Kosovo: le Conseil de sécurité se réunit d’urgence après la décision de Pristina de créer sa propre armée
Réuni en urgence à la demande de la Fédération de Russie et de la Serbie, le Conseil de sécurité a été saisi, cet après-midi, de la situation au Kosovo, où les tensions ont été ravivées suite à la décision de Pristina de militariser sa force de sécurité.
En effet, le 14 décembre dernier, a expliqué le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, le Parlement du Kosovo a adopté une législation porteuse de changements significatifs au mandat de ladite Force. Le « Gouvernement du Kosovo » estime avoir le « droit » d’avoir sa propre armée, une force « multiethnique et professionnelle » alignée sur les critères « les plus élevés » de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), là où la Serbie a qualifié ces lois d’« agression politique » et de violation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, a-t-il expliqué.
Le haut fonctionnaire a rappelé que cette législation avait été adoptée dans un contexte déjà tendu. Ainsi, le 21 novembre, à la suite de l’échec du Kosovo à intégrer INTERPOL, Pristina avait annoncé une hausse des tarifs des biens importés en provenance de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine « de 10 à 100% ». Une décision que le Président serbe a imputé au ressentiment de Pristina.
En réponse à cette hausse des droits de douane, les maires des quatre municipalités à majorité serbe du Kosovo ont annoncé leurs démissions et leurs assemblées municipales respectives de cesser toute communication officielle avec Pristina, sur fond de manifestations quotidiennes à Mitrovica, a relaté M. Lacroix. De son côté, Belgrade, estimant que Pristina avait violé l’Accord de libre-échange d’Europe centrale, a annoncé qu’elle ne reprendrait sa participation au dialogue facilité par l’Union européenne qu’une fois que Pristina aurait révoqué la taxe sur les importations.
« J’ai peur non seulement pour l’avenir de mon pays, mais également pour celui de toute la région », a mis en garde le Président serbe, pour qui les « provocations » de Pristina font faire aux Balkans occidentaux un bond « de six à sept ans » en arrière. Invoquant les nombreuses concessions faites par les Serbes dans le cadre de l’Accord conclu en 2013, le Chef d’État a assuré que la seule obligation dont Pristina était tenue de s’acquitter pour sa part consistait à former une communauté serbe. « 2070 jours se sont écoulés et rien n’a été fait », a-t-il déploré.
« Si la Serbie n’obtient rien en retour, sur quoi portera le dialogue à venir, la couleur des billes avec lesquelles les enfants vont jouer dans les cours de récréation? », a ironisé le dirigeant. « De quel document prétendent-ils faire découler leur droit souverain à former leur propre armée? Où cela est-il écrit? », s’est aussi interrogé M. Vučić, en faisant référence aux Kosovars. « Je peux vous donner la réponse: nulle part! », a-t-il lancé, pas même dans la Constitution du Kosovo, que la Serbie ne reconnaît pas de toute façon, a-t-il précisé.
Pour M. Hashim Thaçi, du Kosovo, en revanche, « rien d’extraordinaire ne s’est passé la semaine dernière ». Il a rappelé que la « simple » et « juste » décision prise vendredi réparait l’« erreur » d’avoir attendu cinq ans pour créer une armée. Le paragraphe 15 de la résolution 1244 (1999), se réfère seulement à la démilitarisation de l’Armée de libération du Kosovo (ALK), a-t-il ajouté, soutenu sur ce point par les États-Unis. Il a également argué que la proposition de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le processus concernant le futur statut du Kosovo, M. Martti Ahtisaari, a clairement souligné le droit du Kosovo à disposer d’une armée, de même que l’Examen stratégique du secteur de la sécurité, mené en étroite collaboration avec l’OTAN, tandis que la décision de la Cour internationale de Justice, qui dit en termes « très clairs » que le Kosovo n’a violé aucune loi internationale lorsqu’il a déclaré son indépendance, lui accorderait le « droit incontestable » d’avoir son armée.
Pour autant, M. Thaçi s’est voulu rassurant: « Les forces armées du Kosovo ne sont pas et ne seront jamais une menace pour qui que ce soit. Elles sont et resteront une force professionnelle et multiethnique et contribueront en outre à la stabilité de la région » a-t-il assuré, en précisant qu’elles seront constituées, à hauteur de 10%, de soldats issus des communautés non-majoritaires.
La Fédération de Russie ne l’a pas entendu de cette oreille, affirmant que le Kosovo était la pire région d’Europe pour la criminalité organisée, et le sanctuaire de combattants terroristes étrangers de retour de Syrie et d’Iraq. Pour la délégation, il faut « immédiatement annuler » la décision de créer une armée du Kosovo. L’appel lancé par la Serbie en cas d’entrée de forces albanaises sur son territoire doit être pris au sérieux, a-t-elle prévenu, en affirmant que « Belgrade se défendra ». La Chine, le Kazakhstan et la Bolivie ont été au nombre des membres du Conseil à partager les préoccupations de la Serbie devant la formation prochaine de cette armée du Kosovo.
À l’inverse, le Royaume-Uni a jugé que « le recours à la force par la Serbie ne servirait pas à grand-chose ». « Nous ne pensons pas non plus qu’il soit bon de s’en faire l’écho, comme l’a fait un membre du Conseil », a ajouté la délégation britannique, accusant certaines « forces extérieures » au Kosovo de tenter « d’exploiter » la décision de Pristina pour servir leurs propres intérêts.
Les États-Unis ont de plus souligné que le vote du 14 décembre n’entraînera « aucun changement immédiat dans la structure, la mission ou les opérations de la force de sécurité », insistant sur le fait qu’il s’agit d’une première étape conforme au plan de transition décennal du Kosovo. La délégation américaine a également souligné que toute opération dans le nord du Kosovo nécessite des consultations avec le commandant de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR). S’il y a une question sur laquelle tous les membres du Conseil sont tombés d’accord, c’est l’importance de relancer le dialogue sous l’égide de l’Union européenne, en vue de parvenir à la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. C’est le cas de la Suède, pour qui le dialogue est la seule voie possible pour identifier une solution politique inclusive et durable pour la région, ou encore des Pays-Bas qui ont exhorté les deux parties à prendre conscience du fait que le statu quo n’est pas une solution à long-terme.
« Seule la normalisation complète de vos relations vous permettra de concrétiser vos ambitions européennes respectives. Cette perspective européenne est bien la boussole commune qui doit vous guider et vous unir », a affirmé de son côté la France pour qui l’objectif de progresser vers un « accord global et juridiquement contraignant », endossé par les deux parties, doit rester une « priorité absolue ».
RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ – KOSOVO
Déclarations
M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a fait état d’un nombre de développements importants récemment au Kosovo, lesquels ont ravivé les tensions entre Belgrade et Pristina. Le 21 novembre, à la suite de l’échec du Kosovo à intégrer INTERPOL, le Gouvernement du Kosovo a annoncé une hausse des tarifs des biens importés en provenance de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine, « de 10 à 100% ». En réponse, a-t-il indiqué, les maires des quatre municipalités à majorité serbe du Kosovo ont annoncé leurs démissions et la décision de leurs assemblées municipales respectives de cesser toute communication officielle avec Pristina, a révélé le haut fonctionnaire. En outre, le principal parti politique serbe du Kosovo, la Liste serbe, a organisé des manifestations quotidiennes dans le nord de Mitrovica, qui ont réuni jusqu’à 5 000 personnes, a-t-il précisé.
De son côté, Belgrade a déclaré que Pristina avait violé l’Accord de libre-échange d’Europe centrale et souligné qu’elle ne reprendrait sa participation au dialogue facilité par l’Union européenne qu’une fois que Pristina aurait révoqué la taxe sur les importations. L’Union européenne a également exhorté le Gouvernement du Kosovo en ce sens, le Représentant spécial du Secrétaire général exprimant à son tour sa préoccupation devant l’impact que cette taxe pourrait avoir sur la population du Kosovo et la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. « Dans cette atmosphère tendue », a noté le Secrétaire général adjoint, l’Assemblée du Kosovo a adopté, le 14 décembre dernier, trois lois, à savoir la Loi sur la Force de sécurité du Kosovo; et la Loi sur le Service dans la Force de sécurité du Kosovo; et la Loi sur le Ministère de la Défense. Ces textes apportent des changements significatifs –qui seront mis en œuvre de manière échelonnée–, au mandat, au rôle et à la puissance de la Force. Le Gouvernement du Kosovo a souligné le droit du Kosovo d’avoir une armée, une force « multiethnique et professionnelle » alignée sur les critères les plus élevés de l’OTAN, a noté M. Lacroix.
Belgrade a condamné l’adoption de ces lois, qualifiées d’« agression politique » contre la Serbie, et de violation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. De son côté, le Secrétaire général de l’OTAN, pour qui la transition de la Force de sécurité du Kosovo est en principe une question dont le Kosovo peut décider, a exprimé son regret devant la décision prise par l’Assemblée du Kosovo, qu’il a jugée « inopportune » et sans égard pour les préoccupations soulevées auparavant par l’OTAN, a relevé le Secrétaire général adjoint. Le Secrétaire général de l’ONU a lui aussi noté avec préoccupation l’adoption de ces lois, soulignant que la résolution 1244 (1999) est le seul cadre juridique sur lequel est basée la présence internationale de sécurité, la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), qui est chargée de garantir un environnement sûr et sécurisé au Kosovo. Par conséquent, selon M. António Guterres, « toute restriction à l’exercice par la KFOR de ses responsabilités en matière de sécurité serait incompatible avec cette résolution ». Le Chef de l’Organisation, a poursuivi M. Lacroix, a demandé à toutes les parties concernées de faire preuve de retenue et de s’abstenir de toute action susceptible d’accroître les tensions et de provoquer un nouveau recul dans le dialogue facilité par l’Union européenne pour la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina.
M. Lacroix s’est dit inquiet des risques de tensions supplémentaires sur le terrain, en particulier dans le nord du Kosovo. « Il est donc crucial que Belgrade et Pristina s’abstiennent de toute mesure susceptible d’aggraver la situation, et réfléchissent plutôt aux moyens de s’engager dans le dialogue visant la normalisation de leurs relations ». La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a-t-il assuré, continuera ses activités prioritaires, dont le renforcement de la confiance intercommunautaire.
M. ALEKSANDAR VUČIĆ, Président de la Serbie, s’est dit très inquiet de l’évolution de la situation, suite à la décision de Pristina de transformer la Force de sécurité du Kosovo en force armée. « J’ai même peur pour l’avenir, non seulement l’avenir de mon pays, mais également celui de toute la région », a-t-il déclaré.
Aux yeux du Président Vučić, la Serbie a consenti des efforts importants pour maintenir la paix, la stabilité et la tranquillité de la totalité de la région. « Nous avons fait preuve d’une très grande retenue face aux provocations de Pristina », a-t-il affirmé. Parallèlement, la Serbie a, selon lui, fait de son mieux pour mettre en pratique tout ce qui avait été entendu sur le papier dans l’accord conclu en avril 2013 entre Belgrade et Pristina. Cet accord, a-t-il ajouté, a été le fruit de « nombreuses concessions » de la part de la Serbie. À l’inverse, M. Vučić a estimé que la seule concession de la part de Pristina, dans le cadre de l’accord, concernait l’obligation de former une communauté serbe. « 2070 jours se sont écoulés et rien n’a été fait pour s’acquitter de cette obligation », a-t-il déploré.
Le dirigeant serbe a ensuite insisté sur le fait que son pays avait tout fait pour résoudre la situation au Kosovo par la voie du dialogue. Dans ce cadre, M. Vučić a souligné que son pays avait notamment prié le Kosovo de ne pas tenter d’adhérer à l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) ou à d’autres agences et organisations internationales. « Or, ils n’en ont fait qu’à leur tête, tablant sur le soutien de l’Union européenne et des États-Unis », a-t-il regretté, ajoutant que, lorsque de nombreux États s’étaient ensuite opposés, lors du vote, à l’adhésion du Kosovo à INTERPOL, Pristina avait injustement accusé Belgrade d’être responsable de cet échec.
M. Vučić a affirmé qu’en réaction, Pristina avait procédé à une augmentation des droits de douane entre le Kosovo et la Serbie, de 10% tout d’abord, puis de 100%. « Ils ont tué tout type d’échanges entre la Serbie et le Kosovo », a dénoncé le dirigeant serbe, ajoutant que Pristina avait du même coup mis en danger la communauté serbe du Kosovo, dont le seul moyen de subsistance repose sur les échanges avec le reste de la Serbie. « Imaginez-vous, au XXIe siècle, s’opposer à la circulation de biens et services! », a déploré le Président serbe.
À ses yeux, depuis 2014, Pristina n’a eu de cesse de formuler des menaces quant à la création d’une armée du Kosovo. Déjà à l’époque, s’est-il remémoré, le Secrétaire général en exercice, M. Ban Ki-moon, avait indiqué qu’une telle création s’inscrirait en violation de la résolution 1244 (2018). « De quel document prétendent-ils faire découler leur droit souverain à former leur propre armée? Où cela est-il écrit? », s’est interrogé M. Vučić, avant d’ajouter: « Je peux vous donner la réponse: nulle part! ».
D’ailleurs, ce droit n’est même pas mentionné dans la Constitution du Kosovo, a poursuivi M. Vučić, tout en précisant que la Serbie ne reconnaissait pas cette Constitution. Néanmoins, selon ce texte, tout amendement à la Constitution suppose un vote à la majorité des deux tiers de l’Assemblée du Kosovo, vote qui n’a pas eu lieu préalablement à l’annonce de la création d’une armée kosovare. « Ils n’ont donc même pas respecté leur propre Constitution », a ironisé le Président serbe.
Dénonçant l’appui fourni à Pristina par l’Union européenne (UE), M. Vučić a affirmé que le Kosovo était « officiellement » le territoire où le taux de retour des personnes déplacées était le plus faible, à savoir, selon lui, 1,5% seulement des déplacés. « Chose assez inouï », le Conseil de sécurité ne se préoccupe pas du tout de savoir pourquoi ce taux est aussi faible, a regretté M. Vučić, avant d’accuser Pristina de violer également les accords signés entre la Serbie et d’autre pays.
Face aux accusations selon lesquelles Belgrade aurait lancé une campagne pour ne pas reconnaître l’indépendance du Kosovo, M. Vučić a réaffirmé que son pays avait œuvré en toute bonne foi dans le cadre des accords signés. « Quelqu’un doit leur dire d’arrêter! », a martelé le Président serbe. « Les mesures qu’ils ont prises ne sont pas cohérentes avec le XXIe siècle, pour le dire de façon très légère ».
S’agissant du retour à la table des négociations, M. Vučić a dénoncé les conditions préalables, selon lui déraisonnables, formulées par Pristina pour entamer le dialogue, à savoir la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo d’après les frontières voulues par Pristina et sans rien changer à sa vision d’un État unitaire. « Si la Serbie n’obtient rien en retour, sur quoi va porter le dialogue à venir, la couleur des billes avec lesquelles les enfants vont jouer dans les cours de récréation? », a ironisé le Président serbe.
M. Vučić s’est dit toutefois prêt à rouvrir le dialogue. À cette fin, il a appelé Pristina à faire marche arrière sur les droits de douane. Il a également exhorté l’ONU à peser davantage sur les négociations. S’adressant ensuite en serbe au peuple serbe résidant au Kosovo, le Président de la Serbie a déclaré: « Depuis cette séance officielle du Conseil de sécurité des Nations Unies, je souhaite vous dire que face aux tortures qui sont votre lot, la Serbie vous défendra toujours ».
« Rien d’extraordinaire ne s’est passé au Kosovo la semaine dernière », a fait savoir M. HASHIM THAÇI, du Kosovo. Évoquant une « simple » et « juste » décision, il a ajouté que si le Kosovo a fait une erreur, c’est d’attendre 5 ans pour créer son armée, assurant que cette décision n’est en rien en contradiction avec la résolution 1244 (1999).
Tout d’abord, a-t-il expliqué, le paragraphe 15 de ladite résolution se réfère seulement à la démilitarisation de l’Armée de libération du Kosovo (ALK), ce qui a été fait rapidement et sans incidents. Deuxièmement, a continué M. Thaçi, la proposition de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le processus concernant le futur statut du Kosovo, M. Ahtisaari, a clairement souligné le droit du Kosovo à disposer d’une armée. En outre, l’Examen stratégique du secteur de la sécurité, mené en étroite collaboration avec l’OTAN, souligne très clairement le droit du Kosovo à transformer sa force de sécurité en forces armées.
Enfin, a fait valoir le Président, la décision de la Cour internationale de Justice dit en termes très clairs que le Kosovo n’a violé aucune loi internationale lorsqu’il a déclaré son indépendance. Cela signifie donc qu’il a le « droit incontestable » d’avoir son armée, comme c’est la volonté du peuple et de ses représentants, a assuré M. Thaçi, « que cela déplaise à certains ou non ».
« Les forces armées du Kosovo créeront plus de paix et de stabilité », a voulu M. Thaçi. Cette transformation de la mission de la Force de sécurité n’est pas un message contre quiconque. « Les forces armées du Kosovo ne sont pas et ne seront jamais une menace pour qui que ce soit. Elles sont et resteront une force professionnelle et multiethnique, » a-t-il indiqué, précisant qu’elles seront constituées, à 10% de soldats venant des communautés non majoritaires.
Reconnaissant que le peuple du Kosovo, en raison de son « passé tragique », a toujours eu peur des uniformes militaires, M. Thaçi a aussi affirmé que les soldats du Kosovo seront des soldats de la paix et que son armée contribuera à la stabilité de la région. Il a ensuite avoué avoir été profondément troublé que de nombreux Kosovars serbes, citoyens du Kosovo et membres des forces de sécurité, aient été obligés de démissionner en raison de pressions imposées par l’État serbe.
Poursuivant, M. Thaçi a assuré que le Kosovo respectera tous les accords internationaux en existence, y compris la lettre envoyée par le Secrétaire général de l’OTAN concernant la coopération avec la KFOR. Nous allons continuer de coopérer étroitement avec l’OTAN, a-t-il assuré. En ce sens, la création de l’armée kosovare vise directement à renforcer les capacités du pays pour lui permettre de mieux contribuer à la sécurité locale mais en aucun cas à interférer avec la mission actuelle de l’OTAN, s’est-il justifié. Au contraire, la décision du Parlement permettra de rendre notre pays plus à même de contribuer à la sécurité locale et au-delà, sans interférer de quelque manière que ce soit avec la mission actuelle de l’OTAN au Kosovo.
Malgré les difficultés et les injustices, le Kosovo reste inébranlable dans son orientation, qui se trouve dans les structures euro-atlantiques, a-t-il poursuivi. Selon M. Thaçi, le problème de son « voisin du Nord » n’est pas l’armée du Kosovo mais plutôt son existence même en tant qu’État indépendant et souverain.
« Sans dialogue et sans accord final, a-t-il poursuivi, nous deviendrons des pays qui produisent des drames sans fin à des fins de consommation domestique et au détriment de nos avenirs respectifs ». Il a ensuite dénoncé la campagne « abominable » menée par la Serbie contre la demande d’adhésion du Kosovo à INTERPOL, affirmant que seule la criminalité organisée et le terrorisme pouvaient profiter de l’absence du Kosovo à cette organisation.
« Le Kosovo n’a pas provoqué cette situation », a-t-il asséné, dénonçant une action agressive de la part de la Serbie. Ceci dit, il a assuré rester engagé en faveur de la paix et du dialogue avec la Serbie. « La paix n’implique pas l’absence de tout désaccord, mais ce cycle de violence est injustifiable et doit se terminer », a conclu le Président, voulant croire en « un avenir où le Kosovo et la Serbie s’assoiront comme des égaux à la table de la famille européenne ».
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est félicité de la tenue de cette séance, à la suite de la violation « gravissime » de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité que constitue la décision « illégale » de Pristina de créer une véritable force armée au Kosovo. Il a balayé l’argument selon lequel il s’agirait d’une décision « souveraine », avant de rappeler que sa délégation avait demandé, « en vain », une surveillance de la situation sur le terrain, compte tenu des risques d’aggravation qui pèsent sur elle. La décision de militariser la Force de sécurité du Kosovo est en violation de la résolution 1244 (1999), a-t-il tranché, en déplorant par ailleurs l’absence de progrès politiques en vue de relancer le dialogue entre Belgrade et Pristina. Or, la région continue d’être le sanctuaire de combattants terroristes étrangers en provenance de Syrie et d’Iraq, et un risque sécuritaire accru se pose après la hausse des droits de douane imposés par Pristina, a déploré M. Nebenzia. La violation « flagrante » de la résolution 1244 (1999) a en outre bénéficié de l’appui de certains membres de ce Conseil, a-t-il accusé.
La délégation russe s’est ensuite déclarée déçue de la position de l’Union européenne, qui « d’un côté se prétend un observateur objectif et, de l’autre, encourage le Kosovo à créer sa propre armée ». Selon elle, l’apparition de cette armée représente une « menace existentielle » pour les Serbes. Le représentant a dénoncé les criminels albanais qui se sont livrés au trafic d’organes humains, lesquels n’ont toujours pas été traduits en justice, affirmant qu’« il est difficile de prendre au sérieux les tentatives d’y faire face ». Il s’est également élevé contre les attaques perpétrées dans les communautés serbes au Kosovo, qui auraient pour objet de s’emparer de leurs territoires. Il a assuré qu’il faut prendre au sérieux l’appel lancé par la Serbie en cas d’entrée de forces albanaises sur son territoire, affirmant que « Belgrade se défendra ». Pour la Fédération de Russie, il faut « immédiatement annuler » la décision de créer une armée du Kosovo. Elle a espéré que l’Union européenne s’efforcerait de convaincre Pristina de « faire marche arrière », avant d’estimer que l’examen trimestriel du rapport du Secrétaire général doit être maintenu et que le Conseil de sécurité doit suivre cette situation « de très près ».
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a affirmé qu’« en tant qu’État souverain, le Kosovo devrait avoir le droit de créer ses propres institutions », tout en estimant que la transformation de ses forces de sécurité devait se faire dans le cadre d’un processus transparent et inclusif et conforme à la Constitution du Kosovo. Il a encouragé le Kosovo à travailler sur cette transformation en consultation avec l’OTAN et d’autres acteurs internationaux pertinents. Il a insisté sur l’importance de l’inclusivité pour que ce processus sur 10 ans reçoive le soutien de tous au Kosovo, en particulier de ses communautés non-majoritaires.
Le représentant a fait remarquer que la décision prise par les autorités du Kosovo de commencer cette transformation est tombée à un moment sensible, marqué par une succession de mesures récentes prises des deux côtés qui ne sont pas propices à créer un climat favorable à la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie. Il a exhorté les autorités des « deux pays » à agir de manière responsable et à contribuer à calmer la situation.
Pour ce qui est de la reprise du dialogue facilité par l’Union européenne, le représentant a appelé à y œuvrer le plus vite possible et sans précondition, ainsi qu’au respect des accords du passé. « Les deux parties devraient prendre conscience du fait que le statu quo n’est pas une solution à long-terme », a souligné le représentant, ajoutant que la sécurité dépend des relations de bon voisinage.
M. van Oosterom a ensuite reproché à certains membres du Conseil de sécurité d’avoir insisté pour la tenue d’un débat public aujourd’hui plutôt qu’une « conversation confidentielle », y voyant une « occasion ratée » de reprendre un engagement réel du Conseil avec Belgrade et Pristina. Les Pays-Bas demandent aux deux parties de faire preuve de volonté politique et de détermination pour la normalisation de leurs relations dans le cadre du dialogue facilité par l’Union européenne, a-t-il ajouté.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que « la France prend note » des décisions du Parlement kosovar concernant la Force de sécurité du Kosovo. « En prenant pleinement mesure » des éléments présentés par M. Lacroix, sa délégation, tout comme le Secrétaire général, exprime également sa préoccupation face au risque de détérioration de la situation. À ce titre, elle « regrette » que depuis le début de l’année et en particulier ces dernières semaines, plusieurs incidents et décisions unilatérales aient pesé sur le dialogue entre Belgrade et Pristina, notamment la décision d’imposer une taxe de 100% sur les produits en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine. La France demande donc aux autorités kosovares de l’annuler. Elle demande aussi aux parties de chercher à régler les difficultés par la voie du dialogue, afin de limiter tout risque d’escalade.
M. Delattre a également déclaré que, pour la France, qui reconnaît le Kosovo comme État, s’il est « légitime » que le Kosovo puisse se doter d’une force armée, l’adoption de ces lois n’intervient pas à un bon moment, car il est préjudiciable au dialogue entre Belgrade et Pristina. Elle déplore aussi que ces lois aient été adoptées sans concertation avec l’OTAN et sans emprunter la voie constitutionnelle. Pour ces raisons, la France souhaite le maintien des arrangements en vigueur en matière de déploiement de la KSK dans le nord du pays. Ces arrangements prévoient qu’un tel déploiement ne peut intervenir qu’avec l’accord préalable de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR).
La France estime en outre que l’objectif de progresser vers un accord global et juridiquement contraignant de normalisation des relations, endossé par les deux parties doit rester une « priorité absolue ». Pour cette raison, elle exhorte leurs dirigeants à reprendre le dialogue dans les meilleurs délais et à faire preuve de volonté et de responsabilités politiques. Chaque partie doit s’abstenir de toute action, déclaration et mesure susceptible d’exacerber les tensions, a dit le représentant, appelant chacun à se tourner vers l’avenir.
« Seule la normalisation complète de vos relations vous permettra de concrétiser vos ambitions européennes respectives, a-t-il affirmé. Cette perspective européenne est bien la boussole commune qui doit vous guider et vous unir. Votre avenir est là, et c’est un avenir partagé. »
M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a réaffirmé l’appui de Washington à la transition progressive et transparente vers une force « professionnelle et multiethnique qui serve et reflète toutes les communautés du Kosovo ». Selon lui, la législation adoptée par le Parlement du Kosovo la semaine dernière est pleinement conforme à la résolution 1244 du Conseil de sécurité. « Le Kosovo a le droit souverain d’établir et de maintenir une force armée », a assuré le représentant. En effet, pour sa délégation, la résolution 1244 (1999) autorise l’établissement d’une force de sécurité internationale au Kosovo et lui confie le soin de « démilitariser » l’Armée de libération du Kosovo (ALK) et d’autres groupes armés albanais du Kosovo. Selon lui, ces dispositions ne s’appliquent pas à la Force de sécurité du Kosovo, qui n’est ni « l’ALK » ni un « groupe armé albanais du Kosovo ».
Le vote au Kosovo du 14 décembre n’entraînera « aucun changement immédiat dans la structure, la mission ou les opérations de la force », a estimé le représentant. Selon lui, il s’agit plutôt d’une première étape, qui marque le début des travaux en cours visant à mettre en place une force multiethnique, conformément au plan de transition décennal du Gouvernement du Kosovo. « Nous espérons que le Gouvernement du Kosovo adhérera de manière fiable à tous les arrangements et engagements existants concernant les mouvements de troupes et les opérations des forces au Kosovo, en particulier l’engagement pris par le Kosovo envers le Secrétaire général de l’OTAN en 2013 selon lequel toute opération dans le nord du Kosovo nécessite des consultations avec le commandant de la KFOR ». Le représentant a ensuite appelé le Kosovo et la Serbie à prendre des mesures immédiates pour apaiser les tensions et créer les conditions propices pour progresser en ce qui concerne le « dialogue sur la normalisation ».
Nous exhortons le Kosovo et la Serbie à reconnaître l’importance de s’engager pleinement en faveur de la normalisation, porteuse de bénéfices pour les peuples, les économies, la paix et la sécurité des deux pays, a-t-il souligné.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a déclaré partager les mêmes préoccupations que le Secrétaire général, rappelant dans la foulée que sa délégation avait déjà exprimée, le mois dernier, ses inquiétudes de voir la Force de sécurité du Kosovo transformée en armée. Le Kazakhstan appelle donc les parties à ne prendre aucune mesure susceptible de conduire à l’escalade ou à un retour dans le processus de normalisation.
Le représentant a estimé que la priorité du Conseil de sécurité devrait être la promotion et le maintien du dialogue. De telles discussions pourraient avoir lieu sous les auspices de l’Union européenne, avec l’implication de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des autres acteurs régionaux et sous régionaux. Pour cela, il est important que les parties adhèrent aux accords précédemment agréés à travers la médiation internationale, a dit le représentant, insistant sur les risques potentiels de tensions des actes unilatéraux contraires à ces accords.
M. ZHAOXU MA (Chine) a estimé que la résolution 1244 (1999) constituait une base importante pour la résolution de la question kosovare. Il a appelé les parties à s’abstenir de toute action susceptible d’envenimer la situation actuelle.
Dans ce cadre, le représentant a dit comprendre les « préoccupations légitimes » de la Serbie, en tant qu’État souverain et indépendant. Il a espéré que les deux parties soient à même de résoudre leurs différends par la voie du dialogue, en vue de trouver une solution mutuellement acceptable.
Enfin, le représentant a insisté sur la nécessité de protéger tous les groupes ethniques présents dans l’ouest des Balkans.
Pour M. OLOF SKOOG (Suède), les principales menaces pour la stabilité des Balkans occidentaux sont liées aux questions en instance sur le statut du Kosovo. C’est un frein au processus d’intégration à l’Union européenne, a expliqué le représentant, ajoutant que ce processus représente pourtant l’un des principaux moteurs de la stabilité de la région, à la fois pour le Kosovo et pour la Serbie. Pour sa délégation, la communauté internationale devrait offrir son assistance aux deux parties en vue de parvenir à un accord global, juridiquement contraignant. « Cela est important pour que la Serbie reconnaisse le Kosovo, et pour que le Kosovo puisse devenir membre des Nations Unies ».
S’agissant de la législation récente adoptée par le Parlement du Kosovo sur les forces de sécurité du Kosovo, le représentant a estimé qu’il s’agit d’une question primordiale pour la souveraineté du pays. Dans le même temps, la Suède encourage Pristina à veiller à ce que la transformation de ses forces de sécurité pendant les 10 années à venir se fasse dans le cadre d’un processus transparent et inclusif, conforme avec sa Constitution et en étroite collaboration avec l’OTAN et ses autres partenaires.
La Suède regrette que les mesures prises au cours des derniers mois par les deux parties ne soient pas favorables à des relations de bon voisinage et ne créent pas un climat propice à la normalisation de leurs relations. Par conséquent elle appelle à la retenue pour ne pas intensifier les tensions et demande aux deux parties de respecter les accords régionaux y compris ceux relatifs au libre-échange.
Le représentant a noté, cependant, l’engagement renouvelé de Belgrade et de Pristina de participer au dialogue de normalisation facilité par l’Union européenne. « Ce dialogue doit se poursuivre sans précondition », a-t-il exigé car il s’agit de la seule voie possible, à ses yeux, pour identifier une solution politique inclusive et durable pour la région. En conclusion il a souligné que l’avenir de la Serbie et du Kosovo se trouve dans l’Union européenne, et a demandé aux deux parties de respecter leurs engagements et de poursuivre le processus de dialogue de manière constructive.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a estimé que la création, par le Kosovo, de sa propre force armée relevait du droit discrétionnaire de Pristina, en tant qu’État indépendant et autonome « reconnu par plus de 100 États membres des Nations Unies ». Elle a toutefois encouragé le Kosovo à procéder à cette transformation selon un calendrier de transition échelonné sur 10 ans et en concertation avec ses alliés internationaux.
Aux yeux de la représentante, la résolution 1244 (1999) ne s’oppose en rien à la transformation de la Force de sécurité du Kosovo en force armée. Toutefois, elle a exhorté Pristina à agir de manière responsable, dans la transparence et en concertation avec l’OTAN, afin notamment que le Kosovo puisse s’acquitter de ses obligations vis-à-vis de la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR). La déléguée britannique a également regretté que les efforts pour créer une force multiethnique, tel que l’avait demandé l’OTAN, aient échoué « suite à des pressions externes ».
« Le recours à la force par la Serbie ne servira pas à grand-chose », a poursuivi la représentante. « Nous ne pensons pas non plus qu’il soit bon de s’en faire l’écho, comme l’a fait un membre du Conseil », a-t-elle ajouté, accusant certaines « forces extérieures » au Kosovo de tenter « d’exploiter » la décision de Pristina pour servir leurs propres intérêts.
Aux yeux de la représentante, la situation d’aujourd’hui est avant tout le fruit du manque de normalisation des relations entre les parties. Or, chaque fois que nous avons tenté de résoudre le problème, nous nous sommes heurtés à un obstacle, a-t-elle déploré. « Et à chaque fois, la source de cet obstacle était Belgrade », a affirmé la déléguée britannique. « La seule solution c’est la normalisation », a-t-elle insisté, tout en saluant la décision prise le 15 décembre dernier, par le Parlement du Kosovo, de mandater une équipe pour retourner à la table des négociations.
La représentante a enfin exhorté les deux parties à prendre toutes les mesures nécessaires pour normaliser leurs relations, sous l’égide des pays européens, afin de parvenir à terme à un accord.
Soutenant le processus de consolidation de la paix au Kosovo, la normalisation des relations entre Pristina et Belgrade et la stabilité dans les Balkans, M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a jugé essentiel que toutes les parties restent engagées à mettre en œuvre la résolution 1244 (1999) et les Accords de Bruxelles. À l’instar du Secrétaire général, il a considéré que les trois lois adoptées par le parlement kosovar pour transformer la Force de sécurité du Kosovo en armée régulière ne sont pas conformes à cette résolution, ni aux Accords de Bruxelles, qui ont décidé de l’établissement d’une force de sécurité internationale dirigée par l’OTAN et la police du Kosovo. La délégation a appelé toutes les parties à faire preuve de modération afin de favoriser un dialogue constructif.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a souligné que la transformation de la Force de sécurité du Kosovo en armée devait être un « processus graduel » et respectueux de la Constitution. Pour sa délégation, les évènements récents au Kosovo ne représentent pas une menace à la paix et à la sécurité internationales, la représentante réitérant sa conviction que la stabilité durable du Kosovo et de la région ne pourrait être réalisée que par la reprise du dialogue visant à normaliser les relations entre Belgrade et Pristina.
M. TAYE ATSKE SELASSIE MADE (Éthiopie) a réaffirmé l’appui de son pays envers la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Serbie, ainsi que l’engagement de l’Éthiopie en faveur de la résolution des différends entre Belgrade et Pristina par la voie du dialogue.
Le représentant a pris note des préoccupations du Secrétaire général face à l’adoption par le Parlement du Kosovo de trois projets de loi visant à renforcer le rôle et la capacité de la Force de sécurité du Kosovo. « Tout comme l’a justement souligné le Secrétaire général, la résolution 1244 (1999) fournit le seul cadre légal de présence d’une force de sécurité internationale », a-t-il souligné, en référence à la KFOR. Par conséquent, a-t-il estimé, toute tentative contraire aux dispositions de la résolution ne ferait que miner les efforts visant à trouver une solution au Kosovo par la voie du dialogue.
Le représentant a appelé les parties à faire preuve de retenue et à s’abstenir de toute action susceptible d’engendrer une montée des tensions dans la région et de saper le dialogue facilité par l’UE, en vue de parvenir à la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina.
M. PROTASIO EDU EDJANG NNAGA (Guinée équatoriale) a déploré la décision unilatérale du Parlement de Pristina de transformer la Force de sécurité du Kosovo en forces armées, estimant que cela va à l’encontre de la résolution 1244 (1999). Pour lui, ces actes et décisions venant de Pristina ne peuvent que contribuer à exacerber les tensions et fragiliser davantage l’équilibre délicat entre les deux parties. Vu la gravité de la situation, le représentant a demandé aux parties de rester calmes et de s’abstenir de faire des déclarations et/ou des actions susceptibles de provoquer une escalade et saper, ainsi, la stabilité et la sécurité, non seulement sur le terrain, mais également dans l’ensemble des Balkans.
Réitérant son respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie, le représentant a encouragé les parties à intensifier les efforts pour améliorer la coopération régionale, préserver les bonnes relations de confiance entre les communautés et le plein respect de la résolution 1244 (1999), qui, a-t-il souligné, est la base juridique d’une solution juste au Kosovo.
Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a demandé à ce que la résolution 1244 (1999) soit « respectée ». Cette résolution est en vigueur, par conséquent la surveillance de la situation par la communauté internationale se justifie, a-t-elle rappelé, en soulignant que c’est à la KFOR d’assumer la responsabilité de maintenir la sécurité au Kosovo. Toute décision de transformer la Force de sécurité du Kosovo en armée est une source de préoccupation pour nous, a affirmé la délégation, qui s’est également dite inquiète de la hausse des droits de douane imposée par Pristina. La Bolivie a en conclusion encouragé les parties à se réengager en faveur du dialogue et de privilégier la recherche du consensus.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a pris note des décisions du Parlement du Kosovo, qui a selon lui « pleinement le droit de créer ses institutions nationales, conformément à sa Constitution ». Tout en comprenant les préoccupations de la Serbie, le représentant a espéré que les décisions de Pristina ne mettraient pas à mal les négociations en cours sur le Kosovo, sous l’égide de l’ONU.
Le délégué koweitien a par ailleurs estimé que les décisions prises par le Kosovo n’étaient pas contraires aux dispositions de la résolution 1244 (1999). Il s’est de plus réjoui de l’assurance donnée par Pristina que ces décisions ne menaçaient en rien la sécurité des minorités ethniques dans la région.
Le représentant a appelé les parties à résoudre leurs différends par la voie du dialogue et à respecter les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il a également appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour aider les parties à parvenir à un accord durable.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est dit préoccupé par le vote des trois projets de loi transformant la force de sécurité du Kosovo en une véritable armée nationale, à l’unanimité des députés albanais, tandis que leurs pairs Serbes les boycottaient. Cette initiative pourrait avoir des implications sur les mandats de la MINUK et de la KFOR, a-t-il estimé, et s’avérer incompatibles avec les dispositions de la résolution 1244 (1999) qui donne leur cadre juridique aux forces internationales. Ces votes interviennent en outre alors que les négociations visant à normaliser les relations entre la Serbie et le Kosovo sont dans l’impasse. Le représentant a appelé les parties à la retenue et à regagner rapidement la table de négociations afin d’apaiser les tensions nées des initiatives récentes, affirmant que seul le dialogue mène à la paix.
Reprenant la parole, M. ALEKSANDAR VUČIĆ, Président de la Serbie, a fait observer que si certains ont pu dire que ce n’était pas interdit, pour le Kosovo, de créer une armée, aucun d’entre eux n’avait pu citer un seul article de la résolution 1244 (1999) reconnaissant ce droit. Et pour cause, a-t-il dit: « Cet article n’existe pas ». Le Chef d’État a ensuite contesté les affirmations de Pristina, pour qui une « terrible épuration ethnique serbe » aurait été perpétrée au Kosovo. « J’ai entendu quelque chose que je n’arrive pas à comprendre: Pristina et le Plan de Martti Ahtisaari. Quand est-ce que ce plan a été appliqué? Par quelle section, par quelle partie? » « Lorsque vous êtes à court d’arguments, vous parlez de choses qui n’existent pas », a tranché le Président pour qui il n’y a pas d’articles ou d’accords qui puissent être mentionnés. Et nous n’avons pas eu recours à la force, a-t-il affirmé, alors que l’autre partie oui, « y compris contre le principal négociateur ». Mais il semble plus simple de s’en prendre à la Serbie pour certains, a constaté à regret M. Vučić. Pourtant, nous n’avons pas imposé une hausse des droits de douane, « nous n’avons pas créé d’armée ».
Poursuivant, il a noté que Pristina avait argué que seule la criminalité organisée avait gagné quelque chose à la décision d’INTERPOL. Le Chef d’État a assuré vouloir que Pristina fasse des progrès en ce domaine, car c’est aujourd’hui « le pire endroit en Europe » pour ce phénomène. Il a rappelé que les maires des municipalités à majorité serbe avaient déclaré que la formation de cette armée est « une menace grave pour leur survie ». Le Président a déclaré en conclusion être reconnaissant à tous ceux qui ont apporté leur soutien à l’intégrité territoriale de la Serbie et à la résolution 1244 (1999).
« Je ne suis pas très optimiste et mes préoccupations et inquiétudes sont encore plus grandes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient hier », a avoué M. Vučić. Il a assuré que la Serbie était prête à reprendre le dialogue, dès que le Kosovo aura levé les taxes qu’il impose. Selon lui, tout ce qu’a récemment fait Pristina est « irresponsable » et nous a ramené « six ou sept ans en arrière ».
« Nous savons qui est la victime et nous savons également qui est l’agresseur », a affirmé M. HASHIM THAÇI, du Kosovo. « On ne peut pas réécrire l’Histoire! », a-t-il lancé à l’attention du Président serbe. Cette guerre a bien eu lieu au XXe siècle et, « que vous le vouliez ou non », l’État de Serbie a assassiné 13 500 civils dans le cadre du conflit au Kosovo, a-t-il estimé, ajoutant que les troupes serbes avaient aussi violé environ 20 000 femmes albanaises. « Et pas une seule mise en accusation ou condamnation », a déploré M. Thaçi, précisant que l’ancien Président serbe, M. Slobodan Milošević, avait été mis en accusation sans jamais être condamné.
À ceux qui parlent ici de justice, je dirais que les combattants kosovars ont d’abord bénéficié de la justice de la MINUK, puis de la justice de La Haye, a poursuivi M. Thaçi. Selon lui, cela fait 20 ans que le Kosovo joue le jeu de la justice, de la lutte contre l’impunité, du partenariat avec l’Union européenne et la communauté internationale et de la mise en place de tribunaux spécialisés. « Aujourd’hui, au Kosovo, il y a davantage d’Albanais que de Serbes condamnés pour crimes de guerres », a affirmé M. Thaçi, déplorant une nouvelle fois l’absence de condamnation côté serbe pour les 400 massacres commis et l’épuration ethnique contre les Albanais du Kosovo.