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Le Conseil de sécurité rejette deux projets de résolution américain et russe sur la situation au Venezuela

8476e séance – après-midi
CS/13725

Le Conseil de sécurité rejette deux projets de résolution américain et russe sur la situation au Venezuela

Dans un Conseil de sécurité divisé entre ceux qui reconnaissent la légitimité de M. Juan Guaidó, qui s’est déclaré Président par intérim du Venezuela, et ceux qui soutiennent M. Nicolás Maduro, Président actuel, deux projets de résolution « concurrents » ont été soumis au vote cet après-midi, dans ce qui était, en un peu plus d’un mois, la troisième séance sur la situation au Venezuela.

Convoquée à la demande des États-Unis, cette séance s’est soldée par le double veto de la Chine et de la Fédération de Russie sur le projet de résolution américain même s’il a recueilli neuf voix pour et les abstentions de la Côte d’Ivoire, de la Guinée équatoriale et de l’Indonésie et l’opposition de l’Afrique du Sud.  Le projet de résolution russe a essuyé le triple veto, comme l’a rappelé la Fédération de Russie, des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, l’opposition de quatre autres membres du Conseil et les abstentions de la Côte d’Ivoire, de l’Indonésie, du Koweït et de la République dominicaine. 

Le projet de résolution américain parlait de « l’autorité constitutionnelle de l’Assemblée nationale démocratiquement élue » et considérait l’élection du 20 mai 2018 comme « ni libre ni équitable ».  Il appelait aussi « au lancement d’un processus politique pacifique conduisant à une élection présidentielle libre, régulière et crédible », avec observation électorale internationale et conformément à la Constitution du Venezuela.  Le projet soulignait en outre « la nécessité d’empêcher une nouvelle détérioration de la situation humanitaire au Venezuela et de faciliter l’accès sans entrave et l’acheminement de l’aide à tous ceux qui en ont besoin sur l’ensemble du territoire du Venezuela, conformément aux principes humanitaires » et soulignait qu’il importe d’assurer la sécurité de tous les membres de l’Assemblée nationale et de l’opposition politique.

En face, le projet de résolution russe mettait l’accent sur les « menaces de recours à la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique » du Venezuela, ainsi que sur « les tentatives visant à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale du Venezuela ».  Il demandait instamment que la situation actuelle soit réglée par des moyens pacifiques et appuyait toutes les initiatives visant à trouver une solution politique entre Vénézuéliens, y compris dans le cadre du Mécanisme de Montevideo, grâce à un processus de dialogue national authentique et sans exclusive.  Le projet rappelait également que l’assistance internationale devrait être fournie avec le consentement du Gouvernement vénézuélien et sur la base d’une demande de ce dernier en réaffirmant dans son préambule la nécessité de respecter les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance dans la fourniture de l’assistance humanitaire.

L’adoption du projet américain, a estimé la Fédération de Russie, aurait été une première dans l’histoire du Conseil de sécurité qui aurait « limogé » un Président pour en installer un autre.  Washington ne connaît que « les ultimatums, les sanctions et les menaces de recours à la force », a martelé la Fédération de Russie pour laquelle le projet était un prétexte à un « changement de régime ».  Ce point de vue a été rejeté par les partisans du texte.  Pour l’Allemagne, le projet avait le mérite de promouvoir une solution pacifique et inclusive à la crise au Venezuela, alors que celui de la Russie n’en proposait pas et refusait de prendre acte de la crise humanitaire que traverse le peuple vénézuélien.  La France a dit n’avoir vu, dans le texte américain, aucune base juridique en vue d’un recours à la force et d’une atteinte à la souveraineté du Venezuela.  L’ensemble de l’Union européenne, a-t-elle rappelé, n’a cessé de rappeler son refus de l’usage de la force pour résoudre la crise.  Une solution politique à une crise politique, a-t-elle insisté, en expliquant que c’est la raison d’être du Groupe de contact international lancé par l’Union européenne et l’Uruguay.

En votant contre notre projet de résolution, ont dénoncé les États-Unis, certains membres du Conseil de sécurité continuent de protéger le régime de Nicolás Maduro et de prolonger les souffrances du peuple vénézuélien.  Exercer le droit de veto, c’est se rendre complice d’un régime décidé à affamer son peuple, a tranché la France avant que la Fédération de Russie n’affirme qu’au contraire, c’est défendre le droit des peuples à décider eux-mêmes de leur destin.  Les deux textes présentaient des « défauts » et étaient « excessivement politisés », a estimé l’Indonésie qui s’est lamentée en ces termes: « Nous commençons à croire que le dialogue et les négociations sont devenus un “luxe” au sein de ce Conseil ». 

Cet appel à la raison n’a pas empêché le Venezuela de fustiger les deux puissances coloniales que sont les États-Unis et le Royaume-Uni, « l’une très puissante, l’autre en décadence », pour avoir orchestré un « pillage » délibéré et déguisé sous une « idéologie de rédemption » du tiers monde au cours de l’histoire sud-américaine.  Si les intérêts du peuple vénézuélien leur tenaient tant à cœur, elles commenceraient par nous rendre « les biens mal acquis » qui se chiffrent en milliards de dollars, a asséné le Venezuela.  Ses accusations selon lesquelles un navire de guerre britannique serait stationné au large de la mer des Caraïbes lui ont valu une réaction immédiate du Royaume-Uni, qui a promis d’y répondre officiellement dans une lettre au Conseil de sécurité.  Le Venezuela a aussi dénoncé une « opération d’extorsion massive » visant tous les pays qui entretiennent des relations commerciales avec lui.  Il n’a pas oublié de pointer du doigt l’« option militaire » que laisse toujours planer le Président américain, en attirant l’attention sur M. Elliot Abrams, la personnalité que M. Donald Trump a chargé de planifier la « guerre indirecte » contre le Venezuela, celle-là même qui avait chargé d’armes des avions déguisés en cargos humanitaires pour répandre la mort et la destruction au Nicaragua dans les années 1980. 

LA SITUATION DANS LA RÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE DU VENEZUELA

Déclarations

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que le projet de résolution mis aux voix cet après-midi représente le « sommet du spectacle américain du deux poids, deux mesures », affirmant que la situation humanitaire au Venezuela n’est qu’un prétexte.  En effet, si ce texte était adopté, a-t-il argué, ce serait la première fois dans l’histoire du Conseil de sécurité qu’il limogerait un Président pour en installer un autre.  « Juridiquement, c’est nul et non avenu! » a-t-il tranché.  « Qu’est-ce que veut dire, cette manière de troller le Conseil de sécurité?! » s’est-il exclamé.  La délégation américaine, a estimé le représentant, sait qu’elle n’a aucune chance que ce texte soit adopté, mais elle est soucieuse de pointer du doigt ceux qui s’y opposeront.  Washington ne connaît que « les ultimatums, les sanctions et les menaces de recours à la force », a martelé M. Nebenzia, pour qui ce projet de résolution est un prétexte à un « changement de régime ».  Voilà l’exemple le plus clair de mise en œuvre du concept d’aide humanitaire, dont nous parlent en permanence nos collègues occidentaux, a-t-il ironisé.  C’est la raison pour laquelle, a-t-il indiqué, nous avons préparé un autre texte, dans lequel nous exprimons notamment notre appui au Mécanisme de Montevideo pour aider les Vénézuéliens à parvenir à un règlement politique.  Nous n’avons eu aucun commentaire de la part de collègues occidentaux, s’est-il étonné, en soulevant le fait qu’ils ont ensuite présenté le leur.  « Où est la diplomatie dans tout cela? »  Nous sommes préoccupés par le fait qu’une opération militaire soit envisagée au Venezuela, a insisté le délégué russe.  Je demande donc aux membres du Conseil de ne pas voter en faveur de ce texte, mais d’apporter leur soutien au nôtre.

M. ELLIOTT ABRAMS, Représentant spécial des États-Unis pour le Venezuela, a affirmé que la situation au Venezuela exige que l’on agisse maintenant.  Des millions de Vénézuéliens ont fui leur pays, a-t-il poursuivi, martelant que « le temps d’une transition politique, c’est maintenant ».  Malheureusement, en votant contre cette résolution, certains membres du Conseil de sécurité continuent à protéger Maduro et à prolonger les souffrances du peuple du Venezuela, a estimé le représentant, ajoutant que cette crise va bien au-delà du Venezuela et contamine toute la région.  Malgré le vote d’aujourd’hui, cette résolution montre que la démocratie se mobilise derrière le Président Guaidó.  Les États-Unis attendent des élections libres et régulières qui reflètent véritablement la volonté du peuple vénézuélien.  Les États-Unis, a prévenu le représentant, envisageront toutes les options pour acheminer l’aide humanitaire au Venezuela.  Il a d’ailleurs décrit le convoi qui est en route aujourd’hui et demandé au Conseil de veiller à la sécurité du Président Guaidó lorsqu’il rentrera au Venezuela.  Le représentant s’est félicité de ce qu’une majorité des membres du Conseil ait soutenu le projet de résolution américain.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a regretté que le texte présenté par les États-Unis n’ait pas été adopté, de même que l’absence d’unité au sein du Conseil, un résultat d’autant plus incompréhensible qu’il s’agit, selon lui, d’un « texte a minima ».  L’aspiration démocratique des Vénézuéliens ne pourra être réalisée que par le biais d’élections crédibles, libres et transparentes, a-t-il affirmé.

M. WU HAITAO (Chine), qui a voté contre le projet de texte américain, a affirmé le soutien de son gouvernement aux efforts du Gouvernement du Venezuela, estimant que les affaires vénézuéliennes doivent être réglées par le peuple vénézuélien alors que le rôle du Conseil de sécurité est de maintenir de la paix et la sécurité internationales et de veiller au respect des principes de la Charte.  La Chine, a-t-il réaffirmé, s’oppose à l’ingérence dans les affaires intérieures d’un État ainsi qu’à une intervention militaire au Venezuela.  Elle appelle le Gouvernement vénézuélien et les partis d’opposition à rechercher une solution politique par le dialogue.  Elle appelle également à une aide humanitaire respectueuse de la souveraineté du Venezuela.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a dit avoir voté en faveur de la résolution américaine qui contenait les éléments essentiels d’une sortie de crise.  Rien dans ce texte n’était de nature à justifier le recours à la force.  Il prônait au contraire des solutions pacifiques.  Regrettant que certains aient bloqué ces perspectives, le représentant a annoncé son opposition à la résolution de la Fédération de Russie car la solution à la crise vénézuélienne passe par l’organisation d’une élection présidentielle libre, régulière et crédible.  Il est grand temps de laisser le peuple vénézuélien décider de son avenir, s’est impatienté le représentant, qui a souligné l’importance d’une aide humanitaire conforme aux principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.  Il est inacceptable que des groupes armés irréguliers intimident les civils et les membres de l’Assemblée nationale qui se sont mobilisés pour distribuer l’aide. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a justifié le vote de sa délégation par le fait qu’il n’existe pas d’autre solution possible à la crise au Venezuela que de nouvelles élections libres et ouvertes avec des garanties pour tous les groupes et acteurs politiques.  Ce processus politique, pacifique et inclusif devra permettre à la société vénézuélienne de se réconcilier et de dépasser les différends qui sont à l’origine des tensions actuelles.  Pour la République dominicaine, l’usage de la force n’est pas une option possible.  Elle privilégie au contraire un dialogue inclusif auquel participeraient tous les acteurs politiques vénézuéliens, y voyant « la seule voie possible pour une sortie de crise pacifique, démocratique et respectueuse des droits de l’homme ».

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a réitéré qu’un dialogue politique sans exclusive s’impose pour résoudre la crise politique au Venezuela.  Nous sommes préoccupés par l’absence de procédure régulière à propos de ce texte, sur lequel sa délégation n’a pas pu travailler correctement.  « Nous devons parler d’une seule voix et aider le peuple vénézuélien à relever les défis politiques et humanitaires qui se posent dans son pays », a déclaré le représentant.  Malheureusement, l’absence d’unité de ce Conseil démontre qu’il n’est pas en mesure de se hisser à la hauteur de la situation au Venezuela, a regretté le délégué, pour qui il faudrait dépolitiser l’aide humanitaire.  Le texte américain insiste sur une transition politique et la tenue d’élections, ce qui constitue une atteinte à la souveraineté d’un État.  L’Afrique du Sud ne peut pas se rallier à l’affirmation selon laquelle le scrutin qui a vu la réélection du Président Maduro serait irrégulier.  L’Afrique du Sud, a ajouté le représentant, respecte l’autorité de la Commission nationale électorale, qui a déclaré le vainqueur.  Enfin, a ajouté M. Matjila, nous pensons que le paragraphe 4 du texte américain est « partial », dans la mesure où il souligne qu’il importe d’assurer la sécurité de tous les membres de l’Assemblée nationale et de certaines personnalités politiques « uniquement ».  Les Nations Unies, a martelé le représentant, ne peuvent se montrer sélectives dans l’octroi d’une protection. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni), qui a « naturellement » voté pour le texte américain et contre le texte russe, a remarqué que le projet de résolution russe a essuyé « un échec » alors que c’est à un veto que s’est heurté celui des États-Unis.  « Cette une situation intenable qui ne peut continuer », s’est-elle indignée.  Le texte américain, a-t-elle poursuivi, traite de points importants au Venezuela qui suscitent également l’inquiétude du Royaume-Uni.  Il ne demande pas un transfert de pouvoir, contrairement aux arguments avancés par la délégation russe, mais demande des élections libres et régulières.  La présidence de M. Maduro est illégitime, a tranché la représentante, et M. Guaidó est le Président par intérim, conformément à la Constitution.  La résolution américaine souligne aussi la préoccupation internationale face à l’usage de la force contre des personnes non armées et à l’effondrement de l’économie dû aux politiques corrompues de « Maduro », qui ont poussé près de 3,5 millions de Vénézuéliens à fuir leur pays.  Elle a remercié les États-Unis, délégation porte-plume de la résolution, pour ses efforts.

Commentant le texte de la Russie, la représentante s’est dite « fondamentalement » en désaccord parce qu’il indique fallacieusement qu’il y aurait une menace de recourir à la force et de violer l’intégrité territoriale du Venezuela.  Il y est uniquement question de règlement intravénézuélien alors que la crise a des conséquences qui dépassent les frontières nationales.  Le texte donne une lecture « sélective » de la Charte des Nations Unies et sous-entend un soutien du régime Maduro, s’est une nouvelle fois indignée la représentante, qui a aussi reproché au texte d’écarter explicitement des aspects essentiels de la situation au Venezuela comme la crise humanitaire créée de la main de l’homme et l’importance d’élections libres et régulières.

M. WALTER LINDNER, Secrétaire d’État des affaires étrangères de l’Allemagne, a déclaré que le texte des États-Unis promouvait une solution pacifique et inclusive à la crise au Venezuela, alors que celui de la Russie ne propose pas de solution et refuse de prendre acte de la crise humanitaire que traverse le peuple vénézuélien.  Il a rappelé que l’exode massif des Vénézuéliens représente un danger pour la stabilité régionale, soulignant qu’une nouvelle élection présidentielle démocratique doit se tenir. 

Après avoir regretté les vetos russe et chinois sur le projet de résolution américain, M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a contesté les affirmations selon lesquelles ce texte fournirait une base juridique en vue d’un recours à la force et porterait atteinte à la souveraineté du Venezuela.  La France, comme l’ensemble de l’Union européenne, a-t-il souligné, n’a cessé de rappeler son refus de l’usage de la force pour résoudre la crise au Venezuela.  L’organisation d’une élection présidentielle libre, crédible et transparente doit être l’objectif en vue du rétablissement de la démocratie vénézuélienne.  Une solution politique à une crise politique, a insisté le représentant, en expliquant que c’est la raison d’être du Groupe de contact international lancé par l’Union européenne et l’Uruguay. 

Il a vu dans la position de la Russie et de la Chine de bloquer le projet de résolution, après avoir refusé de participer aux négociations, la poursuite d’un autre objectif, celui de protéger le régime de Nicolás Maduro.  Le recours au veto revient à être complice d’un régime décidé à affamer son peuple.  Le texte russe, a commenté le représentant, entretient l’illusion d’une situation paisible au Venezuela et agite le spectre de l’invasion étrangère alors que 3,5 millions de migrants et de réfugiés ont quitté le pays et qu’une majorité de la population est plongée dans le dénuement le plus total.  Pas une fois n’apparaît le mot « humanitaire », a relevé le représentant.  L’impasse ne peut durer, a-t-il conclu, en promettant des efforts dans le cadre du Groupe de contact international. 

Pour M. MEZA-CUADRA (Pérou), le projet de résolution russe ne reflète pas les éléments fondamentaux de la crise au Venezuela, à savoir un régime illégitime, des violations flagrantes des droits de l’homme et l’impératif d’élections libres et régulières.  Le Pérou, a-t-il dit, ne peut pas accepter ces deux poids, deux mesures qui ne tiennent compte que de certains éléments de la Charte des Nations Unies.  Le représentant a tenu à rappeler que le régime Maduro s’est non seulement opposé à l’entrée de l’aide humanitaire « nécessaire » ce week-end, mais est allé jusqu’à nier l’existence même de la crise, ignorant ainsi les 3,5 millions de Vénézuéliens qui ont fui le pays.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a regretté que tous les membres du Conseil de sécurité n’aient pas jugé bon de participer aux consultations autour du texte présenté par les États-Unis.  Il est de la responsabilité du Conseil, a-t-elle martelé, de faire face à des situations telles que celle qui prévaut au Venezuela. 

M. MATJILA (Afrique du Sud) a estimé que le projet de texte présenté par la Fédération de Russie expose à la fois les principes de la Charte des Nations Unies et les principes essentiels du règlement pacifique des différends.  Il insiste aussi sur le plein respect des principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance qui fondent l’aide humanitaire.  C’est pour toutes ces raisons que l’Afrique du Sud a appuyé le texte. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a regretté le manque d’unité parmi les membres du Conseil de sécurité, dont témoigne la mise aux voix de deux projets de résolution concurrents.  Selon lui, les deux textes présentent des « défauts », et sont « excessivement politisés ».  Rappelant l’attachement de sa délégation aux principes de non-ingérence, de souveraineté et d’intégrité territoriale, le représentant a souligné aussi qu’il y a urgence à répondre à la crise humanitaire qui accable le peuple vénézuélien.  L’ONU doit jouer un rôle de premier plan à cet égard.  Nous commençons à croire, s’est désolé le représentant, que le dialogue et les négociations sont devenus un « luxe » au sein de ce Conseil.

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a regretté le rejet de son projet de texte mais surtout le fait que le Conseil de sécurité ait été entraîné de nouveau dans « ce spectacle politique ».  Le projet américain, a-t-il répété, visait un changement de régime sous le prétexte humanitaire.  Nous avons déjà adopté une résolution similaire sur la Libye, a-t-il rappelé, et « nous savons tous où cela nous a menés », comme tous ces pays africains qui ont vu se déchaîner sur eux l’internationale terroriste en provenance de Libye.  On commence toujours par créer d’immenses problèmes humanitaires puis on appelle le monde à l’aide, a ironisé le délégué russe.  Nous avons exercé notre droit de veto, s’est-il expliqué, parce que le texte américain ne vise pas à aider les Vénézuéliens contrairement au texte russe.  « Élections ou pas, c’est aux Vénézuéliens eux-mêmes de décider et l’essentiel c’est le dialogue », a-t-il martelé, estimant que certains membres du Conseil n’hésitent pas à brûler les passerelles, dont le Mécanisme de Montevideo.  Aujourd’hui, nous avons entendu la représentante du Royaume-Uni nous chanter « une vielle chanson »: le projet russe a été rejeté et le projet américain a été bloqué par un veto russe.  C’est ce que diront les médias qui oublieront évidemment de préciser que le projet russe s’est aussi heurté à un veto.  Mais, a conclu le représentant, le vote d’aujourd’hui montre pourquoi le droit de veto est indispensable.  Il l’est pour défendre le droit des peuples à décider eux-mêmes de leur destin. 

S’agissant du projet de résolution états-unien, M. SAMUEL MONCADA (Venezuela) a dénoncé la « falsification » des résolutions de l’Organisation des États américains (OEA), puisque la propre Charte de celle-ci établit que ses États membres n’ont aucune autorité pour déterminer la légitimité des processus électoraux de pays tiers.  Le représentant a rejeté l’idée que l’on se serve de la Constitution vénézuélienne pour justifier une « intervention coloniale » et appuyer une « entité fictive » qui n’existe pas dans la loi fondamentale, a tonné le représentant.  Il a également dénoncé le fait que le texte américain ne fasse aucune mention des actes violents qui se sont produits le week-end dernier « depuis le territoire colombien », ce qui en fait un « incident international », et non national.  Nous attendons toujours que le Gouvernement colombien présente les preuves supposées de ce qu’il prétend être une « opération humanitaire », a poursuivi M. Moncada, qui a affirmé que « des individus cagoulés et armés » se trouvent toujours près des frontières avec son pays. 

Les deux puissances coloniales que sont les États-Unis et le Royaume-Uni, « l’une très puissante, l’autre en décadence », ont perpétré un « pillage » délibéré et déguisé sous une « idéologie de rédemption » du tiers monde au cours de notre histoire, a rappelé le représentant, en disant que si les intérêts du peuple vénézuélien leur tiennent tant à cœur, qu’ils commencent par rendre les biens mal acquis qui se chiffrent en milliards de dollars.  À l’heure actuelle, une « opération d’extorsion massive » vise tous les pays qui entretiennent des relations commerciales avec le mien, a affirmé M. Moncada, en assurant que des guerres peuvent être aussi menées depuis les « banques ».  Il a dénoncé l’« option militaire » agitée par le Président américain, avant de dire que la personne chargée de planifier la « guerre indirecte » que les États-Unis comptent mener au Venezuela est M. Elliot Abrams, celui-là même qui a chargé des avions avec des armes, « déguisées en aide humanitaire », pour répandre la mort et la destruction au Nicaragua dans les années 1980.  Aujourd’hui, a alerté le représentant, un navire de guerre britannique est stationné au large de la mer des Caraïbes. 

Mme PIERCE (Royaume-Uni) a annoncé que sa délégation entend répondre aux accusations « absurdes » du Venezuela par une lettre officielle au Conseil de sécurité.  Le vol et le pillage du peuple vénézuélien est le fait de son propre gouvernement et non du mien, a-t-elle martelé. 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: l’Envoyée spéciale pour le Myanmar rappelle les quatre éléments d’un règlement de la crise dans l’État rakhine

8477e séance – après-midi
CS/13727

Conseil de sécurité: l’Envoyée spéciale pour le Myanmar rappelle les quatre éléments d’un règlement de la crise dans l’État rakhine

Déterminée à dire la « vérité » dans sa première intervention devant le Conseil de sécurité, l’Envoyée spéciale pour le Myanmar, Mme Christine Schraner Burgener, a rappelé, cet après-midi, les quatre éléments d’un règlement de la situation dans l’État rakhine: la fin de la violence; un accès sans entrave aux populations touchées; le règlement des causes profondes et un développement inclusif.  « Mon pays veut régler cette question aussi vite que vous », a assuré, lors de ce débat, le délégué du Myanmar, tandis que son homologue du Bangladesh a indiqué que la situation s’est aggravée. 

L’Envoyée spéciale a évoqué les conditions de vie très dégradées dans le camp de réfugiés de Cox’s Bazar, au Bangladesh, qu’elle a pu visiter.  « La générosité du Bangladesh ne peut durer indéfiniment », a-t-elle prévenu, en rappelant l’urgent besoin de financer le Plan de réponse humanitaire de l’ONU pour 2019.  Elle s’est dite préoccupée par les conséquences que les affrontements nourris avec l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan pourraient avoir sur le retour volontaire et digne des réfugiés.  « Pour ces derniers, le fait de savoir que l’ONU et ses partenaires seront présents ne peut que les encourager à revenir. »  L’Envoyée spéciale a souhaité que la stratégie nationale du Myanmar de fermeture des camps remédie aux causes profondes de la crise, telles que la question de la citoyenneté et la restauration de la liberté de circulation. 

Elle a en outre demandé la pleine mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine et souligné l’importance d’un établissement des responsabilités au Myanmar, jugeant cruciale l’appropriation nationale du processus.  Si l’Envoyée spéciale a évoqué les autres « défis considérables » que le Myanmar doit relever, tels que les tensions militaires et civiles persistantes et les échecs dans le processus de paix dans les États kachin et shan, les délégations ont plutôt consacré leur intervention à l’État rakhine. 

« Il n’y a pas eu de progrès à Cox’s Bazar depuis la visite du Conseil de sécurité l’an dernier », a déploré le délégué de l’Allemagne, en pointant le risque que cette situation ne perdure.  Il a estimé qu’il n’y a pas d’autre d’option que le retour des réfugiés, avant de demander que « les Rohingya soient placés sur un même pied d’égalité que les autres groupes ».  Les délégués de la France, du Royaume-Uni et de la Belgique ont insisté sur l’importance qu’il y a à ce que les responsables des atrocités commises, y compris des responsables militaires, soient traduits en justice.  Celui de la Chine a demandé aux membres du Conseil de ne pas exercer des « pressions », insistant sur les progrès enregistrés dans l’État rakhine.  Le représentant de l’Allemagne n’en a pas moins exhorté la Chine à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le Gouvernement du Myanmar fasse ses « devoirs » et réponde aux appels de la communauté internationale. 

Effectivement frustré face à l’absence d’avancées concrètes, le délégué du Bangladesh s’est expliqué: « Quoi de plus décevant de découvrir qu’en dépit de nos efforts, le rapatriement ne pourra pas commencer en raison des conditions peu propices dans l’État Rakhine? »  La situation s’est aggravée, a-t-il alerté.  La solution doit être trouvée au Myanmar et par le Myanmar, a-t-il martelé, ajoutant qu’en dépit des efforts de son pays, « qui a tout essayé » auprès du Myanmar et des partenaire régionaux, « pas un seul Rohingya ne s’est porté volontaire pour regagner l’État rakhine ».

« Nous sommes prêts à accueillir des réfugiés qui auront été approuvés d’une manière volontaire, sûre et digne, dans le respect des accords bilatéraux et arrangements passés avec le Bangladesh », a rétorqué le délégué du Myanmar.  Il s’est dit assuré du succès de ce plan de retour si les deux pays respectent ces accords.  Il a ensuite dénoncé les pressions politiques, illégitimes et « malfaisantes », exercées par certains pays, par le biais du système de l’ONU, et dénoncé la création du Mécanisme indépendant sur le Myanmar par le Conseil des droits de l’homme, « qui ne fera qu’exacerber les tensions intercommunautaires ».  La situation dans l’État rakhine n’est pas une question de persécution religieuse, mais bien « une question économique et politique ». 

Comme d’autres, le représentant de l’Indonésie a appelé à une mise en œuvre efficace du Mémorandum d’accord signé par le Myanmar avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a ensuite indiqué que son ministre des affaires étrangères a conduit, ces dernières semaines, une série de réunions avec des interlocuteurs clefs de la région, notamment son homologue du Bangladesh et de hauts responsables du Myanmar pour discuter du rôle que pourrait jouer l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) dans le processus de rapatriement des réfugiés.  L’ASEAN, s’est dit convaincu le représentant, peut s’impliquer dans la recherche d’une solution durable à la situation dans l’État rakhine, un certain nombre de visites du Secrétariat de cette organisation sous-régionale au Myanmar ayant été conduites le mois dernier.  L’objectif?  Préparer l’ouverture d’un centre de coordination de l’aide humanitaire de l’ASEAN.

LA SITUATION AU MYANMAR

Déclarations

Mme CHRISTINE SCHRANER BURGENER, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar, a dit s’être rendue au Myanmar cinq fois, et trois fois au Bangladesh depuis le début de son mandat il y a neuf mois.  Dans le contexte plus global de la transition démocratique au Myanmar, les tensions militaires et civiles ont persisté alors que les élections générales sont prévues l’année prochaine, le processus de paix demeure fragile et le pays est toujours aux prises avec l’héritage de décennies de pouvoir militaire et, par conséquent, avec des défis fondamentaux liés aux droits humains, a-t-elle dit. 

S’agissant de l’État rakhine, elle a rappelé les étapes nécessaires qu’il reste à franchir: la fin de la violence; un accès sans entrave aux populations touchées; le règlement des causes profondes et un développement inclusif.  « J’ai pu constater, lors de mes deux visites à Cox’s Bazar, les conditions de vie très dégradées des réfugiés, lesquels n’ont que très peu d’espoir. »  Elle a indiqué que la générosité du Bangladesh ne peut durer indéfiniment et rappelé l’urgent besoin de financer le Plan de réponse humanitaire pour 2019.  Elle s’est dite préoccupée par les conséquences que les affrontements nourris avec l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan pourraient avoir sur le retour volontaire et digne des réfugiés.  « Pour ces derniers, le fait de savoir que l’ONU et ses partenaires seront présents à leur retour ne peut que les encourager à regagner leurs foyers. »  La stratégie nationale du Myanmar de fermeture des camps doit remédier aux causes profondes de la crise, telles que la question de la citoyenneté et la restauration de la liberté de circulation, a-t-elle ajouté.  L’appui aux conditions pour un retour des réfugiés demeure insuffisant. 

Elle a dit poursuivre ses contacts avec les deux gouvernements et a appelé à la pleine mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine.  Mme Burgener a souligné l’importance qu’il y a à établir les responsabilités, ajoutant que la Commission d’enquête indépendante du Myanmar a répondu favorablement à son appel d’impliquer les différentes entités onusiennes chargées des droits de l’homme.  Il y a un besoin de complémentarité, y compris avec le dernier mécanisme indépendant d’enquête mandaté par le Conseil des droits de l’homme, a-t-elle précisé.  L’établissement des responsabilités et l’appropriation nationale du processus sont cruciaux, du point de vue des victimes de Cox’s Bazar et dans tout le Myanmar.  Estimant qu’une telle reddition de comptes ne peut se faire par le seul prisme pénal, l’Envoyée spéciale s’est dite encouragée par les différentes tentatives visant à donner une voix aux victimes et à appuyer les projets de nature à nourrir le dialogue. 

Mme Burgener a ensuite mentionné les revers essuyés dans le processus de paix, dans des zones au-delà de l’État rakhine, y compris dans les États kachin et shan.  Dans ces zones, où les civils ont besoin d’une assistance, l’accès est également entravé.  Malgré les progrès accomplis en vue d’une solution pacifique, tels que la déclaration unilatérale de cessez-le-feu des Tatmadaw le 21 décembre dernier, les tensions se sont accrues, y compris entre le Gouvernement et les groupes signataires de l’accord de cessez-le-feu conclu à l’échelle nationale d’octobre 2015.  « Toutes les parties ont la responsabilité de faire preuve de retenue et d’éviter toute action susceptible de compromettre les gains importants enregistrés dans le processus de paix. »  Elle a noté que certains réfugiés en Thaïlande ont regagné leurs foyers au Myanmar et a appelé à faire fond sur ce développement. 

Les élections générales de 2020 pourraient être synonymes de difficultés supplémentaires sur le plan intérieur, a-t-elle déclaré.  Dans un tel environnement, Mme Daw Aung San Suu Kyi a fait preuve de prudence dans la poursuite des réformes démocratiques, comme l’ont montré les récents efforts autour de l’amendement constitutionnel.  « Il est crucial que cette réforme remédie aux discriminations institutionnelles. »  Elle a salué l’accord donné par le Gouvernement pour l’installation de son bureau à Nay Pyi Taw, en janvier, illustrant la coopération constructive constatée jusqu’à présent.  « Nous devons ensemble continuer à bâtir la confiance et travailler en partenariat avec le Gouvernement. » 

Enfin, promettant de continuer « à dire la vérité et à jeter des ponts », l’Envoyée spéciale a plaidé pour une interaction régulière avec « tous les responsables ».  « Si je partage les préoccupations exprimées quant à la lenteur des progrès, mes premières visites au Myanmar m’ont permis d’appréhender les défis de taille qui subsistent et qui nécessiteront un appui international considérable. »

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dit que le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes au Myanmar oblige le Conseil de sécurité à se mobiliser.  Un règlement pacifique de la crise est essentiel, a-t-elle dit, en insistant sur la garantie des droits et des libertés de tous les « Birmans », y compris les Rohingya.  La représentante a pointé du doigt « l’armée birmane » qui est à l’origine de cette situation et le Conseil de sécurité doit le dire sans hésitation.  Elle s’est dite déçue qu’il n’ait pas été possible de faire davantage pour le retour des Rohingya, soulignant que son pays n’a pas de position tranchée.  Il souhaite que les réfugiés reviennent librement, a souligné la représentante qui s’est félicitée des efforts de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), de la Chine et d’autres parties prenantes.  Insistant sur le respect des principes du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en matière de retour, elle a ensuite plaidé pour l’accès de l’ONU et de ses agences dans l’État rakhine et pour la liberté de mouvement des Rohingya. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a également regretté la poursuite de la crise, en exprimant la disposition de son pays à aider le Bangladesh à porter son lourd fardeau.  Le Myanmar doit prendre ses responsabilités, a estimé le représentant, en saluant les étapes positives mais qui doivent encore être mises en œuvre.  Il faut, a-t-il énuméré, s’attaquer aux causes de la crise, faciliter le retour des réfugiés, fermer les camps de réfugiés, rétablir la liberté de mouvement des Rohingya dans l’État rakhine, y ouvrir l’accès aux organismes et mener des enquêtes indépendantes et transparentes sur les meurtres des Rohingya.  La pleine citoyenneté doit être accordée à ce peuple, a ajouté le représentant, qui a exhorté le Conseil de sécurité à rester saisi de cette question.  Il a également encouragé le Myanmar à trouver une solution positive à la crise. 

M. WU HAITAO (Chine) a insisté sur les progrès enregistrés dans l’État rakhine.  Le Myanmar s’est engagé à fermer les camps de personnes déplacées et à fournir à celles-ci des pièces d’identité.  Il a souligné la nécessité de régler les causes profondes de la crise, la priorité, pour l’heure, étant le retour des réfugiés.  Mon pays est très préoccupé par la situation humanitaire dans l’État rakhine et fournit une aide au Myanmar et au Bangladesh, a assuré le représentant, qui a précisé que l’appui à ce dernier pays s’élevait à 20 millions de renminbi.  Il a indiqué que la situation dans l’État rakhine est avant tout une question bilatérale que le Bangladesh et le Myanmar doivent régler.  Le délégué a invité la communauté internationale à appuyer le dialogue et à encourager le retour des réfugiés.  Le développement est la seule solution pour régler durablement la situation dans l’État rakhine, a-t-il dit, en se disant favorable à un rôle accru de l’ONU en ce sens.  Enfin, M. Wu a demandé aux membres du Conseil de rester unis sur ce dossier et d’éviter d’exercer des « pressions » sur les parties prenantes.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a jugé impératif de créer un développement inclusif et durable dans l’État rakhine et d’y garantir la viabilité d’une solution à la crise, exhortant à une mise en œuvre efficace du cadre de coopération agréé par le Myanmar, le HCR et le PNUD.  Il a ensuite indiqué que le Ministre indonésien des affaires étrangères avait conduit, ces dernières semaines, une série de réunions avec des interlocuteurs clefs de la région, notamment son homologue du Bangladesh et de hauts responsables du Myanmar, réunions au cours desquelles a été discuté le rôle que pourrait jouer l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) dans le processus de rapatriement.  L’Indonésie s’est dite ainsi fermement convaincue que l’ASEAN peut s’impliquer dans la recherche d’une solution durable à la situation dans l’État rakhine, un certain nombre de visites du Secrétariat de cette organisation sous-régionale au Myanmar ayant été conduites le mois dernier.  L’objectif?  Préparer l’ouverture d’un centre de coordination de l’aide humanitaire de l’ASEAN pour la gestion des catastrophes, a précisé le représentant.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a appelé les autorités « birmanes » à établir sans délai un accès humanitaires sûr, complet et sans entrave dans l’« État de l’Arakan » et de permettre aux déplacés internes rohingya une pleine liberté de circulation et un accès entier et sans discrimination aux services de base.  Ce sont des conditions indispensables pour un retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés rohingya qui, pour l’heure, ne sont toujours pas réunies, a-t-elle souligné.

Abordant la question de l’impunité, le représentant a relevé que le Conseil n’a pas de garanties que la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme, créée l’été dernier, est en mesure de mener un travail indépendant, crédible et impartial.  Il a appelé à tirer toutes les conséquences des conclusions « sans ambiguïtés » de la mission d’établissement des faits exposées devant le Conseil en octobre, en coopérant pleinement avec la Cour pénale internationale (CPI) et avec le Mécanisme d’enquête créé par le Conseil des droits de l’homme.  Il a aussi jugé essentiel que le Groupe de travail sur les enfants dans les conflits armés puisse adopter des conclusions sur la Birmanie.

Pour la France, une autre priorité concerne les recommandations de la Commission Annan, en particulier celles sur la citoyenneté et l’égalité des droits.  Le représentant a déploré qu’aucune amélioration tangible de la situation des communautés les plus vulnérables n’ait été enregistrée.  Il a appelé les autorités birmanes à apporter une solution durable à la crise, notamment en assurant un accès affectif aux services publics de soin, de santé et d’éducation pour toutes les personnes de la communauté rohingya.

M. Delattre a par ailleurs déploré la condamnation en appel à sept ans de prison des deux journalistes de l’agence de presse Reuters et a appelé les autorités birmanes à explorer toutes les voies possibles afin de permettre leur libération rapide.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a réitéré sa condamnation des graves violations des droits de l’homme et des crimes horribles dont sont victimes les Rohingya.  Le Conseil de sécurité, qui a la responsabilité d’y apporter une réponse, a abordé ce point sous différents formats mais n’a pas apporté de solution claire permettant aux Rohingya de revenir chez eux de façon digne et volontaire, a-t-il noté.  Il a rappelé qu’il y a près d’un million de personnes déplacées à cause de « ce qu’on décrit comme une épuration ethnique, un génocide, des crimes atroces ».  Il faut donc des mesures proportionnelles à la gravité de ces faits, a plaidé M. Singer Weisinger, qui estime que le moment est venu pour le Conseil de se mobiliser pour prévenir davantage d’atrocités, protéger la population et rendre la justice.  Notant que la responsabilité collective commence par la responsabilité individuelle, il a lancé un appel urgent au Gouvernement du Myanmar pour qu’il mette en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine,

Il faut également, a poursuivi M. Singer Weisinger, mettre en œuvre le Mémorandum d’accord qui permettra à la communauté rohingya un retour dans des conditions dignes et avec le soutien de l’aide humanitaire.  Il incombe au Gouvernement du Myanmar d’assumer la responsabilité du retour des réfugiés, a-t-il martelé en demandant d’éviter de répéter les erreurs du passé.  Il s’est inquiété en particulier des victimes d’actes sexistes et sexuels, notant que ces crimes servent de stratégie d’intimidation et de punition de la société civile.  Il faut une enquête pour identifier les responsables, a-t-il demandé en souhaitant éviter l’impunité.  Le système judiciaire n’étant pas en mesure d’organiser un procès juste et indépendant selon lui, il a souhaité que ce soit la communauté internationale qui mène ce processus.  Le Conseil de sécurité doit plaider pour un processus coordonné et consensuel pour résoudre de façon durable cette crise, a-t-il conclu avant de saluer les efforts du Bangladesh sur ce dossier.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a estimé que les « actions disproportionnées » de la Tatmadaw en août 2017 devraient faire l’objet « sans délai » d’enquêtes et de poursuites crédibles par les autorités compétentes du Myanmar.  Il s’est dit convaincu que si le Conseil n’arrive pas à renvoyer « cette catastrophe » à la CPI, la question reviendra tôt ou tard « sur notre table ».  Le représentant a ensuite exhorté les autorités du Myanmar à accorder un accès humanitaire complet aux agences de l’ONU concernées.  Près d’un an s’est écoulé depuis la signature du protocole d’accord avec le PNUD/HCR et les progrès restent trop lents, a-t-il regretté.  M. Pecsteen de Buytswerve a aussi souligné la nécessité de s’attaquer aux racines profondes du conflit afin de que les réfugiés puissent rentrer de manière sûre, volontaire, digne et durable.  Il a notamment appelé à la mise en œuvre urgente des recommandations du rapport Kofi Annan.  Le représentant s’est par ailleurs félicité de la signature du Communiqué conjoint sur la prévention de la violence sexuelle liée au conflit et a appelé le Gouvernement à mettre en œuvre les engagements pris.  Il a aussi demandé la libération des deux journalistes de Reuters.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que l’objectif de ce Conseil devrait être la recherche d’une solution durable et globale aux causes profondes de la crise au Myanmar, à commencer par l’élimination de l’apatridie, de la discrimination et du sous-développement, comme le soulignent les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine.  Après avoir rappelé la nécessité d’établir des conditions propices au retour sûr, volontaire, digne et durable des personnes déplacées, la représentante a indiqué qu’il y avait des raisons légitimes de penser que les autorités du Myanmar sont en train de revenir sur leurs engagements relatifs à la crise des réfugiés.  « Il y a quelques jours à peine, nous avons entendu par l’intermédiaire de médias des officiers supérieurs du Myanmar nier les persécutions systématiques auxquelles se livrent l’armée sur la minorité musulmane des Rohingya, affirmant que de tels propos sont une insulte à l’honneur de leur pays », a déclaré la représentante.  Elle a demandé à nouveau que le Gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour atténuer les tensions intercommunautaires et garantir un accès humanitaire sûr, complet et inconditionnel dans les meilleurs délais. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a exhorté le Gouvernement du Myanmar à mettre en œuvre l’Accord tripartite signé le 6 juin 2018 avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a expliqué que cet accord est une « étape nécessaire » pour l’établissement d’un cadre de coopération entre l’ONU et le Gouvernement afin de créer les conditions propices au rapatriement librement consenti, sûr, digne et durable des réfugiés et d’aider à créer des moyens d’existence améliorés et résilients pour toutes les communautés vivant dans l’État rakhine.  Il a aussi invité le Gouvernement du Myanmar à renforcer sa coopération avec le Bangladesh pour le rapatriement des réfugiés. 

Après avoir salué la mobilisation de la communauté internationale en faveur des communautés vulnérables et sinistrées, le délégué a mentionné notamment les efforts du Japon qui a récemment décidé, en coordination avec huit agences des Nations Unies, de financer des projets d’assistance d’urgence, de protection, de renforcement de la confiance et de résilience aux crises dans les États shan, kachin et rakhine.  Le représentant a également salué les efforts consentis par les parties prenantes en faveur de la mise en œuvre des conclusions de la mission d’établissement des faits, notamment la création de la Commission d’enquête indépendante.  La communauté internationale doit prendre diligemment les mesures nécessaires pour traduire devant les tribunaux compétents les auteurs de violations des droits de l’homme commises, notamment contre les femmes et les enfants.

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a condamné les attaques meurtrières dans l’État rakhine en janvier dernier et s’est dit profondément préoccupé par la grave crise humanitaire qui persiste affectant plus d’un million de réfugiés rohingya dont des femmes et des enfants.  Il a appelé le Gouvernement du Myanmar à travailler avec tous les acteurs, y compris les Nation Unies, pour faciliter les retours volontaires, sûrs et dignes des réfugiés et des déplacés.  M. Van Shalkwyk a également encouragé le Myanmar à mettre pleinement en œuvre le Mémorandum d’accord signé le 6 juin 2018 avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le HCR pour relever les défis de la crise humanitaire.  Il est tout aussi essentiel que les agences de l’ONU reçoivent les ressources nécessaires pour répondre à la crise humanitaire. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a salué les efforts de l’Envoyée spéciale dans un pays « replié sur lui-même ».  Il n’y a pas eu de progrès à Cox’s Bazar depuis la visite du Conseil de sécurité l’an dernier, a-t-il déclaré.  Il a pointé le risque que le Conseil se réunisse sur ce sujet dans un an ou deux et que rien n’ait changé à Cox’s Bazar.  Nous devons tout faire pour régler cette situation, a-t-il dit, ajoutant qu’il n’y a pas d’autre d’option que le retour des réfugiés.  Le délégué a plaidé pour un dialogue interethnique approfondi, les Rohingya devant être sur un même pied d’égalité avec les autres groupes ethniques.  Il a demandé que les responsables des atrocités commises, y compris des responsables militaires, soient traduits en justice et exhorté la Chine à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le Gouvernement du Myanmar fasse ses « devoirs » et réponde aux appels de la communauté internationale. 

M. PAUL DUCLOS (Pérou) s’est dit inquiet des derniers affrontements entre la police du Myanmar et les rebelles de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan.  Mais, a-t-il souligné, ne perdons pas de vue l’objectif principal qui est le retour des réfugiés rohingya.  Ce retour, a précisé le représentant, doit être volontaire, sûr et libre.  Il a remercié le Bangladesh pour son hospitalité et jugé important que ce dernier et le Myanmar discutent des solutions à la crise.  Le représentant a aussi souligné l’importance de la mise en œuvre du Mémorandum d’accord signé entre le Myanmar, le PNUD et le HCR et a regretté les restrictions imposées à l’accès dans l’État rakhine.  Il a salué la stratégie de fermeture des camps élaborée par le Myanmar, laquelle, a-t-il souligné, repose sur la capacité du Gouvernement à mettre en place une société vraiment démocratique, éliminer les obstacles à la liberté de mouvement des réfugiés qui devrait aboutir à l’octroi de la citoyenneté aux Rohingya.  Le représentant a insisté sur le lancement des enquêtes sur les violations des droits de l’homme commises depuis 2017. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a indiqué que les conditions au Myanmar ne sont pas encore réunies pour un retour des réfugiés.  Il a demandé le règlement des causes profondes de la crise, dont la question de la citoyenneté, ainsi que la pleine mise en œuvre du Mémorandum d’accord signé entre le Myanmar et le PNUD/HCR.  Le délégué a en outre plaidé pour la bonne mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine.  Il a demandé un établissement juste des responsabilités dans l’État rakhine et appuyé le Mécanisme d’enquête indépendant mis en place par le Conseil des droits de l’homme.  Il a en outre souhaité l’adoption à l’Assemblée générale du projet de résolution sur les droits de l’homme au Myanmar.  Enfin, le délégué a salué la générosité du Bangladesh et assuré de l’appui de son pays en vue de la création des conditions pour le retour des réfugiés, parqués pour l’heure dans ce qui est « le plus grand camp de réfugiés au monde ».

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que la recherche d’une solution doit être menée avant tout par le Bangladesh et le Myanmar.  Saluant les initiatives internationales visant à débloquer la situation, il a insisté sur le respect de la souveraineté des deux pays concernés.  Le représentant, qui a reconnu le rôle d’appui des Nations Unies, a aussi salué celui de l’ASEAN et félicité la Commission d’enquête créée par le Myanmar qui « ne refuse pas le dialogue avec la communauté internationale ».  Il a constaté que le cessez-le-feu est toujours en vigueur et a salué la volonté du Gouvernement du Myanmar de discuter avec l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan « si elle renonce à la violence ».  Le représentant a milité pour une démarche équilibrée sans confrontation, y compris dans l’État rakhine.  S’opposant à tout retard artificiel dans le retour des réfugiés, il a tout de même mis en garde contre la politisation du processus. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a avoué son inquiétude face au retard pris dans le retour des réfugiés et à la non-application du Mémorandum d’accord signé avec le PNUD et le HCR.  Comme d’autres intervenants avant lui, il a rappelé l’importance du retour volontaire, sûr et digne des réfugiés dans l’État rakhine, dans un délai raisonnable.  Il a encouragé le Gouvernement du Myanmar à redoubler d’efforts dans la mise en œuvre du Mémorandum d’accord et à garantir un accès normal et sans entrave de l’aide humanitaire. 

M. HAU DO SUAN (Myanmar) a indiqué que son pays a donné son accord à la nomination de l’Envoyée spéciale et à l’établissement de son bureau.  Mon pays a mis en œuvre la plupart des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine, a-t-il affirmé, ajoutant que dans ce processus, cinq domaines prioritaires ont été identifiés: la citoyenneté, la liberté de mouvement, la fermeture des camps de personnes déplacées, l’éducation et la santé.  Il a aussi mentionné les projets en vue du développement socioéconomique de l’État rakhine, le développement étant la meilleure manière de mettre fin aux conflits. 

La tâche la plus urgente, a-t-il estimé, est de commencer le processus de rapatriement aussi vite que possible, afin de remédier à la situation humanitaire.  « Nous sommes prêts à accueillir des réfugiés qui auront été approuvés d’une manière volontaire, sûre et digne, dans le respect des accords bilatéraux et arrangements passés avec le Bangladesh. »  Il s’est dit assuré du succès de ce plan de retour si les deux pays respectent ces accords.  Évoquant le Mémorandum d’accord signé avec le PNUD et le HCR, il a déclaré que son pays a accepté de mettre en œuvre 35 projets à impact rapide, dès que les conditions sécuritaires auront été réunies. 

Le représentant a dénoncé les pressions politiques, illégitimes et « malfaisantes », exercées par certains pays, par le biais du système de l’ONU, et dénoncé aussi la création du Mécanisme indépendant sur le Myanmar par le Conseil des droits de l’homme.  Le Conseil a outrepassé son mandat en créant ce mécanisme, a-t-il dit, en l’accusant de sélectivité et de discrimination et en le prévenant qu’une telle initiative ne manquera de servir à ceux qui veulent faire de lui un instrument de leurs agendas politiques.  Des mesures aussi intrusives ne feront qu’exacerber les tensions intercommunautaires, a aussi prévenu le délégué, en rejetant catégoriquement le rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, qu’il a jugé « partial ».

Mon gouvernement ne tolérera pas les violations des droits de l’homme et prendra les mesures nécessaires pour traduire en justice les responsables, a-t-il dit, en mentionnant la création d’une Commission indépendante d’enquête qui a déjà été saisie de 40 allégations de violations des droits de l’homme et demandé l’accès aux camps de Cox’s Bazar.  Le représentant a d’ailleurs exhorté le Bangladesh à faciliter le travail de la Commission.  « Soucieux d’établir les responsabilités, nous rejetons toute tentative de confier cette tâche à la justice pénale internationale », a souligné le représentant qui a insisté sur le fait que la question de l’État rakhine n’est pas une question de persécution religieuse comme cela a été dépeint dans cette campagne médiatique massive contre le Myanmar, a déclaré le délégué.  « C’est une question économique et politique. »  Il a en outre invoqué les « barrières psychologiques et physiques » qui entravent les efforts de rapatriement, de paix et de développement.  Il faut du temps, a-t-il conclu, pour rétablir la confiance entre les différentes communautés de l’État rakhine.  Mon pays veut régler cette question aussi vite que vous, a-t-il affirmé.

M. SHAHIDUL HAQUE (Bangladesh) a exprimé sa frustration face à l’absence d’avancées concrètes pour convaincre son gouvernement et les Rohingya qui vivent dans des camps au Bangladesh qu’il existe une résolution précoce à la « crise », à savoir le retour sûr, digne, volontaire et durable des Rohingya.  Quoi de plus décevant de découvrir qu’en dépit de nos efforts, le rapatriement ne pourra pas commencer en raison des conditions peu propices dans l’État rakhine? a-t-il déploré.

Il a souligné que le « problème des Rohingya » est le débouché d’une création géopolitique multidimensionnelle et à multiples facettes qui a pour point de départ le Myanmar, résultant d’une pratique de privation, de dépossession et d’atrocités longue de plusieurs décennies.  Aussi, la solution doit être trouvée au Myanmar et par le Myanmar, a-t-il affirmé, regrettant par ailleurs que les autorités de ce pays accusent le sien d’offrir un havre à des terroristes. 

M. Haque a ensuite indiqué que la présence prolongée des Rohingya au Bangladesh pose des défis de taille et a un impact adverse sur l’économie, l’environnement, le tissu social et la société.  Nous faisons également face au risque de traite, de trafic de stupéfiants, et de radicalisation avec des répercussions pour l’ensemble de la région, a-t-il averti.  La notion même que le Bangladesh accueille les Rohingya sur le long terme n’est pas du tout viable.  Et même si le rapatriement devait commencer aujourd’hui, il durerait 12 ans, sur la base de l’estimation du retour de 300 personnes par jour. 

Le représentant a également indiqué qu’en dépit des efforts du Bangladesh « qui a tout essayé » en intervenant auprès du Myanmar et des partenaires régionaux, pas un seul Rohingya ne s’est porté volontaire pour regagner Rakhine en raison de l’absence d’un environnement propice.  Et nos amis de la communauté internationale doivent honorer leur rôle de « partenaire international intéressé », a-t-il enchaîné, soulignant qu’investir dans Rakhine, sans garantir le retour des Rohingya et le respect de leurs droits, ne produira aucun résultat.  De toute évidence, la politique d’apaisement ne fonctionne pas, comme ce fut le cas dans le passé, a-t-il commenté.

Poursuivant, le représentant a alerté que la situation s’est aggravée, signalant que les combats menés par l’armée du Myanmar depuis le mois de novembre 2018 avaient provoqué de nouvelles vagues de déplacement, y compris parmi les bouddhistes de Rakhine.  Cela ne fait que corroborer ce que nous avons soutenu depuis le début de la crise, qu’une répression contre l’ensemble des minorités ethniques de l’État rakhine est en cours, a-t-il dit.  M. Haque a ensuite annoncé « avec regret » que le Bangladesh ne pourra pas héberger plus de personnes venant du Myanmar.

Pour progresser, le représentant a appelé le Myanmar à coopérer avec les mécanismes de l’ONU, notamment la mission internationale indépendante d’établissement des faits, pour répondre au problème de l’impunité.  Il a aussi engagé les autorités à veiller à la pleine mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Gouvernement du Myanmar, le PNUD et le HCR ainsi que des recommandations de la Commission consultative de Kofi Annan.  Il a également réclamé le démantèlement des camps de déplacés et des ghettos à Rakhine « où plus de 130 000 musulmans sont détenus depuis plus de six ans dans des conditions inhumaines ».

M. Haque a ensuite exhorté le Conseil de sécurité à négocier de nouveau le projet de résolution afin d’établir un cycle régulier de présentation de rapport et un mécanisme de suivi des recommandations de la Commission consultative.  Il a aussi préconisé l’organisation d’une nouvelle mission de visite du Conseil à Cox’s Bazar et dans l’État rakhine afin d’évaluer l’évolution de la situation depuis leurs visites d’avril et mai 2018.  Le représentant a également jugé nécessaire d’établir des zones de sécurité dans les régions en conflit au Myanmar pour les populations civiles, avant d’appeler l’Envoyée spéciale à intensifier ses efforts.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: le nouvel Envoyé spécial pour la Syrie fixe cinq priorités pour trouver une issue au conflit

8475e séance – matin
CS/13724

Conseil de sécurité: le nouvel Envoyé spécial pour la Syrie fixe cinq priorités pour trouver une issue au conflit

Le nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie a présenté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, les cinq priorités qu’il s’est fixées dans l’immédiat dans l’espoir de faire avancer les efforts de résolution politique du conflit syrien, notamment la création du comité constitutionnel réclamé depuis plusieurs mois.

M. Geir Pedersen a expliqué que sa principale priorité est de consolider son dialogue avec le Gouvernement syrien et l’opposition, notamment la Commission syrienne de négociation, soulignant qu’il est essentiel pour lui d’avoir un accès direct aux parties afin de renforcer la confiance et d’amener les Syriens à la table des négociations.

Il a aussi fait part de sa volonté d’œuvrer en faveur d’une action plus concrète sur la question des détenus et des personnes enlevées ou portées disparues, une question qui est selon lui « d’une importance humanitaire immense ». 

Dans l’exercice de son mandat, le nouvel Envoyé spécial compte aussi intervenir auprès d’un large éventail de Syriens, car il est convaincu de l’importance d’associer l’ensemble du peuple aux efforts de paix.  Ce travail, a-t-il précisé, a déjà été amorcé par son équipe qui, au cours des deux derniers mois, a mené des consultations auprès de plus de 200 acteurs de la société civile syrienne et de la diaspora.

M. Pedersen a également insisté sur son espoir de voir le jour d’un comité constitutionnel « crédible » dès que possible, précisant que les règles de procédure devraient être finalisées « très prochainement ».  Il fera en outre tout son possible pour que le comité comprenne un minimum de 30% de femmes.  En se basant sur les conversations qu’il a eues avec les parties, il a noté que celles-ci comprennent généralement l’importance de la convocation d’un comité constitutionnel « crédible, équilibré, inclusif, viable et mené par les Syriens » dans l’intérêt du processus politique.  « Cela permettra d’ouvrir la porte à un dialogue plus approfondi et à de véritables négociations », a-t-il espéré. 

Enfin, M. Pedersen a dit son intention d’aider les parties internationales à consolider leur dialogue pour déboucher sur une solution politique crédible et durable.  Rappelant que cinq armées internationales opèrent sur le territoire et dans l’espace aérien syriens, M. Pedersen a averti que certains défis doivent être surmontés d’urgence au risque de voir la Syrie connaître une nouvelle escalade. 

Il a prôné notamment une diplomatie intensive concernant l’avenir du nord-est du pays, ainsi que le respect des dispositifs « fragiles » du cessez-le-feu à Edleb pour faire front aux groupes terroristes.  Afin de débloquer la situation, le nouvel Envoyé spécial a appelé à se montrer « créatif » et a suggéré d’établir un forum pour permettre aux États clefs d’interagir « sérieusement ». 

Mais alors que les « développements sur les champs de bataille se ralentissent », M. Pedersen a toutefois reconnu que le conflit est loin d’être terminé, et que les défis à surmonter pour gagner la paix sont colossaux, « tant dans leur ampleur que dans leur complexité ».  L’Envoyé spécial a ainsi rappelé que de larges pans de territoire demeurent en dehors du contrôle du Gouvernement, que la moitié de la population d’avant guerre a été déplacée, et que 80% des Syriens vivent en dessous du seuil de pauvreté, sans oublier l’impact « dramatique » du conflit sur les femmes syriennes.

Les cinq priorités de M. Pedersen ont été saluées par nombre de membres du Conseil, dont la Pologne et l’Allemagne, qui a notamment insisté sur l’importance « cruciale » que revêt la création d’un comité constitutionnel, se faisant l’écho d’un sentiment largement partagé quant à l’importance de passer, selon la Guinée équatoriale, à un « processus politique actif ».

Convaincue que la situation en Syrie s’est « considérablement améliorée », la Fédération de Russie a insisté sur l’importance de poursuivre un « dialogue professionnel » avec Damas, ainsi que sur la nécessité du retour de la Syrie « dans la famille arabe ».  La délégation russe a en outre rappelé que le déplacement de M. Pedersen à Moscou, en janvier, avait permis de surmonter l’« incident désagréable » survenu en décembre au sujet de la constitution du comité constitutionnel.

Sur ce point, l’Allemagne a toutefois estimé que l’ancien Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura, avait eu raison, à l’époque, de ne pas approuver la liste de la société civile fournie par le groupe d’Astana. 

« Nous avons perdu un temps précieux l’an dernier et la responsabilité du régime syrien dans l’échec de la mise en place du comité ne fait aucun doute », a renchéri la France, qui a appelé à parvenir à un accord crédible et équilibré sur la troisième liste composant le comité et sur ses règles de procédure.

La délégation française a en outre jugé que la victoire militaire du « régime », acquise grâce au soutien de ses deux alliés et « au prix de destructions humaines et matérielles massives », ne constitue en rien le prélude à la paix et à la réconciliation de la Syrie.

Mais de l’avis de la Syrie, les parties qui bloquent la formation du comité constitutionnel sont « celles qui ont un agenda caché ».  La délégation a souligné en outre que ce qui touche à la Constitution syrienne est une question de souveraineté.  La délégation syrienne a également vivement dénoncé le fait que la Belgique, la France et le Royaume-Uni aient « loué » l’intention des États-Unis de maintenir 200 à 400 troupes en Syrie.  Elle a aussi longuement critiqué la position de certains pays européens au sujet de la question du retour des combattants terroristes étrangers.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. GEIR PEDERSEN, intervenant pour la première fois en sa capacité d’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a fait savoir qu’au cours de ses premiers échanges, il avait rappelé à toutes les parties les principes de la résolution 2254, se disant par ailleurs convaincu qu’un véritable processus de paix en Syrie doit être dirigé par les Syriens, condition pour qu’il soit durable.  Il a expliqué que sa principale priorité est d’intervenir auprès du Gouvernement syrien et de la Commission syrienne de négociation pour obtenir leurs points de vue.  Il a dit avoir été « très bien reçu » à Damas par le Ministre des affaires étrangères syrien, M. Al-Moualem, et s’être également rendu au bureau de la Commission syrienne de négociation, à Riyad, précisant que ses « composantes » avaient affirmé leur empressement à prendre part à un dialogue sur la base de la résolution 2254.  Il a aussi dit apprécier l’engagement constructif des parties prenantes internationales, ajoutant qu’il se rendra à Washington mardi, et ensuite à Londres, Beyrouth, Amman et Beijing.

M. Pedersen a souligné qu’il est essentiel pour lui, en tant que médiateur de l’ONU, d’avoir un accès direct et effectif au Gouvernement de la Syrie et à l’opposition afin de renforcer la confiance, d’établir un dialogue soutenu entre les parties et d’amener les Syriens à la table des négociations sous les auspices de l’ONU.  Il a précisé qu’il retournera prochainement à Damas et qu’il se rendra à nouveau à la Commission syrienne de négociation.

L’Envoyé spécial a ensuite indiqué qu’il existe un sentiment partagé que les développements sur les champs de bataille sont en train de ralentir.  Néanmoins, le conflit est loin d’être terminé, et les défis qu’il faudra encore surmonter pour gagner la paix sont colossaux, tant dans leur ampleur que dans leur complexité.  Il a notamment rappelé que de larges pans de territoire demeurent en dehors des mains du Gouvernement, et que bien que vaincu « territorialement », Daech peut resurgir.  Les Syriens veulent aussi une réponse appropriée à la question des détenus et des personnes disparues. 

À cela, a-t-il poursuivi, s’ajoute le fait que la moitié de la population d’avant guerre a été déplacée, que 80% des Syriens vivent en dessous du seuil de pauvreté, que 50% sont au chômage et que 11,7 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire.  Les défis socioéconomiques sont également impressionnants, marqués par des défis notables en matière de fourniture de services et des pénuries de gaz.  L’Envoyé spécial a aussi parlé de l’impact « dramatique » du conflit sur les femmes syriennes, qui sont nombreuses à être devenues le principal gagne-pain de leur famille, sans oublier les violences sexospécifiques.

M. Pedersen a dit avoir été encouragé par la libération récente de 42 détenus, sous les auspices de la Fédération de Russie et de la Turquie, tout en appelant à donner la priorité à l’action sur cette question « d’une importance humanitaire immense ».  Il a également souligné qu’outre les parties, il importe d’impliquer l’ensemble du peuple syrien aux efforts de paix. 

L’Envoyé spécial a d’ailleurs indiqué qu’au cours des deux derniers mois, son équipe a mené des consultations avec plus de 200 acteurs de la société civile syrienne et de la diaspora.  Il a également dit qu’au cours de ses conversations avec les parties, il avait ressenti une « générale acceptation » du fait que la convocation d’un comité constitutionnel « crédible, équilibré, inclusif, viable et mené par les Syriens » serait importante pour revitaliser le processus politique.  Cela permettra d’ouvrir la porte à un dialogue plus approfondi et à de véritables négociations, a-t-il espéré.  Il est maintenant admis qu’il faut une « série d’ententes » pour veiller à ce que le Gouvernement et l’opposition soient favorables aux principes de procédure essentiels pour guider le travail dudit comité.  M. Pedersen espère pouvoir finaliser très prochainement ces règles de procédure.  Il fera par ailleurs tout son possible pour que le comité comprenne un minimum de 30% de femmes.

Rappelant ensuite que les interventions externes sont un facteur significatif du conflit, « dans le contexte duquel cinq armées internationales opèrent sur le territoire et dans l’espace aérien syrien provoquant un risque quotidien d’escalade internationale », M. Pedersen a indiqué vouloir mettre l’accent sur l’amélioration du dialogue et de la coopération internationale.  Certains défis doivent être surmontés d’urgence au risque de voir la Syrie sombrer dans un nouveau cycle d’escalade, a-t-il prévenu, estimant qu’une diplomatie intensive est particulièrement nécessaire concernant l’avenir du nord-est du pays.  Les escalades aux alentours d’Edleb soulignent la nécessité de respecter les dispositifs « fragiles » du cessez-le-feu et de faire face aux groupes terroristes et combattants étrangers qui ont été un tel fléau pour la Syrie. 

L’Envoyé spécial a salué le nouvel élan insufflé en faveur de la pleine mise en œuvre du mémorandum d’Edleb lors du récent Sommet de Sotchi et a souhaité que la prochaine réunion d’Astana se focalise également sur cette question.  De son côté, la communauté internationale doit veiller au respect des normes en ce qui concerne l’emploi d’armes chimiques, et il ne faut pas non plus négliger le risque croissant d’affrontement entre Israël et l’Iran en Syrie, a-t-il ajouté.

M. Pedersen a estimé qu’il existe de véritables occasions de renforcer l’appui international et a appelé à se montrer « créatif » à cet égard.  Si nous voulons débloquer la situation et aider les parties à s’orienter vers un processus approprié et dirigé par les Syriens, il sera peut-être nécessaire d’établir un forum pour permettre aux États clefs d’interagir sérieusement sur ces questions, a-t-il suggéré.

Dans l’immédiat, l’Envoyé spécial compte approfondir son dialogue avec le Gouvernement syrien et l’opposition; œuvrer pour une action plus concrète sur la question des détenus, des personnes enlevées ou portées disparues; intervenir auprès d’un large éventail de Syriens; convoquer un comité constitutionnel crédible dès que possible; et aider les parties internationales à renforcer leur dialogue pour déboucher sur une solution politique crédible et durable.

M. Pedersen, se disant convaincu que les Syriens peuvent vivre ensemble dans la paix, a plaidé pour une solution politique.  Il n’y a pas de solution militaire, a-t-il assuré, en faisant remarquer que les véritables vainqueurs seront ceux qui sauront aller au-delà des slogans pour dépeindre un tableau prometteur de ce à quoi pourra ressembler la Syrie dans 10 ans.  « L’histoire », a-t-il ajouté, « peut parfois prendre une direction que personne n’avait anticipé ».

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a souligné la détermination de son gouvernement à appliquer la résolution 2254 (2015).  Il a illustré cet engagement en faisant remarquer la présence à cette séance du Représentant spécial des États-Unis pour la Syrie, M. James Jeffrey.  Il a déploré, en revanche, les blocages de la Fédération de Russie pour l’application de ladite résolution qui est la feuille de route pour la transition politique en Syrie.  Les États-Unis se tiennent disposés à soutenir le comité constitutionnel syrien, une fois que sa composition sera approuvée par l’ONU et que ses règles de procédure seront définies de manière équilibrée.  La délégation rappelle que la composition du comité doit être équilibrée entre les représentants de la société civile, de l’opposition et du régime.

Les États-Unis se félicitent des projets de l’Envoyé spécial visant à explorer d’autres initiatives potentielles dans « quatre dossiers », notamment la réforme constitutionnelle et la préparation de manière crédible d’élections libres et équitables administrées par l’ONU.  M. Cohen a ensuite affirmé que la violence doit cesser pour qu’une solution politique se concrétise en Syrie.  Il faut un environnement sécuritaire stable sur tout le territoire de la Syrie, ce qui implique que le régime d’Assad respecte le cessez-le-feu.  Il a aussi insisté sur l’importance du respect de l’accord russo-turc sur Edleb, lequel est essentiel pour protéger trois millions de civils.  Il a souligné que le terrorisme ne peut être utilisé comme prétexte pour cibler des civils, affirmant que toute offensive militaire d’envergure à Edleb risque de provoquer une catastrophe humanitaire.  Le représentant a encore appelé à des mesures pour libérer les prisonniers par le régime d’Assad, conformément à la résolution 2254, avant de conclure que toute solution durable ne pourra être trouvée que par le plein respect de ladite résolution.

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a noté que le volet politique en Syrie n’avait pas connu d’avancées ces dernières années.  « La résolution 2254 (2015) avait pourtant établi un plan d’action pour un règlement pacifique du conflit, mais elle est restée lettre morte. »  Il a dit espérer que le nouvel Envoyé spécial aura plus de succès.  En plus de l’application de la résolution 2254, le Koweït rappelle également l’importance du Communiqué de Genève dans la résolution de la crise syrienne.  Le représentant a également déploré le fait que les travaux du comité constitutionnel n’aient toujours pas commencé, précisant que cet organe doit être composé de toutes les parties de la société syrienne.  Il a également demandé la mise en place de mesures de confiance entre les belligérants, comme la libération de prisonniers. 

Le Koweït insiste aussi sur le fait qu’une paix durable en Syrie passe par la justice pour les crimes commis au cours du conflit.  La délégation a donc rappelé l’importance du « Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger ceux qui en sont responsables ».  Le Koweït a enfin rappelé que la communauté internationale doit soutenir les réfugiés et déplacés syriens, rappelant que la Conférence de Bruxelles du mois prochain doit permettre de mobiliser des fonds à cet effet.  La délégation a aussi mis en garde contre toute tentative de modifier la composition sociologique de la Syrie.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que le conflit syrien n’est pas « derrière nous » et que, pour éviter une « décennie noire », il en va de la responsabilité de ce Conseil de surmonter ses divisions sur la base des intérêts partagés de ses membres et de la communauté internationale.  « Notre priorité, a-t-il dit, est de poursuivre la lutte contre le terrorisme et de travailler à la mise en place d’un cessez-le-feu national, conformément aux exigences de la résolution 2254 ».  Alors que la lutte contre Daech se poursuit dans le nord-est de la Syrie, le représentant a accueilli avec intérêt l’annonce, par les États-Unis, du maintien d’une présence militaire dans cette région.  S’agissant de la situation à Edleb, il a réitéré devant le Conseil sa préoccupation à l’égard du renforcement du Groupe HTC, désigné comme organisation terroriste par l’ONU.  M. Delattre s’est dit également préoccupé par la multiplication des violations de l’accord de cessez-le-feu par le « régime syrien », notamment par des frappes aériennes.  Aussi a-t-il appelé les États Membres ayant une influence sur lui de l’exercer pour que le droit international et le droit international humanitaire soient respectés. 

Il est par ailleurs plus que jamais nécessaire, a poursuivi la délégation, d’ouvrir la voie à une transition politique crédible sous l’égide des Nations Unies.  Pour la France, la victoire militaire du « régime », acquise grâce au soutien de ses deux alliés et « au prix de destructions humaines et matérielles massives », ne constitue en rien le prélude à la paix et à la réconciliation de la Syrie.  À ce titre, la France soutient pleinement les efforts de l’Envoyé spécial en vue de la mise en place d’une feuille de route globale sur la base de l’ensemble des éléments de la résolution 2254, et de l’établissement d’un « paquet constitutionnel » comme point d’entrée de ce processus.  « Cela implique de parvenir à un accord crédible et équilibré à la fois sur la composition de la troisième liste composant le comité et sur ses règles de procédure, afin qu’il puisse commencer rapidement ses travaux », a précisé le représentant.  « Nous avons perdu un temps précieux l’an dernier et la responsabilité du régime syrien dans l’échec de la mise en place du comité […] ne fait aucun doute », a tranché M. Delattre.  Dans ce contexte, le Conseil de sécurité doit accompagner les efforts de l’Envoyé spécial, a-t-il insisté, en exhortant ses membres à mettre de côté les postures déclaratoires pour œuvrer sans relâche à une paix durable en Syrie. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a salué la volonté de l’Envoyé spécial de maintenir des contacts intensifs avec les parties, insistant sur l’importance de poursuivre un « dialogue professionnel » avec Damas.  Il a indiqué que M. Pedersen s’était rendu à Moscou en janvier pour s’entretenir avec le Ministre des affaires étrangères, entre autres.  « Nous avons pu surmonter l’“incident désagréable” survenu en décembre au sujet de la constitution d’un comité constitutionnel », s’est-il félicité en espérant que le mécanisme portant sa création pourrait être lancé prochainement.

M. Nebenzia a aussi souhaité que la « troïka d’Astana » puisse trouver des solutions acceptables concernant la situation à Edleb, entre autres, appelant notamment à y éliminer le foyer du terrorisme et à protéger la population civile.  La situation dans le nord-est ne pourra pas être gelée indéfiniment, a-t-il par ailleurs indiqué, pointant « ceux qui nous appellent à rester les bras croisés ».

Le représentant a ensuite salué les propos des États-Unis qui ont reconnu que la lutte contre le terrorisme ne peut servir de prétexte pour éliminer la population civile.  S’agissant de la question des prisonniers militaires, il a indiqué que les échanges récents sont source d’optimisme et sont nécessaires pour stabiliser la situation.  Il a ensuite annoncé le don fait par son pays au Service de la lutte antimines de l’ONU, le 21 février, pour faciliter les activités de déminage en Syrie, invitant les autres États Membres à en faire de même. 

Intervenant ensuite au nom de la « troïka d’Astana » (Iran, Russie, Turquie), M. Nebenzia s’est dit disposé à travailler avec les parties « intéressées et sincères » pour œuvrer à la résolution de la crise syrienne.  Il a estimé que la situation s’était « considérablement améliorée » et a jugé que l’appui économique devrait permettre d’accélérer ce processus.  « Le retour de Damas dans la famille arabe accélérera aussi considérablement le processus », a-t-il ajouté.  Il a ensuite affirmé que la Russie est disposée à coopérer avec l’Envoyé spécial pour faire renaître la paix en Syrie.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a noté avec préoccupation la violation de l’accord russo-turc et l’escalade militaire dans la région de Hajin.  Dans ce contexte, il a exhorté les parties au conflit à cesser les hostilités et à privilégier la voie du dialogue.  Il a rappelé aux belligérants l’obligation de respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire dont les violations ne sauraient rester impunies, quels que soient les auteurs.  Le représentant a renouvelé son plein soutien aux efforts déployés par le nouvel Envoyé spécial et a appelé les parties syriennes à renforcer leur coopération avec lui pour impulser une dynamique nouvelle au processus politique.  Il a aussi encouragé les garants des processus d’Astana et de Sotchi à poursuivre leurs efforts, en vue d’une sortie définitive et durable de la crise en Syrie.  Il a enfin exhorté les parties à s’accorder sur la mise en place effective du comité constitutionnel. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a estimé que pour être véritablement efficace, le comité constitutionnel doit avoir une composition crédible, équilibrée, inclusive et représentative de toutes les composantes de la société syrienne.  Chaque accord sur sa composition doit être accompagné de procédures et de méthodes de travail.  C’est maintenant au nouvel Envoyé spécial de mettre en place une stratégie pour la création du comité.  Le représentant a poursuivi en soulignant qu’aucune paix durable n’est possible sans réconciliation et qu’aucune réconciliation n’est possible sans justice.  Il a insisté sur la lutte contre l’impunité.  La sécurité, a-t-il dit, va au-delà de l’absence de conflit armé.  Elle inclut la protection des droits fondamentaux, l’absence de répression et d’enrôlement forcé dans les forces armées.  Le représentant, qui énumérait ainsi les conditions du retour des réfugiés, s’est ensuite attardé sur la situation sur le terrain, en appelant, s’agissant d’Edleb, au respect de l’accord entre la Turquie et la Russie, et concernant Deïr el-Zor, à la poursuite des efforts de la communauté internationale pour éviter la résurgence de Daech. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a insisté sur la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, rappelant le rôle de l’ONU en tant que garant du processus de paix en Syrie.  Il a dit que ce processus politique doit être dirigé par les Syriens eux-mêmes et impliquer toutes les composantes de la société syrienne.  Il a demandé que des mesures soient prises pour rassurer la population syrienne, par exemple que des enquêtes soient ouvertes sur les cas d’atrocités et de disparition, et que plus de place soit accordée à la femme syrienne pour la reconstruction du pays.  La République dominicaine souscrit à l’aspiration d’un renouveau syrien et souligne que cela passera par le dialogue. 

M. WU HAITAO (Chine) a appelé à faire avancer le dialogue politique, notamment en accélérant la création d’un comité constitutionnel qui soit représentatif et réponde aux préoccupations du Gouvernement.  Il a appelé l’ONU à renforcer son rôle de négociateur, engageant par ailleurs les parties concernées à créer les conditions propices à un règlement politique.  Le représentant s’est inquiété des activités des terroristes à Edleb et de leurs conséquences sur les populations civiles.  Il a appelé la communauté internationale à renforcer la coopération dans la lutte antiterroriste et à empêcher la résurgence de groupes qui cherchent à saper les avancées réalisées jusqu’à présent. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a souligné la nécessité de s’engager en faveur d’un processus politique inclusif et crédible en Syrie, y compris par la création d’un comité constitutionnel répondant aux aspirations du peuple syrien.  La création d’un tel comité n’est pas aisée, mais faisable, a-t-il déclaré, en soulignant l’urgence de voir ce comité se réunir pour la première fois à Genève.  Il a espéré que les difficultés entourant la troisième liste de la société civile n’entravent pas davantage le processus de réforme constitutionnelle en Syrie.  « La communauté internationale doit garder à l’esprit que c’est au peuple syrien de décider de son avenir. »  Un dialogue authentique, « et je répète, un dialogue authentique », est crucial pour assurer le succès du processus de paix, a déclaré le délégué.  Il a ensuite exhorté les parties à éviter de recourir à la force et à respecter les accords de cessez-le-feu, en vue notamment de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire.  « Je veux dire haut et fort qu’il n’y a pas d’autre option en Syrie que la recherche d’une solution politique dans l’esprit de la résolution 2254 (2015). »

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a rappelé que le mois prochain marquera le huitième anniversaire du début de la crise en Syrie, laquelle a eu des conséquences tragiques dans le pays et un impact déstabilisant sur la région, du fait notamment du déplacement des populations, de l’exacerbation des différences politiques et sectaires et de l’expansion de l’extrémisme.  Pour l’Afrique du Sud, la seule solution durable en Syrie demeure un accord politique par le biais d’un dialogue mené par les Syriens, avec pour but de parvenir à une transition politique qui reflète la volonté du peuple syrien, et avec le soutien assuré de tous les groupes de la société syrienne.  C’est pourquoi la délégation invite le Conseil de sécurité à rester uni pour la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) qui est la feuille de route vers une solution politique durable en Syrie. 

L’Afrique du Sud salue les consultations entamées par M. Pedersen avec le Gouvernement syrien, les partis d’opposition et les partenaires clefs de la région depuis janvier 2019.  Ces consultations sont importantes pour renforcer la confiance entre le peuple syrien et la région et pour aller de l’avant, a assuré M. Matjila.  Il a ajouté que le respect du cessez-le-feu et des accords de désescalade, tout comme la poursuite de la lutte contre le terrorisme, sont tout aussi importants pour le succès du processus politique.  L’Afrique du Sud demande également que toutes les parties soutiennent M. Pedersen dans ses efforts visant la mise en place d’un comité constitutionnel syrien. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a regretté que, huit ans après le début du conflit syrien, il y ait toujours autant de violence et de violations « brutales » du droit international, y compris des droits de l’homme.  Elle reste néanmoins convaincue que l’accord de cessez-le-feu d’Edleb change positivement la dynamique sur le terrain même si des questions relatives à la viabilité future de cet accord, son respect par les parties et la situation des personnes déplacées et d’autres civils d’Edleb restent en suspens. 

La représentante a constaté que le processus politique n’a pas réussi à gagner du terrain, et a insisté sur la priorité de mettre en place un comité constitutionnel.  Elle y voit « le premier pas vers un vrai processus politique sous supervision de l’ONU ».  Pour la Pologne, il n’existe pas de solution militaire au conflit syrien et il faut donc un accord-cadre politique intrasyrien.  Elle a espéré que la cessation des hostilités ouvrirait la voie à des pourparlers de paix sous les auspices de l’ONU à Genève, et a appelé les garants d’Astana à honorer leurs engagements et protéger les civils.

Toute solution politique en Syrie devrait être conforme aux dispositions de la résolution 2254 du Conseil de sécurité et au Communiqué de Genève, a estimé Mme Wronecka soulignant au passage le rôle important de l’Envoyé spécial, M. Pedersen, dans ce processus et en particulier dans la mise en place du comité constitutionnel le plus rapidement possible, « un processus que les garants d’Astana devraient également appuyer ».  Les autorités syriennes doivent également jouer un rôle à cet égard et participer aux négociations de bonne foi et sans préconditions, a-t-elle précisé avant de s’aligner sur la position de l’Union européenne, pour laquelle la reconstruction de la Syrie ne commencera qu’avec une transition politique inclusive et un retour sûr et digne des réfugiés syriens dans leur pays.  C’est dans cet esprit que l’Union européenne organise la troisième Conférence de Bruxelles sur la Syrie, du 12 au 14 mars prochain.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a dit que la réconciliation en Syrie est impensable sans reddition de comptes.  À ce propos, il a indiqué que l’Allemagne poursuivait en ce moment des membres du régime accusés de crimes atroces.  Le délégué a aussi souligné l’importance de mettre en place des mesures de confiance.  C’est pourquoi il a souhaité que la Fédération de Russie fasse pression sur la Syrie afin que les libérations de prisonniers se poursuivent, et que le sort des disparus soit réglé.  Au sujet du retour des populations, le représentant a dit que ces dernières ne peuvent entamer un voyage du retour sans garanties qu’elles ne seront pas victimes d’exactions. 

En ce qui concerne le comité constitutionnel, le représentant a estimé que l’ancien Envoyé spécial avait eu raison, en décembre dernier, de ne pas approuver la liste de la société civile fournie par le groupe d’Astana.  L’Allemagne rappelle que le comité doit avoir une composition équilibrée, et notamment pas moins de 30% de femmes, puisqu’en définitive, ce sont les femmes et enfants qui ont le plus souffert de ce conflit.  L’Allemagne, qui est l’un des plus grands donateurs pour l’assistance humanitaire en Syrie, a indiqué que l’Union européenne se tient aussi prête à œuvrer à la reconstruction de la Syrie, mais seulement si certaines conditions sont réunies. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a insisté sur la nécessité urgente de faire progresser un processus politique qui inclue tout le monde, appelant les parties à s’engager de manière constructive à cette fin.  Il a souligné l’importance de rédiger une nouvelle constitution capable de jeter les bases d’une paix pérenne dans le pays, insistant par ailleurs sur la nécessité de résoudre la question des détenus et de l’identification des dépouilles.  Il a aussi appelé à éviter les escalades, insistant sur l’importance capitale du cessez-le-feu russo-turc en vigueur à Edleb.  Il s’est aussi soucié du sort des millions de réfugiés.  « Le droit à la propriété de ces personnes ne peut nullement être remis en cause », a-t-il plaidé.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que toute solution à la crise syrienne doit s’appuyer sur la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.  Elle a assuré que sa délégation soutient le nouvel Envoyé spécial, avant d’affirmer que toute reconstruction de la Syrie doit passer par une solution durable selon des bases prévues dans la résolution 2254.  Préoccupée également par le sort des civils d’Edleb, la délégation a averti que la lutte contre le terrorisme ne peut servir de prétexte à des actions ciblant la population.  « Nous devons aller plus loin dans la lutte contre Daech », a-t-elle plaidé, avant d’insister pour que cette lutte se fasse parallèlement au processus politique en Syrie.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué l’engagement de l’Envoyé spécial, insistant sur la nécessité de trouver une issue politique au conflit.  Il a appelé à une coopération constructive entre Damas, l’ONU et les garants d’Astana afin de faire le point sur les sujets de convergences et de divergence.  Il a aussi souligné l’importance de créer un comité constitutionnel, insistant sur la nécessité d’accélérer le processus politique.  De son avis, le moment est venu de passer à un processus politique « actif » avec la création d’un comité constitutionnel et d’un mécanisme d’adoption de la nouvelle constitution.  La troisième liste des représentants de la société civile ne doit pas s’éloigner de l’objectif de créer un comité sans exclusive, a-t-il souhaité.  Enfin, il a prié M. Pedersen de poursuivre ses consultations pour parvenir à une liste qui bénéficie du plus large consensus possible.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a indiqué au nouvel Envoyé spécial qu’il avait le soutien de son pays, tout en dénonçant le fait que « certains » veulent lui confier des « prérogatives dénuées de tout sens ».  M. Ja’afari a aussi dénoncé la position des délégués français, britannique et belge qui ont salué la décision des États-Unis de garder une présence militaire en Syrie.  Il a rappelé à cet égard que le Conseil de sécurité, dans ses propres résolutions, avait toujours souligné l’importance de maintenir l’intégrité et la souveraineté territoriale de la Syrie.  Dans ce contexte, il a demandé le retrait des forces de la coalition internationale en Syrie et des forces turques, se désolant du fait que ces forces aient contribué à détruire les infrastructures durement acquises par le peuple syrien.

De l’avis de la Syrie, les parties qui bloquent la formation du comité constitutionnel sont « celles qui ont un agenda caché ».  Le représentant a tenu à rappeler que ce qui touche à la Constitution syrienne est une question de souveraineté. 

Sur la question des combattants terroristes étrangers, le délégué a rappelé que ce sont plus de 100 000 terroristes venus de plus de 100 États Membres de l’ONU qui sont entrés en Syrie.  Il s’est dit étonné d’avoir entendu un responsable européen affirmer que « le retour de ces combattants représente une menace pour la sécurité de son pays ».  Un autre aurait aussi dit que « ces terroristes sont les ennemis de la nation » et que leur retour est « une question extrêmement difficile ».  « Leur recrutement, leur formation et leur transfert en Syrie furent apparemment plus aisés », a ironisé le représentant syrien, avant d’ajouter que la crainte de ces retours laisse croire que certains ont peur des révélations que ces terroristes pourraient faire.  Il a aussi évoqué l’arrestation de centaines de combattants par les autorités algériennes.  Ces terroristes, qui étaient localisés à la frontière avec le Niger, auraient dit revenir d’Alep.  « Qui les a donc transférés de Syrie au Niger? » a-t-il demandé. 

M. Ja’afari a en outre affirmé que les pertes de l’économie syrienne, y compris du fait des sanctions, représentent bien plus que l’aide humanitaire que le pays reçoit.  Il a aussi invité les Syriens à retourner chez eux pour reconstruire la patrie.  Une patrie que l’armée syrienne a « défendue au prix d’énormes sacrifices ».  Il a enfin fait valoir la détermination des autorités syriennes à récupérer l’ensemble du territoire national et libérer le pays de terroristes et de la présence étrangère.  Il a promis que seuls les Syriens dirigeront leur avenir: cela passera par un dialogue qu’ils vont eux-mêmes mener. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Assemblée générale: examen de la phase de mise en œuvre, trois mois après l’adoption du Pacte de Marrakech sur des migrations sûres

Soixante-treizième session,
Débat de haut niveau, matin & après-midi
AG/12123

Assemblée générale: examen de la phase de mise en œuvre, trois mois après l’adoption du Pacte de Marrakech sur des migrations sûres

Près de trois mois après qu’elle a approuvé le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté le 10 décembre dernier à Marrakech, l’Assemblée générale a organisé aujourd’hui un débat de haut niveau sur les migrations internationales et le développement pour examiner la phase de mise en œuvre du Pacte, dans le cadre de deux tables rondes sur les progrès accomplis et les moyens de combler les lacunes.

La Présidente de l’Assemblée, Mme María Fernanda Espinosa, a annoncé d’emblée la création du « Forum d’examen des migrations internationales », qui sera chargé du suivi de la mise en œuvre du Pacte de Marrakech, avec pour premiers cofacilitateurs, les Représentants permanents du Bangladesh et de l’Espagne.  La Présidente a mis l’accent sur trois aspects clefs de la migration, à savoir l’accent que place le Programme de développement durable à l’horizon 2030 sur l’être humain, les bienfaits de la migration et la communication autour de cette problématique.

Les bienfaits de la migration?  L’apport des 164 millions de travailleurs migrants dans le monde, dont 68 millions de femmes, à une croissance inclusive et durable dans les pays d’origine, de transit et d’accueil n’est plus à démontrer, ont souligné le Groupe des 77 et la Chine.  Du point des pays du Sud, c’était en 2017, une somme de 450 milliards de fonds qui a été reçue des migrants, a souligné la Présidente de l’Assemblée générale, soit plus que l’aide publique au développement (APD).  Dixième diaspora la plus importante au monde, le Maroc s’est d’ailleurs félicité de la grande contribution des Marocains de l’étranger à son développement économique.  Les avantages de la migration sont plus nombreux que les défis, a fait observer la Présidente de l’Assemblée, ajoutant que 85% des revenus des migrants restent dans leur pays d’accueil, contribuant ainsi à la croissance économique.  Dans ce monde globalisé et interdépendant, la mobilité humaine doit être appréhendée comme une opportunité et un vecteur du développement, a-t-elle souhaité.

La migration fait partie de l’histoire de l’humanité.  Elle a toujours existé.  Aucun pays ni aucun peuple au monde a échappé à ce phénomène.  Profitons de l’occasion « historique » de travailler ensemble pour éviter les migrations risquées ou forcées.  « Nous pouvons faire de la migration une option et non une nécessité de survie », a encouragé la Présidente.  Le Rwanda s’est prévalu d’un certain « état d’esprit » pour expliquer les politiques ouvertes qu’il adoptées.  Le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations a toutefois identifié deux obstacles majeurs contre la migration: la gouvernance, les politiques et leur manque de cohérence; et l’érosion de la confiance du public dans la capacité des gouvernements à gérer les migrations, une réalité multidimensionnelle qui doit être traitée de manière équilibrée, ont souligné le Groupe des 77 et la Chine. 

Multidimensionnelle en effet puisqu’il manque aux économies des pays en développement quelque 45 millions de travailleurs qualifiés; la Sri Lanka offrant le parfait paradoxe puisqu’il recherche 400 000 de ces travailleurs qualifiés, alors qu’il en exporte des milliers vers le Moyen-Orient.  Il faut travailler au retour volontaire des migrants, a pressé l’Organisation internationale des employeurs (OIE).  Les 23 objectifs du Pacte de Marrakech visent en effet à lutter contre les problèmes structurels qui poussent des personnes à partir mais aussi à collecter des données précises et ventilées pour élaborer de bonnes politiques.  Les objectifs sont associés chacun à un engagement, suivi d’une série de mesures regroupant des moyens d’action et des pratiques optimales.

DÉBAT DE HAUT NIVEAU SUR LES MIGRATIONS INTERNATIONALES ET LE DÉVELOPPEMENT

Déclaration liminaire

Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA, Présidente de l’Assemblée générale, a souligné l’extrême importance de ce débat qui aborde deux thématiques les plus pertinentes à l’ordre du jour multilatéral: la migration et le développement durable.  Elle a souhaité que les échanges puissent contribuer à rendre visibles le lien et l’interdépendance entre les deux questions.  Près de trois mois après que l’Assemblée générale a approuvé le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté à Marrakech, « tout premier accord qui traite dans une approche commune de la migration internationale dans toutes ses dimensions », « nous nous rencontrons aujourd’hui pour examiner la phase de mise en œuvre », a indiqué la Présidente.

Elle a rappelé que ces discussions interviennent à la veille de deux manifestations majeures sur la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030: le Forum politique de haut niveau pour le développement durable (FPHN), en juillet sous les auspices du Conseil économique et social (ECOSOC) et en septembre sous ceux de l’Assemblée générale.

La Présidente a mis l’accent sur trois aspects clefs de la migration à savoir l’accent que place le Programme 2030 sur l’être humain, les bienfaits de la migration et la communication autour de cette problématique.  Nous ne pourrons atteindre les objectifs de développement durable que si nous incluons véritablement les migrants, a-t-elle estimé.  De fait, l’objectif 10.7 du Programme 2030 fait référence à la nécessité de faciliter une migration sûre, régulière et responsable et appelle à la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées.  Or, a-t-elle déploré, ces dernières années, le monde a été témoin de grands mouvements migratoires caractérisés par des milliers de morts.  Il est donc essentiel d’insister sur l’accès des migrants à la santé et aux services de base mais aussi à une éducation de qualité, au logement et à la construction de sociétés pacifiques et inclusives.  Réaliser les objectifs du développement durable partout permettra de minimiser les facteurs de la migration.  C’est le meilleur outil de prévention des migrations, a insisté la Présidente.  « Personne ne laisse derrière lui sa famille, sa terre, ses attaches, sans une raison impérieuse. »  C’est pourquoi, les 23 objectifs du Pacte de Marrakech ont été structurés conformément au Programme 2030 et qu’ils abordent les risques et les défis auxquels sont confrontés les individus et les communautés dans les pays d’origine, de transit et de destination.

La Présidente a invité son audience à mettre l’accent sur la traite des êtres humains et la relation entre migrations et politiques du travail, par exemple.  L’accès à un travail décent est un objectif du Programme 2030 et une « question prioritaire » pour ma présidence, a souligné Mme Espinosa.  Elle a d’ailleurs annoncé la tenue le 10 avril prochain d’une manifestation pour commémorer le centenaire de l’Organisation internationale du Travail (OIT).  La Présidente a aussi rappelé que les femmes et les filles représentent 71% de toutes les victimes de la traite des personnes.

Il est évident, a poursuivi la Présidente, que les avantages de la migration sont plus nombreux que les défis.  Tous les migrants enrichissent la diversité culturelle des communautés d’accueil et contribuent au développement des communautés d’origine et de destination.  Les envois de fonds vers les pays du Sud sont trois fois plus importants que l’aide publique au développement (APD).  En 2017, 600 milliards de dollars ont été envoyés, dont 450 milliards aux pays du Sud.

Les migrants contribuent donc à la réalisation des objectifs du Programme 2030 tels que la réduction de la pauvreté.  En outre, 85% de leurs revenus restent dans les pays de destination, contribuant ainsi à la croissance économique.  Dans ce monde globalisé et interdépendant, la mobilité humaine doit être appréhendée comme une opportunité et un vecteur du développement, a insisté la Présidente.

La Présidente a appelé à une meilleure communication autour de cette problématique.  Elle a souhaité un débat bien informé, dans une perspective globale, inclusive et équilibrée.  Il faut éliminer les préjugés qui, malheureusement, ont été associés à la migration, dans un effort partagé par les gouvernements, les médias, les organisations de la société civile, les parlements, les gouvernements locaux.  La Présidente a tenu à rétablir une vérité: le Pacte mondial sur les migrations n’affecte pas la souveraineté des États.  Au contraire, il la renforce et privilégie la coopération entre États en tant que meilleur outil de gestion des migrations.  Car, a-t-elle souligné, aucun État, aussi puissant soit-il, ne peut résoudre seul les problèmes de la migration.  La Présidente a indiqué aujourd’hui que notre engagement porte désormais sur la mise en œuvre du Pacte de Marrakech.  À cette fin, elle a dit avoir nommé les Représentants permanents du Bangladesh et de l’Espagne, cofacilitateurs du processus visant à déterminer les modalités du « Forum d’examen des migrations internationales ».  La participation active et constructive des États à ce processus est essentielle pour que nous puissions mettre en place un mécanisme souple et efficace de suivi.  La Présidente a insisté sur un mécanisme qui facilite et favorise l’échange de bonnes pratiques car « nous ne partons pas de zéro ».  Il s’agit aussi de collecter de meilleures données et informations, fondées sur des preuves.  N’oublions pas que derrière les chiffres et les statistiques se cachent des êtres humains, des familles et des noms, a rappelé la Présidente.

Ce débat, a conclu la Présidente, doit permettre de déterminer la manière de renforcer la contribution des migrants au développement et promouvoir l’intégration des migrants dans la mise en œuvre du Programme 2030.  La migration fait partie de l’histoire de l’humanité.  Elle a toujours existé.  Aucun pays ni aucun peuple au monde a échappé à ce phénomène.  Profitons de l’occasion « historique » de travailler ensemble pour éviter les migrations risquées ou forcées.  « Nous pouvons faire de la migration une option et non une nécessité de survie », a-t-elle conclu.

Table ronde intitulée « Aperçu des progrès accomplis en matière de réalisation des objectifs liés à la migration »

Dix des 169 cibles des 17 objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 portent sur la migration, a souligné d’emblée la modératrice de la table ronde et Directrice au Département des affaires économiques et sociales (DAES), Mme Marion Barthelemy.  La migration c’est d’abord « un état d’esprit » et c’est avec cela que le Rwanda a relevé les défis du mouvement des populations, a affirmé la panéliste, Mme Valentine Rugwabiza, Représentante permanente.  Elle a souligné la responsabilité de la classe politique à laquelle il revient de sensibiliser l’opinion publique sur l’apport des migrants au développement.  Le Rwanda, qui a lui-même connu l’exode de sa population, s’est attaché à adopter des politiques très ouvertes.  Le Mexique s’est, quant à lui, prévalu d’être passé « des discours aux actes », avec notamment les différents accords de coopération avec les États-Unis.  Se félicitant du nouveau discours sur les migrations, le Mexique a dit: « nous voulons des migrations bien gérées qui peuvent devenir un moteur pour le développement durable ».  En conséquence, M. Santiago Javier Chavez Pareja, Président du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD) 2019 et Vice-Ministre de la mobilité humaine de l’Équateur, s’est étonné que les Pactes pour des migrations sûres, régulières et ordonnées et sur les réfugiés ne soient pas soutenus universellement.  Il a annoncé qu’à la présidence du FMMD, l’Équateur réfléchira à l’évolution du discours sur les migrations et à la question de la mobilité humaine dans le cadre d’une stratégie de développement aux niveaux urbain et rural.

Lorsque nous parlons des objectifs liés à la migration, n’oublions pas que tous les ODD y sont liés, y compris ceux sur les changements climatiques, a rappelé la Modératrice.  Les petits États insulaires en développement, touchés de plein fouet par ce phénomène, ont effectivement exprimé leurs préoccupations face à la gouvernance de la migration.  Mais par leurs envois de fonds, les migrants peuvent booster la lutte contre les changements climatiqueS, a fait observer le Cap-Vert, en remarquant du même coup que cet élément ne figure pas dans le Programme d’Addis-Abeba sur le financement du développement.  La France s’est d’ailleurs félicitée d’avoir contribué à réduire le coût des transferts qui ont baissé de 41% et l’ONG « Africa Europ diaspora », s’est réjouie de pouvoir contribuer au renforcement des capacités des Africains qui veulent investir dans leur continent d’origine.  Le Maroc, la dixième diaspora la plus importante au monde, s’est félicité de la grande contribution des Marocains de l’étranger au développement économique national.  L’Allemagne a d’ailleurs salué sa coopération fructueuse avec le Maroc dans la gestion de la migration, « un exemple de coopération Nord/Sud ».  Le Rwanda a vanté les mérites des différents partenariats dans le cadre de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).  Il n’a pas oublié les partenariats avec le secteur privé, dont celui avec le groupe suédois IKEA qui offre des bourses d’étude aux réfugiés.  Il y a aussi le réseau des Nations Unies pour les migrations, mis en place dans le cadre du Pacte mondial, qui prévoit des mécanismes de financement et de renforcement des capacités, a rappelé M. Antonio Vitorino, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations.

Le Directeur général a identifié deux obstacles majeurs contre la migration: la gouvernance et les politiques, mais aussi le manque de cohérence.  L’autre obstacle c’est l’érosion de la confiance du public dans la capacité des gouvernements à gérer les migrations, une réalité multidimensionnelle qui doit être traitée de manière équilibrée, ont souligné le Groupe des 77 et la Chine. L’Union européenne en a profité pour mettre en exergue la prise en compte dans « ses politiques » du Programme 2030 pour ne laisser personne pour compte et encore moins les migrants.

Qu’en est-il de l’accès de cette population à un travail décent?  L’Organisation internationale du Travail (OIT) qui a rappelé que sur les 164 millions de travailleurs migrants, 68 millions sont des femmes, a voulu que l’on garde à l’esprit que ces personnes paient des impôts dans leur pays de destination, devenant un moteur de la croissance économique.  L’apport des migrants à une croissance inclusive et durable dans les pays d’origine, de transit et d’accueil n’est plus à démontrer, ont acquiescé le Groupe des 77 et la Chine.  Mais cette contribution est encore mal comprise, s’est désolée Mme Roula Hamati, de l’Association Insan et Présidente de la société civile pour le FMMD.  La migration est une question intersectorielle et il serait intéressant de voir comment elle et les objectifs de développement durable sont intégrés dans la planification du développement, a-t-elle déclaré.

La Modératrice s’est félicitée de ces discussions qui ont ouvert la voie pour rompre avec les discours négatifs sur la question des migrations.

Table ronde intitulée « Combler les lacunes dans le renforcement des capacités, la mobilisation des ressources, l’élaboration des processus et des politiques et l’établissement des partenariats »

Ce débat, animé par le Représentant permanent de l’Espagne, M. AGUSTIN SANTOS MARAVER, a permis à Mme ALICIA BARCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), de souligner que les migrants ont transféré pas moins de 6 700 milliards de dollars en 2015, soit 9% du produit intérieur brut (PIB) mondial.  Elle a identifié quatre causes majeures des migrations: le manque d’opportunité économique; les violences; les changements climatiques; et enfin, le regroupement familial.  Pour mieux traiter de ces causes, Mme Barcena a plaidé pour des données probantes pour éclairer les prises de décisions, une tâche à laquelle s’attèle déjà les Commissions économiques régionales des Nations Unies. 

Les données?  Nous en fournissons déjà aux États, a indiqué Interpol qui a expliqué qu’elle contribue à la lutte contre la traite des migrants, favorisant de fait des migrations sûres, ordonnées et régulières.  La Libye a justement dénoncé les réseaux mafieux qui exploitent les migrations clandestines, passant par son pays.  Il a demandé que la lumière soit faite sur les vrais bénéficiaires de cette traite, par voyant par exemple où va l’argent payé par ces gens qui veulent aller en Europe.

Certaines données liées aux migrants sont également collectées par le secteur privé, a souligné le Secrétaire général de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), M. ROBERTO SUAREZ SANTOS.  Il a révélé que son organisation œuvre pour des emplois décents et que 45% des employeurs du monde entier sont confrontés à d’énormes difficultés pour recruter des employés qualifiés.  De même, il manque aux économies des pays en développement quelque 45 millions de travailleurs qualifiés.  Le paradoxe du Sri Lanka est par exemple qu’il lui manque 400 000 travailleurs qualifiés, alors même que le pays exporte des milliers de ses ressortissants vers le Moyen-Orient.  Selon l’OIE, il faut travailler au retour volontaire des migrants. 

Ce retour passe forcément par l’agriculture en Afrique, a suggéré l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui a demandé un appui conséquent à ce secteur et au milieu rural d’où viennent 80% des migrants africains.  Il est donc important, ont plaidé des orateurs, de renforcer les capacités de populations dans les pays en développement et surtout tenir compte, a ajouté le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, des plus vulnérables, en mettant les droits des individus au cœur des politiques de développement.  La Fédération de Russie a d’ailleurs indiqué qu’elle finance déjà des programmes de renforcement des capacités menés par les agences de l’ONU.  L’Irlande a dit avoir fourni 500 000 euros à l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM), alors que l’Union européenne se focalise en général sur le soutien financier des programmes en faveur de l’Afrique, a témoigné Mme HENRIETTE GEIGER, Directrice à la Commission européenne.  Un fonds d’affectation spéciale de plus de 4 milliards d’euros est dédié aux causes profondes des migrations sur le continent et un partenariat avec l’OIM permet de soutenir la réintégration de 60 000 migrants de retour en Afrique.  Étant donné que « la réintégration dans la pauvreté est vaine », l’Union européenne renforce aussi la capacité des pays en matière de création d’emplois décents, question de cibler l’une des causes des migrations. 

La résilience économique et financière étant cruciale, le Fonds international de développement agricole (FIDA) a mis sur pied un programme de renforcement des capacités en matière de gestion financière dans les pays en développement, afin de capitaliser sur les envois de fonds des migrants et en faire un tremplin d’autonomisation économique.  Au Bangladesh par exemple, a affirmé le Secrétaire aux affaires étrangères du gouvernement, M. SHAHIDUL HAGUE, le Cadre national de gestion des migrations a été amélioré avec la contribution de l’OIM.  Ainsi, le phénomène des réfugiés Rohingya a été pris en compte, ainsi que la question cruciale de la traite des êtres humains.  Le pays est parti d’une approche sectorielle pour établir un cadre plus complet, tenant compte des domaines de compétences de plusieurs administrations.  C’est la même logique qui a été adoptée en Grèce lorsqu’elle a vu, en 2015 et 2016, un flux de pas moins d’1,2 million de réfugiés.  Le pays a créé un ministère des migrations et s’est doté d’un code sur les droits des migrants. 

Un programme entre l’Allemagne et les Philippines, a expliqué Mme ALEXIS BAUTISTA du Forum des migrants en Asie, Coalition mondiale pour la Migration, permet de mieux gérer le transfert de compétences des professionnels de la santé vers l’Allemagne.  Les Philippines ont également établi des programmes de préparation au départ vers les pays du Golfe persique.  Mme Bautista a salué ce type de partenariats entre États, en particulier dans un « climat politique toxique » de criminalisation, de détention de mineurs ou encore de refus d’accès des migrants aux soins de santé. 

Le Bangladesh a aussi mis sur pied un mécanisme de procédure standard avec l’UE pour le retour de ses ressortissants en situation irrégulière.  La Commission européenne a présenté des plans communs avec le Sahel et la Corne de l’Afrique.  Le Venezuela a tout de même mis en garde contre « ces programmes imposés aux pays en développement », tandis que le Rapporteur spécial sur les droits des migrants qualifiait le Pacte de Marrakech de « la boussole ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité salue l’engagement de l’Union africaine à « faire taire les armes » en 2020 en Afrique, continent porté par un « vent d’espoir »

8473e séance – matin
CS/13721

Le Conseil de sécurité salue l’engagement de l’Union africaine à « faire taire les armes » en 2020 en Afrique, continent porté par un « vent d’espoir »

Le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, la résolution 2457 (2019), dans laquelle il salue la détermination de l’Union africaine (UA) à débarrasser l’Afrique des conflits et à « faire taire les armes » d’ici à 2020.  Ce texte a été adopté, à l’unanimité, à l’entame d’un débat public, qui aura vu la cinquantaine d’orateurs afficher un certain optimisme sur l’avenir du continent.  « Un vent d’espoir souffle aujourd’hui en Afrique », a déclaré la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix.

Dans cette résolution, le Conseil se déclare prêt à soutenir la mise en œuvre du Plan directeur de l’UA sur les « mesures concrètes » à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020.  Il appartient « essentiellement » à l’UA, à ses membres, à leurs populations et institutions, de construire une Afrique sans conflit, note le Conseil.

Il note d’ailleurs les efforts de l’UA et des organisations sous-régionales, dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, pour renforcer leurs capacités et mener des opérations de soutien à la paix sur le continent.  Le Conseil souligne en outre la « précieuse contribution » des capacités de médiation de l’UA et de ces organisations.

Le Conseil invite l’ONU et l’UA à renforcer leurs efforts pour « coordonner leur action de façon complémentaire » en vue du règlement et de la prévention des conflits, du relèvement postconflit, du développement et du maintien et de la consolidation de la paix.  En outre, il réaffirme le rôle important des femmes dans la prévention et le règlement des conflits, dans la consolidation de la paix et dans les situations d’après conflit, ainsi que la contribution importante des jeunes.

Première oratrice à s’exprimer, la Secrétaire générale adjointe Rosemary DiCarlo a tout d’abord rappelé -dans le droit fil de la lettre* qu’avait fait circuler le Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Guinée équatoriale, M. Simeón Oyono Esono Angue, qui présidait la séance- l’engagement de l’UA « à ne pas léguer à la prochaine génération d’Africains les lourds fardeaux que sont les conflits ».  « Le partenariat UA-ONU est devenu la pierre de touche des initiatives de paix et de sécurité onusiennes en Afrique », a-t-elle dit, avant d’en mentionner les fruits, d’abord en République centrafricaine, qui a vu la récente signature d’un accord de paix.

Au Soudan du Sud, la signature d’un accord de paix revitalisé, avec l’appui des deux organisations, a allumé une « lueur d’espoir », a noté la Secrétaire générale adjointe, qui a aussi mentionné l’appui de l’ONU aux bons offices de l’UA lors de l’élection présidentielle de 2018 à Madagascar.  Plusieurs délégations, comme la France, ont aussi rappelé la récente transition pacifique du pouvoir en République démocratique du Congo (RDC), tandis que celle du Bénin a cité le rapprochement entre l’Éthiopie et l’Érythrée.

Si le nombre de conflits violents a « considérablement » diminué ces dernières années, certains pays africains restent encore pris au piège du cercle vicieux de ce genre de conflits, a déclaré le Haut-Représentant de l’UA chargé de l’objectif de faire taire les armes en Afrique, M. Ramtane Lamamra.  Ces pays, où la gouvernance reste une source majeure d’instabilité, subissent notamment la criminalité transnationale, le terrorisme, la violence et la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC).  Le Haut-Représentant a donc recommandé de « bâtir une forte culture de prévention de conflit, sur le plan structurel, pour s’écarter de la tendance actuelle à la militarisation dans la résolution de conflit ».  Il a aussi plaidé pour un appui vigoureux à la mise en œuvre des accords de paix.

Plus concrètement, le Haut-Représentant a rappelé la décision de l’UA de déclarer le mois de septembre « mois de l’amnistie pour l’Afrique », jusqu’en 2020, pour encourager le dépôt des ALPC et leur collecte.  De plus, un plan d’action pour soutenir l’objectif de « Faire taire les armes en Afrique » est en cours d’élaboration.

« Sera-t-il possible de faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020?  La réponse est un non retentissant », a déclaré M. Vasu Gounden, Fondateur et Directeur exécutif de l’« African Centre for the Constructive Resolution of Disputes » (ACCORD), dont l’intervention a tranché avec l’optimisme d’un grand nombre de déclarations.  M. Gounden a alerté que de nombreux pays ont atteint un point de rupture dangereux et qu’une « course contre la montre » est actuellement engagée.  Selon lui, il faudra entre 20 et 40 ans pour répondre aux causes profondes et opérer les changements structurels notables qui s’imposent.  « Allez-vous mobiliser la volonté politique pour endiguer les flux d’armes illicites, consacrer davantage de ressources à la prévention de conflit, renforcer les capacités locales et nationales de prévention? » a-t-il lancé aux membres du Conseil.

La plupart des délégations ont pourtant insisté sur l’importance de remédier aux causes des conflits.  « Nous devons déceler les signes émergents de conflits en Afrique et agir pour y remédier », a déclaré celle du Royaume-Uni, tandis que le Ministre de la Guinée équatoriale a demandé la pleine mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  La délégation égyptienne a indiqué à cet égard la prochaine ouverture, au Caire, du centre chargé de la reconstruction et du développement.

Les délégués de la Pologne, de la République dominicaine et de l’Indonésie ont, elles, appelé à des efforts renforcés contre le trafic illicite des ALPC.  La délégation du Bénin, qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique, a demandé une mise en œuvre « équilibrée et objective » du Traité sur le commerce des armes, « les intérêts des principaux États producteurs et exportateurs d’armes ne devant pas être les seuls à être protégés ».  Les États-Unis détruisent, dans l’est de la RDC, les stocks superflus d’armes, a expliqué le délégué américain.

Le financement des opérations de paix de l’UA a été abondamment discuté notamment par la délégation de la Guinée équatoriale, qui a souhaité que le Conseil adopte le projet de résolution en circulation dans le même esprit d’unité qu’aujourd’hui.  « Le Conseil doit répondre positivement aux appels légitimes et de longue date de l’UA concernant l’accès de celle-ci aux budgets de l’ONU pour financer les opérations africaines de soutien à la paix », a appuyé M. Lamamra.

*S/2019/169

COOPÉRATION ENTRE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LES ORGANISATIONS RÉGIONALES ET SOUS-RÉGIONALES AUX FINS DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Faire taire les armes en Afrique (S/2019/169)

Texte du projet de résolution (S/2019/179)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant que la Charte des Nations Unies lui assigne la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et qu’il est déterminé à ce que les buts et principes consacrés dans la Charte soient observés,

Rappelant que la prévention des conflits demeure une responsabilité principale des États, qui ont également pour responsabilité de protéger les civils et de respecter les droits de l’homme, comme le prévoit le droit international applicable, et réaffirmant la responsabilité de chaque État de protéger sa population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité,

Rappelant à cet égard ses résolutions antérieures et les déclarations de son Président sur les divers facteurs et causes qui concourent à susciter, aggraver ou prolonger les conflits en Afrique,

Se déclarant préoccupé par les conflits dans différentes régions géographiques, et réaffirmant que, dans le droit fil du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales est cruciale au regard de la prévention du déclenchement, de l’intensification, de la poursuite et de la récurrence des conflits,

Notant que l’Afrique continue de faire face à des défis considérables, notamment: l’existence de déficits de gouvernance, des difficultés économiques, des taux élevés de chômage, la mauvaise gestion de la diversité ethnique, la lutte pour le pouvoir et les ressources, la fragilité de l’État et la faiblesse des institutions, des espaces non gouvernés, qui ouvrent la voie aux activités illégales, le flot continu d’armes sur le continent et leur circulation illicite, des activités mercenaires, des insurrections et des rébellions, les insuffisances de la surveillance et du contrôle des frontières, qui facilitent la criminalité transnationale organisée, l’exploitation illégale des ressources naturelles, la persistance de la crise qui précipite les migrations irrégulières, la corruption, les flux financiers illicites qui facilitent le financement d’activités illégales, les changements climatiques et les catastrophes naturelles, et les lenteurs de la ratification des instruments et politiques de l’Union africaine,

Réaffirmant qu’il est nécessaire d’examiner le caractère multidimensionnel des problèmes de paix et de sécurité que connaissent les pays africains sortant d’un conflit, soulignant qu’il importe d’adopter une approche globale et intégrée de la consolidation et de la pérennisation de la paix en vue de les empêcher d’y replonger,

Profondément préoccupé par le fait que le commerce illicite, l’accumulation déstabilisatrice et l’utilisation abusive d’armes légères et de petit calibre dans de nombreuses régions du monde, y compris en Afrique, continuent de menacer la paix et la sécurité internationales, causent d’importantes pertes en vie humaines et contribuent à l’instabilité et à l’insécurité,

Rappelant à cet égard tous les instruments internationaux, régionaux et sous-régionaux visant à s’attaquer au transfert illicite, à l’accumulation déstabilisatrice et au détournement d’armes légères et de petit calibre en Afrique, y compris le Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, et ses résolutions pertinentes, qui contribuent à la prévention des conflits en Afrique,

Constatant que, dans certaines situations de conflit armé, l’exploitation illégale, le trafic et le commerce illicite des ressources naturelles ont contribué au déclenchement, à l’intensification ou à la poursuite de ces conflits, notant les résolutions adoptées et les mesures de sanction prises sur la question pour aider à empêcher que l’exploitation illégale des ressources naturelles – en particulier le bois, les minerais dits de « conflit » (comme l’étain, le tantale, le tungstène et l’or), les diamants, le cobalt, le charbon de bois et les espèces sauvages – alimente les conflits armés, et encourageant les États membres de l’Union africaine à promouvoir la gestion transparente et légale des ressources naturelles, y compris l’adoption d’objectifs de recettes publiques pour financer le développement, la création de cadres réglementaires et douaniers durables, et la mise en place d’une diligence raisonnable dans le cadre de l’approvisionnement en minéraux,

Notant que l’Union africaine met en œuvre un programme de réformes institutionnelles visant à améliorer son efficacité et son efficience, et notant également la possibilité que ces réformes ont de renforcer l’Union africaine et de permettre à l’organisation de collaborer plus efficacement avec l’Organisation des Nations Unies afin de surmonter les problèmes de paix et de sécurité que connaît le continent,

Prenant note des mesures engagées pour réaliser l’objectif consistant à faire taire les armes en Afrique par l’Union africaine ainsi que par les autres parties prenantes concernées, et notant en outre à cet égard l’adoption et la mise en œuvre du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020, dans le cadre de l’application simultanée de l’Architecture africaine de paix et de sécurité et de l’Architecture africaine de gouvernance, ainsi que de l’établissement des rapports correspondants,

Saluant la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de déclarer le mois de septembre de chaque année jusqu’à 2020 « Mois de l’amnistie en Afrique » pour la remise des armes détenues illégalement,

Notant que la concrétisation de l’objectif de faire taire les armes en Afrique contribuera notablement à préserver les générations futures du fléau de la guerre et prenant note que les efforts faits par l’Union africaine, tels que décrits dans l’Agenda 2063, pour assurer une Afrique intégrée, pacifique, sûre et prospère et jeter les bases solides d’une croissance inclusive et d’un développement durable, sont étroitement liés au Programme de développement durable à l’horizon 2030,

Notant que les aspirations à la paix, à la sécurité et à la stabilité en Afrique et la réalisation des objectifs de développement durable constituent des priorités communes, comme indiqué dans le Cadre commun Organisation des Nations Unies-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité et le Cadre Union africaine-Organisation des Nations Unies pour la mise en œuvre de l’Agenda 2063 et du Programme de développement durable à l’horizon 2030,

Réaffirmant qu’il importe d’appuyer l’Agenda 2063 de l’Union africaine, dont le programme stratégique et le plan d’action visent à assurer une transformation socioéconomique positive de l’Afrique d’ici à 2063, et tenant compte du fait qu’il est souligné dans l’Agenda 2063 que la paix et la sécurité constituent des moteurs essentiels du développement durable,

Notant les efforts que l’Union africaine continue de faire pour rendre opérationnelle sa politique relative à la reconstruction et au développement ainsi que ses initiatives pertinentes menées dans ce sens, en particulier l’Initiative africaine de solidarité, et prenant note des décisions adoptées par la Conférence au Caire en janvier 2011 [AU/Dec.351(XVI)] et en juin 2018 [AU/Dec.710(XXXI)] relatives à la création du Centre de l’Union africaine pour la reconstruction et le développement postconflit;

Rappelant le débat qui a eu lieu lors de la douzième consultation annuelle entre les membres du Conseil de sécurité et ceux du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine le 19 juillet 2018 sur l’objectif de l’Union africaine consistant à faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020, et l’échange de vues sur les possibilités de coopération aux fins de l’application du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020,

Rappelant ses résolutions 2320 (2016) et 2378 (2017), dans lesquelles il a insisté sur la nécessité de rendre plus prévisible, durable et souple le financement des opérations de soutien à la paix dirigées par l’Union africaine et autorisées par lui et utilisées en vertu du Chapitre VIII de la Charte,

Se félicitant des progrès accomplis en ce qui concerne le partenariat entre l’Organisation des Nations Unies et l’Union africaine, qui se sont traduits par un resserrement de la collaboration, l’organisation de visites conjointes de hauts responsables sur le terrain, des échanges d’information plus réguliers, des consultations plus approfondies, des actions de mieux en mieux concertées et un renforcement de la collaboration entre le Secrétariat et la Commission,

1.    Se félicite de la détermination de l’Union africaine à débarrasser l’Afrique des conflits et à créer des conditions favorables à la croissance, au développement et à l’intégration du continent, dont témoignent son objectif visant à faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020 et son plan directeur sur les mesures concrètes à prendre en vue de réaliser l’objectif d’une Afrique sans conflit à l’horizon 2020;

2.    Prend note de l’action de l’Union africaine en faveur du programme d’intégration politique, sociale et économique de l’Afrique et de l’idéal du panafricanisme et de la renaissance africaine, ainsi que l’engagement de « venir à bout de toutes les guerres en Afrique d’ici à 2020 » et d’« atteindre l’objectif d’une Afrique sans conflit », pris dans la Déclaration solennelle adoptée le 26 mai 2013 à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Organisation de l’Unité africaine/Union africaine, exprime sa volonté de contribuer à atteindre cet objectif et demande à tous, en particulier aux organismes concernés des Nations Unies, d’apporter leur aide à cette fin;

3.    Considère qu’il appartient essentiellement à l’Union africaine, à ses États membres, à leurs populations et à leurs institutions, y compris leur société civile, de construire une Afrique sans conflit, et exprime son appui aux initiatives visant à trouver des solutions africaines aux problèmes africains, tout en reconnaissant que la coopération et les partenariats internationaux sont nécessaires pour accélérer les progrès vers la réalisation de cet objectif continental;

4.    Note les efforts que déploient actuellement l’Union africaine et les organisations sous-régionales, dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, pour renforcer leurs capacités et mener des opérations de soutien à la paix sur le continent, conformément au Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, en particulier les activités menées par la Force africaine en attente et sa Capacité de déploiement rapide, et engage le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies et la Commission de l’Union africaine à collaborer au renforcement de l’Architecture africaine de paix et de sécurité en appuyant la mise en œuvre de la feuille de route correspondante et du Plan directeur sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique, ainsi que celle de leurs programmes de travail respectifs;

5.    Prend acte des efforts déployés par l’Union africaine pour lutter contre les menaces transnationales posées par le terrorisme en Afrique, conformément au droit international des droits de l’homme, au droit international des réfugiés et au droit international humanitaire et compte tenu de la problématique femmes-hommes, souligne que la lutte contre le terrorisme exige de la coordination, de la concertation et des efforts soutenus, se réjouit à cet égard de la coopération instituée avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, et prend note de l’engagement pris par le Bureau de la lutte contre le terrorisme avec ses homologues de l’Union africaine dans le domaine de la collaboration et de l’appui au renforcement des capacités en matière de lutte contre le terrorisme et de prévention de l’extrémisme violent conduisant au terrorisme, dans l’esprit du Cadre commun Organisation des Nations Unies-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité;

6.    Se dit préoccupé par les problèmes de sécurité qui frappent certaines parties de l’Afrique, en particulier par les menaces que posent le terrorisme, la piraterie maritime et les tensions entre pasteurs et communautés d’agriculteurs, les activités subversives de mercenaires, la criminalité transnationale organisée, notamment la traite d’êtres humains et le trafic d’armes, de drogues et de ressources naturelles, les actes de violence que continuent de perpétrer les insurgés, les rebelles et les groupes armés, et, à cet égard, encourage le renforcement des mesures de contrôle et de gestion des frontières et de coopération;

7.    Souligne la précieuse contribution que les capacités de médiation de l’Union africaine et des organisations régionales et sous-régionales apportent à la cohérence, à la synergie et à l’efficacité collective de leurs efforts, et encourage le renforcement de la coopération et de la collaboration avec le Comité consultatif de haut niveau chargé des questions de médiation du Secrétaire général dans le domaine de la prévention et du règlement des conflits en Afrique, notamment la possibilité de mettre en place des équipes conjointes de médiation pour faire face aux conflits et crises sur le continent;

8.    Engage l’Organisation des Nations Unies et l’Union africaine à redoubler d’efforts pour coordonner leur action de façon complémentaire dans toutes les formes de réponse aux conflits, de la prévention et de la médiation au relèvement post-conflit et au développement en passant par le maintien et la consolidation de la paix, conformément au Cadre commun pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, notamment pour assurer une application effective des accords de paix par les parties belligérantes, et souligne à cet égard qu’il importe de continuer à renforcer le dialogue stratégique et les partenariats et de promouvoir des échanges de vues, d’analyses et d’informations plus réguliers au niveau opérationnel afin d’accroître les capacités relativement aux instruments de diplomatie préventive, de donner de l’allant aux capacités et aux moyens potentiels et existants et les utiliser, en particulier par l’intermédiaire des bureaux politiques régionaux de l’Organisation, de contribuer à la cohérence et à l’intégration de leur action en matière de diplomatie préventive, entre autres, grâce à la médiation et aux bons offices du Secrétaire général, selon qu’il convient;

9.    Souligne que les deux cadres de partenariat Organisation des Nations Unies-Union africaine sont importants pour mobiliser un appui concret et pratique à l’échelle du système et de la Commission en vue d’aider l’Afrique à réaliser des progrès tangibles vers la réalisation de son objectif visant à créer un continent sans conflit, et se déclare prêt à soutenir la mise en œuvre du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020;

10.   Prend acte du mémorandum d’accord signé entre l’Organisation des Nations Unies et l’Union africaine afin de renforcer la coopération à l’appui de la consolidation et de la pérennisation de la paix en Afrique, réaffirme la responsabilité première des autorités et des gouvernements nationaux pour ce qui est de recenser, de déterminer et de cibler les priorités, les stratégies et les activités axées sur la consolidation et la pérennisation de la paix, souligne l’importance des partenariats et de la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales compétentes, notamment l’Union africaine, pour ce qui est d’améliorer la coopération et la coordination en matière de consolidation de la paix, d’accroître les synergies et d’assurer la cohérence et la complémentarité des activités, se félicite à cet égard des échanges de vues réguliers, des initiatives communes et des échanges d’informations intervenus entre le Bureau d’appui à la consolidation de la paix et la Commission de l’Union africaine et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, et exhorte la Commission de consolidation de la paix à organiser des échanges de vues, selon qu’il convient, avec les organisations régionales et sous régionales pertinentes, dont l’Union africaine, conformément à ses résolutions 1645 (2005) et 2282 (2016);

11.   Note l’importance des consultations qu’il tient avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’agissant des processus de décision de chaque organisation et de la mise au point de stratégies communes permettant de répondre de façon globale à un conflit, selon qu’il convient, en fonction des avantages comparatifs respectifs et en appliquant les principes de partage des obligations, en réalisant des analyses conjointes et en conduisant des missions de planification et des visites d’évaluation conjointes, en respectant les principes de transparence et de responsabilité pour répondre aux préoccupations de sécurité communes en Afrique, conformément à la Charte des Nations Unies, et notamment aux dispositions du Chapitre VIII et aux buts et principes énoncés dans la Charte;

12.   Se félicite de la décision prise par l’Union africaine de réaffirmer que l’Afrique est une zone exempte d’armes nucléaires, souligne qu’il est nécessaire d’appliquer intégralement les instruments internationaux, régionaux et sous-régionaux existants relatifs au commerce illicite, à l’accumulation déstabilisatrice et au détournement d’armes légères et de petit calibre en Afrique, notamment le Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, ainsi que ses résolutions applicables, qui contribuent à prévenir les conflits en Afrique;

13.   Souligne qu’il est nécessaire que soient appliqués effectivement tous les instruments et régimes régionaux et internationaux existants ainsi que les embargos sur les armes qu’il a imposés, et salue les efforts faits pour aider les États Membres, ainsi que les organisations intergouvernementales régionales et sous-régionales telles que l’Union africaine à renforcer les capacités dont elles disposent pour prévenir et combattre le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre, et encourage les États africains à protéger leurs stocks d’armes afin que ces derniers ne tombent pas en de mauvaises mains;

14.   Prend note du partenariat que l’Organisation des Nations Unies a noué avec l’Union africaine dans le domaine du maintien de la paix, notamment de l’appui que l’Organisation apporte aux efforts que fait l’Union africaine pour arrêter des politiques, des directives et des programmes de formation, en particulier dans les domaines de la réforme du secteur de la sécurité, de la reconstruction après les conflits et du développement, des femmes et des jeunes, et de la paix et de la sécurité;

15.   Réaffirme l’importance du rôle que jouent les femmes dans la prévention et le règlement des conflits, dans la consolidation de la paix et dans les situations d’après conflit, comme il a été noté dans ses résolutions pertinentes, notamment les résolutions 1325 (2000) et 2242 (2015), se félicite à cet égard des rôles joués par FemWise-Africa, Réseau des femmes africaines pour la prévention des conflits et la médiation, et le Réseau des femmes d’influence en Afrique, souligne que l’Organisation des Nations Unies et l’Union africaine doivent mener une action concertée pour mettre fin aux violences sexuelles dans les situations de conflit armé et d’après conflit, insiste sur le fait qu’il importe de mettre pleinement en œuvre les mesures prévues dans ses résolutions applicables pour prévenir et combattre les violences sexuelles liées aux conflits, et se félicite des efforts que continue de déployer le Secrétaire général dans le cadre de la mise en œuvre et du renforcement de la politique de tolérance zéro de l’ONU;

16.   Réaffirme que les jeunes apportent une contribution importante et constructive au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité et jouent un rôle important dans la prévention et le règlement des conflits et, singulièrement, pour ce qui est de l’efficacité à long terme, de la capacité d’intégration et de la réussite des activités de maintien et de consolidation de la paix, ainsi que dans les situations d’après conflit, et encourage tous ceux qui participent à la planification d’opérations de désarmement, démobilisation et réintégration à prendre en considération les besoins des jeunes touchés par les conflits armés, y compris le problème du chômage des jeunes sur le continent, en investissant dans le renforcement des capacités et des compétences des jeunes pour répondre aux besoins du marché du travail par des possibilités éducatives adaptées et conçues de façon à promouvoir une culture de la paix;

17.   Estime qu’il faut s’attacher tout particulièrement à combattre la pauvreté, le dénuement et les inégalités pour prévenir les violations et les atteintes et en protéger les enfants, en particulier dans le contexte des conflits armés, et pour promouvoir la résilience de ceux-ci, de leur famille et de leur communauté, et qu’il importe de promouvoir l’éducation pour tous et des sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, et souligne qu’il importe d’accorder toute la considération voulue aux questions de protection de l’enfance dès les premières étapes des processus de paix, en particulier par l’intégration de dispositions relatives à la protection de l’enfance, et de mettre fortement l’accent dans les accords de paix sur l’intérêt supérieur de l’enfant, la nécessité de traiter les enfants séparés des groupes armés comme des victimes et la réintégration dans la famille et la communauté;

18.   Est conscient des effets néfastes que les changements climatiques, les bouleversements écologiques et les catastrophes naturelles, entre autres facteurs, ont sur la stabilité d’un certain nombre d’États membres de l’Union africaine, notamment la sécheresse, la désertification, la dégradation des sols et l’insécurité alimentaire, et souligne que, face à ces facteurs, il importe que les gouvernements respectifs et les organismes des Nations Unies adoptent des stratégies appropriées d’évaluation et de gestion des risques;

19.   Engage les États membres de l’Union africaine à renforcer la bonne gouvernance, notamment l’élimination de la corruption, le renforcement des institutions démocratiques, le respect des droits de l’homme et la responsabilité, et à redoubler d’efforts dans le domaine du développement économique et de la promotion du bien-être de leur population en vue de remédier aux causes profondes des conflits et de jeter les bases solides d’une paix et d’une stabilité durables, et encourage tous les États membres de l’Union africaine à signer, à ratifier et à mettre en œuvre dans leur droit interne toutes les initiatives de l’Union africaine relatives à la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, et à promouvoir leur application universelle sur tout le continent, comme demandé dans le dernier communiqué du Sommet de l’Union africaine concernant la mise en œuvre du programme visant à faire taire les armes sur ce continent;

20.   Réaffirme sa détermination à prendre des mesures contre l’exploitation illicite et le trafic de ressources naturelles et de marchandises de grande valeur dans les secteurs où ces activités contribuent au déclenchement, à l’intensification ou à la poursuite des conflits armés en Afrique, et encourage les États membres de l’Union Africaine à renforcer les mécanismes réglementant l’exploitation et la gestion des ressources naturelles et à faire en sorte que le produit de ces ressources serve à satisfaire les besoins fondamentaux de leur population, en vue de favoriser un développement équitable et la répartition des bénéfices;

21.   Réaffirme son intention d’examiner les mesures qui peuvent être prises pour renforcer la coopération pratique avec l’Union africaine dans le domaine de la promotion et du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique, conformément au Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies;

22.   Prie le Secrétaire général, en consultation avec le Président de la Commission de l’Union africaine, selon qu’il conviendra, de faire le point, notamment dans le cadre de son rapport sur le renforcement du partenariat entre l’Organisation des Nations Unies et l’Union africaine sur les questions de paix et de sécurité en Afrique, sur les mesures prises par l’Organisation des Nations Unies et ses organismes pour renforcer l’appui apporté à l’Union africaine dans la mise en œuvre du programme Vision 2020 visant à faire taire les armes en Afrique.

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a indiqué que l’initiative « Faire taire les armes » vise à promouvoir la prévention, la gestion et la résolution des conflits en Afrique.  L’Union africaine (UA) s’est ainsi engagée à ne pas léguer à la prochaine génération d’Africains les lourds fardeaux que sont les conflits et a promis de venir à bout de toutes les guerres en Afrique d’ici à 2020.  Mme DiCarlo a évoqué la feuille de route principale de l’UA sur cette question –le Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020- qui a été adoptée par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA en 2017.

Le partenariat UA-ONU est devenu la pierre de touche des initiatives de paix et de sécurité onusiennes en Afrique, a-t-elle dit, en insistant sur l’objectif commun des deux organisations qui est de prévenir les conflits.  Notre partenariat s’est traduit par des actions concrètes, a-t-elle poursuivi.  Elle a mentionné le lancement en janvier 2018 d’un projet sur deux ans qui consiste à appuyer le dialogue et à fournir une assistance technique dans le domaine de la prévention et de la médiation.  Mme DiCarlo s’est félicitée des fruits de ce partenariat, d’abord en République centrafricaine, où le récent accord de paix a été négocié sous l’égide de l’UA, avec l’appui de l’ONU.  Au Soudan du Sud, la signature d’un accord de paix revitalisé facilité par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), avec l’appui des deux organisations, a fait naître une lueur d’espoir, même si beaucoup doit encore être fait pour faire taire les armes et mettre fin aux violences, y compris sexuelles.  En Somalie, l’ONU et l’UA continuent d’appuyer la solidification de l’État, la lutte contre l’extrémisme et les efforts visant à restaurer la stabilité.

La Secrétaire générale adjointe a encore mentionné l’appui fourni par l’ONU aux efforts de bons offices de l’UA lors de l’élection présidentielle de 2018 à Madagascar.  Au Mali, la MINUSMA -la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation dans ce pays- a facilité la participation à l’élection présidentielle des groupes armés signataires de l’Accord de paix, rendant le processus plus inclusif.  Elle a en outre cité l’appui de l’ONU aux efforts antiterroristes de l’UA.

« Faire taire les armes » requiert la participation de tous, a déclaré Mme DiCarlo, en demandant un rôle accru des femmes dans les processus de prise de décisions.  Elle a jugé cruciale l’édification de sociétés résilientes pour faire taire les armes, en plaidant pour des institutions robustes, une bonne gouvernance et un système politique inclusif.  Si elle a reconnu les progrès accomplis dans ce domaine en Afrique, la Secrétaire générale adjointe a insisté sur les défis qui subsistent, tels que la marginalisation de certains groupes, la corruption ou encore une gestion déficiente des ressources naturelles.

« Un vent d’espoir souffle en Afrique », a déclaré Mme DiCarlo, en citant ces mots du Secrétaire général, en référence à la récente tenue d’élections pacifiques et aux trêves observées dans les conflits.  La création d’entreprises, l’accès à l’éducation, la baisse de la mortalité infantile ou bien encore le lancement de la Zone de libre-échange continentale africaine sont d’autres développements positifs.  Cela montre que ce sont bien les Africains, appuyés par la communauté internationale, qui jouent les premiers rôles dans l’instauration de la paix et de la prospérité sur le continent, selon Mme DiCarlo.  « De même, pour arriver à faire taire les armes, les pays africains ont un rôle central à jouer afin de faire de cette initiative un succès. »

À l’approche de la date butoir de décembre 2020 pour mettre fin aux guerres en Afrique, le Haut-Représentant de l’Union africaine chargé de l’objectif de faire taire les armes en Afrique, M. RAMTANE LAMAMRA, a souligné qu’il reste encore des défis et des contraintes majeurs à surmonter pour placer le continent dans une meilleure position et lui permettre d’obtenir de réels gains et de profiter des dividendes de la paix.  Même si le nombre de conflits violents a considérablement diminué ces dernières années, un certain nombre de pays africains restent encore pris au piège du cercle vicieux de ce genre de conflits et de leurs conséquences meurtrières: ils subissent notamment la criminalité transnationale, le terrorisme, la violence et la prolifération des armes légères et de petit calibre, a rappelé M. Lamamra.  Les questions de gouvernance et de leadership restent également une source majeure d’instabilité et de conflit en Afrique.  Or l’expérience a démontré maintes fois le rôle crucial des institutions nationales de gouvernance et des pratiques démocratiques dans la prévention du conflit, en particulier pour éviter les violences liées aux élections.

Ces défis soulignent la nécessité brûlante de bâtir une forte culture de prévention de conflit, sur le plan structurel, pour s’écarter de la tendance actuelle à la militarisation dans la résolution de conflit, aussi nécessaire que cela puisse paraître dans certains cas, a suggéré le Haut-Représentant.  « Ils montrent aussi l’importance pour nous tous de redoubler d’efforts afin d’accélérer la recherche de solutions pacifiques et politiques et de maintenir un engagement vigoureux dans l’appui à la mise en œuvre des accords de paix dans les États Membres qui émergent de conflit. »  M. Lamamra a prévenu que les efforts seront vains si on ne réduit pas l’écart entre les efforts stratégiques politiques et militaires visant à prévenir et à résoudre les conflits, d’un côté, et de l’autre, l’investissement dans le développement économique et social.  « À l’Union africaine, nous sommes convaincus que la paix ne peut pas être réalisée sans le développement et réciproquement, que la paix et le développement ne peuvent aller de pair sans les droits de l’homme et la bonne gouvernance. »

M. Lamamra a également estimé important que le Conseil de sécurité réponde positivement aux appels légitimes et de longue date de l’UA concernant l’accès de celle-ci aux budgets de l’ONU pour financer les opérations africaines de soutien à la paix.  Cette question mérite une attention renouvelée du Conseil de sécurité vu les efforts en cours de l’UA, y compris la mise en place récente du Fonds pour la paix.  « Nous avons également besoin de bâtir et de promouvoir une culture de paix et de tolérance », a ajouté le Haut-Représentant.  Dans cette optique, il a mentionné une campagne médiatique récemment lancée pour sensibiliser les Africains, en particulier les jeunes et la diaspora.  Il a également fait valoir la décision de l’UA de déclarer le mois de septembre « mois de l’amnistie pour l’Afrique », jusqu’en 2020, pour encourager le dépôt des armes légères et de petit calibre et leur collecte.

« Dans ce contexte, a déclaré M. Lamamra, mon rôle a été orienté vers la coordination des différentes parties prenantes et la mobilisation du soutien nécessaire au déploiement des interventions de résolution de conflit. »  Un plan d’action pour soutenir l’objectif de « Faire taire les armes en Afrique » est en cours d’élaboration afin de le traduire en résultats concrets, a-t-il fait savoir. 

M. VASU GOUNDEN, Fondateur et Directeur exécutif de l’« African Centre for the Constructive Resolution of Disputes » (ACCORD), a indiqué qu’au cours des 27 dernières années, l’Afrique avait réalisé des progrès remarquables pour faire évoluer son architecture de paix et de sécurité depuis les débuts du centre de gestion de conflit de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) jusqu’à l’établissement de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) de l’Union africaine.  De nombreux conflits ont été résolus au cours des deux dernières décennies, à commencer par l’Afrique du Sud, où un règlement négocié a eu pour point culminant la tenue des premières élections démocratiques en 1994.  Une « vague » d’autres conflits a aussi été réglée grâce aux négociations, que ce soit en Angola, au Mozambique, au Soudan/Soudan du Sud, à Madagascar, au Libéria, en Sierra Leone et plus récemment en Éthiopie/Érythrée et en République centrafricaine.  M. Gounden a aussi évoqué les nombreux progrès réalisés sur le plan institutionnel ainsi qu’en termes de savoir, de compétences et d’expertise en matière de résolution de conflit.  Le centre ACCORD a lui-même formé plus de 20 000 personnes en Afrique dont nombre occupent actuellement des fonctions de président, de ministre ou d’autres positions de haut rang au sein de gouvernements, des forces armées ou de la société civile.

M. Gounden s’est ensuite interrogé sur la persistance des conflits en Somalie ou en République démocratique du Congo (RDC), ainsi que sur l’émergence d’une guerre civile au Soudan du Sud ou encore en Libye, s’inquiétant aussi du fait que la région du Sahel devienne de plus en plus ingouvernable, sans compter les violentes manifestations de rue dans de nombreux pays relativement stables.  « Sera-t-il possible de faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020? a-t-il lancé.  La réponse est un non retentissant ».  Pour lui, l’initiative « Faire taire les armes » est surtout un outil d’atténuation, qui sera « voué à la futilité » s’il n’y a pas de bonne gouvernance ni de transformation des moteurs structurels des conflits.  Il a alerté que de nombreux pays ont atteint un point de rupture dangereux et qu’une course contre la montre est actuellement engagée.  Selon lui, il faudra entre 20 et 40 ans pour répondre aux causes profondes et opérer les changements structurels notables qui s’imposent.  Il faut en priorité déployer de gros efforts d’atténuation, y compris en faisant taire les armes, si l’on veut mettre un terme à la violence et permettre à la transformation socioéconomique de voir le jour, a-t-il souligné.

Le Directeur exécutif d’ACCORD a fait remarquer que la grande majorité des pays africains n’avaient pas encore géré les problèmes de la pauvreté, du chômage et de l’inégalité.  Il a imputé le manque de développement de compétences et de création d’emploi à l’absence, des décennies durant, de transformation fondamentale de la structure économique de l’Afrique.  Il a relevé que de nombreux pays demeurent des économies de subsistance agricole, alors même que les populations deviennent de plus en plus urbaines, s’installant dans des villes non planifiées qui n’offrent pas de logements décents ni d’autres services comme la santé, l’éducation et l’assainissement.  « Introduire les armes dans une telle équation revient à allumer la mèche d’une bombe à retardement », a-t-il averti, avant de prédire que le terrorisme, les organisations criminelles et les mouvements séparatistes continueront de défier l’expertise collective de la communauté internationale pendant que les gouvernements échouent à exercer leur contrôle souverain sur l’ensemble de leur territoire.

M. Gouden a également averti que de plus en plus de défis verront le jour dans les zones urbaines.  Même si les gouvernements y exercent leur contrôle souverain, ils échouent à livrer des biens sociaux essentiels en raison de leur échec à transformer leur économie, d’un leadership défaillant ou non existant ou de la corruption, ou parce qu’ils sont dépassés par d’autre défis, a-t-il expliqué.  Il y a cinq ans, a-t-il poursuivi, notre pronostic était que les théâtres de guerre s’orienteraient vers les zones urbaines au cours des deux prochaines décennies.  Or tout conflit urbain mal géré peut causer un nombre important de victimes civiles et pousser un gouvernement qui perd son contrôle sur le maintien de l’ordre à devenir plus autoritaire, avec un impact négatif sur le développement et une nouvelle vague de personnes déplacées et de réfugiés politiques.

Évoquant l’adoption de la résolution, M. Gouden a ensuite voulu savoir ce que les États Membres comptent faire de plus.  « Allez-vous mobiliser la volonté politique pour endiguer les flux d’armes illicites, consacrer davantage de ressources à la prévention de conflit ou encore renforcer les capacités locales et nationales de prévention et de gestion pour permettre aux femmes, aux jeunes, aux dirigeants politiques et religieux et aux entrepreneures d’être formés pour gérer et prévenir l’escalade des conflits? »

« Allez-vous, a-t-il encore demandé, encourager le secteur privé à transformer les industries extractives de l’Afrique en des industries productives axées sur la création d’emplois au niveau local et l’élimination de la pauvreté et de l’inégalité?  Car à moins de prendre ces mesures de manière collective, vous ne ferez pas taire les armes, vous aurez uniquement fait taire vos voix puissantes. »

M. SIMEÓN OYONO ESONO ANGUE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Guinée équatoriale, a insisté sur le caractère « historique » de la séance de ce jour.  L’adoption de cette résolution montre le soutien de la communauté internationale aux efforts de l’Afrique en vue d’une paix durable.  « Nous espérons que ce texte marquera un tournant dans l’avenir de l’Afrique. »  Il a mentionné les milliers d’armes légères en circulation en Afrique et plaidé pour leur éradication, en précisant que la majorité des conflits dans le monde sont africains.  « Nous devons faire de la paix une réalité pour tous les Africains, nous devons faire taire les armes », a-t-il déclaré.  « Faire taire les armes n’est pas seulement une aspiration, c’est la vie même qui est en jeu. »

Le Ministre a souligné la nécessité de remédier aux causes profondes des conflits, dont les tensions nationales ou les conflits interethniques, qui forment un terreau fertile pour les groupes extrémistes.  Dans ce droit fil, il a appelé à la pleine mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.  Le Ministre a aussi appelé à un renforcement des efforts en faveur de la paix, jugeant essentielle, à ce titre, la résolution qui doit être adoptée par le Conseil sur le financement des opérations de paix en Afrique.  Ce texte et la résolution d’aujourd’hui permettront de jeter une base solide aux efforts de paix, a-t-il déclaré.

Enfin, se voulant résolument « optimiste », le Ministre a évoqué les progrès accomplis dans la résolution des conflits qui ravageaient le continent, comme au Soudan du Sud et en République centrafricaine.  La coopération internationale sera essentielle pour faire taire les armes en Afrique, a conclu le Ministre.

M. WALTER J. LINDNER, Secrétaire d’État aux affaires étrangères de l’Allemagne, a souligné que son pays est un fervent défenseur des efforts de médiation au Soudan, au Soudan du Sud et ailleurs.  L’Allemagne, a-t-il dit, soutient l’Unité d’appui à la médiation de l’Union africaine et son Architecture de paix et de sécurité.  L’Allemagne fournit aussi une formation et des équipements spécialisés à un grande nombre de pays africains contributeurs de troupes et d’effectifs de police et appuie les centres de formation au maintien de la paix au Mali, au Ghana et au Kenya.  Elle est aussi la plus grande contributrice à l’implication de l’Union européenne dans sept missions de paix en Afrique.

L’Allemagne, a poursuivi le Secrétaire d’État, a fait de la lutte contre la prolifération des armes et des munitions une priorité de son travail au Conseil de sécurité.  Comme la mise en œuvre est l’élément le plus important, l’Allemagne s’est mise en partenariat avec l’Union africaine pour couper le flux des armes dans les zones de conflit, améliorer le contrôle des armes et des munitions dans les États fragiles et former une nouvelle génération d’experts.  Il faut mobiliser d’autres donateurs pour accélérer la mise en œuvre, en prévision de l’année symbolique de 2020, a estimé le Secrétaire d’État. 

L’Allemagne, a-t-il également indiqué, appuie aussi une meilleure protection des droits de l’homme, car les violations de ces droits sont souvent le premier indicateur d’un conflit à venir.  L’échec à protéger les droits de l’homme est profondément lié à l’aggravation d’un conflit et ce nexus est une autre priorité du travail de l’Allemagne au Conseil de sécurité.  Pour prévenir les abus, s’est expliqué le Secrétaire d’État, il faut promouvoir la transparence, le respect des règles et une régulation efficace des sociétés privées de sécurité.  L’Allemagne, a indiqué le Secrétaire d’État, salue une nouvelle fois des initiatives comme le Document de Montreux.  Elle a elle-même lancé des initiatives comme « le Contrat du G20 avec l’Afrique » pour booster les activités économiques en Afrique.  Nous devons exploiter toutes les synergies et travailler plus étroitement ensemble pour bien utiliser nos ressources limitées, maintenir la cohérence et éviter les chevauchements, a conclu le Secrétaire d’État, en parlant de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité, de la Commission de consolidation de la paix et du Conseil des droits de l’homme.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a indiqué que les crises économiques, la mauvaise gouvernance, la lutte pour le contrôle des ressources naturelles, ou encore les conséquences des changements climatiques sont à l’origine de nombreux conflits en Afrique.  Il a appelé à aborder ces problèmes de manière globale, tout en gardant à l’esprit que l’avenir du contient revient aux pays africains.

M. Singer Weisinger a ensuite constaté que la prolifération des armes légères et de petit calibre est un facteur que pratiquement tous les conflits en Afrique ont en commun.  Il a exhorté les États de l’UA à honorer leurs engagements juridiques d’assurer le suivi des embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité et de mettre en œuvre le Programme d’action sur les armes légères de l’ONU.  Le représentant a également invité les États qui ne l’ont pas encore fait à signer et ratifier le Traité sur le commerce des armes.  Il conviendrait aussi de procéder à la réforme du secteur de la sécurité et d’adopter des lois pour gérer l’utilisation des armes à feu, a-t-il ajouté.  Il a également recommandé de définir sur le plan pénal de nouveaux délits et crimes lorsqu’ils n’existent pas encore au sein des systèmes judiciaires.

Le représentant a insisté sur l’importance de fournir des perspectives d’avenir aux anciens combattants, de permettre aux femmes, ainsi qu’à la société civile, de participer aux processus de gestion et de résolution de conflit, et d’investir davantage dans l’éducation.  M. Singer Weisinger a aussi dit l’importance d’examiner l’impact des changements climatiques sur le secteur agricole, notant qu’une part notable de la superficie du contient est vouée à devenir plus aride.  Il a notamment averti que la désertification progressive du Sahel débouchera sur davantage d’instabilité et de flux migratoires, et que des phénomènes similaires limiteront les capacités de production agricoles en Éthiopie ou en Somalie, débouchant sur une recrudescence des tensions dans la Corne de l’Afrique.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a salué le partenariat entre l’ONU et l’UA qui revêt une importance stratégique pour la prévention et la résolution des crises en Afrique.  « Nous sommes pleinement engagés à le soutenir », a assuré le représentant en rappelant les résultats positifs des initiatives conjointes des deux organisations.  Ces avancées positives ne doivent cependant pas masquer le fait que des situations de crises et de conflits demeurent sur le continent, a-t-il poursuivi en soulignant, à cet égard, la montée en puissance des opérations africaines de paix.  « Nous soutenons donc pleinement l’initiative portée par l’UA en faveur du financement durable et prévisible des opérations africaines de paix, y compris sur contributions obligatoires de l’ONU », a plaidé M. Delattre, qui a indiqué que « le Président Emmanuel Macron a rappelé l’engagement de la France sur ce sujet lors de la dernière Assemblée générale ».  Les opérations africaines de paix font d’ailleurs partie des priorités de la présidence française du G7.

« Bien entendu, a encore lancé le représentant, les opérations africaines de paix et la réponse militaire aux crises qui frappent le continent ne sont qu’une partie de la solution. »  Il a plaidé pour une approche plus large, en amont et en aval des crises, faisant remarquer que c’est tout l’objectif de l’initiative « Faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020 » que la France soutient pleinement.  C’est là encore un champ où le partenariat entre l’ONU, l’UA et les organisations sous-régionales africaines revêt une importance majeure.  En matière de prévention, a estimé le délégué, des résultats concrets ont ainsi été obtenus récemment, avec l’exemple de la Gambie et de Madagascar.  Avant de conclure, il a souligné le rôle des femmes dans la prévention et la résolution des conflits ainsi que l’importance de leur participation aux processus politiques qui sont des facteurs cruciaux pour aboutir à une paix durable.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est félicité des efforts et de l’engagement des dirigeants africains pour mettre fin aux conflits en 2020.  Il a salué les progrès majeurs vers la paix enregistrés au Soudan du Sud et en République centrafricaine, ainsi que la tenue pacifique des élections en RDC.  Des tensions persistent néanmoins, comme au Burkina Faso, au Mali ou bien encore au Nigéria.  Il appelé à une lutte renforcée contre le terrorisme et à un règlement de la crise en Libye, tant ce pays est devenu une place forte du terrorisme.

Le représentant a ensuite insisté sur l’important rôle de médiation joué par l’Union africaine et les organisations sous-régionales.  L’appui international au règlement des conflits doit respecter la souveraineté des pays concernés, a-t-il tenu à rappeler, en plaidant pour des « solutions africaines à des défis africains ».  Il a indiqué, à ce titre, que le soutien apporté par la Russie se fait avec le consentement des pays récipiendaires.  Enfin, le délégué a invité le Conseil à se pencher sur le financement durable des opérations de paix en Afrique, en pointant la responsabilité majeure dans ce financement que les dirigeants africains sont prêts à endosser.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a relevé que beaucoup reste à faire pour atteindre l’objectif de faire taire les armes en Afrique.  D’abord, un engagement fort est nécessaire, et des efforts supplémentaires doivent être faits pour lutter contre le trafic illicite des armes légères et de petit calibre.  Elle a donc invité les pays africains qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Traité sur le commerce des armes et à respecter ses dispositions.  Elle a également plaidé pour un appui technique et financier aux pays en proie aux conflits dans le cadre de la réforme de leur secteur de sécurité, y compris le processus de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR). 

La Pologne suggère en outre que soient renforcées les capacités africaines en matière d’alerte précoce, de médiation et de prévention des conflits, y compris son Groupe des Sages.  En plus de ces actions, la Pologne souligne l’importance d’éliminer les causes profondes des conflits en Afrique, notamment les inégalités sociales, politiques et économiques.  De même, la bonne gouvernance et des institutions efficaces sont un gage de prévention des conflits, a indiqué la représentante, qui a ajouté qu’une paix durable n’est pas possible sans la participation des femmes et des jeunes aux processus de paix et à la vie politique, ainsi que les personnes handicapées.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est réjoui des progrès remarquables accomplis, depuis l’adoption de la feuille de route en janvier 2017, et s’est félicité de l’adoption de la résolution « Faire taire les armes ».  La mise en œuvre de la feuille de route, a-t-il estimé, doit avant tout reposer sur des engagements politique et financier forts.  Il convient par ailleurs d’insister tout particulièrement sur le rôle déterminant des communautés économiques régionales.  Le représentant a salué, à cet égard, la coopération « vertueuse » entre les commissions nationales sur les armes légères et de petit calibre des États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention sur ces armes.  Il a souligné la nécessité pour l’Union africaine et les partenaires internationaux de poursuivre leur appui multiforme au renforcement des capacités des organisations régionales.  Il a conclu en insistant sur le fait que l’engagement à faire taire les armes doit prendre en compte les vulnérabilités structurelles telles que la pauvreté et le chômage.  Nos efforts coordonnés, s’est-il expliqué, doivent tenir compte des préoccupations liées à la sécurité et au développement et offrir aux jeunes notamment, d’autres alternatives que la criminalité et les actes illicites liés aux armes.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a déclaré que l’importance de cette réunion va au-delà de la réalisation d’une Afrique pacifique et exempte de conflit.  Elle est importante également pour promouvoir le développement durable du continent avec non seulement la cible « réduire les flux financiers illicites et le trafic d’armes », mais aussi les objectifs de développement durable dans leur ensemble.  Pour réaliser l’objectif d’une Afrique exempte de conflit, le représentant a souligné notamment l’importance de combattre les flux illicites d’armes et de munitions, et de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.  La lutte contre le terrorisme englobe l’arrêt des activités illégales qui financent les groupes terroristes.  L’appui de la communauté internationale dans ce domaine est nécessaire, a-t-il dit, notamment par le biais du renforcement des capacités et d’un financement prévisible.

M. Djani a également mis l’accent sur l’éradication des causes et des facteurs de conflit.  En effet, ce ne sont pas seulement les armes à feu qui ont besoin d’être réduites au silence.  La pauvreté, les écarts économiques et les inégalités sociales doivent également être pris en compte pour réduire le nombre de conflits et prévenir le retour à la violence, a prôné le représentant.  L’Indonésie soutient ainsi la réalisation des objectifs de développement durable en Afrique ainsi que de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a estimé que la bonne gestion des ressources naturelles devrait déboucher sur l’amélioration du bien-être des populations et a déploré que cela ne soit souvent pas le cas en Afrique.  Il a aussi constaté que le trafic des armes légères est un vecteur de conflit en Afrique, dénonçant le fait que des responsables corrompus tournent les yeux sur le problème.  Il a recommandé de renforcer les mécanismes existants de prévention, d’appuyer la médiation et d’autonomiser les mécanismes d’alerte précoce.  Il a aussi appelé le États à établir des partenariats de contrôle des armes.  Il a expliqué que son pays fournit un appui au Kenya en la matière, tandis que dans l’est de la RDC, les États-Unis détruisent les stocks superflus d’armes et financent un programme de gestion de ressources minières pour éviter que leur exploitation ne finance les conflits.

M. Cohen a ensuite appelé la communauté internationale à renforcer la coopération avec l’UA par tous les moyens.  Un leadership africain accru et la coopération sont nécessaires, a-t-il estimé, ajoutant que la résolution adoptée aujourd’hui en est un bon exemple.  Le représentant s’est ensuite inquiété du fait que les forces de sécurité oppriment les populations dans certains pays, notamment au Zimbabwe.  Il a appelé le Gouvernement de ce pays à veiller à ce que ces forces rendent des comptes.  Il a aussi appelé les parties en conflit au Cameroun à dialoguer pour atténuer les tensions, pour ensuite dénoncer les tactiques d’oppression adoptées par les forces soudanaises alors qu’il est nécessaire de répondre aux doléances « légitimes » des manifestants.

M. MXOLISI NKOSI (Afrique du Sud) a observé que la coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales avait produit des résultats tangibles au fil des ans, citant en exemple le déploiement de l’opération hybride au Darfour.  Il a souligné que les contributions budgétaires de l’ONU sont la source la plus sûre, la plus durable et la plus prévisible de financement des opérations de paix de l’UA autorisées par l’ONU.  Comme l’Afrique dépendait des donateurs internationaux pour financer l’UA, au cours de ces 20 dernières années, le continent n’est pas libre de prendre des décisions, notamment en ce qui concerne les questions de paix et de sécurité, a relevé le représentant.  C’est pour rectifier le tir que l’Afrique a créé le Fonds pour la paix qui a déjà reçu pas moins de 89 millions de dollars de 50 États du continent, a-t-il expliqué.

M. Nkosi a ensuite salué la mise en place de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, avant de demander qu’elle soit le cadre central par lequel passe toute collaboration entre l’ONU et l’UA dans le contexte du Chapitre VIII de la Charte.  Il a aussi souligné l’importance du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique dici à 2020, lequel a permis de réduire les conflits armés dans le continent.  Mais, a-t-il prévenu, le niveau des défis et leur caractère intersectoriel requièrent non seulement des ressources adéquates, mais aussi l’établissement de partenariats solides et durables aux niveaux national, régional, continental et international. 

Il a en outre souhaité que les efforts de reconstruction et de consolidation de la paix soient au centre du Plan directeur et de la coopération entre l’ONU et l’UA.  L’Afrique du Sud appelle le Conseil de sécurité à soutenir l’UA et ses membres face à certains défis à la paix et la sécurité sur le continent: les flux financiers illicites, le financement du terrorisme, les interférences politiques externes, les changements climatiques, la dégradation de l’environnement, entre autres.  Enfin, l’Afrique du Sud estime qu’une Afrique sans conflit serait plus à même de mettre en œuvre les objectifs de développement durable et l’Agenda 2063 de l’UA.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a souligné la nécessité de remédier aux causes profondes des conflits en Afrique.  Il faut traduire l’initiative « Faire taire les armes » en mesures concrètes, au bénéfice des Africains, a-t-il dit.  Il a plaidé pour une approche holistique, faisant valoir que prospérité et sécurité se renforcent mutuellement.  « Ensemble, nous devons déceler les signes émergents de conflits en Afrique et agir pour y remédier », a-t-il déclaré, se disant un fervent partisan de la diplomatie préventive.  Il a appuyé la création de capacités d’alerte précoce en Afrique, avant de demander un rôle accru des femmes dans le règlement des conflits.  Mon pays œuvre à la création de réseaux de femmes médiatrices de conflit, a-t-il déclaré, en mentionnant le partenariat actuel de son pays au Nigéria.  Enfin, il a appelé à lutter contre la prolifération des armes légères, en insistant sur le rôle de l’Union africaine.  Tous les États de la région qui ne l’ont pas encore fait doivent ratifier les instruments internationaux visant au contrôle de telles armes, a conclu le délégué du Royaume-Uni.

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a estimé que l’initiative de ce débat démontre toute l’importance du leadership et de l’appropriation africaine pour les questions de paix et de sécurité sur le continent.  Elle démontre également à quel point est fort le partenariat entre l’Union africaine et l’ONU.  Alors qu’il est important de poursuivre la réflexion, la Belgique a aussi demandé des actions sur le terrain.  Au niveau international, il faut, par exemple, redoubler d’efforts pour améliorer la réglementation du commerce international d’armes classiques et pour prévenir et lutter contre le trafic illicite d’armes.  Il faut donc rechercher une meilleure coordination entre les différents systèmes et mécanismes régionaux et internationaux de contrôle de l’armement, suggère la délégation.  Au niveau national, la représentante a recommandé de veiller à ratifier et mettre en œuvre les instruments existants, à l’instar du Traité sur le commerce des armes. 

Pour la Belgique, il est primordial de maintenir une approche holistique par rapport à cette initiative qui vise d’abord à débarrasser le continent africain des conflits armés.  Cette initiative doit donc prêter attention aux racines profondes des conflits, qu’elles soient de nature politique, économique ou liées au non-respect des droits de l’homme.  C’est pourquoi la Belgique plaide pour qu’une attention particulière soit accordée à la problématique de l’exploitation, du trafic et du commerce illicite des ressources naturelles, particulièrement ceux des minerais du conflit, comme l’étain, les 3T (étain, tantale, tungstène), l’or, les diamants, le cobalt, le charbon et la faune.  Il faut donc une gestion organisée, transparente et durable des ressources naturelles, notamment par la promotion des pratiques responsables tout au long de la chaîne d’approvisionnement.  La Belgique demande également de renforcer l’accès à la justice pour les femmes qui se trouvent dans une situation de conflit ou de postconflit, ainsi que d’assurer une réparation adéquate aux victimes.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est félicité des progrès réalisés dans de nombreux pays de la région et du fait qu’ils pourront être partagés avec ceux qui font face aux défis des conflits et de la violence.  Il a insisté sur l’importance d’éradiquer le fléau du trafic des armes légères et de petit calibre, insistant notamment sur l’importance de renforcer le contrôle aux frontières et de mettre en œuvre le Programme d’action sur les armes légères et le Traité sur le commerce des armes.

Le représentant a aussi appelé à renforcer les capacités des institutions à répondre aux causes profondes des conflits et à promouvoir l’éducation et l’emploi des femmes et des jeunes.  Il a appelé à la mise en œuvre simultanée de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, de l’Architecture africaine de gouvernance et de la feuille de route pour faire taire les armes d’ici à 2020.  Il a aussi plaidé pour une action conjointe du Conseil de sécurité et du Conseil paix et sécurité de l’UA.

M. WU HAITAO (Chine) a appuyé résolument l’initiative « Faire taire les armes » en Afrique et plaidé pour « des solutions africaines à des défis africains ».  Certaines zones sur le continent demeurent en proie aux tensions, a-t-il dit, en notant le sous-financement des mécanismes visant à y remédier.  Il a appelé l’ONU à fournir son appui à l’Afrique en vue de parvenir à une paix durable.  Le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine doivent renforcer leur interaction, a-t-il aussi recommandé.  Les opérations de paix de l’Union africaine sont un instrument crucial, a-t-il poursuivi, en plaidant pour leur financement « pérenne et prévisible ».  Le délégué a détaillé l’appui de la Chine aux aspirations de paix et de développement de l’Afrique, dans le respect des principes de sincérité et de bonne foi.  Mon pays a ainsi financé plusieurs projets visant à « faire taire les armes » en Afrique d’ici à 2020, a signalé le délégué de la Chine.

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a salué les nombreuses avancées de l’UA, estimant que sa coopération avec l’ONU connaît un développement particulièrement louable.  Il a cité la signature de plusieurs accords-cadres ainsi que la tenue récente d’un dialogue sur les droits de l’homme.  Il a appelé à maintenir cet élan pour permettre aux opérations de paix d’être plus efficaces, mieux équipées et mieux financées.  Le représentant a aussi insisté sur l’importance de la diplomatie préventive pour faire taire les armes, appelant à édifier des sociétés dans lesquelles chaque citoyen pourrait fixer les règles d’une paix pérenne.  Le développement étant également essentiel, le Koweït entend continuer d’appuyer les efforts de coopération en Afrique et d’appuyer l’initiative « Faire taire les armes ».

M. PABLO CÉSAR GARCÍA SÁENZ, Vice-Ministre des affaires étrangères du Guatemala, a remarqué que l’Afrique, en dépit des progrès qu’elle a accomplis au cours des dernières années, continue d’être confrontée à de nombreuses difficultés sur le plan sécuritaire, en particulier la prolifération des armes légères et de petit calibre, qui est à l’origine chaque jour de plusieurs centaines de morts à travers le monde.  La production de ces armes n’a pas diminué, a-t-il fait observer, soulignant qu’elle est directement liée au marché illicite et qu’elle constitue un obstacle majeur au développement socioéconomique durable.  Le Vice-Ministre a par ailleurs encouragé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au Traité sur le commerce des armes, lequel constitue un instrument juridique de nature à contribuer à la régulation du commerce licite.  M. García Sáenz les a aussi invités à adhérer au Programme d’action des Nations unies sur les armes légères.

M. YASUHISA KAWAMURA (Japon) a constaté que les armes légères et de petit calibre sont le dénominateur commun des menaces à la sécurité de l’Afrique.  Ces armes, s’est-il inquiété, ont un effet multiplicateur en termes d’instabilité, d’exacerbation et de prolongation des conflits, quelle que soit l’arène.  Le représentant a salué le lancement du nouveau mécanisme de financement SALIENT auquel le Japon va contribuer à hauteur de 2 millions de dollars, convaincu de l’importance de renforcer les capacités institutionnelles de contrôle des armes.  Le Japon compte aussi verser plus de 500 000 dollars au Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique.  Le représentant a suggéré que l’ONU et l’Union africaine examinent le problème des petites armes de manière horizontale.  Il a appelé les deux organisations à renforcer, de manière notable, leurs efforts de prévention, estimant que leurs outils respectifs doivent être mis au service des solutions politiques.  M. Kawamura a par ailleurs salué l’accord de paix qui vient d’être conclu en République centrafricaine, y voyant un excellent exemple des efforts de médiation de l’ONU, de l’Union africaine et des organisations sous-régionales.  Il a fait savoir que le Japon contribuera au renfort des capacités institutionnelles de l’Afrique et s’expliquera plus avant à l’occasion de la septième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD), prévue au mois d’août.

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a mis l’accent sur le rôle des armes classiques qui sont celles qui causent le plus grand nombre de morts et de victimes dans le monde, qui perpétuent les conflits armés, qui menacent la sécurité et qui représentent un frein au développement et à la paix durables.  La prolifération incontrôlée des armes classiques dans certaines parties du monde représente une grave menace à la paix et la sécurité mondiales, et malheureusement l’Afrique et l’Amérique latine sont les deux continents qui payent le plus lourd tribut alors même qu’ils ne les produisent pas.  Il est grand temps, a estimé le représentant, que l’on prenne conscience de la responsabilité partagée des producteurs, exportateurs, intermédiaires et destinataires.  Les efforts régionaux, sous-régionaux et nationaux, y compris le strict respect des embargos sur les armes et la bonne application des programmes de collecte et d’enregistrement des armes sont essentiels.  Le représentant a félicité le continent africain pour son initiative « Faire taire les armes » et a rappelé qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes des accords régionaux ont été passés en ce sens pour aligner les synergies avec les instruments internationaux, dans le droit fil de l’objectif 16.4 du Programme 2030.

Le représentant a exhorté tous les États Membres à utiliser les instruments multilatéraux à leur disposition et à imprimer un élan au Traité sur le commerce des armes.  Il réaffirme son soutien à l’Agenda pour le désarmement du Secrétaire général mais a mis en garde contre une confusion entre criminalité transnationale organisée et lutte contre le terrorisme.  Il a dit attendre l’instrumentalisation du Fonds volontaire pour lutter contre le trafic illicite des armes et la mise en place de politiques pour les jeunes comme moteurs du changement au sein des communautés.  Des actions concrètes devraient être soutenues et encadrées par les centres régionaux pour le désarmement, a-t-il estimé.

M. JEAN-CLAUDE FÉLIX DO REGO (Bénin), intervenant au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est dit profondément préoccupé par le commerce, le transfert et la circulation illicite d’armes légères et de petit calibre, ainsi que par leur accumulation excessive et leur prolifération incontrôlée, en Afrique notamment.  La participation libre et inclusive des États aux actions mondiales visant à lutter contre les flux des armes illicites permettra de faciliter la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, a-t-il assuré.  Le représentant s’est ensuite félicité des efforts déployés pour mettre en œuvre le Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et a appelé à appliquer l’Instrument internationale de traçage.

Le représentant a déclaré que l’engagement de l’UA de faire taire les armes d’ici à 2020 avait fait un pas en avant important ces derniers mois, citant notamment le rapprochement entre l’Éthiopie et l’Érythrée et les accords de paix conclu récemment au Soudan du Sud et en République centrafricaine.  Il a aussi souligné les progrès réalisés dans le domaine de la lutte contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre depuis l’adoption de la Déclaration de Bamako en 2000.  Le représentant a ensuite souligné les défis nouveaux qui découlent de la configuration régionale des conflits actuellement en cours sur le continent africain, citant notamment la région sahélo-saharienne, la région des Grands Lacs et quelques foyers dans la Corne de l’Afrique. 

Pour parvenir à éradiquer le commerce illicite de armes légères, il a appelé les États Membres à renforcer leur coopération technique et financière avec les pays en développement, ainsi qu’à mettre en œuvre, de façon équilibrée et objective, le Traité sur le commerce des armes.  À cet égard, il a invité à ne pas protéger seulement les intérêts des principaux États producteurs et exportateurs d’armes.  Il faut aussi, a-t-il ajouté, éviter toute atteinte au droit légitime des États de gérer leurs besoins de sécurité et de défense.  Les États, a-t-il encore déclaré, doivent aussi s’abstenir de tout transfert d’armes à des destinataires non autorisés ou à des groupes armés illégaux.  Il a en outre souligné la nécessité de renforcer tous les centres régionaux de l’ONU.

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a estimé que l’Union africaine joue un rôle essentiel dans la prévention de conflit en Afrique avec une attention particulière sur la prévention, l’escalade, la poursuite et la récurrence des crises.  Ces efforts fondés sur l’intérêt, le consentement et l’engagement de toutes les parties mèneront vers des règlements durables et pacifiques, a assuré le représentant.  Il a ajouté que comme l’UA continue de faire des progrès dans la résolution des conflits, la consolidation de la paix et le développement deviennent les priorités.  L’engagement à soutenir la consolidation de la paix est un impératif pour la paix durable en Afrique, a-t-il estimé.  Bien qu’il existe un large consensus à l’ONU pour renforcer le travail de la CCP, il n’y a pas d’accord sur l’augmentation de son financement jusqu’à 1% de celui des opérations de maintien de la paix, a regretté M. Akbaruddin. 

Les réseaux terroristes, toujours plus nombreux, ont mis en péril la paix et la sécurité de la région africaine de manière inégalée, a poursuivi le délégué en indiquant que « notre réponse aux menaces terroristes n’est toujours pas satisfaisante ».  Une réponse à plus grande échelle est requise, selon lui, ce qui veut dire travailler avec d’autres partenaires comme les organisations régionales et les États.  Les coalitions et les relations bilatérales seront essentielles pour mener à bien les tâches, a-t-il précisé.  Pour vaincre le fléau du terrorisme en particulier, il a jugé essentiel d’apporter une réponse forte, efficace et cohérente qui reflète l’engagement collectif de la communauté internationale.

Au nom du Danemark, de la Finlande, de l’Islande et de la Suède, Mme MONA JUUL (Norvège) a jugé essentiel que les organismes régionaux et sous-régionaux, comme l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et la Communauté économique des États de l'Afrique de l’Ouest (CEDEAO) améliorent la mise en œuvre de leur mandat et leurs capacités, en coordination avec l’Union africaine.  Pour mettre un terme aux conflits armés en Afrique, il faut identifier des solutions africaines.  Les pays nordiques appellent donc à la création d’un Conseil de sécurité plus transparent et représentatif pour mieux refléter les réalités actuelles et appuie l’augmentation du nombre de sièges permanents et non permanents pour l’Afrique.

La représentante a aussi appelé à un financement prévisible et durable des opérations de l’Union africaine et à la création d’un système qui combine les contributions de l’ONU avec un financement de l’Union africaine.  Elle a pleinement appuyé la mise en œuvre de l’Architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine et appelé à un renforcement de capacités en matière de diplomatie préventive, de médiation et de consolidation de la paix.  Mme Juul a insisté sur la pleine et équitable participation des femmes, soulignant que leur rôle est essentiel pour améliorer la confiance, la légitimité et la crédibilité.  Leur participation aux efforts de prévention et de médiation permettra d’ailleurs de déboucher sur des solutions plus efficaces et plus viables, a-t-elle estimé.

M. JEHANZEB KHAN (Pakistan) a estimé que le Plan directeur de l'Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020 constitue une étape significative pour aider les Africains à réaliser leurs objectifs.  Des progrès considérables ont été faits pour résoudre les conflits sur le continent, comme en témoigne un certain nombre d’évènements récents, qu’il s’agisse de la réconciliation entre l’Éthiopie et l’Érythrée, les accords signés au Soudan du Sud et en République centrafricaine, et la tenue d’élections à Madagascar, en République démocratique du Congo (RDC) et au Mali, a énuméré le représentant.  Des défis demeurent malgré tout, a-t-il observé, en attirant l’attention sur les causes profondes des conflits, sur lesquelles il faut se pencher pour éviter le retour des cycles de conflit.  En outre, il a attiré l’attention sur l’étendue du commerce illicite d’armes légères et de petit calibre en Afrique, qui fragilise le développement: « Une approche holistique, y compris une assistance et une coopération de la communauté internationale, est nécessaire pour relever ce défi ».  Enfin, il a préconisé une approche globale du maintien de la paix, s’appuyant sur un partenariat renforcé entre l’ONU et l’Union africaine, lequel suppose un dialogue plus étroit entre cette organisation régionale et le Conseil de sécurité. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a appelé à regarder au-delà de 2020, notant qu’il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une paix durable dans l’ensemble du continent.  Il a estimé que le partenariat entre l’ONU et l’UA a permis de se rapprocher de cet objectif, citant notamment l’accord de paix conclu en République centrafricaine.  Le représentant a également souligné que pour faire taire les armes, il faut arracher les racines des conflits.  Il a salué les efforts déployés par l’Afrique pour mener des initiatives concrètes et structurelles en matière de prévention, d’alerte précoce, de médiation et de diplomatie préventive.  Il a aussi insisté sur l’importance critique d’inclure les femmes et les jeunes à tous les aspects de la résolution de conflit et des processus politiques.

Mme AMAL MUDALLALI (Liban), qui s’exprimait au nom du Groupe arabe, a cité un proverbe africain qui dit « qu’il faut tout un village pour élever un seul enfant », estimant qu’il s’applique aux problèmes africains, à savoir que le village planétaire doit œuvrer au service de l’Afrique.  « Les problèmes de l’Afrique sont les nôtres et la prospérité de l’Afrique est la nôtre », a-t-elle déclaré, justifiant ainsi le soutien du Groupe arabe à l’Afrique ainsi qu’au principe du règlement pacifique des conflits.

La représentante a réitéré l’importance de l’initiative africaine « Faire taire les armes en Afrique », et de la feuille de route élaborée à ce sujet, pour que les problèmes africains soient réglés par les Africains en premier lieu.  À cet égard le Groupe salue la signature de l’Accord de paix en République centrafricaine et l’alternance démocratique en RDC et à Madagascar, même si les défis restent bien réels en Afrique. 

Les pays arabes africains ont joué un rôle prépondérant en termes de médiation, a poursuivi la représentante, en passant en revue une série d’exemples comme l’Accord de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée sous parrainage saoudien, ou encore l’accord de réconciliation entre le Soudan et le Tchad.  La représentante a aussi mentionné le soutien apporté par le Maroc aux efforts de diplomatie préventive dans le dossier du bassin du fleuve Mano, le pays ayant aussi accueilli la Conférence ministérielle des pays africains riverains de l’Atlantique.  De plus, le Qatar a été médiateur pour mettre un terme au conflit entre Djibouti et l’Érythrée, tandis que l’Algérie a accueilli les médiations entre les parties maliennes.  Dans la même veine, le Fonds arabe pour l’appui technique aux pays africains, créé en 1974, démontre l’attachement du Groupe arabe au principe de solidarité entre les pays arabes et africains.

Les pays du Golfe ont également annoncé une contribution de 118 millions de dollars pour appuyer la force de lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest.  Les Émirats ont investi environ 11 milliards de dollars en Afrique en 2016, ce qui en fait le deuxième plus grand investisseur en Afrique, a-t-elle encore précisé.  Le Groupe arabe exhorte l’ONU à soutenir davantage les initiatives de paix de l’Union africaine, a poursuivi la représentante en appelant aussi tous les partenaires de la communauté internationale à renforcer les cadres de coopération avec le continent africain pour régler les sources de conflit sur le continent.  Elle a cité, à cet égard, le cumul des richesses aux mains d’une minorité ou encore le recul de la justice.  En conclusion, le Groupe arabe a appelé la communauté internationale à se concentrer sur la reconstruction et le développement postconflit en Afrique et a annoncé qu’un centre chargé de cette question sera prochainement inauguré au Caire.

M. JOÃO VALE DE ALMEIDA, Chef de la délégation de l’Union européenne, a dit « partager le souci de l’Union africaine concernant la prolifération d’armes légères et de petit calibre comme source importante d’insécurité ».  La paix et la sécurité durant toutes les phases d’un conflit sont le pilier du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’UA.  Le mémorandum d’accord entre les deux organisations régionales sur la paix, la sécurité et la gouvernance ancre ce partenariat sur une fondation solide et structurée, en prenant en compte la complexité des menaces nouvelles et la nécessité de s’attaquer à leurs causes.   Nos deux organisations sont activement opérationnelles au Sahel, en République centrafricaine et en Somalie, a poursuivi M. de Almeida, pour qui « un autre domaine important dans lequel les progrès ont été constants est la mise en place opérationnelle du Fonds pour la paix qui est un signe évident de l'engagement de l'UA à prendre en charge la paix et la sécurité sur le continent. »

« Alors que les opérations de soutien de la paix retiennent généralement plus d'attention et de ressources, ce sont les forces discrètes de la diplomatie et de la médiation, et l'attention structurelle portée aux déclencheurs de fragilité qui contribuent grandement à la réussite de toute intervention visant à prévenir ou à résoudre les conflits », a poursuivi le délégué.  L'Union européenne a donc alloué 20 millions d'euros à la poursuite, jusqu'en 2020, du mécanisme de réaction précoce de la Commission de paix de l’UA, permettant ainsi la réalisation de nombreuses activités de prévention et de médiation de la Commission de l’Union africaine.  L’Union européenne et l’Union africaine prennent aussi part au dialogue sur la prévention des conflits, un dialogue au cours duquel « nous cherchons à apprendre l’un de l’autre ».  Un certain nombre de sujets ont été identifiés comme possibilités de coopération dont les analyses conjointes, la prévention de conflit et les changements climatiques, la médiation et la coopération ONU-UE-UA. 

L’Union européenne continuera, a ajouté le délégué, d’apporter son appui au lien entre l’Architecture africaine de paix et de sécurité et l’Architecture africaine de gouvernance afin de réduire la fragilité, renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance dans toute l’Afrique pour le bien de tous.  Les situations fragiles exigent des approches personnalisées et un appui pour créer la paix durable, tout en s’attaquant aux racines des conflits.  Pour réussi la prévention des conflits, il faut viser l’appropriation locale et accorder la priorité aux préoccupations des communautés locales.  La protection des droits de l’homme, une gouvernance politique responsable et réactive ainsi que la croissance économique inclusive sont des éléments essentiels pour extirper les racines des conflits.  L’égalité des sexes est une condition préalable à la paix, la sécurité, le développement durable et la justice.  La perspective des femmes doit être représentée de la même manière que les espoirs et les aspirations des jeunes qui auront la responsabilité finale du futur, a conclu le représentant. 

M. MAGED ABDELFATTAH ABDELAZIZ, Observateur permanent de la Ligue des États arabes, a déclaré qu’il ne fait aucun doute que l’initiative de l’Union africaine visant à faire taire les armes d’ici à 2020 est d’une importance cruciale et « particulièrement bienvenue ».  Il a rappelé que tout récemment, la tenue de plusieurs sommets conjoints avait permis le rapprochement de la Ligue des États arabes et de l’Union africaine, notamment sur les mesures à prendre pour mettre fin à la prolifération des armes légères et de petit calibre.  Dans ce contexte, a dit le représentant, nous avons besoin de mécanismes régionaux renforcés pour mettre en œuvre nos objectifs communs de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.  Il a ensuite mentionné que le soutien des entités des Nations Unies en matière de désarmement et de lutte contre le terrorisme serait nécessaire pour que les deux organisations régionales y parviennent.  Le représentant a plaidé, en conclusion, en faveur d’un plan continental de lutte contre les armes légères et de petit calibre, d’un commun accord entre l’UA et la Ligue des États arabes. 

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a mis l’accent sur le rôle de l’État-nation dans la paix et la stabilité en expliquant qu’il se fonde sur un État où toutes les appartenances religieuses et ethniques fusionnent pour devenir une entité unique, avec une gestion compétente et transparente, des structures sécuritaires solides et une économie saine: tels sont les éléments de la stabilité dans le monde.  Ainsi l’absence de l’État-nation représente une menace à la paix et la sécurité mondiales, a-t-il poursuivi, affirmant qu’on ne peut bâtir des États sur la fragmentation.  Le représentant a également mis en valeur l’importance de la réconciliation nationale, « qui est un cadre d’entente entre les groupes divers d’une même nation visant à éliminer les causes de leurs différends et à réaliser un compromis national sur la base d’une feuille de route claire ».  La réconciliation doit se faire au niveau social avant le niveau politique et ne doit pas se limiter à la paix et la sécurité, a-t-il affirmé.

Son troisième argument a mis en évidence le fait que trop souvent les interventions étrangères exacerbent les conflits et les tensions entre différentes ethnies ou groupes religieux.  Enfin, il a évoqué l’importance significative du développement et son impact politique, avant de constater que l’Afrique dispose des moyens de parvenir à sa propre paix et sa stabilité.  Sa stabilité passera, selon lui, par le renforcement de la culture de la paix, par un développement qui tienne compte des spécificités de chaque pays, et par la fourniture de services de base sur l’intégralité des territoires nationaux, de manière à renforcer la capacité des pays africains en termes de justice et de lutte contre la corruption.

L’initiative « Faire taire les armes en Afrique » résonne en Libye, a expliqué le représentant, qui a appelé la communauté internationale à prêter assistance à l’Afrique pour que le continent parvienne à régler les causes fondamentales de ses conflits et puisse éviter leur résurgence.  À ce titre, il a insisté sur l’importance des relations de bon voisinage et a mentionné les efforts déployés par les forces de sécurité libyennes dans le sud du pays pour permettre à l’État non seulement de réaliser la paix et la sécurité mais aussi d’entretenir de bonnes relations de ses pays mitoyens.

M. OMAR KADIRI (Maroc) a considéré que le succès du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020 passe aussi par un soutien financier plus résolu de la part de la communauté internationale, un soutien qui bénéficierait à d’autres initiatives comparables.  Le représentant a ensuite réitéré le propre soutien de son pays à des opérations africaines financées à partir des contributions obligatoires de l’ONU.  Pour lui, la prise de conscience collective devant la gravité du commerce illicite des armes légères et de petit calibre doit permettre d’atteindre les objectifs avant l’échéance de 2020. 

Évoquant les contributions de son pays, le délégué a souligné le rôle du Maroc au sein du Conseil des ministres de la défense de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), dans le cadre duquel un accord a été conclu pour renforcer la sécurité transfrontalière entre ces pays.  L’engagement multidimensionnel du Maroc en tant qu’acteur de paix en Afrique est également attesté par sa participation aux opérations de paix menées sur le continent depuis les années 1960, a fait valoir le représentant.  Le royaume maintient aujourd’hui un soutien accru auprès de la République centrafricaine, a-t-il précisé.  Le Maroc a aussi accueilli à Skhirat les pourparlers ayant débouché à l’Accord politique libyen, avant d’organiser à Marrakech en 2016, parallèlement à la COP-22, le Sommet africain pour l’action.

M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a souligné que sa sous-région met l’accent sur la diplomatie préventive et la médiation face aux crises et conflits.  La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) demande le renforcement des capacités de prévention de l’Union européenne.  Le représentant a attiré l’attention sur l’action que vient de mener la SADC en République démocratique du Congo (RDC) et à Madagascar après des élections présidentielles marquées par des tensions.  Il a également salué les accords de paix signés récemment sur le continent africain, notamment en République centrafricaine et dans la Corne de l’Afrique, avant de rappeler que 2020, date butoir pour « Faire taire les armes », c’est l’année prochaine.

M. STEFANO STEFANILE (Italie) a déclaré qu’en dépit du fait qu’un nouvel espoir souffle sur l’Afrique, il reste des défis d’envergure qui se posent à la paix et à la sécurité en Afrique: terrorisme, criminalité transnationale organisée, violence à l’encontre des femmes et des enfants dans les conflits armés, pauvreté, sous-développement, ou encore changements climatiques.  Selon lui, le partenariat UA-ONU a déjà fait la preuve de son importance, comme en témoigne par exemple l’accord conclu entre le Gouvernement de la République centrafricaine et les groupes armés opérant dans ce pays.  Le représentant a également dit que la coopération trilatérale entre l’ONU, l’Union européenne et l’Union africaine doit se poursuivre et se renforcer.  Le délégué a ensuite indiqué que son gouvernement reste favorable à ce que les opérations de maintien de la paix sous conduite africaine soient financées à partir des contributions des États Membres au budget de l’ONU.  M. Stefanile a en outre plaidé en faveur de l’universalisation rapide des instruments juridiques internationaux pertinents dans le domaine du désarmement.

À la lumière des récents succès de l’Union africaine pour mettre fin aux conflits au Libéria, en Côte d’Ivoire ou encore en Gambie, M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) s’est dit confiant de la mise en œuvre de son Plan directeur sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique.  Pour ce faire, il a préconisé le renforcement de l’appropriation nationale, notamment en s’appuyant sur des mécanismes régionaux tels que l’IGAD ou la Communauté économique des États de l’Afrique de l'Ouest (CEDEAO). 

Le renforcement de la coopération ONU-UA et la médiation constituent également des priorités pour parvenir à la paix sur le continent, a poursuivi le délégué, qui a proposé la création, à Almaty, d’un centre interrégional des Nations Unies sur les objectifs de développement durable.  Le renforcement des opérations de maintien de la paix, y compris les opérations hybrides entre l’ONU et l’UA, contribuerait également à faire taire les armes en Afrique, selon le représentant.

M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) a rappelé que le lancement de l’initiative « Faire taire les armes en Afrique » a eu lieu dans le cadre du cinquantième anniversaire de l’UA en 2013, et a été suivi par l’adoption de la feuille de route de Lusaka.  Il a rendu hommage aux progrès tangibles réalisés depuis lors en termes de règlement des conflits sur le continent africain, en citant notamment la réactivation de l’accord de paix au Soudan du Sud ou encore entre l’accord de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée.  Il s’est toutefois dit conscient de la recrudescence de menaces et de défis non conventionnels en Afrique, à commencer par le terrorisme.  Ces menaces exigent une action commune internationale, a-t-il estimé, plaidant aussi pour la coopération entre l’ONU et l’UA dans le cadre des accords passés.  Ces accords s’appuient sur les avantages comparatifs de chacune des deux organisations, a-t-il argué.  L’Égypte, qui préside l’UA cette année, va œuvrer à promouvoir encore davantage cette coopération par le truchement de consultations régulières et le renforcement du dialogue entre chaque partie sur les questions à l’étude.

Le représentant n’a pas manqué d’évoquer la question du financement durable des opérations de paix africaines dans ce contexte.  Il a également mis l’accent sur l’importance de la reconstruction et du développement pour la paix et la stabilité, en particulier pour les pays sortant de conflits.  À l’avenir, a-t-il conseillé, il faudra renforcer l’attention donnée à ce volet pour éviter la recrudescence des conflits et consolider les acquis.  Il a enfin fait part de la « fierté » du Président égyptien, qui a été chargé de jouer le rôle de chef de file sur cette question, en tant que Président de l’UA.  L’Égypte, a-t-il annoncé, va inaugurer cette année le centre chargé de la reconstruction et du développement au Caire.  Ce centre servira de plateforme pour activer la politique et l’initiative « Faire taire les armes en Afrique » de l’UA.

Mgr ANTOINE CAMILLERI, Observateur du Saint-Siège, s’est félicité des progrès accomplis en Afrique, notamment de l’accord de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée.  Il a toutefois rappelé qu’il reste des régions dans lesquelles la violence continue de sévir et où se déroulent d’autres formes de conflit.  Au nombre des causes profondes de ces situations persistantes, il a cité les disparités économiques et sociales, la fragilité des institutions, l’instabilité politique et la corruption, sans compter les conflits d’intérêts autour de ressources naturelles, qui se déroulent au détriment de la cohésion sociale.  Pour le représentant, aider le continent africain à réaliser ses objectifs en matière de non-violence et de paix durable suppose pour la communauté internationale de s’engager à respecter ses propres engagements, particulièrement lorsqu’il s’agit d’urgences humanitaires et de fournir les niveaux requis d’aide au développement.

M. LAZARUS OMBAI AMAYO (Kenya) a indiqué que son pays avait été à l’avant-garde des efforts visant à promouvoir le Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020, comme l’illustre la mise en place d’un point focal national sur les armes légères et de petit calibre.  Le Kenya, a-t-il ajouté, est également le siège du Centre régional sur les armes légères et de petit calibre dans la région des Grands Lacs, la Corne de l’Afrique et les États limitrophes.  Le représentant a souligné que pour réaliser à temps les objectifs du Plan directeur, des ressources supplémentaires devaient être allouées à l’éradication des causes de conflit sur le continent.  Il faut également renforcer la coopération internationale à tous les niveaux.  Enfin, les États africains doivent bénéficier de l’assistance technique nécessaire pour pouvoir mettre en œuvre tous les instruments juridiquement contraignants pertinents, a recommandé le délégué.

M. SABRI BOUKADOUM (Algérie) a noté la nature symbolique de l’objectif de faire taire les armes d’ici à 2020, ainsi que la clarté et la force du message envoyé.  Il a estimé que l’Afrique accomplit maintenant ses devoirs, notamment grâce à l’Architecture africaine de paix et de sécurité qui, a-t-il noté, a permis d’identifier de nouvelles idées et de nouveaux modes de fonctionnement.  Il a aussi relevé que le contient est en train de regrouper ses forces aux niveaux régional et sous-régional, citant notamment en exemple l’AMISOM.  Le représentant a ensuite fait observer que l’objectif de faire taire les armes appelle à honorer le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063, ainsi que leurs corollaires.  Il a aussi appelé à se pencher sur les problèmes des changements climatiques et de l’exploitation des ressources naturelles du continent, entre autres.  Le représentant a par ailleurs insisté sur la nécessité, pour l’Afrique, de bénéficier d’un appui extérieur, pointant notamment le financement des opérations de paix africaines.

M. MAGDI AHMED MOFADAL ELNOUR (Soudan) a exprimé son soutien au principe qu’il faut de trouver des solutions africaines aux problèmes africains, tel que mis en œuvre dans le contexte de l’initiative « Faire taire les armes en Afrique ».  Il a cité entre autres la signature de l’accord de paix pour le Soudan du Sud de septembre 2018 ainsi que les efforts du Soudan pour la République centrafricaine avec la Déclaration de Khartoum en 2018 et la signature de l’Accord de paix en 2019.  Le Soudan a également contribué à améliorer certaines initiatives régionales et internationales afin de fournir une aide humanitaire aux zones qui sont sous contrôle de groupes armés, et il a ouvert son territoire aux réfugiés des pays voisins qui représentent près de deux millions de personnes à ce jour, a poursuivi le représentant.

Pour obtenir les meilleurs résultats possibles dans le cadre de l’initiative « Faire taire les armes en Afrique », il faut, selon lui, tenir compte du lien étroit entre paix et développement.  Le Soudan appelle donc la communauté internationale à fournir davantage de soutien aux objectifs postconflits, y compris en termes de réinstallation des personnes déplacées et réfugiées, de DDR et de reconstruction.  Il appelle à renforcer la coopération entre l’ONU et l’UA, de manière à renforcer la cohérence entre leurs activités respectives et éviter des doublons, comme cela a été le cas au Soudan avec l’IGAD et en Libye en 2011.  Il est également nécessaire de donner un financement approprié et durable aux opérations de paix africaines par le biais des Nations Unies, a estimé le délégué, qui a également invité à ne pas perdre de vue que ces opérations africaines sont en réalité un investissement dans la paix et la sécurité africaines et mondiales.  Le Soudan appelle en outre à la lutte, tant sur le plan régional que national, contre les causes profondes des conflits africains notamment les différences de niveau de développement, la désertification et la faiblesse de certaines institutions africaines.

M. ESHAGH AL HABIB (République islamique d’Iran) a souligné que le fait que plus de la moitié des 20 plus importants pays fournisseurs de contingents sont africains devrait être salué et reconnu par les Nations Unies et par ce Conseil de sécurité.  Mais simultanément, pour veiller à la poursuite de cette contribution considérable, les pays africains devraient être soutenus dans leurs efforts pour consolider leurs capacités dans le maintien de la paix et de la sécurité sur leur continent, dans le respect du principe fondamental: « solutions africaines aux problèmes africains ».  Dans ce contexte, le représentant a estimé qu’une assistance technique doit être fournie aux nations africaines qui en font la demande pour mettre pleinement en œuvre les instruments juridiquement contraignants pertinents, en particulier le Programme d’action sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects.

Pour M. COLLEN VIXEN KELAPILE (Botswana) il est important de créer un environnement propice au règlement des causes profondes des conflits en Afrique, et, à l’aune de l’année 2020, il a voulu que l’on fasse le point sur les progrès réalisés pour débarrasser l’Afrique des conflits.  Même si l’intensité de ces conflits semble avoir diminué, l’index de fragilité du continent indique qu’il est enclin aux conflits.  Les niveaux d’alerte restent élevés car si des progrès significatifs ont été réalisés dans certains pays africains, d’autres montrent des signes de déclin.  La dernière enquête mondiale du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur les inégalités identifie les territoires qui échappent au contrôle des gouvernements comme des « points chauds ».  Elle dit aussi que les inégalités de revenus et la pauvreté multidimensionnelle sont des moteurs des conflits.

Il est vrai, a reconnu le représentant, que la croissance en Afrique ne s’est pas toujours accompagnée de progrès sociaux, même si six des économies à plus fort taux de croissance ces dernières années sont africaines.  Il va falloir investir dans les jeunes et les femmes pour capitaliser sur le dividende démographique de l’Afrique et protéger la jeunesse de la tentation des armes.  Cela suppose, selon le représentant, de faire les bons choix, en assurant la promotion d’une gouvernance comptable de ses actes et qui favorise la participation de tous.  La gestion des minéraux de l’Afrique est une cause profonde des conflits.  Le représentant s’est donc réjoui que l’UA ait mis en avant une vision pour que cette gestion devienne le catalyseur du développement économique et social.  « L’Afrique fait son possible », a conclu le représentant.

M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a déclaré que pour faire taire les armes, il faut répondre aux racines des conflits, notamment la fragilité des États, la faiblesse des infrastructures, le commerce illicite des armes et les effets d’une urbanisation galopante, sans oublier le chômage des jeunes, l’exclusion sociale, les changements climatiques et l’extraction illégale des ressources.  Il a constaté que dans les États fragiles ou en proie à un conflit, les institutions judiciaires et sécuritaires sont souvent faibles et dysfonctionnelles.  Il a prévenu que les groupes armés ne répondront aux appels de désarmement à moins d’obtenir des garanties pour leur sécurité.  Pour faire face aux flux illicites d’armes, le représentant a recommandé aux producteurs et aux exportateurs de travailler avec les États pour mettre au point des systèmes de contrôle adéquat et empêcher tout détournement illicite.  Il faut aussi être plus sévère avec les pays qui fournissent délibérément des armes à des acteurs non étatiques ou à des groupes armés dans le but de faire tomber des gouvernements démocratiquement élus.

M. Gimolieca a indiqué que son gouvernement s’est doté d’un nouvel agenda qui met l’accent sur la participation sans exclusive des femmes et des jeunes, ainsi que sur l’état de droit dans le cadre de la lutte contre l’impunité et la corruption.  L’objectif est de créer une société plus résiliente, capable de gérer les pressions de l’urbanisation, du chômage des jeunes et des inégalités, entre autres.  Des ressources sont également consacrées à l’amélioration de la gestion des ressources naturelles et à leur gestion transfrontière.

M. ROBERT MARDINI, Chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a noté que lorsque les armes classiques souffrent d’une mauvaise régulation, les conséquences humanitaires sont macabres: des conflits qui perdurent; des violations du droit international et du droit international humanitaire; et les menaces sur la vie des civils.  Le CICR voit ces conséquences tous les jours, dans le bassin du lac Tchad où les conflits ont fait plus de deux millions de déplacés, en Libye où une bonne partie des arsenaux échappent au contrôle du Gouvernement ou encore au Soudan du Sud où l’accord de paix qui vient d’être signé fait espérer la fin d’un conflit aux conséquences humanitaires catastrophiques. 

Le CICR demande au Conseil de sécurité et aux États Membres de « faire taire les armes », en assurant un commerce responsable et en prévenant le commerce illicite.  Le CICR invite les États à adhérer aux instruments internationaux en vigueur et à les mettre en œuvre, car des transferts d’armes responsables amélioreraient la protection des civils sur le long terme et permettrait d’établir une fondation pour la paix, la sécurité et la stabilité.  Le CICR appelle à agir sur le terrain, puisque les mots seuls ne peuvent prévenir l’irréparable conséquence des armes quand elles sont entre de mauvaises mains.

M. FRANCISCO DUARTE LOPES (Portugal) s’est félicité du leadership grandissant de l’Union africaine dans la recherche de solutions africaines aux problèmes africains.  Le partenariat « stratégique » mis en place avec l’ONU est crucial afin d’assurer le succès des initiatives de paix, a déclaré le représentant, citant en exemple la République centrafricaine.  Selon lui, les partenariats régionaux, le respect des droits de l’homme et la démocratie constituent autant de conditions essentielles à la paix qui se renforcent mutuellement.  De même, l’Architecture africaine de paix et de sécurité et l’Agenda 2063 de l’Union africaine fournissent une « fondation régionale solide », a poursuivi le représentant, qui a insisté sur le rôle primordial des femmes et des jeunes dans la prévention des conflits. 

Afin de freiner la prolifération des armes de petit calibre, M. Duarte Lopes a encouragé les pays africains à rejoindre les mécanismes internationaux tels que le Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères.  Toutefois, ces mesures seront insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées d’efforts visant à faire face aux changements climatiques, à l’insécurité alimentaire et au terrorisme, a-t-il prévenu, avant de rappeler la contribution de son propre pays aux opérations de paix de l’ONU au Niger, en Somalie et au Soudan du Sud. 

M. ION JINGA (Roumanie) a souligné le rôle central joué par la coopération trilatérale entre l’ONU, l’Union africaine et l’Union européenne afin d’assurer la sécurité et le développement durable en Afrique.  Il s’est félicité à cet égard de l’adoption du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020, estimant qu’il contribuera à rendre le continent exempt de conflits.  Selon lui, le « principe directeur » de ce plan devrait être la mise en place de « solutions africaines aux problèmes africains », comme ce fut le cas lors de la réunion annuelle de 2018 de la Commission de consolidation de la paix, présidée par la Roumanie.  Le succès de cette initiative, a prévenu le représentant, sera également tributaire des mécanismes de prévention des conflits, du renforcement des partenariats régionaux et du soutien aux pays affectés par des conflits armés. 

Pour sa part, la Roumanie, qui participe à six opérations de maintien de la paix dans le monde, demeure déterminée à améliorer le financement des mécanismes de consolidation de la paix ainsi que la coordination et la cohérence de l’appui aux pays impliqués.  Alors qu’elle assume la présidence de l’Union européenne, la Roumanie présentera, en mars, à l’Assemblée générale, un projet de résolution portant sur le rôle des diamants dans les conflits. 

Mme HASSAN (Djibouti) a indiqué que son pays avait participé à la Conférence d’examen du Programme d’Action des Nations Unies sur les ALPC, présidée par la France en juin 2018.  Elle s’est ensuite félicitée de la décision « Faire taire les armes d’ici à 2020 », prise par les chefs d’État africains lors du cinquantième anniversaire de l’Union africaine.  Dans ce contexte, elle a tenu à dire que des investissements supplémentaires doivent être consentis dans la prévention et la médiation.  Elle s’est à cet égard félicitée de la création d’une plateforme de partage des pratiques optimales entre l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’UA, et le Réseau panafricain des Sages.  Pour promouvoir des approches inclusives, la représentante a souligné le besoin urgent de vulgariser le travail de l’Union africaine, notamment du Groupe des Sages, de PanWise, et FemWise.  En outre, les États de la Corne de l’Afrique ont décidé d’un commun accord de créer un centre régional dédié à la prévention et à la lutte contre l’extrémisme violent qui est situé à Djibouti, a indiqué la déléguée.

Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda) a mis l’accent sur la prévention et la résolution des conflits, la réforme du secteur de la sécurité, la consolidation et le maintien de la paix ainsi que la coopération régionale.  La diplomatie préventive et la médiation font partie intégrante des efforts de prévention de conflit, a estimé la représentante.  Des activités spécifiques sont nécessaires pour prévenir les conflits en portant l’attention sur les diverses causes structurelles avec comme objectif de renforcer les institutions et les mécanismes sociaux des États et des communautés.  Il faut aussi aider les États à développer des institutions plus fortes et plus inclusives qui peuvent s’attaquer aux causes et aux facteurs des conflits.  Renforcer nos efforts et stratégies de démobilisation, désarmement et de réintégration (DDR) contribuera de manière significative à faire taire les armes en Afrique, a estimé Mme Rugwabiza.  Les DDR doivent être réalisés à toutes les étapes de la résolution de conflit et de la consolidation de la paix, a aussi suggéré la représentante.  Leur succès repose essentiellement sur un soutien efficace des anciens combattants pour leur réinsertion dans la vie civile.  De plus, un contrôle plus efficace de la mise en œuvre des embargos sur les armes contribuera à créer un environnement favorable à la résolution de conflit, a indiqué la déléguée du Rwanda, pour laquelle « la bonne gouvernance et des institutions inclusives restent les moyens les plus efficaces pour prévenir les conflits et consolider la paix. »

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) s’est félicitée du rôle joué par les organisations régionales africaines pour mettre fin aux crises, citant notamment le rôle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour trouver une issue à la crise postélectorale en Gambie et le récent accord de paix conclu en République centrafricaine.  Elle a aussi salué les avancées réalisées par l’UA pour faire taire les armes.  Évoquant son rôle de Présidente de la Commission de la condition de la femme, Mme Nason a insisté sur le rôle des femmes pour parvenir à réaliser cet objectif.  Mme Nason s’est félicitée de la référence, dans la résolution, à « FemWise-Africa », au « Network of African Women in Conflict Prevention and Mediation » et au Réseau des femmes d’influence en Afrique.  La représentante a ensuite annoncé que l’Irlande avait annoncé hier, lors de la Conférence du désarmement qui se tient à Genève, qu’elle se faisait la championne de trois des actions définies dans le Programme de désarmement, dont l’une, a-t-elle précisé, porte spécifiquement sur l’objectif de faire taire les armes en renforçant la sensibilisation à l’impact que les armes ont sur la gestion des conflits.

« Faire taire les armes requiert la bonne gouvernance, y compris la justice et l’équité dans la gestion des affaires publiques », a déclaré M. ISSA KONFOUROU (Mali).  Il s’agit pour nos États de promouvoir l’unité nationale dans la diversité, a-t-il dit.  Il a déclaré que la « seconde équation » à résoudre est de trouver les mesures idoines permettant aux populations des régions les plus reculées, loin des capitales, de « vivre véritablement l’ensemble national » et de se sentir partie intégrante de la Nation.  Il a ensuite plaidé pour des réponses holistiques aux causes profondes des conflits, en particulier le développement durable inclusif.  Le dernier outil pacifique pour faire taire les armes est la parole, a poursuivi M. Konfourou.  « Nous devons être porteurs de messages de paix et de cohésion nationale, dans nos paroles et nos actes. »  Enfin, le délégué malien a demandé la pleine application des différents instruments internationaux sur le flux des armes, avant de se féliciter du renforcement du partenariat stratégique entre l’UA et l’ONU.

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana) a salué les progrès réalisés jusqu’à présent pour faire taire les armes, constatant toutefois qu’il faut redoubler d’efforts face à la pauvreté extrême, l’impact des changements climatiques, l’extrémisme violence et la prolifération des armes légères et de petit calibre, entre autres.  Elle a appelé à identifier de nouveaux mécanismes de financement et à établir des synergies entre les différents instruments de contrôle des petites armes, à commencer par le Programme d’action sur les armes légères.  Elle a insisté sur l’aspect crucial du partenariat entre l’ONU et l’UA, se préoccupant toutefois du manque de financement prévisible, durable et souple des opérations de paix menées par l’UA et autorisées par le Conseil de sécurité.  Elle a par ailleurs appelé à appuyer le rôle d’« African Women Leaders Network » et de « Fem-Wise Africa ».

Pour M. RICHARD ARBEITER (Canada), les armes à feu sont les armes de prédilection dans la plupart des conflits dans le monde et, pour plusieurs communautés en Afrique, elles constituent de réelles armes de destruction massive.  Les raisons pour lesquelles elles posent problèmes sont souvent liées à des circonstances régionales ou nationales, qu’il s’agisse de terrorisme, de crime organisé, de conflit armé ou d’une combinaison de ces éléments.   Par conséquent, tout en restant attaché à une approche multilatérale des armes nucléaires et biologiques notamment, le Canada reconnaît qu’il faut examiner la nature régionale des enjeux en matière d’armes légères et de petit calibre.  « Nous devons concevoir une intervention sur mesure et adaptée au contexte », a estimé M. Arbeiter, pour lequel l’initiative « Faire taire les armes en Afrique » représente une telle intervention.  Il a toutefois remarqué que plusieurs des défis à surmonter par l’Afrique ne sont pas nés en Afrique et qu’en outre ils ont des répercussions bien au-delà de ce continent.

Par conséquent il lui semble essentiel que tous les États Membres, l’ONU, les États africains et les organisations régionales travaillent de concert pour concrétiser cette vision.  Dans la pratique cela veut dire qu’il va falloir renforcer la coopération pour prévenir, gérer et résoudre les conflits et travailler ensemble pour pleinement mettre en œuvre le Cadre de coopération sur la paix et la sécurité entre l’ONU et l’UA.  Cette approche a déjà produit des résultats, a-t-il remarqué en citant le cas de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine.

Le représentant a également appelé à prendre conscience de l’effet disproportionné des conflits sur les femmes et le rôle important qu’elles peuvent jouer dans la prévention et le règlement des conflits, saluant au passage la création du Réseau « FemWise-Afrique ».  Témoignant de l’engagement pris par le Canada à activement participer au niveau régional et national pour atteindre l’objectif ultime de « faire taire les armes en Afrique », le délégué a cité les cas de la Sierra Léone où le Canada copréside le Dialogue international sur la consolidation de la paix et le renforcement de l’État ou encore du Mali où il a appuyé le Centre pour le dialogue humanitaire pour négocier un accord de cessez-le-feu.

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a appelé les États à prendre des mesures effectives pour éliminer les causes des conflits, notamment l’impact du trafic des ALPC.  Il a parlé de leurs conséquences dévastatrices sur le continent africain, notant ensuite que le Traité sur le commerce des armes avait contribué à améliorer la sécurité et la stabilité régionales.  Il a appelé à la pleine mise en œuvre de tous les instruments visant à enrayer le commerce illicite, l’accumulation déstabilisatrice et le mauvais usage des ALPC, à commencer par le Programme d’action sur les armes légères.

M. Mlynár a ensuite parlé de l’importance de la gouvernance du secteur de la sécurité et a salué la tenue, le 22 octobre 2018, du deuxième forum de l’UA sur la réforme du secteur de la sécurité.  Il s’est aussi félicité du plan stratégique sur trois ans qui a été recommandé à cette occasion et a appelé les partenaires à assurer sa pleine mise en œuvre.

M. RAUF ALP DENKTAŞ (Turquie) a reconnu que restaurer et maintenir la paix en Afrique est difficile.  Ce sont des activités menées dans un environnement sécuritaire dégradé comme nous venons de le voir malheureusement dans l’attaque contre les Casques bleus de la MINUSMA près de Bamako.  La communauté internationale doit rester vigilante pour protéger les acquis et les investissements dans les zones qui se remettent de guerres dévastatrices.  Saluant au passage les objectifs atteints dans la Corne de l’Afrique, le représentant a voulu que l’engagement à soutenir les changements positifs dans cette région soit « inébranlable ».  Cela aura des effets importants pour améliorer la stabilité de la région en consolidant la paix et la normalisation des relations entre les pays de la région.  La communauté internationale, l’ONU et les organisations régionales ont un rôle à jouer en aidant à créer les conditions favorables à la réconciliation, par les instruments à leur disposition, y compris la prévention, la médiation et la résolution de conflit.  La collaboration entre l’ONU et l’UA comme modèle de coopération qui donnera des enseignements utiles pour éclairer les futurs efforts communs dans la prévention, la gestion et la résolution de conflits.

M. SAMI BOUGACHA (Tunisie) a rappelé les contributions de son pays au processus de règlement des conflits en Afrique, notamment en RDC, au Mali et en Libye.  Il a salué l’adoption de la résolution, y voyant un signal fort envoyé par le Conseil de sécurité au continent africain.  Il a relevé que l’UA dispose des moyens pour travailler avec le Conseil de sécurité à la prévention de conflit, pour ensuite réaffirmer les efforts africains pour réaliser le développement durable et inclusif, la démocratie et la bonne gouvernance et pour promouvoir le rôle des femmes et des jeunes, entre autres.  Il a souligné que la réalisation de l’objectif de faire taire les armes est essentielle pour parvenir au développement durable.  Le représentant a aussi insisté sur l’importance d’adapter les institutions aux situations actuelles.

M. AMANUEL GIORGIO (Érythrée) a dit sa confiance dans le « potentiel » de l’Afrique de faire taire les armes et de fournir à ses habitants la vie qu’ils méritent.  Il a jugé que l’Afrique a besoin de « moins d’interventions extérieures et de plus de partenariats », avant d’appeler le Conseil à changer son approche en ce qui concerne le continent.  « Il y a un besoin de changement de paradigme », a-t-il tranché.  Le délégué a ensuite rappelé l’accord de paix historique signé entre l’Éthiopie et son pays et qui s’est d’ores et déjà traduit par des changements positifs, annonçant « l’aube d’une ère radieuse de paix, de partenariats et de développement ».

La paix récente a en outre ouvert les portes pour la consolidation de la paix dans le reste de la région, a poursuivi M. Giorgio, en précisant que son pays et Djibouti ont convenu d’ouvrir un nouveau chapitre dans leurs relations.  Imputant ces développements aux choix politiques forts qui ont été faits, il a indiqué que cette nouvelle dynamique permettra de contribuer à l’objectif de « faire taire les armes » d’ici à 2020.  Enfin, le délégué a pointé le « grand sens des responsabilités » qui anime les habitants de la Corne de l’Afrique afin de rattraper « les décennies perdues » de développement et de paix dans la région.

M. CHO TAE-YUL (République de Corée) a souligné trois cibles pour faire taire les armes en Afrique.  Le partenariat entre l’ONU et l’Union africaine doit être renforcé.  Une attention particulière doit être placée sur les efforts conjoints pour faciliter des solutions politiques durables.  Une division plus efficace du travail entre l’ONU, les organisations régionales et d’autres parties prenantes, et un alignement plus étroit avec l’ordre du jour du Conseil de sécurité et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine aideront à des décisions et des actions communes efficaces et durables, a estimé le représentant.  De plus, un financement durable et prévisible des opérations de paix menées par l’UA améliorera leur efficacité tout comme leur conformité aux normes convenues en matière de droits de l’homme, de responsabilité et de contrôle. 

Comme indiqué dans la feuille de route de l’UA, a ajouté M. Cho, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour s’attaquer aux causes des conflits, y compris les disparités économiques et sociales.  Il est ainsi essentiel de traiter de manière globale tout le processus de paix, de la prévention à la consolidation de la paix, en passant par la reconstruction et la réintégration, et le développement à long terme.  Il a aussi indiqué que la priorité devrait être accordée à la lutte contre le trafic, la circulation et l’utilisation des armes légères et de petit calibre.  « Nous ne devons épargner aucun effort peut mettre pleinement en œuvre les embargos sur les armes ainsi que les instruments internationaux et régionaux y compris le Programme d’action sur le commerce illicite d’armes légères.  La République de Corée à travers ses contributions financières au Fonds pour la paix de l’Union africaine, continuera de soutenir les programmes de l’UA visant à combattre la prolifération d’armes légères et de petit calibre.    

Pour M. ESHETE TILAHUN WOLDEYES (Éthiopie), faire taire les armes en Afrique est une condition préalable à la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’UA.  Le présent débat s’inscrit dans la continuité des délibérations du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur la prévention et la résolution des conflits en Afrique, présidé depuis deux ans par l’Éthiopie.  M. Woldeyes s’est dit confiant que l’adoption du Plan directeur de l’Union africaine sur les mesures concrètes à prendre pour faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020, ajoutée au Programme 2030 de l’ONU et aux objectifs de développement durable, permettront la réalisation des principes de la Charte des Nations Unies.  D’ailleurs, le rapprochement récent entre l’Éthiopie et l’Érythrée, de même qu’entre ce pays et Djibouti, laisse entrevoir une « nouvelle ère de paix et de stabilité » dans la région, s’est félicité le représentant, qui a également fait état des progrès réalisés au Soudan et en RDC.  Afin de profiter de cet élan, il faut renforcer l’Architecture africaine de paix et de sécurité, notamment en soutenant le Fonds pour la paix de l’UA, a-t-il conclu.

M. ALEX GIACOMELLI DA SILVA (Brésil) a indiqué que la négociation des accords de paix au Mali et au Soudan du Sud avait mis en exergue le fait que les acteurs régionaux et les pays voisins ont une perspective unique en termes de dynamique de conflit: ils peuvent donc jouer un rôle décisif pour faciliter les discussions.  Il a aussi insisté sur le rôle que jouent les femmes sur le plan de la prévention et de la résolution de conflit, se félicitant notamment de la nomination, par l’UA, d’un envoyé spécial pour les femmes, la paix et la sécurité.  Il a également dit l’importance de répondre aux appels des jeunes et de la société civile, pour ensuite relever que la fluidité de la collaboration entre l’ONU et l’UA avait été essentielle pour déboucher sur la signature de « l’accord de paix de Bangui » au début du mois.

Le représentant du Brésil a toutefois estimé que la signature d’un accord de paix doit être suivie d’un ferme appui de la communauté internationale en faveur de la mise en œuvre, s’appuyant notamment sur les enseignements tirés par le Brésil au cours de sa présidence de la formation Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP).  Un approfondissement de la collaboration avec les institutions africaines spécialisées dans la consolidation de la paix s’impose également, a-t-il ajouté.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Comité spécial de la Charte clôt sa session de 2019 en adoptant son rapport annuel assorti de recommandations à l’Assemblée générale

292e séance – matin
L/3288

Le Comité spécial de la Charte clôt sa session de 2019 en adoptant son rapport annuel assorti de recommandations à l’Assemblée générale

Le Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation a adopté aujourd’hui, au terme de sa session de 2019 entamée le 19 février dernier, son projet de rapport annuel* qui présente ses recommandations à l’Assemblée générale. 

Il a également recommandé que le sous-thème de sa prochaine session porte sur « l’échange d’informations sur les pratiques des États concernant le recours à la conciliation ».

Cette année encore, le rapport annuel du Comité spécial est composé de cinq chapitres couvrant l’ensemble des questions à l’ordre du jour du Comité qui a tenu, au cours de la session 2019, trois séances plénières, en plus des trois séances de son Groupe de travail plénier.  Le Rapporteur spécial, M. Dié Millogo, qui a présenté le rapport, a dans la foulée recommandé aux membres du Comité de l’adopter.

Après l’introduction, présentée au chapitre I, le chapitre II du rapport porte sur le « Maintien de la paix et de la sécurité internationales ».  Ses cinq sections présentent notamment un sommaire des discussions du Comité spécial sur l’adoption et l’application des sanctions imposées par l’ONU (section A), un sujet qui a interpellé nombre de délégations lors des séances plénières du Comité.

À la demande de la République arabe syrienne, le Comité spécial a amendé le libellé du paragraphe 5 pour ajouter, après le texte « de telles sanctions étaient souvent imposées du fait de l’application extraterritoriale de lois nationales, avec des effets extraterritoriaux, au mépris de la souveraineté des États », la mention suivante: « et des principes de la Charte des Nations Unies ».  

La section B fait état de l’examen par le Comité de la proposition révisée présentée par la Libye en 1998 afin de renforcer le rôle de l’ONU dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.  La section C résume les débats du Comité sur la version révisée du document de travail présenté par le Bélarus et la Fédération de Russie, qui propose de solliciter un avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le recours à la force en l’absence d’autorisation préalable du Conseil de sécurité, dans les cas où serait exercé le droit de légitime défense.

Toujours au chapitre II, la section D comporte une version révisée** du document de travail intitulé « Renforcer la fonction de l’Organisation et la rendre plus efficace: adoption de recommandations », présenté par Cuba à la session du Comité spécial de 2012.

Enfin, la section E porte sur l’examen du document de travail révisé présenté par le Ghana sur le renforcement des relations et de la coopération entre l’ONU et les arrangements ou organismes régionaux pour le règlement pacifique des différends.

Consacré au « Règlement pacifique des différends », le chapitre III du rapport du Comité spécial présente, à la section A, un résumé des débats tenus cette année sur le sous-thème suivant: « Échange d’informations sur les pratiques des États concernant le recours à la médiation ».  À la demande de la Grèce et de l’Azerbaïdjan, deux amendements ont été apportés au paragraphe 12.

Quant à la section B, elle rend compte des débats sur la proposition de la Fédération de Russie de créer un site Internet consacré au règlement pacifique des différends et de mettre à jour le Manuel sur le règlement pacifique des différends entre États.

Les membres du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation ont également adopté, sans amendement, le chapitre IV du rapport intitulé « Répertoire de la pratique suivie par les organes des Nations Unies et Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité ».  Cette partie reprend le libellé des recommandations précédentes adoptées par le Comité spécial sur cette question.

Enfin, le chapitre V du rapport, consacré aux « Méthodes de travail du Comité spécial et définition de nouveaux sujets », contient un résumé des délibérations du Comité spécial sur ce sujet.  Les membres du Comité spécial ont entre autres débattu du libellé du paragraphe 8 de ce chapitre portant sur la proposition du Mexique concernant l’Article 51 de la Charte, proposition présentée lors de la session de 2018.

Par ailleurs, le Comité spécial a élu, en début de séance, Mme María Alejandrina Sande (Uruguay) au poste de Vice-Présidente au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC). 

 

*A/AC.182/2019/L.1 à A/AC.182/2019/L.10
**A/AC.182/L.150

 

 

 

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La situation au Venezuela s’invite à nouveau au Conseil de sécurité, plus que jamais divisé sur la marche a suivre

8472e séance – après-midi
CS/13719

La situation au Venezuela s’invite à nouveau au Conseil de sécurité, plus que jamais divisé sur la marche a suivre

Trois jours après que le Gouvernement vénézuélien a bloqué des convois humanitaires aux frontières avec la Colombie et le Brésil et un mois, jour pour jour, après la toute première séance jamais consacrée à la situation au Venezuela, le Conseil de sécurité s’est à nouveau réuni, cet après-midi, pour discuter de cette crise à propos de laquelle ses membres ont affiché des divisions persistantes, lors d’échanges parfois très vifs.

Le 23 février, a relaté la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, le président « autoproclamé » du Venezuela et reconnu par une partie de la communauté internationale, M. Juan Guaidó, a pris la tête des efforts déployés par des volontaires et des députés pour acheminer des vivres et des médicaments stockés aux frontières colombienne et brésilienne. 

Mais les autorités vénézuéliennes ont bloqué l’entrée des camions et des incidents violents ont éclaté à plusieurs endroits le long des frontières.  D’après les autorités colombiennes de la migration, au moins 285 personnes auraient été blessées du côté colombien, a poursuivi la haut fonctionnaire, venue présenter aux membres du Conseil et aux 24 délégations qui ont pris la parole aujourd’hui, les derniers développements sur le terrain.  Côté brésilien, a-t-elle précisé, le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme a recensé 4 morts et 64 blessés, entre le 22 et le 23 février. 

Le Secrétaire général de l’ONU, a rappelé son adjointe, a exprimé le lendemain de ces incidents « son choc et sa tristesse », alors que l’économie du Venezuela se détériore, que les gens meurent de causes évitables et que 3,4 millions d’habitants auraient quitté leur pays, a rappelé la haut fonctionnaire.

Mme DiCarlo a fait état de plusieurs informations sur l’implication d’« éléments armés progouvernementaux » dans les violences du week-end dernier.  Les États-Unis ont en effet affirmé que « des groupes armés, des malfrats et des criminels » avaient été libérés de prison et mobilisés en vue d’assurer le contrôle des frontières.  Les États-Unis, qui ont convoqué la séance d’aujourd’hui, ont rejeté les allégations, véhiculées par le Venezuela et certains membres du Conseil de sécurité, selon lesquelles l’acheminement de l’aide humanitaire aurait été une opération de communication politique et un paravent pour une intervention militaire.  C’est pourtant très clair, se sont défendus les États-Unis: seul ce régime recourt à la violence.  Seul ce régime a fait depuis longtemps de l’aide humanitaire un outil politique de contrôle social et la source d’une corruption endémique, ont-ils martelé, rejoints sur ce point par la France, le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne.

Aucun doute pour le Ministre des affaires étrangères du Venezuela, M. Jorge Arreaza: ce sont les États-Unis qui ont financé et piloté l’« agression flagrante » dont son pays serait la victime, agression qui a débuté « dès le premier jour de la révolution bolivarienne, le 2 février 1999, et n’a cessé depuis ».  Ce week-end, a vitupéré le Ministre, c’est une opération « soigneusement orchestrée » qui a été menée, que « nos forces armées » ont réussi à contenir en choisissant les bombes lacrymogènes plutôt que les armes létales.  « Ces bandits » qui disent que c’est le « régime de Maduro » qui aurait utilisé la force mentent, a-t-il tranché, en brandissant une série de photos pour prouver que le camion incendié se trouvait bien du côté colombien de la frontière et ne contenait « aucune » aide humanitaire. 

La Fédération de Russie s’est demandé si le point à l’ordre du jour de cette séance n’aurait pas dû être formulé autrement: « non pas la situation au Venezuela, mais la situation autour du Venezuela ».  Elle a tourné en dérision cette « moquerie » du droit constitutionnel qu’est à ses yeux le fait qu’un opposant politique s’autoproclame Président par intérim d’un pays et obtienne le soutien immédiat de Washington.  Plusieurs pays dont Cuba ont rappelé les propos tenus par le Vice-Président américain à la réunion du Groupe de Lima: « toutes les options sont sur la table ».

Le Groupe, a souligné le Brésil, soutient le « gouvernement légitime » de Juan Guaidó et a décidé d’encourager la nomination d’un expert indépendant ou d’une commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme sur les violations commises au Venezuela.  L’Union européenne et l’Uruguay, a indiqué la France, ont lancé un Groupe de contact international qui a pour objectif de promouvoir une sortie négociée et pacifique à la crise, car « il ne peut y avoir de recours à la force envisagé au Venezuela ».  La France a insisté sur le fait qu’il ne peut y avoir qu’une solution pacifique qui implique l’organisation rapide d’une élection présidentielle démocratique.  Plusieurs délégations ont mis l’accent sur le Mécanisme de Montevideo qui prévoit quatre phases: le dialogue, la négociation, l’engagement et la phase de mise en œuvre. La Communauté des Caraïbes (CARICOM) a appelé toutes les parties, à l’intérieur comme à l’extérieur du Venezuela, à, dans l’intérêt de leur peuple, donner au Mécanisme le temps et l’espace qu’il lui faut pour travailler. 

Soutenant ce Mécanisme, la Fédération de Russie a posé une question: « Est-ce que la délégation américaine est disposée à appuyer le projet de déclaration que la Russie a préparé et qui reprend, mot pour mot, le libellé de celle qu’il a adoptée à l’unanimité tout récemment sur la situation en Haïti, si ce n’est en mettant à la place le nom du Venezuela?  Mais, a constaté la Fédération de Russie, les États-Unis ont réussi à « tuer » notre texte.  Nous voulons que l’on parle de l’importance du processus démocratique, ont expliqué les États-Unis alors que le Ministre des affaires étrangères du Venezuela militait pour un texte qui condamne le recours à la force, « pour que cette option ne soit pas remise sur la table », et qui rejette les sanctions qui bloquent l’accès de son pays à ses propres ressources, dont l’or dans les banques britanniques ou encore les millions d’euros dans les banques belges.

Le Ministre s’est tout de même félicité d’une « victoire pour la paix » puisque que les pays de sa région, même ceux qui ne reconnaissent pas le régime de Maduro, ont tous condamné l’idée de recourir à la force.  Il a lancé une invitation à l’opposition vénézuélienne pour qu’elle revienne à la table de négociation sur une sortie de crise.  Nous sommes disposés, a-t-il affirmé, à participer au Mécanisme de Montevideo et nous acceptons même l’hypothèse d’une nouvelle élection, à condition qu’elle vienne de l’intérieur et qu’elle ne soit pas imposée par les États-Unis.  Il a aussi parlé de sa réunion avec le Groupe de contact de l’Union européenne et de l’Uruguay sur l’assistance technique qu’il peut apporter, « sans imposer le résultat du dialogue national et sans politiser l’aide humanitaire ».

LA SITUATION DANS LA RÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE DU VENEZUELA

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a rappelé que le 23 janvier, le Président de l’Assemblée nationale, M. Juan Guaidó, a invoqué les dispositions de la Constitution pour se déclarer Président par intérim pendant les manifestations de l’opposition et annoncé dans la foulée l’arrivée dans le pays de nourriture et de fournitures médicales.  En réponse, les États-Unis et d’autres pays ont acheminé cette nourriture et ces fournitures aux frontière colombienne et brésilienne et à Curaçao.  De leur côté, la Chine et la Fédération de Russie ont fourni des produits, en coordination avec le Gouvernement du Venezuela.  Le 22 février, ce dernier a fermé temporairement plusieurs ponts à la frontière avec la Colombie et les points de passage avec le Brésil.  Il a aussi renforcé la présence militaire dans ces zones. 

Le 23 février, M. Guaidó a conduit les efforts des volontaires et des députés pour transporter de la nourriture et des médicaments stockés aux frontières colombienne et brésilienne.  Mais les autorités vénézuéliennes ont bloqué l’entrée des camions.  Des incidents violents ont eu lieu dans plusieurs endroits le long des frontières et d’après les autorités colombiennes de la migration, au moins 285 personnes auraient été blessées du côté colombien.  Du côté de la frontières brésilienne, le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme a rapporté, entre le 22 et le 23 février, 4 morts et 64 blessés.  Le Bureau a aussi reçu plusieurs informations sur l’implication d’éléments armés progouvernementaux. 

Le Secrétaire général de l’ONU, a rappelé son adjointe, a exprimé son choc et sa tristesse dans une déclaration du 23 février, alors que l’économie du Venezuela se détériore, que les gens meurent de causes évitables et que la population fuit.  Selon les informations, 3,4 millions de Vénézuéliens auraient quitté leur pays. 

Dans le pays, le système des Nations Unies travaille avec les institutions et acteurs pertinents pour appuyer les efforts.  Depuis 2018, l’ONU contribue à sauver des vies, à relancer l’économie et à prévenir un conflit et les violations des droits de l’homme.  Les domaines clefs de son travail sont la nutrition, la santé et la protection, et son assistance est fondée sur la résolution 46/182 de l’Assemblée générale qui consacre les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.  Cette assistance, a souligné la Secrétaire générale adjointe, est dénuée d’objectifs politiques et est fournie en fonction des besoins.  L’ONU, a-t-elle affirmé, continuera de travailler conformément à ces principes et avec les institutions du Venezuela.  Le Secrétaire général a d’ailleurs insisté sur l’importance de ces principes et a appelé toutes les parties prenantes et les États Membres à les respecter.  Le Secrétaire général est également prêt à exercer ses bons offices si les parties le demandent. 

M. ELLIOTT ABRAMS (États-Unis) a indiqué que la réunion d’aujourd’hui est le résultat de la décision du « du régime de facto de Maduro » d’empêcher l’entrée de l’aide humanitaire dans son pays le 23 février, conduisant à des actes de violence le long de deux frontières internationales.  Ces actions montrent une nouvelle fois les véritables intentions et la nature de ce régime, a-t-il accusé, ajoutant que des groupes armés, des malfrats et des criminels ont été libérés de prison et mobilisés en vue de contrôler les frontières.  Plutôt que de protéger l’assistance humanitaire, de telles actions ont conduit à sa mise à feu, a-t-il poursuivi.  « Pendant que des Vénézuéliens étaient frappés et tués alors qu’ils essayaient de faire entrer denrées et articles médicaux dans le pays, Maduro dansait littéralement dans les rues de Caracas. »  M. Abrams a ajouté que quatre personnes ont été tuées, plus de 80 autres blessées, après que des sbires du régime ouvraient le feu.  Des manifestants, des travailleurs humanitaires et des journalistes ont aussi été la cible de tirs de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc. 

Les États-Unis et la communauté internationale doivent soutenir le peuple vénézuélien dans ses efforts pour retrouver la démocratie, a-t-il dit.  « Nous devons respecter sa Constitution et sa souveraineté, raison pour laquelle nous devons soutenir la présidence intérimaire de Juan Guaidó.  Et nous devons réagir face aux actions déstabilisatrices du régime corrompu, frauduleux et incompétent de Maduro, qui a, ce week-end même, provoqué instabilité et violence aux frontières de deux autres États Membres, le Brésil et la Colombie. »

Le délégué a indiqué que Maduro et ses affidés, ainsi que certains membres du Conseil, affirment que l’acheminement de l’aide humanitaire est une opération de communication politique et un paravent pour une intervention militaire.  « C’est pourtant très clair: seul le régime de Maduro recourt à la violence.  Seul ce régime a mobilisé à la fois forces de sécurité et gangs armés.  Seul ce régime a trahi l’indépendance et la souveraineté du Venezuela en se soumettant à l’influence d’officiers cubains qui ont noyauté les agences de sécurité et de renseignement.  Seul ce régime a fait depuis longtemps de l’aide humanitaire un outil politique de contrôle social et la source d’une corruption endémique. »

M. Abrams a accusé M. Maduro de s’accrocher au pouvoir dans la crise actuelle et de continuer à politiser l’aide humanitaire, en offrant des avantages à ses partisans et en rejetant une assistance humanitaire fondée sur les besoins.  « Toute journée supplémentaire passée par Maduro au pouvoir est une journée de plus qu’il utilisera pour opprimer le peuple vénézuélien.  Cela a été prouvé à maintes reprises et ce week-end en a encore fourni l’exemple. »

Le délégué a rappelé que l’Union européenne, l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Guatemala, le Honduras, le Panama et le Pérou ont condamné le recours à la violence et appelé à l’acheminement d’une aide humanitaire jugée indispensable.  Leurs paroles et leurs actions peuvent être des plus utiles dans cette crise, a-t-il dit.  La solution à ce désastre et cette tyrannie est la tenue d’une élection libre, juste et transparente, avec la participation de tous les secteurs de la société et de tous les partis politiques, a-t-il préconisé.  « Cela inclut bien sûr les chavistes, dont le parti a été détourné, comme le pays lui-même, par Maduro. »

Préoccupé par la sécurité du Président intérimaire, M. Guaidó, lors de son retour au Venezuela, le délégué a appelé les membres du Conseil à veiller à ce qu’il puisse rentrer chez lui librement et en toute sécurité.  M. Abrams a en outre appelé les États Membres à considérer de quelle manière ils peuvent contribuer à la démocratie vénézuélienne et faire pression sur le régime illégitime de Maduro afin que ce dernier abandonne le pouvoir de manière pacifique.  Nous demandons que les États Membres se joignent à nous pour punir ceux qui ont joué un rôle dans les violences de ce week-end et qui s’engraissent grâce à la corruption du régime de Maduro, a-t-il affirmé. 

Enfin, M. Abrams a exhorté les États Membres à reconnaître la véritable nature du régime de Maduro et à douter de la pertinence d’un « soi-disant dialogue avec quelqu’un qui préfère bloquer et brûler les dons de médicaments et de pain plutôt que de les voir entre les mains d’enfants vénézuéliens ».  Le peuple du Venezuela a besoin de notre solidarité et de notre aide pour vaincre un régime odieux et violent, pour renouer avec la démocratie et pour commencer à reconstruire son pays, a conclu le délégué des États-Unis. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a indiqué que son pays fait partie du Groupe de Lima, qui a adopté, hier, à Bogotá une déclaration sur la grave crise touchant le Venezuela.  Cette déclaration a été transmise au Conseil de sécurité pour qu’elle figure en tant que document officiel, a-t-il précisé.  Elle condamne « la répression violente du régime illégitime de Nicolás Maduro » qui a empêché l’entrée d’articles de première nécessité et l’aide internationale, causant ainsi des morts et des blessés aux frontières avec la Colombie et le Brésil.  Il a rappelé qu’il y a déjà une crise migratoire vénézuélienne, avec 3,3 millions de migrants et réfugiés vénézuéliens, dont 700 000 sont accueillis au Pérou.  « Le maintien au pouvoir de ce régime illégitime représente en soi une menace sans précédent à la paix, la sécurité, la liberté et la prospérité de toute la région. »

Plus de 80% de la population se trouve dans une situation d’insécurité alimentaire, a poursuivi le représentant en accusant la politique de M. Maduro qui, pour se maintenir au pouvoir, « prive sa population de nourriture, de médicaments et d’accès aux services de base ».  À cela s’ajoute l’utilisation de la violence par des groupes armés au service du régime, qui pratiquent assassinats, incarcération, torture, viols et autres formes de violence sexuelle, a-t-il dit, en condamnant cette « violence de la dictature contre sa population » et l’incarcération injuste de prisonniers politiques et de journalistes.  Il a réaffirmé la demande adressée au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) pour qu’il lance rapidement une enquête sur les crimes commis par le « régime Maduro » depuis le 12 février 2014, faisant une demande similaire à la Haut-Commissaire aux droits de l’homme.

Le Pérou est convaincu que la transition vers la démocratie relève de la responsabilité des Vénézuéliens, a conclu le représentant en appuyant la tenue d’élections libres, crédibles et ouvertes, avec l’accompagnement de la communauté internationale.  Il a exprimé sa reconnaissance à l’Assemblée nationale, au « Président intérimaire Juan Guaidó » et à ses représentants, pour les efforts qu’ils déploient en faveur du retour à la démocratie, la gestion de la crise humanitaire et le redressement économique.  Il a lancé un appel aux forces armées et au pouvoir judiciaire pour qu’ils reconnaissent le « président légitime du Venezuela ».  Le représentant a enfin lancé un appel à la communauté internationale, pour qu’elle facilite la recherche de solutions pour la tenue d’élections démocratiques au Venezuela, et au système des Nations Unies pour qu’il soit mobilisé sur ce dossier.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé que le 23 février dernier, alors que le Venezuela traverse la plus grave crise humanitaire de son histoire, que les populations civiles, en particulier les femmes et les enfants, sont intentionnellement ciblées et succombent faute de pouvoir bénéficier de soins et biens de nécessité appropriés, le régime de Maduro a décidé d’interdire l’aide internationale à sa population.  Comme si cela ne suffisait pas, « il n’a pas hésité à tuer et à faire plusieurs centaines de blessés lors d’affrontements avec une population désarmée aux abords des frontières ».  Pour la France, cette crise politique et humanitaire n’est pas le fruit du hasard.  Ses origines sont politiques et institutionnelles, et la solution ne peut donc être que politique.  Alors que la situation semble bloquée, l’Union européenne et l’Uruguay ont lancé un Groupe de contact international auquel la France participe.  Ce groupe a deux objectifs clairs et d’abord promouvoir une sortie négociée et pacifique à la crise, car « il ne peut y avoir de recours à la force envisagée au Venezuela ».  La France insiste sur le fait qu’il ne peut avoir qu’une solution pacifique qui implique l’organisation rapide d’une élection présidentielle démocratique. 

Le Groupe de contact entend aussi permettre la livraison d’une aide internationale en accord avec les principes humanitaires internationaux afin de répondre aux besoins urgents du peuple vénézuélien.  Pour la France, en bloquant l’aide humanitaire dans le contexte d’une crise sans précédent, le régime porte l’opprobre aux yeux de la communauté internationale et de son propre peuple.  À titre national et via l’Union européenne, la France s’est engagée à aider celles et ceux qui en ont cruellement besoin.  M. Delattre a aussi appelé le régime vénézuélien à faire preuve d’humanité, et à faciliter l’accès et le travail sur son territoire des agences onusiennes et des ONG ayant pour objectif de soulager les souffrances de la population vénézuélienne.  Alors que le Venezuela est aujourd’hui au bord du gouffre, la France souligne qu’il ne faut pas se substituer au peuple, mais plutôt lui redonner la parole afin qu’il prenne en main son destin, et cela passe par la restauration de la démocratie et de l’état de droit au Venezuela. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a répété ce qu’il avait déclaré au sein de cette même instance il y a exactement un mois: « La République dominicaine a joué le rôle de médiateur dans le dialogue entre l’opposition et les autorités vénézuéliennes et s’est efforcée de parvenir à un accord pour résoudre la crise politique au Venezuela ».  Regrettant que cela n’ait pas pu aboutir, il a affirmé qu’il n’y a pas d’autre solution que la tenue d’élections libres, avec la participation de tous les acteurs politiques.  Mais, a-t-il prévenu, cela ne pourra se faire que dans un climat de respect des droits de l’homme et avec la tutelle de la communauté internationale.  Les bons offices des Nations Unies sont fondamentaux à cet égard, a-t-il ajouté.  M. Singer Weisinger a rappelé que la région a fait preuve de solidarité avec les millions de Vénézuéliens qui ont été obligés d’émigrer, tout en faisant remarquer que cela a un coût très élevé et que cette situation peut menacer la stabilité de la région. 

Le représentant a tenu à rappeler qu’on avait accusé son pays de prêter son territoire pour permettre à des pays tiers de mener des activités militaires contre le Venezuela.  Ainsi, les autorités cubaines et vénézuéliennes auraient affirmé que des avions étrangers auraient atterri sur une base aérienne proche de Santo Domingo pour y effectuer de telles manœuvres.  « Nous avons une position de non-intervention vis-à-vis de la crise vénézuélienne », a martelé le délégué en qualifiant ces allégations de « totalement fallacieuses » et en exigeant des excuses de la part de ceux qui ont promu une telle campagne de désinformation.  Enfin, il a regretté la violence survenue à la frontière et lancé un appel à ne pas utiliser la force contre les personnes non armées ni les discours incendiaires.  Il a plaidé pour que soient réunies les conditions nécessaires à la résolution de la crise humanitaire et pour une sortie démocratique et pacifique à la crise, dans le respect du droit international.

Pour M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique), la situation au Venezuela constitue une menace manifeste pour la stabilité de la région et les discussions d’aujourd’hui relèvent clairement du mandat que la Charte confère au Conseil de sécurité.  Afin d’éviter que la situation ne se dégrade davantage,  la Belgique appelle tous les membres de ce Conseil à travailler ensemble pour promouvoir une sortie pacifique des évènements récents, en évitant la violence à tout prix.  C’est dans cet esprit qu’elle appelle à la retenue et à la désescalade; qu’elle souligne l’importance d’un accès humanitaire complet et conforme aux principes humanitaires ainsi que la nécessité de lancer dans les meilleurs délais un processus politique pacifique qui ouvre la voie à des élections libres et transparentes, permettant à la population de s’exprimer librement en menant à la réconciliation au Venezuela.

Le représentant est revenu sur le refus du régime de reconnaître l’urgence humanitaire, entraînant une escalade des tensions.  La Belgique souligne donc l’importance d’une aide humanitaire qui vise à soulager la souffrance des plus vulnérables sous la direction des organismes des Nations Unies compétents et en pleine conformité avec les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance.  Il est inacceptable que des groupes armés irréguliers intimident les civils et les membres de l’Assemblée nationale qui se sont mobilisés pour distribuer de l’aide, s’est indigné le représentant.

La crise actuelle au Venezuela a des origines politiques, a-t-il poursuivi, affirmant dans la foulée que la solution doit être également politique.  L’élection présidentielle de mai dernier n’était ni libre, ni équitable, ni crédible, privant ainsi le Gouvernement Maduro de sa légitimité démocratique.  La Belgique, a dit le représentant, soutient M. Juan Guaidó dans sa mission constitutionnelle d’organiser une élection présidentielle libre, équitable et démocratique.  Il a rappelé, à son tour, que l’Union européenne a créé un Groupe de contact « en cette période de transition » pour accompagner et appuyer ce processus.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a condamné l’escalade des violences au Venezuela, fustigeant l’usage « aveugle et excessif » de la force par les forces de sécurité nationales mais aussi des groupes armés illégaux, contre des manifestants non armés.  Elle s’est également élevée contre les violations généralisées des droits de l’homme dans le pays.  Après avoir réitéré son soutien à l’Assemblée nationale et à son Président Juan Guaidó comme « seul pouvoir légitime au Venezuela », elle a demandé la tenue, le plus rapidement possible, d’une élection présidentielle libre, transparente et crédible, conforme aux normes démocratiques internationales.  S’en prenant ensuite au « régime oppressif de Nicolás Maduro », elle a déclaré qu’en dépit de ses dénégations, la « catastrophe humanitaire » au Venezuela est bien réelle et que ses habitants ont cruellement besoin d’aide.  Elle a, en conclusion, souhaité qu’un rôle spécial soit joué par les organisations régionales concernées, en particulier le Groupe de Lima et le Groupe de contact international, dans la recherche d’une solution pacifique durable à la crise.

M. JERRY MATHEWS MATJILA (Afrique du Sud) s’est inquiété du fait que « certains » menacent d’user la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique du Venezuela.  Cette situation créée un « très mauvais précédent », a-t-il dit, en rappelant l’expérience du continent africain qui a « beaucoup souffert » lorsque des forces externes utilisaient les « outils non démocratiques » du changement de régime pour résoudre les problèmes.  Il faut laisser le peuple du Venezuela décider de son propre avenir, a-t-il plaidé.  Pour l’Afrique du Sud « qui a su surmonter un des régimes racistes les plus répressifs », le dialogue inclusif demeure l’unique voie de sortie pour la crise politique au Venezuela.  Le représentant a averti qu’isoler et vilipender une des parties, et exiger une action précise doit faire craindre un possible recours aux armes.  Estimant que la situation au Venezuela ne présente pas une menace à la paix et à la sécurité internationales, il a plutôt appelé le Conseil de sécurité à encourager les parties à trouver une solution négociée par les moyens pacifiques de leur propre choix.  Forcer les parties à accepter une prescription pour résoudre leur propre crise, notamment en imposant des ultimatums, ne fera qu’encourager les antagonismes et la division, a-t-il encore alerté.

Le représentant s’est par ailleurs dit profondément préoccupé par la crise humanitaire qui sévit dans le pays et les pertes en vies humaines du week-end dernier.  Il a souligné que l’aide humanitaire ne doit pas être utilisée à des fins politiques par les parties et a souhaité qu’elle soit livrée par l’intermédiaire du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) afin d’assurer son humanité, sa neutralité, son impartialité et son indépendance.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a réaffirmé l’attachement de sa délégation aux principes de la Charte et a insisté sur l’importance de la diplomatie préventive par le dialogue et la médiation.  Le représentant s’est dit préoccupé par l’évolution de la situation au Venezuela et a estimé que les responsables des actes déplorables qui viennent d’avoir lieu doivent être traduits en justice.  Il a insisté sur le droit de manifester et de se rassembler et a appelé les parties prenantes à placer la volonté du peuple vénézuélien au cœur de toute action.  Pour lui, la « crise migratoire » vénézuélienne est bien une menace à la paix et la stabilité régionales.  Il a donc appuyé l’idée que le Secrétaire général de l’ONU déploie ses bons offices pour parvenir à une solution politique au Venezuela et éviter à la région d’autres violences et crises humanitaires. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) s’est dit « choqué » par les violents incidents qui se sont produits ce week-end avec l’escalade des tensions découlant du refus de Nicolás Maduro de reconnaître l’urgence humanitaire.  Il a condamné l’usage excessif de la force par les forces de sécurité vénézuéliennes et le recours à des groupes armés irréguliers pour intimider les civils qui se sont mobilisés pour distribuer l’aide humanitaire.  La solution à la crise doit être politique, a-t-il dit, avant de rejeter catégoriquement « tout recours à la force ou toutes mesures susceptibles de menacer la stabilité du pays et de la région ».  Il a appelé au rétablissement de l’ordre constitutionnel par une élection présidentielle « libre, transparente et crédible ».  Nous appuyons Juan Guaidó dans la conduite du processus politique comme seul moyen de restaurer la paix et le respect des droits et libertés du peuple vénézuélien, a-t-il déclaré.  « Il est temps de lui laisser la chance de choisir librement ses dirigeants. »

Le délégué s’est dit alarmé par la politisation de l’assistance humanitaire, qui va à l’encontre des principes humanitaires, tout en soulignant la nécessité de répondre aux besoins humanitaires du peuple vénézuélien.  Nous ne pouvons pas abandonner le peuple vénézuélien à son sort, a-t-il déclaré, ajoutant que cela ne constitue en rien une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain et ce, pour deux raisons.  La première raison est le fait que les 3,4 millions de personnes cherchant refuge dans les pays voisins affectent la région et la communauté internationale, a-t-il argué.  La deuxième raison est qu’il n’y a aucun doute que les droits humains ne sont pas une affaire intérieure, a conclu le délégué allemand. 

Après avoir rappelé l’attachement de son gouvernement au dialogue, à la réconciliation, et à la négociation, M. MUSHIN SYIHAB (Indonésie) a apporté son soutien au Mécanisme de Montevideo, qui s’efforce de préserver la paix au Venezuela sur la base des principes de non-ingérence et de règlement pacifique des conflits.  Compte tenu de la gravité de la crise, il a estimé que l’aide humanitaire doit y être livrée « par des moyens appropriés » par l’ONU, en coopération étroite avec le Gouvernement vénézuélien.  Soulignant que le Conseil ne doit pas échouer comme cela a été trop souvent le cas par le passé, le représentant a souhaité que celui-ci soit en mesure de faciliter la mise en place d’un environnement propice à un dialogue politique crédible.  « Il est grand temps que ce Conseil joue un rôle clef pour éviter l’aggravation de la situation au Venezuela », a ajouté M. Syihab en conclusion.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a déploré les « malheureux » évènements survenus ces derniers jours aux frontières entre le Venezuela, le Brésil et la Colombie, occasionnant des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels.  Il a appelé toutes les parties à la retenue et les a encouragées à rechercher une solution pacifique par le dialogue sans exclusive.  Convaincu qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise vénézuélienne, le représentant a exhorté toutes les parties à utiliser toutes les voies légales et pacifiques pour trouver les solutions idoines au conflit institutionnel et politique.  À cet égard, il a invité les protagonistes à s’engager résolument dans un processus de négociation pour rechercher les solutions consensuelles aux causes profondes de la crise.  Il a également engagé la communauté internationale, notamment les acteurs régionaux, à accompagner le peuple vénézuélien dans ses efforts de sortie de crise, en soutenant toutes les initiatives pacifiques susceptibles de faire baisser la tension.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que le point à l’ordre du jour de cette séance aurait dû être formulé autrement: non pas la situation au Venezuela, mais la situation « autour » du Venezuela.  « Pour ceux qui ont raté les détails, permettez-moi de vous rappeler l’épisode précédent », a-t-il ironisé.  Dans un pays où un président a été démocratiquement élu, un rival politique se déclare du jour au lendemain président, et bénéficie immédiatement du soutien de Washington.  Cette « moquerie » du droit constitutionnel ne trompera aucun juge ou juriste « digne de ce nom ».  Pendant ce temps-là, « on ne dit rien » sur les « dégâts économiques » causés au Venezuela par les États-Unis mais on accuse le Président Maduro « de tous les maux » et on tente d’intervenir dans un pays souverain « sous couvert » d’aide humanitaire.

Les forces de sécurité vénézuéliennes, a poursuivi M. Nebenzia, ont pris toutes les mesures nécessaires pour faire respecter l’ordre public.  Les images vidéo montrent bien que des manifestants ont lancé des pierres et des cocktails Molotov, se livrant à des actes de violence, sous les yeux des médias occidentaux qui louent leur « héroïsme ».  Le 23 février dernier, nous avons assisté à une tentative de franchissement d’une frontière par un convoi « au contenu inconnu ».  Il y a quelques années, « un convoi humanitaire » était entré au Nicaragua chargé d’armes.  « C’est un sentiment de déjà vu qui domine aujourd’hui », a tranché le représentant.

Pourquoi les Américains, s’est-il demandé, ne passent-ils par l’ONU pour faire livrer l’aide humanitaire au Venezuela? C’est qu’ils ont un autre objectif, celui d’une « alimentation sous la contrainte ».  Après « s’être fait la main à Guantánamo », les voilà décidés à « nourrir un pays de force ».  Il faut plutôt commencer, a préconisé le représentant, par lever le gel des comptes bancaires du Venezuela aux États-Unis, dont les actifs s’élèvent à 11 milliards de dollars.  Le représentant a accusé « Londres et Washington » d’avoir « pillé » un pays souverain et de le jeter dans la pauvreté au nom de principes « non reconnus », comme celui de la « responsabilité de protéger ».  Il a mis en garde ceux qui pensent qu’ils ne seront pas les prochains sur la liste des États-Unis.  Pourquoi la Colombie, tout juste sortie d’un conflit, a-t-elle décidé de s’associer à cette « aventure contre son voisin » au lieu de s’occuper de ses propres problèmes? s’est demandé M. Nebenzia. 

La Fédération de Russie, a affirmé le représentant, est prête à concourir à la recherche d’une solution apaisée, qui s’appuierait sur le Mécanisme de Montevideo.  Il n’a pas manqué de fustiger Juan Guaidó pour avoir demandé à ses « soutiens occidentaux » de garder sous le coude un « scénario militaire ».  Est-ce que les membres du Conseil de sécurité sont prêts à adopter une déclaration présidentielle comparable à celle qu’ils viennent d’adopter à l’unanimité sur la situation en Haïti « secouée par des troubles similaires »?

M. ZHAOXU MA (Chine) a estimé, à son tour, que le Président Maduro a pris toutes les mesures nécessaires pour maintenir le calme dans son pays.  Tous les pays, a-t-il martelé, doivent respecter les principes de base du droit international.  Il a réitéré son opposition de principe à toute ingérence dans les affaires intérieures d’un État, à toute instrumentalisation politique de l’aide humanitaire et à toute tentative d’intervention militaire dans un pays tiers. 

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a souligné que l’ordre du jour « est bien la situation au Venezuela », un pays où l’économie s’est effondrée, menaçant la paix et la sécurité dans la région comme en témoigne la plus grande crise migratoire qu’elle connaît.  Il est « décevant », a dit le représentant, que la Fédération de Russie ait cherché à ridiculiser « ceux qui s’alarment des souffrances humaines au Venezuela » qui sont pourtant bien réelles.  Quel membre du Conseil aurait réagi différemment à une tentative d’acheminer l’aide humanitaire sans autorisation? Mais la majorité d’entre nous, a répondu le représentant, en pariant que personne n’aurait permis à « des voyous à la solde du gouvernement » de tirer à balles réelles sur des civils.  Il a condamné la violence à la frontière vénézuélienne, ce weekend et s’est dit « révolté ».  La liberté démocratique, s’est-il indigné, n’existe tout simplement pas au Venezuela.  Il a remercié le Groupe de Lima pour ses propos sans équivoque et a dit être aux côtés des organisations régionales et de Juan Guaidó. 

Nous appelons, a dit le représentant, à une nouvelle élection présidentielle libre et transparente car c’est la seule voie politique de sortie de crise.  Il a annoncé que le Royaume-Uni a débloqué une somme de 8,6 millions de dollars d’aide humanitaire pour le Venezuela pour traiter les enfants souffrant de malnutrition, faire des campagnes de vaccination et assurer l’accès à l’eau potable.  Il faudra éventuellement envisager, selon le représentant, des sanctions supplémentaires qui frapperaient des membres du régime Maduro car on ne saurait rester les bras croisés face à cette crise.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a demandé instamment à toutes les parties impliquées dans la crise vénézuélienne de s’abstenir d’une quelconque initiative qui donne lieu à de nouveaux actes de violence, à des incarcérations et à des morts.  La séance d’aujourd’hui est une bonne occasion, selon lui, pour réfléchir à une solution politique, qui doit être une solution négociée entre les Vénézuéliens avec l’intermédiaire d’une partie neutre comme l’ONU.  C’est ce que sa délégation avait proposé lors de la séance du 26 janvier, a-t-il rappelé.

Les responsables politiques du Venezuela doivent s’asseoir, négocier et arriver à un accord sur les différends qui menacent la stabilité du pays, a-t-il recommandé, ajoutant qu’il est de la responsabilité du gouvernement constitutionnel, avec l’appui de la communauté internationale, d’instaurer les conditions propices au démarrage d’un dialogue inclusif, dans lequel doit prévaloir l’intérêt national.  Enfin, il a exprimé sa reconnaissance aux pays voisins du Venezuela et à d’autres, qui, selon les médias, accueillent chaque jour des milliers de migrants vénézuéliens.  Il a aussi salué la solidarité des organismes humanitaires qui appuient les gouvernements de ces pays.  Enfin, il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle soit solidaire de ces pays.

Réagissant aux propos de la Fédération de Russie, le représentant des États-Unis a repris la parole pour dire que des efforts sont actuellement déployés à Hanoï pour régler des problèmes qui remontent à la guerre froide, mais qu’aujourd’hui « c’est bel et bien de la rhétorique de la guerre froide » que nous avons entendue.  Quant à l’aide humanitaire, nous n’avons fait que répondre à la demande du Président et du Gouvernement « légitimes » du Venezuela et si la Russie est si soucieuse des comptes vénézuéliens, c’est sans doute parce que Caracas lui doit « beaucoup d’argent », un argent qui ne sera pas remboursé en cas d’effondrement de l’économie.  Le représentant a « totalement et intégralement » rejeté les accusations d’intervention militaire de la part d’un pays qui occupe illégalement les territoires de la Crimée et de l’Ossétie du Sud.  « Je suis scandalisé d’entendre ça au Conseil de sécurité », a-t-il conclu. 

« Je n’ai pas l’intention de polémiquer avec mon collègue américain », a rétorqué le délégué de la Fédération de Russie, « mais j’aimerais lui demander qui, exactement, use d’une rhétorique de la guerre froide.  Vous allez l’air de dire que la principale préoccupation de la Russie est d’ordre financier, mais pourquoi ne pas imaginer que nous avons d’autres objectifs?  « Vos accusations sont ridicules », a-t-il lancé.  Il a réitéré sa proposition précédente: est-ce que la délégation américaine est disposée à appuyer le projet de déclaration que la Russie a préparé et qui reprend, mot pour mot, le libellé de celle qu’il a adoptée à l’unanimité tout récemment sur la situation en Haïti, si ce n’est en mettant à la place le nom du Venezuela?  

Le Ministre des affaires étrangères du Venezuela, M. JORGE ARREAZA, a accusé certains pays occidentaux d’« arrogance impérialiste » et a affirmé que son peuple et son gouvernement sont victimes d’une « agression internationale ».  Les grandes puissances et leurs suiveurs, à savoir les États-Unis et la Colombie plus précisément, ont décidé de se livrer à une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays, le Venezuela, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies.  S’adressant à la Secrétaire générale adjointe, le Ministre l’a accusée d’avoir fait un exposé « biaisé » fondé sur les informations d’une seule source et contraires à ce que sait son gouvernement.  Le Ministre a affirmé que ce sont les États-Unis qui ont financé et piloté cette « agression flagrante » contre le Venezuela, une agression qui a commencé dès le premier jour de la révolution bolivarienne, le 2 février 1999, et qui n’a cessé depuis.

Certains pays « amis », a-t-il dévoilé, nous ont fait part de la mobilisation de troupes dans les Caraïbes et d’armes qui seraient acheminées vers le Venezuela pour un soulèvement armé.  Ce week-end, une opération soigneusement orchestrée a eu lieu, a poursuivi le Ministre, et « nos forces armées » ont réussi à la contenir sans recourir à des armes létales mais à coup de bombes lacrymogènes.  « Ces bandits » qui disent que c’est le régime de Maduro qui aurait utilisé la force mentent, a martelé le Ministre, en brandissant une série de photos pour prouver que le camion en flamme se trouvait bien du côté colombien de la frontière et ne contenait aucune aide humanitaire.  La majorité des blessés sont des membres des forces de sécurité, une autre réalité dont les médias ne parlent pas! » s’est indigné le Ministre.  Il a également dénoncé l’utilisation du logo du CICR sans son autorisation du côté colombien de la frontière, « là où les cocktails Molotov ont été lancés sur le camion en question ».

Pourquoi, a-t-il demandé, un chef de l’armée américaine s’est entretenu le week-end dernier avec des généraux colombiens?  Pour parler d’aide humanitaire?.  « Le coup d’État a échoué, et samedi en était le dernier volet! », s’est exclamé le Ministre.  L’heure est venue, a-t-il dit, de revenir au droit international et au respect de la Constitution vénézuélienne.  Nous lançons, a-t-il dit, une invitation à l’opposition vénézuélienne pour qu’elle revienne à la table de négociation et trouve avec nous une solution de sortie de crise par le dialogue.  Nous sommes disposés, a encore affirmé le Ministre, à participer au Mécanisme de Montevideo et nous acceptons même l’hypothèse d’une nouvelle élection, à condition qu’elle vienne de l’intérieur et qu’elle ne soit pas imposée par les États-Unis.  Ajoutant un autre signe de la volonté de dialogue de son gouvernement, le Ministre a parlé de sa réunion avec le Groupe de contact de l’Union européenne sur l’assistance technique qu’elle peut apporter, sans imposer le résultat du dialogue national et sans politiser l’aide humanitaire.

Rappelant que le Conseil de sécurité n’a pas vocation à encourager la guerre mais au contraire à garantir la paix et la sécurité internationales, le Ministre a demandé  « avec tout le respect qui s’impose », une résolution par laquelle les membres du Conseil condamneraient le recours à la force contre le Venezuela pour que cette option ne soit pas remise sur la table comme n’ont cessé de faire ces derniers jours le Vice-Président Pence et autres personnalités politiques américaines.  Quand M. Pence dit que « toutes les options sont sur la table pour libérer mon pays », il sous-entend une option militaire.  Il a exigé un libellé qui condamne l’utilisation de la force contre le Venezuela ainsi des sanctions qui lui bloquent l’accès à ses propres ressources, dont l’or dans les banques britanniques ou encore les millions d’euros dans les banques belges.  Il a stigmatisé la propagande menée contre son pays, y compris par l’ONU.  Est-ce trop vous demander que d’adopter un tel texte? 

Il ne fait aucun doute, a poursuivi le Ministre, que la campagne américaine menée contre le Venezuela est en fait « une manœuvre électorale » du Président Trump pour rallier le vote des Cubains-Américains et dans le même temps mettre la main sur le pétrole vénézuélien, comme l’a affirmé lui-même le Conseiller américain à la sécurité nationale, M. John Bolton.  « Mon pays a été agressé et les suppôts des États-Unis disent que c’est nous les agresseurs », s’est étranglé le Ministre qui a dénoncé « cette hypocrisie et ce cynisme flagrants » que le Conseil de sécurité ne saurait accepter et encore moins défendre.  Hier, le Vice-Président américain et M. Juan Guaidó sont allés voir le Groupe de Lima, « j’ai du mal à le dire parce qu’il devrait s’appeler « Groupe de Washington ».  Mais, a affirmé le Ministre, même les membres de ce Groupe se sont opposés à l’usage de la force.

La sortie de cette crise où l’une des cinq branches du pouvoir est en conflit avec les quatre autres, passe par la table de négociation.  Mon gouvernement y est disposé, y compris avec l’opposition vénézuélienne qui, avant le refus « orchestré » de l’extérieur de participer aux dernières élections, était engagée dans de telles négociations avec le Gouvernement.  Avant de conclure, le Ministre a remercié les États qui cherchent à défendre les principes de la Charte et les membres du Mouvement des pays non alignés.  « Aujourd’hui c’est le tour du Venezuela et demain ce sera le tour de qui? » 

M.  SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a estimé que la situation que connaît le Venezuela exige l’attention du Conseil de sécurité, parce que les actions qui y ont lieu représentent une très grave menace à la paix et la stabilité de la région.  Il a qualifié l’opération d’« aide humanitaire » des États-Unis de « cheval de Troie pour atteindre son objectif politique: le changement de régime au Venezuela ».  Malgré la campagne médiatique déployée autour de l’opération d’aide humanitaire, a-t-il observé, ni l’ONU, ni la Croix-Rouge internationale, ni l’Église catholique n’ont permis une telle instrumentalisation, en raison du fait que « cette supposée aide viole les principes d’indépendance, d’impartialité et de neutralité ». 

Le représentant a remarqué que de hauts responsables des États-Unis répètent la même chose à propos du Venezuela, à savoir que « toute les options sont sur la table ».  Il a demandé de peser la gravité de ces paroles.  Cela lui a en effet rappelé tant d’invasions, comme celles en République dominicaine, au Nicaragua, à Panama ou encore à Haïti.  Il s’est également remémoré l’opération Condor, l’École des Amériques, les disparitions forcées, les tortures et les meurtres.  Il a encore cité l’affaire Irán-Contra qui avait donné lieu à un avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) le 27 juin 1986.  Celle-ci avait décidé que les États-Unis, en entraînant, armant, finançant et en fournissant d’autres moyens de soutien des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre le Nicaragua, avaient agi contrairement aux intérêts du Nicaragua et rompu leurs obligations découlant du droit coutumier de non-intervention dans les affaires d’un autre État.  Quand « toutes les options sont sur la table », a encore remarqué le représentant, cela rappelle la doctrine Monroe, celle de la sécurité internationale et celle des ennemis intérieurs.  Il a aussi fait le lien avec le soutien à des dictateurs comme Pinochet.  Il a relevé que les acteurs les plus importants des agressions précitées sont les mêmes qui jouent un rôle central dans la tragédie actuelle. 

Le représentant a rappelé que « l’intervention en Iraq basée sur des mensonges » avait fait un million de morts, et que celle en Syrie en avait causé 500 000, une situation là encore provoquée par la politique de changement de régime.  Pour le cas de la Libye, « qui profite des ressources naturelles de ce pays? Y a-t-il la liberté et la démocratie dans ce pays?»  Le représentant a dit ne pas vouloir que le peuple vénézuélien connaisse le même sort que le peuple libyen.  Le Conseil de sécurité a le devoir d’éviter cela, a-t-il dit.  Pour lui, la motivation des États-Unis n’est pas les droits de l’homme et la prospérité du Venezuela, mais plutôt le contrôle géopolitique et le pétrole.  « Si nous voulons aider le peuple vénézuélien, nous devons respecter les principes de la Charte des Nations Unies », a-t-il lancé en appelant aussi à appuyer des initiatives visant à un dialogue.

M. FUENTE RAMIREZ (Mexique) a déploré la perte de vies humaines et lancé un appel aux autorités vénézuéliennes pour qu’elles s’abstiennent d’un usage excessif de la force.  Il a considéré que le Mécanisme de Montevideo, endossé par 16 États d’Amérique latine, constitue une plateforme de dialogue viable et inclusif et le moyen de parvenir à une solution pacifique et négociée.  Si les parties au conflit sont prêtes à envisager un tel dialogue, le Mexique, a-t-il assuré, est prêt à l’appuyer sans ambages et à déployer dans les meilleurs délais les « mécanismes efficaces de la diplomatie » qui ont abouti, par le passé, à la résolution pacifique des conflits. 

« Avec la complicité irresponsable d’acteurs et de pays divers et variés, le Gouvernement des États-Unis a ourdi une dangereuse provocation qui prétend violer la souveraineté du Venezuela, en usant de la force et de la pression », a accusé Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba).  Elle a estimé que, sous de faux prétextes humanitaires, Washington préparerait une intervention militaire contre un pays souverain en vertu de la doctrine Monroe.  À l’appui de ses allégations, elle a cité les propos du Vice-Président des États-Unis, Mike Pence, qui a déclaré hier que « toutes les options sont sur la table ».  « Je répète: toutes les options sont sur la table », a martelé la représentante, en affirmant que des raisons similaires avaient servi à justifier des guerres contre la Yougoslavie, l’Iraq ou la Libye.  Elle a également mis en cause la « vaste opération de communication et politique » en cours, avec la complicité des grands groupes médiatiques privés.

Elle a réaffirmé la solidarité « inflexible » de Cuba avec le Président « constitutionnel » Nicolás Maduro, avec la « Révolution bolivarienne et chaviste » et avec l’« union civique et militaire » de son peuple.  Cuba, qui soutient la mobilisation internationale pour éviter à tout prix une intervention militaire contre le Venezuela, rejette l’idée que se répète au Venezuela la triste et douloureuse histoire des interventions militaires au Mexique, au Nicaragua, en République dominicaine, en Haïti, à Cuba, au Honduras, à Grenade et au Panama ».  Mme Abascal a demandé au Mécanisme de Montevideo, en particulier au Mexique, à l’Uruguay, à la Bolivie et à la CARICOM, de n’épargner aucun effort pour rechercher une solution fondée sur le dialogue.  Au Conseil de sécurité, la déléguée a demandé qu’il assume sa responsabilité première de maintenir la paix et la sécurité internationales.

M. MILENKO ESTEBAN SKOKNIC TAPIA (Chili) s’est inquiété de la crise profonde qui touche actuellement le Venezuela, affectant ses institutions démocratiques et débouchant sur une détérioration inacceptable des conditions de vie et des droits de ses citoyens, sous le regard d’un gouvernement « autoritaire et répressif ».  Il a condamné dans les termes les plus forts les violences commises par les forces policières et parapolicières du « régime illégitime » de Nicolás Maduro dans les zones frontières avec la Colombie et le Brésil pour empêcher l’acheminement de l’aide humanitaire.  Après avoir exprimé son plein appui au « Président en exercice » Juan Guaidó, le représentant a appuyé le lancement d’un processus de transition démocratique au Venezuela dans le but de déboucher sur la tenue d’une nouvelle élection présidentielle avec la participation de tous les acteurs politiques.  Il a aussi appelé à une sortie de crise « politique, diplomatique et pacifique ».

M. GUILLERMO FERNANDEZ DE SOTO (Colombie) a déclaré que la réunion du Groupe de Lima qui a eu lieu hier à Bogota représente un « excellent exemple » de l’importance du multilatéralisme, puisqu’elle a réuni une cinquantaine d’États Membres qui ont reconnu la légitimité du Président par intérim, Juan Guaidó.  Il a déclaré que la crise humanitaire aigue au Venezuela avait conduit 3,4 millions de personnes à fuir et plongé 3,5 millions de Vénézuéliens dans l’insécurité alimentaire entre 2015 et 2017.  Dans ce contexte, le Groupe de Lima, avec l’assentiment du Juan Guaidó, a persisté dans la fourniture d’une aide humanitaire, guidé par la Déclaration historique de la onzième réunion des chanceliers du Groupe de Lima, laquelle signale que « la transition vers la démocratie doit être conduite par les Vénézuéliens eux-mêmes, pacifiquement, et dans le respect de la Constitution et du droit international, et sans usage de la force ».  Réagissant aux propos tenus par le Ministre des affaires étrangères du Venezuela, le représentant a déclaré que lui aussi pourrait brandir des photos et des chiffres, mais qu’il ne voulait pas faire perdre à ce Conseil un temps précieux.  Rejetant les accusations lancées contre son pays, il a recommandé au Chef de la diplomatie vénézuélienne de se lancer dans la « fiction ».  La Colombie a elle aussi souffert de la violence et nous continuerons de travailler inlassablement pour atténuer les violences », a déclaré M. De Soto.  Il a estimé que les propos de la Fédération de Russie étaient pour le moins « surprenants », avant de rappeler que l’ONU serait associée aux opérations humanitaires en cours.  Le Conseil de sécurité ne peut pas ne pas répondre aux aspirations des Vénézuéliens, a-t-il enjoint.  « Je m’exprime pour défendre les intérêts de mon pays et de la région », a conclu le délégué.

Pour M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine), la grave crise politique, économique et humanitaire au Venezuela exige une action internationale urgente et concertée.  Le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer à ce titre, a poursuivi le représentant, pour veiller à la conformité de cette action avec les principes de la Charte et éviter une détérioration de la situation et l’aggravation des souffrances du peuple vénézuélien.  Le représentant a reproché au régime Maduro de « bloquer par la force les initiatives humanitaires, multilatérales et pacifiques ».  Il a condamné les actes répressifs de ce régime et souligné que le Groupe de Lima, dont l’Argentine est membre, a décidé le 25 février de saisir la Cour pénale internationale (CPI).  Le Groupe a déjà unanimement conclu que « Maduro et son régime illégal » représentent une menace sans précédent à la paix et la sécurité de toute la région.  Cette situation, s’est expliqué le représentant, a d’ores et déjà provoqué une crise migratoire et de réfugiés sans précédent avec plus de trois millions de Vénézuéliens qui cherchent refuge dans les pays d’Amérique latine et ailleurs.  L’Argentine elle-même en accueille 130 000 et continue d’apporter une assistance humanitaire grâce à ses Casques blancs.  Les Nations Unies ne peuvent rester indifférents à cette crise, compte tenu de sa gravité et de son ampleur, a estimé le représentant qui a rappelé que le Groupe de Lima avait demandé au Secrétaire général dès octobre 2017 de trouver une solution à cette crise grave et aux violations constantes des droits de l’homme au Venezuela.

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a indiqué que les évènements du 23 février dernier étaient comme un appel au réveil sur les dangers auxquels la communauté internationale, et précisément les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, feront face si la crise vénézuélienne n’est pas rapidement réglée.  Ces évènements ont également montré qui était du côté du peuple vénézuélien.  Ainsi, les actions du régime, qui a bloqué l’aide humanitaire qui aurait permis de nourrir les affamés et guérir les malades, sont inadmissibles pour « toute norme humaine raisonnable ».  Ces actions sont également cruelles et ont coûté la vie à des gens, dont des populations autochtones vivant à la frontière entre le Brésil et le Venezuela.  Le représentant a dit que la région a choisi le chemin de la démocratie et du développement.  Il a noté que la prestation de serment du Président de l’Assemblée nationale s’est faite en vertu de la Constitution du Venezuela, puisque M. Maduro a truqué les élections, étouffé la voix des Vénézuéliens, et ultimement, usurpé le pouvoir.  Il a noté que 50 pays ont déjà reconnu M. Juan Guaidó comme le « président légitime » du Venezuela, jusqu’à ce qu’une élection libre et transparente soit organisée.  Le Brésil s’est joint à cette mouvance parce qu’il espère voir un Venezuela démocratique et prospère après cette crise prolongée, a souligné le représentant. 

Il a rappelé que le Groupe de Lima s’est réuni hier à Bogota afin de « démontrer la solidarité de l’hémisphère pour les frères et sœurs du Venezuela », ainsi que pour tracer le chemin d’une transition démocratique.  Il a précisé que le Groupe de Lima n’a pas la prétention de parler au nom de toute la région, mais sa voix est celle d’un groupe de pays qui, depuis août 2017, assume la responsabilité de rechercher les moyens d’aider les Vénézuéliens dans leur lutte contre l’autoritarisme.  Il a rappelé que le Groupe de Lima a soumis la question du Venezuela à la Cour pénale internationale (CPI), notamment la catastrophe humanitaire créée par le régime Maduro contre son peuple.  Le Groupe de Lima a aussi décidé d’encourager la nomination d’un expert indépendant ou d’une commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme sur les violations commises au Venezuela.  Enfin, le Groupe a demandé au Secrétaire général de l’ONU de faire en sorte que le système des Nations Unies s’occupe de la situation au Venezuela.  Le Brésil invite les pays qui ne l’ont pas encore fait à reconnaître le « gouvernement légitime » de Juan Guaidó, a conclu le représentant. 

M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a lancé un appel fraternel à tous les États Membres, en particulier ceux d’Amérique latine, pour que cessent les agressions et les hostilités, lesquelles « prétendent soumettre nos peuples, en les condamnant à la pauvreté et aux humiliations ».  Il a salué les efforts déployés par le Mécanisme de Montevideo qui, en associant le Mexique, la Bolivie, l’Uruguay, et les pays de la CARICOM, œuvrent à la promotion de solutions fraternelles et justes au Venezuela. 

M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala), qui fait partie du Groupe de Lima, a plaidé en faveur du retour à l’ordre constitutionnel au Venezuela et a appuyé le Président par intérim, Juan Guaidó.  Le représentant a condamné les actions délibérées et violentes commises par « le Gouvernement illégitime de Maduro » qui aggravent une fois de plus la crise humanitaire dans le pays alors que des millions de Vénézuéliens font face à une situation insoutenable et qui représente une menace pour les pays voisins.  Il a exigé l’accès sans entrave de l’aide humanitaire internationale et réitéré l’appel de son pays au rétablissement immédiat de l’ordre démocratique par des élections libres, transparentes et justes convoquées par les autorités légitimes, et conformes aux normes internationales.  Ces élections doivent se faire avec la participation de toutes les parties prenantes politiques, en présence d’observateurs internationaux et avec un nouveau conseil national électoral.

Le représentant a rappelé que plus de 50 pays reconnaissent désormais le Président par intérim, M. Guaidó.  Il a lancé un appel au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour qu’il agisse et résolve le plus rapidement possible la crise au Venezuela.  La transition vers la démocratie doit être menée par les Vénézuéliens eux-mêmes, a insisté le représentant qui a condamné toute solution militaire ou menace à recourir à la force et tout autre acte de provocation qui mettrait en cause la paix et la sécurité de la région.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Mme KITTY SWEEB (Suriname) a souligné que les pays au nom desquels elle parle, n’ont pas choisi un côté contre un autre.  Ils ont au contraire fait le choix des principes, ceux qui ont conduit à la création des Nations Unies, qui sont ancrés dans la Charte et qui ont donné naissance à l’article 21 de la Charte de l’Organisation des États américains.  Ces principes sont la racine du multilatéralisme, la fondation même de cette « Maison ».  L’étouffement économique et l’intervention militaire n’y sont pas seulement contraires mais ils peuvent aussi exacerber les grandes souffrances du peuple vénézuélien.  Il faut une solution politique trouvée par les Vénézuéliens eux-mêmes et leurs leaders, a insisté la représentante.  Nous appuyons, a-t-elle dit, la voie de la paix forgée non pas avec des menaces mais avec le dialogue, non pas avec l’escalade des tensions mais avoir leur atténuation, non pas des postures de tireurs d’élite mais avec la médiation, non pas avec des sanctions suffocantes mais avec les outils de la diplomatie.  C’est dans la poursuite de ces objectifs que les chefs de gouvernement de la CARICOM ont offert leurs bons offices.  La représentante a appuyé le Mécanisme de Montevideo et a appelé toutes les parties, à l’intérieur comme à l’extérieur du Venezuela, à, dans l’intérêt de leur peuple, donner au Mécanisme le temps et l’espace qu’il lui faut pour travailler. 

Au nom de son pays Mme KITTY SWEEB (Suriname) a expliqué qu’elle suit de près la situation au Venezuela où l’aide humanitaire est distribuée de « manière agressive » à la frontière alors que le pays est stable et tranquille.  Il s’agit, a-t-elle dit, d’une situation alarmante qui contrevient aux principes d’indépendance, d’impartialité, de neutralité et de consentement qui devraient régir les opérations humanitaires.  Elle a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur des principes du droit international et dénoncé toute agression qui contreviendrait à ces principes.  Elle a rejeté la politisation de l’aide humanitaire dans le contexte vénézuélien où cette aide a été offerte sans le consentement du Gouvernement légitime.  Elle a appelé à un dialogue inclusif de fond, tel que prévu par le Mécanisme de Montevideo.  C’est, a-t-elle conclu, la seule voie possible pour un règlement pacifique et durable du conflit interne au Venezuela.

M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMÍREZ (Paraguay) a estimé que « le maintien au pouvoir de Nicolás Maduro et de son régime illégitime entraîne une crise humanitaire qui représente une menace sans précédent à la sécurité, à la paix, à la liberté et à la prospérité du peuple vénézuélien, affectant toute la région ».  Il a réitéré son inquiétude vis-à-vis de la détérioration de la situation politique sociale et humanitaire au Venezuela.  « Le 23 février, nous avons été témoins d’actes criminels de la part du régime illégitime de Nicolás Maduro, qui a empêché l’arrivée de l’aide humanitaire internationale », a dit le représentant avant de plaider pour que la CPI se saisisse de la grave situation humanitaire au Venezuela, de la « violence criminelle du régime de Nicolás Maduro contre la population civile » et du déni d’acheminement de l’aide internationale, qui sont selon lui constitutifs de « crime contre l’humanité ».

Le représentant a mentionné la présence du Président Mario Abdo Benítez dans la ville colombienne de Cúcuta, à la frontière avec le Venezuela, pour démontrer l’engagement du Paraguay dans la « solidarité avec son peuple frère vénézuélien », dans la défense des valeurs, des principes éthiques et moraux, de l’état de droit, de la protection des droits de l’homme et des libertés publiques.  Le Paraguay, a-t-il rappelé, fut le premier à rompre ses relations diplomatiques avec le « régime illégitime de Nicolás Maduro ».  Il a réaffirmé son respect et sa reconnaissance de l’Assemblée nationale élue légitimement en décembre 2015 et de « Don Juan Guaidó comme président intérimaire du Venezuela ».  Il a aussi soutenu l’Accord pour la promotion du Plan de sauvetage du pays adopté par ladite Assemblée le 29 janvier dernier.  Le processus de transition démocratique et de reconstruction institutionnelle, économique et sociale du Venezuela doit être mené par les Vénézuéliens eux-mêmes, de manière pacifique, a-t-il recommandé. 

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a appelé à la prudence et à la mesure, pour éviter une détérioration de la situation au Venezuela.  Le Mécanisme de Montevideo et le Groupe international de contact veulent contribuer à une solution pacifique et négociée au conflit, a-t-il observé.  Il a encouragé à explorer ces voies et à redoubler d’efforts pour avancer dans la recherche d’une solution en faveur de la stabilité, du bien-être du peuple vénézuélien et de la restauration de la paix.  « L’Uruguay réaffirme sa position selon laquelle il n’y a pas d’autre solution que celle qui sera déterminée librement par les Vénézuéliens eux-mêmes. »

M. Bermúdez Álvarez a assuré que son pays continuerait ses efforts en faveur du dialogue et du respect des conditions d’entrée de l’aide humanitaire sur le territoire vénézuélien.  Une aide qui doit être apportée dans le strict respect des principes d’humanité, d’impartialité et de neutralité, a-t-il précisé.  Il a aussi appelé au respect du droit international et des principes de règlement pacifique des différends, d’égalité souveraine des États, de non-intervention et de respect des droits de l’homme.  L’Uruguay appuiera toujours le dialogue et la concertation, a-t-il assuré, avant d’exhorter les parties impliquées à faire baisser les tensions et à agir conformément aux principes du droit international.

M. GARETH BYNOE (Saint-Vincent et les Grenadines) a réaffirmé l’engagement sans faille de son gouvernement en faveur des principes fondamentaux du droit international, se disant préoccupé par les « mesures coercitives unilatérales et extraterritoriales prises par des pays tiers » et qui sont à l’origine des tensions dans la sous-région.  Il ne fait aucun doute que l’asphyxie économique et militaire ne fera que déboucher sur des conséquences humanitaires au mépris flagrant des principes des Nations Unies et de tous ses États Membres », a-t-il mis en garde.  Selon lui, il ne faut pas « sacrifier prématurément » le Mécanisme de Montevideo, « catalyseur d’une solution politique » de la crise au Venezuela, au profit d’un « accès soudain de militarisme » ou de toute autre « action unilatérale regrettable ».  Les archives de cette Organisation, a poursuivi M. Bynoe, révèleront que les « architectes » des « résolutions grandiloquentes » ont souvent par le passé négligé la lettre et l’esprit de ces documents « avant même que l’encre n’ait séché », pour se mettre « frénétiquement » à la quête de solutions militaires.  Le représentant a estimé en conclusion que les États-Unis devraient faire preuve à l’égard du Venezuela des mêmes qualités constructives qu’ils ont démontrées ces dernières années vis-à-vis de la « Corée du Nord », par exemple.

« Que ce soit bien clair: le Venezuela est sous le contrôle d’une dictature capable de laisser son peuple mourir de faim au lieu de céder un iota de son pouvoir », a affirmé M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD (Canada).  Mentionnant la réunion qu’a tenue hier le Groupe de Lima, auquel son pays appartient, le délégué a indiqué que « le maintien au pouvoir de Nicolás Maduro et de son régime illégitime représente une menace sans précédent pour la sécurité, la paix, la liberté et la prospérité dans l’ensemble de la région. »  L’ élection présidentielle de mai 2018 était indubitablement frauduleuse, a-t-il déploré, en accusant M. Maduro d’avoir, dès son mandat initial, « exercé la répression, trempé dans la corruption et porté gravement atteinte aux droits de la personne ».

Il a indiqué que la reconnaissance par le Canada et plus de 50 pays démocratiques du monde entier, dont la plupart sont situés dans les Amériques, de Juan Guaidó comme « président intérimaire légitime du Venezuela » est strictement fondée sur la Constitution du Venezuela.  Selon son article 233, en l’absence d’un président légitime, Juan Guaidó, au titre de Président de l’Assemblée nationale, doit assumer la fonction de Président par intérim, a expliqué M. Blanchard.  « Dans cet esprit, nous répétons que nous prions le régime de Maduro de céder le pouvoir immédiatement. » Le Groupe de Lima a exprimé son soutien à une transition pacifique et démocratique, ainsi que son rejet du recours à la force, a poursuivi M. Blanchard.  En conclusion, le délégué canadien a invité la communauté internationale à soutenir le peuple vénézuélien, « qui cherche à libérer son pays de la dictature de Maduro ».

Mme LOIS MICHELE YOUNG (Bélize) a demandé que la communauté internationale s’assure que la paix demeure « la seule option pour le peuple vénézuélien ».  Elle a rappelé qu’au second Sommet de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) en 2014, les dirigeants avaient proclamé leur région « Zone de paix » et promis de gérer pacifiquement tous les différends.  La représentante a donc invité le Conseil de sécurité à respecter cet engagement en « dissuadant toute action qui mènerait à une conflagration militaire au Venezuela ».  Elle a dit craindre que les bonnes intentions humanitaires de certains ne cachent des intentions infâmes.  L’assistance humanitaire, a-t-elle souligné, doit se faire par les institutions telles que les agences de l’ONU ou encore la Croix Rouge et le Croissant-Rouge.  Le représentant a fait le choix du dialogue entre le Gouvernement vénézuélien et l’opposition, sans menace de recourir à la force. 

M. GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur) a appelé à une solution rapide de la crise au Venezuela, dénonçant l’usage de la force par les forces publiques et les groupes paramilitaires contre des manifestants pacifiques, notamment des membres de la communauté autochtones Pemón.  Il a demandé que l’on identifie des canaux de coordination de l’aide humanitaire.  Il a insisté sur l’importance qu’il y a à conclure d’urgence un accord pour la tenue d’élections libres, transparentes et neutres.  L’Équateur, a-t-il dit, accueille plus de 240 000 Vénézuéliens et organisera, les 8 et 9 avril 2019, la troisième réunion régionale sur les problèmes créés par la migration de trois millions de Vénézuéliens.  Il s’est opposé à toute intervention militaire au Venezuela et a souligné qu’une solution à la crise doit être trouvée par le dialogue et la concertation.

Notre région doit rester une zone de paix, a demandé M. GLENTIS THOMAS (Antigua-et-Barbuda) qui a rappelé les années d’ingérence qui ont brisé cette région.  « Nous ne pouvons pas et ne devons pas revenir au passé. »  Le règlement des conflits interne est une affaire interne qui ne saurait souffrir d’ingérence extérieure, a souligné le représentant.  Là où il y a un besoin d’aide humanitaire, c’est l’ONU qui doit faciliter les choses.  L’aide doit être prémunie contre toute influence politique et toute condition préalable.  Le représentant a invoqué l’Article 2 de la Charte des Nations Unies, une règle qui a été écrite pour une bonne raison: pour empêcher les États de recourir à la force, soit unilatéralement, soit par un petit nombre choisi par eux-mêmes.  La diplomatie, le dialogue et les négociations doivent être encouragés car l’histoire nous a appris que la diplomatie est plus efficace.  Au Venezuela, a poursuivi le représentant, la déclaration unilatérale de soutien à une partie contre une autre est une ingérence flagrante et une influence illégitime dans les affaires intérieures d’un pays souverain.  Les sanctions internationales et le gel des avoirs financiers sont des pratiques qui affectent les populations les plus vulnérables.  « Nous devons renoncer à utiliser les institutions internationales comme des armes de guerre », a plaidé le représentant. 

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a fait part de sa préoccupation face aux développements récents au Venezuela, « qui ne sont guère favorables à la recherche d’une sortie pacifique de la crise ».  Il a réitéré la position que son pays a défendue il y a un mois, à savoir que c’est au Gouvernement et aux forces politiques internes vénézuéliennes de trouver des solutions à leurs différends, par le dialogue et des moyens pacifiques, conformément à la Constitution et au droit international.  « En tant que pays responsable », El Salvador, a dit le représentant, demande à la communauté internationale de veiller au respect des principes de la Charte de l’ONU, la souveraineté nationale, la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et l’interdiction de recourir à la force ou de menacer d’y recourir.  En tant que membres de la communauté internationale, « nous devons demander une solution pacifique par le dialogue.  Le représentant a appuyé l’initiative diplomatique des pays qui souhaitent promouvoir et contribuer à un règlement pacifique de la crise au Venezuela.

Mme MARY ELIZABETH FLORES (Honduras) a fait part de sa solidarité avec le « Président Juan Guaidó » pour faire parvenir une aide humanitaire, créer un gouvernement de transition et entamer un processus électoral libre et juste.  Elle a dénoncé les violations des droits de l’homme et les actes « barbares » commis par une « dictature cruelle ».  Elle a indiqué que le 10 janvier, le Conseil permanent de l’Organisation des États américains a adopté une résolution qui ne reconnait pas la légitimité du nouveau mandat de Nicolás Maduro.  La représentante a souligné que les dynamiques internes au Venezuela sont une source de préoccupation pour les Amériques et pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Mme ISBETH LISBETH QUIEL MURCIA (Panama) a fermement condamné l’usage de la force contre le peuple vénézuélien et les actes violents de la semaine dernière.  Elle a indiqué que son pays s’était joint à plus de 50 autres dans leur reconnaissance du Président par intérim Juan Guaidó.  Elle a appelé le « régime illégitime » à autoriser un processus de transition démocratique et la tenue d’élections justes.  Elle a en outre lancé un appel au plus haut niveau pour que l’on veille à ce que la crise politique, économique et humanitaire que vivent plus de 27 millions de Vénézuéliens ne se transforme pas en conflit géopolitique.  Le seul objectif de ma délégation, a-t-elle ajouté, est de faire en sorte que le Venezuela regagne la voie de la démocratie, de la liberté et de la prospérité.  La représentante a affirmé que les préoccupations suscitées par la situation ne doivent en aucun cas être interprétées comme une ingérence dans les affaires intérieures du Venezuela.

M. CARAZO ZELEDON(Costa Rica) a appelé à une solution à la crise qui veille au bien-être de l’ensemble des Vénézuéliens, insistant sur l’importance des mécanismes de règlement pacifique des conflits, de la diplomatie et du dialogue.  Il a dénoncé l’usage de la force sous l’autorité de Nicolás Maduro contre un peuple qui souffre des plus graves conséquences du régime.  Il a plaidé pour l’acheminement de l’aide humanitaire, appelant par ailleurs les organismes pertinents de l’ONU à coordonner leurs efforts avec le Gouvernement de transition de Juan Guaidó.  Il a appelé à la tenue d’élections libres, justes, transparentes et ouvertes afin de rétablir l’ordre démocratique et constitutionnel au Venezuela, jugeant par ailleurs que le scrutin du 20 mai 2018 ne réunissait pas les conditions nécessaires pour être considéré comme légitimes.

Mme LOREEN RUTH BANNIS-ROBERTS (Dominique) a fermement défendu les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures de tout État souverain.  « Nous continuons de promouvoir et de soutenir l’article 21 de la Charte de l’Organisation des États américains, a réitéré la représentante.  Pour résoudre pacifiquement et durablement la situation au Venezuela, il doit y avoir un dialogue constructif et un effort diplomatique entre toutes les parties afin de réaffirmer le droit du peuple du Venezuela à la paix et à la démocratie.  Tout doit être mis en œuvre pour aider à construire la paix, promouvoir la réconciliation et trouver une solution à l’amiable et durable à la situation, a estimé la représentante.  Elle a soutenu le Mécanisme de Montevideo qui prévoit quatre phases: le dialogue, la négociation, l’engagement et la phase de mise en œuvre.  Avec cette approche, il y aura une résolution pacifique et durable à la situation au Venezuela, a-t-elle estimé. 

Reprenant la parole, le Ministre des affaires étrangères du Venezuela a félicité le Conseil de sécurité pour avoir pris à bras-le-corps la question de « l’agression » contre son pays.  Le Gouvernement de M. Maduro, a-t-il affirmé, travaille avec les Nations Unies pour faire des progrès.  En septembre dernier, M. Maduro a d’ailleurs rencontré le Secrétaire général de l’ONU et un mécanisme a été mis en place avec l’ONU pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et technique pour que le Venezuela, victime de sanctions américaines depuis quatre ans, puisse fonctionner.  C’est la raison, a souligné le Ministre, pour laquelle mon pays bénéficie de l’aide de pays amis et des Nations Unies.  Le Ministre a insisté pour que le Conseil de sécurité et les autres organismes de l’ONU fassent tout leur possible pour éviter une guerre contre le Venezuela et pour que les sanctions qui frappent son « cœur » soient levées, indiquant au passage le gel de 30 milliards de dollars d’avoirs.  Il a également demandé au Conseil d’obtenir de toutes les parties qu’elles reviennent à la table de négociation et travaillent à la paix.  Hélas, a-t-il noté, les États-Unis n’ont toujours pas écarté l’option militaire.  Le Conseil doit veiller au respect de la Charte des Nations Unies et en particulier au principe du non-recours à la force.  Rappelant que la délégation russe a présenté un texte « très simple » en ce sens, le Ministre a reproché à la délégation américaine d’avoir immédiatement annoncé leur opposition.  Il a rappelé que les pays de sa région, même ceux qui ne reconnaissent pas le régime Maduro, ont tous condamné l’idée de recourir à la force.  Cette séance, a conclu le Ministre, est donc avant tout la victoire de la paix, même si ce n’était pas l’objectif de la délégation qui l’a convoquée.

Le représentant du Pérou s’est dit en désaccord avec la description des faits par le Ministre des affaires étrangères du Venezuela, mais d’accord sur le point selon lequel tous les pays du continent sont opposés à l’usage de la force.  Un « élément central » ressort, selon lui: l’exode de la population vénézuélienne, « le plus grave jamais observé sur le continent », et « pas un mot » du Ministre sur ce point précis, ce qui est bien la preuve de « la catastrophe humanitaire de votre régime ».

Le Ministre des affaires étrangères du Venezuela a contesté le chiffre de 3,4 millions de réfugiés, qu’il a jugé « absurde », tout en reconnaissant que des Vénézuéliens avaient bel et bien quitté le pays.  Mon gouvernement, a-t-il dit, est prêt à s’assoir avec le Pérou, l’Équateur et d’autres pour faire « cadrer » les chiffres.

Le représentant de la Fédération de Russie a constaté que la délégation des États-Unis avait, « avant même la fin de la réunion », réussi à « tuer notre projet de déclaration présidentielle » sur le Venezuela.  Réagissant à ces propos, son homologue des États-Unis a jugé nécessaire que le Conseil de sécurité y souligne l’importance du processus démocratique au Venezuela.  En réponse, le Ministre des affaires étrangères du Venezuela a répété que son pays avait simplement demandé aux États-Unis qu’ils rejettent l’idée d’exercer des violences contre les forces bolivariennes.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: face à une tragédie humanitaire de huit ans en Syrie, rendez-vous est pris au mois de mars à Bruxelles

8471e séance – matin
CS/13718

Conseil de sécurité: face à une tragédie humanitaire de huit ans en Syrie, rendez-vous est pris au mois de mars à Bruxelles

Au Conseil de sécurité aujourd’hui, la Directrice du plaidoyer et des opérations au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Mme Reena Ghelani, a demandé aux États de veiller au financement du Plan de réponse humanitaire pour la Syrie qui cible, en 2019, près de 11,7 millions de personnes.

Alors que la Conférence de Bruxelles « Soutenir l’avenir de la Syrie et de la région » (Bruxelles III), doit se dérouler du 12 au 14 mars, les délégations se sont émues de la situation dans les camps de Roukban, d’Hajin, el-Hol et dans la région d’Edleb où une escalade militaire fait redouter une catastrophe humanitaire.

Mme Reena Ghelani a attiré l’attention sur « le plus grand et le plus complexe » convoi organisé, depuis le début du conflit il y a huit ans: le convoi humanitaire de 133 camions qui est arrivé à Roukban, à la frontière entre la Syrie et la Jordanie, pour aider 41 000 déplacés.  Les vivres ne couvrant qu’une période de 30 jours, les délégations ont insisté sur l’urgence d’un second convoi dans les plus brefs délais.  Un sondage a montré que 95% des déplacés veulent quitter le camp et que 83% veulent retourner chez eux mais qu’ils se disent bloqués par la crainte d’une situation difficile dans leur lieu d’origine, le manque de document d’état civil, la peur de ne pouvoir récupérer leurs biens et celle d’être détenu ou enrôlé dans l’armée.  Les déplacés, a indiqué, la Directrice, demandent des garanties.

Ces retours doivent se faire de manière volontaire, sûr et digne, ont demandé plusieurs délégations dont la Belgique, au nom des porte-plumes humanitaires, qui comptent aussi l’Allemagne et le Koweït.  « On n’accueille pas les réfugiés en les torturant, en les contraignant à s’enrôler dans l’armée ou en les menaçant d’expropriation », s’est indigné le Royaume-Uni.  La Fédération de Russie a plutôt rappelé les États-Unis, « puissance occupante » de cette zone, à leur devoir d’assurer le bien-être des populations en vertu des conventions internationales.    

Depuis l’an dernier, a poursuivi la représentante d’OCHA, environ 37 000 personnes ont quitté Hajin pour le camp el-Hol dans la province de Hassaké, à quelque 300 kilomètres au nord d’Hajin.  Au moins 75 personnes, dont deux tiers d’enfants de moins d’un an, sont mortes depuis décembre 2018, soit en allant vers le camp, soit juste après leur arrivée.  Dans le nord-ouest de la Syrie, environ 2,7 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire et alors que l’accord du 17 décembre 2018 entre la Turquie et la Fédération de Russie sur la création d’une zone démilitarisée avait stoppé net l’escalade militaire, ces dernières semaines, à Edleb, les combats se sont intensifiés, avec le risque d’escalade militaire et de conséquences humanitaires catastrophiques, a alerté la Directrice.  Plusieurs orateurs, dont les États-Unis, ont également insisté sur l’importance de cet accord.

Quelque 11,7 millions de Syriens auront besoin cette année d’une assistance humanitaire, a souligné la Directrice, qui a demandé aux États d’assurer le financement du Plan de réponse humanitaire de 2019.  La Conférence de Bruxelles III permettra de faire le point sur les questions humanitaires les plus critiques et de faire de nouvelles promesses de dons pour répondre aux besoins, a estimé la Belgique.  Mais, a prévenu la Fédération de Russie, cette Conférence serait « incomplète » sans l’implication de la Syrie.  Nous n’y avons jamais été invités, a confirmé la Syrie, voyant là une initiative plus politique qu’humanitaire.  Elle s’est demandé comment les porte-plumes humanitaires comptent faire leur travail sans chercher à coordonner leurs efforts avec ses autorités.  Notre expérience aurait pu se répéter au Venezuela « où certains cherchent à faire du chantage humanitaire », a prévenu la Syrie.

Des avancées concrètes dans la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) sont nécessaires pour améliorer durablement la situation humanitaire et rendre possible le retour volontaire des réfugiés, a souligné la France.  C’est ce à quoi, a-t-elle souligné, l’Union européenne et la Ligue des États arabes se sont engagées à l’occasion de leur sommet des 24 et 25 février en déclarant qu’elles mèneront leurs politiques respectives à l’égard de la Syrie en phase avec les progrès tangibles réalisés vers un règlement politique.  « Il n’y aura pas de solution politique durable sans justice pour les victimes », a ajouté la France.  Une solution durable en Syrie passe par la mise en place d’un gouvernement « légitime » et la traduction en justice des criminels, qu’il s’agisse du régime ou de Daech, a martelé le Royaume-Uni.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2019/157)

Exposé

Mme REENA GHELANI, Directrice du plaidoyer et des opérations au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a attiré l’attention sur « le plus grand et le plus complexe » convoi organisé, depuis le début du conflit, il y a huit ans.  Le convoi humanitaire qui est arrivé à Roukban, à la frontière entre la Syrie et la Jordanie, a été organisé par l’ONU et le Croissant-Rouge arabe syrien pour 41 000 déplacés.  La mission effectuée par 133 camions remplis de fournitures essentielles, de vaccins et de matériels logistiques a duré 10 jours.  Mais la gravité de la situation des civils à Roukban veut dire qu’il faut un accès humanitaire soutenu.  Au cours de la mission, un sondage a été effectué, qui a montré que 95% des déplacés veulent quitter le camp et que 83% veulent retourner chez eux mais qu’ils se disent bloqués par la crainte d’une situation difficile dans leur lieu d’origine, le manque de document d’état civil, la peur de ne pouvoir récupérer leurs biens et celle d’être détenu ou enrôlé dans l’armée.  Les déplacés, a indiqué, Mme Ghelani, demandent des garanties.

La Directrice a rappelé que le 16 février dernier, les Comités conjoints russo-syriens de coordination pour le rapatriement des réfugiés syriens ont publié un communiqué sur l’ouverture de corridors humanitaires à partir du camp de Roukban.  Mais l’ONU souligne que tout retour et toute réinstallation doit être volontaire, sûr, digne, informé et fondé sur les normes de protection basiques, conformément au droit international humanitaire et aux droits de l’homme.

D’ailleurs, a poursuivi la Directrice, l’ONU demeure extrêmement préoccupée par la protection des civils dans les derniers bastions de Daech dans le sud-est de la province de Deïr el-Zor, de ceux qui ont pu fuir les combats.  Depuis l’an dernier, environ 37 000 personnes ont quitté Hajin pour le camp el-Hol dans la province de Hassaké, à quelque 300 kilomètres au nord d’Hajin.  Près des trois quarts de la population du camp el-Hol sont constitués de femmes et d’enfants de moins de 5 ans.  Au moins 75 personnes, dont deux tiers d’enfants de moins d’un an, sont mortes depuis décembre 2018, soit en allant vers le camp, soit juste après leur arrivée.  L’aide se renforce au camp el-Hol, ainsi qu’à Hajin et ses environs, en dépit des défis sécuritaires considérables, a assuré la Directrice.   En plus des fournitures d’aide aux populations, l’ONU a établi un centre de transit à mi-chemin entre Hajin et Hol. 

Dans le nord-ouest de la Syrie, environ 2,7 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire.  Près de 40% d’enfants sont déscolarisés, alors que 2 millions de résidents comptent sur des camions citernes pour leur approvisionnement en eau potable.  Chaque mois, quelque 1,7 million de Syriens reçoivent une assistance cruciale grâce à des opérations menées à partir de la Turquie.

Alors que l’accord de septembre dernier entre la Turquie et la Fédération de Russie sur la création d’une zone démilitarisée avait stoppé net l’escalade militaire, ces dernières semaines, à Edleb, les combats se sont intensifiés.  Quelque 36 000 personnes ont fui dont beaucoup dans ces camps à la frontière avec la Turquie.  Le risque d’une escalade militaire et de ses conséquences humanitaires catastrophiques persiste, a alerté la Directrice, qui a jugé important de maintenir et de mettre pleinement en œuvre l’accord russo-turc du 17 septembre 2018.

Elle a conclu en soulignant que 11,7 millions de Syriens auront besoin cette année d’une assistance humanitaire en Syrie.  Elle a demandé aux États d’assurer le financement du Plan de réponse humanitaire de 2019 et estimé que la Conférence des donateurs qui aura lieu à Bruxelles, du 12 au 14 mars prochain, sera cruciale.

Déclarations

Au nom des porte-plumes humanitaires, à savoir l’Allemagne, la Belgique et le Koweït, M. MARC PECSTEEN DE BUYRSWERVE (Belgique) a tout d’abord salué le courage et les efforts inlassables des personnels humanitaire et médical qui travaillent depuis le début du conflit, il y a huit ans.  Il s’est inquiété de l’aggravation de la situation dans le camp de Roukban et a salué le fait qu’après des mois de « délais inexcusables », l’ONU a finalement obtenu le feu vert pour y déployer un convoi interinstitutions de 133 camions.  Selon une enquête, a-t-il indiqué, une majorité écrasante des habitants du camp aimerait regagner leur lieu d’origine, mais elle est bloquée par la situation sécuritaire, l’absence de documents civils et la peur de ne pouvoir accéder à sa propriété.  Il a insisté sur l’importance d’assurer un accès humanitaire régulier et soutenu au camp de Roukban et de trouver une solution à plus long terme, appelant notamment à respecter les principes cardinaux de la relocalisation.  Celle-ci doit se faire sur une base volontaire, le personnel humanitaire doit avoir accès aux populations pendant leur déplacement et les unités familiales doivent être protégées, a-t-il précisé.  Il a insisté sur un accès humanitaire régulier, sûr, durable et sans condition dans l’ensemble de la Syrie.

M. Pecsteen de Buyrswerve s’est ensuite attardé sur la récente flambée de violence à Edleb, tout en notant que le mémorandum d’accord du cessez-le-feu russo-turc avait joué un rôle capital pour éviter les conséquences catastrophiques de ce qui aurait pu se transformer en offensive militaire.  Il a appelé à la cessation des hostilités dans tout le pays, comme le stipule la résolution 2401, condamnant notamment les attaques contre les infrastructures civiles.  Passant à la zone de Deïr el-Zor, il a indiqué que les 25 000 personnes contraintes de fuir la région de Hajin pour gagner le camp el-Hol avaient dû faire face à des conditions extrêmement difficiles sur les 300 kilomètres de route.  De nombreux nouveau-nés et enfants ont péri pendant le trajet.  La situation dans le camp el-Hol est grave, a souligné le représentant, car les capacités ont été dépassées par l’arrivée de près de 47 000 personnes.

Après avoir appelé à redoubler d’efforts pour résoudre la question des prisonniers et des détenus, M. Pecsteen de Buyrswerve a constaté qu’après huit années de conflits, les besoins humanitaires dans le pays et la région demeurent élevés.  Il a indiqué que la Conférence de Bruxelles III « Soutenir l’avenir de la Syrie et de la région », qui doit se dérouler à la mi-mars, permettra de faire le point sur les questions humanitaires les plus critiques et de faire de nouvelles promesses de dons pour répondre aux besoins.  Il a aussi appelé à des progrès pour trouver une solution politique « authentique et sans exclusive », dans le respect de la résolution 2254 et du Communiqué de Genève de 2012.

M. JONATHAN COHEN (États-Unis), qui a salué l’arrivée de l’aide humanitaire pour la population de Roukban, a prévenu que cette assistance ne suffit qu’à couvrir les besoins pendant 30 jours.  Il a exigé que la Syrie et la Fédération de Russie facilitent un nouveau convoi humanitaire de l’ONU et du Croissant-Rouge arabe syrien avant la fin du mois de mars.  Ils peuvent faire en sorte, s’ils en ont la volonté, que l’ONU livre régulièrement une aide humanitaire sans entrave à Roukban aussi longtemps qu’il y aura des civils vulnérables.

Les États-Unis, a souligné le représentant, n’ont entravé ni empêché aucun départ volontaire.  Ils plaident, au contraire, depuis longtemps pour la liberté de circulation des déplacés et restent déterminés à soutenir les départs sûrs, volontaires, dignes et informés de Roukban, a ajouté M. Cohen, qui a insisté sur le fait que tout processus pour arranger les départs doit être coordonné avec l’ONU et respecter les principes humanitaires.  Il a dit attendre avec intérêt de poursuivre la coordination avec l’ONU, la Fédération de Russie et d’autres partenaires afin d’élaborer un plan de soutien aux retours.

Le représentant a appelé toutes les parties, y compris la Fédération de Russie et le « régime d’Assad », à veiller à ce que les cinq conditions minimales suivantes soient remplies pour les départs de Roukban.  Premièrement, toute planification doit être coordonnée avec l’ONU et permettre à l’ONU de surveiller et de contrôler les mouvements, en veillant à ce que les départs soient conformes aux normes humanitaires.  Deuxièmement, il faut donner aux personnes déplacées l’accès aux informations sur les options de départ potentielles et sur les conditions, y compris la sécurité, dans leur lieu de retour préféré.  Troisièmement, il faut que des garanties soient données contre les arrestations et les détentions arbitraires.  Quatrièmement, a énoncé M. Cohen, il faut qu’une explication claire soit fournie sur les conditions de la conscription militaire pour les déplacés qui décident de partir, et cinquièmement, il faut qu’un accès humanitaire durable soit facilité pour permettre à l’aide d’atteindre ceux qui ne souhaitent pas quitter Roukban.

Le représentant a jugé inacceptable que le régime continue d’obstruer l’accès normal de l’ONU et des autres agences à la Ghouta orientale, à Yarmouk et Deraa.  Il est clair, a-t-il estimé, que les conditions de retour ne sont pas encore réunies et que le moment n’est pas encore venu pour la communauté internationale d’appuyer les efforts de reconstruction dans les zones contrôlées par le régime syrien en l’absence de mesures irréversibles en faveur d’une solution politique au conflit.  Le représentant s’est également dit préoccupé par l’augmentation du nombre des déplacés qui fuient Daech.  Enfin, le représentant s’est inquiété des bombardements du régime dans la province d’Edleb et appelle toutes les parties à respecter le cessez-le-feu négocié par la Turquie et la Russie afin de prévenir une escalade dangereuse du conflit et une aggravation de la catastrophe humanitaire.  Le cessez-le-feu est vital pour protéger trois millions de civils et les frontières de la Turquie, « un allié de l’OTAN », a insisté le représentant. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé que la protection des civils, y compris des personnels humanitaires et médicaux, doit être une priorité absolue pour l’ensemble des parties prenantes.  Les hôpitaux et écoles continuent à être la cible d’attaques, une situation « inacceptable », a-t-il tranché, en enjoignant les parties de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  « Nous devons en particulier tout faire pour préserver le cessez-le-feu à Edleb sur le long terme, conformément aux engagements réitérés lors du Sommet quadripartite d’Istanbul », a dit le représentant, en affirmant que l’échec à y parvenir aurait des conséquences humanitaires, migratoires et sécuritaires désastreuses pour toute la région.

Alors qu’à peine 40% des 200 demandes d’aide humanitaire ont été approuvées par le régime syrien, le représentant a demandé aux acteurs ayant de l’influence sur le régime d’obtenir de lui un accès immédiat, sûr, complet, sans entrave et durable sur l’ensemble du territoire syrien.  À Roukban, il est impératif de permettre à l’ONU de dépêcher régulièrement des convois pour répondre aux besoins des plus de 40 000 personnes dans le camp, qui vivent dans des conditions épouvantables, a poursuivi M. Delattre.  Alors que 95% des personnes sur place souhaitent en partir, il faut que le retour des déplacés soit volontaire, sûr et digne, a-t-il observé.  Dans les zones en dehors du contrôle du régime, il est crucial que l’ensemble de la communauté internationale poursuive ses efforts pour répondre aux besoins urgents des populations, en particulier dans le nord-est du pays, où l’aide humanitaire contribue à la résurgence de Daech.

Le représentant a ensuite insisté sur le lancement d’un processus politique durable, rappelant que seule une transition politique irréversible, crédible et inclusive permettra de briser l’engrenage de la tragédie syrienne et ouvrira la voie à la reconstruction.  Des avancées concrètes dans la mise en œuvre de la résolution 2254 sont nécessaires pour améliorer durablement la situation humanitaire et rendre possible le retour volontaire des réfugiés.  C’est ce à quoi l’Union européenne et la Ligue des États arabes se sont engagées à l’occasion de leur sommet des 24 et 25 février en déclarant qu’elles mèneront leurs politiques respectives à l’égard de la Syrie en phase avec les progrès tangibles réalisés vers un règlement politique.  « Il n’y aura pas de solution politique durable sans justice pour les victimes », a ajouté M. Delattre.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est dit préoccupé par la situation humanitaire toujours aussi précaire en Syrie malgré les efforts de la communauté internationale depuis le déclenchement du conflit, il y a huit ans.  Il a dit placer de grands espoirs dans la Conférence de Bruxelles III qui devra permettre de dresser le bilan de la situation humanitaire en Syrie et de définir les grandes priorités pour l’année 2019.  M. Adom s’est aussi dit profondément préoccupé par les informations persistantes sur des civils tués ou blessés par des frappes aériennes et des combats dans l’est de Deïr el-Zor.  Il a exhorté toutes les parties impliquées dans les opérations militaires à Deïr el-Zor et sur toute l’étendue du territoire syrien à se conformer au droit international, en matière de protection des civils et infrastructures hospitalières. 

Le délégué a rappelé la nécessité de garantir un accès humanitaire sûr, rapide, sans entrave et durable aux personnes en détresse, tant à Roukban que sur toute l’étendue du territoire syrien, conformément à la résolution 2401 (2018).  Il a attiré l’attention sur l’escalade militaire dans le nord-ouest et le nord-est du pays où la situation humanitaire ne cesse de se détériorer.  Dans la province d’Edleb en particulier, les populations civiles sont victimes de violations des droits de l’homme perpétrées par les groupes armés.  M. Adom a appelé les parties au conflit à préserver le cessez-le-feu dans la zone démilitarisée d’Edleb, à veiller au respect du droit international humanitaire et à intensifier les efforts diplomatiques pour une solution politique à la crise syrienne, conformément à la résolution 2254 (2015) et aux processus complémentaires d’Astana et de Sotchi.

M. WU HAITAO (Chine) a estimé qu’il faut d’abord garantir la sécurité en Syrie pour pouvoir mener à bien les activités humanitaires.  Il a donc demandé aux parties au conflit de poursuivre les pourparlers politiques et de trouver une voie de sortie car l’avenir de la Syrie ne peut être déterminé que par les Syriens eux-mêmes.  Le représentant a appelé l’ONU et la communauté internationale à mener leurs opérations humanitaires, dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie, et des principes agréés.  La Chine, qui a déjà fourni une aide importante, sur les plans bilatéral et multilatéral, entend poursuivre son action.    

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a constaté que les enfants ont été frappés de manière disproportionnée par le conflit, plus de cinq millions d’entre eux risquant la malnutrition, la déshydratation et les maladies diarrhéiques ou infectieuses.  Il a salué le succès de l’opération humanitaire à Roukban, « la plus importante de l’ONU en Syrie » qui a notamment permis de fournir une aide à 40 000 personnes et de vacciner 7 000 enfants.  Il a félicité l’OCHA mais aussi le Gouvernement syrien pour avoir autorisé et facilité l’accès à Roukban.  M. Matjila a jugé urgent de fournir une aide au camp el-Hol, notant que les trois quarts de sa population sont constitués de femmes et d’enfants de moins de 5 ans.  Il s’est aussi inquiété du sort des personnes piégées par Daech à Hajin et a insisté sur l’accord de désescalade russo-turc dans la province d’Edleb.  Il a par ailleurs appelé le Conseil de sécurité à faire preuve d’unité pour assurer le plein respect de la résolution 2254 (2013).  Il a également engagé la communauté internationale à se montrer généreuse à la Conférence de Bruxelles III.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) s’est dit profondément préoccupé par l’augmentation du nombre d’attaques et de victimes civiles à Edleb et par les souffrances infligées aux civils à Hajin après les frappes aériennes et les affrontements.  Les gens vivent dans une situation extrêmement vulnérable et il est impératif que la communauté internationale redouble d’efforts pour répondre à leurs besoins, à la fois en allégeant leurs souffrances mais aussi en mettant fin aux attaques et aux hostilités.  Le représentant a préconisé une aide humanitaire ciblée même si la tâche est énorme, puisqu’on estime à 11,7 millions le nombre de personnes qui en dépendent.  Il a attiré l’attention sur les conditions de vie dans le camp el-Hol qui vient de connaître un afflux de plus de 40 000 personnes.  Saluant le renforcement de la réponse humanitaire des Nations Unies, il a néanmoins estimé qu’il faut faire plus: 61 enfants sont morts pendant le trajet vers le camp ou juste après leur arrivée.  On aurait dû et pu éviter cela, s’est alarmé le représentant, avant d’exhorter toutes les parties à prendre des mesures pour protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants, mais aussi pour garantir un accès sans entrave à l’aide humanitaire.

L’autre point crucial est le retour volontaire et en toute sécurité des réfugiés syriens chez eux, a poursuivi le représentant.  Il s’est associé à l’appel lancé lors du Sommet tripartite de Sotchi entre la Fédération de Russie, l’Iran et la Turquie, le 14 février dernier.  Toutes les parties concernées doivent soutenir cet effort et renforcer leur coordination, en tenant compte des intérêts des pays d’accueil des réfugiés syriens, a estimé le délégué.  Il a appelé au respect des accords de cessez-le-feu existants.  Il a dit redouter qu’en l’absence d’une solution politique, conforme à la résolution 2254 (2015), la situation humanitaire continuera de se détériorer.  « Nous pouvons éviter cela.  Nous devons éviter cela », a-t-il insisté, promettant que son pays travaillera aux côtés de l’Envoyé spécial, M. Pederson, pour faire avancer le processus politique en Syrie et trouver une solution pacifique au conflit.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a rappelé qu’en Syrie aujourd’hui, près de 12 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire multisectorielle, dont plus de 6 millions de déplacés.  Elle s’est tout particulièrement émue du sort des personnes atteintes de handicap, physique et psychologique, qui nécessitent une protection supplémentaire.  La représentante a par ailleurs estimé que l’impunité pour de graves violations du droit international humanitaire reste une préoccupation grave, rappelant qu’il ne saurait y avoir de paix sans justice.  Elle a ensuite salué l’envoi d’un second convoi d’aide à Roukban début février à près de 40 000 personnes, même si elle a rappelé le caractère ponctuel de cette mesure qui permettra de répondre aux besoins sur place pendant un mois.  Mme Wronecka s’est toutefois félicitée des mesures positives prises récemment par les autorités syriennes pour autoriser le départ d’un prochain convoi.  Elle a, en conclusion, espéré que la communauté internationale participerait de manière significative à la Conférence de Bruxelles III.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est inquiété de la situation humanitaire en Syrie et de l’escalade de la violence ces dernières semaines.  Il a souligné avec préoccupation que la situation dans le nord-est du pays est aggravée par le fait que des organisations terroristes en ont récemment pris le contrôle.  Le Pérou, a-t-il assuré, condamne le terrorisme et demande que les groupes terroristes qui demeurent à Edleb et dans d’autres zones du territoire syrien rendent des comptes devant la justice.  Toutefois, a-t-il précisé, la lutte contre ce fléau ne doit pas être vue comme une justification pour mettre en péril la vie de millions de personnes. 

Le représentant s’est également inquiété de la situation « dramatique » que vivent près de 40 000 déplacés à Roubkan, avant de saluer les efforts humanitaires qui, a-t-il souhaité, doivent être poursuivis tout en continuant la cherche de solutions intégrales.  Il a salué, à cet égard, les couloirs humanitaires facilités par la Fédération de Russie dans cette zone.  « Nous exhortons l’ONU et les acteurs humanitaires à continuer d’augmenter leur aide pour les milliers de déplacés dans le nord-est de la Syrie qui doivent fuir la violence de groupes relevant de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL).  Il a enfin rappelé que toute opération militaire, comme celles qui viennent de se dérouler à Baghouz, doit respecter les principes de précaution et de distinction prévus par le droit international.

M. VASSILY NEBENZIA (Fédération de Russie) a mis en garde contre la politisation de l’aide humanitaire en Syrie.  « Certains pays subissent des pressions pour renoncer à fournir de l’aide aux populations syriennes », a affirmé le représentant en invitant la communauté internationale à œuvrer à la reconstruction des infrastructures civiles.  Il a estimé que la Conférence de Bruxelles, prévue du 12 au 14 mars, serait « incomplète » sans l’implication de la République arabe syrienne.  Quant au retour des déplacés chez eux, il a rappelé que « personne n’est forcé de retourner chez soi ».  Il a aussi affirmé que son pays prend depuis des années des mesures qui ont facilité le retour de plus de 370 000 personnes.  Des points d’accueil ont été établis dans des zones rurales et des programmes gouvernementaux sont en cours dans les provinces, avec en priorité le rétablissement des infrastructures, notamment celles liées à l’eau et à l’électricité.  

Le représentant s’est attardé sur la situation dans le camp el-Hol où on compte plus de 50 000 personnes, notamment des femmes et des enfants qui ont fui Hajin après les frappes de la coalition.  Des frappes ciblées mais qui font de nombreuses victimes, a relevé le représentant.  Il a douté des propos tenus pour expliquer pourquoi les déplacés du camp de Roukban ont peur de retourner chez eux.  Une partie du territoire syrien est sous le contrôle des États-Unis et de groupes terroristes, a argué le représentant.  Il a rappelé les États-Unis, « puissance occupante » de cette zone, à son devoir d’assurer le bien-être des populations en vertu des conventions internationales.  Pour faciliter le départ des déplacés du camp de Roukban, la Fédération de Russie, a souligné le représentant, a ouvert deux corridors humanitaires en coordination avec le Croissant-Rouge arabe syrien.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est inquiété de la persistance et de l’impact de la violence, qui a notamment contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir Hajin pour rejoindre le camp el-Hol, un trajet au cours duquel, a-t-il déploré, 61 enfants ont perdu la vie.  Il a averti que la crise humanitaire syrienne est une des plus urgentes et profondes de notre époque et a appelé à identifier des solutions pour que les Syriens puissent jouir d’une paix durable.  Il s’est notamment alarmé du fait qu’une école sur trois a été détruite, que 46% des établissements de santé ne fonctionnent plus à pleine capacité, que 6,5 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, tandis que 2,1 millions d’enfants ont dû interrompre leur scolarisation, dont une majorité pour travailler.  Face à une telle situation, il a estimé que le Plan de réponse humanitaire 2019 pour la Syrie doit fournir des solutions durables pour les millions de déplacés.  Il a aussi appelé à veiller au succès de la Conférence de Bruxelles III.

M. Singer Weisinger a ensuite salué l’arrivée du convoi humanitaire à Roukban et a appelé les autorités à assurer l’accès d’autres convois vers le camp.  Il faut, a-t-il plaidé, une solution durable aux besoins des enfants du camp et d’ailleurs et un retour volontaire, sûr, digne et informé des déplacés.  Le délégué a en outre appelé à la pleine mise en œuvre de l’accord de démilitarisation russo-turc à Edleb, avertissant des conséquences catastrophiques d’une recrudescence des hostilités.  D’ailleurs, la semaine dernière, 16 personnes ont été tuées et 70 blessées par l’explosion de deux engins dans un quartier à Edleb, a-t-il rappelé, prônant l’intensification des efforts diplomatiques pour mettre en œuvre la résolution 2254 (2015).

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a rappelé que 80% des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté et prié le Conseil de veiller à ce que l’aide nécessaire leur parvienne.  Il a salué le fait qu’un convoi humanitaire a pu atteindre le camp de Roukban et a souhaité que le prochain convoi puisse arriver sans tarder.  Les populations du camp veulent bien rentrer chez elles mais elles veulent des garanties, a souligné le représentant, qui a estimé que tout retour doit se faire selon les principes agréés et soutenu par le personnel de l’ONU.  « On n’accueille pas les réfugiés en les torturant, en les contraignant à s’enrôler dans l’armée ou en les menaçant d’expropriation », a-t-il dit à l’intention du régime.  Dans ces conditions, a poursuivi le représentant, « on ne peut parler de retour digne, sûr et volontaire ».  Après avoir dénoncé les restrictions imposées par le régime syrien à l’accès humanitaire, le représentant s’est attardé sur la situation à Edleb pour s’inquiéter de l’escalade et des conséquences tragiques qu’elle aurait.  Une solution durable en Syrie passe par la mise en place d’un gouvernement « légitime » et la traduction en justice des criminels qu’il s’agisse du régime ou de Daech.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué le travail effectué ces derniers mois par les plus de 17 000 employés de l’ONU en Syrie.  La situation demeure extrêmement grave, non seulement dans la zone de désescalade d’Edleb, mais également à Alep et dans le sud-est de la province de Deïr el-Zor.  Les 11,7 millions de Syriens qui ont besoin d’aide humanitaire et les 5,7 millions de réfugiés doivent interpeller la « conscience humaine » quant à l’impérieuse nécessité de mettre un terme aux hostilités.  Le représentant a salué l’arrivée d’un second convoi humanitaire dans le camp de Roukban, « le plus important de tous les temps » qui a permis d’aider 40 000 personnes.  Il a insisté sur la zone de désescalade à Edleb.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a rappelé que le 22 février 2014, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 2139 sur la situation humanitaire en Syrie.  À l’époque, a-t-il aussi rappelé, la Syrie avait mis en garde contre la politisation de l’action humanitaire et appelé une véritable lutte contre les terroristes.  Aujourd’hui, a accusé le représentant, certains membres du Conseil de sécurité prétendent s’inquiéter de la situation humanitaire, « alors que leur gouvernement appui le terrorisme et maintient de manière illégitime des forces sur le territoire syrien ».  Le colonel François-Régis Legrier, chargé de l’artillerie pour la coalition, a affirmé le représentant, aurait même dit, dans un article rédigé pour la Revue Défense Nationale, que ladite coalition avait « massivement détruit les infrastructures » et que l’ancien Président Barack Obama avait avoué qu’il lui faudrait 30 ans pour vaincre le terrorisme.  L’objectif de la coalition n’était donc pas de combattre le terrorisme mais de s’accaparer des ressources de l’État syrien, de prolonger la guerre et de plonger la région dans un chaos inimaginable.

Le représentant a ensuite dénoncé les sanctions économiques imposées aux Syriens: « le terrorisme politique de ces États est assorti d’un terrorisme économique ».  Il s’est demandé comment les porte-plumes humanitaires comptent faire leur travail sans chercher à coordonner leurs efforts avec les autorités syriennes.  Il a par exemple affirmé que parmi les personnes décrites par la Belgique comme des réfugiés syriens, il y a des « milliers de terroristes étrangers et des membres de leur famille ».  Beaucoup d’entre eux viennent d’ailleurs de la Belgique, de la Suède et d’autre pays européens.  Le représentant a aussi relevé que son pays n’a jamais été invité à la Conférence de Bruxelles qui en est aujourd’hui à sa troisième édition.  Nous voyons qu’il ne s’agit pas d’humanitaire mais de politique, a-t-il dénoncé.  Il a par exemple indiqué qu’un employé de la BBC avait confirmé que les scènes filmées lors de la prétendue attaque à l’arme chimique dans un hôpital de Douma avaient été « fabriquées de toute pièce ».  Le représentant s’est étonné de ces États qui prétendent s’inquiéter du terrorisme tout en refusant d’arrêter « l’instrumentalisation politique » de ce fléau et de faciliter le retour de leurs compatriotes qui ont rejoint le rang des terroristes en Syrie.  Au lieu de cela, on les « bazarde » au plus bas prix comme dans les marchés aux esclaves de Daech.

Quant à la situation dans le camp de Roukban, « où de nombreux terroristes circulent », le représentant a indiqué qu’avec l’aide de la Fédération de Russie, son gouvernement a ouvert deux corridors humanitaires pour assurer le retour des civils vers les zones contrôlées par l’État.  Il a espéré que cette initiative permettra de mettre fin à la « présence illégitime » des États-Unis.  Il s’est aussi tourné vers la France pour qualifier de « catégoriquement faux » les propos selon lesquels la Syrie n’aurait répondu favorablement qu’à 40% des demandes de la communauté humanitaire.  Il a en effet regretté que le rapport d’OCHA ne mentionne pas qu’en réalité, son pays a accepté toutes les demandes.  L’expérience de mon pays aurait pu se répéter au Venezuela « où certains cherchent à faire du chantage humanitaire », a-t-il prévenu.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Le Conseil de sécurité entend le compte-rendu de la mission effectuée en Afrique de l’Ouest du 13 au 17 février

8470e séance – matin  
CS/13717

Le Conseil de sécurité entend le compte-rendu de la mission effectuée en Afrique de l’Ouest du 13 au 17 février

Le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, un compte-rendu, par les délégués de la Côte d’Ivoire et de la Guinée équatoriale, de la mission « fructueuse » qu’il a effectuée en Afrique de l’Ouest du 13 au 17 février, afin d’y évaluer la situation politique et les efforts de consolidation de la paix en Côte d’Ivoire, au Libéria et en Guinée-Bissau.

Premier orateur, le délégué ivoirien, M. Léon Houadja Kacou Adom, a détaillé la première étape de la visite dans son pays, consacrée « aux expériences et bonnes pratiques en matière de transition du maintien à la consolidation de la paix en Côte d’Ivoire et au Libéria ».

Ces deux pays, qui ont accueilli des missions onusiennes de maintien de la paix, ont connu des « trajectoires de sortie de crise différentes » et connaissent aujourd’hui, en raison de leurs potentiels et des défis qui leur sont propres, des rythmes de développement économique et social différents, a noté le représentant.

La délégation du Conseil de sécurité, arrivée à Abidjan le 14 février, a notamment rencontré le Ministre des affaires étrangères, M. Marcel Amon-Tanoh.  Le Ministre a ainsi pu exposer la stratégie de sortie de crise et de consolidation de la paix en Côte d’Ivoire, fondée notamment sur le triptyque « relance économique, reconstruction nationale et réconciliation nationale », a déclaré M. Adom.

Le délégué a assuré que son pays est conscient des « regards impatients » de certains acteurs internationaux, qui reconnaissent toutefois les progrès remarquables réalisés depuis 2011.  Il a en outre insisté sur les efforts de son gouvernement afin de préserver la paix sociale y compris par l’organisation en 2020 d’une élection présidentielle « transparente et crédible ». 

La période 2019-2020 sera consacrée au renforcement de l’action gouvernementale dans le domaine social dans l’optique d’une meilleure répartition des fruits de la croissance économique, a déclaré M. Adom.

Le Gouvernement entend par ailleurs consacrer 726 milliards de francs CFA au programme social avec l’éducation et la santé comme domaines prioritaires. 

Lors d’une table ronde avec les Coordonnateurs résidents du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) des deux pays, la qualité des liens entre le système onusien et le Gouvernement dans la préparation de la Mission de paix de l’ONU en Côte d’Ivoire et le transfert des activités résiduelles à l’équipe de pays des Nations Unies a été soulignée, a déclaré le délégué. 

Lors de cette table ronde, le Coordonnateur résident au Libéria, M. Yacoub ElHillo a indiqué qu’après 25 ans à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, ce pays s’est engagé sur la voix de la paix, de la stabilité et du développement économique.  En raison toutefois des fragilités structurelles liées à son histoire et ses cycles d’instabilité politiques et de violences communautaires, le Libéria reste confronté à d’énormes défis à la consolidation de la paix. 

La chute drastique de la croissance économique de 8% à 1%, la persistance des causes profondes du conflit, les difficultés du processus de réconciliation nationale, la faiblesse de la reddition de compte post-crise, les lacunes en matière de contrôle des frontières terrestres et maritimes pour prévenir les trafics sont autant de vulnérabilités à résoudre afin d’éviter une résurgence du conflit libérien.

Prenant le relais, le délégué de la Guinée équatoriale, M. Anatolio Ndong Mba, a détaillé la seconde étape de la visite qui s’est déroulée en Guinée-Bissau, du 15 au 17 février, au cours de laquelle la délégation du Conseil a notamment rencontré le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée nationale populaire et le Président du pays.

En prévision des élections législatives prévues le 10 mars et de l’élection présidentielle qui doit se tenir plus tard dans l’année, le Conseil a lancé un appel aux acteurs politiques afin de préserver les gains fragiles enregistrés, a déclaré M. Ndong Mba, en espérant que ces élections ramèneront la stabilité dans le pays.

Le Premier Ministre, M. Aristides Gomes, a évoqué les difficultés rencontrées dans l’organisation de ces élections, en particulier leur financement.  Selon le Bureau intégré des Nations Unies en Guinée-Bissau (BINUGBIS), les donateurs ont contribué à hauteur de deux millions de dollars au Fonds établi par le PNUD pour le financement de ces élections.

De son côté, le Gouvernement n’a pas été en mesure de couvrir les dépenses dont il est responsable, a poursuivi le délégué de la Guinée équatoriale, en pointant les conséquences négatives de l’impasse politique sur la situation économique et, partant, pour la rentrée de ressources fiscales.

Par ailleurs, le chef du principal parti d’opposition, le Parti du renouveau social, a fait état d’irrégularités dans le processus électoral.  Ainsi, seuls 735 000 électeurs auraient été inscrits, a noté M. Ndong Mba, ajoutant que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) allait vérifier ces inscriptions.

Le délégué a indiqué que la CEDEAO pourrait retirer, en septembre prochain, sa Mission sur place -l’ECOMIB- une force militaire de 600 effectifs, en raison de son coût.  Le BINUGBIS juge toutefois la présence de cette Mission nécessaire.  Lors de cette visite, la délégation du Conseil a pu entendre des appels pour la levée des sanctions frappant 10 éléments militaires impliqués dans le coup d’état de 2012.

« Selon plusieurs de nos interlocuteurs, les entraves au processus électoral sont le fait de membres du personnel politique, non pas d’éléments militaires », a déclaré le délégué.  Enfin, soulignant le caractère crucial des élections à venir en Guinée-Bissau, M. Ndong Mba a conclu en indiquant que la visite du Conseil avait été « fructueuse », tous les interlocuteurs s’étant montrés « réceptifs ».

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Yémen: le Conseil de sécurité reconduit pour un an le régime de sanctions et proroge le mandat du Groupe d’experts jusqu’au 28 mars 2020

8469e séance – matin  
CS/13716

Yémen: le Conseil de sécurité reconduit pour un an le régime de sanctions et proroge le mandat du Groupe d’experts jusqu’au 28 mars 2020

Ce matin, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 2456 (2019) par laquelle il reconduit pour un an les mesures imposées au Yémen par le régime de sanctions -gel des avoirs et interdictions de voyage- et réaffirme l’embargo sur les armes instauré en 2015 notamment contre les rebelles houthistes.  Le Conseil proroge en outre le mandat du Groupe d’experts sur le Yémen jusqu’au 28 mars 2020.

Le Secrétaire général, dit la résolution, devra prendre dès que possible les mesures administratives requises, en consultation avec le Comité créé par la résolution 2140 (2014), pour rétablir le Groupe d’experts jusqu’à cette date, tandis que celui-ci devra présenter au Comité un bilan à mi-parcours le 28 juillet 2019 au plus tard, et remettre au Conseil de sécurité un rapport final au plus tard le 28 janvier 2020. 

En adoptant ce texte, le Conseil de sécurité charge aussi le Groupe d’experts de coopérer avec les autres groupes d’experts qu’il a créés pour épauler ses comités des sanctions, notamment l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions. 

Profondément préoccupé de constater que certaines zones du Yémen se trouvent sous le contrôle d’Al-Qaida dans la péninsule arabique, « dont la présence, l’idéologie extrémiste violente et les agissements sont préjudiciables à la stabilité du Yémen et de la région » et ont des « conséquences humanitaires dévastatrices » pour la population, le Conseil s’inquiète aussi de la présence croissante au Yémen d’éléments affiliés à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech), qui pourraient être encore plus nombreux à l’avenir.  Le texte adopté réaffirme ainsi la volonté du Conseil de répondre à la menace, sous tous ses aspects, que constituent Al-Qaida dans la péninsule arabique, l’EIIL (Daech) et tous les autres groupes, entreprises, entités et personnes qui leur sont associés.

Le Conseil demande instamment à toutes les parties et à tous les États Membres, ainsi qu’aux organisations internationales, régionales et sous-régionales, de coopérer avec le Groupe d’experts, et prie instamment tous les États Membres concernés de garantir la sécurité des membres du Groupe d’experts et de leur donner libre accès, notamment aux personnes, documents et lieux pertinents pour l’exécution de leur mandat. 

Le Conseil de sécurité suivra en permanence la situation au Yémen et se tiendra prêt à examiner l’opportunité des mesures de sanctions, que ce soit pour les renforcer, les modifier, les suspendre ou les lever, selon ce que dictera l’actualité.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2019/83)

Texte du projet de résolution (S/2019/173)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 2014 (2011), 2051 (2012), 2140 (2014), 2201 (2015), 2204 (2015), 2216 (2015), 2266 (2016), 2342 (2017), 2402 (2018), 2451 (2018) et 2452 (2019) et les déclarations de sa présidence relatives au Yémen, en date du 15 février 2013 (S/PRST/2013/3), du 29 août 2014 (S/PRST/2014/18), du 22 mars 2015 (S/PRST/2015/8), du 25 avril 2016 (S/PRST/2016/5), du 15 juin 2017 (S/PRST/2017/7) et du 15 mars 2018 (S/PRST/2018/5),

Réaffirmant son ferme attachement à l’unité, à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale du Yémen,

Se déclarant préoccupé par les difficultés politiques, économiques et humanitaires et les problèmes de sécurité, notamment la violence, que continue de connaître le Yémen, et par les dangers posés par le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes,

Demandant de nouveau à toutes les parties yéménites de choisir la voie du dialogue et de la concertation pour régler leurs différends, de renoncer à recourir à la violence à des fins politiques et de s’abstenir de toute provocation,

Réaffirmant que toutes les parties doivent s’acquitter des obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient,

Exprimant son appui et son attachement à l’action menée par l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen en vue d’appuyer le processus de transition au Yémen,

Se déclarant profondément préoccupé de constater que certaines zones du Yémen se trouvent sous le contrôle d’Al-Qaida dans la péninsule arabique, dont la présence, l’idéologie extrémiste violente et les agissements sont préjudiciables à la stabilité du Yémen et de la région, et ont des conséquences humanitaires dévastatrices pour la population, s’inquiétant de la présence croissante au Yémen d’éléments affiliés à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech), qui pourraient être encore plus nombreux à l’avenir, et réaffirmant sa volonté de répondre à la menace, sous tous ses aspects, que constituent Al-Qaida dans la péninsule arabique, l’EIIL (Daech) et tous les autres groupes, entreprises, entités et personnes qui leur sont associés,

Rappelant l’inscription d’Al-Qaida dans la péninsule arabique et de personnes qui y sont associées sur la Liste relative aux sanctions contre l’EIIL (Daech) et Al‑Qaida, et soulignant à cet égard la nécessité d’une vigoureuse application des mesures édictées au paragraphe 2 de la résolution 2253 (2015), comme outil majeur de lutte contre le terrorisme au Yémen,

Notant l’importance capitale de l’application effective du régime de sanctions institué par les résolutions 2140 (2014) et 2216 (2015) et le rôle clef que les États de la région peuvent jouer à cet égard, et préconisant que la coopération soit encore renforcée,

Rappelant les dispositions du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) imposant un embargo ciblé sur les armes,

Profondément affligé par la détérioration constante de la situation humanitaire effroyable que connaît le Yémen et se déclarant vivement préoccupé par les obstacles de toutes sortes qui gênent l’acheminement de l’aide humanitaire, notamment les restrictions entravant la fourniture de produits de première nécessité à la population civile du Yémen,

Soulignant qu’il importe que le Comité créé en application du paragraphe 19 de la résolution 2140 (2014) (« le Comité ») débatte des recommandations figurant dans les rapports du Groupe d’experts,

Considérant que la situation qui règne au Yémen continue de menacer la paix et la sécurité internationales,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Réaffirme la nécessité de procéder rapidement et intégralement à la transition politique à la suite de la Conférence de dialogue national sans exclusive, comme le prévoient l’Initiative du Conseil de coopération du Golfe et le Mécanisme de mise en œuvre, en application des résolutions 2014 (2011), 2051 (2012), 2140 (2014), 2201 (2015), 2204 (2015), 2216 (2015), 2266 (2016), 2451 (2018) et 2452 (2019) et au vu des attentes du peuple yéménite;

2.    Décide de reconduire jusqu’au 26 février 2020 les mesures imposées par les paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014), réaffirme les dispositions des paragraphes 12, 13, 14 et 16 de ladite résolution et réaffirme également les dispositions des paragraphes 14 à 17 de la résolution 2216 (2015);

Critères de désignation

3.    Réaffirme que les dispositions des paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014) et du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité, ou visées dans l’annexe de la résolution 2216 (2015) comme se livrant ou apportant un appui à des actes qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen;

4.    Réaffirme les critères de désignation énoncés au paragraphe 17 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 19 de la résolution 2216 (2015);

Présentation de rapports

5.    Décide de proroger jusqu’au 28 mars 2020 le mandat du Groupe d’experts énoncé au paragraphe 21 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 21 de la résolution 2216 (2015), déclare son intention de le réexaminer et de se prononcer, le 28 février 2020 au plus tard, sur une nouvelle prorogation, et prie le Secrétaire général de prendre dès que possible les mesures administratives requises, en consultation avec le Comité, pour rétablir le Groupe d’experts jusqu’au 28 mars 2020, en faisant au besoin appel aux compétences des membres du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2140 (2014);

6.    Prie le Groupe d’experts de présenter au Comité un bilan à mi-parcours le 28 juillet 2019 au plus tard, et de lui remettre, après concertation avec le Comité, un rapport final le 28 janvier 2020 au plus tard;

7.    Charge le Groupe d’experts de coopérer avec les autres groupes d’experts qu’il a créés pour épauler ses comités des sanctions, notamment l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004), dont le mandat a été prorogé par la résolution 2368 (2017);

8.    Demande instamment à toutes les parties et à tous les États Membres, ainsi qu’aux organisations internationales, régionales et sous-régionales, de coopérer avec le Groupe d’experts, et prie instamment tous les États Membres concernés de garantir la sécurité des membres du Groupe d’experts et de leur donner libre accès, notamment aux personnes, documents et lieux pertinents pour l’exécution de leur mandat;

9.    Souligne qu’il importe de tenir des consultations avec les États Membres concernés, selon que de besoin, afin de veiller à la pleine application des mesures énoncées dans la présente résolution;

10.   Demande à tous les États Membres qui ne l’ont pas encore fait de présenter dès que possible un rapport au Comité sur les mesures qu’ils auront prises en vue d’appliquer concrètement les mesures visées aux paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015), et rappelle à ce propos que les États Membres qui effectuent une inspection de chargements en application du paragraphe 15 de la résolution 2216 (2015) sont tenus de présenter par écrit un rapport au Comité, comme prévu au paragraphe 17 de la résolution 2216 (2015);

11.   Rappelle le rapport de son groupe de travail informel sur les questions générales relatives aux sanctions (S/2006/997) concernant les meilleures pratiques et méthodes, notamment les paragraphes 21, 22 et 23, qui traitent des mesures susceptibles de clarifier les normes méthodologiques appliquées par les mécanismes de surveillance;

12.   Réaffirme qu’il suivra en permanence la situation au Yémen et se tiendra prêt à examiner l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, y compris pour ce qui est de les renforcer, de les modifier, de les suspendre ou de les lever, selon ce que dicterait l’actualité;

13.   Décide de rester activement saisi de la question.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.