Conseil de sécurité: les violences meurtrières dans un site de l’ONU au Soudan du Sud rappellent l’« urgence » d’appliquer l’Accord de paix, soulignent de hauts fonctionnaires
Au lendemain de violences meurtrières perpétrées sur un site de protection des civils de l’ONU à Malakal, au Soudan du Sud, de hauts fonctionnaires de l’ONU ont, ce matin devant le Conseil de sécurité, argué d’une seule voix que la gravité de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays rend plus que jamais urgente la mise en œuvre, trop longtemps différée, de l’Accord de paix d’août 2015. Le « plan d’imposition de sanctions supplémentaires » dénoncé par le représentant sud-soudanais a été présenté par le Président du Comité créé en vertu de la résolution 2206 imposant à six personnes l’interdiction de voyager et le gel des avoirs.
Malheureusement, « les violences commises par des civils contre d’autres civils, compliquées par la présence d’éléments armés, sont un phénomène fréquent sur les sites de protection administrés par l’ONU », a reconnu le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général au Soudan du Sud, M. Moustapha Soumaré, qui a détaillé les mesures « vigoureuses » prises par la Mission des Nations Unies (MINUSS) pour sécuriser les lieux et éviter ce type d’incidents à l’avenir.
Hier, le Secrétaire général de l’ONU avait noté avec préoccupation « la montée des tensions intercommunautaires entre les Dinka et les Shilluk », à l’origine de l’incident, mettant en garde toutes les parties contre « la tentation d’entretenir les différends ethniques ». Le 25 février, M. Ban Ki-moon, se rendra dans la capitale sud-soudanaise, Djouba, où il s’entretiendra avec le Président Salva Kiir avant de visiter un site de protection des civils.
Les conséquences humanitaires du conflit qui déchire la plus jeune nation au monde, issue de sa sécession, en juillet 2011, avec le Soudan voisin sont accablantes: 6,1 millions de personnes y ont besoin d’une protection et d’une assistance, précise le rapport du Secrétaire général dont était saisi aujourd’hui le Conseil.
« Ces préoccupations soulignent l’urgente nécessité de faire progresser la mise en œuvre de l’Accord sur le règlement du conflit au Soudan du Sud », a insisté le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général.
Les progrès « très limités » ont été décrits par le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation, M. Festus G. Mogae, malgré les engagements pris à nouveau par les signataires le 31 janvier dernier, à savoir le Président sud-soudanais, M. Salva Kiir; le Président du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (M/APLS), M. Riek Machar, nommé Premier Vice-Président; et le représentant des anciens prisonniers politiques, M. Pagan Amum Okiech.
La « rhétorique de la réconciliation » dont se « gargarisent » les acteurs du Gouvernement comme de l’opposition ne saurait dissimuler le fait que, sur le terrain, ils continuent d’attaquer, tuer, enlever, violer, détenir arbitrairement et déplacer par la force des civils, pillant et détruisant leurs biens, s’est impatienté le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović.
Des recommandations ont donc été faites au Conseil de sécurité et d’abord par le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation. Il a demandé aux membres du Conseil de déclarer « sans équivoque » que si l’Accord « ne résout pas tous les problèmes, ni ne remplit tous les objectifs que les parties ont poursuivis par des moyens militaires », il mérite néanmoins d’être mis en œuvre. Le Conseil, a-t-il ajouté, doit souligner l’« urgence absolue » de mener à bien les arrangements sécuritaires indispensables à la mise en place d’un gouvernement provisoire d’union nationale.
À cet égard, a annoncé le Président de la Commission, « j’ai reçu la nuit dernière une lettre de M. Riek Machar, dirigeant du M/APLS dans l’opposition, en exil au Kenya, dans laquelle il déclare qu’il ne se rendra à Djouba pour former le gouvernement que lorsque 2 910 de ses soldats et de ses policiers seront déployés dans la capitale, avec 1 200 policiers de plus à Bor, Malakal et Bentiu ». Comme le temps nécessaire au déploiement de ces forces ne ferait que retarder encore la formation du gouvernement, le Président de la Commission a exprimé son intention de proposer une solution de compromis.
Deux autres recommandations ont été faites au Conseil de sécurité par le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme qui a demandé à ce dernier de continuer de faire pression sur les parties au conflit et d’apporter son appui, y compris financier, à la création des mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord de paix dont la Commission vérité, réconciliation et apaisement, le tribunal mixte et l’autorité de réparation et d’indemnisation.
En enquêtant sur les actes que le Conseil a définis comme justifiant l’imposition de sanctions, mon Groupe d’experts a axé son attention sur ceux qui planifient ou supervisent les principales opérations militaires, en l’occurrence les personnes qui exercent une responsabilité stratégique et opérationnelle sur les forces militaires, a expliqué le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2206. Le Groupe d’experts recommande au Conseil de sécurité d’imposer au Soudan du Sud un embargo sur les armes qui n’est pas une mesure punitive mais un élément essentiel à la stabilisation des conditions de sécurité dans le pays; sa levée pouvant donc être liée au progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.
Le Gouvernement est déçu par ce « plan d’imposition des sanctions », a plaidé le représentant sud-soudanais. M. Joseph Moum Malok a prévenu qu’à ce stade critique de l’histoire de son pays, les sanctions ne feraient que durcir les positions, nourrir la confrontation et surtout dévaster l’économie, accroître les pressions économiques et infliger des souffrances à un peuple qui souffre déjà et qui commence à désespérer de l’avenir.
Le Président du Comité créé en vertu de la résolution 2206 (2015) a souligné l’importance pour le Soudan du Sud et les États de la région d’appliquer les mesures d’interdiction de voyager et de gel des avoirs imposées contre six personnes le 1er juillet 2015. Il a aussi insisté sur les éléments de preuve « clairs et convaincants » attestant que la plupart des actes de violence commis pendant la guerre avaient été perpétrés sous la direction ou à la connaissance du Président Salva Kiir; du leader du M/APLS dans l’opposition, M. Riek Machar; du Chef d’état-major de l’APLS, M. Paul Malong; et du Directeur général du Bureau de la sécurité intérieure du Service national de sécurité, M. Akol Koor.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Lettre datée du 22 janvier 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts sur le Soudan du Sud créé en application de la résolution 2206 (2015) du Conseil de sécurité (S/2016/70)
Rapport du Secrétaire général sur le Soudan du Sud (S/2016/138)
Déclarations
S’exprimant par visioconférence, M. FESTUS G. MOGAE, Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation, a fait état de progrès limités dans la mise en œuvre de l’Accord sur le règlement du conflit au Soudan du Sud, que l’ONU l’a chargé de surveiller, et du retard considérable pris dans le respect des calendriers fixés par ce même Accord, signé par les parties en août 2015. « En dépit de ces imperfections, l’Accord offre la meilleure opportunité pour le Soudan du Sud de rétablir la paix et la stabilité. Mais il dépend entièrement de la volonté politique de l’appliquer et, à cet égard, la patience du peuple soudanais continue d’être mise à rude épreuve par leurs dirigeants », a relevé le haut fonctionnaire, mettant en cause une « méfiance mutuelle » et la « réticence » à la surmonter.
Quelques avancées ont été constatées, a reconnu M. Mogae, citant le retour, fin décembre 2015, dans la capitale sud-soudanaise Djouba, d’une première équipe du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (M/APLS) dans l’opposition, sur intervention de la Commission mixte. En outre, a-t-il ajouté, certaines mesures ont été prises en vue de former un gouvernement provisoire d’union nationale, comme la nomination, par le Président Salva Kiir, de M. Riek Machar, au poste de Premier Vice-Président, « in absentia ». « Enfin, et c’est peut-être l’élément le plus important, le cessez-le-feu permanent tient toujours dans l’ensemble de la région du Haut-Nil, encore que les derniers développements à Malakal témoignent du fait que des violences continuent d’y être perpétrées. » Rien qu’au cours des deux derniers jours, au moins 18 personnes ont trouvé la mort dans cette localité, plusieurs centaines d’autres ont été déplacées et des dégâts importants causés au site de protection des civils administré par l’ONU, a déploré le Président.
En outre, les réalisations doivent être mises en regard d’une montée préoccupante de l’instabilité et des violences dans d’autres parties du Soudan du Sud, notamment en Équatoria occidental et au Bahr el-Ghazal occidental, régions pourtant épargnées par le conflit jusqu’à présent. L’accès des personnels humanitaires est compliqué par les restrictions qui leur sont imposées, alors que des secteurs entiers sont confrontés à une « catastrophe humanitaire ».
La préoccupation actuelle de la Commission mixte, a rappelé M. Mogae, demeure la formation du gouvernement provisoire d’union nationale, qui aurait dû être concrétisée en novembre dernier, puis entre le 15 décembre 2015 et le 15 janvier 2016, une date butoir qui n’a pas été respectée, comme la précédente. « En dépit du dernier communiqué de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), en date du 31 janvier, et pourtant agréé sans condition par les parties, nous n’avons toujours par de gouvernement en place ». C’est la raison pour laquelle une pression constante doit être exercée sur les parties, « parce que les limites de temps et la volonté politique demeureront des contraintes significatives ». Dans ce contexte, les Nations Unies, et tout particulièrement le Conseil de sécurité et la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), ont un rôle crucial à jouer, a-t-il dit.
S’adressant aux membres du Conseil, le Président leur a demandé de déclarer « sans équivoque » que si l’Accord « ne résout pas tous les problèmes, ni ne remplit tous les objectifs que les parties ont poursuivis par des moyens militaires », il mérite néanmoins d’être mis en œuvre. Le Conseil doit clairement affirmer que ses termes ne sauraient être continuellement renégociés. En outre, a poursuivi M. Mogae, le Conseil doit souligner l’« urgence absolue » de mener à bien les arrangements sécuritaires indispensables à la mise en place d’un gouvernement provisoire d’union nationale. À cet égard, a-t-il annoncé, « j’ai reçu la nuit dernière une lettre de M. Riek Machar, dirigeant du M/APLS dans l’opposition, dans laquelle il déclare qu’il ne se rendra à Djouba pour former le gouvernement que lorsque 2 910 de ses soldats et de ses policiers seront déployés dans la capitale, avec 1 200 policiers de plus à Bor, Malakal et Bentiu ». Cette proposition ne constitue pas, selon le Président de la Commission, une « approche graduelle » de la mise en œuvre des arrangements sécuritaires pour la capitale prévus par le Communiqué de l’IGAD. En effet, a-t-il expliqué, le temps nécessaire au déploiement de ces forces ne ferait que retarder encore la formation du gouvernement. « Aussi, ai-je l’intention de proposer une solution de compromis pour le retour de M. Machar, de nature à garantir sa sécurité et à permettre la formation du gouvernement dans la foulée », a indiqué M. Mogae.
Par ailleurs, compte tenu de la fragilité de la situation sécuritaire dans le pays, le Conseil devrait afficher sa détermination à prendre toutes les mesures nécessaires contre ceux qui œuvrent à empêcher la mise en œuvre de l’Accord, et souligner la gravité de la situation à laquelle font face les Sud-Soudanais, « dont la moitié dépendrait de l’aide humanitaire », a relevé le Président. Enfin, les Nations Unies devraient assister le Soudan du Sud dans la mise en œuvre des processus économique, humanitaire et judiciaire jugés « vitaux » pour le pays, notamment au travers d’un soutien à l’Union africaine, chargée de constituer le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud, et à la Commission vérité, réconciliation et apaisement que le nouveau gouvernement devra établir. « L’Accord présente un potentiel important, mais pour le réaliser, il ne faut plus perdre de temps, et le rythme de la mise en œuvre doit être accéléré », a insisté en conclusion le Président de la Commission.
S’exprimant par vidéoconférence depuis Djouba, M. MOUSTAPHA SOUMARÉ, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général au Soudan du Sud, a exprimé sa vive préoccupation devant les violences commises ces derniers jours sur les sites de protection de Malakal, administrés par la Mission des Nations Unies (MINUSS). Il a condamné toute violation du caractère civil de ces sites par des éléments armés. À l’heure actuelle, le personnel de la MINUSS est en train de prendre des mesures « vigoureuses » pour renforcer la sécurité des lieux, tandis que les partenaires humanitaires s’efforcent de reprendre la fourniture de services aux populations.
En outre, a poursuivi le haut fonctionnaire, la MINUSS a contacté tous les échelons gouvernementaux, l’opposition et les Forces de sécurité nationales, ainsi que les communautés locales, pour traiter des causes profondes de ces incidents et éviter de nouvelles violences. Les violences commises par des civils contre d’autres civils, compliquées par la présence d’éléments armés, sont un phénomène fréquent sur les sites, a expliqué M. Soumaré. Il s’est dit particulièrement préoccupé par la détérioration des conditions de sécurité dans la région du Bahr el-Ghazal occidental, en particulier autour de Wau, ainsi que des combats entre l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et des groupes armés, à l’origine d’un afflux constant de personnes déplacées dans la région. La recrudescence des violences intercommunautaires dans les États de Jonglei, Warrap et des Lacs est également une source de préoccupation, a dit le Représentant spécial adjoint.
En réponse à l’évolution de la dynamique du conflit, la MINUSS a fait preuve d’une plus grande souplesse dans ses efforts de protection des civils, a-t-il expliqué. Ainsi la Mission effectue des patrouilles de longue durée loin de ses bases de Bentiu, Bor, Juba, Malakal et Wau. Elle a de plus ouvert des bases d’opérations temporaires dans des zones de grande insécurité, notamment Leer et Mundri qui, avec le déploiement d’une compagnie supplémentaire à Yambio, ont renforcé la présence de la Mission dans l’Équatoria occidental. En outre, dans le Haut-Nil, la MINUSS a déployé une présence militaire régulière sur la rive occidentale du fleuve, ainsi qu’à Malakal.
Parallèlement, a relevé M. Soumaré, environ 6,1 millions de personnes à travers le Soudan du Sud ont besoin d’une aide humanitaire en raison des conflits armés, des violences intercommunautaires, du déclin économique, des maladies et des chocs climatiques. Et pourtant, a-t-il regretté, la MINUSS et ses partenaires humanitaires se sont vus régulièrement refuser leur liberté de mouvement, en violation de l’Accord sur le statut des forces entre l’ONU et le Gouvernement sud-soudanais. Ces préoccupations soulignent l’urgente nécessité de faire progresser la mise en œuvre de l’Accord de paix. À cette fin, le Représentant spécial du Secrétaire général a régulièrement convoqué un forum rassemblant les « partenaires et amis internationaux du Soudan du Sud » pour soutenir la Commission mixte.
En outre, a signalé M. Soumaré, la MINUSS a apporté son soutien aux huit équipes de vérification du Mécanisme de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité. Bien que les parties soient encore au stade de la planification du Centre d’opérations conjoint et de la police mixte intégrée, la Mission a mis au point un programme de formation préliminaire à cette fin. Le Représentant spécial adjoint a, en conclusion, exhorté le futur gouvernement provisoire d’union nationale à mettre fin aux violences en cours et à prendre des mesures urgentes pour atténuer les répercussions du déclin économique, qui, avec l’insécurité alimentaire, ont poussé des dizaines de milliers de personnes au bord de la catastrophe humanitaire.
M. IVAN ŠIMONOVÍC, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a constaté que la rhétorique de la réconciliation dont se gargarisent les acteurs du Gouvernement comme de l’opposition ne saurait cacher le fait que sur le terrain, ils continuent à attaquer, tuer, enlever, violer, détenir arbitrairement et déplacer par la force des civils, pillant et détruisant leurs biens. Six mois après la signature de l’Accord de paix, la stratégie de la terre brulée continue: des civils sont brûlés vifs dans leurs maisons, leur bétail pillé et leurs moyens de subsistance détruits.
Les droits de l’homme sont sous attaque dans tout le pays, a souligné M. Šimonovíc. Il a prévenu qu’une série de rapports a conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que des violations massives des droits de l’homme, de graves violations du droit international humanitaire et des crimes internationaux ont été commis par les parties au conflit. Parmi ces rapports, il a cité ceux de la MINUSS, de la Commission d’enquête de l’Union africaine sur le Soudan du Sud et du Groupe d’experts créé en vertu de la résolution 2206 (2015).
Pourtant, a dénoncé le Sous-Secrétaire général, aucune mesure n’a été prise pour rompre ce long cycle d’impunité et prévenir d’autres violations des droits de l’homme. Il faut, a-t-il dit, créer les mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord de paix, dont la Commission vérité, réconciliation et apaisement, le tribunal mixte et l’autorité de réparation et d’indemnisation.
Mais, a reconnu M. Šimonovíc, la création de ces mécanismes représente des défis énormes. Les ressources nécessaires seront importantes, s’est-il expliqué, et devront être assurées sur le long terme. En outre, une fois créé, le tribunal mixte ne pourra juger que les hauts responsables alors que les autres devront être traduits devant des tribunaux sud-soudanais qui n’en ont pas les moyens.
Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme a alors fait trois recommandations et d’abord que les parties sud-soudanaises cessent immédiatement toutes les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Il a souligné que les leaders civils et militaires ont, en vertu du droit international, la responsabilité de prévenir les violations et d’en punir les auteurs au risque d’être tenus eux-mêmes pour responsables des violations. Il a aussi exhorté les membres du Conseil de sécurité et les dirigeants régionaux de continuer de faire pression sur les parties au conflit. On ne peut plus tolérer que les dirigeants fassent des déclarations à Djouba alors que les hostilités et les attaques sur les populations civiles se poursuivent et s’intensifient dans tout le pays. Le Soudan du Sud est non seulement au bord de l’implosion mais il menace aussi la stabilité de toute la région.
Enfin, M. Šimonovíc a appelé les membres du Conseil de sécurité et l’ensemble de la communauté internationale à apporter leur appui, y compris financier, à la création des mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord de paix. Les Nations Unies doivent apporter tout leur appui à l’Union africaine et au futur gouvernement provisoire d’union nationale pour faire en sorte que le cycle de l’impunité soit brisé et que la justice soit rendue.
M. FODÉ SECK, Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2206 (2015) concernant le Soudan du Sud, a dit que dans son rapport final, le Groupe d’experts du Comité a indiqué le 14 janvier dernier, que l’Accord de paix signé en août 2015 n’avait pas permis de mettre un terme à la violence. Les deux parties avaient continué d’acquérir des armes et du matériel militaire même après la signature de l’Accord de paix et en dépit de l’aggravation de la crise humanitaire, des pressions économiques considérables et de la baisse importante des recettes publiques.
Le Groupe d’experts a aussi souligné que les progrès accomplis en vue de la création d’un gouvernement provisoire d’union nationale avaient été infimes. Il a même estimé n’avoir aucune raison de croire que le Gouvernement ou l’opposition soit, dans une optique stratégique, réellement attaché à la paix. La guerre sans merci que mènent les parties a engendré une catastrophe humanitaire qui ne fait que s’empirer, a insisté le Groupe d’experts.
Il a indiqué qu’en enquêtant sur les actes que le Conseil de sécurité a définis, dans sa résolution 2206, comme justifiant l’imposition de sanctions, il avait axé son attention sur ceux qui planifiaient ou supervisaient les principales opérations militaires, en l’occurrence les personnes qui exerçaient une responsabilité stratégique et opérationnelle sur les forces militaires. Le fait que ces derniers n’aient pas ordonné chacune des violations des droits de l’homme ne les déchargeait pas pour autant de leur responsabilité au titre de la norme de responsabilité du supérieur hiérarchique acceptée sur le plan international et ce d’autant plus que ces violations étaient systématiquement et continuellement perpétrées et qu’aucune mesure n’était prise pour enquêter à leur sujet ou en sanctionner les auteurs.
Le Groupe d’experts a donc établi que les opérations militaires complexes menées sur plusieurs fronts n’auraient pu avoir lieu sans une planification minutieuse à partir du quartier général à Djouba et sans l’approbation des plus hautes autorités gouvernementales. Il a également indiqué qu’aucun des commandants sous la supervision desquels ces violations des droits de l’homme étaient commises, n’avait fait l’objet d’une enquête ni été sanctionné par le Gouvernement. Il a indiqué aussi que ses conclusions relatives à la nature de la violence pendant la guerre et à la responsabilité de cette violence perpétrée par les deux parties allaient dans le même sens que celles de la Commission d’enquête de l’Union africaine.
Le Groupe d’experts recommande donc qu’en vue d’atteindre une paix durable et sans exclusive au Soudan du Sud, le Comité désigne les décideurs de haut niveau qui sont responsables des activités et des politiques menaçant la paix, la sécurité et la stabilité du pays et qui ont les moyens, du fait de leur pouvoir et de leur influence, de changer le cours de la guerre. À cet égard, le Groupe d’experts a transmis au Comité, le 12 janvier dernier, une annexe confidentielle contenant les noms de ces personnes. Le Coordonnateur a indiqué qu’il existe des éléments de preuve « clairs et convaincants » attestant que la plupart des actes de violence commis pendant la guerre avaient été perpétrés sous la direction ou à la connaissance de responsables placés au plus haut niveau du Gouvernement et de l’opposition dont le Président Salva Kiir; le leader du M/APLS dans l’opposition, M. Riek Machar; le Chef d’état-major de l’APLS, M. Paul Malong; et le Directeur général du Bureau de la sécurité intérieure du Service national de sécurité, M. Akol Koor.
Le Groupe d’experts recommande aussi que le Conseil de sécurité impose au Soudan du Sud un embargo sur les armes qui n’est pas une mesure punitive mais un élément essentiel à la stabilisation des conditions de sécurité dans le pays; sa levée pouvant donc être liée au progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.
Troisièmement, le Groupe d’experts recommande que le Comité demande aux entreprises qui mènent des activités commerciales au Soudan du Sud, en particulier dans les secteurs du pétrole et des ressources naturelles, de se conformer aux principes de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives et au guide sur le devoir de diligence élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économique, afin de favoriser l’application des dispositions du chapitre IV de l’Accord de paix.
Dans sa quatrième recommandation, le Groupe d’experts a proposé au Comité d’inviter tous les acteurs humanitaires participant au mécanisme de surveillance et de communication de l’information et au Système de gestion de l’information sur la violence sexiste au Soudan du Sud à collaborer avec lui afin d’identifier les auteurs de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. M. Fodé Seck a ajouté que concernant les trois recommandations adressées à son Comité, aucun consensus n’a pu être dégagé. Il a dit son intention de se rendre au Soudan du Sud et dans plusieurs États de la région durant les premiers mois de cette année.
M. JOSEPH MOUM M. N. MALOK (Soudan du Sud) a tenu à réaffirmer la détermination de son gouvernement à mettre en œuvre l’ensemble de l’Accord de paix, comme en atteste, a-t-il argué, la mise en place des différents comités stipulés dans ledit Accord. Il a ensuite rappelé que le 11 février dernier, le Président Salva Kiir a nommé aux vice-présidences, MM. Riek Machar, leader du M/APLS dans l’opposition et James Wani Igga. Le Président a aussi nommé 50 autres membres du Parlement désignés par le parti de M. Machar pour siéger à l’Assemblée législative provisoire. Les parties se sont aussi mises d’accord sur la répartition des postes dans le gouvernement provisoire d’union nationale qui sera formé dès que le M/APLS dans l’opposition et les autres partis politiques auront désigné leurs candidats, a affirmé le représentant. Il a estimé que le retour de M. Machar à Djouba pour assumer ses fonctions de Premier Vice-Président ouvrirait une nouvelle page de la mise en œuvre de l’Accord de paix. Il a donc appelé le Conseil de sécurité et le Secrétaire général à recourir à leurs bons offices pour obtenir ce retour.
Les arrangements liés à la sécurité stipulés dans l’Accord de paix ont été mis en place unilatéralement par le Gouvernement, a poursuivi le représentant en parlant de la démilitarisation de la capitale. Il a appelé la communauté internationale à appuyer la création de nouvelles casernes en dehors de Djouba. La Police nationale, a-t-il aussi indiqué, a finalisé la liste du personnel qui doit intégrer la Police mixte intégrée. Elle attend désormais le M/APLS pour pouvoir finaliser la formation de l’unité et du Centre d’opérations conjoint. Le 13 février dernier, le commandement conjoint du MPLS et du M/APLS dans l’opposition a inspecté les sites dédiés à la zone résidentielle des gardes du corps de M. Riek Machar. En revanche les détails logistiques de la « force énorme » qui doit être déployée à Djouba avant le retour de M. Machar exigent aussi l’aide de la communauté interantionale, a insisté le représentant.
Toujours sur les questions de sécurité, le représentant a tenu à souligner que la région de l’Équatoria occidental a été pendant ces 27 dernières années, le havre de paix du Soudan du Sud. Ce que l’on voit aujourd’hui, a-t-il estimé, n’est pas l’échec des politiciens ni leur mauvaise gouvernance mais l’extension de ce que le monde vit en général. Le changement climatique, s’est-il expliqué, est une réalité. Les bergers dinka n’ont plus ni l’eau ni les pâturages qu’ils avaient auparavant. Ils se dirigent donc vers le sud, sur les terres des fermiers, d’où les conflits dans les États de Godwe et de Mundri. Le représentant a ajouté que la chute du prix du pétrole est venue compliquer les choses, avant d’expliquer les mesures de redressement économiques prises par son Président.
La République du Soudan du Sud a besoin d’assistance, pas de sanctions, a plaidé le représentant. Les sanctions viendraient aggraver une situation déjà compliquée. Nous devrions plutôt concentrer nos efforts sur la mise en œuvre de l’Accord de paix et, à cet égard, la communauté internationale pourrait adopter des moyens plus constructifs et plus productifs que les sanctions pour obtenir ce qu’il faut des parties. Le Gouvernement, a avoué le représentant, est déçu par le plan sur l’imposition des sanctions alors qu’il faudrait plutôt adopter des mesures pour encourager les parties à coopérer avec la communauté internationale. À ce stade critique de l’histoire du Soudan du Sud, les sanctions ne feraient que durcir les positions, nourrir la confrontation et surtout dévaster l’économie, accroître les pressions économiques et infliger des souffrances à un peuple qui souffre déjà et qui commence à désespérer de l’avenir. Le représentant a appelé le Conseil de sécurité à rejeter les quatre recommandations du Groupe d’experts, lesquelles risquent d’anéantir les acquis.