L’Assemblée clôture sa soixante-treizième session et dit au revoir à sa Présidente sortante, « championne du multilatéralisme »
Après avoir adopté ses toutes dernières résolutions et réinscrit plusieurs points à son ordre du jour dont la très controversée « responsabilité de protéger », l’Assemblée générale a bouclé aujourd’hui les travaux de sa soixante-treizième session et dit au revoir à sa Présidente sortante, « championne du multilatéralisme », selon les mots du Secrétaire général de l’ONU.
Dans cette salle prestigieuse et ailleurs au Siège, vous n’avez cessé de parler des questions les plus pressantes de l’humanité, a dit M. António Guterres à Mme María Fernanda Espinosa Garces. Qu’il s’agisse de la crise du climat, des flux migratoires, de l’aggravation des inégalités, de l’intolérance ou de la bonne exploitation des technologies, une chose est sûre, a déclaré le Secrétaire général: les problèmes mondiaux exigent des solutions mondiales. Il a donc félicité la Présidente sortante pour avoir été une « championne du multilatéralisme ».
Je me souviens qu’en 2018, a dit Mme Garces, les dirigeants se succédaient à la tribune pour marquer leur attachement au multilatéralisme. Chaque État reconnaissait alors que la coopération internationale n’était pas seulement la seule réponse aux problèmes actuels mais qu’il fallait aussi renforcer le système multilatéral avec en son cœur les Nations Unies. Si un extraterrestre avait débarqué ce jour-là, il aurait cru que le soutien au multilatéralisme n’avait jamais été aussi fort, a plaisanté la Présidente sortante. Qu’on le veuille ou non, nous sommes des citoyens du monde et nous devons agir comme tels. Ce n’est pas une vision du monde, c’est un fait, a martelé la Présidente sortante. Ce n’est pas un combat entre la droite et la gauche, entre la nationalisme et mondialisme car ce sont là de fausses dichotomies.
Ce n’est pas le multilatéralisme qui menace la souveraineté nationale mais bien notre incapacité à voir ses avantages, a-t-elle poursuivi. Au moment où le multilatéralisme est plus que jamais urgent, il est remis en cause avec les conséquences dangereuses pour les accords internationaux durement acquis, pour l’ONU et pour les citoyens dans le monde, s’est alarmée la Présidente sortante, en constatant que les critiques faites contre les institutions multilatérales, les divisions et les incitations à la haine n’ont fait que renforcer le sentiment nationaliste, la xénophobie et l’extrémisme.
Mon vœu le plus cher, a-t-elle confié, est qu’à la prochaine session, l’on n’entende pas seulement des plaidoyers en faveur du multilatéralisme mais aussi que l’on voit des résultats concrets pour les peuples du monde. La mise en œuvre du Programme de développement à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris sur le climat fera plus que n’importe quel discours pour mobiliser le soutien en faveur du multilatéralisme. Nous ne pouvons, a ajouté la Présidente sortante, ignorer les espoirs, les peurs et les rêves des 7,7 milliards d’habitants sur terre. Nous devons convoquer la passion qui nous a poussés vers la politique et la diplomatie.
Avant cela, l’Assemblée générale a adopté six résolutions et réinscrit certains points à l’ordre provisoire de sa soixante-quatorzième session. Seul à avoir été adopté par vote, le texte sur l’Académie de l’homme pour la rencontre et le dialogue a été appuyé par 165 États et rejeté par les États-Unis et Israël. L’Assemblée générale y félicite l’initiative du Président libanais de créer l’Académie à Beyrouth. Cette initiative, a expliqué le Liban, vise à nous donner à nous mais aussi à la région et au monde un nouvel espace où la paix, le dialogue, la compréhension et la culture de paix peuvent exister et prospérer. L’Académie travaillera dans une région qui a offert au monde l’alphabet, le cèdre, la couleur pourpre, et Gibran Khalil Gibran.
Il s’agit de soutenir ce qui nous unit, ce qui nous lie aux valeurs humaines, à la coopération, au multilatéralisme et ce qui cherche à promouvoir le vivre en paix, par la paix et pour la paix. Grâce à leurs nombreuses différences, les Libanais ont appris à vivre ensemble, à se respecter et à chérir ce qui les unit, leur Liban. Ce texte est une hypocrisie qui fait perdre son temps à l’Assemblée générale, a taclé Israël qui aurait préféré que les valeurs véhiculées soient d’abord appliquées au Liban où le Hezbollah prospère dans les quartiers cossus de Beyrouth et où le viol est légal et la liberté d’expression étouffée. Pourquoi, ont embrayé les États-Unis, adopter un texte qui met en exergue l’initiative d’un seul dirigeant. C’est, ont-ils estimé, « réduire » la crédibilité de l’Assemblée générale » et faire courir le risque de détourner les ressources de l’ONU. L’Union européenne a au contraire fermement soutenu le texte.
L’Assemblée a aussi adopté cette fois sans vote une résolution sur la Lutte contre le trafic d’espèces sauvages. La Gabon a rappelé qu’avec l’Allemagne, il n’a eu de cesse de sensibiliser la communauté internationale contre ce fléau, compte tenu de son impact négatif sur les sociétés, les économies, les écosystèmes et la sécurité nationale. Il est donc urgent de se doter de stratégies innovantes et de renforcer la coopération intergouvernementale. Le Gabon a encouragé les États à ratifier la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction et à coopérer efficacement avec les agences de Nations Unies pour une bonne mise en œuvre de la résolution.
Cette résolution est d’autant plus significative que nous sommes à la veille du Sommet sur la diversité biologique qui aura lieu en Chine en 2020, a commenté l’Union européenne. La Chine a d’ailleurs insisté sur son engagement en faveur de la protection des espèces sauvages, en particulier les tigres et les espères à cornes. Pour elle, la solution passe par l’élimination de la pauvreté et le développement économique, de manière à éviter le braconnage. Les pays développés doivent fournir une aide technique et en matière de développement aux pays du Sud, a ajouté la Chine en se félicitant d’une résolution qui envoie « un message positif » mais en demandant tout de même aux coauteurs de prévoir à l’avenir suffisamment de temps pour les négociations. Les États-Unis ont vu de la mauvaise foi dans le chef de certaines délégations qui ont rejeté les amendements proposés.
L’Assemblée a en outre adopté la résolution, présentée par la Roumanie, sur le multilinguisme, dans laquelle elle souligne que l’égalité des six langues officielles de l’Organisation des Nations Unies est d’une importance primordiale et qu’il incombe au Secrétariat d’intégrer le multilinguisme dans ses activités, dans les limites des ressources disponibles et sur une base équitable. Elle constate en outre que beaucoup d’appels d’offres sont publiés en anglais et encourage donc le Secrétariat à appliquer les politiques établies en matière de multilinguisme afin que les fournisseurs locaux puissent répondre plus facilement aux appels d’offres lancés par l’Organisation.
La réalité économique de l’ONU l’a conduite au « monolinguisme », a tranché le Groupe des Amis de la langue espagnole qui a appelé à des efforts financiers supplémentaires pour garantir le multilinguisme et réaffirmé son engagement à rallier les forces pour aider le Département de la communication globale. Le Groupe, qui est composé de 20 États, a réitéré la pertinence de la langue espagnole car elle représentait en 2018, 28% de ceux qui consomment les informations diffusées par l’ONU, sans compter qu’elle est la deuxième langue la plus parlée au monde.
Les trois autres résolutions adoptées par consensus portent sur la Déclaration du Centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail; le Mémorial permanent et commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves et la Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et la Communauté des Caraïbes.
L’Assemblée générale a par ailleurs décidé de réinscrire plusieurs points à son ordre du jour. Mais l’Arménie s’est dissociée de la décision d’inscrire « La situation dans les territoires occupés de l’Azerbaïdjan ». L’inscription de « La situation dans les territoires ukrainiens temporairement occupés » a fait l’objet d’un vote, à la demande de la délégation russe, et a été approuvée par 65 voix pour, 17 contre et 53 abstentions. La Fédération de Russie a vu là une manœuvre de l’Ukraine pour politiser cette question et diviser les États Membres à la veille de l’ouverture de la soixante-quatorzième session.
Cette « tactique destructrice » sape les résultats du seul mécanisme international à même de régler la crise ukrainienne, à savoir les Accords de Minsk. Le Nicaragua, qui a appuyé la position russe, a fait observer que ces accords ne mentionnent nulle part le terme de « territoire occupé ». Cela fait longtemps, a dit la Syrie, que nous voyons la tendance de certains États à faire inscrire de nouveaux points à l’ordre du jour à des fins purement politiques. L’Assemblée générale ne peut se saisir d’une question examinée par le Conseil de sécurité, a-t-elle argué, et l’inscription de ce point risque de « mettre le feu aux poudres », s’est inquiétée la Namibie. Cela ne fera que « raviver les tensions », a acquiescé l’Iran, au lieu de jeter des ponts. La solution viendra de l’Ukraine et de la Fédération de Russie, a souligné l’Iran, soutenu par l’Arménie.
L’Ukraine a dénoncé le vote et rappelé que ce n’est en aucun cas un nouveau point à l’ordre du jour, puisque l’Assemblée en a discuté en 2018 et cette année. L’attention soutenue de l’Assemblée a des effets positifs sur la paix, a-t-elle affirmé, puisque la Fédération de Russie a fini par libérer les marins ukrainiens. L’Ukraine a été appuyée par les États-Unis et la Géorgie. Une nouvelle fois, l’Union européenne a rejeté l’annexion illégale de la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol et plaidé pour l’accès des observateurs internationaux des droits de l’homme. L’Union européenne a aussi réaffirmé son plein soutien au Format Normandie, à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et au Groupe de contact tripartite.
L’inscription à l’ordre du jour de la « la responsabilité de protéger et la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité » a été approuvée par 92 voix pour, 15 voix contre et 27 abstentions. Ce point avait été inscrit il y a deux ans « pour une année seulement » a fait observer la Syrie, étonnée que chaque année, des pays différents présentent la même demande d’inscription. C’est tout simplement « une manipulation » du règlement intérieur. L’Inde et la Fédération de Russie ont donc demandé l’avis du Bureau juridique.
Les opposants à cette décision ont aussi argué, une nouvelle fois, de l’absence de consensus sur la définition et le champ d’application du concept. Cuba, le Venezuela, la Bolivie ou la Chine ont dit craindre des distorsions et une utilisation à « mauvais escient » pour s’ingérer dans les affaires intérieures des États, comme on l’a vu en Libye, « un pays détruit », a taclé la Syrie. Cette responsabilité incombe en premier lieu aux États mêmes, a souligné le Myanmar. Partisan d’un dialogue « officieux », l’Iran a estimé que les discussions formelles à l’Assemblée ne sont pas le meilleur moyen de parvenir à un consensus sur la définition et le champ d’application. La Fédération de Russie a vu dans l’inscription à l’ordre du jour une initiative « contreproductive » et l’Égypte s’est dite perplexe.
Empêcher la réinscription de ce point enverrait un message négatif, a estimé l’Union européenne, dans la mesure où l’Assemblée générale est l’enceinte la plus idoine pour dégager un consensus. « Aujourd’hui, nous avons fait exactement cela: débattre de ce concept à l’Assemblée générale », ont fait observer les États-Unis.
Demain, mardi 17 septembre, le Président élu, M. Tijjani Muhammad-Bande, du Nigéria, ouvrira la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale à partir de 15 heures.