de créer une « ville de tunnels »? a-t-il lancé à l’adresse de son homologue libanais.  « Qu’a fait votre Gouvernement?  Il a fermé les yeux. » 

Israël, a-t-il continué, a identifié quatre tunnels, à propos desquels nous avons transmis des informations à la FINUL, qui a confirmé il y a deux jours leur existence.  « Qu’attendions-nous de la Mission après l’avoir informée?  Peut-être qu’elle « s’acquitte de son mandat », a suggéré le représentant israélien.  Au lieu de quoi, elle a transmis ces informations au Gouvernement, qui a ensuite informé le Hezbollah, lequel a tout mis en œuvre pour « dissimuler » ces tunnels.  La FINUL ne doit pas reproduire les erreurs commises sous le leadership précédent, a-t-il mis en garde.  « Si le Hezbollah fait l’erreur d’attaquer Israël, soyez assurés que nous réagirons rapidement par voie terrestre, aérienne et maritime », a-t-il prévenu, tout en faisant observer qu’une action du Conseil permettrait d’éviter un tel scénario. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

« Comme les membres du Conseil le savent, les Forces de défense israéliennes ont annoncé, le 4 décembre, qu’elles conduisaient l’opération « Bouclier du Nord » pour découvrir et neutraliser les tunnels suspectés de traverser la Ligne bleue du Liban en Israël », a déclaré M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix

Cette opération se déroule toujours.  Au cours de la période, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a mené une série de visites techniques et peut confirmer, sur la base de ces visites, l’existence de quatre tunnels au sud de la Ligne bleue.  Au moins deux de ces tunnels – l’un au voisinage de Metulla, l’autre près de Zarit - traversent cette Ligne et constituent des violations de la résolution 1701 (2006), a déclaré M. Lacroix.

Afin de préserver le calme autour de la Ligne bleue, la Mission a impliqué les autorités libanaises et israéliennes, a-t-il dit.  Il a mentionné la réunion du Mécanisme tripartite le 5 décembre, au cours de laquelle les deux parties ont échangé des informations et réaffirmé leurs engagements en vue d’éviter l’escalade.  Le Chef de la Mission et le Commandant de la Force ont notamment rencontré le Président libanais Michel Aoun.

Le Secrétaire général adjoint a précisé que les tunnels se situent entre 29 et 46 mètres sous la terre, sont difficiles à détecter et se trouvent près de zones sensibles pour les deux parties.  « S’ils constituent des violations de la résolution précitée, les tunnels ne paraissent pas pour l’heure disposer de points de sortie dans le territoire israélien. »  M. Lacroix a indiqué que la FINUL œuvre pour achever ses enquêtes sur le terrain, par le biais de ses équipes techniques, et faire en sorte que les tunnels contrevenant à la résolution soient neutralisés. 

« Il s’agit d’une question sérieuse. »  L’ONU, y compris le Secrétariat, a demandé aux autorités libanaises de prendre des mesures urgentes de suivi, conformément aux responsabilités qui leur incombent en vertu de la résolution, a-t-il affirmé.  La Mission a demandé aux autorités libanaises de travailler avec elle pour identifier et neutraliser tous les tunnels traversant, depuis le Liban, la Ligne bleue en violation de ladite résolution. 

S’il a félicité les forces armées des deux pays pour leur engagement à utiliser les arrangements établis par la FINUL et à maintenir le calme, le Secrétaire général adjoint a estimé qu’une potentielle erreur de jugement n’est pas à sous-estimer.  Les activités provocatrices le long de la Ligne bleue et la rhétorique incendiaire peuvent contribuer à des risques accrus, a-t-il affirmé.  La Mission a pu observer plusieurs rassemblements de civils à Meïs el-Jabal (secteur ouest) à proximité de la Ligne bleue, en particulier le 16 décembre, avec la présence de 500 personnes, y compris des membres du Parlement, plusieurs d’entre elles ayant traversé la Ligne bleue.  Le 17 décembre, en lien avec les travaux réalisés par les Forces de défense israéliennes au sud de la Ligne bleue près de Meïs el-Jabal, un soldat libanais a enclenché son arme, la brandissant vers les Forces israéliennes, a indiqué M. Lacroix.  Cela a conduit 7 soldats libanais et 9 soldats israéliens à prendre position et à pointer leurs armes les uns sur les autres.  La branche liaison de la Mission, présente tout au long de l’épisode, a pu intervenir et œuvrer avec succès à une désescalade. 

Enfin, le Secrétaire général adjoint a indiqué que la Mission avait déployé des troupes supplémentaires, ainsi que des équipes de liaison, dans des zones sensibles près de la Ligne bleue.  La FINUL continuera d’appuyer les parties en vue de maintenir le calme et de s’acquitter de leurs obligations en vertu de la résolution 1701 (2006), a-t-il assuré. 

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a dénoncé la présence de tunnels creusés par le Hezbollah en direction d’Israël le long de la Ligne bleue en violation de la résolution 1701 (2006), tout en soulignant qu’on ignore combien d’autres seront encore découverts: « ces faits sont incontestables », a-t-il dit.  Il a regretté que les avis divergents au sein du Conseil sur le Hezbollah sapent les efforts de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) alors que celle-ci joue un rôle critique pour garantir la stabilité.  Aussi, a-t-il appelé les membres du Conseil à remplir leur mandat et déploré que certains d’entre eux ne tiennent pas compte de la menace que représente ce mouvement.  Le Conseil de sécurité doit parler à l’unisson face à cette menace réelle et grave, a-t-il demandé.  « Ceux qui ne sont pas encore convaincus de la menace pour Israël et la région ont-ils besoin de plus de preuves?  Ont-ils oublié les violences de 2006? » a-t-il lancé. 

Les parties doivent faire preuve de retenue et la FINUL doit être capable de remplir son mandat, a-t-il poursuivi, arguant que le Hezbollah n’est pas attaché à la paix et qu’Israël a le droit de se défendre.  Il a demandé au Président libanais d’empêcher l’escalade et la construction de nouveaux tunnels et à la FINUL de prendre les mesures nécessaires pour que ces tunnels ne soient pas une menace.  Il a appelé par ailleurs « l’Iran et ses agents » à cesser toute provocation qui constitue une menace pour Israël et la région.  Enfin, le représentant a exhorté la FINUL à avoir une présence visible et une posture active en vue d’informer au mieux le Conseil de sécurité.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a salué la FINUL qui a fait preuve d’une « réactivité exemplaire » ces derniers jours, et permis de maintenir le calme le long de la Ligne bleue.  Il a exprimé les « vives préoccupations » de la France après la découverte par les Forces israéliennes de tunnels pénétrant dans le territoire israélien, creusés par le Hezbollah depuis le Liban et dont l’existence est confirmée par la FINUL.  « Ces tunnels constituent une claire violation de la résolution 1701 (2006), qui prévoit la cessation des hostilités le long de la Ligne bleue, et ces activités doivent cesser », a exigé le représentant.  Il a appelé l’ensemble des parties à faire preuve de prudence et de retenue, dans un contexte « où le risque d’escalade est élevé », ajoutant que les deux parties devaient respecter l’ensemble des dispositions de la résolution 1701 et s’abstenir de toute provocation.  Le Président Aoun ayant annoncé que les autorités libanaises avaient pris la mesure de la gravité de la situation et étaient disposées à y répondre de manière appropriée, M. Delattre les a encouragées à poursuivre dans cette voie et à veiller à ce que les Forces armées libanaises puissent faire le nécessaire pour conduire les investigations appropriées et pour maintenir le calme et éviter tout débordement le long de la Ligne bleue. 

Revenant sur les efforts déployés par la FINUL depuis le 4 décembre pour faire la lumière sur cette affaire, le représentant a salué le fait que la Force se soit immédiatement mobilisée à la suite des révélations israéliennes et qu’elle ait entrepris des vérifications en toute indépendance, « ce qui rend ses déclarations incontestables et confirme sa crédibilité ».  La France appelle les autorités libanaises et israéliennes à poursuivre leur étroite collaboration avec la FINUL et leur dialogue, notamment dans le cadre de réunions tripartites, pour éviter toute escalade.  M. Delattre a également insisté pour que l’Armée libanaise puisse, avec le soutien de la FINUL, se rendre sur le site.  Dans ce contexte, la France est d’avis que la formation rapide d’un Gouvernement libanais d’union nationale équilibré revêt une importance essentielle, dans un contexte régional dégradé, pour parachever la remise en marche des institutions, conduire les réformes nécessaires et permettre le renforcement de l’État libanais.  « Les événements récents en soulignent la nécessité impérieuse », a-t-il tranché, avant de saluer les efforts entrepris par le Premier Ministre Saad Hariri pour mener cette tâche à bien et d’encourager toutes les parties libanaises à œuvrer dans le sens du compromis. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué les efforts déployés par le Liban pour résoudre le problème par la voie du dialogue, d’autant plus que, selon lui, cette question ne menace pas la sécurité de la région.  Aux yeux du représentant, Israël cherche aujourd’hui à exagérer les faits sur le plan militaire et dans les médias, alors même que le pays remet quotidiennement en cause la souveraineté du Liban.  Les violations israéliennes n’ont en effet de cesse de s’intensifier, a-t-il déploré, au mépris, selon lui, de la sécurité des civils et de la région toute entière.  Dans ce contexte, le représentant a noté que la FINUL n’avait pas été en mesure de mettre un terme aux violations perpétrées par les Forces aériennes d’Israël ces derniers mois, violations dont le délégué Koweïtien a tout lieu de penser qu’elles vont se prolonger dans les mois à venir. 

Le représentant s’est étonné du fait qu’il n’y ait pas eu d’appel à tenir un débat public au Conseil de sécurité sur ces violations, qui sont, selon lui, bien plus dangereuses que la question à l’examen de la séance d’aujourd’hui.  En l’absence d’une telle réunion, le représentant a constaté que les activités israéliennes d’espionnage et de surveillance se poursuivaient le long de la Ligne bleue, où Israël se livre selon lui à une véritable guerre électronique, au moyen de tours de surveillance visant à espionner les télécommunications des citoyens libanais.  Le représentant a condamné ces différentes violations, qui viennent s’ajouter à « la plus grande violation d’entre toutes », à savoir l’occupation israélienne, notamment de villages libanais.  Le représentant a appelé à faire la distinction entre la résistance et le terrorisme.  « Les actes de résistance ne peuvent être considérés comme des actes terroristes », a-t-il insisté. 

Le représentant s’est enfin félicité de la détente dans les zones d’opérations de la FINUL, grâce notamment à une coopération accrue avec l’Armée libanaise et la conduite de patrouilles conjointes. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dénoncé la construction des tunnels le long de la Ligne bleue en violation par le Hezbollah de la résolution 1701 (2006) sur la sécurité d’Israël, du Liban et de la région.  Israël a le droit de se défendre contre le Hezbollah et contre toute autre milice, a-t-elle avancé, soulignant aussi que les Libanais ont le droit de vivre sans craindre pour leur sécurité.  Depuis longtemps le Hezbollah fait fi des résolutions des Nations Unies et leurs menaces sont toujours aussi alarmantes, a estimé la représentante: si on n’y met pas un terme, nous verrons la stabilité régionale menacée. 

Mme Pierce a salué le travail de la FINUL pour conserver la stabilité dans la région mais noté que l’existence des tunnels rappelle l’importance de doter la Force d’un mandat robuste avec accès à toutes les zones de la région.  Elle a condamné les tentatives de l’entraver, tout en reconnaissant que des problèmes se posent en raison de propriétés privées.  Il n’est toutefois pas impossible de régler la question et une solution doit être trouvée, a-t-elle insisté.  La représentante a salué le calme de la FINUL qui déploie des contingents le long de la Ligne bleue, en étroite collaboration avec les autorités libanaises.  Elle a invité Israël à continuer de transmettre à la Force toute information l’aidant ainsi que les Forces libanaises à agir, exhortant toutes les parties à travailler ensemble « car si la situation dégénère ça ne profitera à personne ».  Elle a, enfin, condamné les violations israéliennes de l’espace libanais et salué les efforts des autorités libanaises. 

M. OLOF SKOOG (Suède) a dit sa préoccupation devant la découverte de tunnels souterrains menant au territoire israélien, construits depuis le Liban.  Ces tunnels sont une violation de la résolution 1701 (2006) et justifient que des enquêtes complémentaires soient menées par la FINUL et par les parties libanaises.  Le Conseil de sécurité doit être tenu informé de toutes les violations de cette résolution, y compris de la part d’Israël qui survole presque quotidiennement l’espace aérien libanais.  La Suède appelle toutes les parties à éviter l’escalade.  Pour cette raison, elle salue la coopération instaurée par la FINUL avec les Forces de sécurité et de défense libanaises et israéliennes et les appelle à user de son mécanisme tripartite de coordination, visant la désescalade des tensions. 

M. Skoog a également déclaré que les capacités paramilitaires du Hezbollah continuent de représenter un risque clair pour la stabilité du Liban et ailleurs.  Dans ce contexte, il est important que les dispositions de la résolution 1559 (2004) soit promptement mises en œuvre, y compris le désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises.  C’est pour cette raison que la délégation se félicite de l’engagement renouvelé du Président Michel Aoun de développer une stratégie nationale de défense.  La Suède pense que le renforcement des capacités des Forces armées libanaises doit être une priorité. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) s’est déclaré vivement préoccupé par la découverte de quatre tunnels construits par le Hezbollah libanais près de la frontière nord entre Israël et le Liban, en « violation flagrante » de la souveraineté israélienne et du droit international.  Il a estimé que ces tunnels représentaient une « grave menace » pour la sécurité de la région et a appuyé la riposte israélienne consistant à détruire lesdits tunnels.  Le représentant a salué le rôle de la FINUL depuis la découverte des tunnels, cette dernière ayant notamment permis d’établir que deux d’entre eux traversaient la frontière le long de la Ligne bleue. 

Le représentant a estimé que les autorités libanaises devaient prendre la question très au sérieux et agir de manière responsable, notamment en procédant à l’ouverture d’une enquête.  Il a également appelé les Forces armées libanaises à renforcer leur coopération avec la FINUL sur la question.  Constatant les violations récurrentes des accords en vigueur le long de la Ligne bleue, le représentant a appelé les parties à faire preuve de retenue.  Pour parvenir à une solution pérenne, il a également appelé le Liban à former sans plus tarder un gouvernement d’union nationale et à formuler une stratégie de défense nationale.  Dans cette perspective, il a jugé impératif que le Hezbollah cesse ses « activités de déstabilisation illégales ».

M. LIE CHENG (Chine) a exhorté toutes les parties à renforcer leur dialogue et leur unité, affirmant suivre de près ce qui se passe le long de la Ligne bleue.  Il a félicité la FINUL pour sa réaction rapide après la découverte des tunnels.  Vu la situation actuelle, la Chine exhorte le Liban et Israël à éviter toute escalade et à se concentrer sur la stabilité, à éviter toute rhétorique belliqueuse et à respecter les résolutions du Conseil de sécurité.  La FINUL doit aider le Liban à renforcer ses moyens de défense et sa sécurité, a-t-il dit.  Le Conseil de sécurité pour sa part doit veiller à promouvoir les consultations entre le Liban et Israël et à soutenir la FINUL pour qu’elle joue son rôle le long de la Ligne bleue, ce qui est essentiel pour garantir le calme.  En tant que pays fournisseur de contingents la Chine est prête à travailler avec la communauté internationale et à jouer un rôle constructif, a-t-il conclu.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a dénoncé la construction de tunnels en violation de la résolution 1701 (2006) et a espéré que cela ne se reproduira pas à l’avenir.  Le représentant a noté que la situation globale dans la zone d’opérations de la FINUL reste calme et a demandé de renforcer le soutien aux forces de maintien de la paix des Nations Unies pour surveiller la situation le long de la Ligne bleue.  Il a aussi appelé toutes les parties à éviter toute rhétorique belliqueuse.  Les soldats de la paix de la FINUL devraient augmenter leurs patrouilles le long de la Ligne, avec les Forces armées libanaises, pour maintenir une stabilité globale et éviter les malentendus qui pourraient entraîner une escalade, a-t-il continué.  En outre, toutes les parties devraient utiliser le dialogue, la coordination et les mécanismes tripartites de la FINUL pour apaiser les tensions.

Le Kazakhstan soutient l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance du Liban, telles que reflétées dans la Convention d’armistice général entre Israël et le Liban du 23 mars 1949 et conformément au paragraphe 5 de la résolution 1701 (2006).  S’il a réaffirmé le droit d’Israël de mener des travaux d’ingénierie dans les limites établies par les accords internationaux sur les frontières, le représentant a condamné ses violations du territoire libanais et lui a demandé de respecter la ligne de démarcation.  Il est nécessaire, a dit le représentant, que toutes les parties qui représentent les autorités légitimes coordonnent leurs actions et tant Israel que le Liban devraient respecter toutes les résolutions du Conseil de sécurité. 

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a reconnu le droit légitime d’Israël de se défendre face à toute atteinte à sa sécurité, sa souveraineté et son intégrité territoriale.  Dans ce cas précis, cela signifie selon lui qu’Israël doit pouvoir procéder à la destruction des tunnels et obtenir des explications satisfaisantes de la part des autorités libanaises, tout en évitant une escalade de la situation.  Le représentant a appelé les deux parties à respecter les termes de l’Accord signé le long de la Ligne bleue, conformément à la résolution 1701 (2006).  Il a en outre jugé important que le Gouvernement libanais exerce pleinement son autorité sur l’ensemble de son territoire.  Il a insisté sur le rôle important de la FINUL pour résoudre tout incident potentiel entre les Forces armées libanaises et israéliennes dans le cadre de la destruction des tunnels. 

Le représentant a par ailleurs pris note de l’enquête de la FINUL, qui a permis d’établir que deux des quatre tunnels identifiés traversaient la Ligne bleue, en violation de la résolution 1701 (2006).  Il a appelé à faire en sorte que la FINUL dispose des ressources nécessaires pour finaliser son enquête en toute indépendance.  D’ici là, le représentant a appelé les deux parties à faire preuve de retenue, notamment en réaffirmant leur engagement à respecter les Accords de Taëf et ladite résolution. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a rappelé les liens que son pays entretient avec les deux États, Liban et Israël, et souhaité qu’ils conservent de bonnes relations: le maintien du calme sur la Ligne bleue est indispensable non seulement pour leur bien mais pour la stabilité en règle générale.  La FINUL, une des missions des plus importantes déployées, travaille dans des conditions très difficiles a-t-il noté.  En ce qui concerne les tunnels présumés, dont la présence a été pour certains confirmée, il a dit comprendre les inquiétudes et estimé que pour assurer la stabilité régionale, les parties devaient s’abstenir de polémiquer et lancer un dialogue constructif afin de dissiper leurs divergences, notamment grâce au mécanisme trilatéral.  Il a pris note des conclusions préliminaires de la FINUL sur la violation de la résolution 1701 (2006) et appelé à ce que cessent « toutes les violations, de toutes parts » a-t-il insisté.

Le représentant a reconnu le droit d’Israël à se défendre en s’opposant à toute tentative d’intrusion mais espéré qu’il ne contreviendra pas ainsi à la résolution 1701 (2006) qui suppose des engagements mutuels de part et d’autre de la ligne de démarcation.  Des signaux positifs ont été envoyés par les deux parties qui souhaitent éviter des confrontations et la partie libanaise s’est dite attachée à cette résolution et prête à prendre toutes les mesures pour régler les problèmes.  À ce stade, la Fédération de Russie appelle à la retenue, à éviter toute déclaration belliqueuse alors que la situation est déjà tendue.  Cette situation liée aux tunnels ne doit pas donner lieu à des décisions hâtives pour renforcer la FINUL, a cependant estimé le délégué.  Cette Mission joue un rôle très important dans la région, et toute divergence doit faire l’objet de consultation et d’un dialogue politique.  « Dans cette région en général ce qui se produit est le fruit d’un conflit de longue date aussi, pour assurer la stabilité, faut-il que les pays concernés coopèrent et que les efforts internationaux s’intensifient », a-t-il conclu.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) s’est dit vivement préoccupé par l’instabilité que risque de provoquer dans la région la découverte des tunnels creusés par le Hezbollah depuis des foyers situés à l’intérieur de villages libanais.  S’il s’avère que ces tunnels étaient destinés à être utilisés pour s’infiltrer en Israël et lancer des offensives contre le pays, leur découverte constitue une véritable atteinte à la souveraineté israélienne et une violation de la résolution 1701 (2006), a jugé le représentant.

Toutefois, le délégué a exhorté les deux parties à coopérer étroitement avec la FINUL et à utiliser les mécanismes tripartites de la Force pour éviter toute escalade et remise en cause de la sécurité de la région.  Le représentant a également appelé tous les pays jouissant d’une quelconque influence sur les parties à s’impliquer davantage pour parvenir à une solution permanente le long de la Ligne bleue.

« Nous savons tous ici qu’il n’est dans l’intérêt de personne que la situation s’envenime », a déclaré Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie), ajoutant que c’est pour cette raison qu’il faut absolument que tous gardent le calme et la stabilité le long de la Ligne bleue.  Il est dans ce contexte encourageant que toutes les parties souhaitent travailler avec la FINUL dans le but d’éviter l’escalade, s’est-elle réjouie. 

La représentante éthiopienne a également estimé que la FINUL doit continuer d’assumer son mandat, y compris en travaillant étroitement avec les parties sur la question des tunnels, conformément à la résolution 1701 (2006).  Le Conseil de sécurité doit être tenu informé de ce travail, a-t-elle dit. 

Concluant son intervention, elle a estimé que le Gouvernement libanais devait travailler à restaurer son autorité.  Et pour ce faire, la présence des Forces armées libanaises sur l’ensemble du territoire doit rester une priorité, a-t-elle estimé. 

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) s’est dit préoccupé par la récente découverte, confirmée par la FINUL, de tunnels au nord d’Israël.  La construction de ces tunnels contrevient à la résolution 1701 (2006) et viole la souveraineté d’Israël.  Il a salué l’action rapide de la Mission et réaffirmé son rôle crucial en de telles circonstances. 

Le délégué de la Pologne a exhorté toutes les parties à mettre pleinement en œuvre la résolution précitée, à faire preuve de retenue et à maintenir des contacts étroits avec la Mission en vue de préserver le calme et la stabilité.  « Nous appelons les parties à éviter toute action unilatérale. »

Enfin, le représentant a réaffirmé l’appui de son pays à l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique du Liban, ainsi qu’à ses efforts en vue de se dissocier du conflit syrien. 

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a noté que la FINUL avait pu confirmer l’existence de quatre tunnels le long de la ligne de démarcation et s’est félicitée de l’enquête menée actuellement par la FINUL et les autorités libanaises.  Elle a condamné toute mesure violant les territoires du Liban et d’Israël, les deux parties devant respecter la résolution 1701(2006) et la Ligne bleue.  À cet égard, elle a condamné les violations de l’espace aérien libanais par Israël et a exhorté celui-ci à ne pas positionner ses forces de défense au nord de la Ligne, et à réfréner sa rhétorique belliqueuse à l’encontre du Liban. 

La situation sur le terrain est relativement calme: il n’y a pas eu d’incidents militaires entre les deux parties qui multiplient les efforts pour conserver une ligne claire et éviter des malentendus, a-t-elle remarqué.  Pour la représentante, les deux pays veulent éviter l’escalade des tensions et souhaitent coopérer avec la FINUL.  Tout incident même mineur risquerait de prendre des proportions beaucoup plus graves et pourrait avoir des conséquences imprévues, a-t-elle craint.  Elle a demandé de renforcer une zone exempte d’armes, sauf celles du Liban et de la FINUL le long de la Ligne bleue, car malgré la participation d’Israël à la réunion tripartie, lors de laquelle les parties s’étaient engagées à respecter la résolution 1701, on constate toujours des violations, notamment de l’espace aérien libanais.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est dit particulièrement préoccupé par la récente découverte de tunnels le long de la Ligne bleue, ligne de démarcation entre Israël et le Liban.  La découverte de quatre tunnels du Hezbollah pourrait exacerber les tensions entre les deux pays et contrarier la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701 (2016), a-t-il estimé.  « Le calme relatif qui régnait dans cette zone permettait, en effet, d’entretenir l’espoir d’une amélioration des relations entre Israël et le Liban. » 

Le délégué a condamné les agissements du Hezbollah susceptibles de mettre en péril la vie et le bien-être de millions de Libanais qui aspirent à vivre en paix, après les traumatismes causés par la longue guerre civile au Liban et la « guerre des 33 jours » entre Israël et le Liban en 2006.  Il s’est félicité de l’enquête de la FINUL sur la construction de ces tunnels et appelé les parties à la retenue.  Tout nouveau conflit entre Israël et le Hezbollah aurait des conséquences dramatiques, a conclu le délégué. 

Mme AMAL MUDALLALI (Liban) a déclaré que personne ne devrait blâmer les Libanais, qui vivent et assistent depuis 40 ans aux invasions dévastatrices d’Israël.  Ces invasions ont fait des milliers de morts et de blessés parmi les civils, en plus de détruire des infrastructures.  « Nous vivons toujours avec leurs conséquences », a-t-elle dit.  Aujourd’hui, on voit une autre situation tout aussi volatile, avec la question des tunnels.  Le Liban la prend très au sérieux.  Il a dit et répété « haut et fort » qu’il ne voulait pas d’un nouveau conflit.  Le Président Michel Aoun et le Premier Ministre désigné Saad Hariri se sont engagés à pleinement mettre en œuvre la résolution 1701 (2006) dans tous ses aspects et à respecter la Ligne bleue.  « Le Liban n’a aucune intention agressive », a insisté la représentante. 

Mme Mudallali a ensuite assuré que son pays n’avait commis aucune violation, alors qu’Israël commet en moyenne 1800 violations par an.  Ces quatre derniers mois, on a compté en moyenne 150 violations par mois.  À titre d’exemple, Israël a violé 84 fois par jour l’espace aérien libanais au cours des derniers mois.  « Tout cela est documenté par la FINUL. »  Pour sa part, le Liban accorde la plus haute importance à la question des tunnels.  « Mais Israël ne doit pas profiter de ce sujet pour attenter à la stabilité du Liban », a-t-elle encore déclaré.

La représentante a également indiqué que le Premier Ministre libanais désigné avait appelé le commandement de la FINUL et la communauté internationale à assumer leurs responsabilités face aux violations répétées d’Israël.  Elle a réitéré cet appel au Conseil de sécurité afin qu’il désamorce la situation, car la seule manière de maintenir le calme à la frontière est la pleine mise en œuvre de la résolution 1701 (2006), non seulement côté libanais, mais aussi côté israélien.  Enfin, face à ces violations et au déni du droit international, le Liban souhaite poser une « question légitime »: « y a-t-il des aristocrates de la violation du droit international au sein de la communauté internationale », a demandé la représentante, disant observer une politique de deux poids, deux mesures.  « Les rapports rédigés sur la violation de la souveraineté du Liban par Israël finissent aux archives, tandis que les actions israéliennes restent impunies », a-t-elle déploré. 

M. DANNY BEN YOSEF DANON (Israël) a commencé son intervention en décrivant une matinée agréable dans un village paisible situé près de la frontière libanaise, jusqu’à ce qu’une attaque terroriste soit perpétrée par un militant du Hezbollah tout droit sorti d’un tunnel passant sous la Ligne bleue.  « Imaginez les terroristes du Hezbollah utilisant de tels tunnels, tuant des civils innocents et s’emparant de pans entiers de la Galilée », sur laquelle cette organisation a des visées, a accusé le représentant.  Ce que je viens de décrire n’est pas le fruit de mon imagination, c’est un scénario vraisemblable que « nous n’accepterons jamais de voir se concrétiser », a-t-il tranché.  Nous avons donc lancé l’opération Bouclier du Nord pour éviter qu’une telle réalité ne se concrétise, avec pour objectif de « neutraliser et détruire » les forces du Hezbollah, a précisé le délégué. 

Israël, a-t-il dit, a identifié quatre tunnels, à propos desquels nous avons transmis des informations à la FINUL, qui a confirmé il y a deux jours leur existence.  « Qu’attendions-nous de la Mission après l’avoir informée? Peut-être qu’elle « s’acquitte de son mandat », a suggéré le représentant.  Au lieu de quoi, elle a transmis ces informations au Gouvernement, qui a ensuite informé le Hezbollah, lequel a tout mis en œuvre pour « dissimuler » ces tunnels.  La FINUL a une responsabilité principale à assumer: veiller à ce que sa zone d’opérations ne soit pas utilisée pour quelque activité militaire que ce soit.  Au sud du Liban sont stationnés 10 000 soldats libanais et 11 000 personnels en tenue de la FINUL, et pourtant le Hezbollah contrôle totalement la zone, en violation de la résolution 1701 (2006), a tonné M. Danon.  La Force ne doit pas reproduire les erreurs commises sous le leadership précédent, a-t-il mis en garde.

« Aujourd’hui, nul ne peut nier les faits », a estimé le représentant, en brandissant une photo, sur laquelle on peut voir un tunnel « à proximité d’un poste d’observation de la FINUL ».  « Lorsqu’un tunnel passe sous la Ligne bleue, la situation n’est ni calme ni bonne », a-t-il déclaré, en ironisant sur les propos que lui avait tenus le précédent commandant de la Force.  Ses troupes doivent pouvoir avoir pleinement accès à toute la zone de déploiement, y compris « la réserve naturelle » et les propriétés privées dont le Hezbollah se servirait pour préparer ses opérations, a exhorté le représentant.  Celui-ci a par ailleurs demandé au Conseil de sécurité de « dénoncer le Hezbollah comme organisation terroriste », comme il l’a fait pour l’État islamique.  Il a insisté sur les graves violations de la résolution 1701 (2006) que constitue ce projet de « tunnels de la terreur », grâce auquel le Hezbollah est en train de se doter de capacités militaires pour s’en prendre à Israël.  Brandissant une autre photo, il a expliqué que la localité de Kafr Kila est devenue un « havre du terrorisme », en faisant état de la présence sur place de bunkers, de caches d’armes, de tunnels.

Le Hezbollah a jeté les fondements d’une attaque contre Israël.  « Qu’attend la communauté internationale face à ce grave péril? » s’est demandé M. Danon.  Comment avez-vous pu permettre au Hezbollah de créer une « ville de tunnels »? a-t-il lancé à l’adresse de son homologue libanais.  « Qu’a fait votre Gouvernement? Il a fermé les yeux », a-t-il lancé.  Tout récemment, le Premier Ministre israélien, M. Benjamin Netanyahou, a révélé que le Hezbollah qui, plus que jamais exercerait une « emprise » sur le pouvoir libanais, avait développé « trois sites de conversion de missiles » près de l’aéroport de Beyrouth.  Le délégué a fait état d’un arsenal de 100 000 roquettes et missiles à travers le pays, grâce à l’Iran, qui soutient cette « organisation terroriste » « sur les plans idéologique, militaire et culturel ».  L’Iran transporterait, selon lui, des armes au Liban par des vols commerciaux.  « Mais si le Hezbollah fait l’erreur d’attaquer Israël, soyez assurés que nous réagirons rapidement par voie terrestre, aérienne et maritime », a prévenu M. Danon, tout en faisant observer qu’une action du Conseil de sécurité permettrait d’éviter un tel scénario, Israel n’ayant « nullement l’intention » d’aggraver la crise actuelle.  Citant Tchekhov, il a rappelé que « si vous mettez un pistolet au premier acte, il tirera au dernier ».  Mais si le Hezbollah se hasarde à nous attaquer, « nous l’enterrerons dans les décombres du Liban », a conclu le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: l’Accord revitalisé offre une occasion sans précédent de mettre fin au conflit au Soudan du Sud, y compris à la violence sexuelle

8431e séance – après-midi
CS/13631

Conseil de sécurité: l’Accord revitalisé offre une occasion sans précédent de mettre fin au conflit au Soudan du Sud, y compris à la violence sexuelle

« Il appartient aux parties de maintenir l’élan dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud », a déclaré au Conseil de sécurité, cet après-midi, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, alors qu’il présentait le dernier rapport en date du Secrétaire général consacré à ce pays.

Cette exigence est d’autant plus forte que depuis la signature à Addis-Abeba le 12 septembre dernier de cet Accord, la situation sécuritaire s’est considérablement améliorée au Soudan du Sud.  Les incidents entre les parties signataires se sont réduits, les routes ont été rouvertes, les civils peuvent se déplacer librement et les déplacés rentrer chez eux, a dit M. Lacroix. 

Cependant, si le cessez-le-feu obtenu grâce à cet Accord est dans une large mesure observé, la violence entre groupes armés n’a pas complètement disparu dans l’ensemble du pays, pas plus que les conflits intercommunautaires.  Ainsi, dans la région du Haut-Nil, par exemple, un convoi militaire escortant le Comité de réintégration et des forces pro-Taban a été attaqué le 24 septembre, semble-t-il, par un groupe de l’opposition favorable à Riek Machar. 

Ailleurs en Équatoria-Oriental, l’insécurité continue de régner sur les routes, en particulier sur celle qui relie Djouba à Torit, tandis que dans le Grand Pibor, la signature d’un accord de paix entre des représentants des Jie et des Murle, le 21 septembre, n’a pu empêcher qu’une attaque soit perpétrée le 2 octobre par des assaillants soupçonnés d’être membres de la communauté Jie, indique le rapport.

À côté de ces exactions la violence sexuelle reste terrible, a témoigné la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramilla Patten.  En 2018, le nombre de victimes a déjà atteint 1 157 personnes, soit le chiffre le plus élevé de ces trois dernières années.

Dans l’État de l’Unité du Sud, la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) a documenté le viol d’au moins 20 femmes et filles, y compris des femmes enceintes et des fillettes de parfois 4 ans. Une enfant de 6 ans a été violée en réunion par des soldats, tandis que 132 femmes ont été enlevées et utilisées comme esclaves sexuelles, a-t-elle rapporté.

Dans ce contexte, et pour parvenir à une paix et à la stabilité visées par l’Accord revitalisé, il est essentiel que les parties continuent d’instaurer des mesures de confiance, comme parvenir à un accord global sur le secteur de la sécurité, qu’elles fassent preuve de volonté politique et travaillent ensemble pour créer un environnement propice à la mise en œuvre de l’Accord, a estimé le Secrétaire général adjoint, assurant que l’ONU reste disposée à soutenir ce processus.

L’Accord revitalisé est en effet « un tournant décisif », « une étape fondamentale sur le chemin de la paix » et même « l’occasion unique de tourner la page de la violence, de reconstruire le pays ».  C’est le seul moyen de parvenir à la paix et de protéger les populations civiles, une « opportunité historique » que les dirigeants sud-soudanais ne doivent ni rater, ni laisser passer, s’ils veulent ramener la paix et le développement, ont estimé des délégations, dont celles de la France, de la Suède, de la Bolivie, des Pays-Bas, de la Pologne et de l’Éthiopie.

Mais alors que des décisions difficiles s’imposent, les États-Unis constatent que les parties n’ont guère progressé dans les mesures de confiance.  Elles n’ont toujours pas avancé dans les modalités de sécurité, qui sont aujourd’hui essentielles à la mise en œuvre de cet Accord, a constaté leur représentant.

Si les doutes de certains membres du Conseil de sécurité sur la capacité des signataires à mettre en œuvre l’Accord sont compréhensibles, rester en marge n’est pas la solution, a estimé son homologue éthiopien, ajoutant qu’il n’est pas trop tard pour que le Conseil de sécurité se prononce enfin sur l’Accord revitalisé. 

Quoi qu’il en soit, le temps n’est pas venu de tourner le dos au Soudan du Sud.  2019 sera « une année charnière », a déclaré la représentante du Royaume-Uni, rejointe par la Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2206 (2015), Mme Joanna Wronecka, qui s’est dite encouragée par « le début de la fin du cycle de violences » et par l’engagement des parties à honorer leurs responsabilités dans la mise en œuvre de cet Accord.  Concernant le régime de sanctions, Mme Wronecka a dit qu’elle continuait de chercher à « expliquer aux dirigeants sud-soudanais que ces sanctions ne visent que la recherche de la paix ».   

La Fédération de Russie et la Côte d’Ivoire ont fait le même constat, à savoir que les parties, en signant l’Accord revitalisé, ont fait montre de leur volonté d’aboutir à un compromis et de surmonter leurs divergences.  Il est maintenant essentiel d’accompagner ce processus de paix, a insisté le représentant russe.

La Chine a été du même avis, insistant sur le fait que la communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent se garder d’imposer des solutions de l’extérieur et appuyer les efforts régionaux entrepris par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), et investir dans le développement du pays.

De son côté, le représentant du Soudan du Sud a assuré que le processus de paix lié à l’Accord revitalisé était « en phase de pré-mise en œuvre ».  Il y a pris du retard, non du fait des parties, selon lui, mais du fait de certaines difficultés techniques, a-t-il assuré.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2018/1103)

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a déclaré que depuis la signature de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud, la situation sécuritaire s’est améliorée dans le pays et les incidents entre les parties signataires se sont réduits.  Cela a permis la réouverture de routes, la liberté de mouvement pour les civils et le retour des personnes déplacées.  Mais en dépit de ces développements positifs, des combats sporadiques se poursuivent, montrant la fragilité de la situation. 

À titre d’exemple, entre les 4 et 6 décembre, des hommes armés, favorables à Taban Deng ont attaqué des combattants de Rick Machar à Bil, dans la région du Haut-Nil, causant 21 blessés.  Des cas d’attaques contre des civils, des viols et autres abus sexuels ont par ailleurs été reportés dans la région de Nhialdiu et Guits Roads, près de Bentiu.  La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) a immédiatement envoyé des patrouilles sur place pour assurer la protection des civils, a indiqué M. Lacroix.

La situation humanitaire reste également préoccupante, en lien direct avec le conflit.  Alors que les travailleurs humanitaires sont confrontés à des dangers, dont des attaques inacceptables, le Secrétaire général adjoint a dit être toujours sans nouvelle de deux employés de la MINUSS, arrêtés en 2014.  Dans ce contexte, il a rappelé qu’il revenait aux parties, en particulier au Gouvernement, de garantir aux travailleurs humanitaires un environnement sûr, leur permettant de fournir une assistance aux populations civiles sud-soudanaises. 

M. Lacroix a également déclaré qu’il appartient aux parties de maintenir l’élan dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.  Or, compte tenu de la méfiance existante, en particulier du côté de l’opposition, il est essentiel que les parties continuent d’instaurer des mesures de confiance, qu’elles fassent preuve de volonté politique et travaillent ensemble pour créer un environnement inclusif, de façon à ce que toutes les forces vives du pays, dont la société civile, les femmes et les jeunes, participent à la mise en œuvre de cet Accord. 

Pour ce faire, les parties doivent parvenir à un accord global sur le secteur de la sécurité, essentiel à la confiance, a poursuivi le haut fonctionnaire.  Il faut également procéder à la désignation du président de la Commission conjointe d’évaluation, dont le rôle est de préparer le processus politique devant mener à une transition.  Sur ce point, M. Lacroix a encouragé l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) à faire de la finalisation de ce processus une priorité.  L’ONU est disposée à le soutenir, a-t-il conclu. 

Mme PRAMILLA PATTEN, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a rappelé le terrible rapport sur l’attaque de femmes et de filles perpétrée en novembre à Bentiu alors que les victimes se rendaient à une distribution de nourriture.  Cet incident dramatique est toujours en cours d’investigation de la part des Nations Unies sur le terrain et les autorités locales ont ouvert leur propre enquête le 15 décembre: à cet effet elle a insisté sur la nécessité de garantir la protection des victimes et des témoins.  Mais il est déjà clair, selon elle, que cette attaque s’inscrit dans un schéma de violences sexuelles systématiques qui n’a fait qu’empirer au cours de l’année 2018, en dépit des assurances données par les responsables du Soudan du Sud.

Depuis 2013 en particulier, ces violences sexuelles sont devenues systématiques et visent surtout les femmes et les filles, mais certains incidents ont aussi concerné des hommes et des enfants, a précisé Mme Patten.  Ces violences sont utilisées dans le cadre d’une stratégie visant à dégrader et humilier les victimes et les communautés « selon des lignes et divisions ethniques et politiques ».  Les violences sexuelles sont également utilisées comme un instrument visant au déplacement forcé, une tactique voire « une arme de guerre » par toutes les parties au conflit.  En 2018, le nombre d’incidents a augmenté de façon alarmante: le nombre de victimes a déjà atteint 1 157 personnes, soit le chiffre le plus élevé de ces trois dernières années - en 2017 la MINUSS avait recensé 196 cas concernant 128 femmes et 68 filles. 

La Représentante spéciale a indiqué qu’elle s’est rendue sur place en juillet dans les camps de Djouba où elle a pu rencontrer des victimes qui continuent de vivre dans une insécurité majeure tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des camps.  « Leurs témoignages évoquent une humiliation extrême qui sape l’unité, détruit les familles et les communautés. » 

Mme Patten a expliqué avoir rencontré des femmes gravement traumatisées: les rescapées ont rapporté des cas choquants et brutaux commis en marge d’autres crimes odieux.  Leurs récits correspondent pleinement aux rapports de la MINUSS dans l’État de l’Unité du Sud indiquant qu’au moins 20 femmes et filles, y compris des femmes enceintes et des fillettes de parfois 4 ans, ont été violées; une enfant de 6 ans a été violée en réunion par des soldats même après qu’elle ait perdu conscience.  Certaines filles en sont mortes.  Par ailleurs, 132 femmes ont été enlevées et utilisées comme esclaves sexuelles.

En Équatoria-Occidental, a encore déploré la Représentante spéciale, 43 cas de viols et enlèvements ont été rapportés, les rescapées ont été attachées et violées en réunion jusqu’à perdre conscience.  Des femmes et des jeunes filles âgées d’à peine 12 ans ont été offertes aux commandants qui les choisissaient comme épouses, d’autres ont été offertes aux combattants puis les viols cessaient quand les filles acceptaient de devenir combattantes.  Les factions pro-Machar ont ainsi recruté des femmes par la force pour leurs rangs, a-t-elle dénoncé.

« Cette violence sexuelle laisse de profondes cicatrices sociales et psychologiques: toutes les victimes rencontrées se heurtent à des difficultés de taille pour obtenir des traitements appropriés. »  Celles qui vivent en zones rurales n’ont nulle part où aller.  L’effondrement complet de l’infrastructure de service de l’État signifie que les femmes et les filles sont davantage exposées à des grossesses non désirées, aux blessures génésiques, aux MST et au sida, a continué Mme Patten.  De plus, leur stigmatisation et leur rejet par leur conjoint et la famille ajoutent au malheur.  « Toutes ces victimes exigent que leurs auteurs soient jugés et sanctionnés.  C’est leur seul espoir de voir cesser la violence. » 

Toutes les autorités rencontrées lors de cette visite ont reconnu le caractère largement répandu de ces violences.  Cependant, a insisté Mme Patten, il leur faut agir.  Une politique de tolérance zéro ne saurait être sous-tendue par la réalité de conséquences zéro.  « On ne peut pas violer en toute impunité au Soudan du Sud. »  Or, a-t-elle averti, tant que les conséquences ne seront pas assumées, on ne pourra y mettre un terme.  L’application du principe de responsabilité est au cœur de la prévention, a-t-elle rappelé.  De son côté, la communauté internationale doit utiliser tous les moyens en sa possession, sanctions et autres mesures ciblées, pour faire cesser ces violences. 

Les rapports de l’ONU imputent ces violences à l’armée nationale, à l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (APLS), aux milices de jeunes, a relevé l’intervenante.  Trois commandants des factions pro-Machar ont été également identifiés.  Elle a transmis leurs noms au Comité des sanctions.

En conclusion, Mme Patten a exhorté le Gouvernement du Soudan du Sud à enquêter le plus rapidement possible sur tous les incidents de violence sexuelle, à transmettre les résultats à l’ONU et exiger que tous les auteurs de ces crimes rendent des comptes, et à créer un tribunal ad hoc pour y renvoyer tous les auteurs.  Elle a exhorté le Conseil de sécurité à appliquer systématiquement les sanctions en cas de violences sexuelles.  Pour la Représentante spéciale, il faut proposer aux victimes des services complets notamment médicaux et sociaux, la communauté internationale devant fournir les ressources nécessaires à ces services. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne), Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2206 (2015) concernant le Soudan du Sud, a rappelé qu’elle a visité le Soudan du Sud, l’Éthiopie, l’Ouganda et le Kenya du 16 au 26 juin dernier, dans le but de renforcer le dialogue avec ces États, en particulier dans le domaine de la mise en œuvre du régime de sanctions concernant ce pays.  Cette visite a eu lieu avant l’imposition par le Conseil de sécurité d’un embargo sur les armes, le 13 juillet, et avant la signature de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit, le 12 septembre.  

Mme Wronecka s’est dite encouragée par les progrès faits sur le front politique depuis cette visite, marqués par « le début de la fin du cycle de violences » et par l’engagement des parties à honorer leurs responsabilités dans la mise en œuvre de cet Accord.   Mais le soutien des pays de la région et de la communauté internationale sera essentiel pour l’instauration de la paix et de la stabilité.

Concernant le régime de sanctions, la présidente du Comité a dit qu’elle continuait de chercher à « expliquer aux dirigeants sud-soudanais que ces sanctions ne visent que la recherche de la paix ».  Elle a également encouragé les pays de la région à continuer de tenir le Comité informé sur la mise en œuvre des sanctions, en particulier les interdictions de voyage, le gel des avoirs ou l’embargo sur les armes.  Afin de renforcer ce régime, le comité a décidé de huit différentes actions, incluant un compte-rendu au Conseil de sécurité et l’envoi d’une note verbale rappelant aux États leurs obligations de mettre en œuvre ce régime, ou encore l’organisation d’une séance d’information ouverte aux États Membres.

Par ailleurs, le panel d’experts, ayant observé qu’en dépit des progrès la situation humanitaire reste préoccupante, tandis que des actes de violence continuent de se produire dans tout le pays, a fait une série de recommandations au Comité, portant notamment l’embargo sur les armes, la liste de sanctions.  Il a ainsi été décidé de poster sur le site Internet du Comité un guide de mise en œuvre de ces sanctions afin d’aider les États à appliquer l’embargo.  Un communiqué de presse a en outre été publié concernant la liste des huit personnes visées par des mesures de sanctions, a précisé Mme Wronecka.   

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a indiqué que son pays restait vivement préoccupé par la riposte inadéquate du Gouvernement sud-soudanais face aux violences sexuelles.  Trois mois après la signature de l’Accord revitalisé, certains progrès ont été constatés, et il a salué la réduction du nombre d’affrontements violents et les mesures d’instauration de la confiance au niveau local.  Cependant les États-Unis s’inquiètent de voir que les parties n’ont guère progressé dans les modalités de sécurité et les appellent à prendre des décisions difficiles sur ce qui fait jusqu’ici obstacle à l’accord de paix.  Le représentant a réclamé la libération des prisonniers arbitrairement détenus qui sont nombreux et condamné les entraves bureaucratiques du Gouvernement et de tous ceux qui empêchent de fournir une assistance précieuse à ceux qui en ont besoin: 19 incidents visant l’assistance internationale ont été relevés sur la période selon le rapport du Secrétaire général, ce qui est « totalement inacceptable ».  La MINUSS, a poursuivi le délégué, doit pouvoir circuler librement alors que plus de deux millions de personnes sont déplacées et que six millions vivent en situation d’insécurité alimentaire.  Des pans entiers de la population continueront d’être exposés à la famine en janvier, a-t-il averti. 

Les politiques fiscales du Soudan du Sud entravent également l’action humanitaire et les États-Unis demandent des dérogations pour tous les travailleurs humanitaires pendant la durée de la crise.  Enfin, pour que l’Accord soit un succès, les dirigeants doivent « rompre le cercle vicieux de l’impunité ».  Le 14 décembre, le Gouvernement du Soudan du Sud a imposé des sanctions contre trois individus en raison de leur rôle dans le conflit, s’est félicité le représentant en saluant par ailleurs le rôle positif des acteurs de la région.

M. TAYE ATSKE SELASSIE AMDE (Éthiopie) a déclaré que les erreurs commises par le passé ne permettront pas au Soudan du Sud de sortir de la crise.  L’Accord revitalisé est donc le seul moyen d’y parvenir et tous les efforts de la communauté internationale devraient être orientés vers la pleine mise en œuvre de cet Accord, selon le représentant.  Or, il a constaté que le Conseil de sécurité n’avait pas suivi l’avis des pays de la région en imposant un embargo sur les armes au Soudan du Sud, compliquant de fait la résolution du conflit.  Ce même Conseil de sécurité ne s’est par ailleurs pas prononcé sur cet Accord, alors que ses membres en demandent la mise en œuvre.  Cette situation est « ironique », a estimé le représentant, ajoutant que l’on peut comprendre les doutes de certains membres du Conseil de sécurité sur la capacité des signataires à mettre en œuvre l’Accord.  « Mais rester en marge n’est pas la solution », a dit le représentant, ajoutant qu’il n’est pas trop tard. 

« Mon premier message est une exhortation à donner toute sa chance au processus de paix », a déclaré Mme ANNE GUEGUEN (France), estimant que l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud est une « opportunité historique » à ne pas laisser passer.  Elle s’est dite encouragée par le fait que le cessez-le-feu soit globalement respecté, alors que les organes pré-transitionnels ont commencé à fonctionner.  « Le plus dur reste à faire », a-t-elle dit, en encourageant les parties à trouver un accord politique sur l’élaboration notamment d’une constitution et le redécoupage des frontières internes. 

Jugeant « insupportable » la situation humanitaire dans le pays, la représentante a plaidé pour un accès humanitaire sûr et sans entrave.  « L’action de la MINUSS pour sécuriser les convois humanitaires est à cet égard cruciale. »  Elle a jugé « révoltant » le niveau de violence sexuelle et exhorté le Comité des sanctions à se mobiliser pleinement contre ceux qui commettent et commanditent les violences sexuelles. 

Enfin, Mme Gueguen a dit comprendre le souhait des pays de l’IGAD de participer à la mise en œuvre de l’accord en déployant des troupes dans la Force régionale de protection de la MINUSS.  Mais nous devons avoir conscience que le retour sécurisé des responsables de l’opposition et le cantonnement des groupes armés ne pourront résulter que d’un accord politique, le déploiement de troupes supplémentaires de la Force dans la MINUSS ne pouvant pallier l’absence d’accords politiques sur ces points, a-t-elle argué.  La déléguée a aussi souligné la nécessité d’une chaîne de commandement unique au sein de la MINUSS, la Force devant s’inscrire dans cette chaîne.  Les règles en matière de prévention des violences sexuelles et de prise en charge des victimes doivent s’appliquer aux troupes déployées au sein de la Force, a conclu Mme Gueguen. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a pressé les parties concernées par l’Accord revitalisé de faire montre d’un esprit de compromis et d’une réelle volonté politique afin de mettre en œuvre les dispositions de l’Accord sur le cantonnement et l’intégration des forces, de façon à ce que cet Accord ne subisse pas le sort de tant d’autres qui ont échoué avant lui.  Il a demandé à l’IGAD, à l’UA, à l’ONU et aux États voisins de poursuivre leurs efforts concertés pour renforcer la confiance entre les parties et les aider à mettre en œuvre l’Accord revitalisé.  Aux parties qui ne l’ont pas signé, il a demandé de le faire.

Sur le plan humanitaire, il s’est dit profondément préoccupé, malgré une amélioration globale de la situation, par la gravité et le nombre d’incidents visant des civils, en particulier des femmes et des enfants, déplacés, violentés et en état d’insécurité alimentaire.  Il a appelé les parties à appliquer une cessation permanente des hostilités, à contrôler leurs forces et à cesser les attaques contre le personnel humanitaire.  Il a condamné les attaques contre des femmes à Bentiu en novembre et a demandé une enquête.  Il a appelé sur ce point la communauté internationale à apporter un financement et une assistance suffisante.  Ces efforts, a-t-il ajouté, devraient s’accompagner d’aide au développement.  Il faudrait pour aller de l’avant réduire la violence tribale, renforcer la confiance entre les populations locales, apporter des services de base et favoriser la création d’emplois.

Enfin, en ce qui concerne la MINUSS, il s’est dit préoccupé par certaines violations de l’accord sur le statut des forces et il a appelé les parties belligérantes à garantir la liberté de circulation du personnel de la MINUSS, avant de féliciter la Mission pour son travail dans des circonstances difficiles. 

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a déclaré qu’en dépit des progrès lents dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, la mise en place des différents comités techniques est satisfaisante.  « Le temps n’est pas venu de tourner le dos au Soudan.  L’année 2019 est charnière », a dit le représentant.

Concernant les actes de violences sexuelles et le « climat d’impunité qui prévaut depuis trop longtemps », il a plaidé pour la mise en place d’un tribunal mixte afin que les auteurs de ces actes soient tenus responsables.  S’agissant du renforcement de la MINUSS, le représentant a estimé que tout déploiement de troupes ne peut pas compenser le manque d’engagement des parties sud-soudanaises, en particulier en ce qui concerne le secteur de la sécurité.  Le Royaume-Uni estime en outre qu’il faut garder la structure de commandement intégré de la MINUSS. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a noté avec intérêt les premières mesures prises au titre de l’Accord revitalisé, mais s’est inquiété de ce que le cessez-le-feu ne soit pas respecté sur tout le territoire du Soudan du Sud et notamment dans les régions de Yei, d’Équatoria-Central et dans le triangle de Wau, au Bahr el-Ghazal occidental, où les affrontements continuent de faire de nombreuses victimes civiles.  Il a insisté sur l’importance des forums régionaux et sur la nécessité qu’ils soient impartiaux et inclusifs et a lancé un appel aux groupes de l’opposition et aux participants au dialogue national: car une véritable paix au Soudan du Sud ne sera possible qu’avec une véritable volonté politique et un dialogue ouvert à tous. 

Le représentant a appelé les dirigeants du Soudan du Sud à adopter des modalités de sécurité de transition, à établir les accords transitoires de sécurité et à former un gouvernement d’unité nationale revitalisé.  À cet égard, il a demandé que soit revue la désignation du Ministre de la défense qui est sous le coup de sanction pour crimes atroces.  Il a fermement condamné les innombrables cas de violences sexuelles: les attaques brutales contre 150 femmes et filles près de Bentiu ne peuvent rester impunies, a-t-il insisté, de même que les plus de 90 incidents graves relevés sur la période à l’encontre d’enfants, allant du recrutement forcé aux violences et enlèvements.  Il a également déploré la gravité de la situation humanitaire et la violence faite aux personnels humanitaires. 

Enfin, le délégué a exhorté le Gouvernement du Soudan du Sud à mettre un terme aux violences sexuelles et à punir leurs auteurs.  La création d’un tribunal hybride contribuera sans aucun doute à la paix a-t-il estimé, appelant également les pays auteurs de violations de l’embargo sur les armées à honorer leurs engagements.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré qu’avec cet Accord, les dirigeants sud-soudanais ont « l’occasion unique de tourner la page de la violence, de reconstruire leur pays et montrer qu’ils sont capables de faire passer les intérêts de la population avant tout ».  Pour ce faire, ils doivent, « sans retard », accélérer les modalités sécuritaires de transition.  Ils doivent également mettre sur pied un tribunal mixte pour juger les auteurs de violences, y compris sexuelles, de façon à mettre un terme à l’impunité qui prévaut dans le pays.  Le Conseil de sécurité doit, pour sa part, adopter des sanctions ciblées contre les personnes qui entravent le processus de paix, a estimé la représentante. 

M. PROTASIO EDU EDJANG NNAGA (Guinée équatoriale) s’est félicité de l’ambiance politique positive régnant au Soudan du Sud depuis la signature de l’Accord revitalisé en septembre ainsi que de la volonté politique et de l’engagement de toutes les parties au conflit à le mettre en œuvre.  Ceci étant, la délégation s’est inquiétée des derniers rapports sur les abus sexuels contre des femmes et des filles.  Elle a vivement condamné ces violences et a demandé au Gouvernement d’identifier leurs auteurs et de les traduire en justice.

En venant à la situation humanitaire précaire, la délégation a rappelé aux parties qu’elles ont une obligation de répondre aux besoins de la population qui fait face à la pauvreté, à l’insécurité alimentaire et au manque de services de base.  Cela implique de faciliter les opérations humanitaires et d’éliminer les menaces et les risques auxquels les organisations humanitaires sont confrontées.  À cet égard, la délégation a remercié le personnel de la MINUSS, la police et d’autres organisations qui travaillent pour protéger les civils en situation de vulnérabilité, leur faire parvenir l’aide humanitaire, protéger les droits de l’homme et préserver le processus de paix.

Mme VERÓNICA CÓRDOVA SORIA (Bolivie) a estimé que la signature de l’Accord sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud était une étape fondamentale vers la paix dans ce pays.  Reconnaissant que la situation au Soudan du Sud était compliquée, elle a souligné les réussites et les défis qu’il faut encore relever et qui exigent une volonté politique de la part des dirigeants du pays.  La solution ne peut être que politique, a-t-elle affirmé, plaidant pour le dialogue, la réconciliation, le renforcement des capacités, l’appui au développement ou encore la définition des mesures de sécurité.  Il faut la participation active de la société civile, de la jeunesse et des femmes, a-t-elle ajouté.

La représentante a évoqué le sort des deux millions de déplacés et réfugiés qui n’ont pas accès aux services de base.  Elle a condamné les attaques de violence sexuelle qui ont fait plus de 100 victimes chez les femmes et les filles dans le nord du pays, appelant à mener les enquêtes et les poursuites nécessaires.  Le moment est propice, a-t-elle estimé, pour instaurer une ambiance de protection des femmes, lutter contre la violence sexuelle et développer une justice transitionnelle avec des tribunaux hybrides.  La représentante a, en conclusion, appelé la communauté internationale à la mobilisation des ressources politiques et financières pour accompagner la mise en œuvre de l’Accord, invitant le Conseil de sécurité à maintenir son unité et à travailler en collaboration avec l’UA et l’IGAD.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a salué les développements importants depuis la signature, il y a trois mois, de l’accord de paix revitalisé.  À ce titre elle a cité la convocation des comités prétransitionnels et la mise en œuvre de mesures de confiance comme les visites de terrain conjointes et la libération de prisonniers politiques.  Il n’en reste pas moins, selon elle, que la force de tout accord de paix au Soudan du Sud repose sur sa capacité d’apporter la sécurité et la stabilité au peuple sud-soudanais, et, à ce sujet, elle s’est dite préoccupée par les violations continues du cessez-le-feu, en particulier autour de Baggari, et les attaques de civils, y compris le viol de 125 femmes, à Bentiu.

Par conséquent les Pays-Bas exigent la pleine mise en œuvre de l’accord de paix, y voyant le seul moyen pour protéger le peuple sud-soudanais.  Ils appellent à une cessation des hostilités immédiate, à la finalisation des négociations sur les accords de sécurité transitionnels, à plus d’efforts pour atteindre le quota des 35% de participation de femmes, et à moins de blocages bureaucratiques qui entravent le travail humanitaire.  Mme Gregoire Van Haaren a insisté aussi sur l’application du principe de responsabilité, en particulier pour ceux qui continuent d’attaquer des civils.  « C’est aux parties, et en particulier au Gouvernement du Soudan du Sud, de faire preuve de leadership » s’est impatientée la représentante pour laquelle la Commission vérité, réconciliation et apaisement et le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud seront essentiels pour rendre justice et parvenir à la réconciliation.  Enfin, à la lumière de la violence sexuelle qui persiste dans pays, les Pays-Bas estiment que la MINUSS doit continuer à protéger les civils au Soudan du Sud. 

M. TAREQ M. A. M. ALBANAI (Koweït) a rappelé qu’il y a trois mois l’Accord revitalisé était signé et le comité préparatoire à la transition tenait sa première réunion.  Les parties signataires sont parvenues à rassembler leurs forces sous commandement unifié, donnant davantage d’espoir de voir une issue car ce sont elles qui doivent assurer la sécurité.  La situation humanitaire reste une source de préoccupation, notamment en raison des réfugiés et déplacés et de l’insécurité alimentaire.  Pour cette raison, il est urgent, selon le délégué, de faire progresser une solution politique pour faciliter la délivrance d’aide humanitaire. 

Le Sommet arabo-africain, il y a cinq ans, avait convenu de lancer une nouvelle phase de développement, avant que la guerre n’éclate en 2013, a-t-il rappelé en espérant que la période de transition allait permettre de relancer cette coopération.  Mais il a souhaité pour ce faire que justice soit rendue aux victimes des violences, notamment sexuelles.  Le Koweït appuiera toute décision visant à mettre un terme à l’impunité.  Aussi le représentant a-t-il appelé à la création du tribunal hybride.

M. HAITAO WU (Chine) s’est félicité des efforts consentis par les parties sud soudanaises, notamment par le Gouvernement qui a permis la signature et la diffusion de l’Accord de paix revitalisé.  La Chine constate cependant que des groupes de l’opposition n’ont pas souhaité rejoindre cet Accord.  Dans ce contexte, elle estime que le Conseil de sécurité devrait être conscient de la complexité de la situation au Soudan du Sud et adopter de ce fait, une approche équilibrée. 

La Chine est donc d’avis que la communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent se garder d’imposer des solutions de l’extérieur.  Ils doivent s’appuyer sur les efforts régionaux menés par l’IGAD.  Ils doivent également apporter aide et financements au Soudan du Sud, notamment au fonds de soutien pour la mise en œuvre de cet Accord et pour le développement du pays.  Les secteurs de l’agriculture, de l’électricité ou des routes devraient être des priorités, de sorte que chaque Soudanais bénéficie des bienfaits du développement, a dit le représentant.

Enfin, la Chine pense que les sanctions étant « un moyen et non une fin en soi », elles doivent être utilisés de façon prudente, dans l’unique but de chercher la paix, a conclu son représentant. 

Pour M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède), la signature de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud, il y a trois mois, a marqué « un tournant décisif » qui devrait permettre au pays de revenir sur la voie de la paix et de la stabilité.  Il a pris note des « pas encourageants » accomplis depuis sa signature, notamment pour ce qui est des différents mécanismes de pré-transition.  Il s’est également dit encouragé par le fait que le cessez-le-feu ait été respecté dans la plus grande partie du pays et que des efforts aient été entrepris pour mettre en place des voies de communication directes entre les Forces de défense du peuple sud-soudanais et la SPLA ce qui renforce la confiance mutuelle. 

« Ce dont le pays a besoin maintenant, c’est la volonté politique des parties pour mettre en application ce dont elles ont convenu et leur engagement en faveur de la consolidation de la paix et de la réconciliation », a estimé le représentant pour lequel il est important que le Conseil de sécurité reste activement engagé et réagisse en cas de lacunes.  En effet, le processus de paix reste fragile et les combats se poursuivent dans certaines parties du pays avec des conséquences inacceptables pour les civils, a-t-il poursuivi avant d’exiger la cessation complète des hostilités de la part de toutes les parties, qu’il s’agisse du Gouvernement ou des groupes armés, pour que le processus de paix puisse avancer.  Il a également demandé qu’il y ait des conséquences en cas de violation de l’Accord revitalisé.  La délégation condamne dans les termes les plus forts les violences sexuelles et sexistes des dernières semaines à Bentiu, et exige que les responsables de ces actes aient à en assumer les conséquences.  À cet égard, le délégué a souligné l’importance des mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord, notamment le Tribunal mixte.  Par ailleurs, il a insisté sur l’implication des femmes, des jeunes et de la société civile dans le processus politique.  Avant de conclure, le représentant a lancé un appel pour que les enfants soldats prisonniers soient libérés. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a jugé que les parties, en signant l’Accord revitalisé, ont fait montre de leur volonté d’aboutir à un compromis et de surmonter leurs divergences.  Il a salué les efforts des États Membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) qui ont lancé le processus, ainsi que la contribution du Président Omer Al-Bashir du Soudan.  L’unité des acteurs régionaux a été préservée jusqu’à présent a-t-il noté, et c’est essentiel pour accompagner le processus de paix.  De même l’envoi de contingents des pays de la région est une bonne mise en pratique de l’implication du continent aux côtés de l’ONU dans la préservation de la paix et la sécurité. 

La Russie s’est dite prête à étudier les propositions en ce qui concerne la Force de protection régionale.  Le représentant a salué la diminution des violences constatée sur le terrain depuis la signature de l’Accord.  Il a à cet égard a pris note de la volonté de M. Riek Machar de regagner Djouba début 2019.  Reste à finaliser la mise en œuvre des cantonnements des forces; car ce n’est que par la mise en œuvre complète des engagements pris que pourra se renforcer la confiance entre les parties, a-t-il insisté.

Sur le plan politique, M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est félicité de la volonté manifeste des parties sud-soudanaises de mettre en œuvre l’Accord revitalisé et a appelé les parties à tirer profit de la phase pré-transitionnelle pour créer les conditions d’une transition réussie devant conduire aux élections dans les délais impartis.  Il les a aussi invitées à s’engager résolument dans l’élaboration d’une version révisée des dispositions transitoires de sécurité, ainsi que dans la mise en place d’un gouvernement provisoire d’union nationale.  Le représentant a en outre encouragé les dirigeants sud-soudanais à assurer une représentation significative des femmes auprès des institutions en charge de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.

Passant aux questions sécuritaires, il s’est réjoui du respect du cessez-le-feu dans certaines régions du pays et des mesures de confiance instaurées par le Gouvernement sud-soudanais et les groupes d’opposition à la suite de la signature de l’Accord.  La délégation ivoirienne exhorte les parties à consolider cette trajectoire pacifique afin que les régions encore affectées par des affrontements armés et des violences intercommunautaires puissent retrouver la paix et la stabilité.  Elle se félicite de l’engagement multiforme des pays membres de l’IGAD dans le règlement de ce conflit et exhorte les dirigeants de l’IGAD et des Nations Unies à procéder au déploiement rapide de la Force de protection régionale de la MINUSS en vue de garantir la protection des populations civiles.

La Côte d’Ivoire, a poursuivi le délégué, reste préoccupée par la situation humanitaire au Soudan du Sud qui est marquée par le nombre élevé de déplacés internes et de réfugiés, les problèmes d’insécurité alimentaire et les risques sanitaires liés à l’apparition du virus Ebola en République démocratique du Congo.  Cette situation est aggravée par la persistance d’actes délibérés d’entraves à l’assistance humanitaire, a remarqué le représentant, condamnant au passage tous les actes de violence à l’encontre des agents humanitaires et le pillage de leur matériel.  Sa délégation appelle les parties sud-soudanaises à créer un environnement sécuritaire propice à la fourniture de l’aide humanitaire et au retour, en toute sécurité, des personnes déplacées dans leurs zones d’origine.

S’agissant du régime de sanctions au Soudan du Sud, le représentant a encouragé le Gouvernement sud-soudanais, les pays de la région, le Comité des sanctions et le panel d’experts à une plus grande collaboration dans le but de soutenir les efforts de paix en cours.

M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a rappelé que le processus de paix lié à l’Accord revitalisé était « en phase de pré-mise en œuvre » et reconnu que celle-ci avait pris du retard, non du fait des parties selon lui mais du fait de certaines difficultés techniques.  Il a cependant appuyé le point de vue du Secrétaire général selon lequel une volonté politique était maintenant requise, y compris de la part de la communauté internationale, pour aboutir.  Tout en travaillant à la pleine application de l’Accord dans les mois qui viennent, il a affirmé que son gouvernement prenait très au sérieux les rapports sur les violences sexuelles.  Le rapport concernant l’attaque récente de 150 femmes est particulièrement perturbant, a-t-il estimé, et les coupables ne doivent pas être autorisés à s’en sortir.  À cette fin, une mission d’enquête a été établie sous l’égide du Ministère du genre, de l’enfance et du bien-être social, a-t-il indiqué.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale célèbre le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « joyau du multilatéralisme »

Soixante-treizième session,
57e,58e & 59e séances plénières – matin & après-midi
AG/12109

L’Assemblée générale célèbre le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « joyau du multilatéralisme »

« Joyau du multilatéralisme », « socle de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » ou encore « signe d’espoir » pour les peuples vivant sous le joug colonial, la Déclaration universelle des droits de l’homme a été à l’honneur aujourd’hui à l’Assemblée générale, pour les 70 ans de ses 30 articles dont le premier énonce: « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».  Dans une longue réunion où se sont succédés plus d’une quarantaine d’orateurs, l’Assemblée a aussi commémoré le vingtième anniversaire de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et salué les quatre lauréats du Prix des Nations Unies pour la cause de ces droits.  

La Déclaration universelle des droits de l’homme est « un joyau du multilatéralisme » et un document « historique » qui est le legs d’une génération qui a souffert de la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, a rappelé la Présidente de l’Assemblée générale, Mme María Fernanda Espinosa Garcés.  Au lendemain de l’Holocauste et des horreurs, nos fondateurs visionnaires ont rédigé 30 articles qui ont jeté les bases de ce qu’ils ont décrit comme « le socle de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde », a renchéri le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres.  Quand elle a été adoptée, le 10 décembre 1948, seuls quatre États africains étaient Membres des Nations Unies.  Mais cette adoption, a confié le Groupe des États d’Afrique, a été un « signe d’espoir » pour nous, car la Déclaration parlait directement des souffrances et de la réalité du colonialisme. 

Mais, sept décennies plus tard, il reste encore un long chemin à parcourir, a fait observer le Secrétaire général.  Des femmes, des hommes et des enfants dans le monde entier endurent encore des contraintes voire le déni total de leurs droits.  La torture, les exécutions extrajudiciaires, la détention sans procès et d’autres violations iniques des droits de l’homme persistent.  Un nombre incalculable de femmes et de filles sont encore confrontées, au quotidien, à l’insécurité, à la violence et à la discrimination.  Aujourd’hui encore, nous voyons une vague montante d’autoritarisme, d’intolérance, de xénophobie et de racisme.

Or, ce n’est qu’en respectant et en promouvant les droits de l’homme, a souligné le Secrétaire général, que nous réaliserons le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et des sociétés diverses, inclusives, paisibles et épanouies sur une planète saine.  La mise en place d’une gouvernance qui sert au lieu de faire taire, et de systèmes économiques ancrés dans la dignité de chacun nous sous-tend la légitimité d’un gouvernement et la souveraineté des États, a souligné la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet qui a fait le serment, à l’occasion du vingtième anniversaire de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, de plaider pour l’espace dont ils ont besoin pour accomplir leur travail.  Le Rapporteur spécial sur la situation de ces défenseurs, M. Michel Forst a proposé l’élaboration de lignes directrices des Nations Unies, afin que les coordonnateurs résidents soient dotés d’une vraie stratégie sur le terrain, et que toutes les agences de l’ONU intègrent cette question à leur cadre stratégique.

Mais qui sont ces défenseurs des droits de l’homme?  Ce sont, a rappelé le Secrétaire général, les peuples autochtones qui défendent leurs terres, leurs traditions et leur environnement; les groupes de citoyens qui sauvent des migrants de la noyade et de l’exploitation; les travailleurs humanitaires qui fournissent une aide salvatrice à des civils piégés par un conflit; les femmes qui luttent pour participer aux conseils d’administration et aux tables de négociation de paix; les juristes qui défendent l’indépendance de la justice; les responsables syndicaux qui défendent l’emploi décent et le salaire minimum vital; les journalistes qui enquêtent sur les disparitions et la corruption; les activistes qui manifestent contre la pollution et les changements climatiques; les personnes d’ascendance africaine qui s’élèvent contre le racisme et la discrimination; le personnel de santé qui cherche le moyen d’améliorer les traitements pour les patients porteurs du VIH.

Pourtant, en 20 ans, 3 500 d’entre eux ont perdu la vie, harcelés, attaqués, traités de traîtres voire de terroristes, a énuméré la Haute-Commissaire aux droits de l’homme.  Un monument en leur mémoire sera érigé au Ministère des affaires étrangères, a annoncé l’Irlande.  Entre 2015 et 2017, a alerté l’Union européenne, 1 000 défenseurs des droits de l’homme ont été assassinés.  « 1 000 en deux ans!  C’est inacceptable », s’est-elle emportée, en indiquant qu’elle a débloqué une somme de 3 millions d’euros pour leur protection dont plus de 550 ont bénéficié « dans des situations critiques ».  La France a rappelé qu’elle a organisé à Paris, au mois d’octobre, le Sommet mondial des défenseurs de droits humains, où plus de 150 de ces défenseurs sont venus du monde entier.  Dès 2019, a-t-elle ajouté, notre politique d’aide publique au développement sera mobilisée en soutien à ces défenseurs, y compris en finançant leurs projets.  La Tunisie s’est prévalue de son statut d’« exemple vivant » des véritables changements que les défenseurs des droits de l’homme peuvent apporter au monde car ce sont eux qui les premiers ont appelé à davantage de justice et de liberté en 2011.

La Haute-Commissaire n’a pas oublié les « défenseures », lesquelles doivent en plus endurer la violence fondée sur le sexe et les préjugés sociaux, en raison de l’extrémisme religieux et les accusations de « trahison culturelle ».  Le Liechtenstein a rappelé que cette journée marque également le cinquième anniversaire de la toute première résolution de l’Assemblée générale sur la protection des « défenseures ».  Justement, cette année, le Prix des Nations Unies pour la cause des droits de l’homme a été décerné à Asma Jahangir, fondatrice dès 1968, du premier centre d’assistance juridique au Pakistan; Rebecca Gyumi, promotrice des changements législatifs sur le mariage des enfants en Tanzanie; et Joênia Wapichana, première avocate autochtone à défendre une affaire devant la Cour suprême du Brésil.  L’ONG irlandaise « Front Line Defenders » a reçu le Prix parce que, chaque année, elle apporte un soutien rapide et pratique à plus de 2 000 défenseurs des droits de l’homme menacés. 

Les dangers encourus par les militants écologistes n’ont échappé à personne.  La Ministre norvégienne des affaires étrangères, Mme Ine Eriksen Søreide, a attiré l’attention sur la résolution que son pays a présentée au Conseil des droits de l’homme, espérant qu’elle fera la différence « pour ceux qui luttent contre l’exploitation abusive des terres et des ressources ».  Si la communauté internationale entend véritablement réaliser le Programme 2030, elle se doit de répondre à la violence grandissante, au harcèlement et à la diabolisation des défenseurs du droit de l’environnement, a exhorté l’Islande.  L’Équateur a dit s’être porté coauteur, aux côtés de l’Afrique du Sud, d’un projet d’instrument juridiquement contraignant pour réglementer les activités des entreprises transnationales et commerciales et d’un projet de protocole facultatif centré sur les victimes d’abus de leurs droits.

L’Espagne a indiqué s’être dotée d’un programme spécial de protection permettant d’accueillir temporairement, sur son territoire, des défenseurs des droits de l’homme menacés dans leur pays d’origine.  La Slovénie dont la capitale, Ljubljana, est devenue membre du réseau international des villes-refuges en 2011, offre un abri aux écrivains et aux artistes en danger.

La Ministre norvégienne des affaires étrangères a salué l’annonce faite par le Secrétaire général aujourd’hui de développer une approche plus cohérente et plus globale pour soutenir les défenseurs des droits de l’homme au sein de l’Organisation.  La Suisse a d’ailleurs regretté que l’Assemblée ait tenu sa réunion dans un cadre formel qui limite la participation de la société civile.  En tant que membre du Conseil de sécurité, en 2019 et 2020, l’Allemagne a promis de tout faire pour veiller à ce que cette société participe aux travaux de l’Organisation.  La Ministre norvégienne a exhorté l’Assemblée à assurer un meilleur financement du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui ne reçoit que 3% du budget ordinaire de l’ONU.

L’Assemblée achèvera ce débat demain, mercredi 19 décembre, au cours d’une séance ouverte à 10 heures, qui portera aussi sur l’approbation du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté à Marrakech, le 10 décembre dernier.

QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME, Y COMPRIS LES DIVERS MOYENS DE MIEUX ASSURER L’EXERCICE EFFECTIF DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES

Réunion commémorative à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et Programme d’action de Vienne organisée en application de la résolution 72/169 du 19 décembre 2017

Déclarations liminaires

La Présidente de l’Assemblée générale, Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, a estimé que la Déclaration universelle des droits de l’homme est « un joyau du multilatéralisme » et un document « historique » qui est le leg d’une génération qui a souffert de la tragédie de la Seconde Guerre mondiale et a reconnu que le respect des droits de l’homme est crucial.  La Présidente a salué le rôle joué par Eleanor Roosevelt et d’autres femmes dans l’élaboration de la Déclaration qui est aujourd’hui une source d’inspiration pour de nombreuses femmes privées de droits dans le monde.  

Mme Espinosa Garcés a également rappelé que nous commémorons aujourd’hui le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et Programme d’action de Vienne qui a donné lieu à la création du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

La Déclaration universelle, a-t-elle poursuivi, a transformé le monde avec ses 30 articles qui ont inspiré la plupart des instruments internationaux en vigueur et des lois nationales.  La Présidente a mis en garde contre les reculs et la politisation des droits de l’homme.  Si nous ne faisons pas de ces principes une réalité, il est à craindre que l’humanité se retrouve de nouveau face à la peur, la division, voire dans des conflits similaires à ceux d’il y a 70 ans. 

Les droits de l’homme sont les mêmes pour tous et ils exigent une lutte quotidienne.  De nombreux êtres humains ne sont toujours pas libres.  Ils souffrent toujours de la faim, sont toujours victimes de la torture, des formes modernes d’esclavage, d’exclusion, alors que les droits des femmes continuent d’être violés.  L’adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées, qui va être entériné demain par l’Assemblée générale, porte à croire, a souligné la Présidente, que de nombreux États sont disposés à appliquer les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Elle a insisté sur le respect des droits des migrants, en cette Journée internationale des migrants proclamée par l’UNESCO. 

Au nom du multilatéralisme, a conclu la Présidente, la communauté internationale doit renouveler son engagement en faveur de la Déclaration universelle.  C’est le meilleur hommage que nous pouvons rendre à un document qui est aussi valable aujourd’hui qu’il l’était il y a 70 ans. 

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré qu’il y a 70 ans, au lendemain de l’Holocauste et des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, nos fondateurs visionnaires ont rédigé 30 articles qui ont jeté les bases de ce qu’ils ont décrit comme « le socle de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».  L’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme a fait que, pour la première fois, les pays se sont regroupés pour reconnaître que tous les individus, partout dans le monde, sont nés libres et égaux et partagent des droits fondamentaux et inaliénables.  Les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques inscrits dans ce document appartiennent à chacun d’entre nous.

Où que l’on vive, quels que soient notre statut ou notre place dans la société, notre race, notre couleur, notre sexe, notre orientation sexuelle, notre langue, notre religion, nos opinions, notre nationalité ou notre statut économique, nous sommes tous égaux en droits de l’homme et en dignité.  Personne ne perd jamais ses droits de l’homme, quoi qu’il fasse, où qui qu’il soit.

La clarté et la profondeur avec lesquelles la Déclaration universelle des droits de l’homme parle aux aspirations des peuples partout en ont fait le document le plus traduit au monde.  Notre défi, a prévenu le Secrétaire général, demeure de le traduire dans la réalité pour tous et dans le monde entier.  La Déclaration est bien plus qu’une source d’inspiration et une déclaration de principes.  Ses 30 articles constituent des mesures pratiques pour faire avancer la paix et le développement inclusif.

Au fil des sept décennies, a encore dit M. Guterres, la Déclaration a permis aux femmes et aux hommes de toutes les régions de revendiquer leurs droits et de contester les forces d’oppression, d’exploitation, de discrimination et d’injustice.  Partout dans le monde, les gens ont graduellement acquis de plus en plus de libertés et d’égalité.  Les conditions de vie marquées par la misère économique et l’exploitation ont été améliorées.  Les droits des femmes ont été promus ainsi que ceux de l’enfant, des victimes de la discrimination raciale et religieuse, des peuples autochtones et des personnes handicapées.  Les auteurs de violations horribles des droits de l’homme ont été traduits en justice par les tribunaux internationaux.

Mais, sept décennies plus tard, il reste encore un long chemin à parcourir, a fait observer M. Guterres.  Des femmes, des hommes et des enfants dans le monde entier endurent encore des contraintes voire le déni total de leurs droits.  La torture, les exécutions extrajudiciaires, la détention sans procès et d’autres violations iniques des droits de l’homme persistent.  Un nombre incalculable de femmes et de filles sont encore confrontées, au quotidien, à l’insécurité, à la violence et à la discrimination.  Aujourd’hui encore, nous voyons une vague montante d’autoritarisme, d’intolérance, de xénophobie et de racisme.

Ce n’est qu’en respectant et en promouvant les droits de l’homme, a souligné le Secrétaire général, que nous réaliserons le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et des sociétés diverses, inclusives, paisibles et épanouies sur une planète saine.

Le Secrétaire général a ajouté une note personnelle: j’ai grandi, a-t-il raconté, sous la dictature, travaillé dans les bidonvilles de Lisbonne, plus tard, vu les conséquences amères des abus des droits de l’homme en tant que Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.  En tant que Secrétaire général, M. Guterres a mis l’accent sur la Charte qui fait des droits de l’homme une partie intégrante de l’identité même de cette Organisation.

Les droits de l’homme sont une partie intrinsèque de tout ce que nous faisons et de tout ce que nous sommes.  Les droits de l’homme inspirent, transforment, sont les moteurs du progrès et changent le cours de l’Histoire.  En tant que gardiens de la Déclaration universelle des droits de l’homme, votre engagement continu en faveur des droits qu’elle consacre est « critique », a conclu le Secrétaire général, en ajoutant: « maintenons allumé le phare de ce document pour qu’il continue de nous guider sur la voie de la paix, de la dignité, de la sécurité et d’égalité des chances ».   

La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme MICHELLE BACHELET, a rappelé que le premier élan vers la Déclaration des droits de l’homme est venu d’Amérique latine, puis la Chine, le Costa Rica, le Ghana, l’Inde, la Jamaïque, le Liban, le Libéria, le Pakistan et les Philippines ont insisté sur des engagements forts contre la torture, pour les droits des femmes et sur la justice, la dignité et la conscience.  Ensemble, les États de toutes les régions du monde ont rédigé les 30 articles de la Déclaration universelle, et aujourd’hui, leur promesse est toujours valable: le fait que l’on reconnaisse le respect des droits de chacun d’entre nous comme la seule voie vers la paix et le développement inclusif est aussi puissant et pertinent aujourd’hui qu’il y a 70 ans. 

Les acquis de la Déclaration pour des millions de femmes et d’hommes sont indéniables et les attaques actuelles contre les droits et libertés fondamentaux ne sont pas motivées par l’échec mais plutôt par le succès de la Déclaration.  Parce que les droits de l’homme s’opposent à l’exploitation de la majorité par la minorité, ils exigent une gouvernance et des institutions au service des peuples et non des intérêts égoïstes de quelques puissants. 

Cette Assemblée, a poursuivi Mme Bachelet, représente les espoirs et les intérêts de tous les peuples et son socle est la détermination de protéger les générations futures du fléau de la guerre, de réaffirmer la foi dans les droits de l’homme, la dignité et la valeur de chaque être humain, de créer les conditions sous lesquelles la justice et le respect du droit international peuvent être maintenus et de promouvoir le progrès social et de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.

L’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme est un rappel important de la raison d’être des Nations Unies et de l’Assemblée générale et de l’objectif qu’elles servent aujourd’hui.  Les 30 articles de la Déclaration nous guident vers des mesures contre la violence et la destruction.  Ils réparent la fracture sociale et nous éloignent des conflits pour nous rapprocher des solutions pacifiques partagées.  Ils se renforcent mutuellement.

La mise en place d’une gouvernance qui sert au lieu de faire taire, et de systèmes économiques ancrés dans la dignité relèvent de la responsabilité de tous les dirigeants.  Elle sous-tend la légitimité d’un gouvernement et la souveraineté des États, a souligné la Haute-Commissaire.

Déclarations

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a signalé que lors de l’adoption de la Déclaration, le 10 décembre 1948, seuls quatre États étaient Membres des Nations Unies et avaient leur place à la table.  À l’époque, la plupart des pays africains étaient absents, encore sous le joug du colonialisme.  L’adoption de la Déclaration a été un signe d’espoir pour nous, a confié le représentant, car elle stipulait que les droits de l’homme et les libertés fondamentales étaient inhérents à chaque être humain, parlant directement des souffrances et de la réalité de cette période.  Pour de nombreux mouvements de libération africains, l’article 1 de la Déclaration et les autres ont insufflé un élan à la lutte pour la liberté et l’indépendance et amplifié la cause contre l’injustice et la subjugation coloniale.

Pour le Groupe des États d’Afrique, l’adoption historique de la Déclaration rappelle le chemin parcouru, en tant que nations, dans le combat pour le plein respect de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales.  Nous avons pris cette Déclaration à bras le corps, a affirmé le représentant, qui a rendu hommage à Eleanor Roosevelt, Présidente du Comité de rédaction de la Déclaration et baptisée par le Président Harry Truman de « Première Dame du monde ».  Le représentant a salué la forte conviction d’Eleanor Roosevelt pour laquelle la Déclaration était aussi importante pour le monde que la Déclaration de l’indépendance, pour les citoyens américains.

Le représentant s’est enorgueilli des progrès accomplis par l’Afrique dans la promotion des droits de l’homme.  Citant les instruments adoptés par l’Union africaine et les organisations sous-régionales, il a souligné que certains d’entre eux mentionnent spécifiquement la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Ces instruments ont aussi été assortis d’institutions pour faciliter leur application concrète, comme la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, des institutions qui ont fait une immense contribution.  Si elles reçoivent des ressources suffisantes, elles auront un impact qui sera ressenti dans tout le continent, surtout pour les plus vulnérables.  Le représentant a enfin mis en garde contre les menaces posées aux droits de l’homme, dont la xénophobie, le racisme, la traite des personnes, les attaques contre les migrants et d’autres menaces pressantes au bien-être de la planète et des citoyens du monde.  Il a exhorté les nations à renouveler leur engagement en faveur des valeurs et des idéaux de la Déclaration universelle des droits de l’homme.   

Au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, M. MAHMADAMIN MAHMADAMINOV (Tadjikistan) a estimé qu’avec le temps, la Déclaration universelle des droits de l’homme est devenue l’incarnation universelle du droit à la vie, à la liberté d’expression, à la liberté, à l’égalité, à l’alimentation, à la protection et, par-dessus tout, à une vie digne.  La Déclaration universelle part aussi du postulat que les différents droits ne peuvent être atteints que conjugués les uns aux autres.  Cette indivisibilité et cette interdépendance ont été confirmées en 1993 par la Déclaration et Programme d’action de Vienne, a-t-il rappelé, jugeant que les deux documents démontrent la volonté de la communauté internationale de rendre le monde meilleur.

Pourtant, a-t-il pointé, en dépit des efforts normatifs et l’architecture des mécanismes, des inquiétudes continuent de se faire jour en raison des défis auxquels est confronté l’esprit du multilatéralisme.  Nous devons garantir un environnement de travail sûr aux personnes engagées dans la promotion et la protection des droits de l’homme et faciliter leurs activités, a-t-il plaidé.  Dans ce cadre, a poursuivi M. Mahmadaminov, nous devons garder à l’esprit que l’état de droit s’applique à tous de manière égale.  Se conformer à ces principes permettra, selon lui, de maintenir l’objectivité et la neutralité de ceux qui s’emploient à promouvoir et protéger les droits humains.  De surcroît, a-t-il ajouté, nous devrions lutter contre la politisation de ces questions et privilégier la voie de la coopération et du dialogue constructif.  Il a conclu son propos en appelant à la poursuite des efforts en vue de la réalisation de la Déclaration universelle et de la Déclaration et Programme d’action de Vienne, qui demeurent les deux piliers de l’action en faveur des droits de l’homme.

Au nom du Groupe des États d’Europe orientale, Mme AUDRA PLEPYTÉ (Lituanie) a noté que l’adoption en 1948 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « fruit des énormes souffrances endurées par les peuples durant la Seconde Guerre mondiale et de leur lutte pour la paix », a constitué la « première étape » d’un long voyage destiné à rassembler l’humanité en réponse aux atrocités de la « plus grande tragédie de l’histoire » et à construire un nouveau monde, avec les droits de l’homme comme pilier.  La Déclaration est depuis lors devenue une pierre angulaire des normes internationales en matière de droits de l’homme sur laquelle de nombreux États ont construit une solide architecture des droits humains, a-t-elle relevé, se félicitant qu’à l’issue de la guerre froide, la communauté internationale ait franchi une nouvelle étape sur cette voie en adoptant la Déclaration et Programme d’action de Vienne.

Toutefois, a constaté la représentante, « en nous retournant sur les sept décennies écoulées, nous mesurons que les promesses de la Déclaration universelle et de la Déclaration et Programme d’action de Vienne restent à réaliser », et ce, bien qu’elles continuent de porter le testament de leurs idéaux éternels d’égalité, de justice et de dignité humaine.  Cet anniversaire, a dit la représentante, est le moment opportun d’évaluer les effets sociétaux qu’ont eus les droits de l’homme au long des années.  Il convient de démontrer que la Déclaration universelle et la Déclaration de Vienne continuent d’inspirer notre réflexion sur les moyens de défendre les droits de l’homme et l’état de droit face aux défis existants.  Au-delà de l’espoir qu’il suscite, cet anniversaire vient aussi rappeler que l’on ne peut tenir les droits humains pour acquis, a souligné la déléguée, appelant la communauté internationale à répondre aux violations et suppressions des droits humains, à prévenir la violence et à maintenir la paix.  À cet égard, a-t-elle ajouté, il nous faut sécuriser nos acquis et nous mobiliser pour maintenir notre engagement en faveur de la défense des droits de l’homme et réaffirmer la signification fondamentale de ces droits pour nos vies et celles des générations futures.  Nous devons pour cela trouver la force dans la dimension morale de la Déclaration universelle, a-t-elle conclu, reconnaissant qu’« il nous reste un long chemin à parcourir ».

Au nom du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, Mme VERONICA CORDOVA SORIA (Bolivie), a indiqué que l’adoption, le 25 juin 1993, de la Déclaration de Vienne a réaffirmé l’engagement de tous les États de respecter leur obligation de promouvoir le respect universel de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales et mis l’accent sur le caractère indispensable de la coopération internationale.  Elle a souligné que la Déclaration universelle des droits de l’homme a permis à tous, partout dans le monde, de réclamer leurs droits et de lutter contre toutes les formes d’oppression, d’exploitation, de discrimination et d’injustice.  Elle a également tenu à reconnaître l’importance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, tout aussi indispensables à la dignité et au développement personnel de chacun d’entre nous.  La représentante a néanmoins attiré l’attention sur le risque d’érosion des valeurs universelles et exhorté au renforcement du système multilatéral pour y faire face, sur la base de la compréhension mutuelle, du dialogue, de la transparence, de la confiance et de la promotion de la coopération internationale, dans le respect de la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique des États.

Au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a estimé que la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Déclaration de Vienne sont aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles l’étaient les jours où elles ont été adoptées.  Par exemple, depuis la signature de la Déclaration universelle il y a 70 ans, le monde a indéniablement évolué dans une direction prometteuse, et les droits de l’homme sont de plus en plus codifiés dans les lois nationales et protégés par des systèmes de justice qui fonctionnent.  Cela a conduit à plus de liberté, plus d’égalité et plus de prospérité.  Ainsi, la Déclaration universelle a joué un rôle déterminant dans les progrès réalisés et a même servi à plusieurs reprises d’inspiration aux constitutions nationales, sans compter les 18 traités et protocoles facultatifs qui ont fait progresser les droits de l’homme dans le monde.

Mais, a tempéré Mme Gregoire Van Haaren, « nous, les peuples des Nations Unies », avons également abandonné beaucoup de nos semblables dont beaucoup douteraient qu’ils soient vraiment nés libres et égaux en dignité et en droits.  Nombreux sont ceux qui font constamment face à des abus et à des violations de leurs droits, souvent de la part même de gouvernements qui ont la charge de protéger et de promouvoir ces droits.  Notre échec, a tancé la représentante, tient au fait que nous ne tirons pas les enseignements du passé.  Parmi ces leçons, elle a mentionné en premier le rôle crucial de la société civile, y compris une presse libre qui doit tenir les gouvernements comptables du respect et de la protection des droits de l’homme.  Les défenseurs des droits de l’homme, a poursuivi la représentante, méritent globalement notre soutien indéfectible, surtout quand ils deviennent la cible de la répression.

Deuxièmement, nous avons appris l’importance d’institutions internationales des droits de l’homme fortes, a-t-elle noté, en soulignant qu’elles sont nécessaires à la poursuite du dialogue intergouvernemental, de la compréhension mutuelle et de l’amélioration des cadres normatifs.  Là où ces institutions ne donnent pas les résultats escomptés, nous devons tous nous efforcer de les améliorer et de les renforcer.  Enfin, les Pays-Bas demandent que nous améliorions la prévention: prévention des conflits et des atrocités de masse, mais aussi des inégalités et de la pauvreté.  Le respect des droits de l’homme, a argué la représentante, devra servir d’outil préventif et le revers de la médaille, à savoir les violations et les abus des droits, doit servir de « canari dans la mine de charbon ».  Les violations et les abus sont des alertes avant que la situation n’échappe à tout contrôle.

Mme Gregoire Van Haaren a enfin salué les femmes qui ont contribué à l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Elle en a cité quelques-unes avant de mentionner les héroïnes d’aujourd’hui, Malala Yousafzai et Nadia Murad, toutes deux lauréates du prix Nobel de la paix.  Les femmes représentent la moitié de la population mondiale, elles devraient donc être équitablement représentées.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Mme SHEILA GWENETH CAREY (Bahamas) a rendu hommage aux hommes et aux femmes qui ont veillé à la rédaction de la Déclaration universelle, envisagée comme un document qui devait consigner les droits de l’homme de tous.  Aujourd’hui, ce document est universellement révéré car il consacre tous les droits de l’homme comme indivisibles et interdépendants, une reconnaissance qui a permis des avancées cruciales, y compris pour les femmes.  Elle a pris l’exemple de l’Assemblée générale, présidée aujourd’hui par une femme.  Elle a aussi pris l’exemple d’un autre « jalon » quand, il y a quelques mois, « un petit État comme les Bahamas » a remporté un siège au sein du Conseil des droits de l’homme.  Notre région est fière de ce succès et attend d’autres occasions de participer aux affaires du monde, a-t-elle déclaré, encourageant les États à faire des contributions au Fonds d’affectation spéciale pour les petits États insulaires en développement.  Les instruments comme la Convention relative aux droits de l’enfant et celle sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui découlent de la Déclaration universelle, ont fait la différence a souligné la représentante qui n’a pas oublié de mettre l’accent sur la vulnérabilité aux changements climatiques et sur des droits comme le droit à l’eau et à l’alimentation.  Elle a préconisé une approche systémique qui permette de reconnaître le lien entre paix, sécurité, développement et droits de l’homme. 

M. JAN KICKERT (Autriche) a rappelé que dans le contexte de la fin de la guerre froide, la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme avait poursuivi la voie empruntée en 1948 par la Déclaration universelle et a donc adopté la Déclaration et Programme d’action de Vienne.  Cet instrument a clairement énoncé que « la démocratie, le développement et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement ».  Cet instrument a également conduit à la création du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, « une étape importante ».

Malgré les acquis de ces 70 dernières années, il faut constater, a avoué le représentant, que la dignité et les droits inaliénables de tous les êtres humains ne sont souvent pas garantis.  On assiste même à un retour en arrière sur les engagements relatifs aux droits de l’homme.  Les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme, à qui nous rendrons un hommage spécial aujourd’hui, font face à des pressions, des restrictions et parfois des représailles.  C’est dans ce contexte que l’Autriche, conjointement avec le Bureau de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a organisé une conférence des experts des droits de l’homme de toutes les régions du monde les 22 et 23 mai derniers à Vienne, afin de commémorer le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et Programme d’action de Vienne, avec à la clef des recommandations.  M. Kickert a conclu en rappelant les conclusions de la Déclaration et Programme d’action de Vienne, qui stipulent que les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont des droits acquis à la naissance par tous les êtres humains, et leur protection et promotion est la responsabilité première des gouvernements.  

M. LUKIYANTSEV (Fédération de Russie) a indiqué que cette célébration est véritablement consacrée à un monument « historique », symbolisant la victoire sur l’idéologie de la supériorité.  La Déclaration est une norme à laquelle les États doivent tendre.  Ils doivent beaucoup à un texte qui n’est pas contraignant et qui ne nie pas les particularités culturelles, religieuses ou autres.  La force motrice du processus de coopération des États étant l’Organisation des Nations Unies, ses États Membres doivent travailler dans la solidarité contre toutes les formes de discrimination.  La Déclaration universelle, a-t-il rappelé, a été la réaction de la communauté internationale face aux souffrances innommables infligées par la doctrine du nazisme.  Il s’est donc inquiété des tentatives « cyniques » de nier cette réalité et de changer l’histoire.

M. ADBELAZIZ, Ligue des États arabes, a parlé des avancées des États de la Ligue dans le domaine des droits de l’homme, comme la création dès 1968 de la Commission arabe des droits de l’homme.  Il a aussi parlé de l’adoption de la Charte arabe des droits de l’homme de 2002 et de la Journée arabe des droits de l’homme.  L’Observateur a également évoqué la mise en place d’un « Plan arabe pour l’éducation aux droits de l’homme 2009-2014 » et l’organisation de conférences, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Il a conclu sans oublier d’insister sur le droit du peuple palestinien à poursuivre sa lutte pour l’autodétermination. 

Cérémonie au cours de laquelle sera décerné le Prix des Nations Unies pour la cause des droits de l’homme organisée en application de la décision 73/509 de l’Assemblée générale du 28 novembre 2018

Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, Présidente de l’Assemblée générale, a rappelé que les premiers prix ont été décernés en 1968, à l’occasion du vingtième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Saluant des lauréats qui agissent parfois au péril de leur vie, elle a affirmé que ces prix sont « un message de reconnaissance pour tous les défenseurs des droits de l’homme où qu’ils se trouvent » et dont le combat nous permet de jouir de nos droits.  Aux récipiendaires de cette année, elle a demandé de continuer, « même si la voie qu’ils ont choisie est parmi les plus difficiles ».   

Il est important, a déclaré, à son tour, le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, de rendre hommage aux défenseurs des droits de l’homme qui s’emploient à faire respecter la Déclaration universelle et à faire des droits de l’homme « une réalité pour tous ».  Aujourd’hui, a-t-il déclaré, nous saluons les contributions exceptionnelles de trois personnalités et d’une organisation.  Le Secrétaire général a ainsi félicité Rebeca Gyumi de la République-Unies de Tanzanie, militante des droits des filles à l’éducation; feue l’avocate des droits de l’homme, Asma Jahangir du Pakistan; Joênia Batista de Carvalho, première avocate autochtone du Brésil; et l’organisation « Front Line Defenders » de l’Irlande, qui protège les défenseurs des droits de l’homme menacés.

Leur travail et celui des autres défenseurs des droits de l’homme est essentiel pour nos efforts collectifs de maintenir la paix et de garantir un développement durable et inclusif, a souligné M. Guterres, observant que « cela est souvent dangereux ».  En effet, a-t-il noté, nous sommes régulièrement informés d’abus à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, qu’il s’agisse de meurtres, de disparitions, de torture, de détention arbitraire ou d’autres actions tendant à les faire taire.  Ces personnes et groupes courageux apportent une lueur d’espoir partout où des violations des droits de l’homme sont commises.  Les défenseurs des droits de l’homme, a-t-il poursuivi, donnent une voix aux sans-voix et offrent aux personnes impuissantes une protection contre l’injustice.  Ils défendent tous les droits, économiques, civils, politiques, sociaux et culturels.  Ils soutiennent l’état de droit et œuvrent pacifiquement aux changements législatifs afin que les femmes et les filles, les communautés autochtones, les minorités et les autres groupes marginalisés puissent jouir de leurs droits.  Ils s’emploient en outre à autonomiser les personnes par l’éducation et contribuent à la protection d’autres défenseurs des droits l’homme contre le harcèlement, l’intimidation ou l’arrestation.

« Nous les saluons tous », a lancé le Secrétaire général, ajoutant que les lauréats d’aujourd’hui partagent leur prix avec tous ceux qui l’ont reçu ces 50 dernières années.  Parmi eux, a-t-il rappelé, figurent Eleanor Roosevelt, Martin Luther King, Nelson Mandela, Jimmy Carter, Malala Yusafzai, et les deux prix Nobel de la paix de cette année, Denis Mukwege et Nadia Murad, ainsi que des organisations telles qu’Amnesty International et le Comité international de la Croix-Rouge.  « Vous intégrez une liste prestigieuse et je vous en félicite », leur a-t-il dit, avant de les remercier, au nom de la communauté internationale, pour leurs efforts en faveur de la promotion des droits de l’homme pour tous.

Mme MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, s’est déclarée non seulement émue par le grand courage et la ténacité des lauréats mais également par l’impact de leurs actions.  La défense des droits de l’homme n’est pas uniquement un acte noble en soi mais c’est une partie essentielle de la façon dont les sociétés résolvent les problèmes, redressent les torts et avancent vers la paix, l’inclusion et une prospérité durable, a-t-elle estimé.

Elle a signalé que lorsqu’Asma Jahangir a fondé, en 1968, le premier centre d’assistance juridique au Pakistan, sa défense des droits des femmes, des enfants, des minorités religieuses et des pauvres a contribué au renforcement de l’état de droit, en tant que moteur d’une meilleure gouvernance.  Asma Jahangir a inspiré des générations de défenseurs des droits de l’homme bien au-delà des frontières pakistanaises, et lorsqu’elle l’a perdue, la communauté toute entière a été plongée dans le deuil.

Le travail de Rebecca Gyumi a favorisé des changements législatifs sur le mariage des enfants en Tanzanie, « acquis incommensurable », non seulement pour des générations de jeunes filles mais aussi pour l’économie et la société toute entière.  Son travail d’autonomisation et d’éducation des filles continue à sensibiliser aux droits de l’homme et à l’engagement du Programme de développement durable à l’horizon 2030 de ne laisser personne sur le côté.

Joênia Wapichana, première avocate autochtone à défendre une affaire devant la Cour suprême du Brésil, a, par son travail, protégé les droits des peuple macuxi, wapixana, ingarikó, taurepang et patamona à leurs terres et cultures ancestrales.  Joênia Wapichana défend une approche inclusive du développement reposant sur les droits de l’homme et la justice sociale, ce qui favorise une coexistence pacifique des peuples au Brésil.

Andrew Anderson de « Front Line Defenders » fait partie d’une organisation qui, chaque année, apporte un soutien rapide et pratique à plus de 2 000 défenseurs des droits de l’homme menacés.  Cet appui va de la subvention pour la protection, à la formation et au renforcement des capacités en termes de sécurité physique et numérique, en passant par des lignes électroniques de communication d’urgence et des campagnes régulières.  Nous honorons et louons cet appui courageux, a déclaré la Haute-Commissaire.  Elle a rappelé que les défenseurs des droits de l’homme travaillent souvent dans un climat de restrictions croissantes et sous la menace de la violence, de la stigmatisation, de la criminalisation et même de mort.  « Vous et la communauté des défenseurs des droits de l’homme à laquelle vous appartenez, vous êtes mon inspiration », a-t-elle lancé à l’adresse des lauréats.     

Mme Bachelet a ensuite expliqué que le Prix des Nations Unies pour la cause des droits de l’homme est l’un des plus anciens et des plus distingués.  Il a été établi en 1966 par l’Assemblée générale pour reconnaître les contributions remarquables en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.  Ce Prix est l’occasion de reconnaître publiquement la lutte des lauréats et d’envoyer un message d’appui et de gratitude aux défenseurs des droits de l’homme du monde entier.  Il rappelle les enjeux importants et la profonde valeur de votre travail qui est également le nôtre, a encore affirmé Mme Bachelet, qui a ajouté que la défense des droits bâtit des sociétés plus robustes ancrées dans la justice, au lieu de la peur; la dignité, au lieu de l’exploitation; le respect, au lieu de l’humiliation, du dédain et de la discrimination.    

Séance plénière de haut niveau à l’occasion du vingtième anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus

Déclarations

La Présidente de l’Assemblée générale, Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, a rappelé que les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle essentiel pour des sociétés justes et libres.  Comme parfois ce sont eux et leurs organisations qui tirent la sonnette d’alarme sur des violations, les États doivent créer les conditions nécessaires à la bonne exécution de leurs tâches.  Les réseaux d’appui à la société civile sont à cet égard importants car ce sont ces défenseurs des droits de l’homme qui donnent vie à la Déclaration universelle, en donnant une voix à ceux qui n’en ont pas.  Sans ces défenseurs, les nombreux progrès que nous apprécions aujourd’hui n’auraient pas été possibles.  La communauté internationale a donc la responsabilité de défendre et protéger ces défenseurs, a rappelé la Présidente de l’Assemblée générale, qui a déploré que pas moins de 3 500 d’entre eux aient été assassinés depuis l’adoption de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales.  Rien qu’en 2017, 300 défenseurs ont perdu la vie, et la situation de leurs collègues femmes est encore plus précaire.  Elles sont en effet plus exposées en raison de leur double casquette de défenseur et de femme.  La Présidente a aussi attiré l’attention sur la recrudescence des attaques contre les défenseurs de l’environnement: « si nous ne les défendons pas, l’injustice frappera vite à nos portes, mais si nous assumons notre responsabilité de citoyen, nous deviendrons à notre tour défenseur des droits de l’homme ». 

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, a exprimé son admiration pour ces militants qui consacrent leur vie, et parfois se sacrifient, pour défendre le respect des droits économiques, sociaux, culturels, civiques et politiques.  Il a voulu montrer la diversité de ces défenseurs en en citant quelques-uns: les peuples autochtones qui défendent leurs terres, leurs traditions et leur environnement; les groupes de citoyens qui sauvent des migrants de la noyade et de l’exploitation; les travailleurs humanitaires qui fournissent une aide salvatrice à des civils piégés par un conflit; les femmes qui luttent pour participer aux conseils d’administration et aux tables de négociation de paix; les juristes qui défendent l’indépendance de la justice; les responsables syndicaux qui défendent l’emploi décent et le salaire minimum vital; les journalistes qui enquêtent sur les disparitions et la corruption; les activistes qui manifestent contre la pollution et les changements climatiques; les personnes d’ascendance africaine qui s’élèvent contre le racisme et la discrimination; le personnel de santé qui cherche le moyen d’améliorer les traitements pour les patients porteurs du VIH.

Toutes ces personnes défendent et plaident pour les droits, principes et valeurs sur lesquels l’ONU est fondée, a souligné M. Guterres.  Notant la montée de l’intolérance et le rétrécissement de l’espace accordé à la société civile, il s’est inquiété que ces droits restent menacés dans de nombreux domaines et régions.  Des défenseurs sont « persécutés, intimidés, incarcérés et même assassinés », s’est-il insurgé.  Et, sous prétexte de lutte antiterroriste, plusieurs pays ont adopté des lois ou des mesures qui restreignent le travail des défenseurs des droits de l’homme.

Pour le Secrétaire général, il est important de reconnaître que les défenseurs des droits de l’homme sont des partenaires majeurs des gouvernements et des Nations Unies pour faire face aux énormes défis dans la mise en œuvre du Programme 2030.  Et ils ne peuvent jouer ce rôle essentiel que s’ils disposent de la protection et de l’espace nécessaires.  « Protéger les droits de l’homme renforce les États et les sociétés et aide à prévenir les conflits », a assuré M. Guterres, alors que les négliger fait beaucoup de dégâts.  Si davantage d’attention avait été apportée aux droits de l’homme dans le monde ces deux dernières décennies, « nous aurions empêché beaucoup de morts, de souffrance et d’instabilité et préservé les difficiles acquis du développement ».  « Quand les défenseurs des droits de l’homme sont menacés, les principes des Nations Unies sont attaqués », a insisté le Secrétaire général.

En conclusion, il a rappelé que les défenseurs des droits de l’homme sont un gros atout pour le travail en faveur du maintien de la paix et du développement durable.  Ces individus et organisations sont en effet souvent les premiers à donner l’alerte pour empêcher des crises et ils sont des acteurs essentiels dans l’élaboration de solutions dans tous les domaines.  Le Secrétaire général a dit « admirer leur courage et leur sacrifice » et a appelé à les soutenir.

Mme MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a indiqué qu’il y a 20 ans, la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus avait réaffirmé la nécessité vitale de respecter la dignité et les droits de tous les héros des droits de l’homme dont la lutte profite à tous.  Leur travail sert aux États, car il façonne des politiques sensibles aux besoins réels et contribue à de meilleurs résultats en matière de développement, conformément au Programme 2030 et au droit au développement.

Leur travail bénéficie aux sociétés, car ils amplifient la voix de ceux que l’on n’entend pas.  Il garantit la primauté du droit, détecte et résout les tensions avant qu’elles ne dégénèrent.  Leur travail améliore les sociétés, profite aussi au commerce et aux entreprises.  Il y a une dizaine de jours, s’est expliquée Mme Bachelet, de grandes compagnies ont appelé au respect des droits des défenseurs et les entreprises, à une contribution positive aux situations où les libertés civiles.

Ces défenseurs, a poursuivi la Haute-Commissaire, appuient les droits des êtres humains dans toute leur diversité.  Elle a cité les deux derniers lauréats du prix Nobel de la paix, le Docteur Denis Mukwege et Nadia Murad.  Le premier a aidé, pendant plus de 30 ans, les survivantes de la violence sexuelle; et la deuxième, ayant survécu à cette violence, a utilisé sa force et sa compassion pour servir les autres.  La Haute-Commissaire a également évoqué Nelson Mandela, « géant des droits de l’homme », dont le centenaire vient d’être célébré en Afrique du Sud.

Qu’ils interpellent pour que les auteurs de violence soient traduits, pour sauver les migrants des dangers, pour exposer la corruption, pour mettre fin à la discrimination ou pour travailler en faveur des droits des peuples autochtones, des habitants des bidonvilles, des personnes âgées ou handicapées, les défenseurs des droits de l’homme font un travail « précieux » pour la communauté internationale et les États Membres.   

Mme Bachelet a rappelé que la Déclaration est en réalité la promesse des États de protéger les défenseurs des droits de l’homme contre toute mesure arbitraire.  C’est aussi la promesse de garantir des réparations et de diligenter des enquêtes en cas de violations de leurs droits.

Beaucoup reste à faire, a-t-elle reconnu, en attirant l’attention sur les accusations qui pleuvent sur ces défenseurs.  Ils sont traités de traîtres, de terroristes.  Ils sont harcelés ou attaqués.  Leur travail est sévèrement restreint et leurs actions, criminalisées.  Chaque jour, un défenseur est tué.  Mme Bachelet n’a pas oublié les « défenseuses » qui doivent en plus endurer la violence fondée sur le sexe et les préjugés sociaux, en raison de l’extrémisme religieux, et les accusations de « trahison culturelle ».  La Haute-Commissaire a aussi alerté sur le fait que les nouvelles technologies de l’information et des communications ouvrent de nouveaux canaux de surveillance et de restrictions du travail sur les droits de l’homme.  Elle s’est engagée à plaider pour l’espace dont les défenseurs ont besoin pour accomplir leur travail.     

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a affirmé que l’année 2018 fut particulièrement difficile pour les défenseurs des droits de l’homme.  Il a indiqué qu’avec la mort de ces défenseurs disparaissent des espoirs de justice de milliers de gens.  M. Forst a noté que son rapport est présenté aujourd’hui, avec des détails sur la situation dans 143 pays.  Il a aussi lancé, aujourd’hui, une campagne internationale pour sensibiliser la communauté internationale à la situation des défenseurs et aux moyens de les défendre et les protéger.  Il a proposé, par exemple, l’élaboration de lignes directrices des Nations Unies, afin que les coordonnateurs résidents soient dotés d’une vraie stratégie sur le terrain, et que toutes les agences de l’ONU intègrent cette question à leur cadre stratégique.

Mme INE ERIKSEN SØREIDE, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a déclaré qu’en dépit des progrès accomplis depuis l’adoption, il y a 70 ans, de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, « le monde peut être dangereux en 2018 ».  Alors que ces défenseurs sont tués quotidiennement, nous avons la responsabilité de faire davantage pour protéger les hommes et les femmes courageux qui se dressent contre les injustices faites aux autres.  Pour comprendre leurs attentes, a ajouté la Ministre, nous devons écouter et nous engager dans un dialogue avec eux et de leur conférer une légitimité, en reconnaissant leur action, tout en continuant d’encourager et de financer leurs activités.  La Chef de la diplomatie norvégienne a constaté que, si le Programme 2030 est notre feuille de route « pour le monde que nous voulons », les militants écologistes sont parmi les plus marginalisés aujourd’hui.  Le respect des droits de l’homme, l’environnement et la croissance économique ne sont pas des notions qui s’excluent.  « Œuvrons ensemble au renforcement de la protection des défenseurs de l’environnement, sur la base de la résolution présentée par la Norvège à la quarantième session du Conseil des droits de l’homme », a déclaré la Ministre, en espérant que ce texte fera la différence pour ceux qui luttent contre l’exploitation abusive des terres et des ressources.  Mme Søreide a salué, en conclusion, l’annonce faite par le Secrétaire général aujourd’hui de développer une approche plus cohérente et globale en vue de soutenir les défenseurs des droits de l’homme au sein de l’Organisation.  Elle a également appelé à un meilleur financement du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui ne reçoit que 3% du budget ordinaire de l’ONU.

Mme HINA JILANI, Avocate à la Cour suprême du Pakistan, a insisté sur la responsabilité des États de combattre l’impunité des auteurs de crimes contre les défenseurs des droits de l’homme.  Elle a dénoncé les tendances négatives observées dans certaines régions, y compris à l’égard de ceux qui coopèrent ou ont coopéré avec les mécanismes du Conseil des droits de l’homme.  Elle a exhorté la communauté internationale à prendre des mesures contre cette situation, notamment par la création d’une jurisprudence.  La société civile, a-t-elle martelé, mène des activités utiles qu’il faut veiller à ne pas restreindre et qu’il faut protéger de « l’ombre de la violence ».  Tous les organes des Nations Unies doivent œuvrer ensemble pour une défense réelle et constante des droits de l’homme, conformément aux textes en vigueur, a-t-elle conclu, en appelant la communauté internationale à faire résolument face au risque de totalitarisme car c’est la seule voie pour sauver le monde des conflits et des guerres.    

Mme ALICE MOGWE, Directrice du Centre des droits de l’homme du Botswana, a rappelé qu’en octobre 2018, elle a pris part au second Sommet mondial des défenseurs des droits de l’homme à Paris, lequel a noté qu’en 2017, 312 défenseurs ont été tués dans le monde, et plus de 3 500 ces 20 dernières années.  Les attaques ne cessent d’augmenter, notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme qui sert de prétexte pour fermer les ONG de défense des droits de l’homme.  Elle a donc invité l’ONU à mieux défendre les défenseurs des droits de l’homme et à leur donner davantage la parole.  Les États, a-t-elle dit, ont l’obligation de défendre les défenseurs et de prendre des mesures pour reconnaître leur rôle essentiel, notamment par l’adoption de plans d’action nationaux.  Ils doivent également briser le cycle de l’impunité, en traduisant en justice les auteurs de crimes contre les défenseurs.  Il faut, a martelé la représentante, une politique de tolérance zéro.  Elle s’est dite très fière de sa qualité de défenseure des droits de l’homme, ajoutant: « tout ce qui est impossible aujourd’hui, nous le rendrons possible demain par la force de nos convictions et de notre détermination ».

Mme FLORENCE SIMBIRI-JAOKO, Envoyée spéciale de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme et ancienne Présidente de l’Institut national des droits de l’homme du Kenya, a, à son tour, attiré l’attention sur le fait que, chaque fois, plus de défenseurs des droits de l’homme font l’objet de menaces, d’intimidation et de représailles.  La reconnaissance de ces menaces et de ces dangers, en particulier ceux qui pèsent sur les femmes, est « fondamentale ».  Le pluralisme et la tolérance, a-t-elle souligné, sont les conditions préalables à la coexistence dans une société humaine.  Elle a appelé au respect des Principes de Paris et plaidé pour que les médias veillent « sans relâche » à ce respect.  La contribution des défenseurs, surtout au niveau local, est « cruciale » et il est temps d’envoyer un signal fort à ceux qui veulent faire reculer des acquis gagnés de haute lutte, parfois au sacrifice de la vie.   

Débat général

M. SERGE LEON A. CHRISTIANE, Union européenne, a rappelé que 1 000 défenseurs des droits de l’homme ont été assassinés entre 2015 et 2017.  « 1 000 en deux ans!  C’est inacceptable », s’est-il emporté.  Il a voulu que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice et appelé à la mise en place de mécanismes de protection qui répondraient tant aux situations d’urgence qu’aux situations à long terme.  C’est le seul moyen de faire en sorte que les défenseurs soient systématiquement protégés et qu’ils puissent assumer le rôle vital qu’ils jouent au sein de toute société démocratique, a-t-il affirmé.  Insistant sur l’engagement de l’Union européenne, il a rappelé qu’elle a alloué plus de 3 millions d’euros pour la protection des défenseurs des droits de l’homme.  Plus de 550 défenseurs ont ainsi pu bénéficier d’une assistance dans des situations critiques.  Le délégué a rendu hommage à Lyudmila Mikhailovna Alexeyeva, lauréate du Prix Sakharov en 2009, qui vient de décéder.  Il a conclu son intervention par ces mots empruntés à Hauwa Ibrahim: « Je peux être la prochaine victime.  Si je ne me bats pas pour les victimes d’aujourd’hui, comment se battront-elles pour moi le moment venu? ».

M. SERGIY KYSLYTSYA, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a attiré l’attention de l’Assemblée sur une page tragique de l’histoire de l’Ukraine, connue sous le nom d’« Holodomor ».  Il y a 85 ans, les droits et libertés fondamentales des Ukrainiens ont été bafoués par le Gouvernement soviétique, qui a mené une politique de répression et de discrimination à grande échelle contre la nation ukrainienne, dans le seul but de la terroriser et de la soumettre au régime totalitaire stalinien, a raconté le Vice-Ministre.  Pour commémorer cette tragédie, 39 États Membres de l’ONU ont récemment signé la Déclaration sur le quatre-vingt-cinquième anniversaire de l’Holodomor de 1932-1933 en Ukraine, a indiqué M. Kyslytsya, qui les a tous cités avant de lire le texte.  Pour lui, sensibiliser la communauté internationale aux horreurs de la grande famine de 1932-1933 est aussi l’un des moyens de s’assurer que de tels crimes ne se reproduiront pas.

Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) a indiqué, à titre national, qu’elle avait mené des consultations sur la réunion de haut niveau d’aujourd’hui, tâche difficile mais qui a favorisé la création de cet espace pour réfléchir aux meilleurs moyens d’appuyer le rôle et le travail des défenseurs des droits de l’homme.  L’Italie défend une approche ouverte aux droits de l’homme, dans le respect des orientations de l’Union européenne.  J’ai reçu de ma capitale, a confié la représentante, des instructions claires pour que tous les représentants du pays dans le monde fassent une analyse et offrent leur appui aux organisations de la société civile.  Dans le cadre de la Présidence italienne de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), un atelier a été organisé afin de mettre en commun des pratiques optimales entre les pays.  La représentante a conclu sur la situation préoccupante des femmes et enfants défenseurs des droits de l’homme.

M. ALEJANDRO VERDIER (Argentine) a jugé essentiel de promouvoir la mise en œuvre des dispositions de la Déclaration pour garantir la protection effective des défenseurs des droits de l’homme dans leur travail quotidien.  Le représentant a voulu souligner la « fonction positive et légitime » qu’ils occupent pour faire respecter les normes relatives aux droits de l’homme, soutenir les victimes de violations, ainsi que pour former et sensibiliser.  M. Verdier les a remerciés pour leur lutte en faveur d’un monde plus pacifique, plus juste et plus inclusif, qui a permis à nos sociétés de faire de grands progrès dans la protection des droits de l’homme de toutes les personnes, en particulier les groupes vulnérables.

De l’avis de M. MARC-ANDRE BLANCHARD (Canada), la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée il y a 20 ans, a marqué pour ces derniers une étape importante dans la reconnaissance du travail qu’ils accomplissent et de la nécessité d’assurer leur protection.  Les défenseurs des droits de l’homme doivent pouvoir agir librement et sans ingérence, intimidation, abus, menaces, violences ou représailles, a-t-il argué, rappelant que les droits de la personne internationalement reconnus, tels que le droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association, sont au cœur de leur travail et clairement inscrits dans la Déclaration.  « N’oublions pas qu’elle a été adoptée par consensus par tous les États Membres des Nations Unies », a souligné le représentant, avant de s’alarmer des attaques auxquelles sont de plus en plus confrontés les défenseurs des droits de la personne, souvent en raison de leur travail.

Dans ce contexte, le Canada exhorte les États Membres à mettre fin aux attaques contre ces défenseurs et à leur fournir un endroit sûr où mener à bien leur travail, et ce, dans toutes les régions et dans tous les secteurs d’activités, a poursuivi le représentant, assurant que son pays continuera à soutenir les droits de la personne et l’ordre international fondé sur des règles.  À cet égard, les lignes directrices du Canada sur le soutien aux défenseurs des droits de la personne constituent un outil important et font partie intégrante de la politique étrangère canadienne, a conclu le délégué, observant que, par la nature même de leur travail, ces défenseurs « contribuent à la réalisation des objectifs et des principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la préservation de l’ordre international fondé sur des règles que nous avons bâties ensemble ».

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a rappelé que cette journée marque également le cinquième anniversaire de la toute première résolution des Nations Unies sur la protection des femmes défenseures des droits de l’homme, laquelle complète la Déclaration.  Le représentant s’est dit préoccupé du nombre croissant des intimidations et même des assassinats de défenseurs qui sont disproportionnellement affectés par la violence sexuelle et sexiste.  Il a rappelé que le système des Nations Unies a la responsabilité de faire face à ce problème, ajoutant que la lutte contre l’impunité pour les auteurs de ces attaques doit être une priorité pour chaque État Membre et pour l’Organisation.

« Ne nous payons pas de mot », a d’emblée lancé M. FRANÇOIS DELATTRE (France), relevant que, par définition, les défenseurs des droits de l’homme sont « ceux qui dérangent, qui dénoncent ».  Partout, a-t-il observé, ils agissent pour amener les États à renforcer la protection de tous les droits.  Qu’il s’agisse des droits des femmes, de la protection de l’environnement et du climat, des droits des personnes LGBTI, des migrants, des personnes autochtones, des personnes vulnérables, les défenseurs des droits de l’homme « gênent et sont donc menacés », a renchéri le représentant, avant d’appeler les États Membres à prendre collectivement l’engagement, comme il y a 20 ans, de tout faire pour que la Déclaration soit pleinement mise en œuvre.  « La France s’y engage », a-t-il assuré, rappelant que Paris a accueilli le Sommet mondial des défenseurs de droits humains qui, du 29 au 31 octobre, a rassemblé autour de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme Michelle Bachelet, et du Rapporteur spécial, Michel Forst, plus de 150 défenseurs venus du monde entier.  Dès 2019, a-t-il ajouté, notre politique d’aide publique au développement sera mobilisée en soutien aux défenseurs des droits, y compris en finançant leurs projets, en ligne avec le Programme 2030 et son objectif 16.  En conclusion, le représentant a exhorté les États Membres à se montrer les « dignes héritiers des rédacteurs des déclarations que nous célébrons aujourd’hui », des déclarations qui sont « les piliers de l’édifice multilatéral que nous avons bâti, ensemble, en près de 75 ans ».

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a fait remarquer que la Constitution de l’Indonésie garantit la protection des droits de l’homme pour tous et que la société civile joue un rôle important dans la promotion des droits de l’homme et de la démocratie.  Quant aux défenseurs des droits de l’homme, ils jouissent d’une grande liberté pour mener leurs activités.  La représentante s’est aussi fait un plaisir de souligner que leur protection a été réaffirmée au cours du troisième cycle de l’Examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme.  Au-delà de cela, l’Indonésie considère que la synergie entre les contributions de l’État et des acteurs non étatiques est indispensable.  L’intégrité de l’appareil de l’État et des représentants de l’ordre bénéficie de programmes de renforcement des capacités en termes de droits de l’homme, et des activités de sensibilisation au travail des défenseurs des droits de l’homme sont organisées.  Des réformes législatives et institutionnelles sont également en train d’être mises en place et intègrent les principes des droits de l’homme.  Parvenir à un équilibre entre les droits et la responsabilité est difficile mais nécessaire, a conclu la représentante.

M. ELBIO OSCAR ROSSELLI FRIERI (Uruguay) a souligné la responsabilité première des gouvernements et le rôle essentiel des défenseurs dans des sociétés démocratiques et pluralistes.  L’espace de participation doit non seulement leur être garanti mais aussi protégé et promu par les autorités, a-t-il affirmé, soulignant que cela exige la création d’un climat propice et sûr dans un cadre juridique approprié conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme.  Les défenseurs jouent un rôle positif, important et légitime dans la promotion des droits de l’homme aux plans local, national, régional et international, a-t-il encore déclaré, en particulier dans la prévention des conflits, la consolidation de la paix et le développement durable grâce au dialogue, à l’ouverture, à la participation et à la justice.  Ils surveillent la situation de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et soumettent des rapports à cet égard.

Le représentant s’est inquiété, à son tour, de la prolifération des attaques contre les défenseurs et l’absence de mesures politiques fermes et ambitieuses pour mettre fin à cette situation.  Il s’est également érigé contre les tentatives d’interdir les activités des défenseurs par des mécanismes d’intimidation ou de répression, tant dans leur pays d’origine qu’à l’extérieur.  Il s’est opposé à toute norme qui fait obstacle ou limite, sans justification, leur travail.  Il a insisté pour que les États veillent à la sécurité de tous ceux et celles qui coopèrent avec le système international de protection des droits de l’homme et prennent les mesures nécessaires pour que les actes de violence à leur encontre ne demeurent pas impunis.  Il a recommandé le renforcement de la réponse coordonnée du système des Nations Unies face aux cas de représailles et réitéré son appui sans faille au travail de la Secrétaire générale adjointe aux droits de l’homme à cet égard.   

Mme ONDINA BLOKAR DROBIČ (Slovénie) a salué le travail et le courage des défenseurs des droits de l’homme, en particulier les femmes.  Malgré les progrès enregistrés depuis 20 ans, il faut reconnaître que ces défenseurs font trop souvent face à des situations qui non seulement entravent leur travail mais mettent aussi leur vie en danger, a souligné la représentante.  Elle a jugé inacceptable qu’ils soient confrontés à la discrimination, aux menaces, aux mauvais traitements ou même à des poursuites pénales dans de nombreuses régions du monde.  Elle s’est dit très préoccupée par la réduction de l’espace accordé à la société civile et par les cas de représailles contre des individus ou des groupes.  Les organisations de la société civile jouent un rôle indispensable dans la promotion et la protection des droits de l’homme et les États ont donc la responsabilité de leur accorder l’espace nécessaire à leur fonctionnement, a-t-elle insisté.  Pour sa part, le Gouvernement slovène est engagé dans une coopération active avec la société civile, ce qui contribue à une bonne gouvernance, à la transparence et à une responsabilité mutuelle.  Par exemple, la capitale Ljubljana est devenue membre du réseau international des villes-refuges en 2011.  Elle offre ainsi un abri aux écrivains et aux artistes en danger.

M. SAMUEL GROUT-SMITH (Royaume-Uni) a rappelé que « nous bénéficions énormément quand la société civile est présente ici pour parler directement des violations des droits de l’homme, tenant les États que nous sommes pour responsables et nous indiquant la voie pour relever les défis ».  Cet accès à l’ONU est d’autant plus important pour les organisations qui font face à des restrictions au niveau national.  Face aux attaques contre les défenseurs, le Royaume-Uni appelle à l’action.  Mon pays, a dit le représentant, a déjà pris des mesures pour leur protection partout où cela est possible à travers le monde.  Notant la montée des attaques contre les médias et les journalistes qui jouent pourtant un rôle crucial pour faire la lumière sur les abus et violations des droits de l’homme, le représentant a mis au défi ses collègues dans la salle à travailler de concert pour « sécuriser les changements positifs contenus dans la Déclaration, ce qui permettrait aux défenseurs de jouer pleinement leur rôle ».

M. AGUSTIN SANTOS MARAVER (Espagne) a estimé que la vitalité d’une démocratie se mesurait en partie à l’aune du dynamisme de sa société civile.  Malheureusement, 20 ans après l’adoption de la Déclaration, les menaces qui pèsent sur les défenseurs des droits de l’homme n’ont pas diminué, a déploré le représentant.  S’il a reconnu l’existence de certains progrès en matière de protection juridique, ces dernières années, le délégué a surtout relevé certaines évolutions « alarmantes », comme la criminalisation croissante de la société civile, le rétrécissement de l’espace civique, les entraves nouvelles à la liberté d’expression, les lois défavorables aux ONG et les persécutions dont font l’objet certains groupes précis, dont les défenseurs de l’environnement.  Face à ces tendances, le représentant a affirmé que la promotion et la protection des défenseurs des droits de l’homme constituent l’une des priorités de la politique extérieure de l’Espagne, qui s’est notamment dotée d’un programme spécial de protection permettant d’accueillir temporairement, sur le territoire espagnol, des défenseurs des droits de l’homme menacés dans leur pays d’origine.

M. JÜRG LAUBER (Suisse) a salué la tenue de cette séance plénière de haut niveau tout en regrettant qu’elle ait lieu dans un cadre formel qui limite la participation des représentants de la société civile.  Or, pour la Suisse, la société civile apporte une contribution significative aux travaux des Nations Unies et joue un rôle crucial dans le fonctionnement du système multilatéral, a souligné le représentant, appelant de ses vœux l’inclusion de la société civile, y compris les ONG et les défenseurs des droits de l’homme, dans les institutions onusiennes.

Affirmant d’autre part que la protection des défenseurs des droits de l’homme constitue une priorité de la politique extérieure de son pays en matière de droits de l’homme, il a rappelé que la Suisse a soutenu politiquement et financièrement le Sommet mondial des défenseurs des droits de l’homme qui s’est tenu à Paris en octobre.  Elle s’est aussi activement engagée dans la négociation des résolutions pertinentes adoptées au Conseil des droits de l’homme et à la Troisième Commission de l’Assemblée générale, a relevé le représentant.

Néanmoins, a-t-il concédé, malgré les progrès accomplis au niveau multilatéral, la Suisse s’alarme que les défenseurs des droits de l’homme soient plus que jamais la cible de répression, d’intimidation, de menaces et d’attaques.  Dans ce contexte, leur reconnaissance et leur protection revêtent une importance capitale, a fait valoir le représentant, concluant son propos par un appel à tous les États pour qu’ils garantissent un environnement sûr et favorable aux défenseurs de droits de l’homme et veillent à ce que ces derniers puissent exercer leurs activités sans risque de représailles.      

M. MHER MARGARYAN (Arménie) en a profité pour appeler la communauté internationale à renouveler son engagement en faveur de la Convention sur la prévention du génocide.  Mon pays, a-t-il affirmé, s’est à nouveau fermement engagée à faire avancer la prévention.  Mettant l’accent sur le rôle « précieux » des défenseurs des droits de l’homme dans cette prévention et l’identification des alertes précoces, le représentant a fermement condamné toutes formes d’attaques, de violence, de menaces et d’intimidations contre les défenseurs et les militants des droits de l’homme, y compris les journalistes.  Le respect de ces droits a d’ailleurs été au cœur de la transformation démocratique de l’Arménie, tel que l’a démontré la Révolution de velours des mois d’avril et de mai derniers, que le Secrétaire général de l’ONU a lui-même qualifiée de « remarquable exemple de transfert pacifique du pouvoir ».  Les jeunes et les femmes ont été au premier rang de ce processus démocratique non violent, dans le plein exercice de leurs droits et libertés fondamentales.  Le représentant a aussi indiqué que son pays brigue un siège au sein du Conseil des droits de l’homme pour la période 2020-2022.    

M. GUILLERMO ROQUE FERNANDEZ DE SOTO VALDERRAMA (Colombie) a condamné énergiquement les agressions dont les défenseurs sont régulièrement victimes, souvent au péril de leur vie.  Aux yeux du délégué colombien, l’une des avancées auxquelles la Déclaration a donné lieu a été l’essor de la protection de ces défenseurs par des acteurs non étatiques.  Le représentant a en outre appelé à redoubler d’efforts pour faire en sorte que les activités de défense des droits de l’homme soient moins stigmatisées.  Il a également appelé à approfondir le dialogue social et à renforcer les mécanismes de prévention, à l’instar du système colombien de prévention et d’alerte précoce, qui permet une action concertée entre plusieurs institutions publiques pour éviter que les défenseurs des droits de l’homme ne soient mis en danger.

M. JEROEN COOREMAN (Belgique) a commencé par rendre hommage aux hommes et aux femmes qui, chaque jour, s’emploient à faire de la Déclaration universelle des droits de l’homme une réalité.  Il a ensuite assuré que la Belgique reconnaît le rôle crucial des défenseurs, qu’il a qualifiés d’« alliés courageux indispensables et souvent stimulants quand il s’agit de la promotion et de la défense des droits partout dans le monde ».  Nous les saluons d’autant plus que leur travail s’avère souvent périlleux, a poursuivi le représentant, observant que l’espace alloué à la société civile rétrécit dans certains pays et que les voix critiques sont régulièrement réduites au silence.  De fait, a-t-il constaté, un nombre croissant de défenseurs se retrouvent sous pression, confrontés aux attaques, aux menaces, au harcèlement et à l’insécurité.  Ces deux dernières années, selon les chiffres du Rapporteur spécial, plus d’un millier de défenseurs ont été tués pour avoir défendu des droits inscrits dans l’un des documents les plus fondamentaux des Nations Unies, s’est-il encore indigné, appelant à ce que les auteurs de ces crimes soient tenus pour responsables.  Dans ce contexte, a-t-il conclu, nous devons, en tant que gouvernements, prendre nos responsabilités et défendre les droits de l’homme en créant un environnement sûr pour les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme.

M. WAEL AL KHALIL (Syrie) a estimé que cet anniversaire est l’occasion de réfléchir à la mise en œuvre globale des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, « certains gouvernements répétant souvent une litanie de défense de ces droits, alors qu’ils n’hésitent pas à tuer des milliers de civils innocents ».  Ces gouvernements ont des pétrodollars qu’ils utilisent pour verser des pots-de-vin « scandaleux » et dissimuler des violations graves des droits de l’homme, y compris aux Nations Unies.  Le représentant a appelé la Haute-Commissaire à respecter la souveraineté des États et suivre de près les agissements du Front el-Nosra en Syrie et dans le Golan syrien occupé.  Il a aussi appelé à la libération du prisonnier le plus ancien du Golan occupé M. Al Mokt.  Israël doit également libérer tous les prisonniers syriens, a-t-il réclamé.    

M. FABIAN OSWALDO GARCIA PAZ Y MIÑO (Équateur) a déclaré que son pays n’avait pas ménagé ses efforts, au cours des deux dernières décennies, pour faire en sorte que les lois équatoriennes reflètent le mieux possible le contenu de la Déclaration.  Sur le plan international, le représentant a souligné l’engagement sans équivoque de son pays en faveur des droits de l’homme, comme en témoigne le fait que l’Équateur soit devenu, en septembre dernier, le cinquième État à avoir ratifié dans leur intégralité les 18 instruments fondamentaux des Nations Unies pour la protection des droits de l’homme.  Au niveau national, le délégué a indiqué que la ratification de ces instruments s’était traduite par l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques centrées sur les droits de l’individu tout au long de sa vie.

S’agissant de son action de promotion des droits de l’homme au sein de l’Organisation, le représentant a précisé que l’Équateur s’était porté coauteur, aux côtés de l’Afrique du Sud, d’un projet d’instrument juridiquement contraignant pour réglementer les activités des entreprises transnationales et commerciales, ainsi que d’un projet de protocole facultatif centré sur les victimes d’abus de leurs droits.  Le représentant a enfin souligné que le développement, en plus d’être un droit à part entière, est une condition sine qua non pour promouvoir, garantir et protéger les droits de l’homme.

M.  NESRINE ELMANSOURI (Tunisie) a estimé que l’adoption à l’unanimité de la Déclaration avait placé les défenseurs des droits de l’homme au cœur de la mise en œuvre de la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Ces derniers, a-t-il poursuivi, sont indiscutablement les premiers partenaires des États pour la protection des droits de l’homme et de l’état de droit, ainsi que pour la réalisation du développement durable.  Pour accomplir leur tâche cruciale, les défenseurs doivent avoir la capacité d’agir librement, à l’abri des interférences, intimidations et restrictions, a estimé le représentant, appelant les États Membres à redoubler d’efforts pour garantir leur accès aux moyens de communication, y compris au sein des Nations Unies.

« La Tunisie est aujourd’hui l’exemple vivant des véritables changements que les défenseurs des droits de l’homme peuvent apporter au monde », a affirmé le délégué tunisien, précisant que c’étaient les premiers à avoir appelé à davantage de justice et de liberté en 2011.  « Guidé par l’esprit de notre nouvelle Constitution », la Tunisie, a indiqué le représentant, est déterminée à préserver le bon fonctionnement de son système national des droits de l’homme.  De ce point de vue, il a déclaré que la Tunisie appuyait toutes les initiatives onusiennes en matière de droits de l’homme.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a assuré que son pays a toujours protégé les défenseurs des droits de l’homme, tout en déplorant la « tragédie » de ces dernières années qui voit la montée des intimidations et des attaques contre ces défenseurs dans certains pays.  L’Irlande est fière de voir qu’une organisation de sa société civile, « Front Line Defenders », a été honorée aujourd’hui par le Prix des Nations Unies pour la cause des droits de l’homme.  La représentante a annoncé qu’un monument sera érigé dans les jardins du Ministère irlandais des affaires étrangères afin d’honorer les quelque 3 500 défenseurs des droits de l’homme tués ces 20 dernières années dans le monde.  Elle a invité les États à offrir un environnement de travail propice aux défenseurs des droits de l’homme. 

Mme ELENE AGLADZE (Géorgie) a affirmé que la législation de son pays favorise la participation des organisations de la société civile à tous les processus de prise de décisions, y compris à l’élaboration de la Stratégie nationale des droits de l’homme.  En Géorgie, c’est le Bureau du Procureur général, institution inscrite dans la Constitution, qui supervise la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tout en identifiant les violations et contribuant à la restauration des droits et libertés bafoués.  La représentante a relevé que la protection des défenseurs des droits est d’autant plus difficile quand le pouvoir central est absent, comme c’est le cas dans les régions d’Abkhazie et de Tskhinvali, occupés par la Fédération de Russie, et où ces défenseurs sont poursuivis et réduits au silence.                                        

M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka) a estimé que la promotion et la protection des droits de l’homme est un travail perpétuel, et que chaque nation se heurte à des défis spécifiques.  En dépit de ces défis, il est de notre responsabilité d’aspirer à la réalisation, à la promotion, à la protection et au respect des droits de l’homme pour tous.  La Déclaration universelle des droits de l’homme, la Déclaration et Programme d’action de Vienne, ainsi que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme constituent un cadre fondamental et un guide pour nos efforts collectifs contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui lui est associée.  La Sri Lanka suit une politique d’engagement constructif et de dialogue pour promouvoir les droits et les libertés fondamentales.  Au cours des trois dernières années, a souligné le représentant, nous avons consenti à ce que huit procédures spéciales, dont deux groupes de travail, se rendent à Sri Lanka, « à notre invitation ».  Dans le cadre de nos interactions avec les organes de traité de l’ONU, a-t-il poursuivi, nous avons suivi une approche « de bas en haut », sous la forme de consultations avec toutes les parties prenantes, y compris la société civile, les défenseurs des droits de l’homme et la Commission nationale des droits de l’homme, un organe dont l’indépendance a d’ailleurs été renforcée grâce à un amendement constitutionnel.  En outre, Colombo a pris, à en croire M. Perera, des mesures pour consolider le rôle du Parlement, rétablir les commissions indépendantes, veiller à un appareil judiciaire indépendant. 

M. LYLE PATRICK DAVIDSON (Afrique du Sud) a relevé que les commémorations de ce jour coïncident avec le centenaire de Nelson Mandela et d’Albertina Sisulu, deux icônes sud-africaines « championnes des droits de l’homme », à la fois dans leur pays comme en dehors.  Ils sont ainsi devenus des défenseurs des droits de l’homme et ont fermement milité en faveur de la démocratie et de l’état de droit.  Le représentant s’est alarmé de la montée des menaces, de la criminalisation et des attaques dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, y compris ceux défendant leurs terres ancestrales.  Ces acteurs jouent un rôle important pour les droits de l’homme, y compris le droit au développement.  C’est pourquoi nous appelons à une coopération transnationale et demandons que les entreprises privées soient tenues pour responsables des violations des droits humains dans les zones où elles mènent leurs activités.    

M. JORGE ANDRES IGLESIAS MORI (Chili) a appelé à renouveler la légitimité et la nécessité de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et à améliorer la manière dont on perçoit leur travail qui est un droit à part entière.  En tant que membre du Conseil des droits de l’homme, le Chili, a dit le représentant, réaffirme la contribution essentielle des défenseurs aux travaux des mécanismes dudit Conseil et des organes de traité.  Il a alerté sur les risques encourus par les défenseurs et s’est réjoui que le système des Nations Unies ait évolué peu à peu, comme en témoignent le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et le point focal contre les représailles, en la personne du Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme.  Tout en applaudissant ces initiatives, le représentant a estimé qu’elles resteront insuffisantes sans la volonté des États de garantir la « protection de ceux qui défendent ».  Il a espéré que ce vingtième anniversaire sera l’occasion de réaffirmer l’engagement international de protéger les défenseurs et de garantir un climat propice à leurs activités.  Aucun argument valable ne saurait être avancé au détriment des droits de l’homme, des défenseurs et des organisations de la société civile, a affirmé le Chili.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a noté que les défenseurs des droits de l’homme sont parmi les plus courageux de nos sociétés.  Il a dit être frappé par la violence contre les journalistes, les activistes en ligne, les défenseurs des LGBT, les Ouïgours ou encore les Casques blancs en Syrie et les journalistes de Reuters qui sont encore en prison du fait de leur enquête sur les exactions de l’armée au Myanmar.  Le représentant a demandé qu’une protection spéciale soit accordée aux femmes qui défendent les droits de l’homme.  Il s’est dit consterné par la restriction de l’accès de la société civile aux Nations Unies.  En tant que membre du Conseil de sécurité, en 2019 et 2020, l’Allemagne va faire en sorte que la société civile ait la possibilité de prendre part aux travaux de l’Organisation.

M. JONAS GUNNAR ALLANSSON (Islande) a dit continuer à appuyer et à plaider en faveur de la protection et de la sécurité de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme.  L’Islande a d’ailleurs érigé cette question en priorité au cours de son mandat au sein du Conseil des droits de l’homme.  Le représentant a souligné qu’il est de la responsabilité de chaque État d’offrir un environnement sûr à la société civile et aux défenseurs, grâce à la consécration de la primauté du droit et de la liberté d’expression, en réservant un espace aux opinions alternatives et à la critique.  Il a regretté que la réalité sur le terrain demeure inquiétante compte tenu des menaces croissantes, des exécutions extrajudiciaires, des détentions arbitraires et autres graves violations des droits de l’homme.  Il a particulièrement appelé l’attention sur la situation des personnes et groupes qui œuvrent à la défense d’un environnement sûr, sain et durable.  Si la communauté internationale entend véritablement réaliser le Programme 2030, elle se doit de répondre à la violence grandissante, au harcèlement et à la diabolisation par les acteurs étatiques et non étatiques des défenseurs du droit de l’environnement, a-t-il exhorté. 

M. FRANCISCO DUARTE LOPES (Portugal) a déclaré que la Constitution portugaise consacre les droits stipulés dans la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et que son pays a des contacts fréquents avec les organisations locales, régionales et internationales.  Les défenseurs doivent bénéficier de l’appui inconditionnel des États et ne pas être assujettis à des intimidations et des représailles, conformément à la Déclaration de San José.  Au Portugal, l’apprentissage des droits de l’homme est obligatoire, a souligné le représentant.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité précise les contours de sa coopération avec la Commission de consolidation de la paix

8430e séance – après-midi
CS/13630

Le Conseil de sécurité précise les contours de sa coopération avec la Commission de consolidation de la paix

Le Conseil de sécurité a, cet après-midi, dans une déclaration présidentielle, précisé les contours de sa coopération avec la Commission de consolidation de la paix dans le domaine de la consolidation et de la pérennisation de la paix.

Le Conseil souligne tout d’abord, dans ce texte, le « rôle important » de la Commission et le « cadre exceptionnel » qu’elle offre pour réunir des acteurs clefs, à l’appui des priorités des autorités nationales en matière de consolidation de la paix.

Souhaitant une cohérence « forte » avec la Commission, il réaffirme son intention de solliciter régulièrement des conseils « spécialisés » de sa part.  Le Conseil encourage ainsi la Commission à lui présenter, « quand il lui en fait la demande », des recommandations « concises, ciblées, réalistes et adaptées » sur la consolidation et la pérennisation de la paix dans les pays examinés par les deux organes.

Il faut tirer davantage parti des compétences de la Commission pour favoriser une « démarche intégrée et cohérente » en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix multidimensionnelles, indiquent les membres du Conseil dans cette déclaration.

À cet égard, ils notent les bonnes pratiques relatives aux observations présentées par la Commission concernant le renouvellement du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA).

Le Conseil salue les conseils prodigués par la Commission, à sa demande, sur le retrait des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, en particulier sur l’application des stratégies de sortie.  Il rappelle ainsi les « avis judicieux » de la Commission lors du retrait des Missions de l’ONU au Libéria et en Sierra Leone.

Le Conseil engage par ailleurs la Commission à continuer d’aligner ses travaux sur le calendrier du Conseil et à dialoguer avec les divers acteurs en prévision des séances du Conseil portant sur les questions qui l’intéressent.

Enfin, par cette déclaration, le Conseil insiste sur l’importance que les activités de consolidation de la paix des Nations Unies bénéficient d’un appui provenant d’un large éventail de sources, notamment « grâce à l’augmentation des contributions volontaires ».

S’exprimant en tant que coordonnateur de la Commission, le délégué de la Suède a salué la contribution de la Commission, en insistant notamment sur ses recommandations en vue de la prorogation du mandat de la MINUSCA.  En s’adressant à un vaste éventail d’acteurs, elle peut rassembler des informations importantes, notamment dans les phases de transition, a-t-il dit.

Le représentant a enfin appelé les membres du Conseil à coopérer avec la Commission.  Celle-ci ne peut s’acquitter de ses fonctions consultatives que lorsque le Conseil le permet, a-t-il déclaré, insistant sur le caractère indispensable d’une telle coopération.

CONSOLIDATION ET PÉRENNISATION DE LA PAIX

Déclaration du Président du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité rappelle ses résolutions 1645 (2005), 2086 (2013), 2282 (2016), 2413 (2018) et 2419 (2018) et les déclarations de sa présidence S/PRST/2017/27, S/PRST/2018/1 et S/PRST/2018/10.

Le Conseil est conscient que la pérennisation de la paix, au sens qui lui est donné dans le rapport du Groupe consultatif d’experts, devrait être comprise au sens large comme étant un objectif et un processus tendant à la définition d’une vision commune d’une société, compte tenu des besoins de tous les groupes de la population, ce qui suppose des activités permettant de prévenir le déclenchement, l’intensification, la poursuite ou la reprise des conflits, de s’attaquer à leurs causes profondes, d’aider les parties à mettre fin aux hostilités, de veiller à la réconciliation nationale et de s’engager sur la voie du relèvement, de la reconstruction et du développement, et souligne que la pérennisation de la paix constitue une tâche et une responsabilité partagées que doivent assumer le gouvernement et toutes les autres parties prenantes nationales, qu’elle devrait être reflétée dans chacun des trois piliers de la stratégie d’engagement des Nations Unies à tous les stades du conflit, et dans toutes ses dimensions, et qu’elle requiert l’attention et l’assistance constantes de la communauté internationale.

Le Conseil rappelle sa résolution 2413 (2018), dans laquelle il se félicite de la présentation du rapport du Secrétaire général sur la consolidation et la pérennisation de la paix et prend note de la décision de l’Assemblée générale d’inviter les organismes des Nations Unies et organes de l’Organisation compétents, y compris la Commission de consolidation de la paix, à approfondir, étudier et envisager d’appliquer, selon qu’il conviendra, les recommandations et propositions énoncées dans le rapport du Secrétaire général, conformément aux procédures établies, à sa soixante-treizième session.

Le Conseil réaffirme qu’il tient de la Charte des Nations Unies la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et qu’il est déterminé à ce que les buts et principes consacrés dans la Charte, y compris les principes de l’indépendance politique, de l’égalité souveraine et de l’intégrité territoriale de tous les États, qu’il respecte et auxquels il est attaché, soient observés dans toutes les activités de maintien et de consolidation de la paix, et que les États doivent s’acquitter des obligations que leur fait le droit international.

Le Conseil réaffirme la responsabilité première des autorités et des gouvernements nationaux pour ce qui est de recenser, de déterminer et de cibler les priorités, les stratégies et les activités axées sur la consolidation et la pérennisation de la paix; il se félicite de l’action menée par la Commission pour promouvoir la prise en main par les pays des processus politiques et de paix et de sécurité et l’encourage à continuer.

Le Conseil réaffirme l’engagement qu’il a pris d’améliorer l’efficacité de l’action que mène l’Organisation des Nations Unies à toutes les étapes des conflits, de la prévention au règlement puis à la consolidation de la paix, et estime en outre qu’il importe de définir des mesures adaptées à chaque contexte, en ayant recours aux divers instruments dont dispose l’ONU pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

Le Conseil a conscience que le développement, la paix et la sécurité et les droits de l’homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement.

Le Conseil comprend bien que pour être efficaces, les activités de consolidation de la paix doivent bénéficier du soutien de l’ensemble du système des Nations Unies et, à cet égard, souligne que la réalisation d’analyses conjointes et la planification de stratégies efficaces par tous les organismes du système sont importantes.

Le Conseil salue les progrès accomplis par la Commission et souligne qu’en tant qu’organe consultatif intergouvernemental spécialisé, elle a un rôle important à jouer afin de renforcer la cohérence des efforts internationaux de consolidation de la paix, offrant un cadre exceptionnel pour réunir des acteurs clefs comme les États Membres, notamment les États hôtes et autres pays concernés, les entités compétentes des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales et de la société civile, à l’appui des priorités recensées par les autorités nationales en matière de consolidation de la paix, en vue de resserrer la coordination et d’accroître la sensibilisation et la mobilisation des ressources relatives à ces activités.

Le Conseil reconnaît qu’il importe d’établir une coordination, une cohérence et une coopération fortes avec la Commission , conformément à ses résolutions 1645 (2005) et 2282 (2016) et réaffirme qu’il compte solliciter régulièrement les conseils spécialisés, stratégiques et ciblés de la Commission, les examiner et s’en inspirer.

Le Conseil note l’importance des dialogues interactifs informels qu’il tient avec la Commission, qui peut ainsi y jouer son rôle consultatif, y compris les dialogues avec le Groupe de travail spécial sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique.

Le Conseil encourage la Commission à lui présenter, quand il lui en fait la demande, des recommandations concises, ciblées, réalistes et adaptées au contexte au sujet des questions relatives à la consolidation et à la pérennisation de la paix dans les pays qu’elle et lui examinent, en particulier avant les débats portant sur tel ou tel mandat, afin de compléter les rapports du Secrétaire général sans faire double emploi et de faire connaître la mise en œuvre des priorités nationales en matière de consolidation de la paix, notamment en se concentrant sur les aspects des opérations de maintien de la paix y relatifs, ce qui pourrait contribuer à la création, à l’examen ou au retrait d’une opération de maintien de la paix ou d’une mission politique spéciale.

Le Conseil souligne qu’il faut tirer davantage parti des compétences de la Commission pour promouvoir et favoriser une démarche intégrée et cohérente en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix multidimensionnelles et, à cet égard, note les bonnes pratiques relatives aux observations présentées par la Commission concernant le renouvellement du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine.

Le Conseil rappelle que le maintien de la paix va des missions traditionnelles, axées principalement sur la surveillance de cessez-le-feu, à des opérations multidimensionnelles complexes, chargées de mener des activités de consolidation de la paix et de remédier aux causes profondes des conflits, et se félicite du concours apporté par les opérations de maintien de la paix à l’exécution d’une stratégie globale de consolidation et de pérennisation de la paix.

Le Conseil salue le rôle que joue la Commission en lui prodiguant, quand il lui en fait la demande, des conseils sur le retrait des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, selon qu’il convient, en particulier sur l’application de stratégies de sortie pour jeter les bases d’une paix et d’une sécurité durables.  Il rappelle à cet égard que la Commission de consolidation de la paix lui a donné des avis judicieux lors du retrait de la Mission des Nations Unies au Libéria et de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone, et note que la Commission pourrait servir à examiner les meilleures pratiques et les enseignements tirés de ces phases de transition.

Le Conseil engage la Commission à continuer d’aligner ses travaux sur le calendrier du Conseil et à dialoguer avec les divers acteurs concernés afin de recueillir leurs vues en prévision des séances du Conseil portant sur les questions qui l’intéressent.

Le Conseil se félicite de ce que la Commission collabore avec des organisations régionales et sous-régionales, notamment l’Union africaine, et souligne qu’il importe de renforcer la coopération avec les acteurs régionaux pertinents, s’agissant de traiter les questions d’ordre régional ou celles propres aux pays, avec l’accord des pays concernés et conformément aux résolutions 1645 (2005) et 2282 (2016).

Le Conseil souligne que l’ouverture, notamment la participation pleine et effective des femmes, est essentielle pour faire avancer les processus nationaux et servir les objectifs de consolidation de la paix des pays si l’on veut faire en sorte que les besoins de tous les groupes de la société soient pris en compte.  Il note également que la participation pleine et concrète des femmes aux activités de prévention et de règlement des conflits et de reconstruction est intimement liée à l’utilité et à la viabilité à long terme de ces efforts et encourage la Commission à poursuivre ses efforts à cet égard.

Le Conseil réaffirme que les jeunes peuvent jouer un rôle important dans la prévention et le règlement des conflits et, singulièrement, pour ce qui est de l’efficacité à long terme, de la capacité d’intégration et de la réussite des activités de maintien et de consolidation de la paix.

Le Conseil est conscient du rôle que joue la Commission dans l’action menée pour aider les pays à appliquer leurs priorités en matière de consolidation de la paix, à recueillir des contributions volontaires et à promouvoir la coordination et la cohérence de l’aide internationale.

Le Conseil souligne qu’il importe que les activités de consolidation de la paix des Nations Unies bénéficient d’un appui provenant d’un large éventail de sources, notamment grâce à l’augmentation des contributions volontaires et au renforcement des partenariats avec les principales parties prenantes, souligne également le rôle important que joue le Fonds pour la consolidation de la paix et, à cet égard, recommande de rechercher de nouveaux moyens de resserrer la coopération entre le Fonds et la Commission qui pourraient permettre à cette dernière, entre autres, de répandre les bonnes pratiques en matière de consolidation de la paix.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Moyen-Orient: « en l’absence d’horizon politique », le processus de paix est condamné à l’impasse, prévient le Coordonnateur spécial

8429e séance – matin
CS/13629

Moyen-Orient: « en l’absence d’horizon politique », le processus de paix est condamné à l’impasse, prévient le Coordonnateur spécial

Au cours d’une séance aux allures de bilan, le Conseil de sécurité a pris la mesure de la « dangereuse escalade » des tensions, cette année, entre Israéliens et Palestiniens, à l’écoute du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, qui a prévenu qu’« en l’absence d’horizon politique, tous nos efforts collectifs et individuels ne feront que contribuer à la gestion du conflit plutôt qu’à sa résolution ». 

« Avant toute chose », le haut fonctionnaire a mis en garde contre le cycle d’attaques terroristes, d’affrontements et de violences meurtrières en Cisjordanie occupée, se disant alarmé de la hausse des incidents sur place qui ont causé la « mort tragique » de civils israéliens et palestiniens et de soldats israéliens.  « Bien que Gaza ait été la zone plus instable, le risque d’explosion en Cisjordanie s’est également intensifié au cours des derniers mois », a-t-il souligné.

Pour M. Mladenov, les derniers développements sont « indissociables » d’un contexte plus large caractérisé par les éléments suivants: la poursuite par Israël de son occupation militaire du territoire palestinien; les incertitudes quant à l’avenir du processus de paix et de la solution des deux États; le maintien de l’emprise du Hamas sur Gaza et son activité militante; la menace persistante de la guerre; les actions unilatérales qui fragilisent les efforts de paix; la réduction du soutien des bailleurs de fonds à la Palestine; et la tourmente régionale.

Venu présenter le huitième rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, le Coordonnateur spécial a constaté qu’au cours de la période considérée -de septembre au 14 décembre-, Israël n’avait pris aucune mesure pour arrêter « immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », et pour « respecter pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard », comme l’exige ce texte.

Dans le même temps, 2 200 logements supplémentaires ont été planifiés dans des colonies de peuplement en Cisjordanie ou approuvés par les autorités israéliennes, la grande majorité à Jérusalem-Est, consolidant ainsi l’« anneau » que forment ces colonies au nord de la ville, a décrit le Coordonnateur spécial.  Les démolitions ou saisies de structures palestiniennes se sont poursuivies, a-t-il ajouté, tandis qu’il est devenu presque impossible pour les Palestiniens d’obtenir la délivrance de permis de construire.

« Parlons maintenant de la question de la violence », a poursuivi M. Mladenov, en faisant état d’un bilan de 75 Palestiniens tués par les Forces de sécurité israéliennes dans plusieurs incidents distincts.  De plus, 7 Israéliens, dont 3 soldats et 4 civils, ont été tués par des Palestiniens lors d’attaques en Cisjordanie et d’une opération militaire à Gaza, qui a pratiquement été le théâtre d’une nouvelle guerre entre Israël et le Hamas, lequel a été accusé de se livrer à une « rhétorique incitative et incendiaire ».  Les responsables israéliens ont également fait des déclarations « provocatrices et très problématiques », de nature à mettre en péril la solution des deux États, a précisé le haut fonctionnaire.

« Même si les tendances négatives dominent », « il y a eu quelques développements positifs », a nuancé M. Mladenov.  Il s’est félicité du geste financier du Qatar vis-à-vis de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), menacé d’une grave crise financière, et de la reconstruction et de la réhabilitation de 360 maisons totalement détruites et la réparation de 30 maisons partiellement endommagées lors du conflit de 2014 à Gaza.  « Autre signe encourageant », des organisations de la société civile continuent de se mobiliser en faveur de la paix, comme en témoigne une conférence « remarquable », organisée par Women Wage Peace, une ONG réunissant des femmes juives et arabes préconisant une solution négociée au conflit, a relevé M. Mladenov. 

La représentante des États-Unis a, elle aussi, déclaré être porteuse de bonnes nouvelles, puisqu’elle a pris connaissance du plan de paix entre Israéliens et Palestiniens, qu’a préparé l’Administration Trump et qui sera rendu public ultérieurement.  « Contrairement aux tentatives précédentes visant à résoudre ce conflit, ce plan ne se limite pas à quelques pages et à des directives vagues et dénuées d’imagination », mais apporte de nouveaux éléments au débat, tirant parti du « nouvel environnement technologique dans lequel nous vivons », a indiqué la déléguée.

« Ce plan sera différent de tous les précédents.  La question cruciale est de savoir si la réponse sera différente », a-t-elle poursuivi, en annonçant que les parties au conflit, comme tous les pays du monde intéressés par le règlement de ce conflit, auront donc un choix important à faire.  « Ils peuvent se concentrer sur les parties du plan qu’ils n’aiment pas.  Pour les parties irresponsables, ce serait la chose la plus facile à faire.  Il suffit de rejeter le plan car il ne satisfait pas toutes vos demandes.  Nous reviendrions ensuite au statu quo qui a échoué depuis 50 ans, sans perspectives de changement », a mis en garde la représentante américaine.  L’autre option consiste à se concentrer sur les aspects de ce plan « que vous aimez » et « je vous assure qu’il y a beaucoup à aimer de part et d’autre », a-t-elle assuré.  Si le Royaume-Uni, la France et la Guinée équatoriale, entre autres membres du Conseil, ont favorablement accueilli cette annonce, la Fédération de Russie, attachée à la réalisation de la solution des deux États, a réitéré sa proposition d’accueillir un sommet entre dirigeants israéliens et palestiniens.

Mais la réalité, a dit la délégation française, c’est que « nous sommes proches du point de non-retour ».  « L’ensemble territorial morcelé qui prend forme sous nos yeux fait, d’ores et déjà, coexister de manière inégalitaire deux populations sur un même territoire », a-t-elle analysé, et l’aboutissement de ce processus marquerait, pour les Palestiniens, l’abandon de leurs aspirations nationales, qui passent par l’établissement d’un État; et, pour les Israéliens, « la renonciation au caractère démocratique de l’État d’Israël ». 

Pour le Coordonnateur spécial, « c’est seulement en réalisant la vision de deux États coexistant dans la paix, la sécurité et la reconnaissance mutuelle, avec Jérusalem comme capitale d’Israël et de la Palestine, et toutes les questions relatives au statut final définitivement résolu par la négociation, « que les aspirations légitimes des deux peuples seront atteintes ».  Malheureusement, a-t-il constaté, la fin de 2018 ne pouvait pas être plus éloignée d’une revitalisation des efforts pour une solution négociée.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. NICKOLAY MLADENOV, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, a présenté la situation sur le terrain au cours du mois écoulé, les derniers développements étant indissociables d’un contexte plus large: la poursuite par Israël de l’occupation militaire du territoire palestinien; les incertitudes quant à l’avenir du processus de paix et de la solution des deux États; le maintien de l’emprise du Hamas sur Gaza et son activité militante; la menace persistante de la guerre; les actions unilatérales qui fragilisent les efforts de paix; la réduction du soutien des donateurs à la Palestine; et la tourmente dans laquelle se trouve plus largement la région.  Avant toute chose, le haut fonctionnaire a tenu à mettre en garde contre la « dangereuse escalade » des attaques terroristes, des affrontements et des violences en Cisjordanie, se disant alarmé de la hausse des incidents qui ont provoqué la « mort tragique » de civils israéliens et palestiniens et de soldats israéliens.  Les mesures de sécurité prises à la suite de ces incidents, les opérations de recherche dans Ramallah, ainsi que les affrontements et manifestations qui dégénèrent en violences, ont ravivé des tensions déjà fortes.

Au cours de la période considérée, Israël n’a pris aucune mesure pour arrêter « immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », et pour respecter « pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard », comme le demande la résolution 2334 (2018).  M. Mladenov a répété que toutes les activités de peuplement constituent une violation du droit international et un obstacle majeur à la paix.  En revanche, au cours du mois écoulé, environ 2 200 logements ont été planifiés dans des colonies de peuplement en Cisjordanie ou approuvés par les autorités israéliennes.  La grande majorité de ces logements serait à Jérusalem-Est, consolidant ainsi l’« anneau » de colonies de peuplement au nord de la ville.

Le 15 novembre, la Haute Cour de justice d’Israël a rejeté le recours de deux familles palestiniennes vivant dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est et permis l’expulsion de quelque 40 de ces personnes, a relevé le Coordonnateur spécial.  Le 19 novembre, a-t-il précisé, la Knesset a adopté une législation permettant, sous certaines conditions, la planification à des fins résidentielles dans les parcs nationaux situés dans les limites des municipalités.  « Cet amendement pourrait faciliter la construction de logements supplémentaires dans le quartier de Silwan à Jérusalem-Est », a-t-il observé.  Le 21 novembre, la Haute Cour de justice a rejeté une requête présentée par plus de 100 Palestiniens du même quartier qui demandaient la fin d’une organisation israélienne visant à les expulser de leurs maisons.  Par ailleurs, les autorités israéliennes ont continué de démolir et de saisir des structures appartenant à des Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, alors qu’il est presque impossible pour ces derniers d’obtenir la délivrance de permis de construire. 

« Parlons maintenant de la question de la violence », a poursuivi M. Mladenov.  Au total, 75 Palestiniens ont été tués par les Forces de sécurité israéliennes, y compris au cours de manifestations, d’affrontements, de frappes aériennes, d’opérations de sécurité et autres incidents.  Et 7 Israéliens, dont 3 soldats et 4 civils, ont été tués par des Palestiniens lors d’attaques en Cisjordanie et d’une opération militaire à Gaza.  La période considérée a été de nouveau marquée par une forte escalade à Gaza, qui a pratiquement amené Israël et le Hamas à la guerre, s’est alarmé le haut fonctionnaire.  Après avoir énuméré tous les incidents provoqués de part et d’autre, le Coordonnateur spécial a indiqué que le Hamas avait continué de recourir à une « rhétorique incitative et incendiaire », y compris sur les réseaux sociaux.  Les responsables israéliens ont également fait des déclarations « provocatrices et très problématiques », de nature à mettre en péril la solution des deux États, a-t-il ajouté. 

Au cours du mois écoulé, « il y a eu quelques développements positifs, même si les tendances négatives dominent », selon M. Mladenov.  Parmi les avancées, il a cité la mobilisation du soutien international à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  À Gaza, la communauté internationale a pris un certain nombre de mesures pour améliorer la vie de deux millions de personnes qui sont sous le contrôle du Hamas et souffrent des bouclages israéliens, a constaté le haut fonctionnaire.  Tout d’abord, grâce au généreux financement du Qatar, l’ONU a pu importer une quantité de carburant vitale pour exploiter la centrale électrique de Gaza, a-t-il noté. 

Par ailleurs, le 4 décembre, l’ONU a achevé un examen complet du Mécanisme de reconstruction de Gaza, en partenariat avec l’Autorité palestinienne et Israël.  « Il en a résulté plusieurs changements importants qui seront mis en œuvre à compter du 1er janvier 2019. » 

Par ailleurs, la reconstruction et la réhabilitation de 360 maisons totalement détruites et la réparation de 30 maisons partiellement endommagées lors du conflit de 2014 sont terminées, s’est félicité le Coordonnateur spécial.  Enfin, à Gaza, l’ONU a renforcé sa capacité de mise en œuvre de projets en mettant sur pied une unité de gestion de projets chargée de collaborer avec toutes les parties concernées.  « Autre signe encourageant », des groupes de la société civile continuent de se mobiliser pour soutenir la paix, comme en témoigne la conférence « remarquable » organisée par Women Wage Peace, une ONG réunissant des femmes juives et arabes préconisant une solution négociée au conflit, a expliqué M. Mladenov. 

« Bien que Gaza ait été la zone plus instable, le risque d’explosion en Cisjordanie s’est également intensifié au cours des derniers mois », a mis en garde le Coordonnateur spécial.  Au cours des trois derniers mois, nous avons été témoins de coups de couteau, de coups de bélier et de trois attaques par balle contre des Israéliens, dont l’une a entraîné la mort d’un bébé.  Une Palestinienne a également été tuée par une pierre.  Ces actions continuent d’alimenter « un climat de haine et de peur » et d’éloigner Israéliens et Palestiniens d’une résolution du conflit, a-t-il constaté.  La « violence liée aux colons » a également augmenté en 2018, avec le nombre le plus élevé d’incidents depuis 2014.  « Bien que je reconnaisse les efforts des autorités pour prévenir et enquêter sur la violence des colons, je demande de nouvelles mesures pour garantir qu’Israël s’acquitte de son obligation de protéger les civils palestiniens et enquête sur les responsables de ces actes », a déclaré M. Mladenov.  « Il est impératif que le calme soit préservé à tout prix.  Personne ne peut se permettre une autre guerre. » 

Malheureusement, cette année, les parties n’ont pris aucune mesure positive pour inverser les tendances négatives, a conclu le Coordonnateur spécial.  Bien que la réconciliation intrapalestinienne n’ait pas progressé, il est essentiel que ce processus important dirigé par l’Égypte se poursuive.  L’ONU soutient fermement les efforts de l’Égypte à cet égard et exhorte les parties à faire des efforts sérieux pour assurer le retour du Gouvernement palestinien légitime à Gaza.  Le haut fonctionnaire s’est déclaré préoccupé par l’affaiblissement du consensus international et l’absence d’efforts collectifs pour mettre fin à l’occupation et à parvenir à la résolution négociée du conflit israélo-palestinien.  En l’absence d’horizon politique, tous nos efforts collectifs et individuels ne font que contribuer à la gestion du conflit plutôt qu’à sa résolution, a-t-il prévenu. 

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) s’est dite étonnée depuis sa prise de fonctions par la fréquence des discussions sur la question palestinienne à l’ONU, notamment au Conseil de sécurité, et par leur aspect « unilatéral ».  Elle en a voulu pour preuve le fait que l’Assemblée générale n’ait pas adopté la résolution sur le Hamas, il y a deux semaines.  Au cours des deux dernières années, a assuré Mme Haley, elle a cherché à présenter une autre vision des questions relatives au Moyen-Orient pour montrer que la plupart des problèmes de la région n’ont rien à voir avec la question israélo-palestinienne.  Mon but était de faire cesser cette « obsession » de l’ONU avec la question palestinienne, a–t-elle expliqué.  D’après elle, cette voie semée de « préjugés » ne mène qu’à l’impasse. 

Comme il s’agit, aujourd’hui, de sa dernière réunion au Conseil sur cette question, Mme Haley a décidé d’aborder « directement » la question du conflit israélo-palestinien.  Elle a évoqué, sans rentrer dans les détails, le nouveau plan de paix élaboré par l’Administration Trump, qu’elle a dit avoir lu mais sur lequel elle n’a pas livré de détails.  Ce plan a-t-elle relevé, « apporte de nouveaux éléments à la discussion, en profitant du nouveau monde de la technologie dans laquelle nous vivons. »  Il reconnaît, a-t-elle ajouté, que « les réalités sur le terrain au Moyen-Orient ont changé de manière puissante et importante. »

Ce plan est basé sur l’idée qu’il est « possible de faire des choses au Moyen-Orient jusque-là impensables ».  Israël a, selon Mme Haley, clairement démontré sa volonté de faire un sacrifice pour la paix, mais « pas à n’importe quel prix ».  Il ne serait pas judicieux pour Israël de signer un accord qui remettrait en cause sa sécurité, a-t-elle souligné.  De son côté, le peuple palestinien, « un peuple fier », n’a pas besoin non plus d’un accord de paix à n’importe quel prix.  Elle a cependant mis l’accent sur le rôle et la responsabilité des terroristes palestiniens « qui dirigent une bonne partie du territoire palestinien », leur reprochant d’être responsables de la situation humanitaire et des conditions de vie difficiles à Gaza. 

« Ce plan sera différent de tous les précédents », a affirmé la représentante américaine.  « La question cruciale est de savoir si la réponse qui lui sera donnée sera différente. »  « Il y a des choses dans le plan que chaque partie va aimer, et il y a des choses que chaque partie n’aimera pas », a-t-elle prévenu.  Selon elle, les Palestiniens ont « tout à gagner » d’un accord de paix.  Mme Haley a mis toutes les parties au défi en expliquant qu’elles auront un choix majeur à opérer: soit rejeter ce plan parce qu’il ne répond pas à toutes leurs exigences, soit l’accepter en insistant sur les aspects qui leur plaisent.  Dans tous les cas, les décisions finales seront du ressort des Israéliens et des Palestiniens, même si les États Membres de l’ONU, notamment les pays européens et arabes, auront à faire les mêmes choix, a poursuivi Mme Haley.  S’adressant à ses « amis arabes », elle a regretté qu’ils ne fassent pas front commun pour essayer de parvenir à la paix dans la région.  Les États-Unis seront toujours investis dans la paix au Moyen-Orient, a-t-elle conclu, non sans rappeler leur appui « inébranlable » à Israël. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a demandé que davantage de rapports écrits soient rendus publics sur l’état de mise en œuvre de la résolution 2334 (2016).  Il a pris acte de l’évolution de la situation à Gaza, « à la suite des crimes commis par Israël contre le peuple palestinien », dénonçant en particulier l’« agression » commise le 11 novembre. 

Selon lui, des rapports de Médecins sans frontières ont révélé que plus de 1 000 personnes ont été blessées par balles réelles par les Forces de défense israéliennes.  « Nous devons mettre un terme à ces crimes, et protéger les civils palestiniens », a martelé le représentant.  Il a insisté sur la nécessité d’appliquer la résolution 2334 (2016), qui réaffirme que les colonies de peuplement israéliennes sont une violation du droit international. 

Sa délégation a renouvelé la condamnation des « agressions israéliennes répétées » contre la mosquée Al-Aqsa, en soulignant qu’il y avait là une intention évidente de modifier le statut historique de lieux saints.  Le Koweït s’est en conclusion félicité de l’adoption récente de la résolution de l’Assemblée générale sur l’établissement d’une paix juste et durable au Moyen-Orient. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a déclaré que la situation au Moyen-Orient nécessite des efforts collectifs, en dépit des divergences d’approches.  Il faut présenter un front le plus large possible pour faire des progrès considérables en termes de lutte contre le terrorisme, stabiliser la situation au Yémen ou encore permettre le retour des réfugiés syriens, a estimé le représentant.  Pour sa délégation les solutions sont pourtant possibles sur la base du droit international, et, pour cela, il faut remettre en place un dialogue avec toutes les parties prenantes, à commencer sur le conflit israélo-palestinien, qui est « l’épicentre des tensions dans la région », selon la Fédération de Russie. 

Son représentant a regretté les « tentatives de révision agressives » des accords précédemment passés, ainsi que l’agressivité qui est de mise actuellement et l’élargissement du fossé et de la méfiance entre Israéliens et Palestiniens.  La mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport du Quatuor permettrait pourtant de sortir de l’impasse actuelle, a-t-il estimé.  Il est urgent de faire en sorte que les initiatives diplomatiques se multiplient, selon lui, afin que les efforts de la communauté internationale « ne tombent pas à l’eau » et que la solution des deux États puisse se concrétiser en répondant à toutes les questions « délicates et épineuses » du statut définitif.

La Fédération de Russie reste attachée à un règlement sur la base des initiatives de paix internationales, et rejette la politique du fait accompli sur le terrain, a indiqué le représentant, en citant à ce titre les activités de peuplement israéliennes.  En tant que membre du Quatuor, la Fédération de Russie réitère sa proposition d’organiser un sommet entre dirigeants israéliens et palestiniens en Russie.  Le représentant a ajouté que son pays continuerait de soutenir l’UNRWA.  Il est essentiel, a-t-il conclu, de rétablir la confiance pour pouvoir faire avancer la paix et stabiliser la région.

« Aujourd’hui, c’est avec le cœur lourd que nous constatons que les espoirs se sont volatilisés et qu’aucun processus de paix n’est en vue », a déploré M. OLOF SKOOG (Suède).  La solution des deux États nous échappe, l’expansion des colonies de peuplement israéliennes constituant de plus en plus la réalité sur le terrain, a-t-il déclaré.  Il a indiqué que la résolution 2234 (2016), qui devait inverser cette tendance, reste plus pertinente que jamais, sa mise en œuvre étant un élément clef du retour de la paix.  Il s’est dit très déçu qu’aucun rapport écrit sur la mise en œuvre de ce texte n’ait été soumis avant la réunion, comme cela est le cas pour toute autre résolution.  Il en va de la responsabilité du Conseil et dire le contraire, en ne soumettant pas de rapport, revient à décharger le Conseil de ses responsabilités, a-t-il regretté. 

M. Skoog a demandé des efforts accrus des États Membres pour appliquer ce texte, rappelant que, selon la politique de l’Union européenne, les produits des colonies ne peuvent être assimilés à des produits israéliens et tout accord entre l’Union et Israël ne s’applique pas dans les territoires occupés.  « Cela ne constitue pas un boycott et respecte pleinement la résolution. »  Enfin, le délégué suédois a apporté son soutien à la solution des deux États. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est déclarée préoccupée par l’autorisation de la construction de nouveaux logements en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, rappelant que les colonies de peuplement sont illégales au regard du droit international.  Elle s’est également élevée contre la démolition de structures palestiniennes.  La représentante a ensuite annoncé qu’hier, le Gouvernement britannique avait déboursé 7 millions de dollars de contributions supplémentaires à l’UNRWA. 

Le Hamas, l’Autorité palestinienne et Israël devraient tout mettre en œuvre pour atténuer les tensions sur le terrain, a-t-elle demandé.  Mme Pierce s’est félicitée d’apprendre que le plan de paix des États-Unis serait prêt.  Elle s’est dite disposée à l’examiner, soulignant qu’il revient maintenant aux parties de prendre des mesures de renforcement de la confiance.  La déléguée a, en conclusion, réitéré le soutien du Royaume-Uni à la solution des deux États, dans le respect des frontières d’avant 1967. 

« L’illusion du statu quo recouvre une dégradation quotidienne de la situation, qui peut dégénérer à tout moment et sape chaque jour les fondations de la paix », a déclaré M. FRANÇOIS DELATTRE (France).  Il a condamné avec la plus grande fermeté l’attaque perpétrée, le 9 décembre, contre des civils israéliens aux abords de la colonie d’Ofra, en Cisjordanie, avant de regretter les nouvelles décisions des autorités israéliennes en faveur de la colonisation.  La colonisation est illégale, dangereuse et contreproductive, détruisant progressivement la solution des deux États, a-t-il déclaré. 

M. Delattre a déploré les annonces portant sur de nouvelles unités de logement à Jérusalem et dans les colonies de Cisjordanie, notamment à Hébron, ainsi que les démolitions et déplacements forcés.  M. Delattre a également appelé les autorités israéliennes à revenir sur les initiatives législatives visant à régulariser les colonies dites sauvages.  « Nous sommes proches du point de non-retour », a-t-il déclaré.  « Nous le savons tous, les destins des Israéliens et des Palestiniens sont liés: aucun des deux peuples ne réalisera durablement ses aspirations aux dépens de l’autre. »  À cette aune, et en conclusion, M. Delattre a appelé à la mise en œuvre, par la négociation, de la solution des deux États.

Pour le représentant de la Chine, M. ZHAOXU MA, les questions brulantes au Moyen-Orient sont exacerbées et reliées entre elles et la question palestinienne est au cœur de ces tensions.  Ainsi la Chine regrette l’absence de progrès et l’escalade des tensions à Gaza.  « Répondre à la violence par la violence ne mène nulle part », s’est indigné le représentant qui a appelé les parties à faire preuve de retenue.

Il a également appelé le Conseil de sécurité à envisager une perspective à long terme et à créer un climat propice à la reprise du dialogue.  Par ailleurs, la communauté internationale devrait accroître son appui à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), y compris son soutien aux pays qui accueillent les réfugiés palestiniens, a poursuivi le représentant. 

Le règlement de cette question passe pour la Chine par le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité dont les membres « doivent faire preuve d’unité ».  Par ailleurs, la Chine exhorte les parties à s’abstenir de prendre des mesures unilatérales et, à ce titre, le représentant a dénoncé la politique de peuplement israélienne notamment.

Pour la délégation chinoise, il faut appuyer la solution des deux États, et la communauté internationale devrait faire respecter les résolutions pertinentes de l’ONU, les Principes de Madrid et l’Initiative de paix arabe.  Le représentant a indiqué attendre le prochain rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2234 (2016).  En guise de conclusion, il a réaffirmé le soutien de la Chine au processus de paix au Moyen-Orient, ainsi qu’au droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a appelé les États-Unis, la Fédération de Russie et l’Union européenne à exhorter Israël et la Palestine à retourner à la table des négociations, en vue de parvenir à un règlement acceptable pour les deux parties sur la base de la coexistence pacifique des deux États.  Il a mis en garde contre un nouveau conflit entre Israël et le Hamas à Gaza, avant de se dire préoccupé par la recrudescence de la violence dans la Cisjordanie occupée.  « Mon pays est un fervent partisan de la solution des deux États, nous pensons toujours que la paix est possible. »  Enfin, le délégué a indiqué que le Kazakhstan, dont le mandat au Conseil s’achève, va continuer d’œuvrer pour la paix au sein de l’Assemblée générale et d’autres enceintes, en tant « qu’État Membre passionné, profondément engagé en faveur de la paix et de la sécurité ». 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a rappelé que la résolution 2334 (2016) a été adoptée par le Conseil de sécurité il y a exactement deux ans, et que les accords d’Oslo ont été adoptés il y a 25 ans.  Malgré ses lacunes, ce document était un compromis historique, a–t-elle estimé, mais, « malheureusement », depuis le conflit israélo-palestinien n’a pas connu de développements significatifs pour arriver à la paix.  Au contraire, s’est-elle indignée, en faisant remarquer la récente intensification des tensions dans la situation sécuritaire en Israël et dans les territoires occupés, et d’appeler à la désescalade et au respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme par toutes les parties.

Face à la récente violence en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, la délégation polonaise a regretté la perte de vies humaines et a exhorté les parties à faire preuve de retenue.  Sa priorité est de rétablir un « horizon politique » pour la reprise d’un processus de paix significatif.  À cet égard, la représentante a réaffirmé son soutien à la négociation de la solution des deux États et au règlement des questions en instance en termes de statut final, y compris Jérusalem, les colonies de peuplement, l’avenir des réfugiés palestiniens, les frontières et les arrangements sécuritaires.  Pour la Pologne, cette solution doit répondre aux aspirations nationales des deux parties au conflit, y compris à l’aspiration au droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple palestinien et au droit d’Israël à sa sécurité et à la normalisation des relations avec les États arabes.

S’agissant de la situation à Gaza, la représentante a regretté l’absence de progrès sur les plans politique, humanitaire et sécuritaire, et a mis l’accent sur l’importance de la réconciliation intrapalestinienne et de réinstaurer un « Gouvernement palestinien légitime » à Gaza, en remerciant l’Égypte pour ses efforts en ce sens. 

À la lumière de la situation humanitaire alarmante à Gaza, la Pologne a appelé la communauté internationale à satisfaire les besoins de base de la population et a pointé du doigt les difficultés financières de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), rappelant que 80% de la population de Gaza dépend des services humanitaires de l’Office.  Saluant la mobilisation des donateurs qui doit permettre à l’Office de poursuivre son mandat l’année prochaine, elle a tiré la sonnette d’alarme en expliquant que le l’absence d’espoir des jeunes de Gaza risque de conduire à une rhétorique inflammatoire et qu’une baisse de l’aide internationale aurait des conséquences humanitaires et sécuritaires à la fois dans les territoires palestiniens et dans les pays-hôte de réfugiés palestiniens.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a déploré que deux ans, jour pour jour, après l’adoption de la résolution 2334 (2016), la majorité de ses dispositions n’ont pas été mises en œuvre.  De plus, la situation sur le terrain est bien pire qu’il y a deux ans.  Dans ce contexte, les Pays-Bas rappellent que toutes les parties peuvent et doivent agir pour ramener la paix, comme le Quatuor l’avait recommandé en 2016.  En attendant, le représentant a condamné les récentes attaques terroristes palestiniennes contre des Israéliens en Cisjordanie, de même que les déclarations de réjouissance du Hamas et d’autres groupes terroristes concernant ces « actes lâches ».  À cet égard, M. van Oosterom a déploré que le projet de résolution condamnant le Hamas et présenté par les États-Unis ait été rejeté par l’Assemblée générale, « au moment même où l’ONU se prononce contre le terrorisme. » 

En même temps, les Pays Bas restent opposés à la politique de colonisation israélienne, tant elle est illégale au regard du droit international.  Depuis l’adoption de la résolution 2334 (2016), Israël a lancé la construction de plus de 1700 unités de peuplement en 2017.  Au cours des six premiers mois de 2018, mille autres ont été entamées, tandis que le double est prévu, y compris à Hébron et à Jérusalem-Est, a constaté le représentant, avant de demander aux autorités israéliennes de renoncer à leurs projets d’implantation. 

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) s’est dit préoccupé de constater qu’en dépit de tous les efforts déployés cette année, il n’ait pas été possible de parvenir à faire des progrès dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient, en particulier s’agissant du conflit israélo-palestinien.  Qu’en est-il de tous les projets de résolution déjà adoptés, s’est demandé le représentant, qui en a souhaité la mise en œuvre.  Il a ensuite regretté les échanges de tirs récents entre le Hamas et les Forces de défense israéliennes, exhortant celles-ci à faire preuve de proportionnalité dans leurs réponses aux attaques.  La délégation a estimé qu’il est clair qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit, avant de se dire impatiente de prendre connaissance du plan de paix américain évoqué aujourd’hui par la représentante des États-Unis. 

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est dite préoccupée par l’escalade de la violence dans le territoire palestinien occupé, en particulier à Gaza, au cours du mois dernier.  Sa délégation persiste à apprécier les efforts des Nations Unies, en étroite consultation avec des pays comme l’Égypte et d’autres parties pertinentes, pour essayer de rétablir le calme et de promouvoir le dialogue politique entre les parties sur la base de la solution des deux États à laquelle l’Éthiopie souscrit pleinement.  La détérioration politique, humanitaire et sécuritaire à Gaza est, pour la représentante, extrêmement inquiétante.  Elle a saisi cette opportunité pour souligner que la situation humanitaire ne peut être améliorée sans que les services de base y soient rétablis, à commencer par l’approvisionnement en eau, en électricité et en essence, les services de santé et la libre circulation des biens et des personnes.  Pour l’Éthiopie, il est également essentiel d’encourager la réconciliation intrapalestinienne et de soutenir les efforts de l’Égypte pour faire passer Gaza sous contrôle de l’Autorité palestinienne. 

Selon Mme Guadey, il ne fait pas de doute que si le processus de paix n’avance pas et que les causes profondes de la crise ne sont pas réglées de manière pacifique, « la tragédie actuelle se répètera jusqu’au point de non-retour ».  C’est la raison pour laquelle il lui semble essentiel de trouver des moyens pour relancer le processus de paix et faire avancer la solution des deux États.  Pour l’Éthiopie, cela passe par une reprise des négociations directes entre les parties au conflit, sans précondition et sans plus tarder.

M. VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a rappelé que son pays n’avait cessé d’appeler Israël, Puissance occupante depuis plus de 70 ans, à mettre un terme à sa politique expansionniste et aux violations du droit international.  Le blocus maritime, aérien et terrestre imposé à la bande de Gaza a paralysé son économie augmentant encore le chômage qui atteint 70% chez les jeunes et même 78% chez les femmes.  Les coupures d’électricité se prolongent sur 18 à 20 heures par jour, entravant la distribution de services de base. 

Dans tous les forums internationaux où elle siège, comme ici, la Bolivie n’a de cesse d’interpeller la communauté internationale pour lui demander comment elle peut laisser ainsi attenter aux droits humains des Palestiniens.  Dans ce contexte, le représentant a salué la solidarité du Qatar qui a livré d’importantes quantités de fuel pour améliorer le sort des habitants de Gaza.

De nouveau, la Bolivie a appelé à une solution pacifique du conflit sur la base de la feuille de route du Quatuor, des Principes de Madrid ou de l’Initiative de paix arabe.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a condamné les attaques indiscriminées du Hamas contre la population civile et la riposte disproportionnée d’Israël qui, dans les deux cas, alimentent une dynamique hostile.  La nécessité d’un geste politique est plus que jamais nécessaire pour établir un climat favorable au dialogue et à la négociation entre les parties, accompagnées par la communauté internationale et le Conseil de sécurité.  À cette fin, il a suggéré d’explorer la possibilité de réactiver le Quatuor et de faciliter la reprise de négociations autour de la vision des deux États aux frontières sûres et internationalement reconnues.

Parallèlement le représentant a insisté sur l’urgence d’agir pour soulager la situation humanitaire à Gaza et avancer dans le processus de réconciliation inter-palestinien.  Il a salué les efforts de l’Égypte en ce sens et appelé le Conseil à les suivre de près et à leur apporter tout le soutien requis.

Pour M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) la crise israélo-palestinienne est porteuse de risques élevés de dégradation des situations socioéconomiques dans la région: de nombreux rapports indiquent que le chômage atteint 27%, soit le taux le plus élevé au monde et que l’état de santé des Palestiniens se détériore, a-t-il fait valoir.  Il a réitéré l’appel de son pays à une « mobilisation générale » et à la responsabilité collective des membres du Conseil afin qu’une assistance humanitaire et financière soit apportée aux populations en détresse et pour que les partenaires internationaux continuent de soutenir financièrement l’UNWRA. 

M. Adom a invité les parties israélienne et palestinienne à engager de nouveaux pourparlers et souhaité que le Conseil appuie l’ensemble des initiatives de médiation.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Kosovo: le Conseil de sécurité se réunit d’urgence après la décision de Pristina de créer sa propre armée

8427e séance – après-midi    
CS/13626

Kosovo: le Conseil de sécurité se réunit d’urgence après la décision de Pristina de créer sa propre armée

Réuni en urgence à la demande de la Fédération de Russie et de la Serbie, le Conseil de sécurité a été saisi, cet après-midi, de la situation au Kosovo, où les tensions ont été ravivées suite à la décision de Pristina de militariser sa force de sécurité.

En effet, le 14 décembre dernier, a expliqué le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, le Parlement du Kosovo a adopté une législation porteuse de changements significatifs au mandat de ladite Force.  Le « Gouvernement du Kosovo » estime avoir le « droit » d’avoir sa propre armée, une force « multiethnique et professionnelle » alignée sur les critères « les plus élevés » de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), là où la Serbie a qualifié ces lois d’« agression politique » et de violation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, a-t-il expliqué.

Le haut fonctionnaire a rappelé que cette législation avait été adoptée dans un contexte déjà tendu.  Ainsi, le 21 novembre, à la suite de l’échec du Kosovo à intégrer INTERPOL, Pristina avait annoncé une hausse des tarifs des biens importés en provenance de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine « de 10 à 100% ».  Une décision que le Président serbe a imputé au ressentiment de Pristina.

En réponse à cette hausse des droits de douane, les maires des quatre municipalités à majorité serbe du Kosovo ont annoncé leurs démissions et leurs assemblées municipales respectives de cesser toute communication officielle avec Pristina, sur fond de manifestations quotidiennes à Mitrovica, a relaté M. Lacroix.  De son côté, Belgrade, estimant que Pristina avait violé l’Accord de libre-échange d’Europe centrale, a annoncé qu’elle ne reprendrait sa participation au dialogue facilité par l’Union européenne qu’une fois que Pristina aurait révoqué la taxe sur les importations.

« J’ai peur non seulement pour l’avenir de mon pays, mais également pour celui de toute la région », a mis en garde le Président serbe, pour qui les « provocations » de Pristina font faire aux Balkans occidentaux un bond « de six à sept ans » en arrière.  Invoquant les nombreuses concessions faites par les Serbes dans le cadre de l’Accord conclu en 2013, le Chef d’État a assuré que la seule obligation dont Pristina était tenue de s’acquitter pour sa part consistait à former une communauté serbe.  « 2070 jours se sont écoulés et rien n’a été fait », a-t-il déploré.

« Si la Serbie n’obtient rien en retour, sur quoi portera le dialogue à venir, la couleur des billes avec lesquelles les enfants vont jouer dans les cours de récréation? », a ironisé le dirigeant.  « De quel document prétendent-ils faire découler leur droit souverain à former leur propre armée? Où cela est-il écrit? », s’est aussi interrogé M. Vučić, en faisant référence aux Kosovars.  « Je peux vous donner la réponse: nulle part! », a-t-il lancé, pas même dans la Constitution du Kosovo, que la Serbie ne reconnaît pas de toute façon, a-t-il précisé.

Pour M. Hashim Thaçi, du Kosovo, en revanche, « rien d’extraordinaire ne s’est passé la semaine dernière ».  Il a rappelé que la « simple » et « juste » décision prise vendredi réparait l’« erreur » d’avoir attendu cinq ans pour créer une armée.  Le paragraphe 15 de la résolution 1244 (1999), se réfère seulement à la démilitarisation de l’Armée de libération du Kosovo (ALK), a-t-il ajouté, soutenu sur ce point par les États-Unis.  Il a également argué que la proposition de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le processus concernant le futur statut du Kosovo, M. Martti Ahtisaari, a clairement souligné le droit du Kosovo à disposer d’une armée, de même que l’Examen stratégique du secteur de la sécurité, mené en étroite collaboration avec l’OTAN, tandis que la décision de la Cour internationale de Justice, qui dit en termes « très clairs » que le Kosovo n’a violé aucune loi internationale lorsqu’il a déclaré son indépendance, lui accorderait le « droit incontestable » d’avoir son armée.

Pour autant, M. Thaçi s’est voulu rassurant: « Les forces armées du Kosovo ne sont pas et ne seront jamais une menace pour qui que ce soit.  Elles sont et resteront une force professionnelle et multiethnique et contribueront en outre à la stabilité de la région » a-t-il assuré, en précisant qu’elles seront constituées, à hauteur de 10%, de soldats issus des communautés non-majoritaires. 

La Fédération de Russie ne l’a pas entendu de cette oreille, affirmant que le Kosovo était la pire région d’Europe pour la criminalité organisée, et le sanctuaire de combattants terroristes étrangers de retour de Syrie et d’Iraq.  Pour la délégation, il faut « immédiatement annuler » la décision de créer une armée du Kosovo.  L’appel lancé par la Serbie en cas d’entrée de forces albanaises sur son territoire doit être pris au sérieux, a-t-elle prévenu, en affirmant que « Belgrade se défendra ».  La Chine, le Kazakhstan et la Bolivie ont été au nombre des membres du Conseil à partager les préoccupations de la Serbie devant la formation prochaine de cette armée du Kosovo.

À l’inverse, le Royaume-Uni a jugé que « le recours à la force par la Serbie ne servirait pas à grand-chose ».  « Nous ne pensons pas non plus qu’il soit bon de s’en faire l’écho, comme l’a fait un membre du Conseil », a ajouté la délégation britannique, accusant certaines « forces extérieures » au Kosovo de tenter « d’exploiter » la décision de Pristina pour servir leurs propres intérêts. 

Les États-Unis ont de plus souligné que le vote du 14 décembre n’entraînera « aucun changement immédiat dans la structure, la mission ou les opérations de la force de sécurité », insistant sur le fait qu’il s’agit d’une première étape conforme au plan de transition décennal du Kosovo.  La délégation américaine a également souligné que toute opération dans le nord du Kosovo nécessite des consultations avec le commandant de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR).  S’il y a une question sur laquelle tous les membres du Conseil sont tombés d’accord, c’est l’importance de relancer le dialogue sous l’égide de l’Union européenne, en vue de parvenir à la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina.  C’est le cas de la Suède, pour qui le dialogue est la seule voie possible pour identifier une solution politique inclusive et durable pour la région, ou encore des Pays-Bas qui ont exhorté les deux parties à prendre conscience du fait que le statu quo n’est pas une solution à long-terme.

« Seule la normalisation complète de vos relations vous permettra de concrétiser vos ambitions européennes respectives.  Cette perspective européenne est bien la boussole commune qui doit vous guider et vous unir », a affirmé de son côté la France pour qui l’objectif de progresser vers un « accord global et juridiquement contraignant », endossé par les deux parties, doit rester une « priorité absolue ». 

RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ – KOSOVO

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a fait état d’un nombre de développements importants récemment au Kosovo, lesquels ont ravivé les tensions entre Belgrade et Pristina.  Le 21 novembre, à la suite de l’échec du Kosovo à intégrer INTERPOL, le Gouvernement du Kosovo a annoncé une hausse des tarifs des biens importés en provenance de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine, « de 10 à 100% ».  En réponse, a-t-il indiqué, les maires des quatre municipalités à majorité serbe du Kosovo ont annoncé leurs démissions et la décision de leurs assemblées municipales respectives de cesser toute communication officielle avec Pristina, a révélé le haut fonctionnaire.  En outre, le principal parti politique serbe du Kosovo, la Liste serbe, a organisé des manifestations quotidiennes dans le nord de Mitrovica, qui ont réuni jusqu’à 5 000 personnes, a-t-il précisé.

De son côté, Belgrade a déclaré que Pristina avait violé l’Accord de libre-échange d’Europe centrale et souligné qu’elle ne reprendrait sa participation au dialogue facilité par l’Union européenne qu’une fois que Pristina aurait révoqué la taxe sur les importations.  L’Union européenne a également exhorté le Gouvernement du Kosovo en ce sens, le Représentant spécial du Secrétaire général exprimant à son tour sa préoccupation devant l’impact que cette taxe pourrait avoir sur la population du Kosovo et la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina.  « Dans cette atmosphère tendue », a noté le Secrétaire général adjoint, l’Assemblée du Kosovo a adopté, le 14 décembre dernier, trois lois, à savoir la Loi sur la Force de sécurité du Kosovo; et la Loi sur le Service dans la Force de sécurité du Kosovo; et la Loi sur le Ministère de la Défense.  Ces textes apportent des changements significatifs –qui seront mis en œuvre de manière échelonnée–, au mandat, au rôle et à la puissance de la Force.  Le Gouvernement du Kosovo a souligné le droit du Kosovo d’avoir une armée, une force « multiethnique et professionnelle » alignée sur les critères les plus élevés de l’OTAN, a noté M. Lacroix.

Belgrade a condamné l’adoption de ces lois, qualifiées d’« agression politique » contre la Serbie, et de violation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.  De son côté, le Secrétaire général de l’OTAN, pour qui la transition de la Force de sécurité du Kosovo est en principe une question dont le Kosovo peut décider, a exprimé son regret devant la décision prise par l’Assemblée du Kosovo, qu’il a jugée « inopportune » et sans égard pour les préoccupations soulevées auparavant par l’OTAN, a relevé le Secrétaire général adjoint.  Le Secrétaire général de l’ONU a lui aussi noté avec préoccupation l’adoption de ces lois, soulignant que la résolution 1244 (1999) est le seul cadre juridique sur lequel est basée la présence internationale de sécurité, la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), qui est chargée de garantir un environnement sûr et sécurisé au Kosovo.  Par conséquent, selon M. António Guterres, « toute restriction à l’exercice par la KFOR de ses responsabilités en matière de sécurité serait incompatible avec cette résolution ».  Le Chef de l’Organisation, a poursuivi M. Lacroix, a demandé à toutes les parties concernées de faire preuve de retenue et de s’abstenir de toute action susceptible d’accroître les tensions et de provoquer un nouveau recul dans le dialogue facilité par l’Union européenne pour la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. 

M. Lacroix s’est dit inquiet des risques de tensions supplémentaires sur le terrain, en particulier dans le nord du Kosovo.  « Il est donc crucial que Belgrade et Pristina s’abstiennent de toute mesure susceptible d’aggraver la situation, et réfléchissent plutôt aux moyens de s’engager dans le dialogue visant la normalisation de leurs relations ».  La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a-t-il assuré, continuera ses activités prioritaires, dont le renforcement de la confiance intercommunautaire. 

M. ALEKSANDAR VUČIĆ, Président de la Serbie, s’est dit très inquiet de l’évolution de la situation, suite à la décision de Pristina de transformer la Force de sécurité du Kosovo en force armée.  « J’ai même peur pour l’avenir, non seulement l’avenir de mon pays, mais également celui de toute la région », a-t-il déclaré. 

Aux yeux du Président Vučić, la Serbie a consenti des efforts importants pour maintenir la paix, la stabilité et la tranquillité de la totalité de la région.  « Nous avons fait preuve d’une très grande retenue face aux provocations de Pristina », a-t-il affirmé.  Parallèlement, la Serbie a, selon lui, fait de son mieux pour mettre en pratique tout ce qui avait été entendu sur le papier dans l’accord conclu en avril 2013 entre Belgrade et Pristina.  Cet accord, a-t-il ajouté, a été le fruit de « nombreuses concessions » de la part de la Serbie.  À l’inverse, M. Vučić a estimé que la seule concession de la part de Pristina, dans le cadre de l’accord, concernait l’obligation de former une communauté serbe.  « 2070 jours se sont écoulés et rien n’a été fait pour s’acquitter de cette obligation », a-t-il déploré. 

Le dirigeant serbe a ensuite insisté sur le fait que son pays avait tout fait pour résoudre la situation au Kosovo par la voie du dialogue.  Dans ce cadre, M. Vučić a souligné que son pays avait notamment prié le Kosovo de ne pas tenter d’adhérer à l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) ou à d’autres agences et organisations internationales.  « Or, ils n’en ont fait qu’à leur tête, tablant sur le soutien de l’Union européenne et des États-Unis », a-t-il regretté, ajoutant que, lorsque de nombreux États s’étaient ensuite opposés, lors du vote, à l’adhésion du Kosovo à INTERPOL, Pristina avait injustement accusé Belgrade d’être responsable de cet échec.

M. Vučić a affirmé qu’en réaction, Pristina avait procédé à une augmentation des droits de douane entre le Kosovo et la Serbie, de 10% tout d’abord, puis de 100%.  « Ils ont tué tout type d’échanges entre la Serbie et le Kosovo », a dénoncé le dirigeant serbe, ajoutant que Pristina avait du même coup mis en danger la communauté serbe du Kosovo, dont le seul moyen de subsistance repose sur les échanges avec le reste de la Serbie.  « Imaginez-vous, au XXIe siècle, s’opposer à la circulation de biens et services! », a déploré le Président serbe.

À ses yeux, depuis 2014, Pristina n’a eu de cesse de formuler des menaces quant à la création d’une armée du Kosovo.  Déjà à l’époque, s’est-il remémoré, le Secrétaire général en exercice, M. Ban Ki-moon, avait indiqué qu’une telle création s’inscrirait en violation de la résolution 1244 (2018).  « De quel document prétendent-ils faire découler leur droit souverain à former leur propre armée?  Où cela est-il écrit? », s’est interrogé M. Vučić, avant d’ajouter: « Je peux vous donner la réponse: nulle part! ». 

D’ailleurs, ce droit n’est même pas mentionné dans la Constitution du Kosovo, a poursuivi M. Vučić, tout en précisant que la Serbie ne reconnaissait pas cette Constitution.  Néanmoins, selon ce texte, tout amendement à la Constitution suppose un vote à la majorité des deux tiers de l’Assemblée du Kosovo, vote qui n’a pas eu lieu préalablement à l’annonce de la création d’une armée kosovare.  « Ils n’ont donc même pas respecté leur propre Constitution », a ironisé le Président serbe. 

Dénonçant l’appui fourni à Pristina par l’Union européenne (UE), M. Vučić a affirmé que le Kosovo était « officiellement » le territoire où le taux de retour des personnes déplacées était le plus faible, à savoir, selon lui, 1,5% seulement des déplacés.  « Chose assez inouï », le Conseil de sécurité ne se préoccupe pas du tout de savoir pourquoi ce taux est aussi faible, a regretté M. Vučić, avant d’accuser Pristina de violer également les accords signés entre la Serbie et d’autre pays. 

Face aux accusations selon lesquelles Belgrade aurait lancé une campagne pour ne pas reconnaître l’indépendance du Kosovo, M. Vučić a réaffirmé que son pays avait œuvré en toute bonne foi dans le cadre des accords signés.  « Quelqu’un doit leur dire d’arrêter! », a martelé le Président serbe.  « Les mesures qu’ils ont prises ne sont pas cohérentes avec le XXIe siècle, pour le dire de façon très légère ». 

S’agissant du retour à la table des négociations, M. Vučić a dénoncé les conditions préalables, selon lui déraisonnables, formulées par Pristina pour entamer le dialogue, à savoir la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo d’après les frontières voulues par Pristina et sans rien changer à sa vision d’un État unitaire.  « Si la Serbie n’obtient rien en retour, sur quoi va porter le dialogue à venir, la couleur des billes avec lesquelles les enfants vont jouer dans les cours de récréation? », a ironisé le Président serbe. 

M. Vučić s’est dit toutefois prêt à rouvrir le dialogue.  À cette fin, il a appelé Pristina à faire marche arrière sur les droits de douane.  Il a également exhorté l’ONU à peser davantage sur les négociations.  S’adressant ensuite en serbe au peuple serbe résidant au Kosovo, le Président de la Serbie a déclaré:  « Depuis cette séance officielle du Conseil de sécurité des Nations Unies, je souhaite vous dire que face aux tortures qui sont votre lot, la Serbie vous défendra toujours ».

« Rien d’extraordinaire ne s’est passé au Kosovo la semaine dernière », a fait savoir M. HASHIM THAÇI, du Kosovo.  Évoquant une « simple » et « juste » décision, il a ajouté que si le Kosovo a fait une erreur, c’est d’attendre 5 ans pour créer son armée, assurant que cette décision n’est en rien en contradiction avec la résolution 1244 (1999). 

Tout d’abord, a-t-il expliqué, le paragraphe 15 de ladite résolution se réfère seulement à la démilitarisation de l’Armée de libération du Kosovo (ALK), ce qui a été fait rapidement et sans incidents.  Deuxièmement, a continué M. Thaçi, la proposition de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le processus concernant le futur statut du Kosovo, M. Ahtisaari, a clairement souligné le droit du Kosovo à disposer d’une armée.  En outre, l’Examen stratégique du secteur de la sécurité, mené en étroite collaboration avec l’OTAN, souligne très clairement le droit du Kosovo à transformer sa force de sécurité en forces armées. 

Enfin, a fait valoir le Président, la décision de la Cour internationale de Justice dit en termes très clairs que le Kosovo n’a violé aucune loi internationale lorsqu’il a déclaré son indépendance.  Cela signifie donc qu’il a le « droit incontestable » d’avoir son armée, comme c’est la volonté du peuple et de ses représentants, a assuré M. Thaçi, « que cela déplaise à certains ou non ». 

« Les forces armées du Kosovo créeront plus de paix et de stabilité », a voulu M. Thaçi.  Cette transformation de la mission de la Force de sécurité n’est pas un message contre quiconque.  « Les forces armées du Kosovo ne sont pas et ne seront jamais une menace pour qui que ce soit.  Elles sont et resteront une force professionnelle et multiethnique, » a-t-il indiqué, précisant qu’elles seront constituées, à 10% de soldats venant des communautés non majoritaires.

Reconnaissant que le peuple du Kosovo, en raison de son « passé tragique », a toujours eu peur des uniformes militaires, M. Thaçi a aussi affirmé que les soldats du Kosovo seront des soldats de la paix et que son armée contribuera à la stabilité de la région.  Il a ensuite avoué avoir été profondément troublé que de nombreux Kosovars serbes, citoyens du Kosovo et membres des forces de sécurité, aient été obligés de démissionner en raison de pressions imposées par l’État serbe. 

Poursuivant, M. Thaçi a assuré que le Kosovo respectera tous les accords internationaux en existence, y compris la lettre envoyée par le Secrétaire général de l’OTAN concernant la coopération avec la KFOR.  Nous allons continuer de coopérer étroitement avec l’OTAN, a-t-il assuré.  En ce sens, la création de l’armée kosovare vise directement à renforcer les capacités du pays pour lui permettre de mieux contribuer à la sécurité locale mais en aucun cas à interférer avec la mission actuelle de l’OTAN, s’est-il justifié.  Au contraire, la décision du Parlement permettra de rendre notre pays plus à même de contribuer à la sécurité locale et au-delà, sans interférer de quelque manière que ce soit avec la mission actuelle de l’OTAN au Kosovo.

Malgré les difficultés et les injustices, le Kosovo reste inébranlable dans son orientation, qui se trouve dans les structures euro-atlantiques, a-t-il poursuivi.  Selon M. Thaçi, le problème de son « voisin du Nord » n’est pas l’armée du Kosovo mais plutôt son existence même en tant qu’État indépendant et souverain. 

« Sans dialogue et sans accord final, a-t-il poursuivi, nous deviendrons des pays qui produisent des drames sans fin à des fins de consommation domestique et au détriment de nos avenirs respectifs ».  Il a ensuite dénoncé la campagne « abominable » menée par la Serbie contre la demande d’adhésion du Kosovo à INTERPOL, affirmant que seule la criminalité organisée et le terrorisme pouvaient profiter de l’absence du Kosovo à cette organisation.

« Le Kosovo n’a pas provoqué cette situation », a-t-il asséné, dénonçant une action agressive de la part de la Serbie.  Ceci dit, il a assuré rester engagé en faveur de la paix et du dialogue avec la Serbie.  « La paix n’implique pas l’absence de tout désaccord, mais ce cycle de violence est injustifiable et doit se terminer », a conclu le Président, voulant croire en « un avenir où le Kosovo et la Serbie s’assoiront comme des égaux à la table de la famille européenne ».

M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est félicité de la tenue de cette séance, à la suite de la violation « gravissime » de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité que constitue la décision « illégale » de Pristina de créer une véritable force armée au Kosovo.  Il a balayé l’argument selon lequel il s’agirait d’une décision « souveraine », avant de rappeler que sa délégation avait demandé, « en vain », une surveillance de la situation sur le terrain, compte tenu des risques d’aggravation qui pèsent sur elle.  La décision de militariser la Force de sécurité du Kosovo est en violation de la résolution 1244 (1999), a-t-il tranché, en déplorant par ailleurs l’absence de progrès politiques en vue de relancer le dialogue entre Belgrade et Pristina.  Or, la région continue d’être le sanctuaire de combattants terroristes étrangers en provenance de Syrie et d’Iraq, et un risque sécuritaire accru se pose après la hausse des droits de douane imposés par Pristina, a déploré M. Nebenzia.  La violation « flagrante » de la résolution 1244 (1999) a en outre bénéficié de l’appui de certains membres de ce Conseil, a-t-il accusé. 

La délégation russe s’est ensuite déclarée déçue de la position de l’Union européenne, qui « d’un côté se prétend un observateur objectif et, de l’autre, encourage le Kosovo à créer sa propre armée ».  Selon elle, l’apparition de cette armée représente une « menace existentielle » pour les Serbes.  Le représentant a dénoncé les criminels albanais qui se sont livrés au trafic d’organes humains, lesquels n’ont toujours pas été traduits en justice, affirmant qu’« il est difficile de prendre au sérieux les tentatives d’y faire face ».  Il s’est également élevé contre les attaques perpétrées dans les communautés serbes au Kosovo, qui auraient pour objet de s’emparer de leurs territoires.  Il a assuré qu’il faut prendre au sérieux l’appel lancé par la Serbie en cas d’entrée de forces albanaises sur son territoire, affirmant que « Belgrade se défendra ».  Pour la Fédération de Russie, il faut « immédiatement annuler » la décision de créer une armée du Kosovo.  Elle a espéré que l’Union européenne s’efforcerait de convaincre Pristina de « faire marche arrière », avant d’estimer que l’examen trimestriel du rapport du Secrétaire général doit être maintenu et que le Conseil de sécurité doit suivre cette situation « de très près ». 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a affirmé qu’« en tant qu’État souverain, le Kosovo devrait avoir le droit de créer ses propres institutions », tout en estimant que la transformation de ses forces de sécurité devait se faire dans le cadre d’un processus transparent et inclusif et conforme à la Constitution du Kosovo.  Il a encouragé le Kosovo à travailler sur cette transformation en consultation avec l’OTAN et d’autres acteurs internationaux pertinents.  Il a insisté sur l’importance de l’inclusivité pour que ce processus sur 10 ans reçoive le soutien de tous au Kosovo, en particulier de ses communautés non-majoritaires. 

Le représentant a fait remarquer que la décision prise par les autorités du Kosovo de commencer cette transformation est tombée à un moment sensible, marqué par une succession de mesures récentes prises des deux côtés qui ne sont pas propices à créer un climat favorable à la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie.  Il a exhorté les autorités des « deux pays » à agir de manière responsable et à contribuer à calmer la situation.

Pour ce qui est de la reprise du dialogue facilité par l’Union européenne, le représentant a appelé à y œuvrer le plus vite possible et sans précondition, ainsi qu’au respect des accords du passé.  « Les deux parties devraient prendre conscience du fait que le statu quo n’est pas une solution à long-terme », a souligné le représentant, ajoutant que la sécurité dépend des relations de bon voisinage.

M. van Oosterom a ensuite reproché à certains membres du Conseil de sécurité d’avoir insisté pour la tenue d’un débat public aujourd’hui plutôt qu’une « conversation confidentielle », y voyant une « occasion ratée » de reprendre un engagement réel du Conseil avec Belgrade et Pristina.  Les Pays-Bas demandent aux deux parties de faire preuve de volonté politique et de détermination pour la normalisation de leurs relations dans le cadre du dialogue facilité par l’Union européenne, a-t-il ajouté.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que « la France prend note » des décisions du Parlement kosovar concernant la Force de sécurité du Kosovo.  « En prenant pleinement mesure » des éléments présentés par M. Lacroix, sa délégation, tout comme le Secrétaire général, exprime également sa préoccupation face au risque de détérioration de la situation.  À ce titre, elle « regrette » que depuis le début de l’année et en particulier ces dernières semaines, plusieurs incidents et décisions unilatérales aient pesé sur le dialogue entre Belgrade et Pristina, notamment la décision d’imposer une taxe de 100% sur les produits en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine.  La France demande donc aux autorités kosovares de l’annuler.  Elle demande aussi aux parties de chercher à régler les difficultés par la voie du dialogue, afin de limiter tout risque d’escalade. 

M. Delattre a également déclaré que, pour la France, qui reconnaît le Kosovo comme État, s’il est « légitime » que le Kosovo puisse se doter d’une force armée, l’adoption de ces lois n’intervient pas à un bon moment, car il est préjudiciable au dialogue entre Belgrade et Pristina.  Elle déplore aussi que ces lois aient été adoptées sans concertation avec l’OTAN et sans emprunter la voie constitutionnelle.  Pour ces raisons, la France souhaite le maintien des arrangements en vigueur en matière de déploiement de la KSK dans le nord du pays.  Ces arrangements prévoient qu’un tel déploiement ne peut intervenir qu’avec l’accord préalable de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR). 

La France estime en outre que l’objectif de progresser vers un accord global et juridiquement contraignant de normalisation des relations, endossé par les deux parties doit rester une « priorité absolue ».  Pour cette raison, elle exhorte leurs dirigeants à reprendre le dialogue dans les meilleurs délais et à faire preuve de volonté et de responsabilités politiques.  Chaque partie doit s’abstenir de toute action, déclaration et mesure susceptible d’exacerber les tensions, a dit le représentant, appelant chacun à se tourner vers l’avenir.

« Seule la normalisation complète de vos relations vous permettra de concrétiser vos ambitions européennes respectives, a-t-il affirmé.  Cette perspective européenne est bien la boussole commune qui doit vous guider et vous unir.  Votre avenir est là, et c’est un avenir partagé. »

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a réaffirmé l’appui de Washington à la transition progressive et transparente vers une force « professionnelle et multiethnique qui serve et reflète toutes les communautés du Kosovo ».  Selon lui, la législation adoptée par le Parlement du Kosovo la semaine dernière est pleinement conforme à la résolution 1244 du Conseil de sécurité.  « Le Kosovo a le droit souverain d’établir et de maintenir une force armée », a assuré le représentant.  En effet, pour sa délégation, la résolution 1244 (1999) autorise l’établissement d’une force de sécurité internationale au Kosovo et lui confie le soin de « démilitariser » l’Armée de libération du Kosovo (ALK) et d’autres groupes armés albanais du Kosovo.  Selon lui, ces dispositions ne s’appliquent pas à la Force de sécurité du Kosovo, qui n’est ni « l’ALK » ni un « groupe armé albanais du Kosovo ». 

Le vote au Kosovo du 14 décembre n’entraînera « aucun changement immédiat dans la structure, la mission ou les opérations de la force », a estimé le représentant.  Selon lui, il s’agit plutôt d’une première étape, qui marque le début des travaux en cours visant à mettre en place une force multiethnique, conformément au plan de transition décennal du Gouvernement du Kosovo.  « Nous espérons que le Gouvernement du Kosovo adhérera de manière fiable à tous les arrangements et engagements existants concernant les mouvements de troupes et les opérations des forces au Kosovo, en particulier l’engagement pris par le Kosovo envers le Secrétaire général de l’OTAN en 2013 selon lequel toute opération dans le nord du Kosovo nécessite des consultations avec le commandant de la KFOR ».  Le représentant a ensuite appelé le Kosovo et la Serbie à prendre des mesures immédiates pour apaiser les tensions et créer les conditions propices pour progresser en ce qui concerne le « dialogue sur la normalisation ».

Nous exhortons le Kosovo et la Serbie à reconnaître l’importance de s’engager pleinement en faveur de la normalisation, porteuse de bénéfices pour les peuples, les économies, la paix et la sécurité des deux pays, a-t-il souligné.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a déclaré partager les mêmes préoccupations que le Secrétaire général, rappelant dans la foulée que sa délégation avait déjà exprimée, le mois dernier, ses inquiétudes de voir la Force de sécurité du Kosovo transformée en armée.  Le Kazakhstan appelle donc les parties à ne prendre aucune mesure susceptible de conduire à l’escalade ou à un retour dans le processus de normalisation.

Le représentant a estimé que la priorité du Conseil de sécurité devrait être la promotion et le maintien du dialogue.  De telles discussions pourraient avoir lieu sous les auspices de l’Union européenne, avec l’implication de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des autres acteurs régionaux et sous régionaux.  Pour cela, il est important que les parties adhèrent aux accords précédemment agréés à travers la médiation internationale, a dit le représentant, insistant sur les risques potentiels de tensions des actes unilatéraux contraires à ces accords. 

M. ZHAOXU MA (Chine) a estimé que la résolution 1244 (1999) constituait une base importante pour la résolution de la question kosovare.  Il a appelé les parties à s’abstenir de toute action susceptible d’envenimer la situation actuelle. 

Dans ce cadre, le représentant a dit comprendre les « préoccupations légitimes » de la Serbie, en tant qu’État souverain et indépendant.  Il a espéré que les deux parties soient à même de résoudre leurs différends par la voie du dialogue, en vue de trouver une solution mutuellement acceptable.

Enfin, le représentant a insisté sur la nécessité de protéger tous les groupes ethniques présents dans l’ouest des Balkans. 

Pour M. OLOF SKOOG (Suède), les principales menaces pour la stabilité des Balkans occidentaux sont liées aux questions en instance sur le statut du Kosovo.  C’est un frein au processus d’intégration à l’Union européenne, a expliqué le représentant, ajoutant que ce processus représente pourtant l’un des principaux moteurs de la stabilité de la région, à la fois pour le Kosovo et pour la Serbie.  Pour sa délégation, la communauté internationale devrait offrir son assistance aux deux parties en vue de parvenir à un accord global, juridiquement contraignant.  « Cela est important pour que la Serbie reconnaisse le Kosovo, et pour que le Kosovo puisse devenir membre des Nations Unies ».

S’agissant de la législation récente adoptée par le Parlement du Kosovo sur les forces de sécurité du Kosovo, le représentant a estimé qu’il s’agit d’une question primordiale pour la souveraineté du pays.  Dans le même temps, la Suède encourage Pristina à veiller à ce que la transformation de ses forces de sécurité pendant les 10 années à venir se fasse dans le cadre d’un processus transparent et inclusif, conforme avec sa Constitution et en étroite collaboration avec l’OTAN et ses autres partenaires.

La Suède regrette que les mesures prises au cours des derniers mois par les deux parties ne soient pas favorables à des relations de bon voisinage et ne créent pas un climat propice à la normalisation de leurs relations.  Par conséquent elle appelle à la retenue pour ne pas intensifier les tensions et demande aux deux parties de respecter les accords régionaux y compris ceux relatifs au libre-échange. 

Le représentant a noté, cependant, l’engagement renouvelé de Belgrade et de Pristina de participer au dialogue de normalisation facilité par l’Union européenne.  « Ce dialogue doit se poursuivre sans précondition », a-t-il exigé car il s’agit de la seule voie possible, à ses yeux, pour identifier une solution politique inclusive et durable pour la région.  En conclusion il a souligné que l’avenir de la Serbie et du Kosovo se trouve dans l’Union européenne, et a demandé aux deux parties de respecter leurs engagements et de poursuivre le processus de dialogue de manière constructive.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a estimé que la création, par le Kosovo, de sa propre force armée relevait du droit discrétionnaire de Pristina, en tant qu’État indépendant et autonome « reconnu par plus de 100 États membres des Nations Unies ».  Elle a toutefois encouragé le Kosovo à procéder à cette transformation selon un calendrier de transition échelonné sur 10 ans et en concertation avec ses alliés internationaux. 

Aux yeux de la représentante, la résolution 1244 (1999) ne s’oppose en rien à la transformation de la Force de sécurité du Kosovo en force armée.  Toutefois, elle a exhorté Pristina à agir de manière responsable, dans la transparence et en concertation avec l’OTAN, afin notamment que le Kosovo puisse s’acquitter de ses obligations vis-à-vis de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR).  La déléguée britannique a également regretté que les efforts pour créer une force multiethnique, tel que l’avait demandé l’OTAN, aient échoué « suite à des pressions externes ». 

« Le recours à la force par la Serbie ne servira pas à grand-chose », a poursuivi la représentante.  « Nous ne pensons pas non plus qu’il soit bon de s’en faire l’écho, comme l’a fait un membre du Conseil », a-t-elle ajouté, accusant certaines « forces extérieures » au Kosovo de tenter « d’exploiter » la décision de Pristina pour servir leurs propres intérêts.

Aux yeux de la représentante, la situation d’aujourd’hui est avant tout le fruit du manque de normalisation des relations entre les parties.  Or, chaque fois que nous avons tenté de résoudre le problème, nous nous sommes heurtés à un obstacle, a-t-elle déploré.  « Et à chaque fois, la source de cet obstacle était Belgrade », a affirmé la déléguée britannique.  « La seule solution c’est la normalisation », a-t-elle insisté, tout en saluant la décision prise le 15 décembre dernier, par le Parlement du Kosovo, de mandater une équipe pour retourner à la table des négociations. 

La représentante a enfin exhorté les deux parties à prendre toutes les mesures nécessaires pour normaliser leurs relations, sous l’égide des pays européens, afin de parvenir à terme à un accord.

Soutenant le processus de consolidation de la paix au Kosovo, la normalisation des relations entre Pristina et Belgrade et la stabilité dans les Balkans, M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a jugé essentiel que toutes les parties restent engagées à mettre en œuvre la résolution 1244 (1999) et les Accords de Bruxelles.  À l’instar du Secrétaire général, il a considéré que les trois lois adoptées par le parlement kosovar pour transformer la Force de sécurité du Kosovo en armée régulière ne sont pas conformes à cette résolution, ni aux Accords de Bruxelles, qui ont décidé de l’établissement d’une force de sécurité internationale dirigée par l’OTAN et la police du Kosovo.  La délégation a appelé toutes les parties à faire preuve de modération afin de favoriser un dialogue constructif.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a souligné que la transformation de la Force de sécurité du Kosovo en armée devait être un « processus graduel » et respectueux de la Constitution.  Pour sa délégation, les évènements récents au Kosovo ne représentent pas une menace à la paix et à la sécurité internationales, la représentante réitérant sa conviction que la stabilité durable du Kosovo et de la région ne pourrait être réalisée que par la reprise du dialogue visant à normaliser les relations entre Belgrade et Pristina.

M. TAYE ATSKE SELASSIE MADE (Éthiopie) a réaffirmé l’appui de son pays envers la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Serbie, ainsi que l’engagement de l’Éthiopie en faveur de la résolution des différends entre Belgrade et Pristina par la voie du dialogue.

Le représentant a pris note des préoccupations du Secrétaire général face à l’adoption par le Parlement du Kosovo de trois projets de loi visant à renforcer le rôle et la capacité de la Force de sécurité du Kosovo.  « Tout comme l’a justement souligné le Secrétaire général, la résolution 1244 (1999) fournit le seul cadre légal de présence d’une force de sécurité internationale », a-t-il souligné, en référence à la KFOR.  Par conséquent, a-t-il estimé, toute tentative contraire aux dispositions de la résolution ne ferait que miner les efforts visant à trouver une solution au Kosovo par la voie du dialogue.

Le représentant a appelé les parties à faire preuve de retenue et à s’abstenir de toute action susceptible d’engendrer une montée des tensions dans la région et de saper le dialogue facilité par l’UE, en vue de parvenir à la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. 

M. PROTASIO EDU EDJANG NNAGA (Guinée équatoriale) a déploré la décision unilatérale du Parlement de Pristina de transformer la Force de sécurité du Kosovo en forces armées, estimant que cela va à l’encontre de la résolution 1244 (1999).  Pour lui, ces actes et décisions venant de Pristina ne peuvent que contribuer à exacerber les tensions et fragiliser davantage l’équilibre délicat entre les deux parties.  Vu la gravité de la situation, le représentant a demandé aux parties de rester calmes et de s’abstenir de faire des déclarations et/ou des actions susceptibles de provoquer une escalade et saper, ainsi, la stabilité et la sécurité, non seulement sur le terrain, mais également dans l’ensemble des Balkans.

Réitérant son respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie, le représentant a encouragé les parties à intensifier les efforts pour améliorer la coopération régionale, préserver les bonnes relations de confiance entre les communautés et le plein respect de la résolution 1244 (1999), qui, a-t-il souligné, est la base juridique d’une solution juste au Kosovo. 

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a demandé à ce que la résolution 1244 (1999) soit « respectée ».  Cette résolution est en vigueur, par conséquent la surveillance de la situation par la communauté internationale se justifie, a-t-elle rappelé, en soulignant que c’est à la KFOR d’assumer la responsabilité de maintenir la sécurité au Kosovo.  Toute décision de transformer la Force de sécurité du Kosovo en armée est une source de préoccupation pour nous, a affirmé la délégation, qui s’est également dite inquiète de la hausse des droits de douane imposée par Pristina.  La Bolivie a en conclusion encouragé les parties à se réengager en faveur du dialogue et de privilégier la recherche du consensus. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a pris note des décisions du Parlement du Kosovo, qui a selon lui « pleinement le droit de créer ses institutions nationales, conformément à sa Constitution ».  Tout en comprenant les préoccupations de la Serbie, le représentant a espéré que les décisions de Pristina ne mettraient pas à mal les négociations en cours sur le Kosovo, sous l’égide de l’ONU.

Le délégué koweitien a par ailleurs estimé que les décisions prises par le Kosovo n’étaient pas contraires aux dispositions de la résolution 1244 (1999).  Il s’est de plus réjoui de l’assurance donnée par Pristina que ces décisions ne menaçaient en rien la sécurité des minorités ethniques dans la région.

Le représentant a appelé les parties à résoudre leurs différends par la voie du dialogue et à respecter les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Il a également appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour aider les parties à parvenir à un accord durable.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est dit préoccupé par le vote des trois projets de loi transformant la force de sécurité du Kosovo en une véritable armée nationale, à l’unanimité des députés albanais, tandis que leurs pairs Serbes les boycottaient.  Cette initiative pourrait avoir des implications sur les mandats de la MINUK et de la KFOR, a-t-il estimé, et s’avérer incompatibles avec les dispositions de la résolution 1244 (1999) qui donne leur cadre juridique aux forces internationales.  Ces votes interviennent en outre alors que les négociations visant à normaliser les relations entre la Serbie et le Kosovo sont dans l’impasse.  Le représentant a appelé les parties à la retenue et à regagner rapidement la table de négociations afin d’apaiser les tensions nées des initiatives récentes, affirmant que seul le dialogue mène à la paix.

Reprenant la parole, M. ALEKSANDAR VUČIĆ, Président de la Serbie, a fait observer que si certains ont pu dire que ce n’était pas interdit, pour le Kosovo, de créer une armée, aucun d’entre eux n’avait pu citer un seul article de la résolution 1244 (1999) reconnaissant ce droit.  Et pour cause, a-t-il dit: « Cet article n’existe pas ».  Le Chef d’État a ensuite contesté les affirmations de Pristina, pour qui une « terrible épuration ethnique serbe » aurait été perpétrée au Kosovo.  « J’ai entendu quelque chose que je n’arrive pas à comprendre: Pristina et le Plan de Martti Ahtisaari.  Quand est-ce que ce plan a été appliqué? Par quelle section, par quelle partie? »  « Lorsque vous êtes à court d’arguments, vous parlez de choses qui n’existent pas », a tranché le Président pour qui il n’y a pas d’articles ou d’accords qui puissent être mentionnés.  Et nous n’avons pas eu recours à la force, a-t-il affirmé, alors que l’autre partie oui, « y compris contre le principal négociateur ».  Mais il semble plus simple de s’en prendre à la Serbie pour certains, a constaté à regret M. Vučić.  Pourtant, nous n’avons pas imposé une hausse des droits de douane, « nous n’avons pas créé d’armée ». 

Poursuivant, il a noté que Pristina avait argué que seule la criminalité organisée avait gagné quelque chose à la décision d’INTERPOL.  Le Chef d’État a assuré vouloir que Pristina fasse des progrès en ce domaine, car c’est aujourd’hui « le pire endroit en Europe » pour ce phénomène.  Il a rappelé que les maires des municipalités à majorité serbe avaient déclaré que la formation de cette armée est « une menace grave pour leur survie ».  Le Président a déclaré en conclusion être reconnaissant à tous ceux qui ont apporté leur soutien à l’intégrité territoriale de la Serbie et à la résolution 1244 (1999). 

« Je ne suis pas très optimiste et mes préoccupations et inquiétudes sont encore plus grandes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient hier », a avoué M. Vučić.  Il a assuré que la Serbie était prête à reprendre le dialogue, dès que le Kosovo aura levé les taxes qu’il impose.  Selon lui, tout ce qu’a récemment fait Pristina est « irresponsable » et nous a ramené « six ou sept ans en arrière ».

 « Nous savons qui est la victime et nous savons également qui est l’agresseur », a affirmé M. HASHIM THAÇI, du Kosovo.  « On ne peut pas réécrire l’Histoire! », a-t-il lancé à l’attention du Président serbe.  Cette guerre a bien eu lieu au XXe siècle et, « que vous le vouliez ou non », l’État de Serbie a assassiné 13 500 civils dans le cadre du conflit au Kosovo, a-t-il estimé, ajoutant que les troupes serbes avaient aussi violé environ 20 000 femmes albanaises.  « Et pas une seule mise en accusation ou condamnation », a déploré M. Thaçi, précisant que l’ancien Président serbe, M. Slobodan Milošević, avait été mis en accusation sans jamais être condamné.

À ceux qui parlent ici de justice, je dirais que les combattants kosovars ont d’abord bénéficié de la justice de la MINUK, puis de la justice de La Haye, a poursuivi M. Thaçi.  Selon lui, cela fait 20 ans que le Kosovo joue le jeu de la justice, de la lutte contre l’impunité, du partenariat avec l’Union européenne et la communauté internationale et de la mise en place de tribunaux spécialisés.  « Aujourd’hui, au Kosovo, il y a davantage d’Albanais que de Serbes condamnés pour crimes de guerres », a affirmé M. Thaçi, déplorant une nouvelle fois l’absence de condamnation côté serbe pour les 400 massacres commis et l’épuration ethnique contre les Albanais du Kosovo.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale exhorte la Fédération de Russie à cesser la militarisation « progressive » de la Crimée et son occupation « temporaire » de l’Ukraine

Soixante-treizième session,
56e séance plénière (suite) – après-midi
AG/12108

L’Assemblée générale exhorte la Fédération de Russie à cesser la militarisation « progressive » de la Crimée et son occupation « temporaire » de l’Ukraine

L’Assemblée générale a, aujourd’hui, dans une résolution, présentée par le Vice-Ministre des affaires étrangères de l‘Ukraine et adoptée à l’issue d’un vote, exhorté la Fédération de Russie à mettre un terme à la militarisation « progressive » de la Crimée et à son occupation « temporaire » du territoire ukrainien.

La résolution intitulée « Problème de la militarisation de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol (Ukraine), ainsi que de certaines parties de la mer Noire et de la mer d’Azov » a été adoptée par 66 voix pour, 19 voix contre et 72 abstentions.  « Vous devriez avoir honte », a dit le Vice-Ministre ukrainien des affaires étrangères aux abstentionnistes qui se sont tus devant un texte qui exhorte la Fédération de Russie à mettre un terme à la militarisation progressive de la Crimée, dont le transfert de personnel militaire et de systèmes d’armes aggrave, selon les informations, l’instabilité. 

Dans ce texte, l’Assemblée générale se déclare également préoccupée par les activités menées par la Fédération de Russie dans les eaux de la mer Noire adjacentes à la Crimée et dans la mer d’Azov, et par la dangereuse montée des tensions et l’emploi injustifié de la force contre l’Ukraine, notamment dans le cadre de l’interception, le 25 novembre 2018 dans la mer Noire, de trois navires des forces navales ukrainiennes, au cours de laquelle certains membres d’équipage ont été grièvement blessés.

L’Assemblée engage donc la Fédération de Russie à s’abstenir de faire obstacle à l’exercice légitime des droits et de la liberté de navigation dans la mer Noire, la mer d’Azov et le détroit de Kertch, conformément au droit international applicable, dont la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer.  Elle condamne la construction et l’ouverture par la Fédération de Russie du pont du détroit de Kertch, qui la relie à la Crimée et facilite la poursuite de la militarisation, mais aussi les actes d’intimidation contre les navires commerciaux et les restrictions au transport international.  Elle prie donc la Fédération de Russie, « en tant que Puissance occupante », de retirer ses forces militaires de Crimée et de mettre immédiatement fin à son occupation « temporaire ».

« Vos provocations, sanctions et résolutions n’y changeront rien. »  « La Crimée est et restera russe parce que ses habitants ont fait le choix de se lier à ceux qui ont libéré leur terre du fascisme », a tranché la Fédération de Russie qui a ajouté: « avant même que la Crimée ne recouvre son statut de territoire russe, les eaux dont la résolution parle étaient déjà russes ».  Le texte a été adopté après le rejet, par 64 voix contre, 25 voix pour et 60 abstentions, des amendements présentés par l’Iran qui voulait apporter « un semblant d’équilibre, de réalisme et de crédibilité », comme l’a dit la Syrie, au projet porté par l’Ukraine.  Une poignée de pays non contents de violer la Charte essayent aussi de biaiser les faits, a ironisé le Vice-Ministre ukrainien des affaires étrangères, niant tout caractère « juridique ou factuel » à ces amendements.

L’Assemblée a par ailleurs entériné la désignation des États suivants comme membres de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international: Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Croatie, Équateur, Fédération de Russie, Ghana, Honduras, Hongrie, Mali, Mexique, Pérou, République dominicaine, Ukraine et Zimbabwe.  Elle a dû passer par un vote pour élire les représentants du Groupe des États d’Asie et du Pacifique et du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États: Chine, Indonésie, Japon, Malaisie, République de Corée, Singapour, Viet Nam; et Allemagne, Belgique Canada, Finlande, France, Royaume-Uni, Suisse.  Tous ces États ont été élus pour un mandat de six ans à partir du 8 juillet 2019.

L’Assemblée a aussi adopté le Rapport de la Commission de vérification des pouvoirs*, ce qui a poussé l’Iran à émettre des réserves sur certains paragraphes qui pourraient être interprétés comme une reconnaissance du régime israélien.

Une autre séance plénière est prévue demain, mardi 18 décembre à partir de 10 heures, pour commémorer le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

*A/73/600

PRÉVENTION DES CONFLITS ARMÉS

Présentation du projet de résolution sur le « Problème de la militarisation de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol (Ukraine) ainsi que de certaines parties de la mer Noire et de la mer d’Azov » (A/73/L.47).

En présentant le texte, le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, M. SERGIY KYSLYTSYA, a dénoncé le fait qu’en février 2014, la Fédération de Russie ait annexé illégalement la Crimée et l’ait militarisée par la suite, renforçant sa présence dans la région de la mer Noire, avec des conséquences jusqu’en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.  La politique « belliqueuse » de la Fédération de Russie a aussi des répercussions négatives dans tout le bassin de la mer Noire, sans compter que le Gouvernement russe a aussi alloué une zone immense de la mer d’Azov à une militarisation progressive qui ne manque pas d’avoir des incidences sur la circulation des marchandises.  La construction illégale d’un pont dans le détroit de Kertch est également « une menace permanente », même si la Fédération de Russie prétend protéger les infrastructures alors qu’il s’agit de poursuivre sa politique de militarisation.  Les attaques contre des navires militaires ukrainiens sont des actes de guerre, a martelé le Vice-Ministre, en parlant de l’attaque contre un navire ukrainien, le 25 novembre dernier, et l’emprisonnement de 24 membres d’équipage.  Même le Secrétaire général s’en est alarmé, a-t-il souligné, avant de lire la liste de tous les coauteurs du projet de résolution qui engage la Fédération de Russie à se retirer de la Crimée.  L’Ukraine, a rassuré le Vice-Ministre, ne cherche pas la confrontation mais le respect par tous les États de la Charte des Nations Unies.  Un vote en faveur du projet de résolution, c’est un vote en faveur de la Charte, a conclu le Vice-Ministre.

À la suite du Vice-Ministre, M. FARHAD MAMDOUHI (République islamique d’Iran), a présenté des amendements (A/73/L.68) consistant à insérer les trois paragraphes suivants: « exhorte les deux États à faire preuve de retenue et à respecter leur souveraineté mutuelle et l’inviolabilité de leurs frontières, et leur demande instamment de s’abstenir de tout discours incendiaire, notamment de tout appel à la destruction d’infrastructures essentielles; demande, à cet égard, aux deux États de mener sur les faits susmentionnés une enquête approfondie, transparente et fondée sur des preuves, afin d’amener les responsables à répondre de leurs actes; et souligne qu’il ne faut pas que les faits susmentionnés ou les mesures qui seront prises en conséquence aient d’incidence sur l’application des décisions contraignantes adoptées par l’Organisation des Nations Unies ».  Il s’agit aussi d’ajouter une ligne au paragraphe qui se lit « engage la Fédération de Russie à s’abstenir de faire obstacle à l’exercice légitime des droits et de la liberté de navigation dans la mer Noir, la mer d’Azov et le détroit de Kertch, conformément au droit international applicable, notamment les dispositions de la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer ».  L’amendement dispose: « ... et de l’accord conclu en 2003 par la Fédération de Russie et l’Ukraine sur la coopération relative à l’utilisation de la mer d’Azov et du détroit de Kertch ».

Explications de vote

M. AMMAR AL ARSAN (Syrie) s’est alarmé de la tendance de certains États à instrumentaliser les points à l’ordre du jour, en ignorant, de manière flagrante, les préoccupations et la position des autres et l’importance du consensus. L’objectif principal du texte est de faire pression sur un État au détriment de l’efficacité même de l’Assemblée générale qui se retrouve noyée sous un flot de projets de résolution et d’amendements.  Le texte présenté aujourd’hui, a poursuivi le représentant, est un « outil de polarisation et de chantage politique », une cause de discorde au lieu d’être un élément rassembleur et de développement pour tous.  La réalité de la Crimée est le résultat d’un référendum, a asséné le représentant qui a reconnu l’appartenance de la péninsule à la Fédération de Russie.  Par leurs amendements, a-t-il expliqué, l’Iran et la Syrie ont tenté « sincèrement » d’apporter un semblant d’équilibre, de réalisme et de crédibilité au projet de résolution et « si ces amendements sont rejetés, nous ne pouvons que voter contre le texte porté par l’Ukraine », a prévenu le représentant.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a expliqué que les incidents du mois dernier au détroit de Kertch sont imputables aux autorités ukrainiennes qui essayent désespérément de « redorer leur blason », en cette période électorale.  Le 25 novembre dernier, a rappelé le représentant, trois bâtiments ukrainiens ont violé les eaux territoriales russes et se sont dirigés vers le détroit de Kertch.  Les avertissements russes sont restés vains, ne laissant d’autre choix que le recours à la force.  Le représentant en a profité pour saluer le « professionnalisme » des militaires russes qui ont su éviter des pertes en vie et pris en charge les trois blessés légers.  Une affaire pénale a d’ailleurs été ouverte car les actes de l’Ukraine dans le détroit de Kertch sont une violation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Avant même que la Crimée ne recouvre son statut de territoire russe, les eaux dont la résolution parle étaient déjà russes, a affirmé le représentant. 

Il a accusé l’Union européenne et les États-Unis de jouer les « agitateurs », jugeant normal qu’ils se soient portés coauteurs de la résolution.  Il a expliqué que la militarisation dont il est question est imputable à l’Ukraine qui parle ouvertement de son idée d’installer une base navale dans la région.  La résolution, a conclu le représentant, ne résout aucun problème.  Elle créé au contraire la polarisation aux Nations Unies.  Il est d’ailleurs déplorable, a-t-il ajouté, que l’Assemblée générale se laisse aller à « ces jeux politiciens » initiés par Kiev et Washington.  Ceux qui soutiennent la résolution sont ceux qui encouragent le Président ukrainien à continuer de détruire son propre pays et de saper la paix dans la région, a tranché le représentant.

Mme Esselien Hermien Theresia Van Eerten (Pays-Bas) a indiqué son opposition aux amendements car ils vont à l’encontre de l’esprit du texte initial.

Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) qui a dit avoir suivi de très près la rédaction du texte tout comme l’évolution de la situation dans la région, a souligné le caractère « illégal » de l’annexion de la Crimée, un fait « très grave » que les amendements veulent contredire alors que les faits sont là.

M.  PAWEL RADOMSKI (Pologne) n’a pas dit autre chose: il a appelé tous les États à rejeter les amendements présentés par l’Iran.  La résolution initiale, a-t-il estimé, reflète la situation « grave » qui règne sur le terrain et les actes d’agression de la Fédération de Russie en Ukraine ne sont rien d’autre qu’une tentative de déstabiliser le pays.  Par cette annexion « illégale » et l’appui aux séparatistes, la Fédération de Russie, a martelé le représentant, viole les principes fondamentaux du droit international.  La communauté internationale doit réagir avec vigueur.  Il faut tracer une ligne rouge, a insisté le représentant, pour qui la reconnaissance de la Crimée comme partie de la Fédération de Russie est une violation du droit international.  La Pologne, a-t-il prévenu, ne reconnaîtra jamais cette annexion.  Elle réaffirme au contraire la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et déclare, par ailleurs, « illégal » l’arraisonnement des navires ukrainiens.  Ce type d’agissements risque de saper la stabilité de la région, a prévenu le représentant.

Au nom des pays baltes, Mme AUDRA PLEPYTE (Lituanie) a aussi rejeté les amendements de l’Iran au motif que les incidents du 25 novembre dernier montrent bien à quel point la Fédération de Russie foule au pied le droit international.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a, à son tour, rejeté les amendements présentés par « une poignée de pays » qui entendent saper le texte de l’Ukraine.  Il a tenu à rappeler que la Crimée et ses eaux territoriales sont « reconnus internationalement » comme partie intégrante de l’Ukraine.  Il a rappelé que l’annexion de territoires par la force est contraire au droit international.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine a repris la parole pour faire observer qu’une poignée de pays, non contents de violer la Charte essayent aussi de biaiser les faits.  Il a nié tout caractère « juridique ou factuel » aux amendements et répété que ce sont bien les forces russes qui ont violé les eaux territoriales ukrainiennes.  Comment l’Assemblée générale pourrait-elle soutenir de tels amendements? s’est-il demandé, indiquant que son pays a déjà engagé des procédures judiciaires contre la Fédération de Russie, en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a annoncé son opposition aux amendements et dénoncé la politique hostile de la Fédération de Russie à l’égard de l’Ukraine, comme en attestent les dernières attaques contre des navires ukrainiens.

Mme ELENE AGLADZE (Géorgie) a, à son tour, rejeté les amendements au motif qu’ils sapent l’esprit de la résolution initiale.  Il a dénoncé des propositions « faussement juridiques » et contraires aux résolutions de l’Assemblée générale sur la Crimée et la ville de Sébastopol.  C’est la Fédération de Russie qui a piétiné et violé les droits de l’Ukraine, a martelé le représentant

Les amendements (A/73/ L.68) ont été rejetés par 64 voix contre, 25 voix pour et 60 abstentions.  La résolution (A/73/L.47) a été adoptée par 66 voix pour, 19 voix contre et 72 abstentions. 

M. Polyanskiy (Fédération de Russie) a repris la parole pour saluer les nombreuses abstentions tout en déplorant les résultats du vote.  Des États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), « mus par la fameuse discipline de groupe », ont présenté un texte qui accuse, une fois de plus et sans preuve, les autorités russes de crimes dans la guerre du Donbass.  La communauté internationale est « abreuvée » d’informations « fallacieuses » par le Président ukrainien, alors même que les tirs des forces ukrainiennes sur des femmes et des enfants sont passés sous silence.  Les États-Unis, a-t-il prévenu, finiront par « avoir honte » de leur implication en Ukraine, tout comme ils ont eu honte de la guerre du Viet Nam.  Washington, s’est amusé le représentant, utilise les Ukrainiens comme des marionnettes mais « vos provocations, sanctions et résolutions n’y changeront rien ».  « La Crimée est et restera russe parce que ses habitants ont fait le choix de se lier à ceux qui ont libéré leur terre du fascisme », a tranché le représentant.  

M. ARTSIOM TOZIK (Bélarus) qui a voté contre la résolution initiale, a dit suivre de près les événements en Ukraine, « un pays voisin ».  Le règlement des conflits, la fin de la violence et le respect des accords de Minsk sont la seule voie de sortie de cette crise, a assuré le représentant, recommandant en particulier des pourparlers au plus haut niveau.  Il a jugé les amendements « équilibrés et constructifs » alors que la résolution renvoie à plusieurs résolutions de l’Assemblée générale auxquelles il s’était déjà opposé.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) s’est enorgueilli d’une histoire riche d’amitié avec la Fédération de Russie et l’Ukraine.  Il a donc espéré que les deux parties trouveront une solution par des moyens pacifiques.  Une solution durable passe par des négociations dans le cadre des accords convenus, a-t-il souligné.

Les 72 États qui se sont abstenus devraient avoir honte, s’est emporté le Vice-Ministre des affaire étrangères de l’Ukraine.  « Vous devriez avoir honte », a-t-il répété, arguant que la Charte des Nations Unies a été violée à plusieurs reprises.  Nous voyons aujourd’hui l’agresseur se porter en victime, « ce qui est typique d’une maladie psychiatrique ».  Il est évident, a-t-il tranché, que la Fédération de Russie ne veut pas la paix.  Il a donc salué tous ceux qui n’ont pas plié devant les pressions de la Fédération de Russie et son « agressivité pathologique ».  

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a dit avoir voté en faveur des amendements et de la résolution initiale car il s’oppose à l’annexion d’un territoire quel qu’il soit.  Nous appelons les parties à sortir de la crise par le dialogue, a-t-il dit.

M. CHANG WOOK-JIN (République de Corée) a lui voté contre les amendements, avant de s’abstenir sur la résolution l’Ukraine.  Nous réaffirmons notre attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, a-t-il souligné.

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a également proclamé son attachement à l’intégrité territoriale et à la souveraineté nationale de l’Ukraine.  Elle a insisté sur le dialogue et la diplomatie pour sortir de l’impasse et a encouragé les États concernés à prendre des mesures pour faire baisser les tensions et dialoguer.  Nous nous sommes abstenus sur le texte de l’Ukraine, a-t-elle rappelé.

M. GUILLAUME DABOUIS (Union européenne) a réaffirmé son plein appui à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationales reconnues.  Il a affirmé que l’annexion « illégale » de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie en 2014 est toujours une menace « directe » à la sécurité internationale, laquelle a de graves implications pour l’ordre juridique international.  L’Union européenne, a-t-il asséné, condamne cette violation du droit international et insiste sur le fait qu’elle ne reconnaîtra jamais cette annexion.  Elle rappelle par ailleurs que la construction du pont de Kertch constitue une autre violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Le représentant a d’ailleurs renvoyé à la déclaration faite le 28 novembre dernier par la Haute-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini.

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