En cours au Siège de l'ONU

Inquiétudes à la Troisième Commission face à la résurgence du populisme nationaliste et des déclarations racistes ou d’intolérance

Soixante-treizième session,
37e & 38e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4245

Inquiétudes à la Troisième Commission face à la résurgence du populisme nationaliste et des déclarations racistes ou d’intolérance

La dernière décennie a été le témoin de la résurgence du populisme nationaliste, et les déclarations racistes, xénophobes et intolérantes, jadis confinées à des plateformes extrémistes, sont devenues un courant dominant, avec des conséquences désastreuses pour la jouissance des droits de l’homme, a déploré aujourd’hui, devant la Troisième Commission, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, Mme E. Tendayi Achiume.  Un constat repris par le Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale M. Nourredine Amir, qui a averti que l’Histoire a prouvé que rallumer les tensions ethniques pouvait avoir de dangereuses conséquences si elles n’étaient pas gérées de manière appropriée.

La Troisième Commission entamait l’examen de deux questions à son ordre du jour, qu’elle poursuivra mardi : le « droit des peuples à l’autodétermination » et à l’« élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ». Le premier point a été limité à la présentation par le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, d’un rapport du Secrétaire général.  Aucune délégation n’a pris la parole sur ce point.

M. Gilmour a également présenté deux autres rapports du Secrétaire général, traitant respectivement des efforts mondiaux visant à l’élimination totale du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance et des activités mises en œuvre dans le cadre de la Décennie internationale concernant les personnes d’ascendance africaine.

Mme Achiume présentait deux rapports: l’un, centré sur la menace que fait peser le populisme nationaliste sur les principes fondamentaux de la non-discrimination des droits de l’homme et l’égalité, l’autre consacré à la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à des formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance associée.  Pour elle, l’impact le plus visible du populisme nationaliste sur l’égalité raciale réside dans l’apparente escalade de la violence, des crimes et des discours racistes et xénophobes dans différentes parties du monde.  Peut-être moins visible, mais tout aussi troublante, est l’exclusion structurelle que le populisme nationaliste peut accélérer par le biais de lois et de politiques discriminatoires qui semblent neutres à première vue.

À la suite de la Rapporteuse spéciale, de nombreuses délégations, à l’image de l’Afrique du Sud ou de Cuba, se sont inquiétées de la réémergence d’idéologies violentes, qui s’appuient sur la ségrégation raciale, et de la prolifération des discours de haine, qu’elles ont dénoncées surtout dans les pays développés.  Le Maroc s’est, quant à lui, préoccupé de la montée du racisme et de l’intolérance religieuse, alors que la Fédération de Russie dénonçait le néonazisme et la glorification de certains crimes de la Seconde Guerre mondiale, notamment dans les pays baltes ou en Ukraine.  Plusieurs délégations ont également condamné l’attaque sanglante perpétrée durant le week-end contre une synagogue à Pittsburgh, aux États-Unis, attaque qui semblait illustrer les propos de M. Amir sur les « dangereuses conséquences » d’organisations extrémistes qui promeuvent et incitent à la haine raciale, et notamment à la suprématie raciale.

Comment mieux lutter contre la discrimination raciale?  Pour M. Michal Balcerzak, Président du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, soutenu par le Mouvement des pays non alignés, les organisations africaines et les pays latino-américains et caraïbes, il faut compléter la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale par de nouvelles mesures, dans la logique de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.  Ils appellent donc à la mise en place d’un forum permanent des personnes d’ascendance africaine et souhaitent l’adoption d’une déclaration sur la promotion et le plein respect des droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine, le Brésil ayant demandé s’il serait possible de mener à bien, en même temps, les deux projets.  Si l’Union européenne a fait part de son scepticisme face à ses projets, leurs défenseurs estiment qu’ils viendraient combler les « lacunes » de la Convention de 1966.

La Troisième Commission avait auparavant achevé sa discussion générale sur la protection et la promotion des droits de l’homme.  Comme les jours précédents, les délégations ont avant tout déclaré leur engagement en faveur des droits de l’homme et fait part des mesures prises au niveau national.  En revanche, plusieurs organisations internationales ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation de millions d’individus à travers le monde, victimes de violations diverses de leurs droits.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a ainsi déploré la disparition de quelque 100 000 personnes, nombre sans précédent mais appelé à croître encore en raison des conflits armés.  Le CICR a expliqué avoir lancé un projet qui vise à améliorer la prévention et répondre à ces cas de disparition au niveau mondial.

Pour sa part, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a rappelé qu’il y avait 285 millions de migrants dans le monde, là aussi un nombre en croissance toujours plus forte.  L’OIM déplore les nombreuses violations des droits des migrants, en particulier de ceux qui sont en situation irrégulière et donc particulièrement vulnérables.  Elle voit toutefois dans l’adoption prochaine du pacte sur les migrations un document qui offre « une occasion unique d’améliorer la gouvernance de la migration dans le monde ».  Enfin, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a dénoncé une nouvelle augmentation, pour la troisième année consécutive, du nombre de personnes qui souffrent de la faim dans le monde.  Son rapport annuel se concentre, lui aussi, sur le phénomène de la migration qui aggrave les risques d’exposition à la faim.

Demain, mardi 30 octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures sa discussion générale sur le droit des peuples à l’autodétermination et sur l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Suite et fin de la discussion générale

Mme PAULOMI TRIPATHI (Inde) a estimé qu’à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la communauté internationale se devait d’examiner les progrès réalisés, s’agissant de l’évolution du cadre normatif comme de l’efficacité des méthodes adoptées.  Pour la représentante, les débats des dernières semaines devant la Troisième Commission conduisent les délégations à se poser la question fondamentale de l’approche la plus efficace pour traiter de la promotion et de la protection des droits de l’homme.  Nous considérons qu’une approche basée sur le dialogue, la consultation et la coopération, avec pour principes directeurs la non-sélectivité et la transparence, nous serait plus utile, a-t-elle fait valoir.  À cet égard, a-t-elle souligné, le succès de l’Examen périodique universel aide et guide les États Membres à respecter leurs obligations en matière de droits humains, les recommandations qui découlent de ce processus interactif étant mises en œuvre dans le contexte national.

M. ALEJANDRO GONZALEZ BEHMARAS (Cuba) a réitéré la volonté de son pays de coopérer avec tous les organes des Nations Unies œuvrant dans les domaines des droits de l’homme.  Cuba est prête au dialogue sur la base d’un respect réciproque de l’égalité souveraine des États.  Le représentant s’est élevé contre toutes les tentatives de politisation ou manipulation de ces droits, ce qui « affaiblirait leur rôle ».  Il s’est dit convaincu qu’un fonctionnement efficace et objectif des organes des Nations Unies exige une représentation géographique équitable.  Il a déploré que les actions des États-Unis aillent à l’encontre du multilatéralisme et des principes des Nations Unies.  Il a estimé en outre que le blocus imposé par les États-Unis à l’encontre de Cuba constituait une violation flagrante par les États-Unis des droits de l’homme du peuple cubain.

Mme HAYFA ALI AHMED MATAR (Bahreïn) a affirmé que son pays respecte l’ensemble des droits de l’homme en vertu de sa Constitution et croit en la dignité de tous les hommes sur la base de la justice internationale.  L’islam a confirmé cet état de fait depuis quatre siècles, a souligné la représentante, affirmant que le Bahreïn est un pays pionnier en matière de droits de l’homme et notamment des droits de la femme.  La femme a tous les droits au sein du Royaume, sans que cela porte atteinte à la charia islamique, a-t-elle affirmé.

Réitérant par ailleurs la nécessité de respecter les droits des travailleurs, la représentante a déclaré qu’au Bahreïn les syndicalistes étaient protégés contre les licenciements.  Nous combattons également le trafic des êtres humains et nous assurons que notre pays n’est pas le terrain de telles pratiques, a-t-elle poursuivi, jugeant enfin que le pays est un modèle exemplaire en matière de coexistence entre les religions, ce dont témoigne la création d’un centre national pour le dialogue interreligieux. 

M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a fait état des mesures prises par son pays en matière de protection des droits de l’homme, et notamment sur le fait que l’Azerbaïdjan est l’un des 33 États à jour de la remise de leurs rapports aux différents organes de traités de droits de l’homme. 

Le représentant a insisté sur le soutien de son pays au mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU), « un mécanisme qui examine les droits de l’homme dans tous les pays sur un pied d’égalité ».  Il a ainsi fait observer que l’Azerbaïdjan faisait partie des 15 pays qui ont soumis volontairement des rapports à mi-parcours sur la mise en œuvre des recommandations issues de l’EPU. 

Mme NICOLA-ANNE SINGH (Singapour) a déclaré que l’engagement de Singapour à la promotion et à la protection des droits de l’homme était le reflet des circonstances uniques de ce petit pays, densément peuplé au profil ethnique et religieux divers.  Revenant sur les troubles que le pays avait connus lors de la période ayant suivi son indépendance, la représentante a expliqué que l’objectif du pays concernant les droits de l’homme était de construire une société juste et inclusive.  Singapour estime que l’exercice des droits individuels crée des responsabilités équivalentes, et que l’équilibre entre les droits des individus et les droits de la société est un exercice en constante évolution.

Singapour ne veut pas se montrer dogmatique sur la question des droits de l’homme, a insisté la représentante, pour qui les discussions au sein de la Troisième Commission ont démontré qu’il n’existe pas un modèle unique de droits de l’homme applicable à tous.  Mme Singh a enfin dénoncé le fait que certains pays se permettent d’imposer leur point de vue à d’autres pays en ce qui concerne les droits de l’homme.

Mme NADYA RIFAAT RASHEED, État de Palestine, a remercié M. Michael Lynk, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Palestine, pour son dévouement à son mandat.  Revenant sur le rapport de ce dernier, elle a dénoncé la Puissance occupante, qui continue sa violation constante du droit international en Palestine occupée dans l’impunité la plus totale.  « L’occupation illégale et inhumaine d’Israël contrevient à tous les principes du droit international et des droits de l’homme » a dénoncé Mme Rasheed, déplorant les démolitions incessantes de maisons palestiniennes, la confiscation de terres, l’expansion de la colonisation ainsi que le mur, les disparitions forcées de civils palestiniens et les constantes tentatives d’annexion du territoire palestinien par le Gouvernement israélien. 

Mme Rasheed a, de plus, dénoncé le caractère raciste, agressif, expansionniste de l’occupation ainsi que son total manque de respect pour les droits des Palestiniens.  « La forme la plus vile de cette punition collective est le blocus illégal de la bande de Gaza, où deux millions de Palestiniens sont inhumainement défavorisés, isolés, appauvris et traumatisés depuis une décennie » a-t-elle ajouté. 

Enfin, Mme Rasheed a déploré les formes systématiques des politiques et pratiques israéliennes qui constituent une claire violation du droit international, correspondant à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.  Elle a dénoncé des violations des droits de l’homme aussi illégales que l’occupation elle-même.  Elle a enfin appelé à la fin de la colonisation, de toutes les politiques illégales contre le peuple palestinien ainsi qu’à la restauration de la solution à deux États dans les frontières de 1967.

M. MARWAN ALI NOMAN AL-DOBHANY (Yémen) a passé en revue les différentes institutions mises en place par son gouvernement pour la promotion et la protection des droits de l’homme.  Il est, en outre, revenu sur les souffrances endurées par le peuple yéménite, du fait d’une situation politique qui remonte au 21 septembre 2014.  Il a mis en cause les milices houthistes, les accusant d’avoir violé tous les droits de l’homme dans son pays.  Les civils ont été déplacés, les villes occupées, les mines ont fait 2 millions de victimes, dont au moins 987 morts, a-t-il énuméré.  Il a accusé les houthistes d’exploiter la situation économique des civils pour recruter des enfants.  Ce sont quelque 20 000 enfants qui sont concernés, a-t-il déploré, soulignant que 1 500 de ces enfants soldats étaient morts dans des combats.  Il a en outre dénoncé les agressions des milices houthistes à l’encontre des groupes chargés d’apporter l’aide et l’assistance au peuple du Yémen.

Mme MARINA IVANOVIC (Serbie) a reconnu que la situation des droits n’était idéale dans aucun pays au monde.  Il faut pourtant trouver des solutions, notamment pour les personnes vulnérables et les membres de groupes minoritaires, a-t-elle plaidé, indiquant que son pays accordait une grande importance à l’octroi aux minorités du droit de parler leur langue.  C’est la raison pour laquelle la Serbie revendique ce droit pour la minorité serbe du Kosovo, afin qu’elle puisse parler en serbe et utiliser l’alphabet cyrillique, a poursuivi Mme Ivanovic.  Or la majorité albanaise de la province ne respecte pas les droits de la communauté serbe, a affirmé la représentante.  Cette minorité a, au contraire, été la cible de plus de 90 attaques ethniquement motivées, y compris des orthodoxes qui se rendaient dans une église, a-t-elle dénoncé, qui a en outre déploré que très peu de ces incidents aient été condamnés par les autorités du Kosovo.  Elle a en outre rappelé l’assassinat d’un homme politique serbe et les mauvais traitements imposés à d’autres personnes d’origine serbe.  Tout en appelant en conclusion à un nécessaire dialogue entre Belgrade et Pristina, centré en particulier sur le respect des droits des minorités non albanaises, Mme XXX a tenu à réaffirmer que la Serbie ne reconnaîtrait jamais la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo. 

Mme LILIANA STEPHANIE OROPEZA ACOSTA (Bolivie) a souligné le contexte de crise humanitaire et migratoire ainsi que l’intolérance et les inégalités qui marquent la situation dans le monde.  Pour la représentante, il y a là un recul en matière de droits de l’homme, notamment en raison d’une répartition inégale des richesses, alors que le monde célèbre le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. 

La Bolivie, a poursuivi la représentante, a œuvré pour la promotion de l’égalité du genre.  Sa loi électorale appuie la parité et l’alternance, et les femmes ont de plus en plus droit à la propriété terrienne.  Beaucoup de progrès ont aussi été réalisés à l’égard de la population LGBTI, avec l’interdiction de toute discrimination.  L’identité de genre figure d’ailleurs dans la Constitution de la Bolivie, ainsi que le droit des peuples autochtones. 

Mme AGNES COUTOU, Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a mis l’accent sur les personnes disparues, que les conflits armés continuent de multiplier à un rythme qui va croissant.  Le CICR recherche ainsi plus de 100 000 personnes dans le monde, plus qu’il n’en a jamais eu à traiter, bien qu’il ne représente qu’une petite partie du problème.  Pour le CICR, plusieurs facteurs contribuent à cette « crise des disparus », à commencer par son ampleur et l’impact intergénérationnel que les cas de disparition ont sur les familles, les communautés et les sociétés. 

Mme COUTOU a également cité l’internationalisation renouvelée et accrue du problème, avant de formuler trois recommandations pour y remédier.  Il faut tout d’abord empêcher les personnes de disparaître, ce qui implique notamment d’enregistrer les personnes privées de liberté.  Deuxièmement, l’impartialité doit être une règle d’or pour les disparus et leurs familles.  Enfin, il convient de procéder à des échanges de bonnes pratiques en la matière.  À cet égard, le CICR a lancé, cette année, un projet sur quatre ans afin d’améliorer la prévention et répondre à ces cas de disparition au niveau mondial.

M. KIERAN GORMAN-BEST, Organisation internationale pour les migrations (OIM), a rappelé qu’il y avait 285 millions de migrants dans le monde, nombre en croissance toujours plus forte.  Rappelant que la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît la dignité et l’égalité en droit de tous les individus, M. Gorman-Best a estimé que cela impliquait que la protection des droits ne dépend pas du lieu où un individu se trouve dans le monde. 

L’OIM déplore que les migrants soient soumis à de nombreuses violations de leurs droits et que ceux qui sont en situation irrégulière y soient particulièrement vulnérables, notamment du fait qu’en raison même de leur statut, ces derniers osent rarement se plaindre et vivent en situation d’isolement extrême.

Pour M. Gorman-Best, la réalisation de l’objectif 10.7 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, relatif à des migrations sûres, ordonnées et régulières, exige des États la facilitation de l’accès à la justice pour tous les migrants, quel que soit leur statut.

Le représentant s’est félicité de l’adoption prochaine du pacte sur la migration, un document qui, pour l’OIM, offre « une occasion unique d’améliorer la gouvernance de la migration dans le monde ».  L’OIM aide les États à promouvoir une gouvernance basée sur les droits de l’homme aux niveaux local, régional et international et notamment par un renforcement des capacités dans la création et la mise en œuvre de lois protégeant les droits des migrants, a encore rappelé M. Gorman-Best.

Mme SARAH S. F. A. O. ALZOUMAN (Koweït) a voulu saisir l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration de Vienne pour réitérer la contribution de son pays à la promotion des droits de l’homme dans le monde.  Pour elle, la démocratie, la paix et le développement durable sont indivisibles et se renforcent mutuellement.  La représentante a affirmé que tous les droits étaient garantis dans son pays et a insisté sur les droits des étrangers vivant au Koweït.  « Nous apprécions ces travailleurs et leur contribution au développement du pays et les considérons comme nos partenaires », a-t-elle ajouté. 

La représentante, qui a par ailleurs rappelé que son pays avait ratifié la plupart des instruments internationaux de droits de l’homme, a aussi déploré la situation des Rohingya et souligné que son pays encourage le dialogue pour la réconciliation en Syrie.

Mme MARIPAZ MIKUE ONDO ENGONGA (Guinée équatoriale) a déclaré que la plus grande préoccupation des autorités de son pays était d’assurer le bien-être de son peuple.  La protection et la promotion des droits de l’homme constituent donc une priorité nationale, à laquelle la Constitution révisée a donné un nouvel élan, a-t-elle souligné, évoquant l’accélération des réformes par le Gouvernement afin d’améliorer les droits économiques et sociaux de la population.  La représentante a également fait état de l’établissement d’un défenseur du peuple et d’un poste de Vice-Premier Ministre chargé de la défense des droits humains. 

En harmonie avec nos objectifs de développement durable, le Gouvernement a aussi mis en œuvre un plan de développement qui inclut des mesures en faveur de l’urbanisation, du logement, de l’assainissement et de l’accès aux zones rurales, a encore fait valoir Mme Engonga.  Ce plan comprend en outre des mesures pour améliorer la santé, notamment pour réduire la mortalité infantile et maternelle.  Enfin, la Guinée équatoriale travaille avec le Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au renforcement de sa commission nationale des droits de l’homme et du rôle des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme. 

Mme SHEILA GWENETH CAREY (Bahamas) a souligné que son pays accordait la plus haute importance à la promotion et à la protection des droits de l’homme, car c’est le fondement même du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Pour la représentante, les libertés fondamentales se doivent d’être protégées, et elle s’est félicitée que les Bahamas soient le premier petit État insulaire anglophone à rejoindre le Conseil des droits de l’homme.  À cet égard, elle a indiqué que son pays comptait partager son expérience et les leçons retenues au niveau régional et, partant, sa perspective unique. 

Mme KAREN PIERCE, CMG (Royaume-Uni) a affirmé qu’à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, son pays maintenait son engagement à protéger et promouvoir ces droits dans le monde entier.  À cet égard, nous avons la responsabilité de plaider en faveur des droits des plus faibles et des plus vulnérables, a ajouté la représentante.  Mme Pierce a également appelé à agir en faveur des journalistes détenus, torturés ou tués parce qu’ils cherchaient la vérité, des personnes victimes de discriminations, quelles que soient leur sexe, leurs convictions ou leur religion, de ceux qui sont jugés pour apostasie, de ceux qui travaillent dans des conditions intolérables, qui ont dû quitter leur pays en raison de conflits ou de menaces, qui défendent les droits des autres et pour les jeunes filles qui sont discriminées dès leur naissance.  « Si nous ne voulons pas faire des laissés-pour-compte, assurons-nous d’être libres pour progresser », a-t-elle conclu.

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a indiqué que le cadre juridique pour la promotion des droits de l’homme était bien présent mais que, malheureusement, « nous avons échoué dans sa mise en œuvre », laquelle représente « le plus grand défi ».  Des millions de personnes font face à l’occupation étrangère et aux violations de leurs droits du fait des conflits armés, a ajouté la représentante, qui a cité, à cet égard, l’impunité et le déni par l’Inde du droit à l’autodétermination des peuples du Jammu-et-Cachemire, en violation des résolutions du Conseil de sécurité. 

Mme CARLA MUCAVI, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a fait observer que la faim dans le monde était en hausse pour la troisième année consécutive, le nombre des personnes souffrant de malnutrition ayant atteint presque 821 millions d’individus en 2017, contre 804 millions en 2016.  Comme l’a souligné la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, les travailleurs agricoles sont parmi ceux qui vivent le plus dans l’insécurité alimentaire alors qu’ils contribuent de façon majeure à la réalisation du droit à une alimentation adéquate pour tous, a observé la représentante.  Les migrations qui font suite à des situations de précarité ou d’exposition aux changements climatiques constituent un facteur aggravant, comme le rappelle le dernier rapport annuel de la FAO, qui se concentre sur le phénomène de la migration, a-t-elle ajouté.

Mme Mucavi s’est par ailleurs félicitée du projet de déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, déjà adopté en septembre par le Conseil des droits de l’homme.  Cette déclaration se réfère aux personnes qui, malgré leur contribution à la lutte contre l’insécurité alimentaire, se retrouvent confrontées à la faim, a-t-elle souligné, rappelant que parmi ces personnes, certaines font face à des niveaux sans précédents de vulnérabilité, en particulier les femmes et les autochtones, dont les droits à la terre sont souvent ignorés dans les normes et législations.

Mme Mucavi a donc estimé que protéger et augmenter les droits à la terre des petits producteurs devait constituer une priorité, de même que la reconnaissance du rôle vital joué par les paysans, les bergers, les nomades, les pêcheurs et les autochtones dans le maintien des systèmes alimentaires.  Il est essentiel de respecter leurs droits par le biais des déclarations et conventions existantes du système de l’ONU, a-t-elle conclu. 

Droit de réponse

Exerçant son droit de réponse, le représentant de l’Égypte a regretté les accusations de l’Union européenne, basées selon lui sur des arguments politisés, propagés par certains groupes connus.  « Nous réfutons ces arguments » basés sur le ouï-dire, a déclaré le représentant, qui s’est interrogé sur les véritables motifs du ciblage de son pays.  L’Égypte respecte l’état de droit et la liberté d’expression et de presse et cela figure dans la Constitution de 2014.  Les activistes et manifestants emprisonnés avaient violé le Code pénal.  En outre, la plupart ont été acquittés par la justice, et il existe en outre la procédure du pardon présidentiel.  L’Égypte déplore une politique de « deux poids, deux mesures » de l’Union européenne.  Son représentant a dénoncé certains de ses États Membres, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, s’agissant de la violation des droits des minorités. 

ÉLIMINATION DU RACISME, DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DE LA XÉNOPHOBIE ET DE L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE

Déclaration liminaire

M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a présenté trois rapports du Secrétaire général, touchant pour les deux premiers à la question de l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, et le troisième au droit des peuples à l’autodétermination.

Le premier rapport du Secrétaire général porte sur l’Appel mondial à l’action pour l’élimination totale du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et pour l’application intégrale et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban , a indiqué M. Gilmour.  Il fournit une mise à jour des activités menées dans ce domaine par les États Membres et les organisations non gouvernementales ainsi que par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et les mécanismes de suivi de la Déclaration de Durban.  Il encourage les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à concevoir des plans d’action nationaux pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.

Le deuxième rapport traite de la mise en œuvre du Programme d’activités relatives à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.  Il comprend notamment des exemples de profilage appliqué à des personnes d’ascendance africaine et les réponses à un questionnaire adressé aux parties prenantes.  Il conclut que la pratique du profilage par les forces de l’ordre va à l’encontre des conventions internationales et n’est pas un instrument efficace.  Il demande aux États Membres d’interdire cette pratique.

Enfin, le troisième rapport du Secrétaire général est consacré à la réalisation universelle du Droit des peuples à l’autodétermination.  Il rappelle les obligations des États pour promouvoir ce droit conformément à la Charte de l’ONU et rappelle que les organes conventionnels contribuent à la protection de ce droit au travers de leur jurisprudence.  Il conclut que la réalisation de ce droit permettra la pleine réalisation des droits de l’homme, a encore précisé M. Gilmour.

Déclaration liminaire

M. MICHAL BALCERZAK, Président du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, a dressé un tableau alarmant de la situation de ces personnes, avertissant contre une « discrimination structurelle ».  Outre sa profonde préoccupation face aux manifestations croissantes, ouvertes et souvent tolérées de racisme et de xénophobie à l’encontre des personnes d’ascendance africaine partout dans le monde, il s’est dit inquiet de « l’indifférence générale à l’égard des inégalités sociétales, raciales et ethniques, et du manque d’engagement concernant les questions raciales ».  Pour M. Balcerzak, cette indifférence à l’égard de la souffrance de personnes d’ethnie ou de race différente et le manque de responsabilité créent le fondement d’une « discrimination raciale structurelle ».

Le rapport annuel du Groupe de travail donne un aperçu des activités de celui-ci et contient un résumé du débat thématique de cette année et les recommandations.  En mars de cette année, sa session a été consacrée au « Cadre pour une déclaration sur la promotion et le plein respect des droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine », conformément au Programme d’activités relatives à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, a rappelé M. Balcerzak.

Pour le Président du Groupe de travail, le processus préparatoire de la Déclaration est une occasion d’examiner l’impact des injustices historiques et du racisme structurel sur les personnes d’ascendance africaine et de remédier à leurs conséquences.  Il s’agit également d’élaborer des droits qui ne sont pas encore inscrits dans le cadre juridique international et qui sont spécifiques aux expériences des personnes d’ascendance africaine.

Tout en faisant part de la disposition du Groupe de travail à contribuer à l’élaboration de la future déclaration, M. Balcerzak a estimé que celle-ci devrait établir ou réaffirmer des normes internationales relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, individuels et collectifs, des personnes d’ascendance africaine et détailler l’ensemble de leurs droits.

Le Groupe de travail a recommandé que les États respectent le droit des membres des communautés de personnes d’ascendance africaine à participer aux décisions qui les concernent et développent des politiques de tolérance zéro à l’égard du suprémacisme blanc, ainsi que d’autres idéologies extrémistes, discours de haine, et incitation à la haine.

Par ailleurs, durant la période examinée, le Groupe de travail s’est rendu au Guyana et en Espagne.  M. Balcerzak a fait part de sa satisfaction face à la volonté affichée par les Gouvernements des deux pays de s’engager à travers le dialogue, la coopération et l’action pour combattre la discrimination raciale.

Lors de sa visite au Guyana, du 2 au 6 octobre 2017, le Groupe de travail a invité le Gouvernement à nommer le plus tôt possible les membres du Comité des droits de l’homme et à lancer les réformes du système judiciaire afin de garantir le droit à un procès équitable sans retard excessif et à veiller à ce que les personnes qui interagissent avec lui pendant sa visite ne fassent pas l’objet de préjugés, de menaces, de harcèlement ou de sanctions.

Lors de sa visite du 19 au 26 février 2018 en Espagne, le Groupe de travail a visité Madrid, Barcelone, Almería et Ceuta.  Le Groupe a salué en particulier la présentation au Parlement d’une loi complète sur la discrimination et la création d’une direction générale de l’égalité au sein du Ministère de la présidence.  De même, il s’est félicité que le Congrès espagnol ait approuvé un décret-loi élargissant l’accès des migrants sans papiers à la santé, dans les mêmes conditions que les personnes de nationalité espagnole.

Toutefois, le Groupe de travail reste préoccupé par les écarts entre la loi et la pratique en matière de protection des personnes d’ascendance africaine contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l’afrophobie et l’intolérance qui y est associée.  Il est notamment alarmé par les conditions de vie épouvantables des travailleurs migrants en Espagne, en particulier à Almería.  S’il reconnaît les efforts déployés par l’Espagne en ce qui concerne la crise des migrants et les opérations de sauvetage en mer qui ont permis de sauver de nombreuses vies, le Groupe de travail constate aussi la persistance des expulsions et des refoulements collectifs aux frontières de l’Espagne à Ceuta et Melilla, ainsi qu’une différence d’approche en matière d’asile entre le continent et Ceuta et Melilla.

Sur un registre plus global, M. Balcerzak a indiqué que le Groupe de travail s’attelait à élaborer des directives opérationnelles sur l’inclusion des personnes d’ascendance africaine dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, afin que les processus de programmation nationaux soient inclusifs et traitent des droits fondamentaux des personnes d’ascendance africaine, entre autres.

Enfin, le Président du Groupe de travail a encouragé les États Membres à trouver les moyens de parvenir à un consensus sur les modalités du forum pour les personnes d’ascendance africaine lors de la présente session de l’Assemblée générale, afin que ce forum -qu’il voit comme un mécanisme de consultation important pour entendre les voix des personnes d’ascendance africaine et de toutes les autres parties prenantes- puisse se tenir l’année prochaine.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Michal Balcerzak, le Maroc a déploré les discours haineux qui entravent le développement des personnes d’ascendance africaine et a demandé quelles difficultés avaient été rencontrées dans le processus d’élaboration de la déclaration pour les personnes d’ascendance africaine.

Plusieurs délégations se sont félicitées de voir le rapport mettre l’accent sur le projet de déclaration.  Le Brésil, qui est favorable à un tel texte, estime qu’associé à la mise en place d’un forum permanent sur cette question, il constituerait une avancée majeure pour la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, après cinq ans de travaux.  Le Brésil aimerait savoir s’il serait possible de mettre en place le forum et la déclaration dans le même temps.  Le Mexique a rappelé que les personnes d’ascendance africaine –elles sont plus d’un million au Mexique– avaient contribué et continuaient de contribuer à la société mexicaine.  Le Mexique entend aussi poursuivre son travail avec le Groupe de travail et aimerait savoir comment les États pourraient le compléter afin de mieux cerner les contributions de ces populations.

L’Afrique du Sud estime en outre que la création d’un forum permanent sur les personnes d’ascendance africaine, appelé à devenir un instrument consultatif, est essentielle afin que ces personnes puissent se réunir avec les parties prenantes.  Pour la délégation, cette question implique aussi d’évoquer les dédommagements pour en finir avec des siècles d’exploitation.  Il faut, selon elle, fonder un nouvel ordre économique fondé sur la non-discrimination.  À cet égard, elle a demandé au Président du Groupe de travail de s’étendre sur le sujet de la propriété foncière.

L’Union européenne a déclaré être engagée à lutter contre les discriminations et le racisme et a demandé au Rapporteur spécial s’il pouvait faire état de bon exemple de pratiques optimales?  Elle a également demandé quelle serait la valeur ajoutée d’une déclaration, étant donné les droits fournis par des textes déjà existants et notamment la Déclaration de Durban?

La République islamique d’Iran a rappelé son engagement à lutter contre le racisme sous toutes ses formes et a assuré qu’elle continuerait à le faire, notamment en rejetant les discours de haine et le racisme qui ciblent les personnes d’ascendance africaine.  Elle a par ailleurs réitéré son attachement à l’égalité de toutes les personnes et sa volonté d’éliminer toutes les formes de discrimination dans la société, s’appuyant en cela sur la Déclaration de Durban, et son Programme d’action.

Réponses

Dans ses réponses, M. MICHAL BALCERZAK a estimé que la valeur ajoutée d’une déclaration viendrait de ce qu’elle comblerait des lacunes du cadre juridique actuel.  Même si nous le saluons et pensons que ce cadre va être grandement amélioré, a-t-il ajouté, la déclaration traite de nouveaux domaines que l’on pourrait qualifier de nouveautés normatives.  « Et c’est ce que l’on attend de cette déclaration », a-t-il ajouté.  En outre, la déclaration ne devrait pas être envisagée comme un résultat final, mais comme un processus qui refléterait le Programme d’action de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour exiger la justice et le développement de ces personnes.  La déclaration ne serait pas un instrument juridique supplémentaire mais un moyen d’attirer l’attention sur les droits des personnes d’ascendance africaine, a insisté M. Balcerzak.

Au Brésil, qui demandait quelles étaient les prochaines étapes pour atteindre les objectifs du forum, M. Balcerzak a expliqué que le Groupe de travail était prêt à contribuer à cet exercice.  Ce Groupe travaille depuis 10 ans de manière très efficace pour collecter des rapports et recommandations et je crois qu’il s’agit d’un cadre qui pourrait bénéficier à la déclaration, a-t-il encore ajouté.

Quant à la question des réparations et du droit foncier, le Président du Groupe de travail a expliqué que c’était la priorité de son ordre du jour et qu’il avait consacré beaucoup de temps à l’examen de ces questions.  Il a de plus expliqué qu’il soutenait le plan d’action en 10 points de la Communauté des Caraïbes et avait appuyé un certain nombre d’efforts dans ce domaine.

Déclaration liminaire

Mme E. TENDAYI ACHIUME, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a précisé qu’elle présentait non seulement son premier rapport thématique annuel, centré sur la menace que fait peser le populisme nationaliste sur les principes fondamentaux de la non-discrimination des droits de l’homme et l’égalité, mais aussi son rapport sur l’application de la résolution 72/156 de l’Assemblée générale sur la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à des formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée.

Le rapport thématique cherche à élucider les menaces du populisme nationaliste pour la jouissance de l’égalité raciale et les obligations des États en matière de droits de l’homme en vue d’éliminer le racisme direct et structurel, a souligné Mme Achiume.  L’impact le plus visible du populisme nationaliste sur l’égalité raciale est, selon elle, l’apparente escalade de la violence, des crimes et des discours racistes et xénophobes dans différentes parties du monde.  Peut-être moins visible, mais tout aussi troublante, est l’exclusion structurelle que le populisme nationaliste peut accélérer par le biais de lois et de politiques discriminatoires qui semblent neutres à première vue.

À cet égard, a expliqué la Rapporteuse spéciale, le rapport met en lumière le caractère racial de cette exclusion structurelle et explique pourquoi les États doivent prendre des mesures afin de s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains.  Notant que la dernière décennie a été le témoin de la résurgence du populisme nationaliste, Mme Achiume a relevé que les politiques racistes, xénophobes et intolérantes, jadis confinées à des plateformes extrémistes, sont devenues un courant dominant, avec des conséquences désastreuses pour la jouissance des droits de l’homme.  Des idéologies populistes nationales prônant la supériorité raciale et les pratiques discriminatoires, l’exclusion et l’intolérance ont pris racine plus profondément, attisant souvent un discours de haine, voire des violences meurtrières contre les minorités et les groupes racialisés.

Dans ses variantes les plus dangereuses, le populisme nationaliste déploie une vision monolithique et exclusive de ce qui est qualifié de « peuple ».  Il alimente alors la colère sociale et la violence contre tous ceux qui ne sont pas « le peuple », peu importe de savoir si ces groupes bénéficient d’un statut d’élite.  Par exemple, a expliqué la Rapporteuse spéciale, les conceptions populistes nationalistes du « peuple » excluent les minorités sexuelles et de genre non conformes, et contribuent à l’augmentation du nombre de crimes et d’incidents motivés par la haine contre des personnes LGBTQI.  Les femmes sont également systématiquement exclues de la pleine appartenance au « peuple », tandis que les visions populistes nationalistes d’exclusion sont hautement racialisées, en violation du droit international relatif aux droits humains.

Mme Achiume a précisé que son rapport contenait une série de recommandations concrètes, dont la première est que les États doivent reconnaître qu’ils ne peuvent concilier l’exclusion structurelle inhérente au populisme nationaliste avec le respect de leurs obligations juridiques en matière de droits de la personne en vue de réaliser l’égalité raciale. Les États Membres doivent, à tous les niveaux gouvernementaux, lutter contre la discrimination raciale que provoquent et exacerbent les mobilisations populistes nationalistes, a-t-elle fait valoir, soutenant que la société civile, les médias et les particuliers peuvent jouer un rôle important et efficace dans la lutte contre le racisme et l’expression xénophobe.

La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté son rapport sur la glorification du nazisme, du néonazisme et des pratiques connexes, qui relève que le développement de la technologie numérique, y compris Internet et les réseaux sociaux, n’a pas seulement ouvert des perspectives sociétales positives mais aussi contribué à la propagation de mouvements haineux, notamment le néonazisme ou l’idéologie associée, transformant les plateformes numériques en véhicules de haine et d’incitation à la discrimination, à l’intolérance et à la violence raciale, ethnique et religieuse.

Les néonazis et les groupes haineux s’appuient de plus en plus sur Internet et les plateformes de médias sociaux pour recruter de nouveaux membres, ciblant souvent les jeunes à travers leur consommation de nouvelles technologies, a-t-elle observé. Ils utilisent également Internet pour propager des images et des images racistes et diffuser des stéréotypes néfastes sur les musulmans, les juifs, les personnes d’ascendance africaine, les migrants ainsi que les femmes et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués.

Pour Mme Achiume, les obligations en matière de droits humains visant à protéger et à garantir l’égalité raciale exigent des États Membres qu’ils combattent les manifestations directes et indirectes du néonazisme ou de l’idéologie intolérante qui y est liée, y compris dans l’espace numérique. Elle a noté à ce propos que de nombreux États et entreprises avaient adopté des mesures positives afin de lutter contre la glorification du nazisme et du néonazisme en ligne. Cependant, davantage doit être fait, a-t-elle plaidé, en exhortant les États à remédier à la discrimination raciale, réduire les écarts racialisés de la société, interdire les discours de haine et empêcher la propagation des idéologies basées sur la supériorité raciale.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme E. Tendayi Achiume, plusieurs délégations, à l’image du Mexique, de la Turquie ou encore de l’Union européenne, ont condamné l’attentat meurtrier perpétré durant le week-end à Pittsburgh aux États-Unis contre une synagogue et ont adressé leurs condoléances à la communauté juive et aux États-Unis.

Par ailleurs, le Mexique, confirmant son appui aux efforts de l’ONU pour promouvoir l’élimination du racisme et de la discrimination raciale, a demandé l’avis de la Rapporteuse spéciale sur les obligations des États lorsque des groupes politiques mènent des actions au titre de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.  L’Union européenne a assuré agir au niveau de ses institutions contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, les directives européennes sur la liberté d’expression rappelant par ailleurs que les droits protégés en ligne doivent l’être aussi hors ligne.  Elle a souhaité savoir quelle méthodologie Mme Achiume recommande pour que les organisations internationales puissent lutter contre ce fléau et quelles seraient les pratiques optimales permettant de lutter contre les discours de haine.

Le Royaume-Uni s’emploie à faire vivre les différentes communautés présentes sur son territoire sur la base du droit partagé.  Il a mené, en 2017, un audit sur les disparités raciales afin de mieux comprendre comment les membres de ces communautés étaient traités.  Sur ce point, la délégation a voulu savoir comment la communauté internationale pourrait mieux travailler ensemble pour faire reculer le racisme.  Convaincue pour sa part que toute personne a le droit à la protection de ses droits humains, indépendamment de sa race, la Belgique a déployé d’importants efforts afin de faire de la lutte, contre toutes les formes de racisme, une priorité aux niveaux national et international.  Elle a notamment lancé avec l’Afrique du Sud le Groupe d’amis contre le racisme, afin que les différents États Membres puissent coordonner leurs actions en la matière.

L’Afrique du Sud, qui a remercié la Rapporteuse spéciale d’avoir axé son rapport sur le nationalisme populiste et sur les discours qui nourrissent la haine et la discrimination, a rappelé le colonialisme et l’apartheid qui ont marqué le pays et s’est dit inquiète de la réémergence d’idéologies violentes qui s’appuient sur la ségrégation raciale.  Elle s’est toutefois félicitée des tendances mondiales et régionales exposées par Mme Achiume et a indiqué s’employer à lutter contre ce fléau au niveau national.  Elle a aussi souhaité en savoir plus sur les mesures politiques permettant d’atténuer les facteurs qui nourrissent le populisme. 

Cuba s’est dite préoccupée par la prolifération des discours de haine, surtout dans les pays développés et a demandé quelles mesures pourraient être adoptées dans ces pays afin qu’ils respectent leurs obligations au regard de la Convention.  Il a aussi souhaité savoir quelles mesures le Gouvernement des États-Unis pourrait adopter pour résoudre les schémas racistes dans ses institutions, compte tenu notamment du grand nombre d’Afro-Américains tués par les forces de police dans ce pays.

Le Maroc s’est dit préoccupé par la montée du racisme et de l’intolérance religieuse, notamment islamophobe.  Vu la nature complexe de ce fléau, il juge nécessaire de recourir à une approche globale intégrant les acteurs-clefs, à savoir les États, les organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile.  Il a, d’autre part, voulu savoir quelles sont les pratiques optimales et les enseignements tirés par Mme Achiume en matière de lutte sur les propos racistes diffusés sur Internet.  Où se limite la liberté d’expression et où commence l’incitation à la haine et à la discrimination raciale?

La République islamique d’Iran a souligné que la discrimination sur la base de la race allait à l’encontre de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avant de dénoncer les mesures coercitives et extraterritoriales prises par les États-Unis, qui nuisent aux populations civiles des pays ciblés.

Préoccupée elle aussi par la prolifération du racisme et de la discrimination raciale, la Turquie a, d’autre part, regretté que la Rapporteuse spéciale se soit intéressée à la situation des médias dans le pays sans s’être suffisamment renseignée.  Nous avons dû faire face à une situation exceptionnelle liée aux actions de l’organisation terroriste Fethulla Gülen, a-t-elle fait valoir, dénonçant une approche sélective de la part de Mme Achiume.  Elle lui a demandé si elle pouvait dire comment elle compte traiter, dans le cadre de son mandat, les groupes qui diffusent des discours de haine.

La Hongrie a rejeté comme sans fondement les accusations portées à son encontre par la Rapporteuse spéciale.  Ainsi, le nouveau paquet législatif visant à réduire l’immigration illégale s’inscrit dans le cadre des actions de régulation que doit mener le pays en tant que membre de l’Union européenne.  La Hongrie juge également regrettable que seule une dizaine d’ONG aient été consultées par Mme Achiume alors que des milliers d’autres travaillent en Hongrie.  La Hongrie garantit le droit d’asile aux personnes arrivant d’un pays où elles sont persécutées ou courent le risque d’être exposées à la persécution.

La Fédération de Russie a estimé que les questions posées par Mme Achiume étaient d’actualité car les technologies de l’information et des communications (TIC) sont utilisées par des forces nationalistes radicales. Elle a déploré à cet égard que les idéologies nazies et néonazies profitent du laisser-faire des autorités de certains pays pour s’adresser à la société. Dans les pays baltes, a-t-elle poursuivi, sont régulièrement organisées des réunions de nostalgiques de la Waffen-SS.  En Pologne également, on constate des actes de vandalisme sur des monuments de l’Holocauste et des cimetières.  En Ukraine, enfin, les idéologies néonazies se répandent, de même que l’intolérance religieuse.  Pour la Fédération de Russie, il faut lutter contre toutes ces formes de racisme et de discrimination raciale.  Elle souhaite une réaction de l’Ukraine à cet égard. 

La République arabe syrienne a jugé important que des mesures soient prises sous la houlette des Nations Unies pour mettre fin aux discours de haine et à la diffusion d’idéologies racistes et intolérantes.  Nous devons travailler main dans la main pour faire reculer le racisme et la discrimination raciale, a plaidé la délégation.  

Réponses

Dans ses réponses, Mme E. TENDAYI ACHIUME a, à son tour, présenté ses condoléances à la congrégation victime de l’attaque de Pittsburgh, estimant qu’un tel évènement devrait inciter à redoubler d’efforts « contre le climat actuel qui permet des discours de haine ».  C’est, a-t-elle expliqué, un des axes de son travail que de faire le lien entre les discours de haine et de tels incidents.

Pour lutter contre le populisme, Mme Achiume a invité à investir dans la solidarité transnationale: « dans mon rapport sur les néonazis, je rappelle que les idéologies sont parfois transnationales et qu’il faudrait donc que les luttes le soient également », a-t-elle expliqué.  Elle a notamment estimé que les États devraient s’engager en faveur de l’égalité entre les races et inclure les minorités comme « des acteurs clefs qui définissent et composent une nation ».  C’est pourquoi il faut prendre au sérieux la Décennie des personnes d’ascendance africaine, a-t-elle plaidé, déplorant que « parfois, dans certains contextes, il y ait du déni et de l’aveuglement face à des actes que l’on refuse de qualifier de discrimination ou de racisme ».

Pour Mme Achiume, il existe des stratégies efficaces pour faire avancer la lutte antiraciste et notamment l’approche intersectorielle.  Cela revient à dire qu’on ne peut se limiter à ajouter simplement les termes « d’égalité des sexes » sur le papier mais qu’il faut concrètement associer femmes, personnes LGTBI et autres minorités à la prise de décisions.  Elle a également mentionné l’approche structurelle, qui revient à se demander ce qu’est la discrimination raciale et comment arriver à l’égalité entre les races au niveau global, mais également l’approche participative, qui revient à inclure les victimes et leur permettre de participer à la prise de décisions.

Quant à la question de la limite à la liberté d’expression, la Rapporteuse spéciale a expliqué que c’était quelque chose qu’elle essayait de traiter notamment dans le cadre de la question des néonazis.  Elle a insisté sur le fait que la liberté d’expression et l’égalité entre les races ne devraient pas être perçues comme en conflit.

Déclaration liminaire

M. NOURREDINE AMIR, Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui s’exprimait devant la Troisième Commission pour la première fois, a expliqué les principales préoccupations de son Comité, dont il a présenté le rapport d’activité, portant sur ses trois dernières sessions.

M. Amir a ainsi déploré la montée du racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie, exprimés dans de nombreux pays sous formes de discours et de crimes haineux, notamment parmi les personnages publics.  Ces discours prennent pour cible les migrants, indépendamment de leur statut, mais principalement ceux qui sont illégaux, les réfugiés et les demandeurs d’asile, a-t-il ajouté.  Il a, à ce propos, appelé les États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à prendre des mesures pour contrer ce phénomène.

M. Amir a aussi regretté la résurgence d’organisations extrémistes qui promeuvent et incitent à la haine raciale, et notamment à la suprématie raciale, ainsi que les affrontements ethniques ou ethnoreligieux qui persistent dans certains pays.  L’Histoire a prouvé que rallumer les tensions ethniques pouvait avoir de dangereuses conséquences si elles n’étaient pas gérées de manière appropriée, a-t-il mis en garde.

M. Amir s’est également dit attristé de la situation des migrants, dont les flux ont considérablement augmenté, ce qui impose des défis à de nombreux États et suscite des sentiments négatifs vis-à-vis des migrants de la part des populations des pays hôtes, sentiments souvent extériorisés sous forme de xénophobie et de violences racistes.  Le Président du Comité a également mentionné le fait que les conséquences de l’esclavage et de la colonisation étaient encore vivaces et profondément ancrées dans certains pays, se matérialisant en discriminations structurelles, stigmatisations et profilage racial.

Le Président du Comité a ensuite expliqué qu’un nouvel État -Singapour- était venu s’ajouter, depuis l’an dernier, à la liste des parties à la Convention, qui compte désormais 179 hautes parties contractantes.  Il a appelé à une ratification universelle de celle-ci.  Il a cependant déploré que plus de 49 États parties aient des rapports en retard depuis plus de 10 ans, et 18 d’entre eux plus de 5 ans.  Il a aussi rappelé le rôle des communications et a encouragé les États à accepter ces procédures, qui permettent de prendre des mesures additionnelles en faveur des victimes de discrimination raciale.

En conclusion, M. Amir a abordé la question des ressources, dont dépend la capacité du Comité à gérer les demandes des parties.  Il a encouragé les États Membres à doter le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme des ressources nécessaires au soutien des organes de traités.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Nourredine Amir, le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé que 2018 marquait le centenaire de la naissance de Nelson Mandela, dont l’héritage « était toujours une source d’inspiration du fait de son courage ».  Il a rappelé que le Mouvement des pays non alignés avait exprimé sa condamnation à l’égard de toutes les discriminations raciales qui, « toutes, sont des violations des droits de l’homme », ainsi que des obstacles à l’égalité.  Il a aussi rappelé l’engagement du Mouvement en faveur de la Déclaration de Vienne ainsi que de celle de Durban.  Le Mouvement respecte la souveraineté des États mais est préoccupé par les pratiques inhumaines de certains États face à la migration, ainsi que par les violations des droits de l’homme basées sur des idéologies racistes suprématistes.  Il a appelé notamment que soient trouvées des réponses à la question des familles migrantes séparées de leurs enfants et a souhaité que le futur pacte sur la migration apportera un changement.

L’Espagne s’est déclarée préoccupée par la tendance à la prolifération des actes racistes à l’échelle mondiale, laquelle est exacerbée par des flux migratoires continus.  Soulignant qu’aucun pays n’est exempt de ce problème, et que la Convention est donc plus pertinente que jamais, elle a noté que le Comité avait toujours su réagir pour venir en aide aux États pour qu’ils respectent leurs engagements.  À cet égard, elle a voulu savoir comment renforcer le rôle de l’éducation pour prévenir tout type de discrimination.

Le Brésil a estimé qu’il était crucial de garder à l’esprit l’importance des normes en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale.  Il a souhaité avoir l’avis de M. Amir sur l’élaboration d’une déclaration sur les droits des personnes d’ascendance africaine.

L’Union européenne a indiqué qu’à l’approche des 50 ans de la Convention, elle entendait réaffirmer sa condamnation de toutes formes de racisme et de discrimination raciale.  Soulignant l’importance de progrès supplémentaires en vue de la ratification universelle de cette Convention, elle a demandé à M. Amir d’évaluer le mécanisme d’alerte rapide et de préciser comment le Comité compte renforcer le processus.  Elle a, d’autre part, encouragé tous les organes conventionnels à proposer davantage de procédures simplifiées, et a voulu savoir comment le Comité entendait faire pour harmoniser ses pratiques avec celles des autres organes.

La Belgique a fait valoir que l’universalisation de la Convention était cruciale pour les efforts de prévention et de lutte contre le racisme et la discrimination raciale.  Se félicitant par ailleurs que le Comité permette aux États de passer par la procédure simplifiée, elle a regretté que celle-ci ne soit proposée qu’aux pays n’ayant pas soumis de rapport depuis cinq ans.  C’est là un mauvais message, a-t-elle commenté.

La Slovénie a estimé que la Convention a permis aux États de sauvegarder les droits des personnes dans le monde et a appelé à œuvrer pour sa ratification universelle.  Elle a demandé à M. Amir comment il entendait traiter les défis présents et nouveaux.  Elle a aussi voulu savoir s’il parvient à obtenir suffisamment de rapports, y compris par le biais de la procédure simplifiée.

La Lettonie a rappelé qu’en août le Comité contre la discrimination raciale avait examiné son rapport.  Ces dialogues avec le Comité donnent un nouvel élan et de nouvelles idées, estime la Lettonie, qui a toutefois émis quelques critiques à l’endroit de cet organe conventionnel, observant que les informations qui apparaissent dans son rapport sont parfois incomplètes et non mises à jour.  Pour mieux utiliser la liste de questions et les ressources de collecte, il faudrait, selon elle, que les experts aient assez de temps pour éplucher les données les plus récentes.  Elle a suggéré pour cela que le Comité accepte des réponses écrites, ce qui permettrait de gagner du temps.

Le Japon, dont le rapport a été examiné au mois d’octobre, a assuré traiter de la même manière toutes les personnes au regard du droit et déployer tous les efforts pour que chaque individu puisse s’épanouir sans discrimination.  Évoquant d’autre part les travaux du Comité, il a estimé qu’il devait procéder à tous les examens sur la base des informations fournies par l’État partie, les institutions des Nations Unies et la société civile.

Les États-Unis ont mis l’accent sur la description faite de la situation grave en Chine, notamment au regard des mesures de discrimination prises dans le Xianjing où des milliers de personnes seraient forcées à renoncer à leur religion.  Les autorités chinoises sont convaincues qu’elles peuvent effacer des religions et mettre fin à l’ethnicité, a accusé la délégation, notant que des hommes sont mis en prison parce qu’ils ont des barbes, refusent de regarder la télévision d’État, pratiquent le ramadan ou ont des pratiques funéraires traditionnelles.  Dénonçant par ailleurs les pratiques chinoises à l’encontre des langues des minorités et les placements en centres de rééducation, la délégation a jugé ces mesures disproportionnées et demandé au Comité de suivre la situation.

Le Mexique a dit avoir interdit la discrimination par le biais d’une clause antidiscriminatoire à l’article premier de sa Constitution.  Le pays dispose en outre d’une loi fédérale et de 31 lois locales contre ce fléau.  Évoquant le mécanisme d’alerte précoce, il a demandé à M. Amir de présenter l’expérience du Comité sur son fonctionnement.  Il a par ailleurs demandé quels sont les obstacles qui empêchent la mise en œuvre de la Déclaration de Durban.

La Chine a répondu aux États-Unis en notant que des cas de discriminations raciales sont dénoncées régulièrement sur le territoire américain.  Elle a aussi relevé que les peines de prison pour les hommes afro-américains sont 19,1 fois plus élevées que pour les prisonniers blancs.  En ce qui concerne les homicides, les taux d’inculpation contre les Afro-Américains sont aussi beaucoup plus élevés que contre des individus blancs.  Selon le FBI, a poursuivi la délégation, 6 100 cas de violence raciale ont été enregistrés l’an dernier aux États-Unis, ce qui est un record.  Dans le même temps, les suprémacistes blancs sont très actifs et le Gouvernement reste silencieux, tout en faisant des commentaires discriminatoires à l’encontre de pays étrangers et en voie de développement.  Dans ce contexte, la Chine demande à la communauté internationale de dénoncer les pratiques discriminatoires des États-Unis.

Réponses

Dans ses réponses, M. NOURREDINE AMIR a rappelé que son Comité était une entité impartiale qui a pour vocation d’aider les États, « tous les États », et qui intervient entre l’État partie et la Convention.  « Nous avons la responsabilité d’être les outils des États pour les aider à améliorer leurs propres outils juridiques afin d’agrandir le cercle des libertés de la démocratie », a-t-il ajouté.  À propos de l’homogénéisation des méthodes de travail des organes de traités, M. Amir a estimé qu’elle impliquait davantage de réunions et donc plus d’assistance financière.  Il a appelé les États à allouer des ressources supplémentaires pour continuer cet effort.

Discussion générale

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. EMAD SAMIR MORCOS MATTAR (Égypte) s’est dit préoccupé par le retour alarmant du fléau du racisme dans nos sociétés.  Des formes nouvelles d’injustice persistent partout: les préjugés et la haine continuent d’accabler nos sociétés, a-t-il souligné, exprimant l’inquiétude du Groupe face à l’augmentation des actes d’incitation à la haine et à l’utilisation du profilage racial contre les personnes d’ascendance africaine.  Le représentant a aussi condamné la mauvaise utilisation des technologies de l’information et de la communication et d’Internet, devenu un refuge pour certains groupes idéologiques.

Soulignant le rôle crucial que doit jouer l’éducation pour prévenir la diffusion de discours de haine, le représentant a jugé important de se concentrer sur la destruction des stéréotypes et d’augmenter la prise de conscience dans les différentes cultures et religions.  Dans ce contexte, il a réaffirmé le soutien du Groupe à la Convention et à la Déclaration de Durban ainsi qu’à son Programme d’action.  La réactivation du fonds spécial pour la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine devrait être prioritaire, a-t-il encore estimé, avant d’appuyer la mise en place d’un forum des personnes d’ascendance africaine, appelé à devenir un instrument consultatif.

Mme FATIMA ALFEINE (Comores), au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est déclarée préoccupée par la résurgence du populisme nationaliste et du phénomène de menaces graves a l’égalité dans le monde et a condamné toutes les formes de mouvements populistes nationalistes qui menacent la non-discrimination dans la jouissance des droits fondamentaux.

Le Groupe des États d’Afrique déplore un échec de la lutte contre le racisme, notamment au vu des discours haineux répandus par les autorités publiques à tous les niveaux, « un facteur qui permet au racisme de se perpétuer ».  La résurgence de ce fléau doit inciter les États Membres à élaborer des normes supplémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale pour combler ses lacunes.  Pour le Groupe des États d’Afrique, la Déclaration et le Programme d’action de Durban restent le cadre international de lutte contre le racisme.  Il appelle donc à son application effective et entière.

Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a fait valoir que la participation de tous est essentielle pour parvenir à la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.  Cela passera par le respect des droits de l’homme de chacun.  Or, pour beaucoup d’êtres humains, la capacité de jouir des droits humains dépend de leur nationalité ou de leur statut migratoire, a fait observer le représentant. 

La CELAC entend réaliser un suivi solide de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine afin d’assurer la pleine réalisation des droits de ces personnes.  La CELAC appuie également la création d’un forum des personnes d’ascendance africaine, qui doit devenir un mécanisme consultatif du Conseil des droits de l’homme.  Elle est préoccupée par le fait que le racisme a toujours un impact fort sur la jouissance des droits civils et politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels.  Jugeant essentiel d’apporter une attention particulière aux personnes d’ascendance africaine, notamment aux plus vulnérables d’entre elles, la CELAC estime aussi qu’il est nécessaire d’adopter parfois des mesures de discrimination positive pour accélérer l’inclusion sociale, combler les différences en matière d’emploi ou permettre un accès à la justice pour ces personnes.

M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie), au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), a expliqué que la région avait connu avec le régime d’apartheid la forme la plus violente de discrimination raciale.  Rappelant que 2018 marquait le centenaire de la naissance de Nelson Mandela, « qui a consacré toute sa vie à la lutte pour la dignité humaine », le représentant a estimé qu’il était temps de passer des discours rhétoriques à l’action concrète.

La SADC est convaincue par l’esprit de la Déclaration de Durban, qui exige l’élaboration de normes complémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.  Ces normes complémentaires offriraient une protection maximale et prévoiraient des réparations pour les victimes ainsi que des garanties contre l’impunité pour les auteurs de ces actes, a-t-il encore ajouté.

Le représentant a ainsi exhorté tous les États Membres à la ratification de la Convention, ainsi qu’à renoncer aux réserves à l’article 4 de la Convention, qui concerne les mesures positives à prendre par les États.  La SADC soutient également la création d’une instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine et un instrument contraignant en vue d’assurer la mise en œuvre du Programme action de Durban et fournir ainsi une plateforme pour garantir l’égalité des Afrodescendants.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. GLENTIS THOMAS (Antigua et Barbuda) s’est déclaré outré que des millions de personnes soient encore victimes de racisme ou de xénophobie dans le monde.  À cet égard, la CARICOM se félicite de l’accent mis sur le problème lié au profilage racial que subissent les personnes d’ascendance africaine, une pratique contraire au droit international.  Il faut aider les forces de l’ordre à s’écarter de ce type de pratiques discriminatoires, a plaidé le représentant.

Par ailleurs, la CARICOM s’est engagée à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, ce qui implique, selon elle, que les personnes d’ascendance africaine soient associées à ce processus.  De fait, la CARICOM propose que tout effort soit déployé afin que les minorités puissent bénéficier d’un soutien adéquat dans tous les programmes de développement, y compris les objectifs de développement durable.  La CARICOM est également inquiète face à la résurgence des groupes haineux et des défenseurs d’idéologies extrémistes qui prospèrent grâce à leurs discours racistes.  Nous respectons les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique mais nous jugeons essentiel que les États garantissent que le racisme ne prenne pas racine dans les sociétés, a-t-il souligné.

Estimant enfin que l’Arche du retour installée à l’entrée du Siège de l’ONU à New York illustre notre volonté collective de lutter contre le racisme, le représentant a souligné que ce monument était aussi un rappel de notre sombre passé.  En conclusion, il a appelé à la mise en œuvre complète de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la Déclaration de Durban.

Mme DORTHE WACKER, Union européenne, a déclaré que l’engagement de l’Union européenne à combattre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination et d’intolérance était basé sur les obligations du Traité de l’Union européenne, ainsi que sur le cadre légal de l’Union, qui a été développé pour combattre les discriminations, la xénophobie et les crimes haineux.  La représentante a mentionné certaines des directives européennes prises en ce sens, entre autres, celle sur l’égalité raciale ainsi que celle sur l’égalité dans l’emploi.  Elle a aussi rappelé que l’Union s’était dotée d’une législation qui oblige les États membres à incriminer l’incitation publique à la violence ou à la haine contre des groupes de personnes ou des membres de groupes définis en référence à leur race, couleur, religion, ascendance, origine nationale ou ethnique.

Toutefois, l’Union européenne a déjà, à maintes reprises, exprimé son scepticisme face à la prolifération d’instruments juridiques et de normes complémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, telles qu’une possible déclaration sur les droits des Afrodescendants.  Elle n’y voit pas le meilleur moyen pour combattre les discriminations.

La représentante a, en revanche, exhorté les États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à se tenir à jour de leurs obligations de rapport et à accepter les procédures de communication.  Elle a également appelé « la vingtaine » d’États Membres des Nations Unies non encore parties à la Convention à le devenir au plus vite.  Elle a aussi invité les États parties à accepter l’amendement à son article 8, qui permettrait un meilleur financement de son Comité à partir du budget régulier de l’ONU.  Elle a enfin appelé à la mise en œuvre effective de la Convention sur le plan national par les États parties.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Assemblée générale: le Président de la CPI souligne la « déférence inhabituelle » de la Cour pour la souveraineté nationale des États

Soixante-treizième session,
27e séance plénière – matin
 AG/12084

Assemblée générale: le Président de la CPI souligne la « déférence inhabituelle » de la Cour pour la souveraineté nationale des États

« Retour aux fondamentaux », c’est le thème de la célébration du vingtième anniversaire du Statut de Rome que le Président de la Cour pénale internationale (CPI) a rappelé aujourd’hui à l’Assemblée générale.  M. Chile Eboe-Osuji a insisté sur la « déférence inhabituelle » de la Cour pour la souveraineté nationale des États, avant que l’Assemblée n’adopte sa résolution annuelle sur le rapport de cet « élément indispensable de l’architecture mondiale ».

Pourquoi avons-nous adopté le Statut de Rome? a demandé le Président de la CPI.  Pour dire aux peuples du monde, a répondu le Vice-Président de l’Assemblée générale « que nous défendons les victimes, que nous combattons l’impunité, que nous répondons aux actes de génocide et de crimes contre l’humanité; et que nous ne tolérerons ni les crimes de guerre ni les crimes d’agression ».  La CPI, a plaidé son Président, n’usurpe ni ne compromet la souveraineté nationale.  Elle souligne au contraire cette souveraineté envers laquelle elle nourrit « une déférence inhabituelle », a insisté le Président, tout en observant que « l’absence de volonté politique se pare toujours du voile de la souveraineté nationale ». 

La doctrine de complémentarité sur laquelle la Cour se fonde est claire, a poursuivi le Président.  Elle part du postulat que « tout le monde peut violer les droits de l’homme mais tout le monde ne peut pas rendre justice » car les systèmes de justice pénale ne sont pas tous capables de rendre justice et de garantir des réparations.  Le Président a engagé tous les États à assurer l’universalité du Statut de Rome et de la CPI qui est devenue, selon le Vice-Président de l’Assemblée générale, « un élément indispensable de l’architecture mondiale ».

 « Conscience des peuples », « arme de dissuasion » « outil de prévention » pour les uns, « obstacle dérangeant » et « organe partial » pour les autres, la CPI a continué de susciter la polémique.  Parlant d’une Cour dénoncée par la Syrie comme paralysée mais « étrangement active » quand il s’agit de s’en prendre aux faibles, le Sénégal a jugé que le dialogue et la coopération sont la voie la plus efficace pour la prise en charge efficace et effective des préoccupations des uns et des autres et pour changer la perception négative qu’ont certains.  Il a appelé le Conseil de sécurité à exercer « avec circonspection et objectivité » son droit de saisir la Cour pour éviter la perception qu’il se sert d’elle comme un outil politique. 

Dans la résolution adoptée aujourd’hui de laquelle se sont dissociés les États-Unis, le Soudan, la Syrie, la Fédération de Russie puis les Philippines, l’Assemblée générale salue le rôle que joue la Cour dans un système multilatéral qui a pour vocation de mettre fin à l’impunité, de renforcer l’état de droit, de promouvoir et d’encourager le respect des droits de l’homme, d’asseoir durablement la paix et de promouvoir le développement des États.  Elle demande aux États Parties au Statut de Rome qui ne l’ont pas encore fait de légiférer pour donner effet aux obligations découlant du Statut et aux autres d’envisager d’y devenir parties.   En présentant la résolution, le Mexique est revenue sur l’Initiative franco-mexicaine visant à ce que les membres permanents du Conseil de sécurité renoncent à leur droit de veto dans les situations marquées par des crimes graves.

Outre la célébration du vingtième anniversaire, le rapport de la CPI qui couvre la période allant du 1er août 2017 au 31 juillet 2018 met en exergue un autre événement exceptionnel: la mise à effet, le 17 juillet dernier, par l’Assemblée des États parties, de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, « un événement historique pour le renforcement de la Charte des Nations Unies », selon Mexique.  

La CPI a en outre reconnu sa compétence pour enquêter sur les atrocités commises lors de l’expulsion présumée des Rohingya du Myanmar.  Ce dernier a encore aujourd’hui catégoriquement rejeté cette décision à la valeur juridique « douteuse ».  Dans la mesure où nous ne sommes pas parties au Statut de Rome, nous ne sommes pas obligés de respecter les arrêts de la Cour, a argué le Myanmar.

Par ailleurs, le Bureau du Procureur procède actuellement à 9 examens préliminaires dont 2 nouveaux sur la situation aux Philippines et au Venezuela. Après le retrait du Burundi du Statut de Rome, les Philippines ont annoncé le leur qui prendra effet au début de l’année prochaine.

L’Assemblée générale tiendra une autre séance publique, mercredi 31 octobre à partir de 10 heures, pour examiner le rapport du Secrétaire général sur la nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis.

RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Pour l’examen de cette question, l’Assemblée générale était saisie du rapport de la Cour pénale internationale (CPI) (A/73/334) et de ceux du Secrétaire général sur les dépenses engagées et remboursements reçus par l’ONU au titre de l’assistance fournie à la CPI (A/73/333) et sur les informations relatives à l’application de l’article 3 de l’Accord régissant les relations entre l’ONU et la CPI (A/73/335)

Déclarations liminaires

M. KORNELIOS KORNELIOU, Vice-Président de l’Assemblée générale, a rappelé que le débat de cette année coïncide avec le vingtième anniversaire du Statut de Rome.  C’est donc une occasion importante de faire le bilan des progrès que le Statut a permis et de réfléchir à l’engagement de mettre fin à l’impunité pour les crimes les plus graves, les crimes de haine.  Le Statut de Rome porte en lui un message: « il dit aux peuples du monde que nous défendons les victimes, que nous combattons l’impunité, que nous répondons aux actes de génocide et de crimes contre l’humanité; et que nous ne tolérerons ni les crimes de guerre ni les crimes d’agression », a souligné le Vice-Président. 

Si la responsabilité première de la justice pénale revient aux États, a-t-il poursuivi, la Cour pénale internationale (CPI) est néanmoins devenue un élément indispensable de l’architecture globale.  Pour beaucoup de gens dans le monde, l’existence même de la Cour illustre la volonté de l’humanité de protéger les peuples, de poursuivre ceux qui leur feraient du mal et de protéger et promouvoir les droits de l’homme.  En ce sens, il faut reconnaître que la Cour est plus qu’un instrument de poursuites judiciaires.  Son existence sert d’arme de dissuasion et d’outil de prévention des crimes internationaux.  Par extension, la CPI contribue à préserver des sociétés stables capables de protéger les droits de l’homme et de réaliser le développement durable.  Comme l’a dit l’Assemblée générale: la Cour est un élément essentiel du système multilatéral pour mettre fin à l’impunité, promouvoir l’état de droit, encourager le respect des droits de l’homme, réaliser une paix durable et faire avancer le développement des nations. 

Les guerres et les atrocités qui ont émaillé notre histoire nous ont appris une chose, a conclu le Vice-Président: notre paix et notre prospérité dépendent des efforts multilatéraux et des institutions comme la CPI.  Pour protéger et défendre les plus vulnérables, nous devons soutenir ces institutions et les principes qui les guident. 

M. CHILE EBOE-OSUJI, Président de la Cour pénale internationale (CPI), a préféré axer son intervention sur un élément très important: le vingtième anniversaire du Statut de Rome, adopté, a-t-il souligné, à la veille de l’anniversaire de Nelson Mandela, incarnation même du principe de justice.  La conclusion même de ce traité et la création de la CPI sous l’égide de l’ONU ont été fondamentaux pour le multilatéralisme.  « Retour aux fondamentaux » est d’ailleurs le thème de la célébration du vingtième anniversaire du Statut.  Le Président a invité les États à se poser deux questions fondamentales, et d’abord pourquoi le Statut de Rome a été adopté?  Il a renvoyé au préambule qui parle de conscience, de reconnaissance et de détermination.  La deuxième question, a estimé le Président, c’est de savoir si notre monde et notre civilisation sont à un moment où les « soucis législatifs » qui ont motivé l’adoption du Statut de Rome sont désormais une chose du passé.  Il a répondu en attirant l’attention sur les propos du Président du Nigéria qui a dit qu’avec la prolifération alarmante des crimes les plus graves dans le monde, la CPI et toutes les valeurs qu’elle représente sont plus nécessaires que jamais.  Même ses pères fondateurs n’avaient pas imaginé à quel point elle serait nécessaire aujourd’hui.  Les crimes les plus graves se sont multipliés depuis juillet 1998 et il risque d’y avoir encore plus de guerres et de violence.

Or, pour ceux qui se livrent aux guerres et à la violence, l’existence même de la CPI, mécanisme d’établissement des responsabilités, est « un obstacle dérangeant ».  L’objectif de la CPI est en effet de protéger la paix, la sécurité et les droits de l’homme grâce à la coopération multilatérale.  Le Président s’est particulièrement félicité d’entendre les États souligner le caractère « indispensable » de la CPI car démanteler les mécanismes de justice internationale, a-t-il prévenu, c’est laisser les forces maléfiques prendre de l’ampleur et gagner du terrain.  Quand les armes se taisent, les victimes réclament justice.  Produit de l’action collective des États, la CPI, a rappelé son Président, a été créée comme une cour de dernier ressort pour connaître des atrocités inimaginables qui choquent la conscience humaine. 

Appelons ces atrocités par leur nom, a lancé le Président: crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide.  Le Président a mentionné les 7 000 hommes et garçons massacrés à Srebrenica en 1995 et les 800 000 Tutsis assassinés au Rwanda en 1994.  Il a aussi rappelé la guerre en Sierra Leone, une guerre brutale d’une cruauté et d’une terreur innommables.  C’est contre tout cela que le Statut de Rome a été adopté.  La CPI, a-t-il plaidé, n’usurpe ni ne compromet la souveraineté nationale.  Elle souligne au contraire la souveraineté nationale envers laquelle elle nourrit « une déférence inhabituelle ».  La doctrine de complémentarité sur laquelle se fonde la Cour est claire: la Cour ne fait qu’aider les juridictions nationales à rendre justice contrairement aux Tribunaux pénaux internationaux qui avaient une compétence primaire, au même niveau que les juridictions nationales.  La doctrine de la complémentarité veut dire que la justice ne doit pas être « le parent pauvre ».  La doctrine part du postulat que « tout le monde peut violer les droits de l’homme mais tout le monde ne peut pas rendre justice ».

Les systèmes de justice pénale ne sont pas tous capables de rendre justice et de garantir des réparations.  Le Président a cité un cas d’école, le Rwanda.  Un an avant le génocide, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires signalait l’échec du système judiciaire rwandais et la généralisation de l’impunité.  Les tribunaux étaient paralysés faute de ressources et le manque de volonté politique de juger les auteurs de crimes graves était flagrant.  Comment espérer que dans un pays comme celui-là, justice soit rendue après un conflit?  « L’absence de volonté politique se pare toujours du voile de la souveraineté nationale », a conclu le Président qui a engagé tous les États à assurer l’universalité du Statut de Rome.

Déclarations

Présentant le projet de résolution (A/73/L.8) sur le rapport de la CPI, M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a commencé par rappeler que son pays est partie au Statut de Rome depuis 2006.  Le Mexique, a-t-il indiqué, a dûment travaillé à la promotion de la CPI et organisé des manifestations pour célébrer son vingtième anniversaire.  Le représentant a aussi rappelé que le 17 juillet dernier, le crime d’agression a été ajouté aux trois autres crimes couverts par la Cour, « un événement historique pour le renforcement de la Charte des Nations Unies ».  Il s’est ensuite félicité de la réunion, en formule Arria, que le Conseil de sécurité a tenue avec la CPI.  Il a d’ailleurs demandé au Conseil d’assurer le suivi des situations qu’il renvoie à la CPI et a insisté sur l’Initiative franco-mexicaine visant à ce que les membres permanents renoncent à leur droit de veto dans les situations marquées par des crimes graves.  Nous vivons une époque, a prévenu le représentant, caractérisée par l’érosion du multilatéralisme et par les obstacles au renforcement de la CPI, notamment l’universalisation du Statut de Rome.  Il a conclu en plaidant pour une adoption unanime du projet de résolution, sans oublier d’appeler au renforcement et au perfectionnement de la CPI. 

Également au nom de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède, M. IB PETERSEN (Danemark) a estimé que la CPI reste une institution essentielle non seulement pour le respect de la justice pénale internationale mais aussi pour la consolidation de la paix après les conflits et pour la réconciliation.  Soulignant que le succès de la Cour dépend de la coopération de toutes les parties prenantes, le représentant s’est inquiété du nombre élevé de mandats d’arrêt non exécutés et a exhorté les États à coopérer pleinement et effectivement avec la CPI, conformément au Statut de Rome et aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité.  Pour leur part, les pays nordiques continuent de défendre l’universalité du Statut de Rome et sont prêts à mener des discussions constructives sur les inquiétudes que certains États parties peuvent avoir.

M. Petersen a noté avec une grande préoccupation que le Conseil de sécurité s’est montré incapable de renvoyer la situation en Syrie à la CPI.  Il s’est aussi dit inquiet des allégations de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans l’État rakhine.  Seule la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité permettra d’établir les responsabilités au Myanmar, a estimé le représentant.  Il a salué le travail du Fonds au profit des victimes que les pays nordiques ont toujours soutenu.  Il est également de la responsabilité des États Membres de veiller à ce que la Cour dispose des ressources nécessaires à l’exécution de son mandat, a-t-il conclu. 

M. ÉRIC CHABOUREAU, délégué de l’Union européenne (UE), a souligné que la justice pénale internationale est non seulement un puissant moyen de dissuasion contre les violations du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme, mais aussi, et surtout, qu’elle est essentielle pour parvenir à l’établissement des responsabilités et à une paix durable.  L’UE considère la CPI comme une institution indispensable à la promotion d’un ordre mondial fondé sur le droit.  L’UE a d’ailleurs réitéré, à maintes reprises, sa confiance dans la légitimité, l’impartialité et l’indépendance de la Cour qui aura toujours son assistance politique, financière et technique. 

La portée géographique des activités de la Cour et le nombre croissant d’affaires dont elle est saisie démontrent, a estimé le représentant, l’espoir que placent en elle les États.  Face à cette charge de travail croissante, l’UE salue les efforts de la Cour pour rationaliser ses processus administratifs et judiciaires, assurer une utilisation plus efficace des ressources et améliorer l’efficacité de toutes les étapes du processus judiciaire.  M. Chaboureau a rappelé la responsabilité des États d’exécuter les mandats d’arrêt de la Cour et d’adopter une législation d’application du Statut de Rome.  La prérogative du Conseil de sécurité de renvoyer une situation à la CPI peut aussi contribuer à l’établissement des responsabilités dans des pays où des crimes graves sont commis mais où la compétence de la Cour n’est pas reconnue.  De manière générale, le représentant a demandé aux États de coopérer avec la Cour s’agissant, en particulier de l’exécution des mandats d’arrêt, du transfert de témoins et de l’exécution des peines.  Il a également salué les projets mis en place par le Fonds au profit des victimes et a conclu en regrettant une nouvelle fois la décision du Burundi de se retirer du Statut de Rome et celle des Philippines de soumettre une notification de retrait.

M. KORO BESSHO (Japon) a suggéré deux points pour renforcer la Cour pénale internationale (CPI) et d’abord l’universalisation du Statut de Rome.  Le représentant a en effet relevé que le tiers des États Membres de l’ONU ne l’ont pas encore ratifié, sans compter ceux qui s’en retirent ou envisagent de le faire.  La CPI et les États parties, a estimé le représentant, devraient écouter les préoccupations des uns et des autres et viser l’universalité du Statut pour mobiliser l’appui de tous.  Deuxièmement, a souligné M. Bessho, le rôle de la CPI est d’accompagner les cours pénales nationales.  Dans ce contexte, le renforcement de capacités des institutions juridiques dans chaque État est important non seulement pour faciliter la tâche de la Cour mais également pour garantir justice et état de droit.  Or le renforcement de capacités est une composante importante de l’aide étrangère japonaise.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a dénoncé les tentatives de politiser la justice internationale pour des intérêts étroits, au risque de saper les efforts de la « famille internationale » pour rendre justice et faire respecter les buts et principes de la Charte et d’exacerber les tensions dans les relations internationales.  La CPI, a-t-il tranché, n’a pas compétence pour juger les citoyens d’un État non partie au Statut de Rome auquel le Soudan refuse d’adhérer. Par ses activités, a poursuivi le représentant, la CPI montre qu’elle est un instrument politique contre les dirigeants africains et une menace pour la paix et la stabilité du continent.  Le système judiciaire soudanais fonctionne bien, a affirmé le représentant.  Personne ne demeure impuni pour les crimes qu’il a commis et d’ailleurs, a-t-il fait observer, la moitié de la population mondiale vit dans des États non parties au Statut de Rome.  Le représentant a rejeté le projet de résolution dont les auteurs ont, a-t-il estimé, introduit des paragraphes qui ne reflètent en rien la vraie nature des relations entre l’ONU et une CPI prétendument indépendante.  Comme il n’existe de consensus ni sur la CPI ni sur son Statut, écoutez-nous, a lancé le représentant: le rapport du Secrétaire général sur la coopération entre l’ONU et la CPI doit dire clairement que cette dernière n’est pas un organe de l’ONU.  Commentant également l’efficacité de la Cour, le représentant a compté 26 affaires dont sept seulement ont été clôturées, après des « centaines de millions de dollars ».  Il a d’ailleurs vu dans le caractère « volontaire » des contributions un autre moyen de politiser une CPI au Statut tronqué et contraire au jus cogens, pilier du droit international.  La CPI est vouée à l’échec, a-t-il pronostiqué.  

M. LIU YANG (Chine) a relevé que la CPI a régulièrement apporté des améliorations à ses règles de procédure, enquêté et mené à bien des dossiers sur de graves crimes internationaux depuis deux décennies.  Pour autant, elle fait face à de nombreux problèmes, comme en témoigne l’état de sa coopération avec certains pays.  Il y va de sa crédibilité, a prévenu le représentant qui a jugé regrettables certaines pratiques de la Cour, lesquelles ont généré de grandes controverses et poussé des pays à se retirer du Statut de Rome.  Cette situation mérite réflexion, a jugé le représentant qui a commenté la décision de la Cour de se déclarer compétente pour la situation au Myanmar.  Cette décision, a-t-il estimé, est basée sur une interprétation « incorrecte » des concepts juridiques applicables et élargit indûment la juridiction de la CPI.  Cette décision pourrait en outre générer des contentieux et diminuer l’autorité et la crédibilité de la Cour.  S’agissant de l’activation de la compétence de la CPI pour le crime d’agression, le représentant a, une nouvelle fois, soutenu que le Conseil de sécurité a « le pouvoir exclusif » de déterminer les actes d’agression.  La CPI doit respecter ce cadre juridique « fondamental » et s’en tenir aux amendements sur le crime d’agression et aux décisions de l’Assemblée des États parties, à savoir se déclarer incompétente pour les crimes commis par des nationaux d’États non parties au Statut de Rome ou par des nationaux d’États parties qui n’ont pas encore accepté les amendements.

M. BORUT MAHNIC (Slovénie) a salué l’activation, le 17 juillet 2018, de la compétence de la Cour sur le crime d’agression.  Compte tenu des changements dans la sphère internationale et des attaques contre le multilatéralisme, il est impératif de continuer à soutenir le travail de la CPI, a estimé le représentant qui a conseillé aux États de manifester leur soutien, en exécutant les mandats d’arrêt ou aux membres permanents du Conseil de sécurité, en renonçant à leur droit de veto en cas de saisine de la CPI.  M. Mahnic a annoncé la signature d’un accord entre son pays et la CPI sur l’exécution des peines.  Il a salué la collaboration entre la Cour et l’ONU, soulignant qu’une meilleure coopération entre le Conseil de sécurité et la CPI devrait largement contribuer à la prévention des atrocités de masse et à la crédibilité et l’efficacité de la CPI.  Il a demandé au Conseil d’assurer le suivi des affaires qu’il a renvoyées à la Cour et a souhaité que le travail du Mécanisme indépendant de contrôle de la CPI améliore la crédibilité d’une Cour qui n’échappe pas aux critiques.

Pour M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie), seule l’universalité permettra à la CPI de remplir la mission qui est la sienne de combattre l’impunité pour les crimes les plus graves au regard du droit international.  Il a prôné un « dialogue ouvert et patient » pour faire en sorte que les Philippines gardent leur statut d’État partie au Statut de Rome.  Afin de combler le « vide juridictionnel » qui subsiste, il a encouragé les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut.  M. Mlynár a invité le Conseil de sécurité à faire un plus grand usage de « l’outil unique » que constitue la CPI, tout en s’assurant de la pleine coopération des États Membres à ses travaux.  Il a mis en garde contre la tendance, dans les résolutions du Conseil relatives à la CPI, à « atténuer » les libellés, prenant pour exemple la résolution sur le sort des enfants en temps de conflit armé.  Les organes des Nations Unies ne doivent pas éroder l’appui, verbal ou actif, à la CPI, a-t-il conclu. 

M. CARLOS JIMÉNEZ PIERNAS (Espagne) a relevé que la CPI dispose du soutien d’un nombre de plus en plus important de pays, dont l’Espagne.  La CPI a développé une jurisprudence et montré son impartialité, s’est réjoui le représentant sans pour autant nier les nombreux défis auxquels elle fait face, dont les menaces de retrait du Statut de Rome et les menaces de représailles.  Pour M. Jiménez Piernas, le principal objectif des États devrait être de protéger la Cour pour qu’elle puisse travailler comme il se doit, sans ingérence et avec les ressources nécessaires.  Tous les États doivent coopérer avec la CPI, a-t-il ajouté.  Certes, a-t-il reconnu, la Cour a déçu beaucoup d’attentes sur certains dossiers, parfois abandonnés en cours de procédure.  Mais, a-t-il nuancé, la Cour a été à la hauteur de ce que les États peuvent attendre d’une haute cour internationale.  Le représentant a appelé à davantage de pédagogie sur l’état de droit dans les communautés frappées par les pires crimes.  Il faut leur faire comprendre qu’abandon de charges ne veut pas dire absolution ou négation des crimes mais manque de preuves suffisantes pour condamner les accusés.

M. SVEN SPENGEMANN (Canada) a indiqué que la Cour est devenue une « lueur d’espoir » pour les victimes en quête de justice, y compris les femmes, les filles et les membres des minorités ethniques et religieuses.  « Mais la lutte contre l’impunité est loin d’être achevée », a-t-il dit, en encourageant les États qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre le Statut de Rome.  Il a indiqué que beaucoup reste encore à faire pour que la Cour soit plus efficace et souligner qu’elle doit pouvoir fonctionner « sans obstruction » et « au-delà des considérations politiques et géopolitiques. »  Le délégué a déclaré que la Cour a un rôle central à jouer au Myanmar et au Venezuela.  « C’est pourquoi, avec nos partenaires régionaux, nous lui avons renvoyé la situation au Venezuela », a-t-il dit, en exhortant le Conseil à lui déférer la situation au Myanmar.  Enfin, le délégué a indiqué que, si le Canada est élu au Conseil de sécurité pour les années 2021-2022, il se fera le champion de l’obligation de rendre des comptes.

Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) a paraphrasé son Ministre des affaires étrangères qui disait: l’histoire a montré que laisser impunis les crimes internationaux n’est pas seulement moralement une erreur mais c’est aussi planter les graines des conflits et atrocités à venir.  Un solide système d’établissement des responsabilités est le pivot de la prévention.  Nous devons travailler ensemble, États parties et États non parties, pour renforcer l’aspect préventif de l’obligation de rendre des comptes.  La prévention des conflits et des crimes doit être renforcée par tous les moyens possibles et la CPI a un rôle à jouer à cet égard, a souligné la représentante. 

L’Italie, a-t-elle poursuivi, croit fermement à un ordre international fondé sur le droit dont la CPI est un élément essentiel.  Elle a encouragé toutes les parties à ratifier le Statut de Rome et rappelé que la CPI est un organe judiciaire de dernier ressort qui agit uniquement quand les juridictions nationales ne peuvent ou ne veulent pas poursuivre.  Notre tâche est donc de travailler ensemble au renforcement des capacités, à l’assistance technique et autres formes de coopération, y compris la coopération judiciaire, pour faire en sorte que les tribunaux nationaux puissent s’acquitter de leur fonction première qui est de rendre justice aux victimes des crimes les plus graves. 

Mme VICTORIA HALLUM (Nouvelle-Zélande) a réitéré son appui « vigoureux » à la CPI et l’importance « cruciale » de son mandat qui est de faire en sorte que les responsables des crimes les plus graves au regard du droit international soient punis.  Malgré les défis auxquels elle a été confrontée au cours de ses 20 années d’existence, la CPI demeure un élément central de l’ordre international basé sur les règles.  Pour sa part, la Nouvelle-Zélande demeure attachée au Statut de Rome et à ses principes de complémentarité, de coopération et d’universalité, a ajouté la représentante qui a appelé les États Membres à respecter l’indépendance et l’impartialité de la Cour.  Elle a salué l’activation, par consensus, de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, ainsi que l’ajout de trois nouveaux crimes de guerre.  Se tournant vers l’avenir, Mme Hallum a considéré que la CPI devrait « consolider » l’exercice de son mandat actuel en continuant de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs de crimes internationaux.  Elle a encouragé le Conseil de sécurité à faire usage de son pouvoir de déférer une situation à la Cour, comme il le fait avec la Cour internationale de Justice (CIJ).  Seul un « engagement clair » du Conseil permettra à la Cour de bénéficier de la coopération et des ressources nécessaires pour mettre en œuvre ses décisions, a-t-elle conclu. 

M. SAMI ELGHODBAN (Libye) a mis l’accent sur la notion de complémentarité entre la Cour et les tribunaux nationaux ainsi que sur la coopération de la Libye avec la CPI, en soulignant que les retards pris au niveau libyen sont dus aux conditions sécuritaires.  L’État reste toutefois souverain dans cette coopération, a-t-il tenu à préciser.  M. Elghodban a fait valoir que les tribunaux nationaux avaient en effet fait comparaître certains accusés qui ont été dûment condamnés.  Il a appelé à un soutien ferme de la communauté internationale pour que les autorités de son pays trouvent les moyens de sortir de la crise sécuritaire.  La communauté internationale, a-t-il ajouté, doit aider la Libye à combattre les facteurs favorisant les crimes graves, dont le flux des armes et la prolifération de groupes terroristes illégaux.  Il a souligné la disposition de la Libye à juger les auteurs de crimes et à lutter contre l’impunité grâce à des institutions judiciaires robustes et intègres.  

M. MICHAL WȨCKOWICZ (Pologne) s’est demandé si la communauté internationale a fait tout son possible pour assurer la centralité de la CPI, déplorant le fait que l’on prenne souvent pour acquis la réalisation de la justice universelle.  On ignore ainsi que tenir la promesse de justice est un processus continu qui demande des efforts mutuels.  Il a rappelé que la CPI n’a pas les ressources pour exécuter ses mandats d’arrêts et que la coopération inadéquate des États compromet ses activités.  En tant que membre du Conseil de sécurité pour la période 2018-2019, la Pologne affirme que la coopération du Conseil est cruciale pour l’exécution des mandats d’arrêt.  La Pologne invite les États parties à rétablir la confiance dans la CPI dont les procédures sont loin d’être parfaites.  Le représentant a tout de même salué l’étape importante pour la recherche de la justice qu’a été l’activation de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression.  Il a plaidé pour l’universalisation des amendements de Kampala afin d’aider la CPI à s’acquitter de sa responsabilité.  Il a aussi plaidé pour un Statut de Rome universel, puisqu’une cour solide et robuste est une bonne façon de prévenir les atrocités de masse.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré que dans un contexte marqué par les conflits et les urgences humanitaires, la CPI nécessite, plus que jamais, le plein appui de la communauté internationale et la solide coopération des États parties.  Si de nombreux États mettent en cause le rôle de la Cour, le Pérou, lui, demeure fermement attaché au Statut de Rome et le dit « haut et fort », a affirmé le représentant, qui a rappelé qu’une juge péruvienne, Mme Luz del Carmen Ibañez Carranza, siège à la Cour depuis mars dernier.  Fort de sa conviction, le Pérou, aux côtés de l’Argentine, du Canada, du Chili, de la Colombie et du Paraguay, a actionné l’article 14 du Statut de Rome pour demander au Bureau du Procureur de lancer une enquête sur les crimes de lèse-humanité commis au Venezuela depuis le 12 février 2014.  Cette demande se fonde sur les preuves collectées par les organismes internationaux impartiaux comme le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Groupe international d’experts indépendants.  Le représentant s’est félicité de l’appui de l’Allemagne, du Costa Rica, de la France et du Parlement européen à cette initiative.  Il a par ailleurs mis l’accent sur le fait que le Pérou préconise un renforcement des liens entre le Conseil de sécurité et la CPI, leurs deux mandats devant être perçus comme complémentaires.  Il a regretté que l’engagement du Conseil à saisir la Cour ne soit pas « constant, cohérent et systématique ».  Il faut y remédier, a conclu le représentant.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a déclaré que son pays demeure un hôte « fier » et un fervent défenseur de la CPI, « acteur principal » de la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves.  Alors que la lutte contre l’impunité se fait plus pressante que jamais, il a encouragé la communauté internationale à redoubler d’efforts afin de permettre à la Cour de réaliser son plein potentiel.  Aussi longtemps que les États ne s’acquitteront pas de leur responsabilité première d’intenter des poursuites contre les responsables de ces crimes atroces, il nous faudra continuer à renforcer la CPI, tant financièrement que politiquement, a-t-il argué. 

Prenant acte de l’accroissement des activités judiciaires de la Cour, reflet de la confiance dont elle bénéficie, M. van Oosterom a rappelé qu’il incombe aux États Parties de lui fournir les moyens nécessaires pour relever ces défis de manière efficace.  Les États doivent coopérer avec la CPI, a insisté le représentant, notamment en exécutant rapidement ses mandats d’arrêt et en respectant les accords relatifs à la réinstallation des témoins.  À cet égard, le non-respect des obligations devrait faire l’objet de « mesures concrètes » de la part des États parties et du Conseil de sécurité. 

L’appui mondial dont jouit la CPI depuis vingt ans montre qu’elle incarne des « normes et des valeurs fondamentales et universelles », a poursuivi M. van Oosterom, avant d’appeler les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome et à « rejoindre la lutte contre l’impunité ».  Considérant que la ratification universelle du Statut est nécessaire pour que la Cour puisse s’acquitter efficacement de son mandat, il a encouragé les États Parties qui ont fait part de leur intention de s’en retirer à revenir sur leur décision.  

Mme ANA SILVIA RODRĺGUEZ ABASCAL (Cuba), qui n’est pas partie au Statut de Rome, a affirmé d’emblée que la CPI n’a rien d’une cour indépendante.  La représentante en a voulu pour preuve les larges prérogatives que l’article 16 du Statut de Rome accorde au Conseil de sécurité.  Nous avons toujours milité, a-t-elle dit, pour une juridiction internationale indépendante, sans subordination à des intérêts politiques susceptibles de dénaturer sa mission.  La représentante s’est dite préoccupée par le précédent qui consiste à ouvrir des enquêtes et à lancer des poursuites contre des ressortissants d’États non parties au Statut de Rome.  Ce traité n’a pas été créé pour statuer en lieu et place des tribunaux nationaux, a-t-elle rappelé.  Elle a aussi estimé que la définition du crime d’agression adoptée à Kampala n’est pas exacte puisqu’elle ne couvre pas l’agression dont Cuba fait l’objet en raison du blocus économique américain qui a eu des répercussions désastreuses sur la population et le développement socioéconomique depuis plusieurs décennies.  Elle a réitéré son attachement aux principes du droit international: transparence, indépendance et impartialité.

Les auteurs de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre et d’agression doivent être traduits en justice, a tranché M. HELMUT TICHY (Autriche), ajoutant que, lorsque les juridictions nationales « ne peuvent ou ne veulent pas » poursuivre les crimes les plus graves, les mécanismes internationaux de justice pénale doivent prendre le relais.  La CPI a été créée il y a 20 ans précisément pour répondre à cet objectif, a-t-il rappelé, « afin de compléter la souveraineté nationale et non de l’usurper ».  Selon M. Tichy, le Statut de Rome « respecte entièrement » la souveraineté des États parties et leur responsabilité de poursuivre les auteurs de crimes commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants.

Le représentant a réaffirmé le « fort soutien » de l’Autriche à la CPI, institution juridique « indépendante et impartiale ».  Il a salué l’activation par consensus de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, le 17 juillet 2018, comme un nouveau « bond en avant » dans la lutte contre l’impunité.  « Nous regrettons que cette évolution importante n’ait pas pu être reflétée dans la résolution de l’Assemblée générale », a-t-il déploré.  En ce vingtième anniversaire du Statut de Rome, M. Tichy a souligné la nécessité de continuer à appuyer et coopérer avec la CPI.  Il a également appelé les États parties à redoubler d’efforts en matière de prévention, en renforçant aussi bien la coopération internationale que leur juridiction nationale.

Mme TEGAN BRINK (Australie) a salué l’activation de la compétence de la CPI en matière de crime d’agression.  « La Cour est désormais en mesure d’exercer sa compétence dans les quatre grandes familles de crimes internationaux », s’est-elle félicitée, citant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes d’agression.  Il convient aussi de noter que la CPI n’agit pas seul, a tenu à rappeler Mme Bird.  « Elle fait partie d’un système international de justice pénale: le système du Statut de Rome », a-t-elle souligné, précisant qu’il s’agit d’un « tribunal de dernier recours », amené à pallier les insuffisances des juridictions nationales.  La représentante a renouvelé le soutien de l’Australie à la CPI et a appelé les États qui ne l’ont toujours pas fait à ratifier le Statut de Rome.  À ses yeux, en effet, les mandats de la CPI et ceux de l’ONU sont à la fois alignés et interdépendants.  « L’Histoire a clairement montré que l’impunité pour les crimes graves et la paix durable allaient rarement ensemble », a-t-elle souligné.  Mme Bird a, par conséquent, appelé le Secrétaire général à renforcer la coopération de l’ONU avec la CPI, notamment en faisant en sorte que le Conseil de sécurité réalise un suivi plus soutenu des cas déférés à la Cour.

Réaffirmant son attachement sans faille à la CPI et à la lutte contre l’impunité, M. JORGE SKINNER-KLEÉ ARENALES (Guatemala) a aussi appuyé la coopération entre la Cour et l’ONU, non seulement parce qu’elle renforce le dialogue mais aussi parce qu’elle donne davantage de visibilité au travail transcendantal de la Cour, assoit son autorité et fait connaître son mandat et l’importance primordiale de la coopération des États.  Le représentant a renouvelé l’engagement de son pays en faveur du principe de complémentarité et du renforcement des systèmes judiciaires nationaux pour garantir l’établissement des responsabilités.  Après avoir insisté sur le fait que la CPI ne remplace pas les juridictions nationales, il a plaidé pour une meilleure coopération entre la Cour et le Conseil de sécurité afin de prévenir plus efficacement les crimes graves.  Indépendamment des réunions d’information sur des situations données, le Conseil doit maintenir des échanges réguliers avec la Cour.  Chaque pas vers l’universalité du Statut de Rome réduira de manière significative les risques d’impunité et contribuera à la consolidation de la paix et de la stabilité internationales, a conclu le représentant.  

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a noté que le débat sur le rapport de la CPI prend une autre dimension cette année alors que les organisations internationales, les traités et les approches multilatérales sont pris d’assaut.  Les domaines affectés incluent le commerce, les changements climatiques, le désarmement, l’établissement des responsabilités et les droits de l’homme.  Il n’est donc pas surprenant de voir que la CPI est, une fois encore, attaquée par ceux qui se sentent menacés par l’idée d’une justice pénale internationale, malgré les avancées rapides que ce domaine a connues au cours des 20 dernières années.  Il est tout à fait normal d’apporter un soutien politique sans équivoque à la CPI.

Le représentant a ensuite salué la mise à effet de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, le 17 juillet dernier.  Pour la première fois depuis les procès de Nuremberg il y a 70 ans, il y aura une responsabilité pénale individuelle pour les guerres illégales.  M. Wenaweser a dit souhaiter que les États s’entendent sur une définition internationale juridiquement contraignante de « l’acte ou crime d’agression », pour guider les décisions sur les questions liées à l’usage de la force, y compris au sein du Conseil de sécurité. 

Il s’est félicité de l’avancée récente qui a vu des États parties saisir la Cour contre un autre État partie, notamment le Myanmar qui est mis en cause pour les déplacements forcés des Rohingya.  Il a déploré le fait que la Cour n’ait pu se saisir des atrocités commises en Syrie et au Yémen.  Travailler en faveur de l’universalité du Statut de Rome est une tâche ardue et de longue haleine, a reconnu le représentant, qui a ensuite pris la parole au nom de l’Autriche, de la Belgique, du Costa Rica, de l’Estonie, du Portugal, de la République tchèque et de la Suisse.  Ces pays, a-t-il indiqué, se sont tous portés coauteurs du projet de résolution, même s’ils notent des insuffisances.  Les résolutions de l’Assemblée générale contiennent toujours des mises à jour techniques et factuelles mais le projet de résolution ne dit rien sur les évènements qui ont marqué le droit international que l’on a vus l’an dernier comme le vingtième anniversaire du Statut de Rome ou encore la mise à effet de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression. 

De même, à sa seizième session, l’Assemblée des États parties a adopté trois nouveaux amendements à l’article 8 afin d’élargir la juridiction de la Cour qui peut désormais être saisie en cas d’utilisation d’armes microbiennes, biologiques et celles dites à toxines.  Elle peut aussi être saisie des cas d’utilisation d’armes qui blessent par « fragments indétectables au rayon X » et par des armes à laser aveuglantes.  Ces nouvelles prérogatives ne tiennent pas compte du caractère international ou non d’un conflit, a précisé le représentant, espérant que la résolution de l’année prochaine rectifiera le tir.

M. DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse) a souligné que, 20 ans après l’adoption du Statut de Rome, le besoin impératif de la CPI comme institution qui oblige les acteurs à rendre des comptes, qui contribue au maintien d’une paix durable et qui soit au service des victimes reste inchangé.  Ce qui a changé, c’est le contexte, avec le développement du nationalisme.  Aussi le représentant a-t-il jugé nécessaire de réaffirmer le soutien à la justice pénale internationale et à la CPI en tant qu’élément central indépendant et impartial.  Il a considéré la saisine de la Cour par six États, premier renvoi collectif de l’histoire de la CPI, comme un signe de confiance et de soutien.  Il a souligné le bilan positif de la CPI, assombri, il est vrai, par les 15 demandes d’arrestations et de remise toujours en attente d’exécution.  L’effet dissuasif de la Cour et, a fortiori, la protection des personnes les plus vulnérables, à savoir les victimes de guerre, s’en trouvent affaiblis, a prévenu le représentant, qui a appelé les États parties au Statut de Rome à respecter leur obligation de coopérer avec la Cour.  Il n’a pas manqué de saluer l’activation de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, jugeant qu’il est fondamentalement dans l’intérêt des Nations Unies et des États Membres que le Conseil de sécurité puisse déférer des actes relevant d’une guerre d’agression à la CPI.

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a fait observer que tous les pays sud-américains sont parties au Statut de Rome et que l’Amérique latine et les Caraïbes représentent le deuxième groupe de pays le plus important après le Groupe des États d’Afrique.  Les accusations de partialité ou de sélectivité qu’entend la CPI ne se dissiperont que lorsque l’on parviendra à l’universalité du Statut de Rome, a estimé le représentant qui a insisté sur le respect qu’a son pays pour l’intégrité et l’indépendance de la CPI, à l’heure où le multilatéralisme est remis en cause et où les attaques politiques contre la Cour se multiplient.  Le représentant a ensuite estimé que la question préoccupante du financement de la Cour est de « nature structurelle ».  Les coûts devraient au moins partiellement être assumés par les Nations Unies et pas intégralement par les États parties au Statut de Rome.  Il a, à son tour, plaidé pour un dialogue plus structuré entre le Conseil de sécurité et la Cour sur des questions d’intérêt commun et pour l’amélioration de la coopération avec les Comités des sanctions du Conseil, s’agissant en particulier des interdictions de voyager et des gels des avoirs.  L’utilisation des avoirs gelés pourrait même contribuer à sécuriser des fonds pour les réparations ou couvrir les frais de l’aide juridique.  Le représentant s’est d’ailleurs félicité de ce que le Fonds au profit des victimes ait aidé plus de 450 000 personnes.  Il a aussi plaidé pour une meilleure protection des témoins.

Mme MARIANA DURNEY (Chili)  a salué les travaux de la CPI s’agissant des examens préliminaires, des enquêtes et procédures judiciaires, y compris les décisions finales dans deux affaires liées aux réparations.  Le Chili a ratifié les amendements à l’article 8 du Statut de Rome sur les crimes de guerre ainsi que ceux relatifs au crime d’agression, a indiqué la représentante qui a lancé un appel à tous les États pour qu’ils coopèrent avec la Cour et résolvent ainsi un de ses problèmes majeurs.  Elle a encouragé la poursuite de la réflexion sur la complémentarité avec les tribunaux nationaux, régionaux et internationaux.  Elle a également insisté sur le rôle crucial du Fonds au profit des victimes et évoqué à ce propos la visite en Ouganda de la Présidente de l’Assemblée des États parties et des représentants de 10 États dont le Chili pour s’informer des activités du Fonds auprès des leaders communautaires et des victimes elles-mêmes.  La seizième session de l’Assemblée des États parties, en décembre dernier, a marqué un tournant non seulement en élisant six nouveaux magistrats mais surtout en activant la compétence de la Cour en matière de crime d’agression, a relevé à son tour la représentante. 

M. CHRISTIAN GUILLERMET-FERNANDEZ (Costa Rica) a salué les actions tendant vers l’universalité du Statut de Rome, estimant que la CPI constitue sans aucun doute le plus grand succès de la justice internationale.  Il a également noté que sur la période couverte par le rapport, 12 509 victimes se sont présentées à la Cour, qui a d’ailleurs reçu 384 nouvelles demandes de participation ou de réparation, montrant ainsi le rôle central qu’elle joue pour les victimes des crimes les plus graves.  Il ne faut pas oublier, a encore souligné M. Guillermet-Fernandez, que la Cour fonctionne sur le principe de la complémentarité et qu’elle n’a pas été créée pour se substituer aux tribunaux nationaux.  Il faut donc réaffirmer que ce sont les États qui ont « l’obligation primordiale » d’en finir avec l’impunité, dans un exercice responsable de leur souveraineté.  Mais lorsque la compétence de la Cour est activée, les États parties doivent assumer leurs responsabilités et apporter le soutien nécessaire aux enquêtes, faute de quoi ils entravent la lutte contre l’impunité.  La CPI a besoin du soutien et de la coopération de toute la communauté internationale, et en particulier de l’ONU, qui, pour le Costa Rica, doit participer au financement des affaires déférées devant la Cour par le Conseil de sécurité.

Mme ANNELI LEEGA PIISKOP (Estonie) a indiqué que la CPI est un outil essentiel dans la lutte contre l’impunité, contribuant à des sociétés pacifiques.  Le système pénal international a donc besoin d’un soutien politique plus fort.  Le Conseil de sécurité doit coopérer pleinement avec la Cour qui doit pouvoir le saisir quand des États parties n’honorent pas leurs obligations.  La Cour doit également faire plus pour aider les victimes et protéger les témoins.  Le grand nombre d’affaires dont elle est saisie, a poursuivi la représentante, illustre la grande confiance que les États placent en elle et témoigne de la qualité du travail qu’elle effectue.  Cependant, l’augmentation de la charge de travail soulève la question de l’efficacité, a mis en garde la représentante, avant de saluer la mise à effet de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression.

M. POLLY IOANNOU (Chypre) a réaffirmé l’attachement ferme et entier de Chypre à la CPI, « pilier indispensable de l’ordre international fondé sur des règles », et regretté que 20 ans après l’adoption du Statut de Rome, la Cour ne se soit toujours pas rapprochée de l’universalité souhaitée à sa création.  La ratification universelle du Statut de Rome demeure la seule voie réaliste pour combler les fossés juridiques, les défis et les défauts de la CPI.  Cette ratification universelle est également cruciale pour appliquer le principe d’égalité devant la loi, a-t-il souligné.  Le représentant a réaffirmé la pleine confiance de son pays dans l’impartialité et l’indépendance de la Cour.  Chypre est fier d’avoir contribué symboliquement au Fonds au profit des victimes.  Pour la première fois, le 6 septembre dernier, a relevé le représentant, la CPI a rendu une décision stipulant qu’elle était compétente pour juger des faits de déportation d’un peuple sans État -les Rohingya- par l’État du Myanmar.  Il a aussi relevé l’importance du dossier Al-Mahdi, dans lequel un homme est jugé pour avoir détruit des édifices religieux de grande valeur historique à Tombouctou, au Mali.  Il a salué les progrès en cours réalisés par la CPI dans ce dossier, s’agissant des réparations pour dommages subis.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a parlé d’une année particulière pour la CPI qui célèbre son vingtième anniversaire et la mise à effet de sa compétence en matière de crime d’agression.  Même si l’Ukraine n’est pas encore partie au Statut de Rome, elle a fait une déclaration, le 17 avril 2014, pour reconnaître la compétence de la CPI sur des crimes commis sur son territoire entre le 21 novembre 2013 et le 22 février 2014.  Une autre déclaration a été faite le 8 septembre 2015 pour les crimes commis après le 20 février 2014, soit le début de l’« agression militaire russe».  La CPI a donc poursuivi, au cours de l’année écoulée, sa collaboration avec le Gouvernement et les ONG ukrainiens dans le cadre de l’examen préliminaire.  Des consultations ont eu lieu au siège de la CPI mais aussi en Ukraine.  Les agences ukrainiennes de maintien de l’ordre et les organisations de la société civile continuent d’envoyer à la CPI toutes les preuves de l’agression de la Fédération de Russie et de l’action des mandataires dans les territoires occupés ukrainiens.

M. LUIS XAVIER OÑA GARCÉS (Équateur) a invité tous les États à apporter leur soutien à la CPI.  Pour l’Équateur, l’universalisation du Statut de Rome est indispensable pour parvenir à une justice pénale internationale capable de prévenir les crimes les plus graves.  L’universalité ne veut pas dire que tous les États ont ratifié le Statut de Rome.  Elle veut dire que la Cour peut se saisir des crimes commis dans toutes les régions du monde, sans parti pris politique.  Le représentant a d’ailleurs apporté son soutien à la Procureure qui doit pouvoir faire son travail dans le monde entier et faire taire les critiques sur la sélectivité de la Cour.  Pour sa part, a indiqué le représentant, l’Équateur a modifié sa Constitution cette année pour consacrer le caractère imprescriptible des crimes les plus graves.  L’Équateur souligne aussi que la CPI est une juridiction complémentaire et non un substitut aux juridictions nationales.  La Cour, a conclu le représentant, doit avoir les moyens de son action, surtout avec une charge de travail qui ne cesse d’augmenter.   

Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a réitéré le soutien de son pays à la CPI et regretté que des États se soient retirés du Statut de Rome.  Elle a exprimé la disposition de la Grèce à continuer à aider la Cour dans un environnement international de plus en plus compliqué.  La Cour, a-t-elle insisté, doit être en mesure de travailler sans frein dans les paramètres juridiques définis par son traité fondateur.  Mme Telalian l’a encouragée à poursuivre la révision de processus administratifs et judiciaires afin d’améliorer son efficacité.  À ce propos, elle a appelé, à son tour, le Conseil de sécurité à assurer activement le suivi des affaires qu’il défère à la Cour, élément essentiel de la coopération des États.  Le Conseil, a-t-elle ajouté, doit exploiter toutes les occasions offertes par le Statut de Rome pour lutter contre l’impunité.  Aussi, la représentante a-t-elle partagé l’avis de la CPI selon lequel un dialogue structuré avec le Conseil pourrait améliorer la mise en œuvre des résolutions sur les affaires renvoyées et ancrer l’obligation de rendre des comptes.  Elle a conclu en saluant l’activation de la compétence de la Cour en matière de crime d’agression.

À l’occasion du vingtième anniversaire du Statut de Rome, Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a déclaré que la CPI est devenue la pierre angulaire de la justice pénale internationale.  Selon elle, la Cour est la cible de nombreuses critiques « précisément » parce qu’elle s’acquitte de son mandat de combattre l’impunité pour les crimes les plus graves au regard du droit international.  L’activation de la compétence de la CPI pour le crime d’agression représente un développement « historique », qui réaffirme de façon « claire » l’interdiction de l’usage de la force, a-t-elle ajouté.  À cette fin, elle a invité le Conseil de sécurité à répondre aux cas de non-coopération des États Membres après le renvoi d’une situation devant la Cour.  En outre, le recours au droit de veto devrait être limité en vertu de l’Initiative franco-mexicaine, pour assurer un certain degré de cohérence quand une situation est déférée à la Cour.  Mme Byrne Nason a conclu en appelant les États Membres à contribuer au Fonds au profit des victimes de la CPI.

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a déclaré que l’activation de la compétence de la CPI en matière de crime d’agression est une raison de se réjouir pour le triomphe de l’idéal de justice et du droit, compte tenu de l’opposition de certains États.  Malgré les carences et la nécessaire amélioration, on peut compter aujourd’hui sur un tribunal indépendant pour juger les crimes les plus graves.  En effet, a poursuivi le représentant, la CPI a marqué un tournant dans la lutte contre l’impunité pour ces crimes.  Une telle évolution a été possible parce que l’on a accordé la priorité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, en mettant au centre de tout, les intérêts des victimes.  Les abus contre les femmes et les enfants, l’esclavage ou le recrutement des enfants sont des cas dont la Cour peut désormais se saisir.  Le représentant a aussi insisté sur la coopération des États avec la Cour et sur le respect de l’indépendance et de l’impartialité des magistrats.  Il a jugé fondamental, dans un contexte de difficultés et de manque de coopération, d’apporter un ferme appui aux travaux de la CPI.  

M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMĺREZ (Paraguay) a fait savoir que la Constitution du Paraguay consacre la primauté du droit international et d’un ordre juridique supranational qui interdit et déclare imprescriptibles le génocide, la torture, les disparitions forcées, l’enlèvement et l’homicide pour des raisons politiques.  Depuis 2003, le pays maintient une invitation ouverte aux organismes internationaux qui souhaitent observer son travail de promotion des droits de l’homme.  Le Paraguay, a poursuivi le représentant, considère que la CPI peut représenter une lueur d’espoir pour les peuples opprimés par des régimes autoritaires.  Il appelle tous les États, parties ou non parties au Statut de Rome, à coopérer avec la Cour pour garantir son indépendance et son impartialité, et faciliter les enquêtes et l’exécution des décisions.  M. Arriola Ramírez a également mis en avant la nécessité d’optimiser les relations entre la CPI et le Conseil de sécurité, pour une meilleure exécution des décisions, notamment celles qui relèvent des Comités des sanctions.

M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a déclaré que l’universalité et la coopération sont des facteurs déterminants pour permettre à la CPI de lutter efficacement contre l’impunité pour les crimes les plus graves.  Le rôle de la Cour n’est pas de remplacer les systèmes juridiques nationaux, mais bien de les compléter, a-t-il souligné.  Il a salué le Statut de Rome comme l’incarnation permanente des Principes de Nuremberg sur la prévention des crimes les plus graves.  La Géorgie, a-t-il affirmé, coopère avec la CPI et a adopté des lois d’application du Statut de Rome au niveau national.  Le pays vient d’ailleurs d’abriter la Conférence régionale de haut niveau de la CPI qui avait pour but de renforcer la coopération entre cette dernière et les pays d’Europe de l’Est et d’Asie occidentale.  M. Imnadze a appuyé la recommandation de la CPI d’enquêter sur les crimes commis en Géorgie pendant « l’agression russe de 2008 ».  Il a donc invité la Fédération de Russie à collaborer avec le Bureau de la Procureure. 

Mme LAURA STRESINA (Roumanie) a souligné l’apport jurisprudentiel de la CPI, s’agissant notamment de la violence sexuelle en temps de conflit et de la destruction du patrimoine culturel.  La CPI exerce un effet dissuasif qui ne fait que s’amplifier, a-t-elle dit, voyant la preuve dans le durcissement de ton de ses détracteurs.  En tant qu’organe indépendant opérant dans un environnement politique tendu, la Cour ne saurait pâtir de ses relations volatiles avec des États et des défis implicites de la coopération et du maintien de son niveau de ressources.  Le rôle de la Procureure est extrêmement difficile et ouvre la voie aux critiques mais c’est à la Cour qu’il revient de garantir l’impartialité des procédures afin de préserver sa crédibilité et son efficacité, a souligné la représentante, en saluant les réformes en cours.  Elle a invité la CPI et les États à veiller à une pleine participation des victimes, étant donné que la confiance de ces dernières est cruciale pour la légitimité de la Cour. 

Il faut reconnaître que la CPI travaille dans les limites des compétences définies par le Statut de Rome, qu’elle a besoin du soutien de tous les États et qu’elle souffre de problèmes financiers, a énuméré la représentante.  Rappelant l’importance du principe de complémentarité, elle a estimé qu’à long terme, l’objectif est de voir la diminution du nombre des affaires dont elle est saisie et l’augmentation de celui des États soucieux et capables d’engager des poursuites judiciaires.  La représentante a conclu sur la nécessaire amélioration des relations entre la Cour et le Conseil de sécurité et sur l’importante universalité du Statut de Rome.

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a noté les progrès réalisés par la CPI pour veiller à ce que les violations graves des droits de l’homme ne restent pas impunies.  Après avoir salué l’activation de la compétence de la Cour pour le crime d’agression, il a appelé les États Membres à adhérer aux amendements de Kampala.  El Salvador, a rappelé le représentant, a modifié sa législation pour pouvoir ratifier, dès que possible, l’accord sur les privilèges et immunités de la CPI.  Il a réaffirmé l’attachement « profond » et l’appui de son pays à la mission de la Cour, et invité les États à ratifier le Statut de Rome.

M. MARTĺN GARCĺA MORITÁN (Argentine) a déclaré que la Cour démontre par les faits qu’elle est un instrument fondamental dans la lutte contre l’impunité, la promotion des droits de l’homme et la consolidation de l’état de droit.  L’Argentine, a-t-il affirmé, a été le premier État partie à souscrire aux quatre accords de coopération suggérés par la Cour.  Elle a ratifié les amendements de Kampala sur le crime d’agression et a salué l’activation de la compétence de la Cour, laquelle activation parachève l’édifice juridique de cette dernière.  Tout en jugeant cruciales les relations de la Cour avec l’ONU, le représentant a toutefois insisté sur le respect de l’indépendance judiciaire de la CPI.  Il s’est aussi dit inquiet de la tendance croissante du Conseil de sécurité à renvoyer des situations à la Cour.  Ces saisines ont un coût, a souligné le représentant, en rappelant que le Statut de Rome, l’Accord régissant les relations entre la CPI et l’ONU et le Règlement stipulent que les coûts doivent être à la charge des Nations Unies.  La crédibilité de la Cour et ses enquêtes, a-t-il prévenu, risquent de pâtir du manque de ressources.  Le représentant a aussi estimé qu’il existe une marge de manœuvre pour des meilleures relations entre la Cour et le Conseil de sécurité, en particulier à travers les organes subsidiaires comme les Comités de sanctions ou le Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés.  Les souffrances des victimes des crimes les plus graves sont « la plus grande honte » de l’humanité.  Ce siècle ne saurait échouer à apporter des réponses concrètes à ces violations, a-t-il conclu.  

M. TAREQ MD.ARIFUL ISLAM (Bangladesh) a dit avoir suivi avec attention, en tant qu’État partie au Statut de Rome, les débats de la Chambre préliminaire de la CPI sur les déplacements forcés des Rohingya.  Il a souligné l’importance de la décision sur le déni du droit au retour, notamment dans le contexte des efforts bilatéraux du Bangladesh et du Myanmar pour assurer un retour sûr et digne des Rohingya.  Le représentant a insisté sur l’établissement des responsabilités pour toutes les atrocités de masse commises contre les Rohingya par les forces de sécurité du Myanmar et des acteurs non étatiques.  Il a rappelé l’importance du travail mené par la Mission indépendante d’établissement des faits de l’ONU, tout en soutenant la décision du Conseil des droits de l’homme d’établir un mécanisme afin de préserver les preuves en prévision d’un éventuel procès.  Il a aussi insisté sur l’importance des contributions volontaires pour aider les victimes et leur famille.  En tant que facilitateur du Fonds au profit des victimes, le Bangladesh s’efforce d’obtenir des États qu’ils règlent leurs arriérés, a indiqué le représentant. 

Mme CHARLENE ROOPNARINE (Trinité-et-Tobago) a souligné l’importance de l’activation de la compétence de la Cour pour le crime d’agression et indiqué que Trinité-et-Tobago avait dûment signé les amendements correspondants.  Malgré les nombreux défis auxquels elle fait face, la CPI reste indubitablement une lueur d’espoir pour les victimes des crimes graves.  Parmi ces victimes figurent les plus vulnérables, comme les milliers de femmes et d’enfants touchés par les violations du droit humanitaire international et des droits de l’homme.  Mme Roopnarine s’est dite très préoccupée par la décision de plusieurs pays de se retirer du Statut de Rome ou de soumettre une notification de retrait.  Si elle a noté que la CPI a été perçue par certains comme une menace à leur souveraineté nationale, elle a jugé urgent de démystifier cette notion et rappelé qu’en vertu du principe de complémentarité, la juridiction de la Cour n’est invoquée que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas poursuivre des présumés coupables de crimes graves.  S’agissant de l’Accord régissant les relations entre l’ONU et la CPI, la représentante a fait valoir que la capacité du Conseil de sécurité de renvoyer une situation devant la Cour est essentielle pour que justice soit rendue.

M. HAU DO SUAN (Myanmar) a mentionné les paragraphes 43 et 44 du Rapport de la Cour pénale internationale, selon lesquels la Procureure a demandé, le 9 avril dernier, à la Chambre préliminaire I de se prononcer sur le fait de savoir si la Cour pouvait exercer sa compétence sur l’expulsion présumée des Rohingya du Myanmar vers le Bangladesh.  La Chambre préliminaire a rendu une décision à la majorité, le 6 septembre 2018, en vertu de laquelle elle estime que la Cour peut exercer sa compétence. 

Le Myanmar, a prévenu le représentant, rejette catégoriquement cette décision qui résulte d’une procédure erronée à la valeur juridique « douteuse ».  Dans la mesure où le Myanmar n’est pas partie au Statut de Rome, il ne voit pas pourquoi il serait obligé de respecter les arrêts de la Cour, s’est-t-il expliqué.  La Chambre préliminaire I a fait preuve « d’une mauvaise foi manifeste », accumulant les vices de procédure, sans parler d’un manque global de transparence.  Dans le cadre de cette décision, a poursuivi le représentant, des organisations auraient obtenu l’autorisation de soumettre leur avis en tant qu’amicus curiae sans que l’on ait pris le soin de vérifier leur identité ou la valeur de leurs propos.  Plusieurs commentaires faits à cette occasion ne concernaient pas des questions juridiques, mais des « allégations de tragédies personnelles » sans liens avec des arguments juridiques.  Ces allégations, a dit craindre le représentant, vont finir par exercer une « pression émotionnelle » sur la Cour.

Pour lui, la Procureure de la CPI a appliqué de manière incorrecte le paragraphe 3 de l’article 19 du Statut de Rome, en faisant une demande à la Chambre préliminaire I sur une situation dont la Cour n’était pas encore saisie. Le représentant a mentionné l’opinion d’un Juge de la CPI, M. Marc Perrin de Brichambaut, selon lequel le paragraphe en question et le paragraphe 1 de l’article 119 ne sont pas applicables dans une telle configuration.  Il a estimé que le principe « compétence de la compétence » ne saurait pas non plus servir de fondement à la décision rendue par la Chambre. 

Le représentant a également contesté l’avis de la Procureure selon lequel un déplacement de population au-delà des frontières nationales constitue un élément objectif pour prouver l’existence d’un crime de déportation, en vertu du paragraphe 1 d) de l’article 7 du Statut.  Il a également estimé que le cas des Rohingya ne faisait pas non plus apparaître de politique organisée, élément requis pour prouver l’existence d’un crime contre l’humanité en vertu du Statut de Rome.

Le représentant s’est dit conscient des accusations de violations des droits de l’homme contre son pays, après « l’attaque terroriste d’août 2017 ».  Il a indiqué que son gouvernement avait mis sur pied une Commission d’enquête indépendante, le 30 juillet dernier, composée de deux personnalités internationales et de deux personnalités du Myanmar.  Mon Gouvernement, a-t-il affirmé, est prêt à prendre les actions qui s’imposent sur la base des conclusions de la Commission.  Le délégué a en outre affirmé que le premier groupe de personnes déplacées au Bangladesh serait en mesure de rentrer dans l’État rakhine très prochainement.

« Nulle part dans la Charte de la CPI il n’est écrit que la Cour peut exercer sa compétence sur des États qui ne l’ont pas reconnue », a martelé le représentant, dénonçant un précédent « dangereux » et contraire à la Convention de Vienne sur le droit des traités.  À ses yeux, la Procureure tente ni plus ni moins « d’outrepasser les principes » de la souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, au mépris des principes de la Charte de l’ONU, également cités dans le préambule de la Charte de la CPI.

Selon M. HWANG WOO JIN (République de Corée), le vingtième anniversaire du Statut de Rome est l’occasion pour l’ONU et la Cour de renforcer leurs relations et de réaffirmer la pertinence de la justice pénale internationale dans le maintien de l’état de droit.  Malgré la « dure réalité », la CPI doit surmonter les défis « considérables » qui se dressent sur son chemin et s’établir fermement en tant qu’institution « robuste et fiable » dédiée à la justice pénale internationale.  Pour y parvenir, la Cour doit bénéficier de la coopération des États parties et des Nations Unies et intensifier ses efforts de sensibilisation.  Bien que le nombre d’États Parties au Statut de Rome ait plus que doublé depuis 2002, il demeure loin des deux-tiers des États Membres de l’ONU, a observé M. Hwang, en appelant à l’adhésion universelle.  En raison du principe de complémentarité, la ratification du Statut de Rome n’équivaut pas à renoncer à sa souveraineté, a-t-il argué.

M. MAMOUDOU RACINE LY (Sénégal) a rappelé que ce débat se tient dans un contexte d’érosion générale de l’ordre international et de critiques multiformes à l’endroit de la CPI.  C’est aussi, a-t-il ajouté, une ère de responsabilité où l’exigence de justice et de réparation des torts subis par les victimes ne sauraient être ignorée.  Pour le Sénégal, le dialogue et la coopération sont la voie la plus efficace pour la prise en charge efficace et effective des préoccupations des uns et des autres et pour changer la perception négative qu’ont certains à l’égard de la Cour.  De même, le Conseil de sécurité doit exercer avec circonspection et objectivité son droit de saisir la Cour pour éviter la perception qu’il se sert d’elle comme un outil politique. 

Quant à la Cour, le représentant a estimé que sous peine d’entacher sa crédibilité, elle doit continuer d’appliquer les standards les plus élevés d’un procès qui respecte de manière équitable les droits de la défense et de la partie civile et protège sans faillir l’intégrité des témoins.  Pour le Sénégal, malgré ses imperfections, la CPI reste aujourd’hui le seul recours pour les victimes de crimes graves lorsque ce droit à la justice ne s’exerce pas in situ.  La Cour, a insisté le représentant, mérite le soutien de la communauté internationale dans un monde où des violations massives continuent de frapper les populations innocentes sous nos yeux, alors que dans bien de cas, ces crimes restent impunis à l’échelle des États, voire effacés de la mémoire des peuples.  Après avoir plaidé en faveur de la ratification universelle du Statut de Rome, il a voulu que l’on rende justice aux victimes, « afin que l’arbre de l’espoir planté, il y a 20 ans à Rome, continue de fleurir à jamais entre les dunes de La Haye et la Mer du Nord ».

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est également réjoui de l’activation de la compétence de la Cour pour le crime d’agression et de la coopération continue des Nations Unies, des États et de plusieurs organisations internationales.  Il a estimé que pour s’acquitter de son mandat, la CPI doit maintenir une coopération étroite avec les États parties et non parties dans le plein respect du principe de complémentarité.  Il a aussi estimé fondamental de bien clarifier que l’ONU et la CPI sont indépendantes l’une de l’autre, avec des mandats distincts.  La communauté internationale attend d’elles qu’elles s’acquittent de leur mandat avec « objectivité, crédibilité, impartialité, sans deux poids deux mesures ni politisation ».  Le représentant a critiqué la saisine de la Cour par « certaines institutions compétentes de l’ONU » mettant ainsi en cause l’article 16 du Statut de Rome.  On peut dès lors s’interroger, a-t-il dit, sur la véritable indépendance de la CPI.  Les organes de l’ONU devraient plutôt examiner l’article 13 du Statut de Rome et exploiter les possibilités qu’il offre.  Le représentant s’est résolument rangé derrière l’Union africaine qui considère, s’agissant du Président soudanais, M. Omer AlBashir, que la CPI n’a pas compétence pour inculper un chef d’État puisqu’en sa qualité de « symbole de la souveraineté nationale », il jouit de l’immunité.  Le représentant a aussi exprimé le vœu que la Cour ne s’occupera que des États parties sauf si un État non partie sollicite sa collaboration.  Il a plaidé pour une assistance technique et le renforcement des capacités des institutions judiciaires des États qui le demandent. 

Explications de position sur la résolution A/73/L.8 relative au Rapport de la Cour pénale internationale

Les États-Unis ont réitéré leur opposition de principe à toute ingérence dans les affaires intérieures des États.  Ils ont réitéré leurs vives préoccupations face à l’intention de la Procureure de la CPI de mener des enquêtes sur le comportement des militaires américains en Afghanistan.  Nous respectons ceux qui ont décidé de se joindre à la CPI et nous les prions de respecter, à leur tour, notre choix de ne pas le faire, ont plaidé les États-Unis.

Le Soudan a dénoncé, une nouvelle fois, la « politisation de la CPI » qui a montré qu’elle est un outil de lutte politique contre les États africains.  Il a dit préférer promouvoir la justice dans le cadre des institutions judicaires nationales, sans intervention étrangère.  Il a aussi déploré l’idée de vouloir faire de l’Assemblée générale une nouvelle « assemblée des parties au Statut de Rome ».  Il a insisté sur le fait qu’il n’est pas partie au Statut de Rome et qu’il n’y a pas de « lien organique « entre les Nations Unies et la CPI ».  Nous ne pouvons donc que nous dissocier du consensus, a annoncé le Soudan.

La Syrie, qui a rappelé avoir appuyé la création de la CPI, a fermement dénoncé sa politisation.  La Cour, a-t-elle estimé, est paralysée mais étrangement active quand il s’agit de s’en prendre aux nations les plus faibles.  Même les amendements de Kampala, dont le crime d’agression, resteront lettre morte, a pronostiqué la Syrie, car il sera quasiment impossible de l’appliquer puisque la justice internationale est sous le joug des grandes puissances.  La Syrie en a voulu pour preuve le fait que, malgré ses 20 années d’existence, la Cour n’a instruit que 26 affaires relevant de régions géographiques bien précises.  Nous refusons cette « hypocrisie politique », a dit la Syrie, ajoutant qu’elle n’est pas la seule.  Beaucoup d’entre nous refusent que la justice internationale devienne un moyen de s’ingérer dans les affaires intérieures des États ou serve d’instrument de punition manipulé par les plus forts contre les plus faibles.  La Syrie a attiré l’attention sur les lettres qu’elle a adressées au Secrétaire général (A/72/106 et A/71/799) et a une nouvelle fois dénoncé les appels pour que le Conseil de sécurité saisisse la Cour de sa situation.  Elle a conseillé à la CPI de s’occuper d’abord de l’obligation de rendre des comptes des États qui ont attisé la guerre sur son territoire, en finançant les groupes extrémistes et les jihadistes salafistes qui tuent des milliers de Syriens innocents.  Que la Cour juge d’abord les combattants terroristes étrangers et les gouvernements de la prétendue « Coalition contre Daech » pour le crime d’agression qu’ils commettent contre le peuple syrien, a lancé la Syrie.    

La Fédération de Russie a tranché: la CPI fait partie des organisations les plus inefficaces qui soient.  Elle a noté que le texte de la résolution ne fait pas référence aux nouveaux développements et encore moins aux observations des États non parties.  En 16 ans d’existence, la CPI n’a prononcé que trois condamnations, tout en dépensant des « sommes colossales » pour son fonctionnement.  La Fédération de Russie a aussi dénoncé une Cour qui fait fi du droit international et de l’immunité des autorités nationales.  C’est cela, a-t-elle dit, qui explique la position de nombreux États africains sur la Cour.  La Fédération de Russie a également rejeter la tentative de la CPI de s’arroger toujours plus de compétences, en violant le droit des États non parties.  Elle n’a pas oublié d’attirer l’attention sur les problèmes de gestion de la CPI, évoquant même « des faits douteux que l’ancien Procureur aurait masqués ».  Pour toutes ces raisons, nous nous dissocions du consensus sur cette résolution qui n’est ni plus ni moins qu’une mise à jour technique, a annoncé la Fédération de Russie.

Les Philippines se sont également dissociées du consensus, indiquant que leur retrait du Statut de Rome prendra effet le 17 mars 2019.  Cette décision, ont-elles expliqué, est motivée par la « politisation des droits de l’homme ». L’indépendance et le bon fonctionnement des organes et agences nationales ne sont plus à démontrer, ont argué les Philippines, en ajoutant que ces dernières traitent des plaintes, des questions, des problèmes et des préoccupations découlant des efforts déployés pour protéger la population.  Chez nous comme dans d’autres démocraties, « la roue de la justice tourne lentement et ne répond pas toujours aux espoirs, mais elle tourne », ont affirmé les Philippines qui ont réaffirmé leur engagement à lutter contre l’impunité pour les crimes graves, malgré le retrait du Statut de Rome.  Nous avons d’ailleurs adopté une loi contre ces crimes, ont-elles indiqué.

Israël s’est, à son tour, dissocié du consensus non pas parce qu’il ne soutient pas l’objectif noble de la lutte contre l’impunité mais pour joindre sa voix aux critiques sur les lacunes grandissantes dans l’exécution du mandat de la CPI.  Trop de décisions de cet organe sont préoccupantes, ce qui remet en question sa légitimité et sa crédibilité, a tranché Israël.  La CPI jouit de l’appui inconditionnel de beaucoup d’États mais, parfois, la critique est de mise, a conclu Israël.

Droits de réponse

Le Venezuela a prévenu que ce n’est pas en livrant une bataille idéologique sur la CPI qu’on la rendra plus efficace.  Nous n’avons pas besoin d’un nouveau groupe d’ennemis pour la détruire.  Il suffit de laisser faire ceux qui, sous le couvert d’objectifs nobles, ne font rien pour préserver la crédibilité de cette institution.

Le Bangladesh a rappelé au Myanmar que la Chambre préliminaire I de la CPI a rendu une décision juridique.  L’obligation de rendre des comptes est un aspect essentiel pour rétablir la confiance des Rohingya.  Nous attendons du Myanmar, a souligné le Bangladesh, qu’il créé un mécanisme juridique pour instruire les crimes les plus graves commis contre les Rohingya.  La communauté internationale doit se positionner et la CPI ne peut balayer d’un revers de main les possibilités de recours des Rohingya, a conclu le Bangladesh.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’amélioration de la situation humanitaire en Syrie dépend du processus politique en cours, estiment des membres du Conseil de sécurité

8384e séance – matin
CS/13558

L’amélioration de la situation humanitaire en Syrie dépend du processus politique en cours, estiment des membres du Conseil de sécurité

Trois jours après la réunion quadripartite qui a réuni à Istanbul l’Allemagne, la France, la Fédération de Russie et la Turquie, le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, le rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014),2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017) et 2401 (2018) du Conseil de sécurité, traitant des aspects humanitaires, sécuritaires et politiques de la crise en Syrie.

La situation humanitaire a été source d’inquiétudes parmi les membres du Conseil, même si des développements positifs ont été observés ces dernières semaines, avec l’accord de cessez-le-feu sur Edleb, comme l’a indiqué le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, qui présentait le rapport. 

Au cours des sept premiers mois de cette année, 5,5 millions de personnes en moyenne ont bénéficié d’une aide d’urgence.  Rien qu’en septembre, 2,5 millions ont reçu une aide alimentaire, notamment du côté des zones récemment repassées sous contrôle gouvernemental. 

Mais alors que le Gouvernement syrien s’était engagé à faciliter l’acheminement des convois, il vient de reporter le départ d’un convoi destiné à 50 000 personnes vivant à Roukban, a déploré le Coordonnateur des secours d’urgence, appelant les membres du Conseil à garantir la pérennité de l’accord russo-turc sur Edleb.  Il a aussi recommandé de prolonger d’un an la résolution 2165 (2014), qui prévoit des livraisons transfrontières d’aide par les agences humanitaires des Nations Unies, notamment pour aider les 3 millions de civils d’Edleb et pour faire parvenir les fournitures et services essentiels dans le nord de la Syrie.

Autres recommandations: permettre un accès à Roukban pour les convois humanitaires du Croissant-Rouge arabe syrien et de l’ONU; soutenir les efforts pour améliorer l’accès humanitaire, l’évaluation des besoins et le recueil de preuves sur la levée et l’utilisation des ressources; et enfin obtenir des financements généreux pour les opérations de secours.  « Il est très important que cela reste le cas, pour les millions de personnes se trouvant à Edleb, car les enjeux sont élevés », a insisté M. Lowcock. 

Un des participants à la réunion quadripartite du 27 octobre, en l’occurrence la France, a indiqué qu’ils étaient parvenus à la conclusion selon laquelle la situation humanitaire ne pourra s’améliorer qu’avec un cessez-le-feu à long terme et des élections libres, avec la participation des Syriens de la diaspora.  Cela implique que le régime syrien cesse sa « stratégie d’instrumentalisation politique et punitive » à l’égard de la population en entravant l’acheminement de l’aide vers les zones « réconciliées », a dit le représentant français. 

Plusieurs délégations, notamment celle du Royaume-Uni, de la Pologne et des États-Unis ont partagé ce point de vue.  Notant que le Gouvernement syrien a annoncé qu’il reprendrait Edleb « le moment venu », le délégué des États-Unis a prévenu que l’ampleur de la crise serait « inouïe » si le Président Assad décidait de rompre le cessez-le-feu.  « Nous devons nous préparer au pire en cas d’échec politique », a prévenu la délégation américaine. 

Pour ne pas en arriver là et pour éviter que la situation humanitaire ne s’aggrave davantage, ces mêmes délégations ont réclamé des garanties sur le processus politique.  Elles doivent se matérialiser non seulement par la durabilité de l’accord concernant Edleb, mais aussi par la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) et par la mise en route du comité constitutionnel.  C’est ce qu’ont soutenu également les délégations du Koweït, de l’Éthiopie et de la Côte d’Ivoire. 

Au lieu de « poser des conditions » ou de faire des « critiques », il faut contribuer et soutenir le processus politique, a rétorqué le représentant russe.  « Il est certes essentiel que le comité constitutionnel débute ses travaux, mais encore faut-il qu’il soit accepté de toutes les parties. »  On ne peut pas imposer à Damas des échéances artificielles ou des solutions qui viennent de l’étranger, a-t-il exigé. 

En soutenant le processus de négociation intersyrien, la communauté internationale contribuera à une solution pour résoudre la crise humanitaire, a résumé le Kazakhstan.

Le représentant syrien a demandé de ne pas confondre processus politique et question humanitaire, affirmant que des pays occidentaux cherchent à manipuler le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  La « vérité » est que l’aide transfrontière est utilisée pour acheminer des armes en Syrie, a-t-il affirmé en accusant les terroristes de prendre des civils comme boucliers humains.  Il a rappelé que le Gouvernement syrien avait demandé que les zones libérées soient parmi celles qui bénéficient du plan d’acheminement de l’assistance.  « Cela n’est pas pris en compte dans le rapport », a-t-il déploré.

En début de séance, le Conseil de sécurité avait observé une minute de silence à la mémoire des victimes de la fusillade à la synagogue de Pittsburgh survenue le 27 octobre.  Plusieurs membres du Conseil ont en outre présenté leurs condoléances à l’Indonésie, à la suite de l’accident d’avion abîmé en mer avec 189 personnes à bord le 29 octobre. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2018/947)

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré que des développements positifs ont été observés ces dernières semaines, avec l’accord de cessez-le-feu sur Edleb.  « Il est très important que cela reste le cas, pour les millions de personnes se trouvant à Edleb, car les enjeux sont élevés. »

Il a également indiqué que les Nations Unies et leurs partenaires continuent de fournir une assistance aux populations à travers toute la Syrie.  Ainsi, au cours des sept premiers mois de cette année, en moyenne 5,5 millions de personnes ont bénéficié d’une aide de secours.  Rien qu’en septembre, 2,5 millions de personnes ont reçu une aide alimentaire, notamment du côté des zones récemment repassées sous contrôle gouvernemental, avec l’appui du Croissant-Rouge arabe syrien.  Le Gouvernement syrien a fermement exigé que toute aide destinée aux zones sous son contrôle parte de Damas.  Il a également accepté de faciliter l’acheminement des convois.  Cependant, dans plusieurs autres régions ayant « changé de mains », les Nations Unies n’ont pas « d’accès durable », a-t-il dit.

M. Lowcock a ensuite rappelé que si la résolution 46/182 de l’Assemblée générale adoptée en 1991 exige que les gouvernements soient consultés pour la coordination de l’aide humanitaire d’urgence, il est tout aussi important que les principes d’indépendance, d’impartialité et de neutralité de l’action humanitaire soient soulignés, en particulier afin de garantir que l’aide soit fournie sur la base des besoins et non pour d’autres considérations.  Cette question, qui a été discutée avec le Gouvernement syrien, a conduit à la signature d’un accord sur l’extension des capacités des Nations Unies à évaluer les besoins de la manière la plus large possible, a encore indiqué le Coordonnateur des secours d’urgence. 

En plus des convois partant de Damas, les Nations Unies continuent aussi leurs opérations transfrontières.  Depuis la Turquie, environ 1 000 camions transportant des bâches en plastique, des vêtements chauds pour l’hiver, des bottes, des radiateurs et des poêles ont pris la route vers la Syrie.  Une aide critique a également été acheminée depuis l’Iraq, en direction du nord-est de la Syrie, en passant par la frontière d’al-Yarubiyah.  Au cours des neuf premiers mois de 2018, plus de 750 000 personnes en moyenne ont reçu une aide alimentaire grâce à ces activités transfrontières. 

Cependant, des zones de préoccupation persistent en Syrie, a poursuivi M. Lowcock.  Ainsi, alors qu’en coopération avec le Croissant-Rouge arabe syrien, une opération partant de Damas devait parvenir à 50 000 personnes et permettre de vacciner 10 000 enfants à Roukban, ville située à la frontière avec la Jordanie, le départ du convoi initialement prévu le 27 octobre a été reporté, en raison d’informations faisant état d’insécurité.  Or la population de Roukban n’a pas reçu d’aide depuis janvier de cette année, s’est alarmé M. Lowcock, ajoutant que, selon des rapports alarmants, des enfants continuent de mourir en raison du manque de soin.  « Cette situation ne doit pas se poursuivre », a-t-il martelé avant d’ajouter que les Nations Unies sont prêtes à faire repartir le convoi. 

Pour cette raison, il appelle toutes les parties à faire en sorte que la sécurité des travailleurs humanitaire soit garantie, dans le contexte où des combats continuent d’avoir lieu et d’affecter les civils le long de l’Euphrate et dans divers lieux de la province de Deïr el-Zor.  On rapporte qu’environ7 000 personnes ont été déplacées de Hajin en raison de combats menés contre les dernières enclaves de Daech en Syrie.  On affirme aussi que 15 000 personnes sont prisonnières dans les zones encore contrôlées par cette organisation, a-t-il dit.

Concluant son intervention, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a déclaré chercher le soutien des membres du Conseil de sécurité sur cinq points: la pérennité de l’accord sur Edleb; la prolongation pour un an supplémentaire de la résolution 2165 (2014); l’accès humanitaire à Roukban; l’amélioration des processus d’évaluation des besoins, de collectes de fonds et de preuves sur l’utilisation de ces fonds; et enfin la générosité des donateurs.  Sur ce dernier point, il a déclaré que bien que 1,7 milliard de dollars aient déjà été levés, le plan de secours d’urgence de cette année n’est, pour l’heure, financé qu’à moitié.

Saluant le cessez-le-feu d’Edleb, M. MANSOUR AYYAD SH.  A.  ALOTAIBI (Koweït) s’est cependant dit préoccupé par le sort des civils à Deïr el-Zor, ainsi que par le problème des mines et des engins explosifs laissés dans la zone de Raqqa par les combattants de Daech.  Il a appelé toutes les parties à renforcer la protection des civils durant les opérations militaires contre Daech.  Concernant l’accès humanitaire, le délégué a appelé le Gouvernement syrien à coopérer avec les Nations Unies pour que l’aide parvienne à ceux qui en ont le plus besoin, surtout dans les zones qu’il contrôle de nouveau.  Invoquant le principe d’impartialité, il s’est aligné sur les conclusions du Sommet d’Istanbul réclamant un accès rapide, sûr et sans entrave de l’aide humanitaire dans les zones difficiles d’accès.  S’inquiétant à cet égard de la situation au camp de Roukban, il a rappelé que les souffrances et la crise humanitaire ne se dissiperont qu’avec des progrès sur le plan politique, sur la base de la résolution 2254 (2015).

M. JONATHAN R.  COHEN (États-Unis) a déclaré que la tenue de cette réunion était opportune, dans la mesure où le représentant de la Syrie a déclaré vendredi que son gouvernement reprendrait Edleb « le moment venu »: une offensive pourrait aggraver la crise humanitaire qui sévit dans le pays.  L’ampleur de la crise serait « inouïe » si le Président Assad décidait de rompre le cessez-le-feu instauré par l’accord russo-turc, a-t-il prévenu, craignant la plus grande catastrophe humanitaire au monde.  « Nous sommes d’accord pour dire que nous devons nous préparer au pire en cas d’échec politique; la communauté internationale devrait être prête à agir si le régime venait à rompre le cessez-le-feu », a mis en garde la délégation américaine.  Il s’est ensuite ému des difficultés à apporter de l’aide depuis Damas pour les trois millions d’habitants d’Edleb, qui ne tiennent que grâce à l’aide transfrontalière autorisée par des résolutions du Conseil de sécurité.  Encore faut-il que ces résolutions soient appliquées, a fait observer M. Cohen, en rappelant à tous les États Membres concernés la nécessité de s’acquitter de leurs obligations.  Par ailleurs, a-t-il ajouté, le régime syrien doit encore démontrer qu’il est favorable à la réintégration des réfugiés, lesquels doivent pouvoir prendre le chemin du retour dans des conditions sûres.  « Réfugiés et déplacés doivent pouvoir décider lorsqu’ils souhaitent rentrer dans leurs foyers », a-t-il insisté.  Le représentant a, en conclusion, réitéré l’importance de former le comité constitutionnel le plus rapidement possible, en rappelant qu’il ne s’agissait en rien d’une « échéance artificielle » mais d’un « impératif moral ». 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé les conclusions du Sommet d’Istanbul, à savoir que la situation humanitaire ne sera améliorée qu’avec un cessez-le-feu à long terme, et des élections libres organisées sous supervision onusienne, avec la participation des Syriens de la diaspora.  Dans le cadre d’un cessez-le-feu à long terme à Edleb, la protection des civils et des installations médicales doit être une priorité absolue pour les parties prenantes, a-t-il souligné.  Déplorant que les conditions ne soient pas encore réunies pour un retour des civils, il a dénoncé les actions du régime syrien entravant leur retour, comme sa stratégie d’ingénierie démographique.  « Ne nous laissons pas tromper par la fable du régime: ce n’est pas l’absence de reconstruction qui empêche le retour des réfugiés.  C’est l’absence d’avancées crédibles dans le processus politique », a estimé M. Delattre.

Blâmant le régime syrien, qui « continue inlassablement sa stratégie d’instrumentalisation politique » en imposant des obstacles à l’aide humanitaire, M. Delattre a jugé « inadmissible » que le régime bloque les convois interagences et mette en place une stratégie punitive à l’égard de la population, en entravant l’acheminement de l’aide vers les zones « réconciliées ».  Il a réclamé que l’ensemble des convois puisse circuler de manière sûre dans tout le pays, notamment jusqu’au camp de Roukban, « où 50 000 personnes vivent dans des conditions cauchemardesques », et dans le nord-est récemment libéré du joug de Daech, où M. Delattre a appelé l’ONU à intensifier ses efforts.  Enfin, dans la perspective d’une solution politique durable, il a appelé à la création d’un comité constitutionnel d’ici à la fin de l’année, dans la lignée des appels du Conseil de sécurité de vendredi dernier et des conclusions du Sommet d’Istanbul.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a rappelé qu’après huit années d’affrontements, tout le monde est d’accord sur le fait que « les Syriens sont épuisés par la guerre et l’incertitude sur leur avenir ».  Malgré la baisse du nombre des offensives militaires, la présence de groupes terroristes dans la province d’Edleb risque de provoquer selon lui un risque d’escalade.  Aussi a-t-il rappelé que les parties à l’accord russo-turc doivent s’acquitter de leurs obligations de démilitariser la zone tampon.  Par ailleurs, il a attiré l’attention sur la situation dans le camp de Roukban, à la frontière syro-jordanienne, marquée au cours de la période à l’examen par une nouvelle détérioration du sort des quelque 45 000 personnes qui y sont installées.  Pour la délégation, le conflit en Syrie ne pourra être résolu par la voie militaire, mais par un processus politique adossé à la résolution 2254 (2018).

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dit partager le même point de vue que la France en ce qui concerne le processus politique en Syrie, dans le contexte où les membres du « Small group », dont son pays fait partie, sont actuellement réunis à Londres.  Sa délégation souhaite avoir des garanties sur la durabilité de l’accord concernant Edleb, sur la détermination des Gouvernements syrien et russe à continuer d’autoriser les convois humanitaires, et encore sur la réunion du futur comité constitutionnel bien avant la fin de novembre.

Le Royaume-Uni est également du même avis que les États-Unis lorsque ceux-ci évoquent les préoccupations de l’ONU en ce qui concerne l’évaluation des besoins humanitaires.  Il faut des mécanismes indépendants d’évaluation, a plaidé la représentante, rappelant que les États Membres des Nations Unies ont l’obligation de garantir un accès humanitaire en fonction des besoins.  Si le Royaume-Uni peut comprendre l’argument sécuritaire soulevé par le Gouvernement syrien concernant la zone de Roukban, à la frontière jordanienne, elle estime aussi que le Conseil de sécurité a besoin d’être informé dans le détail des préoccupations syriennes et russes.  La représentante attend d’entendre ces délégations sur ce point.

Le Royaume-Uni est enfin du même avis que M. Lowcock, qui en appelle à la « générosité » des donateurs internationaux.  Le Gouvernement du Royaume-Uni s’est montré généreux et a promis 3,4 milliards de dollars d’aide humanitaire, a rappelé Mme Pierce en indiquant qu’une « bonne partie » de cette somme a déjà été versée.  Pour autant, sa délégation partage, une fois de plus, le point de vue de la France s’agissant de la question de la reconstruction de la Syrie.  Elle ne sera traitée que lorsque la crise sera terminée, a conclu Mme Pierce. 

Mme JOANNA WRENCKA (Pologne) a déclaré que, si l’accord russo-turc en date du 17 septembre qui a établi une zone démilitarisée dans la province d’Edleb a permis d’éviter une catastrophe humanitaire, les civils de la région n’en continuent pas moins de se heurter à des besoins considérables, et à des menaces à leur sécurité.  C’est la raison pour laquelle la représentante a encouragé toutes les parties à pleinement appliquer l’accord, en particulier l’obligation de préserver le cessez-le-feu pour permettre un accès humanitaire sans entraves dans tout le territoire de la Syrie.  La représentante a également souligné la nécessité de protéger les civils et les infrastructures civiles, demandant en outre aux acteurs exerçant une influence sur les parties au conflit, en particulier les garants du processus d’Astana, de prendre toutes les mesures possibles pour faire cesser les hostilités une bonne fois pour toutes sur l’ensemble du territoire syrien. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a salué les progrès réalisés à Edleb et appelé à mettre en œuvre immédiatement les accords de Sotchi.  Il s’est dit inquiet du sort des civils dans la région de Deïr el-Zor, où les combats ont déplacé plus de 30 000 personnes depuis juillet: il a réclamé à l’ONU de leur venir en aide et demandé à toutes les parties prenantes de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, et de protéger les civils et les infrastructures civiles, y compris le personnel humanitaire.  Vu le large nombre d’engins explosifs laissés par Daech, il a appelé l’ONU à déminer le secteur pour lancer les opérations humanitaires et donner aux réfugiés une opportunité de retourner chez eux, en particulier à Raqqa.  Enfin, il a appelé la communauté internationale à soutenir le processus de négociation intersyrien pour résoudre la crise humanitaire, il a recommandé à toutes les parties prenantes de collaborer avec l’ONU et ses agences, et réclamé une approche holistique qui aille au-delà de la seule aide matérielle.  Il s’est réjoui de la tenue du récent Sommet d’Istanbul entre la France, l’Allemagne, la Russie et la Turquie et approuvé les avancées qu’il a permises, notamment la création prochaine d’un comité constitutionnel.

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a rappelé que l’accord sur Edleb avait permis d’empêcher la confrontation et d’éviter une « catastrophe humanitaire sans précédent ».  Pour cette raison, la Côte d’Ivoire appelle toutes les parties à s’inscrire résolument dans sa mise en œuvre.  Elle les appelle également à la retenue et à prendre les mesures nécessaires pour garantir un accès sûr, durable et sans entraves de l’assistance humanitaire.  La Côte d’Ivoire reste par ailleurs convaincue qu’il n’y aura de solution durable à la crise syrienne que dans le cadre du processus politique fondé sur un dialogue inclusif entre toutes les parties.  Le représentant a salué en conséquence les initiatives prises dans le cadre du processus de Genève et d’Astana, a conclu le représentant. 

M. WU HAITAO (Chine) a rappelé que l’accord conclu entre la Russie et la Turquie pour instaurer un cessez-le-feu et démilitariser la zone d’Edleb tient toujours, même si des années de conflit ont considérablement endommagé les infrastructures civiles, exposant les populations civiles à des difficultés grandissantes à l’approche de l’hiver.  Les efforts humanitaires en Syrie doivent être déployés dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales de ce pays, a tenu à rappeler le représentant.  Il a ensuite souligné la nécessité de rester mobilisé contre les forces terroristes, qui continuent d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire.  La Chine, a-t-il annoncé, vient d’apporter une aide supplémentaire aux populations syriennes, y compris pour les réfugiés se trouvant dans les pays limitrophes, sous la forme de générateurs et de câbles afin d’améliorer l’alimentation en électricité. 

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est réjouie de la conclusion de l’accord sur Edleb et de ses effets positifs sur la situation humanitaire.  Pour cette raison, a-t-elle ajouté, il est important que cet accord soit pérenne, et que le Gouvernement syrien continue de faciliter la distribution de l’aide humanitaire aux zones nécessiteuses.  Cela dit, l’Éthiopie reste convaincue que la sortie de crise en Syrie ne peut être que politique, dans la ligne de la résolution 2254 (2015).  À cet égard, la délégation salue la réunion quadripartite qui s’est tenue vendredi à Istanbul entre la Turquie, la Fédération de Russie, la France et l’Allemagne. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré que la situation à Edleb est loin d’être rassurante, même si la préservation de l’accord russo-turc jusqu’à présent constitue un pas dans la bonne direction.  Le représentant a évoqué le sort de 45 000 personnes qui vivent dans le camp de Roukban dans des conditions précaires et pâtissent de l’insuffisance des soins de santé.  S’il s’est félicité du retour de personnes déplacées à Raqqa, M. Meza-Cuadra a exhorté la communauté internationale à déminer le sol, où la présence d’engins explosifs improvisés continue de représenter un grave danger.  Sa délégation a également plaidé pour que le retour des réfugiés et personnes déplacées s’effectue dans des conditions sûres et en toute sécurité. 

M. KAREL J. G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) s’est inquiété du manque d’accès humanitaire à l’intérieur de la Syrie après presque huit ans de conflit, même dans les zones contrôlées par le régime syrien.  Ce dernier refuse depuis le 16 août l’accès aux zones en difficulté aux convois interagences, en particulier aux zones récemment reprises à l’opposition.  Le représentant a jugé « intolérable » que des civils soient punis collectivement parce qu’ils vivent dans des zones anciennement aux mains de l’opposition ». 

Déplorant la situation à Edleb « où trois millions de Syriens sont coincés entre l’armée syrienne et la frontière turque », M. Oosterom a appelé le Conseil de sécurité à soutenir le couloir humanitaire transfrontalier formé depuis la Turquie.  Saluant la baisse de la violence dans ce secteur, il a appelé à un cessez-le-feu durable et au respect du droit international humanitaire.  Les Pays-Bas appuient une solution politique négociée entre les parties prenantes syriennes, sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève (2012), et l’application du principe de responsabilité aux auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Ils désapprouvent les appels « prématurés » à une aide à la reconstruction et au retour des réfugiés, considérant que le pays n’est pas prêt. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a partagé les points de vue exprimés par d’autres délégations sur la situation humanitaire catastrophique, la fourniture de l’aide aux zones dans le besoin, la nécessité de reformuler la résolution 2165 (2014) sur l’aide humanitaire en Syrie et d’avancer sur le processus politique, conformément à la résolution 2254 (2015).  Du point de vue de la Suède, la situation humanitaire ne sera atténuée que si l’on avance sur le processus politique, a résumé le représentant. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a déclaré qu’il faut contribuer à soutenir les processus en cours, au lieu de les « critiquer » ou de « poser des conditions », « ce que franchement nous ne comprenons pas », a-t-il lancé.  Les Syriens sont de plus en plus nombreux à rentrer à chez eux depuis la frontière syro-jordanienne, a-t-il constaté avec satisfaction.  Nos partenaires turcs font tout leur possible pour démilitariser la zone d’Edleb, mais les organisations terroristes, comme « le Front el-Nosra et les Casques blancs », continuent de se déplacer, parfois en possession d’armes chimiques, a assuré le représentant.  Si ces violations se poursuivent, la Russie se réserve le droit de mener des offensives pour éradiquer cette menace, a-t-il mis en garde. 

Évoquant le sommet quadripartite tenu le 27 octobre à Istanbul, il a rappelé que cela avait été l’occasion pour les différentes parties de réitérer leur attachement à un règlement politique dans le respect de la souveraineté de la Syrie.  Il est maintenant essentiel selon lui de faire démarrer les travaux du comité constitutionnel, mais pour qu’il soit opérationnel, encore faut-il qu’il soit accepté de toutes les parties.  Après tant d’années de guerre, le pays devra passer par un processus de réconciliation nationale, et on ne peut pas imposer à Damas des échéances artificielles ou des solutions qui viennent de l’étranger, a-t-il tranché.  Quant à ses « collègues » qui continuent de parler du « régime syrien », il leur a rappelé que c’est contraire à tous les documents officiels, qui mentionnent le Gouvernement syrien. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déclaré que son pays reste sur sa position, à savoir que le conflit en Syrie n’a pas d’issue militaire.  Il a donc estimé que la violence doit être réduite sur toute l’étendue du territoire syrien, dans le cadre de la résolution 2401 (2018).  Le représentant a salué la réunion quadripartite de vendredi dernier entre la Turquie, la Fédération de Russie, la France et l’Allemagne, espérant que cette réunion renforcera le dialogue et permettra de garantir la pérennité du cessez-le-feu, notamment à Edleb.  En outre, la Bolivie considère que tous les efforts visant à lutter contre les groupes considérés comme « terroristes » par le Conseil de sécurité doivent également tenir compte de la protection des civils.  La délégation appelle donc toutes les parties ayant une influence sur le terrain à rechercher ces deux objectifs. 

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) s’est désolé de voir certains membres du Conseil de sécurité confondre processus politique et question humanitaire, avant de déplorer une supposée attaque aérienne lancée par la coalition à l’aide « de bombes au phosphore blanc ».  Il s’est élevé contre les tentatives de certains pays de manipuler le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), imputant la baisse du financement de l’aide fournie dans son pays aux « mesures coercitives » prises par les pays occidentaux à l’encontre de son gouvernement.

Évoquant le rapport présenté par M. Lowcock, le représentant a souligné la nécessité « impérieuse » de modifier le mécanisme de rapport de la situation sur le terrain, estimant que la périodicité de l’examen de ce document devrait être trimestrielle plutôt que mensuelle.  Il a accusé les groupes terroristes armés de faire des civils des boucliers humains, en se réfugiant dans des écoles et des hôpitaux, avant de s’élever contre l’indifférence supposée du Secrétariat de l’ONU vis-à-vis des éléments d’information présentés par Damas, qui sont systématiquement ignorés par l’OCHA.  La « vérité », a argué le délégué syrien, c’est que son gouvernement a demandé à l’ONU de faire figurer les zones libérées parmi celles qui peuvent bénéficier du plan périodique d’acheminement de l’assistance, mais elles n’ont pas été retenues.  « La réponse est à trouver du côté de M. Lowcock », a ironisé M. Ja’afari.

Il a ensuite regretté que les auteurs du rapport, « à la demande de certains pays occidentaux », ne tiennent pas compte du fait que l’aide transfrontalière est utilisée par les groupes terroristes pour acheminer des armes dans son pays.  S’agissant des réfugiés, il a assuré qu’ils étaient des millions à prendre le chemin du retour, malgré les tentatives des puissances occidentales de les effrayer pour les dissuader.  M. Ja’afari a tenu à rappeler qu’« Edleb est une ville syrienne », et que son gouvernement continuera de combattre les terroristes jusqu’au dernier ou tout transfert d’armes illégal dans son pays. 

Reprenant la parole à la fin de la séance, la représentante du Royaume-Uni a déclaré qu’il n’était « pas acceptable de critiquer, dans cette enceinte, les Nations Unies parce qu’elles font leur travail ».

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

« La paix n'est pas trouvée, la paix est construite », souligne le Recteur de l’Université de la paix à la Quatrième Commission

Soixante-treizième session,
16 séance – après midi
CPSD/676

« La paix n'est pas trouvée, la paix est construite », souligne le Recteur de l’Université de la paix à la Quatrième Commission

Cet après-midi, la Quatrième Commission s’est penchée sur l’Université pour la paix (UPEACE), un point de son ordre du jour* qui revient tous les trois ans.

Elle a également adopté, par consensus, le projet de résolution sur cette question par lequel l’Assemblée générale demanderait à nouveau au Secrétaire général de créer, sous son patronage, un fonds d’affectation spéciale pour la paix afin de faciliter le versement de contributions volontaires à l’Université.  L’Assemblée, par ce texte, prierait de faire davantage appel à l’Université, dans le cadre de l’action qu’il mène en vue de régler les différends et de consolider la paix, pour la formation du personnel, en particulier, du personnel chargé du maintien et de la consolidation de la paix, de manière à renforcer ses capacités dans ce domaine, ainsi que pour la promotion de la Déclaration et du Programme d’action en faveur d’une culture de paix et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

C’était l’occasion pour le Recteur de l’Université, M. Francisco Rojas-Aravena, de faire le point sur la mission de cette institution, une mission d’autant plus pertinente dans le contexte mondial actuel.  Il était accompagné de deux membres de son rectorat, la lauréate du prix Nobel de la paix, Mme Ouided Bouchamaoui, de Tunisie, et le Chancelier de l’Université, M. Enrique Baron, de l’Espagne.

Dans un contexte mondial marqué par une profonde transformation du système international avec la reconfiguration des relations géostratégiques et de la géopolitique mondiale, le recteur a souligné que cette restructuration est caractérisée par des incertitudes.  « Un nouvel équilibre dans les relations de pouvoir entre les principaux acteurs reste à trouver » dans la mesure où ces changements ont entraîné une crise du système multilatéral, à la fois aux niveaux mondial et régional, ainsi que l’émergence des visions à fort poids nationaliste ou « populistes » qui s’accompagnent de protectionnisme économique. 

Pour M. Rojas-Aravena, seule la coopération permettra de faire face aux risques issus de la mondialisation et de l’interdépendance et, à défaut, il sera impossible d’arrêter ou de limiter l’érosion de la gouvernance démocratique, de l’état de droit et de la démocratie.  C’est précisément pour cette raison qu’il est impératif de remettre à l’honneur les espaces multilatéraux pour concevoir, reconstruire et consolider les biens communs de toute l’humanité, a-t-il martelé, soulignant à cet égard le rôle privilégié de l’ONU et de l’UPEACE.  

Reprenant une citation du fondateur de l’Université pour la paix, l’ancien Président costaricien Rodrigo Carazo Odio, il a rappelé que « la paix n’est pas trouvée, la paix est construite ».  La mission de son Université est précisément « de fournir à l’humanité, une institution internationale d’enseignement supérieur au service de la paix ».

C’est sur une idée de l’ancien Président Carazo Odio, que cette institution académique internationale avait été mise en place par l’ONU en 1980.  L’Université pour la paix est basée au Costa Rica et a pour objectif de promouvoir une culture internationale de la paix: elle doit favoriser entre tous les êtres humains un esprit de compréhension, de tolérance et de coexistence pacifique; elle doit encourager la coopération entre les peuples et contribuer à réduire les obstacles et les menaces à la paix et au progrès dans le monde.  À ce jour, l’UPEACE a formé plus de 2 200 étudiants, dont 54% sont des femmes, a souligné son recteur, avec fierté.

La délégation du Soudan a d’ailleurs salué ce taux élevé de femmes diplômées de l’Université.  Elle a cependant soulevé la question de la répartition des ressources de l’Université entre le Costa Rica et ses deux centres régionaux africains, le premier à Addis-Abeba et l’autre à Kampala, et a invité son recteur à prévoir plus de visites régionales dans ces deux centres.

Réagissant à cette intervention, le recteur de l’UPEACE a expliqué que le Programme pour l’Afrique est plus important que jamais et que le Bureau d’Addis-Abeba est, en effet, très utile pour examiner les situations de conflit sur le continent.  Il a indiqué que la principale activité de l’Université, outre les séminaires et le suivi d’étudiants thésards, est de délivrer une maîtrise en droits de l’homme pour les membres de la police de l’Ouganda.  Sur l’aspect financier, le recteur a regretté certaines coupes budgétaires mais il s’est engagé à poursuivre ses visites dans les centres régionaux, à condition d’en avoir les moyens.

M. Rojas-Aravena a ensuite rebondi sur cet échange pour encourager les pays africains à allouer deux bourses par pays, de manière à créer « une masse critique d’étudiants africains » à l’UPEACE. 

Dans le même contexte, le représentant du Costa Rica, qui a également présenté la résolution, a salué la création de nouvelles alliances régionales comme le Programme pour l’Afrique, qui vise à développer les capacités des universités africaines en matière de paix, genre, gestion des conflits, gouvernance, sécurité et développement.  

Pour le recteur d’UPEACE, « former et éduquer à la réalisation d’une paix durable consiste à promouvoir le multilatéralisme, le partage des responsabilités, la compréhension mutuelle, l’égalité des sexes et l’inclusion ».  Il a également mis l’accent sur l’importance des actions préventives qui doivent être fondées sur une meilleure connaissance et reconnaissance des causes profondes des conflits afin d’ouvrir des espaces de négociation.  

C’est précisément ce qu’a fait l’Université au cours des trois dernières années, par une série d’activités menées en collaboration avec plusieurs agences des Nations Unies, dans des domaines importants liés au multilatéralisme mondial.  Parmi celles-ci figure le Programme « Femmes et désarmement », mis en œuvre au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, en collaboration avec le Bureau des affaires de désarmement, a indiqué le recteur.  De même, en ce qui concerne le renforcement de l’état de droit et la protection des droits de l’homme, l’Université a offert un programme de maîtrise en droit international des droits de l’homme au Honduras, qui a été suivi par 100 participants (juges, procureurs et défenseurs des droits de l’homme). Cette activité a été développée conjointement avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Direction du développement et de la coopération (DDC) et l’Union européenne.  Avec l’Institut interrégional pour la recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI), basé à Turin, elle a finalisé la première édition de la maîtrise de droit en criminalité transnationale et justice, la deuxième édition étant en cours.

Par ailleurs, UPEACE a été reconnue par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Gouvernement du Costa Rica, avec le sceau « Intégration vivante ».  Cette distinction lui a été accordée pour le travail humanitaire réalisé dans le cadre de l’exécution du programme « de transfert et de protection », qui fournit un abri temporaire aux citoyens à risque dans le Triangle du Nord (Guatemala-Honduras-El Salvador).

L’éducation pour une culture de la paix et de la non-violence est un investissement essentiel, a poursuivi le recteur, avant de rappeler les six départements de l’Université - droit international, environnement et développement, études de la paix et des conflits, études régionales, enseignement à distance, et programme de doctorat.  Il a ensuite passé en revue la partie des programmes qui traite des objectifs de développement durable comme l’éducation et l’environnement.  Enfin, il a souligné l’importance des accords d’alliance avec des partenaires, y compris universitaires, et avec les donateurs.

L’appui des États Membres permettra à l’Université pour la paix d’obtenir des résultats encore meilleurs en matière de formation de nouvelles générations d’agents de la paix.  « Avec votre soutien, nous aurons une Université pour la paix plus active, dynamique et renforcée, mieux à même de contribuer à la réalisation d’une paix durable.  Si nous voulons la paix, nous devons travailler pour la paix! » a-t-il conclu.

* La Commission était saisie du rapport du Secrétaire général sur la question (A/73/313)

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Troisième Commission examine les vulnérabilités des femmes face à la traite, l’esclavage moderne et au droit à l’alimentation

Soixante-treizième session,
35e & 36e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4244

La Troisième Commission examine les vulnérabilités des femmes face à la traite, l’esclavage moderne et au droit à l’alimentation

La Troisième Commission a poursuivi, aujourd’hui, son examen des différents droits de l’homme au travers d’un dialogue avec les Rapporteurs spéciaux traitant de questions aussi variées que la traite des êtres humains, les formes contemporaines d’esclavage ou le droit à l’alimentation, occasion pour ces derniers de mettre l’accent sur la vulnérabilité particulière des femmes, qu’elles soient victimes de trafics, travailleuses agricoles ou encore migrantes.  Les délégations ont par ailleurs pu prendre connaissance des travaux du Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée.

Dès l’introduction de son exposé, Mme Maria Grazia Giammarinaro, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a fait observer que ce fléau était généralement appréhendé comme une « question de sécurité ».  Soucieuse de combler une « lacune », elle a choisi de traiter dans son rapport de la dimension de genre, en voyant dans les femmes non seulement des victimes ou des victimes potentielles de la traite, mais aussi des agents du changement.

Alors que, depuis 2016, le Conseil de sécurité s’est spécifiquement penché sur la traite des personnes en axant cette question sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, avec un accent particulier sur le terrorisme, la Rapporteuse spéciale a jugé important d’intégrer une approche fondée sur les droits de l’homme et sur le genre dans les quatre piliers du programme « femmes, paix et sécurité » -Prévention, protection, participation et enfin, secours et relèvement- pour garantir des réponses plus efficaces à la traite, ainsi que contribuer aux processus de paix. 

En outre, Mme Giammarinaro a dit tenir fermement au rôle crucial de la femme dans la prévention de la traite, en particulier dans les situations de déplacement et d’après-conflit.  À ses yeux, il est possible, grâce à la participation et à l’autonomisation des femmes, d’adopter une approche globale et intégrée pour protéger les victimes et les victimes potentielles de la traite à des fins d’exploitation sexuelle dans le contexte de conflits.

La vulnérabilité des femmes tenait aussi une place centrale dans le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Mme Urmila Bhoola, qui traite cette année des dimensions liées au genre, en mettant un accent particulier sur la discrimination structurelle à l’égard des femmes et des filles, à la fois cause et conséquence des diverses manifestations de l’esclavage et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage dans le monde.

Globalement, les filles et les femmes qui travaillent constituent la très grande majorité des personnes dont les droits humains sont violés à travers des manifestations spécifiques, notamment les formes contemporaines d’esclavage telles que le travail forcé, le travail en servitude, la servitude, mariages forcés et autres pratiques analogues à l’esclavage, a expliqué Mme Bhoola.  Un constat que confirment les estimations mondiales sur l’esclavagisme moderne publiées en 2017, selon lesquelles les femmes et les filles représentent 71% des personnes exploitées, dont 58% dans le travail forcé, sur un total de 40,3 millions de personnes soumises à ce fléau.

La plupart des formes d’esclavage se produisant dans le secteur privé, les entreprises devraient se conformer aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies, a encore plaidé la Rapporteuse spéciale, mettant l’accent sur l’exploitation des femmes migrantes, provoquée selon elle par « la baisse d’opportunité d’emplois décents partout dans le monde et la course vers le bas notamment au niveau des différentes chaînes d’approvisionnement » mais aussi par les pratiques frauduleuses d’agences de recrutement de travailleuses domestiques.

Mme Hilal Elver, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a, quant à elle, mis en garde contre l’augmentation du nombre de personnes sous-alimentées dans le monde, au nombre de 821 millions selon les plus récents rapports de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  Elle a aussi souligné le rôle essentiel des travailleurs agricoles -un tiers de la population active mondiale- dans la réalisation de l’objectif 1 de développement durable -« Faim zéro »- à l’horizon 2030, alors même que ces travailleurs, et particulièrement les femmes, sont paradoxalement les plus confrontés à l’insécurité alimentaire. 

La Rapporteuse spéciale a rappelé les conditions de travail dangereuses de ces travailleurs, souvent privés de protection face aux températures extrêmes et à l’exposition aux pesticides.  Elle a aussi critiqué le système de production industriel, basé sur la maximisation de l’efficacité à moindre coût.  À cet égard, elle a remercié le continent africain pour son soutien à la syndicalisation des travailleurs agricoles, notamment des femmes qui sont les plus mal représentées et font face à plus d’obstacles que les hommes .

Les délégations ont ensuite entendu M. Joseph Cannataci, Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, présenter le rapport de son groupe de travail sur les mégadonnées, lequel fait apparaître que les données sont un atout économique clef, au même titre que le capital et le travail.  De fait, leur dépendance totale aux informations personnelles exige une adaptation aux exigences des lois sur le droit à la vie privée et à la protection des données, a-t-il souligné.  Il a aussi invité les États Membres à travailler à la création de normes internationales pour le partage de données préservant la confidentialité et à poursuivre les activités internationales de normalisation.  En outre, il les a encouragés à ratifier la Convention modernisée pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « Convention 108+ » et à la mettre en œuvre sans tarder dans le droit interne.

Pour finir, la Troisième Commission a repris sa discussion générale sur la protection et la promotion des droits de l’homme, à laquelle ont participé une vingtaine de délégations.

Lundi 29 octobre, à partir de 10 heures, la Troisième Commission achèvera sa discussion générale sur la protection et la promotion des droits de l’homme, avant de commencer l’examen des questions de racisme et d’autodétermination.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

Mme MARIA GRAZIA GIAMMARINARO, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a attiré l’attention sur les liens significatifs entre les femmes, la paix et la sécurité.  C’est pour combler cette « lacune », qu’elle se propose d’aborder la dimension de genre dans son rapport.  Jusqu’ici, a-t-elle fait observer, cette notion a été absente dans le traitement de cette problématique.  En effet, la traite est principalement appréhendée comme une « question de sécurité ». 

Or, pour la Rapporteuse spéciale, il est important d’intégrer une approche de la traite des personnes fondée sur les droits de l’homme et sur le genre dans les quatre piliers du programme « femmes, paix et sécurité » -prévention, protection, participation et enfin, secours et relèvement- pour garantir des réponses plus efficaces à la traite, ainsi que contribuer aux processus de paix.  Depuis 2016, le Conseil de sécurité s’est spécifiquement penché sur la traite des personnes relevant de son mandat sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, avec un accent particulier sur le terrorisme, comme cela a été reconnu dans ses résolutions 2331 (2016) et 2388 (2017).

Pour Mme Giammarinaro, la dimension genre de la traite des personnes dans les situations de conflit et de postconflit est avant tout une violation des droits de l’homme, qui devrait être traitée dans le cadre international des droits de l’homme.  Et cela est un message clef, a-t-elle insisté: les femmes doivent être considérées non seulement comme des victimes ou des victimes potentielles de la traite, mais également comme des agents du changement.

Mme Giammarinaro a dit tenir fermement au rôle crucial de la femme dans la prévention de la traite, en particulier dans les situations de déplacement et dans les situations d’après-conflit.  À son avis, il est possible, grâce à la participation et à l’autonomisation des femmes, d’adopter une approche globale et intégrée pour protéger les victimes et les victimes potentielles de la traite à des fins d’exploitation sexuelle dans le contexte de conflits. 

Le rapport, a expliqué Mme Giammarinaro, essaie de montrer qu’une telle approche peut efficacement compléter les efforts en cours contre la traite des êtres humains entrepris au niveau mondial, notamment au sein du Conseil de sécurité et d’autres organes intergouvernementaux, et réduire considérablement les vulnérabilités débouchant sur une exploitation sexiste. 

À cet égard, la Rapporteuse spéciale a brièvement traité de chacun des piliers du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, et présenté certaines des principales recommandations figurant dans son rapport.

Il s’agit d’abord de tenir dûment compte des « signes avant-coureurs » en ayant à l’esprit que les mesures prises ne doivent pas être axées uniquement sur les victimes, mais également sur les auteurs.  Il faut ensuite s’assurer que la justice dans les situations de conflit et d’après-conflit soit de nature transformatrice et s’attaque non seulement aux violations subies par chaque femme, mais également aux inégalités sous-jacentes qui rendent les femmes et les filles vulnérables en période de conflit.

Enfin, la participation significative des femmes est cruciale à tous les niveaux de la prise de décisions en matière de paix et de sécurité, comme en témoigne l’étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies.  Celle-ci conclut que les processus de paix incluant des femmes en tant que témoins, signataires, médiatrices ou négociatrices augmentent de 20% la probabilité qu’un accord de paix ait une durée minimale de deux ans.  L’impact est encore plus grand avec le temps, un accord de paix ayant 35% plus de chances de durer 15 ans si les femmes participent à sa conception.  En outre, l’intégration d’une perspective sexospécifique dans l’approche en matière de droits économiques et sociaux et de l’accès à ceux-ci au lendemain des conflits est essentielle au rétablissement sur le long terme. 

En conclusion, la Rapporteuse spéciale a insisté sur le droit à la réparation, un aspect, selon elle, impératif pour garantir aux victimes de la traite l’accès à des recours juridiques efficaces et appropriés.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Maria Grazia Giammarinaro, la Suisse a dit apprécier l’approche globale du rapport et le fait qu’il relève la nécessité d’intégrer la lutte contre la traite des êtres humains de façon plus inclusive dans le travail du Conseil de sécurité et de connecter cette problématique à l’agenda de la résolution 1325.  Elle a voulu savoir si des possibilités d’amélioration existent en matière d’échange d’informations entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité afin de garantir une approche fondée sur les droits de l’homme.  Elle a aussi demandé s’il existe des exemples concrets concernant l’intégration intégrale de la traite dans l’agenda pour le maintien de la paix.  Le Liechtenstein a voulu savoir comment évaluer les possibilités d’améliorer la lutte contre ces activités qui touchent essentiellement les femmes et les filles. 

L’Union européenne a salué l’accent mis dans le rapport sur la dimension de genre dans la traite des êtres humains en situation de conflit.  Elle a rappelé son engagement à concrétiser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et s’est dite préoccupée par la prévalence des violences sexistes contre les filles et les garçons dans les conflits.   Notant que Mme Giammarinaro recommande d’intégrer ces efforts dans l’élaboration de programmes sociaux et psychosociaux, elle a demandé des exemples des meilleures pratiques d’une telle intégration horizontale.

Le Royaume-Uni a rappelé qu’il avait toujours plaidé pour la lutte contre la traite des êtres humains, décrite par sa Première Ministre comme l’un des plus grands crimes de tous les temps contre les droits de l’homme.  Il faut travailler ensemble pour traduire ces engagements en actions, a-t-il estimé, ajoutant que l’égalité des sexes devait être au cœur de ces travaux, qui concernent les trois piliers des Nations Unies.  À cet égard, le Royaume-Uni aimerait savoir comment mieux mobiliser les agences pertinentes des Nations Unies et améliorer l’efficacité interagences sur le terrain. 

Le Qatar a jugé important de préserver la dignité humaine et mettre en œuvre des engagements éthiques pour protéger les droits de l’homme.  Il a rappelé son engagement en faveur du Programme mondial de lutte contre la traite des êtres humains et ses initiatives de politique nationale en la matière, notamment la création d’un comité national contre la traite des êtres humains.  Il aimerait savoir quelles mesures la Rapporteuse spéciale a prises pour garantir que cette lutte soit prise en considération dans les différents piliers des Nations Unies.  Pour le Bahreïn, le défi de la traite des êtres humains exige, de notre part, solidarité et efforts.  Le Bahreïn s’emploie à lutter contre cette problématique sur son territoire et dans le monde, y compris, sur le plan national, en collaboration avec des organisations de la société civile ainsi qu’avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

Les États-Unis constatent que les trafiquants d’êtres humains profitent de l’effondrement des structures étatiques et ciblent les personnes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, mais aussi les apatrides.  Ils ont rappelé qu’ils avaient demandé que toutes les organisations humanitaires traitent, dès le début d’un conflit, des violences sexistes.  Mais les États-Unis estiment que le rapport de Mme Giammarinaro met trop l’accent sur la situation des réfugiés dans les camps alors que la majorité d’entre eux se trouvent hors des camps.  Ils aimeraient savoir si la Rapporteuse spéciale a noté des politiques mises en œuvre par des États Membres et visant à identifier les femmes et les enfants en situation de conflit.

L’Indonésie a souligné son engagement en faveur de la mise en œuvre des traités de lutte contre la traite des êtres humains et du Processus de Bali, lequel est coprésidé par l’Australie et l’Indonésie et vise à faciliter les discussions et le partage d’informations sur les questions relatives au trafic et à la traite des êtres humains et aux crimes transnationaux connexes.  En outre, des mesures nationales ont été prises pour soutenir les victimes sur les plans social et psychologique.  L’Indonésie aimerait l’opinion de la Rapporteuse spéciale sur le moyen de faire respecter les droits de l’homme en travaillant avec les forces de police dans la lutte contre la traite des êtres humains.

Le Bélarus a salué l’amélioration de lutte contre la traite des êtres humains et dit intensifier ses propres efforts.  Il faut renforcer le travail sur la diffusion d’informations visant les enfants, notamment par Internet.

Pour l’Afrique du Sud, la traite des êtres humains est un crime transnational qui exige une réponse nationale, régionale et internationale.  Le pays a adopté, en 2013, une loi qui criminalise de tels agissements et prévoit la création d’un organe interministériel dédié à la lutte contre la traite des personnes.  Dans le cadre de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’Afrique du Sud contribue aux efforts régionaux pour combattre ce fléau.  À cet égard, elle a voulu savoir comment les États peuvent renforcer leur coopération transfrontière contre ce phénomène.

La Fédération de Russie a, une fois encore, rappelé que la mise en œuvre des mandats au titre des procédures spéciales devait respecter la répartition des attributions entre les différents organes des Nations Unies.  Elle s’est ainsi élevée contre la tentative de la Rapporteuse spéciale de s’immiscer dans les résolutions du Conseil de sécurité.  Selon elle, la proposition visant à élargir le travail du Conseil de sécurité au domaine de la lutte contre la traite des personnes est contre-productive.  Elle reproche aussi au rapport une attention exagérée aux violences sexuelles, estimant qu’il existe à l’ONU suffisamment de mécanismes dans les mandats desquels entre la lutte contre la violence sexuelle.  Enfin, la Fédération de Russie a dit ne pouvoir appuyer l’intégration des recommandations de la Rapporteuse spéciale dans l’agenda du Conseil sur les femmes, la paix et la sécurité.

Enfin, la République arabe syrienne s’est opposée, elle aussi, aux empiètements de la Rapporteuse spéciale sur des questions extérieures à son mandat, comme la paix et la sécurité ou l’intégrité territoriale de la Syrie.  S’agissant de la traite des personnes, le Ministère de l’intérieur dispose de ses propres procédures de lutte, tandis que le Ministère des affaires sociales s’occupe du sort des victimes.  La République arabe syrienne invite les États Membres à strictement respecter les résolutions 2331 (2016) et 2388 (2017) du Conseil de sécurité sur la traite des êtres humains.

La Grèce a expliqué que les déplacements forcés dans les conflits armés et l’absence de routes sûres aggravaient la vulnérabilité à la traite.  Elle a ensuite cité le cadre national d’assistance et de service de protection pour les victimes potentielles que le pays a mis en place, tels que des centres pour les violences sexuelles et sexistes ou encore la garantie de l’accès des groupes vulnérables aux services de santé.

Le Myanmar a expliqué avoir adopté une loi pour répondre aux menaces actuelles, avant de demander à la Rapporteuse spéciale comment les mesures préconisées pourraient contribuer à faire en sorte que les acteurs non étatiques respectent leurs engagements.  Expliquant qu’il travaillait avec le Bangladesh et les Nations Unies au retour des réfugiés dans le pays, il a demandé comment l’ONU pouvait faire pour que les trafiquants ne fassent pas échouer le processus. 

Israël a mentionné le phénomène des mères porteuses, expliquant que la pratique était très réglementée dans le pays pour éviter toute forme d’exploitation dans un processus qui doit être volontaire pour la mère de substitution.  Israël aimerait connaître l’avis de la Rapporteuse spéciale sur les formes de coopération pouvant être mises en place dans le domaine de la maternité de substitution.

Réponses

Dans ses réponses, Mme MARIA GRAZIA GIAMMARINARO a expliqué prendre très au sérieux ce que la Fédération de Russie avait déclaré à propos de la création de normes indépendantes de la part des Rapporteurs spéciaux, expliquant que son mandat ne concernait pas les politiques et qu’elle ne faisait « que présenter des rapports ».  À propos de l’intégration des mesures préconisées dans le programme « Femmes, paix et sécurité », la Rapporteuse spéciale a expliqué qu’il n’y avait pas là de démarches réellement nouvelles.  Les dernières résolutions du Conseil de sécurité y font elles-mêmes référence, a-t-elle explicité, même si elles ne sont pas très fréquentes.  Comment alors peut-on continuer à faire avancer la mise en œuvre de ces mesures?, s’est-elle interrogée, en rappelant que le programme « Femme, paix et sécurité », lui-même, reconnaissait la traite comme étant un des domaines préoccupants. 

Comment les missions sur le terrain des Nations Unies peuvent-elles contribuer à ces efforts, s’est ensuite interrogée la Rapporteuse spéciale.  À ce sujet, elle a déploré que, sur le terrain, les équipes chargées des questions de sécurité ne parlent pas toujours le même langage que le personnel chargé du développement et les équipes spécialisées dans l’identification des conditions de traite et d’esclavage sexuelle.  « Tout le monde devrait apprendre à parler la même langue afin de protéger les personnes et prévenir la traite », a-t-elle conclu.

Déclaration liminaire

Mme URMILA BHOOLA, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a présenté un rapport qui traite, cette année en particulier, des dimensions liées au genre dans les formes contemporaines de l’esclavage en mettant un accent particulier sur la discrimination structurelle à l’égard des femmes et des filles, à la fois cause et conséquence des diverses manifestations de l’esclavage et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage dans le monde.

Globalement, les filles et les femmes qui travaillent constituent la très grande majorité des personnes dont les droits humains sont violés à travers des manifestations spécifiques, notamment les formes contemporaines d’esclavage telles que le travail forcé, le travail en servitude, la servitude, mariages forcés et autres pratiques analogues à l’esclavage, a expliqué Mme Bhoola.

Pour la Rapporteuse spéciale, les recherches et études indiquent que les formes contemporaines d’esclavage sont clairement différenciées selon le sexe et la nature.  Selon les estimations mondiales sur l’esclavagisme moderne publiées en 2017, 40,3 millions de personnes ont été soumises aux formes contemporaines de l’esclavage, dont près de 25 millions ont été exploitées dans le travail forcé.  Ces chiffres montrent en outre que les femmes et les filles représentent 71% des personnes exploitées, dont 58% dans le travail forcé.

Alors que les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par l’esclavage moderne, le rapport estime également qu’en 2016, plus de 11 millions d’hommes et de garçons ont été exploités dans des travaux imposés par l’État, notamment dans la construction ou dans l’armée.

Les inégalités et la discrimination fondées sur le sexe sont les principales causes de l’esclavage des femmes et des filles, a fait observer Mme Bhoola.  La pauvreté, les normes culturelles et sociales, l’absence de système de protection social et les discriminations dans l’accès à l’éducation et à l’information, le système judiciaire, sont pour elle quelques-uns des nombreux facteurs qui expliquent cet état de fait.  Ces éléments sont en outre aggravés par les changements climatiques et les conflits ainsi que les migrations mondiales.

Comme la plupart des formes d’esclavage se produisent dans le secteur privé, il est impératif que les entreprises se conforment aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies et garantissent des recours adéquats pour les violations des droits de l’homme, a plaidé la Rapporteuse spéciale, qui a conclu en exhortant les États à élaborer des politiques spécifiques visant les femmes et les filles, étant donné que leur exploitation dans les formes contemporaines d’esclavage sont façonnées par la discrimination fondée sur le sexe, en particulier des facteurs sociaux, juridiques et culturels .

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Urmila Bhoola, le Qatar s’est dit préoccupé par les statistiques du rapport sur la prolifération des formes contemporaines d’esclavage et a assuré tout faire pour lutter contre ce phénomène et défendre les victimes.  Le Qatar est partie à divers traités relatifs à cette question, notamment la Convention (n°105) de l’Organisation internationale du Travail sur l’abolition du travail forcé et a criminalisé les pratiques qui contribuent au travail forcé.

L’Union européenne a souligné son engagement à éradiquer les formes contemporaines d’esclavage et à poursuivre les responsables de tels crimes en justice.  Elle note que les discriminations contre les femmes constituent un facteur clef des formes contemporaines d’esclavage, dont elles sont victimes de façon disproportionnée et qu’une approche fondée sur le genre est donc nécessaire dans le cadre de la lutte contre ce fléau.  L’Union européenne souhaite que la Rapporteuse spéciale développe ses recommandations adressées aux organisations internationales pour éliminer les différentes formes d’esclavage moderne.  Elle aimerait en outre savoir comment impliquer les femmes et les filles dans l’élaboration de politiques visant à prévenir et éliminer ces formes contemporaines d’esclavage. 

Le Royaume-Uni a dit s’employer activement à combattre les formes contemporaines d’esclavage, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du Programme 2030.  Pour le Royaume-Uni, le rôle essentiel que jouent les Nations Unies dans la lutte contre ce phénomène se justifie d’autant plus que l’esclavage concerne les différents piliers de l’Organisation.  Il aimerait savoir quelles mesures concrètes l’ONU devrait prendre pour faire progresser cette lutte mondiale.  Dans le même sens, le Liechtenstein aimerait savoir quelles mesures concrètes devraient être prises pour éliminer les risques d’esclavage pour les femmes migrantes, y compris les travailleuses migrantes.

Les États-Unis ont salué les recommandations du rapport en faveur de la collecte de données ventilées afin d’élaborer des politiques efficaces contre les formes contemporaines d’esclavage, lesquelles constituent, selon eux, des formes de traite d’êtres humains.  Les États-Unis soutiennent divers politiques et programmes visant à prévenir ces crimes, notamment en responsabilisant les communautés.  Ils aimeraient savoir comment associer efficacement la société civile à la lutte contre ce phénomène. 

Réponses

Dans ses réponses, Mme URMILA BHOOLA s’est dire impatiente de se rendre l’année prochaine au Qatar.  À l’Union européenne, elle a dit qu’elle avait un rôle à jouer pour lutter contre les formes contemporaines d’esclavages qui existent dans la région faisant observer qu’une augmentation notable de différents types d’exploitation avait été remarquée en Italie, en particulier parmi les travailleuses migrantes, alors même que ces dernières pourraient jouer un rôle essentiel dans la lutte contre l’esclavage moderne si elles y étaient impliquées 

Face à la question générale des formes contemporaines d’esclavage pour les femmes migrantes, la Rapporteuse spéciale a cité comme causes « la baisse d’opportunité d’emplois décents partout dans le monde et la course vers le bas notamment au niveau des différentes chaînes d’approvisionnement ».  Insistant sur le fait que son rapport mettait l’accent sur les travailleuses migrantes au niveau du travail domestique, elle a dénoncé les pratiques frauduleuses qui le facilitent et notamment les agences de recrutement qui perpétuent les pratiques.  Enfin, Mme Bhoola a estimé que les États pouvaient jouer un rôle essentiel pour réguler ces pratiques et qu’elles soient équitables, notamment en reconnaissant le rôle des femmes dans le secteur des soins informels et dans le secteur domestique.

Déclaration liminaire

Mme HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a mis en garde, chiffres de son rapport à l’appui, contre l’augmentation du nombre de personnes sous-alimentées dans le monde.  Ils sont 821 millions, soit une personne sur 9, à être touchés par la privation chronique de nourriture, a-t-elle précisé, citant les plus récents rapports de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Pour atteindre l’objectif 1 de développement durable -« Faim zéro »- à l’horizon 2030, il est de plus en plus important de garantir à la population mondiale une alimentation adéquate, accessible et disponible, afin de concrétiser le droit humain à une alimentation pour tous, a plaidé la Rapporteuse spéciale.  Il est, dès lors, urgent d’atteindre cet objectif en luttant contre ce fléau qui touche en particulier les ouvriers agricoles.

Son rapport se penche notamment sur le rôle essentiel des travailleurs agricoles dans la réalisation de la sécurité alimentaire, qui paradoxalement sont eux-mêmes les plus confrontés à l’insécurité alimentaire, a précisé Mme Elver.  La Rapporteuse spéciale a notamment rappelé les conditions de travail dangereuses de ces derniers, souvent sans aucune protection.  Les ouvriers agricoles représentent environ un tiers de la population active mondiale, soit 1,3 milliard de personnes, a-t-elle rappelé.

Mme Elver a critiqué le système de production industriel, basé notamment sur la maximisation de l’efficacité à moindre coût, qui domine actuellement le monde.  Elle l’a accusé de générer des bas salaires, du travail à temps partiel, souvent dans le secteur informel, sans fournir aucune protection sociale.

La Rapporteuse spéciale a expliqué avoir voulu mettre l’accent sur ces conditions de travail dangereuses car non seulement elles menacent la vie des travailleurs, mais sapent également leur droit à l’alimentation.  Le secteur agricole fait en effet partie des industries les plus dangereuses, du fait de l’exposition régulière des travailleurs aux pesticides et à de longues heures passées dans des températures extrêmes, sans accès adéquat à l’eau.

Pendant les périodes de plantation et de récolte, les travaux dans les champs peuvent durer du matin jusqu’à tard dans la nuit, empêchant encore davantage les travailleurs d’accéder aux services sociaux, a rappelé Mme Elver.  Selon elle, seuls 20% des ouvriers agricoles ont accès aux protections sociales de base, notamment à la sécurité sociale, aux soins de santé et à l’indemnisation.  De plus, ces travailleurs, le plus souvent isolés géographiquement, n’ont pas la possibilité de former des syndicats en raison notamment de problèmes juridiques et des restrictions imposées par les employeurs.

Pour la Rapporteuse spéciale, le droit des travailleurs à l’alimentation passe par la garantie d’un salaire de subsistance leur permettant de satisfaire leurs besoins fondamentaux et ceux de leurs proches.  Cela nécessite également l’élimination de la pauvreté et de ses causes profondes, ainsi que l’amélioration des conditions de travail et de vie, a-t-elle insisté.  Elle a donc appelé les États à mettre en œuvre, en vertu du droit international des droits de l’homme, des protections sociales contre les risques de pauvreté des ouvriers et de leurs familles, causés par la maladie, l’invalidité, le congé de maternité, les accidents du travail, le chômage, l’âge ou le décès.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Hilal Elver, les Comores, au nom du Groupe des États d’Afrique, se sont félicitées de voir le rapport reconnaître aux travailleurs agricoles un rôle essentiel pour réaliser le droit universel à une alimentation décente.  Elles rappellent toutefois que, très souvent, ces travailleurs doivent eux-mêmes lutter pour assurer leur subsistance.  Le Groupe des États d’Afrique est reconnaissant à la Rapporteuse spéciale pour avoir fait mention des projets menés sur le continent pour intégrer des femmes dans les syndicats agricoles et les protéger contre les violences sexuelles.  Il voudrait savoir comment protéger les droits de ces travailleurs alors qu’il n’y a pas d’instrument international dans ce domaine.

L’Afrique du Sud a rappelé que le secteur agricole joue un rôle très important dans le pays, notamment en termes d’emplois.  Dans ce cadre, le Gouvernement appuie la redistribution des terres pour corriger les péchés du passé, soutenir l’économie et accroître la production pour tous.  L’Afrique du Sud souhaite l’élaboration d’un instrument juridique contraignant pour combattre les violations des droits humains commises par des sociétés transnationales et appelle les États Membres à soutenir le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, récemment adopté par le Conseil des droits de l’homme.

Cuba a rappelé le caractère fondamental du droit à l’alimentation, lié au droit le plus précieux: le droit à la vie.  Cuba accuse les États-Unis d’ignorer ce droit, « comme le montre le rapport de Mme Elver ».  Cuba a ainsi dû consentir des efforts importants pour atteindre des résultats reconnus en matière de sécurité alimentaire, malgré la stratégie des États-Unis visant à imposer la faim au peuple cubain.  Cuba appelle les États Membres à ne pas imposer de mesures coercitives unilatérales qui empêchent la réalisation du droit à l’alimentation.

La Turquie a jugé essentiel que chacun soit libéré de la faim pour pouvoir maintenir ses capacités physiques et mentales et plaidé pour que des mesures soient prises à l’échelle mondiale pour améliorer les conditions de vie et de travail de ces personnes.  À cet égard, elle a demandé à Mme Elver de préciser comment l’ONU pourrait agir pour permettre une approche holistique de ce problème.

L’Union européenne a estimé que le rôle des chaînes d’approvisionnement planétaires devrait être accompagné par une exigence de transparence et de responsabilité, et en particulier un traitement décent et digne des travailleurs.  Prenant note des recommandations de la Rapporteuse spéciale pour une meilleure synergie entre les secteurs public et privé, elle a demandé comment mieux sensibiliser la société civile et les milieux académiques à cette question.  Observant par ailleurs que la féminisation croissante de l’agriculture devrait créer des possibilités d’élaboration d’outils spécifiques pour les femmes travaillant dans le domaine agricole, elle a voulu savoir comment améliorer pour elles la mise en œuvre du cadre existant.

Le Viet Nam a jugé le rapport très pertinent, étant un pays dont 70% de la population est constituée de travailleurs agricoles.  Il souhaite que la Rapporteuse spéciale parle des bonnes pratiques sur les réglementations existantes pour réduire les pesticides.  En outre, étant l’un des cinq pays les plus vulnérables aux changements climatiques, il espère un rapport sur le droit à l’alimentation dans ce contexte.

L’Indonésie a rappelé qu’elle avait accueilli la Rapporteuse spéciale du 9 au 14 avril dernier, estimant que cette visite avait permis de faire le point sur les efforts continus du Gouvernement pour identifier les défis et reconnaître les progrès.  Elle a demandé des précisions sur la collaboration la plus efficace avec les parties prenantes pour une meilleure protection des travailleurs agricoles, notamment ceux vivant dans des zones très reculées.

Réponses

Dans réponses, Mme HILAL ELVER a remercié le continent africain et a insisté sur l’importance de soutenir la syndicalisation des travailleurs, surtout pour les femmes, qui sont mal représentées au sein des syndicats et qui font face à plus d’obstacles que les hommes.  Elle a également remercié Cuba, rappelant que ce pays était « à la base de la création de son mandat ».  Elle a estimé que les sanctions unilatérales imposées au pays sont « contre les principes des droits de l’homme », en précisant que ces mesures, qui visent à contraindre le Gouvernement à changer de politique, a « en réalité une incidence sur l’accès de la population à l’eau potable ».  Pour elle, ces mesures devraient être examinées par les Nations Unies.

Enfin, en réponse à l’Afrique du Sud, Mme Elver a dit être d’accord sur le fait que « les résolutions contraignantes sont importantes, parce que nous n’avons plus de contrôle sur les producteurs de notre alimentation ».  Le flou des chaînes d’approvisionnement mérite un examen spécifique, a-t-elle encore ajouté.

Déclaration liminaire

M. JOSEPH A. CANNATACI, Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, dont le rapport reste à paraître, a tout d’abord expliqué avoir présenté, en mars, au Conseil des droits de l’homme un bilan complet de son premier mandat de trois ans, dont il avait inauguré la fonction.  Se disant honoré de voir son mandat prolongé jusqu’en 2021, il a rappelé que les révélations sur la sécurité et la surveillance avaient conduit à la création de ce poste.

Le Rapporteur spécial a ainsi expliqué qu’après qu’Edward Snowden eût dévoilé les détails des programmes de surveillance et de partage du renseignement mis en œuvre par les États-Unis et le Royaume-Uni, des requêtes avaient été déposées auprès de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’interception en bloc de communications.  La Cour a récemment conclu que l’interception en masse n’était pas intrinsèquement incompatible avec un régime des droits de l’homme, à condition que les garanties appropriées soient en place et qu’il n’existe aucun autre moyen d’atteindre les objectifs légitimes, a-t-il expliqué.  La Cour a conclu en outre que le régime de partage de renseignements avec des gouvernements étrangers n’avait pas violé les articles 8 ou 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (la « Convention européenne des droits de l’homme »), articles qui reflètent de près les dispositions de l’ONU en matière, respectivement, de droit au respect de la vie privée et familiale et de liberté d’expression.  La Cour a toutefois reconnu que le régime d’interception en masse du Royaume-Uni, tel qu’il était appliqué jusqu’en 2016, contrevenait aux articles 8 et 10 de la Convention, en raison de l’insuffisance des garanties présentées.

Le Rapporteur spécial a également attiré l’attention de la Troisième Commission sur le projet de loi d’assistance et d’accès portant modification de la législation relative aux télécommunications et autres lois du Gouvernement australien qui, selon lui, pourrait avoir de profondes répercussions sur les droits de l’homme et la cybersécurité aux niveaux international et national, s’il devait avoir force de loi.  Il a précisé que le Forum international de contrôle des services de renseignement (IIOF) qu’il organise chaque année, se réunira à Malte à la fin du mois de novembre et discutera sans nul doute de ce projet de loi.

Revenant aux activités de son mandat, M. Cannataci a indiqué que tous les groupes de travail thématiques mis en place progressaient bien.  Ils sont notamment chargés d’examiner l’utilisation des informations personnelles par le secteur privé en réponse à des événements comme la violation de Cambridge Analytica, l’introduction de législations telles que la loi américaine Cloud Act 2018, le projet de loi australien, l’affaire Microsoft contre le Gouvernement américain.  Tous ces sujets ont un lien étroit avec la sécurité et la surveillance, a-t-il souligné.

M. Cannataci a ensuite présenté le rapport du Groupe de travail sur les mégadonnées en prenant soin de préciser qu’en 2018, de nouvelles protections de la vie privée et des données étaient entrées en vigueur ou envisagées dans le monde entier, notamment en Inde, en Amérique du Sud et au sein de l’Union européenne.  Selon lui, ce rapport fait apparaître que les données sont et resteront un atout économique clef, au même titre que le capital et le travail.  Leur dépendance totale aux informations personnelles exige une adaptation aux exigences des lois sur le droit à la vie privée et à la protection des données, a souligné le Rapporteur spécial, jugeant impossible d’isoler les moteurs économiques et politiques des politiques et des pratiques entourant les données ouvertes.

M. Cannataci a indiqué avoir tiré de ces travaux des recommandations sur les données ouvertes.  Il estimé ainsi que, sauf s’il est possible de déterminer sans ambiguïté s’il existe des informations personnelles dans des données agrégées ou si des données désagrégées ne peuvent pas être réagrégées, les données ouvertes ne doivent pas contenir d’enregistrements au niveau de l’unité.  Il a également invité les États Membres à travailler à la création de normes internationales pour le partage de données préservant la confidentialité et à poursuivre les activités internationales de normalisation.  Le Rapporteur spécial les encourage en outre à ratifier la Convention modernisée pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, dite « Convention 108+ » et à la mettre en œuvre sans tarder dans le droit interne, en accordant une attention particulière à la mise en œuvre des dispositions imposant des garanties pour les données à caractère personnel collectées à des fins de surveillance et à d’autres fins de sécurité nationale.

Dans un souci d’alignement des meilleures pratiques, M. Cannataci préconise aussi que, lors de la révision et de la mise à jour de leur législation nationale dans le cadre de la transposition de la Convention du Conseil de l’Europe, les États membres situés en dehors de l’Union européenne intègrent les garanties et les recours prévus dans le Règlement général sur la protection des données (RGDP) de l’Union européenne, adopté en avril 2016, et entré en vigueur cette année.  Enfin, il exhorte les gouvernements et les entreprises à reconnaître la souveraineté des peuples autochtones sur les données qui les concernent ou qui sont collectées auprès d’eux et invite les États Membres à examiner l’adéquation de tous les cadres juridiques et politiques relatifs à l’intelligence artificielle pour la protection de la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Joseph A. Cannataci, l’Australie a affirmé que la loi mise en cause par M. Cannataci n’introduisait pas de faiblesses dans la technologie et que sa base n’était pas nouvelle.

L’Union européenne a insisté sur l’importance de continuer à protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur communication.  C’est pourquoi elle a adopté récemment un nouvel ensemble de mesures de protection de données pour s’adapter aux progrès techniques dans le monde d’aujourd’hui.  Elle a demandé au Rapporteur spécial quelle valeur ajoutée à la juridiction déjà existante pourrait apporter le nouveau document juridiquement contraignant qu’il propose d’élaborer.  L’Allemagne a déploré que le droit à la vie privée soit violé dans certains pays alors qu’une telle violation prélude à d’autres violations des droits de l’homme.  Elle a notamment mentionné les données concernant l’identité sexuelle, qui peuvent mener à des discriminations contre certains groupes spécifiques.  Elle a insisté sur le fait que les droits de l’homme s’appliquent aussi bien en ligne qu’hors ligne et qu’il fallait faire plus d’effort pour protéger la vie privée.

Le Brésil a noté que le rapport parlait brièvement de ce que les États et les entreprises pouvaient faire pour éviter les violations arbitraires du droit à la vie privée et a demandé au Rapporteur spécial d’évoquer les liens entre les violations et les stockages des données qui alimentent la propagande politique.

Réponses

Dans ses réponses, M. JOSEPH CANNATACI a indiqué qu’entre amis il y avait des désaccords et que son rôle était d’être cet ami qui peut émettre des critiques, lesquelles peuvent être constructives.  Il a ainsi indiqué, à l’Australie, avoir examiné sa nouvelle loi de manière approfondie et avoir été à l’écoute d’un certain nombre d’acteurs, notamment des entreprises qui ont fait part de leur malaise.  Parfois, la législation ne répond pas aux objectifs qu’elle était censée atteindre, a-t-il fait observer, avant d’encourager l’Australie à amender son texte.  Il a, par ailleurs, félicité l’Union européenne pour ses avancées en la matière, mais a tenu à faire la distinction entre les deux Europes: celle des 28 membres de l’Union européenne et celle des 47 États membres du Conseil de l’Europe.

Le Rapporteur spécial a encouragé les États à resserrer la législation en matière de sauvegarde, soulignant qu’au sein de l’Union européenne elle-même, seuls cinq ou six États avaient travaillé pour augmenter les sauvegardes, alors que les autres sont encore à la traîne.

M. Cannataci a en outre voulu sensibiliser l’assistance en évoquant le scandale de la société Cambridge Analytica, qui a fourni des millions de données d’utilisateurs du réseau social Facebook à des groupes qui les ont utilisées à des fins politiques, lors des élections aux États-Unis et lors du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Pour le Rapporteur spécial, l’idéal serait que tous les membres des Nations Unies s’asseyent autour d’une table et examinent cette question complexe pour aboutir à un instrument de sauvegarde, notamment s’agissant du cyberespace.  Malheureusement, le climat politique, pour l’heure, n’est pas favorable pour lancer une telle initiative, a-t-il déploré.

Discussion générale

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) au nom du groupe d’amis des personnes LGBTI, a déclaré que le but du groupe était de travailler avec le système des Nations Unies pour permettre le respect universel des droits de l’homme de tous les individus, incluant les LGBTI, et en particulier de protéger ces derniers de toutes formes de violence.  Protéger la communauté LGBTI de la violence ne requiert pas la création de nouveaux droits, a-t-il expliqué, parce que les droits de l’homme de tous les individus sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose que « tous les hommes sont nés libres et égaux en droit ».

M. Duque Estrada Meyer, qui s’est félicité de la création, en 2016, par le Conseil des droits de l’homme du mandat de l’Expert indépendant sur la protection contre les violences et discriminations basées sur l’orientation sexuelle et l’identité du genre, a déploré que, dans certaines parties du monde, et notamment son propre pays, les personnes LGBTI continuent d’être des victimes de violations sérieuses des droits de l’homme.

S’opposer à ces violences ne devrait jamais faire l’objet de débats, a affirmé le représentant, qui a salué le rôle des défenseurs des droits des personnes LGBTI et a déclaré qu’aucun individu ne devrait être sujet de violence et d’abus, voire d’assassinats parfois, du fait de son orientation sexuelle ou identité de genre.

M. WU HAITAO (Chine) a indiqué que le chemin vers la réalisation du noble objectif « les droits de l’homme pour tous » est long et ardu.  C’est pourquoi, la Chine propose d’abord la sauvegarde de la paix et de la sécurité, en tant qu’élément primordial des droits de l’homme.  À cette fin, le représentant a invité à soutenir les principes de la Charte des Nations Unies, à renforcer le multilatéralisme et les mécanismes de sécurité collective: en un mot, à « construire un rempart pour la paix ».

M. Wu a ensuite appelé à promouvoir le développement global, exhorté la communauté internationale à s’inscrire contre le protectionnisme et défendu une économie mondialisée équilibrée, reposant sur des bénéfices partagés et le principe « gagnant-gagnant ».  Il a plaidé en faveur de la promotion des échanges et de la coopération, car il n’y a pas, à son sens, un « modèle unique » en matière de droits de l’homme.  Les institutions chargées des droits de l’homme de l’ONU doivent être un lieu d’échange et de dialogue, et non pas une plateforme de pression et de confrontation, a-t-il affirmé.

Enfin, le représentant a indiqué que le Conseil des droits de l’homme, dans le cadre du troisième cycle de l’Examen périodique universel, examinerait en novembre prochain la situation des droits de l’homme dans son pays: la Chine est prête à s’engager dans des dialogues constructifs avec toutes les parties dans un cadre de respect mutuel, a-t-il conclu.

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a énuméré les pays au sein desquels prenaient place des violations des droits de l’homme que les États-Unis condamnent, citant notamment la République islamique d’Iran pour l’emprisonnement de personnes pour des activités pacifiques et des codes vestimentaires, le Myanmar pour des violences sexuelles, la Chine pour la détention de plus d’un million de musulmans, mais également la République arabe syrienne, la Fédération de Russie, le Venezuela, la Turquie, le Burundi et le Yémen.

M. VICTOR MORARU (République de Moldova) a rappelé que la politique et la législation nationales en matière de droits de l’homme étaient guidées en premier lieu par les traités des Nations Unies et des conventions régionales, en particulier celles émanant du Conseil de l’Europe, y compris la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que l’accord d’association Union européenne-Moldova.  Pour le représentant, il y a là un niveau élevé de contrôle, qui régule tous les processus des institutions nationales dans le domaine des droits de l’homme.  En dehors de ces obligations issues des traités des Nations Unies, la République de Moldova entretient des dialogues réguliers avec l’Union européenne concernant les questions relatives à la protection des droits de l’homme.

M. PLAYFORD (Australie) a indiqué qu’en mars dernier son pays avait présenté un engagement pour les membres entrants au Conseil des droits de l’homme, qui a été soutenu par 10 autres États et dont l’objectif est de renforcer l’efficacité et la crédibilité du Conseil.  Le représentant a ensuite passé en revue les différentes actions menées par son pays dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, notamment en encourageant la participation de la société civile et en engageant des discussions sur la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI) pour ne laisser personne de côté.  Fière de ses contributions au sein du Conseil des droits de l’homme, l’Australie est disposée à travailler de concert avec les États Membres pour identifier des voies innovantes pour la promotion de la question des droits de l’homme.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a énuméré les mesures mises en place par son pays en matière de droits de l’homme, avec notamment en l’adoption, en décembre 2017, du Plan d’action national pour les droits de l’homme, conforme aux objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  En outre, a-t-il rappelé, durant les deux années précédentes, l’Argentine a reçu notamment la visite de l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, du Rapporteur spécial contre la torture et du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.  Il a également fait observer que le pays avait été élu pour la quatrième fois au Conseil des droits de l’homme.

Concernant la peine de mort, M. García Moritán a rappelé l’engagement inaliénable de son pays, qui se reflète dans ses actions internationales.  L’Argentine a ainsi ratifié tous les instruments internationaux et régionaux existants relatifs à l’abolition de la peine de mort. 

M. AMIRBEK ZHEMENEY (Kazakhstan) a présenté les mesures mises en œuvre par le pays dans le domaine des droits de l’homme, avant d’insister sur le fait que son pays n’avait pas de rapport en retard à remettre aux organes de traités de droits de l’homme et de préciser qu’il avait notamment remis, en mars dernier, son rapport au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.  Il a en outre rappelé que le Kazakhstan avait invité des Rapporteurs spéciaux à se rendre dans le pays dès 2009.

Le représentant a toutefois exprimé des inquiétudes quant à l’indépendance et l’impartialité des membres des organes de traités des droits de l’homme et a déploré que leurs conclusions ne soient pas plus proches de la réalité, et parfois en dehors de leur mandat.

Mme ANNA SUZUKI (Japon) a vu dans la Déclaration conjointe issue du sommet États-Unis-République populaire démocratique de Corée (RPDC), en juin dernier, un bon pas vers une résolution globale des questions en suspens et a salué les efforts diplomatiques en cours pour obtenir le respect des engagements pris.

Le Japon, de concert avec l’Union européenne, présentera un projet de résolution relatif à la « situation des droits de l’homme » en RPDC dans le cadre de la Troisième Commission.  Il a formé le vœu de la voir adoptée et réunir le plus large soutien de la communauté internationale.  Celle-ci devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer les droits de l’homme en RPDC, a poursuivi la représentante, qui a évoqué l’enlèvement des citoyens japonais par la RPDC et appelé à leur retour immédiat.

Mme JUANA SANDOVAL (Nicaragua) a expliqué que le Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale travaillait pour la sécurité du pays, et que ce dernier était un facteur de stabilité, de paix et de sécurité régionale avec des indicateurs de développement économique positifs.  Elle a rappelé les 5,2% de croissance annuelle moyenne de ces dernières années, qui ont permis au pays de doubler son PIB, mais également de réduire la pauvreté tant générale qu’extrême, toutes deux ayant été réduites de moitié.

Pour M. KIM SONG (République populaire démocratique de Corée), la cruelle réalité est que les énormes abus en matière de droits de l’homme résultent sans exception du piétinement de la souveraineté nationale et des inégalités sociales endémiques.  Le représentant s’est élevé contre l’immixtion des pays occidentaux dans les affaires intérieures de pays indépendants.  Ils usent et abusent des droits de l’homme pour s’ingérer dans les affaires intérieures des États, a-t-il accusé.  Il a demandé que les sanctions « inhumaines et barbares » soient levées immédiatement, étant donné l’état actuel des relations internationales et leur l’évolution.  Au Japon, coauteur avec l’Union européenne d’un projet de résolution sur les droits de l’homme en RPDC, le représentant a rappelé les multiples violations des droits de l’homme commis par ce pays le siècle dernier.

M. MOHAMMAD HASSANI NEJAD PIRKOUHI (République islamique d’Iran) a dénoncé les violations flagrantes des droits de l’homme par les États-Unis au niveau international et régional.  Il a évoqué les images atroces des souffrances des enfants migrants séparés de leur mère aux États-Unis, qui ont fait le tour du monde, ainsi que les disparités raciales face aux forces de l’ordre, les injustices subies par les Afro-américains et les femmes, sans parler des migrants menacés par les interdictions de se rendre aux États-Unis.

Sur le plan international, le représentant a déploré le retour à l’unilatéralisme des États-Unis et leur couverture des actes d’agression d’Israël.  Il a également critiqué les opérations extérieures des États-Unis, affirmant qu’elles avaient partout créé désolation et désordre.

M. Hassani Nejad Pirkouhi a ensuite dressé un panorama de la situation déplorable des droits de l’homme dans le monde, notamment en Europe et au Canada.  Pour lui, le racisme et la xénophobie ont atteint dans ces pays un niveau sans pareil et visent en particulier les migrants et les musulmans.  Ce niveau de brutalité aujourd’hui est affligeant, a-t-il accusé, avant de qualifier les sanctions unilatérales imposées par « le régime de Washington » contre son pays de « crime contre l’humanité ».

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a mis en avant la structure institutionnelle solide du pays pour lutter contre toutes les formes de discriminations.  En tant que membre fondateur du Conseil des droits de l’homme et membre actuel, le Pérou participe à son renforcement institutionnel sans discriminations ni sélectivité, a ajouté le représentant. 

Ainsi, depuis 2002, le Pérou invite chaque année tous les Rapporteurs spéciaux, les Experts indépendants et les groupes de travail pour qu’ils évaluent le pays.  Toutefois, « l’extrême pauvreté empêche la pleine jouissance des droits de l’homme et affaiblit des politiques sociales qui ont permis d’améliorer les indicateurs dans le domaine de la santé », a reconnu le représentant.

Mme HARTERY (Canada) a énuméré les nombreux défis qui guettent le monde et menacent l’efficacité du système multilatéral.  Parmi ces défis, elle a cité notamment la migration, les changements climatiques, le terrorisme et les inégalités économiques.  Relever ces défis est essentiel mais les solutions doivent inclure le respect des droits de l’homme, a-t-elle plaidé: « Nous avons besoin de collaboration et d’inclusion pour assurer que tout le monde soit entendu ».  La représentante a estimé que l’Examen périodique universel constituait un instrument essentiel pour aider tous les États à progresser en matière de droits de l’homme.

M. MOHAMED ABDELRAHMAN MOHAMED MOUSSA (Égypte) a expliqué que la Charte des Nations Unies était, au départ, le reflet d’une expérience humaine traumatisante qui, depuis lors, a servi de constitution universelle.  Toutefois, malgré les progrès réalisés dans la promotion des droits de l’homme, les violations restent nombreuses et graves, surtout en Afrique et au Moyen Orient.  L’Égypte a, pour sa part, dû faire face à des défis majeurs en matière de violation des droits de l’homme, et notamment à la violence croissante du terrorisme qui a affecté le droit à la vie et certains droits politiques et culturels.

Le représentant a appelé à un effort concerté sur le plan international et à l’adoption d’une stratégie commune.  De même, il s’est déclaré préoccupé des atteintes croissantes aux libertés fondamentales dans le monde, en particulier du fait qu’un certain nombre de pays européens exploitent la situation des migrants et font la promotion de la xénophobie.

M. Moussa a conclu en dénonçant la politisation des droits de l’homme qui « ne devraient pas être utilisés pour s’ingérer dans les affaires politiques d’un État et prendre en compte les différences culturelles et religieuses ».

M. CARAZO (Costa Rica) a déclaré que le pays croyait dans les droits de l’homme en tant que fin et en tant que moyen pour atteindre des sociétés plus justes, des sociétés qui ne laissent personne sur le bord du chemin.  « La démocratie, le développement durable et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont les piliers du développement et de la paix sociale », a-t-il déclaré.

Le représentant a dit être préoccupé du recul des droits de l’homme dans le monde et de la persistance des violations massive de ces droits pour des raisons religieuses, ethniques, d’origine ou de genre.  Il a déploré comme une des conséquences les plus dramatiques de ces violations les millions d’hommes, femmes et enfants déplacés, migrants ou réfugiés dans le monde.  Il a dénoncé l’attitude antidémocratique de nombreux gouvernements qui « usent la force pour réprimer les mouvements sociaux ».

M. Carazo a insisté sur l’importance de l’Examen périodique universel et sur la nécessité de le renforcer, notamment en prévision de la révision de 2020 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale sur le fonctionnement efficace des systèmes des organes de traités.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a fait une déclaration relative aux organes conventionnels de droits de l’homme.  Pour lui, il s’agit de protéger les défenteurs de droits de l’homme et les victimes.  À cette fin, il a appelé à fixer des normes juridiques en matière de droits de l’homme.

Le système des organes conventionnels, chargés d’assurer le suivi des traités de droits de l’homme, continue de gagner en importance, a fait observer le représentant.  Mais M. Pecsteen de Buytswerve a aussi dénoncé les retards dans la soumission des rapports nationaux à ces organes et la non-présentation de rapports, mais aussi les doubles emplois et les méthodes de travail divergentes des organes conventionnels.  Ce sont là quelques défis que doivent relever les États parties et ces organes, a-t-il remarqué.  À cet égard, le représentant a remercié le Secrétaire général pour son rapport bi-annuel qui identifie les obstacles et encourage la cohésion des systèmes en rationnalisant le travail.  C’est un des défis les plus pressants, a-t-il insisté.  Pour finir, il a appelé à examiner d’autres choix pour que le système donne de meilleurs résultats.

M. RUIZ (Philippines) a affirmé que l’engagement de son pays en faveur des droits de l’homme était tout aussi clair aujourd’hui qu’en 1948, quand il a souscrit à la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Ainsi, sur le plan national, les Philippines ont mis en place le Programme « Ambition 2040 » qui doit permettre d’assurer « une vie sure, confortable, avec une classe moyenne ou personne n’est pauvre, sans stupéfiant, en respectant les normes et les démarches en matière de droits de l’homme ».

Pour le représentant, il est important d’assurer que les mécanismes du programme avancent de façon harmonieuse.  Toutes les allégations de violations des droits de l’homme sont examinées et les auteurs traduits en justice, a-t-il affirmé.  Enfin, les Philippines accordent « beaucoup d’importance » à la procédure de l’Examen périodique universel (EPU) et insistent sur la nécessité de renforcer ce mécanisme ainsi que la pertinence du Conseil des droits de l’homme.

Mme INASS A. T. ELMARMURI (Libye) a réaffirmé l’attachement de son pays à ses engagements internationaux relatifs à la protection et au renforcement des droits de l’homme.  Elle a en même temps rappelé que la Libye préserve son droit souverain de refuser ou d’exprimer des réserves s’agissant de textes ou de langages en contradiction avec sa législation nationale.

S’agissant des droits économiques, sociaux et culturels, la Libye a multiplié les efforts visant à promouvoir les droits de la femme, l’égalité des sexes et un accès gratuit à l’éducation et aux soins pour tous ses ressortissants.  La représentante a rappelé les différentes conventions internationales auxquelles la Libye est partie, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Faisant enfin remarquer que le risque terroriste est toujours d’actualité en Libye, Mme Elmarmuri a appelé au renforcement de la coopération régionale et internationale et la coordination mutuelle. 

Mme NAWAL AHMED MUKHTAR AHMED (Soudan) a exprimé sa gratitude aux détenteurs de mandats qui se sont exprimés devant la Troisième Commission.  Les relations entre paix, développement et droits de l’homme demeurent organiques, a souligné la représentante, qui a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur des droits de l’homme et des libertés fondamentales.  Elle a indiqué, en outre, que la question des femmes figurait en bonne place dans le plan de développement national.  C’est également le cas pour la promotion de la condition des personnes handicapées.  Pour finir, Mme Ahmed s’est félicitée que le Soudan ne figure plus sur la liste des pays qui recrutent les enfants dans les conflits armés.

Mme AYŞE İNANÇ-ÖRNEKOL (Turquie) s’est déclarée préoccupée de la réapparition du courant et de l’idéologie extrémiste dans le monde et surtout au sein de l’Union européenne, qui se traduit par des courants islamophobes et xénophobes.  De plus, la représentante a déploré que les migrants continuent de subir des violences alimentées par des discours anti-migrants.

Sur le plan national, Mme İnanç-Örnekol a rappelé que l’état d’urgence instauré après la tentative du « coup d’état terroriste » avait été levé, ce qui ouvre des nouvelles possibilités de renforcement des droits fondamentaux dans le pays.  Enfin, elle a regretté que les pays européens qui affirment être des champions des droits de l’homme ne fassent pas preuve de solidarité et n’aient pas permis à la Turquie de se protéger contre la tentative de coup d’État.

Mme CHUCHOTTHAVORN (Thaïlande) a indiqué que, bien qu’ils soient violés, les droits de l’homme restaient pertinents.  Le Gouvernement a créé des partenariats avec la société civile, le secteur privé et différentes autres composantes de la société pour promouvoir les droits de l’homme.  La représentante a ainsi évoqué la préparation d’un plan national 2019-2023 en matière de droits de l’homme qui s’étend à plusieurs groupes, dont les personnes LGBTI.  Elle a également mentionné la mise en œuvre par son pays des Règles Nelson Mandela pour les droits des détenus.  Par ailleurs, la Thaïlande est en train de rédiger une loi pour prévenir et interdire le travail forcé.  En conclusion, la représentante a préconisé d’encourager l’éducation en matière de droits de l’homme.

Droits de réponse

Le représentant de Cuba a répondu aux États-Unis en faisant remarquer que la délégation avait quitté la Troisième Commission après avoir accusé 15 nations, y voyant « la preuve que le pays veut manipuler les droits de l’homme et n’accorde aucune importance à cette Commission ».  Pour Cuba, la Troisième Commission est utilisée par les États-Unis, qui n’ont pourtant « pas de leçons à donner en matière de droits de l’homme » et devraient plutôt répondre de l’utilisation de la torture, notamment à Guantanamo, un territoire illégalement pris à Cuba.

Le représentant de la République arabe syrienne a réagi aux « allégations fallacieuses » des États-Unis, pays qui n’a pas le « droit de prendre la parole pour donner des leçons en matière de droits de l’homme alors que l’Administration américaine viole la Charte des Nations Unies et les différents instruments des droits de l’homme ».  Notre pays et notre région ont souffert des actions de ce membre permanent censé être chargé de la paix et sécurité internationales, a poursuivi le représentant, qui les a accusés de soutenir et financer le terrorisme et d’empêcher une solution politique dans son pays.

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a réagi aux accusations des États-Unis et du Japon.  Les États-Unis n’ont aucune pertinence en matière de droits de l’homme et sont « les vide-ordures des droits de l’homme », commettant des crimes que l’on ne saurait même pas imaginer en RPDC.  Quant au Japon, il n’a pas non plus le droit de parler des droits de l’homme des autres pays car il a été « agressif et criminel », a envahi la péninsule coréenne pendant 40 ans et y a commis des crimes comme l’enlèvement de 1,4 million de Coréennes ou l’imposition de l’esclavage sexuel à 200 000 Coréennes pour les bénéfices de l’armée impériale.

Le représentant de la Chine a rejeté « les accusations fallacieuses » des États-Unis, employées à des fins politiques.  Il a voulu discuter de la situation des droits de l’homme aux États-Unis, notamment l’interdiction à six pays musulmans de l’accès au pays en raison de leur religion.  De même, il a évoqué les violations et tortures à Guantanamo et leurs auteurs qui vivent dans l’impunité.  Le représentant a également accusé les États-Unis de violer les droits des minorités, notamment celles d’origine asiatique.  Il a évoqué, pour finir, sa préoccupation face aux abus sexuels dont sont victimes les enfants aux États-Unis, ainsi que les mariages d’enfants commis au nom de liberté religieuse.

Le représentant de la Fédération de Russie a rappelé que la Crimée et la ville de Sébastopol sont « des territoires de la Fédération de Russie sur la base d’un vote souverain ».  En outre, la Fédération de Russie ne participe nullement au conflit en Ukraine et les accusations en ce sens sont une « tentative de justifier de la terreur de l’Ukraine face à sa population ».

La représentante du Japon a réagi aux allégations de la République populaire démocratique de Corée, notamment aux chiffres avancés sur des « questions du passé » qui sont « basées sur des erreurs factuelles ».  Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a respecté la démocratie et les droits de l’homme et a contribué à la paix et à la sécurité de l’Asie-Pacifique et internationale, a poursuivi le représentant, qui a lancé un appel pour essayer d’aller vers un avenir conjoint.

Exerçant de nouveau son droit de réponse, le représentant de la République populaire démocratique de Corée a expliqué que le Japon violait les droits de l’homme des Coréens et que, en juin dernier, il avait confisqué les souvenirs et les équipements sportifs de lycéens coréens.  « En d’autres termes, les droits de l’homme de nos compatriotes ont été violés et le droit international également », a-t-il ajouté.

Reprenant la parole, la représentante du Japon, se référant aux lois régissant l’importation de produits en provenance de la République populaire démocratique de Corée, a déclaré que les allégations de discrimination ne reflétaient pas la réalité.  Par ailleurs, elle a insisté sur le fait que le problème des enlèvements n’avait pas encore été résolu.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission débat du jus cogens, « sujet très sensible », et entend le Président de la Cour internationale de Justice

Soixante-treizième session,
25e & 26e séances, matin & après-midi
AG/J/3583

La Sixième Commission débat du jus cogens, « sujet très sensible », et entend le Président de la Cour internationale de Justice

Les délégations ont affiché aujourd’hui, devant la Sixième Commission, chargée des affaires juridiques, certaines divergences autour des normes impératives du droit international général (jus cogens), sujet « très sensible », selon l’expression de la délégation égyptienne, qui figure, dans le second groupe de chapitres thématiques du rapport* annuel de la Commission du droit international (CDI).  Outre l’examen de ces points, la Sixième Commission a entendu ce matin une allocution du Président de la Cour internationale de Justice, M. Abdulqawi Ahmed Yusuf, sur la désignation d’experts, notamment scientifiques.

D’emblée, compte tenu de l’importance « unique » du jus cogens, le délégué de la Chine a invité la Commission à faire preuve d’une « grande prudence », alors qu’elle a devant elle le troisième rapport du Rapporteur spécial.  La détermination de ses éléments et critères constitutifs doit en effet se fonder sur la Convention de Vienne sur le droit des traités et s’appuyer sur la pratique des États, a-t-il argué, tandis que son homologue de la France a appelé à la « mesure » sur ce sujet.

Le délégué de la Chine s’est également dit en désaccord avec le projet de conclusion 17, commenté par de nombreuses délégations, qui dispose que les résolutions du Conseil de sécurité ne sont pas contraignantes si elles entrent en conflit avec le jus cogens.  Selon le commentaire relatif à ce projet contenu dans le rapport, un « conflit direct » est « peu probable ».

Notant les critiques soulevées par ce projet de conclusion, le délégué de l’Autriche, pays « partisan convaincu de l’état de droit », a soutenu cette idée que les résolutions du Conseil puissent contrevenir potentiellement au jus cogens.  « Les pouvoirs du Conseil sont soumis à la Charte et au jus cogens », a-t-il déclaré.  Les résolutions violant une norme impérative deviennent caduques, a appuyé le représentant de l’Égypte.

Les délégations ont abordé d’autres aspects controversés du jus cogens, notamment ceux se rapportant à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  La déléguée du Brésil a encouragé le Rapporteur spécial à mettre au point une liste illustrative des normes du jus cogens, tandis que son homologue de Chypre a souhaité qu’elle soit « non exhaustive ».  Le délégué du Japon a précisé que les normes figurant sur une telle liste n’auront pas de statut spécial les distinguant des autres normes de jus cogens qui n’y figurent pas.  Leurs homologues de l’Allemagne et des Pays-Bas ont repoussé l’idée d’une liste.

Plus globalement, le délégué de l’Italie a indiqué que le jus cogens présente une dimension théorique « qui ne peut être aisément occultée », si bien qu’il est difficile d’aboutir à des « projets de conclusion fructueux ».  Le représentant italien a proposé deux approches, soit une approche encore « plus large, encore moins axée sur la pratique », soit une approche resserrée sur les aspects spécifiques d’une possible application du jus cogens au droit des traités.

« Le Rapporteur spécial semble avoir une conception théorique du jus cogens comme manifestation d’un ordre juridique supérieur qui s’imposerait aux États », a critiqué le délégué de la France.  La Slovaquie et la République tchèque ont, elles aussi, noté que le Rapporteur spécial s’est basé principalement sur la doctrine plutôt que sur la pratique internationale.

À l’instar des autres orateurs, le représentant tchèque a, par ailleurs, commenté les projets de directive sur la protection de l’atmosphère, sujet qui fait partie, avec le jus cogens et l’application provisoire des traités, du second groupe de chapitres thématiques du rapport examiné par la Commission.  « Ces projets ne visent pas à remédier au grave défi de la détérioration de l’atmosphère », a-t-il regretté, en pointant le manque d’expertise technique de la CDI.  La CDI a atteint « un sommet de trivialité » en réaffirmant le principe de règlement pacifique des différends entre États relatifs à la protection de l’atmosphère, a asséné son homologue slovaque.

L’autre temps fort de la journée a été l’intervention du Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), M. Abdulqawi A. Yusuf.  Celui-ci a centré son allocution sur la désignation d’experts, prévue à l’article 50 de son Statut, qui est l’un des outils de procédure dont dispose la Cour pour prendre en considération les questions scientifiques complexes soulevées dans un nombre croissant d’affaires qui lui sont soumises.

Le Président s’est dit convaincu que le recours à des experts permet à la Cour d’apprécier pleinement des questions scientifiques, « sans préjudice des droits procéduraux des parties ».  Il a détaillé la valeur ajoutée de ces experts, avant d’examiner les circonstances dans lesquelles la Cour devrait désigner ses propres experts. 

M. Yusuf a indiqué que le droit international n’est pas « une île », imperméable aux autres disciplines.  Au contraire, l’application de ce droit est de plus en plus influencée par les évolutions technologiques et scientifiques, a-t-il noté, en soulignant la pertinence à cette aune de l’article 50 précité, fruit de « l’incroyable prescience » des rédacteurs dudit Statut.

Enfin, M. Yusuf a regretté que son intervention se soit apparentée davantage à un « cours magistral » qu’à un dialogue interactif, comme initialement prévu, les délégations n’ayant pas souhaité poser de questions.  Le Président de la Commission a indiqué qu’il serait pertinent à l’avenir que les délégations soient informées à l’avance du thème de l’intervention du Président pour nourrir le débat.  « Notre silence ne doit pas être interprété comme une indifférence à la présentation du Président », a réagi le délégué du Pérou.

La Sixième Commission reprendra ses travaux mardi 29 octobre, à 10 heures.

*A/73/10

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-DIXIÈME SESSION

Suite des déclarations sur les chapitres VI à VIII du rapport

S’agissant de la protection de l’atmosphère, M. HELMUT TICHY (Autriche) a commenté le projet de directive 12 sur le règlement des différends, déclarant que l’implication d’experts techniques et scientifiques dans une affaire peut être nécessaire si cette affaire est d’une certaine complexité.

Se tournant vers l’application provisoire des traités, le délégué a regretté que les projets de directives ressemblent par trop aux projets de directives provisoires adoptés l’année dernière.  Les suggestions faites par les délégations n’ont pas été prises en compte, a-t-il déploré.  Il a évoqué le projet de directive 9 sur l’extinction et la suspension de l’application à titre provisoire lorsqu’un État ou une organisation internationale notifie aux autres États ou organisations internationales son intention de ne pas devenir partie au traité.  S’il a salué la référence faite aux règles contenues dans les Conventions de Vienne, le délégué aurait souhaité des dispositions provisoires sur d’autres formes d’extinction et de suspension, notamment par le biais d’une extinction unilatérale.

À propos des normes impératives du droit international général (jus cogens), le délégué autrichien a noté les critiques soulevées par le projet de conclusion 17 qui dispose que les résolutions contraignantes des organisations internationales, y compris celles du Conseil de sécurité de l’ONU, n’établissent pas d’obligations contraignantes si elles sont en conflit avec une norme impérative du droit international général.  Partisan convaincu de l’état de droit, mon pays appuie l’idée que les résolutions du Conseil peuvent potentiellement contrevenir au jus cogens, a-t-il dit.  Il a tenu à rappeler un passage du rapport final de l’Initiative autrichienne de 2004 à 2008 qui indique que les pouvoirs du Conseil sont soumis à la Charte et au jus cogens.  M. Tichy a enfin évoqué le projet de conclusion 22, plus controversé, qui indique que les États ont l’obligation d’exercer leur compétence pour connaître des infractions interdites par les normes impératives du droit international général (jus cogens) lorsque ces infractions sont commises par leurs nationaux ou sur un territoire relevant de leur juridiction.  « Ce libellé laisse à penser qu’il autorise une compétence internationale pour poursuivre des infractions sanctionnées par le jus cogens sur la seule base du droit national. »  Toute compétence universelle doit s’exercer dans le cadre du droit international, a-t-il conclu. 

M. XU HONG (Chine) s’est opposé aux mentions faites hier, par la Cour permanente d’arbitrage (CPA), d’une sentence arbitrale relative à la mer de Chine méridionale, affirmant que la CPA n’a « aucune compétence » en la matière.  Selon lui, cette sentence arbitrale ultra vires « dénuée de toute légalité » est « manifestement une erreur » d’évaluation des faits et de l’application du droit, et sa mention à la Sixième Commission est « inappropriée ». 

Après avoir reconnu que la protection de l’atmosphère est une question « complexe et sensible », le représentant a rappelé la nécessité de se référer à l’accord en quatre points conclu en 2013 et à la pratique générale du droit, et de respecter pleinement les accords issus des négociations politiques et juridiques.  Il a exprimé son désaccord avec le projet de directive 3, sur l’obligation de protéger l’atmosphère, qui fait état de l’existence de règles du droit international à cet égard.  Quant à la directive 4, sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement, elle reprend le texte de certains traités relatifs à l’environnement et l’applique à la protection de l'atmosphère « sans tenir compte du contexte ».  

Se tournant vers l’application à titre provisoire des traités, M. Xu a estimé que la portée des obligations contraignantes pour les parties devait être considérée avec précaution.  L’importance « unique » du jus cogens devrait inciter la Commission à faire preuve d’une grande prudence.  La détermination de ses éléments et critères constitutifs doit en effet se fonder sur la Convention de Vienne sur le droit des traités et s’appuyer sur la pratique des États, a-t-il argué, sans viser au développement de nouvelles règles. 

S’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), il s’est dit en désaccord avec le projet de conclusion 17, qui stipule que les résolutions du Conseil de sécurité ne sont pas contraignantes si elles entrent en conflit avec le jus cogens.  Il a invité la Sixième Commission à respecter la procédure dans l’examen de ce sujet afin de permettre aux États Membres d’exprimer leurs vues.

Pour ce qui est de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, un autre chapitre, M. Xu a réitéré la position de la Chine voulant que le droit international doit tenir compte des différences entre les conflits internationaux et non internationaux.  Sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il a rappelé que plusieurs États Membres ont fait part de leur objection à la disposition relative à la non-applicabilité de l’immunité ratione materiae formulée au projet d’article 7.

M. ANDREA TIRITICCO (Italie) a indiqué, s’agissant de la protection de l’atmosphère, que tout travail de la Commission sur ce sujet doit prendre en compte les risques environnementaux découlant de la pollution transfrontalière.  Il a noté le soin avec lequel le Rapporteur a évité toute interférence avec les négociations politiques actuelles sur la protection de l’environnement.  Il a salué l’attention portée à l’expertise technique et scientifique dans les contentieux sur la pollution atmosphérique.

S’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), M. Tiriticco a salué l’équilibre trouvé entre les subtilités de ce sujet, y compris sur le plan théorique, et le souhait d’adopter une approche pratique. « Néanmoins, le sujet en lui-même présente une dimension théorique qui ne peut être aisément occultée, ce qui fait qu’il est difficile, à ce stade, d’aboutir à des projets de conclusions fructueuses. »  Il a proposé, soit une approche plus large, encore moins axée sur la pratique, ou alors, au contraire, une approche plus resserrée sur les aspects spécifiques d’une possible application du jus cogens au droit des traités.  Enfin, M. Tiriticco a salué l’approche équilibrée du rapport sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.

Mme CHRISTINA HIOUREAS (Chypre) a souligné l’importance d’interpréter les traités d’une façon cohérente avec les normes impératives du droit international (jus cogens).  Elle a encouragé la Commission à examiner la question de savoir ce qui détermine l’existence d’un conflit entre le jus cogens et la Convention de Vienne sur le droit des traités, ainsi que les conséquences juridiques d’un tel conflit.  Si les travaux sur ce sujet devraient éviter toute déviation de la Convention de Vienne, la portée du jus cogens va au-delà du droit des traités, a-t-elle relevé.  Elle a en outre estimé que le nombre limité de normes du jus cogens rend possible l’élaboration d’une liste non exhaustive afin de clarifier cet aspect du droit international. 

M. MOHAMED EL SHINAWY (Égypte) a évoqué les normes impératives du droit international général (jus cogens), « sujet très sensible », et le projet de conclusion 11 sur la séparabilité des dispositions conventionnelles en conflit avec une telle norme.  Il a souhaité qu’il n’y ait pas d’exception à la nullité d’un traité en raison de la survenance d’une nouvelle norme impérative du droit international général (jus cogens).  Or ce projet prévoit des exceptions, notamment lorsque les dispositions qui sont en conflit avec la norme impérative du droit international général (jus cogens) n’ont pas constitué une base essentielle du consentement à être lié par le traité et qu’il ne serait pas injuste de continuer à exécuter ce qui subsiste du traité.  « Il n’y pas de critères clairs pour de telles exceptions », a tranché le délégué.

M. El Shinawy a relevé le projet de conclusion 17 qui dispose que les résolutions contraignantes des organisations internationales, y compris celles du Conseil de sécurité de l’ONU, n’établissent pas d’obligations contraignantes si elles sont en conflit avec une norme impérative du droit international général (jus cogens).  Les résolutions violant une norme impérative deviennent caduques et n’emportent aucune conséquence juridique, a-t-il précisé en conclusion.

Abordant la question des normes impératives du droit international général (jus cogens), Mme MAITE DE SOUZA SCHMITZ (Brésil) a considéré que le projet de conclusion 17, relatif à leurs conséquences sur les résolutions contraignantes des organisations internationales, devrait faire mention explicite des décisions du Conseil de sécurité qui sont également liées aux normes du jus cogens.  S’agissant des projets de conclusions 22 et 23, relatifs aux infractions interdites par des normes impératives du droit international général (jus cogens), et de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante a encouragé le Rapporteur spécial à mettre au point une liste illustrative des normes du jus cogens

Sur l’application à titre provisoire des traités, Mme Schmitz a noté que « l’intention des États ne peut pas être déduite mais doit être explicite ».  Mme Schmitz s’est félicitée de l’attention accordée à la Convention de Vienne sur le droit des traités dans le projet de directive 3.  Enfin, elle a noté le manque de pratique important concernant l’application provisoire des traités.

Allocution du Président de la Cour internationale de Justice

M. ABDULQAWI AHMED YUSUF, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a centré son allocution sur la désignation d’experts, prévue à l’article 50 de son Statut, qui est l’un des outils de procédure dont dispose la Cour pour prendre en considération les questions scientifiques complexes soulevées dans un nombre croissant d’affaires qui lui sont soumises.

En vertu de l’article 50 du statut, « à tout moment, la Cour peut confier une enquête ou une expertise à toute personne, corps, bureau, commission, ou organe de son choix ».

Le Président s’est dit convaincu que le recours à des experts permet à la Cour d’apprécier pleinement des questions scientifiques, « sans préjudice des droits procéduraux des parties ».  Il a détaillé la valeur ajoutée de ces experts, avant d’examiner les circonstances dans lesquelles la Cour devrait désigner ses propres experts.  L’étude de la jurisprudence de la Cour révèle qu’elle n’a exercé qu’en quatre occasions cette faculté que lui confère l’article 50. 

Il a indiqué qu’il n’est pas surprenant de voir l’impact que la science a sur le droit international et les travaux de la Cour. « Cependant la Cour n’est pas l’arbitre des questions scientifiques. »  Ce n’est que lorsque des éléments de preuve de nature scientifique sont nécessaires pour le processus de prise de décisions et que ces éléments n’ont pas été fournis de manière adéquate par les parties que la Cour exerce son pouvoir de désigner ses propres experts, a-t-il déclaré.

M. Yusuf a indiqué que le droit international n’est pas « une île », imperméable aux autres disciplines.  Au contraire, l’application de ce droit est de plus en plus influencée par les évolutions technologiques et scientifiques, a-t-il conclu, en soulignant la pertinence à cette aune de l’article 50 précité, fruit de « l’incroyable prescience » des rédacteurs dudit Statut.

Pour illustrer son propos, le juge a donné deux séries d’exemples. La première série concerne des situations où les États ont défini le contenu de leurs obligations juridiques en se référant à des paramètres scientifiques donnés.  Ainsi, en l’affaire relative à la Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon, Nouvelle Zélande (intervenant), la Cour devait statuer sur la question de savoir si le Japon menait son programme de chasse à la baleine « en vue de recherches scientifiques », conformément au paragraphe I de l’article VIII de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, qui autorise à tuer des cétacés à de telles fins.  D’autres conventions internationales définissent une notion juridique à l’aide de termes scientifiques, revêtant souvent ceux-ci d’un sens précis.  Ainsi, l’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer définit le plateau continental au-delà de 200 milles marins en utilisant des paramètres scientifiques.

La seconde série d’exemples utilisée par M. Yusuf concerne des situations dans lesquelles les faits du différend porté devant la Cour doivent être établis conformément à des principes et méthodes scientifiques.  Ainsi, en l’affaire relative à des Usines de pâte à papier (Argentine C. Uruguay), la Cour devait déterminer si le rejet de certaines substances dans le fleuve Uruguay polluerait ce cours d’eau, en violation des obligations que le statut du fleuve impose à l’Uruguay.  L’affaire relative à des Epandages aériens d’herbicides (Équateur c. Colombie) posait des questions analogues.

Le Président, qui a présenté hier à l’Assemblée générale le rapport annuel de la CIJ, a rappelé au début de son discours deux tendances qui se font jour.  La première est l’augmentation considérable du nombre de décisions rendues par la Cour sur le fond et les procédures incidentes.  En 10 mois cette année, a-t-il rappelé, la Cour a rendu pas moins de quatre arrêts.  La seconde tendance qui se dessine est la diversité croissante des affaires soumises à la Cour.  En sus de litiges traditionnels, la Cour est de plus en plus saisie de différends ayant trait à d’autres sujets très divers, comme les droits de l’homme, les relations diplomatiques ou la protection de l’environnement.  « Seule juridiction internationale à compétence générale, elle peut connaître de toute question de droit international, sous réserve, bien entendu, du consentement des parties au différend. »

Considérant que le droit international permet aux États de choisir librement les moyens de s’acquitter de leurs obligations, M. CEZARY MIK (Pologne) a estimé que le projet de directive 10, relatif à la mise en œuvre en droit interne des obligations en vertu du droit international sur la protection de l'atmosphère, doit être précisé afin de mieux refléter cette notion.  De plus, l’incohérence entre le titre « Contrôle du respect » et le texte de la directive 11 soulève des « préoccupations significatives », notamment sur la notion de conformité. 

Concernant l’application à titre provisoire des traités, le représentant a noté qu’un préavis raisonnable devrait être donné quant à la conclusion de l’application provisoire d’un traité.  De plus, une disposition devrait être ajoutée au projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités sur le modèle de l’article 70 de la Convention de Vienne, qui stipule que l’application provisoire n’affecte pas les droits et obligations des parties créés par l’exécution d’un traité avant son terme. 

M. Mik s’est ensuite interrogé sur la pertinence du projet de conclusion 8 sur les normes impératives du droit international général (jus cogens) relatif à l’acceptation d’une norme du droit international général en tant que jus cogens.  Estimant que les États sont libres de choisir le mode de règlement des différends, il a jugé superflue la conclusion 14 sur cette question.  Enfin, il a proposé l’élaboration d’une disposition spécifique afin de prendre en compte les résolutions du Conseil de sécurité.

M. LIONEL YEE (Singapour) a déclaré que sa délégation entend présenter ses observations détaillées sur les projets de directive concernant la protection de l’atmosphère avant le 15 décembre. 

L’absence de commentaires relatifs aux projets de conclusion sur les normes impératives du droit international général (jus cogens) rend difficile l’analyse de ces conclusions, a continué le délégué.  Il a salué les projets de conclusion 10 à 13 visant à affirmer les conséquences des contradictions entre le droit des traités et les normes impératives du droit international.  S’agissant du projet de conclusion 14, sur la procédure recommandée pour le règlement des différends concernant un conflit entre un traité et une norme du jus cogens, il s’est dit préoccupé par le chevauchement avec les procédures établies par la Convention de Vienne sur le droit des traités.  En outre, cette conclusion est selon lui inappropriée car elle ne présente qu’une recommandation de procédure.

Pour M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique), le projet de directive relatif à la mise en œuvre au niveau national des obligations découlant de la protection de l’atmosphère coïncide avec les mécanismes utilisés par les États pour s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international.  En outre, la directive portant sur le règlement pacifique des différends doit être interprétée conformément à l’Article 33(1) de la Charte des Nations Unies.  Par ailleurs, le représentant a considéré que le projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités reflète une vision pragmatique de ce sujet qui sera utile aux États Membres comme aux organisations internationales. 

S’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), M. Arrocha s’est félicité que les projets de conclusion soient fondés sur des textes déjà approuvés par la Sixième Commission, tels que la Convention de Vienne sur le droit des traités et la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite.  Il a suggéré l’ajout d’un projet de conclusion portant sur les conséquences des normes du jus cogens sur les principes généraux du droit, afin que soient prises en compte toutes les sources du droit international.  Le représentant a de plus appuyé la recommandation contenue dans le projet de conclusion 14, voulant que tout conflit entre un traité et une norme du jus cogens soit soumis à la Cour internationale de Justice (CIJ).

Abordant un autre thème, la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le représentant a invité la CDI à définir, dans ses futurs rapports, les concepts de « juridiction » et de « contrôle » en lien avec la doctrine et la jurisprudence en matière de responsabilité des États, notamment pour les territoires occupés par des acteurs non étatiques bénéficiant de l’appui d’États tiers.  Par ailleurs, il a rejoint la position du Rapporteur spécial voulant que la responsabilité de l’État pour un fait internationalement illicite ne se transfère pas automatiquement à l’État successeur. 

M. PETR VALEK (République tchèque) a indiqué que les projets de directives relatifs à la protection de l’atmosphère manquent de « dispositions substantielles » et qu’ils ne visent pas à remédier au grave défi de la détérioration de l’atmosphère.  « À raison, puisque la Commission ne possède pas l’expertise technique et scientifique requise. »

Le délégué a ensuite salué l’adoption du texte du projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités, avant d’aborder les normes impératives du droit international général (jus cogens).  Il a noté que l’approche du Rapporteur spécial sur ce sujet « à la dynamique évolutive » se base principalement sur des références à la doctrine plutôt que sur la pratique internationale.  « L’accent ne devrait pas être mis sur quelles normes acquièrent un caractère impératif du droit international général, mais plutôt comment, c’est-à-dire par quel procédé, une norme impérative du droit international général peut être identifiée », a conclu M. Valek.

M. FRANÇOIS ALABRUNE (France) a regretté l’absence des Rapporteurs spéciaux au présent débat sur la protection de l'atmosphère, se disant d’autant plus « surpris » que ce sujet apparaît comme une priorité.  Il a souhaité la tenue d’un pacte mondial pour l’environnement afin de proposer un cadre universel destiné à éviter la fragmentation du droit international sur l’environnement.  Selon lui, des interrogations persistent sur la valeur juridique des projets de directive, notamment en raison de la référence aux obligations des États.  La directive 10 et l’ensemble des projets de directives ne renvoient pas à de nouvelles obligations des États mais bien à des obligations existantes, a-t-il noté, ajoutant que la faible référence à la pratique internationale rend difficile l’identification d’une tendance en la matière.

M. Alabrune a contesté la méthode utilisée par le Rapporteur spécial pour élaborer les projets de conclusion sur les normes impératives du droit international général (jus cogens), notant qu’aucun des projets n’a été renvoyé à la plénière, et que la Commission ne les a pas incorporés à ses rapports annuels.  Il a déploré l’absence de commentaires relatifs aux projets de conclusion, ajoutant qu’ils sont pourtant nécessaires à l’examen de ce sujet « important » et que leur absence prive les délégations de la possibilité d’en débattre au sein de la Sixième Commission.  Notant que les interactions entre la CDI et la Sixième Commission sont fondamentales pour la légitimité de la Commission, il a estimé que cela constitue une remise en cause des méthodes de travail de la CDI.  Il ressort de l’examen des travaux de la CDI sur le jus cogens que le Rapporteur appuie ses travaux sur des références doctrinales plutôt que sur la pratique en la matière, bien que limitée.  Puisque les projets de conclusion n’ont pas encore été adoptés en séance plénière, il est temps de remédier à cette situation, a-t-il conclu.

Le représentant a ajouté que le Rapporteur spécial semble avoir une conception théorique du jus cogens comme manifestation d’un « ordre juridique supérieur » qui s’imposerait aux États, tout en appelant à des garanties procédurales sur l’applicabilité de toute obligation internationale.  Pour lui, la détermination d’une norme comme impérative devrait être soumise à un procédé particulièrement exigeant.

M. METOD SPACEK (Slovaquie) a jugé pertinentes les préoccupations exprimées par les délégations lors des séances précédentes de la Sixième Commission sur l’approche générale des débats concernant la protection de l’atmosphère.  Il a noté que les projets de directive ne font que « réaffirmer une évidence » ainsi que des règles « rudimentaires » et générales du droit international qui ne s’appliquent pas directement à la protection de l’atmosphère.  Alors que la mise en œuvre nationale des obligations internationales relève du droit souverain des États, il n’est d’aucune utilité de rappeler les options existantes pour la réalisation de ce droit.  Avec le projet de directive 12, la CDI a atteint « un sommet de trivialité » en réaffirmant le principe de règlement pacifique des différends, a-t-il asséné, ajoutant que cette approche peut s’avérer « dangereuse » en ouvrant la porte à des spéculations sur « des motifs secrets ».

Par ailleurs, M. Spacek a déploré le manque de clarté entourant la question des normes impératives du droit international général (jus cogens), et invité la Commission à la prudence.  Il a toutefois salué la cohérence des projets de conclusion et le fait que le Rapporteur spécial soit allé au-delà du droit des traités, tout en déplorant son manque de concision.  En outre, a-t-il noté, certains projets de conclusion sont fondés sur des opinions doctrinales plutôt que sur la pratique des États, bien que limitée.  Il a aussi considéré « sans fondement » le projet de conclusion 14, qui recommande de soumettre les différends relatifs au jus cogens à la Cour internationale de Justice (CIJ).

M. CHRISTOPHE EICK (Allemagne) a noté que le point de savoir si un traité est en conflit avec une norme impérative du droit international général (jus cogens) pouvait avoir des implications lourdes, c’est pourquoi l’Allemagne propose d’inclure un projet de conclusion sur la procédure recommandée.  Constatant que le débat sur l’adoption d’une liste énumérative des normes du jus cogens restait ouvert, le représentant a réitéré un point déjà évoqué lors de sa déclaration de 2017, à savoir qu’une telle liste pourrait mener à de mauvaises conclusions et risquerait d'établir un statu quo pouvant entraver l’évolution du jus cogens à l’avenir.  Par conséquent, l’Allemagne juge que la CDI n’a pas besoin d’entreprendre la tâche « énormément difficile » d’adopter une telle liste.

Dans un commentaire plus général sur la procédure suivie par la Sixième Commission dans ses travaux sur ce point, l’Allemagne a constaté que le projet de conclusions était actuellement en cours d’examen par le Comité de rédaction, sans qu’il ne soit examiné ni commenté annuellement par la plénière, tant que la première lecture de l’ensemble du projet n’est pas terminée.

C’est un désavantage pour plusieurs raisons selon l’Allemagne.  D’une part, les États Membres ne peuvent pas donner leur avis avant la première lecture du projet fini; d’autre part, cet écart par rapport aux pratiques habituelles de la CDI leur complique la tâche. 

M. YUSUKE NAKAYAMA (Japon) a commenté un paragraphe du préambule aux projets de directive sur la protection de l’atmosphère, selon lequel « la protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique est une préoccupation pressante de l’ensemble de la communauté internationale ».  Notant le fait que l’Accord de Paris parle d’une « préoccupation commune de l’humanité », il a souhaité une actualisation de ce paragraphe.

S’agissant des normes impératives du droit international (jus cogens), le délégué a indiqué que la détermination de ses éléments et critères constitutifs doit se fonder sur la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Il a souhaité que la Commission consacre un temps suffisant à ce sujet important, avant d’appeler de ses vœux une liste illustrative des normes du jus cogens, dont il a souligné l’utilité.  « Néanmoins, un soin spécial devra être apporté à la préparation de cette liste afin d’éviter toute conception erronée selon laquelle les normes ainsi listées auraient un statut spécial les distinguant des autres normes qui pourraient être identifiées comme de jus cogens mais qui ne figurent pas dans la liste », a conclu M. Nakayama.

Selon M. ANDREJ SVETLICIC (Slovénie), la source de l’application à titre provisoire des traités n’est toujours pas claire.  Il a ainsi souhaité que puisque l’accord donné à une telle application est une condition préalable, cela doit se refléter dans la directive 6 du projet de Guide sur l’effet juridique de l’application à titre provisoire.

Le délégué a invoqué ensuite la question spécifique de la déclaration unilatérale et souligné la pertinence à ce titre de la Convention de Vienne sur la succession des États.  L’article 28 de cette Convention dispose qu’un traité bilatéral qui, à la date d’une succession d’États, était en vigueur ou était appliqué à titre provisoire à l’égard du territoire auquel se rapporte la succession d’États est considéré comme s’appliquant à titre provisoire entre l’État nouvellement indépendant et l’autre État intéressé.  Nous ne voyons pas pourquoi cette règle ne s’appliquerait qu’à la succession d’États, a-t-il conclu.

M. MARTIN MANDVEER (Estonie) a déclaré, concernant la question de la protection de l’atmosphère, que la coopération internationale est d’une grande importance et que les États devraient soutenir les recommandations allant en ce sens.  L’Estonie considère aussi que les défis auxquels font face les pays en développement et les pays les moins avancés doivent être reconnus dans les lignes directrices.  « Bien que la protection de l’atmosphère soit une responsabilité commune, nous avons des capacités différentes », a-t-il dit.

S’exprimant sur l’application à titre provisoire des traités, le représentant a jugé redondantes les directives 3 (« Règle générale ») et 4 (« Forme de l’accord ») du projet de Guide.  Il a proposé qu’elles soient reformulées ou fondues, de façon à ce que les références aux formes d’application provisoire des traités, contenues dans les traités eux-mêmes, soient retirées.  La délégation apprécie en outre l’inclusion de clauses types reflétant les meilleures pratiques des États.

Enfin, s’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), l’Estonie reconnaît les difficultés actuelles de trouver un consensus sur ces normes.  Son délégué s’est dit favorable à l’élargissement du projet de conclusion 11, sur la séparabilité des dispositions conventionnelles en conflit avec une telle norme, visant à inclure les actes des organisations internationales comme créant des obligations juridiques envers les États.  Il a estimé aussi que le projet 14, sur la procédure recommandée pour le règlement des différends concernant un conflit entre un traité et une norme du jus cogens, doit être clarifié, en raison des contradictions qu’il contient.  Il a trouvé également que le projet 15 sur les conséquences du jus cogens sur le droit international coutumier ne reflète pas assez la complexité de la question, car il n’analyse pas tous les aspects du droit international coutumier. 

M. RENÉ LEFEBER (Pays-Bas) a trouvé appropriée l’élaboration du projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités.  Il a toutefois rappelé que toute conclusion sur ce sujet devrait découler, en premier lieu, de la pratique des États. 

S’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), il a noté que plusieurs éléments du jus cogens demeurent contestés.  Il a fait part de ses préoccupations quant au manque de clarté entourant le concept de jus cogens, y compris son identification et son application.  Dans le projet de conclusion 14, la procédure relative au règlement des différends en cas de conflit entre le jus cogens et un traité est similaire à l’article 66 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, à la différence qu’il ne comporte pas de règle procédurale relative, entre autres, à l’invalidité d’un traité.  M. Lefeber a donc suggéré d’ajouter un paragraphe reflétant les règles générales contenues dans les articles 65 et 67 de la Convention.  Enfin, il a réitéré l’opposition de son pays à l’élaboration d’une liste, illustrative ou autre, des normes du jus cogens, considérant qu’elle aurait pour effet de prévenir l’émergence de la pratique des États et de l’opinio juris

M. CARLOS JIMENEZ PIERNAS (Espagne) a abordé la protection de l’atmosphère et commenté les projets de directives 10 et 11, respectivement sur la « mise en œuvre » en droit interne des obligations en vertu du droit international sur la protection de l’atmosphère, et le « contrôle du respect » par les États de leurs obligations.  Ces deux expressions, en langue espagnole, peuvent être potentiellement synonymes, a-t-il dit, en souhaitant donc leur réécriture.  Il a suggéré à la place « mise en œuvre nationale » et « contrôle international du respect ».  Le délégué a, en outre, demandé des clarifications pour savoir si les projets de directives s’appliquent également aux organisations internationales et pas seulement aux États.

S’agissant de l’application à titre provisoire des traités, le délégué espagnol a notamment discuté de la directive 7 sur les réserves du projet de Guide.  Selon ce texte, un État, au moment de convenir de l’application provisoire d’un traité ou d’une partie d’un traité, peut formuler des réserves visant à exclure ou à modifier l’effet juridique produit par l’application à titre provisoire de certaines dispositions de ce traité, a-t-il dit.  « Mais qu’en est-il des réserves formulées lors de la signature d’un traité et qui, selon l’article 23.3 de la Convention de Vienne de 1969, doivent être confirmées par l’État au moment d’exprimer son consentement à être juridiquement lié par un traité? »  Le délégué a, en conséquence et en conclusion, demandé une clarification sur ce point.

M. VISHNU DUTT SHARMA (Inde) a déclaré que le projet de conclusion 14 sur les normes impératives du droit international général (jus cogens), sur la procédure recommandée pour le règlement des différends concernant un conflit entre un traité et une telle norme, devrait, comme l’article 66 de la Convention de Vienne, tenir compte des préoccupations des États Membres et ne pas restreindre le règlement des différends à la seule Cour internationale de Justice.  Il a estimé qu’une étude approfondie du Chapitre VII et de l’Article 103 de la Charte des Nations Unies permettrait d’éclairer le débat sur le projet de conclusion 17 relatif à l’invalidité des résolutions contraignantes des organisations internationales, y compris les résolutions du Conseil de sécurité. 

Quant aux projets de conclusion sur la protection de l’atmosphère, ils devraient avoir pour effet de rappeler aux États leurs obligations en la matière et la nécessité de s’en acquitter conformément à la procédure envisagée dans les mécanismes internationaux, a poursuivi M. Sharma.  Enfin, il a invité la CDI à examiner le concept de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, sans lier cette question à la Cour pénale internationale (CPI).

M. JAMES KINGSTON (Irlande) s’est félicité de l’adoption en première lecture du texte du projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités et des commentaires y relatifs.  Il a salué la décision d’amender la directive 6 en remplaçant la phrase « les mêmes effets juridiques » par « une obligation juridiquement contraignante d’appliquer le traité ou une partie de celui-ci ». À propos de la directive 7, l’Irlande a noté les divergences de vue parmi les membres de la Commission sur la question de savoir s’il est nécessaire d’inclure une disposition sur les réserves dans le cadre de l’application provisoire des traités.  Selon lui, il n’existe pas de cas où un traité aurait prévu la formulation de réserves en relation avec l’application provisoire.  Aucune trace non plus de cas où un État aurait formulé des réserves à un traité appliqué à titre provisoire.  À ce titre, la délégation irlandaise a considéré qu’il fallait procéder à de plus amples recherches quant aux pratiques des États et des organisations internationales sur ce sujet précis.

Sur l’élaboration de clauses types, il a jugé qu’elle fournit une assistance utile dans les cas où l’application provisoire est jugée appropriée.  Cependant, il y aurait, selon lui, besoin de « flexibilité » dans un domaine où les différents systèmes institutionnels et judiciaires pourraient chercher à utiliser une application provisoire.

M. ANDREI N. METELITSA (Bélarus) a souligné la nécessité de respecter les bases méthodologiques de la CDI, notamment en s’appuyant sur la pratique des États.  Seule la pratique des États peut constituer les normes impératives du droit international, a-t-il insisté, alors que les organisations internationales et les juridictions peuvent contribuer à identifier la pratique des États.  Dans le projet de conclusion 5, les sources du jus cogens ne sont pas identifiées correctement, a-t-il relevé.  Pour déterminer les normes impératives, il faut déterminer des critères qui ne font pas polémique, alors que le projet de conclusion 7, qui parle d’une majorité d’États pour identifier une norme du jus cogens, est insuffisant. 

Se référant au projet de directive 1 sur la protection de l’atmosphère, il a identifié les facteurs naturels et anthropiques, et invité la Commission à fournir des précisions sur cette question.  

Mme PIRANAJ THONGNOPNUA YVARD (Thaïlande) a salué l’adoption d’un projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités.  Elle a rappelé que son pays est doté d’un système dualiste, les dispositions internationales devant être transposées dans le droit interne pour s’appliquer.

La déléguée a ensuite déclaré que le seuil d’identification des normes impératives du droit international général (jus cogens) doit être plus élevé et plus clair que la seule expression « par une large majorité d’États ».  L’établissement d’une liste illustrative de normes du jus cogens pourrait entraver le développement du jus cogens lui-même, qui peut évoluer au cours du temps, a-t-elle dit.  Enfin, elle a indiqué que la reconnaissance d’un jus cogens régional pourrait saper la notion de jus cogens comme normes étant acceptées et reconnues par la communauté internationale dans son ensemble.

Les règles du droit international relatives à la protection de l’atmosphère doivent être identifiées, interprétées et mises en œuvre de façon cohérente, a déclaré Mme VICTORIA HALLUM (Nouvelle-Zélande).  Elle a apprécié l’accent mis sur la nécessité pour les États de se conformer aux règles et aux procédures découlant des accords internationaux sur la protection de l’atmosphère. 

S’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), Mme Hallum a dit attendre avec intérêt la décision de la CDI quant à la pertinence d’élaborer une liste illustrative.  Toutefois, devant la faible pratique des États et l’impact potentiel du jus cogens sur le droit international, elle a invité la Commission à adopter une approche « prudente et équilibrée ».  Sur un autre chapitre, la représentante a souligné l’importance de mener des consultations avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.

Mme ALINA OROSAN (Roumanie) a douté de l’utilité du projet de directive 10 sur la mise en œuvre en droit interne des obligations en vertu du droit international sur la protection de l’atmosphère.  Elle a considéré qu’un lien plus direct avec les obligations internationales spécifiques sur la protection de l’atmosphère était nécessaire.  La Roumanie soutient l’usage de mécanismes coercitifs en matière de protection environnementale.  La représentante a ensuite cité le paragraphe 2 de la directive 11 sur le contrôle du respect des obligations: « Pour assurer la conformité, des procédures de facilitation ou d’exécution peuvent être utilisées »; elle a remarqué que les deux procédures pourraient être utilisées subséquemment: d’abord les procédures de facilitation, ensuite les mesures d’exécution.

Concernant l’application à titre provisoire des traités, la Roumanie s’aligne sur l’Union européenne, en réclamant toutefois « davantage de clarté » concernant « l’obligation pour les États Membres ou les organisations internationales de ne pas participer aux négociations des traités ».

Enfin, à propos des normes impératives du droit international général (jus cogens), la Roumanie aurait apprécié que tous les textes des projets de conclusions et les commentaires reflétant la vue du CDI sur le sujet soient à disposition, d’autant plus que des travaux importants ont déjà été effectués sur ce point; cela aurait permis un dialogue constructif entre la CDI et la Sixième Commission.

Espérant un engagement de la CDI en ce sens, Mme Orosan a préconisé une approche basée sur la pratique des États plutôt qu’une approche doctrinale; elle a souhaité que le Rapporteur spécial accorde davantage d’attention au droit international existant, et que l’élaboration des normes ne dévie pas de ce canevas; elle a enfin réclamé de la constance avec les autres sujets examinés par la CDI ou en train de l’être, ceci pour empêcher un phénomène de fragmentation, ou des contradictions dans les déclarations, qui pourraient entraver le mandat de la CDI.

Sur le sujet de la Protection de l’atmosphère, M. PAULO ALEXANDRE COLAÇO PINTO MACHADO (Portugal) a estimé que les 12 projets de directives reflètent une approche équilibrée de ce problème auquel le Portugal est très attaché.  Par ailleurs, il a soutenu la formulation utilisée pour le projet de directive 12 établissant que les différends devaient se régler par des moyens pacifiques.

Sur la question de l’application à titre provisoire des traités, le représentant a souligné qu’elle était incompatible avec la Constitution de son pays.  S’il s’est félicité de nombreuses évolutions positives dans le texte révisé du projet de Guide, certains points continuent de poser, selon lui, problème.  Ainsi, il a salué l’affirmation dans la directive 3 de la nature volontaire du mécanisme d’application provisoire.  Il a aussi relevé que la nouvelle directive 6 ne laisse désormais plus de place au doute ni à la confusion.  En revanche, la directive 7 continue d’utiliser l’expression « effet juridique » qui réintroduit une incertitude que la directive 6 avait précédemment supprimé.  « Même si cette expression provient de la définition de la réserve dans la Convention de Vienne sur le droit des traités, nous préfèrerions une formulation moins ambigüe », a insisté le délégué.  Étant donné le manque de pratique des États sur cette question, le Portugal a suggéré que la Commission réfléchisse plus attentivement à la question des réserves.  Il s’est aussi félicité des clauses types présentées par le Rapporteur spécial qui seraient, selon lui, un excellent complément aux directives.

Le délégué s’est, finalement, attardé sur le sujet des normes impératives du droit international général (jus cogens).  Pour lui, le simple fait de rendre les normes internationales plus compréhensibles contribue à renforcer la stabilité du système juridique international.  Il a félicité la Commission pour l’équilibre qu’elle a trouvé entre théorie et pratique pendant cette session.  Selon lui, elle a bien mis en lumière que les États et les organisations internationales ont des obligations positives au titre des normes préliminaires du droit international général.  Le Portugal a estimé que s’assurer d’une mise en œuvre des traités est essentiel pour la sécurité juridique internationale.  Toutefois, a-t-il ajouté, la mise en œuvre d’un traité dont les normes sont invalides à cause d’un conflit avec une norme impérative devrait être protégée quand ses bases essentielles ne sont pas en jeu.

M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka) a indiqué que le sujet « protection de l’atmosphère » ne peut être débattu sans les apports de la communauté scientifique.  Il a commenté un paragraphe du préambule aux projets de directive sur la protection de l’atmosphère, selon lequel « la protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique et la dégradation atmosphérique est une préoccupation pressante de l’ensemble de la communauté internationale ».

Notant le fait que l’Accord de Paris parle d’une « préoccupation commune de l’humanité », il a souhaité une actualisation de ce paragraphe et son remplacement donc par « préoccupation commune de l’humanité ».  Il a prôné une « approche agressive » s’agissant des efforts visant à définir et à remédier à la dégradation environnementale du fait de l’homme.  Enfin, le délégué a souhaité au paragraphe 6 du préambule un élément de langage reflétant davantage les avertissements émis par la communauté scientifique.

Mme ZAMAKHINA EVGENIIA (Fédération de Russie) a mentionné que la législation russe des traités est fondée sur les dispositions de la Convention de Vienne, et permet l’application à titre provisoire des traités.  Selon elle, l’application provisoire d’un traité cesse si l’État fait part aux autres États de son intention de ne pas devenir partie aux traités.  Récemment, la Russie a mis fin à l’application provisoire d’un traité multilatéral mais le greffier du traité a considéré que la Russie demeure liée à ses obligations découlant du traité, tout en appelant à approfondir l’examen de cette question.  Selon la représentante, une tendance se dessine afin de rendre l’application provisoire des traités de plus en plus facile pour les parties, ce qui pourrait mettre en péril le droit des traités et le système juridique international dans son ensemble. 

Abordant les normes impératives du droit international général (jus cogens), Mme Evgeniia a exprimé son soutien à la position de la CDI, qui s’est appuyée sur les textes de la Convention de Vienne.  Selon elle, le recours à la Cour internationale de Justice (CIJ) pour le règlement des différends n’est pas conforme à la forme non normative des projets de conclusions sur le jus cogens.  En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, Mme Evgeniia a rappelé que cette question a déjà fait l’objet d’une étude de la CDI.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Les commissions économiques régionales défendent le renforcement de l’intégration et la coopération pour réaliser le Programme 2030

Soixante-treizième session,
Dialogue avec les Commissions régionales - matin
AG/EF/3507

Les commissions économiques régionales défendent le renforcement de l’intégration et la coopération pour réaliser le Programme 2030

L’intégration et la coopération régionale pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 sont plus que jamais nécessaires pour favoriser la résilience dans un contexte mondial de plus en plus complexe.  Tel était le thème principal abordé ce matin à la Deuxième Commission chargée des questions économiques et financières, au cours de son dialogue annuel avec les cinq Commissions économiques régionales des Nations Unies. 

Ces commissions sont en charge de l’orientation et de l’analyse des politiques de développement dans les régions.  Elles peuvent être utiles pour identifier les besoins et les exigences des États, notamment face aux inégalités croissantes, qui sont l’un des problèmes essentiels dans la mise en œuvre du Programme 2030, a souligné Mme Alicia Bárcena, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et Coordonnatrice des Commissions régionales, qui a modéré le débat.  En bref, chaque Commission cherche comment à gérer les bouleversements globaux de manière régionale.

En présentant les principaux défis de chaque région pour atteindre les objectifs de développement durable, les Secrétaires exécutifs ont parlé de l’élimination de la pauvreté et de la croissance économique.  Évoquant un phénomène « d’hypermondialisation » en cours depuis 2015, la Secrétaire exécutive de la CEPALC a noté une érosion de la confiance des peuples dans les pactes sociaux et une augmentation des inégalités sociales.  Si la région de l’Amérique latine et des Caraïbes a réussi à sortir 70 millions de personnes de la pauvreté ces 20 dernières années, des différences demeurent entre le niveau de vie des hommes et celui des femmes, et les problèmes de qualité des services publics et de violence persistent, sans compter que la dissuasion militaire ne pourra rien contre les migrations.  La Secrétaire exécutive a attiré l’attention sur l’exemple de l’Union européenne où 63% des biens exportés vont vers d’autres pays membres.  Il faut s’en inspirer.

Son homologue de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Mme Vera Songwe, s’est enthousiasmée de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine, déjà signé par de nombreux pays à Kigali, au Rwanda, en mars 2018, lequel permettra aux entreprises de croître plus rapidement.  L’Afrique, a-t-elle expliqué, est caractérisée par une croissance de 3%, bien inférieure au niveau de l’année 2000, et dans 13 pays, la dette a atteint au moins 70% du produit intérieur brut (PIB), ce qui « doit être un signal d’alarme».

Le Secrétaire adjoint exécutif de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), M. Kaveh Zahedi, s’est félicité du recul de la pauvreté et de l’augmentation de l’espérance de vie dans la région Asie et Pacifique qui pourtant ne pourra atteindre qu’un seul objectif de développement durable, celui de l’accès universel à l’éducation.  Les émissions de gaz à effet de serre sont beaucoup trop élevées, les inégalités d’accès à la santé, à l’eau ou à l’assainissement sont frappantes et fait nouveau, la fracture numérique se creuse.  Les catastrophes dues aux changements climatiques tuent cinq fois plus dans la région qu’ailleurs dans le monde, touchant surtout les plus pauvres. 

M. Mounir Tabet, Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) a lui aussi évoqué les changements climatiques, pour souligner que la région contribue pour moins de 5% aux émissions de gaz à effet de serre mais qu’elle devrait enregistrer les plus fortes hausses de température d’ici à la fin du siècle.  Les plus vulnérables sont les pays les moins avancés (PMA).  La région attribue 83% des pertes économiques aux inondations.  C’est aussi dans cette région que la fracture numérique est l’une des plus graves au monde.  M. Tabet n’a pas oublié de mentionner que la région a accueilli plus de 38 millions de migrants en 2017, représentant 14,8% des migrants dans le monde, et que le nombre de réfugiés a atteint près de 8,7 millions.

Pour sa part, Mme Olga Algayerova, la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe (CEE) a cité quelques Conventions qui ont fait avancer l’intégration de sa région.  La CEE est parmi les premiers à développer des systèmes intelligents de transport, a-t-elle ajouté. 

Au cours du débat interactif, les délégations ont salué le rôle des Commissions dans le renforcement de la coopération régionale et l’aide à la réalisation des objectifs de développement durable.  La Chine a rappelé que la réforme de ces Commissions est un point important de la réforme du système des Nations Unies pour le développement.  La Fédération s’est d’ailleurs demandé comment envisager leur rôle dans ce nouveau paysage réformé.    

La Deuxième Commission reprendra ses travaux, en séance publique, le mardi 6 novembre, à 10 heures, pour examiner des projets de résolution.

DIALOGUE AVEC LES SECRÉTAIRES EXÉCUTIFS DES COMMISSIONS RÉGIONALES SUR LE THÈME « INTÉGRATION ET COOPÉRATION RÉGIONALE POUR LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME 2030 »

Ouvrant le débat en sa qualité de modératrice, Mme ALICIA BÁRCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et Coordonnatrice des Commissions régionales a relevé que le contexte mondial actuel est très complexe et que la coopération régionale peut renforcer la résilience.  Les Commissions régionales sont utiles pour identifier les besoins des États, notamment face aux inégalités croissantes qui sont l’un des problèmes essentiels dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Chaque région a des plateformes intergouvernementales et les Commissions régionales doivent en être les partenaires principaux.

Mme VERA SONGWE, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a donné le contexte et les perspectives économiques du continent africain, en visioconférence.  Elle a d’abord salué l’élection d’une femme à la présidence de l’Éthiopie et la normalisation de la situation dans le pays.  La croissance est revenue en Afrique, a-t-elle affirmé, en entrant dans le vif du sujet.  Mais, a-t-elle prévenu, elle n’est plus aussi forte qu’en 2000.  Elle est de 3% environ à l’échelle du continent et non plus à 6% comme au début du siècle.  Cette croissance, nécessaire pour réaliser les objectifs de développement durable, n’a pas empêché l’aggravation des inégalités.  Elle est beaucoup plus rapide en Afrique de l’Est, grâce à une bonne gouvernance et à l’intégration des marchés.  Le sud du continent -Afrique du Sud, Botswana, Zambie– a, quant à lui, souffert de la chute des prix des produits et d’un taux de chômage élevé.

Concernant précisément la création d’emplois, Mme Songwe a affirmé que les investissements sont là, mais que les petites et moyennes entreprises (PME) stagnent.  De plus, l’Afrique n’épargne pas suffisamment par rapport à des continents comme l’Asie orientale.  Or, l’épargne est essentielle pour générer les investissements, au risque de s’exposer à l’endettement.  Poursuivant, la Secrétaire exécutive a relevé une baisse générale du déficit fiscal par rapport à la période 2015-2016.  Le Cameroun, le Nigéria, l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo ont pu augmenter leurs exportations.

On dit souvent à New York ou à Washington que la dette des pays africains a augmenté, a dit Mme Songwe.  Il est donc nécessaire que l’on s’y attaque.  La dette de 13 pays du continent a atteint 70% ou plus de leur produit intérieur brut (PIB).  « Cela doit être un signal d’alarme pour nous », a-t-elle dit, surtout que 81% de toute la dette extérieure est due à des obligations en euros comme l’illustre le cas du Ghana.  « C’est un problème de taux de change et de gestion de l’inflation, a relevé Mme Songwe devant des questions macroéconomiques qui préoccupent le continent. 

Bien sûr, la solution la plus rapide était d’augmenter les impôts, a-t-elle poursuivi.  Mais la croissance n’a pas suivi.  Les nouvelles politiques fiscales doivent plutôt viser la diversification des revenus.  Par exemple, très peu de pays taxent le secteur de l’immobilier.  « Il faut y réfléchir », a conseillé Mme Songwe.  Le libre-échange est la voie sur laquelle s’est engagée l’Afrique.  L’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (AFCFTA), signé par de nombreux pays à Kigali au Rwanda, en mars 2018, est à saluer, en ce qu’il doit conduire à un marché commun et à une monnaie unique, permettant aux entreprises de se développer plus rapidement.

Elle a enfin constaté que les échanges en dehors de l’Afrique étaient encore très dépendants de l’extraction minière.  Prenant pour exemple l’entreprise de transports Uber, elle a appelé à ce que l’Afrique développe le secteur des nouvelles technologies.

Mme OLGA ALGAYEROVA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe (CEE), a souligné l’importance des questions transfrontalières pour la région.  Des solutions sur les infrastructures et les transports peuvent ainsi permettre d’avancer dans la réalisation du Programme 2030, par exemple s’agissant de la gestion de l’eau.  Montrant une carte routière, Mme Algayerova a insisté sur les coûts de transport.  La CEE a développé les cadres normatifs pour les systèmes de transport, dont la Convention douanière relative au transport international de marchandises sous le couvert de carnets (Convention TIR) qui a réduit le transport maritime de 80% et les coûts de 39%.  De même, l’intermodalité contribue à des systèmes de transport plus efficaces, tout en réduisant l’empreinte écologique.  La CEE figure parmi les premiers à avoir développer des systèmes intelligents de transport.

La pollution de l’air est l’un des principaux risques, qui a des coûts sanitaires et économiques.  La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière a permis de réduire les émissions et d’augmenter l’espérance de vie de 12 mois.  Au titre des autres défis, la CEE examine les effets des sécheresses et des inondations, dont les coûts sont loin d’être négligeables.  La Convention sur l’eau est bien prise en compte dans les lois et mesures nationales.

La Secrétaire exécutive a aussi cité la Convention sur la prévention des accidents industriels majeurs et leurs conséquences, rappelant l’accident de l’usine Sandoz en Allemagne qui a pollué des affluents du Rhin.  Elle s’est également attardée sur la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière qui permet des solutions alternatives pour réduire les risques environnementaux et sanitaires.  Le Protocole sur l’évaluation stratégique environnementale donne des idées aux gouvernements pour construire des infrastructures plus durables et plus résilientes.

M. KAVEH ZAHEDI, Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), a relevé que la pauvreté avait diminué dans la région et que l’espérance de vie y avait augmenté.  Néanmoins, la région ne pourra atteindre qu’un seul objectif de développement durable, celui de l’accès universel à l’éducation.  Dans les autres domaines, elle stagne, voire recule.  Les émissions de gaz à effet de serre sont beaucoup trop élevées, les inégalités sont frappantes entre pays et au sein des pays et les catastrophes dues aux changements climatiques tuent cinq fois plus qu’ailleurs dans le monde, touchant surtout les pauvres. 

Soulignant que la coopération est essentielle pour que la région revienne sur la bonne voie, il a relevé quelques progrès et initiatives: la feuille de route régionale pour la mise en œuvre du Programme 2030 ou encore le Forum Asie-Pacifique pour le développement durable.  Aux inégalités, il faut ajouter la fracture numérique.  Mais l’on peut se féliciter du fait qu’il y a deux semaines, les États membres de la CESAP aient décidé de mettre en commun les richesses de leurs agences spatiales pour faire avancer le Programme 2030.  M. Zahedi a mis en avant les activités de sa Commission comme son assistance technique qui, au Bhoutan, porte sur le développement des outils statistiques précieux.  La CESAP participe à la lutte contre les problèmes transfrontaliers et les catastrophes naturelles. 

M. MOUNIR TABET, Secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), a choisi neuf questions transfrontalières liées à neuf objectifs de développement durable pour exposer les défis et expliquer ce que la CESAO fait pour les relever.  Premièrement, en ce qui concerne les changements climatiques (objectif 13), la région contribue pour moins de 5% aux émissions de gaz à effet de serre mais devrait enregistrer les plus fortes hausses de température d’ici à la fin du siècle.  Les plus vulnérables sont les pays les moins avancés (PMA), en particulier la Mauritanie, le Soudan, la Somalie et le Yémen.  La CESAO a notamment mis en place une plateforme de développement des capacités pour les négociateurs des accords sur les changements climatiques et gère la préparation du premier rapport sur l’impact de ce phénomène et l’évaluation de la vulnérabilité de la région arabe.  S’agissant de la réduction des risques de catastrophe (objectif 11), M. Tabet a rappelé que la région arabe est l’une des plus vulnérables et que 83% des pertes économiques sont liées aux inondations.  La CESAO a préparé une base de données et aide les États arabes à faire face aux tempêtes de sable.

Quant aux ressources hydriques (objectif 6), les liens entre conflits et eau sont particulièrement aigus en Iraq et en Syrie, en Palestine, en Jordanie et au Liban.  La CESAO évalue les effets des changements climatiques sur les bassins hydriques transfrontaliers et aide les pays à développer le cadre de la Convention sur les ressources naturelles partagées depuis 2010.  Pour ce qui est de l’énergie (objectif 7), les problèmes de coupures de courant frustrent les efforts de développement, a relevé M. Tabet.  La CESAO fournit un appui technique sur la formulation de politiques visant à renforcer le développement de chaînes de valeur d’énergie propre et promeut les investissements dans l’énergie renouvelable.

Passant aux transports (objectif 11), les défis concernent la faiblesse des réseaux routiers et de chemin de fer et leurs coûts, surtout aux frontières et leurs coûts invisibles comme les pots de vin.  La CESAO aide à identifier les priorités régionales et les solutions novatrices pour mettre en œuvre des systèmes de gestion et développer des transports multimodaux.

Concernant l’intégration économique (objectif 8), les volumes d’échanges sont très bas et les restrictions sont très élevées pour les échanges commerciaux, ce qui ne rend pas la région attractive, a indiqué M. Tabet.  La CESAO évalue principalement les obstacles aux échanges et aide les États à surmonter les difficultés d’intégration économique régionale.

S’agissant de l’accès numérique (objectif 9), c’est un défi considérable car les technologies de l'information et des communications (TIC) ne sont pas disponibles pour la majorité de la population des pays arabes.  La fracture numérique dans la région est l’une des plus élevées au monde, a souligné M. Tabet. La CESAO évaluera les progrès issus du Consensus de Beyrouth sur la transformation et l’économie numérique dans la région arabe.

En ce qui concerne les migrations (objectif 10), M. Tabet a rappelé que la région a accueilli plus de 38 millions de migrants en 2017, représentant 14,8% des migrants dans le monde, et que le nombre de réfugiés a atteint 8,7 millions.  La CESAO s’est engagée à aider à opérationnaliser les objectifs du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.  Enfin, M. Tabet a parlé de la prévention des conflits (objectif 16) et a indiqué que la CESAO met au point un cadre d’évaluation des risques et qu’elle soutient le renforcement des cadres juridiques et règlementaires pour améliorer la gouvernance dans la sphère économique et sociale.

Mme ALICIA BÁRCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), a relevé qu’en Amérique centrale et dans les Caraïbes, la question est de savoir comment gérer les bouleversements mondiaux, notamment les migrations et la transition démographique, les nouvelles technologies et la balance commerciale.  Le monde a longtemps pensé que le libre-échange était la panacée, a-t-elle fait remarquer, mais le protectionnisme croît et l'Amérique centrale et le Mexique pâtissent aussi des tensions entre les États-Unis et la Chine.  Non-émetteurs de gaz à effet de serre, les Caraïbes subissent pourtant le choc des changements climatiques, sans compter le problème des inégalités croissantes.

Les États-Unis demandent au Mexique d’être une zone tampon contre les migrations; l’Europe fait de même avec l’Afrique.  « En même temps, on voit apparaître les premières migrations climatiques, avec le manque d’eau au Guatemala ».  Si la région a réussi à sortir 70 millions de personne de la pauvreté ces 20 dernières années, il n’en demeure pas moins que des différences persistent entre le niveau de vie des hommes et celui des femmes.  Les services publics souffrent toujours de leur faible qualité et la violence est là, même de manière latente.

Passant aux réformes numériques, elle a déploré la concentration des plateformes numériques dans l’escarcelle de « deux ou trois pays ».  La création de valeurs que représentent les données ne profitent qu’à une poignée de gigantesques entreprises, a relevé Mme Bárcena, qui s’est demandé comment évaluer leur impact sur le monde du travail.

Évoquant un phénomène « d’hypermondialisation » en cours depuis 2015, elle a noté une érosion de la confiance des peuples dans les pactes sociaux, une aggravation des inégalités sociales, une classe moyenne mécontente et perdante dans les pays émergents et une classe moyenne gagnante dans les pays développés.  Le problème de l’augmentation de la dette et des flux financiers en dehors de la région vers des marchés plus solides est « grave ». 

Jugeant qu’il était temps d’insister sur la coopération régionale, elle a souhaité que les régions deviennent résilientes, grâce à l’augmentation des échanges régionaux et à la lutte contre les flux illicites.  « Nous sommes fatigués d’entendre parler des réformes fiscales ».  Ce qu’il faut, c’est une lutte véritable contre l’évasion fiscale, qui coûte des milliards de dollars à la région.  Ce qu’il faut aussi, c’est obtenir un vrai transfert des technologies.

La Secrétaire exécutive a recommandé des investissements dans l’économie circulaire et des progrès vers des migrations plus sûres.  Si les accords de libre-échange sont en danger, le Marché commun du Sud (Mercosur) ou l’ASEAN donnent de bons résultats.  L’exemple de l’Union européenne, où 63% des biens sont exportés vers des pays membres devrait, inspirer sa région.  Elle a proposé la création d’une plateforme régionale pour le lithium, l’intégration des transports et des télécommunications, une gestion commune de l’agroalimentaire et des forêts, la connectivité régionale avec un marché numérique unique pour l’Amérique centrale et un autre pour l’Amérique du Sud.  Le secteur privé est très intéressé par ce genre d’initiatives, a-t-elle souligné.

Débat interactif

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, l’Égypte a insisté sur le rôle « essentiel » de l’approche régionale et sous-régionale pour le succès du Programme 2030.  Elle a donc plaidé pour le renforcement des fonctions des Commissions régionales qui doivent mieux collaborer avec les équipes de pays de l’ONU.  En toutes choses, a prévenu l’Égypte, il faut éviter les doublons et les chevauchements.  L’Égypte attend avec intérêt les options du Secrétaire général sur la restructuration des activités opérationnelles pour le développement.  Il faut éviter les solutions à taille unique et garantir une approche flexible.  Les Commissions régionales doivent aller bien au-delà des analyses et des conseils et s’occuper véritablement du développement et du renforcement des capacités nationales, a estimé l’Égypte.

Comment envisager le rôle des Commissions régionales dans le contexte des réformes? s’est demandé la Fédération de Russie, qui a tout de même pronostiqué que leur charge de travail ira croissant et qu’il faudra leur garantir, en conséquence, le niveau suffisant de ressources humaines.  Le pays a dénoncé l’état actuel des relations internationales de plus en plus érodées en raison de la concurrence déloyale et des mesures unilatérales.  La Fédération de Russie a estimé, à son tour, que les Commissions régionales doivent resserrer leurs liens avec le système des coordonnateurs résidents pour garantir une bonne coopération et un développement « dépolitisé ».  Dans ce cadre, a ajouté le Paraguay, les Commissions régionales ne doivent pas oublier de soutenir le Programme d’action de Vienne pour les pays en développement sans littoral.  Il a souligné la disposition de ce Groupe de pays à parler avec les pays de transit et toutes les autres parties prenantes pour que l’examen à mi-parcours du Programme d’action ait un impact réel. 

Le débat doit se concentrer sur la connectivité au-delà du transport et des infrastructures logistiques.  Il faut, a estimé la Roumanie, parler des liens entre les secteurs productifs, les banques et les fonds d’investissements.  La République de Corée a souligné sa détermination à rester engagée dans le développement de la région Asie-Pacifique, estimant qu’il faut encore renforcer la coopération régionale.

Pour cette région, a estimé le Bhoutan, la priorité est que la CESAP contribue à une meilleure intégration des pays en développement sans littoral aux circuits économiques régional et mondial.  Formuler des politiques de développement, renforcer les capacités et promouvoir l’intégration, c’est ce que l’on attend des Commissions régionales, a dit la Chine.  Des recherches ciblées devraient permettre de renforcer les relations de travail entre l’ONU ici à New York et les Commissions.  Quant à elle, la Chine continuera ses efforts de soutien via le Fonds CESAP-Chine dans des domaines comme l'agriculture, les transports ou la parité.  La Thaïlande a dit son intention de partager son expérience avec la CESAP aux consultations Asie-Pacifique sur la coopération Sud-Sud, qui aura lieu en juin, ainsi qu’à la Conférence de Buenos Aires, en mars prochain.  La CESAP devrait d’ailleurs renforcer ses relations avec l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) et les autres organisations régionales.  Elle pourrait ainsi se mettre au fait des meilleures pratiques.

La CEA doit, a estimé Cabo Verde aider concrètement les pays à revenu intermédiaire en Afrique à réaliser les objectifs de développement durable.  Cabo Verde a un peu tempéré l’enthousiasme sur l’intégration africaine.  Il a préféré vanter les mérites de l’intégration sous-régionale, en particulier dans les domaines de l’énergie et des infrastructures.  Il faut d’abord lever tous les obstacles à cette intégration avant de penser à intégrer tout le continent, a-t-il estimé.  Quelles mesures concrètes la CEA envisage-t-elle pour aider les petits États insulaires en développement, s’agissant entre autres de la question de la dette.  Les Commissions, dont la CEPALC, restent un instrument intéressant pour l’intégration régionale, a souligné le Mexique.  Le multilatéralisme doit en effet commencer au niveau des régions, a ajouté l’Iran.

Comme nos frontières occidentales réunissent deux grands blocs économiques, a fait observer le Bélarus, nous défendons l’intégration comme principe pour la croissance économique et le développement durable.  Les Commissions régionales devraient examiner toutes les formes de coopération pour créer « un nouveau monde, sans ligne de partage » et assurer une plus grande synergie pour réaliser le Programme 2030.  Elles devraient aussi faciliter la participation des États à certains aspects de leurs travaux, en particulier les mécanismes du commerce international.  L’Indonésie s’est tout simplement dit heureuse du niveau de coopération entre la CESAP et l’ASEAN, s’agissant, entre autres, de la prochaine Conférence de Buenos Aires pour la coopération Sud-Sud en mars prochain.  Comment les Commissions régionales envisagent-elles leur rôle, dans un contexte de transformation du système des Nations Unies pour le développement? a-t-elle demandé.

Le Kazakhstan a réitéré sa volonté d’accueillir le secrétariat de la CESAP à Almaty.  Hôte de la CEA, l’Éthiopie a réaffirmé son soutien aux travaux de la Commission.  Que fait cette dernière, s’est demandé le Nigéria, pour aider l’Afrique à surmonter des obstacles comme les retards technologiques, le manque d’investissements et le fardeau de la dette.  Aucun des défis actuels ne peuvent-être correctement relevés, sans la prise en compte de la dimension régionale, a estimé le Chili.

Conclusions

La voix des pays doit être davantage entendue « ici au Siège », a estimé la Secrétaire exécutive de la CEPALC, qui a regretté que depuis le Mexique, elle n’ait pas la même influence à New York.  Les Commissions régionales, a-t-elle rappelé, sont « des secrétariats d’instance multilatérale ».  « Vous parlez, nous écoutons » a-t-elle dit, encourageant les pays à travailler avec les Commissions régionales pour sensibiliser leurs ministères aux objectifs du Programme 2030.  Nos plateformes sont universelles et personne n’en est exclu.  Elle a dit avoir entendu le Paraguay et ses problèmes de coûts de transport alors qu’en Europe, on a beaucoup progressé sur la question des transports et du commerce.  Il faut s’en inspirer.  La Secrétaire exécutive a aussi dit avoir entendu le Chili qui a parlé d’un statut intermédiaire, dans une région où 85% des pays sont considérés comme des pays à revenu intermédiaire et trois ont été reclassés.  Le produit intérieur brut (PIB) n’est pas un indicateur fiable du niveau de développement.  Il faut de nouveaux indicateurs pour ne pas mettre les pays en porte à faux en les sortant d’une catégorie sans avoir réglé des problèmes structurels.  Les Commissions régionales reçoivent leur mandat directement des États membres.  Elles sont le bras droit de l’ONU en matière de développement.  « Venez nous voir, venez travailler avec nous », a-t-elle conclu. 

Son homologue de la CEA a rappelé la tenue prochaine de la Conférence sur l’économie bleue au Kenya.  Elle aussi a estimé que le Conseil économique et social (ECOSOC) devrait créer un groupe au sein de la CEA sur la situation des petits États insulaires en développement (PEID).  Elle a une nouvelle fois salué l’accord sur la Zone de libre-échange.

La Secrétaire exécutive de la CEE s’est félicitée des expressions de soutien des délégations et a tenu à souligner que sa Commission a toujours collaboré avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Nous souhaitons coopérer avec tout le système des Nations Unies, a-t-elle assuré.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Première Commission rejette par un vote l’examen d’un projet de résolution russe sur le Traité FNI (forces nucléaires à portée intermédiaire)

Soixante-treizième session,
19e séeance - matin
AG/DSI/3611

La Première Commission rejette par un vote l’examen d’un projet de résolution russe sur le Traité FNI (forces nucléaires à portée intermédiaire)

La Première Commission (Désarmement et sécurité internationale) a rejeté, ce matin, par vote, l’examen d’un projet de résolution déposé hors délai la veille par la Fédération de Russie concernant l’avenir du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI).  La Russie entendait répondre à l’intention des États-Unis de se retirer du Traité FNI en vigueur depuis 1987. 

Les États-Unis avaient déposé hier, 25 octobre, une motion d’ordre pour s’opposer à l’examen de ce texte au motif qu’il avait été soumis après la date limite fixée par la Commission au 18 octobre.  Faute de consensus lors des consultations menées entre temps par le Président de la Commission, la Fédération de Russie a demandé, aujourd’hui, un vote sur la question: la Commission s’est prononcée contre l’examen de la résolution dans son enceinte par 55 voix contre, 31 pour et 54 abstentions.

Les États-Unis ont été soutenus notamment par la France, la Finlande ou le Royaume-Uni pour qui il ne fallait pas créer de « précédent ».  Le Royaume-Uni a également estimé que ce projet concernant « la paix et la sécurité », comme l’avait souligné le représentant russe, relevait du mandat du Conseil de sécurité.

La Russie a regretté ce rejet en prévenant que « si les États-Unis se retirent du Traité et commencent à développer sans contrôle leur potentiel nucléaire, nous serons confrontés à une nouvelle réalité face à laquelle ces questions de procédure paraîtront bien insignifiantes ».

L’Argentine, quant à elle, a expliqué avoir voté « contre » lors du vote car qu’il s’agissait d’une question bilatérale entre la Russie et les États-Unis et qu’il revenait par conséquent à ces deux pays de trouver une solution.

À l’issue de ce vote, la Commission a repris ses travaux selon l’ordre du jour convenu, notamment sur le point 4 de son ordre du jour –les armes classiques– à propos desquelles plusieurs délégations ont souligné l’articulation entre l’usage excessif de ces armes, en particulier en zone urbaine, et le nécessaire respect du droit international humanitaire.

Le Mexique a jugé « insoutenable » que les pays producteurs et exportateurs d’armes privilégient leurs intérêts économiques et ceux de leurs industries alors que les armes conventionnelles sont responsables de la majorité des morts violentes dans le monde.  Il a appelé à la création d’un instrument international qui permette de protéger les civils dans les villes.

Le désarmement est d’abord un programme humanitaire face à l’augmentation du nombre de victimes, a également soutenu la représentante des Pays-Bas.  Elle a par ailleurs appelé au respect du droit international humanitaire dans l’utilisation des systèmes d’armes létales autonomes, et souligné que les avancées technologiques, les drones en particulier, exigent une meilleure compréhension des risques à venir.

Elle a été appuyée sur ce point par le Mexique et par l’Inde, qui a rappelé qu’elle présidait le Groupe d’experts gouvernementaux ad hoc et a souhaité que celui-ci puisse poursuivre ses travaux avec les ressources nécessaires.

Puis la Commission a entamé le débat sur le point 5 de l’ordre du jour, (autres mesures de désarmement et sécurité internationale) lors duquel les délégations se sont inquiétées des usages malveillants du cyberespace.  Pour l’Indonésie, qui parlait au nom du Mouvement des pays non alignés, il faut s’assurer que l’utilisation de ces technologies se fasse « dans le plein respect du droit ».

Singapour a rappelé que la cybersécurité avait été un point clef de son mandat à la tête de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour laquelle il établira d’ailleurs un centre d’excellence en 2019.  Car pour le représentant, tous les États doivent s’équiper de capacités suffisantes pour sécuriser leurs infrastructures.

« Alors que la menace augmente chaque jour », a remarqué la Russie, l’ONU ne dispose pas de mécanisme spécifique pour traiter de cette question.  « Faux », a rétorqué le Canada qui s’exprimait également au nom d’un groupe de pays (Australie, Canada, Chili, Estonie, Japon, Pays-bas, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Royaume-Uni): des mesures de confiance ont été élaborées; il convient de « faire front » sur ce qui a été accompli et non de le saper.  « Le droit international s’applique dans le cyberespace comme ailleurs », a insisté la représentante.

La Première Commission reprendra ses travaux lundi 29 octobre à 10 heures.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Poursuite de la discussion suite au dépôt d’un projet de résolution par la Fédération de Russie

Le représentant du Royaume-Uni a considéré que la Première Commission devait respecter le Règlement intérieur.  Le projet de résolution est un nouveau texte soumis bien après la date butoir, a-t-il expliqué.  S’il a bien noté que c’était un sujet urgent compte tenu de la situation internationale, il a estimé qu’il y avait un endroit pour cela: le Conseil de sécurité.

Le délégué de la République islamique d’Iran a estimé qu’il fallait prendre en compte d’autres faits.  Le 24 octobre, a-t-il rappelé, la Président de la Commission a posé une question similaire concernant un projet de résolution présenté hors délai par le Cameroun.  Il avait alors fourni deux raisons pour expliquer ce retard: l’importance du projet de résolution et le caractère extraordinaire de sa mise en œuvre.  Le délégué iranien a estimé que les mêmes raisons pouvaient être invoquées pour la proposition russe.  Sans vouloir entrer dans des explications de fond, il a considéré que les deux explications données dans le cas du Cameroun s’appliquent cette fois encore.  Il a rappelé que la République islamique d’Iran n’avait pas cherché à politiser la proposition camerounaise et ne l’avait pas bloquée en invoquant le Règlement intérieur: « Nous vous avons écoutés et nous avons accepté la proposition du Cameroun. »  Même si la proposition russe concerne une question bilatérale, a-t-il conclu, elle concerne la sécurité du monde, et donc elle est de notre ressort.

Le représentant de la Chine a estimé que le Règlement intérieur devrait être respecté, mais en même temps qu’il faudrait un espace pour en discuter.

Le représentant des États-Unis a rappelé que, pour la résolution du Cameroun, arrivée après le 18 octobre, une exception avait été faite car elle portait sur un point à l’ordre du jour.  Mais la tentative de la Russie de présenter une résolution très politique est différente, à son avis.  Aussi a-t-il souhaité qu’on s’en tienne au Règlement intérieur, « sinon la Commission ne pourra fonctionner ».  Il n’y a donc pas lieu de comparer avec la résolution camerounaise qui portait sur un point de l’ordre du jour de la Commission, a-t-il répété.

Le représentant de la République arabe syrienne a reconnu l’importance du Règlement intérieur mais a appelé à éviter la pratique « deux poids, deux mesures » dans les travaux.  Inscrire la résolution au programme ne constitue pas selon lui un précédent.  Il a dit « ne pas comprendre » les objections du Royaume-Uni et des États-Unis.  Le document CRP1 a déjà été amendé et personne ne s’y est opposé, a-t-il rappelé.  Le délégué a fait valoir que le désarmement nucléaire est fondamental et que cette question est cruciale.  « Puisque nous avons déjà amendé le document, nous pensons que nous pouvons examiner cette question. » 

Le document CRP1 « n’a pas été amendé, ni révisé », car la date butoir n’a pas été modifiée, a précisé à ce stade le Président de la Première Commission.

Selon le délégué de la France, il faut respecter le Règlement qu’on a tous accepté, or le délai de présentation des projets est depuis longtemps dépassé.  Il a, par ailleurs, estimé que la situation n’est en aucun cas comparable avec l’exemple du Cameroun puisque là le problème était technique; le sujet sur lequel il présentait un projet était inscrit à l’ordre du jour.  Il a conclu en estimant que le respect du droit est la meilleure façon de construire la confiance.

Sur la question du Cameroun, le délégué de la République islamique d’Iran a réitéré qu’une décision avait été prise sur la foi d’arguments que le Président avait présentés, faisant référence à des circonstances exceptionnelles.  Selon lui, nous sommes aussi, aujourd’hui, dans des circonstances exceptionnelles.  À ce titre, il a trouvé que ses collègues français et américains avaient choisi, cette fois, d’adopter « une position très dure ».  Pour lui, c’est un « positionnement politique ».  Il a rappelé que le mandat de la Première Commission est d’étudier les questions de désarmement.  « On nous dit que cette question n’est pas à l’ordre du jour, a-t-il conclu, mais si on avait suivi cette approche, la nouvelle proposition des États-Unis sur la cybersécurité n’aurait pas dû être acceptée ».

Le représentant de la Fédération de Russie a tenu à préciser plusieurs choses à propos du Règlement.  Citant plusieurs articles de ce texte, il a estimé que la question de la date butoir pour la présentation des projets de résolution est certes essentielle, mais pas la plus importante du programme de travail de la Commission.  « La Commission peut décider de la changer au besoin, a-t-il assuré. C’est pour cette raison que nous considérons qu’il n’y a rien dans le Règlement qui nous empêche de présenter ce projet de résolution pour qu’il soit examiné. »

Par ailleurs, a-t-il assuré, la Russie demandera que cette question soit examinée par le Conseil de sécurité lorsque les États-Unis se seront effectivement retirés du Traité.  Estimant qu’il reste encore du temps pour essayer de prévenir cette décision dommageable pour la paix et la sécurité internationales, il considère que le sujet relève aussi de la Première Commission.

Enfin, il a argué qu’il y a au minimum deux points de l’ordre du jour au titre desquels son projet peut être présenté: les points 101b (désarmement nucléaire) et 101t (missiles).  « De ce fait, nous ne voyons pas de raisons formelles de ne pas étudier notre proposition », a-t-il insisté.  « Notre proposition est simple, a répété le délégué: nous demandons au Président et au Secrétariat d’accepter la proposition de la Russie sans discrimination, car nous considérons que les circonstances ne sont pas moins importantes que celles qui ont permis d’accepter le projet de résolution du Cameroun ».

Le Président de la Première Commission a rappelé que la date butoir avait été adoptée lors les travaux préparatoires de la Commission.

Le représentant de l’Australie a expliqué la différence entre la résolution du Cameroun et celle de la Russie: celle du Cameroun était attendue.  Il n’est pas raisonnable d’examiner le texte de la Russie ici, « après quelques jours à peine », pour décider si oui ou non les délégations veulent se prononcer sur ce texte, a-t-il tranché.  Les délégations doivent pouvoir consulter leur capitale; or elles n’ont pas eu le temps de le faire.

Pour la délégation de la Finlande, la question ne relève que de la procédure et il n’y a aucune considération politique: il s’agit de la date butoir que nous avions adoptée pour le dépôt de résolutions; or la Russie a déposé son projet près d’une semaine plus tard.  Pour la Finlande, il est donc clair que ce projet ne doit pas être examiné par cette Commission.

La délégation d’Israël a considéré, pour sa part, qu’il s’agit d’une question bilatérale entre la Russie et les États-Unis; par conséquent la Commission n’est pas le forum adéquat pour l’examiner.

La Fédération de Russie a répondu à Israël: « oui il s’agit d’un traité bilatéral; cependant ce n’est pas la question posée ».  Les États-Unis ont évoqué l’idée de se retirer du Traité FNI, décision qui pourrait avoir des répercussions très négatives sur le système de désarmement et de non-prolifération, a-t-il argué.  Il a donc insisté sur la tenue d’un vote sur son projet de texte.

Procédure de vote

À l’issue de ces discussions, un vote a été organisé pour trancher la question et la Commission a décidé qu’elle n’était pas saisie du projet de résolution russe sur Traité le FNI, par 55 votes contre, 31 pour et 54 abstentions.

Le délégué de la Fédération de Russie a dit sa surprise et sa tristesse face au vote d’aujourd’hui.  Il a estimé que la majorité des pays qui se sont abstenus sont des défenseurs du désarmement nucléaire et qu’une partie significative des pays qui ont voté contre sont des partisans du maintien du traité.  Disant ne pas comprendre leur position, il a expliqué que la Russie avait essayé d’envoyer un message fort au cercle politique des États-Unis concernant les dangers auxquels nous expose la trajectoire américaine.  Il espérait que cette initiative serait soutenue par toutes les forces raisonnables qui se trouvent dans cette enceinte, mais il a constaté qu’il avait tort.

« D’ici à un an, si les États-Unis se retirent du traité et commencent à développer sans contrôle leur potentiel nucléaire, nous serons confrontés à une réalité toute autre », a prévenu le délégué russe.  « Et ces questions de procédures nous paraîtrons alors bien insignifiantes. »  Faisant appel à leur qualité de diplomate, il a rappelé à ses confrères que leur mission est de réagir rapidement à ce qui se produit dans le monde et d’éviter autant que possible une dégradation de la situation.  Il a cependant assuré que la Russie allait continuer de travailler aux côtés des États qui partagent son point de vue pour convaincre les États-Unis d’adopter une approche constructive dans le cadre du traité et de ne pas renforcer son potentiel nucléaire comme cela a été déclaré par le Président Trump.  Il a pointé finalement la responsabilité des États qui ont aujourd’hui « manqué de courage avec leur décision ».

Explications de vote

Le représentant de l’Argentine a expliqué pourquoi son pays avait voté non.  Soulignant que ce traité avait été signé entre les États-Unis et la Fédération de Russie, il a estimé que c’est à ces deux pays de trouver une solution.  Il a également fait valoir que le projet de résolution avait été présenté hors délai.

Le délégué du Bélarus s’est demandé « comment pouvons-nous accepter un projet de résolution dans un cas et prendre une autre décision dans un cas similaire? »  Il s’est dit très déçu pas le résultat du vote, car ce traité a des répercussions sur la sécurité internationale.  « Ceux qui disent que c’est un traité bilatéral et que seuls deux pays sont concernés ont tort », a-t-il conclu.

Le représentant de la Finlande a rappelé que son vote portait sur la procédure et le Règlement intérieur.  Il s’est donc dit satisfait que les règles aient été respectées.  « Notre position sur le Traité FNI a été clairement exprimée dans notre déclaration nationale », a-t-il rappelé.

Le représentant des États-Unis s’est dit « déçu » de voir la Russie utiliser des « mots inappropriés »; « c’est une façon d’intimider les autres nations et c’est désolant ».  « Au cours des cinq dernières années et demi, nous avons essayé de dialoguer avec la Russie sur les violations du Traité FNI », a-t-il assuré, en constatant que celle-ci affirme ne pas avoir réalisé d’essai de missiles de portée intermédiaire et que, récemment, elle a reconnu des essais mais affirmé qu’ils n’étaient pas effectués en violation du Traité FNI.  Cela fait cinq ans et demi que les États-Unis essaient de régler le problème, a insisté le représentant, qui a espéré que la Russie détruira ses missiles.

Le représentant d’El Salvador a expliqué qu’il ne s’agissait pas de courage ou de faiblesse, mais juste de traiter la proposition faite, sans que cela préjuge de sa position sur le désarmement nucléaire.

La République islamique d’Iran a demandé au représentant des États-Unis de prêcher par l’exemple: il y a quelques jours, il avait utilisé le mot « blague » à propos d’un collègue, a-t-il rappelé.

La Fédération de Russie a réagi aux rires qui ont accueilli sa déclaration: il n’y a rien de drôle et je n’ai pas utilisé de gros mots ».  Les États-Unis évoquent des violations depuis cinq ans, a-t-il relevé. « Oui, la Russie se prépare à la guerre, elle est prête à faire la guerre, mais les États-Unis sont eux prêts à « une guerre » en renforçant leur arsenal », a-t-il argué.

Déclarations sur les armes conventionnelles

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a jugé insoutenable que les pays producteurs et exportateurs d’armes privilégient leurs intérêts économiques et protègent ceux de leurs industries quand on sait que les armes conventionnelles sont responsables de la majorité des morts dans le monde et entretiennent les conflits.  « Le commerce irresponsable génère la prolifération des armes et il est plus qu’urgent d’empêcher qu’elles ne tombent dans les mains de la criminalité transnationale organisée et des terroristes. »  Le représentant a donc appelé à la coopération et à l’engagement de tous les pays pour combattre ce problème et demandé que l’attention soit focalisée sur la protection des victimes, la recherche des responsabilités et la reddition de comptes dans cette prolifération.

Certaines armes ne doivent pas être utilisées, a-t-il ajouté, en citant les armes à sous-munitions, en vertu du principe de discrimination des victimes.  Le délégué a appelé à créer un instrument international qui permette de protéger les civils dans les villes, en invitant à discuter des limites du recours à la force.  Enfin, il a appelé à se montrer attentifs aux progrès technologiques qui peuvent créer des asymétries en renforçant les capacités de certains États.  Il faut également, a-t-il ajouté, discuter d’un instrument juridiquement contraignant pour interdire les systèmes autonomes qui régissent les drones armés.

M. TONG HAI LIM (Singapour) a appuyé les efforts menés pour lutter contre le commerce illicite des armes.  Il a rappelé que son pays avait participé activement à la troisième Conférence d’examen du Programme d’action sur les armes légères et contribuait aux efforts internationaux en la matière.  Singapour a d’ailleurs signé le Traité sur le commerce des armes en septembre 2014.  En outre, le pays soutient les initiatives sur l’usage sans discernement des mines antipersonnel qui ont des conséquences humanitaires néfastes.  Singapour s’est dit également convaincu de l’importance de la transparence en termes de transfert d’armes.  Le délégué a insisté pour que les États respectent leurs obligations quant au commerce illicite des armes et leur usage sans discernement, tout en leur reconnaissant le droit d’acquérir des armes au nom de leur légitime défense. 

Mme NIDHI TIWARI (Inde) a partagé les inquiétudes relatives aux transferts d’armes classiques, y compris les armes légères et de petit calibre (ALPC), vers des terroristes ou d’autres acteurs non-étatiques, « un problème qui de nos jours représente une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales ainsi qu’un obstacle à la réalisation des objectifs de développement durable ».  Fermement attachée à la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), l’Inde estime qu’il faut la rendre universelle; elle compte à ce jour 125 États parties.  Dans cet esprit, l’Inde soutient le plan d’action pour son universalisation ainsi que son programme de sponsoring auxquels elle a régulièrement contribué financièrement ces dernières années.  À cet égard, la représentante s’est dite préoccupée par la situation financière actuelle de la CCAC.  Elle a lancé un appel à tous les États pour qu’ils s’acquittent de leurs contributions dans les temps, saluant au passage les efforts de son Président pour améliorer la prévisibilité et la viabilité des finances de la Convention.

En décembre 2017, l’Inde a accueilli une conférence internationale sur la CCAC, en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui s’est tenue à Delhi, « la première de ce genre en Asie en 10 ans ».  Son objectif était de mieux comprendre la portée et le contenu de cette convention pour faciliter une adhésion plus forte, a expliqué la représentante.

Elle a également rappelé que sous la présidence de l’Inde, le Groupe d’experts gouvernementaux (GEG) sur le système d’armes létales autonomes a pu adopter son rapport par consensus en 2018.  Pour l’Inde, l’examen de cette question dans le contexte de la CCAC renforce celle-ci et souligne sa capacité à répondre de manière significative aux technologies nouvelles en mutation applicables aux conflits armés du XXème siècle.  Sa délégation encourage la poursuite du travail du Groupe d’experts sur ce système « avec des moyens financiers adéquats et la participation de toutes les parties prenantes ».  Elle soutient également le registre des armes classiques des Nations Unies et son rapport sur les dépenses militaires, a indiqué la représentante, rappelant qu’elle y soumettait régulièrement ses rapports nationaux.  En conclusion, elle a indiqué que l’Inde avait des contrôles nationaux stricts sur les transferts d’armes classiques qui répondent aux plus hautes normes internationales.

Pour M. ANTÓNIO GUMENDE (Mozambique), le contrôle des armes classiques est un pilier fondamental de la réalisation du programme de désarmement ainsi que pour la paix et la sécurité internationales.  Ce principe est ancré dans la Constitution du Mozambique, a précisé le représentant.  Preuve de son engagement en faveur du désarmement complet et universel, le Mozambique applique, depuis 2001, le Programme d’action des Nations Unies sur la prévention, la lutte et l’élimination du commerce illicite des ALPC.  Dans ce contexte, le Gouvernement a adopté certains instruments juridiques et pris des mesures de maintien de l’ordre pour contrecarrer les effets de la prolifération des armes à feu, notamment celles aux mains de civils, a expliqué le représentant, citant la tenue de registres, le marquage et le traçage des armes ainsi que le contrôle de leurs exportations et importations, voire même des embargos et des pénalités.  Des campagnes de sensibilisation accompagnent ces mesures gouvernementales en vue de promouvoir le débat public avec toutes les parties prenantes, a précisé le représentant.

Sa délégation est consciente qu’en agissant seule, et uniquement sur le plan national, « nos efforts seront dilués et voués à l’échec », car dans le monde interconnecté actuel, la responsabilité de la lutte contre le commerce illicite des ALPC exige des actions et des partenariats entre États, organisations régionales et internationales ainsi qu’avec d’autres parties prenantes pertinentes.  C’est dans cet esprit que le Mozambique fait désormais partie de l’Organisation de coopération régionale des chefs de police de l’Afrique australe (OCCPA) ainsi que d’INTERPOL.  Le représentant a également rappelé que depuis 2015, le Mozambique est débarrassé des mines antipersonnel et qu’il poursuit activement l’application de la Convention sur les armes à sous-munitions.  Il a également signé le Traité sur le commerce des armes.

Mme LILIANE SÁNCHEZ RODRÍGUEZ (Cuba) s’est scandalisée de l’ampleur des dépenses en armement.  Elle a chiffré à 1,7 milliard de dollars les investissements de cette année, alors que, dans le même temps, a-t-elle souligné, plus de trois milliards de personnes vivent dans la pauvreté et 844 millions n’ont même pas accès à des services de base comme l’eau potable.  Elle a estimé que les États surarmés approfondissent le déséquilibre en produisant et en stockant ces armes. 

Par ailleurs, a-t-elle accusé, certains continuent à vendre ces armes à des acteurs non étatiques, alors que dans le même temps ils en refusent à des pays qui en ont besoin pour leur autodéfense.  « C’est un deux poids, deux mesures », a-t-elle insisté.  À ce titre, elle a expliqué que son pays ne peut pas appuyer des accords visant à interdire des armes dont les technologies peuvent être à double emploi et qui imposeraient des sélections discriminatoires pour des États qui en ont besoin à des fins pacifiques.  Pour elle, le Traité sur le commerce des armes établit des paramètres subjectifs pour accepter ou nier le transfert d’armes aux États Membres.

Pour éliminer le trafic illicite, a-t-elle poursuivi, il faut s’attaquer aux causes profondes qui sont socioéconomiques.  Considérant que le Programme d’action sur les armes légères est le principal texte de référence, Cuba continuera de l’appuyer, de même que les documents finaux de la Conférence d’examen.  Sur la Convention sur l’interdiction des armes classiques, la déléguée a souhaité un protocole qui interdise tout système d’armes létales autonomes avant que celles-ci soient produites à grande échelle.  À ses yeux, ces armes sont incompatibles avec le droit international humanitaire.

M. VICTOR MORARU (République de Moldova) a estimé que les États Membres ont l’obligation de faire plus pour réduire la disponibilité non réglementée des armes conventionnelles et des ALPC, en zone de conflits ou de conflits potentiels, en assurant un strict contrôle et la destruction des armes en surplus.  Selon le résultat de la troisième Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC, la production illicite, et le transfert illégal des armes conventionnelles dans les « zones grises », où les gouvernements n’exercent pas de contrôle complet sur une partie du territoire, est une source de préoccupation pour de nombreux gouvernements, « y compris le mien », a-t-il indiqué.

« Ce phénomène se retrouve dans la partie est de la République de Moldova, qui est partiellement contrôlée par une entité militarisée non constitutionnelle », a-t-il déclaré.  II a affirmé que de grandes quantités d’armes conventionnelles, appartenant à un Groupe opérationnel des forces russes, stationnent là, contrairement au droit.  Bien que situées sur le territoire de la Moldova, les armes conventionnelles russes ne sont pas sous « sa juridiction ou son contrôle ».  En raison d’un manque complet de transparence de la part de la Russie, ni le Gouvernement moldave, ni la Mission de l’OSCE, qui a une mission en Moldova et un mandat adéquat, ne peuvent vérifier les stocks d’armes, s’est plaint le délégué.  Cette situation, a-t-il expliqué, représente le principal obstacle qui empêche le Gouvernement moldave d’appliquer sur son territoire les dispositions des instruments multilatéraux, auxquels la Moldova est partie.  Il a donc dit espérer le retrait des forces militaires russes et de leur armement du territoire de Moldova, en accord avec le Document d’Istanbul de 1999.

Mme SANDRA DE JONGH (Pays-Bas) a salué les efforts du Secrétaire général des Nations Unies pour lier les questions de désarmement et développement durable.  Elle a relevé que le désarmement est d’abord un programme humanitaire face à l’augmentation du nombre de victimes et les menaces que font peser les armes explosives, notamment quand elles tombent entre les mains des terroristes.  Elle a également cité le problème de l’usage de mines antipersonnel en zone urbaine et de l’utilisation des armes à sous munitions.  L’utilisation des armes classiques est réglementée par le droit humanitaire, a rappelé la déléguée, en appelant à respecter ce droit essentiel.  De même pour les systèmes d’armes létales autonomes qui sont porteurs de risques, des risques qu’il faut mieux comprendre et mieux évaluer, selon elle.  Les avancées technologiques rapides et les drones exigent une meilleure compréhension des risques à venir, a-t-elle insisté.

Déclarations sur les autres mesures de désarmement et de sécurité internationale

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie), parlant au nom du Mouvement des pays non alignés, a noté les opportunités qu’offrent les technologies de l’information et des communications (TIC) pour les États, notamment les moins développés, tout en soulignant leur potentiel de mettre en danger la paix et la sécurité.  À ce titre, a-t-elle dit, il faut absolument s’assurer que l’utilisation de ces technologies se fait dans le plein respect du droit.  Elle a rappelé le rôle central des Nations Unies dans les avancées des TIC et le besoin de poursuivre la discussion pour s’assurer de la transparence et de la participation inclusive de tous les États, incluant la possibilité de créer un groupe de travail à l’Assemblée générale.

La représentante a ensuite insisté sur l’importance du respect des normes environnementales dans la mise en œuvre des accords sur la limitation des armes.  Tous les États, par le biais de leur action, devraient contribuer au respect de ces normes, a-t-elle insisté.  Elle a assuré que le Mouvement des pays non alignés allait proposer des projets de résolution en ce sens.

M. ANDREI KRUTSKIKH (Fédération de Russie) a estimé que la situation empirait chaque jour, car un certain nombre de pays renforcent leur « cyberpotentiel », ce qui devrait leur permettre de réaliser la première attaque cybernétique.  Or, les membres de la communauté internationale, se rendant compte qu’ils sont vulnérables, dépensent beaucoup dans leur défense au lieu d’investir dans le développement, a-t-il remarqué.  Face à ces menaces, on a vu, après la réunion du groupe sur la sécurité de l’information, en 2017, que l’ONU ne dispose pas de mécanisme pour traiter de cette question, alors que l’Organisation devrait jouer un rôle de chef de file dans le domaine.

À l’heure actuelle, l’équilibre dans le traitement de cette question est décidé par les plus forts, a relevé le représentant.  Il a estimé qu’il faudrait une implication directe de tous les États intéressés, quel que soit leur niveau de développement technologique.  À cette fin, la Russie a déposé un projet de résolution qui plaide pour un monde plus juste dans la sphère numérique et appelle à la création d’un groupe de travail de l’ONU à composition non limitée pour examiner trois sujets: le comportement des États; l’applicabilité du droit international; la coopération et le renforcement des capacités des pays en développement.  Ce groupe garantirait la participation de tous les États intéressés, a précisé le délégué.  Il a rappelé que sans règle, il est impossible d’assurer l’ordre dans la sphère cybernétique.  Aussi faut-il faire tout ce qui est possible pour réduire les menaces, tout en respectant le principe de non-ingérence, et pour prévenir l’élargissement du fossé numérique.  Enfin, le représentant russe a jugé essentiel de dénoncer les États qui se livrent à ces activités. 

M. BURHAN GAFOOR (Singapour), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a assuré que les pays de l’ASEAN partageaient une vision commune d’un cyberespace pacifique, surtout au vu des avancées rapides dans le domaine des sciences et des technologies.  Les menaces évoluent dans le cadre d’une économie mondialisée, a-t-il affirmé, mais aucun État n’a à lui seul les solutions pour y faire face.  Selon lui, il faut donc passer par des coopérations régionales et internationales pour répondre à ces menaces.  Il a assuré que les responsables de l’ASEAN ont réaffirmé leur volonté de coopérer pour relever ces défis.  Dans le cadre du trente-deuxième Sommet de l’ASEAN, ils ont ainsi convenu du développement d’un mécanisme de cybersécurité.  Il a expliqué que les discussions avaient été guidées par le rapport d’experts gouvernementaux sur les TIC remis aux Nations Unies en 2015.

À cet égard, le délégué a rappelé le rôle clef joué par l’ONU sur ces questions.  Appuyant l’agenda présenté par le Secrétaire Général, il s’est dit ravi de voir que le plan d’action pour le partenariat entre l’ASEAN et l’ONU mettait également en lumière cette nécessaire coopération en matière de cybersécurité.  Baser le cyberespace sur des règles économiques est une condition du développement économique, a-t-il insisté.

D’un point de vue national, il a rappelé que la cybersécurité a été un point clef de la présidence singapourienne de l’ASEAN.  Selon lui, il est important pour tous les États d’être équipés des capacités suffisantes pour sécuriser leurs infrastructures.  Pour renforcer le développement des capacités stratégiques et de recherches de l’ASEAN, Singapour établira, en 2019, le centre d’excellence de cybersécurité de l’ASEAN.  Singapour, a-t-il ajouté, a aussi travaillé en étroite collaboration avec la Conférence du désarmement.  « Nous avons participé à des consultations officielles et prenons note des résolution présentées. »  En revanche il s’est dit déçu qu’il n’y ait pas eu de convergence sur cette question unique et essentielle de la cybersécurité.  « S’il n’y a pas de consensus sur cette question, comment allons-nous faire sur des questions encore plus complexes? »

M. WALTON ALFONSO WEBSON (Antigua-et-Barbuda) au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a souligné que la résolution du Conseil de sécurité 1325 (2000) et les résolutions de suivi ont réaffirmé importance du rôle des femmes dans la prévention et le règlement des conflits, négociations et maintien de la paix de la paix et dans l’assistance humanitaire et la reconstruction; ces résolutions soulignent l’importance d’une participation équitable des femmes aux efforts de maintien de la paix de la paix et de sécurité.  La CARICOM va donc présenter un projet de résolution sur cette perspective du genre dans le désarmement. 

La CARICOM, a poursuivi le représentant, soutient par ailleurs le Programme d’action sur les armes légères des Nations Unies, premier instrument international sur le contrôle de ces armes et sur le rôle des femmes dans ce cadre.  Si la CARICOM n’est pas touchée par les conflits armés, elle l’est par la violence liée aux ALPC qui causent environ 70% des homicides dans la région.  Cela détourne des ressources importantes des objectifs de développement dans une région déjà frappée par les catastrophes naturelles, a fait remarquer le délégué.  Selon l’OMS, les communautés qui subissent la violence sont également exposées à la malnutrition et aux maladies transmissibles. 

M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN (Égypte), s’exprimant au nom du Groupe des États arabes, a appelé tous les États à renouveler leur engagement dans la coopération multilatérale dans le domaine du désarmement.  Le Groupe est préoccupé par l’augmentation des ressources militaires; il estime que cet argent pourrait être utilisé pour résoudre la paix dans le monde.  L’augmentation des dépenses militaires a des répercussions sur les objectifs de développement durable, a-t-il ajouté.  Comme les armes de destruction massive et la modernisation des armes nucléaires sont une menace à la sécurité mondiale, il a recommandé que les plateformes mondiales de désarmement tiennent compte des normes environnementales.

La délégation s’est, par ailleurs, dite très préoccupée par l’usage des TIC à des fins de destruction. Selon le délégué, les Nations Unies doivent continuer à établir et renforcer les règles et les normes en la matière.  Enfin, le Groupe a appelé à des progrès concrets pour faire face à l’usage accru d’armes létales autonomes.  Il a considéré que ces armes entraînent un problème de responsabilité humaine quant à l’usage légitime de ces armes.

M JOHN DAVISON (Canada), qui parlait également au nom de l’Australie, Chili, Estonie, Japon, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, République de Corée et Royaume-Uni, a dénoncé des actes malveillants dans le cyberespace dus à des États qui, directement ou par le biais d’acteurs non étatiques, s’adonnent à des activités ciblant des infrastructures, des systèmes essentiels et des processus démocratiques et sapent ce faisant l’ordre international.  Ces actes mettent en péril les bénéfices du cyberespace; les États qui les commettent le font au mépris des normes car le cyberespace n’est pas sans régime juridique ni gouvernance.  Le droit international s’y applique comme ailleurs et les États ont des devoirs en ligne comme hors ligne.  C’est un processus qui a été validé par l’ONU en 2015, dans le contexte de la sécurité internationale, a ajouté le représentant.

Des mesures de renforcement de la confiance ont été élaborées par des organisations régionales et il convient de faire front sur ce qui a été accompli, a poursuivi le délégué, qui a appelé à poursuivre ces efforts au sein des Nations Unies et ailleurs, notamment au sein des Groupes d’experts gouvernementaux, pour favoriser le consensus.  « Il est essentiel que le processus GEG parvienne à la transparence et la confiance pour aboutir à un document dans un délai raisonnable, en mettant l’accent sur les questions les plus épineuses. »  Chacun, a ajouté le délégué, doit jouer son rôle pour lutter contre les menaces à la paix et la sécurité dans le cyberespace.  Il a estimé que la création par consensus d’un Groupes d’experts gouvernementaux sur la cybersécurité en Première Commission donnerait du temps aux États et aux partenaires et serait une première contribution importante pour contrer ces menaces.

Mme NARCISA-DACIANA VlĂDULESCU, déléguée de l'Union européenne, a dénoncé les menaces malveillantes sur Internet, à commencer par la tentative de la Fédération de Russie de saper l’intégrité de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) par une cyberopération agressive.  Réaffirmant son attachement au système du droit international, il a appelé au renforcement de la cybersécurité pour défendre l’intégrité des institutions, y compris par le biais des Nations Unies.

L’UE a fait la promotion d’un cadre stratégique pour la promotion de la sécurité dans le cyberespace basé sur le droit international existant.  Reconnaissant l’importance des Nations Unies dans l’établissement des normes de comportement sur Internet, le délégué a rappelé que les différents groupes d’experts gouvernementaux mandatés sur cette question avaient permis d’obtenir des consensus sur des mesures contribuant à la stabilité et à la sécurité du cyberespace: des règles de comportement responsable des États, le renforcement de la confiance, le respect du droit international…

L’Union européenne a également rappelé que les rapports du Groupe d’experts gouvernementaux de 2013 et 2015 contenaient des recommandations essentielles à mettre en œuvre. Il a cité 11 principes volontaires et non juridiquement contraignants dans lesquels le Groupe souligne que les États doivent respecter des comportements responsables et les droits fondamentaux.  À cet égard, le délégué européen a rappelé que les principes internationaux s’appliquent à l’usage des TIC par les États.  Pour bâtir la confiance et renforcer la coopération, la délégation a encore reconnu le besoin de renforcer les capacités des services d’enquêtes en cas de cybercrimes. Reconnaissant la nature complexe et interconnectée du réseau, le délégué a appelé tous les membres des gouvernements, de la société civile et du secteur privé à appuyer un cyberespace libre, ouvert et pacifique.

Saluant toutes les réussites des anciens Groupes d’experts gouvernementaux, il a souhaité qu’un nouveau groupe soit convoqué en 2019. Pour garantir son efficacité et son dynamisme, il a d’ailleurs jugé que son mandat devait être ciblé et orienté. Rappelant que tous les États membres de l’Union européenne se porteront coauteurs du projet de résolution L.37 qui rencontre d’ordinaire le consensus, il a regretté que la Russie, sponsor traditionnel de cette résolution, ait choisi, cette année, de suivre une trajectoire différente. Le délégué estime que son attitude mine les recommandations consensuelles des précédents Groupe d’experts gouvernementaux.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

L’Assemblée générale appelle à l’élaboration d’« espace 2030 », projet de coopération visant à faire des activités spatiales un moteur du développement durable

Soixante-treizième session,
26e séance plénière – matin
AG/12083

L’Assemblée générale appelle à l’élaboration d’« espace 2030 », projet de coopération visant à faire des activités spatiales un moteur du développement durable

L’Assemblée générale a adopté aujourd’hui sans vote, une résolution sur le « Cinquantenaire de la première Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50) » dans laquelle elle invite le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique à continuer d’élaborer « Espace 2030 », projet de coopération internationale visant à faire des activités et applications spatiales, un des moteurs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Les manifestations organisées, pendant trois ans, autour d’« UNISPACE+50 », ont été l’occasion de débattre des nouvelles orientations de la gouvernance mondiale des activités dans l’espace et du renforcement des capacités de tous les États pour les hisser à la hauteur des nouvelles réalités, des défis et des opportunités offertes par le champ spatial, a estimé la Présidente du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, Mme Rosa María Ramírez de Arellano y Haro, du Mexique, qui présentait la résolution. 

Dans ce texte, l’Assemblée générale note avec satisfaction qu’à l’issue des préparatifs d’UNISPACE+50 et du débat de haut niveau organisé à cette occasion sont parus des documents décrivant un projet global, inclusif et stratégique de renforcement de la coopération internationale, dans lesquels l’espace est considéré comme un moteur essentiel de la réalisation des objectifs de développement durable au profit de tous les pays.  Sur la base des résultats de ces préparatifs, le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique doit, selon l’Assemblée générale, continuer d’élaborer le programme « Espace 2030 » et son plan de mise en œuvre.  La réalisation du programme, souligne l’Assemblée, nécessitera un partenariat mondial et une coopération renforcée entre les États Membres, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, l’industrie et les entités du secteur privé.

Les États-Unis se sont dissociés des références au Programme de développement durable à l’horizon 2030, au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015–2030) et à l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Le Programme 2030, ont-ils martelé, n’a pas de caractère contraignant et n’implique ni nouvel engagement financier ni nouvelle obligation commerciale.  Les États-Unis ont réitéré leurs réserves au Cadre de Sendai et rappelé leur intention de se retirer de l’Accord de Paris, à moins qu’il ne soit amendé.

Les États-Unis ont expliqué qu’alors qu’ils avaient lancé leur programme spatial au pic de la guerre froide et dans la crainte d’une « course dans l’espace » entre superpuissances, ils le voient désormais comme un instrument de développement humain et de coopération internationale.  Ils se sont tout particulièrement félicités de ce qu’« UNISPACE+50 » ait reconnu le rôle croissant du secteur privé dans l’exploration et les applications spatiales, et ont dit attendre du processus « Espace 2030 », un document « visionnaire » qui tiendrait compte de la trajectoire des États vers la Lune, Mars et les autres organes célestes et de la manière dont ils y incorporent des arrangements commerciaux nouveaux et novateurs.  L’annonce faite par les États-Unis de créer une nouvelle force militaire dans l’espace, a commenté l’Iran, suscite des inquiétudes car cette politique rend encore plus probable une course aux armements voire un conflit dans l’espace. 

Dans le préambule de sa résolution, l’Assemblée générale se dit d’ailleurs « vivement préoccupée » par la possibilité d’une course aux armements dans l’espace et considère que tous les États Membres, notamment ceux qui sont particulièrement avancés dans le domaine spatial, doivent s’employer activement à empêcher cette course en vue de promouvoir et de renforcer la coopération internationale.  L’Iran a fermement appuyé la négociation d’un instrument juridiquement contraignant pour prévenir les menaces.  « UNISPACE+50 », a espéré la Fédération de Russie, va donner l’occasion d’approfondir le dialogue.  Elle a rappelé qu’elle a lancé une initiative similaire, en septembre dernier, avec la réunion sur le droit spatial.

L’Assemblée générale reprendra ses travaux le lundi 29 octobre à partir de 10 heures pour examiner le rapport de la Cour pénale internationale (CPI).

L’ESPACE COMME MOTEUR DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Déclaration liminaire

Mme ROSA MARĺA RAMĺREZ DE ARELLANO Y HARO (Mexique), Présidente du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, a présenté le projet de résolution intitulé « Cinquantenaire de la première Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique: l’espace comme moteur de développement durable » (A/73/L.6).  Elle a rappelé qu’en juin dernier, son Comité a célébré le cinquantenaire, entre autres, dans le cadre d’un segment de haut niveau qui a connu la participation de plus de 93 États, plusieurs entités de l’ONU, des organisations intergouvernementales et des ONG gouvernementales.  La cérémonie d’anniversaire « UNISPACE+50 » a été l’occasion de débats sur les nouvelles orientations de la gouvernance mondiale des activités dans l’espace et sur le renforcement des capacités de tous les États, de la Première Commission de l’Assemblée générale et du Bureau des affaires spatiales des Nations Unies pour les hisser à la hauteur des nouvelles réalités, des défis et des opportunités offertes par le champ spatial.  Les instruments internationaux sur l’espace sont fondamentaux pour atteindre les 17 objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  La communauté spatiale doit y travailler collectivement, dans l’intérêt de tous, en particulier des pays en développement. 

Le projet de résolution présenté aujourd’hui, a expliqué la Présidente, a été approuvé à l’issue d’« UNISPACE+50 ».  Elle a encouragé l’adoption de l’agenda « Espace 2030 » qui sera crucial pour la réalisation du Programme de développement durable.  À travers les piliers économie, société et accessibilité spatiales, sans oublier la diplomatie spatiale, nous nous embarquons, s’est réjouie la Présidente, dans le processus du Comité, une plateforme unique de discussions sur les questions liées à toutes les activités spatiales, pour adopter un agenda global de sensibilisation à l’importance de l’espace, relever les défis de l’humanité et faire avancer les sociétés. 

Déclarations

M. ENRIQUE JOSÉ MARĺA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a dit que son pays milite contre une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Il a demandé à la communauté internationale de poursuivre les efforts en faveur d’un régime juridique international régissant les activités spatiales.  Il a rappelé que son pays vient de présenter sa candidature au Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique et plaide pour une gestion de l’espace qui contribue réellement à la réalisation des objectifs de développement durable.  Le Paraguay souhaite en outre, a poursuivi le représentant, que tous les pays puissent participer aux activités spatiales, quel que soit leur niveau de développement technologique.  Il faut donc soutenir les initiatives des pays en développement, par une coopération internationale revigorée.  Le Paraguay, s’est enorgueilli le représentant, a créé son Agence spatiale, l’année dernière, dans laquelle travaillent des acteurs du secteur public et du secteur privé qui collaborent avec les agences de pays comme l’Argentine et le Mexique.  Le représentant a conclu en plaidant pour qu’un niveau de ressources adéquat soit garanti au Bureau des affaires spatiales des Nations Unies. 

Profondément convaincus de l’importance de l’espace pour la réalisation des objectifs de développement durable, Mme AHOOD ABDULLA AL ZAABI (Émirats arabes unis) a souligné que son pays a dûment participé à « UNISPACE+50 », comme en témoignent les trois réunions préparatoires régionales qu’il a organisées en 2016 et 2017 sur le thème « L’espace comme catalyseur d’un développement socioéconomique durable ».  Ces réunions ont abouti à la Déclaration de Doubaï qui comprend une série de recommandations.  Comme les Émirats arabes unies s’efforcent de jeter les bases de leur secteur spatial, la représentante a décrit les activités de « KALIFA SAT », un projet d’exploration de l’espace extra-atmosphérique.  Elle n’a pas oublié de mentionner que la jeune émirienne, Alyia Mansouri, a travaillé sur le Projet « Falcon 9 » à la NASA.  Les Émirats seront aussi les premiers du monde arabo-musulman à travailler au Projet spatial « Amal » - espoir -. 

Mme OLGA MOZOLINA (Fédération de Russie) a parlé des divergences sur l’amélioration de la gouvernance mondiale des activités spatiales.  Pour éviter les contradictions, les réglementations nationales doivent s’adapter aux règles et normes internationales.  La Fédération de Russie a toujours soutenu les prérogatives du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique s’agissant de la gouvernance et de la sécurité spatiales.  « UNISPACE+50 » va donner l’occasion d’approfondir le dialogue, s’est-elle félicitée, tout en rappelant que son pays a lancé une initiative similaire, en septembre dernier, avec la réunion sur le droit spatial.  Pour lier les activités spatiales au Programme 2030, la Fédération de Russie a même mis en place une politique spécifique.  Le pays qui est un grand lanceur d’engins spatiaux, pour lui et pour des pays tiers, estime crucial que la communauté internationale améliore le système d’immatriculation de ces engins.

M. KENNETH HODGKINS (États-Unis) a souligné que son pays, qui avait lancé son programme spatial au pic de la Guerre froide et dans la crainte d’une « course dans l’espace » entre superpuissances, voit désormais ses activités spatiales comme un instrument de développement humain et de coopération internationale.  Le représentant s’est réjoui de ce que ces six dernières décennies, le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, dont le nombre des membres ne cesse d’augmenter, se soit affirmé comme le premier forum des Nations Unies pour l’exploration et l’utilisation pacifiques de l’espace.  Aujourd’hui « UNISPACE+50 » a reconnu le rôle croissant du secteur privé dans l’exploration et les applications spatiales, a souligné le représentant qui s’est réjoui, en particulier qu’« UNISPACE+50 » ait lancé le processus visant à développer « Espace 2030 », un agenda de deux ans qui orienterait les travaux du Comité 2030.  Le représentant s’est félicité des progrès enregistrés à la première réunion du Groupe de travail sur « Espace 2030 », il y a une dizaine de jours à Vienne.  Il a avoué que son pays espère un document « visionnaire » lequel jetterait les bases du travail futur du Comité et de ses Sous-Comités, en tenant compte de la direction que les États prennent vers la Lune, Mars et les autres organes célestes et de la manière dont ils y incorporent des arrangements commerciaux nouveaux et novateurs.

M. MOHAMMAD HOSSEIN GHANIEI (République islamique d’Iran) a relevé que la science et la technologie spatiales sont si indispensables à notre vie quotidienne que nous sommes autant dépendants d’elles que nous le sommes de l’air, des mers et des océans.  C’est pour cette raison que l’espace extra-atmosphérique est considéré comme l’héritage commun de l’humanité et une province commune.  Il doit donc être exploré et utilisé pour le bien des générations présentes et futures.  Cette exploration, a-t-il précisé, doit être équitable et ouverte à tous les pays.  « C’est un droit inaliénable de tous les États », a-t-il martelé, ajoutant que cela n’a rien à voir avec le niveau de développement économique et scientifique.  En tant que membre fondateur du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, l’Iran, a dit le représentant, souligne que le respect des principes régissant l’espace extra-atmosphérique est la seule approche pour y assurer une utilisation durable et équitable. 

Il s’est ainsi opposé aux revendications de souveraineté, aux discriminations dans la coopération et aux ingérences dans les activités des autres États.  Il a au contraire plaidé un transfert non discriminatoire de la science, du savoir-faire et de la technologie et rejetant d’emblée toute restriction aux activités spatiales des pays en développement.  Le représentant a estimé que l’exploitation de l’orbite géostationnaire doit être rationalisée et accessible équitablement et sans aucune discrimination.  Il a donc dénoncé le régime du « premier arrivé, premier servi » qui fait que les espaces orbitaux disponibles sont occupés par les pays développés, laissant peu de chance aux pays en développement de positionner leurs satellites et les privant de services utiles.  « C’est une injustice qui doit prendre fin », a-t-il assené.

Le représentant a aussi souligné que l’un des principes cardinaux du droit international est que l’espace extra-atmosphérique doit être utilisé à des fins « exclusivement pacifiques », et toute tentative de le militariser ou de l’armer mettrait sérieusement à mal ce principe.  L’annonce faite par les États-Unis de créer une nouvelle force militaire dans l’espace suscite donc des inquiétudes et pour l’Iran, la politique américaine rend encore plus probable la course aux armements voire un conflit dans l’espace.  Le représentant a fermement appuyé la négociation d’un instrument juridiquement contraignant sur la prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

Mme KIMBERLY CHAN (Canada) a souligné que le processus « UNISPACE+50 » n’est pas encore terminé puisque l’on attend encore « Espace 2030 ».  Mon pays, a-t-elle promis, continuera de promouvoir l’utilisation pacifique de l’espace pour que tout le monde puisse tirer de la science et des technologies spatiales les bénéfices socioéconomiques.  Le Canada compte sur des résultats concrets et quantifiables s’agissant des objectifs de développement durable.  Il sait qu’il faudra des donnés et des informations collectées à partir des équipements spatiaux car les données satellitaires peuvent par exemple donner lieu à des statistiques plus fiables.  Pour de nombreux objectifs de développement durable, a prévenu la représentante, la portée et la fréquence requises pour les données ne seraient tout simplement pas possibles, techniquement ou financièrement, sans les observations par satellite.  Mais intégrer les informations géospatiales dans la masse des autres données reste un des plus grands problèmes à résoudre, même pour le Canada qui travaille avec ses partenaires nationaux et internationaux, a reconnu le représentant.

Ces prochains mois, le pays compte lancer la troisième génération du programme RADARSAT qui jouera un rôle important dans le suivi des progrès enregistrés dans les objectifs de développement durable: surveiller les changements dans les terres du nord et les zones côtières, et voir comment ces régions répondent aux changements climatiques et utilisent leurs ressources accrues pour le développement.  Cet été, le Canada a aussi adopté la feuille de route de Charlevoix sur la santé des océans, prenant l’engagement de travailler avec les partenaires du G7 pour déployer des technologies d’observation et assurer une meilleure gestion intégrée des zones côtières.  Il est important de continuer à partager les expertises, a souligné le représentant.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Cinquième Commission: sixième demande consécutive de subvention budgétaire des tribunaux cambodgiens ou quand l’exception devient la règle

Soixante-treizième session,
9e séance – matin
AG/AB/4297

Cinquième Commission: sixième demande consécutive de subvention budgétaire des tribunaux cambodgiens ou quand l’exception devient la règle

Une pratique qui « n’a plus rien d’exceptionnel », s’impatiente le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) dans son rapport*.  Pour la sixième année consécutive, la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires était saisie, ce matin, d’une demande « exceptionnelle » de 9,7 millions de dollars pour financer, en 2019, la composante internationale des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens. 

Chargées du procès des Khmers rouges, les Chambres extraordinaires comprennent deux composantes, nationale et internationale, financées séparément.  Selon les termes de l’accord conclu entre l’ONU et le Cambodge en 2005, l’ONU se charge de mobiliser des contributions volontaires pour les dépenses de fonctionnement de la composante internationale, tandis que le Gouvernement cambodgien assume le financement de la composante nationale, y compris les traitements du personnel recruté sur le plan national et les dépenses opérationnelles.  Dans les faits, au cours des premières années de fonctionnement, la composante nationale était principalement financée par des contributions volontaires, à hauteur de 80%.  L’apport du Cambodge a toutefois considérablement augmenté au fil des ans, jusqu’à couvrir, depuis 2015, plus de 60% des dépenses. 

Parallèlement, les contributions volontaires des États à la composante internationale n’ont cessé de diminuer, au point de contraindre le Secrétaire général, chaque année depuis 2013, à demander l’autorisation « exceptionnelle » de ponctionner le budget ordinaire de l’ONU.  L’an dernier, l’Assemblée générale avait permis à M. António Guterres de débloquer une nouvelle fois 8 millions de dollars pour les tribunaux cambodgiens.  Cette année, le Secrétaire général demande 9,7 millions de dollars.  Soulignant que « la pratique n’a plus rien d’exceptionnel », le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) recommande de réduire de 2,2 millions le montant demandé et prie M. Guterres de « s’employer activement » à obtenir des contributions volontaires supplémentaires.

Eu égard aux « travaux importants et progrès significatifs » des Chambres extraordinaires, le Cambodge a appuyé, ce matin, la demande de subvention du Secrétaire général.  S’agissant de la composante nationale, Phnom Penh a affirmé son intention de maintenir le niveau actuel des contributions directes, à savoir le financement intégral des coûts opérationnels et le versement des six premiers mois de salaire du personnel recruté sur le plan local.  Le pays a dit compter sur les Nations Unies et les principaux bailleurs de fonds, dont l’Union européenne, pour obtenir le financement restant de la composante nationale en 2019. 

Le financement « adéquat et durable » des Chambres extraordinaires doit demeurer une priorité, ont affirmé le Groupe des 77 et la Chine, saluant les efforts du Cambodge pour couvrir la majorité des dépenses de la composante nationale ces quatre dernières années.  Préoccupé par les « défis financiers persistants » auxquels font face les Chambres extraordinaires, le Groupe a appuyé la demande de subvention du Secrétaire général, avant d’encourager ce dernier à obtenir des contributions volontaires supplémentaires pour combler le déficit des composantes nationales et internationales.  C’est précisément pour inciter les États Membres à augmenter leurs contributions, a indiqué l’Iraq, que Bagdad a annoncé, le 22 octobre dernier, le versement d’une contribution volontaire aux deux composantes des Chambres extraordinaires. 

La Cinquième Commission tiendra sa prochaine réunion jeudi 1er novembre, à partir de 10 heures, pour examiner le projet de rénovation de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, à Santiago.

* A/73/448

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.