Les sanctions économiques et les méthodes de travail au cœur des travaux de la session annuelle du Comité spécial de la Charte des Nations Unies
Le Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation a ouvert, aujourd’hui, les travaux de sa session 2016 par l’examen de questions relatives aux sanctions économiques, à la réforme et aux méthodes de travail.
« La Charte des Nations Unies est un document vivant », a rappelé Mme Janine Elizabeth Coye-Felson, du Belize, qui a été élue Présidente du Comité en début de séance, avant de souhaiter que la session soit consacrée au renforcement de la capacité des Nations Unies à faire son travail.
Hier précisément, le Conseil de sécurité avait longuement débattu du respect des « buts et principes » énoncés dans la Charte des Nations Unies en tant qu’élément fondamental du maintien de la paix et de la sécurité internationales, dont cet organe a la charge. Ce matin, les membres du Comité ont exprimé leurs préoccupations quant aux prérogatives excessives du Conseil, au manque persistant de volonté politique au sein même du Comité et à la nécessité de prendre des mesures concrètes.
S’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, le représentant de l’Afrique du Sud a regretté que le Comité n’ait pas été à la hauteur de son potentiel, largement en raison de ses méthodes de travail et d’une « tendance aux batailles idéologiques qui nous empêchent d’accomplir notre fonction, qui est de produire une analyse juridique ».
Le Conseil de sécurité, a-t-il estimé, devrait être plus représentatif avant de revoir ses propres méthodes de travail. « Le maintien du statu quo ne contribuera qu’à la poursuite de l’érosion de sa crédibilité et de sa légitimité et conduira à l’affaiblissement de l’Organisation, l’exact opposé de l’objectif recherché par ce Comité », a-t-il prévenu.
Faisant écho aux propos tenus par plusieurs délégations, il a exprimé l’espoir que le Comité de la Charte « se libérerait des chaînes idéologiques » et examinerait sérieusement la proposition du Ghana de renforcer la relation et la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales.
De même, les orateurs ont exhorté à parvenir à un accord sur les autres propositions, y compris celles de la Fédération de Russie et du Bélarus. Ces deux pays demandent en effet un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les conséquences juridiques du recours à l’usage de la force par les États qui n’ont pas obtenu l’autorisation préalable du Conseil de sécurité, sauf dans l’exercice du droit à la légitime défense. Soulignant un désir général de privilégier l’action plutôt que la rhétorique, le délégué de Cuba a déclaré que le Comité devrait cesser de freiner l’examen de ces questions.
Les délégations ont également abordé celles des sanctions et du rôle du Conseil de sécurité. Le délégué de l’Iran, qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés, s’est dit préoccupé par « l’empiètement » de l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales sur les domaines de compétence de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC). La réforme devrait être menée sur la base des principes de la Charte, a-t-il dit, en notant que le Comité doit continuer à étudier les éléments relatifs aux implications du Chapitre IV, qui concerne les fonctions de l’Assemblée générale.
Les sanctions décidées par le Conseil de sécurité sont une autre source de préoccupation, a-t-il dit. Leur imposition devrait être une solution de dernier ressort, dans les cas de menace à la sécurité internationale ou de crime d’agression, a estimé le représentant iranien. Elles devraient être prises pour une durée spécifique, levées lorsque les objectifs ont été atteints, et soumises à un examen périodique. Les sanctions unilatérales contre les pays en développement constituent des violations des principes même de la Charte, sans même parler des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a-t-il assuré.
Les délégations ont également débattu du rôle du Comité spécial pour fournir une assistance aux États tiers touchés par les sanctions économiques. À cette fin, le représentant de l’Union européenne a indiqué que, compte tenu des conclusions du rapport du Secrétaire général sur la question, il n’était plus pertinent pour le Comité d’examiner cette question chaque année. Reconnaissant des divergences de vues au sein du Comité à cet égard, il a cependant émis l’espoir qu’il serait possible de faire des progrès dans le sens d’une proposition d’examen triennal.
Au contraire, le délégué de la République dominicaine, qui a pris la parole au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CARICOM), a déclaré que même si aucun pays n’avait demandé d’assistance et que l’examen de cette question se fait principalement à titre préventif, « cela ne signifie pas que ce point devrait être éliminé de l’ordre du jour ».
Certains États ont soulevé la question des violations de la Charte dans des cas où la politique du « deux poids, deux mesures » et la sélectivité auraient été observées. Le représentant de la Syrie a ainsi déclaré que son pays avait été victime d’une violation de la Charte par des groupes et des gouvernements. Il a dénoncé la fourniture d’armes à des terroristes étrangers opérant à l’intérieur des frontières syriennes et les actions récentes de la Turquie, qui soutiendrait, selon lui, des mercenaires et s’en prendrait aux Kurdes syriens.
En outre, les tentatives de certains États Membres pour justifier une action militaire en Syrie sans coordination avec le Gouvernement syrien représentent, a-t-il soutenu, une « manipulation » des principes de la Charte des Nations Unies.
En début de séance, le Comité a également approuvé son programme de travail et élu les Vice-Présidents suivants: MM. Mehdi Remaoun (Algérie) du Groupe des États d’Afrique et Nicolae Comănescu (Roumanie) du Groupe d’Europe orientale. Mme Nadia Kalb (Autriche) a été élu pour assurer les fonctions de Rapporteur. Le Groupe Asie-Pacifique a été encouragé à désigner un candidat afin de pourvoir le troisième poste de vice-président.
Le représentant de la Turquie a par ailleurs exercé son droit de réponse.
Le Comité, qui poursuivra les travaux de la présente session jusqu’au 24 février, se réunira à nouveau demain, mercredi 17 février, à 10 heures.