Conseil de sécurité: de « nouvelles tendances alarmantes » dans le trafic de stupéfiants sont à l’œuvre en Afrique centrale et de l’Ouest, indique l’ONUDC
À la demande de la Côte d’Ivoire, qui en préside les travaux en décembre, le Conseil de sécurité s’est intéressé, cet après-midi, aux « nouvelles tendances alarmantes » à l’œuvre en Afrique centrale et de l’Ouest s’agissant du trafic de stupéfiants, et sa cohorte d’« effets déstabilisants et perturbateurs » sur la gouvernance, la sécurité, la croissance économique et la santé publique.
C’est que, à en croire le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Yury V. Fedotov, ces deux sous-régions ne sont plus simplement des voies d’acheminement pour les drogues en Europe, mais aussi des destinations à part entière, 87% des opioïdes pharmaceutiques saisis dans le monde en 2018 l’ayant été en Afrique centrale, de l’Ouest et du Nord.
Un chiffre en partie imputable à une hausse de la consommation « à des fins non médicales » de l’antidouleur Tramadol, a expliqué M. Fedotov, en attirant l’attention sur un faisceau d’éléments qui mettent aussi en évidence que la cocaïne, l’héroïne, les méthamphétamines, l’éphédrine, le phénacétine et le cannabis sont désormais de plus en plus consommés par les habitants de régions qui n’étaient jusqu’à récemment que des plaques tournantes.
L’ONUDC, a indiqué le haut fonctionnaire, a estimé qu’il y a plus de 34 millions de consommateurs de cannabis et 1,8 million de cocaïne en Afrique centrale et de l’Ouest, avec une différence majeure, c’est qu’à peine une personne sur 18 y bénéficie de traitements adéquats, contre une sur six dans le reste du monde.
Dans une région déjà aux prises avec de nombreuses menaces sécuritaires, les liens entre terrorisme, stupéfiants illicites et d’autres formes de criminalité ne sont que trop évidents, a mis en garde M. Fedotov, suivi dans son analyse par la quasi-totalité des membres du Conseil. Ce fut le cas de la France, qui a rappelé qu’au nord du Mali, une part significative des groupes armés dépend financièrement et logistiquement des flux générés par l’économie illégale et les trafics de drogue, détournant ainsi certains acteurs clefs de la mise en œuvre de l’Accord de paix.
D’autres ont convenu ne pas être eux-mêmes immuns au trafic de stupéfiants, comme les États-Unis, confrontés à « une crise d’opioïde dévastatrice et sans précédent ». Conscient de la dimension internationale de ce fléau, le Président Donald Trump, a rappelé le représentant américain, a annoncé le 24 septembre dernier un « appel global à agir contre le problème mondial des drogues », approuvé par plus de 130 pays.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a aujourd’hui été saluée pour ses efforts régionaux en vue de lutter contre le trafic de stupéfiants, la criminalité organisée et la toxicomanie, dans le cadre de son Plan d’action contre les drogues 2016-2020, notamment salué par la Guinée équatoriale et la Côte d’Ivoire, laquelle a également cité en exemple le Programme régional pour les pays de l’Afrique de l’Ouest (2016-2020).
D’une manière générale, l’assistance technique et anticriminelle prêtée par l’ONUDC à la CEDEAO a été louée par les membres du Conseil, comme l’Éthiopie, la Bolivie, le Koweït et la Fédération de Russie, ainsi que les efforts de cette organisation en vue d’encourager la coopération régionale et interrégionale.
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS: UNE MENACE CONTRE LA STABILITÉ EN AFRIQUE DE L’OUEST
Déclarations
M. YURY V. FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a déclaré que des « tendances récentes et alarmantes » dans le trafic de stupéfiants avaient été observées en Afrique centrale et de l’Ouest, avec des « effets déstabilisants et perturbateurs » sur la gouvernance, la sécurité, la croissance économique et la santé publique. « Les réseaux criminels ne limitent plus leurs activités à l’acheminement par l’Afrique de la cocaïne et de l’héroïne en Europe », a-t-il expliqué, en précisant que 87% des opioïdes pharmaceutiques saisis dans le monde l’avaient été dans des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest, ainsi qu’en Afrique du Nord.
Cette tendance est en grande partie le résultat d’une hausse de la consommation de Tramadol, un antidouleur qui fait l’objet d’un trafic considérable aux fins d’un usage non médical, a expliqué M. Fedotov. En outre, les saisies importantes de cocaïne en Afrique suggèrent que sa consommation a touché ces marchés. Et grâce au Programme de communication aéroportuaire de l’ONUDC, qui est opérationnel dans plusieurs aéroports africains, nous savons que les saisies d’héroïne sont en hausse à travers toute la région, de Lagos à Accra, en passant par Cotonou, de même que celles de méthamphétamine, et plus récemment encore d’éphédrine et de phénacétine, a relevé le Directeur exécutif.
Même si les données fiables sur l’ampleur de la toxicomanie en Afrique centrale et de l’Ouest sont insuffisantes, l’ONUDC estime qu’il y a plus de 34 millions de consommateurs de cannabis et 1,8 million de cocaïne dans ces deux régions. Si, au niveau mondial, à peine une personne sur six souffrant de troubles de la dépendance reçoit un traitement, en Afrique, c’est seulement une sur 18 qui y a accès.
Simultanément, la région est aux prises avec de nombreuses menaces sécuritaires, comme le trafic d’armes, le blanchiment d’argent, la traite des personnes, la cybercriminalité et la piraterie maritime, ainsi que le terrorisme, a rappelé le Directeur exécutif. Or, les liens entre terrorisme, stupéfiants illicites et d’autres formes de criminalité ont été largement mis en évidence, y compris par ce Conseil.
Dans le cadre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, la composante police de la Force conjointe du G5 Sahel s’efforce de renforcer ses capacités à répondre à ces fléaux, a observé le Directeur exécutif. De son côté, l’ONUDC s’emploie à promouvoir le dialogue régional et interrégional et les réponses spécifiques, par exemple en tentant d’intercepter les flux financiers, en renforçant les capacités des agences d’application des lois; et en mettant l’accent sur l’accès à la prévention et aux traitements. De plus, l’Office a noué un partenariat avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour soutenir la mise en œuvre du Plan régional d’action sur le trafic illicite de stupéfiants, la criminalité organisée et la toxicomanie en Afrique de l’Ouest, au travers d’une assistance technique. Le haut fonctionnaire a en conclusion insisté sur l’importance de soutenir les pays en situation post-conflit ou en transition, comme la Guinée-Bissau, en vue de relever les défis auxquels ils font face.
Pour M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis), les drogues coûtent trop de vies et leur consommation est liée aux flux financiers illicites et au financement du terrorisme. Dans la région comme ailleurs, elles entravent l’état de droit et sapent le développement socioéconomique. La première responsabilité internationale incombe à l’ONUDC, mais le Conseil de sécurité a aussi un rôle à jouer: aucun pays ne peut ni ne devrait faire face seul à ce problème. Le Président Donald Trump, a souligné le représentant, a appelé le 24 septembre dernier à réduire la demande et le trafic de stupéfiants et à renforcer la coopération internationale, et les États-Unis exhortent tous les pays à coopérer en ce sens.
Le délégué a salué l’assistance de l’ONDUC à l’Afrique et souligné que les États-Unis investissent beaucoup dans la région de l’Afrique de l’Ouest pour lutter contre le trafic de stupéfiants dans le cadre de la lutte contre la corruption à travers deux centres au Ghana et au Botswana. Les capacités ont été renforcées dans le golfe de Guinée contre la piraterie et, avec INTERPOL, ils ont apporté des financements de plusieurs millions de dollars à la Côte d’Ivoire, au Togo et au Nigéria pour renforcer les renseignements et la répression en partenariat avec l’ONUCDC. Ils y soutiennent aussi la formation maritime, la formation à la collecte de preuves et à la réduction de la demande.
Mme SUSANA RADEGUNDA EDJANG MANGUE (Guinée équatoriale) s’est dite alarmée par la tendance à l’œuvre en Afrique centrale et de l’Ouest, où le trafic et la consommation de stupéfiants fragilisent les progrès réalisés dans le domaine du développement par ces deux régions. La représentante a fait observer que de nombreux pays en situation post-conflit doivent faire face à un tel fléau alors qu’ils s’efforcent de consolider la paix. En outre, le narcotrafic génère des sources de revenus aux organisations terroristes qui sévissent sur cette partie du continent, d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) à Boko Haram.
La représentante a pris note « avec admiration » de la réponse apportée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), mais a souligné que les réseaux criminels ont connu des succès pour ouvrir de nouvelles routes terrestres et maritimes au trafic de stupéfiants. Estimant que ce phénomène est autant une menace pour l’Afrique centrale et de l’Ouest qu’une menace pour la sécurité internationale, la représentante a prié le Conseil de sécurité de rester saisi de la question.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a fait remarquer que le problème de la drogue, avec ses conséquences sécuritaires, économiques, sociales et sanitaires, aggrave les faiblesses structurelles de la région et compromet gravement son développement. Le trafic de drogue a également un impact négatif sur les dynamiques politiques dans la région. Par exemple, au nord du Mali, une part significative des groupes armés dépend financièrement et logistiquement des flux générés par l’économie illégale et les trafics de drogue, ce qui détourne certains acteurs clefs de la mise en œuvre de l’accord de paix. « Dans une région marquée à la fois par l’importance des trafics et la présence de plusieurs organisations terroristes, la question du lien entre le crime organisé et le financement du terrorisme se pose », a ajouté la représentante.
Dans ce contexte, la France a jugé très important que les États de l’Afrique de l’Ouest fassent de la lutte contre les stupéfiants « une véritable priorité politique » et promeuvent une approche équilibrée visant, à la fois, à lutter contre l’offre de drogue et à diminuer la demande. Pour ce faire, il est essentiel que les États de la région renforcent les capacités des institutions concernées, avec le soutien de la communauté internationale, notamment en ce qui concerne la chaîne pénale et la dimension préventive et sociosanitaire. À l’échelle régionale, a poursuivi Mme Guéguen, il est essentiel de renforcer la coopération afin de lutter efficacement contre les trafics et la corruption. À titre d’exemple, l’Alliance pour le Sahel, en finançant des projets de développement à impact rapide dans les zones vulnérables, contribue à offrir un horizon économique viable aux populations locales et à éviter leur récupération par les réseaux de l’économie illégale. Enfin, les Nations Unies ont un rôle important à jouer, en premier lieu car elles ont la responsabilité de prendre en compte toute la dimension du problème dans la recherche de solutions politiques durables aux conflits. Elles doivent aussi soutenir les États qui en font la demande en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités. Elles sont également le garant d’une approche globale et équilibrée qui permette non seulement à l’Afrique de l’Ouest mais aussi aux autres régions affectées d’agir ensemble pour répondre au problème des drogues, selon le principe de responsabilité commune et partagée.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a estimé que la menace croissante de la criminalité organisée et du trafic de stupéfiants en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale sape la paix et la sécurité dans ces régions. Ce défi est d’autant plus important dans les pays où les institutions étatiques sont relativement faibles, a-t-elle précisé. Dans ce sens, elle a salué les efforts de l’ONUDC pour appuyer les forces de l’ordre des États concernés et renforcer la coopération régionale. À titre d’exemple, la représentante a mis l’accent sur l’importance de l’échange de renseignements, du renforcement de la sécurité aux frontières, ainsi que de l’établissement de mécanismes réguliers d’échanges d’informations et de bonnes pratiques. Elle a également mentionné le rôle de la Force conjointe du G5 Sahel et de la Force multinationale mixte dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et la criminalité transnationale organisée.
Quant au Conseil de sécurité, la déléguée l’a appelé à redoubler d’efforts pour briser le lien entre trafic et criminalité organisée. Elle a aussi exhorté l’ONU à rationaliser sa stratégie de coopération avec les deux régions, afin d’améliorer leur capacité à faire face à ces défis, notamment dans le golfe de Guinée, où des réseaux criminels trafiquent des quantités toujours plus importantes d’héroïne par voie maritime.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a déclaré que le crime transnational organisé ne fait pas que financer et nourrir les conflits, il renforce la corruption des institutions et déstabilise des environnements déjà fragiles. L’Afrique de l’Ouest, zone de transit du trafic de drogue, est fortement fragilisée et rendue vulnérable par le crime organisé. Le trafic de drogue est directement lié à l’instabilité dans cette région, en particulier au Sahel, où des réseaux de trafiquants sont utilisés par les groupes de terroristes comme sources de financement, a dit le représentant.
C’est pour cette raison qu’il est crucial que les Nations Unies et le Conseil de sécurité prennent en compte et reconnaissent le rôle du crime organisé dans la dynamique des conflits. Pour ce faire, il faut apporter des réponses cohérentes et renforcer la coopération en matière d’échanges d’informations entre différentes autorités, organisations régionales et entités telles INTERPOL, Europol, l’ONUDC et la CEDEAO, a encore déclaré le représentant.
L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont devenues des points clefs du trafic de stupéfiants, a relevé M. HAITAO WU (Chine) qui a appelé la communauté internationale à renforcer la capacité des pays de la région, déjà confrontés au manque de ressources et de capacités. La communauté internationale doit les aider à élaborer des stratégies, en se fondant sur le principe de « responsabilité partagée » avec la réduction du marché de la consommation. Chaque institution doit pouvoir mobiliser ses propres compétences, les Nations Unies jouant le rôle de chef d’orchestre et servant de rempart solide pour protéger les pays. Enfin pour surmonter les causes du trafic de stupéfiants et de la criminalité, les agences des Nations Unies doivent travailler de concert avec leurs partenaires dans la région pour aider ces pays à surmonter la pauvreté et leur permettre de se défendre eux-mêmes. La Chine couvre déjà 50 programmes d’assistances dans la lutte contre la drogue et le renforcement de la sécurité aux frontières, la lutte contre la piraterie et la criminalité transnationale organisée.
Pour Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie), la région de l’Afrique de l’Ouest est confrontée à de nombreux défis dont les conflits violents sont le facteur principal, qui menace les structures étatiques et la population. À cette situation s’ajoute le crime organisé transnational qui contribue à la prolongation des conflits. La fragilité des frontières et le manque de ressources disponibles pour combattre le crime ont favorisé la prolifération de substances qui participent au financement des groupes armés et organisations terroristes, a-t-elle noté avant de dire que la région mérite en ce sens une attention et une riposte transversale de la communauté internationale et donc une coopération renforcée. Aussi, est-il indispensable d’adopter une série de mesures urgentes et efficaces pour contrer le trafic de drogue, et notamment neutraliser sa circulation en Afrique de l’Ouest depuis ses lieux de production jusqu’aux destinations finales. Or, la géographie et le manque de contrôle sur les territoires de la région permettent aux organisations criminelles de s’adapter et de renforcer leurs capacités de résistance.
Le lien entre les groupes terroristes et les organisations criminelles transnationales est chaque fois plus évident permettant à ces dernières de lever des fonds via le blanchiment d’argent, a poursuivi la représentante qui a relevé la coopération déjà à l’œuvre entre la CEDEAO et l’ONUDC. Celle-ci, fondée sur le renforcement des institutions judiciaires et sécuritaires et l’échange d’information, a permis de marquer des points. Elle a également souligné l’importance de l’Initiative d’Afrique de l’Ouest qui, depuis 2009, a permis d’unifier les efforts déployés par les différents départements des Nations Unies, dont celui du maintien de la paix, en Afrique de l’Ouest et au Sahel avec ceux d’INTERPOL et d’ONUDC afin d’aider à renforcer les capacités des pays les plus fragiles. Le caractère hybride et transnational du crime organisé a mis en relief l’existence de points de tensions susceptibles d’exploser à tout moment et tous les États doivent œuvrer au renforcement de mesures efficaces pour éliminer en pratique le trafic de drogue et la criminalité organisée, a conclu la représentante.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) s’est inquiété de l’impact du trafic de stupéfiants et de la criminalité transnationale organisée en Afrique de l’Ouest. Il a notamment relevé que le Tramadol, un antalgique opiacé, est devenu une source de préoccupation croissante et que l’Afrique est aussi en train de devenir une plaque tournante pour le trafic et la consommation de cocaïne. Pour faire face à ces fléaux, le représentant a appelé à répondre aux facteurs précurseurs, notamment l’instabilité, les conflits armés et les flux de réfugiés, de même que la pauvreté et les inégalités de développement. Il a réclamé la pleine mise en œuvre des programmes de renforcement des secteurs sécuritaire, judiciaire et policier. Une pleine révision du Code pénal s’impose également, a-t-il ajouté, de même que l’élaboration de systèmes d’alerte précoce, de gestion et de partage des renseignements et un contrôle « rigoureux » des frontières.
Le représentant a aussi appelé à renforcer les efforts visant à contrer le trafic d’héroïne et tirer un meilleur parti du potentiel de l’ONUDC en matière de formation du personnel et de coopération, entre autres. Mais pour se faire, a-t-il ajouté, une mise en œuvre plus effective de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel s’impose.
M. TAREQ M.A. M.ALBANAI (Koweït) a rappelé que, lundi, le Directeur exécutif de l’ONUDC avait fait un exposé sur la relation « intime » entre les drogues et l’instabilité en Afghanistan, estimant que cette analyse s’appliquait aussi à l’Afrique centrale et de l’Ouest. Il a souligné qu’il s’agissait d’un cercle vicieux, l’instabilité politique et sécuritaire contribuant aussi à l’épanouissement des réseaux de criminalité organisée. La délégation s’est ensuite félicitée de la dernière réunion en date de la CEDEAO sur la lutte contre le trafic de drogue, ainsi que du lancement, entre juillet 2016 et 2018, de 24 activités par l’ONUDC. Enfin, le représentant a encouragé l’ONUDC à redoubler d’efforts dans sa contribution à la mise en œuvre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) s’est dit convaincu que la lutte contre les stupéfiants ne peut se faire efficacement que par une action coordonnée de toute la communauté internationale sous l’égide des Nations Unies. En ce sens, il a cité les sanctions prises contre Al-Qaida qui finance ses opérations par le trafic de stupéfiants. Le lien entre la criminalité organisée et le terrorisme ne peut qu’inquiéter a-t-il relevé, en particulier l’utilisation de produits pharmaceutiques à des fins non médicales, celle de l’héroïne, des opiacés afghans, de la cocaïne latino-américaine, en espérant que ces questions seront abordées en mars à Vienne lors de l’examen du Programme régional pour l’Afrique de l’Ouest (2016-2020) et du Plan d’action contre les drogues.
L’alternative à ces activités consisterait selon le représentant à favoriser dans cette région des programmes créant des emplois et veillant à prévenir la radicalisation des jeunes. Il convient de continuer de renforcer la sécurité aux frontières, l’échange d’informations, la formation des acteurs de la répression a-t-il poursuivi, saluant les efforts de l’ONUDC pour fournir une aide aux États de la région. Il a jugé important de poursuivre la coopération dans la lutte antidrogue en se fondant sur le principe de responsabilités conjointes.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a fait observer que le trafic de stupéfiants dégénère souvent en cercles vicieux de violence et de corruption à même de déstabiliser des pays, de saper la sécurité et d’augmenter le risque de conflits violents. Le représentant a mis en avant trois domaines d’action pour lesquels le Pérou considère que le Conseil de sécurité peut contribuer à lutter contre ces menaces, y compris la menace terroriste. Premièrement, il a recommandé d’identifier les liens entre crime organisé et terrorisme, rappelant que la résolution 2195 (2014) reconnaît ce lien, en particulier en Afrique, et que le Conseil a adopté en mai une déclaration présidentielle qui souligne la nécessité d’améliorer la connaissance sur ces liens afin d’optimiser la capacité de réponse.
Deuxièmement, le représentant a estimé qu’il faut s’attaquer aux causes profondes du crime organisé et du trafic de drogue et adopter une approche multidimensionnelle afin de renforcer les capacités et institutions en faveur des droits de l’homme, de l’état de droit et du développement durable. Il a par exemple jugé essentiel de lutter contre la corruption et d’encourager la création d’emplois dignes, en particulier pour les jeunes et pour les communautés rurales. En venant à son troisième point, le délégué s’est prononcé en faveur d’un renforcement de la coopération régionale et de voisinage, citant par exemple le Plan d’action régional en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, la criminalité organisée qui y est liée et l’abus de drogues en Afrique de l’Ouest impulsé par la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avec le soutien de l’ONUDC. Entre autres initiatives soutenues par l’ONUDC, la délégation a également cité le lancement du recueil de bonnes pratiques pour la prévention de la consommation de drogues, le traitement et la réduction des dommages en Afrique, en partenariat avec l’Union africaine, ainsi que la coopération offerte à la Force conjointe du G5 Sahel.
M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a déclaré qu’il faut se rappeler que le trafic de stupéfiants est l’une des principales sources de revenus pour les organisations terroristes. Aussi, pour être plus efficace dans la détection des flux financiers illicites, les pays concernés devraient se concentrer en priorité sur la sécurité des frontières, a-t-il observé, tout en se disant conscient que « la porosité des frontières est l’un des défis les plus importants qui se posent aux pays d’Afrique centrale et de l’Ouest ».
Le représentant a également cité les problèmes socioéconomiques, soulignant que le développement était probablement « l’instrument le plus efficace » pour lutter contre le trafic et la consommation de stupéfiants. Après avoir salué CRIMJUST, une initiative conjointe de lutte financée par l’Union européenne, et mise en œuvre par l’ONUDC en partenariat avec INTERPOL et Transparency International, il a apporté son soutien aux projets visant à renforcer les capacités des institutions judiciaires, à promouvoir la coopération régionale et interrégionale, avec la participation active de la société civile.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est félicité de l’examen de cette question par le Conseil de sécurité qui s’en est saisi pour la première fois depuis 2013. Pour lui, la corruption et les espaces non contrôlés favorisent non seulement la criminalité, dont le trafic de drogue, mais aussi celui des personnes et des armes. Cela facilite aussi l’apparition de groupes terroristes. L’Afrique de l’Ouest est affectée par ces fléaux et ce sont les groupes marginalisés qui en souffrent le plus, tels les femmes, enfants et minorités, a relevé le délégué. Il a souligné que les impacts de ces activités sont ressentis par les individus comme par les États, les réseaux criminels constituant aussi une menace à la paix et à la sécurité.
L’Afrique de l’Ouest est devenue un lieu de consommation et de transit de la cocaïne, de l’héroïne, a poursuivi le représentant. Il a fait remarquer que l’argent et la violence qui accompagnent ces trafics sont dévastateurs car les gangs criminels peuvent ainsi aisément corrompre et affaiblir un État, quand des États et des institutions forts sont nécessaires. Il a salué les efforts conduits dans la région, en particulier dans la lutte contre le terrorisme, et notamment ceux de l’ONU, du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel et de la CEDEAO. Il n’y a pas de recette magique, a-t-il conclu, mais il faut une approche intégrée, soutenue par la famille des Nations Unies de façon holistique et globale.
Pour Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas), le trafic de stupéfiants alimente la corruption, le terrorisme et d’autres formes de trafic. Il transcende les frontières et affecte la vie de millions de personnes dans le monde, en particulier les jeunes. Il faut adopter une approche intégrée, selon la représentante, pour y faire face en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Cette approche doit s’articuler autour des trois piliers que sont la coopération régionale en matière de sécurité, la justice pénale et les sanctions. L’ONUDC doit jouer un rôle de premier plan pour faciliter les initiatives régionales de lutte contre le trafic de drogue, a poursuivi Mme Van Haaren, y compris dans le cadre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. Elle a salué l’approche régionale de ce problème dans le contexte du mandat de la Force conjointe du G5-Sahel. De la même manière, les Pays-Bas soutiennent la « Plateforme de coopération en matière de sécurité » du G5 Sahel.
S’agissant de la justice pénale, la représentante a mis l’accent sur la lutte contre l’impunité en matière de trafic de stupéfiants. C’est essentiel pour défendre l’état de droit et assurer la coopération entre la population locale et les forces de sécurité, a-t-elle souligné. C’est l’une des raisons pour lesquelles les Pays-Bas, avec la Côte d’Ivoire, ont rédigé la résolution 2447 (2018) sur la paix, la justice et les sanctions, adoptée à l’unanimité la semaine dernière. Elle a invité le Conseil à utiliser toute sa « boîte à outils » pour contrecarrer les menaces contre la paix et la sécurité mondiales, y compris les sanctions ciblées contre des trafiquants qui nuisent aux processus de paix et affaiblissent les institutions. À ce titre, elle a cité le régime de sanctions pour le Mali qui vise explicitement la production et le trafic de stupéfiants, ainsi que celui pour la Libye qui vise certains trafiquants.
Le trafic de stupéfiants représente aujourd’hui une menace urgente de santé publique et de sécurité nationale, voire une source d’instabilité sous-régionale, a déclaré M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire). Il affecte profondément le tissu social et compromet les efforts de gouvernance politique, économique et sociale des États. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, le Comité interministériel de lutte antidrogue (CILAD), l’organe chargé de lutter contre le trafic, la production et la consommation de stupéfiants estime qu’environ 12% de la population des personnes âgées de 15 à 64 ans consomme des drogues. Il évalue en outre à 268 tonnes la quantité de drogues saisie entre 2017 et le premier semestre de 2018.
Or, dans leur lutte contre ce fléau, les États de l’Afrique de l’Ouest, déjà confrontés à des difficultés et des défaillances de leurs dispositifs de contrôle des frontières doivent faire face aux mutations des menaces sécuritaires, notamment liées aux alliances entre groupes terroristes et réseaux de trafiquants de drogues, a constaté M. Ipo. De plus, l’efficacité des stratégies nationales est tributaire des initiatives sous-régionales, appuyées par les partenaires importants comme l’ONUDC. Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, la Côte d’Ivoire se félicite de la mise en place du Programme régional pour l’Afrique de l’Ouest (2016-2020), qui vient en appui au Plan d’action régional de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants. Ces programmes traduisent la volonté de renforcer la coopération régionale dans les domaines judiciaire, de l’échange d’informations, de la lutte contre les flux financiers liés au trafic de drogue et de la prévention du détournement des intrants utilisés pour fabriquer des drogues.