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Conseil de sécurité: les violences meurtrières dans un site de l’ONU au Soudan du Sud rappellent l’« urgence » d’appliquer l’Accord de paix, soulignent de hauts fonctionnaires

7628e séance – matin 
CS/12251

Conseil de sécurité: les violences meurtrières dans un site de l’ONU au Soudan du Sud rappellent l’« urgence » d’appliquer l’Accord de paix, soulignent de hauts fonctionnaires

Au lendemain de violences meurtrières perpétrées sur un site de protection des civils de l’ONU à Malakal, au Soudan du Sud, de hauts fonctionnaires de l’ONU ont, ce matin devant le Conseil de sécurité, argué d’une seule voix que la gravité de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays rend plus que jamais urgente la mise en œuvre, trop longtemps différée, de l’Accord de paix d’août 2015.  Le « plan d’imposition de sanctions supplémentaires » dénoncé par le représentant sud-soudanais a été présenté par le Président du Comité créé en vertu de la résolution 2206 imposant à six personnes l’interdiction de voyager et le gel des avoirs.

Malheureusement, « les violences commises par des civils contre d’autres civils, compliquées par la présence d’éléments armés, sont un phénomène fréquent sur les sites de protection administrés par l’ONU », a reconnu le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général au Soudan du Sud, M. Moustapha Soumaré, qui a détaillé les mesures « vigoureuses » prises par la Mission des Nations Unies (MINUSS) pour sécuriser les lieux et éviter ce type d’incidents à l’avenir. 

Hier, le Secrétaire général de l’ONU avait noté avec préoccupation « la montée des tensions intercommunautaires entre les Dinka et les Shilluk », à l’origine de l’incident, mettant en garde toutes les parties contre « la tentation d’entretenir les différends ethniques ».  Le 25 février, M. Ban Ki-moon, se rendra dans la capitale sud-soudanaise, Djouba, où il s’entretiendra avec le Président Salva Kiir avant de visiter un site de protection des civils.

Les conséquences humanitaires du conflit qui déchire la plus jeune nation au monde, issue de sa sécession, en juillet 2011, avec le Soudan voisin sont accablantes: 6,1 millions de personnes y ont besoin d’une protection et d’une assistance, précise le rapport du Secrétaire général dont était saisi aujourd’hui le Conseil. 

« Ces préoccupations soulignent l’urgente nécessité de faire progresser la mise en œuvre de l’Accord sur le règlement du conflit au Soudan du Sud », a insisté le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général.

Les progrès « très limités » ont été décrits par le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation, M. Festus G. Mogae, malgré les engagements pris à nouveau par les signataires le 31 janvier dernier, à savoir le Président sud-soudanais, M. Salva Kiir; le Président du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (M/APLS), M. Riek Machar, nommé Premier Vice-Président; et le représentant des anciens prisonniers politiques, M. Pagan Amum Okiech.

La « rhétorique de la réconciliation » dont se « gargarisent » les acteurs du Gouvernement comme de l’opposition ne saurait dissimuler le fait que, sur le terrain, ils continuent d’attaquer, tuer, enlever, violer, détenir arbitrairement et déplacer par la force des civils, pillant et détruisant leurs biens, s’est impatienté le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović.

Des recommandations ont donc été faites au Conseil de sécurité et d’abord par le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation.  Il a demandé aux membres du Conseil de déclarer « sans équivoque » que si l’Accord « ne résout pas tous les problèmes, ni ne remplit tous les objectifs que les parties ont poursuivis par des moyens militaires », il mérite néanmoins d’être mis en œuvre. Le Conseil, a-t-il ajouté, doit souligner l’« urgence absolue » de mener à bien les arrangements sécuritaires indispensables à la mise en place d’un gouvernement provisoire d’union nationale. 

À cet égard, a annoncé le Président de la Commission, « j’ai reçu la nuit dernière une lettre de M. Riek Machar, dirigeant du M/APLS dans l’opposition, en exil au Kenya, dans laquelle il déclare qu’il ne se rendra à Djouba pour former le gouvernement que lorsque 2 910 de ses soldats et de ses policiers seront déployés dans la capitale, avec 1 200 policiers de plus à Bor, Malakal et Bentiu ».  Comme le temps nécessaire au déploiement de ces forces ne ferait que retarder encore la formation du gouvernement, le Président de la Commission a exprimé son intention de proposer une solution de compromis. 

Deux autres recommandations ont été faites au Conseil de sécurité par le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme qui a demandé à ce dernier de continuer de faire pression sur les parties au conflit et d’apporter son appui, y compris financier, à la création des mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord de paix dont la Commission vérité, réconciliation et apaisement, le tribunal mixte et l’autorité de réparation et d’indemnisation.

En enquêtant sur les actes que le Conseil a définis comme justifiant l’imposition de sanctions, mon Groupe d’experts a axé son attention sur ceux qui planifient ou supervisent les principales opérations militaires, en l’occurrence les personnes qui exercent une responsabilité stratégique et opérationnelle sur les forces militaires, a expliqué le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2206.  Le Groupe d’experts recommande au Conseil de sécurité d’imposer au Soudan du Sud un embargo sur les armes qui n’est pas une mesure punitive mais un élément essentiel à la stabilisation des conditions de sécurité dans le pays; sa levée pouvant donc être liée au progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.

Le Gouvernement est déçu par ce « plan d’imposition des sanctions », a plaidé le représentant sud-soudanais.  M. Joseph Moum Malok a prévenu qu’à ce stade critique de l’histoire de son pays, les sanctions ne feraient que durcir les positions, nourrir la confrontation et surtout dévaster l’économie, accroître les pressions économiques et infliger des souffrances à un peuple qui souffre déjà et qui commence à désespérer de l’avenir. 

Le Président du Comité créé en vertu de la résolution 2206 (2015) a souligné l’importance pour le Soudan du Sud et les États de la région d’appliquer les mesures d’interdiction de voyager et de gel des avoirs imposées contre six personnes le 1er juillet 2015.  Il a aussi insisté sur les éléments de preuve « clairs et convaincants » attestant que la plupart des actes de violence commis pendant la guerre avaient été perpétrés sous la direction ou à la connaissance du Président Salva Kiir; du leader du M/APLS dans l’opposition, M. Riek Machar; du Chef d’état-major de l’APLS, M. Paul Malong; et du Directeur général du Bureau de la sécurité intérieure du Service national de sécurité, M. Akol Koor.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Lettre datée du 22 janvier 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts sur le Soudan du Sud créé en application de la résolution 2206 (2015) du Conseil de sécurité (S/2016/70)

Rapport du Secrétaire général sur le Soudan du Sud (S/2016/138)

Déclarations

S’exprimant par visioconférence, M. FESTUS G. MOGAE, Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation, a fait état de progrès limités dans la mise en œuvre de l’Accord sur le règlement du conflit au Soudan du Sud, que l’ONU l’a chargé de surveiller, et du retard considérable pris dans le respect des calendriers fixés par ce même Accord, signé par les parties en août 2015.  « En dépit de ces imperfections, l’Accord offre la meilleure opportunité pour le Soudan du Sud de rétablir la paix et la stabilité.  Mais il dépend entièrement de la volonté politique de l’appliquer et, à cet égard, la patience du peuple soudanais continue d’être mise à rude épreuve par leurs dirigeants », a relevé le haut fonctionnaire, mettant en cause une « méfiance mutuelle » et la « réticence » à la surmonter.

Quelques avancées ont été constatées, a reconnu M. Mogae, citant le retour, fin décembre 2015, dans la capitale sud-soudanaise Djouba, d’une première équipe du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (M/APLS) dans l’opposition, sur intervention de la Commission mixte.  En outre, a-t-il ajouté, certaines mesures ont été prises en vue de former un gouvernement provisoire d’union nationale, comme la nomination, par le Président Salva Kiir, de M. Riek Machar, au poste de Premier Vice-Président, « in absentia ».  « Enfin, et c’est peut-être l’élément le plus important, le cessez-le-feu permanent tient toujours dans l’ensemble de la région du Haut-Nil, encore que les derniers développements à Malakal témoignent du fait que des violences continuent d’y être perpétrées. »  Rien qu’au cours des deux derniers jours, au moins 18 personnes ont trouvé la mort dans cette localité, plusieurs centaines d’autres ont été déplacées et des dégâts importants causés au site de protection des civils administré par l’ONU, a déploré le Président.

En outre, les réalisations doivent être mises en regard d’une montée préoccupante de l’instabilité et des violences dans d’autres parties du Soudan du Sud, notamment en Équatoria occidental et au Bahr el-Ghazal occidental, régions pourtant épargnées par le conflit jusqu’à présent.  L’accès des personnels humanitaires est compliqué par les restrictions qui leur sont imposées, alors que des secteurs entiers sont confrontés à une « catastrophe humanitaire ». 

La préoccupation actuelle de la Commission mixte, a rappelé M. Mogae, demeure la formation du gouvernement provisoire d’union nationale, qui aurait dû être concrétisée en novembre dernier, puis entre le 15 décembre 2015 et le 15 janvier 2016, une date butoir qui n’a pas été respectée, comme la précédente.  « En dépit du dernier communiqué de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), en date du 31 janvier, et pourtant agréé sans condition par les parties, nous n’avons toujours par de gouvernement en place ».  C’est la raison pour laquelle une pression constante doit être exercée sur les parties, « parce que les limites de temps et la volonté politique demeureront des contraintes significatives ».  Dans ce contexte, les Nations Unies, et tout particulièrement le Conseil de sécurité et la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), ont un rôle crucial à jouer, a-t-il dit.

S’adressant aux membres du Conseil, le Président leur a demandé de déclarer « sans équivoque » que si l’Accord « ne résout pas tous les problèmes, ni ne remplit tous les objectifs que les parties ont poursuivis par des moyens militaires », il mérite néanmoins d’être mis en œuvre.  Le Conseil doit clairement affirmer que ses termes ne sauraient être continuellement renégociés.  En outre, a poursuivi M. Mogae, le Conseil doit souligner l’« urgence absolue » de mener à bien les arrangements sécuritaires indispensables à la mise en place d’un gouvernement provisoire d’union nationale.  À cet égard, a-t-il annoncé, « j’ai reçu la nuit dernière une lettre de M. Riek Machar, dirigeant du M/APLS dans l’opposition, dans laquelle il déclare qu’il ne se rendra à Djouba pour former le gouvernement que lorsque 2 910 de ses soldats et de ses policiers seront déployés dans la capitale, avec 1 200 policiers de plus à Bor, Malakal et Bentiu ».  Cette proposition ne constitue pas, selon le Président de la Commission, une « approche graduelle » de la mise en œuvre des arrangements sécuritaires pour la capitale prévus par le Communiqué de l’IGAD.  En effet, a-t-il expliqué, le temps nécessaire au déploiement de ces forces ne ferait que retarder encore la formation du gouvernement.  « Aussi, ai-je l’intention de proposer une solution de compromis pour le retour de M. Machar, de nature à garantir sa sécurité et à permettre la formation du gouvernement dans la foulée », a indiqué M. Mogae. 

Par ailleurs, compte tenu de la fragilité de la situation sécuritaire dans le pays, le Conseil devrait afficher sa détermination à prendre toutes les mesures nécessaires contre ceux qui œuvrent à empêcher la mise en œuvre de l’Accord, et souligner la gravité de la situation à laquelle font face les Sud-Soudanais, « dont la moitié dépendrait de l’aide humanitaire », a relevé le Président.  Enfin, les Nations Unies devraient assister le Soudan du Sud dans la mise en œuvre des processus économique, humanitaire et judiciaire jugés « vitaux » pour le pays, notamment au travers d’un soutien à l’Union africaine, chargée de constituer le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud, et à la Commission vérité, réconciliation et apaisement que le nouveau gouvernement devra établir.  « L’Accord présente un potentiel important, mais pour le réaliser, il ne faut plus perdre de temps, et le rythme de la mise en œuvre doit être accéléré », a insisté en conclusion le Président de la Commission.

S’exprimant par vidéoconférence depuis Djouba, M. MOUSTAPHA SOUMARÉ, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général au Soudan du Sud, a exprimé sa vive préoccupation devant les violences commises ces derniers jours sur les sites de protection de Malakal, administrés par la Mission des Nations Unies (MINUSS).  Il a condamné toute violation du caractère civil de ces sites par des éléments armés.  À l’heure actuelle, le personnel de la MINUSS est en train de prendre des mesures « vigoureuses » pour renforcer la sécurité des lieux, tandis que les partenaires humanitaires s’efforcent de reprendre la fourniture de services aux populations.

En outre, a poursuivi le haut fonctionnaire, la MINUSS a contacté tous les échelons gouvernementaux, l’opposition et les Forces de sécurité nationales, ainsi que les communautés locales, pour traiter des causes profondes de ces incidents et éviter de nouvelles violences.  Les violences commises par des civils contre d’autres civils, compliquées par la présence d’éléments armés, sont un phénomène fréquent sur les sites, a expliqué M. Soumaré.  Il s’est dit particulièrement préoccupé par la détérioration des conditions de sécurité dans la région du Bahr el-Ghazal occidental, en particulier autour de Wau, ainsi que des combats entre l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et des groupes armés, à l’origine d’un afflux constant de personnes déplacées dans la région.  La recrudescence des violences intercommunautaires dans les États de Jonglei, Warrap et des Lacs est également une source de préoccupation, a dit le Représentant spécial adjoint.

En réponse à l’évolution de la dynamique du conflit, la MINUSS a fait preuve d’une plus grande souplesse dans ses efforts de protection des civils, a-t-il expliqué.  Ainsi la Mission effectue des patrouilles de longue durée loin de ses bases de Bentiu, Bor, Juba, Malakal et Wau.  Elle a de plus ouvert des bases d’opérations temporaires dans des zones de grande insécurité, notamment Leer et Mundri qui, avec le déploiement d’une compagnie supplémentaire à Yambio, ont renforcé la présence de la Mission dans l’Équatoria occidental.  En outre, dans le Haut-Nil, la MINUSS a déployé une présence militaire régulière sur la rive occidentale du fleuve, ainsi qu’à Malakal.

Parallèlement, a relevé M. Soumaré, environ 6,1 millions de personnes à travers le Soudan du Sud ont besoin d’une aide humanitaire en raison des conflits armés, des violences intercommunautaires, du déclin économique, des maladies et des chocs climatiques.  Et pourtant, a-t-il regretté, la MINUSS et ses partenaires humanitaires se sont vus régulièrement refuser leur liberté de mouvement, en violation de l’Accord sur le statut des forces entre l’ONU et le Gouvernement sud-soudanais.  Ces préoccupations soulignent l’urgente nécessité de faire progresser la mise en œuvre de l’Accord de paix.  À cette fin, le Représentant spécial du Secrétaire général a régulièrement convoqué un forum rassemblant les « partenaires et amis internationaux du Soudan du Sud » pour soutenir la Commission mixte.

En outre, a signalé M. Soumaré, la MINUSS a apporté son soutien aux huit équipes de vérification du Mécanisme de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité.  Bien que les parties soient encore au stade de la planification du Centre d’opérations conjoint et de la police mixte intégrée, la Mission a mis au point un programme de formation préliminaire à cette fin.  Le Représentant spécial adjoint a, en conclusion, exhorté le futur gouvernement provisoire d’union nationale à mettre fin aux violences en cours et à prendre des mesures urgentes pour atténuer les répercussions du déclin économique, qui, avec l’insécurité alimentaire, ont poussé des dizaines de milliers de personnes au bord de la catastrophe humanitaire.

M. IVAN ŠIMONOVÍC, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a constaté que la rhétorique de la réconciliation dont se gargarisent les acteurs du Gouvernement comme de l’opposition ne saurait cacher le fait que sur le terrain, ils continuent à attaquer, tuer, enlever, violer, détenir arbitrairement et déplacer par la force des civils, pillant et détruisant leurs biens.  Six mois après la signature de l’Accord de paix, la stratégie de la terre brulée continue: des civils sont brûlés vifs dans leurs maisons, leur bétail pillé et leurs moyens de subsistance détruits. 

Les droits de l’homme sont sous attaque dans tout le pays, a souligné M. Šimonovíc.  Il a prévenu qu’une série de rapports a conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que des violations massives des droits de l’homme, de graves violations du droit international humanitaire et des crimes internationaux ont été commis par les parties au conflit.  Parmi ces rapports, il a cité ceux de la MINUSS, de la Commission d’enquête de l’Union africaine sur le Soudan du Sud et du Groupe d’experts créé en vertu de la résolution 2206 (2015).

Pourtant, a dénoncé le Sous-Secrétaire général, aucune mesure n’a été prise pour rompre ce long cycle d’impunité et prévenir d’autres violations des droits de l’homme.  Il faut, a-t-il dit, créer les mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord de paix, dont la Commission vérité, réconciliation et apaisement, le tribunal mixte et l’autorité de réparation et d’indemnisation.

Mais, a reconnu M. Šimonovíc, la création de ces mécanismes représente des défis énormes.  Les ressources nécessaires seront importantes, s’est-il expliqué, et devront être assurées sur le long terme.  En outre, une fois créé, le tribunal mixte ne pourra juger que les hauts responsables alors que les autres devront être traduits devant des tribunaux sud-soudanais qui n’en ont pas les moyens. 

Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme a alors fait trois recommandations et d’abord que les parties sud-soudanaises cessent immédiatement toutes les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Il a souligné que les leaders civils et militaires ont, en vertu du droit international, la responsabilité de prévenir les violations et d’en punir les auteurs au risque d’être tenus eux-mêmes pour responsables des violations.  Il a aussi exhorté les membres du Conseil de sécurité et les dirigeants régionaux de continuer de faire pression sur les parties au conflit.  On ne peut plus tolérer que les dirigeants fassent des déclarations à Djouba alors que les hostilités et les attaques sur les populations civiles se poursuivent et s’intensifient dans tout le pays.  Le Soudan du Sud est non seulement au bord de l’implosion mais il menace aussi la stabilité de toute la région.

Enfin, M. Šimonovíc a appelé les membres du Conseil de sécurité et l’ensemble de la communauté internationale à apporter leur appui, y compris financier, à la création des mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord de paix.  Les Nations Unies doivent apporter tout leur appui à l’Union africaine et au futur gouvernement provisoire d’union nationale pour faire en sorte que le cycle de l’impunité soit brisé et que la justice soit rendue.   

M. FODÉ SECK, Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2206 (2015) concernant le Soudan du Sud, a dit que dans son rapport final, le Groupe d’experts du Comité a indiqué le 14 janvier dernier, que l’Accord de paix signé en août 2015 n’avait pas permis de mettre un terme à la violence.  Les deux parties avaient continué d’acquérir des armes et du matériel militaire même après la signature de l’Accord de paix et en dépit de l’aggravation de la crise humanitaire, des pressions économiques considérables et de la baisse importante des recettes publiques.

Le Groupe d’experts a aussi souligné que les progrès accomplis en vue de la création d’un gouvernement provisoire d’union nationale avaient été infimes.  Il a même estimé n’avoir aucune raison de croire que le Gouvernement ou l’opposition soit, dans une optique stratégique, réellement attaché à la paix.  La guerre sans merci que mènent les parties a engendré une catastrophe humanitaire qui ne fait que s’empirer, a insisté le Groupe d’experts.

Il a indiqué qu’en enquêtant sur les actes que le Conseil de sécurité a définis, dans sa résolution 2206, comme justifiant l’imposition de sanctions, il avait axé son attention sur ceux qui planifiaient ou supervisaient les principales opérations militaires, en l’occurrence les personnes qui exerçaient une responsabilité stratégique et opérationnelle sur les forces militaires.  Le fait que ces derniers n’aient pas ordonné chacune des violations des droits de l’homme ne les déchargeait pas pour autant de leur responsabilité au titre de la norme de responsabilité du supérieur hiérarchique acceptée sur le plan international et ce d’autant plus que ces violations étaient systématiquement et continuellement perpétrées et qu’aucune mesure n’était prise pour enquêter à leur sujet ou en sanctionner les auteurs. 

Le Groupe d’experts a donc établi que les opérations militaires complexes menées sur plusieurs fronts n’auraient pu avoir lieu sans une planification minutieuse à partir du quartier général à Djouba et sans l’approbation des plus hautes autorités gouvernementales.  Il a également indiqué qu’aucun des commandants sous la supervision desquels ces violations des droits de l’homme étaient commises, n’avait fait l’objet d’une enquête ni été sanctionné par le Gouvernement.  Il a indiqué aussi que ses conclusions relatives à la nature de la violence pendant la guerre et à la responsabilité de cette violence perpétrée par les deux parties allaient dans le même sens que celles de la Commission d’enquête de l’Union africaine.

Le Groupe d’experts recommande donc qu’en vue d’atteindre une paix durable et sans exclusive au Soudan du Sud, le Comité désigne les décideurs de haut niveau qui sont responsables des activités et des politiques menaçant la paix, la sécurité et la stabilité du pays et qui ont les moyens, du fait de leur pouvoir et de leur influence, de changer le cours de la guerre.  À cet égard, le Groupe d’experts a transmis au Comité, le 12 janvier dernier, une annexe confidentielle contenant les noms de ces personnes.  Le Coordonnateur a indiqué qu’il existe des éléments de preuve « clairs et convaincants » attestant que la plupart des actes de violence commis pendant la guerre avaient été perpétrés sous la direction ou à la connaissance de responsables placés au plus haut niveau du Gouvernement et de l’opposition dont le Président Salva Kiir; le leader du M/APLS dans l’opposition, M. Riek Machar; le Chef d’état-major de l’APLS, M. Paul Malong; et le Directeur général du Bureau de la sécurité intérieure du Service national de sécurité, M. Akol Koor. 

Le Groupe d’experts recommande aussi que le Conseil de sécurité impose au Soudan du Sud un embargo sur les armes qui n’est pas une mesure punitive mais un élément essentiel à la stabilisation des conditions de sécurité dans le pays; sa levée pouvant donc être liée au progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.

Troisièmement, le Groupe d’experts recommande que le Comité demande aux entreprises qui mènent des activités commerciales au Soudan du Sud, en particulier dans les secteurs du pétrole et des ressources naturelles, de se conformer aux principes de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives et au guide sur le devoir de diligence élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économique, afin de favoriser l’application des dispositions du chapitre IV de l’Accord de paix. 

Dans sa quatrième recommandation, le Groupe d’experts a proposé au Comité d’inviter tous les acteurs humanitaires participant au mécanisme de surveillance et de communication de l’information et au Système de gestion de l’information sur la violence sexiste au Soudan du Sud à collaborer avec lui afin d’identifier les auteurs de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  M. Fodé Seck a ajouté que concernant les trois recommandations adressées à son Comité, aucun consensus n’a pu être dégagé.  Il a dit son intention de se rendre au Soudan du Sud et dans plusieurs États de la région durant les premiers mois de cette année.   

M. JOSEPH MOUM M. N. MALOK (Soudan du Sud) a tenu à réaffirmer la détermination de son gouvernement à mettre en œuvre l’ensemble de l’Accord de paix, comme en atteste, a-t-il argué, la mise en place des différents comités stipulés dans ledit Accord.  Il a ensuite rappelé que le 11 février dernier, le Président Salva Kiir a nommé aux vice-présidences, MM. Riek Machar, leader du M/APLS dans l’opposition et James Wani Igga.  Le Président a aussi nommé 50 autres membres du Parlement désignés par le parti de M. Machar pour siéger à l’Assemblée législative provisoire.  Les parties se sont aussi mises d’accord sur la répartition des postes dans le gouvernement provisoire d’union nationale qui sera formé dès que le M/APLS dans l’opposition et les autres partis politiques auront désigné leurs candidats, a affirmé le représentant.  Il a estimé que le retour de M. Machar à Djouba pour assumer ses fonctions de Premier Vice-Président ouvrirait une nouvelle page de la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Il a donc appelé le Conseil de sécurité et le Secrétaire général à recourir à leurs bons offices pour obtenir ce retour.  

Les arrangements liés à la sécurité stipulés dans l’Accord de paix ont été mis en place unilatéralement par le Gouvernement, a poursuivi le représentant en parlant de la démilitarisation de la capitale.  Il a appelé la communauté internationale à appuyer la création de nouvelles casernes en dehors de Djouba.  La Police nationale, a-t-il aussi indiqué, a finalisé la liste du personnel qui doit intégrer la Police mixte intégrée.  Elle attend désormais le M/APLS pour pouvoir finaliser la formation de l’unité et du Centre d’opérations conjoint.  Le 13 février dernier, le commandement conjoint du MPLS et du M/APLS dans l’opposition a inspecté les sites dédiés à la zone résidentielle des gardes du corps de M. Riek Machar.  En revanche les détails logistiques de la « force énorme » qui doit être déployée à Djouba avant le retour de M. Machar exigent aussi l’aide de la communauté interantionale, a insisté le représentant.

Toujours sur les questions de sécurité, le représentant a tenu à souligner que la région de l’Équatoria occidental a été pendant ces 27 dernières années, le havre de paix du Soudan du Sud.  Ce que l’on voit aujourd’hui, a-t-il estimé, n’est pas l’échec des politiciens ni leur mauvaise gouvernance mais l’extension de ce que le monde vit en général.  Le changement climatique, s’est-il expliqué, est une réalité.  Les bergers dinka n’ont plus ni l’eau ni les pâturages qu’ils avaient auparavant.  Ils se dirigent donc vers le sud, sur les terres des fermiers, d’où les conflits dans les États de Godwe et de Mundri.  Le représentant a ajouté que la chute du prix du pétrole est venue compliquer les choses, avant d’expliquer les mesures de redressement économiques prises par son Président. 

La République du Soudan du Sud a besoin d’assistance, pas de sanctions, a plaidé le représentant.  Les sanctions viendraient aggraver une situation déjà compliquée.  Nous devrions plutôt concentrer nos efforts sur la mise en œuvre de l’Accord de paix et, à cet égard, la communauté internationale pourrait adopter des moyens plus constructifs et plus productifs que les sanctions pour obtenir ce qu’il faut des parties.  Le Gouvernement, a avoué le représentant, est déçu par le plan sur l’imposition des sanctions alors qu’il faudrait plutôt adopter des mesures pour encourager les parties à coopérer avec la communauté internationale.  À ce stade critique de l’histoire du Soudan du Sud, les sanctions ne feraient que durcir les positions, nourrir la confrontation et surtout dévaster l’économie, accroître les pressions économiques et infliger des souffrances à un peuple qui souffre déjà et qui commence à désespérer de l’avenir.  Le représentant a appelé le Conseil de sécurité à rejeter les quatre recommandations du Groupe d’experts, lesquelles risquent d’anéantir les acquis. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Les membres du Conseil de sécurité se disent préoccupés par le risque de voir Al-Chabab regagner du terrain en Somalie

7626e séance – matin
CS/12248

Les membres du Conseil de sécurité se disent préoccupés par le risque de voir Al-Chabab regagner du terrain en Somalie

Le recul du groupe terroriste Al-Chabab en Somalie ne doit pas occulter la gravité de la menace que ses miliciens continuent de faire peser sur ce pays de la corne de l’Afrique, ont estimé, ce matin, les membres du Conseil de sécurité.

« Les quinze » s’étaient réunis pour entendre l’exposé du Président du Comité des sanctions concernant la Somalie et l’Érythrée, l’Ambassadeur Rafael Darío Ramírez Carreño, du Venezuela, qui préside également les travaux du Conseil au cours de ce mois.

Alors que le Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée –formé de huit experts chargés de surveiller l’application desdites sanctions et de faire rapport* au Comité–, n’a pu se rendre en Érythrée depuis 2011, M. Ramírez Carreño a annoncé qu’il venait de recevoir une lettre du Président érythréen, M. Isaias Afwerki, invitant le Groupe de contrôle à se rendre à Asmara dans les prochains mois.

Le Président du Comité a indiqué qu’à ce jour, le Groupe de contrôle n’avait pu recueillir aucune preuve établissant que le Gouvernement érythréen avait apporté un appui quelconque au groupe Al-Chabab en Somalie.  En revanche, les experts affirment que l’Érythrée soutiendrait d’autres groupes en Éthiopie, en violation des résolutions pertinentes du Conseil, et selon certaines allégations, elle jouerait un rôle dans le conflit au Yémen.  En outre, a précisé M. Ramírez Carreño, le règlement du conflit frontalier entre l’Érythrée et Djibouti se trouve toujours dans l’impasse.

S’il a reconnu que le Gouvernement érythréen avait montré « peu d’empressement » à coopérer avec le Groupe de contrôle au cours de la période à l’examen, le représentant du Venezuela a cependant, en sa qualité nationale, estimé que les sanctions imposées à l’Érythrée n’avaient plus lieu d’être et que le Groupe de contrôle outrepassait ses prérogatives en se saisissant de questions liées au conflit entre ce pays et l’Éthiopie.  La Fédération de Russie et la Chine ont abondé en ce sens.

Plusieurs membres du Conseil, notamment le Japon, ont espéré, au contraire, que la nomination, par le Secrétaire général, de nouveaux experts au sein du Groupe de contrôle après l’adoption de la résolution 2244 (2015), serait suivie d’une coopération renforcée de la part de l’Érythrée.

La question du soutien éventuel d’Asmara au groupe Al-Chabab est d’une importance cruciale aux yeux du Conseil et de la communauté internationale, dans la mesure où ce groupe, malgré les défaites qu’il a essuyées, continue de faire peser une menace aiguë sur la stabilité de la Somalie, pays engagé sur la voie de la réconciliation nationale et la reconstruction, après des décennies de conflits.

C’est la raison pour laquelle un embargo sur les armes** vise la Somalie, même s’il ne s’applique pas aux livraisons destinées aux Forces de sécurité du Gouvernement fédéral somalien, qui continuent d’avoir besoin de l’appui de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), déployée depuis 2007 avec l’autorisation du Conseil de sécurité.

Ce sont les violations répétées de l’interdiction des exportations de charbon de bois au départ du littoral somalien qui ont préoccupé aujourd’hui le Conseil.  Le Président du Comité s’est fait l’écho des « divergences » et des « tensions » persistantes entre le Gouvernement fédéral somalien et les administrations régionales au sujet de la gestion des ressources naturelles, dans un pays où le rétablissement de l’autorité de l’État est inachevé et où la mobilisation des forces armées nationales et étrangères est déjà maximale.

C’est un contexte dont profite le groupe Al-Chabab, a-t-il fait observer, appuyé en ce sens par le représentant du Sénégal.

Pour le Président du Comité, le Groupe de contrôle a suggéré que la Somalie, les États Membres de l’ONU, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et les pays contributeurs de troupes coopèrent étroitement dans le cadre d’un mécanisme efficace de lutte contre le commerce illicite de charbon somalien, grâce auquel Al-Chabab parvient à se réarmer.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement fédéral somalien doit être épaulé par la communauté internationale dans les efforts qu’il déploie pour consolider son emprise sur l’ensemble de son territoire, tout particulièrement dans les zones reprises aux miliciens d’Al-Chabab, où des services de base sont nécessaires.  Le Japon, qui a récemment débloqué 37,1 millions de dollars supplémentaires en faveur de Mogadiscio, notamment pour appuyer le processus électoral et la formation de la police nationale, a ainsi invité les bailleurs de fonds à suivre son exemple.

Tandis que le représentant de l’Égypte a souligné qu’il était primordial de parvenir à la réconciliation politique dans un pays qui est encore fragilisé par les divisions internes, son homologue des États-Unis a mis l’accent sur la réforme du secteur de la sécurité.  Le représentant de la France a, quant à lui, fait observer que l’action militaire serait insuffisante.  « Ce sont les cœurs qu’il faut gagner, pour rallier la population au projet de stabilité et de reconstruction de la Somalie, plutôt qu’au funeste dessein poursuivi par Al-Chabab. »

 

*     S/2015/802
**    CS/12094

LA SITUATION EN SOMALIE

Exposé

S’exprimant en sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 751 (1992) et 1907 (2009) sur la Somalie et l’Érythrée, M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a déclaré qu’il avait reçu trois notifications au cours de la période à l’examen concernant l’embargo sur les armes imposé en Somalie.  Par ailleurs, a-t-il précisé, le Comité a examiné, le 9 octobre 2015, les rapports finaux du Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée, qui a constaté un intérêt national accru pour les ressources maritimes et minérales en Somalie, tout en précisant qu’il était important d’assurer une gestion et un contrôle efficaces sur ces ressources.  La convoitise pour ces ressources pose un risque pour la stabilité et la paix en Somalie, a-t-il prévenu.

Le Président a fait observer que le Groupe de contrôle avait noté une hausse des tensions entre le Gouvernement fédéral et les administrations régionales, et que le mouvement Al-Chabab avait profité de la mobilisation de l’AMISOM, de l’armée nationale somalienne et des forces alliées.  Le Groupe de contrôle a aussi constaté que les miliciens du groupe Al-Chabab cherchaient à maintenir les communications ouvertes avec Al-Qaida dans la péninsule arabique au Yémen, tandis que les administrations régionales se sont heurtées à des difficultés pour contrôler les zones reprises à ce groupe.

Sur le front humanitaire, a fait remarquer le Groupe de contrôle, l’accès continue d’être précaire, a poursuivi le Président du Comité, en signalant que le groupe terroriste Al-Chabab avait dressé des barrages dans les zones qu’il contrôle et que des éléments étrangers armés et nationaux avaient continué d’attaquer des civils en Somalie.  L’application de l’interdiction d’exportation de charbon de bois s’est améliorée depuis que le groupe Al-Chabab a été repoussé des zones d’exportation, a indiqué le Président du Comité, en ajoutant que de faux documents avaient cependant été utilisés par des transporteurs.  Le Groupe de contrôle a ainsi suggéré que la Somalie, les États Membres, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et les pays contributeurs de troupes coordonnent mieux leurs efforts pour mettre en place un mécanisme efficace contre le commerce illégal de charbon somalien.

En ce qui concerne la situation sécuritaire, le Président du Comité a déclaré que le Groupe de contrôle a fait part de son inquiétude quant au manque d’informations sur la formation et l’emplacement des forces de sécurité.  Tous les États Membres, a-t-il rappelé, doivent soutenir le programme de réforme du secteur de la sécurité annoncé par le Gouvernement fédéral somalien le 9 septembre 2015, afin de fournir l’assistance technique et financière dans ce secteur.

S’agissant de l’Érythrée, il a déclaré que le Groupe de contrôle n’avait pas trouvé de preuves établissant que le Gouvernement de ce pays avait soutenu le groupe Al-Chabab.  Il a cependant soutenu d’autres groupes en Éthiopie, en violation du paragraphe 16 de la résolution 1907 (2009).  Le Gouvernement érythréen a montré peu d’empressement à coopérer avec le Groupe de contrôle, qui a également cité un manque de progrès dans le règlement du conflit frontalier entre l’Érythrée et Djibouti.  Si la participation des Érythréens à la crise yéménite était confirmée, elle pourrait constituer une violation de la résolution 1907 (2009).

M. Ramírez Carreño a rappelé qu’après l’adoption de la résolution 2244 (2015), le Secrétaire général avait nommé huit experts –sur les armes, les groupes armés, les affaires financières, les affaires humanitaires, les affaires maritimes et les questions régionales, entre autres– rejoignant le Groupe de contrôle.  Entre le 11 et le 15 janvier, le Groupe de contrôle s’est rendu à New York pour tenir des discussions bilatérales avec des représentants de divers groupes, ainsi qu’avec le représentant de l’Érythrée.

Dans sa première mise à jour, le Groupe de contrôle a indiqué qu’il travaillait avec la communauté internationale et les parties prenantes diplomatiques dans la corne de l’Afrique pour élargir son réseau de contacts, conformément à son nouveau mandat, a fait remarquer le Président du Comité.  Le Coordonnateur fournira au Comité une mise à jour à mi-parcours et un rapport final en octobre 2015.  Le Comité a été en outre saisi d’un projet de note d’orientation aux États contenant des recommandations pour une application plus efficace de l’embargo sur les armes.  Le Comité a approuvé ces documents et les publiera en mars.

Déclarations

M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a estimé que le Conseil devrait être plus que jamais attentif à la situation en Somalie, comme en témoigne la tentative d’attentat contre un avion de ligne en Somalie au début du mois de février.  Jugeant inévitable que certains, à la fois au sein du Gouvernement et à l’extérieur, tentent de faire dérailler le processus politique, le représentant a déclaré que des informations pertinentes à ce sujet devraient être portées à l’attention du Conseil par le Groupe de contrôle.  Sur le plan militaire, il a souligné que le groupe Al-Chabab ne pouvait être sous-estimé, en rappelant que son affaiblissement momentané ne signifiait pas pour autant une perte de vitesse.  Le Groupe de contrôle, a poursuivi le délégué britannique, doit veiller à ce que le Gouvernement fédéral somalien remplisse les conditions requises pour la levée de l’embargo sur les armes et renforce ses forces armées nationales.  En ce qui concerne l’Érythrée, M. Wilson a qualifié de « franchement scandaleux » le fait que le Groupe de contrôle n’ait pas été en mesure d’entrer dans ce pays au cours de ces trois dernières années.  La balle est désormais dans le camp de l’Érythrée, a-t-il dit, avant de souhaiter qu’avec l’établissement d’un nouveau groupe de contrôle, une meilleure coopération sera établie.

M. YOSHIFUMI OKAMURA (Japon) a souligné que la gestion des finances publiques au cours de la période préélectorale était cruciale.  Les éléments perturbateurs ne doivent pas être autorisés à intervenir, a-t-il dit, en prévenant que le Conseil était prêt à identifier ceux qui s’immiscent ou tentent de s’immiscer dans le processus en cours et à leur imposer des sanctions ciblées.  Par ailleurs, a noté le représentant, si le processus d’édification de l’État doit être conduit par la Somalie elle-même, il doit en revanche être soutenu par la communauté internationale.  À cette fin, le Japon, a-t-il indiqué, a récemment fourni 37,1 millions de dollars supplémentaires, notamment pour appuyer le processus électoral et la formation de la police nationale.  Le délégué a regretté que le Groupe de contrôle n’ait pas pu se rendre en Érythrée depuis 2011, en soulignant qu’il incombait aux États Membres de respecter les résolutions du Conseil de sécurité.  Avant de conclure, il a souhaité que le Gouvernement de l’Érythrée démontre, à l’avenir, auprès du nouveau Groupe de contrôle sa coopération, avec le soutien du Comité des sanctions et du Conseil.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte), reconnaissant la nuisance toujours avérée du groupe Al-Chabab en Somalie, a déclaré que les récents développements avaient démontré à quel point il est important pour le Conseil de maintenir un élan en faveur de la réconciliation politique dans le pays.  Les menaces qui se posent aux organismes de secours et l’obstruction de l’aide humanitaire aux civils sont encore des sources de grave préoccupation, tout comme l’exportation de charbon à partir des ports somaliens, a fait remarquer le représentant.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a estimé que le Groupe de contrôle devrait s’acquitter pleinement de ses fonctions, tout en regrettant qu’il n’ait pu se rendre en Érythrée.  Il a ensuite salué les avancées enregistrées en Somalie ces derniers temps, notamment en matière de sécurité et de reconstruction du pays.  Le Gouvernement fédéral somalien, a-t-il préconisé, doit travailler de manière étroite et transparente avec les institutions régionales.  Il a aussi souhaité que les divergences entre les autorités fédérales et locales sur la question de la gestion des ressources minérales soient résolues.  Le représentant a en outre salué les efforts en cours pour améliorer la sécurité dans le pays, en invitant le Gouvernement fédéral somalien à agir pour protéger les enfants.  Il s’est dit très préoccupé par la présence de Daech dans la corne de l’Afrique, avant de recommander, dans ce contexte, que les Comités des sanctions concernant Al-Qaida, la Somalie et l’Érythrée travaillent en étroite coopération.  Il a par ailleurs appelé à ce que des mesures soient prises pour faire obstacle au trafic illicite du charbon qui prive le Gouvernement de revenus.

M. PHILLIP TAULA (Nouvelle-Zélande) a relevé que les nombreuses richesses naturelles de la Somalie, notamment les richesses minérales et maritimes étaient un atout majeur pour le pays, mais qu’en même temps, en l’absence d’une gestion et d’un contrôle efficaces, ces ressources pourraient exacerber le conflit.  Ce risque, a-t-il prévenu, pourrait s’amplifier avec le processus de fédéralisme en cours de mise en œuvre.  Il a invité le Conseil à faire preuve de prudence en appuyant le pays dans sa gestion des ressources, en estimant que l’expertise du Groupe de contrôle et d’autres partenaires pourrait contribuer à cet effet.  Il a ensuite dit qu’une bonne gestion des ressources somaliennes devrait permettre d’avoir des fonds utiles pour renforcer les institutions de l’État ou pour d’autres dépenses importantes comme le paiement régulier des salaires des soldats somaliens. 

Outre les efforts entrepris par la Somalie, des pays voisins et la communauté internationale, le représentant a jugé utile que d’autres acteurs régionaux soient impliqués pour le suivi du régime de sanctions concernant la Somalie, notamment la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) ou encore les Forces maritimes combinées.  Il a par ailleurs salué l’initiative récente du Groupe de contrôle qui a élaboré une note visant à faciliter l’application des résolutions sur les armes concernant la Somalie.  Il a expliqué que cette mesure pratique serait utile pour clarifier les obligations dont doivent s’acquitter les États qui ne siègent pas au Conseil de sécurité. 

En ce qui concerne l’Érythrée, il a émis le vœu que 2016 sera marquée par une meilleure coopération entre le pays et le Groupe de contrôle, en se disant convaincu qu’une visite de ce dernier dans le pays serait déjà une étape importante.

M. PETR ILIICHEV (Fédération de Russie) a exprimé la préoccupation de sa délégation concernant les « tactiques de terreur » employées par le groupe Al-Chabab et de ses liens possibles avec Boko Haram et Daech.  En dépit du contrôle exercé par les forces de l’AMISOM sur 80% du territoire somalien, les attaques asymétriques perpétrées par ce groupe témoignent de leur capacité à déstabiliser la situation, en a conclu le représentant.  Ces facteurs, associés aux conséquences négatives du conflit au Yémen voisin, soulignent la nécessité d’exercer une pression continue, a-t-il estimé. 

Le délégué a ensuite encouragé le soutien international aux Casques bleus africains, en exprimant l’espoir que la mise en œuvre de la résolution 2245 (2015) et l’élargissement du mandat du Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie (UNSOS) augmenteraient l’efficacité de l’AMISOM.  Exhortant les États Membres à prêter une assistance technique à cet égard, le représentant de la Fédération de Russie a appelé à un renforcement des sanctions imposées en Somalie.  S’agissant de l’Érythrée, il a, à son tour, pris note des conclusions du Groupe de contrôle selon lesquelles il n’existe pas de preuves établissant que ce pays soutiendrait le groupe Al-Chabab.  Il a jugé contreproductives les tentatives d’augmenter la pression sur Asmara.

M. FODÉ SECK (Sénégal) s’est déclaré inquiet des divergences entre le Gouvernement fédéral somalien et les administrations régionales concernant la gestion des ressources naturelles, tout en déplorant la tendance de celles-ci à conclure des accords avec des entreprises privées.  Il a ainsi plaidé en faveur d’une plus grande coopération pour parvenir à un mécanisme fiable de lutte contre le trafic de charbon de bois somalien, mais aussi pour empêcher le mouvement Al-Chabab de financer ses activités grâce à ce commerce illicite.  Sur le plan sécuritaire, le Sénégal reste fortement préoccupé par les difficultés rencontrées pour faire régner la sécurité sur l’ensemble du territoire, y compris dans les secteurs repris au groupe Al-Chabab.  Face à cette situation, le représentant a lancé un appel en faveur du respect de l’embargo sur les armes.  Il a également rappelé que la Somalie avait récemment sollicité le concours des Nations Unies pour obtenir un financement rapide de ses forces de sécurité.  S’agissant de l’Érythrée, le représentant a noté que le Comité n’avait pas été en mesure de réunir des preuves du soutien qu’apporterait Asmaa au groupe Al-Chabab.  Il s’est déclaré en conclusion troublé par les informations faisant état de la présence de soldats érythréens au Yémen.

M. ALEXIS LAMEK (France) a déclaré que sur le plan politique, il était important de rester vigilant et de continuer à œuvrer, avec les responsables somaliens, à la mise en œuvre des accords, et à la continuité de l’engagement de tous dans la stabilisation somalienne.  Sur le plan politique, Al-Chabab est sur le déclin, l’activité économique reprend, et ces signes sont encourageants, a-t-elle dit.  Pourtant, le groupe Al-Chabab est loin d’être défait.  « Notre objectif commun est de poursuivre sans relâche la lutte contre ce groupe terroriste qui a déjà fait trop de victimes et se nourrit de la guerre et de la violence en Somalie », a souligné M. Lamek, tout en faisant observer que l’action militaire ne suffisait pas.  Ce sont les cœurs qu’il faut gagner, pour rallier la population au projet de stabilité et de reconstruction de la Somalie, plutôt qu’au funeste dessein poursuivi par Al-Chabab.  Il y a là une exigence d’exemplarité du comportement de toutes les forces engagées dans la lutte contre Al-Chabab et, en particulier, des troupes de l’AMISOM, en termes de respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a expliqué le délégué de la France.  Il est indispensable que les manquements, qui profitent in fine à Al-Chabab, fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites, a-t-il estimé, car il en va de la crédibilité et de l’efficacité de l’AMISOM.

Concernant l’Érythrée, le représentant a noté que le Groupe d’experts n’avait pas démontré que ce pays participait au financement ou au soutien des groupes armés dans la corne de l’Afrique.  Il a toutefois considéré que les conditions n’étaient pas réunies pour décider de la levée des sanctions, comme le demandent les autorités d’Asmara.  « Nous attendons une coopération franche et sincère de leur part avec le Comité des sanctions, notamment sur la question des prisonniers politiques djiboutiens.  C’est la première étape vers une évolution éventuelle du dispositif.  Que cache le Gouvernement d’Asmara, qui l’empêche de coopérer pleinement avec le groupe? » a demandé le représentant.

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a déclaré que le régime de sanctions sur la Somalie avait contribué à limiter les exportations illégales de charbon, affaiblissant ainsi les ressources du groupe Al-Chabab.  La paix ne peut être durable tant que les Somaliens ne sont pas en mesure de renforcer le secteur de la sécurité, a-t-il affirmé.  Il a aussi invité le Gouvernement fédéral de transition somalien à faire preuve de plus de transparence en communiquant à ses partenaires internationaux des informations sur la position et les équipements de ses troupes.  Il a expliqué qu’une telle mesure permettrait d’assurer un meilleur suivi de l’application des sanctions.  Dans l’optique de priver le groupe Al-Chabab de sa principale source de financement, le représentant a également invité les autorités somaliennes à partager des informations relatives au commerce du charbon de bois.  Il faudrait rompre le lien entre le trafic de ressources naturelles et l’instabilité dans le pays, a-t-il expliqué.

Le délégué des États-Unis a par ailleurs invité le Conseil de sécurité à continuer à suivre de près la corruption en Somalie, en soulignant que la mauvaise gestion des fonds publics ne contribuera pas à faire avancer la reconstruction du pays.  Les allégations selon lesquelles des « soldats de la paix » auraient attaqué des civils dans la région de Gedo, le 13 janvier dernier, au lendemain de l’attaque du groupe Al-Chabab contre une base militaire kényanne sont profondément inquiétantes, surtout lorsque les actions visant à combattre des terroristes risquent de mettre en danger les civils au lieu de les protéger.  Il a demandé de vérifier ces allégations.  Passant à la question des sanctions contre l’Érythrée, il a estimé que lorsque le Gouvernement fédéral somalien engagera une véritable coopération avec le Groupe de contrôle, sa demande visant la levée des sanctions sera prise au sérieux par le Conseil de sécurité.

M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a rappelé que la question de la capacité des autorités somaliennes à prendre pleinement le contrôle des territoires libérés de la présence des Chabab avait déjà été posée dans le passé.  Il a appelé le Conseil à combattre fermement le commerce illicite des ressources naturelles somaliennes.  Il a estimé que des mesures de contrôle fermes devraient être établies et a aussi mis en garde contre la possibilité de falsification de documents pour faciliter la contrebande.  Le Groupe de contrôle a conclu qu’aucune preuve ne pouvait établir l’implication de l’Érythrée dans le conflit en Somalie, a noté le représentant.  Il a ensuite invité les autorités de la Somalie, de l’Érythrée et de l’Éthiopie à coopérer en vue de régler leurs différends.  Il a en particulier invité les autorités érythréennes à coopérer avec le Groupe de contrôle.  Le délégué a dit espérer que ce pays n’était pas en train d’importer le conflit yéménite sur son territoire en ouvrant ses bases militaires aux troupes saoudiennes impliquées dans le conflit au Yémen.  Il a aussi émis le vœu que le Groupe de contrôle ne prendra pas d’initiative de son propre chef, agissant ainsi au-delà de ses prérogatives.

M. ZHAO YONG (Chine) a déclaré qu’au cours de ces dernières années, le processus politique avait beaucoup progressé en Somalie qui, avec l’aide de la communauté internationale, a-t-il estimé, « peut aller encore plus loin ».  Rappelant qu’il n’y avait pas de preuves selon laquelle l’Érythrée soutiendrait le groupe Al-Chabab, il a souhaité que le Comité modifie le régime de sanctions en vigueur.

Se joignant à la déclaration faite par la Nouvelle-Zélande, M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a rappelé que la transparence était aujourd’hui une condition sine qua non.  « Pour que ce Conseil soit pleinement démocratique, nous devons permettre aux autres États Membres de l’Organisation des Nations Unies d’entendre les exposés périodiques des présidents des comités de sanctions », a-t-il souligné.  Un espoir est né « pour une nouvelle Somalie », qui doit emprunter la voie de la réconciliation, a-t-il dit.  Pour freiner l’élan du mouvement Al-Chabab, il est urgent d’adapter la stratégie de lutte à la situation actuelle en faisant preuve de fermeté.  Pour sa délégation, il est impératif de prévenir les exportations de charbon et de supprimer les sources de financement du groupe Al-Chabab.  Le représentant s’est ensuite dit préoccupé par les violations commises, en particulier dans les zones sous le contrôle de ce groupe terroriste.  Avant de conclure, il a reconnu que si les sanctions ne constituent pas une fin en soi, elles sont toutefois un instrument important pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a insisté sur la protection des civils en Somalie, encourageant le Gouvernement fédéral de transition somalien à utiliser davantage l’outil de la médiation.  Il s’est également dit préoccupé par les informations faisant état « d’attaques menées par des membres de la force internationale » contre la population civile.  Au sujet de l’Érythrée, il a noté que le Groupe de contrôle a indiqué n’avoir pas établi de preuve sur une éventuelle implication du pays dans le conflit somalien.  Il a aussi invité l’Érythrée à coopérer davantage avec le Groupe de contrôle pour démontrer sa bonne foi, et prouver qu’il ne soutient aucun groupe armé, que ce soit en Somalie, en Éthiopie ou à Djibouti.

M. RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela), reprenant la parole en sa capacité nationale, a salué les succès de la lutte contre le groupe Al-Chabab.  Il a déploré les allégations selon lesquelles des « forces internationales et des soldats somaliens » auraient pris pour cible la population civile au lendemain de l’attaque perpétrée par le groupe Al-Chabab, le 13 janvier dernier.  Il s’est inquiété des répercussions du conflit au Yémen sur les pays voisins.  Il a invité la communauté internationale à soutenir la Somalie afin qu’elle mette en place des structures administratives dans les zones que ne contrôle plus le groupe Al-Chabab.  Il a regretté que le pays ne puisse pas exploiter ses ressources naturelles alors que la population en a tant besoin.

En ce qui concerne l’Érythrée, le représentant a noté que le dernier rapport du Groupe de contrôle avait conclu qu’il n’existe aucune preuve établissant des liens entre ce pays et le groupe Al-Chabab.  Il a aussi salué la médiation du Qatar entre l’Érythrée et Djibouti.  Comme les raisons ayant motivé les sanctions contre l’Érythrée n’existent plus, il serait temps d’examiner à nouveau leur pertinence afin de pouvoir y mettre fin.  Le représentant a ensuite salué le travail du Groupe de contrôle.  Il a cependant estimé que le Groupe de travail agissait au-delà du mandat défini par le Conseil en traitant de la question du conflit entre l’Érythrée et l’Éthiopie.  « Certains éléments introduits par le Groupe de contrôle compliquent le travail du Comité des sanctions », a-t-il fait observer.  Il a par ailleurs informé le Conseil qu’en sa qualité de Président du Comité des sanctions, il envisageait de donner une suite favorable à la demande faite par le Président de l’Érythrée afin d’entendre toutes les parties concernées.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: la violence entre Israéliens et Palestiniens prend une tournure « troublante » prévient le Coordonnateur spécial pour le processus de paix

7627e séance – après-midi
CS/12249

Conseil de sécurité: la violence entre Israéliens et Palestiniens prend une tournure « troublante » prévient le Coordonnateur spécial pour le processus de paix

Le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient a déclaré cet après-midi au Conseil de sécurité que non seulement la violence qui a commencé en octobre dernier entre Israéliens et Palestiniens ne semble pas baisser en intensité mais qu’elle pointe en outre vers une nouvelle phase « troublante ».  

M. Nickolay Mladenov, qui intervenait par vidéoconférence depuis Jérusalem, a parlé de trois incidents impliquant des membres de la sécurité palestinienne.  Alors que les tensions persistent, les Israéliens vivent dans la peur du terrorisme et les Palestiniens continuent d’être tués et blessés dans des affrontements en Cisjordanie.  La spirale de la violence, qui a déjà fait perdre la vie à 137 Palestiniens et 19 Israéliens, ne peut être stoppée par des mesures de sécurité.  Il faut aussi, a insisté le Coordonnateur spécial, intervenir au niveau politique avec des leaders qui montrent un horizon politique à leur peuple et se dressent contre les provocations et les radicaux.

Les moyens de sortir du marasme politique actuel sont tout à fait claires.  Ils exigent, a néanmoins prévenu le Coordonnateur spécial, de la créativité, de l’audace et des efforts.  Malgré le travail courageux fait par certains, dont le Quatuor, il n’en reste pas moins que pour les peuples israélien et palestinien, la froide réalité est que tout le monde les a déçus.  Le conflit est arrivé à un tournant: les Israéliens et les Palestiniens doivent dès maintenant forger leur avenir, avec l’appui de la communauté internationale, avant que les ennemis de la paix ne le fassent à leur place.

Dans sa déclaration, le Coordonnateur spécial du processus de paix au Moyen-Orient, M. Nickolay Mladenov, a indiqué que certains incidents récents pointent vers une nouvelle phase « troublante » du conflit.  Le 31 janvier dernier, s’est-il expliqué, un officier de sécurité palestinien qui se déplaçait dans une voiture officielle a ouvert le feu à un point de contrôle près de Ramallah, blessant trois soldats israéliens.  Il s’agit là d’un des trois incidents impliquant des membres de la sécurité palestinienne.  Alors que les tensions persistent, les Israéliens vivent dans la peur du terrorisme et les Palestiniens continuent d’être tués et blessés dans des affrontements en Cisjordanie.  La spirale de la violence, qui a déjà fait perdre la vie à 137 Palestiniens et 19 Israéliens, ne peut être stoppée par des mesures de sécurité.  Il faut, a insisté le Coordonnateur spécial, intervenir au niveau politique avec des leaders qui montrent un horizon politique à leur peuple et se dressent contre les provocations et les radicaux.

Seuls, a insisté le Coordonnateur spécial, des progrès véritables vers la paix permettant au peuple d’Israël et au peuple de Palestine de vivre côte à côte dans des frontières sûres et en toute sécurité mettront fin au bain de sang et à la montée de l’extrémisme.  Dans le contexte de la radicalisation, de la terreur, de la violence sectaire, de la guerre et des changements géopolitiques « tectoniques », la paix et la sécurité pour Israël et la Palestine n’ont jamais été aussi impératives.  L’année dernière, a rappelé le Coordonnateur spécial, les États-Unis, la Fédération de Russie, l’Union européenne et le Secrétaire général de l’ONU, à savoir le Quatuor, se sont engagés activement pour sortir de l’impasse.  Leur engagement devrait d’ailleurs se traduire dans un rapport qu’ils se sont promis de rédiger, lequel devrait, selon le Coordonnateur spécial, se concentrer sur les dangers de la trajectoire actuelle, l’identification des obstacles à la solution à deux États et l’élaboration d’une stratégie pour rétablir l’horizon politique.  Le rapport devrait finalement aider à dégager un consensus international sur la voie à suivre. 

Les efforts internationaux resteront vains sans une véritable motivation chez les Israéliens et chez les Palestiniens pour traiter des menaces qui pèsent sur la solution à deux États, a poursuivi le Coordonnateur spécial.  Il faut un changement politique en Israël pour renforcer les institutions, l’économie et la sécurité palestiniennes.  Les colonies de peuplement sont un obstacle mais il faut aussi que les Palestiniens avancent dans la réconciliation.  La formation d’un gouvernement d’unité nationale et l’organisation des élections tant attendues sont cruciales pour jeter les bases d’un futur État palestinien.  Il faut également que des deux côtés, les autorités se prononcent clairement contre les incitations à la violence et à la terreur.  La réforme de la gouvernance doit aussi rester un engagement « central » de l’Autorité palestinienne, a ajouté le Coordonnateur spécial.

Venant à la situation au Liban, il a dit voir un signe positif dans le fait que le Gouvernement du Premier Ministre a repris ses réunions les 28 janvier et 2 février derniers, approuvant un certain nombre de décrets.  Il s’est tout de même dit inquiet de ce que la vacance du poste de président risque de compromettre la faculté du pays à faire face à ses nombreux défis.  Il a rappelé que la dernière Conférence des donateurs pour la Syrie a pris des engagements importants pour renforcer la stabilité du Liban face à la crise des réfugiés.  Les Nations Unies continueront de travailler étroitement avec le Liban pour suivre et mettre en œuvre les engagements sur la base de la « Déclaration d’intention » du Gouvernement, a-t-il promis.

Le Coordonnateur spécial a réservé son dernier mot à la situation entre Israéliens et Palestiniens, en estimant que les moyens de sortir du marasme politique actuel sont tout à fait claires.  Ils exigent, a-t-il néanmoins prévenu, de la créativité, de l’audace et des efforts de la part des deux parties.  Malgré le travail courageux fait par certains, il n’en reste pas moins que pour les peuples israélien et palestinien, la froide réalité est que tout le monde les a déçus.  Le conflit est arrivé à un tournant: les Israéliens et les Palestiniens doivent dès maintenant forger leur avenir, avec l’appui de la communauté internationale, avant que les ennemis de la paix ne le fassent à leur place.

 

 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Hommage de l’Assemblée générale à Boutros Boutros-Ghali, sixième Secrétaire général de l’ONU, décédé le 16 février 2016

Soixante-dixième session,
87e séance plénière - matin
AG/11762

Hommage de l’Assemblée générale à Boutros Boutros-Ghali, sixième Secrétaire général de l’ONU, décédé le 16 février 2016

En rendant aujourd’hui hommage au sixième Secrétaire général des Nations Unies, l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali, décédé il y a deux jours, l’Assemblée générale a salué la mémoire d’un diplomate accompli et d’un juriste de premier plan qui a dirigé l’Organisation des Nations Unies au cours d’une période de grands changements et de défis sans précédent.   

En présence de l’ancien Président de l’Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki, et après avoir observé une minute de silence, les représentants des groupes régionaux et ceux du pays hôte de l’ONU, les États-Unis, ainsi que de son pays, l’Égypte, ont exprimé leur reconnaissance à celui qui, à la tête de l’Organisation de 1992 à 1996, a été vu comme un « pionnier », notamment avec son « Agenda pour la paix » et son « Agenda pour la démocratisation ».

« Boutros Boutros-Ghali a eu à la fois la chance et la malchance d’être le premier Secrétaire général après la Guerre froide », a remarqué le Secrétaire général actuel de l’Organisation, M. Ban Ki-moon, après avoir exprimé, en français, ses condoléances à sa veuve, Mme Leia Boutros-Ghali, aux autres membres de la famille Boutros-Ghali et au peuple égyptien.

« Il a été le premier Secrétaire général africain et le premier du monde arabe », a rappelé pour sa part Mme Marlene Moses, Présidente de l’Assemblée générale par intérim, au nom du Président de l’Assemblée, M. Mogens Lykketoft, actuellement en déplacement.  « Il a travaillé sans relâche pour réformer cette Organisation si grande et parfois si difficile à manier », a-t-elle souligné, se rappelant aussi qu’il lui avait fallu faire face à de graves crises en Europe, en Afrique et ailleurs.

M. Ban, qui est le huitième Secrétaire général de l’ONU, s’est souvenu de cette période de paralysie pour les Nations Unies, après la chute du mur de Berlin, qui a cependant donné naissance à une nouvelle dynamique pour l’Organisation.  Ainsi, a-t-il rappelé, dès les premiers mois dans ses fonctions, Boutros Boutros-Ghali avait présidé le premier sommet du Conseil de sécurité au cours duquel il avait appelé les dirigeants du monde entier à aborder cette nouvelle ère en proposant des idées et en prenant des mesures de nature à renforcer les relations internationales.

Il a aussi estimé que Boutros Boutros-Ghali avait fait tomber des barrières en faisant entendre la voix des membres les plus démunis et les moins puissants de la famille humaine.  Il a dirigé l’Organisation à travers une série de conférences mondiales sur l’environnement, la population, les droits de l’homme, les droits des femmes, le développement social, ainsi que sur les défis uniques qu’affrontent les petits États insulaires.

La Présidente par intérim de l’Assemblée générale a ainsi rappelé les conférences tenues à Rio en 1992 (Sommet de la Terre), à Vienne en 1993 (Conférence mondiale sur les droits de l’homme), au Caire en 1994 (Conférence internationale sur la population et le développement), et à Beijing en 1995 (quatrième Conférence mondiale sur les femmes).  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté en septembre 2015, doit beaucoup au travail intellectuel du pionnier des années 90, a d’ailleurs fait remarquer M. Ban.

L’ancien Secrétaire général a occupé ses fonctions à un moment où le nombre d’opérations de maintien de la paix a beaucoup augmenté, a également relevé M. Ban, en se remémorant comment « L’Agenda pour la paix » de Boutros Boutros-Ghali avait renforcé cette activité phare des Nations Unies.  À l’époque, les activités de maintien de la paix de l’ONU avaient apporté une aide utile au Cambodge, à El Salvador, au Mozambique et à d’autres pays pour sortir de conflits.

L’ancien Secrétaire général a beaucoup fait pour la consolidation de la paix après les conflits, a estimé de son côté le représentant de l’Uruguay, au nom des États d’Amérique latine et des Caraïbes.  Son plan pour la paix est un « héritage indélébile », selon le Groupe des États d’Europe occidentale et autres, qui s’exprimait par la voix du Liechtenstein.  C’est une sorte de « livre historique référence » en la matière, a estimé quant à lui le représentant de l’Arménie, au nom des États de l’Europe de l’Est. 

Ce plan continue d’être la base de la doctrine de maintien de la paix des Nations Unies à l’heure actuelle, a précisé le représentant du Swaziland, qui s’exprimait au nom des États d’Afrique, avant de saluer la contribution du sixième Secrétaire général au renforcement du partenariat ONU-Afrique à cet égard.  Au moment où nous sommes en train de restructurer l’architecture de maintien de la paix des Nations Unies, nous devons nous inspirer de l’héritage de Boutros Boutros-Ghali, a-t-il estimé. 

Le représentant de l’Inde, au nom du Groupe des États d’Asie-Pacifique, a fait part de sa reconnaissance à l’ancien Secrétaire général pour avoir présenté son programme pour la paix dans les six premiers mois de son mandat, ce qui a prouvé sa détermination et son sérieux sur cette question. 

En même temps, s’est souvenu M. Ban, les engagements dans les Balkans, en Somalie et au Rwanda ont souligné l’écart qui existe entre les exigences d’une situation donnée et l’appui matériel et l’unité politique que doivent manifester les États Membres, en particulier le Conseil de sécurité.  « Là aussi, les échos sonnent toujours et nous hantent encore aujourd’hui. »

Les orateurs ont également rappelé les efforts de restructuration et de réforme de l’ONU déployés par Boutros Boutros-Ghali, visant à fortifier l’ONU, notamment son « Agenda pour la démocratisation », un programme pionnier qui faisait le lien entre paix, développement et démocratie au plan national, et appelait à la démocratisation de tout le système international.

C’était pourtant une période incertaine où l’on se demandait si l’Organisation resterait pertinente, s’est souvenue la représentante des États-Unis.  Elle a salué le fait qu’il ait réussi à abolir des postes importants au Secrétariat qu’il jugeait inutiles, et à recruter du personnel de qualité pour assurer un service moderne.  Il avait aussi demandé que tous les bureaux des Nations Unies soient consolidés pour garantir une plus grande efficacité, a-t-elle précisé, en citant le cas des bureaux à Accra.

Avant sa carrière à l’ONU, Boutros Boutros-Ghali avait été le « pilier de la diplomatie égyptienne » pendant plus de 50 ans et, à ce titre, un ardent défenseur des droits de la région arabe, tout en luttant en faveur de l’Afrique, « attaché au respect des droits du peuple africain à la liberté et à la prospérité », a rappelé le représentant de l’Égypte.  Son ascension au poste de Secrétaire général des Nations Unies a d’ailleurs été un moment d’immense fierté pour toute l’Afrique, s’est rappelé le porte-parole des États d’Afrique.  Son homologue du Liban, qui parlait au nom du Groupe arabe, s’est aussi félicité que Boutros Boutros-Ghali ait été le premier Arabe à occuper ce poste.

Ses années au sein du Gouvernement de l’Égypte avaient culminé avec les postes de Vice-Premier Ministre et de Ministre des affaires étrangères, a rappelé le représentant des États d’Europe occidentale et autres.  Il s’est également souvenu que Boutros Boutros-Ghali avait contribué par de nombreuses manières à l’enrichissement du droit international en tant que membre, notamment, de la Commission du droit international et de la Commission internationale des juristes.  M. Ban a d’ailleurs salué sa « richesse d’idées », qu’il a mise sur le compte de sa longue carrière de professeur de droit international.

Le délégué de l’Égypte a aussi salué les efforts de l’ancien Secrétaire général pour promouvoir les principes de la communication et de l’échange culturel entre les pays, notamment en sa qualité de Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), poste qu’il a occupé de 1998 à 2002.  L’Observateur permanent de l’OIF auprès de l’ONU a estimé que Boutros Boutros-Ghali avait donné sa pleine dimension politique à l’OIF, dans le cadre d’une évolution politique majeure décidée lors du Sommet des Chefs d’État et de gouvernement tenu à Hanoï en novembre 1997.  L’Observateur a salué en particulier le caractère « altermondialiste » de Boutros Boutros-Ghali qui avait une vision moderne et équitable du développement des pays du Sud. 

Certains intervenants sont revenus sur la personnalité de l’ancien Secrétaire général qui, selon les dires de son successeur, n’a jamais essayé de se faire aimer par tout le monde.  « Il était peut-être trop direct pour certains, trop professoral pour d’autres, ou encore trop indépendant, une vertu qu’il considérait pourtant l’une des plus importantes pour tout Secrétaire général des Nations Unies », a dit M. Ban.

La représentante des États-Unis s’est rappelée la description qu’en avait faite Mme Madeleine Albright: un homme « impressionnant, confiant, intelligent, de conviction, talentueux ».  C’était aussi un universitaire respecté, qui avait publié une douzaine d’ouvrages.  Rendant hommage à sa contribution à la paix, elle a évoqué ses efforts dans le cadre des négociations de Camp David et en faveur de la libération de Nelson Mandela.  C’était un homme qui avait de nombreux talents, y compris de linguiste, a-t-elle ajouté.

Reconnaissant les tensions qu’il y avait, à l’époque, avec les États-Unis, elle a affirmé que son pays avait aujourd’hui une dette envers lui.  Boutros Boutros-Ghali a ouvert la voie à davantage de diplomatie et à la consolidation de la paix, a-t-elle estimé.  Face à un programme ambitieux, il n’a pas baissé les bras, a-t-elle relevé, saluant sa contribution à l’édification de l’Organisation que nous connaissons aujourd’hui.

Un Livre de condoléances permettant de continuer à rendre hommage à la personnalité et à l’œuvre de Boutros Boutros-Ghali a été placé à l’entrée de la Salle de Méditation, dans le hall des visiteurs du Siège de l’ONU à New York.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Des États Membres plaident pour un rôle accru du Comité spécial de la Charte des Nations Unies en matière de prévention des conflits

Comité spécial de la Charte des Nations Unies,
282e séance - matin
L/3251

Des États Membres plaident pour un rôle accru du Comité spécial de la Charte des Nations Unies en matière de prévention des conflits

Concluant leur débat général de la session de 2016, les États membres du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation ont appelé, aujourd’hui, à faire preuve d’une volonté politique renouvelée pour surmonter les divergences de vues et aller de l’avant dans plusieurs domaines clefs du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Comme hier, les intervenants ont exprimé leurs préoccupations concernant les sanctions et leurs conséquences, et plaidé en faveur d’une coopération accrue entre les Nations Unies et les organisations régionales et du rôle que pourrait jouer le Comité dans la prévention des conflits.

Les travaux du Comité spécial, a estimé le représentant du Bangladesh, ont été « pris en otage » du fait des divergences de vues et de l’absence de volonté politique.  Le potentiel de la Commission pour faire face à ces questions reste « largement inexploité », a-t-il poursuivi, en soulignant que la tendance devrait être inversée.  Alors que la possibilité d’intervenir seulement après le début des conflits commence d’être reconsidérée par l’Organisation, le Comité spécial devrait exercer pleinement ses fonctions en matière de règlement pacifique des différends, a-t-il préconisé.

De nombreux intervenants ont soutenu ces propos, en mettant l’accent sur la nécessité pour le Comité d’examiner un projet en ce sens.  Les délégations ont également appuyé une proposition visant à demander à la Cour internationale de Justice (CIJ) de rendre un avis consultatif sur les conséquences juridiques du recours à l’usage de la force par les États sans autorisation préalable du Conseil de sécurité.

À cet égard, certains orateurs ont reconnu que la CIJ, instrument important dans le règlement pacifique des différends entre États et la promotion de la primauté du droit international, pourrait en effet émettre des avis consultatifs à la demande des organes des Nations Unies habilités à le faire.  Ils ont été nombreux à estimer que le Comité devrait poursuivre l’examen de cette question.

S’agissant des sanctions, les délégations ont largement convenu que de telles mesures devraient être imposées en dernier recours.  Le représentant de l’Iran a ainsi déclaré que les sanctions unilatérales contre des pays en développement demeuraient une source de grave préoccupation.  Pour sa délégation, il serait nécessaire d’élargir le mandat du Comité et de traiter des conséquences juridiques des sanctions unilatérales à la lumière des obligations des États en vertu de la Charte des Nations Unies.

De son côté, le représentant de Trinité-et-Tobago a suggéré que la Commission du droit international pourrait examiner la question du versement de dommages et intérêts aux États ciblés et/ou aux pays tiers subissant les effets négatifs de ces sanctions.

Plus généralement, il a expliqué que « le respect de la Charte devrait être considéré par tous comme étant sacré, et qu’une violation de ses dispositions pourrait entraîner de graves conséquences pour la communauté internationale ».  Le délégué a également appelé les organes des Nations Unies à ne pas empiéter sur leurs mandats respectifs.

Rappelant qu’en vertu de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale était l’organe délibérant universel et le plus représentatif, le délégué de la Chine a déclaré que l’Assemblée devrait intensifier ses efforts de communication avec d’autres organes, notamment le Conseil de sécurité, pour lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat.  La Charte des Nations Unies continuera à orienter les actions des États Membres, le Comité spécial ayant, à cet égard, un rôle unique et important à remplir, a-t-il ajouté.

En début de séance, le Comité spécial a élu Mme Vasiliki Krasa (Chypre) en tant que Vice-Présidente du Groupe des États d’Europe de l’Ouest et autres États.

La session du Comité spécial poursuivra ses travaux jusqu’au 24 février.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: « le Yémen vit les jours les plus douloureux de son histoire », selon l’Envoyé spécial, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed

7625e séance – après-midi
CS/12246

Conseil de sécurité: « le Yémen vit les jours les plus douloureux de son histoire », selon l’Envoyé spécial, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed

La situation sécuritaire au Yémen s’est encore détériorée depuis le premier tour des pourparlers de paix, il y a deux mois, a déclaré, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays, en soulignant qu’une cessation des hostilités et un esprit de compromis contribueraient à ouvrir la voie à un nouveau cycle de négociations et à un retour à une transition pacifique et ordonnée dans le pays.

« Le Yémen vit les jours les plus douloureux de son histoire », a affirmé M. Ismail Ould Cheikh Ahmed.  Cela fait deux mois maintenant que les parties se sont rencontrées en Suisse pour leur première série de pourparlers, qui avait débouché sur des accords concernant plusieurs mesures, notamment la livraison de l’aide humanitaire à Taïz et la libération de prisonniers.

À cette occasion, l’annonce de la cessation des hostilités s’était accompagnée de la création d’un comité de désescalade et de coordination pour veiller à ce que cet objectif soit rempli, ainsi que d’un accord de principe sur un cadre général fondé sur la résolution 2216 (2015).

Cependant, a regretté M. Ahmed, l’esprit positif qui avait fait naître l’espoir d’un avenir meilleur n’est plus au rendez-vous.  Depuis mars 2015, plus de 6 000 Yéménites ont perdu la vie et plus de 35 000 autres ont été blessés.  Le pays est de nouveau la cible de frappes aériennes et de combats au sol, tandis que les tirs de missiles en direction de l’Arabie saoudite se sont intensifiés.  L’escalade des opérations militaires et l’aggravation des tensions régionales, a-t-il dit, ont menacé de retarder une nouvelle série de pourparlers.

Une recrudescence des attaques terroristes a été, en outre, observée à Aden, Lahej, Abyan, Shabwa et Sanaa, de même que des attaques visant des postes de contrôle et des résidences de l’armée yéménite.  Des assassinats de responsables politiques et des services de sécurité se sont produits de manière régulière, a relevé l’Envoyé spécial.

De plus, l’absence de l’État dans de nombreuses régions du pays a facilité l’expansion des groupes terroristes comme Al-Qaida et Daech, notamment dans le gouvernorat d’Hadramaout, où ces groupes auraient pris le contrôle du trafic portuaire et se livreraient au commerce illicite d’hydrocarbures.

Le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire est essentiel pour permettre aux Yéménites de survivre à la crise qu’ils traversent dans la dignité et la sécurité, a ajouté M. Ahmed, qui a appelé le Gouvernement –et toutes les autres parties prenantes– à soutenir les activités menées en ce sens par les organismes des Nations Unies.

Au cours de ces dernières semaines, l’Envoyé spécial a discuté des défis qui se posent au processus de paix avec les dirigeants yéménites et les partenaires régionaux, notamment les Ministres des affaires étrangères de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, d’Oman, de la Jordanie et de la France, ainsi que le Secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe et les Vice-Ministres des affaires étrangères du Japon et de la République de Corée.

Du 8 au 16 janvier, M. Ahmed a rencontré le Vice-Président et le Premier Ministre du Yémen, ainsi que d’autres responsables gouvernementaux et des personnalités de la société civile, en veillant à ce que soient mis en œuvre certains des engagements pris lors des discussions en Suisse.  Il a également œuvré à la libération, le 14 janvier, de deux ressortissants saoudiens par les Houthistes, une évolution positive suivie peu après de celle du Ministre yéménite de l’enseignement technique et professionnel et de quatre militants politiques yéménites et d’activistes.

L’Envoyé spécial a également expliqué avoir tenté d’obtenir des accords pour préserver le fonctionnement des institutions de l’État dont dépendent les Yéménites.  Ainsi, en collaboration avec le Coordonnateur résident de l’ONU, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et la Banque mondiale, il a travaillé à la relance de la Caisse de sécurité sociale du Yémen pour que les plus pauvres bénéficient d’une aide financière.

À cet égard, un soutien politique continu de toutes les parties et des donateurs est nécessaire, a insisté M. Ahmed, qui a rappelé l’impact considérable du conflit sur les secteurs public et privé du Yémen, dont le rôle est essentiel pour les perspectives économiques futures du pays.

Malgré les violations répétées de la cessation des hostilités, les parties se sont engagées à renforcer le Comité de désescalade et de coordination et d’accord et ont convenu d’un lieu pour ses réunions.  « Son travail est crucial pour assurer le succès de la cessation des hostilités », a souligné l’Envoyé spécial.

Des divisions profondes l’ont toutefois empêché de convoquer la prochaine série des pourparlers, les parties ne parvenant pas à se mettre d’accord pour déterminer si un nouveau cycle devrait se dérouler avec ou sans la cessation des hostilités.  M. Ahmed a donc exhorté le Conseil à engager à nouveau les parties en faveur d’une telle cessation –préalable à un cessez-le-feu permanent– et de mesures pour la mettre en œuvre dès que possible.

S’exprimant ensuite en sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2140 (2014), M. Motohide Yoshikawa, du Japon, a expliqué que l’adoption d’une résolution renouvelant le gel des avoirs et des mesures d’interdiction de voyager en vigueur pour certaines personnes et entités au Yémen permettrait aux membres du Conseil d’affiner son régime de sanctions ciblées, en particulier l’embargo sur les armes.

« Les sanctions sont un outil important pour donner effet aux décisions du Conseil », a-t-il dit, en faisant cependant remarquer qu’elles ne sont pas une fin en soi et doivent, par conséquent, être mises à profit pour soutenir un processus politique mené par les parties yéménites et négocié par les Nations Unies et l’Envoyé spécial du Secrétaire Général.  Soulignant l’importance pour les États Membres de pleinement mettre en œuvre les sanctions imposées par les résolutions 2140 (2013), 2204 (2015) et 2216 (2015), M. Yoshikawa les a encouragés à coopérer avec le Groupe d’experts en fournissant des renseignements demandés en temps utile et à faciliter leurs visites de terrain.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’impasse politique en Guinée-Bissau retarde la mise en œuvre de réformes cruciales, déclare le Représentant spécial, M. Miguel Trovoada, au Conseil de sécurité

7624e séance – matin 
CS/12245

L’impasse politique en Guinée-Bissau retarde la mise en œuvre de réformes cruciales, déclare le Représentant spécial, M. Miguel Trovoada, au Conseil de sécurité

La situation en Guinée-Bissau reste marquée par des divergences continues au sein de la classe politique, qui se sont cristallisées lors du vote du programme du Gouvernement, le 23 décembre dernier, a déclaré, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Miguel Trovoada, au Conseil de sécurité.

À cette occasion, « 15 députés du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et de Cabo Verde (PAIGC), parti au pouvoir, se sont abstenus, en opposition aux instructions de leur parti », a expliqué M. Trovoada.  Ces députés ont été expulsés et l’Assemblée nationale populaire a mis fin à leur mandat.

« Aujourd’hui, des dissensions politiques autrefois circonscrites au Parlement ont débouché sur un véritable imbroglio politico-judiciaire », a poursuivi le Représentant spécial, qui est également le Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS).

Le Président de l’Assemblée nationale d’un côté, 3 des 15 députés expulsés de l’autre, ont séparément fait appel au Tribunal régional de Bissau pour qu’il statue, a-t-il dit, sur la décision de la Commission permanente relative à la perte de mandat des députés concernés. 

« Le 8 février, ce même Tribunal a rendu une ordonnance de référé qui contredit la suspension de la perte de mandat, en opposition avec sa première décision qui, elle, ordonnait à ces mêmes députés de se conformer à la décision de la Commission permanente de l’Assemblée nationale. »

C’est dans ce contexte que, les 1er et 2 février, le Président de la République, M. José Mário Vaz, a pris l’initiative de réunir les différentes parties en conflit afin de rechercher, par le dialogue, une issue consensuelle à l’impasse qui secoue actuellement le Parlement. 

« Il y avait, d’une part, l’Assemblée nationale et le PAIGC qui maintenaient que les députés avaient été exclus légalement et, de l’autre, les 15 députés expulsés, appuyés par le Parti pour la rénovation sociale (PRS), qui considéraient que cette exclusion était illégale », a précisé le Représentant spécial.

M. Trovoada a indiqué que du 3 au 8 février, il s’était entretenu en personne avec le Président du Sénégal, M. Macky Sall, qui est également le Président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et avec le Président de la Guinée, M. Alpha Condé, chargé de la médiation de la CEDEAO pour la Guinée-Bissau.

Les deux hommes ont partagé les inquiétudes du Représentant spécial, M. Sall soulignant l’importance, pour l’organisation sous-régionale, d’obtenir une assistance financière indispensable au maintien de sa Mission de sécurité en Guinée-Bissau au-delà du 30 juin 2016.  Le Président de la formation Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Antonio de Aguiar Patriota, du Brésil, a lui aussi plaidé pour que le Conseil de sécurité approuve la reconduction de cette Mission.

« Plus les institutions de l’État et les principaux acteurs politiques seront divisés, plus la situation politique actuelle gagnera en complexité, retardant ainsi la mise en œuvre de réformes essentielles », s’est alarmé M. Trovoada.  C’est pourquoi, il a appelé les parties prenantes à engager un dialogue « franc et sincère », dans le strict respect de la Constitution et des lois, afin d’éviter que « le cycle d’instabilité politique qui prévaut dans le pays depuis fort longtemps ne se perpétue ».  S’exprimant au nom de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), Mme Sofia Borges, du Timor-Leste, s’est jointe à cet appel.

Si les institutions de la République et les principales parties prenantes s’accordaient sur une feuille de route ou un pacte de stabilité, cela pourrait constituer un point de départ pour créer les conditions favorables à une stabilité institutionnelle, au moins jusqu’à la fin de la législature en cours, a affirmé le Représentant spécial.

« Cette exigence est fondamentale pour la mise en œuvre du Plan de développement stratégique –Terra Ranka– qui a reçu le soutien des partenaires internationaux à Bruxelles en mars 2015. »

Préoccupé par ailleurs par l’augmentation de la criminalité organisée en Guinée-Bissau, M. Trovoada a estimé qu’il était indispensable de proroger le mandat du BINUGBIS, qui expire le 29 février 2016, comme le recommande le Secrétaire général dans son dernier rapport semestriel* en date.

C’est précisément « l’instabilité dans le pays qui a contraint les bailleurs de fonds à différer le moment de concrétiser leurs promesses de contributions », a noté Mme Borges.  Le Président de la formation Guinée-Bissau de la CCP a renchéri en ce sens.

La représentante de la Guinée-Bissau, Mme Maria Antonieta Pinto Lopes D’Alva, a reconnu la gravité de la crise politique qui prévaut dans son pays et l’ampleur de ses conséquences pour ses concitoyens.  Elle a cependant tenu à rappeler qu’en dépit des tensions actuelles, les parties avaient choisi de résoudre leur différend par des voies légales, la période à l’examen ayant été en outre caractérisée, selon elle, par un calme relatif à travers le pays.  « Ces acquis démocratiques sont en partie le résultat d’une série de réformes institutionnelles engagées par le Gouvernement », a-t-elle assuré.

Appelant la communauté internationale à continuer d’assister la Guinée-Bissau, Mme Borges a indiqué que son propre pays, le Timor-Leste, avait débloqué 250 000 dollars, ce dont s’est félicitée la représentante bissau-guinéenne, qui a encouragé d’autres donateurs à suivre cet exemple.

La déléguée de la Guinée-Bissau a ainsi brandi l’urgence de mettre en œuvre la réforme du secteur de la sécurité, en exhortant les partenaires à respecter leurs engagements et à fournir un soutien indispensable au financement de la caisse de retraite des officiers militaires et de police démobilisés, ainsi que du fonds spécial pour les anciens « combattants de la liberté » à la retraite.

 

*     S/2016/141

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Comité de maintien de la paix: le débat général s’achève sur des dissensions sur la nécessité et le bien-fondé de l’usage de la force pour protéger les civils

Session de 2016,
246e & 247e séances – matin & après-midi
AG/PK/225

Comité de maintien de la paix: le débat général s’achève sur des dissensions sur la nécessité et le bien-fondé de l’usage de la force pour protéger les civils

Plus d’une cinquantaine d’États Membres sont intervenus au cours de ces deux jours du débat général pour souligner un certain nombre de questions majeures qui devraient être au centre de la session de fond de 2016 du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, dit « Comité des 34 » (C34), avec, aujourd’hui, des avis divergents sur la place de la force armée pour la protection des civils et sa contribution à l’avènement d’une paix durable.

« La tâche centrale du maintien de la paix est de sauver des vies », a rappelé le représentant du Rwanda auprès de ses pairs.  « Le Rwanda est conscient de ce qui peut arriver quand cette tâche n’est plus prioritaire », a-t-il relevé, en invitant la communauté internationale à œuvrer afin que l’histoire ne se répète plus, référence à peine voilée au génocide de 1994 qui a fait près d’un million de morts dans son pays.

Néanmoins, a tempéré le délégué de l’Équateur, la notion de protection des civils ne doit en aucun cas conduire à une modification des paramètres établis en matière d’usage de la force par les missions de la paix, et ne devrait pas non plus s’ingérer dans les affaires intérieures de pays tiers.  Lui emboîtant le pas, son homologue de la Fédération de Russie a souligné que la protection des civils était une tâche relevant en premier des États.  C’est une prérogative première du gouvernement hôte, a corroboré le représentant de la République arabe syrienne.

D’autres intervenants ont répliqué qu’il était possible de promouvoir davantage des stratégies qui n’impliquent pas la force armée pour protéger les civils dans le cadre des missions de l’ONU, rappelant ainsi les principes de la Charte des Nations Unies qui promeuvent davantage les moyens pacifiques.  En effet, pour nombre de pays, dont l’Argentine, l’usage de la force dans les opérations de maintien de la paix doit rester exceptionnel.

Le principe selon lequel il ne faut utiliser la force qu’en cas d’auto-défense n’est plus viable, a pour sa part réagi le délégué du Malawi, expliquant que ce principe conduirait les Casques bleus à se concentrer davantage sur leur propre sécurité en cas de menace potentielle pour les civils.  

Par ailleurs, le représentant du Nigéria a plaidé pour l’harmonisation de la protection des civils, étant donné que les composantes militaires, policières et civiles des missions de la paix ont des approches différentes d’appréhender et de mettre en œuvre cet aspect de leur mandat.  La protection des civils doit intégrer toutes les phases de la préparation, de l’installation et du fonctionnement des missions, et des indicateurs clairs doivent y être liés, a estimé le délégué des États-Unis.  Il a en outre fait part de son émotion face aux nouveaux rapports, venant de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), sur des cas d’abus sexuels sur des civils datant de 2014 et 2015.  « La politique de tolérance zéro ne veut rien dire si nous n’agissons pas », a-t-il affirmé, appelant l’ONU à retirer les contingents qui seraient convaincus de telles pratiques. 

Les intervenants sont également revenus sur la question de l’introduction de nouvelles technologies dans les missions de maintien de la paix, notamment les drones.  Saluant leur apport pour protéger les troupes et les civils, ils ont néanmoins souhaité que soit menée une consultation élargie à tous les États Membres pour aplanir les incidences éthiques et légales de leur utilisation.   

Notant que les femmes ne représentent que 3% des forces militaires et 9% des effectifs de police des missions de la paix, de nombreuses délégations ont plaidé pour qu’elles soient davantage représentées au sein des missions, y compris à des postes de responsabilité.

En outre, la coopération entre l’ONU et les organisations régionales a été maintes fois saluée.  L’Observateur de l’Union africaine a ainsi rappelé que plus de 100 000 soldats de la paix de l’Union africaine et de l’ONU sont à pied d’œuvre sur le continent.  Il a noté que le problème majeur que son organisation rencontre quand elle déploie des troupes est la sécurisation d’un financement durable pour leur prise en charge.  Le représentant de la Chine a pour sa part souhaité que la communauté internationale approfondisse sa coopération avec les organisations régionales africaines, afin de les « aider à résoudre leurs problèmes à leur manière ».

Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix, qui se réunit désormais en consultations officieuses, tiendra une séance plénière dans l’après-midi du vendredi 11 mars.

Débat général (A/70/95, A/70/357, A/70/579 et A/70/579/Add.1)

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a rappelé que son pays faisait partie du groupe informel de coordination de positions appelé « ABUM » et qu’il recherche à ce titre des solutions alternatives aux différentes questions traitées dans le rapport du Groupe indépendant de haut niveau sur le maintien de la paix.  Au chapitre de la sécurité, il a souligné l’importance de l’utilisation des nouvelles technologies, mais recommandé que le Secrétaire général continue à consulter les États Membres sur cette question.  Sur les questions de « conduite et discipline », il a partagé l’idée qu’il fallait renforcer les mesures de lutte contre l’exploitation et les abus sexuels, conformément à la politique de tolérance zéro adoptée par l’ONU.  Il a indiqué que son pays avait fait beaucoup de propositions au chapitre des « stratégies pour les opérations de maintien de la paix complexes », appuyant notamment les appels lancés par le Groupe indépendant et le Secrétaire général pour que soient renforcées les capacités des Nations Unies en matière de prévention et de médiation.

Une autre question importante pour l’Argentine est l’inclusion d’une « composante droits de l’homme » dans les missions sur le terrain.  Le représentant a ensuite relevé les divergences de position dans les débats du C34 sur la protection des civils dans les opérations de maintien de la paix.  Il a recommandé de ne pas aborder cette question uniquement sous l’angle militaire, mais aussi sous son aspect politique et humanitaire.  L’usage de la force dans les opérations de maintien de la paix doit rester exceptionnel, a-t-il rappelé, en soulignant les efforts concertés nécessaires de la part de toute la mission pour assurer la protection des civils.  Il a aussi prôné l’adoption de stratégies non armées de protection des civils dans les zones d’action des missions de paix.  Enfin, sur le plan financier, il a rappelé la nécessité d’indemniser toutes les catégories de personnel en cas de décès ou d’incapacité, appuyant en cela la proposition du Groupe indépendant, reprise par le Secrétaire général, de créer un compte spécial pour le financement des missions politiques spéciales.

Mme LOURDES ORTIZ YPARRAGUIRRE (Philippines) a déploré la montée d’attaques meurtrières, d’enlèvements et d’autres actes hostiles menés contre les personnels des missions de maintien de la paix.  Elle a noté que le Secrétaire général a entrepris des démarches afin de renforcer la sécurité des personnels onusiens, et que le syndicat du personnel a également appelé à la création d’un groupe de haut niveau chargé de mener une étude sur l’évolution des menaces qu’encoure le personnel de l’Organisation.  Elle a pour sa part affirmé qu’au vu de ces nouveaux défis inhérents aux missions de maintien de la paix, il serait opportun d’améliorer la sécurité des soldats de la paix et des personnels des missions. 

En ce qui concerne la protection des civils, Mme Yparraguirre a estimé que le recours à la force ne se justifiait qu’en cas de légitime défense ou dans le cadre de la défense du mandat de la mission.  Pour protéger les civils, elle a prôné une approche globale qui comprend des ressources adéquates, du soutien logistique nécessaire et un mandat clairement défini et réalisable.  Elle a précisé que des stratégies qui n’impliquent pas la force armée devraient être privilégiées pour la protection des civils par l’ONU.  Soulignant que son pays soutenait la politique de tolérance zéro en cas d’exploitation et d’abus sexuels menés par des soldats de la paix à l’encontre de civils, elle a affirmé que les Philippines tenaient ses troupes responsables de leurs actes.  Elle a aussi souhaité que les pays contributeurs de troupes soient pleinement engagés dans le processus de prise de décisions concernant les missions de maintien de la paix.  La représentante a également plaidé pour l’introduction de l’approche genre dans tous les aspects des activités des missions de maintien de la paix, notamment dans le cadre des formations précédant le déploiement des personnels.  Elle s’est félicitée du fait que les Philippines ont 10% de femmes au sein de leur contingent déployé en Haïti, soit 16 sur 165 soldats de la paix.  Elle a aussi salué que le principal négociateur de l’accord de paix, signé le 27 mars 2015, entre le Gouvernement philippin et les rebelles du Front de libération islamique Moro soit une femme.

M. MEHDI REMAOUN (Algérie) a prédit une session riche en enseignements pour le C34 cette année, ses travaux devant transposer les rapports techniques sur les opérations de maintien de la paix du Groupe indépendant de haut niveau sur le maintien de la paix et du Secrétaire général.  Il a rappelé que le contexte dans lequel évoluent ces opérations est marqué par un grand nombre de menaces.  Il a estimé que les technologies modernes sont utiles à ces opérations, mais souhaité qu’elles soient utilisées dans le plein respect de la Charte des Nations Unies et des lois nationales et internationales.  Le représentant a également insisté sur la transparence et les consultations à mener avec les pays voisins dans l’utilisation de ces technologies.  Par ailleurs, il a demandé au Conseil de sécurité de doter les opérations militaires d’un mandat clair lorsqu’elles sont déployées par les États ou les organisations régionales aux côtés des opérations onusiennes.  En conclusion, il a rappelé que son pays avait toujours préféré les solutions politiques.  Il a aussi signalé le lancement du centre Afripol, dans le cadre de l’Union africaine, dont le siège a été inauguré en décembre dernier en Algérie.

M. DIEGO MOREJON PAZMINO (Équateur) a plaidé pour une collaboration accrue entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat de l’ONU et les pays contributeurs de troupes.  Il a rappelé que cette exigence figurait dans le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies, intitulé « Unissons nos forces pour la paix: privilégions la politique, les partenariats et l’action en faveur des populations ».  Il a aussi rappelé que le C34 était le seul organe des Nations Unies habilité à mener des réflexions sur tous les aspects des opérations de maintien de la paix, soulignant aussi que ses décisions sont prises à l’unanimité. 

Le représentant a en outre affirmé qu’une bonne définition des mandats des missions de maintien de la paix permettrait de ne pas faire d’amalgame et de ne pas orienter les activités des missions vers des buts politiques inavoués.  M. Pazmino a aussi noté que la notion de protection des civils ne doit en aucun cas conduire à une modification des paramètres établis en matière d’usage de la force par les missions de la paix et ne devrait pas non plus servir de prétexte pour justifier des ingérences dans des affaires internes de pays tiers.  Dans ce contexte, il a souligné l’importance pour les missions de maintien de la paix de protéger les enfants.  Le représentant a par ailleurs estimé que l’introduction de nouvelles technologies dans les missions de maintien de la paix, y compris les drones, devrait se faire après une consultation élargie à tous les États Membres, car, a-t-il précisé, leur usage revêt un aspect éthique et légal à prendre en considération.  Il a aussi souhaité que les décisions prises par le Conseil de sécurité sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) se fassent en collaboration avec le pays hôte et les pays contributeurs de troupes. 

Mme CARLA RIVERA (El Salvador) a rappelé que son pays avait commencé à envoyer des contingents militaires dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU à partir de 1956 et des effectifs de police à partir de 2004.  Après avoir dénombré le personnel envoyé dans chaque mission, elle a indiqué que la participation d’El Salvador à ces opérations avait augmenté de 112% en 2015 par rapport à 2014.  Nous appuyons la politique du Secrétaire général de tolérance zéro pour les actes d’abus sexuels, a-t-elle affirmé, en reconnaissant la responsabilité partagée des États Membres et des Nations Unies sur cette question.  C’est pourquoi, a-t-elle expliqué, son pays a adopté une loi pour que les délits commis par son personnel déployé dans les missions comparaisse devant les tribunaux d’El Salvador. 

Le C34 reste le seul organe habilité à revoir les opérations de maintien de la paix sous tous ses aspects, a continué Mme Rivera.  Elle a demandé davantage de consultations sur ces questions entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat de l’ONU, les pays hôtes régionaux et les pays fournisseurs de contingents.  Il faut établir un cadre permettant de revoir ces opérations et leur assurer une plus grande efficacité, a-t-elle expliqué.  La stratégie de sortie, par exemple, suppose une bonne communication avec les acteurs impliqués.  Elle a aussi salué l’utilisation des nouvelles technologies dans les missions, souhaitant un examen continu approfondi des recommandations du groupe de haut niveau à cet égard.  Elle a aussi condamné les abus sexuels commis en RDC, avant d’appuyer les initiatives qui incluent la participation des femmes dans les contingents.  Enfin elle a rappelé l’importance de verser aux pays fournisseurs de contingents les remboursements qu’ils leur sont dus.

M. ANTHONY BOSAH (Nigéria) a fait observer que les missions multidimensionnelles de maintien de la paix ne sont pas capables de faire appliquer leur mandat en raison surtout par manque d’expertise.  Pour y remédier, il a recommandé la mise en œuvre rapide du rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies, proposant en particulier l’Institution d’un module de formation des personnels de maintien de la paix sur la coopération.  Le représentant a également estimé que la coopération entre l’ONU et les organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix doit aller au-delà de l’approvisionnement de ressources, estimant que les nouveaux défis des missions de maintien de la paix nécessitaient l’usage de technologies modernes capables d’améliorer la protection des personnels des missions et des civils et la communication sur le terrain des opérations.  Il a émis l’espoir que le débat sur le bien-fondé de ces technologies ne se limite pas uniquement aux risques qu’elles représentent en matière de violation de certains principes de la Charte des Nations Unies, comme celui du respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des États.

M. Bosah a par ailleurs plaidé pour l’harmonisation de la protection des civils compte tenu du fait que les composantes militaires, policiers et civils des missions de la paix ont des approches différentes d’appréhender et de mettre en œuvre cet aspect de leur mandat.  Il a ainsi proposé qu’il y ait une coordination au sein des missions en ce qui concerne la protection des civils, notamment à travers des formations adaptées.  Il a par ailleurs plaidé pour un plus grand engagement des femmes dans les opérations de maintien de la paix, déplorant qu’elles ne représentent que 3% des forces militaires et 9% des effectifs de police.  Il a aussi proposé que plus de femmes accèdent à des postes de décision au sein des missions de maintien de la paix.

M. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a invité à faire le bilan de tout ce que l’ONU a pu réaliser en termes de paix et de sécurité dans le monde, pendant ses 70 années d’existence.  Nous pouvons en même temps, a-t-il ajouté, nous demander dans quelle mesure l’Organisation a pu répondre efficacement à des conflits complexes.  S’appuyant sur les constatations figurant dans les rapports soumis au Comité spécial, il a remarqué une certaine insatisfaction quant aux réalisations obtenues par rapport aux attentes.  C’est une tendance inquiétante, a-t-il dit, notant que l’évolution des conflits peut aller plus vite que la capacité des Nations Unies à y répondre.  À ce sujet, il a mis l’accent sur la complexité et l’instabilité croissante des environnements dans lesquels doivent évoluer les opérations de maintien de la paix, s’inquiétant notamment de la multiplication des attaques perpétrées contre les Casques bleus, situation qui exige à son avis une plus grande cohérence dans la planification et la gestion des opérations.

En ce qui concerne la protection des civils, il a rappelé que si les États ont la responsabilité première dans ce domaine, l’ONU doit agir de manière résolue pour formuler et mettre en œuvre les mandats de protection des civils.  Il a salué à cet égard le mécanisme mis en place au sein de la Mission de l’ONU pour la stabilisation de la République démocratique du Congo (MONUSCO).  Le représentant a pris acte des avantages des stratégies de protection non armées et a souhaité voir se développer des directives en matière de protection des civils, ainsi qu’une plateforme de sensibilisation des communautés locales.  Quant aux nouvelles technologies, il a souhaité les explorer davantage et coopérer avec les pays fournisseurs de contingents pour les incorporer à la formation dispensée avant le déploiement des Casques bleus.

M. RIADH BEN SLIMAN (Tunisie) a souhaité que la présente session du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (C34) soit l’occasion d’examiner en profondeur les deux rapports récemment publiés sur la question des opérations du maintien de la paix, notamment le rapport du Secrétaire général portant sur les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau, et le Rapport du Groupe indépendant chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies, intitulé « Unissons nos forces pour la paix: privilégions la politique, les partenariats et l’action en faveur des populations ».  Au vu de l’augmentation du nombre des victimes parmi les personnels de maintien de la paix, il a souhaité que les troupes onusiennes engagées dans les missions de maintien de la paix reçoivent des équipements adéquats pour assurer leur protection.  Il a aussi souhaité que les auteurs d’abus sexuels commis par les membres des missions de maintien de la paix soient traduits devant les tribunaux de leur pays.

M. Sliman a en outre exprimé l’espoir que les pays contributeurs de troupes soient davantage associés au processus de prise de décisions concernant les missions de maintien de la paix, ce qui devrait permettre de renforcer l’efficacité desdites missions.  Il a aussi salué les efforts consentis par l’Organisation en ce qui concerne le remboursement des pays contributeurs de troupes et plaidé pour le renforcement de la collaboration entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales, soulignant à ce sujet que l’Union africaine jouait un grand rôle pour mettre fin aux conflits sur le continent.

M. OLEKSIY ILNYTSKYI (Ukraine) s’est dit favorable aux recommandations du Groupe indépendant de haut niveau sur le maintien de la paix visant à faire des progrès dans ces opérations sur quatre volets.  Il a salué la pertinence de l’initiative de l’Ukraine en faveur du renforcement des capacités, notamment en ce qui concerne le transport aérien.  Il a par ailleurs souhaité que tout soit fait pour réduire les attaques contre les opérations de maintien de la paix, en consacrant les ressources nécessaires à la sécurité du personnel onusien, conformément à la résolution 59/276 du Conseil de sécurité.  Nous partageons l’avis du Secrétaire général lorsqu’il souligne que les mandats confiés aux missions ne correspondent plus à la nature des conflits internes, interétatiques, régionaux et sectaires qu’elles rencontrent.  Le représentant a aussi constaté une tendance préoccupante de « guerre hybride », où un agresseur étatique nie ses actions militaires illicites en essayant de faire peser les responsabilités sur une partie au conflit.

Nous partageons la position du Groupe indépendant qu’une paix durable est réalisable par des solutions pacifiques et non militaires, a poursuivi le représentant.  Mais les Nations Unies ne réagissent pas assez rapidement pour appuyer une telle solution, a-t-il déploré, citant le cas des accords de Minsk que le Conseil de sécurité a salué, sans que l’ONU réagisse promptement pour assurer leur mise en œuvre.  Il faut également, a ajouté le représentant, mieux utiliser le potentiel des missions d’évaluation sur le terrain afin de fournir des observations objectives au Conseil de sécurité.  En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, il a souhaité que ces visites sur le terrain soient organisées plus souvent.  Il a salué la coopération entre les Nations Unies et l’Union africaine, avant de recommander aussi une coopération plus étroite avec l’OSCE.  Il a par ailleurs regretté que la recommandation du Secrétaire général de créer un bureau d’appui en Ukraine pour aider la mission de surveillance de l’OSCE n’ait pas été mise en pratique.  Depuis l’indépendance de notre pays, 34 000 Ukrainiens ont participé aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, s’est félicité le représentant, en précisant que son pays était aussi un des principaux fournisseurs d’hélicoptères pour ces opérations.

Mme CRISTINA CARRION (Uruguay) a fait part de l’attachement de son pays aux opérations de maintien de la paix, précisant que l’Uruguay comptait pas moins de 1 536 personnels de maintien de la paix dans diverses opérations de cette nature.  Elle s’est félicitée que son pays soit le premier contributeur de contingents féminin d’Amérique latine, et a salué l’engagement croissant des femmes dans les opérations de maintien de la paix.  Elle a par ailleurs émis le vœu que le processus de révision de la structure de paix et de sécurité des Nations Unies se fasse dans une perspective globale et cohérente et souhaité que le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies serve de document de base aux travaux de la présente session.

Elle a ensuite indiqué que son pays accordait une importance majeure à la protection des civils, et a relevé que ce mandat exige, de la part des effectifs, l’engagement à se tenir prêt à agir quand l’intégrité physique des civils est menacée.  La représentante a en outre estimé que la coopération triangulaire entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat de l’ONU et les pays contributeurs de troupes devait être renforcé, afin que les décisions en matière de maintien de la paix soient prises de manière éclairée.  Mme Carrion a ensuite noté que l’Uruguay s’inquiétait de voir augmenter le nombre d’attaques contre les personnels des missions de la paix et a invité les pays hôtes à poursuivre systématiquement les auteurs de tels actes en justice. 

M. TIGRAN SAMVELIAN (Arménie) a indiqué que l’engagement de son pays dans le domaine des opérations de maintien de la paix s’était élargi tant sur le plan géographique que sur le plan quantitatif et qualitatif.  L’Arménie, a-t-il précisé, a commencé à développer ses capacités dans ce domaine en 2001.  Ses Casques bleus participent à la Mission de l’ONU au Kosovo depuis 2004, a-t-il précisé, avant de citer les autres opérations où sont déployés les soldats arméniens.  Le Président de l’Arménie a également participé au Sommet sur le maintien de la paix organisé à New York le 28 septembre 2015, lui permettant d’évoquer les nouveaux engagements de son pays dans ce domaine.  En outre, en tant que Président de l’Organisation du Traité pour la sécurité collective, mon pays a organisé un exercice militaire conjoint avec les forces de maintien de la paix des États parties à ce Traité, a indiqué le représentant, qui a par ailleurs recommandé de prendre davantage de mesures collectives pour consolider le système de maintien de la paix.  Il a salué à cet égard le rôle du C34, seul forum des Nations Unies chargé d’examiner la question des opérations de maintien de la paix sous tous ses aspects.

M. IHAB HAMED (République arabe syrienne) a précisé que des principes de la Charte des Nations Unies tels que le respect de la souveraineté des États et la non-ingérence dans les affaires internes d’États doivent guider la création et l’établissement des mandats des opérations de maintien de la paix.  Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix est le seul organe compétent pour examiner des questions relatives aux opérations de maintien de la paix, a-t-il estimé.  Il a aussi affirmé que la responsabilité de protéger est une prérogative première du gouvernement hôte, en précisant toutefois que ce principe de protection ne devait servir de prétexte pour s’ingérer dans les affaires intérieures de pays tiers.  Il a ensuite expliqué que l’occupation israélienne des territoires arabes était la raison justifiant la présence de trois missions de la paix au Moyen-Orient et a appelé l’ONU à faire pression sur Israël afin qu’il cesse ses actions illégales, de manière qu’à terme, les personnels des missions de la paix du Moyen-Orient puissent rentrer paisiblement chez eux. 

M. DURGA BHATTARAI (Népal) a rappelé le nombre important de personnel envoyé par son pays dans les opérations de maintien de la paix, indiquant que 5 300 Népalais étaient aujourd’hui déployés dans 15 missions.  Cela fait du Népal l’un des plus grands pays fournisseurs de forces militaires et de police aux opérations de paix de l’ONU, a-t-il dit.  Il a aussi fait remarquer que le C34 est le seul organe des Nations Unies habilité à l’ONU à revoir les opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects et à élaborer des politiques dans ce domaine.  Il a demandé d’étudier attentivement les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau sur le maintien de la paix et celles du Secrétaire général pour en tirer le plus grand parti.

Le nombre de zones de tension ne fait qu’augmenter et les forces de l’ONU sont insuffisantes, a-t-il noté, en appelant les États Membres à faire front de manière unie pour affronter les défis en matière de maintien de la paix.  Il a souhaité une coopération triangulaire entre les pays fournisseurs de contingents, le Secrétariat et le Conseil de sécurité pour garantir le succès des opérations de maintien de la paix.  Le représentant a enfin plaidé en faveur du renforcement de la sécurité du personnel civil et du personnel en tenue des missions, avant de soutenir la politique de tolérance zéro sur les abus sexuels.  Il faut également faire davantage d’efforts pour rembourser les sommes dues aux pays fournisseurs de contingents et celles prévues pour indemniser le personnel en cas de décès ou d’incapacité, a-t-il conclu.

M. PIETR ILLICHEV (Fédération de Russie) a remarqué que les conflits sont maintenant davantage internes, tout en relevant que les menaces transfrontières se sont exacerbées.  Ces changements nous obligent à adapter le maintien de la paix, a-t-il prévenu, en soulignant le rôle central que doit jouer à cet égard le Comité spécial.  Abordant la question des exploitations sexuelles par les soldats de la paix, il a souhaité que ce soient les États fournisseurs de contingents qui poursuivent en justice les auteurs de ces crimes.  Il a partagé l’idée que les instruments politiques sont importants pour régler les crises, notamment la médiation.  Par ailleurs, le représentant russe a rappelé que l’aide apportée aux pays hôtes devait tenir compte des priorités définies par ceux-ci.

Les forces des opérations de maintien de la paix de l’ONU ne doivent pas être utilisées pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent, a-t-il par ailleurs affirmé, partageant les recommandations du Groupe indépendant sur ce sujet.  M. Illichev s’est également préoccupé de la sécurité du personnel des missions et de la protection des civils.  Il faut veiller, a-t-il demandé, à ce que les pays hôtes aient la capacité suffisante pour protéger les civils, car cette tâche relève en premier des États.  Il a aussi recommandé de ne pas alourdir les opérations de maintien de la paix en leur confiant des tâches sociales et humanitaires pour lesquelles d’autres agences de l’ONU seraient plus adaptées.  Enfin, il a plaidé en faveur de la coopération de l’ONU avec les organisations régionales et sous-régionales, notamment par des échanges d’information et un soutien en termes de ressources.

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a fait part de son émotion face aux nouveaux rapports, venant de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), sur des cas d’abus sexuels sur des civils.  « La politique de tolérance zéro ne veut rien dire si nous n’agissons pas », a-t-il affirmé, appelant l’ONU à retirer les contingents qui seraient convaincus de telles pratiques.  Il a rappelé, dans ce contexte, que la protection des civils doit rester la tâche centrale des missions de maintien de la paix aujourd’hui.  Pour améliorer l’efficacité du mandat des missions, il faut, a-t-il suggéré, que la protection des civils soit intégrée à toutes les phases de la préparation à l’installation et au fonctionnement des missions, et que des indicateurs clairs soient définis à ce propos.

Il a en outre demandé que les mandats des missions de maintien de la paix tiennent compte des ressources disponibles et des réalités du terrain.  Il a aussi proposé que davantage de responsabilités soient accordées aux responsables des missions, notamment en rapport aux questions de sécurité et de prise en charge des soins de santé.  Expliquant que le temps est crucial pour sauver la vie de blessés, alors que les autorisations nécessaires venant du Siège prennent souvent un temps conséquent pour être accordée, il a plaidé pour des procédures administratives plus souples dans le cadre de la gestion des opérations de maintien de la paix.

M. MILAN MILANOVIĆ (Serbie) a affirmé que face à la nature changeante des conflits, à l’intensification des menaces asymétriques, des attaques des groupes criminels organisés et terroristes, et à la multiplication du nombre d’acteurs non étatiques, les missions de paix devraient être équipées et structurées en conséquence pour faire face à ces défis complexes et à leurs tâches.  L’importance de renforcer leurs capacités opérationnelles et leurs structures organisationnelles ne peut jamais être assez soulignée, a-t-il dit, estimant qu’il était essentiel de donner des capacités et des ressources adéquates et prévisibles, de définir des mandats réalisables et d’assurer une mise en œuvre effective de manière mesurable.  L’amélioration de la formation du personnel, la définition de normes de performances et de capacité, la gestion pratique, la mobilisation et le maintien d’actifs durables, y compris l’optimisation des ressources disponibles, sont à son avis des conditions essentielles pour atteindre les objectifs de missions.

Le représentant a indiqué qu’un leadership efficace, une formation améliorée, des capacités renforcées, la technologie et l’innovation sont des domaines déjà identifiés permettant l’amélioration de l’efficacité de la protection des civils.  En outre, l’intégration du genre dans tous les éléments du programme politique de maintien de la paix et des efforts continus dans la promotion de la participation des femmes dans les opérations de maintien de la paix et des processus de décisions aideront, selon lui, à améliorer la performance des missions de paix.  Le représentant a par ailleurs estimé que la continuation des allégations d’abus et d’exploitation sexuels n’était pas acceptable.  Nous devrions tous soutenir la mise en œuvre de la politique de tolérance zéro du Secrétaire général, a-t-il exhorté.  En conclusion, il a rappelé que quelque 350 Serbes, hommes et femmes, avaient rejoint les rangs des 120 000 Casques bleus des Nations Unies.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé que les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau et du Secrétaire général auraient un impact considérable à condition qu’elles soient appliquées.  Il nous appartient maintenant de délibérer soigneusement sur cette question et de trouver les décisions adaptées aux objectifs fixés des missions de maintien de paix des Nations Unies, a-t-il dit.  L’Afrique, a continué le représentant, attache une grande importance à ce processus d’examen.  À son avis, compte tenu de la nature et la complexité du maintien de la paix aujourd’hui, il ne s’agit plus d’un choix, mais d’un impératif absolu d’aborder les défis de la paix et de la sécurité.  Il a ajouté que l’institutionnalisation du partenariat entre les Nations Unies et l’Afrique à travers la prise de décisions consultatives, la division du travail sur la base de l’avantage comparatif, l’analyse conjointe, la planification, le contrôle et l’évaluation, la réponse intégrée au cycle de conflit, y compris la prévention, constituaient des éléments clefs pour faire une réelle différence dans la manière de choisir.   

Le représentant a rappelé que plus de 8 000 Casques bleus éthiopiens étaient déployés aujourd’hui dans les situations de conflit les plus explosives dans la Corne de l’Afrique, sans parler des 4 000 Casques bleus éthiopiens regroupés sous les auspices de l’Union africaine en Somalie.  Le pays a aussi commencé à contribuer aux unités de police des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et renforcera sa participation dans ce domaine dans les années à venir, a conclu le représentant. 

M. HAHN CHOONG-HEE (République de Corée) a évoqué notamment la nécessité de maintenir l’élan pour la mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général et du Groupe indépendant de haut niveau.  La République de Corée était pleinement engagée à développer une compréhension pratique et partagée du programme de réforme pour les opérations de paix, a déclaré le représentant.  Il a par ailleurs rappelé que son pays s’était engagé l’année dernière au Sommet du maintien de la paix de fournir une unité de génie supplémentaire aux opérations de maintien de la paix de l’ONU.  Le représentant a par ailleurs affirmé qu’il soutenait la politique de la tolérance zéro du Secrétaire général en matière d’abus et d’exploitations sexuels.  Il s’est également prononcé pour le renforcement des partenariats de l’ONU avec les organisations et les acteurs régionaux, notamment en Afrique, où leur rôle doit être renforcé parce qu’elles ont les avantages comparatifs uniques dans la connaissance du terrain, du déploiement rapide et la volonté d’agir vigoureusement.

M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a salué un certain nombre de recommandations contenues dans le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de la paix de l’ONU.  Il a estimé qu’il n’était pas du ressort des missions de maintien de la paix de mener des activités de lutte contre le terrorisme, ajoutant que la militarisation des opérations de maintien de la paix pourrait affaiblir l’objectif onusien de promotion de la paix par des moyens pacifiques.  Il a indiqué que l’ONU ne doit pas dévier de son objectif central qui est la promotion de la paix et du développement à travers la diplomatie et la coopération.  Il a de ce fait relevé que les innovations apportées au sein des missions de maintien de la paix ne doivent pas se décliner seulement sous forme de renforcement de la militarisation.

M. Patriota a ensuite fait mention de l’engagement de son pays dans les missions de maintien de la paix, notamment en Haïti où le Brésil compte le plus important contingent de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  Il a souligné que le maintien de la paix n’est pas une fin en soi, et qu’il devrait pouvoir s’intégrer dans une démarche globale visant à promouvoir la stabilité, le dialogue, la réconciliation et le développement.  Il a par ailleurs plaidé pour que les troupes sur le terrain soient davantage efficaces.  Pour ce faire, il a recommandé des programmes de formation adaptés, ainsi que des équipements de qualité et la participation d’unités spécialisées.  Il a également estimé que, pour que ces missions soient efficaces, il serait opportun que les pays qui contribuent par l’envoi de leurs troupes puissent participer aux discussions relatives à ces missions. 

M. DIANGUINA DIT YAYA DOUCOURE (Mali) a estimé que les mandats et les missions des opérations de maintien de la paix de l’ONU sont souvent élaborés sur la base de modèles standards et ne sont pas souvent adaptés aux réalités du terrain.  Il a pris pour exemple le cas de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), indiquant qu’elle n’évolue pas dans un environnement de maintien de la paix classique, et qu’elle est la cible régulière d’attaques asymétriques perpétrées par des groupes terroristes.  Il a ainsi rappelé que depuis son déploiement, la MINUSMA a essuyé des dizaines d’attaques asymétriques avec un bilan qui fait d’elle l’une des missions les plus meurtrières des 17 déployées par les Nations Unies dans le monde.  Il a invité l’ONU à œuvrer de concert avec les organisations régionales concernées et les pays contributeurs de troupes afin d’établir des mandats mieux ciblés et plus réalistes.  Il a également relevé que le personnel de l’ONU déployé doit faire preuve de professionnalisme et incarner les valeurs de probité morale afin d’éviter toute atteinte aux droits de l’homme.  Il a également formé l’espoir que les opérations de maintien de la paix aident davantage à poser les fondements solides d’un nouveau développement économique et social durable.

M. JOSÉ ALBERTO ANTONIO SANDOVAL COJULÚN (Guatemala) a souligné les grands efforts déployés par les pays fournisseurs de contingents pour garantir les meilleures conditions de travail et l’équipement nécessaire au personnel des opérations de maintien de la paix.  Il a ainsi demandé de procéder dûment aux remboursements des sommes dues à ces pays.  Le représentant a par ailleurs condamné fermement les récentes attaques perpétrées contre des Casques bleus, avant de rappeler aux pays hôtes leur responsabilité de garantir la sécurité du personnel civil et militaire des missions de l’ONU.  Cette sécurité doit être une priorité, a-t-il insisté.  Enfin, il a souligné l’importance de la prévention des conflits, souhaitant éviter en priorité que des situations ne dégénèrent et contraignent à utiliser la force.  Il a salué les recommandations du Groupe indépendant de haut niveau sur le maintien de la paix à cet égard.  Le Guatemala, a-t-il assuré, continuera à contribuer aux contingents militaires en maintenant un niveau élevé d’efficacité, de professionnalisme, de discipline et d’intégrité.

Mme MWABA KASESE-BOTA (Zambie) a rappelé que son pays participait aux opérations de maintien de la paix de l’ONU en déployant des observateurs militaires, des officiers et des soldats dans diverses missions.  Tout en reconnaissant les réalisations des 70 dernières années dans ce domaine, elle a souligné la nécessité d’adapter les mécanismes pour mieux prévenir les conflits ou les résoudre lorsqu’ils surviennent.  Il faut pour cela, a-t-elle expliqué, une plus grande volonté politique, ainsi que davantage d’investissement dans la paix à toutes les étapes: prévention, médiation, règlement des conflits, établissement de la paix, maintien et consolidation de la paix, et plans stratégiques à long terme pour le renforcement des capacités et la reconstruction des États.

Dans ces entreprises, la protection des civils devrait prendre le dessus, a-t-elle estimé, en exprimant son soutien aux initiatives des Nations Unies dans ce domaine, en particulier pour les femmes et les enfants.  Mme Kases-Bota a également soutenu la politique de tolérance zéro du Secrétaire général pour lutter contre les abus sexuels commis par des Casques bleus sur le terrain.  En outre, a-t-elle rappelé, son pays avait entrepris de renforcer la participation des femmes dans les missions de maintien de la paix.  Enfin, consciente que la majorité des missions sont menées en Afrique, elle a invité à soutenir la médiation de l’Union africaine dans la région, ainsi que la coopération entre les pays fournisseurs de contingents, le Secrétariat et le Conseil de sécurité dans la conduite des opérations de maintien de la paix.

M. RAOUL BAZATOHA (Rwanda) a appelé la communauté internationale à s’adapter au nouveau contexte du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Il a estimé, à cet effet, que le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies, contient des recommandations idoines pour refléter cette évolution.  Il a prôné l’amélioration de la protection des civils, en droite ligne des Principes de Kigali portant sur la question.  Il a souligné que si la communauté internationale réagissait rapidement face aux menaces, elle pourrait mieux protéger les civils, rappelant que la tâche centrale du maintien de la paix était de sauver des vies.  « Le Rwanda est conscient de ce qui peut arriver quand cette tâche n’est plus prioritaire », a-t-il relevé, tout en invitant la communauté internationale à œuvrer afin que l’histoire ne se répète plus.

M. XU ZHONG-SHENG (Chine) a demandé de s’en tenir aux principes de base régissant les opérations de maintien de la paix, à savoir le consentement du pays hôte, la neutralité, et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense, et uniquement dans le cadre des mandats autorisés.  Il faut respecter la souveraineté des pays concernés, a-t-il expliqué.  Nous devons aussi renforcer nos activités d’appui aux missions, a-t-il recommandé.  Il a en outre souhaité le renforcement des règles disciplinaires applicables au personnel déployé, ainsi que de meilleures conditions de sécurité pour ceux-ci.  Les missions de maintien de la paix, les pays fournisseurs de contingents et les pays concernés doivent concerter leurs efforts pour former les Casques bleus et les informer sur les situations de sécurité sur le terrain, a-t-il indiqué.

Le représentant a par ailleurs souhaité que la communauté internationale approfondisse sa coopération avec les organisations régionales africaines, pour les soutenir en termes de capacité, dans l’objectif « d’aider les Africains à résoudre leurs problèmes à leur manière ».  Enfin, le représentant chinois a indiqué que plus de 3 000 ressortissants de son pays étaient déployés sur le terrain dans les opérations de maintien de la paix.  La Chine est en outre l’un des plus grands contributeurs au budget du maintien de la paix de l’ONU, a-t-il souligné.

M. GUVEN BEGEC (Turquie) a fait remarquer que le maintien de la paix était devenu l’activité phare des Nations Unies, notant aussi qu’il jouait un rôle crucial en soutien aux solutions politiques en cas de crise et de conflit, et dans la réduction de la violence et la protection des civils.  Il a partagé l’avis du Groupe indépendant de haut niveau sur le maintien de la paix et celui du Secrétaire général sur l’importance de la prévention des conflits et de la médiation, qui sont les moyens les plus efficaces et les moins coûteux pour rétablir la paix.  Il a insisté pour que la médiation soit privilégiée tant dans les opérations de maintien de la paix que dans les missions politiques spéciales.  Le deuxième message important, selon lui, est la nécessité d’améliorer les « rouages du maintien de la paix » en adoptant une approche centrée sur les personnes.  Il a également souligné l’importance des partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales.

La Turquie, en tant que coprésident du Groupe des Amis de la médiation, souscrit aux recommandations de l’étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, a indiqué le représentant.  Il a souligné l’importance de la protection des civils, qui est une « obligation morale » des Nations Unies, mais relève en priorité de la responsabilité des États.  Il a souhaité que l’ONU prévoie des directives claires pour régir les cas où les opérations de maintien de la paix doivent ajouter à leur mandat celui de la protection des civils.  Enfin, M. Begec a évoqué la contribution des soldats de la paix turcs dans des missions de l’ONU, de l’OTAN et de l’Union européenne partout dans le monde.  En outre, mon pays veut organiser des cours de formation pour le personnel en tenu de l’ONU, a-t-il ajouté.  Il a également exprimé son soutien à la « coopération triangulaire » entre le Conseil de sécurité, les pays fournisseurs de contingents et le Secrétariat pour mieux définir, planifier et mener les opérations de maintien de la paix.  Il a également soutenu la politique de tolérance zéro pour les abus sexuels dans les missions.

M. GEORGE JAFFN MILAD (Malawi) a rappelé l’engagement de son pays dans les opérations de maintien de la paix, en particulier dans les opérations de soutien à la paix lancées dans les années 1960.  Le Malawi a ainsi participé à des missions tant avec les Nations Unies qu’avec l’Union africaine et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).  Il a notamment indiqué que son pays avait fourni un bataillon pour participer à la Brigade d’intervention spéciale de la Mission de l’ONU en République Démocratique du Congo (MONUSCO), conformément à la résolution 2098 (2013).  Il a salué à ce sujet la décision du Conseil de sécurité de proroger d’un an le mandat de cette brigade, tout en prévenant que la décision éventuelle de redéployer les troupes malawites dans d’autres zones d’opérations en dehors de la RDC devrait être entérinée par la SADC, car celle-ci est à l’origine du déploiement de ces troupes.

Le représentant a ensuite demandé de prévoir des mandats simples et clairs pour les opérations de maintien de la paix, afin qu’ils soient bien compris par les troupes.  À l’appui de cette remarque, il a fait remarquer que le mandat de la Brigade en RDC n’avait pas été interprété de la même manière par tous, ce qui avait entraîné une confusion sur les responsabilités de chacun.  Le représentant a aussi souhaité une révision des principes applicables au maintien de la paix, car, à son avis, le principe selon lequel il ne faut utiliser la force qu’en cas d’auto-défense n’est plus tenable.  Ce principe conduit les Casques bleus à se concentrer davantage sur leur propre sécurité en cas de menace potentielle pour les civils, a-t-il remarqué.  Enfin, M. Milad a abordé la question des abus sexuels commis par des Casques bleus en assurant que son pays avait pris des mesures tant pour mener des enquêtes et des poursuites judiciaires, que pour former le personnel avant leur déploiement sur le terrain.

M. PAUL ROBERT TIENDREBEOGO, Représentant permanent de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) auprès des Nations Unies, a affirmé que la prise en compte effective du français dans le recrutement des personnels du maintien de la paix, en particulier dans les opérations se déroulant dans des pays francophones, constituait une question déterminante pour l’efficacité de l’action de la communauté internationale en général, et la performance des opérations de paix en particulier.  La Francophonie met en œuvre différents programmes consacrés à la formation et au renforcement des capacités des pays francophones dans le domaine du maintien de la paix.  L’OIF apporte un appui aux Centres dispensant des formations en français dans les domaines relatifs au maintien de la paix et favorise le développement de synergies entre un certain nombre d’institutions, telles que l’École de maintien de la paix Alioune Blondin Beye de Bamako, le Centre national des forces de maintien de la paix, de déminage et de gestion des déchets de guerre du Cambodge, l’École internationale des forces de sécurité d’Awae, au Cameroun, et l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche ou l’Institut de formation aux opérations de paix.  L’OIF a également mis en place une plateforme fédératrice - le Réseau d’expertise et de formation francophone pour les opérations de paix -, a-t-il précisé.  L’Organisation a en outre développé une action en direction des pays contributeurs non francophones, en favorisant l’apprentissage du français sur les objectifs militaires, a conclu le représentant. 

L’Observateur de l’Union africaine (UA), M. SALEM MATUG, a affirmé que les opérations de maintien de la paix étaient vitales pour la sécurité en Afrique, rappelant que plus de 100 000 soldats de la paix de l’Union africaine et de l’ONU sont à pied d’œuvre sur le continent.  Il a souhaité que la collaboration entre l’ONU et l’UA soit fondée sur le partage des responsabilités, le travail en synergie et la division des tâches, notamment en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité sur le continent.  Il a noté que le problème majeur que l’UA rencontre quand elle déploie des troupes est la sécurisation d’un financement durable pour leur prise en charge.  Pour trouver une réponse à ce défi, il a rappelé que le Sommet des Chefs d’États de l’UA avait décidé de mettre sur pied un fonds qui recevrait 25% des ressources nécessaires, sachant que les 75% restant viendraient des fonds onusiens alloués aux missions autorisées par le Conseil de sécurité.  Il a expliqué que cette mesure a été arrêtée en sachant que l’effort de l’UA apparaît comme une contribution louable au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

M. Matug a ensuite relevé que la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) n’était pas encore prête à passer le relais à l’ONU en raison de l’environnement sécuritaire qui prévaut dans le pays.  Il a par ailleurs souligné que 2016 marquait le dixième anniversaire du Programme décennal de renforcement des capacités de l’Union africaine, qui sert de cadre stratégique global en matière de coopération entre l’ONU et l’UA.  Il a invité les États Membres à voter une nouvelle résolution pour établir un nouveau cadre de cette collaboration.

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Les sanctions économiques et les méthodes de travail au cœur des travaux de la session annuelle du Comité spécial de la Charte des Nations Unies

Comité spécial de la Charte des Nations Unies,
281e séance - matin
L/3250

Les sanctions économiques et les méthodes de travail au cœur des travaux de la session annuelle du Comité spécial de la Charte des Nations Unies

Le Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation a ouvert, aujourd’hui, les travaux de sa session 2016 par l’examen de questions relatives aux sanctions économiques, à la réforme et aux méthodes de travail.

« La Charte des Nations Unies est un document vivant », a rappelé Mme Janine Elizabeth Coye-Felson, du Belize, qui a été élue Présidente du Comité en début de séance, avant de souhaiter que la session soit consacrée au renforcement de la capacité des Nations Unies à faire son travail.

Hier précisément, le Conseil de sécurité avait longuement débattu du respect des « buts et principes » énoncés dans la Charte des Nations Unies en tant qu’élément fondamental du maintien de la paix et de la sécurité internationales, dont cet organe a la charge.  Ce matin, les membres du Comité ont exprimé leurs préoccupations quant aux prérogatives excessives du Conseil, au manque persistant de volonté politique au sein même du Comité et à la nécessité de prendre des mesures concrètes.

S’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, le représentant de l’Afrique du Sud a regretté que le Comité n’ait pas été à la hauteur de son potentiel, largement en raison de ses méthodes de travail et d’une « tendance aux batailles idéologiques qui nous empêchent d’accomplir notre fonction, qui est de produire une analyse juridique ».

Le Conseil de sécurité, a-t-il estimé, devrait être plus représentatif avant de revoir ses propres méthodes de travail.  « Le maintien du statu quo ne contribuera qu’à la poursuite de l’érosion de sa crédibilité et de sa légitimité et conduira à l’affaiblissement de l’Organisation, l’exact opposé de l’objectif recherché par ce Comité », a-t-il prévenu.

Faisant écho aux propos tenus par plusieurs délégations, il a exprimé l’espoir que le Comité de la Charte « se libérerait des chaînes idéologiques » et examinerait sérieusement la proposition du Ghana de renforcer la relation et la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales.

De même, les orateurs ont exhorté à parvenir à un accord sur les autres propositions, y compris celles de la Fédération de Russie et du Bélarus.  Ces deux pays demandent en effet un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les conséquences juridiques du recours à l’usage de la force par les États qui n’ont pas obtenu l’autorisation préalable du Conseil de sécurité, sauf dans l’exercice du droit à la légitime défense.  Soulignant un désir général de privilégier l’action plutôt que la rhétorique, le délégué de Cuba a déclaré que le Comité devrait cesser de freiner l’examen de ces questions.

Les délégations ont également abordé celles des sanctions et du rôle du Conseil de sécurité.  Le délégué de l’Iran, qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés, s’est dit préoccupé par « l’empiètement » de l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales sur les domaines de compétence de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC).  La réforme devrait être menée sur la base des principes de la Charte, a-t-il dit, en notant que le Comité doit continuer à étudier les éléments relatifs aux implications du Chapitre IV, qui concerne les fonctions de l’Assemblée générale.

Les sanctions décidées par le Conseil de sécurité sont une autre source de préoccupation, a-t-il dit.  Leur imposition devrait être une solution de dernier ressort, dans les cas de menace à la sécurité internationale ou de crime d’agression, a estimé le représentant iranien.  Elles devraient être prises pour une durée spécifique, levées lorsque les objectifs ont été atteints, et soumises à un examen périodique.  Les sanctions unilatérales contre les pays en développement constituent des violations des principes même de la Charte, sans même parler des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a-t-il assuré.

Les délégations ont également débattu du rôle du Comité spécial pour fournir une assistance aux États tiers touchés par les sanctions économiques.  À cette fin, le représentant de l’Union européenne a indiqué que, compte tenu des conclusions du rapport du Secrétaire général sur la question, il n’était plus pertinent pour le Comité d’examiner cette question chaque année.  Reconnaissant des divergences de vues au sein du Comité à cet égard, il a cependant émis l’espoir qu’il serait possible de faire des progrès dans le sens d’une proposition d’examen triennal.

Au contraire, le délégué de la République dominicaine, qui a pris la parole au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CARICOM), a déclaré que même si aucun pays n’avait demandé d’assistance et que l’examen de cette question se fait principalement à titre préventif, « cela ne signifie pas que ce point devrait être éliminé de l’ordre du jour ».

Certains États ont soulevé la question des violations de la Charte dans des cas où la politique du « deux poids, deux mesures » et la sélectivité auraient été observées.  Le représentant de la Syrie a ainsi déclaré que son pays avait été victime d’une violation de la Charte par des groupes et des gouvernements.  Il a dénoncé la fourniture d’armes à des terroristes étrangers opérant à l’intérieur des frontières syriennes et les actions récentes de la Turquie, qui soutiendrait, selon lui, des mercenaires et s’en prendrait aux Kurdes syriens.

En outre, les tentatives de certains États Membres pour justifier une action militaire en Syrie sans coordination avec le Gouvernement syrien représentent, a-t-il soutenu, une « manipulation » des principes de la Charte des Nations Unies.

En début de séance, le Comité a également approuvé son programme de travail et élu les Vice-Présidents suivants: MM. Mehdi Remaoun (Algérie) du Groupe des États d’Afrique et Nicolae Comănescu (Roumanie) du Groupe d’Europe orientale.  Mme Nadia Kalb (Autriche) a été élu pour assurer les fonctions de Rapporteur.  Le Groupe Asie-Pacifique a été encouragé à désigner un candidat afin de pourvoir le troisième poste de vice-président.

Le représentant de la Turquie a par ailleurs exercé son droit de réponse.

Le Comité, qui poursuivra les travaux de la présente session jusqu’au 24 février, se réunira à nouveau demain, mercredi 17 février, à 10 heures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le Représentant spécial se félicite de la mobilisation anti-Daech en Iraq, tout en soulignant la crise grave à laquelle le pays est confronté

Conseil de sécurité,
7623e séance – après-midi
CS/12244

Conseil de sécurité: le Représentant spécial se félicite de la mobilisation anti-Daech en Iraq, tout en soulignant la crise grave à laquelle le pays est confronté

Le peuple « héroïque » de l’Iraq a regagné du terrain sur Daech, s’est félicité, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, Ján Kubiš, qui a assuré que le groupe terroriste aurait perdu de son emprise sur les populations marginalisées.

« Les succès remportés à Beiji, Sinjar et à Ramādī, et dans les environs, ont fait naître chez les Iraquiens l’espoir que l’État islamique pourra être repoussé et démontrent également le soutien résolu de l’Iraq à la Coalition internationale », a expliqué M. Kubiš, qui est également le Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), lors de la présentation du dernier rapport trimestriel* du Secrétaire général de l’ONU.

Toutefois, a-t-il souligné, la menace posée par Daech ne doit pas être sous-estimée.  Cette organisation demeure un « formidable ennemi » constamment en train d’ajuster ses tactiques et schémas d’attaques, tout en tirant aussi les leçons de la situation sur le terrain en Syrie voisine.

« Daech ne pourra pas être défait uniquement par des moyens militaires et c’est pourquoi, il faudrait se pencher sur les causes profondes de la violence et de l’idéologie qui sous-tendent son action », a prévenu le Représentant spécial.  Le retour en toute sécurité des personnes déplacées et le lancement d’un processus de réconciliation sont deux axes qui doivent être privilégiés à cet égard, a-t-il préconisé.

Or, le manque de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord politique national témoigne de l’absence de consensus politique et de la poursuite continue des intérêts partisans en Iraq, a déploré le Représentant spécial.  La participation égale de la composante sunnite au programme de réconciliation nationale est toujours un défi, a-t-il estimé, en pointant les clivages communautaires profonds qui existent dans le pays.  Parallèlement, les efforts entrepris par les forces politiques sunnites pour parler d’une seule voix doivent se poursuivre. 

Par ailleurs, au début du mois de janvier, des attaques meurtrières perpétrées par Daech à Bagdad et dans le gouvernorat de Diyala, suivies de représailles par des miliciens et groupes criminels, ont soulevé de graves préoccupations concernant la spirale de violences interconfessionnelles dans laquelle semble s’être enfoncé l’Iraq au cours de la période à l’examen, sur fond de tensions régionales.

Ces développements « regrettables » soulignent également l’urgente nécessité d’accomplir des progrès dans les relations intercommunautaires et de rétablir l’état de droit, la bonne gouvernance, la justice et les services de base dans les zones nouvellement reprises à Daech et d’exercer un contrôle « draconien » sur les anciens combattants et leurs armes.

Le Représentant spécial s’est, à cet égard, félicité de la décision du Gouvernement fédéral iraquien d’envoyer les forces de sécurité à Bassora.  La ville de Tikrīt a été presque complètement stabilisée, avec le retour de 90% de sa population, grâce aux efforts du Gouvernement, a-t-il assuré.  Toutefois, a fait observer M. Kubiš, la dissémination d’engins explosifs improvisés constitue un défi supplémentaire dans ces secteurs.

Reconnaissant les difficultés auxquelles fait face son gouvernement, le représentant de l’Iraq a encouragé le Conseil à faire respecter ses résolutions 2170 (2014), 2178 (2014) et 2199 (2015), notamment les dispositions relatives aux frontières et à l’arrêt de l’afflux de combattants étrangers et celles visant à empêcher l’accès à des armes.

Dans un contexte politique fortement polarisé, a noté le Représentant spécial, le Premier Ministre Haïdar Al-Abadi se heurte à des difficultés pour promouvoir son programme de réformes, en particulier celles relatives à la lutte anticorruption.  En outre, la persistance de la crise fiscale et l’ampleur du déficit budgétaire, ajoutées à un déclin très net des cours du pétrole, ont divisé par 2 les revenus prévisionnels de l’État, a prévenu le Représentant spécial, et ce, alors que la région du Kurdistan subit une situation aussi grave que celle de Bagdad, provoquant des manifestations à travers le pays.

Cette crise économique profonde a un effet « modérateur » sur la relation entre Bagdad et Erbil, poussant les deux régions à coopérer dans la mise en œuvre des réformes nécessaires.  Le Chef de la MANUI s’est toutefois dit inquiet des blocages politiques internes au Kurdistan.  Il a œuvré pour régler ces difficultés en s’adressant aux parties au cours de la période à l’examen.

Avec plus de 10 millions de nécessiteux, dont 3,3 millions de déplacés, la crise humanitaire en Iraq dépasse largement désormais les capacités de l’État à y répondre.  C’est la raison pour laquelle le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, chargé de coordonner l’aide, a lancé, le 31 janvier dernier, un appel d’un montant de 861 millions de dollars pour que les personnes les plus vulnérables reçoivent l’assistance dont elles ont besoin, a indiqué M. Kubiš.

Le Représentant spécial a également indiqué avoir pris note de la décision du Gouvernement iraquien de confier au Ministère de la défense la prise en charge du dossier des nationaux du Koweït et d’États tiers portés disparus.  Il l’a donc invité à rapidement faciliter la poursuite des travaux menés par l’ex-Ministère des droits de l’homme.

Assurant le Conseil de sécurité de sa volonté de resserrer les liens avec son voisin, le représentant de l’Iraq a indiqué que le Ministère iraquien des affaires étrangères avait publié des annonces pour encourager les gens à fournir des informations sur des fosses, des archives ou d’autres biens koweïtiens.  En outre, a-t-il dit, le Koweït et l’Iraq sont en contact régulier pour mettre à jour la délimitation de leur frontière commune.

Par ailleurs, le Conseil devrait également demander que la Turquie retire ses troupes du sol iraquien, a ajouté le délégué iraquien.  Le Représentant spécial a réitéré les appels du Secrétaire général pour parvenir à une solution pacifique à ce différend, dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Iraq.

 

*S/2016/77

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.