En cours au Siège de l'ONU

Yémen: le Conseil proroge jusqu’en janvier 2020 le mandat de la mission chargée de veiller au respect de l’Accord sur Hodeïda

8572e séance – matin
CS/13881

Yémen: le Conseil proroge jusqu’en janvier 2020 le mandat de la mission chargée de veiller au respect de l’Accord sur Hodeïda

Le Conseil de sécurité a, ce matin, prorogé pour une durée de six mois le mandat de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH), une province côtière de l’ouest du Yémen, abritant le principal port de marchandise du pays.

Signé le 13 décembre 2018 entre le Gouvernement yéménite et les houthistes, l’un des trois volets de l’Accord de Stockholm prévoit en effet un cessez-le feu immédiat dans la province de Hodeïda et un redéploiement mutuel des forces en présence à l’extérieur de trois de ses ports de la mer Rouge, dont ceux de Hodeïda, principale voie d’approvisionnement en marchandises du Yémen, de Salif et de Ras Issa.  Ce volet, désigné sous le nom d’Accord sur Hodeïda, a donné lieu à la création par le Conseil de sécurité, le 16 janvier dernier, de la MINUAAH, pour une période initiale allant jusqu’au 16 juillet 2019.

Par la résolution adoptée aujourd’hui, le Conseil proroge jusqu’au 15 janvier 2020 le mandat de la Mission qui demeure inchangé.  Elle doit diriger le Comité de coordination du redéploiement, avec l’assistance d’un secrétariat composé de personnel des Nations Unies, en vue de superviser le cessez-le-feu, le redéploiement des forces et les opérations de déminage dans l’ensemble de la province de Hodeïda.  La Mission devra surveiller en particulier le respect par le Gouvernement yéménite et les houthistes du redéploiement mutuel des forces en présence à l’extérieur de la ville de Hodeïda et des ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa. 

Elle devra en outre collaborer avec les parties pour que la sécurité de la ville et des trois ports soit assurée par les forces de sécurité locales, dans le respect de la loi yéménite.  Enfin, la MINUAAH devra coordonner l’appui de l’Organisation en vue d’aider les parties à appliquer intégralement l’Accord sur Hodeïda.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Texte du projet de résolution S/2019/558

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 2014 (2011), 2051 (2012), 2140 (2014), 2175 (2014), 2201 (2015), 2204 (2015), 2216 (2015), 2266 (2016), 2342 (2017), 2402 (2018), 2451 (2018) et 2452 (2019) ainsi que les déclarations de sa présidence relatives au Yémen, en date du 15 février 2013, du 29 août 2014, du 22 mars 2015, du 25 avril 2016, du 15 juin 2017 et du 15 mars 2018,

Ayant examiné les lettres que le Secrétaire général a adressées le 31 décembre 2018 et le 12 juin 2019 à son Président (S/2019/28 et S/2019/485 respectivement), en application de ses résolutions 2451 (2018) et 2452 (2019),

Réaffirmant son ferme attachement à l’unité, à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale du Yémen, et son engagement à soutenir le peuple yéménite,

Rappelant qu’il a approuvé l’accord conclu en Suède par le Gouvernement yéménite et les houtistes concernant la ville de Hodeïda et les ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa (l’Accord sur Hodeïda) et demandant de nouveau aux parties de l’appliquer,

1.    Décide de proroger jusqu’au 15 janvier 2020 le mandat de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH), chargée de faciliter l’application de l’Accord sur la ville de Hodeïda et les ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa comme le prévoit l’Accord de Stockholm, dont le texte a été distribué sous la cote S/2018/1134;

2.    Décide que, pour aider les parties à s’acquitter des engagements qu’elles ont pris dans l’Accord sur Hodeïda, la Mission sera chargée du mandat suivant:

a)    Diriger le Comité de coordination du redéploiement et assurer son fonctionnement, avec l’assistance d’un secrétariat composé de personnel des Nations Unies, en vue de superviser le cessez-le-feu, le redéploiement des forces et les opérations de déminage dans l’ensemble de la province de Hodeïda;

b)    Surveiller le respect, par les parties, du cessez-le-feu dans la province de Hodeïda et le redéploiement mutuel des forces à l’extérieur de la ville de Hodeïda et des ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa;

c)    Collaborer avec les parties pour que la sécurité de la ville de Hodeïda et des ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa soit assurée par les forces de sécurité locales, dans le respect de la loi yéménite;

d)    Faciliter et coordonner l’appui qu’apporte l’Organisation des Nations Unies en vue d’aider les parties à appliquer intégralement l’Accord sur Hodeïda;

3.    Approuve les propositions du Secrétaire général relatives à la composition et aux aspects opérationnels de la Mission qui figurent dans l’annexe de la lettre qu’il a adressée, le 31 décembre 2018, à son Président, et note que la Mission sera dirigée par le Président du Comité de coordination du redéploiement, qui aura rang de Sous‑Secrétaire général et fera rapport au Secrétaire général par l’intermédiaire de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen et de la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix;

4.    Souligne qu’il importe d’établir une collaboration et une coordination étroites entre toutes les entités des Nations Unies présentes au Yémen, notamment le Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, la Coordonnatrice résidente et Coordonnatrice de l’action humanitaire et l’équipe de pays des Nations Unies au Yémen, la Mission et le Mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies, afin d’éviter le chevauchement des tâches et de tirer le meilleur parti des ressources existantes;

5.    Prie le Secrétaire général de déployer rapidement l’ensemble de la Mission et demande aux parties à l’Accord sur Hodeïda de fournir un appui à l’Organisation des Nations Unies comme le prévoit le document S/2019/28, notamment en assurant la sûreté et la sécurité du personnel de la Mission et l’entrée et la circulation dans le pays, sans entrave ni retard, du personnel et du matériel de la Mission, des vivres et des articles de première nécessité;

6.    Prie les États Membres, en particulier les États voisins, d’apporter leur appui à l’Organisation des Nations Unies, selon qu’il convient, de sorte que la Mission s’acquitte de son mandat;

7.    Prie le Secrétaire général de lui rendre compte, chaque mois, des progrès accomplis dans l’application de la présente résolution et de tout acte de quelque partie que ce soit qui ferait obstacle au bon fonctionnement de la Mission, et de l’application de la résolution 2451 (2018), y compris d’éventuels manquements de toute partie;

8.    Prie également le Secrétaire général de lui faire un point complémentaire sur la Mission dans un délai de trois mois à compter de la date d’adoption de la présente résolution;

9.    Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Forum politique de haut niveau: la science, la technologie et l’innovation examinées comme des vecteurs du développement durable à privilégier

Forum politique de haut niveau,
10e, 11e & 12e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7002

Forum politique de haut niveau: la science, la technologie et l’innovation examinées comme des vecteurs du développement durable à privilégier

Le Forum politique de haut niveau pour le développement durable, placé sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC), a achevé sa première semaine de travaux en examinant, ce matin, le rapport du quatrième Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation (STI) pour la réalisation des objectifs de développement durable.

Les premiers jours du Forum politique étaient surtout consacrés à des discussions thématiques et à l’évaluation de l’état de mise en œuvre des six objectifs de développement durable qui sont au programme de cette session 2019, lancée mardi dernier. 

Ce matin, les participants ont échangé leurs avis sur les principales observations et conclusions du Forum STI, qui s’est tenu les 14 et 15 mai derniers à New York, insistant pour la plupart sur les pratiques et mesures pouvant renforcer le rôle des STI dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Ils ont, en même temps, rappelé l’importance du Mécanisme de facilitation des technologies et son rôle dans le renforcement des capacités des pays qui sont à la traîne.

L’assistance a, dans un premier temps, entendu la présentation du rapport du Forum STI par la Représentante permanente de la Barbade auprès des Nations Unies, qui était coprésidente de l’édition 2019 du Forum STI.  Mme Elizabeth Thompson a ainsi rappelé que les participants au Forum ont examiné les difficultés rencontrées dans la réalisation des objectifs de développement durable nos 4, 8, 10, 13 et 16, lesquels sont également au menu des travaux du Forum politique.

Lors du débat du Forum STI, a indiqué Mme Thompson, il a été mis en évidence la nécessité d’établir un mécanisme de financement international destiné à soutenir les petites et moyennes start-ups du secteur de la technologie et les jeunes esprits brillants et créatifs, ainsi qu’à renforcer les compétences humaines grâce à de nouveaux laboratoires de fabrication de type « fab labs » et centres d’apprentissage technologiques, où les innovateurs pourraient mettre à l’essai et commercialiser leurs produits et services.

Le Forum STI a également encouragé à répondre aux besoins des petits États insulaires en développement (PEID) et autres petits pays en développement et à chercher des solutions qui permettent à ces pays de mieux tirer parti des technologies.  Le but est d’utiliser celles-ci au service du développement dans ces pays et en même temps de les inciter à créer eux-mêmes de telles technologies.

Dans ce contexte, la République dominicaine a plaidé pour plus de soutien à la recherche menée dans les petits pays en développement qui risquent d’être laissés sur le côté dans un environnement mondial marqué par des évolutions fulgurantes dans le secteur de l’innovation.  C’est fort de ce constat que la Chine a aussi insisté pour renforcer les capacités de ces pays, avant de promettre que « 5 000 ressortissants de pays en développement seront bientôt formés en Chine dans les domaines liés aux STI ».

Mme Thompson a ensuite rappelé que le Mécanisme de facilitation des technologies est actuellement le premier instrument multipartite du système des Nations Unies chargé de promouvoir les applications dans les domaines des STI à l’appui des objectifs de développement durable.  Les organisateurs des conférences et manifestations tenues au sein du système des Nations Unies ou en dehors pourraient donc s’associer au Forum STI et envisager d’y présenter une synthèse de leurs constatations dans le domaine des STI.

Elle a ensuite souligné que la volonté politique et le rôle mobilisateur de la communauté scientifique continuent d’être d’une importance capitale.  Les participants au Forum STI ont d’ailleurs préconisé un appui technique et financier à la plateforme en ligne du Mécanisme, afin de la rendre pleinement opérationnelle.  Des améliorations continuent d’être apportées au prototype de cette plateforme, faisant naître un nombre croissant de partenariats visant à la développer davantage, à la mettre à jour et à garantir son bon fonctionnement.  Néanmoins cette plateforme en ligne, créée dans le cadre du Programme 2030, a besoin du soutien accru des donateurs, du secteur privé, des organisations internationales et d’autres acteurs pour atteindre sa phase finale.

Le coprésident du Groupe consultatif de 10 membres auprès du forum STI, qui est aussi Directeur exécutif chargé des affaires politiques et mondiales à la « National Academy of Sciences, Engineering and Medicine » des États-Unis, M. Vaugham Turekian, a aussi insisté sur l’importance de cette plateforme numérique pour promouvoir les échanges entre scientifiques du monde.  Un autre membre de ce Groupe consultatif a appuyé cette idée.  Selon M. Paulo Gadelha, qui est également coordonnateur de la stratégie FIOCRUZ relative au Programme 2030 à la Fondation brésilienne Oswaldo Cruz (FIOCRUZ), la communauté internationale se doit de financer cette plateforme en ligne pour qu’elle soit pleinement opérationnelle.

Toujours en se basant sur le rapport du Forum STI, Mme Thompson a appelé à une coopération internationale sensiblement renforcée en matière de recherche, d’infrastructures d’accès et de capacités, afin de combler le fossé technologique existant entre les pays comme à l’intérieur des États, ainsi que les écarts entre hommes et femmes et entre groupes sociaux.  Cette coopération doit ainsi contribuer à éviter de faire des « laissés-pour-compte de la technologie ».  Il faudra, pour ce faire, pouvoir compter sur des approches multipartites et sur l’appui du système des Nations Unies. 

À ce propos, plusieurs orateurs ont déploré le fossé numérique entre les genres.  En plus de cela, le rapport souligne qu’au niveau mondial, les femmes consacrent deux fois plus de temps que les hommes au travail non rémunéré.  Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), chaque jour, le temps de travail non rémunéré des femmes représente 12 milliards d’heures, soit quelque 2,1 milliards d’emplois.  Ces contributions non rémunérées, quoique vitales, ne sont généralement pas prises en compte dans les statistiques officielles ni dans le calcul du produit intérieur brut (PIB) et les politiques économiques.  Il importe donc de les reconnaître et de combler ce manque de données substantiel.

Le Ghana a noté que, pour améliorer cette participation des femmes, il faut déjà veiller à combler le manque de données sexospécifiques, notamment dans les domaines liés aux STI.  De son côté, l’Union européenne a dit être déjà à pied d’œuvre pour éliminer les inégalités de genre dans la recherche et pour promouvoir les connaissances autochtones.  

En revanche, le grand groupe des femmes a relevé que dans les Caraïbes, les femmes font face à de nombreux obstacles et ne peuvent pleinement bénéficier de formations dans les domaines des STI.  Il faut donc faciliter l’intégration des femmes dans ces secteurs, en commençant par les familiariser aux disciplines scientifiques dès l’école primaire, a suggéré le groupe.

Des « feuilles de route » sont nécessaires, selon le rapport du Forum STI, tant au niveau national qu’au niveau infranational, pour mettre les STI au service des objectifs de développement durable.  Il faut aussi les assortir de « plans d’action » connexes et, idéalement, de « mesures de suivi » des progrès.  Tous ces outils doivent être alignés sur les stratégies de développement nationales et mondiales.  Pour y arriver, il importe donc de forger de nouveaux partenariats et de mobiliser davantage la communauté scientifique, les bailleurs de fonds, les milieux universitaires et le secteur privé.

Tous ces acteurs doivent tout de même garder à l’esprit que la promotion de la science ne doit pas se faire sans conscience, ont souligné quelques intervenants ce matin.  En effet, le rapport insiste sur un équilibre entre l’utilisation responsable et éthique des technologies, d’une part, et les préoccupations liées à l’imposition de restrictions « excessives » à l’innovation qui pourraient priver l’humanité de nombreux bienfaits, d’autre part.  À cette fin, le rapport préconise de procéder à des évaluations éthiques, pragmatiques et fondées sur des faits, inspirées des valeurs consacrées par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Document final de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable et le Programme 2030.

C’est ainsi que le Mexique a demandé de veiller à ce que les nouvelles technologies ne renforcent pas les inégalités, alors que la Représentante permanente de la République tchèque auprès des Nations Unies, l’une des coprésidentes du Forum STI de 2019, Mme Maria Chatardová, a salué la réussite de ce Forum qui a donné lieu à pas moins de 35 évènements parallèles, et pour la première fois à un débat ministériel.  Le Mexique s’est tout de même interrogé sur l’opportunité d’organiser concurremment la sixième session de la Plateforme mondiale pour la réduction des risques de catastrophe (GP2019), qui s’est tenue du 13 au 17 mai 2019 à Genève.   

En tout état de cause, le Président de l’Institut des stratégies pour l’environnement mondial du Japon, M. Kazuhiko Takeuchi, a estimé qu’il est désormais urgent d’établir un plan de route pour les STI et établir une franche collaboration entre pays développés et pays en développement.  Tout en appelant, elle aussi, à la collaboration, la Présidente de la Fédération mondiale des organisations d’ingénieurs, Mme Marlene Kanga, a fait part de sa surprise de voir que le domaine de l’ingénierie a été oublié des délibérations du Forum STI.

Autre grande oubliée, la moitié de la population mondiale n’a pas accès à Internet, a fait remarquer l’Union internationale des télécommunications (UIT), en soulignant pourtant que le marché de la communication mobile va bientôt atteindre un chiffre d’affaires de 4 600 milliards de dollars, selon les prévisions pour les prochaines années.  Pour l’UIT, il faut absolument éviter que le fossé numérique ne se creuse pendant que le marché de l’innovation s’étend.

Sur une note plus optimiste, le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a dit que son agence souhaite faciliter le développement, le transfert et l’utilisation des technologies propres aux pays en développement.  Même son de cloche chez la Banque islamique de développement (BID) qui a créé une plateforme numérique liée aux STI pour ses 57 États membres.  La Banque met également à disposition des crédits dédiés aux starts-ups qui évoluent dans des domaines liés aux objectifs de développement durable.  Les Émirats arabes unis ont aussi pris les devants en investissant dans les technologies futuristes, a expliqué leur représentante qui, a évoqué l’existence de bourses pour les innovateurs de pays en développement.

Le Forum politique de haut niveau a également tenu, ce matin, un débat sur l’objectif 13 de développement durable portant sur les « mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques ».  Dans l’après-midi, les participants ont échangé sur le bilan de la mise en œuvre de l’objectif 16 de développement durable qui porte sur la question « paix, justice et institutions efficaces ».

Le programme des travaux prévoit pour la semaine prochaine le débat ministériel du Forum politique, du mardi 16 au jeudi 18 juillet, ainsi que 47 examens nationaux volontaires.  Le Forum politique de haut niveau reprendra ses travaux lundi 15 juillet à 9 heures, en commençant par une table ronde sur le financement des objectifs de développement durable. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Forum politique entend le rapport du groupe des scientifiques indépendants et l’invitation du groupe des jeunes à « aller plus vite et plus loin »

Forum politique de haut niveau,
7e, 8e & 9e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7001

Le Forum politique entend le rapport du groupe des scientifiques indépendants et l’invitation du groupe des jeunes à « aller plus vite et plus loin »

« Joignez-vous à nous pour aller plus vite et plus loin dans la réalisation des objectifs du développement durable. »  Applaudissements nourris et cris de joie ont accueilli, ce matin, cet appel lancé par le grand groupe des enfants et des jeunes aux États Membres et autres parties prenantes à la fin de la première table ronde sur le thème « perspectives de la société » du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, qui en est à sa troisième journée.  Le Forum a également eu la primeur du rapport mondial sur le développement durable élaboré par le groupe de scientifiques indépendants. 

La journée a commencé par l’intervention du Président de l’Union mondiale des aveugles, invité à donner les ingrédients pour une bonne réforme du Forum politique de haut niveau.  M. José Viera a préconisé qu’elle soit « démocratique et constructive ».  Le Forum, a-t-il dit, doit tenir compte de toutes les propositions afin que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 aboutisse à « changer la vie des gens. »  M. Viera a également demandé plus de marge de manœuvre pour les gouvernements et les parties prenantes, « pour qu’ils obtiennent des résultats concrets ».  La société civile peut d’ailleurs aider à améliorer l’efficacité des mesures prises dans la mise en œuvre, a-t-il ajouté en avertissant que « si ces quelques principes ne sont pas suivis, nous raterons les cibles ».

« Rater les cibles » est la hantise des grands groupes représentés à ce Forum.  C’est la raison pour laquelle ceux qui représentent les enfants et les jeunes, les femmes, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les syndicats et travailleurs ont tous réclamé leur participation dans l’élaboration des rapports des examens nationaux volontaires et dans les efforts de mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Soulignant l’importance de la collecte des données par les citoyens eux-mêmes, les jeunes ont demandé que ces données soient bien prises en compte dans les examens de suivi, tandis que les peuples autochtones ont plaidé, notamment, pour un environnement propice à la liberté d’expression.

« La société civile doit avoir son mot à dire », a insisté le groupe des travailleurs et des syndicats, laissant ensuite son homologue des jeunes lancer un appel à l’action: « Nous les jeunes, nous avons notre processus.  Il est ouvert aux États et à toutes les parties prenantes.  Vous êtes les bienvenus si vous souhaitez agir maintenant. » 

Face à toutes ces attentes, le groupe des 15 éminents scientifiques et spécialistes, créé en 2017 par le Secrétaire général, a présenté « le premier rapport mondial indépendant sur le développement durable » durant la deuxième table ronde du matin qui avait pour mission de faire le lien entre la politique et la science. 

Le rapport, qui sera rendu public en septembre, admet que la mise en œuvre du Programme 2030 a pris du retard.  Comme les objectifs de développement durable sont liés les uns aux autres, il serait judicieux de les mettre en œuvre de manière synergique, ont préconisé les scientifiques qui, dans le même temps, ont identifié des leviers ou des catalyseurs de changements rapides: la science et la technologie, la bonne gouvernance, l’économie et la finance, l’engagement personnel et collectif.  Il faut aussi que les parties prenantes fassent montre d’innovation et que la science soit au service des missions urgentes en vue de renforcer la mise en œuvre du Programme 2030, ont écrit les éminents spécialistes.

Dans un autre chapitre, le rapport indique que toutes les initiatives de mise en œuvre doivent être contextualisées pour tenir compte des réalités nationales.  La science est vue comme un moyen d’identifier les nouveaux problèmes et obstacles à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Mais cela nécessite la transformation des institutions scientifiques, la mobilisation des connaissances existantes et le renforcement de l’éducation au développement durable, ont prescrit les scientifiques.  Sur le plan national, le rapport suggère la formation d’équipes interdisciplinaires de scientifiques qui auraient pour rôle central d’appuyer le travail des décideurs. 

La Suisse a salué un rapport qui est « un instrument factuel dont les décideurs politiques devraient désormais faire usage ».  Il a exhorté les scientifiques et les politiques « à parler désormais le même langage ».  D’ailleurs, a renchéri la République de Corée, les rapports produits au sein de l’ONU gagneraient en pertinence s’ils étaient élaborés en collaboration avec le monde scientifique. 

Sur le plan pratique, le représentant de l’Institut de recherche pour le développement de la France (IRD) a affirmé qu’avec les connaissances scientifiques actuelles, on pourrait inverser la tendance négative que l’on observe dans la mise en œuvre du Programme 2030.  Il a plaidé pour le renforcement des capacités scientifiques dans les pays du Sud, donnant l’exemple de l’Afrique qui, malgré ses nombreux talents, ne contribue qu’à hauteur de 2% des connaissances scientifiques mondiales.  La Suède a déploré, pour sa part, le manque de femmes scientifiques, tandis que le Rwanda a plaidé pour que les jeunes scientifiques soient plus impliqués dans le développement durable. 

Le Forum politique de haut niveau, qui a examiné dans l’après-midi l’état de la mise en œuvre du dixième objectif de développement durable sur la réduction des inégalités, poursuivra ses travaux demain, vendredi 12 juillet, à partir de 9 heures. 

DONNER DES MOYENS D’ACTION AUX POPULATIONS ET ASSURER L’INCLUSION ET L’ÉGALITÉ

Table ronde 1: Perspectives de la société

Les deux modératrices, Mme KATARINA POPOVIC, Secrétaire générale du Conseil international pour l’éducation des adultes, et Mme PAOLA SIMONETTI, Directrice adjointe du Département économique et social de la Confédération syndicale internationale, ont demandé aux intervenants de réfléchir aux questions suivantes: « Sommes-nous sur la bonne voie?  Sommes-nous en mesure de réaliser le mandat du Programme de développement durable à l’horizon 2030?  Comment améliorer la gouvernance du Forum politique de haut niveau?  Quels devraient être les principes directeurs du renforcement du processus de suivi et d’examen du Programme 2030, y compris la réforme du Forum politique de haut niveau? »

C’est à cette dernière question qu’a répondu M. JOSE VIERA, Président de l’Union mondiale des aveugles, qui a insisté sur la nécessité de rendre ce processus « démocratique et constructif ».  Le Forum doit tenir compte de toutes les propositions afin de rendre le Programme 2030 « capable de changer la vie des gens », a-t-il réclamé en prônant un suivi plus inclusif, les groupes marginalisés devant être au cœur des préoccupations.  « Sans inclusion, le processus d’examen et de suivi ne sera pas un succès. »  M. Viera a donc suggéré des mesures plus concrètes et des analyses des causes et facteurs qui ont débouché sur les lacunes actuelles.  Nous devons être aujourd’hui beaucoup plus dynamiques et tenir compte des tensions à tous les niveaux: mondial, national, régional et local.  Des mesures orientées sur les résultats sont plus efficaces, a-t-il laissé entendre, en conseillant aussi de laisser une large marge de manœuvre aux gouvernements et à la société civile pour qu’ils obtiennent des résultats concrets.  Nous avons également besoin d’espaces de discussion et de réflexion sur les améliorations possibles, comme ce Forum, afin d’apprendre les uns des autres, des échecs comme des succès.  M. Viera a encore souligné que la société civile peut aider à améliorer l’efficacité des mesures prises dans la mise en œuvre.  Si nous ne suivons pas ces quelques principes, nous raterons les cibles, a-t-il prévenu. 

Les grands groupes ont réagi à ces propos, en commençant par le grand groupe des enfants et des jeunes qui a exigé la participation de ces derniers et des enfants dans l’élaboration des rapports des examens nationaux volontaires et dans les efforts de mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Soulignant l’importance de la collecte des données par les citoyens eux-mêmes, il a demandé des orientations pour assurer de leur utilité et pour qu’elles soient prises en compte dans les examens de suivi.  Ces informations contribuent à façonner la suite des travaux, a-t-il estimé.  Il a donc insisté pour que les jeunes filles et les jeunes garçons soient impliqués dans la collecte des données pour alimenter le rapport soumis au Forum lors de l’examen national volontaire.  Après ce Forum, a-t-il indiqué, le groupe demandera des comptes aux gouvernements pour qu’ils expliquent la marche à suivre et veillent à ne laisser personne de côté.  Pour ce faire, les examens nationaux volontaires doivent être transparents et ouverts à tous, y compris la société civile, a-t-il martelé. 

À son tour, le grand groupe des femmes a réclamé l’autonomie des femmes, sur les plan politique, social et économique, pour qu’elles puissent contribuer au marché du travail et à la croissance économique.  Pour cela, le groupe a préconisé de faire tomber les barrières comme certaines lois restrictives sur l’emploi et le travail non rémunéré des femmes.  Il a exigé des investissements dans la prise en charge des soins aux enfants, une plus grande responsabilisation du secteur privé ainsi que des mesures contre les pratiques de discrimination basée sur le genre dans le milieu professionnel.  Enfin, le groupe a réclamé la réforme du modèle de développement actuel. 

Le principe d’inclusion dans les processus d’examen et de suivi de la mise en œuvre du Programme 2030 a aussi été brandi par le grand groupe des peuples autochtones.  Les peuples autochtones, a-t-il plaidé, doivent être impliqués dans l’élaboration des rapports en vue des examens nationaux volontaires au niveau national dans les domaines les concernant, comme les langues, la propriété foncière, les savoirs et les connaissances traditionnelles.  Pour y parvenir voici les mesures à mettre en place, a-t-il suggéré: instaurer un environnement propice à la liberté d’expression des peuples autochtones, mener des campagnes de sensibilisation, faire participer les groupes marginalisés et la société civile.  Il faut en outre garantir des ressources adéquates pour cette participation, a réclamé le groupe, qui a fait de l’inclusion un élément essentiel du processus d’examen et de suivi. 

Une représentante de la société civile de Singapour, qui a salué la contribution des travailleurs migrants aux sociétés de sa région, a défendu leurs droits, notamment les droits à un salaire décent et le droit à des conditions de travail conformes aux normes légales.  Elle a demandé des mesures pour réduire les écarts salariaux et pour garantir la justice sociale des travailleurs migrants qui sont « plus que des envoyeurs de fonds » dans leur pays d’origine. 

Les délégations des États Membres qui ont participé au débat ont présenté leurs initiatives gouvernementales respectives destinées à favoriser la participation de la société civile et d’autres parties prenantes aux processus d’examen et de suivi du Programme 2030 et à l’élaboration des examens nationaux volontaires.  Aux Philippines, la participation de toutes les parties prenantes au processus d’élaboration de l’examen national volontaire a été renforcée: les travailleurs, les femmes, les universitaires, le secteur privé ont ainsi été invités à apporter leurs contributions, a indiqué la délégation en précisant que le rapport national avait été mis en ligne pour recueillir les avis de tous, y compris des jeunes. 

L’Azerbaïdjan a organisé des réunions avec tous les groupes dont les marginaux, les femmes, le secteur privé, les travailleurs.  De plus, une rencontre a eu lieu avec les partenaires internationaux œuvrant à la réalisation des objectifs de développement durable relatifs à l’éducation de qualité et à l’emploi décent, a dit la délégation azerbaïdjanaise.  Au Kenya, l’élaboration du rapport pour l’examen national volontaire a été confiée à l’unité de coordination nationale qui a des antennes régionales et locales.  En outre, le Parlement kényan a créé un groupe parlementaire sur les objectifs de développement durable.  Au Maroc, c’est une commission nationale du développement durable qui a été mise en place, tandis que le Gouvernement a mené une deuxième consultation sur le rapport de l’examen national volontaire avec la participation du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), des ONG, du secteur privé et des collectivités territoriales.  Parmi les recommandations de ce rapport a figuré la nécessité de mettre en œuvre les objectifs de développement durable de manière efficace.

La France a vanté la participation de la société civile qui fait « la richesse de ce Forum ».  La France soutiendra cette approche à l’avenir et cèdera son temps de parole aux représentants de la société civile, a annoncé la délégation.  L’Union européenne a également été d’avis que la mise en œuvre du Programme 2030 doit être inclusive et ouverte à toutes les parties prenantes.  Pour ce qui est de la participation au Forum, la Belgique a regretté la « sous-représentation des jeunes dans les délégations des pays du Sud ».  Le mandat des jeunes au Forum est de jeter des ponts entre les différentes parties prenantes, a-t-elle estimé.

Table ronde 2: Financement et suivi du développement durable - Rôle de la science, de la technologie et de l’innovation

Comment intégrer au mieux la contribution d’autres processus transversaux et thématiques, tels que le Processus d’examen du financement du développement, le processus science, technologie et innovation et le processus de Sendai?

Mme POOJA RANGAPRASAD, Directrice de politique et de plaidoyer à la Société internationale pour le développement (SID), a souligné l’importance de la cohérence des processus pour garantir le succès du Programme 2030.  La question qui se pose est de savoir si tous ces mécanismes permettent d’éliminer les obstacles?  Dans cet objectif, elle a invité à démocratiser la gouvernance financière au niveau international.  L’ONU, à son avis, doit jouer un rôle à cet égard et s’approprier le mandat de traiter le problème mondial de l’évasion fiscale.  En outre, le modèle fiscal mondial devrait être réorienté pour qu’il profite aux pays en développement.  La panéliste a attiré l’attention sur les risques liés aux dettes qui limitent les capacités à financer les projets sociaux et économiques.  Un mécanisme de gestion de la dette devrait être créé à l’ONU, a-t-elle encore recommandé.  Par ailleurs, Mme Rangaprasad a suggéré l’établissement d’un mécanisme mondial de contrôle de l’impact des technologies dans les domaines socioéconomique et écologique.

Comment renforcer l’interaction entre les processus mondiaux et régionaux, y compris le rôle des forums régionaux sur le développement durable?

En abordant cette question de la modératrice, Mme WARDA RINA, Présidente du Forum des femmes de l’Asie et du Pacifique, a plaidé pour un système de développement centré sur l’individu, qui répartisse de manière équilibrée les ressources entre hommes, femmes, jeunes et autres groupes sociaux, et qui ouvre la porte aux changements ainsi qu’à la participation de la société civile.  Ce système devrait faciliter la participation de tous pour que le débat sur le développement durable se fonde sur la réalité du terrain, a-t-elle expliqué.  Il faut, en outre, que le Forum donne un mandat clair aux régions en matière de suivi et d’évaluation, a dit Mme Rina en soulignant le potentiel important des processus régionaux pour réaliser les objectifs de développement durable.  Le mot « régional » apparaît 33 fois dans le Programme 2030, a-t-elle d’ailleurs noté tout en constatant que c’est très difficile à réaliser.  Elle a aussi revendiqué un cadre de responsabilisation clair pour les gouvernements et le secteur privé.  Identifier les obstacles régionaux et intégrer davantage les perspectives régionales dans les rapports nationaux, telles ont été ses recommandations. 

Pour le Mexique, le Programme 2030 ne fonctionnera pas si les gouvernements ne travaillent pas avec les sociétés civiles.  Le Gouvernement du Mexique a créé une plateforme de participation institutionnelle et inclusive de la société civile, a dit le représentant en invitant à suivre cet exemple.  Il ne faut pas non plus se limiter aux échanges entre les forums régionaux, il faut faire le lien entre les forums régionaux et mondiaux pour tirer parti de toutes les contributions, a-t-il aussi conseillé. 

Invité là aussi à présenter leurs vues, les grands groupes ont insisté sur l’analyse régionale ainsi que sur les thèmes qui leur sont chers, comme les droits de l’homme et la sécurité alimentaire.  Le groupe des LGBTQI a estimé, par exemple, que les recommandations de la Commission des droits de l’homme pourraient contribuer et nourrir les examens nationaux volontaires.  Le groupe des organisations non gouvernementales a mis l’accent sur l’insécurité alimentaire croissante au niveau mondial.  L’objectif de développement durable sur la lutte contre la faim n’est pas atteint, a-t-il déploré avant d’appeler à revoir les politiques et stratégies relatives à la sécurité alimentaire.  Le groupe a notamment recommandé de soutenir les petits producteurs alimentaires en leur octroyant les moyens nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire au niveau local.  Il faut aussi se pencher sérieusement sur la question de la sous-alimentation des femmes et des enfants, ainsi que sur les problèmes entourant le droit foncier. 

Pour le groupe des femmes de l’Amérique latine, c’est au niveau régional que nous avons la possibilité de surmonter les obstacles.  Pour son homologue du groupe des femmes de la Communauté des États indépendants, ce qui manque c’est une analyse de ce qui se fait au niveau des régions.  Elle a dénoncé les exploitations des femmes, des migrants et des réfugiés, ainsi que les accords commerciaux ayant des impacts délétères sur l’environnement.  Les examens nationaux volontaires doivent être décortiqués au niveau régional avant d’être présentés, a-t-elle recommandé.  La société civile doit avoir son mot à dire sur ces documents, a-t-elle ajouté.  Un représentant de la société civile africaine, qui a voulu faire entendre la voix des « citoyens régionaux », a demandé la participation de la société civile africaine et des groupes marginaux africains dans les processus nationaux et régionaux.  Il a souligné l’importance de la collecte de données et la nécessité de faire entendre la voix des communautés marginalisées. 

Plusieurs pistes ont ensuite été données pour l’amélioration de la participation des groupes à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

« Comment assurer une participation dynamique et un dialogue effectif dans le cadre du processus de l’examen national volontaire aux niveaux national et mondial? » a demandé la modératrice.  M. DONOVAN GUTTIERES, du grand groupe des enfants et des jeunes, a déclaré que les efforts nationaux pour réaliser le Programme 2030 ont été assortis de progrès lents qui, poursuivis à ce rythme, seront insuffisants pour réaliser les objectifs.  De son avis, « ce dialogue passif ne nous aidera pas ».  Il a donc proposé quelques recommandations: repenser la participation des différentes parties prenantes à la mise en œuvre du Programme 2030, examiner les causes empêchant d’atteindre les cibles, collecter les données et renforcer les capacités de les analyser, tenir compte des enseignements et des expériences passés. 

Les gouvernements sont les premiers responsables de la réalisation du Programme 2030, a rappelé la Norvège en les invitant à ne pas travailler isolément: ils doivent associer la société civile, les médias, les universités et le secteur privé.  « Nous sommes préoccupés des barrières érigées contre les défenseurs des droits de l’homme et la limitation de la liberté d’expression un peu partout dans le monde », a indiqué le représentant en plaidant pour le respect de la liberté d’expression de toutes les parties prenantes.  « C’est la réponse la plus intelligente pour atteindre les objectifs de développement durable. »  Son voisin, la Suède, s’est rallié à cette position en préconisant d’inclure tous les groupes, notamment les jeunes, pour réussir la mise en œuvre. 

Voulant donner un exemple à suivre, le Guatemala a dit que son rapport d’examen national volontaire se fonde sur la participation de toutes les parties prenantes.  Mais le représentant a prié « la société civile d’éviter un rapport conflictuel avec les gouvernements ».  Le grand groupe des travailleurs et des syndicats a été d’avis, lui aussi, que les rapports des gouvernements doivent être présentés et discutés au niveau national.  « La société civile doit avoir son mot à dire. »  Il a, cependant, demandé de faire la différence entre le secteur privé et la société civile, qui n’ont pas les mêmes objectifs.  Quant au Forum, il doit aider les pays à faire que la cohérence, les pratiques optimales, l’engagement, le dialogue deviennent la norme. 

« Allons plus loin au lieu de ressasser la participation des parties prenantes », a rebondi la représentante du grand groupe des enfants et des jeunes en constatant que les délégations parlent des mêmes choses depuis 2015.  « Agissez maintenant!» a-t-elle lancé.  « Nous les jeunes, nous avons notre processus.  Il est ouvert aux États et à toutes les parties prenantes.  Vous êtes les bienvenus si vous souhaitez agir maintenant », a-t-elle offert. 

Le Président de l’Union mondiale des aveugles a résumé ainsi la discussion de la table ronde: « Nous avons entendu un appel urgent à inclure tous les groupes et tous les acteurs intersectoriels pour le développement durable.  C’est ce qu’il faut faire de manière urgente. »  La Présidente du Forum des femmes de l’Asie et du Pacifique a estimé que le processus régional est le lieu idoine pour régler et aborder les défis des régions.  Elle a souligné l’importance de donner du poids politique aux documents finaux des processus régionaux par la participation de tous.  Pour le représentant du grand groupe des enfants et des jeunes, « nous sommes dans l’impasse ».  Il a appelé à réexaminer les espaces de dialogue et de travail.  « Nous devons vite aller plus loin et présenter des solutions pour réaliser le Programme 2030. »

Table ronde 3: Discussion sur « l’interface entre la politique et la science » et présentation du rapport mondial sur le développement durable élaboré par le groupe de scientifiques indépendants

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 évoque la science, la technologie et l’innovation (les « STI ») comme des moyens essentiels pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Cette table ronde a permis d’entendre la présentation de suggestions et propositions contenues dans le tout premier rapport mondial indépendant sur le développement durable, élaboré par le groupe des 15 éminents scientifiques et spécialistes désignés par le Secrétaire général de l’ONU en janvier 2017.  Leur rapport est censé, comme l’avait recommandé le Secrétaire général, « renforcer l’interface science-politique, offrant ainsi aux décideurs un argument scientifique à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ». 

En plus du rapport d’éminents scientifiques, d’autres orateurs ont partagé leurs propres expériences en matière de renforcement de l’interface science-politique à tous les niveaux.  C’est ainsi qu’une scientifique norvégienne a affirmé sans ambages que « sans la participation de la science, nous échouerons à mettre en œuvre les objectifs de développement durable ».  Lui emboitant le pas, l’animateur du débat, M. ROMAIN MURENZI, Directeur exécutif de l’Académie mondiale des sciences, a expliqué que la croissance économique ne vient pas seulement des capacités de production et des travailleurs, mais avant tout de la science et de l’innovation. 

Le coprésident du groupe d’éminents scientifiques, M. PETER MESSERLI, qui est Directeur du Centre pour le développement et l’environnement à l’Université de Berne (Suisse), a tout d’abord présenté la méthodologie qui a prévalu pour l’élaboration de leur rapport qui sera rendu public en septembre au cours du Forum politique de haut niveau placé sous les auspices de l’Assemblée générale. 

Globalement, le rapport laisse voir que la mise en œuvre du Programme 2030 a pris du retard.  Leur travail a mis en évidence que les objectifs de développement durable sont liés les uns aux autres et qu’il serait judicieux de les mettre en œuvre de manière synergique.  Le groupe de scientifique a aussi identifié des leviers ou des catalyseurs de changements rapides, notamment la science et la technologie, la bonne gouvernance, l’économie et la finance, tout comme l’engagement personnel et collectif.  Il faut aussi que les parties prenantes fassent montre d’innovation et que la science soit au service des missions urgentes en vue de renforcer la mise en œuvre du Programme 2030. 

L’autre coprésidente du groupe d’éminents scientifiques, Mme ENDAH MURNININGTYAS, ancienne Vice-Ministre des ressources naturelles et de l’environnement au Ministère de la planification du développement national de l’Indonésie), a souligné que toutes les initiatives de mise en œuvre doivent être contextualisées pour tenir compte des réalités nationales.  La science peut aussi aider à identifier les nouveaux problèmes et obstacles à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Pour ce faire, il faut donc transformer les institutions scientifiques, mobiliser les connaissances existantes et renforcer l’éducation au développement durable.  Sur le plan national notamment, elle a préconisé la formation d’équipes interdisciplinaires de scientifiques qui auraient pour rôle central d’appuyer le travail des décideurs. 

En effet, l’exactitude scientifique est importante pour la mise en œuvre de politiques de développement appropriées, a acquiescé M. STEPHEN CONTIUS, commissaire chargé du Programme de développement durable à l’horizon 2030 au Ministère fédéral de l’environnement, de la protection de la nature et de la sécurité nucléaire de l’Allemagne.  C’est cette exactitude des données qui manque cruellement à la Jamaïque, a retroqué sa représentante qui a déploré la rareté des données dans la plupart des petits États insulaires en développement (PEID) confrontés aux aléas climatiques.

Plusieurs participants ont souligné l’importance, dans ce contexte, d’une collaboration entre scientifiques du Nord et du Sud, et même entre ceux des pays en développement.  Un représentant de l’Institut de recherche pour le développement de la France (IRD) a affirmé que les connaissances scientifiques actuelles pourraient inverser la tendance négative que l’on observe dans la mise en œuvre du Programme 2030.  Il a regretté le fait que l’Afrique, malgré ses nombreux talents, ne contribue qu’à hauteur de 2% des connaissances scientifiques mondiales.  Il faut donc renforcer les capacités et les infrastructures scientifiques en Afrique et dans les pays du Sud en général, a—t-il plaidé.

Le Kenya a pris les devants en créant un organe national de gestion des connaissances scientifiques afin de les partager avec les décideurs, a témoigné la délégation kényane.  Alors que la Suède a insisté sur la participation des chercheurs locaux, tout en déplorant le manque de femmes scientifiques, le Rwanda a plaidé pour plus d’implication de jeunes scientifiques. 

De son côté, la Directrice générale du Conseil international des sciences, Mme HEILE HACKMANN, a mis l’accent sur l’importance des politiques scientifiques dédiées au développement durable.  Il faut aussi investir dans des capacités de synthèse des données scientifiques, a-t-elle suggéré en soulignant qu’il revient à l’ONU de renforcer la place de la science dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable. 

Mme MEERA JOSHI, commissaire sortante de la Commission des taxis et des limousines de la ville de New York, a expliqué comment la municipalité s’est servi de la science et des nouvelles technologies pour fluidifier la circulation des véhicules et offrir de meilleurs services de transports aux populations.  Ainsi, la Commission des taxis de New York, qui gère 200 000 chauffeurs, a recruté des scientifiques de haut vol afin de recueillir et exploiter des mégadonnées liées à la circulation urbaine, notamment les trajets des chauffeurs de taxi, l’utilisation des parkings ou encore les embouteillages.  Pour parvenir à un niveau d’efficience dans l’exploitation de telles informations, elle a indiqué que les décideurs locaux ont dû recruter des analystes de données et bâtir des infrastructures fiables de technologies de l’information et des communications (TIC).  Elle a reconnu qu’un tel partenariat avec le monde scientifique est rare, étant donné que le secteur privé est plus attractif en termes de salaire.

Mme VIRGINIA MURRAY, responsable de la réduction mondiale des risques de catastrophe à Public Health England et membre du Comité scientifique de la recherche intégrée sur les risques de catastrophe, a tiré la sonnette d’alarme en rappelant l’importance pour les politiques de prendre des mesures de réduction des risques de catastrophe. 

La représentante du grand groupe des personnes handicapées a mis l’accent sur une approche universelle qui assure que les technologies nouvelles sont accessibles à tout le monde, y compris les personnes handicapées.  Mme Joshi de la ville de New York a expliqué que la mairie avait établi un programme à succès pour réduire le temps d’attente entre la demande d’un véhicule adapté aux chaises roulantes et la mise à disposition de celui-ci.

Le grand groupe des femmes s’est insurgé contre un modèle de production et de consommation qui n’est plus tenable.  De même, si la technologie peut faciliter la vie, il faut s’assurer que la vie privée est protégée, a demandé le groupe avant d’exprimer le regret que le rapport des éminents scientifiques, en outre, ne tienne pas compte de l’approche sensible au genre.  De même, pour la République de Corée, le rapport des scientifiques aurait pu être amélioré.  Le pays estime également que les rapports produits au sein de l’ONU gagneraient en pertinence s’ils étaient élaborés en collaboration avec le monde scientifique. 

La Suisse a salué le travail des éminents scientifiques, notamment ce rapport qui est « un instrument factuel dont les décideurs politiques devraient désormais faire usage ».  Pour la Suisse, il est urgent que les scientifiques et les politiques parlent désormais le même langage.  En effet, « le monde scientifique a besoin des gouvernements, les gouvernements ont besoin des scientifiques, alors que le monde a tout simplement besoin des deux », a tranché la République dominicaine.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité constate des progrès en Iraq et se félicite de l’amélioration des relations entre ce dernier et le Koweït

8571e séance – matin
CS/13880

Le Conseil de sécurité constate des progrès en Iraq et se félicite de l’amélioration des relations entre ce dernier et le Koweït

Le Conseil de sécurité a entendu ce matin, lors d’une brève séance, l’exposé du Koweït sur la visite qu’ont effectuée des membres du Conseil du 27 au 30 juin 2019 en Iraq et au Koweït.  Ils ont relevé un rapprochement entre les deux pays et des progrès en Iraq.

Ces progrès s’illustrent, entre autres, par la confirmation, le 24 juin, des ministres de la justice, de la défense et de l’intérieur, a indiqué le Koweït, qui s’est aussi réjoui des avancées dans la formation du nouveau gouvernement régional du Kurdistan. 

Les membres du Conseil, qui faisaient partie de la mission, ont salué l’engagement continu des Gouvernements de l’Iraq et du Kurdistan à résoudre toutes les questions en suspens, dans le respect de la Constitution iraquienne.  Ils ont confirmé que le Gouvernement iraquien respecte les valeurs énoncées dans sa Constitution et qu’il répond aux besoins de tous les Iraquiens quels que soient leurs groupes ethnique et religieux. 

« J’ai eu la chance de constater en personne les progrès réalisés par l’Iraq sur de nombreux plans », ont abondé les États-Unis, coorganisateurs de la visite.  Cette première mission en Iraq montre, ont-ils souligné, l’engagement « fort et continu » de la communauté internationale en faveur de la stabilité et de la prospérité du pays.

Le Koweït, qui a détaillé les buts et résultats de la mission, a indiqué que les membres du Conseil se sont rendus pour la première fois en Iraq dans l’objectif avoué d’appuyer le relèvement et la reconstruction postconflit, la souveraineté, l’unité, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays. 

Il s’agissait également d’observer et de soutenir les efforts de la Mission d’assistance des Nations Unies en Iraq (MANUI) dans la mise en œuvre de son mandat conformément aux résolutions 2470 (2019), sur la situation concernant l’Iraq, et 2107 (2013), sur la situation entre l’Iraq et le Koweït, et les autres résolutions pertinentes du Conseil. 

Le Koweït a également souligné que la visite avait pour objectif de reconnaître les défis auxquels l’Iraq est confronté dans un climat postconflit, notamment la situation humanitaire, la réforme économique, l’attraction des investissements, l’intégration régionale et la satisfaction des aspirations et des préoccupations du peuple iraquien.  La visite se proposait en outre d’observer et d’appuyer les efforts de l’Équipe d’enquêteurs à l’appui des efforts engagés à l’échelle nationale pour amener l’EIIL (Daech) à rendre des comptes, établie par la résolution 2379 (2017). 

Daech ne contrôle plus aucun territoire iraquien mais « la lutte n’est pas finie », ont prévenu les États-Unis.  Une vraie défaite exige la stabilisation des zones libérées, l’édification de communautés résilientes, la sécurité de tous les Iraquiens et la reconnaissance de la diversité comme partie essentielle de la richesse et de la force du pays.  La visite, ont estimé les États-Unis, a été un succès, en raison du grand nombre d’informations de première main obtenues des interlocuteurs iraquiens et du personnel de l’ONU. 

Nous avons réussi à surmonter toutes les difficultés du passé, a confirmé aujourd’hui l’Iraq.  Nous sommes parvenus à un niveau développé de démocratie, a-t-il ajouté, voyant dans cette évolution la preuve que le peuple iraquien est conscient des progrès accomplis.  Nous avons démontré à tous les peuples du monde que nous continuons de lutter contre le terrorisme, s’est enorgueilli l’Iraq, en référence aux victoires remportées contre les groupes terroristes qui, il y a seulement cinq ans, contrôlaient 30% à 40% du territoire iraquien. 

La mission voulait aussi rencontrer les Koweïtiens et citoyens d’autres pays et évaluer les progrès dans la restitution des biens koweïtiens, notamment des archives nationales, conformément à la résolution 2107.  Énumérant un large éventail d’acteurs rencontrés pour discuter en particulier des engagements bilatéraux entre le Koweït et l’Iraq et des questions régionales, le Koweït s’est félicité de l’appui de la Chef adjointe de la MANUI, Mme Alice Walpole, et du Chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge au Koweït, en sa qualité de Président du Mécanisme tripartite, M. Omar Odeh. 

Les membres du Conseil se sont également entretenus avec le représentant de la Banque mondiale, M. Ghassan Khoja, sur le suivi des annonces de financement international à l’Iraq, notamment lors de la Conférence internationale tenue au Koweït pour la reconstruction de l’Iraq, présidée conjointement par le Koweït, l’Iraq, les Nations Unies, l’Union européenne et la Banque mondiale. 

La Fédération de Russie a souligné l’importance de ce type de visites et félicité le Koweït et l’Iraq pour leur désir d’établir des relations de bon voisinage et de résoudre les questions héritées de la première guerre du Golfe.  Cette visite a permis de mettre l’accent sur l’importance de la désescalade mais aussi, a ajouté la Fédération de Russie, de constater que la lutte contre le terrorisme « est loin d’être achevée ».  Elle a rappelé son idée de créer un front international de lutte contre le terrorisme par une coopération régionale et sous-régionale, dans le respect des droits de l’homme et du droit international. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Forum politique entend un vibrant plaidoyer en faveur des pays en situation particulière qui courent le risque d’être « laissés de côté »

Forum politique de haut niveau,
4e, 5e & 6e séances – matin & après-midi
ECOSOC/7000

Le Forum politique entend un vibrant plaidoyer en faveur des pays en situation particulière qui courent le risque d’être « laissés de côté »

La seconde journée du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, placé sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC), a été marquée par deux tables rondes, en matinée, au cours desquelles un vibrant plaidoyer a été fait en faveur des petits États insulaires en développement (PEID), des pays les moins avancés (PMA) et des pays en développement sans littoral qui voient compromises leurs ambitions de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Les différents orateurs étaient venus présenter les perspectives des 47 PMA, des 58 PEID et des 32 pays en développement sans littoral, en droite ligne de la mise en œuvre de l’objectif 10 de développement durable portant sur la réduction des inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre.

Alors que certains pays font partie de plusieurs catégories vulnérables à la fois, le Paraguay, qui s’est exprimé au nom des pays en développement sans littoral, a fait observer que « ce n’est pas du tout un hasard si l’ONU a établi un bureau chargé de coordonner l’appui à ces trois groupes de pays ». 

En effet, pour le cas des PMA, ces pays continuent de faire face à une incidence élevée de pauvreté avec une part de 35% de leur population, voire plus, qui vit encore dans une pauvreté extrême.  De leur côté, les pays en développement sans littoral souffrent toujours d’une marginalisation dans le domaine commercial, la preuve étant que leur contribution aux échanges mondiaux reste inférieure à 1%.  Quant aux PEID, en plus d’être vulnérables aux chocs exogènes, ils sont parmi les plus affectés par les changements climatiques.

Alors que ces pays manquent de ressources et de capacités en vue d’enclencher les leviers du développement, notamment en raison de diverses contraintes et contingences nationales et internationales, ils sont en plus souvent en marge des processus décisionnels mondiaux et ne peuvent tirer pleinement parti de la mondialisation économique.  Pour expliquer la situation, la Haute Représentante de l’ONU pour les PMA, les pays en développement sans littoral et les PEID a présenté quelques statistiques peu reluisants les concernant, avant de plaider pour qu’ils continuent d’être prioritaires dans l’allocation de fonds pour le développement.

Malheureusement, pour l’instant, les chiffres de l’ONU montrent le contraire.  Le montant net des sommes versées au titre de l’aide publique au développement (APD), de 149 milliards de dollars en 2018, représente une diminution en valeur réelle de 2,7% par rapport à 2017.  Si de nombreuses voix, telle celle du Malawi qui parlait au nom des PMA, ont déploré cette tendance à la baisse, l’Union européenne a rappelé qu’elle reste la principale pourvoyeuse d’aide aux pays en situation particulière.  La Turquie s’est pour sa part enorgueillie d’avoir consenti 350 millions de dollars d’APD par an depuis 2011, un montant supérieur à l’exigence des 0,7% du revenu national brut recommandés par l’ONU.  En plus, le pays accueille la Banque de technologies pour les PMA qui a pour but de faciliter la transformation structurelle de ces pays. 

En plus de l’APD, un parlementaire d’Haïti a suggéré de s’appuyer sur la diaspora de ces pays.  Dans le sien par exemple, alors que le budget annuel est de 2 milliards de dollars, les transferts de fonds de la diaspora haïtienne s’élèvent à 2,5 milliards.  À ce propos, l’ONU a évalué que le montant des fonds envoyés par les migrants s’est élevé à 529 milliards de dollars en 2018, soit une augmentation de 9,6% par rapport à 2017.  Pour compléter ces fonds internationaux, Oxfam estime que la fiscalité est un élément clef dans les efforts d’inclusion et de réduction des inégalités. 

Plaidant pour la pleine mise en œuvre des six objectifs du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024, le Paraguay a lancé un appel « fraternel » aux pays de transit, à l’ONU et à toutes les parties prenantes afin que soit renforcé le soutien aux pays en développement sans littoral, car ceux-ci courent réellement le risquent d’être laissés sur le côté. 

Le grand groupe des femmes a, pour sa part, évoqué les femmes d’Afrique sub-saharienne dont 85% sont économiquement vulnérables.  Pour que les choses changent, elle a appelé à une « révolution de la responsabilisation et de la redevabilité » sur le continent.  Le grand groupe des autochtones a mentionné la situation de ces défenseurs des droits qui sont privés de leurs droits les plus élémentaires.

Par ailleurs, la Vice-Première Ministre du Samoa, qui parlait au nom du Forum des îles du Pacifique, a rappelé que ce sont les Orientations de Samoa qui ont inspiré les objectifs de développement durable, l’Accord de Paris sur les changements climatiques et d’autres accords intergouvernementaux.  Fataliste, elle a annoncé que la région du Pacifique ne sera pas en mesure de réaliser les objectifs de développement durable en dehors de quelques cibles, faisant observer que les vulnérabilités ont augmenté tandis que les inégalités se sont creusées. 

Alors que de nombreux PEID ont déploré le manque de fonds, les pays des Caraïbes ont dit avoir créé une fondation sur la prévention des catastrophes et signé un mémorandum d’accord régional sur les pêches qui met en place une assurance contre les conséquences des ouragans.  L’Irlande a rappelé que les PEID n’ont pas les moyens de naviguer entre les systèmes de financement existants, avant d’appeler à un partenariat à long terme avec les pays insulaires.  En attendant, Maurice a recommandé à ses pairs d’exploiter le potentiel de la coopération Sud-Sud, alors que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au développement a mis l’accent sur le caractère crucial de ce droit qui est matérialisé par ces multiples accords internationaux.

Le Forum politique de haut niveau, qui a examiné dans l’après-midi l’état de la mise en œuvre du huitième objectif de développement durable (travail décent et croissance économique), poursuivra ses travaux demain, jeudi 11 juillet, à partir de 9 heures.

DONNER DES MOYENS D’ACTION AUX POPULATIONS ET ASSURER L’INCLUSION ET L’ÉGALITÉ

Table ronde 1: Perspectives des petits États insulaires en développement (PEID), y compris les principales conclusions de l’examen à mi-parcours des Orientations de Samoa

Cette table ronde était animée par Mme EMELE DUITUTURAGA, ancienne Directrice exécutive de Pacific Islands Association of Non Governmental Organisations (PIANGO), et les délégations ont salué le fait que, pour la première fois, une discussion du Forum de haut niveau est animée par un représentant de la société civile.

Le premier expert à s’exprimer, Mme FIAME NAOMI MATAAFA, Vice-Première Ministre de Samoa, qui parlait au nom du Forum des îles du Pacifique, a rappelé que les Orientations de Samoa, le document adopté à la Conférence de 2014 sur les petits États insulaires en développement (PEID), ont inspiré les objectifs de développement durable relatifs aux changements climatiques, à l’exploitation durable des océans et des mers, aux partenariats et aux moyens de mise en œuvre.  Elles sont aussi à l’origine de l’Accord de Paris, a indiqué Mme Mataafa, qui a voulu y voir la preuve du pouvoir du leadership collectif et de la voix des PEID.  Elle s’est ensuite lancée dans l’énumération des efforts, des défis et des solutions de mise en œuvre des objectifs de développement durable dans la région du Pacifique.  Depuis 2015, les îles du Pacifique ont intégré le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les Orientations de Samoa et d’autres engagements mondiaux en les cadrant avec les réalités du Pacifique. 

Le plus important, selon Mme Mataafa, a été la présentation d’un rapport régional unique pour les multiples engagements.  Depuis lors, neuf pays du Pacifique ont participé au processus d’examen national volontaire, mais la région a d’abord fait une évaluation par les pairs.  Une autre innovation est le rapport quadriennal sur le développement durable dans le Pacifique en 2018.  La région a donné la priorité à l’autonomisation et l’inclusion des groupes vulnérables, l’accès à l’éducation, la protection sociale, l’égalité des genres et des personnes handicapées.  Au titre des progrès, le rapport souligne aussi la croissance économique, le retour du tourisme, de la pêche et des envois de fonds, l’amélioration de l’autonomisation des femmes et des progrès dans la gestion et la conservation marine. 

En dépit de ces efforts et de ces progrès, a nuancé Mme Mataafa, les résultats sont mitigés avec des pays et des sous-groupes de pays connaissant plus de progrès par rapport à d’autres.  En tant que région, le Pacifique ne sera pas en mesure de réaliser les objectifs de développement durable en dehors de quelques cibles, a admis la Vice-Première Ministre en relevant que les vulnérabilités ont augmenté et que les inégalités se sont creusées.  Le Pacifique a connu un bon début mais ce n’est clairement pas suffisant, selon elle.  Nous sommes ravis du financement du Fonds vert pour le climat de 1,57 milliard de dollars, a-t-elle dit en mettant en garde du défi, maintenant, de la mise en œuvre et du bon usage de cet argent pour le renforcement des capacités et des institutions ainsi que des partenariats et des investissements dans les systèmes statistiques.

Mme Mataafa a conclu en partageant les cinq leçons apprises par les PEID.  Il faut, a-t-elle énuméré, des systèmes solides et des financements stables pour être en mesure de mettre en œuvre et de rendre compte des résultats; équilibrer et intégrer la lutte mondiale pour la justice climatique pour répondre aux besoins nationaux immédiats; accélérer rapidement les efforts visant à mettre en œuvre des interventions transformationnelles et novatrices, y compris l’accès à la technologie, au commerce, aux technologies de l’information et des communications (TIC) et au savoir-faire; accélérer les partenariats; et enfin des processus plus rationalisés et cohérents pour la mise en œuvre des politiques mondiales et l’établissement des rapports, de manière adaptée aux capacités limitées des PEID.

Il est nécessaire de simplifier les processus car les petits pays n’ont pas les moyens de naviguer entre les mille systèmes de financement existants, a renchéri M. PAT BREEN, Ministre d’État du commerce, de l’emploi, du marché numérique, de la protection des données de l’Irlande, pour qui il faut un partenariat à long terme avec les pays insulaires pour la mise en œuvre des objectifs qui les concernent en particulier.  C’est dans cette optique que l’Irlande promeut, pour ces pays, des partenariats dans l’éducation, la lutte contre les inégalités et le financement.  L’Irlande veut aider ces pays à promouvoir la croissance inclusive, le tourisme, et améliorer les relations avec les diasporas en essayant notamment d’inverser la fuite des cerveaux.  Le Ministre a paraphrasé le Président Kennedy, en soulignant son origine irlandaise, en disant que « l’Irlande est un petit pays mais dont l’influence est mondiale et très importante ».  Cette influence est présente ici aux Nations Unies, a assuré le Ministre.

Donnant l’exemple de son « petit pays », Mme YVONNE HYDE, Directrice au Ministère du développement économique et du pétrole de Belize, a dit que la stratégie de croissance pour le développement durable adoptée par son gouvernement met l’accent sur la croissance durable basée sur le lien entre tous les objectifs de développement durable.  Nous mettons l’accent sur les facteurs de succès comme l’éducation, la technologie ou encore les infrastructures, a-t-elle précisé.  Le Gouvernement a mis en place une politique de la petite enfance en créant des classes maternelles dans les 140 villages de Belize.  L’éducation est centrée sur les élèves, et l’apprentissage de la technologie se fait dans les cycles secondaires.

Le Gouvernement de Maurice investit dans sa principale ressource que sont les ressources humaines, a indiqué pour sa part M. RAKESH BHUCKORY, Conseiller au Ministère des affaires étrangères, de l’intégration régionale et du commerce international de Maurice, en vantant les mérites de son « excellent système de protection sociale ».  Pourtant, a-t-il reconnu, cela ne suffit pas, car 10% de la population demeure dans la pauvreté relative.  Pour lutter contre l’exclusion, le Gouvernement a introduit une stratégie à effet rapide en réorganisant notamment le système éducatif, en créant un registre social et en élaborant un « Plan Marshall ».  En 2018, un revenu minimum national et la « taxe négative sur les revenus » ont été instaurés.  Cela a permis de réduire les écarts entre les riches et les autres, s’est félicité le Conseiller.  En ce qui concerne le système éducatif, il est devenu plus inclusif et moins élitiste en misant sur plus de formations techniques et professionnelles.  La communauté internationale doit aider les PEID une fois qu’ils ont fixé leurs priorités nationales, a plaidé le Conseiller ministériel en guise de conclusion.

La région des Caraïbes investit beaucoup dans l’éducation de qualité, une des stratégies de développement, a indiqué M. DOUGLAS SLATER, Sous-Secrétaire général du Secrétariat pour le développement humain et social de la Communauté des Caraïbes, en détaillant les investissements faits dans l’éducation et la formation et dans le corps enseignant.  Mais les résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur des attentes du XXIe siècle, a-t-il regretté.  « Nous voulons établir avec nos partenaires une coopération dans les domaines du suivi et de l’évaluation. »  C’est la raison de la création d’une fondation sur la prévention des catastrophes et la signature d’un mémorandum d’accord régional sur les pêches pour les Caraïbes qui met en place une assurance contre les conséquences des ouragans.  La CARICOM a besoin d’accès aux financements pour relever les défis communs entre tous les PEID, a insisté M. Slater.  Il a aussi eu le souci, dans l’élimination de la pauvreté, d’axer les efforts sur la personne et non sur la production. 

Pour que les PEID soient en mesure de réaliser le Programme 2030, Mme STACY-RICHARDS-KENNEDY, Directrice du bureau du développement de l’Université des Indes occidentales (Trinité-et-Tobago), a préconisé de lutter contre le faible taux d’accès aux universités.  C’est une grave menace pour le développement durable dans ces pays, a-t-elle argué.  Pour elle, la solution passe par la création d’une nouvelle université et le lancement de cours en ligne pour l’apprentissage à distance.  Elle a appelé les partenaires à épauler les PEID dans ce domaine, pour pouvoir généraliser l’apprentissage des jeunes et tout au long de la vie.

Autonomiser les jeunes pour créer le changement, c’est ce qu’a recommandé avant tout M. WILLY MISSACK, Chargé de projet au Pacific Climate Change Collaboration, Influencing and Learning (PACCCIL) et Coordonnateur de Vanuatu Climate Action Network (VCAN) et à OXFAM, qui a aussi insisté sur l’importance de l’appropriation locale des objectifs de développement durable.  Pour que les jeunes puissent participer au développement, il faut leur offrir une éducation de qualité et investir dans les ressources humaines, le renforcement des capacités et le transfert de ressources, afin de parvenir à des résultats durables.

Au cours du débat qui a suivi, les intervenants ont souligné l’importance des partenariats avec les PEID, en particulier sur le plan financier, pour les aider à réaliser les objectifs de développement durable et à résoudre les problèmes qui leur sont spécifiques. 

Belize a été catégorique: les PEID n’ont pas les ressources pour lutter contre les problèmes pressants et fondamentaux.  Ils ont donc besoin de financements accessibles et de partenariats efficaces.  Ils ont aussi besoin de renforcer les systèmes de collectes de données qui aident à élaborer les stratégies et à bien cibler les actions.  En réponse, la Directrice au Ministère du développement économique et du pétrole de Belize a insisté sur l’importance des données pour établir de meilleures stratégies et des financements plus adaptés, ainsi que pour améliorer les formations et les infrastructures, entre autres.  Les partenariats sont importants avec les bailleurs de fonds et le secteur privé, a-t-elle reconnu.  La Sous-Secrétaire générale du Secrétariat pour le développement humain et social de la Communauté des Caraïbes a souligné en particulier l’importance des transferts des technologies vers les PEID.  Le Ministre d’État du commerce, de l’emploi, du marché numérique, de la protection des données de l’Irlande a, lui, mis l’accent sur le partenariat dans la création d’emploi pour les jeunes, les financements et la gestion de la dette.  « Nous voulons travailler sur cette question avec le système des Nations Unies. » 

Pour Tonga, pays qui fait face au défi de la réforme du secteur public pour garantir la croissance, notamment dans les secteurs de la pêche et du tourisme, il est fondamental que le système des Nations Unies repense le multilatéralisme et le régionalisme. 

Les PEID doivent parler d’une voix unie au Sommet du développement durable en septembre, a recommandé de son côté la Norvège en réaffirmant l’engagement de son gouvernement à leur égard et en rappelant que le Premier Ministre norvégien s’était rendu dans ces pays.  La Sous-Secrétaire générale du Secrétariat pour le développement humain et social de la Communauté des Caraïbes a salué cet engagement de la Norvège pour les PEID. 

La Jamaïque a fait part de ses problèmes de capacités institutionnelles qui l’empêchent de mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  Le plan national de développement jamaïcain est aligné sur le Programme 2030 et le Gouvernement a élaboré une feuille de route dans laquelle figurent des actions ciblées pour obtenir des résultats rapides. 

Comme autres obstacles majeurs auxquels sont confrontés les PEID, la République dominicaine a parlé des changements climatiques et des épidémies, prônant l’établissement de politiques de protection pour y faire face.  Ces catastrophes ont le pouvoir de réduire à néant les progrès et d’aggraver la pauvreté, ce qu’il faut éviter à tout prix, a expliqué la délégation dominicaine.  Mais la principale question, selon elle, est de savoir comment faire pour que tout cela se traduise en amélioration des conditions des citoyens. 

Pour les Fidji comme pour d’autres, le problème principal est le système actuel de financement qui empêche les PEID d’accéder aux fonds de développement.  Ces pays doivent en outre débattre entre eux de leurs priorités, de la voie à suivre et de ce qu’ils attendent du repositionnement du système des Nations Unies, a souhaité la délégation.

Le partenariat entre les PEID est très important, a renchéri le Conseiller au Ministère des affaires étrangères, de l’intégration régionale et du commerce international de Maurice.  Le Conseiller a recommandé d’apprendre à exploiter le potentiel de la coopération Sud-Sud entre les PEID et de mieux apprendre les uns des autres.  La Modératrice a insisté, en guise de conclusion, sur l’importance des investissements dans le développement à travers les partenariats.  Cela a déjà été exprimé dans les Orientations de Samoa, a-t-elle rappelé en demandant aux pays développés de revoir leur position sur la question. 

Table ronde 2: Les perspectives des pays les moins avancés et des pays en développement sans littoral

Cette seconde session d’examen thématique était consacrée à l’évaluation des progrès accomplis et des difficultés rencontrées pour autonomiser les populations et garantir l’inclusion et l’égalité des chances dans les pays les moins avancés (PMA) et les pays en développement sans littoral, deux catégories de pays qui figurent parmi les plus vulnérables et qui courent le risque d’être laissés sur le bas-côté de la route menant au développement durable.

De nombreux habitants de ces pays sont en effet victimes de la pauvreté et du manque d’accès aux services de base, indiquent des rapports de l’ONU.  Ces pays manquent de ressources et n’ont pas les capacités qui leur permettraient d’enclencher les leviers du développement, notamment en raison de diverses contraintes et contingences nationales et internationales.  De plus, ces deux groupes de pays sont souvent marginalisés dans les processus décisionnels mondiaux et ne peuvent tirer pleinement parti de la mondialisation économique.   

L’animatrice de cette table ronde, Mme HOPE MULI, Chargée de projet régionale à « Opening Contracting, Hivos », a donc demandé aux participants de présenter les perspectives de ces deux groupes de pays dans le contexte actuel de mise en œuvre des objectifs de développement durable.

M. JERRY TARDIEU, membre du Congrès de Pétion-Ville (Haïti), a plaidé pour une plus grande implication des parlementaires des PMA comme le sien dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, en recommandant aussi de faire participer toutes les forces vives de ces pays aux initiatives de développement, y compris la diaspora.  Pour convaincre de l’importance de cette implication, il a comparé le budget annuel d’Haïti (2 milliards de dollars) avec le montant annuel des transferts de fonds de la diaspora haïtienne (2,5 milliards de dollars).

Il est vrai, a ajouté M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au développement, que le droit au développement doit respecter certains principes comme l’inclusion.  La budgétisation des efforts à cette fin est donc cruciale, a-t-il expliqué, pour arriver à la participation de tous au développement.  Il a aussi rappelé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, tout comme le Programme d’action d’Addis-Abeba et d’autres accords internationaux, sont le triomphe même du droit au développement. 

Mme FEKITAMOELA KATOA’UTOIKAMANU, Haute Représentante de l’ONU pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID), a présenté quelques statistiques relatives aux PMA et aux pays en développement sans littoral, avant de plaider pour que ces catégories de pays continuent d’être prioritaires dans le financement du développement, non sans mentionner l’impact de la Banque des technologies en faveur des PMA et du « laboratoire d’idées pour les PMA » qui sert d’incubateur d’idées pour résoudre les problèmes de ces pays.  Elle a aussi insisté sur l’importance de la mobilisation des ressources nationales.

Selon M. RICARDO FUENTES-NIEVA, Directeur exécutif d’Oxfam Mexique, ces ressources nationales, notamment les impôts, doivent bénéficier de politiques adéquates afin d’assurer qu’elles financent la fourniture de services de base aux populations.  En effet, Oxfam estime que la fiscalité est un élément clef dans les efforts d’inclusion et de réduction des inégalités.  Les fonds ainsi dégagés pourraient par exemple servir au financement de programmes en faveur de la couverture médicale universelle ou d’éducation pour tous.  M. Fuentes-Nieva a aussi plaidé pour l’élimination des inégalités entre les sexes, notamment en matière salariale. 

Mme DOMA TSHERING, Représentante permanente du Bhoutan auprès des Nations Unies et cofacilitatrice de la déclaration politique sur l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie, a exhorté la communauté internationale à accompagner ces dernier dans leurs efforts de diversification de l’économie et pour faciliter leur intégration aux chaînes de valeurs mondiales.  Au vu des difficultés commerciales que connaissent ces pays, le Bhoutan estime que le commerce électronique peut être une solution, mais il faut au préalable que ces pays investissent davantage dans les TIC.

Le délégué du Paraguay, qui parlait au nom des pays sans littoral, a abondé dans le même sens en plaidant pour la mise en œuvre des six objectifs du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024.  L’évaluation à mi-parcours prévue en décembre prochain permettra de mesurer les progrès, a-t-il dit.  Le ton est déjà donné avec les évaluations régionales qui ont révélé la lenteur des progrès, a-t-il noté.  Le représentant du Paraguay a donc lancé un « appel fraternel » aux pays de transit, aux Nations Unies et à toutes les parties prenantes afin que soient renforcés les appuis aux pays en développement sans littoral qui courent le risquent d’être laissés sur le côté.  Il a expliqué que ce n’est pas un hasard si le Secrétariat de l’ONU a établi un Bureau chargé de coordonner l’appui aux PMA, aux pays en développement sans littoral et aux PEID.

M. RICHARD SSEWAKIRYANGA, Coprésident du Partenariat CSO Partnership for Development Effectiveness, une platforme réunissant des organisations de la société civile du monde entier pour promouvoir une coopération au développement efficace, a dit, pour sa part, que le reclassement des PMA en pays à revenu intermédiaire doit désormais être basé sur les indicateurs de développement humain et plus seulement sur le revenu par habitant.  Il a rappelé que les PMA ont une population très jeune, d’où l’importance d’investir en priorité pour l’épanouissement des habitants.  Après des appels insistant sur la nécessité pour ces pays de renforcer leurs capacités fiscales, il a souhaité que les Nations Unies « envisagent sérieusement » la mise en place d’une structure intergouvernementale consacrée aux questions de fiscalité, tout en s’assurant notamment de la représentation équitable des PMA en son sein.

Le représentant du Malawi a pris la parole au nom des PMA, rappelant que 35% de la population de ces pays vit dans l’extrême pauvreté et se désolant de voir diminuer l’aide publique au développement (APD) qui leur est consacrée.  De même, les membres du groupe des PMA font face à des soucis d’endettement et au défi de la mobilisation de ressources nationales, entre autres problèmes.  Le représentant du Népal a dit que son pays, qui est enclavé, est également de la catégorie des PMA, mais qu’il est désormais prêt au reclassement dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire.  Pour cela, le pays entend se doter d’une bonne stratégie pour une transition en douceur, laquelle devrait être soutenue par l’ONU, a-t-il plaidé.  Devant cette peinture avantageuse de l’état du pays, une représentante de la société civile du Népal a décrié les inégalités de la société népalaise « plombée par un système traditionnel de castes » qui produit des laissés pour compte, selon elle.  Elle a appelé à mettre fin à ce système du passé, avant d’implorer une aide en faveur de la région Asie-Pacifique qui compte de nombreux PMA ainsi que des pays sans littoral.

Le grand groupe des femmes a, pour sa part, parlé du cas des Africaines de la région sub-saharienne où 85% des femmes sont économiquement vulnérables.  Pour que les choses changent, elle a appelé à une « révolution de la responsabilisation et de la redevabilité » sur le continent.  Le grand groupe des autochtones n’était pas en reste.  Sa représentante a mentionné la situation de ces 20 leaders autochtones qui ont perdu la vie au Guatemala en 2018, ou encore les 34 du Cambodge qui ont été emprisonnés l’an dernier alors qu’ils défendaient leurs droits.  Elle a expliqué que les autochtones sont persécutés lorsqu’ils défendent leur terre et leurs ressources.  « Les projets de développement ne doivent pas constituer des excuses pour bafouer les droits élémentaires des peuples autochtones », a-t-elle martelé.

Le délégué de l’Union européenne a rappelé que l’UE est toujours l’un des principaux pourvoyeurs d’aide aux pays en situation particulière, tandis que la déléguée de la Turquie, a rappelé que son pays a consenti 350 millions de dollars d’APD par an depuis 2011, un montant qui est supérieur à l’objectif des 0,7% du revenu national brut recommandé par l’ONU.  En plus, le pays est fier d’accueillir la Banque de technologies pour les PMA qui a pour but de faciliter la transformation structurelle de ces pays. 

Pour l’instant, le Niger est loin d’une telle transformation, a déploré son délégué qui a fait savoir que 20% du budget national est dédié aux questions de sécurité, ce qui ne laisse pas beaucoup de fonds pour financer les efforts de développement durable.  Enfin, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC) a invité les États à établir des planifications et des budgets en tenant dûment compte de la préparation aux risques de catastrophes.  À défaut, ils courent le risque de voir s’évaporer des gains de développement durement acquis, a prévenu la IFRC.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: appels à « systématiser l’informel » pour améliorer le dialogue avec les pays fournisseurs de contingents aux opérations de maintien de la paix

8570e séance – après-midi
CS/13877

Conseil de sécurité: appels à « systématiser l’informel » pour améliorer le dialogue avec les pays fournisseurs de contingents aux opérations de maintien de la paix

Le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui un débat sur le renforcement du dialogue entre les principales parties prenantes du maintien de la paix à l’ONU, durant lequel les intervenants ont insisté sur la nécessité d’y impliquer davantage les pays fournisseurs de contingents et de personnel de police, surtout au niveau de la formulation des mandats des missions.  Plusieurs États ont appelé à un équilibre entre réunions formelles et réunions à huis clos.  Il s’agit de « systématiser l’informel », a résumé une spécialiste de la question.

Convoqué en marge de la Conférence des chefs d’état-major des Nations Unies, qui se déroule à New York les 10 et 11 juillet, le débat visait à proposer des mesures concrètes pour améliorer la coopération triangulaire, à savoir le dialogue entre le Conseil, le Secrétariat de l’ONU et les pays fournisseurs de contingents et de personnel de police aux opérations de maintien de la paix.  L’institutionnalisation de ce dialogue, dont les principes sont définis dans la résolution 1353 (2001), figure au nombre des engagements pris par les États dans le cadre de l’initiative du Secrétaire général « Action pour le maintien de la paix ».

À l’heure où nous mettons progressivement en place des systèmes d’évaluation de la performance des missions, le Conseil de sécurité a plus que jamais besoin d’un retour de la part des pays contributeurs, a estimé le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix.  M. Jean-Pierre Lacroix a voulu que l’on renforce l’approche triangulaire dans le cadre des mécanismes existants, à savoir les consultations formelles et informelles du Conseil avec les pays fournisseurs, le Groupe de travail du Conseil sur les opérations de maintien de la paix, le Comité d’état-major et le Comité spécial des opérations de maintien de la paix de l’Assemblée générale.

Sur le terrain, les forces doivent être plus agiles, plus imprévisibles, plus réactives et plus mobiles, le tout en utilisant tout l’arsenal des règles d’engagement, a expliqué Dennis Gyllensporre, commandant de la force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).  Les pays contributeurs de troupes doivent être soutenus dès le début et être en mesure de bien comprendre ce que l’ONU attend d’eux.  La longue expérience de ces pays, a fait observer la France, fait qu’ils ont beaucoup à apporter à la planification, à la prise de décisions et au déploiement effectif des opérations.  Les informations et les leçons qu’ils font remonter des théâtres d’opérations sont très utiles pour élaborer et ajuster les mandats et faire en sorte qu’ils soient adaptés aux réalités du terrain.

Mais malgré les initiatives prises pour renforcer la coopération triangulaire, aucune n’a encore abouti à un processus « régulier et systématique », a constaté Mme Alexandra Novosseloff.  Cette chercheuse de l’« International Peace Institute » a prôné des « réunions régulières à huis clos » pour pouvoir discuter « des sujets qui fâchent » et s’exprimer « franchement et de manière constructive », sans procès-verbal.  L’idée, a-t-elle rassuré, n’est pas « d’alourdir » l’ordre du jour du Conseil de sécurité ni d’ajouter une « énième réunion où le déclaratoire remplacerait l’opérationnel ».  Non, l’idée est de « systématiser l’informel » et de faire des échanges un passage « obligé et utile » de la négociation d’un mandat. 

Les consultations officieuses ont en effet permis des échanges « dynamiques » par le passé, s’est remémoré le Royaume-Uni, jugeant le format adapté au programme déjà très chargé du Conseil.  Le mélange de réunions formelles et informelles apporte plus de flexibilité et de coordination entre les parties, a estimé à son tour le Pérou.  Ce format facilite un dialogue « franc, transparent et constructif » sur des questions d’ordre opérationnel et politique, tout en favorisant des décisions fondées sur la réalité sur le terrain, a également approuvé le Rwanda.  Point n’est besoin d’ajouter une couche de mécanismes formels pour améliorer les choses, a déclaré à son tour le Bangladesh.  Tout ce qu’il faut, c’est une meilleure utilisation des voies existantes.  Nous devons redoubler d’efforts pour rendre ces interactions « vivantes », a souligné la Belgique. 

Le format actuel n’est pas à la hauteur de la coopération triangulaire à laquelle nous aspirons, a confirmé l’Égypte, qui a regretté l’absence d’une dimension stratégique dans le dialogue qui ferait des pays contributeurs de troupes de véritables partenaires dans les efforts pour améliorer l’efficacité des opérations de maintien de la paix.  Ajouter des couches inutiles de bureaucratie finirait par affaiblir le processus d’élaboration des mandats, ont contré les États-Unis, qui ont jugé bon de garder la question de la coopération triangulaire dans l’enceinte des groupes de travail du Conseil sur les opérations de maintien de la paix, et sur la documentation et les questions de procédure. 

Les États Membres, ont-ils ajouté, ont aussi la possibilité de parler avec le Secrétariat et de lui donner des directives à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et au Comité spécial des opérations de maintien de la paix.

OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES

Renforcement de la coopération triangulaire (S/2019/538)

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a affirmé qu’une coopération triangulaire solide est importante pour optimiser les opérations de maintien de la paix.  C’est particulièrement pertinent aujourd’hui avec l’initiative Action pour le maintien de la paix qui cherche à trouver collectivement des solutions aux problèmes que rencontre le maintien de la paix.  L’amélioration de la sécurité des Casques bleus est, a-t-il précisé, un des domaines d’action qui bénéficie d’une forte coopération.  De même pour la performance, qui exige un engagement constant de la part des membres du Conseil et des pays contributeurs de troupes et de police.  Il a cité le Système global d’évaluation des performances (CPAS selon l’acronyme anglais) qui est progressivement mis en place dans un certain nombre de missions.  Ce système nécessite un retour et un soutien de la part du Conseil de sécurité et des pays contributeurs, pour qu’il puisse répondre au mieux aux besoins et être un outil efficace et utile à tous, a recommandé M. Lacroix.  Dans de nombreux domaines, comme la formation, la mentalité et l’équipement, l’approche triangulaire permet d’arriver à de bons résultats, selon lui.  Il a cité le « mécanisme léger de coordination » et le « projet de partenariat triangulaire » comme exemples de cet esprit de coopération triangulaire.  M. Lacroix a aussi souligné les avantages du partage de perspectives et d’expériences de terrain par les contributeurs de contingents et de police.

Le Secrétaire général adjoint a ensuite mentionné quelques-uns des mécanismes existants qui facilitent les consultations entre pays fournisseurs et le Secrétariat, comme les consultations (formelles ou informelles) du Conseil de sécurité avec ces pays, le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les opérations de maintien de la paix ou encore le Comité d’état-major.  En dehors du Conseil de sécurité, il existe aussi le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34) de l’Assemblée générale.  La Déclaration d’engagements communs adoptée dans le cadre de l’initiative Action pour le maintien de la paix par les membres du Conseil de sécurité appelle à mettre en œuvre les engagements intergouvernementaux existants sur la coopération triangulaire, a-t-il rappelé.

M. Lacroix a poursuivi son intervention par « quelques réflexions sur la façon dont nous pouvons travailler ensemble, de manière collaborative, pour renforcer la coopération triangulaire », le but étant d’en tirer le maximum de bénéfices.  Il a assuré que le Secrétariat reste prêt à apporter son soutien à tout système « plus institutionnalisé » d’échanges formels et informels entre les trois acteurs - le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de police.  Il a expliqué que de tels échanges peuvent être utiles tout au long du cycle de vie de la mission, plaidant pour qu’ils permettent « un dialogue franc, ouvert et interactif ».  Ce dialogue, a-t-il précisé, est plus efficace quand il combine à la fois des rencontres formelles et informelles.  Il a cité à cet égard la pratique développée par la Nouvelle-Zélande, lors de son mandat au Conseil de sécurité, où un membre du Conseil a organisé des consultations informelles et interactives avec les pays fournisseurs, qui s’est avérée « utile et appréciée ».

Voulant aussi encourager les États Membres à continuer de renforcer la coopération triangulaire à travers les réunions du Conseil de sécurité sur les sujets transversaux relatifs au maintien de la paix, il a souligné leur utilité pour « affiner l’approche et la compréhension commune » des défis actuels et des actions prioritaires à conduire.  L’exemple qu’il a donné est celui du débat organisé par la présidence indonésienne en mai dernier sur la formation et le renforcement des capacités.  Les visites du Conseil dans les missions fournissent des occasions significatives d’échanger avec les Casques bleus et les contributeurs, a-t-il aussi relevé.  Ces visites permettent aussi de faire le point sur les progrès dans la mise en œuvre de l’initiative Action pour le maintien de la paix sur le terrain.  Autre exemple: le Groupe de travail du Conseil sur les opérations de maintien de la paix qui a organisé, sous l’impulsion de la Côte d’Ivoire qui le préside, des échanges très utiles sur des sujets centraux comme la place des femmes dans le maintien de la paix, la protection de civils ou encore la relation avec les États hôtes.  Enfin, M. Lacroix a salué les membres du Conseil de sécurité qui sont également contributeurs de troupes et de police, qui peuvent ainsi jouer un rôle essentiel.

Le Secrétaire général adjoint a encouragé les délégations à étendre cette coopération triangulaire quand cela est utile, pour assurer le succès de la mise en œuvre des mandats.  Il a cité les termes de la Déclaration d’engagements communs qui encouragent à l’étendre aux organisations internationales, régionales et sous-régionales pertinentes, et qui invitent à renforcer l’engagement direct entre le gouvernement hôte et le Conseil de sécurité.  Dans le cas des opérations de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité, c’est une « coopération quadrilatérale » qui est mise en place, a-t-il fait remarquer.  Il a aussi vanté les mérites des réunions du Conseil de sécurité sur la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, citant la dernière en date organisée par la Guinée équatoriale sur le thème « Faire taire les armes en Afrique ».  Enfin, M. Lacroix a salué l’engagement des pays contributeurs de troupes et de police en soulignant la valeur du dialogue avec eux et le Conseil, assurant que son département était toujours prêt à leur fournir des informations utiles.

Le général DENNIS GYLLENSPORRE, commandant de la force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a d’abord tenu à souligner que sa force est là pour aider les parties signataires à mettre en œuvre l’accord de paix dans le nord du Mali, y compris surveiller l’accord de cessez-le-feu.  La deuxième priorité est d’améliorer la situation en matière de sécurité dans la région du centre où la force est tout entière dévouée à protéger les civils contre un « mélange » de menaces qui se manifestent dans des attaques « brutales et fréquentes » contre les femmes et les enfants. 

Cette situation difficile, a souligné le général, donne aussi lieu à des menaces contre le personnel de la Mission.  « Nous avons été visés et exposés à des attaques fréquentes, directes et complexes contre nos bases et nos convois. »  Trop de soldats de la paix ont perdu la vie, a rappelé le général qui a ajouté: « De toute évidence, nous repoussons nos limites. » 

Nous devons trouver, a-t-il estimé, de nouvelles façons d’opérer.  La force doit être plus agile et plus imprévisible, réagir plus vite, se montrer plus mobile et utiliser tout l’arsenal des règles d’engagement.  Des mesures ont été déjà été prises et le « tempo opérationnel » a augmenté de plus de 100%, s’est réjoui le général.  Nous changeons aussi, a-t-il dit, l’état d’esprit des soldats de la paix qui doivent devenir plus proactifs, plus souples et plus forts. 

Dans ce contexte, a estimé le général, il faut des mécanismes renforcés de coopération et de consultation entre le terrain et le Siège de l’ONU.  Le Secrétariat et les États Membres doivent continuer d’appuyer les pays contributeurs de troupes dès le début, avec une formation et des équipements.  Il faut, a-t-il insisté, des objectifs et des normes bien définis.  Les pays contributeurs de troupes et de personnel de police doivent en effet bien comprendre ce que l’ONU attend d’eux. 

Parmi eux, beaucoup ont perdu des hommes et méritent d’avoir la priorité en termes de formation, d’équipements et de soutien financier.  Une force de protection, a poursuivi le général, c’est aussi accorder aux commandants une certaine liberté d’action en minimisant, par exemple, le nombre des restrictions et en leur assurant la faculté de déployer et d’employer tous les hommes pour exécuter le mandat. 

Moi-même, a affirmé le général, j’ai une interaction étroite avec les représentants des contributeurs de troupes.  Il a dit apprécier les discussions qu’il a avec et informer régulièrement le Siège des lacunes et des problèmes de certains contributeurs de troupes mais aussi des pratiques exemplaires, du grand leadership et de la vaillance d’autres. 

Pour moi, a-t-il expliqué, la stratégie, c’est un mélange équilibré et soigneusement réfléchi d’objectifs, de façons de faire et de moyens.  L’objectif, c’est le mandat conféré par le Conseil et la façon de faire, c’est le code militaire élaboré par le Secrétariat.  Les moyens, donc les unités, ce sont les pays qui les fournissent.  Il est donc évident qu’il faut se ménager une vraie coopération entre les éléments de ce triangle pour établir les conditions d’une bonne mise en œuvre du mandat, surtout dans les missions difficiles. 

Ce triangle doit avoir la meilleure compréhension possible de la situation d’une mission et des pays contributeurs de troupes qui donnent à leur capitale des informations fiables et pertinentes.  Pour que les missions répondent aux attentes élevées du Siège, les pays contributeurs doivent respecter le mandat, les règles d’engagement et les politiques et manuels de l’ONU, qui doit d’ailleurs sans cesse améliorer et réviser ses mécanismes d’évaluation et de responsabilité, a conclu le général.

La coopération triangulaire peut, au premier abord, avoir l’air d’un sujet technique, mais elle ne l’est « bien évidemment pas », a affirmé Mme ALEXANDRA NOVOSSELOFF, chercheuse au Centre Brian Urquhart pour les opérations de paix de l’« International Peace Institute ».  La coopération triangulaire, a-t-elle dit, est au carrefour de tout ce que fait le Conseil de sécurité quand il décide, quand il crée une opération de maintien de la paix, quand il demande un certain nombre de réformes au Secrétariat, quand il évalue l’action des Casques bleus ou quand il envisage de réduire, voire de fermer une mission.  Mme Novosseloff a souligné qu’à chacune de ces étapes, le Conseil se doit d’engager un dialogue avec le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de personnel de police. 

La résolution 1353 du 13 juin 2001 pose les bases de la coopération triangulaire puisqu’elle contient un certain nombre d’options pour cette coopération.  La résolution, a rappelé Mme Novosseloff, précise que les consultations du Conseil avec le Secrétariat et les pays contributeurs doivent pouvoir renforcer sa faculté à prendre rapidement les décisions appropriées et efficaces dans l’exercice de ses responsabilités.  Depuis l’adoption du texte, tous les documents appelant à améliorer l’efficacité des opérations de maintien de la paix ont mentionné la nécessité de renforcer la coopération triangulaire.  Plusieurs initiatives ont été prises, mais aucune n’a encore abouti à un processus « régulier et systématique » permettant d’institutionnaliser la pratique, a constaté la chercheuse. 

Mme Novosseloff a fait des propositions concrètes pour trouver un « équilibre » entre les dimensions formelle et informelle des réunions interactives où le Conseil, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de police seraient prêts à parler « des sujets qui fâchent ».  Les rendez-vous doivent prendre la forme de « réunions régulières à huis clos ».  La chercheuse a en effet avoué sa préférence pour le format informel qui permet à chacun de s’exprimer « franchement et de manière constructive », sans procès-verbal.  De telles consultations devraient avoir lieu avant le renouvellement d’un mandat, avant ou après l’examen stratégique d’une mission ou lorsqu’une crise survient dans le cadre d’une opération de maintien de la paix.  Il faut également donner suffisamment de temps aux parties prenantes pour qu’elles puissent bien se préparer. 

L’idée, a rassuré la chercheuse, n’est pas « d’alourdir » l’ordre du jour du Conseil de sécurité ni d’ajouter une « énième réunion où le déclaratoire remplacerait l’opérationnel ».  Non, l’idée est de « systématiser l’informel » et de faire des échanges un passage « obligé et utile » de la négociation d’un mandat. 

Il faut, a-t-elle encouragé, saisir l’élan créé par le débat d’aujourd’hui pour créer un mécanisme de consultations triangulaires susceptible de rapprocher le Conseil des préoccupations du terrain, de renforcer une unité « vitale » pour ses opérations et de dégager un « consensus plus solide » autour de la façon de mener les opérations de maintien de la paix.  Ce débat permettra, je l’espère, d’enclencher « l’institutionnalisation souple et informelle » de la coopération triangulaire, a conclu Mme Novosseloff. 

Au nom de l’Afrique du Sud, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée équatoriale (A3), M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a souligné le vif intérêt de ces dernières années pour le renforcement de la coopération triangulaire en raison de la nature complexe des conflits et des défis auxquels se heurtent les soldats de la paix.  À cet égard, la situation au Mali et au Sahel est « symptomatique » de la complexité des opérations.  Cette nouvelle dynamique dans laquelle les soldats de la paix sont de plus en plus exposés à des attaques les oblige à renforcer le commandement et le contrôle, à faire usage de leurs armes, à acquérir les équipements les plus adaptés, à améliorer leurs capacités et leur formation, à renforcer leur sécurité et à générer des forces stratégiques. 

Il faut donc des méthodes de travail et des processus de prise de décisions plus transparents, plus prévisibles et plus inclusifs pour rehausser le niveau de confiance entre le Secrétariat, le Conseil et les pays contributeurs de troupes.  Le représentant a prôné des réunions « substantielles et régulières », estimant que le Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix pourrait jouer un rôle de surveillance et d’évaluation des engagements pris par le Conseil concernant la coopération triangulaire.  Le représentant a aussi mis en avant le partenariat, politique et opérationnel, avec les organisations régionales et sous-régionales, l’Union africaine en particulier, au titre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies.  Il en a profité pour défendre une meilleure prévisibilité, viabilité et flexibilité du financement des opérations de soutien de la paix conduites par l’Union africaine et autorisées par le Conseil de sécurité. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a jugé que la coopération triangulaire est essentielle pour promouvoir la confiance mutuelle.  Or, on continue de déplorer l’absence d’un dialogue réel entre les trois protagonistes.  Le représentant a donc appelé à un équilibre entre les séances publiques et les consultations à huis clos pour un dialogue réellement ouvert aux pays fournisseurs de contingents et de personnel de police, compte tenu de leur connaissance des réalités sur le terrain.  Prendre en compte les suggestions de ces pays est particulièrement important pour une bonne définition des mandats des opérations de maintien de la paix, a estimé le représentant. 

Quant au Secrétariat, il doit mieux informer les pays contributeurs du déroulement des missions et surtout réagir plus rapidement aux demandes d’informations.  Il faut, a insisté représentant, multiplier les réunions sur des missions « concrètes » et veiller à ce qu’elle se déroulent de façon « plus dynamique ».  Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les opérations de maintien de la paix devrait également se réunir plus fréquemment, a jugé le représentant.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) est revenu sur la proposition de M. Lacroix de tenir des réunions triangulaires plus régulières et a insisté pour qu’elles soient « vraiment substantielles ».  La coopération avec les acteurs régionaux et infrarégionaux est fondamentale, a-t-il précisé, en appelant à plus de réunions avec tous les acteurs sur le terrain.  S’agissant de la MINUSMA, l’une des missions les plus importantes et les plus critiques, le représentant a confirmé que les visites du Conseil sur le terrain sont « vitales » pour mieux comprendre la réalité.  Dans la situation malienne, les soldats de la paix « paient un très lourd tribut », a-t-il martelé, en soulignant que ce sont les contingents tchadiens qui ont perdu le plus grand nombre d’hommes.  L’importance de la coopération triangulaire ne saurait être niée tant il est essentiel de prévenir les pertes en vies humaines, a-t-il plaidé, en estimant qu’on « peut faire bien plus ». 

Mme ANNE GUEGUEN (France) a déclaré que la coopération triangulaire est nécessaire à tous les stades du cycle de vie des opérations de maintien de la paix.  Des consultations régulières du Conseil et du Secrétariat avec les pays fournisseurs de contingents et les autres pays contributeurs sont essentielles au succès de toute mission, a-t-elle reconnu.  Elle a mis l’accent sur la présence et la longue expérience des pays contributeurs ainsi que sur leurs pratiques et avis d’experts s’agissant des opérations de maintien de la paix.  Ils ont beaucoup à apporter à la planification, à la prise de décisions et au déploiement effectif des opérations, a-t-elle insisté.  Les informations et les leçons qu’ils font remonter des théâtres d’opérations sont très utiles pour élaborer et ajuster les mandats et faire en sorte qu’ils soient adaptés aux réalités du terrain, a encore dit la représentante.

Elle a également attiré l’attention sur la « complexification croissante » des dynamiques des conflits, ajoutant qu’un dialogue soutenu entre le Conseil, les pays contributeurs de troupes et le Secrétariat est essentiel à la conduite efficace de missions « calibrées sur mesure, performantes, crédibles et capables de s’adapter à des environnements en mutation permanente ».  Pour la France, la coopération triangulaire est dans l’intérêt de tous et traduit dans la pratique les valeurs du multilatéralisme qui gouvernent l’action internationale. 

Compte tenu des outils dont l’ONU disposent d’ores et déjà, elle a prévenu qu’il s’agit moins d’institutionnaliser un cadre d’échange et de mettre en place de nouveaux formats de réunions que de redynamiser et d’améliorer l’efficacité de ces outils.  Elle a souligné l’importance de la présence et de la participation de chacun aux enceintes de coordination, qui sont « essentielles à l’amélioration et à l’exécution des opérations de maintien de la paix. 

La France s’efforce « d’être exemplaire sur les mandats pour lesquels elle tient la plume », notamment en organisant des consultations systématiques avec les pays contributeurs de troupes, des visites d’évaluation sur le terrain en amont de chaque renouvellement et des consultations avec l’État hôte.  La France est également impliquée dans la formation et le renforcement des capacités des pays contributeurs, surtout francophones.  Elle soutient six centres de formation aux opérations de maintien de la paix en Afrique, trois en Amérique latine et un en Asie, et est aussi impliquée dans le mécanisme informel de coordination permettant au Secrétariat d’être pleinement informé des différentes actions de formation conduites par les États pourvoyeurs au profit des pays contributeurs.  

En prévision des réunions, a estimé M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït), il faut fournir tous les documents nécessaires suffisamment à l’avance pour que les protagonistes puissent se préparer.  Le représentant a, à son tour, plaidé pour le bon équilibre entre séances publiques et réunions à huis clos.  Il a voulu des réunions convoquées « rapidement et régulièrement » quand la situation d’une mission l’exige.  Le Conseil ne saurait avoir « le monopole » des décisions.  Les pays qui font le sacrifice du maintien de la paix doivent dûment être consultés ainsi que les pays hôtes des missions pour que les mandats répondent fidèlement à leurs besoins, a conclu le représentant.

M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a souligné que son pays voit les réformes du maintien de la paix sous l’angle de cinq principes: appui aux solutions politiques, coopération avec le pays hôte, élaboration de mandats réalistes et réalisables, existence d’une stratégie de sortie et adaptation aux progrès et aux échecs.  Ces deux dernières années, a dit le représentant, nous n’avons cessé de promouvoir une culture de la performance au sein des opérations de maintien de la paix, pour améliorer la faculté des Casques bleus à exécuter leurs mandats.  L’adoption unanime de la résolution 2436 a montré à quel point la performance et la responsabilité sont les priorités du Conseil de sécurité.  Le représentant a donc appuyé les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de maintien de la paix qui a reconnu qu’une coopération renforcée entre le Conseil, le Secrétariat de l’ONU et les pays contributeurs de troupes et d’effectifs de police est « essentielle » pour améliorer la performance. 

Les États-Unis, a-t-il affirmé, consultent d’ailleurs régulièrement les pays hôtes, le personnel des missions, les pays contributeurs, le Secrétariat et les autres membres du Conseil pour collecter des informations précieuses sur la réalité sur le terrain.  Nous menons régulièrement des consultations ici à New York mais aussi à Washington et dans les capitales avant toute création ou renouvellement du mandat d’une mission.  Nous continuerons à le faire, a dit le représentant, qui a jugé que le dialogue informel est un mécanisme important pour discuter des progrès, « de la dynamique des fluides » sur le terrain et des éléments à améliorer dans les mandats en cours.

Il est important de limiter les discussions aux objectifs et aux exigences spécifiques des missions, y compris la protection des civils, la sûreté et la sécurité du personnel de l’ONU et l’amélioration de la performance et de la responsabilité.  Il est tout aussi important d’éviter de formaliser à outrance les consultations triangulaires.  Ajouter des couches inutiles de bureaucratie finirait par affaiblir les processus d’élaboration des mandats, a estimé le représentant. 

Il a rappelé que la question de la coopération triangulaire est déjà examinée par le Groupe de travail du Conseil sur les opérations de maintien de la paix, lequel a d’ailleurs déjà confirmé son engagement à tenir des consultations avec les pays contributeurs à tous les stades des opérations.  Nous encourageons ces derniers à exploiter ce forum, a dit le représentant, qui a ajouté que la coopération triangulaire est aussi examinée par le Groupe de travail du Conseil sur la documentation et les questions de procédure.  Les États Membres ont aussi la possibilité de parler avec le Secrétariat et de donner des directives sur les questions liées au maintien de la paix dans des fora comme la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et le Comité spécial des opérations de maintien de la paix.

Nous sommes d’ailleurs profondément préoccupés, a avoué le représentant, que les dernières négociations à la Cinquième Commissions sur les questions intersectorielles du maintien de la paix n’aient pu aboutir à une résolution à cause des intérêts étroits d’une poignée de pays.  C’est une occasion manquée pour tous les pays, surtout pour les pays contributeurs qui auraient pu faire des recommandations sur les politiques.  Par souci d’efficacité, a conclu le représentant, nous encourageons vivement les États à garder les discussions sur cette question dans l’enceinte des groupes de travail du Conseil de sécurité. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a parlé de la nécessité de rendre efficaces les consultations entre les fournisseurs de contingents ou de personnel de police et le Conseil de sécurité grâce à un partage d’informations sans entrave.  Les échanges de vues et les discussions honnêtes sont possibles quand tous les partenaires s’assoient à la table avec la même compréhension du sujet.  La représentante a souligné la nécessité pour les porte-plume de laisser le temps aux autres membres du Conseil de travailler sur un projet de résolution.  Une telle flexibilité permettrait à toutes les capitales d’apporter leur pierre à l’édifice.  Mme Wronecka a aussi suggéré de prolonger le temps consacré à l’examen du renouvellement d’un mandat. 

Elle a aussi conseillé au Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix de promouvoir la coopération triangulaire.  Chaque aspect d’une mission pourrait ainsi être discuté séparément et en profondeur.  La Pologne, a conclu la représentante, attache la plus grande importance à un dialogue constant entre le Conseil de sécurité, les porte-plume, les fournisseurs de contingents ou de personnel de police et le Secrétariat. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a estimé qu’une coopération triangulaire renforcée devrait concourir à la formulation de mandats plus « simples, plus clairs et plus réalisables ».  Il faut se garder, dans ce cadre, des résolutions trop longues, a-t-il estimé.  Lors de sa visite au Mali, le représentant a dit avoir demandé aux soldats de la paix s’ils comprenaient bien les termes de la résolution.  « Je vous laisse deviner leur réponse ».  Il a donc appelé à des projets « innovants » de partenariats triangulaires pour identifier les lacunes dans la mise en œuvre des mandats. 

M. WU HAITAO (Chine) a affirmé que le renforcement de la coopération triangulaire demeure « indispensable ».  Les mandats, a-t-il dit, doivent être conformes aux principes et buts de la Charte et viser une solution politique dans des termes « clairs et précis ».  Le représentant a insisté sur la formation et le renforcement des capacités des soldats de la paix et contingents de police, et sur l’amélioration des capacités de secours qui peuvent s’avérer vitales.  Il a invité les délégations porte-plume du Conseil à mieux faire passer les informations.  Il n’a pas manqué de rappeler que son pays a déployé à ce jour plus de 1 500 Casques bleus et qu’il entend exploiter le Fonds Chine-ONU pour le développement pour renforcer les capacités et honorer ses engagements en faveur de la paix. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a appelé à faire un meilleur usage des mécanismes existants en matière de coopération triangulaire.  Il a invité le Conseil de sécurité et les pays fournisseurs de contingents et de personnel de police à aborder leurs séances « comme des opportunités d’échanges nourris et substantiels ».  Il a également appelé à redoubler d’efforts pour rendre ces interactions « vivantes » et a encouragé « les porte-plume » à dûment prendre en compte les préoccupations des pays contributeurs.  Tous les pays hôtes, a poursuivi le représentant, doivent prendre part au Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix.  Les petits et moyens contributeurs doivent aussi pouvoir faire entendre leur voix.  Le Conseil a tout à gagner de ces échanges qui peuvent mettre en avant les difficultés opérationnelles et les éléments du terrain dont il faut tenir compte.

Si le bon usage des forums existants est une première étape utile, le représentant a voulu que l’on aille encore plus loin et que l’on fasse entendre la voix des contributeurs financiers, quel que soit leur rang.  Il a aussi plaidé pour un dialogue renforcé sur des questions plus techniques, plus militaires afin de permettre un dialogue horizontal entre les experts des différents contributeurs.  On pourrait réfléchir, a-t-il estimé, sur la place que devrait occuper le Comité d’état-major dans une architecture triangulaire.  En concluant, le représentant a appuyé la proposition du Groupe informel sur les méthodes de travail de donner aux parties prenantes des informations bien avant les réunions du Conseil.

La transparence est la condition préalable pour garantir un niveau de confiance entre les trois parties concernées, a souligné M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie).  Il a prôné une meilleure synergie entre les différentes structures du Secrétariat chargées d’un aspect ou l’autre des opérations de maintien de la paix.  Le rapport du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, a-t-il rappelé, contient des recommandations sur la nécessité d’alléger les mandats.  En l’occurrence, les pays fournisseurs de contingents qui jouent un rôle « déterminant » doivent être entendus pour assurer une meilleure exécution des mandats et tirer les enseignements pour l’avenir.  Il ne faut pas non plus sous-estimer le potentiel du Comité d’état-major, a ajouté le représentant, qui a aussi encouragé le Conseil à multiplier les visites sur le terrain. 

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est dit conscient de l’importance de la coopération triangulaire, surtout pour que les pays fournisseurs de contingents puissent fournir au Conseil des informations « cruciales » sur le terrain.  Par le passé, a-t-il rappelé, les consultations officieuses ont permis des échanges « dynamiques ».  Il ne s’agit pas d’alourdir le programme déjà très chargé du Conseil mais peut-être d’amender les méthodes de travail actuelles.  Le représentant s’est par ailleurs dit préoccupé par le fait que de nombreux États Membres aient décidé de briser le consensus en demandant la mise aux voix de la résolution de l’Assemblée générale sur les recommandations du Comité des commissaires aux comptes (CCC) liées à l’amélioration de la performance des opérations de maintien de la paix.  C’est d’autant plus dommageable que l’amélioration de la performance est liée au renforcement de la sécurité des soldats de la paix, a souligné le représentant. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a expliqué avoir offert cet espace de réflexion car la coopération triangulaire est un thème qui suscite un intérêt renouvelé mais qui n’a pas atteint son plein potentiel.  Il a mentionné les rapports et décisions émanant du Conseil de sécurité et de ses organes subsidiaires, du Comité des 34, de groupes indépendants de haut niveau et d’autres instances, qui ont fourni ces dernières années « un diagnostic lucide et des propositions précieuses ».  Il est maintenant de notre responsabilité de les traduire en actions concrètes, a-t-il lancé.  Le représentant a espéré que les idées et concepts énoncés aujourd’hui permettront d’offrir des espaces de consultations formelles pour améliorer l’efficacité des opérations de paix et la solidité de leurs mandats.  Il a partagé l’avis qu’il est urgent de doter ces missions d’une plus grande interaction et recommandé des « échanges d’idées et d’expériences plus directs et plus authentiques ».  M. Meza-Cuadra a aussi conseillé de faire participer d’autres acteurs pertinents, comme les commandants des forces des mandats à renouveler, et de renforcer la préparation des parties, notamment des pays contributeurs.  Pour le représentant, il est également fondamental de compléter ces réunions formelles par des réunions informelles, qui apportent plus de flexibilité et de coordination entre les parties. 

Le représentant a salué les efforts des pays porte-plume qui convoquent les réunions officieuses pour recueillir des informations fiables et pertinentes sur les capacités des pays contributeurs et pour discuter en profondeur des textes des résolutions.  Il a souligné le rôle central du Secrétariat dans ces rencontres, car il apporte une analyse profonde des situations.  Il faut, a ajouté le délégué, que ces réunions informelles se tiennent à chaque étape des opérations de paix, de manière « périodique et systématique », insistant pour qu’elles ne dépendent pas de la bonne volonté d’une délégation porte-plume ou d’initiatives isolées de membres non permanents.  En fin de compte, le représentant a plaidé pour l’institutionnalisation de la coopération triangulaire, afin de lui donner un caractère structuré.  Les discussions d’aujourd’hui devraient permettre d’établir un document de bonnes pratiques, a-t-il dit, suggérant que les groupes de travail sur les opérations de maintien de la pax et sur les méthodes de travail s’y attèlent, avec les membres du Conseil de sécurité.  En tant que pays contributeur de troupes et membre du Conseil de sécurité, le Pérou appuiera de manière ferme tous les efforts tendant à l’institutionnalisation de la coopération triangulaire.

M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a souligné la nécessité d’impliquer les fournisseurs de contingents et de personnel de police à l’élaboration des mandats surtout quand les processus politiques sont faibles ou inexistants et que l’environnement est dangereux et difficile.  Deuxièmement, les Casques bleus ont besoin de savoir que leur mandat est le fruit de discussions « franches » sur les défis à relever.  Cela aiderait les argentiers des missions qui ont souvent le sentiment que les pays ne font pas assez pour assurer l’efficacité.  C’est tout simplement le bon sens qui nous pousse à plaider pour la participation des fournisseurs de contingents ou de personnel de police à la planification d’une mission, a souligné le représentant.  Le Conseil, a-t-il dit, doit « institutionnaliser » les consultations régulières avec toutes les parties prenantes sur la sûreté et la sécurité des Casques bleus, la stratégie de constitution des forces, la parité, ou encore la déontologie et la discipline. 

Le maintien de la paix est un partenariat, a déclaré d’emblée M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda).  Tous les partenaires, s’est-il expliqué, doivent déployer tous les efforts possibles pour assurer cohérence et efficacité.  Sans une coopération entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat de l’ONU et les pays contributeurs de troupes et de police, le maintien de la paix est « voué à l’échec », a-t-il tranché.  Aujourd’hui, a-t-il dit, il y a ceux qui décident des mandats et ceux qui les mettent en œuvre.  Ce genre d’approche est préjudiciable à l’efficacité même des opérations, a estimé le représentant, devant une approche qui heurte l’autorité et la crédibilité du principal organe chargé de la paix et la sécurité et qui sape les instruments qu’il a créés pour répondre à certaines des crises les plus complexes dans le monde. 

Tous les partenaires, a conseillé le représentant, doivent parler d’une seule voix, grâce à des consultations régulières avec les pays fournisseurs de troupes et d’effectifs de police et autres contributeurs à toutes les étapes d’une opération.  Cela signifie que le Conseil de sécurité renonce à travailler en vase clos.  Il faut de la coopération, de la coordination et de la cohérence pour que ceux qui sont sur le terrain puissent faire état des risques qu’ils ont identifiés et des ressources nécessaires.    

Les consultations triangulaires doivent être informelles pour faciliter un dialogue « franc, transparent et constructif » sur des questions d’ordre opérationnel et politique et favoriser des décisions fondées sur la réalité sur le terrain.  Le Président du Conseil de sécurité et les porte-plume d’une mission spécifique pourraient, par exemple, organiser une réunion avant le renouvellement d’un mandat, avant et après l’examen stratégique d’une mission.  Ce type de réunions devrait être ouvert aux principaux contributeurs de troupes, a enfin suggéré le représentant. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a dit que pour renforcer la coopération triangulaire, la flexibilité et la prise en compte de l’avis des fournisseurs de contingents et de personnel de police sont essentielles, surtout pour l’élaboration des mandats.  Le système d’évaluation et le partage des responsabilités doivent être uniformes et fondés sur ce qui est réaliste, ce qui est pratique et ce qui est réalisable.  L’idée est de faire en sorte que les pays contributeurs s’approprient les mandats et ceci ne sera possible que s’ils ont voix au chapitre.  La divergence de vues entre eux, le Conseil et le Secrétariat est toujours imputable, a dit le représentant, à une mauvaise circulation des informations.  Le dialogue triangulaire peut rectifier le tir, en créant des plateformes « institutionnalisées ».  Le représentant a dit sa préférence pour une conjugaison de réunions formelles et informelles, en actionnant les mécanismes existants. 

Les pays contributeurs de troupes et d’effectifs de police sont « les yeux et les oreilles » du Siège pour ce qui se passe sur le terrain, a dit Mme MALEEHA LODHI (Pakistan).  Fervente militante de la coopération triangulaire, elle a fait cinq suggestions pour l’améliorer et d’abord la nécessité de l’« institutionnaliser » et d’en faire un cadre pour engager les pays contributeurs très tôt dans le processus.  Dans un environnement de plus en plus volatile et avec « le chœur » des demandes « à faire plus avec moins », une communication efficace entre toutes les trois parties prenantes a une signification encore plus grande. 

Point n’est besoin d’ajouter une couche de mécanismes formels pour améliorer les choses.  Tout ce qu’il faut, c’est une meilleure utilisation des voies existantes et une conjugaison équilibrée de dialogues formels et informels, a estimé la représentante.  Les réunions formelles doivent être revitalisées pour optimiser leurs avantages, en donnant à temps aux pays contributeurs les informations pertinentes et assurer un dialogue « approfondi et constructif » bien avant le renouvellement des mandats.  Les membres élus du Conseil, a conclu la représentante, joue un rôle de pont en facilitant les discussions sur la coopération triangulaire.  Cet aspect doit être renforcé. 

M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) a rappelé que son pays était l’un des contributeurs de contingents et de personnel de police les plus importants.  La coopération triangulaire, a-t-il noté, a, ces dernières années, mis principalement l’accent sur les aspects opérationnels et techniques des opérations de maintien de la paix.  Alors que la complexité grandissante du maintien de la paix démontre chaque jour l’importance d’un examen d’ensemble des missions, le représentant a jugé primordial de définir une « stratégie politique claire » à l’appui des mandats.  C’est la raison pour laquelle le dialogue triangulaire dans sa forme actuelle doit évoluer, a estimé le représentant.  À ses yeux, en effet, malgré l’intensité des consultation menées entre le Conseil, le Secrétariat et les pays contributeurs de contingents et de personnel de police, force est de constater l’absence d’une dimension stratégique qui ferait de ces pays de véritables partenaires dans les efforts pour améliorer l’efficacité des opérations de maintien de la paix.  Le format actuel n’est pas à la hauteur de la coopération triangulaire à laquelle nous aspirons, a-t-il martelé, appelant à revoir la « vieille formule » actuelle.  Il a donc appelé le Conseil à s’inspirer de la Feuille de route du Caire pour l’amélioration de la performance des opérations de maintien de la paix, formulée l’année dernière. 

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a déclaré que son pays a déployé plus de 50 000 Casques bleus dans sa longue carrière de contributeur de troupes et de forces de police dans plus de 20 opérations aux quatre coins du monde, ce qui en fait le principal contributeur des Amériques.  La coopération triangulaire est loin d’être un nouveau concept puisqu’elle existe depuis plus de 30 ans même si les consultations actuelles ne sont guère à la hauteur des attentes et n’ont pas encore atteint leur plein potentiel.  Il faut d’autant plus renforcer le dialogue que les opérations de maintien de la paix se déroulent dans des environnements chaque fois plus complexes et changeants, confrontées à des menaces en tout genre qui exigent du personnel un niveau élevé de préparation et le maniement d’équipements sophistiqués. 

Mais, a poursuivi le représentant, on exige de ces opérations toujours plus d’efficacité alors que leur budget se réduit d’année en année et que les pays contributeurs subissent des retards dans les remboursements auxquels ils ont droit.  Le représentant a appuyé l’idée des réunions informelles pour compléter les discussions formelles.  Il a aussi soutenu la mise à jour de la note 507 relative aux méthodes de travail du Conseil et estimé que le Groupe de travail du Conseil sur les opérations de maintien de la paix est une « plateforme viable » pour le renforcement de la coopération triangulaire. 

Le Secrétariat, par son Département des opérations de paix, a aussi un rôle fondamental à jouer.  Il pourrait par exemple convoquer des réunions avec les membres du Conseil et les pays contributeurs lors de ses examens stratégiques ou quand il observe un changement soudain dans l’environnement opérationnel.  Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix est également une instance précieuse qui réunit tous les trois acteurs et donne des directives politiques. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale nomme quatre juges à mi-temps, dont trois femmes, au Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies

Soixante-treizième session
98e séance plénière - matin
AG/12162

L’Assemblée générale nomme quatre juges à mi-temps, dont trois femmes, au Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies

L’Assemblée générale a élu*, aujourd’hui, par bulletins secrets, quatre juges à mi-temps du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies pour pourvoir trois postes vacants en juin et juillet 2019, ainsi qu’un poste supplémentaire.  Les juges sont élus pour un mandat non renouvelable de sept ans à dater de leur nomination.

Mmes Margaret Tibulya, de l’Ouganda, a obtenu 110 voix; Rachel Sikwese, du Malawi, 109 voix; Eleanor Donaldson-Honeywell, de Trinité-et-Togago; 101 voix; et M. Francis Belle, de la Barbade, 88 voix.

Les trois candidats malheureux sont Mme Cristiane Souza de Castro Toledo, du Brésil; et MM. Heinrich Glasser, de l’Allemagne; et Ole Jan van Leeuwen, des Pays-Bas.    

La Présidente de l’Assemblée générale, Mme María Fernanda Espinosa Garcés, s’est réjouie de l’élection de trois femmes, ce qui est de bonne augure et important pour le système des Nations Unies. 

Opérationnel depuis le 1er juillet 2009, le Tribunal du contentieux administratif, qui siège à New York, Genève et Nairobi, est composé de trois juges à temps complet et de six juges à mi-temps sur la base de la répartition géographique et de la parité entre les sexes.

L’Assemblée générale a également décidé** ce matin d’approuver la participation de l’organisation mexicaine Medical IMPACT et de Gavi Alliance (Suisse) à l’examen de haut niveau des Modalités d’action accélérées des petits États insulaires en développement (Orientation de Samoa).  Bien que n’étant pas dotées du statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC), l’accréditation de ces deux organisations a été recommandée par le Secrétaire général.***   

L’Assemblée générale tiendra sa prochaine réunion plénière le mardi 16 juillet à 15 heures pour commémorer le vingt-cinquième anniversaire de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD).  

*A/73/911
**A/73/L.98
***A/73/919

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Lancement du Forum politique de haut niveau sous les auspices de l’ECOSOC: des actions attendues avant le Sommet de septembre pour accélérer le développement

Forum politique de haut niveau,
1re, 2e & 3e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6999

Lancement du Forum politique de haut niveau sous les auspices de l’ECOSOC: des actions attendues avant le Sommet de septembre pour accélérer le développement

Le Forum politique de haut niveau pour le développement durable a lancé ses travaux, aujourd’hui, pour sa septième édition et la dernière année d’un cycle de quatre ans suivant l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Des travaux qui devraient aboutir, selon les vœux de la Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), à des annonces de la part des États Membres et des autres acteurs du développement sur les actions prévues pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable.

Pour la première fois depuis le lancement du Programme 2030, il y aura cette année deux Forums politiques de haut niveau, celui annuel placé sous les auspices de l’ECOSOC et le deuxième en septembre, sous les auspices de l’Assemblée générale et qui prendra la forme d’un Sommet.  Pour le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Liu Zhenmin, 2019 est donc « une année décisive ».  D’ailleurs le Forum ne fera pas de déclaration ministérielle mais adoptera une déclaration politique lors du Sommet de septembre. 

Pour la Présidente de l’ECOSOC, Mme Inga Rhonda King, le Forum politique de haut niveau est « spécial » cette année parce que c’est le dernier d’un cycle.  À l’issue de cette session, le Forum aura en effet réalisé son mandat de suivi et d’évaluation du Programme 2030: il aura examiné les 17 objectifs de développement durable, débattu de quatre thèmes et entendu 142 pays présenter leurs examens nationaux volontaires, dont 47 pour la présente session.  Ce Forum est également spécial parce qu’il enverra des messages pour alimenter les discussions de septembre. 

Il sera « le meilleur de tous les forums politiques de haut niveau », a prédit Mme King, car il rassemble 120 experts et intervenants spécialisés.  « Nous apprenons les uns des autres pour que nous puissions nous enrichir de nouvelles expériences afin d’améliorer la vie de nos populations », a-t-elle fait remarquer.  La Présidente de l’ECOSOC a d’ailleurs annoncé la tenue, en marge des réunions officielles, de 8 manifestations spéciales, plus de 130 évènements parallèles et plus de 30 expositions. 

Cette mobilisation semble à la mesure du défi immense qu’il faut relever d’ici à 2030.  Car jusqu’à présent, « la réponse mondiale n’a pas été assez ambitieuse », a admis le Secrétaire général adjoint, reprenant les termes d’une édition spéciale d’un rapport du Secrétaire général qui fait le point sur les objectifs de développement durable.  M. Liu a jugé impératif d’agir maintenant avec « un engagement renouvelé » et un rythme d’action plus rapide. 

Le Secrétaire général recense, dans son rapport, un ensemble de domaines transversaux dans lesquels il faudra faire preuve d’initiative politique et mener sans plus tarder des interventions multipartites adaptées.  Il souligne que, quel que soit le domaine considéré, l’action multilatérale est une nécessité, car ce n’est qu’en travaillant ensemble que les pays parviendront à trouver des remèdes contre la pauvreté, les inégalités et les changements climatiques, qui sont « les plus grands défis de notre époque ». 

Dans ce contexte, le leadership doit « avoir les tripes de passer à l’action », a réclamé la Directrice exécutive de Island PRIDE, Mme Yolanda Joab Mori, des États fédérés de Micronésie, en expliquant que les jeunes sont avides de voir du courage chez les dirigeants.  Elle a invité ces derniers à ne pas avoir peur de « mettre les personnes et la planète au-dessus du profit ».  Le leadership, a-t-elle précisé, doit être inclusif et placer haut l’objectif d’égalité, en ayant le souci d’autonomiser tout le monde, « même une petite fille des îles comme moi ». 

Bousculant elle aussi les délégations sur le manque de progrès qui affecte en particulier les enfants, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, Mme Najat Maalla M’jid, a posé la question suivante: « Si le coût de la violence à l’égard des enfants est si élevé et si l’on connaît les solutions à ce problème, pourquoi est-ce que cela continue? » Elle a donc appelé à réfléchir à ce qui peut être fait pour y mettre un terme.

Une piste a été donnée pour le financement du développement durable avec la Fintech, la finance associée aux nouvelles technologies.  M. Chris Skinner, auteur et commentateur du Royaume-Uni, en a vanté les mérites et appelé à utiliser tout son potentiel pour financer les objectifs de 2030.

Les discussions de la présente session se pencheront en particulier sur les six objectifs suivants: éducation de qualité équitable; croissance économique inclusive et durable et travail décent pour tous; réduction des inégalités; lutte contre les changements climatiques; promotion de sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable; et renforcement des moyens de mise en œuvre.  Le Forum a commencé par l’objectif d’éducation de qualité, qui a été examiné cet après-midi.

Au cours de la séance d’ouverture, le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Valentin Rybakov (Bélarus), a présenté les principaux messages issus du débat consacré à l’intégration, tenu hier par l’ECOSOC, tandis que lors des deux tables rondes d’aujourd’hui, les participants ont tenté de répondre à la question suivante: « Sommes-nous sur la bonne voie pour ne pas faire de laissés pour compte? »  Experts, représentants d’États Membres et grands groupes de la société civile ont fait le bilan de la réalisation du Programme 2030 après quatre ans de mise en œuvre pour identifier « ceux qui risquent d’être laissés sur le côté ».

Dans ce même esprit d’inclusion, il a été précisé que tout le monde peut prendre part à cette édition du Forum politique de manière virtuelle, par le biais du site www.slido.com (code: #HLPF2019): le public peut faire part de ses priorités en cliquant sur des thématiques proposées en ligne.

Le Forum politique de haut niveau poursuivra ses débats thématiques demain, mercredi 10 juillet, à partir de 9 heures. 

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Déclarations liminaires

Mme INGA RHONDA KING, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a déclaré que la session du Forum politique de haut niveau est spéciale cette année parce que c’est la dernière d’un cycle.  À l’issue de cette session, le Forum aura en effet réalisé son mandat de suivi et d’évaluation du Programme de développement durable à l’horizon 2030: il aura examiné les 17 objectifs de développement durable, débattu de quatre thèmes et entendu 142 pays présenter leurs examens nationaux volontaires.  Ce Forum est spécial parce qu’il enverra des messages pour alimenter les discussions du Forum politique de haut niveau qui se réunira en septembre sous les auspices de l’Assemblée générale, à l’occasion du Sommet du développement durable.  Il est spécial, a encore précisé Mme King, car nous nous approchons, quatre ans après l’adoption du Programme 2030, de la réalisation « collective, régionale, nationale et locale » des objectifs de développement durable.  La réunion n’est pas une fin en soi, a-t-elle ajouté, expliquant que c’est une plateforme globale pour partager les expériences et les enseignements qui en sont tirés ainsi que pour nouer des partenariats.  « Nous apprenons les uns des autres pour que nous puissions nous enrichir de nouvelles expériences afin d’améliorer la vie de nos populations. »  Notre objectif ultime, a-t-elle rappelé, c’est d’agir « pour le peuple, la planète et la prospérité ».  De l’avis de la Présidente, ce Forum sera également « le meilleur de tous les Forums politiques de haut niveau » avec ses 120 experts et intervenants spécialisés qui enrichiront les débats. 

La Présidente a ensuite énuméré les principaux événements qui se dérouleront au cours de ce Forum en marge des réunions officielles: huit manifestations spéciales, plus de 130 manifestations parallèles et plus de 30 expositions.  De nombreux représentants du système des Nations Unies, d’organisations internationales et régionales et intergouvernementales ainsi que plus de 1 500 grands groupes et autres parties prenantes participeront activement aux réunions.  Les discussions se pencheront sur six des 17 objectifs de développement durable, relatifs aux questions suivantes: éducation de qualité équitable; croissance économique inclusive et durable et travail décent pour tous; réduction des inégalités; lutte contre les changements climatiques; promotion de sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable; et renforcement des moyens de mise en œuvre.  On entendra aussi une évaluation des progrès accomplis et des défis restant pour savoir si nous sommes sur la bonne voie afin de réaliser le Programme 2030.  Nous allons débattre des défis spécifiques des pays en situation particulière ainsi que des pays à revenu intermédiaire grâce au thème « Donner des moyens d’action aux populations et assurer l’inclusion et l’égalité », a encore précisé la Présidente de l’ECOSOC.  Les grands groupes et les parties prenantes présenteront leurs perspectives sur l’inclusion et l’égalité.

Mme King a ajouté que le Forum prévoit des échanges sur les questions soulevées dans le premier rapport quadriennal sur les objectifs de développement durable ainsi que sur celles soulevées durant le Forum sur la science, la technologie et l’innovation et celui sur le financement du développement.  En outre, a-t-elle observé, « nous allons apprendre différentes politiques et actions entreprises pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable au niveau national grâce aux 47 examens nationaux volontaires ».  À cela s’ajoutera une intervention du Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales qui présentera les résultats de l’enquête du Département des affaires économiques et sociales (DAES) sur les quatre premières années du Forum politique de haut niveau ainsi que les messages pour le Sommet du développement durable.  Le Forum entendra en outre la Présidente de l’Assemblée générale et la Vice-Secrétaire générale de l’ONU qui partageront leurs réflexions sur la mise en œuvre du Programme 2030, les progrès et les défis.  De plus, le Forum entendra les représentants des jeunes.  En bref, « nous avons une chance immanquable d’échanger entre nous et d’apprendre de chacun », a lancé la Présidente à la salle en invitant les participants à saisir cette occasion.

La Présidente de l’ECOSOC a rappelé que cette année, le Forum ne fera pas de déclaration ministérielle.  Il y aura une seule et unique déclaration, une déclaration politique, qui sera adoptée au Sommet sur le développement durable.  Pour Mme King, la contribution de ce Forum de juillet sera essentielle sur la voie du développement durable.  « Nous espérons que tous les pays et tous les acteurs annonceront des actions pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable. »

M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus), Vice-Président de l’ECOSOC, a présenté les principaux messages issus du débat consacré à l’intégration tenu hier par l’ECOSOC.  Les discussions, a-t-il dit, ont permis de mettre en avant l’interconnexion entre les différents objectifs de développement durable.  Le débat a aussi conduit à la constatation qu’aujourd’hui, le monde est bien différent de celui qu’il était en 2015 quand le Programme 2030 a été adopté.  Parmi les changements, il a cité le fait que de nombreux acteurs remettent en cause le multilatéralisme et relevé que les changements climatiques prennent de plus en plus d’importance, tandis que d’autres facteurs font obstacle à la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Forts de ces constats, les participants au débat d’hier ont recommandé de concevoir des politiques et programmes d’une manière encore plus participative qu’avant.  Il faudra également mettre l’accent sur des politiques luttant contre les inégalités et les discriminations, y compris notamment celles ciblant les femmes, ont-ils suggéré. 

Quatre ans après l’adoption des objectifs de développement durable, il a été souligné que de nombreuses politiques et lois ne prennent toujours pas en compte l’importance d’intégrer le Programme 2030.  Il est dès lors important d’adopter des politiques intégrées afin d’accélérer les progrès.  Il faudra, par exemple, tenir compte des nouvelles technologies pour créer des emplois, sans oublier de modifier les politiques fiscales et macroéconomiques tout en adoptant des budgets cohérents.  De même, une approche intégrée des objectifs de développement durable demande aussi de faire le lien entre les droits de l’homme, les questions de paix et de sécurité et les préoccupations de développement.  Autres questions importantes qui ont été maintes fois rappelées lors du débat d’hier: la mobilisation des ressources et la question des données probantes.  En conclusion, M. Rybakov a recommandé de redoubler d’efforts pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable, notamment en mettant à contribution tout le savoir et les compétences des organes subsidiaires de l’ECOCOC. 

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, qui parlait au nom du Secrétaire général de l’ONU, a souligné la « portée et la signification sans précédents » que revêt le Programme 2030, qui constitue un plan concret pour des politiques susceptibles d’améliorer la vie de centaines de millions de personnes dans le monde.  Depuis 2016, le Forum politique de haut niveau a contribué de manière vitale dans la mise en œuvre du Programme 2030 en aidant les pays à optimiser leurs actions et à suivre les progrès, a rappelé M. Liu tout en notant que le monde fait toujours face à des défis importants alors que le temps passe.  Les pays et les populations les plus vulnérables continuent de souffrir, y compris dans les pays en situation particulière, en conflit et en situation d’après conflit, a-t-il rappelé.  Jusqu’à présent, la réponse mondiale n’a pas été assez ambitieuse, a admis le haut fonctionnaire.  Même s’il y a pléthore d’actions lancées par les gouvernements et d’autres parties prenantes, les progrès dans de nombreux objectifs sont lents, a-t-il regretté.  Pour lui, l’ambition commune de réaliser le Programme 2030 dépend de la façon dont on gère l’évolution des risques et des défis ainsi que de la capacité à saisir les opportunités sociales, économiques et environnementales qui se présentent.  Autrement, nous ne pourrons pas remplir notre obligation de réaliser les objectifs de développement durable dans les délais impartis, a prévenu M. Liu.  Il est impératif d’agir maintenant avec un engagement renouvelé et un rythme d’action plus rapide, a-t-il encore exhorté.  Il a aussi encouragé les participants à venir à New York en septembre pour annoncer des nouvelles actions qui permettent de hâter la mise en œuvre des objectifs de développement durable. 

Pour le Secrétaire général adjoint, 2019 est une année décisive.  Pour la première fois depuis le lancement du Programme 2030 il y aura deux Forums politiques de haut niveau, l’un maintenant sous les auspices de l’ECOSOC et le deuxième sous les auspices de l’Assemblée générale, en septembre.  Le présent Forum est le dernier d’un cycle de quatre ans qui se déroule sous les auspices de l’ECOSOC et il va achever l’examen thématique de tous les objectifs de développement durable, a-t-il précisé.  Ce quatrième Forum a pour rôle de déterminer si et comment le cycle a respecté son rôle.  À cet égard, le Département des affaires économiques et sociales, a indiqué celui qui en est à la tête, conduit une enquête pour collecter les avis des États Membres sur la méthode de travail du Forum et des examens nationaux volontaires durant ces quatre dernières années.  Les résultats de l’enquête fourniront des contributions utiles à l’évaluation du Forum que les États Membres effectueront au cours de la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale.  Ce sera le moment pour les dirigeants mondiaux d’affirmer une nouvelle fois leur engagement commun à mettre en œuvre ce programme transformateur et universel, a dit M. Liu.  Dans le contexte actuel où l’on voit grandir les inégalités et la souffrance humaine, il est essentiel de démontrer au monde que nous sommes réellement attachés à l’esprit et à l’ambition du Programme 2030, a pressé M. Liu. 

DONNER DES MOYENS D’ACTION AUX POPULATIONS ET ASSURER L’INCLUSION ET L’ÉGALITÉ

Discours liminaires

Mme NAJAT MAALLA M’JID, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence à l’encontre des enfants, a fait remarquer que tous les objectifs de développement durable examinés au cours des quatre sessions du Forum politique sont pertinents par rapport aux enfants, car l’objectif du Programme 2030 est de « créer le monde que nous voulons » pour maintenant comme pour l’avenir.  Mais celui de cette année, a-t-elle relevé, est encore plus pertinent en ce qu’il va examiner des objectifs qui affectent directement la réalisation des droits des enfants, comme l’éducation.  La Sous-Secrétaire générale a aussi rappelé que 2019 marque le trentième anniversaire de la Convention sur les droits de l’enfant, avant de citer en particulier l’objectif 16.2 du Programme 2030 sur l’élimination de toutes les formes de violence contre les enfants.  Mme M’jid a toutefois regretté le manque de progrès constatés et notamment le fait que, chaque année, des millions d’enfants souffrent de la violence dans leur environnement, dans les écoles et les institutions censées leur apporter des soins, ainsi qu’en ligne et à la maison.  Le coût pour les économies, la société, les victimes et leurs familles est immense, a-t-elle souligné. 

Son Bureau, a-t-elle indiqué, lancera la semaine prochaine un rapport qui sera intitulé « Tenir les promesses – Mettre fin à la violence à l’encontre des enfants d’ici à 2030 ».  Ce rapport se base sur les contributions des parties prenantes de tous les groupes, a-t-elle précisé en expliquant qu’il met en évidence les changements positifs, les leçons apprises et les programmes exemplaires dans ce domaine.  Parmi les réussites, elle a énuméré les cadres juridiques et politiques plus solides, des données de meilleure qualité, des preuves de ce qui marche le mieux pour endiguer la violence, la meilleure cohérence et la bonne coordination des actions des parties prenantes en faveur du bien-être des enfants, les partenariats de plus en plus nombreux y compris avec les enfants-eux-mêmes, ou encore les changements d’attitude à tous les niveaux avec le rejet absolu de la violence.

Revenant aux problèmes à régler, Mme M’jid a rappelé, par exemple, qu’un enfant meurt toutes les 5 minutes à cause de la violence, que 300 millions d’enfants âgés de 2 à 4 ans sont victimes d’abus physique et psychologique et qu’un milliard d’enfants subissent chaque année une forme de violence, soit la moitié des enfants dans le monde.  Au titre des tendances inquiétantes qui mettent en danger les enfants, elle a parlé des changements climatiques, des conflits à long terme et des catastrophes humanitaires, des migrations, des discriminations et inégalités et de l’expansion du terrorisme.  « Si le coût de la violence à l’égard des enfants est si élevé et si l’on connaît les solutions à ce problème, pourquoi est-ce que cela continue? » a-t-elle demandé en appelant à réfléchir à ce qui peut être fait pour y mettre un terme.  Elle a indiqué que ces questions seront abordées lors d’un évènement parallèle, la semaine prochaine, organisé par son bureau. 

M. CHRIS SKINNER, auteur et commentateur du Royaume-Uni, a déploré le fait que de nombreuses personnes n’aient toujours pas accès aux services bancaires.  Il a toutefois salué la montée bienvenue du secteur de la Fintech, la finance associée aux nouvelles technologies, notamment les technologies numériques.  Ce nouveau secteur de la Fintech, a-t-il expliqué, ne mobilise pas moins de 110 milliards d’investissements chaque année à travers le monde.  Il a pris l’exemple de jeunes innovateurs qui ont lancé des innovations en mettant en pratique leur connaissance en matière de codage informatique. 

Dans cette alliance consacrée par la Fintech, M. Skinner a expliqué que le secteur des finances est « le père » et les technologies « l’enfant ».  « Il faut donc que le père s’occupe de son enfant. »  C’est dans cette perspective que la banque JP Morgan, par exemple, investit 11 milliards de dollars chaque année dans le cadre de la Fintech.  De ce fait, cette banque a réduit ses charges en diminuant le nombre de ses employés en faisant plus appel aux services de la technologie.  Ainsi, les banques sont passées de services physiques aux services numériques, a-t-il relevé.  Selon M. Skinner, ces applications laissent voir que l’on peut mobiliser la Fintech pour financer les objectifs de développement durable.

Mme YOLANDA JOAB MORI, Fondatrice et Directrice exécutive de Island PRIDE, et Ambassadrice de One Young World (Micronésie), a invité à voir, au-delà des clichés de cartes postales des îles du Pacifique, les histoires de résilience qui passent inaperçues.  Elle a parlé d’une femme insulaire de 91 ans qui a consacré sa vie aux tâches agricoles et familiales, subvenant ainsi aux besoins de plusieurs générations, mais qui se heurte maintenant aux effets des changements climatiques.  Mme Joab Mori, elle-même de Micronésie, s’est présentée comme une jeune qui travaille à l’adaptation de sa communauté face aux changements climatiques.  Elle a témoigné, à ce titre, que les décisions prises lors des réunions de haut niveau ne sont pas traduites en action sur le terrain.  En tant que jeune mère, elle a dit s’inquiéter pour les enfants du monde et a appelé à donner plus de place aux jeunes dans la mise en œuvre des objectifs.  Pour preuve de leur motivation, elle a rappelé que des milliers de jeunes étaient venus participer au Forum de la jeunesse de l’ECOSOC en avril dernier.  Mme Joab Mori a saisi cette occasion pour rappeler les messages clefs de ce forum, pour chaque objectif de développement durable. 

Avant de conclure, la jeune femme a appelé à l’action, car c’est de ça dont nous avons besoin maintenant, selon elle.  Les jeunes, a-t-elle dit, sont avides de voir le courage chez les dirigeants, de voir « un leadership qui a les tripes de passer à l’action », qui n’a pas peur de mettre les personnes et la planète au-dessus du profit.  Un leadership qui soit inclusif, qui place haut l’objectif d’égalité et qui autonomise tout le monde, « même une petite fille des îles comme moi ».  Avant le Sommet de septembre, elle a invité à se souvenir qu’il faut une évaluation des progrès qui reflète réellement ce qui se passe sur le terrain et qui apporte des solutions.  « Nous ne pouvons pas continuer de travailler en silos », a-t-elle prévenu en appelant à combler le fossé entre les gouvernements et les communautés.  Nous devons mobiliser les ressources pour consolider ce qui marche et ce qui bénéficie vraiment aux communautés, a-t-elle aussi recommandé.

Édition spéciale du rapport du Secrétaire général: point sur les objectifs de développement durable

S’exprimant avant le lancement des deux tables rondes de ce matin, M. ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a présenté le rapport (E/2019/68) du Secrétaire général sur les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs de développement durable (édition spéciale). 

Le rapport fait apparaître que des progrès ont été accomplis en quatre ans en ce qui concerne un certain nombre d’objectifs de développement durable et de cibles connexes, et que diverses mesures ont été prises par les pouvoirs publics et les parties prenantes afin de donner suite au Programme 2030 en général.  Toutefois, les progrès sont lents pour bien des objectifs, les populations et les pays les plus vulnérables souffrent le plus et l’action mondiale n’a pas été suffisamment ambitieuse jusqu’à présent.  En vue d’accélérer considérablement les progrès pour la prochaine décennie, le Secrétaire général recense un ensemble de domaines transversaux dans lesquels il faudra faire preuve d’initiative politique et mener sans plus tarder des interventions multipartites adaptées. 

Le rapport souligne d’abord les progrès tangibles et tendances favorables qui se dégagent clairement en ce qui concerne la concrétisation des objectifs de développement durable.  Ainsi, les taux d’extrême pauvreté et de mortalité juvénile continuent de chuter.  Des avancées sont notées pour certaines cibles touchant l’égalité des sexes, notamment pour ce qui est de la budgétisation tenant compte des questions de genre.  À l’échelle mondiale, la productivité du travail a augmenté et le chômage est revenu à ses niveaux d’avant la crise financière.  De plus, la part de la population urbaine vivant dans des taudis recule. 

Ces progrès illustrent l’action que de nombreux pays et leurs partenaires mènent inlassablement depuis 2015, selon le Secrétaire général.  De même, les examens nationaux volontaires apportent à l’ONU des éléments d’information supplémentaires.  Ces examens font aussi apparaître une mobilisation quasi générale et une forte appropriation nationale du Programme 2030.  Néanmoins, en dépit de ces tendances positives et de la diversité des mesures et initiatives que le Programme 2030 a inspirées jusqu’à présent, la rapidité et l’ampleur de l’évolution des modalités de développement sont encore insuffisantes pour que l’on puisse opérer la transformation nécessaire afin d’atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030. 

Certains faits sont très préoccupants.  Selon les prévisions, le taux d’extrême pauvreté devrait être de 6% en 2030, alors que l’objectif est d’avoir éliminé ce fléau à cette échéance; la faim progresse pour la troisième année consécutive; la biodiversité s’appauvrit à un rythme alarmant, avec environ un million d’espèces déjà menacées d’extinction, dont beaucoup à l’horizon de quelques décennies; les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter; le financement nécessaire pour le développement durable et d’autres moyens de mise en œuvre font encore défaut; les institutions ne sont pas assez solides ou efficaces pour faire face à ces énormes problèmes transfrontières qui sont liés les uns aux autres. 

En ce qui concerne le principe central du Programme 2030, qui consiste à ne pas faire de laissés-pour-compte, les progrès sont tangibles, mais lents.  Les groupes de population dont il est clairement établi qu’ils sont défavorisés demeurent largement exclus.  À l’échelle mondiale, les jeunes sont trois fois plus exposés au chômage que les adultes.  Les enfants sont surreprésentés parmi les plus pauvres et un enfant sur cinq vit dans l’extrême pauvreté.  Les disparités entre zones urbaines et zones rurales sont également manifestes dans des domaines comme l’éducation et les soins de santé.  Les personnes handicapées et celles qui vivent avec le VIH/sida sont toujours aux prises avec de multiples difficultés, qui les privent à la fois de perspectives de vie et de leurs droits fondamentaux.  Les inégalités de genre persistent aussi. 

Les femmes représentent moins de 40% des personnes employées et n’occupent qu’environ un quart des postes de direction dans le monde, tandis que l’écart de rémunération par rapport aux hommes s’établit à 12% (selon les données émanant d’un nombre limité de pays).  À peu près un cinquième des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire ces 12 derniers mois.  Le monde ne peut tout simplement pas atteindre les 17 objectifs de développement durable si l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles demeurent lettre morte, estime le Secrétaire général. 

En outre, le rapport souligne que l’attachement à la coopération multilatérale, si décisive pour l’application des grands accords mondiaux, est aujourd’hui remis en question.  Les conflits et l’instabilité se sont intensifiés dans de nombreuses parties du monde, causant d’indicibles souffrances humaines, compromettant la réalisation des objectifs de développement durable et annulant même des progrès qui avaient été obtenus.  Les pays en développement accueillent plus de 85% des 68,5 millions de personnes déplacées de force en 2017 et la pression pesant sur les dispositifs de prise en charge est énorme. 

Par ailleurs, les pertes économiques directes dues aux catastrophes ont augmenté de plus de 150% ces 20 dernières années, et ce sont les pays en développement vulnérables qui paient le plus lourd tribut.  Si l’on ne renforce pas nettement les efforts d’atténuation, le réchauffement de la planète se poursuivra à un rythme soutenu, amplifiant les problèmes posés par l’adaptation et faisant régner un sentiment de vulnérabilité et d’insécurité parmi de vastes groupes de population.  Ainsi, il est essentiel d’agir avec beaucoup plus d’urgence et d’ambition en ce qui concerne les objectifs de développement durable, conclut le rapport.  Cela vaut particulièrement pour ce qui se rapporte à la menace que les changements climatiques font peser sur la vie, sachant que la réalisation de tous les autres objectifs de développement durable sera menacée si l’on ne parvient pas à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. 

Il s’agit aussi de donner la priorité aux plus vulnérables pour veiller à ce que les pays progressent sans laisser personne de côté; de mobiliser un financement adéquat et de l’employer judicieusement; de renforcer les institutions et de les rendre plus efficaces et inclusives; de stimuler l’action locale en vue d’accélérer la mise en œuvre; de consolider les économies et d’accroître la résilience; d’améliorer la collecte, l’accessibilité et l’utilisation des données aux fins de la réalisation des objectifs de développement durable; de mettre à profit la science, la technologie et l’innovation en mettant davantage l’accent sur la transformation numérique au service du développement durable. 

Enfin, le rapport souligne que quel que soit le domaine considéré, l’action multilatérale est une nécessité.  En effet, ce n’est qu’en travaillant ensemble que les pays parviendront à trouver des remèdes contre la pauvreté, les inégalités et les changements climatiques, qui sont les plus grands défis de notre époque.  Le Secrétaire général estime donc que les pays doivent profiter du rassemblement mondial prévu en septembre pour faire preuve de l’ambition nécessaire concernant les changements climatiques, pour redynamiser et recentrer leur action en faveur des objectifs de développement durable et pour réaffirmer leur volonté de venir en aide aux personnes les plus défavorisées et aux plus vulnérables d’entre eux.

Tables rondes: Sommes-nous sur la bonne voie pour ne pas faire de laissés pour compte?

Ce premier débat du Forum politique de haut niveau de l’ECOSOC était guidé par une préoccupation majeure: Sommes-nous sur la bonne voie pour ne pas faire de laissés pour compte?  Les panélistes et participants ont réagi en deux temps, d’abord en répondant à la question « où en sommes-nous? », ensuite en identifiant ceux qui sont les plus à risque d’être « laissés sur le côté ».

Où en sommes-nous?

Pour le moment, on en est à plus de 230 indicateurs dont certains sont de niveau 2 ou 3, ce qui laisse croire que les progrès sont difficiles à mesurer ou carrément impossibles à vérifier, a expliqué M. JULIO SANTAELLA qui est Président de l’Institut national de statistique et de géographie du Mexique.  Malgré les engagements pris au niveau international, il a insisté sur la mobilisation des efforts au niveau national, notamment par des investissements dans les systèmes nationaux de statistique et en élaborant des indicateurs nationaux.

Mme MARTA ACOSTA, Contrôleuse générale du Costa Rica, a parlé des conclusions de l’étude portant sur 70 institutions supérieures de contrôle des finances publiques concernant les résultats et les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Elle a noté qu’il n’y a pas véritablement un souci d’alignement entre les plans nationaux de développement, les budgets nationaux et les objectifs de développement durable.  De même, de nombreux pays n’ont pas élaboré des indicateurs de mise en œuvre au niveau national, comme l’a relevé M. Santaella.  À sa suite, la Suède a suggéré une approche pluridimensionnelle de lutte contre la pauvreté, notamment en tenant compte des questions de gouvernance comme le suggère l’objectif de développement durable 16. 

En effet, a renchéri l’Organisation de la société civile pour l’Asie-Pacifique, il faut un programme de développement qui traite des injustices et mette en place une justice distributive.  La déléguée de cette organisation a dit sa déception face à des gouvernements de sa région qui négligent les objectifs de développement durable.  Devant ce manque de volonté politique, l’organisation a souligné que même si les économies qui connaissent la croissance la plus rapide se trouvent dans la région Asie-Pacifique, les retombées de cette croissance ne bénéficient qu’à une poignée de privilégiés. 

M. ROBIN OGILVY, Représentant spécial et Observateur permanent de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auprès de l’ONU, a fait mention également de disparités dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable entre les membres de son organisation.  Il a noté que « le financement est le principal goulot d’étranglement de la mise en œuvre », avant d’appeler à investir différemment, par exemple en renforçant l’assiette fiscale dans les pays en développement.  Il a d’ailleurs vanté les mérites de l’expérience d’Inspecteurs des impôts sans frontières du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Cette initiative, a-t-il noté, a permis de constater que pour chaque dollar investi dans le renforcement du système fiscal, les pays en développement ont un gain de 100 dollars. 

M. THOMAS BROOKS, Scientifique en chef de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a souligné que la plupart des indicateurs en rapport avec les ressources naturelles sont au rouge, notamment si l’on s’en tient à la « liste rouge » des espèces en danger de l’UICN.  Il a aussi déploré le fait qu’il est désormais clair que les politiques environnementales actuellement en vigueur ne suffiront pas pour atteindre les objectifs du Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique adopté en 2010 par les Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB).  Sa recommandation a été de prendre en compte les cibles environnementales dans la planification économique. 

Une représentante du grand groupe des femmes et des filles, venue d’Ouganda a dépeint une réalité dans sa région faite de disparités et discriminations à l’endroit des femmes.  Les taux de mortalité maternelle et d’autres indicateurs y sont en effet déplorables, a-t-elle décrié.

Alors que l’Union européenne a promis de s’investir davantage pour améliorer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, le représentant de la République islamique d’Iran a expliqué qu’il est difficile pour son pays de faire pareil, puisque les sanctions unilatérales qui lui sont imposées sapent son essor économique et partant, la réalisation des objectifs de développement durable.

La représentante de la Turquie a rappelé que son pays accueille la Banque des technologies pour les pays les moins avancés, soulignant ainsi l’importance de la question technologique pour éradiquer la pauvreté.  Il faut aussi tenir compte de l’apport des volontaires à travers le monde entier, a rappelé la représentante de l’Alliance des groupes de volontaires.  Elle a rappelé que les bénévoles agissent dans des zones les plus reculées du monde et réclamé que les États facilitent leurs efforts sur le terrain. 

L’animatrice de ces échanges, Mme MINH-THU PHAM, Directrice exécutive pour les politiques à la Fondation des Nations Unies (FNU), a rappelé à l’assistance qu’il est également possible de prendre part à cette édition du Forum politique de manière virtuelle.  En effet, l’application « Slido » permet au public de faire part de leurs priorités en cliquant sur des thématiques qui sont proposées en ligne.

Quels sont ceux qui risquent d’être laissés sur le côté?

Pour la seconde partie des échanges, l’animateur, M. NIKHIL SETH, Directeur exécutif de l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), a interrogé les participants pour savoir quelles sont les populations les plus à risque d’être laissées pour compte dans le contexte de la mise en œuvre des objectifs de développement durable.

« Les sociétés les plus inégales sont celles axées sur le présent et moins sur le développement durable », a répondu M. LUCAS CHANCEL, professeur et codirecteur du World Inequality Lab et de la base de données sur les inégalités mondiales à l’École d’économie de Paris, en France, et coordinateur du Rapport mondial de 2018 sur les inégalités.  Il a aussi expliqué que les 1% des plus riches bénéficient de plus de 30% de la croissance mondiale.  Avec ces tendances, « le monde est mal parti pour réduire significativement les inégalités d’ici à 2030 », a—t-il craint. 

Pour y remédier, M. Chancel a demandé d’examiner comment les impôts sont utilisés dans les pays.  Il a fait observer une tendance actuelle: les riches voient diminuer leur taux d’imposition, ce qui conduit à une forme d’injustice fiscale.  Selon lui, s’attaquer aux inégalités extrêmes est possible, mais cela ne dépend que de la volonté politique. 

Mme ALICIA BÂRCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et coordinatrice des commissions régionales, a relevé que la zone d’Asie-Pacifique et la région d’Afrique seront des laissés pour compte car ces régions ne semblent pas pouvoir réaliser les objectifs de développement durable.  Il faut 638 milliards de dollars par an d’investissement en Afrique pour faire des progrès, a-t-elle notamment relevé.  En Amérique latine et dans les Caraïbes, certains objectifs sont en voie d’être atteints, malgré le poids du problème prépondérant des inégalités.  Dans la zone Europe, les inégalités entre les sexes restent une préoccupation, mais les autres objectifs de développement durable devraient être réalisés.  Dans la région arabe, les déplacements de population du fait des conflits sont une grave préoccupation, a-t-elle encore confié. 

Le délégué d’Haïti a tenu à souligner que les indicateurs peu reluisants de son pays trouvent également des explications dans l’extrême vulnérabilité d’Haïti aux phénomènes extrêmes comme les ouragans.  Mme Bárcena de la CEPALC a souscrit à cet avis en précisant que ces phénomènes naturels coûtent globalement 1 milliard de dollars par an aux pays de la région Amérique latine et Caraïbes.

La « bonne nouvelle », selon M. JARKKO TURUNEN, Chef de mission pour le Cambodge au Département Asie et Pacifique du Fonds monétaire international (FMI), c’est que grâce à une croissance soutenue, on a constaté des progrès dans la réduction de la pauvreté dans cette région.  On prévoit même l’élimination à terme de la pauvreté dans les pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN).  Néanmoins, ces pays devraient renforcer leurs capacités fiscales tout en diversifiant leurs partenariats internationaux en vue du développement durable. 

M. STEPHEN CHACHA, cofondateur du Tanzania Data Lab et de Africa Philanthropic Foundation, a appelé pour sa part à investir davantage dans des secteurs à fort potentiel d’emplois comme l’agriculture.  Il faut aussi des investissements adaptés dans l’éducation et la santé en Afrique et s’appuyer sur le dividende démographique, a-t-il prescrit.  De même, étant donné qu’il faut mobiliser 638 milliards de dollars par an pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable, il a suggéré que les institutions fiscales du continent accentuent la lutte contre les flux financiers illicites qui partent du continent. 

Mme SARAH CHARLES, Directrice principale pour la politique humanitaire et le plaidoyer au Comité international de secours, a mentionné l’augmentation du nombre de réfugiés et de déplacés, d’autres laissés pour compte qui ne sont même pas mentionnés dans les examens nationaux volontaires présentés au Forum politique.  Pour pallier cette situation, elle a proposé que le texte de la déclaration qui conclura les travaux du Forum souligne clairement que ces deux classes sont des laissés pour compte.  De même, elle a plaidé pour qu’elles soient pleinement intégrées dans les plans nationaux de développement. 

Parmi les catégories qu’il faut mieux intégrer, il y a celle des femmes, car celles-ci sont plus vulnérables dans le monde du travail notamment, a rappelé la Finlande.  Les femmes sont par exemple plus susceptibles d’être victimes d’abus sexuels et touchent environ 70% du salaire des hommes à même niveau de compétence.  Le grand groupe des syndicats et des travailleurs a embrayé en demandant de combler les lacunes en matière de travail décent. 

Autre groupe de la société qui mérite des progrès, celui des personnes handicapées.  M. GEORGE KHOURY, Vice-Président de l’Association nationale pour les droits des personnes handicapées au Liban, a en effet déploré que ces personnes ne soient pas pleinement prises en compte dans les politiques nationales.  De même, les lacunes persistent dans l’éducation d’enfants handicapés qui ne bénéficient pas de programmes spécialisés.  M. Khoury a donc demandé une collecte de données, avec une ventilation par catégorie de handicap. 

Les peuples autochtones vivent une situation similaire, puisqu’ils sont « sacrifiés le plus souvent sur l’autel des intérêts économiques », a enchaîné la déléguée du grand groupe des peuples autochtones.  Alors que les autochtones représentent 7% de la population mondiale, ils représentent 15% des pauvres de la planète, a-t-elle noté.  Elle a aussi plaidé pour une protection spécifique des femmes autochtones. 

Le grand groupe des enfants et des jeunes a déploré l’injustice générationnelle marquée par les inégalités entre les jeunes et les personnes plus âgées.  En effet, les premiers sont les plus exposés aux inégalités.  Pour que cette question soit mieux prise en compte, la représentante a plaidé pour que le Forum politique organise davantage de séances consacrées aux questions relatives aux jeunes et aux enfants.

Parmi les facteurs de vulnérabilité, le Nigéria a mentionné les inégalités entre pays qui sont la conséquence de facteurs historiques.  Justement, la représentante des personnes d’ascendance africaine a évoqué le « racisme institutionnel » qui a un effet boule de neige résultant dans la mise à l’écart de personnes africaines ou d’ascendance africaine dans la prise de décisions, y compris sur des questions relatives aux objectifs de développement durable.  Elle a appelé à des données ventilées par race afin de faire voir les réalités cachées des inégalités et des discriminations raciales. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité tient un débat sur le lien, contesté par certains, entre terrorisme et criminalité transnationale organisée

8569e séance – matin
CS/13875

Le Conseil de sécurité tient un débat sur le lien, contesté par certains, entre terrorisme et criminalité transnationale organisée

De nombreux États Membres ont tiré aujourd’hui la sonnette d’alarme, lors du débat public au Conseil de sécurité tenu sur le lien de plus en plus complexe entre terrorisme et criminalité transnationale organisée.  L’Indonésie a dit craindre l’avènement d’une nouvelle génération de « terroristes trafiquants » alors qu’une minorité d’États, dont l’Allemagne, estimait que le lien n’est pas systématique et rejetait les solutions globales fondées sur des « généralisations » hâtives.

Les criminels et les terroristes ont ceci en commun qu’ils « opèrent dans l’ombre » et « exploitent les lacunes » des systèmes juridiques nationaux et régionaux, a déclaré, à l’entame du débat, M. Yuri Fedotov, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  Les groupes criminels recourent de plus en plus aux tactiques terroristes, alors que les terroristes tirent une portion croissante de leurs revenus des activités criminelles qu’il s’agisse de la traite des personnes et des migrants, de l’exploitation sexuelle, du recrutement d’enfants, du travail forcé, des enlèvements contre rançon ou encore du trafic illégal de pétrole, d’or, de drogue et de biens culturels.

Depuis 2001 et l’adoption de sa résolution 1373, le Conseil de sécurité reconnaît l’interdépendance entre terrorisme international et criminalité transnationale organisée, un lien qui avait déjà été consacré l’année précédente à Madrid, lors de l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Le phénomène semble toutefois s’être accéléré, une tendance que Michèle Coninsx, Directrice exécutive du Comité contre le terrorisme, a attribué aux pertes territoriales récemment infligées à Daech.  Ces défaites auraient intensifié les efforts du groupe pour accéder à des fonds grâce à des activités criminelles.  L’acquisition par les cellules terroristes des compétences criminelles est devenue la norme, a confirmé Mme Tamara Makarenko, consultante à l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI), qui a mis en garde contre le fait que les prisons sont devenues de véritables « incubateurs » du lien entre terrorisme et criminalité organisée. 

De plus en plus de « groupes hybrides » qui vivent de la criminalité, en utilisant les tactiques terroristes, font leur apparition, a-t-elle constaté.  Nous sommes confrontés à une nouvelle génération de « terroristes trafiquants », a résumé l’Indonésie.  Plusieurs pays, dont le Japon et la Chine, ont appelé à une pleine mise en œuvre de la Convention contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles.  Outre ces accords, une « large démarche de prévention » pour renforcer les capacités nationales de police, d’enquête et juridiques semble nécessaire afin de mettre un terme au blanchiment d’argent et aux flux financiers illicites, a estimé le Royaume-Uni. 

Les États devraient aussi renforcer l’échange d’informations et de renseignements, notamment via les institutions régionales et internationales de police, telles qu’INTERPOL, EUROJUST et EUROPOL, a ajouté la Pologne.  La communauté internationale doit en outre remédier à la radicalisation des prisonniers par les groupes terroristes, ont estimé les pays nordiques.  Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a énuméré cinq mesures en ce sens, en insistant sur les droits et la dignité des détenus.  Plusieurs pays ont appelé l’ONU à affirmer son rôle dans cette réflexion.  Les efforts doivent être coordonnés grâce à une collaboration avec d’autres instances telles que le Groupe d’action financière, a ajouté l’Inde, qui a appelé, avec d’autres, le secteur privé à appuyer davantage les gouvernements dans leur lutte contre les flux transfrontaliers illicites. 

Le moment est venu de renoncer à la distinction entre les mesures traditionnelles utilisées pour combattre les terroristes et les criminels, a préconisé le Nigéria, en encourageant « un seul concept global ».  La plupart de leurs interactions, ont tempéré les États-Unis, sont opportunistes et définies par des relations de complaisance.  En Europe, par exemple, les activités terroristes ne sont pas caractérisées par une forte implication de la criminalité organisée, a confirmé l’Allemagne, mettant en garde contre les approches trop généralisatrices. 

De quoi parlons-nous exactement? ont demandé les Pays-Bas.  S’agit-il des environnements où les terroristes et les criminels se rencontrent, de leurs stratégies de recrutement ou du lien avec la traite des personnes?  « Nous n’en savons tout simplement pas assez », ont-ils tranché.  Il faut éviter l’amalgame entre terrorisme et criminalité transnationale organisée, a renchéri le Mexique, les deux phénomènes étant régis par des cadres juridiques et arsenaux institutionnels distincts. 

Nous devons en effet mener davantage de recherches, ont jugé les Pays-Bas, en reconnaissant tout de même que c’est au niveau local que le lien se manifestait le plus clairement.  C’est ce que l’Italie a dit avoir constaté, elle qui, dans les années 70, a été frappée par une vague terroriste durant laquelle les enquêteurs ont démontré la preuve d’une coopération « rare et opportuniste » entre terroristes et mafiosi.  Durant l’afflux de combattants terroristes étrangers vers les foyers de tension en Iraq et en Syrie, a renchéri le Maroc, les deux réseaux se sont rapprochés davantage pour faciliter le voyage des combattants, avec l’aide des trafiquants et des passeurs. 

Dépassant les controverses, le Liechtenstein a détaillé son initiative, lancée en coopération avec l’Australie et les Pays-Bas, sur la création d’une commission du secteur financier contre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains dont le produit final sera présenté le 27 septembre prochain à New York.

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES (S/2019/537)

Les liens entre le terrorisme international et le crime organisé

Déclarations liminaires

M. YURY FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a déclaré que les criminels et les terroristes ont ceci en commun qu’ils « opèrent dans l’ombre » et « exploitent les lacunes » des systèmes juridiques nationaux, voire d’une région à l’autre.  Les tactiques terroristes peuvent être employées par les groupes criminels et les groupes terroristes peuvent aussi tirer des revenus d’activités criminelles, y compris la traite des personnes, l’exploitation sexuelle, le recrutement des enfants et le travail forcé, a reconnu M. Fedotov, qui s’exprimait par visioconférence.  Daech a notamment profité du trafic illégal de pétrole et de biens culturels mais aussi des enlèvements contre rançons, a-t-il ajouté, soulignant qu’au Sahel et au Sahara, notamment, les trafiquants sont sous le contrôle des groupes terroristes.  Nous avons aussi vu des cas de piraterie et de criminalité prospérer en haute mer, échappant au contrôle des États Membres, a encore dit M. Fedotov, sans oublier de dénoncer l’aggravation de la cybercriminalité.

Pour lutter contre ces phénomènes, M. Fedotov a prôné la mise en œuvre des traités existants, dont en premier lieu la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, signée en décembre 2000 à Palerme.  Il faut aussi encourager les forces de l’ordre et les gardes-côtes à coopérer dans les zones transfrontalières et augmenter les investissements dans les mécanismes internationaux de partage d’informations et de renseignements, a-t-il estimé.

Les Nations Unies ont un rôle important à jouer dans ces différentes tâches, a poursuivi M. Fedotov, mentionnant l’action des réseaux placés sous l’égide de l’ONUDC, qui concourent à la coopération entre les États Membres et les institutions universitaires.  L’ONUDC contribue également à protéger les voies maritimes les plus empruntées par les terroristes et les criminels, grâce à son programme de lutte contre la criminalité maritime à l’échelle mondiale. 

Enfin, M. Fedotov a plaidé pour que l’on intègre la lutte contre le terrorisme dans tous les piliers des Nations Unies.  Il a précisé que l’ONUDC travaille à cette fin en étroite collaboration avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et d’autres organismes.

La lutte contre la traite des personnes, les flux financiers illicites, la corruption, la cybercriminalité, le trafic des armes légères et de petit calibre est essentielle pour défaire le lien entre criminalité organisée et terrorisme, a estimé M. Fedotov, appelant la communauté internationale à œuvrer de concert pour combler les lacunes du droit international et de la justice pénale.

Mme MICHÈLE CONINSX, Directrice exécutive du Comité contre le terrorisme, a cité plusieurs réunions organisées sur cette question par le Conseil de sécurité qui a continué à exploiter les dispositions relatives au financement du terrorisme de la résolution 1373 (2001), en adoptant les résolutions 2195 (2014) et 2462 (2019). 

Les pertes territoriales infligées à l’EIIL ont certainement contribué aux efforts de ce groupe pour accéder à des fonds grâce à un large éventail d’activités criminelles, y compris le trafic de drogue et d’armes, les enlèvements et les extorsions.  D’autres groupes comme Al-Qaida et ses associés ont aussi recherché des canaux financiers similaires. 

Au cours de l’année écoulée, a assuré Mme Coninsx, le Comité a activement contribué à plusieurs conférences internationales, ateliers et réunions d’experts sur ces liens.  Elle a salué la coopération de son Comité avec l’ONUDC et l’UNICRI qui a été essentielle pour l’aide au renforcement des capacités, l’élaboration des rapports et le développement des instruments de mise en œuvre.  Dans ses efforts, le Comité s’est familiarisé avec le travail universitaire et la recherche. 

Il continue d’ailleurs à aider les autorités nationales à mieux comprendre les liens entre terrorisme et criminalité organisée et à analyser les cas identifiés.  La Directrice exécutive a néanmoins relevé une déconnexion notable entre le niveau de préoccupation des décideurs politiques, la mise en œuvre des cadres juridiques contre le terrorisme et la criminalité organisée et le nombre des enquêtes et des poursuites contre les groupes criminels et terroristes. 

Mme Coninsx a insisté sur la nécessité d’intensifier et d’accélérer l’échange de renseignements financiers, arguant que le rôle des unités chargées de collecter ces renseignements doit être renforcé.  Elle a aussi fait observer que la compréhension qu’ont les services de renseignement des activités criminelles et terroristes n’est pas toujours reflétée dans les enquêtes et les poursuites judiciaires.  En effet, les agences chargées du contre-terrorisme et de la lutte contre la criminalité organisée ont trop souvent tendance à travailler en silos.  Il faut donc lever les obstacles interinstitutionnels au partage d’informations, notamment entre les autorités nationales et locales. 

Les États doivent également évaluer les risques du financement du terrorisme, pour se ménager la possibilité de détecter et de réagir aux interactions actives ou passives entres les groupes terroristes et criminels.  En la matière, la participation du secteur privé et de la société civile peut considérablement faciliter l’élaboration des politiques.  La Directrice exécutive a enfin souligné, à son tour, que les liens entre terrorisme et criminalité organisée peuvent se nouer dans le milieu carcéral, augmentant ainsi les risques de radicalisation ou d’interactions qui ouvrent l’accès des terroristes aux réseaux criminels.  Les États doivent donc améliorer la faculté du personnel pénitentiaire à détecter et à défaire ces liens. 

Mme TAMARA MAKARENKO, consultante à l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI), a estimé nécessaire de mieux comprendre les liens entre le terrorisme et la criminalité organisée grâce à une approche holistique.  Au niveau le plus fondamental, le lien entre les criminels et les terroristes se voit dans les transactions et les tactiques, et ce lien se resserre lorsque les terroristes et les criminels occupent « un même espace au même moment ». 

Dans l’histoire, a-t-elle rappelé, on a vu plusieurs cas d’alliances entre criminels et terroristes, mais à l’heure actuelle, la pratique la plus courante, c’est l’acquisition par les cellules terroristes de compétences criminelles.  Le « département de la logistique » de Daech a ainsi vu très tôt le parti que le groupe terroriste pouvait tirer de la contrebande et de la vente illicite de marchandises.  Quant aux cellules terroristes de taille plus réduite, elles s’attachent désormais à recruter des criminels dans les prisons, qui sont devenues de véritables « incubateurs » du lien entre terrorisme et criminalité organisée et un lieu privilégié « d’échange des connaissances ».

On voit aussi apparaître de plus en plus, a poursuivi Mme Makarenko, des structures « très sophistiquées » et des « groupes hybrides », qui vivent de la criminalité et utilisent les tactiques terroristes.  Si nous n’agissons pas, a-t-elle mis en garde, ce lien de plus en plus fort risque d’entraver notre capacité à lutter contre le terrorisme et d’aggraver notre vulnérabilité vis-à-vis des groupes criminels.  Même la petite criminalité ne relève plus seulement du maintien de l’ordre, a-t-elle aussi prévenu. 

Débat

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a rappelé que le Conseil a reconnu et constaté le lien entre les groupes terroristes et la criminalité nationale et transnationale organisée comme menace à la paix et à la sécurité internationales.  Le lien entre ces « deux grands maux » implique un coût humain élevé, une déstabilisation politique et le ralentissement des progrès socioéconomiques, a déclaré le Président du Conseil, ajoutant qu’il est impératif de s’attaquer et de prévenir les conséquences de ce lien. 

La prévention, a-t-il souligné, joue un rôle majeur.  M. Meza-Cuadra a prôné le renforcement des alliances entre les secteurs public et privé, de la coopération internationale et des relations entre les organisations régionales et sous-régionales dont il a reconnu la « grande valeur » s’agissant de l’appui technique et logistique.  Les États, a-t-il insisté, doivent lutter avec plus d’ardeur contre le blanchiment d’argent et la corruption, en donnant tous les moyens nécessaires à la justice et aux services de renseignements financiers qu’ils soient nationaux ou régionaux. 

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a mis l’accent sur l’importance d’empêcher les organisations terroristes de tirer profit d’activités de criminalité transnationale organisée, de se donner les moyens de sécuriser les frontières, d’enquêter sur les terroristes et de les traduire en justice.  L’exacerbation concomitante de ces deux phénomènes, notamment en Afrique de l’Ouest, montre que ceux-ci peuvent s’alimenter mutuellement pour constituer une menace grave à la paix et à la sécurité internationales, a souligné le représentant.  Il a cité à titre d’exemple les ressources tirées du trafic de drogue et de la traite des êtres humains, du commerce illicite d’armes, des médicaments frauduleux et de l’exploitation illégale des ressources naturelles qui sont tous des sources de financement pour les réseaux terroristes.

Dans un contexte marqué par les difficultés de certains États à assurer leurs fonctions régaliennes sur toute l’étendue de leurs territoires, les réseaux criminels transfrontaliers et les groupes terroristes profitent de cet environnement sécuritaire permissif pour développer diverses interactions.  Le représentant a invité les États et les organisations régionales à prendre les mesures appropriées, en vue de mettre un terme à l’expansion et à l’hybridation progressive des activités des groupes terroristes et des réseaux criminels. 

Cela suppose d’investir davantage dans l’outil sécuritaire, a-t-il expliqué, afin de générer des capacités humaines et logistiques nationales de contrôle des frontières terrestres, maritimes et aériennes.  De plus, au niveau national, il faut veiller à la complémentarité et à la coordination entre les institutions chargées de la sécurité, du renseignement, de la justice et des finances, en vue d’optimiser les actions, sans oublier une mise en adéquation des législations nationales avec les normes et instruments juridiques internationaux de lutte contre le terrorisme et ses sources de financement.

M. Adom a également fait remarquer que ces stratégies nationales de contrôle des frontières doivent nécessairement s’inscrire dans des dispositifs sécuritaires et juridiques mis en place dans le cadre de la coopération sous-régionale et régionale.  Avant de conclure, le représentant a appelé les Nations Unies à poursuivre leur appui aux États et organisations de l’Afrique de l’Ouest, afin de renforcer leurs capacités de lutte, notamment dans le domaine du renseignement et de la coopération sécuritaire et judiciaire, car « ces deux fléaux y gagnent du terrain » nonobstant les efforts de lutte engagés aux niveaux national, sous-régional et régional.  À cet égard, le plan de lutte contre le terrorisme et les actes criminels de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Mécanisme de renforcement de la coopération en matière de sécurité et le Processus de Nouakchott méritent d’être soutenus, a estimé M. Adom.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé la pertinence de la résolution 1373 (2001) adoptée par le Conseil, qui demande aux États de renforcer la coordination des efforts nationaux, sous-régionaux, régionaux et internationaux afin de renforcer l’action mondiale contre l’interdépendance entre le terrorisme international et la criminalité transnationale organisée.

Ces deux phénomènes, a-t-il alerté, sont en constante évolution et dans ce cadre, il est préoccupant de voir la radicalisation accrue des groupes criminels, qui rejoignent ensuite des groupes terroristes.  Cette tendance souligne l’importance de renforcer la lutte contre l’idéologie terroriste, a estimé le représentant qui a par ailleurs appelé les États à renforcer leur coopération pour couper les cordons de la bourse des terroristes et appliquer le principe en vertu duquel « tout suspect doit être soit déféré, soit jugé ». 

L’intensité des activités terroristes dépend uniquement de la capacité de financement, comme en témoigne l’exemple de Daech, a insisté le représentant.  Nous viendrions bien plus rapidement à bout des terroristes en Syrie s’ils ne recevaient pas en permanence des ressources financières et militaires de l’extérieur, a argué le représentant.  La traite des personnes et le trafic de drogue dont tirent parti ces groupes sont également un grave défi contre lequel la communauté internationale doit redoubler d’efforts, a ajouté le délégué russe.

M. MA ZHAOXU (Chine) a aussi reconnu qu’à l’heure actuelle, terrorisme et criminalité organisée vont main dans la main, menaçant gravement la paix et la sécurité internationales.  Il a recommandé une intensification de la coopération à tous les niveaux, sans pour autant oublier la responsabilité « première » des États eux-mêmes et le rôle de coordination des Nations Unies.  Tout effort doit être déployé, a insisté le représentant, dans le strict respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales des pays et dans une approche holistique s’attaquant aussi aux causes sous-jacentes du terrorisme et de la criminalité.  La faiblesse d’un seul pays peut démolir tout l’édifice, a averti le représentant qui a appelé à une bonne mise en œuvre de la Convention contre la criminalité transnationale organisée et au renforcement des capacités des services de douanes, de contrôle des frontières et de justice pénale.  En toute chose, il faut respecter le droit international et les textes fondamentaux de l’ONU. 

La Chine, a affirmé le représentant, est elle-même confrontée à des menaces terroristes constantes.  Elle a donc arrêté des mesures de prévention contre les activités terrorismes et criminelles, tout en protégeant les droits et les libertés fondamentales de toutes ses ethnies.  La Chine, qui s’est dotée des mesures législatives et judiciaires conformes à la Convention, poursuivra ses efforts pour appuyer le renforcement des capacités des pays en développement, a assuré le représentant.   

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a voulu que l’on s’attaque au lien entre terrorisme international et criminalité organisée grâce à des mesures de prévention plus efficaces, y compris des partenariats public-privé et le renforcement de la coopération entre États.  Étant donné que les groupes terroristes se livrent à des activités criminelles pour se financer, les États Membres doivent pénaliser plus sévèrement le blanchiment d’argent à l’échelle nationale et régionale.  Ils doivent défaire avec force le lien entre terrorisme et trafic de drogue, a estimé le représentant, insistant sur l’importance de la coopération entre les États, l’ONUDC et l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) pour un meilleur partage d’informations clefs.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a constaté que la ligne de démarcation entre le terrorisme et le crime organisé peut être très floue.  Les organisations criminelles adoptent en effet des formules terroristes pour arriver à leurs fins et vice versa.  En conséquence, les États doivent adapter leurs mesures aux contextes régionaux.  Le représentant a rappelé que les actes terroristes commis en Belgique ont montré que leurs auteurs avaient été rapidement radicalisés et sciemment visés par Daech.  Cette radicalisation s’est faite au sein même des prisons belges, d’où les efforts actuels des autorités en milieu carcéral.  La Belgique, a affirmé le représentant, condamne fermement le trafic et la vente d’armes aux groupes illégaux.  Le respect du droit international humanitaire et des principes fondamentaux des Conventions de Genève doit prévaloir partout et en toutes circonstances.  Le représentant a aussi mis l’accent sur le rôle indispensable de l’ONUDC. 

En Europe, les activités terroristes ne sont pas caractérisées par une forte implication de la criminalité organisée, a affirmé Mme KERSTIN PUERSCHEL (Allemagne).  À l’inverse, Daech a démontré l’existence d’un lien très fort entre les deux phénomènes.  Il faut donc, a dit la représentante, ne pas perdre de vue les spécificités de chaque cas et de chaque région dans la lutte contre le lien entre terroristes et criminels.  « Nous ne devons pas généraliser. »  La représentante a mis l’accent sur la coopération entre Interpol, l’Office européen de police (EUROPOL) et les forces de l’ordre nationales.  Elle a toutefois appelé à actionner cette coopération au cas par cas.  Dans certaines situations, l’action de la police nationale suffit et dans d’autres, elle doit coopérer avec la police d’un autre pays.  « Une fois encore, nous ne devons pas généraliser. »

La représentante a en revanche prôné une coopération accrue au sein de l’ONU, laquelle devrait être centrée sur les femmes et les enfants, principales victimes du lien entre groupes terroristes et criminels.  Elle a également encouragé le Conseil de sécurité à recourir davantage aux sanctions ciblées mais dans le respect des droits de l’homme et des règles internationales en vigueur.  Le respect de l’état de droit dans la lutte contre le terrorisme est essentiel pour démasquer « les mensonges » des terroristes et montrer aux personnes susceptibles de se laisser tenter par leur rhétorique que « nous sommes justes, équitables mais résolus » dans cette lutte, a conclu la représentante.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a remarqué que même si leurs motifs sont souvent différents, les groupes terroristes et les réseaux criminels recrutent beaucoup dans les mêmes groupes de personnes, utilisent souvent les mêmes méthodes opérationnelles et tirent profit d’activités similaires.  Lorsque les terroristes profitent du crime organisé, c’est une grave menace à la paix et à la sécurité mondiales, mais aussi à la stabilité, la bonne gouvernance et au développement économique et social, a averti la représentante.  C’est pourquoi il faut une approche globale et une coopération renforcée entre toutes les parties concernées et à tous les niveaux. 

À ce titre, elle a proposé un certain nombre de mesures dont le développement et la standardisation des capacités de recherche et d’analyse des données des organismes pertinents, y compris l’ONUDC et de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme.  De même, il faut renforcer les échanges d’informations entre les communautés locales, les ONG, le secteur privé et les gouvernements et, sur le plan régional, entre les cadres régionaux comme EUROJUST, Europol et Interpol.  Tous les États Membres devraient renforcer l’échange d’informations et de renseignements.

La représentante a également plaidé en faveur de la coopération interinstitutionnelle, la formation du personnel concerné et le développement des outils nécessaires pour identifier, éviter et défaire les liens entre terrorisme et crime organisé.  Les juges et le système judiciaire, ainsi que les personnels de police, des prisons, des services de renseignements, des cellules de renseignement financier et du contrôle des frontières sont directement concernés par ces efforts.  De même, les États doivent intensifier leur coopération avec les institutions pertinentes de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée comme la Direction exécutive, le Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies et l’ONUDC.  Pour s’attaquer aux causes profondes de ces deux phénomènes, les communautés locales doivent devenir des partenaires de premier plan, a conclu la représentante. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a constaté qu’il existe aujourd’hui indéniablement des chevauchements entre les groupes terroristes et les criminels transnationaux.  Ainsi, les attentats de Paris, en novembre 2015, et de Bruxelles, en mars 2016, ont démontré ce lien qui peut même aller à des phénomènes d’hybridation, des groupes comme Al-Qaida et Daech utilisant fréquemment les communautés locales mais aussi le « dark net ».  Le représentant a salué la publication en septembre 2018 de l’Atlas mondial sur la criminalité qui montre la collusion entre les différents groupes.  Il a en outre expliqué que dans le cadre de sa présidence du G7, la France avait favorisé une initiative multipartite contre les trafics au Sahel, initiative visant à fournir aux pays de la région sahélienne les outils dont ils ont besoin.  Le soutien des organisations sous-régionales et régionales, comme le G5 Sahel et l’Union européenne, peut constituer une plateforme solide de lutte, a estimé le représentant.  La France continuera de soutenir toutes les initiatives, en particulier le projet de résolution proposé par la présidence péruvienne, a-t-il assuré. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé que les groupes terroristes finançaient leurs activités via la criminalité organisée, y compris la traite des personnes, les trafics de drogue, d’armes légères et de petit calibre, de biens culturels et de migrants, et les enlèvements contre rançon.  Les groupes terroristes peuvent également entraver les efforts de règlement des conflits et tirer parti de ces derniers pour prospérer.  Face à ces phénomènes, le représentant a appelé à accroitre la coopération internationale pour lutter contre la corruption, le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites.  Il a invité les pays qui ne l’ont pas fait à adhérer à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et à ses Protocoles additionnels.  Il convient également de renforcer les législations nationales et régionales pour faciliter la collecte et l’échange de renseignements, a-t-il estimé, soulignant que le secteur privé a aussi un rôle important à jouer dans la coopération avec le secteur public, pour empêcher les terroristes de se financer au moyen d’activités criminelles.  Au niveau international, le représentant a appelé les États Membres à renforcer leur coopération avec l’ONUDC, la Direction exécutive et Interpol.  Ces agences doivent en retour renforcer la capacité des États Membres à défaire le lien entre terrorisme et criminalité, a-t-il estimé.

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a apporté son appui à l’appel du Pérou pour une étude approfondie et actualisée de la criminalité transnationale organisée et du terrorisme international.  Cette étude pourrait offrir aux États Membres une fondation solide pour affiner leurs réponses à ces défis compliqués, grâce à une compréhension commune de la menace.  Cette étude donnera aussi une image complète des lacunes actuelles, y compris dans la collecte des données.  M. Mabhongo a observé que pour améliorer la compréhension, il faut aller auprès des communautés locales et dans les zones touchées dont la perspective de la criminalité et du terrorisme est « absolument inestimable ».  Il est tout aussi important que les programmes de lutte contre le terrorisme et de déradicalisation s’inspirent du point de vue des communautés, y compris religieuses, et des populations les plus concernées.  Ces suggestions sont fondées sur des principes fondamentaux dont la nécessité de s’attaquer aux conditions socioéconomiques qui font le terreau du terrorisme et du crime organisé, d’améliorer la coordination des efforts internationaux contre le terrorisme et de renforcer le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a insisté sur la résolution 2462 (2019) axée sur le renforcement de la prévention et de la lutte contre le financement du terrorisme, une initiative de la France pour faire en sorte que la réponse des Nations Unies, des organisations régionales, sous-régionales et des États soient plus efficaces.  Les efforts collectifs doivent conduire au renforcement des capacités de toutes les régions et non d’une seule au détriment des autres, a aussi insisté le représentant.  Il appelé au strict respect des embargos sur les armes, une tâche rendue difficile par le fait que seuls les États sont contrôlés, laissant le champ libre aux groupes non étatiques.  Le représentant a aussi souligné la nécessité d’interdire la commercialisation directe ou indirecte des ressources du sol africain, comme l’uranium et le plutonium.  Il a en outre jugé fondamentale l’élimination du trafic d’armes légères et de petit calibre, de même que la vente à des groupes terroristes, groupes armés ou mercenaires d’équipement militaire, de drones ou d’explosifs improvisés. 

M. MARK POWER (Royaume-Uni) a estimé que l’intensité du lien entre terrorisme et criminalité organisée varie en fonction des régions, pouvant ainsi aller de la simple coopération technique à la coopération stratégique.  La communauté internationale doit se concentrer sur l’amélioration de la riposte policière et des enquêtes, dans le respect de l’état de droit et en luttant contre les conditions qui permettent au lien entre terrorisme et criminalité organisée de se resserrer.  Nous le savons, ce lien est avant tout lié au contexte, a affirmé le représentant, soulignant que les groupes criminels profitent des conflits créés par les groupes terroristes, qui en retour se financent par le biais d’activités criminelles compte tenu de l’érosion de l’état de droit.

Au niveau international, le représentant a plaidé en faveur d’une « large démarche de prévention » pour renforcer les capacités des systèmes juridiques nationaux.  Il a appuyé l’adoption de plans d’action nationaux de prévention des violences sexuelles et sexistes, afin de lutter contre la criminalité internationale.  Mais les gouvernements ne peuvent pas lutter seuls contre ce fléau, a-t-il ajouté, jugeant essentielle la création de partenariats public-privé.  La communauté internationale doit aussi unir ses forces pour améliorer l’échange d’expériences et des meilleures pratiques, a-t-il poursuivi, appelant l’ONU à jouer un rôle essentiel en la matière et dans le renforcement de la coopération.

Les groupes terroristes et ceux de la criminalité organisée interagissent et coopèrent de plusieurs façons, a souligné à son tour M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis).  Ces groupes sont parfois sur le même territoire, nouent des alliances fondées sur des intérêts communs, coopèrent, voire fusionnent.  Mais la plupart de leurs interactions sont opportunistes.  Les relations criminelles de complaisance définissent ces liens plus souvent que l’idéologie.  Nous avons, a rappelé le représentant, un certain nombre d’outils pour renforcer la sécurité aux frontières.  La coopération, la coordination et le partage de renseignements entre les agences de contrôle des frontières sont « essentiels ».  C’est la raison pour laquelle il est important de collecter et d’analyser les renseignements préalables concernant les voyageurs et les dossiers passager.  Ces données, a insisté le représentent, peuvent aider les enquêteurs à identifier les connexions entre les individus associés aux groupes terroristes et aux groupes criminels. 

La Convention contre la criminalité transnationale organisée et les instruments et protocoles contre le terrorisme offrent un cadre utile pour faciliter la coopération entre forces de l’ordre.  Les États-Unis, a affirmé le représentant, ont eu recours à la Convention plus 650 fois depuis 2005 pour accorder ou demander une assistance juridique, l’extradition ou toute autre forme de coopération juridique avec 99 pays, y compris pour le trafic de migrants et le blanchiment d’argent au profit direct ou indirect du terrorisme.

Les liens entre terrorisme et criminalité organisée varie d’une région à l’autre, a reconnu à son tour le représentant.  Au-delà des efforts des forces de l’ordre, il est tout aussi important de s’informer auprès des communautés locales et des acteurs non gouvernementaux, comme les jeunes, les leaders culturels et pédagogiques, pour traiter des causes sous-jacentes de la propagation de l’extrémisme violent ou de la criminalité transnationale organisée.  Il faut aussi développer des stratégies globales et intégrées pour contrer les liens potentiels entre le terrorisme et la criminalité organisée.  L’ONU, a estimé le représentant, peut renforcer son rôle face à ces défis, en renforçant sa coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, sans oublier les fora internationaux comme le Forum mondial de lutte contre le terrorisme qui est à l’origine de plusieurs efforts pour traiter des liens entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme et combler le fossé entre les enquêteurs traditionnels des brigades criminelles et ceux qui enquêtent sur le terrorisme.  C’est d’autant plus important que beaucoup de terroristes ont un passé criminel, a souligné le représentant. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a voulu à son tour que l’on s’adapte aux spécificités de chaque région pour défaire le lien entre terrorisme international et criminalité organisée.  La lutte doit avant tout se focaliser sur le renforcement des législations nationales pour combler les lacunes juridiques que les groupes terroristes et criminels exploitent.  Il faut tirer pleinement parti des traités internationaux existants, comme la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Le représentant a aussi appelé à renforcer les capacités des forces de l’ordre nationales, l’échange de renseignements entre pays et les actions transfrontalières de surveillance des réseaux terroristes et criminels.  Nous devons, a-t-il estimé, tirer les leçons de l’expérience pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.  C’est essentiel si nous voulons venir à bout de cette nouvelle génération de « terroristes trafiquants ». 

Au niveau régional, le représentant a attiré l’attention sur l’expérience du Processus de Bali, un forum international créé en 2002 pour faciliter les discussions et le partage d’informations sur les problèmes liés à la traite des personnes et à la criminalité transnationale.  Coprésidé par les Gouvernements indonésien et australien, ce forum est désormais composé de plus de 50 États, s’est enorgueilli le représentant.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a établi une distinction entre terrorisme et criminalité transnationale organisée, en recommandant de ne pas faire d’amalgame entre deux phénomènes régis par des cadres juridiques distincts et des arsenaux institutionnels spécifiques.  Évitons, a-t-il estimé, les généralisations sur le lien.  En revanche, il est « absolument capital » de renforcer la coopération avec les différentes entités nationales, régionales et sous-régionales, dans la lutte contre le financement du terrorisme, et ce, en coordination avec les agences spécialisées des Nations Unies.  Il s’agit de procéder à une analyse rigoureuse et de replacer le débat dans son contexte. 

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a parlé de la métamorphose du syndicat du crime « Dawood Ibrahim » en réseau terroriste dénommé « D-Company » dont les activités criminelles vont de la contrebande d’or à la contrefaçon, en passant par le trafic d’armes et de drogue, grâce au refuge qu’il a trouvé dans un pays qui refuse toujours d’admettre son existence.  Le succès de l’action collective contre Daech peut inspirer celle qu’il faut contre les groupes comme « D-Company » ou d’autres entités comme « Jaish-e-Mohammad » et « Lashkar-e-Toiba », affiliés à Al-Qaida.  Comme les revenus des activités illégales des groupes terroristes traversent les frontières, des efforts communs entre États sont nécessaires.  Nous avons aussi besoin du soutien du secteur privé et des entreprises publiques qui gèrent les flux financiers transfrontaliers.  Les efforts normatifs des Nations Unies doivent être coordonnés grâce à une collaboration avec d’autres instances telles que le Groupe d’action financière qui joue un rôle important dans l’établissement des normes mondiales pour la prévention et la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. 

Pour M. YASUHISA KAWAMURA (Japon), il est impératif de veiller au plein respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité pour combattre le terrorisme et le crime organisé.  Le Japon continuera à tout faire pour coordonner ses efforts de lutte contre ces deux fléaux, dans sa région et dans le monde.  2019 et 2020 sont deux années importantes pour la politique de lutte contre le terrorisme du Japon, a précisé le représentant.  Rappelant que le G20 s’est tenu au Japon, il y a à peine deux semaines, et qu’à cette occasion la Déclaration des Leaders sur la lutte antiterroriste a été adoptée, le représentant a également rappelé que le Japon s’apprête à accueillir les Jeux olympiques et paralympiques en 2020.  Dès lors le Gouvernement n’a cessé d’investir dans le renforcement de ses capacités de contre-terrorisme, y compris en termes de contrôle des frontières, de collecte de renseignements et de partenariats publics-privés pour garantir la sécurité de tous pendant ces manifestations.

Ces efforts nationaux vont « main dans la main » avec les actions de lutte contre le terrorisme sur le plan international, a expliqué le représentant, en précisant que le Japon est prêt à coopérer et à apporter son soutien aux États qui en ont besoin dans ce domaine.  La lutte contre le terrorisme doit se faire en même temps que celle contre le crime organisé, a poursuivi M. Kawamura, en soulignant que la criminalité transnationale organisée exige à la fois une application stricte de la loi sur le plan national et une coopération plus solide sur le plan international. 

À cet égard, le Japon est convaincu que la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles sont le cadre universel de cette coopération.  Le Japon se sert d’ailleurs de la Convention comme base de ses partenariats internationaux.  Il va également accueillir le quatorzième Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice pénale, à Kyoto en avril 2020.

M. RICHARD ARBEITER (Canada) a déclaré qu’en dépit des préoccupations exprimées à plusieurs reprises par le Conseil, l’ampleur et l’étendue des liens entre la criminalité organisée et le terrorisme s’accentuent et que, sans une action concertée de la communauté internationale, « nous serons moins efficaces sur tous les fronts ».  Il a demandé que l’action contre ces phénomènes soit inclusive et tienne compte des sexospécificités.  À cet égard, il s’est dit convaincu que le Forum mondial de lutte contre le terrorisme doit jouer un rôle clef dans ces efforts car c’est une instance de coordination informelle qui aide l’ONU à poursuivre la mise en œuvre de la Stratégie antiterroriste mondiale et des résolutions qui s’y rattachent. 

Le Canada, qui préside le Comité interaméricain contre le terrorisme (CICTE), consacre 55 millions de dollars à la formation, à l’acquisition de matériel et à l’assistance technique pour renforcer les capacités à prévenir et réprimer les activités terroristes et criminelles.  Il a ainsi financé des projets d’Interpol pour que les agents des services frontaliers puissent mieux utiliser les bases de données de cette organisation, comme celle sur les terroristes étrangers.  Pour le Canada, le retour des combattants terroristes étrangers par les mêmes routes qui ont servi au passage des migrants rend ces derniers encore plus vulnérables.  C’est la raison pour laquelle le Canada appuie des projets pour prévenir ces risques spécifiques. 

M. FRANCISCO ALBERTO GONZALEZ (Colombie) a rappelé que le terrorisme et la criminalité organisée étaient auparavant perçus comme des phénomènes sans véritable lien.  Face au rapprochement des organisations terroristes et criminelles ces dernières années, la communauté internationale se doit de réagir, a estimé le représentant.  Afin d’endiguer les capacités opérationnelles de ces groupes, il a appelé à concentrer les efforts internationaux sur les poursuites judiciaires et la lutte contre le blanchiment d’argent découlant des activités illicites.  Cela devrait permettre de réduire la capacité financière des terroristes et, partant, d’amoindrir leur pouvoir de nuisance contre les institutions publiques. 

M. JORGE SKINNER-KLÉE ARENALES (Guatemala) a également évoqué la vulnérabilité de son pays, compte tenu de son emplacement géographique, au narcotrafic, à la traite des personnes et à l’usage aveugle et illégal d’armes.  Il a mis l’accent sur les efforts soutenus du Gouvernement pour renforcer et pour moderniser le système judiciaire.  Rien n’y fait, a-t-il déploré: « Nous sommes toujours victimes des réseaux internationaux qui surpassent nos capacités car, non seulement ils disposent d’armes de gros calibre et autres matériels de guerre, mais ils ont, en plus, un pouvoir financier inépuisable. »  Malgré les instruments juridiques internationaux, le sentiment général est qu’ils ne suffisent pas pour contrer les conséquences dévastatrices du terrorisme et de la criminalité organisée.  Il faut, a martelé le représentant, que le Conseil de sécurité et l’ONU harmonisent leurs efforts pour une mise en œuvre « équilibrée » des quatre piliers de la Stratégie antiterroriste mondiale.  Ces efforts seront vains sans un contrôle rigoureux du marché illégal des armes légères et de petit calibre.  Il a souligné à cet égard que le Traité sur le commerce des armes contient des règles spécifiques contre une utilisation indue. 

M. LUDOVICO SERRA (Italie) a dit attacher la plus grande importance aux liens entre criminalité organisée et terrorisme.  Compte tenu de sa position au centre de la Méditerranée, l’Italie, a-t-il fait observer, est particulièrement exposée aux trafics et autres crimes comme les flux de personnes, de marchandises et de ressources financières entre l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe.  Les activités des groupes de la criminalité organisée représentent une menace à laquelle il faut s’attaquer dans la coopération.  Le représentant s’est attardé sur l’analyse « équilibrée » du Groupe de surveillance du Comité créé en vertu de la résolution 1267 et qui dit qu’il faut davantage d’informations et davantage de recherches basées sur les faits pour savoir non pas « si » les connexions existent, nous le savons déjà, mais « comment et où » elles se tissent et « sous quelles formes » elles impactent nos sociétés. 

Durant les années 70, a rappelé le représentant, l’Italie a été victime d’une saison « sanglante et longue » d’un terrorisme interne qui avait des connexions internationales.  Au même moment, les groupes criminels de la mafia enracinaient leur action dans les environnements interne et international.  Les enquêtes judiciaires montraient alors la preuve d’une coopération « rare et opportuniste » au niveau local entre les terroristes et les criminels.  Comme à la fin des années 80, les autorités triomphaient du terrorisme interne, elles ont enfin pu se concentrer sur la criminalité organisée.  Créée en 1991, la Direction antimafia et antiterrorisme est l’organe national de coordination des enquêtes sur la mafia, qui est appuyé par une base de données rassemblant toutes les informations collectées dans les enquêtes sur la mafia et les crimes terroristes commis dans les 26 districts du bureau du Procureur. 

La Direction n’a pas de pouvoir d’enquête direct ou opérationnel mais elle est chargée de coordonner le travail de tous les districts du bureau du Procureur pour faciliter le partage d’informations, éviter les chevauchements et fournir des expertises spécifiques.  Ce mécanisme a contribué à une spécialisation pointue des procureurs, à une coopération plus efficace avec les forces de maintien de l’ordre, à une collaboration plus étroite au niveau international et à une exploitation plus coordonnée des informations et des preuves. 

La Direction et sa base de données sont devenues un outil essentiel contre les activités de plus en plus complexes des groupes de la criminalité organisée qui sont profondément ancrés dans les communautés locales et qui, en même temps, agissent en collaboration avec des « cartels » criminels partout dans le monde.  Le rôle de la Direction a d’ailleurs convaincu le législateur d’ajouter un mandat lié au contre-terrorisme.  Quatre ans plus tard, nous pouvons dire, s’est enorgueilli le représentant, que les résultats ont été tout à fait positifs et efficaces. 

En deux ans, la Direction a pu collecter des preuves des contacts et dans certains cas, d’une coopération opérationnelle entre les groupes de la criminalité organisée et des personnes qui appartiennent aux groupes terroristes en Italie et ailleurs, s’agissant en particulier des implications financières.  Dans certains cas, les activités criminelles étaient menées pour financer les groupes terroristes et dans d’autres, les réseaux criminels étaient exploités pour sécuriser les transferts de fonds légaux et illégaux et répondre aux besoins des terroristes.  La dimension internationale des connexions et l’importance des flux financiers illégaux ont renforcé notre engagement à invertir dans les enquêtes financières chaque fois que l’on soupçonne l’implication des terroristes dans une activité criminelle.  C’est une leçon que l’Italie est prête à partager, a assuré le représentant. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a salué le rôle joué par les Pays-Bas, qui ont fabriqué une boîte à outils permettant de mieux comprendre le lien « complexe » entre terrorisme et criminalité organisée.  Malgré la campagne militaire de la coalition contre lui, Daech continue de bénéficier de flux financiers qu’il est fondamental d’éradiquer.  Le représentant a rappelé que ces temps-ci, les « crypto-devises » ont le vent en poupe. 

M. MILENKO ESTEBAN SKOKNIC TAPIA (Chili) a relevé que l’une des principales caractéristiques de l’évolution rapide du terrorisme au cours des dernières années est son lien « progressif et ferme » avec la criminalité transnationale organisée.  Il a donné l’exemple de sa région et des graves conséquences de cette criminalité dans les pays.  En Amérique latine et en particulier en Amérique du Sud, la menace terroriste vient, en majorité, de groupes de la criminalité organisée, a noté le représentant en soulignant aussi que des groupes de trafiquants de drogue ont recours à des tactiques terroristes pour protéger leurs intérêts économiques et faire des démonstrations de force par la violence.  Le financement du terrorisme et de la criminalité organisée est facilité par la corruption élevée, le manque de ressources des organes de sécurité et la perméabilité des frontières, a-t-il aussi noté.  Il a donc appelé le système des Nations Unies, en particulier le Conseil de sécurité, à agir de manière préventive.

Les principaux groupes terroristes transnationaux développent une série d’activités délictuelles pour financer leurs opérations et leur propagande, a constaté M. Skoknic Tapia.  Il a plaidé pour la coopération en zone de frontières et pour l’échange de renseignements entre les agences gouvernementales et entre les organismes internationaux.  Il a salué à cet égard la relation étroite qui existe entre le Conseil de sécurité et INTERPOL, avant de souligner l’importance des organisations internationales et régionales pour renforcer la coopération et l’assistance technique.  Le Chili, a-t-il ajouté, soutient la mise en œuvre des 40 recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Au nom des pays nordiques, Mme MONA JUUL (Norvège) a estimé que, pour identifier et mettre un terme aux flux financiers illicites, il est nécessaire de rompre le lien entre la criminalité organisée et les groupes terroristes.  Le trafic de drogue, les enlèvements contre rançon ou encore la taxation illicite de l’or, du pétrole et autres ressources naturelles ne sont que quelques-uns des crimes auxquels se livrent les groupes terroristes pour financer leurs activités.  Pour résoudre ce problème, la communauté internationale doit travailler de concert, dans le cadre d’une coopération intersectorielle.  Le Siège de l’ONU à New York et l’Office de Genève doivent travailler plus efficacement ensemble et mieux exploiter les ressources sur le terrain.

Les prisons, a reconnu à son tour la représentante, sont devenues un terreau de recrutement pour Daech et les autres groupes terroristes.  Elle a salué l’Addendum de 2018 aux Principes directeurs de Madrid relatifs aux combattants terroristes étrangers, pour prévenir l’extrémisme violent et la radicalisation dans les prisons.  Il faut, a-t-elle estimé, s’attaquer au rôle que jouent les prisons dans la création du lien entre terroristes et criminels, mais également dans la radicalisation des prisonniers. 

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a estimé, à son tour, que le nexus entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée est complexe et varie d’un contexte à l’autre.  Elle a cité quatre « domaines de confluence » entre les deux, à savoir, l’acquisition d’armes, le fait que les terroristes dépendent financièrement de la criminalité, le fait qu’ils recrutent parmi les criminels et enfin, le fait que la criminalité s’épanouit dans les zones qui échappent au contrôle des gouvernements au profit de celui des terroristes.  Principale victime du terrorisme, situé près de l’épicentre du problème mondial de la drogue, le Pakistan est l’un des pays de transit les plus affectés par ce trafic.  Mais malgré ses ressources limitées, ses forces de l’ordre multiplient les saisies pour le bénéfice du monde entier. 

Ce n’est que par des efforts collectifs, aux niveaux régional et international, que nous parviendrons à « étrangler » les sources qui appuient le terrorisme par le biais de la criminalité organisée, a prévenu la représentante.  Une bonne stratégie devrait tenir compte de la nécessité d’élaborer une réponse fondée sur les faits, de rétablir l’autorité de l’État dans les zones utilisées pour produire la drogue, de se concentrer à la fois sur l’offre et sur la demande, de contrôler plus efficacement les frontières et d’adapter les programmes aux dynamiques régionales. 

M. DAVID GREGORY YARDLEY (Australie) a rappelé qu’il existe de nombreux exemples qui attestent du lien entre terrorisme et crime organisé.  Les activités illicites génèrent des centaines de millions de dollars qui financent et perpétuent le terrorisme et la criminalité dans le monde.  Par conséquent, il est impératif et urgent de renforcer la coopération et les stratégies internationales pour empêcher les terroristes de tirer profit de ces activités.  Le représentant a souligné l’importance d’une réponse mondiale adaptée à la nature transnationale des menaces.  Il a salué la collaboration entre les Nations Unies et d’autres entités pertinentes comme le Forum mondial de lutte contre le terrorisme.

En 2017, l’Australie a mis en place une place une politique qui illustre les liens entre les différents problèmes de sécurité, y compris le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.  Ainsi, la création du portefeuille de l’intérieur a permis aux agences concernées de travailler en étroite collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux, d’assurer un partage d’informations plus rapide et d’améliorer la réaction aux menaces terroristes.  L’Australie, a conclu le représentant, va, au mois de novembre, accueillir la prochaine Conférence ministérielle sur le financement du terrorisme sur le thème « Pas d’argent pour le terrorisme ».

M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER (Espagne) a constaté une convergence croissante entre le terrorisme et la criminalité organisée, qui se reflète surtout par l’utilisation du premier pour financer la deuxième.  Les organisations terroristes ont évolué, en passant de groupes très fermés et séparés des autres types de délinquance à des réseaux décentralisés et très connectés avec la criminalité organisée ou, pour le moins, avec la délinquance.  En Espagne, a-t-il poursuivi, c’est surtout après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et ceux du 11 mars 2004 à Madrid que les forces de sécurité ont commencé à détecter les premiers indices établissant ces liens.  Les explosifs utilisés pour les attentats de Madrid, par exemple, avaient été achetés à des délinquants impliqués dans le trafic de drogue. 

Le représentant a expliqué comment son pays s’était adapté à ce phénomène, tout d’abord en faisant le lien entre les enquêtes sur le terrorisme et celles sur la criminalité organisée, puis en partageant les renseignements sur les deux phénomènes.  Il a signalé la création, en 2014, du Centre de renseignement contre le terrorisme et la criminalité organisée, le CITCO, qui a intégré les deux anciens centres dédiés aux deux phénomènes.  Il a aussi parlé de la nouvelle Stratégie nationale contre la criminalité organisée et la délinquance grave, adoptée au mois de janvier, dont un des objectifs est d’agir par rapport au lien entre les deux phénomènes.  En conclusion, le représentant a estimé que l’existence de liens entre le terrorisme et la criminalité organisée constitue une menace qui ne doit pas être sous-estimée et qui exige des mesures concrètes de coordination des enquêtes policières et d’échange de renseignements.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a attiré, à son tour, l’attention du Conseil sur la nécessité de faire la distinction entre le terrorisme international et la criminalité transnationale organisée.  Ces deux phénomènes sont gérés par deux cadres juridiques internationaux différents.  Au niveau national, le Gouvernement argentin, par le biais de son Ministère de la justice, a organisé des formations pour les magistrats et tout le personnel engagé dans la lutte contre la criminalité.  Le Gouvernement a aussi renforcé la loi sur la protection des victimes du terrorisme qui favorise l’accès à la justice.  Le 19 juillet prochain, le pays a prévenu d’organiser, à Buenos Aires, la deuxième Conférence ministérielle de l’hémisphère Sud sur la lutte contre le terrorisme en marge du vingt-cinquième anniversaire de l’attentat terroriste contre la Mutuelle israélienne.  Avant de terminer, le représentant a souligné la nécessité d’améliorer la collecte des données sur la criminalité transnationale organisée pour pouvoir élaborer des stratégies idoines.  Le tout doit se faire dans le cadre de la Charte des Nations Unies, a martelé le représentant.

M. MOHAMMED ATLASSI (Maroc) s’est étonné que d’aucun doute des liens entre le terrorisme et le crime transnational organisé alors qu’ils ne datent pas d’hier.  Durant le flux des combattants terroristes étrangers vers les foyers de tension en Iraq et en Syrie, les deux réseaux, a argué le représentant, se sont rapprochés davantage pour surtout faciliter le voyage des combattants, avec l’aide des trafiquants et des passeurs.  De plus, les réseaux terroristes se sont servis des réseaux criminels pour financer leurs activités à travers les opérations d’enlèvement contre rançons, le trafic de drogue, d’armes et de biens culturels, la traite des hommes et des femmes ou encore les activités d’immigration clandestines. 

La défaite militaire de Daech a provoqué le retour, le transit et la relocalisation des combattants terroristes étrangers, accentuant la menace terroriste dans le monde et contribuant au renforcement du lien entre les deux types de réseaux, d’où l’importance de s’interroger sur leur prochaine destination.  Les combattants terroristes étrangers se dirigent entre autres vers l’Afrique du Nord et le Sahel, ce qui est de nature à peser lourdement sur la paix et la sécurité sur le continent en particulier dans la zone sahélo-maghrébine.  Ils guettent les foyers de tensions et de fragilité de l’État et des institutions, là où il y a un vide d’État, pour s’y installer, proliférer et se propager afin de semer la terreur et la peur dans tout le continent.  Cette nouvelle réalité vient approfondir davantage l’existence en Afrique des liens entre la criminalité transfrontière, les groupes armés, les mouvements séparatistes, les groupuscules terroristes et les trafiquants en tout genre. 

À son tour, le représentant a prôné le renforcement de la sécurité aux frontières, l’échange d’informations, la consolidation de la coopération internationale, régionale et sous-régionale ainsi que la mise en œuvre de la Stratégique antiterroriste mondiale des Nations Unies, des conventions et protocoles, des résolutions du Conseil et de la Convention contre la criminalité transnationale organisée et de ses Protocoles.  L’ONU doit jouer un rôle central surtout pour ce qui est du renforcement des capacités.  Le Maroc, a conclu le représentant, est prêt à partager son expertise et son savoir-faire. 

Mme HALIME DIĞDEM BUNER (Turquie) a déclaré que nous ne pouvons lutter contre les menaces terroristes sans renforcer la coopération internationale notamment avec la société civile et le secteur privé.  Les efforts de lutte contre le terrorisme doivent être menés de manière holistique avec les Nations Unies au centre de l’action, a estimé la représentante, qui a aussi souligné l’importance de l’assistance technique, « élément crucial » de nos efforts.  La Turquie, a ajouté la déléguée, contribue aux activités de renforcement des capacités des États Membres.  Avant de terminer, elle a rappelé que comme la Turquie continue d’être confrontée à la menace terroriste, la communauté internationale doit poursuivre ses efforts pour anéantir « sans faire de distinction » tous les groupes terroristes. 

M. JOÃO PEDRO VALE DE ALMEIDA, de l’Union européenne, s’est attardé sur le rôle d’EUROJUST qui a contribué à améliorer la coopération judiciaire et celui d’Europol, l’agence de coopération entre forces de l’ordre qui aide les États à prévenir et à combattre toutes les formes de crimes graves et les actes de terrorisme.  Europol prépare chaque année un rapport sur les tendances du terrorisme et le dernier en date montre qu’un certain nombre d’enquêteurs européens ont démontré que les questions du blanchiment d’agent, de la traite des êtres humains et des migrants et du financement du terrorisme sont effectivement liées.  La législation européenne pour prévenir et combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est là pour veiller à ce que les marchés financiers ne soient pas utilisés à ces fins.  La législation vient d’être amendée pour renforcer la transparence autour des patrons des sociétés et des fonds d’investissement, améliorer le travail des cellules de renseignements financiers, s’attaquer aux risques de financement du terrorisme par l’utilisation anonyme des monnaies virtuelles, et améliorer la coopération et l’échange d’informations entre ceux qui s’occupent du blanchiment et la Banque centrale européenne. 

Le Plan d’action de l’Union européenne contre les drogues qui couvre la période 2017-2020 fournit aussi une meilleure réponse aux problèmes émergents de santé et de sécurité.  Il identifie de nouveaux domaines d’action comme la collecte des preuves sur une connexion potentielle entre le trafic de drogue et le financement des groupes terroristes.  L’Union européenne s’engage à s’attaquer à l’argent de la drogue comme en témoigne le fait que ses États membres se sont mis d’accord pour augmenter le nombre des enquêtes financières et encourager leurs autorités à se concentrer sur la saisie, la confiscation et la restitution des revenus du crime. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a souligné que les activités des groupes terroristes se propagent bien au-delà des zones de conflit en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et conduisent à une migration forcée sans précédent vers l’Europe.  Il s’est enorgueilli de ce que son pays soit le premier donateur dans le cadre de la troisième phase du Plan d’action régional conjoint en Asie centrale, en assurant 10% de son budget total.  Comme le terrorisme international ne saurait être éliminé sans une réponse coordonnée, M. Umarov a indiqué que le Kazakhstan a également lancé, en septembre dernier, un code de conduite pour un monde débarrassé du terrorisme, convaincu qu’il est nécessaire de renforcer la coopération, les actions conjointes et les efforts coordonnés pour la mise en œuvre des conventions et autres instruments existants.  Il a salué le fait que plus de 80 États aient signé ledit code et œuvrent de concert pour honorer leurs engagements. 

En se fondant sur la récente expérience du Conseil, il a ajouté qu’aucune information ne révèle un lien direct entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée en Asie centrale.  Parallèlement, certains cas de connexion étroite entre les organisations terroristes figurant sur les listes des comités des sanctions et les trafiquants de stupéfiants opérant sur le territoire de l’Afghanistan ont été identifiés.  Il a mis l’accent sur la pertinence accrue d’Interpol, de l’ONUDC et de son Centre régional d’information et de coordination en Asie centrale.  Quant aux causes de la criminalité et du terrorisme, il a pointé l’absence d’accès à l’éducation et à l’emploi qui crée un terreau fertile pour la radicalisation et qui contribue à la propagation de l’idéologie terroriste parmi les groupes vulnérables, en particulier les jeunes. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a mis l’accent sur la nécessité de mener davantage de recherches sur le lien entre terrorisme et criminalité transnationale organisée.  S’agit-il des environnements où les terroristes et les criminels se rencontrent, de leurs stratégies de recrutement ou du lien avec la traite des personnes?  « Nous n’en savons tout simplement pas assez », a estimé la représentante.  Les recherches doivent être menées grâce à un meilleur échange d’informations, ce qui exige d’identifier les parties prenantes adéquates des gouvernements, de la société civile et des milieux universitaires.  Cela exige également d’améliorer la législation pour stimuler l’échange d’informations interinstitutionnel et entre les secteurs public et privé, conformément aux obligations des droits de l’homme.  Cela requiert aussi la formation des fonctionnaires à l’utilisation de nouvelles sources de données et aux nouvelles méthodes de collecte et d’analyse des données.  Le Conseil doit encourager les États à s’investir dans ces actions car ce n’est qu’en comprenant mieux le nexus que nous pourrons le combattre le plus efficacement possible. 

Mais, a reconnu la représentante, dans certains pays et régions, la relation prend des formes diverses, mais c’est au niveau local que le lien se manifeste le plus clairement.  Renforcer la confiance entre les acteurs nationaux et locaux améliore le dialogue et la coopération, lesquels aident les gouvernements à s’attaquer aux moteurs du terrorisme et de la criminalité à l’échelon local, tels que le chômage et l’absence d’accès aux services de base.  Dans ce cadre, l’ONU continue à jouer un rôle fondamental dans l’assistance qu’elle apporte aux États pour renforcer leurs capacités à s’attaquer au lien.  En 2018, les Pays-Bas ont présenté une série de bonnes pratiques sur le lien entre terrorisme et criminalité.  En mars dernier, ils ont lancé une boîte à outils pour opérationnaliser ces bonnes pratiques.  La coopération entre l’ONU et des organisations comme le Forum mondial sur la lutte contre le terrorisme est « cruciale ».  L’ONU ne doit pas et ne devrait pas s’attaquer seule au problème. 

Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a souligné que le lien entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme a été reconnu dans la Convention des Nations Unies et ses Protocoles mais aussi dans la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité.  Renforcer la coopération entre les acteurs pertinents à tous les niveaux et les capacités des forces de l’ordre et des agences du contre-terrorisme est « indispensable », a estimé la représentante.  Elle s’est particulièrement attardée sur l’esclavage moderne et le traite des êtres humains, un crime particulièrement « cruel », qui concerne plus de 40 millions de personnes dans le monde et génère quelque 150 milliards de dollars par an.  La traite des êtres humains peut être à la fois une tactique terroriste et une source de financement du terrorisme.  La représentante a estimé que le Conseil de sécurité pourrait faire de ce crime un critère d’imposition des sanctions. 

Elle a indiqué qu’avec l’Australie et les Pays-Bas, son pays a lancé la Commission du secteur financier contre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains, autrement appelée « l’initiative du Liechtenstein ».  La Commission, qui réunit banques commerciales, fonds de pensions, régulateurs internationaux, investisseurs institutionnels, survivants, agences de l’ONU et mouvements anti-esclavagistes, a élaboré des mesures dans les domaines de la durabilité et de l’innovation, du crédit et de l’investissement responsables ainsi que du respect des règles pour équiper le secteur financier mondial contre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains.  Le produit final de la Commission sera présenté en marge de la semaine de haut niveau le 27 septembre, à New York, a indiqué la représentante.

M. DINH NHO HUNG (Viet Nam) a jugé essentiel que les résolutions pertinentes de l’ONU sur le terrorisme et la criminalité internationale organisée soient pleinement mises en œuvre.  Il est grand temps d’intensifier la sensibilisation et d’utiliser les technologies modernes pour la collecte des données sur ces deux phénomènes afin d’évaluer leur interaction.  Le représentant a souligné l’importance pour les États de renforcer leurs capacités de contrôle des frontières, d’enquête et de poursuites des terroristes et des criminels.  M. Dinh a lancé un appel à l’Assemblée générale, au Conseil de sécurité et aux autres organes de l’ONU pour qu’ils renforcent leur coopération.  L’aide de l’ONUDC et du Comité contre le terrorisme au renforcement des capacités et à la formation est une ressource importante pour les États Membres. 

M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) a rappelé que son pays a toujours appelé à l’adoption d’une approche globale face au terrorisme et aux différents liens avec la criminalité transnationale organisée.  Ces liens se manifestent dans la pratique, a-t-il fait remarquer, en notant que les intérêts des terroristes et des réseaux criminels se rejoignent par exemple au Sahel.  L’Égypte, a-t-il annoncé, va soumettre des recommandations concrètes pour défaire ces liens dans la région.  Il a prévu que le trafic d’armes et la traite des personnes s’élargissent sur des zones de plus en plus larges.  En Libye, l’on voit un afflux d’armes et de mercenaires qui a renforcé les groupes criminels, leur donnant le courage de s’attaquer aux forces de l’ordre, et c’est Daech qui en profite. 

La meilleure façon de s’attaquer aux activités des groupes terroristes, a estimé le représentant, est de solliciter l’appui de la communauté internationale.  L’Égypte assure, par exemple, des formations et contribue au renforcement des capacités des pays du Sahel.  Elle abrite également le Centre de lutte contre le terrorisme sahélo-saharien.

M. ROBERT MARDINI, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a suggéré cinq points pour contrer et prévenir l’extrémisme violent et la radicalisation dans les centres de détention.  Le premier point est le respect de l’état de droit et du traitement humain des détenus.  Le respect de l’état de droit et la dignité et la protection de l’intégrité physique et psychologique des détenus sont la base d’un programme de détention réussi.  Le deuxième point est de procéder à une évaluation individualisée du risque et des besoins et l’associer à une réponse et à un suivi sur mesure.  Cela aiderait à minimiser la stigmatisation de certains groupes de prisonniers.  Le troisième point est de s’assurer que les restrictions sont légalement fondées, nécessaires et proportionnées.  Tous les prisonniers ont le droit aux services de base essentiels et à un accès quotidien au plein air, à l’eau, à la nourriture, à l’hygiène, aux soins et à une interaction humaine, y compris le contact avec la famille.  Le quatrième point est de mettre en place un personnel pénitencier hautement qualifié, formé, soutenu et supervisé.  Le dernier point est d’assurer le bon ordre et la sécurité en détention de tous les détenus, et pas seulement des groupes spécifiques. 

Pour avoir un impact positif et éviter la discrimination, l’appui matériel ou financier doit bénéficier à tout le système de détention.  Cela s’applique également aux interventions extérieures comme les initiatives de coopération intergouvernementales.  Au-dessus de tout cela, il faut traiter les prisonniers humainement.  Les conditions et les traitements inhumains sont contraires aux obligations des États et sont contre-productifs pour prévenir la radicalisation et l’extrémisme violent.  Le CICR est prêt à travailler avec les États pour améliorer les conditions de détention et le traitement de tous les prisonniers. 

Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA (Philippines) a expliqué que son pays a vécu dans sa chair le lien entre terrorisme et crime organisé.  Elle a cité le Groupe Abu Sayyaf, les Combattants islamiques pour la libération du Bangsamoro, le groupe Maute et Ansar al-Khalifa qui ont tous prêté allégeance à l’État islamique et qui financent leurs opérations par des activités criminelles, principalement le trafic de drogue, les prises d’otage et le trafic d’armes.  Même si, au départ, ces groupes coopéraient avec les réseaux criminels, ils le sont devenus eux-mêmes.  Après avoir décrit en détail le siège de Marawi en 2017, qui illustre la relation « harmonieuse » entre terrorisme et argent de la drogue, la représentante a rappelé qu’au bout de six mois, l’État a été en mesure de mettre un terme à la situation.  « Il nous aura fallu moins longtemps qu’à l’Occident qui n’a pu libérer Raqqa qu’au bout de six ans. » 

Au-delà des opérations militaires et policières, il faut une approche globale pour s’attaquer aux liens entre terrorisme et crime organisé, a poursuivi la représentante.  Sur le plan politique, les Philippines se sont dotées de la loi Bangsmoro qui accorde l’autonomie aux musulmans de Mindanao, dans le souci de mettre un terme au conflit qui a duré plusieurs décennies. 

Elle a également souligné que le trafic de drogue est une source régulière de revenus illicites pour ces groupes, laquelle affaiblit la résistance sociale et corrompt la fibre politique.  Il est de notoriété publique que les groupes terroristes locaux sont à la fois des narcotrafiquants, des dealers et des consommateurs, a-t-elle affirmé, ajoutant que le Shabu est fréquemment utilisé pour recruter alors que son commerce est aux mains des groupes terroristes et criminels locaux.  C’est cette situation, a-t-elle martelé, qui justifie la politique de lutte contre les stupéfiants de mon gouvernement. 

M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan) a décrit son pays comme un territoire qui a sept frontières difficiles à contrôler, comme le sont les mouvements des groupes terroristes.  Le pays donc adopté une législation inspirée de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies qui a permis de réduire les activités des groupes terroristes.  Le représentant a préconisé une approche innovante et abordable, basée sur la coopération bilatérale et multilatérale et soucieuse de la Charte des Nations Unies, et des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.  L’aide au développement et le dialogue entre les pays du Sud et du Nord sont des moyens efficaces de prévenir le terrorisme. 

Mme PATRICIA BENÍTEZ LIMA (Uruguay) a noté que la criminalité transnationale organisée et le terrorisme figurent parmi les défis auxquels son pays pourrait être confronté d’ici à 2030, en particulier le blanchiment d’argent.  Les organisations criminelles ont des agents dans le pays, a-t-elle reconnu, « parce que l’Uruguay est particulièrement attrayant en tant que pays de transit ».  Le Gouvernement n’a pas encore détecté d’activités terroristes, a-t-elle expliqué, ce qui ne l’empêche pas de rester vigilant et de se doter de systèmes de renseignement et de détection aux plans national et régional.  L’Uruguay a adopté de nouvelles lois de lutte contre le blanchiment d’argent et le trafic de stupéfiants, en particulier la marijuana.

M. HUMBERTO RIVERO ROSARIO (Cuba) s’est vanté de ce que son pays ne soit attrayant ni pour le terrorisme ni pour la criminalité transnationale organisée, grâce aux acquis de la révolution.  Cuba subit plutôt « un terrorisme imposé de l’extérieur » mais il ne permettra jamais que son territoire soit utilisé pour préparer ou commettre des actes terroristes.  Notre gouvernement, s’est enorgueilli le représentant, a signé les 18 conventions internationales sur la lutte contre le terrorisme.  Nous luttons efficacement contre le blanchiment d’argent, comme l’a souligné le Groupe d’action financière à plusieurs occasions.  Cuba travaille aussi pour éviter que le territoire ne soit utilisé pour le stockage ou le transit de drogues.  En 2018, 2 500 kg de drogue ont été saisis.  Le pays s’est doté d’un plan d’action national de lutte contre la traite des personnes même si l’incidence du phénomène est faible.  Le représentant a donc rejeté le rapport du Département d’État américain qui fait figurer Cuba dans la liste de pays impliqués dans la traite des personnes.  C’est une campagne pour justifier le blocus, s’est-il emporté, dénonçant un élément de la guerre économique imposée à son pays depuis 60 ans. 

Pour Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), il est impératif de mieux comprendre la nature et la portée des « défis jumeaux » que représentent le terrorisme et la criminalité organisée ainsi que les liens qui existent entre eux, que ce soit au niveau des Nations Unies, des gouvernements ou de la société civile.  Elle a plaidé pour une approche coordonnée contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.  La réponse de l’Irlande consiste à mobiliser une série de départements gouvernementaux, mais il faut faire davantage, a-t-elle reconnu.  Il faut également veiller à la stricte application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité sur ce dossier.

Notant que les groupes terroristes et les groupes criminels recrutent souvent dans les mêmes groupes marginalisés, notamment dans les prisons, la représentante a encouragé la formation de la police et l’implication des femmes et des jeunes dans la lutte contre ces fléaux.  L’engagement multilatéral et la collaboration sont également essentiels dans ce domaine, a soutenu la représentante, en estimant que les Nations Unies ont un rôle central à jouer pour parvenir à une réponse inclusive et coordonnée de ses États Membres dans le cadre de la Stratégie antiterroriste mondiale.  Elle n’a pas manqué de saluer le travail important accompli par EUROJUST pour ce qui est d’améliorer la coopération judiciaire dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, ainsi que le travail de Frontex et d’Europol.

Mme THILMEEZA HUSSAIN (Maldives) a estimé que la frontière de plus brouillée entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée complique la tâche des forces de l’ordre.  Nous devons mieux comprendre ces liens et renforcer nos cadres nationaux mais aussi faire en sorte qu’ils fonctionnent correctement.  Nous devons aussi mettre pleinement en œuvre toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, a dit le représentant, qui a parlé des lois que son pays a adoptées contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  Il s’est dit heureux d’annoncer que son président, nouvellement élu, a accéléré les efforts contre le terrorisme et la radicalisation.  La législation va être amendée et un comité sur la corruption et la restitution des avoirs a été créé.  En février de cette année, un nouvel organe de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains a été établi.  Le Centre national du contre-terrorisme offre une plateforme commune pour faciliter le partage d’informations et de renseignements et synchroniser les activités des agences contre le terrorisme et l’extrémisme violent, a encore indiqué la représentante. 

Mme DARJA BAVDAŽ KURET (Slovénie) a estimé que la coopération régionale est l’un des outils les plus efficaces pour répondre à la question pressante du terrorisme et de la criminalité transnationale organisée.  Sur proposition de la Slovénie, l’Union européenne a appuyé le développement de l’initiative contre le terrorisme dans les Balkans occidentaux qui inclut la prévention de l’extrémisme violent, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé et la sécurité des frontières.  L’objectif politique est d’avoir un maintien de l’ordre fondé sur le renseignement et améliorer les instruments régionaux et la coopération opérationnelle entre l’Union européenne et les Balkans occidentaux.  Le débat d’aujourd’hui, a estimé la représentante, montre clairement la gravité de la menace que les liens entre la criminalité organisée et le terrorisme posent à la paix et la sécurité internationales.  La législation semble toujours à la traîne et c’est une raison suffisante pour tous les États de rester vigilants, d’actualiser leurs lois et d’investir dans la coopération internationale.  Si nous voulons réellement combattre ces deux menaces, nous devons tout simplement appliquer les règles que nous avons établies et coopérer. 

Pour M. RODRIGO A. CARAZO (Costa Rica), la meilleure manière de lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, c’est la prévention.  Il revient aux États de renforcer leurs institutions et de lutter contre l’impunité, mais aussi d’assurer des services de base sur tout leur territoire pour lutter contre la radicalisation des jeunes.  Il faut également renforcer le contrôle aux frontières car dès lors qu’elles sont poreuses, elles se prêtent à la contrebande et au trafic d’armes et de stupéfiants.  Les criminels deviennent les « prestataires de services » des terroristes, ce qui bouleverse les schémas traditionnels, a prévenu le représentant. 

Pour répondre à cette nouvelle donne, le Costa Rica a renforcé sa législation, en particulier contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux.  La Cour suprême s’attelle à la formation des magistrats, au renforcement des moyens de détection de la criminalité organisée, à la collecte et au traitement des renseignements pertinents et à d’autres aspects liés au terrorisme et à la criminalité organisée.  Le Costa Rica encourage les organisations régionales et sous-régionales à assumer un rôle de premier plan dans la coordination des efforts car ce sont elles qui comprennent le mieux les enjeux locaux et régionaux.  Le représentant a remarqué que l’Amérique latine reste la région la plus violente au monde.  Miser sur la coopération signifie aussi ouvrir l’accès et harmoniser les bases de données sur les activités terroristes et la criminalité organisée. 

M. MOHAMMED BESSEDIK (Algérie) a dit que son gouvernement a adapté le cadre légal relatif contre le blanchiment d’argent, pénalisé le financement du terrorisme, pris des mesures sur le gel des avoirs et le contrôle du secteur associatif, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et des normes élaborées du Groupe d’action financière.  Au niveau régional, l’Algérie est attachée à la coopération dans la lutte contre la déstabilisation provoquée par les groupes de la criminalité organisée dans la région du Sahel.  En accord avec les pays du Sahel, le Gouvernement a milité pour une approche orientée vers une action ciblée et efficace fondée sur l’appropriation nationale, visant le terrorisme et la criminalité transfrontalière.  Le grand déploiement militaire à ses frontières fait partie des efforts de l’Algérie à assurer non seulement la sécurité nationale mais aussi celle des pays voisins. 

L’Algérie a présenté au trente-deuxième Sommet de l’Union africaine en février dernier un rapport qui soulignait la menace et les tendances du terroriste sur le continent africain en 2018.  Le rapport notait que l’interconnexion entre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée en Afrique a atteint un rythme alarmant.  L’Afrique a pourtant fait preuve de résilience et de détermination contre le terrorisme et le financement du terrorisme.  Diverses initiatives de sécurité collective ont vu le jour comme le Processus Nouakchott-Djibouti, la Commission de renseignement et de sécurité de l’Afrique, l’Organisation africaine de coopération policière ainsi que le Centre africain d’études et de recherches sur le terrorisme. 

Mme ISBETH LISBETH QUIEL MURCIA (Panama) a expliqué qu’en tant que pays de transit, situé entre deux océans, le Panama est confronté au fléau de la criminalité organisée qui se manifeste sous la forme des migrations forcées, de la traite de personnes et du trafic d’armes, de stupéfiants et de biens culturels.  Conscient de sa responsabilité de faire face à ces phénomènes, le Panama s’est engagé contre le financement du terrorisme.  Nous saluons, a dit la représentante, les initiatives lancées par les organisations internationales comme l’ONUDC.  Nous avons d’ailleurs ratifié 18 instruments internationaux et régionaux sur la lutte contre le terrorisme et disposons désormais d’une liste nationale sur le terrorisme et son financement, conformément à la résolution 1373 du Conseil de sécurité. 

Au niveau régional, le Panama a mis en place un projet d’assistance technique à l’élaboration des lois sur les sanctions financières dans ce domaine.  La représentante a également fait état de la mise à jour du Code pénal panaméen qui comprend désormais des dispositions plus fortes contre le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive.  Avant de conclure, elle a mis l’accent sur l’importance de la coopération puisqu’il s’agit de défis mondiaux.

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (Iran) a fait le bilan du terrorisme dans son pays en 40 ans: 17 161 victimes iraniennes dont 200 responsables politiques, y compris un président, un premier ministre, un haut magistrat, le chef d’état-major adjoint des forces armées, 27 députés et 4 scientifiques spécialistes du nucléaire.  Le « MKO », le groupe terroriste responsable de la mort d’au moins 12 000 civils iraniens et de nombreux iraquiens ainsi que d’autres nationalités, continue de recevoir de l’argent de certains pays de la région et de jouir de l’appui d’autres en Europe, a dénoncé le représentant.  À leur demande, l’Iran aide l’Iraq et la Syrie dans leurs lutte contre les groupes terroristes. 

Ces groupes sont impliqués dans le trafic de drogue et dans certains cas, le trafic d’armes et de biens culturels pour financer leurs activités.  Durant ces 30 dernières années, l’Iran a saisi 11 000 tonnes de drogue et de substances psychotropes.  En 2018, les forces de l’ordre ont mené 1 557 opérations contre les trafiquants de drogue et saisi près de 807 tonnes de drogue et de substances psychotropes.  Les activités contre le trafic de drogue sont reconnues sur le plan international, a indiqué le représentant.  Selon le rapport mondial sur les drogues publiés par l’ONUDC en 2017, l’Iran a saisi la plus grande quantité d’opiacés au monde, soit 39% des saisies mondiales.  Nous sommes déterminés, a assuré le représentant, à poursuivre nos efforts de lutte contre les terroristes et les trafiquants.  Pour assurer la continuité et l’efficacité de ces efforts, la communauté internationale doit nous aider sans conditions préalables, discrimination ou politisation, a souligné le représentant. 

Pour M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine), si les synergies entre groupes terroristes et réseaux du crime organisé se renforcent, cela risque de mener à des conséquences graves pas seulement pour un pays ou une région donnée, mais pour le monde entier.  Selon les experts, le dénominateur commun entre ces groupes, c’est que leurs domaines d’activités ne se limitent pas à un État ou une région.  Ils ont des aspirations « expansionnistes ».  Parmi les facteurs qui permettent aux groupes terroristes et criminels de rester actifs et ambitieux, il a cité l’utilisation à mauvais escient des avancées technologiques et des innovations dans le domaine de la communication, le contrôle trop faible des frontières, les défis liés au retour des personnes originaires des zones de conflit et l’insuffisance des poursuites judiciaires contre ceux qui financent et supportent les activités terroristes et criminelles.  

Le représentant a insisté sur la pleine mise en œuvre des instruments internationaux, y compris les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et les recommandations du Forum mondial de lutte contre le terrorisme et celles de l’ONUDC.  Depuis cinq ans, a conclu le représentant, nous souffrons des conséquences de l’agression russe, une violation du droit international.  Le programme politique de la Fédération de Russie ne peut se poursuivre et l’agresseur doit être responsable de ses actes.  La situation actuelle prouve que la tentative d’apaisement d’un agresseur mène à davantage d’agressions, a-t-il mis en garde.  C’est la raison pour laquelle il a exigé que tous les instruments nécessaires soient utilisés pour amener ce dernier à respecter le droit international. 

M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJE (Nigéria) a mis en avant les similitudes entre terrorisme et criminalité organisée: les deux ont recours à une extrême violence et aux menaces de représailles, aux enlèvements, à l’extorsion et aux meurtres.  Les deux opèrent dans le secret quoique publiquement parfois dans des territoires amis.  Les deux défient l’État et la primauté du droit, et il est rare, voire fatal, qu’un membre quitte le groupe.  Ils constituent également une menace asymétrique pour la nation, sont très adaptables, résilients et novateurs, et ont tous les deux des chefs de file de rechange et des soldats sur le terrain.  Le représentant a souligné que trois niveaux d’action commune ont été identifiés entre eux: coexistence, coopération et convergence.  M. Itegboje a cité la mondialisation, la fin de la guerre froide, la communication via Internet et la guerre mondiale contre le terrorisme comme quatre facteurs ayant favorisé la convergence accrue entre la criminalité organisée et le terrorisme. 

Le Nigéria se bat contre Boko Haram qui cible les civils, les infrastructures publiques, les communautés, les chefs religieux, les lieux de culte, les marchés et les moyens de communication.  Dans le domaine de la sécurité, le paysage s’est compliqué avec l’éclosion de la criminalité transnationale organisée alimentée par des noyaux terroristes en Afrique de l’Ouest.  D’autre part, les frontières poreuses et la demande croissante en armes par les criminels, les militants, les cartels spécialisés dans le trafic d’armes, font que les criminels inventent des méthodes ingénieuses pour cacher et effectuer leurs trafics transfrontaliers.  Pour y remédier, le Nigéria a adopté, en 2014, une stratégie nationale antiterroriste et en 2017, un plan d’action pour la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent.  Il a mis sur pied une équipe spéciale conjointe multinationale avec le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Bénin pour en finir avec l’insurrection de Boko Haram.  Le représentant a exhorté la communauté internationale à poursuivre son soutien à cette équipe spéciale ainsi qu’à d’autres activités de lutte contre le terrorisme et de consolidation d’une paix durable au Nigéria. 

Il a estimé, par ailleurs, qu’au moment où la distinction entre terroristes et criminels s’estompe, le moment est venu de ne plus faire de distinction entre les mesures traditionnelles utilisées pour les combattre, a-t-il préconisé, en encourageant à un « seul concept global ».  Le problème n’est pas l’absence de cadres et d’instruments régionaux mais bien l’incapacité de remédier aux facteurs sous-jacents.  L’éradication de ce phénomène, a-t-il conclu, ne sera possible que si la coopération internationale et les programmes antiterroristes vont de pair avec des projets de développement. 

Pour M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan), le terrorisme et les activités criminelles qui y sont souvent associées représentent une grave menace à la paix et la sécurité internationales mais aussi à la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à l’indépendance politique, à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et au développement socioéconomique des États Membres.  Ces activités sont injustifiables quelle que soit leur motivation, a-t-il tranché, ce sont des crimes et ils doivent être jugés.

L’emplacement géographique de l’Azerbaïdjan et les conflits non réglés dans la région augmentent les menaces transfrontalières, dont le terrorisme international, a-t-il fait remarquer, alors que depuis les années 80, son pays est visé par des attaques terroristes de l’extérieur pour satisfaire des revendications territoriales « illégales et infondées ». 

Tout en reconnaissant l’importance de s’attaquer aux conditions qui conduisent à la prolifération du terrorisme, l’Azerbaïdjan estime qu’il est tout aussi important de se concentrer sur le règlement de conflits.  Les zones de conflits, surtout les territoires sous occupation étrangère, créent souvent des opportunités pour les terroristes et les groupes criminels qui y exploitent les ressources naturelles et s’y adonnent au trafic illicite de stupéfiants et de biens culturels ainsi qu’au blanchiment d’argent.

Dès lors, le représentant a mis l’accent sur l’importance du strict respect par tous les États de leurs obligations internationales, y compris des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  C’est aux États de veiller à ce que leur territoire ne soit pas utilisé par des terroristes pour y mener des activités criminelles ou financer et soutenir leurs opérations, quel que soit leur prétexte, a-t-il tranché.

Là où les terroristes ou les groupes criminels sont engagés dans des activités commerciales illégales, il faut que la responsabilité des sociétés et la responsabilité pénale individuelle fonctionnent en tandem pour veiller à ce que les entreprises et leurs représentants soient poursuivis en justice pour violations du droit international.  À cet égard, en plus des mesures que les États peuvent prendre au niveau national, il faut pouvoir compter sur la coopération internationale en matière pénale, notamment en termes d’assistance juridique.  C’est l’un des facteurs clefs de la lutte contre l’impunité pour des actes de terrorisme.

Mme HELENA DEL CARMEN YÁNEZ LOZA (Équateur) a déclaré que la lutte contre le trafic des stupéfiants et la corruption revêt un caractère fondamental pour son pays qui a subi l’impact du conflit colombien.  À sa frontière septentrionale, les groupes qui se sont dissociés de l’Accord de paix font partie des réseaux de la criminalité transnationale.  Par la terreur, les attentats et la mort, ils cherchent à poursuivre leurs activités sans être inquiétés.  La criminalité organisée finit par imprégner la société, en garantissant sa survie par son expansion grâce à des microtrafics dans lesquels des enfants et les jeunes se condamnent à une vie sans avenir.

Dans notre région, a poursuivi la représentante, la corruption tant du secteur privé que des gouvernements est devenue une machine sophistiquée qui s’autoalimente et qui détourne des ressources censées booster le développement, alors que les citoyens perdent foi dans les valeurs qui sous-tendent la coexistence au sein de la communauté, la responsabilité et la démocratie.  Le trafic de stupéfiants et la corruption sont les deux défis majeurs que l’Équateur doit relever.  Les deux exigent des solutions qui, pour être réellement efficaces, doivent s’articuler par-delà les frontières, avec la participation de tous les secteurs.   

Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago) a constaté que la criminalité transnationale organisée et ses activités transfrontières sont devenues une menace majeure pour la sécurité de la région caribéenne.  Ces activités illégales sont menées d’une façon de plus en plus organisée et hautement professionnelle.  Trinité-et-Tobago a donc adopté une approche inclusive dans sa lutte contre le terrorisme, notamment pour aborder les menaces potentielles posées par le retour des combattants terroristes étrangers.  Cette approche englobe l’élaboration d’une politique et d’une stratégie antiterroristes, l’amélioration du cadre législatif et des capacités, ainsi que l’élargissement de la collaboration avec les partenaires locaux et internationaux, l’inclusion de la société civile et du milieu universitaire, tout en veillant au respect des droits de l’homme et de la dignité humaine. 

En 2017, le pays a adopté une stratégie antiterroriste qui repose sur trois piliers se renforçant mutuellement: protéger et prévenir; poursuivre; et riposter et recouvrir.  La représentante a également rappelé que son pays a révisé sa législation, ce qui a conduit à l’adoption, en 2018, de la loi antiterroriste qui traite plus particulièrement de la menace posée par le retour des combattants terroristes étrangers et des déficiences techniques dans la mise en œuvre des résolution 1267 et 1373 du Conseil de sécurité.  Dans ce contexte, une attention accrue est accordée aux conséquences pour les femmes et les enfants. 

M. DAVIT GRIGORYAN (Arménie) a dit que son gouvernement a fait des efforts considérables pour renforcer le régime de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  L’Arménie a mené une évaluation des risques et élaboré une stratégie nationale.  Le cadre juridique a été amélioré, l’accès opérationnel aux outils et aux bases de données, élargi, et la coopération avec organisations régionales et internationales compétentes, renforcée.  Le représentant a ajouté que les mouvements des combattants terroristes étrangers représentent une grave menace à la sécurité régionale.  Ces combattants viennent avec leurs pratiques violentes et propagent un extrémisme virulent, contribuant à la radicalisation des sociétés.  Le style d’exécution de Daech et les autres atrocités ne sont plus limités au Moyen-Orient, a-t-il alerté. 

M. SAUD HAMAD GHANEM HAMAD ALSHAMSI (Émirats arabes unis) a dit que comme son pays est un important centre commercial et financier au Moyen-Orient, il cherche à combattre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée à tous les niveaux.  Cela exige de couper toutes leurs sources de soutien financier et logistique.  Les initiatives prises ont hissé les Émirats parmi les cinq pays au monde champions de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  Mon gouvernement, a assuré M. Alshamsi, continuera de prendre toutes les mesures nécessaires et de mettre en œuvre les meilleures pratiques.  Il a fait trois recommandations: promouvoir et améliorer la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité et des normes du Groupe d’action financière, continuer de promouvoir une meilleure compréhension des liens entre terrorisme international et criminalité organisée et comprendre le contexte spécifique de chaque région. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Débat de l’ECOSOC sur l’intégration: sans les nouvelles technologies, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable, selon M. Guterres

Session de 2019,
27e et 28e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/6998

Débat de l’ECOSOC sur l’intégration: sans les nouvelles technologies, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable, selon M. Guterres

Le débat consacré à l’intégration tenu aujourd’hui, comme chaque année, par le Conseil économique et social (ECOSOC), a permis d'entendre la présentation par le Secrétaire général de l’ONU du rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination pour 2018.  À cette occasion, M. António Guterres a prévenu que « sans les nouvelles technologies et les avancées technologiques futures, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable ». 

« Donner des moyens d’action aux populations et assurer l’inclusion et l’égalité » était le thème de cette session annuelle qui a pris davantage d’importance depuis le renforcement de l’ECOSOC voulu par l’Assemblée générale (résolution 72/305).  Le but est d’examiner et de réunir toutes les contributions des États Membres, des organes subsidiaires de l’ECOSOC, des entités des Nations Unies et d’autres parties prenantes, afin notamment de « promouvoir l’intégration équilibrée des trois dimensions du développement durable » et de formuler des recommandations pratiques à soumettre au Forum politique de haut niveau, dont la session commence demain.

Dans le rapport qu’il a présenté, le Secrétaire général a détaillé la méthodologie utilisée par le Conseil des chefs de secrétariat, qualifiant celui-ci de « forum unique pour élaborer des politiques stratégiques » et de « moteur de l’intégration et de la cohérence ».  En fonctionnant comme un groupe de réflexion, ce conseil est devenu « un élément essentiel pour renforcer le rôle de coordination et de direction du leadership des Nations Unies », a estimé le Secrétaire général en constatant qu’ « on y parle librement et en toute franchise », en essayant de relever les défis actuels tout en gardant un œil sur l’avenir. 

Le Secrétaire général a invité les hauts responsables du maintien de la paix et de la sécurité à « avoir une approche intégrée et inclusive de la prise de décisions et de la planification et obtenir des résultats coordonnés et cohérents en termes de développement durable ».  Il a aussi mis l’accent sur la jeunesse, arguant que « dans un monde marqué par des changements rapides et une dynamique de pouvoir en constante évolution, et où plus de la moitié de la population a moins de 30 ans, le système des Nations Unies a le devoir d’inviter les jeunes à la table ».

Ma priorité, a ajouté M. Guterres, est de faire entrer les Nations Unies dans le XXIe siècle.  Pour ce faire, il a demandé au Conseil des chefs de secrétariat d’examiner les opportunités et les défis des technologies de pointe et de la quatrième révolution industrielle, ainsi que la manière dont le système des Nations Unies doit réagir.  Les technologies ont rendu le monde plus connecté et le commerce plus efficace, a défendu le Secrétaire général pour qui donc, sans les nouvelles technologies et les avancées technologiques futures, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable.  Le Secrétaire général a assuré qu’à l’ONU, les spécialistes examinent les questions relatives à l’intelligence artificielle, au cyberespace, à la biotechnologie et aux nouveaux armements.

En outre, le « cadre d’interopérabilité sémantique » récemment créé lance l’ONU dans une nouvelle ère de gestion des documents législatifs et normatifs produits par les différents organes des Nations Unies, au détriment du « paradigme papier ».  Avoir des documents lisibles sur machine dans un format commun et riche d’un point de vue sémantique est un atout considérable pour la mise en œuvre du Programme 2030, lequel nécessite un mécanisme d’examen robuste et un cadre solide pour élaborer les meilleures politiques, a admis le Secrétaire général. 

À moins de 11 ans de la date prévue pour la réalisation des objectifs de développement durable, il est plus important que jamais d’améliorer la contribution de l’ECOSOC au développement durable, a déclaré Mme Inga Rhonda King, Présidente de l’ECOSOC.  Celui-ci peut aider à explorer les options politiques, la cohérence et les compromis à faire pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, en s’appuyant sur la richesse du travail de ses organes subsidiaires et du système des Nations Unies, a-t-elle assuré.  Selon Mme King, la présentation du rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat par le Secrétaire général constitue un élément crucial du mandat du débat consacré à l’intégration tel qu’il a été redéfini.

La journée s’est articulée autour de trois tables rondes sur les thèmes suivants: Mettre en œuvre un Programme de développement durable à l’horizon 2030 centré sur les personnes pour une planète plus saine; Partenariats pour les peuples, la planète et la prospérité; Des sociétés prospères et pacifiques à l’ère des objectifs de développement durable.

Dans l’après-midi, l’ECOSOC a pris note, sans vote, du rapport que venait de présenter le Secrétaire général, et a pris acte des progrès accomplis à ce jour dans l’exécution de toutes les réformes prescrites par l’Assemblée générale (résolutions 71/243 et 72/279).  La Fédération de Russie, qui a assuré avoir soutenu le consensus sur cette résolution, a réitéré la nécessité de l’approche régionale sur la mise en œuvre de la réforme du système des Nations Unies, et de l’élaboration d’un modèle commun d’accord pour tous les bailleurs de fonds sur les projets de développement durable.  Ces projets devraient être non politisés, a-t-il recommandé.  Les Îles Marshall, au nom des membres du Forum des îles du Pacifique, ont salué la décision de créer un bureau multipays pour le Pacifique Nord, car cette région a besoin de sa propre feuille de route. 

L’ECOSOC a, en outre, élu huit experts à l’Instance permanente pour les droits des peuples autochtones: Mme Hindou Oumarou Ibrahim (Tchad), Mme Anne Nurgam (Finlande), M. Phoolman Chaudhary (Népal), M. Geofrey Scott Roth (États-Unis), M. Simon Freddy Riveros (Bolivie), M. Dario José Mejia Montalvo (Colombie), M. Aleksei Tsykarev (Fédération de Russie) et Mme Hannah McGlade (Australie).

L’ECOSOC débutera demain, mardi 9 juillet, à partir de 9 heures, son Forum politique de haut niveau pour le développement durable. 

DÉBAT CONSACRÉ À L’INTÉGRATION (E/2019/10)

Déclarations liminaires

Mme INGA RHONDA KING (Saint (Saint-Vincent-et-les Grenadines), Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé que l’année dernière, l’Assemblée générale, dans sa résolution 72/305 sur le renforcement de l’ECOSOC, avait changé la durée, le mandat et la portée de son débat consacré à l’intégration.  Nous avons maintenant un débat consacré à l’intégration « plus conséquent », qui tire parti du travail du système des Nations Unies et des organes subsidiaires de l’ECOSOC pour accompagner la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a fait remarquer la Présidente.  Le segment de cette année donne une vue d’ensemble des travaux des organes subsidiaires et un aperçu de ce qu’ils ont accompli dans le cadre du thème principal de l’ECOSOC et du Forum politique de haut niveau pour le développement durable.  Le segment permettra de rassembler les analyses et les propositions politiques du système des Nations Unies et d’ouvrir la voie à l’examen thématique du Forum politique de haut niveau, a-t-elle dit. 

À moins de 11 ans de la date prévue pour la réalisation des objectifs de développement durable, il est plus important que jamais d’améliorer la contribution de l’ECOSOC au développement durable et au progrès vers ces objectifs, a poursuivi Mme King.  Elle a souligné que, comme nous avons appris des examens volontaires nationaux de ces quatre dernières années, les liens entre les objectifs de développement durable et les compromis à faire pour y arriver compliquent la mise en œuvre du Programme 2030.  Le Conseil, à son avis, peut aider à explorer les options politiques, la cohérence et les compromis à faire pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, en s’appuyant sur la richesse du travail de ses organes subsidiaires et du système des Nations Unies, a-t-elle assuré.  Selon la Présidente de l’ECOSOC, la présentation du rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies par le Secrétaire général constitue un élément crucial du mandat du segment de l’intégration tel qu’il a été redéfini, a estimé Mme King. 

M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus), Vice-Président de l’ECOSOC, a indiqué que ce segment de l’intégration doit examiner les liens qui existent entre les cinq objectifs de développement durable dont l’examen est prévu au cours de la session du Forum politique de haut niveau.  Le segment, a-t-il ajouté, permettra de rassembler les messages clefs des organes subsidiaires de l’ECOSOC et d’intégrer les contributions des États Membres, du système des Nations Unies et des principales parties prenantes, avec pour ambition la promotion de l’intégration équilibrée des trois dimensions du développement durable.  M. Rybakov a souligné que le message des organes subsidiaires de l’ECOSOC est « limpide »: il faut appuyer la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Le débat sur l’intégration, a-t-il rappelé, doit planter le décor du Forum politique de haut niveau, placé sous les auspices de l’ECOSOC, qui débute demain. 

Rapport annuel d’ensemble du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination pour 2018

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, qui a présenté le rapport annuel du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination (CCS), a indiqué que le rapport présente les points saillants des principales activités menées par l’ensemble du système des Nations Unies et donne des informations sur les progrès accomplis pour contribuer à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Peu après ma prise de fonctions, a dit le Secrétaire général, j’ai souligné mon intention de rapprocher les entités des Nations Unies, conscient de notre interdépendance et de nos objectifs communs. 

Le CCS, a estimé M. Guterres, est un forum unique qui peut et doit constituer un espace d’élaboration des politiques stratégiques et un moteur de l’intégration et de la cohérence.  En fonctionnant davantage comme un groupe de réflexion, le CCS est devenu un élément essentiel pour renforcer le rôle de coordination et de direction du leadership des Nations Unies.  Nous nous servons de ce forum pour parler librement et en toute franchise, en essayant de relever les défis actuels, tout en gardant un œil sur l’avenir, a affirmé le Secrétaire général.

Les membres du CCS possèdent des capacités « multidimensionnelles, multisectorielles et multidisciplinaires » et les réunions sont l’occasion d’exploiter cette richesse d’expertises pour relever les défis communs qui ne peuvent être abordés qu’au plus haut niveau du leadership, a poursuivi M. Guterres.  Il a dit avoir adopté une approche moins formelle et plus ciblée des réunions du CCS qui examine moins de problèmes mais de manière plus approfondie.  Chaque chef de secrétariat participe à titre individuel et apporte « sa part de sagesse », laissant à la porte « le chapeau de son organisation ». 

Le Secrétaire général a aussi dit avoir invité les hauts responsables du maintien de la paix et de la sécurité pour avoir une approche intégrée et inclusive de la prise de décisions et de la planification et obtenir des résultats coordonnés et cohérents en termes de développement durable.  Pour la première fois, a ajouté le Secrétaire général, j’ai invité mon Envoyé pour la jeunesse car dans un monde marqué par des changements rapides et une dynamique de pouvoir en constante évolution, et où plus de la moitié de la population a moins de 30 ans, le système des Nations Unies a le devoir d’inviter les jeunes à la table. 

Mon but, a-t-il aussi expliqué, est que chaque membre du CCS quitte les réunions avec une compréhension et une vision communes des priorités immédiates du système des Nations Unies, avec de la clarté quant à la contribution de chaque entité et avec la conviction de devoir faire preuve de courage.  Ma priorité c’est de faire entrer les Nations Unies dans le XXIe siècle, a rappelé le Secrétaire général.  Il est revenu sur l’innovation qu’il a apportée, il y a plus d’un an et demi, quand il a demandé au CCS d’examiner les opportunités et les défis des technologies de pointe et de la quatrième Révolution industrielle, ainsi que la manière dont le système des Nations Unies doit réagir. 

Bien que ces technologies aient rendu le monde plus connecté et le commerce plus efficace, elles peuvent aussi être utilisées à mauvais escient pour propager la xénophobie et les divisions.  Mais, a prévenu le Secrétaire général, sans ces nouvelles technologies et les avancées futures, il sera impossible d’atteindre les objectifs de développement durable. 

Nos spécialistes des politiques, a-t-il expliqué, ont examiné de près les questions relatives à l’intelligence artificielle, au cyberespace, à la biotechnologie et aux nouveaux armements.  Nos spécialistes de la gestion et de l’administration ont exploré la manière d’intégrer les technologies de pointe et les nouvelles méthodes de travail mais aussi d’insuffler une dose d’esprit novateur.  Par exemple, les entités ont adopté le cadre d’interopérabilité sémantique qui lance l’ONU dans une nouvelle ère de gestion des documents législatifs et normatifs produits par les différents organes des Nations Unies, au détriment du « paradigme papier ».  Avoir des documents lisibles sur machine dans un format commun et riche d’un point de vue sémantique est un atout considérable pour la mise en œuvre du Programme 2030, lequel nécessite un mécanisme d’examen robuste et un cadre solide pour des politiques informées et le respect du principe de responsabilité. 

Le CCS a aussi demandé à son secrétariat de développer une série d’instruments pour aider les entités du système des Nations Unies à cultiver et promouvoir l’innovation et, en conséquence, explorer des territoires inconnus comme l’élaboration de politiques mieux ciblées sur la personne, l’analyse des écosystèmes ou encore la gestion des partenariats innovants.  L’École des cadres des Nations Unies entend lancer le premier instrument cet été.  Comme il faut repenser les systèmes d’éducation, de protection sociale, de régulation, voire « notre propre rôle » dans le monde, le CCS a mis au point une stratégie sur « L’avenir du travail » qui devra être appliquée par toutes les entités. 

En réponse à l’appel lancé par les États Membres pour renforcer la coordination et la cohérence interinstitutions face au problème mondial de la drogue, le CCS a adopté en 2018 une position commune avec l’engagement à soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de politiques qui placent l’individu, la santé et les droits de l’homme au centre et à promouvoir une approche axée sur la santé publique. 

Avant de terminer, le Secrétaire général a attiré l’attention sur les mesures prises contre le harcèlement sexuel, l’adoption cette année de la Stratégie des Nations Unies pour l’inclusion du handicap, celle de la Stratégie de gestion de la durabilité qui couvre la période allant de 2020 à 2030 et le lancement, en mai dernier, d’un appel conjoint au sommet sur l’action pour le climat prévu pour septembre.  Le CCS est déterminé à faire de ce sommet et des autres réunions importantes qui se dérouleront pendant la semaine de haut niveau un moment de mobilisation et de rassemblement, a conclu le Secrétaire général. 

Débat interactif

Le débat qui a suivi la présentation par le Secrétaire général du rapport annuel du CCS a entendu le Maroc rappeler que l’objectif de la réforme du Secrétaire général entamée en 2017 est d’avoir une ONU équipée pour le XXIe siècle.  La réforme met l’accent notamment sur les incidences des nouvelles technologies dans la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-il rappelé.

De même, du côté du Mexique dont le représentant a souligné l’importance de la direction que donne le débat consacré à l’intégration pour guider les actions du système des Nations Unies pour le développement.  Le représentant a aussi mis l’accent sur l’importance des changements technologiques pour la réalisation des objectifs de développement durable.  Un consensus sur la question au sein de l’ONU est nécessaire à son avis, dans la mesure où des différences d’accès aux technologies pourraient accentuer encore l’écart entre les individus.  Il a mis en garde contre les risques que fait peser l’intelligence artificielle sur le secteur de l’emploi.  S’agissant du problème mondial de la drogue, il a jugé nécessaire d’appuyer la dépénalisation de la consommation et d’appliquer la politique de la proportionnalité des peines quant aux sanctions qu’encourent les consommateurs.

Réagissant à ces interventions, Mme SIMONA PETROVA, modératrice et Secrétaire du CCS, a indiqué que celui-ci s’était concentré sur ces questions en 2018 et y avait apporté plusieurs éléments de réponse.  Elle a également abordé la question de l’intelligence artificielle et des avancées technologiques mentionnées dans le rapport du CCS, soulignant leurs conséquences sur le développement durable, le travail du CCS, du système des Nations Unies et du personnel de l’Organisation. 

Table ronde 1: Mettre en œuvre un Programme de développement durable à l’horizon 2030 centré sur les personnes pour une planète plus saine

L’engagement à « ne laisser personne de côté » nécessite de mettre en œuvre un Programme de développement durable à l’horizon 2030 en restant « centré sur les personnes », ont souligné les intervenants à la première table ronde du débat consacré à l’intégration de l’ECOSOC.  Les participants ont ainsi insisté sur la nécessité de réduire les inégalités et autres discriminations qui constituent des obstacles sur la voie d’un développement véritablement durable.

D’entrée de jeu, l’animateur de la discussion, M. ABDOULAYE MAR DIEYE, Sous-Secrétaire général, Administrateur adjoint du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Directeur du Bureau des politiques et de l’appui aux programmes au PNUD, a donné l’exemple de la finale de la coupe du monde féminine jouée hier à Lyon, « un spectacle de meilleure facture que les matchs des hommes », selon lui, pour souligner l’importance de l’investissement dans l’égalité entre les genres.  Il faut notamment donner les moyens appropriés aux footballeuses, a-t-il dit. 

Cela reviendrait à avoir les mêmes environnements d’entraînement, des arbitres qui soient justes et des règles qui soient acceptées par tous, a renchéri Mme SAKIKO FUKUDA-PARR, Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies.  Mme Fukuda-Parr a fait une analogie avec l’économie mondiale dont les règles sont de plus en plus remises en cause: ce sont les personnes et les communautés les plus marginalisées qui en payent le prix. 

Que ce soit dans l’économie comme en matière de football, force est de constater que ce sont les équipes les mieux préparées qui sont les plus susceptibles de remporter la victoire, a rebondi M. CHEIKH NIANG, Représentant permanent du Sénégal et Président de la cinquante-septième session de la Commission du développement social.  Il a aussi mis en avant ces inégalités qui font que les équipes disputent la même compétition avec des atouts inégaux.

Comment donc accélérer les progrès en matière d’autonomisation des populations, d’inclusion et d’égalité, tout en réalisant les objectifs de développement durable?  À cette question de l’animateur de la discussion, le représentant du Sénégal a rappelé que les richesses sont concentrées entre les mains d’une poignée de gens, « les fameux 1% des plus riches ».  Il faut donc, a-t-il insisté, renforcer les capacités des populations, notamment les plus vulnérables. 

La Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies, a expliqué que son organe promeut les politiques de développement qui n’accentuent pas la marginalisation et les inégalités de « ceux qui sont laissés pour compte ».  Elle a salué le potentiel des technologies pour réduire les fossés existants, insistant sur la nécessité de « mettre les technologies au service de la majorité ».

Justement, les meilleures pratiques en matière de science, de technologie et d’innovation qui sont recensées par l’ECOSOC pourraient permettre d’accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a suggéré le Représentant permanent adjoint du Mexique auprès des Nations Unies, M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA.  Selon l’animateur de la table ronde, l’intelligence artificielle, qui est tant convoitée, pourrait aggraver encore plus les inégalités, puisque ce sont les couches sociales les plus nanties qui vont exploiter ce filon, ainsi que les pays les plus industrialisés. 

La Directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme CHARLOTTE PETRI GORNITZKA, a, de son côté, plaidé pour que les technologies permettent aux enfants et aux jeunes de s’émanciper.  Il faut, a-t-elle insisté, réduire le fossé numérique qui sépare les jeunes des adultes, « étant donné que la plupart des emplois du futur seront peu ou prou liés au numérique ».  Dans le même temps, a-t-elle prôné, il faut élargir les prestations sociales en faveur des enfants.  Elle a noté à cet égard que, selon les études menées, « chaque dollar investi dans la vaccination permet un retour sur investissement de 44 dollars ». 

Le Mexique a rappelé que les inégalités commencent en effet dès le bas âge, à la maison, quand on attribue des tâches différentes à la jeune fille et au jeune garçon.  Il a donc plaidé pour des changements socioculturels, avant de se féliciter que son pays ait pris les devants, puisque le Parlement et le Gouvernement du Mexique comptent désormais en leur sein le même nombre d’hommes et de femmes.  Le représentant a aussi rappelé que l’intégration la plus urgente à faire est celle des femmes « qui représentent tout de même la moitié de la population mondiale ».  « C’est même un impératif moral en plus d’être une décision raisonnable », a argué l’animateur du débat en expliquant qu’intégrer les femmes dans l’économie permettrait de multiplier par 2 la croissance des économies, notamment en Afrique.  Le continent perd en effet entre 100 millions et 1 milliard de dollars par an du fait des inégalités entre les genres, selon une étude du PNUD. 

Le Mexique est par ailleurs intervenu pour saluer la décision « emblématique » du Conseil de sécurité qui entend décloisonner les questions de « paix et sécurité » et celles relatives au « développement » en ce qui concerne Haïti.  Il a ainsi rappelé que le 25 juin dernier, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 2476 (2019) pour instituer un Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).  Selon M. Sandoval, c’est l’occasion pour l’ONU de faire preuve d’« intégration » en Haïti: les efforts de l’ONU dans ce pays peuvent ainsi passer de l’aide humanitaire au développement.  Le délégué d’Haïti a confirmé que les causes fondamentales de l’insécurité dans son pays sont dues à la précarité économique des populations. 

En fin de compte, la Vice-Présidente du Comité des politiques de développement des Nations Unies a souligné que l’exigence de ne laisser personne à la traîne est « un grand engagement en vue de réduire la pauvreté et faire face aux inégalités les plus extrêmes ».  Elle a néanmoins estimé que les indicateurs mesurant la mise en œuvre des objectifs de développement durable ne sont « malheureusement pas à la hauteur de nos ambitions ». 

Table ronde 2: Des sociétés prospères et pacifiques à l’ère des objectifs de développement durable

Pour avoir des sociétés prospères et pacifiques, quels sont les défis et comment les surmonter?  Que peuvent faire l’ONU et ses organes subsidiaires? a demandé la modératrice de la table ronde, Mme ALICIA BARCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) pour lancer la discussion. 

Mme ALENA KUPCHYNA (Bélarus), membre de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, a souligné l’importance de l’« esprit de Vienne » qui privilégie le recours à des décisions consensuelles au sein de la Commission.  Cela facilite énormément l’action sur le terrain et la participation de la société civile dans la prévention du crime, a-t-elle dit.  La représentante a conseillé d’accorder une attention particulière à l’éducation, à l’accès à la justice et à l’insertion des jeunes notamment par le sport.  Elle a vanté les mérites de cette commission, « certes loin de New York, mais centrée sur la personne ».  Pour la représentante, « lutter contre la criminalité est un aspect indispensable de la construction de sociétés prospères et pacifiques et pour le développement ».

M. MHER MARGARYAN (Arménie), Président de la Commission de la condition de la femme, a expliqué que pour parvenir à des sociétés prospères et pacifiques et pour les maintenir, il faut un cadre politique permettant aux individus de prendre en charge leur famille par eux-mêmes.  En outre, l’action climatique doit être axée sur la personne car toutes les activités humaines dépendent du climat, a ajouté le représentant.  Prévenir les conflits et pérenniser la paix appellent la participation effective des femmes, a-t-il aussi plaidé, ajoutant que les organisations de femmes peuvent d’ailleurs jouer un rôle central dans la réussite des efforts de réconciliation.  Le Président de la Commission a recommandé, de manière générale, d’œuvrer en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles ainsi que de l’égalité hommes-femmes.  Sur ce dernier point, il a plaidé pour des financements qui garantissent effectivement l’égalité entre les sexes dans des domaines comme la santé, l’éducation et les soins pour la petite enfance. 

« Si tu veux la paix, il faut cultiver la justice », a dit M. MOUSSA OUMAROU, Directeur général adjoint pour les opérations et les partenariats de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en citant la devise de l’Organisation à sa création.  La réponse à la question de sociétés pacifiques que nous nous posons aujourd’hui se trouve déjà dans cette phrase entendue 100 ans plus tôt à la création de l’OIT, a indiqué M. Oumarou.  Il a souhaité la mise en œuvre effective du Programme 2030 pour pouvoir relever les défis des sociétés pacifiques et prospères, plaidant en particulier pour que soit réalisé l’objectif 8 sur la création d’emplois et le travail décent.  Tous les autres objectifs dépendent de l’objectif 8, a insisté le Directeur.  Il a en outre exhorté à renforcer le système multilatéral, afin de résoudre ensemble les problèmes mondiaux.  S’agissant de la technologie, il faut que l’homme soit à la commande et non la situation inverse où l’homme court après la technologie, a plaidé M. Oumarou, qui a également insisté sur l’importance de la gouvernance tripartite comme cela se fait à l’OIT depuis un siècle avec la participation des États Membres, des employés et des employeurs. 

« Ne pas baisser les bras et rester optimiste », a préconisé à son tour M. GUILLERMO ROQUE FERNÁNDEZ DE SOTO VALDERRAMA (Colombie) en rappelant que le Programme 2030 est le dernier accord obtenu grâce au multilatéralisme: il faut donc le préserver.  La Colombie, a-t-il souligné, s’est distinguée par son leadership qui a mis en évidence l’importance des liens entre les objectifs de développement durable, les défis nationaux de développement et le plan de paix.  Ces objectifs ont la capacité d’unir les acteurs étatiques et non-étatiques autour de thèmes qui sont importants pour tous, a-t-il relevé en qualifiant ces objectifs de « vecteurs de développement ».  Le plan de développement de la Colombie est d’ailleurs en harmonie avec les objectifs de développement durable, a-t-il assuré en précisant qu’il prévoit l’élimination des écarts entre les régions et les populations.  La Colombie travaille aussi concrètement à la mise en œuvre du plan de paix et compte atteindre tous ses objectifs dans 15 ans.  Le Gouvernement offre des opportunités économiques aux anciens guérilleros, a-t-il dit en indiquant notamment que plus de 1 600 anciens combattants ont bénéficié de projets de développement agricole.  Le représentant a enfin souligné le rôle essentiel de la Commission de la consolidation de la paix pour garantir des sociétés prospères et pacifiques. 

Réagissant à ces exposés, le Cambodge a fait remarquer que des sociétés prospères et pacifiques ne peuvent être atteintes sans financement adéquat pour le développement.  Le problème de financement au sein de l’ONU doit d’abord être résolu, a déclaré le représentant.  Il faut, en outre, une meilleure coopération et un vrai partenariat mondial, a-t-il plaidé, regrettant l’absence de volonté politique sur cette question qui éloigne les perspectives de développement.  Le représentant a assuré de son appui à la réforme du Secrétaire général dont le succès dépend du financement du système des Nations Unies pour le développement. 

L’ONU a des outils qu’il faut utiliser et des parties prenantes qu’il faut effectivement faire participer, a indiqué la modératrice.  Il faut en outre passer de la vision de la sécurité nationale à celle de la sécurité humaine, a-t-elle conclu. 

Table ronde 3: Partenariats pour les peuples, la planète et la prospérité

Selon des données de l’ONU, environ 1 million d’espèces animales et végétales sont maintenant menacées de disparition et certaines, depuis des décennies.  Il est désormais clair que les politiques environnementales actuellement en vigueur ne suffiront pas pour atteindre les objectifs du Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique adopté en 2010 par les Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB).

De ce fait, des politiques intégrées sont essentielles pour surmonter les approches en silo dans les domaines économique, social et environnemental, indique la note de concept distribuée aux délégations.  Elle précise qu’il faudra un partenariat mondial renforcé pour recentrer les actions sur ce qui peut aider le plus les populations les plus vulnérables du monde.  C’est dans cette optique que les participants à la dernière table ronde de la journée ont proposé quelques pistes d’amélioration des politiques intégrées de développement. 

Comment combler les lacunes et surmonter les difficultés liées à l’élaboration de politiques intégrées?  Telle fut la première question de l’Animateur du débat, M. ELLIOT HARRIS, Sous-Secrétaire général au développement économique et Économiste en Chef au Département des affaires économiques et sociales (DAES). 

Pour Mme GERALDINE FRASER-MOLEKETI, Présidente du Comité d’experts de l’administration publique et Chancelière de l’Université Nelson Mandela, la clef du succès passe par la mise en œuvre de l’objectif 16 de développement durable (paix, justice et institutions efficaces).  Selon l’experte qui intervenait par visioconférence depuis l’Afrique du Sud, il faut rendre cet objectif plus visible.  C’est pourquoi il est important de procéder, a-t-elle prôné, à des changements systémiques tout en veillant à trouver le bon équilibre entre changement et efficacité.  Elle a aussi demandé de mettre l’accent sur la planification à long terme. 

Il sera difficile de réaliser les objectifs de développement durable si les tendances actuelles persistent, a averti M. MAHMOUD MOHIELDIN, Vice-Président principal du Groupe de la Banque mondiale.  Il a évoqué la situation du continent africain où tous les indicateurs de mise en œuvre sont au rouge, à l’exception de ceux en rapport avec l’objectif 5 (égalité entre les sexes).  Comme solution de rattrapage, il a recommandé en priorité de combler le fossé qui existe en matière de données.  Alors que tout le monde parle aujourd’hui des « mégadonnées », il ne faudrait pas oublier qu’il y a des « microdonnées » à disposition, a-t-il tenu à rappeler.  Il a aussi suggéré que les programmes de développement soient mis en œuvre de manière transversale sur le terrain.

M. SATYA TRIPATHI, Sous-Secrétaire général et responsable du Bureau du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a pour sa part mis l’accent sur l’objectif 12 (consommation et production durables).  Selon lui, il s’agit de « la clef pour ouvrir la voie vers la préservation de la biodiversité ». 

M. JUKKA SALOVAARA, Représentant permanent de la Finlande auprès des Nations Unies, a donné l’exemple de la mise en œuvre de politiques intégrées dans son pays.  Il a expliqué que ces politiques demandent une planification sur le long terme, accompagnée d’une budgétisation tenant compte des principes du développement durable.  C’est ainsi que la Finlande a transformé l’imposition des voitures pour tenir compte de leur émission de gaz carbonique.  En outre, afin de susciter l’engagement de tous les acteurs, le pays a recensé pas moins de 2 000 engagements volontaires de diverses parties prenantes, y compris les municipalités et les acteurs du secteur privé. 

Le Représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations Unies, M. COURTENAY RATTRAY, a indiqué que les autorités de son pays ont identifié des facteurs susceptibles de créer des changements à grand impact dans la société.  La question des changements climatiques fait partie de ces facteurs de changement, a-t-il précisé, expliquant ainsi pourquoi la Jamaïque a choisi d’atténuer les effets néfastes des changements climatiques dans tous les secteurs de la vie nationale.

En plus de l’adoption de nouvelles approches pour renforcer la compilation des données nationales, les Philippines mettent en œuvre des pratiques à succès qui ont fait leur preuve dans d’autres pays.  Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA, Chargée d’affaires à la Mission permanente des Philippines aux Nations Unies, a aussi exprimé le vœu de voir une meilleure cohérence au sein du système des Nations Unies. 

Mme FRASER-MOLEKETI du Comité d’experts de l’administration publique a de son côté demandé que l’objectif 16 de développement durable soit examiné chaque année par l’ECOSOC, y voyant une chance d’arriver à une amélioration des actions des institutions onusiennes dans le domaine de la paix, de la justice et des institutions efficaces.  Même s’il a aussi appelé à une meilleure coordination entre différents organes des Nations Unies, M. TRIPATHI du PNUE a déploré le fait qu’il y a toujours, au sein du système onusien, cette tentation de revenir aux cloisonnements.  « Il faut résister », a-t-il lancé.

Déclarations de clôture

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a dit qu’il partagera les recommandations de ce débat à l'ouverture du Forum politique de haut niveau pour le développement durable qui débutera demain.  Ce débat consacré à l’intégration nous a permis de prendre du recul et de réfléchir, a relevé le haut fonctionnaire.  Il a été dit que la réalisation du Programme 2030 nécessite « plus d’intégration et plus de cohérence ».  Cependant, au cours des dernières années, plusieurs pays ont cité les politiques intégrées comme un « défi majeur ».  Certains ont mis en place un mécanisme institutionnel, d’autres ont donné la priorité à la mobilisation de gouvernements et des sociétés civiles tout entière autour des objectifs de développement durable.  Il faut en outre s’attaquer aux inégalités et à la pauvreté.  M. Liu a indiqué que beaucoup de personnes risquent d’être laissées sur le côté à cause de l’augmentation du nombre et de l’intensité des catastrophes naturelles, du chômage, du manque de respect des droits de l’homme et de la discrimination.  Cela nécessite de réitérer l’engagement de ne laisser personne sur le côté.  L’intégration et la cohérence des politiques peuvent aider à lutter contre le dénuement et les sources de discrimination qui empêchent de sortir de la pauvreté et de vivre dans la dignité et le respect, a estimé le Secrétaire général adjoint.  

M. VALENTIN RYBAKOV, Vice-Président de l’ECOSOC, a dit que les contributions et les recommandations des organes subsidiaires sur le thème de ce segment de l’intégration ont souligné une fois de plus que la réalisation des objectifs de développement durable et l’avènement d’un monde inclusif ne sont pas choses faciles.  Nous faisons face à de nombreux obstacles dont certains sont de nature structurelle et exigent un changement transformateur.  Les discussions ont aussi remis au goût du jour les relations étroites entre les « 5P » (population, paix, prospérité, planète et partenariat), a-t-il noté, soulignant ainsi que « la population et son bien-être devraient être au centre de tout ce que nous faisons ».  Elles ont montré les complexités d’assurer l’inclusion de nos sociétés et de nos systèmes politiques et la nécessité d’actions dans de nombreux domaines.

Ces discussions ont aussi souligné la richesse des expertises des organes subsidiaires de l’ECOSOC et du système des Nations Unies pour le développement.  Nous devons utiliser ces organes pour explorer les multiples facettes des objectifs de développement durable, trouver des synergies entre les différentes cibles, faire des compromis et réfléchir à la manière d’accélérer les progrès dans la réalisation de la vision du Programme 2030.  Cela assurera une mise en œuvre cohérente et coordonnée du Programme 2030 et aidera à accélérer la réalisation des objectifs de développement durable.   Le Vice-Président a ensuite rappelé le prochain sommet sur le développement durable prévu en septembre, qui sera l’occasion de faire un examen complet de l’action mondiale en faveur du Programme 2030.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.