Conseil de sécurité: face à une tragédie humanitaire de huit ans en Syrie, rendez-vous est pris au mois de mars à Bruxelles
Au Conseil de sécurité aujourd’hui, la Directrice du plaidoyer et des opérations au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Mme Reena Ghelani, a demandé aux États de veiller au financement du Plan de réponse humanitaire pour la Syrie qui cible, en 2019, près de 11,7 millions de personnes.
Alors que la Conférence de Bruxelles « Soutenir l’avenir de la Syrie et de la région » (Bruxelles III), doit se dérouler du 12 au 14 mars, les délégations se sont émues de la situation dans les camps de Roukban, d’Hajin, el-Hol et dans la région d’Edleb où une escalade militaire fait redouter une catastrophe humanitaire.
Mme Reena Ghelani a attiré l’attention sur « le plus grand et le plus complexe » convoi organisé, depuis le début du conflit il y a huit ans: le convoi humanitaire de 133 camions qui est arrivé à Roukban, à la frontière entre la Syrie et la Jordanie, pour aider 41 000 déplacés. Les vivres ne couvrant qu’une période de 30 jours, les délégations ont insisté sur l’urgence d’un second convoi dans les plus brefs délais. Un sondage a montré que 95% des déplacés veulent quitter le camp et que 83% veulent retourner chez eux mais qu’ils se disent bloqués par la crainte d’une situation difficile dans leur lieu d’origine, le manque de document d’état civil, la peur de ne pouvoir récupérer leurs biens et celle d’être détenu ou enrôlé dans l’armée. Les déplacés, a indiqué, la Directrice, demandent des garanties.
Ces retours doivent se faire de manière volontaire, sûr et digne, ont demandé plusieurs délégations dont la Belgique, au nom des porte-plumes humanitaires, qui comptent aussi l’Allemagne et le Koweït. « On n’accueille pas les réfugiés en les torturant, en les contraignant à s’enrôler dans l’armée ou en les menaçant d’expropriation », s’est indigné le Royaume-Uni. La Fédération de Russie a plutôt rappelé les États-Unis, « puissance occupante » de cette zone, à leur devoir d’assurer le bien-être des populations en vertu des conventions internationales.
Depuis l’an dernier, a poursuivi la représentante d’OCHA, environ 37 000 personnes ont quitté Hajin pour le camp el-Hol dans la province de Hassaké, à quelque 300 kilomètres au nord d’Hajin. Au moins 75 personnes, dont deux tiers d’enfants de moins d’un an, sont mortes depuis décembre 2018, soit en allant vers le camp, soit juste après leur arrivée. Dans le nord-ouest de la Syrie, environ 2,7 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire et alors que l’accord du 17 décembre 2018 entre la Turquie et la Fédération de Russie sur la création d’une zone démilitarisée avait stoppé net l’escalade militaire, ces dernières semaines, à Edleb, les combats se sont intensifiés, avec le risque d’escalade militaire et de conséquences humanitaires catastrophiques, a alerté la Directrice. Plusieurs orateurs, dont les États-Unis, ont également insisté sur l’importance de cet accord.
Quelque 11,7 millions de Syriens auront besoin cette année d’une assistance humanitaire, a souligné la Directrice, qui a demandé aux États d’assurer le financement du Plan de réponse humanitaire de 2019. La Conférence de Bruxelles III permettra de faire le point sur les questions humanitaires les plus critiques et de faire de nouvelles promesses de dons pour répondre aux besoins, a estimé la Belgique. Mais, a prévenu la Fédération de Russie, cette Conférence serait « incomplète » sans l’implication de la Syrie. Nous n’y avons jamais été invités, a confirmé la Syrie, voyant là une initiative plus politique qu’humanitaire. Elle s’est demandé comment les porte-plumes humanitaires comptent faire leur travail sans chercher à coordonner leurs efforts avec ses autorités. Notre expérience aurait pu se répéter au Venezuela « où certains cherchent à faire du chantage humanitaire », a prévenu la Syrie.
Des avancées concrètes dans la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) sont nécessaires pour améliorer durablement la situation humanitaire et rendre possible le retour volontaire des réfugiés, a souligné la France. C’est ce à quoi, a-t-elle souligné, l’Union européenne et la Ligue des États arabes se sont engagées à l’occasion de leur sommet des 24 et 25 février en déclarant qu’elles mèneront leurs politiques respectives à l’égard de la Syrie en phase avec les progrès tangibles réalisés vers un règlement politique. « Il n’y aura pas de solution politique durable sans justice pour les victimes », a ajouté la France. Une solution durable en Syrie passe par la mise en place d’un gouvernement « légitime » et la traduction en justice des criminels, qu’il s’agisse du régime ou de Daech, a martelé le Royaume-Uni.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2019/157)
Exposé
Mme REENA GHELANI, Directrice du plaidoyer et des opérations au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a attiré l’attention sur « le plus grand et le plus complexe » convoi organisé, depuis le début du conflit, il y a huit ans. Le convoi humanitaire qui est arrivé à Roukban, à la frontière entre la Syrie et la Jordanie, a été organisé par l’ONU et le Croissant-Rouge arabe syrien pour 41 000 déplacés. La mission effectuée par 133 camions remplis de fournitures essentielles, de vaccins et de matériels logistiques a duré 10 jours. Mais la gravité de la situation des civils à Roukban veut dire qu’il faut un accès humanitaire soutenu. Au cours de la mission, un sondage a été effectué, qui a montré que 95% des déplacés veulent quitter le camp et que 83% veulent retourner chez eux mais qu’ils se disent bloqués par la crainte d’une situation difficile dans leur lieu d’origine, le manque de document d’état civil, la peur de ne pouvoir récupérer leurs biens et celle d’être détenu ou enrôlé dans l’armée. Les déplacés, a indiqué, Mme Ghelani, demandent des garanties.
La Directrice a rappelé que le 16 février dernier, les Comités conjoints russo-syriens de coordination pour le rapatriement des réfugiés syriens ont publié un communiqué sur l’ouverture de corridors humanitaires à partir du camp de Roukban. Mais l’ONU souligne que tout retour et toute réinstallation doit être volontaire, sûr, digne, informé et fondé sur les normes de protection basiques, conformément au droit international humanitaire et aux droits de l’homme.
D’ailleurs, a poursuivi la Directrice, l’ONU demeure extrêmement préoccupée par la protection des civils dans les derniers bastions de Daech dans le sud-est de la province de Deïr el-Zor, de ceux qui ont pu fuir les combats. Depuis l’an dernier, environ 37 000 personnes ont quitté Hajin pour le camp el-Hol dans la province de Hassaké, à quelque 300 kilomètres au nord d’Hajin. Près des trois quarts de la population du camp el-Hol sont constitués de femmes et d’enfants de moins de 5 ans. Au moins 75 personnes, dont deux tiers d’enfants de moins d’un an, sont mortes depuis décembre 2018, soit en allant vers le camp, soit juste après leur arrivée. L’aide se renforce au camp el-Hol, ainsi qu’à Hajin et ses environs, en dépit des défis sécuritaires considérables, a assuré la Directrice. En plus des fournitures d’aide aux populations, l’ONU a établi un centre de transit à mi-chemin entre Hajin et Hol.
Dans le nord-ouest de la Syrie, environ 2,7 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire. Près de 40% d’enfants sont déscolarisés, alors que 2 millions de résidents comptent sur des camions citernes pour leur approvisionnement en eau potable. Chaque mois, quelque 1,7 million de Syriens reçoivent une assistance cruciale grâce à des opérations menées à partir de la Turquie.
Alors que l’accord de septembre dernier entre la Turquie et la Fédération de Russie sur la création d’une zone démilitarisée avait stoppé net l’escalade militaire, ces dernières semaines, à Edleb, les combats se sont intensifiés. Quelque 36 000 personnes ont fui dont beaucoup dans ces camps à la frontière avec la Turquie. Le risque d’une escalade militaire et de ses conséquences humanitaires catastrophiques persiste, a alerté la Directrice, qui a jugé important de maintenir et de mettre pleinement en œuvre l’accord russo-turc du 17 septembre 2018.
Elle a conclu en soulignant que 11,7 millions de Syriens auront besoin cette année d’une assistance humanitaire en Syrie. Elle a demandé aux États d’assurer le financement du Plan de réponse humanitaire de 2019 et estimé que la Conférence des donateurs qui aura lieu à Bruxelles, du 12 au 14 mars prochain, sera cruciale.
Déclarations
Au nom des porte-plumes humanitaires, à savoir l’Allemagne, la Belgique et le Koweït, M. MARC PECSTEEN DE BUYRSWERVE (Belgique) a tout d’abord salué le courage et les efforts inlassables des personnels humanitaire et médical qui travaillent depuis le début du conflit, il y a huit ans. Il s’est inquiété de l’aggravation de la situation dans le camp de Roukban et a salué le fait qu’après des mois de « délais inexcusables », l’ONU a finalement obtenu le feu vert pour y déployer un convoi interinstitutions de 133 camions. Selon une enquête, a-t-il indiqué, une majorité écrasante des habitants du camp aimerait regagner leur lieu d’origine, mais elle est bloquée par la situation sécuritaire, l’absence de documents civils et la peur de ne pouvoir accéder à sa propriété. Il a insisté sur l’importance d’assurer un accès humanitaire régulier et soutenu au camp de Roukban et de trouver une solution à plus long terme, appelant notamment à respecter les principes cardinaux de la relocalisation. Celle-ci doit se faire sur une base volontaire, le personnel humanitaire doit avoir accès aux populations pendant leur déplacement et les unités familiales doivent être protégées, a-t-il précisé. Il a insisté sur un accès humanitaire régulier, sûr, durable et sans condition dans l’ensemble de la Syrie.
M. Pecsteen de Buyrswerve s’est ensuite attardé sur la récente flambée de violence à Edleb, tout en notant que le mémorandum d’accord du cessez-le-feu russo-turc avait joué un rôle capital pour éviter les conséquences catastrophiques de ce qui aurait pu se transformer en offensive militaire. Il a appelé à la cessation des hostilités dans tout le pays, comme le stipule la résolution 2401, condamnant notamment les attaques contre les infrastructures civiles. Passant à la zone de Deïr el-Zor, il a indiqué que les 25 000 personnes contraintes de fuir la région de Hajin pour gagner le camp el-Hol avaient dû faire face à des conditions extrêmement difficiles sur les 300 kilomètres de route. De nombreux nouveau-nés et enfants ont péri pendant le trajet. La situation dans le camp el-Hol est grave, a souligné le représentant, car les capacités ont été dépassées par l’arrivée de près de 47 000 personnes.
Après avoir appelé à redoubler d’efforts pour résoudre la question des prisonniers et des détenus, M. Pecsteen de Buyrswerve a constaté qu’après huit années de conflits, les besoins humanitaires dans le pays et la région demeurent élevés. Il a indiqué que la Conférence de Bruxelles III « Soutenir l’avenir de la Syrie et de la région », qui doit se dérouler à la mi-mars, permettra de faire le point sur les questions humanitaires les plus critiques et de faire de nouvelles promesses de dons pour répondre aux besoins. Il a aussi appelé à des progrès pour trouver une solution politique « authentique et sans exclusive », dans le respect de la résolution 2254 et du Communiqué de Genève de 2012.
M. JONATHAN COHEN (États-Unis), qui a salué l’arrivée de l’aide humanitaire pour la population de Roukban, a prévenu que cette assistance ne suffit qu’à couvrir les besoins pendant 30 jours. Il a exigé que la Syrie et la Fédération de Russie facilitent un nouveau convoi humanitaire de l’ONU et du Croissant-Rouge arabe syrien avant la fin du mois de mars. Ils peuvent faire en sorte, s’ils en ont la volonté, que l’ONU livre régulièrement une aide humanitaire sans entrave à Roukban aussi longtemps qu’il y aura des civils vulnérables.
Les États-Unis, a souligné le représentant, n’ont entravé ni empêché aucun départ volontaire. Ils plaident, au contraire, depuis longtemps pour la liberté de circulation des déplacés et restent déterminés à soutenir les départs sûrs, volontaires, dignes et informés de Roukban, a ajouté M. Cohen, qui a insisté sur le fait que tout processus pour arranger les départs doit être coordonné avec l’ONU et respecter les principes humanitaires. Il a dit attendre avec intérêt de poursuivre la coordination avec l’ONU, la Fédération de Russie et d’autres partenaires afin d’élaborer un plan de soutien aux retours.
Le représentant a appelé toutes les parties, y compris la Fédération de Russie et le « régime d’Assad », à veiller à ce que les cinq conditions minimales suivantes soient remplies pour les départs de Roukban. Premièrement, toute planification doit être coordonnée avec l’ONU et permettre à l’ONU de surveiller et de contrôler les mouvements, en veillant à ce que les départs soient conformes aux normes humanitaires. Deuxièmement, il faut donner aux personnes déplacées l’accès aux informations sur les options de départ potentielles et sur les conditions, y compris la sécurité, dans leur lieu de retour préféré. Troisièmement, il faut que des garanties soient données contre les arrestations et les détentions arbitraires. Quatrièmement, a énoncé M. Cohen, il faut qu’une explication claire soit fournie sur les conditions de la conscription militaire pour les déplacés qui décident de partir, et cinquièmement, il faut qu’un accès humanitaire durable soit facilité pour permettre à l’aide d’atteindre ceux qui ne souhaitent pas quitter Roukban.
Le représentant a jugé inacceptable que le régime continue d’obstruer l’accès normal de l’ONU et des autres agences à la Ghouta orientale, à Yarmouk et Deraa. Il est clair, a-t-il estimé, que les conditions de retour ne sont pas encore réunies et que le moment n’est pas encore venu pour la communauté internationale d’appuyer les efforts de reconstruction dans les zones contrôlées par le régime syrien en l’absence de mesures irréversibles en faveur d’une solution politique au conflit. Le représentant s’est également dit préoccupé par l’augmentation du nombre des déplacés qui fuient Daech. Enfin, le représentant s’est inquiété des bombardements du régime dans la province d’Edleb et appelle toutes les parties à respecter le cessez-le-feu négocié par la Turquie et la Russie afin de prévenir une escalade dangereuse du conflit et une aggravation de la catastrophe humanitaire. Le cessez-le-feu est vital pour protéger trois millions de civils et les frontières de la Turquie, « un allié de l’OTAN », a insisté le représentant.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé que la protection des civils, y compris des personnels humanitaires et médicaux, doit être une priorité absolue pour l’ensemble des parties prenantes. Les hôpitaux et écoles continuent à être la cible d’attaques, une situation « inacceptable », a-t-il tranché, en enjoignant les parties de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. « Nous devons en particulier tout faire pour préserver le cessez-le-feu à Edleb sur le long terme, conformément aux engagements réitérés lors du Sommet quadripartite d’Istanbul », a dit le représentant, en affirmant que l’échec à y parvenir aurait des conséquences humanitaires, migratoires et sécuritaires désastreuses pour toute la région.
Alors qu’à peine 40% des 200 demandes d’aide humanitaire ont été approuvées par le régime syrien, le représentant a demandé aux acteurs ayant de l’influence sur le régime d’obtenir de lui un accès immédiat, sûr, complet, sans entrave et durable sur l’ensemble du territoire syrien. À Roukban, il est impératif de permettre à l’ONU de dépêcher régulièrement des convois pour répondre aux besoins des plus de 40 000 personnes dans le camp, qui vivent dans des conditions épouvantables, a poursuivi M. Delattre. Alors que 95% des personnes sur place souhaitent en partir, il faut que le retour des déplacés soit volontaire, sûr et digne, a-t-il observé. Dans les zones en dehors du contrôle du régime, il est crucial que l’ensemble de la communauté internationale poursuive ses efforts pour répondre aux besoins urgents des populations, en particulier dans le nord-est du pays, où l’aide humanitaire contribue à la résurgence de Daech.
Le représentant a ensuite insisté sur le lancement d’un processus politique durable, rappelant que seule une transition politique irréversible, crédible et inclusive permettra de briser l’engrenage de la tragédie syrienne et ouvrira la voie à la reconstruction. Des avancées concrètes dans la mise en œuvre de la résolution 2254 sont nécessaires pour améliorer durablement la situation humanitaire et rendre possible le retour volontaire des réfugiés. C’est ce à quoi l’Union européenne et la Ligue des États arabes se sont engagées à l’occasion de leur sommet des 24 et 25 février en déclarant qu’elles mèneront leurs politiques respectives à l’égard de la Syrie en phase avec les progrès tangibles réalisés vers un règlement politique. « Il n’y aura pas de solution politique durable sans justice pour les victimes », a ajouté M. Delattre.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est dit préoccupé par la situation humanitaire toujours aussi précaire en Syrie malgré les efforts de la communauté internationale depuis le déclenchement du conflit, il y a huit ans. Il a dit placer de grands espoirs dans la Conférence de Bruxelles III qui devra permettre de dresser le bilan de la situation humanitaire en Syrie et de définir les grandes priorités pour l’année 2019. M. Adom s’est aussi dit profondément préoccupé par les informations persistantes sur des civils tués ou blessés par des frappes aériennes et des combats dans l’est de Deïr el-Zor. Il a exhorté toutes les parties impliquées dans les opérations militaires à Deïr el-Zor et sur toute l’étendue du territoire syrien à se conformer au droit international, en matière de protection des civils et infrastructures hospitalières.
Le délégué a rappelé la nécessité de garantir un accès humanitaire sûr, rapide, sans entrave et durable aux personnes en détresse, tant à Roukban que sur toute l’étendue du territoire syrien, conformément à la résolution 2401 (2018). Il a attiré l’attention sur l’escalade militaire dans le nord-ouest et le nord-est du pays où la situation humanitaire ne cesse de se détériorer. Dans la province d’Edleb en particulier, les populations civiles sont victimes de violations des droits de l’homme perpétrées par les groupes armés. M. Adom a appelé les parties au conflit à préserver le cessez-le-feu dans la zone démilitarisée d’Edleb, à veiller au respect du droit international humanitaire et à intensifier les efforts diplomatiques pour une solution politique à la crise syrienne, conformément à la résolution 2254 (2015) et aux processus complémentaires d’Astana et de Sotchi.
M. WU HAITAO (Chine) a estimé qu’il faut d’abord garantir la sécurité en Syrie pour pouvoir mener à bien les activités humanitaires. Il a donc demandé aux parties au conflit de poursuivre les pourparlers politiques et de trouver une voie de sortie car l’avenir de la Syrie ne peut être déterminé que par les Syriens eux-mêmes. Le représentant a appelé l’ONU et la communauté internationale à mener leurs opérations humanitaires, dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie, et des principes agréés. La Chine, qui a déjà fourni une aide importante, sur les plans bilatéral et multilatéral, entend poursuivre son action.
M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a constaté que les enfants ont été frappés de manière disproportionnée par le conflit, plus de cinq millions d’entre eux risquant la malnutrition, la déshydratation et les maladies diarrhéiques ou infectieuses. Il a salué le succès de l’opération humanitaire à Roukban, « la plus importante de l’ONU en Syrie » qui a notamment permis de fournir une aide à 40 000 personnes et de vacciner 7 000 enfants. Il a félicité l’OCHA mais aussi le Gouvernement syrien pour avoir autorisé et facilité l’accès à Roukban. M. Matjila a jugé urgent de fournir une aide au camp el-Hol, notant que les trois quarts de sa population sont constitués de femmes et d’enfants de moins de 5 ans. Il s’est aussi inquiété du sort des personnes piégées par Daech à Hajin et a insisté sur l’accord de désescalade russo-turc dans la province d’Edleb. Il a par ailleurs appelé le Conseil de sécurité à faire preuve d’unité pour assurer le plein respect de la résolution 2254 (2013). Il a également engagé la communauté internationale à se montrer généreuse à la Conférence de Bruxelles III.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) s’est dit profondément préoccupé par l’augmentation du nombre d’attaques et de victimes civiles à Edleb et par les souffrances infligées aux civils à Hajin après les frappes aériennes et les affrontements. Les gens vivent dans une situation extrêmement vulnérable et il est impératif que la communauté internationale redouble d’efforts pour répondre à leurs besoins, à la fois en allégeant leurs souffrances mais aussi en mettant fin aux attaques et aux hostilités. Le représentant a préconisé une aide humanitaire ciblée même si la tâche est énorme, puisqu’on estime à 11,7 millions le nombre de personnes qui en dépendent. Il a attiré l’attention sur les conditions de vie dans le camp el-Hol qui vient de connaître un afflux de plus de 40 000 personnes. Saluant le renforcement de la réponse humanitaire des Nations Unies, il a néanmoins estimé qu’il faut faire plus: 61 enfants sont morts pendant le trajet vers le camp ou juste après leur arrivée. On aurait dû et pu éviter cela, s’est alarmé le représentant, avant d’exhorter toutes les parties à prendre des mesures pour protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants, mais aussi pour garantir un accès sans entrave à l’aide humanitaire.
L’autre point crucial est le retour volontaire et en toute sécurité des réfugiés syriens chez eux, a poursuivi le représentant. Il s’est associé à l’appel lancé lors du Sommet tripartite de Sotchi entre la Fédération de Russie, l’Iran et la Turquie, le 14 février dernier. Toutes les parties concernées doivent soutenir cet effort et renforcer leur coordination, en tenant compte des intérêts des pays d’accueil des réfugiés syriens, a estimé le délégué. Il a appelé au respect des accords de cessez-le-feu existants. Il a dit redouter qu’en l’absence d’une solution politique, conforme à la résolution 2254 (2015), la situation humanitaire continuera de se détériorer. « Nous pouvons éviter cela. Nous devons éviter cela », a-t-il insisté, promettant que son pays travaillera aux côtés de l’Envoyé spécial, M. Pederson, pour faire avancer le processus politique en Syrie et trouver une solution pacifique au conflit.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a rappelé qu’en Syrie aujourd’hui, près de 12 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire multisectorielle, dont plus de 6 millions de déplacés. Elle s’est tout particulièrement émue du sort des personnes atteintes de handicap, physique et psychologique, qui nécessitent une protection supplémentaire. La représentante a par ailleurs estimé que l’impunité pour de graves violations du droit international humanitaire reste une préoccupation grave, rappelant qu’il ne saurait y avoir de paix sans justice. Elle a ensuite salué l’envoi d’un second convoi d’aide à Roukban début février à près de 40 000 personnes, même si elle a rappelé le caractère ponctuel de cette mesure qui permettra de répondre aux besoins sur place pendant un mois. Mme Wronecka s’est toutefois félicitée des mesures positives prises récemment par les autorités syriennes pour autoriser le départ d’un prochain convoi. Elle a, en conclusion, espéré que la communauté internationale participerait de manière significative à la Conférence de Bruxelles III.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est inquiété de la situation humanitaire en Syrie et de l’escalade de la violence ces dernières semaines. Il a souligné avec préoccupation que la situation dans le nord-est du pays est aggravée par le fait que des organisations terroristes en ont récemment pris le contrôle. Le Pérou, a-t-il assuré, condamne le terrorisme et demande que les groupes terroristes qui demeurent à Edleb et dans d’autres zones du territoire syrien rendent des comptes devant la justice. Toutefois, a-t-il précisé, la lutte contre ce fléau ne doit pas être vue comme une justification pour mettre en péril la vie de millions de personnes.
Le représentant s’est également inquiété de la situation « dramatique » que vivent près de 40 000 déplacés à Roubkan, avant de saluer les efforts humanitaires qui, a-t-il souhaité, doivent être poursuivis tout en continuant la cherche de solutions intégrales. Il a salué, à cet égard, les couloirs humanitaires facilités par la Fédération de Russie dans cette zone. « Nous exhortons l’ONU et les acteurs humanitaires à continuer d’augmenter leur aide pour les milliers de déplacés dans le nord-est de la Syrie qui doivent fuir la violence de groupes relevant de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL). Il a enfin rappelé que toute opération militaire, comme celles qui viennent de se dérouler à Baghouz, doit respecter les principes de précaution et de distinction prévus par le droit international.
M. VASSILY NEBENZIA (Fédération de Russie) a mis en garde contre la politisation de l’aide humanitaire en Syrie. « Certains pays subissent des pressions pour renoncer à fournir de l’aide aux populations syriennes », a affirmé le représentant en invitant la communauté internationale à œuvrer à la reconstruction des infrastructures civiles. Il a estimé que la Conférence de Bruxelles, prévue du 12 au 14 mars, serait « incomplète » sans l’implication de la République arabe syrienne. Quant au retour des déplacés chez eux, il a rappelé que « personne n’est forcé de retourner chez soi ». Il a aussi affirmé que son pays prend depuis des années des mesures qui ont facilité le retour de plus de 370 000 personnes. Des points d’accueil ont été établis dans des zones rurales et des programmes gouvernementaux sont en cours dans les provinces, avec en priorité le rétablissement des infrastructures, notamment celles liées à l’eau et à l’électricité.
Le représentant s’est attardé sur la situation dans le camp el-Hol où on compte plus de 50 000 personnes, notamment des femmes et des enfants qui ont fui Hajin après les frappes de la coalition. Des frappes ciblées mais qui font de nombreuses victimes, a relevé le représentant. Il a douté des propos tenus pour expliquer pourquoi les déplacés du camp de Roukban ont peur de retourner chez eux. Une partie du territoire syrien est sous le contrôle des États-Unis et de groupes terroristes, a argué le représentant. Il a rappelé les États-Unis, « puissance occupante » de cette zone, à son devoir d’assurer le bien-être des populations en vertu des conventions internationales. Pour faciliter le départ des déplacés du camp de Roukban, la Fédération de Russie, a souligné le représentant, a ouvert deux corridors humanitaires en coordination avec le Croissant-Rouge arabe syrien.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est inquiété de la persistance et de l’impact de la violence, qui a notamment contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir Hajin pour rejoindre le camp el-Hol, un trajet au cours duquel, a-t-il déploré, 61 enfants ont perdu la vie. Il a averti que la crise humanitaire syrienne est une des plus urgentes et profondes de notre époque et a appelé à identifier des solutions pour que les Syriens puissent jouir d’une paix durable. Il s’est notamment alarmé du fait qu’une école sur trois a été détruite, que 46% des établissements de santé ne fonctionnent plus à pleine capacité, que 6,5 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, tandis que 2,1 millions d’enfants ont dû interrompre leur scolarisation, dont une majorité pour travailler. Face à une telle situation, il a estimé que le Plan de réponse humanitaire 2019 pour la Syrie doit fournir des solutions durables pour les millions de déplacés. Il a aussi appelé à veiller au succès de la Conférence de Bruxelles III.
M. Singer Weisinger a ensuite salué l’arrivée du convoi humanitaire à Roukban et a appelé les autorités à assurer l’accès d’autres convois vers le camp. Il faut, a-t-il plaidé, une solution durable aux besoins des enfants du camp et d’ailleurs et un retour volontaire, sûr, digne et informé des déplacés. Le délégué a en outre appelé à la pleine mise en œuvre de l’accord de démilitarisation russo-turc à Edleb, avertissant des conséquences catastrophiques d’une recrudescence des hostilités. D’ailleurs, la semaine dernière, 16 personnes ont été tuées et 70 blessées par l’explosion de deux engins dans un quartier à Edleb, a-t-il rappelé, prônant l’intensification des efforts diplomatiques pour mettre en œuvre la résolution 2254 (2015).
M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a rappelé que 80% des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté et prié le Conseil de veiller à ce que l’aide nécessaire leur parvienne. Il a salué le fait qu’un convoi humanitaire a pu atteindre le camp de Roukban et a souhaité que le prochain convoi puisse arriver sans tarder. Les populations du camp veulent bien rentrer chez elles mais elles veulent des garanties, a souligné le représentant, qui a estimé que tout retour doit se faire selon les principes agréés et soutenu par le personnel de l’ONU. « On n’accueille pas les réfugiés en les torturant, en les contraignant à s’enrôler dans l’armée ou en les menaçant d’expropriation », a-t-il dit à l’intention du régime. Dans ces conditions, a poursuivi le représentant, « on ne peut parler de retour digne, sûr et volontaire ». Après avoir dénoncé les restrictions imposées par le régime syrien à l’accès humanitaire, le représentant s’est attardé sur la situation à Edleb pour s’inquiéter de l’escalade et des conséquences tragiques qu’elle aurait. Une solution durable en Syrie passe par la mise en place d’un gouvernement « légitime » et la traduction en justice des criminels qu’il s’agisse du régime ou de Daech.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué le travail effectué ces derniers mois par les plus de 17 000 employés de l’ONU en Syrie. La situation demeure extrêmement grave, non seulement dans la zone de désescalade d’Edleb, mais également à Alep et dans le sud-est de la province de Deïr el-Zor. Les 11,7 millions de Syriens qui ont besoin d’aide humanitaire et les 5,7 millions de réfugiés doivent interpeller la « conscience humaine » quant à l’impérieuse nécessité de mettre un terme aux hostilités. Le représentant a salué l’arrivée d’un second convoi humanitaire dans le camp de Roukban, « le plus important de tous les temps » qui a permis d’aider 40 000 personnes. Il a insisté sur la zone de désescalade à Edleb.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a rappelé que le 22 février 2014, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 2139 sur la situation humanitaire en Syrie. À l’époque, a-t-il aussi rappelé, la Syrie avait mis en garde contre la politisation de l’action humanitaire et appelé une véritable lutte contre les terroristes. Aujourd’hui, a accusé le représentant, certains membres du Conseil de sécurité prétendent s’inquiéter de la situation humanitaire, « alors que leur gouvernement appui le terrorisme et maintient de manière illégitime des forces sur le territoire syrien ». Le colonel François-Régis Legrier, chargé de l’artillerie pour la coalition, a affirmé le représentant, aurait même dit, dans un article rédigé pour la Revue Défense Nationale, que ladite coalition avait « massivement détruit les infrastructures » et que l’ancien Président Barack Obama avait avoué qu’il lui faudrait 30 ans pour vaincre le terrorisme. L’objectif de la coalition n’était donc pas de combattre le terrorisme mais de s’accaparer des ressources de l’État syrien, de prolonger la guerre et de plonger la région dans un chaos inimaginable.
Le représentant a ensuite dénoncé les sanctions économiques imposées aux Syriens: « le terrorisme politique de ces États est assorti d’un terrorisme économique ». Il s’est demandé comment les porte-plumes humanitaires comptent faire leur travail sans chercher à coordonner leurs efforts avec les autorités syriennes. Il a par exemple affirmé que parmi les personnes décrites par la Belgique comme des réfugiés syriens, il y a des « milliers de terroristes étrangers et des membres de leur famille ». Beaucoup d’entre eux viennent d’ailleurs de la Belgique, de la Suède et d’autre pays européens. Le représentant a aussi relevé que son pays n’a jamais été invité à la Conférence de Bruxelles qui en est aujourd’hui à sa troisième édition. Nous voyons qu’il ne s’agit pas d’humanitaire mais de politique, a-t-il dénoncé. Il a par exemple indiqué qu’un employé de la BBC avait confirmé que les scènes filmées lors de la prétendue attaque à l’arme chimique dans un hôpital de Douma avaient été « fabriquées de toute pièce ». Le représentant s’est étonné de ces États qui prétendent s’inquiéter du terrorisme tout en refusant d’arrêter « l’instrumentalisation politique » de ce fléau et de faciliter le retour de leurs compatriotes qui ont rejoint le rang des terroristes en Syrie. Au lieu de cela, on les « bazarde » au plus bas prix comme dans les marchés aux esclaves de Daech.
Quant à la situation dans le camp de Roukban, « où de nombreux terroristes circulent », le représentant a indiqué qu’avec l’aide de la Fédération de Russie, son gouvernement a ouvert deux corridors humanitaires pour assurer le retour des civils vers les zones contrôlées par l’État. Il a espéré que cette initiative permettra de mettre fin à la « présence illégitime » des États-Unis. Il s’est aussi tourné vers la France pour qualifier de « catégoriquement faux » les propos selon lesquels la Syrie n’aurait répondu favorablement qu’à 40% des demandes de la communauté humanitaire. Il a en effet regretté que le rapport d’OCHA ne mentionne pas qu’en réalité, son pays a accepté toutes les demandes. L’expérience de mon pays aurait pu se répéter au Venezuela « où certains cherchent à faire du chantage humanitaire », a-t-il prévenu.