En cours au Siège de l'ONU

Assemblée générale: appui unanime à la Cour internationale de Justice face à la « crise de confiance » qui frappe le multilatéralisme

Soixante-treizième session,
24e & 25e séances plénières – matin & après-midi
AG/12082

Assemblée générale: appui unanime à la Cour internationale de Justice face à la « crise de confiance » qui frappe le multilatéralisme

Alors que son Président, le juge Abdulqawi A. Yusuf, a présenté, devant l’Assemblée générale, le dernier rapport de la Cour internationale de Justice (CIJ) pour la période du 1er août 2017 au 31 juillet 2018, « une période chargée et productive », tous les États ont salué son rôle, en particulier dans cette ère où les institutions internationales et le multilatéralisme sont confrontés à une crise de confiance.

Depuis le 1er août 2017, 17 affaires contentieuses ont été pendantes devant « l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies », alors qu’un certain nombre d’autres affaires ont été réglées.  La CIJ a aussi rendu quatre arrêts et 13 ordonnances, tout en étant saisie de cinq nouvelles affaires contentieuses.

Son Président a fait part de l’inquiétude de la Cour, laquelle croule sous le poids des affaires tout en faisant face à l’éventualité d’un déménagement du Palais de la Paix, son siège de La Haye, bientôt en travaux.  « La Cour n’a pas encore d’information sur les modalités de ce déménagement », a déploré le juge Yusuf, rappelant qu’il est important de disposer d’un plan de transition souple en cette période chargée.  Le manque d’information « crée une atmosphère d’incertitude qui n’est pas propice à l’exercice des fonctions judiciaires », a-t-il déploré.

Après que le juge Yusuf a décrit les activités menées et celles en cours, plusieurs délégations ont salué la diversité géographique des affaires qui illustre le caractère universel de la compétence de la Cour.  C’est aussi un signe que le multilatéralisme, mis à rude épreuve, reste le meilleur garant de la paix et de la sécurité internationales, s’est réjoui le Sénégal.  Face à la « crise de confiance » dans les institutions internationales, le rôle de la CIJ est plus que jamais important, a renchéri Singapour.  En cette période de défis pour le multilatéralisme, la CIJ demeure une institution essentielle pour la paix et l’ordre juridique internationaux, a ajouté la France.  Malgré les vents contraires, la CIJ incarne les principes de paix et de justice », a dit, à son tour, Chypre.

La Cour, a poursuivi le Gabon, « peut se féliciter qu’à ce jour, le sérieux de son travail constitue le socle sur lequel est arc boutée sa crédibilité ».  La représentation en son sein des différents systèmes juridiques, des langues et des cultures, contribue sans aucun doute à l’efficacité et à la qualité des décisions, a commenté la Belgique, tandis que d’autres saluaient le fait que 193 États sont parties au Statut de la Cour et que 73 États ont accepté sa juridiction obligatoire.

La mission de la Cour est de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les États et de donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes et les institutions spécialisées de l’Organisation des Nations Unies autorisés à le faire.  Au vu de cette double mission, la Gambie, au nom du Groupe des États d’Afrique, a salué l’efficacité et le professionnalisme avec lesquels la CIJ a traité de la requête de l’Assemblée générale sur les conséquences juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965. 

Le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a regretté que le Conseil de sécurité n’ait sollicité aucun avis consultatif de la Cour depuis 1970.  De toutes façons, ont noté des États dont la Libye, certains pays ne respectent pas les arrêts de la Cour.  Il a rappelé l’avis consultatif de 2004, resté lettre morte, sur l’illégalité du mur de séparation érigé par Israël.  Une affaire, ont professé les Pays-Bas, ne devrait jamais être présentée à la Cour sous le prétexte fallacieux d’un avis consultatif.  La saisine doit contenir une question générale de droit international et non une question sur l’application de ce droit à une situation particulière, ce qui est dans les faits un différend juridique entre des États.  La Cour, ont-t-il insisté, doit toujours s’assurer du consentement des parties et ce consentement ne peut exister que si les parties ont reconnu sa juridiction obligatoire. 

Ce cours de droit n’a pas empêché Cuba d’accuser les membres du Conseil de sécurité d’user de leur droit de veto pour faire obstacle aux arrêts de la Cour, ce qui montre les imperfections des mécanismes d’exécution des arrêts et pointe vers la nécessité d’une réforme pour protéger les pays en développement contre les grandes puissances, a prôné le pays.  L’Iran a justement demandé aux États-Unis de se ranger à l’ordonnance de la CIJ du 3 octobre par laquelle la Cour indique que ces derniers doivent, par les moyens de leur choix, supprimer toute entrave que les mesures annoncées le 8 mai 2018 mettent à la libre exportation vers l’Iran de certains biens et services qui sont énumérés. 

L’Ukraine a également accusé la Fédération de Russie qui « persiste à discriminer l’Assemblée des Tatars de Crimée, alors que dans sa décision du 19 avril 2017 les 15 juges de la CIJ avaient demandé au pays de ne plus imposer des limitations au droit de cette communauté à préserver ses institutions ». 

L’Assemblée générale reprendra ses travaux le vendredi 26 octobre à 10 heures pour examiner la question de l’espace comme moteur de développement durable.

RAPPORT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE (A/73/4 ET A/73/319)

L’Assemblée générale est saisie du rapport de la Cour internationale de Justice (A/73/4); et du rapport du Secrétaire général sur le Fonds d’affectation spéciale du Secrétaire général destiné à aider les États à porter leurs différends devant la Cour internationale de Justice (A/73/319) portant sur la période allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, durant laquelle le Fonds n’a reçu aucune demande, et des contributions ont été versées par la Suisse et la Finlande. 

Présentation du rapport

M. ABDULQAWI A. YUSUF, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a présenté son rapport A/73/4 qui couvre la période allant du 1er août 2017 au 31 juillet 2018, « une période chargée et productive », au cours de laquelle 17 affaires contentieuses ont été pendantes devant la CIJ, alors qu’un certain nombre d’autres affaires ont été réglées au cours de l’année. 

Au cours de la période du rapport, a expliqué le Président, la Cour a entendu six affaires, y compris les audiences sur les exceptions préliminaires soulevées par la France dans le cadre de l’affaire des « Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France) ».  Elle a aussi entendu les parties impliquées dans le différend concernant l’obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).  En juin et août derniers, la CIJ a entendu les arguments oraux des parties sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Qatar au sujet de l’affaire relative à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Émirats arabes unis).  Elle a également entendu les parties sur l’affaire des violations alléguées du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique).

Depuis le 1er août 2017, la CIJ a rendu quatre arrêts.  Le 2 février 2018, elle a rendu deux arrêts sur le fond, le premier portant sur la fixation du montant de l’indemnisation due par le Nicaragua au Costa Rica, et le second sur la délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua).  La CIJ a fixé le total de la somme due par le Nicaragua au Costa Rica au 2 avril 2018 à 378 890,59 dollars. 

Au sujet de l’affaire de la « délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique » (Costa Rica c. Nicaragua), a poursuivi M. Yusuf, la Cour a reconnu la souveraineté du Costa Rica sur toute la partie septentrionale d’Isla Portillos, y compris sa côte jusqu’au point où la rive droite du fleuve San Juan rejoint la laisse de basse mer de la côte de la mer des Caraïbes, à l’exception de la lagune de Harbor Head et du cordon littoral qui sépare cette dernière de la mer des Caraïbes, sur lesquels la souveraineté est nicaraguayenne à l’intérieur de la frontière définie au paragraphe 73 de l’arrêt.  Le 14 février, le Nicaragua a informé la Cour qu’il avait démantelé son camp militaire du territoire du Costa Rica. 

Le troisième arrêt de la Cour, rendu le 6 juin 2018, portait sur les exceptions préliminaires soulevées par la France dans le cadre de l’affaire des « Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France) ».  Pour rappel, le 13 juin 2016, la Guinée équatoriale a déposé une requête introductive d’instance contre la France au sujet d’un différend ayant trait à « l’immunité de juridiction pénale du second Vice-Président de la République de Guinée équatoriale chargé de la défense et de la sécurité de l’État, M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, ainsi qu’au statut juridique de l’immeuble qui abrite l’ambassade de Guinée équatoriale en France ».  Le 31 mars 2017, la France avait soulevé trois exceptions préliminaires à la compétence de la Cour.  La Cour a rejeté à l’unanimité la demande de la France tendant à ce que l’affaire soit rayée du rôle; et a indiqué, à titre provisoire, que la France doit, dans l’attente d’une décision finale en l’affaire, prendre toutes les mesures dont elle dispose pour que les locaux présentés comme abritant la mission diplomatique de la Guinée équatoriale, au 42 avenue Foch, à Paris, jouissent d’un traitement équivalent à celui requis par l’article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, de manière à assurer leur inviolabilité.

Le quatrième arrêt de la Cour a été rendu le 1er octobre 2018 quand elle a tranché au fond l’affaire relative à l’obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).  Le 24 avril 2013, l’État plurinational de Bolivie a déposé une requête introductive d’instance contre le Chili au sujet d’un différend ayant trait à « l’obligation du Chili de négocier de bonne foi et de manière effective avec la Bolivie en vue de parvenir à un accord assurant à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique ».  La Cour a ainsi conclu, le 1er octobre, que le Chili n’avait pas contracté d’obligation juridique de négocier l’accès souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique.  Elle a cependant ajouté que sa conclusion ne devait pas être comprise comme empêchant les parties de poursuivre leur dialogue et leurs échanges dans un esprit de bon voisinage, afin de traiter les questions relatives à l’enclavement de la Bolivie, dont la solution était considérée par l’une et l’autre comme relevant de leur intérêt mutuel.

Le juge a ensuite évoqué trois ordonnances qui ne sont pas de nature procédurale et que la Cour a rendues au cours de la période considérée.  Dans son ordonnance en date du 15 novembre 2017, la Cour a dit que la première et la deuxième demandes reconventionnelles présentées par la Colombie étaient irrecevables comme telles et ne faisaient pas partie de l’instance en cours, et que la troisième et la quatrième demandes reconventionnelles présentées par la Colombie étaient recevables comme telles et faisaient partie de l’instance en cours. 

Le 23 juillet 2018, la Cour a rendu son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires, demandant ainsi, entre autres, que « les familles qataro-émiriennes séparées par suite des mesures adoptées par les Émirats arabes unis le 5 juin 2017 soient réunies »; et que « les Qatariens affectés par les mesures adoptées par les Émirats arabes unis le 5 juin 2017 puissent avoir accès aux tribunaux et autres organes judiciaires de cet État ».

Le 3 octobre enfin, la Cour a rendu une troisième ordonnance en indication de mesures conservatoires, dans l’affaire « des violations alléguées du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique).  Le 16 juillet 2018, l’Iran avait déposé une requête introductive d’instance contre les États-Unis au sujet d’un différend concernant des violations alléguées du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires signé par les deux États à Téhéran le 15 août 1955 et entré en vigueur le 16 juin 1957.  L’Iran a indiqué que sa requête portait sur la décision prise le 8 mai 2018 par les États-Unis de rétablir pleinement et de faire appliquer un ensemble de sanctions et de mesures restrictives la visant, directement ou indirectement, ainsi que les ressortissants et sociétés iraniennes.  Des mesures que les autorités américaines avaient auparavant décidé de lever dans le cadre du Plan d’action global commun, l’accord sur le programme nucléaire iranien, conclu le 14 juillet 2015 par l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, l’Allemagne et l’Union européenne.  L’Iran avait également introduit, le 16 juillet dernier, une demande en indication de mesures conservatoires.

C’est dans ce contexte, a expliqué le Président, qu’il faut comprendre l’ordonnance de la CIJ du 3 octobre par laquelle la Cour indique que « les États-Unis doivent, par les moyens de leur choix, supprimer toute entrave que les mesures annoncées le 8 mai 2018 mettent à la libre exportation vers le territoire de la République islamique d’Iran de médicaments et de matériel médical; de denrées alimentaires et de produits agricole; et de pièces détachées, des équipements et des services connexes nécessaires à la sécurité de l’aviation civile ».  Les États-Unis doivent également veiller à ce que, s’agissant des biens et services visés, les permis et autorisations nécessaires soient accordés et à ce que les paiements et autres transferts de fonds ne soient soumis à aucune restriction.  De plus, les deux parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie, ou d’en rendre la solution plus difficile. 

Le 28 septembre dernier, a continué M. Yusuf, l’État de Palestine a engagé une procédure contre les États-Unis au sujet de la violation de la Convention de Vienne de 1961.  Pour rappel, cet État avait déposé au Greffe de la Cour, le 4 juillet 2018, une déclaration ainsi libellée: « L’État de Palestine déclare par la présente qu’il accepte avec effet immédiat la juridiction de la Cour internationale de Justice pour tous différends nés ou à naître relevant de l’article premier du Protocole de signature facultative à la Convention de Vienne, sur les relations diplomatiques, concernant le règlement obligatoire des différends (1961), auquel l’État de Palestine a adhéré le 22 mars 2018. »

Le Président de la Cour a par ailleurs noté que la CIJ a décidé que ses membres ne pourront désormais prendre part qu’aux arbitrages impliquant plusieurs États.  Néanmoins, un juge ne peut prendre part à plus d’une procédure d’arbitrage et il ne peut non plus intervenir dans un arbitrage impliquant un État qui aurait une autre affaire pendante devant la Cour.

Par ailleurs, le Président de la CIJ a fait part de l’inquiétude de la Cour devant l’éventualité d’un déménagement du Palais de la Paix qui devra faire l’objet de travaux de rénovation par le pays hôte, notamment à cause d’une contamination à l’amiante.  « La Cour n’a pas encore d’information sur les modalités de ce déménagement », a déploré le juge Yusuf, en rappelant qu’il est important d’avoir un plan de transition souple en cette période chargée.  Le manque d’information « crée une atmosphère d’incertitude qui n’est pas propice à l’exercice de ses fonctions judiciaires », a-t-il conclu.

Déclarations

S’exprimant au nom du Groupe de Visegrad (Slovaquie, République tchèque, Hongrie et Pologne), M. METOD ŠPAČEK, Directeur du Département du droit international au Ministère des affaires étrangères et européennes de la Slovaquie, a souligné le rôle irremplaçable de la Cour internationale de Justice (CIJ), principal organe judiciaire des Nations Unies, dans le règlement pacifique des différends entre États.  Le nombre croissant d’États soumettant leurs différends à la juridiction de la Cour reflète leur confiance en elle, a-t-il dit.  Durant la période examinée, cinq affaires ont été soumises à la Cour et quatre jugements et plusieurs ordonnances ont été délivrés, ce qui témoigne de son intégrité et de son efficacité pour ce qui est de rendre la justice internationale.  Les pays du Groupe de Visegrad apprécient la remarquable contribution à long terme de la CIJ à la prévention des conflits et à la promotion de relations amicales entre États. 

M. Špaček a ensuite abordé deux sujets inséparables à son sens: l’élargissement de l’acceptation de la juridiction de la CIJ; et l’énorme contribution de la CIJ au renforcement de l’état de droit au niveau international.  S’agissant du premier, il a rappelé que le Statut de la Cour offre aux États plusieurs moyens d’accepter sa juridiction et qu’à présent, 73 sur les 193 États parties acceptent la juridiction obligatoire en vertu de l’article 36, paragraphe 2 du Statut.  Des arrangements spéciaux de soumission des différends constituent un autre moyen d’acceptation et ceux-ci ne doivent pas être sous-estimés. 

La volonté des États de soumettre leurs différends doit aller de pair avec leur volonté d’appliquer, en toute bonne foi, les décisions de la Cour, a encore indiqué le représentant, estimant que ce n’est qu’après leur mise en œuvre que les jugements et ordonnances garantissent que le système de justice internationale est pleinement efficace.

S’agissant de la contribution de la CIJ au renforcement de l’état de droit, M. Spacek a fait valoir que les 17 affaires dont elle est saisie couvrent plusieurs sujets du droit international, notamment des questions maritimes, territoriales et environnementales, des questions relatives aux droits de l’homme, aux immunités des États, ou encore à l’interprétation des traités.  Ce large éventail, conjugué avec la variété des régions concernées, est une manifestation du caractère universel de la Cour et du rôle indispensable de la noble mission des Nations Unies de maintien de l’ordre juridique international, a-t-il conclu. 

M. SAMUEL MONCADA (Venezuela), au nom du Mouvement des pays non alignés, a indiqué que ses États membres ont décidé d’optimiser leurs efforts pour poser de nouveaux jalons en vue d’atteindre « le plein respect du droit international ».  Il a mis l’accent sur le rôle de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans le règlement pacifique des différends, conformément aux dispositions pertinentes de la Charte et du Statut de la Cour, en particulier les articles 33 et 94 de la Charte. 

Compte tenu du fait que le Conseil de sécurité n’a sollicité aucun avis consultatif de la Cour depuis 1970, le Mouvement des pays non alignés exhorte le Conseil à se servir davantage de la Cour en tant que source chargée d’interpréter le droit international, notamment sur des sujets polémiques, et à envisager que celle-ci examine ses décisions.  Le Mouvement invite également l’Assemblée générale, d’autres organes et institutions autorisés par la Charte, à solliciter l’avis consultatif de la CIJ sur des questions juridiques qui surgissent dans le cadre de leurs activités respectives. 

Le représentant a, en outre, réaffirmé l’importance de l’avis consultatif de la CIJ, en date du 8 juillet 1996, sur la « légalité de la menace ou l’emploi d’armes nucléaires » par lequel elle avait déterminé qu’il existe une obligation de poursuivre, en toute bonne foi, et de conclure les négociations visant au désarmement nucléaire sous tous ses aspects sous un contrôle international strict et effectif. 

Enfin, M. Moncada a lancé un appel à Israël, la Puissance occupante, à pleinement respecter l’avis consultatif de la CIJ en date du 9 juillet 2004 sur les conséquences juridiques de la construction d’un mur sur le territoire palestinien occupé.  Il a également demandé à tous les États de respecter les dispositions figurant dans cet avis, pour mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967, et établir un État de Palestine indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale. 

Prenant la parole au nom de la Communauté des pays lusophones, M. JOSÉ LUIS FIALHO ROCHA (Cabo Verde) a rappelé à son tour que la CIJ était la seule juridiction internationale de caractère universel à compétence générale.  À ce titre, elle assume d’importantes responsabilités au sein de la communauté internationale et joue un rôle fondamental dans le règlement des différends entre États et le renforcement de l’état de droit international.  Ce faisant, elle évite que des désaccords entre États conduisent à une éruption de violence.  Le taux élevé de respect de ses jugements au fil de son histoire est très encourageant.  Le représentant y a vu une preuve de la confiance des États en son indépendance et impartialité. 

Le représentant a noté le surcroît de travail et le large éventail de sujets traités par la CIJ, ce qui confirme son succès, bien que les affaires devant elle proviennent du monde entier et soient juridiquement complexes.  Cela réaffirme l’universalité de la Cour, l’élargissement de la portée de ses travaux et sa spécialisation grandissante, a-t-il déclaré, ajoutant que la CIJ déploie des « efforts impressionnants » pour faire face au niveau très élevé d’activités.  Partant, il a jugé indispensable que les États Membres admettent la nécessité de lui fournir des ressources adéquates. 

M. Fialho Rocha a souligné la contribution de la CIJ au développement du droit international, en particulier en ce qui concerne l’usage de la force, la délimitation des frontières maritimes, l’autodétermination, et l’immunité des États et de leurs agents.  Ses jugements et avis consultatifs ont en outre inspiré les décisions des organes internationaux, a-t-il encore relevé, louant au passage le fait que la CIJ prend en considération le travail d’autres juridictions internationales.  Cette tendance positive gagnerait à être encouragée, a-t-il commenté, puisqu’elle promeut plus de cohérence au sein du système international.  À cet égard, la Communauté des pays lusophones est convaincue que les juridictions internationales devraient coopérer dans l’amélioration de l’ordre juridique international par le biais du dialogue et de la « fertilisation mutuelle ». 

Reconnaissant « la tension fréquente entre droit et pouvoir », le représentant de Cabo Verde a admis la difficulté qu’il y a de trouver un juste équilibre entre l’obligation qu’ont les États de régler leurs différends de façon pacifique, d’une part, et la nécessité d’un consentement souverain pour recourir à de tels mécanismes, d’une autre.

S’exprimant au nom du Canada et de la Nouvelle-Zélande, Mme MARIE-CHARLOTTE MCKENNA  (Australie) a noté l’augmentation « considérable », depuis 20 ans, du nombre d’affaires présentées devant la CIJ, ce qui reflète la confiance des États Membres sur le rôle de la Cour dans le règlement pacifique des différends.  L’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont accepté la juridiction obligatoire de la Cour, a rappelé le représentant, en appelant les États qui ne l’ont pas encore fait à soumettre une déclaration en ce sens.

Prenant acte des efforts déployés par la Cour pour traiter les affaires en cours, Mme McKenna a encouragé la Cour à répondre rapidement et de façon appropriée aux situations urgentes qui requièrent son attention.

M. AMADOU JAITEH (Gambie), s’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, a indiqué que le principe de prévention avait été relevé dans l’avis consultatif de la CIJ relatif à l’utilisation ou la menace d’utilisation d’arme nucléaire.  Le Groupe des États d’Afrique insiste sur le fait qu’un avis unanime de la CIJ en date du 8 juillet 1996 avait conclu qu’il existe une obligation de poursuivre de bonne foi, et de parvenir à, une conclusion sur des négociations visant le désarmement nucléaire sous tous ses aspects.  Ce sujet est important pour l’Afrique qui est une zone exempte d’arme nucléaire, a indiqué le délégué.

Le Groupe note que la Cour a rejeté les trois affaires présentées par les Îles Marshall sur les « obligations concernant les négociations relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire ».  M. Jaiteh a tout de même souligné que ces arrêts ont été pris par des décisions serrées.

Les États d’Afrique saluent l’efficacité et le professionnalisme avec lesquels la CIJ a traité de la requête de l’Assemblée générale, en vertu de la résolution 71/292, par laquelle elle demandait un avis consultatif de la Cour sur les conséquences juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965.  Le Groupe se félicite notamment que la CIJ ait permis à l’Union africaine de prendre part aux débats sur cette question.

Après avoir salué la contribution de la CIJ au règlement pacifique des différends internationaux, M. MASAHIRO MIKAMI (Japon) a déclaré que l’état de droit et les relations internationales fondés sur des règles constituent le fondement de la politique étrangère de son pays.  Le Japon, a rappelé le représentant, a récemment accueilli le sommet de l’Organisation juridique consultative pour les pays d’Asie et d’Afrique (AALCO).  Au cours des discussions, les participants ont souligné l’augmentation significative du nombre de différends soumis à la Cour depuis 1991. 

Plus de 300 traités bilatéraux et multilatéraux reconnaissent la compétence de la CIJ pour le règlement des différends découlant de l’interprétation des traités, a indiqué M. Mikami.  Toutefois, seuls huit États de la région Asie-Pacifique, sur un total de 73, ont fait une déclaration reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour.  La communauté internationale dispose aujourd’hui de plusieurs instances de règlement pacifique des différends, telles le Tribunal international du droit de la mer et le système de l’Organisation mondiale du commerce, a-t-il noté, en encourageant les juridictions internationales à assurer la « cohérence » de la jurisprudence afin d’éviter la fragmentation du droit international. 

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a rappelé que les Nations Unies ont été créées pour préserver les générations futures du fléau de la guerre, et que l’un de leurs buts consiste à faire respecter les principes de la justice et du droit international.  La CIJ, en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation, joue dès lors un rôle fondamental, en particulier dans la prévention des conflits.  Le représentant a insisté sur le rôle de la CIJ dans le renforcement du droit international et de l’état de droit sans lesquels toutes les activités entreprises sous l’égide de l’ONU « n’auraient aucun sens », que ce soit dans les domaines de la paix et la sécurité, du développement durable ou des droits de l’homme.  Ainsi, ses avis consultatifs et ses jugements sont fondamentaux pour affermir l’engagement de la communauté internationale en faveur de la primauté du droit.

D’après le Soudan, le rapport annuel de la CIJ, et le nombre de différends qui lui ont été soumis, montrent l’importance accordée par les États parties au travail effectué dans le Palais de la Paix.  M. Mohamed a invité les États à appuyer davantage la Cour, en lui apportant notamment des ressources supplémentaires pour qu’elle soit en mesure de bien s’acquitter de sa mission. Il a aussi encouragé la Cour à persévérer dans ses mesures visant à l’amélioration des qualifications de son personnel et à faire face au fardeau croissant de ses responsabilités, notamment en ce qui concerne la durée de l’examen des affaires.

Le Soudan a par ailleurs prié l’Assemblée générale de demander aux États qui n’ont pas encore accepté la juridiction obligatoire de la CIJ d’appréhender positivement cette question.  Il a aussi prié le Conseil de sécurité, qui n’a pas requis d’avis consultatif de la Cour depuis 1970, d’envisager de le faire.

L’ONU, et le Conseil de sécurité en particulier, doivent promouvoir le règlement pacifique des différends, comme le prévoit le Chapitre VI de la Charte, a déclaré M. FRANCISCO TENYA (Pérou).  Fort de son expérience devant la CIJ, le Pérou a témoigné de son efficacité en rappelant la décision relative à sa frontière maritime avec le Chili, et son application par les deux pays dans un esprit de bon voisinage.  Il a également renvoyé au rôle de la Cour en vertu de l’article 96 de la Charte sur les avis consultatifs que l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité, et d’autres organes et institutions spécialisés autorisés, peuvent demander à la Cour.

M. Tenya a noté que l’Assemblée générale avait à nouveau prié les États ne l’ayant pas encore fait d’envisager la possibilité de reconnaître la juridiction obligatoire de la Cour, comme l’ont fait le Pérou et 72 autres États.  Il a loué le travail des juges, du Président et de la Vice-Présidente, de même que le personnel du Secrétariat, avant d’appeler l’Assemblée à continuer à examiner les besoins de cet organe en prenant en considération ses activités actuelles, qui sont particulièrement denses, ce qui explique aussi son prestige et la nature universelle de sa compétence.  Il a signalé la présence de l’Amérique latine parmi les juges de la CIJ qui compte des magistrats de toutes les régions du monde.  Enfin, le représentant a encouragé à poursuivre la réflexion sur les voies et moyens de répondre à la surcharge de travail de la Cour. 

Face à la « crise de confiance » envers le multilatéralisme et les institutions internationales, M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a jugé le rôle de la CIJ plus important que jamais.  Dans ce contexte, le respect de règles agréées par l’ensemble des États revêt une importance particulière pour les petites nations comme Singapour.  Le délégué a encouragé la Cour à poursuivre son action en faveur de la promotion et du renforcement de l’état de droit, y compris le règlement pacifique des différends.

Singapour a informé la Cour de son accord avec les deux requêtes de suspension des procédures présentées en 2017 par la Malaisie, a rappelé M. Gafoor, en saluant le fait que les parties ont accepté de suivre les processus juridiques afin de régler leurs différends de manière amicale.  Enfin, il a salué les efforts déployés par la CIJ pour améliorer le contenu de son site Internet, permettant ainsi la diffusion de ses audiences dans le monde entier. 

La CIJ enregistre un nombre de plaintes toujours plus conséquent et sa masse de travail atteint un point critique, a reconnu Mme ALINA OROSAN, Ministre des affaires étrangères de la Roumanie.  Néanmoins, a-t-elle noté, il est aussi bon signe pour la Cour qu’un nombre toujours plus grand d’États y fassent appel.  Les affaires portées devant la Cour sont très complexes et sensibles, c’est donc un gage de confiance de la part des États que de faire appel à la CIJ, a estimé Mme Orosan.  Elle a rappelé que c’étaient les États Membres qui, avec leur consentement, donnaient à la Cour son pouvoir, et que ces mêmes États, en veillant à ce que ses décisions soient respectées, agissaient dans la logique de la Charte et dans la même ligne que celle des Nations Unies. 

Pour sa part, la Roumanie a fait « une impressionnante volte-face » vis-à-vis de la CIJ.  À l’époque du communisme, a expliqué la Ministre, le pays était résolument contre, jusqu’en 2015 quand il a déposé une déclaration d’acceptation de la juridiction souveraine de la CIJ, reconnaissant son autorité.  « La Cour n’est pas un élément décoratif », mais un organe central de promotion du droit international, un pilier fondamental de la paix et de bon voisinage à travers le monde, a conclu Mme Orosan.

M. MOHAMED A. M. NFATI (Libye) a déploré le fait que certains États ne respectent pas les arrêts de la Cour, faisant ainsi obstacle au rôle de la Cour.  Il a rappelé ainsi que dans un avis consultatif, la Cour avait estimé en 2004 que le mur de séparation construit par Israël était une violation du droit international.  La CIJ avait ainsi demandé au Conseil de sécurité de prendre des mesures appropriées en vertu de la Charte des Nations Unies.  Il a regretté que le Conseil n’ait jamais pris ces mesures. 

Le représentant a en outre rappelé que la Libye a déjà comparu plusieurs fois devant la CIJ et que le pays a toujours respecté ses arrêts, « même quand ceux-ci allaient contre ses intérêts ».   

2018 marque le soixantième anniversaire de l’acceptation par son pays de la juridiction obligatoire de la Cour, a signalé M. PAUL RIETJENS, Directeur général des affaires juridiques auprès du Ministère des affaires étrangères de la Belgique.  Il a souhaité encourager tous les États qui ne l’auraient pas encore fait à accepter cette juridiction, et lancé un appel à tous les États pour qu’ils continuent de l’accepter dans le cadre de traités spécifiques, bilatéraux et multilatéraux, qui ont désigné la Cour comme l’instrument principal pour régler les différends au sujet desdits traités.

Commentant le rapport annuel de la CIJ, le représentant a constaté que la charge de travail est en augmentation constante avec pas moins de 17 affaires pendantes à l’heure actuelle.  Cette activité intense témoigne de la confiance que les États lui accordent et de leur intérêt pour trouver une solution juridique et pacifique à leurs différends.  Il a aussi souligné que, tant par ses arrêts que par ses avis consultatifs, dont le nombre a significativement augmenté au cours des années, la Cour contribue de manière substantielle à l’application, l’interprétation et la précision du droit international.

Compte tenu de la portée « considérable » de sa jurisprudence et de sa contribution à la détermination et au développement du droit international, la Belgique a encouragé les États et les organismes internationaux à continuer d’inclure dans les futurs traités multilatéraux des dispositions reconnaissant la compétence de la CIJ pour les différends liés à l’application ou à l’interprétation de ces traités.  La représentation, en son sein, des différents systèmes juridiques, des langues et des cultures, contribue sans aucun doute à l’efficacité et à la qualité des décisions, a commenté M. Rietjens, qui a conclu que la Cour ne peut être véritablement efficace que si ses arrêts, avis et ordonnances sont respectés. 

M. ALEJANDRO ALDAY (Mexique) a fait remarquer que le monde est à présent confronté à des défis qui mettent à mal l’état de droit et érodent le multilatéralisme, comme les changements climatiques, les conflits armés, le terrorisme et les violations des droits de l’homme.  Face à une telle réalité, la force des institutions mondiales et du droit international demeure fondamentale.  « Le travail de la Cour internationale de Justice ne saurait être perçu comme un thème de plus à l’ordre du jour de l’Assemblée générale », a-t-il déclaré, insistant que cet organe et la valeur de ses accomplissements doivent être au centre de l’attention.  Le rapport présenté par le Président de la CIJ montre sa solidité et met l’accent sur sa pertinence dans le maintien de la paix et la sécurité internationales. 

Le représentant a rappelé que pour la seule décennie écoulée, la CIJ a été saisie de plus de 20 nouvelles affaires contentieuses émanant d’États de toutes les régions et que l’on a aussi eu recours à ses avis consultatifs.  Il a relevé la diversité des sujets traités, différends territoriaux sur terre et sur mer ou immunités des fonctionnaires étatiques, ainsi que la diversité des sources du droit invoquées et analysées.  Il a regretté que certains États cherchent cependant à recourir à d’autres mécanismes pour éviter de se soumettre à la juridiction de la Cour.  De plus, la non-application du principe de responsabilité est toujours préjudiciable à l’état de droit et risque de générer d’autres différends. 

En somme, a résumé M. Alday, l’efficacité de la Cour est tributaire de la mise en œuvre de ses avis et décisions.  Reconnaissant qu’il s’agit là d’un sujet délicat pour le Mexique, il a rappelé qu’en 2003, pour la première fois, son pays avait eu recours à la CIJ dans l’affaire Avena pour résoudre, de bonne foi, un différend résultant d’une violation de l’Article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires au sujet de 51 cas de Mexicains condamnés à la peine de mort par plusieurs tribunaux des États-Unis.  Avec une sentence favorable émise le 31 mars 2004, cela fait maintenant quinze ans que l’on attend l’application de l’avis de la Cour.  Il a aussi signalé que durant ces années, José Ernesto Medellin Roja, en 2008, Humberto Leal Garcia, en 2011, Edgar Tamayo Arias, Ramiro Hernandez Llanas, en 2014, et Ruben Cardenas Ramirez en 2017, normalement protégés par l’avis de la CIJ, ont été exécutés.  Chacune de ces exécutions constitue une violation supplémentaire du droit international », a-t-il commenté, en exhortant à ce que cela ne devienne pas le cas de Roberto Ramos Moreno dont l’exécution est programmée pour le 14 novembre.   

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a regretté le fait que certains arrêts de la CIJ restent lettre morte, en violation flagrante de l’Article 94 de la Charte des Nations Unies qui dispose que « chaque Membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie ».  Elle a souligné que l’efficacité et la mise en œuvre de certains arrêts de la Cour sont sujets à critique, non sans raison, alors que certains pays ne reconnaissent pas toujours des arrêts qui ne leur sont pas favorables.  Elle a évoqué le refus de ces pays d’appliquer les arrêts de la Cour, y compris en faisant obstacle aux mécanismes dont disposent les Nations Unies pour appliquer ces arrêts, en faisant valoir leur droit de veto au Conseil de sécurité.  Pour Cuba, cela montre à suffisance les imperfections des mécanismes d’exécution des arrêts de la Cour, et cela invite à reformer le système des Nations Unies et la CIJ, en vue de donner davantage de garanties aux pays en développement face aux nations puissantes.

Cuba attache une importance spéciale aux avis consultatifs de la CIJ, y compris celui du 9 juillet 2004 relatif aux « conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé ».  Pour cette raison, Cuba demande que cet avis consultatif soit pleinement respecté et invite tous les États à respecter et assurer le respect des dispositions de la Cour sur cette question, a conclu la représentante. 

M. XU HONG (Chine) a souligné que la charge de travail de la Cour a cru récemment, attestant de la confiance dont elle jouit.  Il a invité la CIJ à statuer dans le strict respect du droit et à veiller à préserver sa réputation.  Elle doit être dotée de ressources suffisantes, d’autant que sa charge de travail est très importante, a-t-il dit, en prenant note des difficultés financières rencontrées par la Cour.

« Membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine va continuer d’appuyer la Cour. »  Pointant « le grave défi actuel de l’unilatéralisme », le délégué chinois a enfin assuré de la détermination de son pays à préserver le droit international et la Charte des Nations Unies.

« La Cour internationale de justice (CIJ) reste une composante essentielle d’un ordre international basé sur le multilatéralisme et demeure un maillon fondamental dans la promotion des relations amicales entre les États », a déclaré M. YOUSSEF HITTI (Liban).  La CIJ est un élément majeur de sauvegarde du droit international et ce, à la fois à travers sa fonction contentieuse mais aussi consultative.  « La Cour donne vie à des règles juridiques, prouvant que celles-ci ne peuvent être réduites à des concepts abstraits », a ajouté le représentant en saluant notamment le bilinguisme de la Cour.

Le français et l’anglais, les deux langues officielles de la Cour, reflètent une tradition, une culture et un système juridiques, a précisé M. Hitti pour qui leur emploi équilibré a un impact sur la jurisprudence de la Cour.  Et de paraphraser le Professeur Alain Pellet pour qui le bilinguisme est « un gage de meilleure justice plus authentiquement internationale et de ce fait, sans doute plus acceptable pour tous les justiciables particuliers que sont les États souverains ».

M. Hitti a aussi évoqué la diversité géographique des États recourant à la Cour, ce qui « illustre sa prééminence et assoit un peu plus son caractère universel », ainsi que la palette variée de domaines couverts.  Un exemple récent est la reconnaissance, inédite, dans l’arrêt Costa Rica c. Nicaragua du 2 février 2018, du droit à la réparation des dommages causés à l’environnement.  Le représentant a aussi relevé que la charge de travail sans cesse grandissante n’empêche pas la Cour de statuer dans un « délai raisonnable » qui n’excède pas six mois entre la clôture de la procédure orale et la lecture d’un arrêt ou d’un avis consultatif.  

M. GEORGE RODRIGO BANDEIRA GALINDO (Brésil) a estimé que la présentation du rapport annuel de la CIJ est l’occasion unique d’évaluer ce que le droit international est capable de faire pour apaiser les tensions et promouvoir un monde plus pacifique.  En améliorant le dialogue dans la langue du droit international, la CIJ devient un instrument efficace de la diplomatie préventive.  Le représentant a rappelé l’importance accordée par le Secrétaire général au volet prévention, lequel est inextricablement lié au règlement pacifique des différends.  La CIJ est au cœur de ces efforts.  Elle est plus qu’un simple moyen énoncé dans le Chapitre VI de la Charte: elle est le principal organe judiciaire des Nations Unies et la seule Cour internationale à caractère universel et à compétence générale.

Le dernier rapport est un autre chapitre de l’histoire de la Cour: quatre jugements, 13 arrêts et cinq nouvelles affaires, tandis que celles en cours englobent des États de quatre continents dont six d’Afrique, sept des Amériques, six d’Asie et cinq d’Europe.  Après avoir évoqué la charge croissante de travail et la variété des sujets abordés, preuves de la vitalité renouvelée de cet organe et de son rôle universel dans la promotion de la justice, le représentant a salué les activités de proximité qui rapproche la CIJ d’une série d’audiences et contribuent à propager le droit international.  Il a, en particulier, souligné le programme de stages ainsi que la participation à des manifestations organisées par des universités. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a déclaré, qu’en tant que pays qui a réglé les questions de la délimitation des frontières maritimes par des voix juridiques et pacifiques, son pays suit avec intérêt le travail de la CIJ sur les différends territoriaux et maritimes ainsi que sur la conservation des ressources vivantes et naturelles.  Côtier de l’Océan indien, le Bangladesh voit aussi un intérêt particulier dans l’avis consultatif que la Cour donnera, à la demande de l’Assemblée générale, sur l’Archipel des Chagos.  Tous les ans, a rappelé le représentant, le Bangladesh se porte coauteur de la résolution sur le suivi de l’avis consultatif relatif à la légalité des armes nucléaires.  Il a conclu en encourageant la Cour à examiner les candidatures des stagiaires issus des pays en développement et en remerciant la Suisse pour avoir versé cette année des contributions volontaires au Fonds d’affection du Secrétaire général destiné à aider les États à s’acquitter des dépenses découlant de la saisine de la Cour.

Mme MARIANA DURNEY (Chili) a dit avoir suivi de près les activités de la Cour durant la période examinée, lesquelles révèlent des thèmes chaque fois plus divers et plus complexes du droit international.  Tous ces sujets sont le reflet d’une communauté d’États ouverte aux décisions de la CIJ.  Mme Durney a mentionné la décision définitive de la Cour sur une affaire concernant le Chili, qui est également partie à une affaire en suspens.  Le Chili a participé aux procédures en réaffirmant, à chaque étape, son attachement au droit international et aux relations pacifiques entre États.  La politique étrangère chilienne repose en effet sur le renforcement du droit international, en tant que cadre de coopération et d’édification de la communauté des États.  Le droit international apporte des éléments fondamentaux à la coexistence et au règlement pacifique des différends. Dans ce contexte, Mme Durney a mis en exergue le rôle essentiel des traités internationaux.

La représentante a aussi noté les efforts de la Cour pour accélérer le traitement des dossiers, ce qui a des avantages pratiques en termes de coûts tant pour la Cour que pour les États.  Le rapport met aussi en lumière les efforts de proximité de la Cour, en particulier avec le public, les étudiants, les universitaires, les magistrats, les avocats et autres communautés intéressées, s’est réjouie la représentante.

M. SIDHARTHA FRANCISCO MARIN ARÁUZ (Nicaragua) a remarqué que trois des quatre cas énumérés par le Président de la CIJ concernaient le Nicaragua, ce qui témoigne de l’engagement de son Gouvernement à respecter le droit international et à promouvoir l’état de droit dans toutes les affaires auxquelles il est partie.  Le Nicaragua participe également aux sessions orales de la Cour, a dit le représentant, qui a attiré l’attention sur un point du rapport du Président qui mentionne une augmentation des travaux, avec notamment des demandes de mesures provisoires qui viennent s’ajouter aux procédures en cours.  Il faut tenir compte de cette surcharge de travail au moment d’élaborer le budget de la CIJ, a estimé le représentant.

M. VISHNU DUTT SHARMA (Inde) a noté la nature variée et le nombre élevé d’affaires pendantes devant la CIJ, estimant que le fait que les questions touchent quatre continents traduit le caractère universel de la Cour.  Il a salué la Cour pour avoir adapté ses méthodes de travail.  Il a également salué le fait que la Cour veille à une large diffusion des décisions qu’elle prend, ce qui constitue une source d’informations pour les États qui veulent par exemple évoquer sa jurisprudence. 

M. RODRIGO ALBERTO CARAZO ZELEDÓN (Costa Rica) a, à son tour, mis en avant l’intense activité de la Cour et la diversité des affaires sur plusieurs continents.  Il a en particulier évoqué l’avis consultatif que l’Assemblée sollicitera sur les conséquences juridiques de la séparation de l’archipel de Maurice en 1965.  La solution pacifique des différends internationaux est un objectif essentiel des Nations Unies, a-t-il encore noté, en insistant sur le rôle de la CIJ dans le maintien de la paix et la sécurité internationales et la promotion de l’état de droit au niveau international.  Pour cette raison, il est de la responsabilité de l’ONU et des États d’appuyer la Cour et cela exige que l’ONU veille à ce qu’elle puisse continuer à traiter de façon efficace et objective, avec une indépendance absolue du point de vue juridique et des procédures, les affaires dont elle est saisie, tout en lui garantissant les ressources budgétaires nécessaires.

Le représentant costaricien a également insisté pour que l’ONU envisage des moyens pour le suivi des décisions judiciaires.  Il a reconnu par ailleurs le rôle que la CIJ pourrait jouer dans la réalisation des objectifs de développement durable car c’est un organe qui a réussi à prévenir l’usage de la force, à défendre les droits des peuples à l’autodétermination, à plaider pour la préservation de l’environnement et à reconnaître et éviter de futures violations des droits de l’homme.  Le Costa Rica, qui accepte la juridiction obligatoire de la Cour depuis 1973, a invité tous les États à faire de même. 

Selon M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), il est indéniable que la Cour remplit pleinement son rôle d’instrument privilégié au service de la paix et de la sécurité internationales que lui confère le chapitre II de son Statut.  Ainsi, « la Cour peut se féliciter qu’à ce jour, le sérieux de son travail constitue le socle sur lequel est arc-boutée sa crédibilité ».  Pour le Gabon, cela honore l’institution et renforce la confiance des États Membres dans la primauté du droit comme instrument à leur service dans la recherche de solutions pacifiques aux différends qui les opposent. 

M. JORGE SKINNER-KLEE ARENALES (Guatemala) a apprécié l’importance de la CIJ car sa contribution est essentielle pour la coexistence pacifique et la coopération entre les États.  Il a aussi saisi cette occasion pour mentionner le référendum qui s’est déroulé le 15 avril dernier dans son pays et qui a permis aux Guatémaltèques de saisir la Cour du différend territorial, insulaire et maritime de plus d’un siècle et demi avec Belize.  La population guatémaltèque a accepté cette saisine, réaffirmant ainsi la vocation pacifique de leur pays et sa foi dans le droit international.

M. DOROS VENEZIS (Chypre) a estimé que la grande charge de travail de la Cour illustre la confiance qu’ont les États en elle.  Il a souhaité que la Cour soit dotée des ressources nécessaires à la bonne exécution de son mandat.  Il a rappelé que Chypre avait pris part à la rédaction de la résolution 71/146 de l’Assemblée générale qui demandait un avis consultatif de la CIJ sur l’archipel de Chagos, séparé de Maurice en 1965.  Maintenant que les juges ont entamé leurs délibérations, Chypre espère que leur avis sera accepté et mis en œuvre par tous les États.

Mme OKSANA ZOLOTAROVA (Ukraine) a salué le fait que de plus en plus d’États recourent à la Cour, ce qui confirme sa crédibilité et la confiance en sa capacité de trancher les litiges avec équité.  La Cour, a-t-elle poursuivi, se positionne comme une source du droit international à laquelle différents organes judiciaires internationaux se réfèrent.  Cependant, a-t-elle regretté, tous les pays n’ont pas le même respect pour ses décisions.  La représentante en a voulu pour preuve la Fédération de Russie, qui persiste à interdire l’Assemblée des Tatars de Crimée, alors que, dans sa décision du 19 avril 2017, la CIJ lui avait intimé l’ordre de ne plus limiter le droit de cette communauté de préserver ses institutions.  La Fédération de Russie, a constaté la représentante, ne fait que démontrer le peu de respect qu’elle a pour la Cour, la Charte et le droit international.  Elle a aussi rappelé qu’en juin 2018, l’Ukraine a soumis à la CIJ la liste des violations des Conventions internationales pour la répression du financement du terrorisme et sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale commises par la Fédération de Russie.  Puisque le pays est partie aux deux Conventions, a insisté la déléguée, il viole en effet ses obligations internationales par son comportement dans le Donbass et en Crimée.

M. CHRISTOPHE EICK (Allemagne) s’est inquiété de voir des acquis fondamentaux du droit international remis en cause et a considéré que dans ce contexte, plus que jamais, la Cour est une institution indispensable.  La CIJ représente un pilier majeur de l’ordre international et apporte une contribution majeure au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Mais le fait que son travail soit fondé sur le libre consentement des États, en vertu d’un principe bien connu du droit international, lui interdit de se saisir d’une situation sans l’aval des parties concernées.  En 2008, a rappelé le représentant, l’Allemagne avait présenté une Déclaration par laquelle elle acceptait la juridiction obligatoire de la CIJ.  Elle encourage les autres États à faire de même, a dit le représentant, qui a remarqué une augmentation du nombre des affaires portées devant la Cour.  De plus en plus de pays portent leurs conflits devant elle, ce qui accroît sa charge de travail et exerce une pression sur ses capacités.

Mme HELENA DEL CARMEN YÁNEZ LOZA (Équateur) a également rapidement évoqué les activités de la CIJ au cours de la période du rapport, notant qu’en 20 ans, le volume de travail avait considérablement augmenté, ce qui montre la confiance des États.  Elle a salué le rôle fondamental de la CIJ qui maintient un degré élevé d’efficacité et de qualité pour répondre rapidement aux situations urgentes.  La Cour doit donc être dotée des ressources et des fonds nécessaires à l’accomplissement de sa mission, a-t-elle plaidé.    

Pour Mme PIRANAJ THONGNOPNUA YVARD (Thaïlande), le nombre accru de affaires dont est saisie la CIJ signe la confiance que les États placent en elle pour sauvegarder les principes et les objectifs de la Charte des Nations Unies.  Elle a salué les efforts de la Cour pour clarifier le rôle du droit international par rapport au droit coutumier et l’a appuyée quand elle considère que « l’obligation de négocier est une obligation de moyen et non de résultat ».  Les travaux de la Cour contribuent au règlement pacifique des différends sans procédures contradictoires et prolongées.  La représentante a donc encouragé les autres États à utiliser davantage la CIJ et à soutenir son rôle dans la délivrance des avis consultatifs.

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a remarqué que les décisions et avis de la CIJ sont toujours fondés sur une profonde analyse juridique propre à un corps judiciaire prestigieux et responsable travaillant en toute indépendance et en totale objectivité.  Il a encouragé tous les États à lui apporter leur soutien et à réaffirmer la primauté du droit et de la justice dans le règlement des différends soumis à sa juridiction.  Invoquant la contribution de son pays à la génération des normes du droit international, le représentant a dit que l’Uruguay a toujours pu compter, au cours de son histoire, sur des juristes de renom.  Il a cité l’un des juges de la CIJ, M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, qui a aussi présidé cet organe.  L’Uruguay a en outre été l’un des premiers pays à avoir saisi la Cour et à s’être plié à ses décisions.  Il est l’obligation de tous les États de défendre son intégrité territoriale et en conséquence, il est fondamental que la CIJ et ses avis ou décisions soient pleinement respectés.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a souhaité beaucoup de fermeté de la part de la communauté internationale en cas de non-application des arrêts et décisions de la CIJ.  Le Qatar, a-t-elle affirmé, a toujours respecté les arrêts de la Cour.  Elle a rappelé que le 11 juin 2018, son pays a saisi la Cour des violations de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, commises par les Émirats arabes unis.  Le 23 juillet 2018, s’est réjouie la représentante, la Cour a donné raison au Qatar et demandé aux Émirats arabes unis de réparer les torts causés aux ressortissants qataris.  

M. CARLOS JIMÉNEZ PIERNAS, (Espagne), a indiqué que sans préjuger du bon travail de la CIJ, il convient de commenter certains aspects qui nécessiteraient plus d’exactitude et dont la correction servirait à promouvoir le principe de l’économie des procédures et renforcerait leur efficacité et leur transparence.  Nos commentaires ne sont nullement un exercice théorique mais bien le fruit de notre expérience devant la Cour, a prévenu le représentant.  Sans recourir à une réforme du Statut de la Cour, il a proposé l’adoption de mesures pour réduire et rationnaliser la durée aussi bien de la phase écrite que de la phase orale.  Dans la première phase, il faudrait un seul tour de rédaction sans affecter le droit des États de solliciter, exceptionnellement, un deuxième tour.  Pour la phase orale, il a évoqué l’article 61 des règles de procédures et suggéré que les membres de la Cour dirigent ou identifient les aspects factuels et juridiques sur lesquels les parties devraient centrer leurs plaidoyers.  Cela contribuerait à se concentrer sur les aspects les plus fondamentaux du différend.  Il a en outre recommandé d’assouplir la procédure devant la Cour, ce qui aidera à économiser les ressources sans porter préjudice aux parties impliquées.   

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLIZ (État plurinational de Bolivie) a fait observer que les pays d’Amérique latine sont les « principaux clients » de la Cour, avec pratiquement 50% des affaires.  La Cour a pu ainsi trouver des solutions aux divers problèmes frontaliers et autres problèmes hérités de la longue période coloniale.  Les frontières terrestres et maritimes ont en effet généré des confrontations belliqueuses, aboutissant parfois à la « loi du plus fort » sans possibilité de recourir au droit international.  Le représentant a rappelé qu’un de ces conflits avait eu lieu en 1879, avec l’invasion de la Bolivie par le Chili.  Les frontières territoriales ont été altérées sans que les traités de paix n’y puissent rien.  Il a également rappelé qu’il y a quelques années, la CIJ avait réglé le différend maritime entre le Pérou et le Chili, octroyant au Pérou une nouvelle frontière maritime et 20 000 km de mer.

À son tour, la Bolivie a fait appel à l’arbitrage de la Cour pour résoudre la pire conséquence de sa confrontation belliqueuse: son enclavement maritime.  Or, a estimé le représentant, la décision communiquée il y a quelques jours à peine montre que la Cour n’a pas pris en compte l’obligation faite au Chili par l’Organisation des États Américains (OEA) « de négocier avec la Bolivie un accès à l’océan Pacifique ».  La Bolivie respecte la décision de la Cour mais elle déplore ce qui ne s’apparente pas vraiment à « un sens de la justice », lequel aurait servi les intérêts mutuels des deux pays mais également ceux du continent, qui veut soigner ses dernières plaies et surtout, fortifier l’esprit de bon voisinage et d’intégration entre « peuples frères ».

C’est la raison pour laquelle, après la décision de la Cour, la Bolivie a immédiatement invité le Chili à renouer le dialogue bilatéral, conformément d’ailleurs à la décision de la CIJ.  Le dialogue est la voie à suivre, a insisté le représentant, en invoquant le Pacte de Bogota duquel la CIJ devrait s’inspirer pour rester à la hauteur des défis et s’assurer du soutien des États.  

M. FRANCOIS ALABRUNE (France) a rappelé l’importance de la représentation à la Cour des différentes cultures juridiques et des langues, dont l’équilibre contribue à la qualité de ses travaux et à l’autorité de sa jurisprudence.  Le rapport d’activité témoigne de l’importance de la Cour dans le règlement pacifique des différends entre États, a-t-il souligné, en renvoyant à la liste des affaires inscrites au rôle et à l’accroissement de l’activité contentieuse au cours des dernières décennies.  Il a aussi noté que depuis la présentation du rapport de l’année passée, cinq requêtes introductives d’instance ont été déposées auprès du Greffe de la Cour.  Celle-ci a aussi rendu trois arrêts, deux au fond, le troisième sur des exceptions préliminaires, et deux ordonnances à propos de demandes en indication de mesures conservatoires.  Pour M. Alabrune, les décisions de la Cour contribuent à l’apaisement des relations entre États et les aident à parvenir à une solution lorsque les autres moyens de règlement pacifiques ne le permettent pas.  Il a estimé qu’en cette période de défis pour le multilatéralisme, la CIJ demeure une institution essentielle pour la paix et l’ordre juridique internationaux.   

M. GIORGI MIKELADZE (Géorgie) a relevé qu’alors que la communauté internationale est de plus en plus unie dans différentes sphères d’interactions, le respect du droit international est de la plus grande importance pour parvenir à une paix et une stabilité durables sur les plans international et national.  Il a promis que la Géorgie allait continuer de respecter ses obligations en vertu du droit international et des droits de l’homme.  En dépit de l’occupation illégale de 20% de son territoire et de l’agression dont elle est toujours victime, la Géorgie demeure respectueuse du principe de résolution pacifique des différends et soutient les principes contenus dans la Charte des Nations Unies et le Statut de la CIJ. 

Après avoir salué le rôle « irremplaçable » de la Cour, M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) est revenu sur l’ordonnance du 3 octobre 2018 que le Président du CIJ a évoqué dans sa présentation.  Cette ordonnance, a-t-il rappelé, a constaté que les sanctions imposées à l’Iran par les États-Unis après le retrait du Plan d’action global commun, contreviennent pour partie aux termes du Traité d’amitié signé entre les deux pays en 1955.  En conséquence, a poursuivi le délégué, la Cour a constaté le caractère « illégal des sanctions américaines » et demandé des mesures provisionnelles afin que les États-Unis retirent tout frein à l’exportation vers l’Iran des produits visés par ledit Traité.  Cette décision crée des obligations juridiques internationales auxquelles les États-Unis sont obligés de se plier.  Il a précisé que la CIJ a noté que les mesures américaines peuvent potentiellement mettre l’aviation civile en danger et avoir un impact sur la santé du peuple iranien.  Il a enfin rappelé que la Cour a ajouté une mesure additionnelle intimant aux deux parties de prévenir toute aggravation du différend.  Or, a-t-il pointé, les sanctions additionnelles que les États-Unis comptent prendre le 4 novembre prochain entrent dans ce cadre.  Afin de respecter le rôle de la Cour, en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies, le représentant a demandé à tous les États de se garder de tout soutien aux sanctions des États-Unis.

Après s’être félicité que la Cour soit de plus en plus sollicitée pour régler des litiges, M. MOHAMMED ATLASSI (Maroc) y a vu la preuve d’une confiance des États et de son caractère universel.  Selon lui, le rôle de cet organe est complémentaire avec celui du Conseil de sécurité pour faire régner la paix et la sécurité internationales.  Mais, a-t-il insisté, l’impact de la CIJ va bien au-delà de ses seuls arrêts et avis. Tant de différends ont pu trouver un début de règlement par le simple fait que l’une des parties a su suggérer de saisir la Cour.  De plus, a poursuivi le représentant, plusieurs litiges soumis à la CIJ ont connu un dénouement non par une quelconque décision mais simplement parce que des mesures provisoires ont contribué à leur règlement.

M. ENRIQUE JOSE MARIA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a estimé nécessaire de soutenir le travail de la Cour pour renforcer le système multilatéral.  La jurisprudence qui émane de ses arrêts et avis consultatifs contribuent à une plus grande prévisibilité du droit international et la diffusion de ses travaux aide à sensibiliser le public au règlement pacifique des conflits et à la stabilité.  Il a défendu l’idée de faire de l’espagnol l’une des langues officielles de la Cour.  Il a estimé qu’il convient de réfléchir à la possibilité de lier les travaux de la CIJ à l’Assemblée générale pour assurer une bonne application des décisions par tous les États Membres et au Conseil de sécurité.  Tous les États Membres se doivent de respecter et d’honorer les décisions de la Cour, en totalité et de bonne foi, a insisté le représentant. Il a souligné la nécessité de conforter la Cour, en lui octroyant des ressources suffisantes pour son fonctionnement.  Par ailleurs, les contributions au Fonds d’affectation spéciale créé par le Secrétaire général aideront les pays, qui n’ont pas de grands moyens, à saisir plus facilement la Cour, a fait observer le représentant.

M. EL SHINAWY (Égypte), a résolument appuyé la CIJ et mis l’accent sur le fait que de plus en plus d’États lui soumettent leurs différends dans une large gamme de sujets.  Il a insisté sur la nécessité de respecter les décisions et les avis consultatifs de la Cour, tout en relevant qu’en dépit de l’intensification de ses activités, la Cour n’a pas été priée, cette année, de donner un avis consultatif, à l’exception de celui sur l’archipel des Chagos.  Le représentant a souligné l’importance des avis consultatifs et a encouragé par ailleurs les États à accepter la juridiction obligatoire de la Cour.  Il a demandé à l’Assemblée générale de garantir à la Cour les ressources qu’il lui faut, compte de sa surcharge de travail.  Les États qui le peuvent, a ajouté le représentant, ne doivent pas hésiter à faire des contributions au Fonds d’affectation spéciale du Secrétaire général destiné à aider les pays à saisir la Cour.   

M. NARCISO SIPACO RIBALA (Guinée équatoriale) a déclaré que son pays s’efforce d’encourager le règlement pacifique des conflits par la diplomatie préventive, le dialogue sincère et des négociations inclusives.  Pour cette raison, la CIJ a un rôle déterminant dans le règlement pacifique des conflits et le renforcement de l’état de droit.  Elle promeut, applique, interprète et développe le droit international, a énuméré le représentant, voyant un rôle qui permet d’éviter le recours à la force ou l’imposition de sanctions unilatérales susceptibles de déchaîner de nouvelles vagues de violations du droit international, avec des conséquences tragiques pour les couches les plus vulnérables de la société, notamment les femmes et les enfants.  Le représentant s’est en effet montré inquiet devant la tendance grandissante de certains États à violer les principes d’égalité souveraine des États et celui de non-ingérence dans les affaires intérieures.  Il a fermement condamné toutes les violations de la Charte et des immunités et privilèges conférés aux chefs d’États, aux dignitaires et aux diplomates par le droit international.  Le représentant a pris note des procédures et salué les démarches expliquées par le Président de la CIJ dans l’affaire Guinée équatoriale contre France.   

M JAGDISH DHARAMCHAND KOONJUL (Maurice) a estimé que le volume des affaires dont la Cour est saisie témoigne de la confiance que lui accordent les États Membres pour régler les différends et donner des orientations à tous les organes de l’ONU sur les questions d’ordre juridique.  Dans ce contexte, il a estimé que les États doivent renforcer leur appui en allouant à la CIJ des ressources proportionnelles aux tâches qui l’attendent.  Il s’est félicité de voir un plus grand nombre de pays comparaître devant la Cour ou participer à ses débats.  La Cour et son Greffe continuent de mener les procédures de façon professionnelle et « parfaitement équitable » entre État, grands ou petits, a-t-il conclu.

Après avoir remercié le Président de la Cour pour son exposé, M. MAMADOU RACINE LY (Sénégal) a estimé que la multiplication des affaires dont est saisie la CIJ est un gage de sécurité supplémentaire, démontrant la préférence donnée par les Nations Unies au règlement pacifique des différends sur « la loi du plus fort ».  C’est aussi un signe que le multilatéralisme, mis à rude épreuve, reste le meilleur garant de la paix et de la sécurité internationales.  Voici le cadre idéal, a estimé le représentant, pour se pencher sur les possibilités de renforcer notre engagement commun en faveur de l’état de droit et d’échanger sur la complémentarité entre l’Assemblée générale et la Cour.  Le représentant a espéré que l’ONU et la Cour continueront d’œuvrer pour gagner la bataille de la paix et de la sécurité.  Il a aussi émis le souhait d’une collaboration efficace, assurant le respect et l’exécution des décisions de la Cour qui par sa jurisprudence ne cesse de contribuer au développement du droit international, base légale de notre commun vouloir de vivre ensemble.

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Savador) a déclaré que les activités de la Cour montrent son rôle fondamental dans le règlement pacifique des différends.  En tant que Cour internationale à double juridiction, la CIJ joue un rôle fondamental dans la promotion de l’état de droit et le renforcement du droit international.  L’accès à un règlement pacifique des différents doit se faire sur un pied d’égalité, a poursuivi le représentant, qui a fait observer qu’il y a des pays qui ne peuvent pas saisir la Cour en raison des coûts, « chaque fois plus élevés ».  Parallèlement, la charge de travail de la CIJ augmente et il serait bienvenu de lui assurer le budget nécessaire.  Le représentant a conclu en plaidant pour une répartition géographique parmi le personnel de la Cour et pour l’égalité des sexes.  Il a enfin demandé que les documents de la Cour soient publiés dans les six langues officielles.

M. RENÉ LEFEBER (Pays-Bas) s’est déclaré fier que son pays continue d’être l’hôte de la CIJ, avant d’encourager les États qui ne l’ont pas encore fait à accepter sa juridiction obligatoire et de le faire avec le moins de réserves possible.  Il s’est alarmé dans ce contexte de la tendance à l’augmentation du nombre des réserves.  Les Pays-Bas ont fait tout leur possible pour éliminer les leurs, a-t-il fait savoir, soulignant que l’unique réserve est une ratione temporis selon laquelle le Royaume ne reconnaîtra que les différends émanant de situations ou de faits remontant à moins de 100 ans.  La CIJ doit être en mesure de décider de tous les différends entre États car ce n’est, en effet, qu’en jouissant d’un large mandat qu’elle pourra s’acquitter de ses fonctions en tant que principal organe judiciaire de la communauté internationale, a-t-il argué.  En attendant l’acceptation universelle sans aucune réserve du Statut de la Cour, les Pays-Bas ont loué l’incorporation dans tous les traités d’une clause compromissoire relative à la juridiction de la Cour.  Lorsque la clause sera optionnelle, a-t-il dit, les Pays-Bas feront une déclaration de reconnaissance de la juridiction de la Cour.  Mais, a-t-il prévenu, le libellé d’une telle clause pourrait limiter la juridiction à tel point que la Cour se verrait forcée de se déclarer incompétente ou de ne considérer qu’une partie du différend.

Le représentant s’est dit inquiet de la tendance de certains États à se retirer des traités qui contiennent de telles clauses quand ils sont cités dans une affaire dont est saisie la Cour, et ce, même avant que la Cour ne se prononce sur sa compétence.  La Cour, a-t-il estimé, ne devrait pas se déclarer compétente en l’absence du consentement des parties au différend car le consentement est une condition préalable de sa compétence.  Une affaire, a poursuivi le représentant, ne devrait jamais être présentée à la Cour sous le prétexte fallacieux d’un avis consultatif.  La saisine doit contenir une question générale de droit international et non une question sur l’application de ce droit à une situation particulière, ce qui est dans les faits un différend juridique entre des États.  La Cour, a-t-il insisté, doit toujours s’assurer du consentement des parties et ce consentement ne peut exister que si les parties ont reconnu sa juridiction obligatoire. 

Après avoir rappelé le rôle clef joué par la Cour dans l’architecture des Nations Unies, Mme MARIA ANGELA PONCE (Philippines) s’est félicitée de l’augmentation de sa charge de travail, de la variété des sujets dont elle est désormais saisie et de la diversité géographique des États parties.  C’est là le signe de la confiance placée en elle et dans sa mission de régler pacifiquement les différends sur la base du droit.  La rapidité avec laquelle la Cour prend désormais ses décisions et sa détermination à rester hermétique aux pressions politiques ne sont pas étrangères à la multiplication des saisines, s’est félicitée la représentante.  Qualifiant de « fondamentale pour la paix et la sécurité » la relation qu’entretiennent la Cour et le Conseil de sécurité, elle a conseillé à ce dernier de faire davantage appel à la CIJ pour des avis et des conseils sur les normes juridiques internationales.  Elle a noté que la dernière requête de ce type remonte à 1970.

Droit de réponse

Réagissant à l’intervention de l’Ukraine « qui a saisi l’occasion du débat non pas pour évaluer le travail de la CIJ mais pour faire sa propre propagande », la Fédération de Russie a rejeté une interprétation fallacieuse.  La Cour, a-t-elle affirmé, n’a pas encore finalisé son arrêt du 19 avril 2017, portant entre autres sur les institutions des Tatars de Crimée.  Ce n’est qu’en mai dernier que la Fédération de Russie a transmis ses propres commentaires. 

Le Chili a déploré, à son tour, que la Bolivie ait choisi d’offrir une interprétation unilatérale de la décision de la Cour.  Il est, a-t-il jugé, tout à fait inopportun d’ouvrir ici un débat sur une décision qui, par ailleurs, montre la bonne foi dont a fait preuve le Chili tout au long des échanges bilatéraux.  Mais la décision de la Cour, a rassuré le Chili, n’empêche en rien la diplomatie de suivre son cours, au nom de la justice.

Les Émirats arabes unis ont tenu à répondre au Qatar, qui a jugé bon de commenter une décision de la CIJ alors que cette dernière a pris soin de demander aux deux pays de s’abstenir de tout acte qui pourrait rendre le différend encore plus difficile à régler.  Nous nous sommes engagés, ont dit les Émirats arabes unis, à respecter la décision de la CIJ et à appliquer des mesures humanitaires.  Les 2 194 Qataris, qui sont pour le moment aux Émirats, peuvent rester ou partir à leur gré.  À ce jour, le nombre d’entrées et de sorties des Qataris a atteint les 8 000.  En outre, 694 autres ressortissants qataris continuent de travailler dans les institutions émiriennes.  Évitons donc les revendications sans fondement, se sont impatientés les Émirats arabes unis.

Les Émirats arabes n’ont jamais respecté la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a rétorqué le Qatar.  Ils ont expulsé collectivement tous les Qataris et refusé aux autres d’entrer sur leur territoire.  Le Qatar a rappelé qu’il a demandé à la CIJ d’ordonner toutes les mesures nécessaires pour que les Emirats arabes unis respectent enfin leurs obligations et suspendent toutes les mesures discriminatoires et hostiles.

Nous ne pouvons que dénoncer ces fausses allégations, ont répliqué les Émirats arabes unis qui ont affirmé avoir imposé des mesures qui ne ciblent en aucun cas le peuple qatari mais bien son « régime ».  La CIJ n’a pas encore rendu sa décision finale et il serait bon que les deux parties agissent de bonne foi pour espérer un règlement, ont-t-il tranché.

Pourquoi politiser les décisions de la CIJ et les tordre? s’est demandé le Qatar.  Il a rejeté les accusations des Émirats arabes unis selon lesquelles il s’ingère dans leurs affaires intérieures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Sixième Commission se penche sur la protection de l’atmosphère, « question essentielle » pour la communauté internationale

Soixante-treizième session,
24e séance – après-midi
AG/J/3582

La Sixième Commission se penche sur la protection de l’atmosphère, « question essentielle » pour la communauté internationale

La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a abordé cet après-midi l’examen du second groupe de chapitres thématiques du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), consacrés à la protection de l’atmosphère, à l’application à titre provisoire des traités, et aux normes impératives du droit international général (jus cogens).

La CDI a adopté provisoirement, au cours de sa soixante-dixième session, un projet de préambule, 12 projets de directive ainsi que des commentaires sur la protection de l’atmosphère, un sujet qu’elle examine depuis 2013.  Dans son cinquième rapport sur cette question, le Rapporteur spécial, M. Shinya Murase, a proposé trois nouveaux projets de directive portant sur: la mise en œuvre en droit interne des obligations en vertu du droit international sur la protection de l’atmosphère contre la pollution atmosphérique; le contrôle du respect par les États de leurs obligations à ce titre; le règlement pacifique des différends.  Le Rapporteur a souligné à cet égard le besoin de prendre en compte la « dimension scientifique et la complexité factuelle des différends relatifs à l’environnement ». 

« Avec ce sujet, la Commission se propose d’aider la communauté internationale à aborder les questions essentielles à la protection transfrontière et mondiale de l’atmosphère », a fait remarquer, avant l’ouverture des débats, le Président de la CDI, M. Eduardo Valencia-Ospina, venu présenter le second groupe de chapitres thématiques.

La prudence manifestée par la CDI pour les activités touchant la modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère, dans le projet de directive 7, a reçu l’aval de la Finlande, qui a souligné, au nom des pays nordiques, l’importance du principe de précaution, qui prévoit l’obligation de s’abstenir de toute activité si les conséquences sur l’environnement ne peuvent être mesurées avec précision. 

Si l’Union européenne s’est félicitée de l’adoption de ces projets de directive, elle a toutefois regretté l’absence de référence à des accords existants, comme le Protocole de Montréal.  Son représentant a en outre appelé la Commission à considérer une rédaction de la directive 3, sur l’obligation de protéger l’atmosphère, qui encouragerait les États Membres à adhérer ou à mettre en œuvre les accords multilatéraux sur l’environnement.

« Le droit international de l’environnement est en constante évolution », ont encore relevé les pays nordiques, en encourageant la Commission à puiser dans l’expérience acquise depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le climat pour la finalisation de ses travaux. 

Par ailleurs, l’adoption par la Commission, en première lecture, d’un projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités regroupant l’ensemble des projets de directive sur cette question a été saluée par les pays nordiques et l’Union européenne, qui a toutefois insisté sur la nécessité de prendre en compte la pratique des organisations internationales en la matière.

Saisies, en outre, du troisième rapport du Rapporteur spécial consacré aux 13 projets de conclusion relatifs aux normes impératives du droit international général (jus cogens), les délégations de la CDI ont continué d’émettre des réserves sur les effets du jus cogens sur les traités et le droit international général. 

Les pays nordiques ont réitéré leur position voulant que le jus cogens soit traité par une approche « conceptuelle et analytique », plutôt qu’avec l’objectif d’élaborer un cadre normatif à l’intention des États.  Devant la pratique « modeste » dans ce domaine controversé du droit international, leur représentante a appelé la Commission à la prudence, et réitéré ses réserves quant à l’élaboration d’une liste des normes du jus cogens.

Par ailleurs, les derniers orateurs à s’exprimer, en début de séance, sur le premier groupe de chapitres thématiques du rapport de la CDI ont à nouveau souligné l’apport « crucial » au développement du droit international que constituent les projets de convention sur la détermination du droit international coutumier.  La Malaisie a cependant rappelé l’importance de préserver le caractère « flexible » de la formation du droit international coutumier.  En écho à cette déclaration, El Salvador n’a pas jugé pertinente l’élaboration d’une liste restrictive des formes de la pratique coutumière.

L’inscription de l’élévation du niveau de la mer au programme à long terme de la Commission a continué d’interpeler les délégations, qui ont considéré que ce sujet devrait être traité dans les plus brefs délais.  « Plus de 70 États seront probablement touchés directement par l’élévation du niveau de la mer », s’est alarmé le Saint-Siège, alors qu’aux Seychelles, 90% de la population vit le long des bandes côtières.  Devant cette menace, aggravée par l’effet des changements climatiques, Monaco et l’Indonésie ont exhorté la CDI à examiner ce sujet de toute urgence. 

Allant plus loin, la Cour permanente d’arbitrage (CPA) a invité la CDI à s’interroger sur les responsabilités juridiques qui pourraient découler de l’érosion des côtes s’il est avéré que les changements climatiques sont le fait de l’homme.

La Sixième Commission reprendra son examen du rapport de la Commission du droit international demain, vendredi 26 octobre, à 10 heures.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-DIXIÈME SESSION

Suite des déclarations sur les chapitres I à V, XII et XIII du rapport

M. NAM DUONG NGUYEN (Viet Nam) s’est dit heureux de l’adoption par consensus des projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Il a exprimé des préoccupations sur le traitement réservé au silence des États tel que considéré par les organes conventionnels d’experts, soulignant que le silence ne peut être considéré comme une pratique ultérieure. 

Abordant les projets de convention relatifs à la détermination du droit international coutumier, « point théorique et difficile », le représentant a favorisé une approche systémique.  À cet égard, il a considéré que le projet de conclusion 4 sur l’exigence d’une pratique des États doit contribuer à la formation des règles du droit coutumier international, ce qui devrait être reflété dans le rapport de la CDI. 

Mme AFZAN ABD KAHAR (Malaisie) a souligné l’importance d’assurer la diffusion des projets de commentaires adoptés par la CDI, notamment auprès des spécialistes de l’interprétation des traités.  Les conclusions portant sur la détermination du droit international coutumier sont cruciales au développement du droit international, a-t-elle remarqué. 

Mme Kahar a toutefois appelé à considérer les différences politiques et structurelles des États dans l’évaluation du comportement de l’État en tant que pratique de l’État, présentée dans le projet de conclusion 5.  Il faut conserver le caractère « flexible » de la formation du droit coutumier, a-t-elle argué, et considérer les projets de conclusion comme des guides pratiques permettant de déterminer les règles du droit international coutumier.  Enfin, elle a salué la publication du Mémorandum du Secrétariat, qui fournit des indications additionnelles sur le droit international coutumier.

Mme LORRAINE FAURE (Seychelles) s’est félicitée que l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international ait été inscrite au programme de travail à long terme de la CDI.  Mon pays est exposé à cette menace, 90% de sa population vivant dans des bandes côtières, a-t-elle dit.  En conclusion, elle a souhaité que la Commission examine ce sujet de toute urgence.

M. SATAR AHMADI (République islamique d’Iran) a salué la décision de la Commission d’inclure dans son programme de travail les principes généraux du droit.  Des travaux sur les principes généraux du droit permettraient de contribuer efficacement à la codification du droit international, à plus forte raison que ce sujet est fortement lié à deux autres thèmes actuellement à l’étude de la Commission, à savoir les normes impératives du droit international général et la détermination du droit international coutumier.  Eu égard aux discussions de la Sixième Commission durant l’année écoulée, le représentant a, en outre, jugé qu’il serait prématuré pour la Commission d’inclure la question de la compétence pénale universelle dans son programme de travail à long terme.

S’agissant des accords et de la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, M. Ahmadi a estimé que les projets de conclusion ne prenaient pas en compte l’intégralité des circonstances dans lesquelles ces accords et pratique ultérieurs pourraient jouer un rôle dans l’interprétation des traités.  Par exemple, les conclusions n’abordent pas, selon lui, la question de la pertinence des accords et de la pratique ultérieurs dans l’interprétation des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales.  Pour cette raison, les projets de résolution ne seraient pas applicables, d’après le représentant, en cas de conflit entre un traité et la pratique ultérieure d’un État souverain concernant ce traité ainsi que des traités bilatéraux entre États. 

Le représentant a déduit des projets de conclusion qu’un accord ultérieur comme moyen d’interprétation authentique au sens de l’article 31, paragraphe 3(a), est un accord entre toutes les parties à un traité, signé après la conclusion dudit traité, concernant son interprétation ou l’application de ses provisions.  Dans ce cadre, le représentant a réitéré la position de son pays selon laquelle les accords ultérieurs et la pratique ultérieure dans le contexte de l’interprétation des traités devaient être confinés aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne.  Par conséquent, le recours à « des moyens complémentaires » d’interprétation après avoir employé la règle générale d’interprétation, tel que le prescrit l’article 31, vise selon lui à apporter des preuves supplémentaires ou à éclairer davantage les intentions des parties et leur compréhension commune concernant les termes d’un traité.  En tant que tel, ce recours à « des moyens complémentaires » doit uniquement servir, pour le représentant, à accompagner le processus d’interprétation, sur une base discrétionnaire et non obligatoire.

S’agissant du projet de conclusion 6 sur l’identification des accords ultérieurs et de la pratique ultérieure, le représentant a rappelé que le paragraphe 1 vise à déterminer si les parties à un traité ont pris position au sujet de son interprétation.  Or, selon lui, la distinction entre les deux formes d’accord n’est pas complètement claire dans la pratique.  Il a estimé que l’interprétation d’un traité au sens de l’article 31, paragraphe 3, nécessitait un accord explicite et une position expressément prise par les parties à un accord.  Toutefois, si les parties se sont simplement accordées sur la non-application temporaire du traité ou sur un arrangement pratique (modus vivendi), les obligations générales découlant du traité devraient selon lui rester inchangées.

Mme MARÍA ALEJANDRINA SANDE (Uruguay) a jugé essentielle la contribution de la CDI à la diffusion du droit international.  Pour elle, la détermination du droit international coutumier et son lien avec les normes impératives du droit international en font un thème particulièrement important.  La dimension régionale et le droit particulier, de même que les conditions psychologiques et matérielles doivent être pris en compte dans la détermination de ce que constitue le droit international coutumier. 

Prenant pour exemple le droit d’asile en relation avec la dimension régionale, la représentante a relevé que la CDI considère qu’il n’y a pas d’application commune du droit d’asile, qui est fonction avant tout de considérations politiques.  Elle a salué la mention de la position des États dans les enceintes internationales pour la reconnaissance de l’opinio juris.  Par ailleurs, l’Uruguay se félicite de l’inscription à son programme de travail à long terme de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international et de la compétence pénale universelle, qui devrait être examinée dans les meilleurs délais.

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a salué la contribution à la codification du droit international des projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Se référant au projet de conclusion 8, il a déclaré que l’interprétation des termes d’un traité susceptible d’évoluer dans le temps doit tenir compte du principe de contemporanéité, selon lequel l’interprétation d’un traité doit se fonder sur les circonstances existantes au moment de son adoption.  Quant à la conclusion 10, qui porte sur l’accord des parties au sujet de l’interprétation d’un traité, il a déploré que le texte ne reflète pas le fait qu’un tel accord, bien que non contraignant, pourra être considéré a posteriori. 

Le représentant n’a pas jugé pertinente l’élaboration d’une liste restrictive des formes de la pratique coutumière, telle qu’énoncée au projet de conclusion 6 du chapitre du rapport de la CDI consacré à la détermination du droit international coutumier.  Après avoir salué le soixante-dixième anniversaire de la Commission, il a appelé la Sixième Commission et la CDI à assurer la coordination de leurs activités de développement progressif du droit international et de codification afin de pouvoir répondre aux défis de la « société internationale contemporaine ».

S’agissant des accords et de la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, M. DANAIL CHAKAROV (Bulgarie) a estimé que le projet de conclusion 13, basé sur les article 31 et 32 de la Convention de Vienne et sur une analyse rigoureuse de cas juridiques et de pratiques étatiques, permettrait d’assister efficacement les États, les organisations internationales et les juridictions nationales et internationales dans leur interprétation des traités.  Il a salué l’accent mis sur des cas précis d’accords et de pratique ultérieurs, s’agissant notamment du rôle des décisions adoptées dans le cadre d’une conférence des États parties à un traité international, de la pratique des organisations internationales dans l’application de leurs actes constitutifs et de la prononciation d’organes conventionnels d’experts.

Le représentant a également salué le projet de conclusion 2, qui reconnait le rôle des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne s’agissant du droit international coutumier.  Selon lui, cette conclusion permettra de lever toute ambiguïté concernant ces deux articles.  Concernant la détermination du droit international coutumier, il s’est félicité de l’adoption en seconde lecture par la Commission de la conclusion 16 et de ses commentaires.  Il a également salué l’approche mesurée de la Commission, qui a su selon lui combiner les principes et méthodes universellement reconnus, telles que l’approche des « deux éléments », avec la pratique générale et l’acceptation comme étant le droit (opinio juris).  Il s’est notamment félicité du projet de conclusion 11, qui présente selon lui une analyse fine de l’interdépendance entre les traités et le droit international coutumier.

M. CHARLES MHANGO (Malawi) a salué l’adoption de deux ensembles de projets de conclusion, assortis de commentaires, sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités et sur la détermination du droit international coutumier.  Ces projets faciliteront le travail des États, des organisations internationales et des tribunaux, a-t-il déclaré.

M. Mhango s’est dit en faveur de l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la CDI.  En conclusion, le délégué a noté les effets dévastateurs des changements climatiques et assuré de la coopération de son pays sur ce sujet.

S’agissant des accords et de la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, Mme SIHAM SEBBAR (Maroc) a pris note de ce que le texte des projets de conclusion adopté en seconde lecture continuait, dans sa conclusion 3, à renforcer l’esprit de la Convention de Vienne sur le droit des traités, en reflétant les accords et la pratique ultérieurs en tant que moyens d’interprétation authentiques.  Elle a rappelé que la pratique ultérieure, au sens de l’article 31, paragraphe 3-b de la Convention de Vienne, était un moyen d’interprétation authentique, au même titre que les accords ultérieurs.  Elle a également pris note du fait que la pratique ultérieure visée par l’article 32 de la Convention désignait une autre pratique ultérieure n’exigeant pas l’accord de toutes les parties sur le sens du traité.  Toutefois, la représentante a estimé que la qualification de pratique ultérieure en tant que moyen d’interprétation authentique à la conclusion 3, confirmée à la conclusion 4, et en tant que moyen complémentaire au sens de l’article 32 de la Convention de Vienne à la conclusion 9, paragraphe 3, donnait l’impression de l’existence dans le projet de conclusions de deux catégories différentes, voire autonomes, de pratiques ultérieures.  Selon la représentante, une indication supplémentaire dans cette conclusion, résumant les explications qui figurent dans le commentaire, aurait été utile pour éviter ce genre de confusion, notamment pour les personnes qui seront amenées à faire usage du texte de conclusions sans recourir aux commentaires.

S’agissant de la conclusion 10 relative à l’accord des parties au sujet de l’interprétation des traités, Mme Sebbar a dit appréhender avec nuance l’effet juridique du silence des parties, qui, selon le texte, équivaut à l’acceptation d’une pratique ultérieure lorsque les circonstances appellent une réaction.  Elle a précisé que cet effet supposait la présomption selon laquelle les moyens de prendre connaissance d’une pratique ultérieure devraient a priori être à la portée des parties.  Par conséquent, sa compréhension de cette partie de la conclusion 10 est que les actes constituant la pratique ultérieure en vertu de l’article 31, paragraphe 3-b de la Convention de Vienne, devraient bénéficier d’une notoriété suffisante pour que la connaissance de cette pratique soit possible et qu’une réaction puisse lui être faite.

Enfin, la représentante a souscrit à la formulation du paragraphe 1 de la conclusion 12, qui fait de la pratique d’une organisation internationale un moyen auquel il est plausible de recourir pour l’interprétation de son acte constitutif, tant que cette pratique découle exclusivement des États qui sont supposés en avoir dument connaissance et l’avoir acceptée.  Les actes constituant cette pratique, a-t-elle précisé, ne doivent pas soulever d’incompatibilité avec l’acte constitutif de l’organisation internationale.

M. FLORIAN BOTTO (Monaco) s’est félicité que la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international ait été inscrite au programme de travail à long terme de la CDI.  Au vu des menaces qui résultent de ce phénomène et des questions juridiques engendrées par l’élévation du niveau de la mer pour tout État, et en particulier les États côtiers et les petits États insulaires en développement, Monaco soutient la demande visant à ce que la CDI place cette question à son programme actuel et l’examine avec urgence, a conclu M. Botto.

Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur du Saint-Siège, a rappelé que plus de 70 États seront probablement touchés directement par l’élévation du niveau de la mer.  Face à ce défi, il a prôné une approche éthique prenant en compte les besoins des futures générations.  Il s’est félicité que l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international ait été inscrite au programme de travail à long terme de la CDI.  Puisque les répercussions humanitaires de ce phénomène sont des plus pressantes, le représentant a souhaité l’inscription au programme de travail actuel de la question de la protection juridique des migrants et des personnes déplacées.  La CDI viendrait ainsi combler une lacune dans le droit international actuel, a conclu Mgr Auza.

Mme MARTA REQUENA, représentante du Conseil de l’Europe, a déclaré que la succession d’États en matière de responsabilité de l’État revêt une importance particulière pour le Conseil, après les nombreux cas de succession survenus dans les années 90 et leurs conséquences juridiques.  Le Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI) a préparé un rapport exhaustif sur cette question, qui peut être utile aux travaux de la CDI, a-t-elle précisé. 

La représentante a noté la référence à la Convention européenne des droits de l’homme contenue dans les commentaires de 8 des 13 projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Abordant la détermination du droit international coutumier, elle a noté que les projets de conclusion sur cette question reflètent l’approche adoptée par les États, les juridictions et les organisations internationales.  Elle a exprimé son accord avec la conclusion 12, qui note que la pratique des organisations internationales peut contribuer à l’identification du droit international coutumier.

M. AHMAD SHALEH BAWAZIR (Indonésie) a salué l’adoption des projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Il a affiché la prudence concernant une interprétation évolutive des traités visée au projet de conclusion 8.  Une telle interprétation pourrait saper la règle générale, sachant qu’il n’y a pas de pratique établie.

En ce qui concerne les projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, le délégué a appuyé l’inclusion de la règle de l’objecteur persistant dans le projet de conclusion 15 et salué les éclaircissements apportés par le commentaire y afférant.  Par ailleurs, il s’est félicité que l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international ait été inscrite au programme de travail à long terme de la CDI.  Il a appelé à la prudence dans l’examen de ce sujet, compte tenu de son côté sensible, en particulier s’agissant de la délimitation des frontières maritimes.  En revanche, il a jugé prématuré toute discussion de la CDI au sujet de la compétence pénale universelle.

Mme EVGENIYA GORIATCHEVA, représentante de la Cour permanente d’arbitrage (CPA), a rappelé que la CPA est une organisation internationale fondée en 1899 visant à faciliter le recours à l’arbitrage et à d’autres modes de règlement pacifique des différends entre États, entités étatiques, organisations internationales et acteurs privés.

La Cour, a expliqué Mme Goriatcheva, a recommandé que l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international soit inscrite au programme de travail à long terme de la CDI.  Elle a indiqué que dans l’affaire Bay of Bengal Maritime Boundary Arbitration entre le Bangladesh et l’Inde, l’un des tribunaux visés à l’annexe VII de la Convention sur le droit de la mer a pris en compte ce phénomène en notant que des changements côtiers majeurs surviendront dans la région en 2100.  Elle a invité la CDI à se pencher sur la question juridique de savoir si l’érosion graduelle des côtes en raison des changements climatiques doit être vue comme un changement naturel ou du fait de l’homme et quel régime de responsabilité pourrait en découler.

M. CHRISTOPHER BRADLEY HARLAND, délégué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a salué l’adoption des projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Il a indiqué que le CICR travaille actuellement à une actualisation des commentaires afférant aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs Protocoles additionnels de 1977 et noté des parallèles avec l’approche de la CDI.

En ce qui concerne les projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, le délégué a noté là encore des parallèles entre le travail de la CDI et l’Étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier publiée en 2005.  Enfin, il a insisté sur l’intérêt du sujet relatif à la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.

Déclarations sur les chapitres VI à VIII du rapport

M. LUCIO GUSSETTI, délégué de l’Union européenne, a salué l’adoption de l’ensemble des projets de directive sur la protection de l’atmosphère, tout en regrettant que la suggestion de l’Union d’inclure des références à des accords spécifiques, comme le Protocole de Montréal, n’ait pas été retenue.  Il a invité la CDI à envisager une rédaction de la directive 3 sur l’obligation de protéger l’atmosphère qui encourage les États à adhérer, à ratifier ou à mettre en œuvre les accords multilatéraux sur l’environnement.  Il s’est félicité que le paragraphe 9 du commentaire relatif au projet de directive 7, intitulé « Modification intentionnelle de l’atmosphère à grande échelle », indique explicitement que ce dernier « ne vise ni à autoriser ou à interdire » la géo-ingénierie, tout en se disant préoccupé par les conséquences environnementales de la géo-ingénierie.  M. Gussetti s’est, par ailleurs, félicité de l’introduction de la directive 12 relative au règlement des différends. 

Le délégué a ensuite salué l’adoption du texte du projet de Guide de l’application à titre provisoire des traités.  Il a souligné la nécessité que la pratique des organisations internationales dans ce domaine soit prise en compte.  À ce titre, M. Gussetti s’est félicité que la portée ratione personae des projets de directives inclut ces organisations.  L’Union est un acteur qui contribue à façonner activement la pratique en la matière.  Il a évoqué le projet de directive 3 qui dispose qu’un traité peut être appliqué à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur entre les États ou organisations internationales, « lorsque le traité lui-même en dispose ainsi, ou lorsqu’il en a été ainsi convenu d’une autre manière ».  La CDI devrait clarifier si elle entend marquer son accord à une application provisoire au moment de la signature du traité et quelle est la base juridique pertinente d’une telle règle.  Selon la CDI, un État ou une organisation internationale peut faire une déclaration aux fins de l’application à titre provisoire d’un traité dans les cas où le traité est muet sur l’application à titre provisoire ou celle-ci n’est pas convenue par un autre moyen, a indiqué le délégué.  Cette déclaration doit être acceptée par les autres.  Il a invité la CDI à argumenter davantage sur la question de savoir pourquoi le régime des actes unilatéraux ne peut pas s’appliquer à l’application à titre provisoire des traités.  M. Gussetti a salué le libellé du paragraphe 3 du projet de directive 9 sur l’extinction et la suspension de l’application à titre provisoire.  Selon ce paragraphe, le présent projet de directive est sans préjudice de l’application, mutatis mutandis, des règles pertinentes exposées dans la partie V, section 3, de la Convention de Vienne sur le droit des traités, a-t-il conclu.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Quatrième Commission alerte l’Assemblée générale des risques d’une course aux armements dans l’espace

Soixante-treizième session,
15e séance – après midi
CPSD/675

La Quatrième Commission alerte l’Assemblée générale des risques d’une course aux armements dans l’espace

La Quatrième Commission chargée des politiques spéciales et de la décolonisation a achevé, aujourd’hui son débat sur l’usage pacifique de l’espace extra-atmosphérique, en alertant l’Assemblée générale de la possibilité d’une course aux armements dans l’espace.

Dans un projet de résolution doté d’un dispositif de 41 paragraphes sur « la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace », adopté sans vote, la Commission a recommandé à l’Assemblée générale de se montrer « gravement préoccupée » et d’engager surtout les États qui sont particulièrement avancés dans le domaine spatial, à s’employer activement à empêcher une course aux armements dans l’espace, condition essentielle pour promouvoir la coopération internationale en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace à des fins pacifiques.  L’Assemblée devrait aussi accepter l’idée d’un débat conjoint d’une demi-journée entre la Quatrième Commission et la Première Commission chargée des questions de désarmement et de la sécurité internationale sur les risques éventuels pour la sécurité et la viabilité des activités spatiales. 

Tout en adhérant au consensus, l’Iran s’est dit préoccupé par le libellé du projet de résolution: les questions liées à la sécurité de l’espace ou aux aspects militaires ne relèvent pas de la compétence du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, a-t-il estimé.  Avant cela, pendant le débat, Cuba a dénoncé les « déclarations guerrières » des États-Unis, soulignant que la militarisation de l’espace extra-atmosphérique serait un des plus grands dangers pour l’humanité.  Avec le Pakistan, il a appelé à un traité interdisant la militarisation de l’espace.  Le projet de traité, présenté par la Fédération de Russie et la Chine lors de la Conférence du désarmement, pourrait constituer une bonne base de négociation, a estimé Cuba.

Singapour a rappelé que le nombre d’objets mis en orbite ne cesse d’augmenter et que, de nos jours, il y avait plus de 6 000 satellites dans l’exosphère immédiate qui apportent des services essentiels dans les domaines des télécommunications, de l’observation météorologique, du positionnement mondial et autres.  Pour le Saint-Siège, les États devraient examiner d’urgence la nécessité d’élaborer un « code de la route » pour éviter les collisions.  Un tel code exigerait que l’État lanceur ait conçu l’orbite de l’engin spatial de sorte que l’engin puisse être éliminé de manière sûre et responsable.  Dans son projet de résolution, la Commission recommande aussi à l’Assemblée générale de juger « indispensable » que les États prêtent davantage attention au problème de la probabilité de plus en plus grande de collisions d’objets spatiaux avec des débris spatiaux et demander que les recherches sur cette question se poursuivent.

Dans un autre texte, la Commission a recommandé comme à l’Assemblée de nommer Chypre, l’Éthiopie, la Finlande, Maurice et le Paraguay membres du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.  La Turquie s’est réjouie de l’intérêt croissant pour le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.  Elle a toutefois rappelé que le sud de Chypre est habité par des Chypriotes grecs et le nord par des Chypriotes turcs.  Elle s’est donc dissociée du consensus, ajoutant que sa décision de ne pas demander une mise aux voix ne présage en rien d’un changement de position.  Le statut de mon Gouvernement est non négociable, a rétorqué Chypre qui a invoqué les résolutions du Conseil de sécurité.  Chypre a insisté sur le fait qu’il est le seul Gouvernement légitime représentant l’ensemble de l’île.  Il s’est félicité de son entrée au Comité par une décision prise de manière « apolitique ». 

 La Quatrième Commission entamera son débat sur « l’Université pour la paix », demain vendredi 25 octobre, à partir de 15 heures.

COOPÉRATION INTERNATIONALE TOUCHANT LES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L’ESPACE (FIN)

Déclarations

M. RAJEEL MOSHIN (Pakistan) a rappelé que son pays est partie aux cinq traités multilatéraux fondamentaux qui régissent l’utilisation pacifique de l’espace. Nous considérons que l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, bien public mondial, doivent se faire dans l’intérêt de tous les pays.  L’espace extra-atmosphérique doit rester l’héritage commun de l’humanité.  Le Pakistan, a-t-il dit, est favorable à la négociation d’un instrument juridiquement contraignant contre la militarisation de l’espace.  Mais l’universalisation des instruments juridiques est une condition préalable à la coopération.  Le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique doit aider les pays en développement, s’agissant des domaines de la santé, de l’agriculture, de la gestion des ressources hydriques, de l’atténuation des effets des changements climatiques, de la navigation par satellite ou encore des communications.  Cette année, a indiqué le représentant, le Pakistan a lancé un satellite de télédétection et un autre d’évaluation technologique qui lui permettront d’améliorer la gestion de l’agriculture et la planification urbaine.  Le représentant n’a pas oublié la question importante des débris spatiaux, soutenant tous les instruments pertinents.  Il a souligné le devoir et la responsabilité de tous, d’aider les pays en développement à appliquer les dispositions relatives à l’environnement spatial.

M. TONG HAI LIM (Singapour) a réaffirmé, à son tour, que l’espace extra-atmosphérique doit rester un patrimoine commun pacifique et viable de l’humanité.  Notant que les applications spatiales font intégralement partie de notre quotidien et sont devenues indispensables, il a rappelé que, de nos jours, il y avait plus de 6 000 satellites dans l’exosphère immédiate qui apportent des services essentiels dans les domaines des télécommunications, de l’observation météorologique, du positionnement mondial et autres.  Le nombre d’objets mis en orbite ne cesse d’augmenter en même temps que croît l’industrie spatiale, sans compter la miniaturisation des satellites.  Il semble important, a-t-il estimé, de prendre des mesures pour répondre aux défis croissants de la congestion des orbites et des débris spatiaux pour que l’espace extra-atmosphérique reste notre patrimoine pacifique.

C’est la raison pour laquelle la coopération internationale est primordiale, a souligné le représentant, pour lequel il est urgent de mettre à jour, de manière consensuelle, les normes spatiales.  Les instruments doivent être transparents et inclusifs, a insisté le représentant, qui a soutenu l’approche inclusive du Comité.  Il faut, a-t-il ajouté, continuer à travailler pour mettre en place un cadre international ouvert et inclusif et assurer ainsi la viabilité de l’espace extra-atmosphérique.  Il s’est dit impatient de commencer les discussions sur le programme « Espace 2030 ».

Le représentant s’est arrêté sur le cas de Singapour et son initiative « Nation intelligente » dont l’objectif est de garantir la connectivité dans tout le pays.  Il a également fait état des efforts de l’agence spatiale nationale pour attirer des investissements étrangers dans le développement des petits satellites.

M. HUMBERTO RIVERO ROSARIO (Cuba) a rappelé la position de principe de son pays, à savoir que la militarisation de l’espace extra-atmosphérique serait, un des plus grands dangers de l’humanité.  L’espace doit rester un patrimoine commun de l’humanité et c’est pourquoi, les États doivent s’abstenir de se lancer dans la course aux armements, « ce qui mènerait à un désastre ».  Il faut, a insisté le représentant, un traité interdisant la militarisation de l’espace.  Un dialogue constructif entre le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique et les Sous-Comités juridiques de la Conférence du désarmement permettrait de mettre à jour un instrument juridique international efficace, a estimé le représentant.  Il a considéré que le projet de traité présenté par la Fédération de Russie et la Chine lors de la Conférence du désarmement pourrait constituer une bonne base de négociation.

Le représentant a condamné les « déclarations guerrières » des États-Unis, qui parlent de développer une force militaire dans l’espace extra-atmosphérique.  Il a, en revanche, reconnu les bienfaits de l’exploration pacifique de l’espace, « un droit de tous les États » qui exige que l’on aide les pays en développement à l’exercer.  Malgré le blocus injuste imposé par les États-Unis, Cuba maintient son intérêt pour les activités dans l’espace extra-atmosphérique, a conclu le représentant.

M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh) a exprimé l’intention de son pays de présenter sa candidature au Comité sur les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.  Il a, à son tour, exhorté la communauté internationale à se doter d’un régime international robuste pour régir les activités spatiales.  Il a aussi plaidé pour que l’on alloue davantage de ressources au Bureau des affaires spatiales des Nations Unies.  Le représentant a, en effet, insisté sur l’impératif de réduire le « fossé spatial » entre pays développés et pays en développement pour que tous puissent bénéficier des applications spatiales.

Le Bangladesh tire d’ailleurs déjà parti des technologies spatiales pour évaluer l’impact des changements climatiques, gérer les catastrophes ou développer le secteur des télécommunications.  Le pays a lancé son premier satellite au mois de mai dernier et reste profondément opposé à la course aux armements dans l’espace.

Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a souligné que la coopération internationale était fondamentale pour que l’espace extra-atmosphérique reste universellement bénéfique.  Il s’est félicité du fait que la Station spatiale internationale ait continué de fonctionner avec un équipage international.  La communauté internationale devrait tirer des enseignements de cette expérience de coopération pacifique, et envisager de l’élargir aux systèmes de lancement d’autres États, voire même d’impliquer davantage d’États à la création de stations spatiales internationales.  Est-il logique, aujourd’hui, de gérer plusieurs programmes à caractère national, en parallèle, plutôt que de les associer à un seul effort bien coordonné visant à développer notre utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique? a demandé le représentant.

Pour le Saint-Siège, il est de plus en plus évident que les satellites en orbite autour de la Terre ont besoin d’être lancés et opérés de façon à réduire la possibilité de collision avec d’autres satellites et objets spatiaux.  La destruction d’engins spatiaux provoque des problèmes et met en danger les autres satellites, a-t-il ajouté.  Dans la poursuite de l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, les États devraient examiner d’urgence la nécessité d’élaborer un « code de la route » pour le lancement de véhicules spatiaux pour s’assurer que leurs orbites n’empièteront pas sur ceux des vaisseaux spatiaux existants.  De telles règles exigeraient également que l’État lanceur ait conçu l’orbite de l’engin spatial de manière à ce, que l’engin puisse être éliminé de manière sûre et responsable, a-t-il ajouté.

Adoption de projets de texte

Par un projet de décision sur l’augmentation du nombre des membres du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (A/C.4/73/L.6), la Commission recommande à l’Assemblée générale de nommer Chypre, l’Éthiopie, la Finlande, Maurice et le Paraguay au Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.

Dans le projet de texte sur la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace (A/C.4/73/L.4), la Commission recommande à l’Assemblée générale de se montrer « gravement préoccupée » par la possibilité d’une course aux armements dans l’espace et engagerait surtout les États qui sont particulièrement avancés dans le domaine spatial, à s’employer activement à empêcher une telle course, condition essentielle pour promouvoir la coopération internationale en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace à des fins pacifiques.  Selon la Commission, l’Assemblée devrait d’ailleurs prier le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique de poursuivre, à titre prioritaire, l’examen des moyens permettant de veiller à ce que l’espace continue d’être utilisé à des fins pacifiques et convenir que le Comité devrait continuer d’examiner la perspective plus large de la sécurité dans l’espace et notamment les moyens de promouvoir la coopération internationale, régionale et interrégionale.

L’Assemblée devrait aussi accepter l’idée d’un débat conjoint d’une demi-journée entre la Quatrième Commission et la Première Commission chargée des questions de désarmement et de la sécurité internationale sur les risques éventuels pour la sécurité et la viabilité des activités spatiales.  À ce propos, elle devrait juger indispensable que les États prêtent davantage attention au problème de la probabilité de plus en plus grande de collisions d’objets spatiaux avec des débris spatiaux et demander que les recherches sur cette question se poursuivent.

Par ailleurs, l’Assemblée générale devrait prier instamment la Réunion interorganisations sur les activités spatiales (ONU-Espace) de continuer à examiner la façon dont les sciences et techniques spatiales et leurs applications pourraient concourir à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et encourager les entités du système des Nations Unies à participer aux efforts de coordination déployés par ONU-Espace.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Troisième Commission: Paysans, personnes LGBTI, travailleurs exposés à des substances toxiques et reconnaissance d’un droit à un environnement sain

Soixante-treizième session,
33e & 34e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4243

Troisième Commission: Paysans, personnes LGBTI, travailleurs exposés à des substances toxiques et reconnaissance d’un droit à un environnement sain

Les discussions entre la Troisième Commission, chargée des affaires sociales, humanitaires et des droits de l’homme, et les titulaires de mandats de procédures spéciales ont aujourd’hui reflété la variété des droits de l’homme, puisqu’il a été question aussi bien du droit à un environnement sain ou de l’incidence de la gestion des produits dangereux que des droits des paysans, des exécutions sommaires et arbitraires, de la protection de la communauté LGBTI et de la promotion de la justice et de la vérité.

Il est temps que les Nations Unies reconnaissent le droit fondamental à un environnement sain, a plaidé M. David Boyd, Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, qui a déploré que les sociétés humaines soient la cause de dégradations environnementales sans précédent partout sur la planète.  Pour lui, ce droit réunit tous les critères établis par l’Assemblée générale régissant la proclamation de droits additionnels.  Sa reconnaissance au niveau mondial aurait un impact positif direct sur les performances environnementales ainsi que sur la qualité de vie des populations les plus vulnérables.

Ces propos, le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, M. Baskut Tuncak, a dit les reprendre à son compte.  Dans la droite ligne du discours de son collègue, il a présenté une série de statistiques alarmantes, notamment le fait que, chaque année, plus de deux millions de travailleurs meurent de maladies professionnelles, dont plus de la moitié uniquement du fait d’une exposition à des substances toxiques.  Il a déploré que la pollution soit la plus grande source de décès prématurés dans les pays en développement, devant le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme réunis.  Il s’est également alarmé que les pédiatres décrivent aujourd’hui des enfants nés « pré-pollués » en raison de leur exposition précoce à un cocktail de substances toxiques et s’est élevé contre le comportement scandaleux de certains États et entreprises qui déploient des « efforts inimaginables pour nier » les effets sur la santé des expositions.

C’est à propos d’autres travailleurs –les paysans- qu’est intervenu M. Ruddy José Flores Monterrey, Rapporteur-Président du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur une déclaration des Nations Unies relative aux droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.  Il a plaidé en faveur de ladite Déclaration, adoptée en septembre par le Conseil des droits de l’homme.  Protéger les droits des personnes qui vivent et travaillent dans les zones rurales, c’est protéger la principale source de nourriture dans le monde, mais également la biodiversité dont dépendent les systèmes alimentaires ainsi que les emplois et les moyens de subsistance de millions de familles, et enfin promouvoir la durabilité environnementale, la résilience et l’adaptation aux changements climatiques, a-t-il insisté.  Rappelant en outre que les paysans et les travailleurs en zones rurales constituent les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles, il a estimé qu’ils méritaient « le soutien de la communauté internationale », ajoutant que cette Déclaration le leur apporte.  Il reste que, si Cuba a annoncé qu’il présenterait un projet de résolution visant à faire adopter la déclaration par l’Assemblée générale, l’Union européenne a fait savoir que certaines dispositions lui causaient toujours problème.

« Sauver des vies n’est pas un crime ».  C’est ce qu’a fait valoir la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Mme Agnès Callamard, qui s’est penchée sur les pratiques d’aide humanitaire et de sauvetage de par le monde.  « Le droit de ne pas être arbitrairement privé de la vie est un droit fondamental et universellement reconnu, applicable à tout moment et en toutes circonstances », a-t-elle rappelé.  Ceci s’applique aussi en période de conflit armé et dans d’autres situations d’urgence, quand le droit international humanitaire impose clairement de protéger les acteurs humanitaires non seulement contre les attaques, mais aussi contre l’entrave à l’accès aux populations dans le besoin.  Mme Callamard a rappelé à ce propos que les États devaient prendre des mesures pour prévenir les menaces prévisibles à la vie, et ce, « sans aucune forme de discrimination ».

De discriminations, et aussi de violences, il a été beaucoup question avec l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, M. Victor Madrigal-Borloz.  « Les personnes transsexuelles et de genre divers sont victimes de violence et de discrimination dès leur plus jeune âge », a-t-il déploré en dénonçant en particulier les dommages causés par la « transphobie » de par le monde.  On ne peut d’ailleurs prendre pleinement conscience de l’ampleur du phénomène, faute de données appropriées, a-t-il expliqué.  Il a insisté sur l’urgence de protéger la vie des personnes transsexuelles et de genre divers par des mesures « qui ne peuvent être différées ».  À l’exception de l’Afrique du Sud, seuls des pays occidentaux et latino-américains ont échangé avec le Rapporteur spécial.

Enfin, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Fabian Salvioli, est revenu sur des questions de justice transitionnelle, de prévention et de maintien de la paix.  Il a déploré que les jeunes soient exclus des discussions et des processus de justice transitionnelle alors même que les marginaliser ne pouvait que nuire à la consolidation de la paix et rendre inefficace la lutte contre l’extrémisme violent.  Il a également insisté sur la nécessité de faciliter une approche plus systématique de la question des femmes, de la paix et de la sécurité, alors que, de son côté, le Conseil de sécurité tenait son débat annuel sur le sujet.

Demain, vendredi 26 octobre à partir de 10 heures, la Troisième Commission entendra encore trois titulaires de mandats de procédures spéciales dans le cadre de l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme, avant de poursuivre sa discussion générale sur le même thème.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

M. FABIAN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a expliqué que son premier rapport en tant que titulaire de ce mandat -M. Salvioli a pris ses fonctions en mai dernier- identifiait quatre axes de coopération prioritaires pour la collaboration qu’il entend établir avec l’Assemblée générale, en considérant certaines des tâches accomplies à la fois par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité.

Le premier de ces axes concerne la justice transitionnelle, la prévention et le maintien de la paix, en tenant compte des résolutions jumelles de l’Assemblée générale 70/262 et du Conseil de sécurité –2282 (2016)- concernant l’architecture de consolidation de la paix, a précisé M. Salvioli, affirmant vouloir travailler sur la conceptualisation et la portée, du point de vue des droits de l’homme et de l’identification des bonnes pratiques, du rétablissement de la confiance et de la réconciliation.  Il a également proposé d’étudier l’inclusion des mesures de justice transitionnelle dans le contexte de la prévention, en suivant avec intérêt la notion de « mesures de justice transitionnelle complètes », préconisée par le Conseil de sécurité.

Le deuxième axe consiste à insister sur l’importance qu’il y a à tirer parti de la capacité créatrice des jeunes pour la justice transitionnelle, en tenant compte du fait que la génération actuelle de jeunes est la plus nombreuse de l’histoire, a poursuivi le Rapporteur spécial.  Déplorant que ces jeunes soient souvent exclus des discussions et des processus de justice transitionnelle, il a averti que les marginaliser ne pouvait que nuire à la consolidation de la paix et rendre inefficace la lutte contre l’extrémisme violent.  Il s’est aussi dit inquiet du manque d’informations de base que les jeunes ont des événements passés dans leur propre pays, au cours desquels de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire ont été perpétrées.  Or, a-t-il souligné, la transmission de la mémoire joue un rôle fondamental dans la rupture des cycles de violence.

Le troisième axe de travail concerne l’accentuation de la perspective de genre dans les initiatives de justice transitionnelle.  À cette fin, M. Salvioli a dit vouloir utiliser l’Enquête mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et travailler avec le Groupe informel d’experts sur les femmes, la paix et la sécurité.  Il entend ainsi faciliter une approche plus systématique de la question des femmes, de la paix et de la sécurité dans le travail même du Conseil de sécurité.  À ses yeux, un rôle actif, complet et directeur des femmes dans les processus de justice transitionnelle est non seulement important mais aussi nécessaire et essentiel pour que ces processus se déroulent avec succès.

Enfin, le quatrième axe de travail porte sur la relation entre les droits de l’homme et les objectifs du développement durable dans le contexte de la justice transitionnelle.  Le Conseil des droits de l’homme, a-t-il rappelé, a déjà souligné la nécessité de travailler dans cette perspective dans sa résolution 12/11 de 2009 et dans la note d’orientation du Secrétaire général de 2010 sur l’approche des Nations Unies en matière de justice transitionnelle de 2010.  Pour M. Salvioli, l’absence de résolution des problèmes entraînant des violations des droits économiques, sociaux et culturels peut empêcher de parvenir à des solutions durables et menacer les processus de justice transitionnelle.  De fait, a-t-il dit, une stratégie efficace pour parvenir à une paix durable consiste à traiter de manière exhaustive les causes sous-jacentes des conflits par le biais d’un ensemble de mesures de politique publique.  « L’universalité, l’interdépendance et l’indivisibilité des droits de l’homme doivent être présents dans la conception et l’exécution des programmes de justice transitionnelle », a-t-il souligné. 

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Fabian Salvioli, l’Argentine a présenté les mesures qu’elle a mises en œuvre afin d’approfondir et de consolider les politiques publiques en matière de droits de la personne, et notamment le Plan pour les droits de la personne lancé en 2017.  Elle a demandé au Rapporteur spécial d’indiquer les relations entre corruption et violation manifeste des droits de la personne dans les contextes de transition, et plus précisément quelles étaient les principales difficultés que représente la corruption dans ces contextes.

Les États-Unis ont dit appuyer les mécanismes de redevabilité judiciaire et non judiciaire, qui sont essentiels pour éviter la répétition des atrocités.  C’est pourquoi ils demandent qu’une solution politique du conflit syrien respectueuse des droits de l’homme soit trouvée pour que les responsables des violations soient traduits en justice.  Ils exhortent par ailleurs le Gouvernement du Myanmar à mettre en œuvre les recommandations de la Commission Annan et à créer les conditions du retour des réfugiés au Bangladesh.  Ils appuient la Cour pénale spéciale de la République centrafricaine pour mettre fin au cycle de violence, ainsi que les progrès réalisés par la Colombie en matière de droits de l’homme.  Les États-Unis demandent aussi au Gouvernement de Sri Lanka de continuer ses avancées dans le sens de la résolution 30/1 du Conseil des droits de l’homme.  Ils s’interrogent en fin sur les stratégies appliquées par les pays dont le Rapporteur spécial pourrait parler.

La Fédération de Russie a dénoncé les thèmes choisis par le Rapporteur spécial, estimant qu’ils étaient « intéressants mais sortent de son mandat et font double emploi avec d’autres institutions du système des Nations Unies ».  Ainsi a-t-elle mentionné, les questions de justice transitionnelle et de maintien de la paix sont, entre autres, de la responsabilité du Conseil de sécurité.

L’Union européenne est revenue sur la recommandation du Rapporteur spécial d’utiliser l’énergie créatrice des jeunes pour les processus de justice de transition.  Elle a demandé quelle démarche de cohésion pouvait être mise en place pour que les jeunes aient un rôle plus inclusif et par quelles méthodes des progrès pourraient être réalisés.  De plus, elle a noté que les voix des femmes étaient marginalisées, notamment dans la justice traditionnelle, et a donc demande comment le Rapporteur spécial envisageait d’appliquer la perspective de genre dans ses travaux.  L’Irlande a noté l’intention du Rapporteur spécial d’étudier la promotion de la réconciliation en comparant les pratiques et a demandé ce que les États peuvent faire pour l’aider. 

La Suisse a souligné la déconnexion en matière de justice transitionnelle entre ce qui est décidé à New York et sur le terrain.  Elle a voulu savoir, elle aussi, comment le Rapporteur comptait anticiper pour faire participer les jeunes, un groupe rarement inclus dans les processus de changement.  La Suisse a également évoqué le lien entre la justice transitionnelle et les atteintes aux droits économiques, sociaux et culturels souvent causes de profonds conflits et est le domaine de la justice transitionnelle le plus sous-développé, et invité le Rapporteur à explorer cette question dans le cadre du Programme 2030. 

La République arabe syrienne a rejeté en bloc les affirmations des États-Unis à son propos et appelé ce pays à mettre fin à ses « opérations criminelles », contre les civils en Syrie, dans le cadre de l’Alliance internationale. 

Réponses

Dans ses réponses, M. FABIAN SALVIOLI a insisté sur le devoir de mémoire dans les plans nationaux établis dans le cadre de la justice transitionnelle.  Le Rapporteur spécial a ensuite estimé que la corruption, en tant que violation des droits de la personne et ce qu’elle représente pour les institutions de l’État, nuisait de façon transversale aux droits dans leur ensemble.  « Il est important de voir que le Conseil des droits de l’homme a commencé à se pencher sur son impact sur l’administration de la justice », a-t-il fait observer.  Il a cité, à cet égard, les procédures mises en place par le Guatemala, les qualifiant d’exemples de bonnes pratiques.  Il a dit avoir l’intention d’approfondir cet aspect, l’année prochaine, dans le cadre des questions thématiques. 

M. Salvioli a dit partager l’avis de certaines délégations s’agissant de la responsabilisation et tout ce qui relève des commissions de vérité.  Celles-ci sont fondamentales, a-t-il insisté.  S’agissant des stratégies de justice transitionnelle, les procédures suivies à cet égard ne sont pas « forcément linéaires » et connaissent parfois des « rebondissements ».  Là aussi, il faut s’inspirer des bonnes pratiques, mais le Rapporteur spécial a dit ne pas vouloir sélectionner un processus en particulier, estimant que chaque État avait ses particularités.  Il a toutefois proposé d’offrir son assistance technique aux États qui le souhaitent. 

M. Salvioli a tenu, en outre, à rassurer la Troisième Commission sur son mandat, soulignant n’avoir nullement l’intention de se pencher sur des questions qui relèvent d’autres organes.  Cependant, a-t-il poursuivi, fonctionner de manière illogique n’est pas non plus productif et, dans certains cas, il est raisonnable de coopérer car certaines questions ne peuvent être dissociées. 

Enfin, revenant sur la participation des jeunes dans les processus de justice transitionnelle, le Rapporteur spécial a jugé cette approche fondamentale et a invité à adopter des approches holistiques.

Déclaration liminaire

M. VICTOR MADRIGAL-BORLOZ, Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, a présenté son rapport en rappelant que, chaque jour, des personnes transsexuelles et de genre divers étaient victimes de violences à des niveaux offensants pour la conscience humaine.  Chaque jour, ces personnes sont massivement et de manière disproportionnée victimes de meurtres, de passages à tabac, de tortures et de mauvais traitements, de viols et d’autres abus sexuels, le tout résultant de la « transphobie », a souligné l’Expert indépendant.  Il a précisé que ces personnes étaient aussi fréquemment victimes de menaces, de coercition et de privation arbitraire de liberté, y compris d’incarcération forcée en établissement psychiatrique.

Observant qu’un projet non gouvernemental avait recensé 325 assassinats de personnes transsexuelles et de genre divers, l’an dernier, et que des sources similaires faisaient état de 2 609 meurtres depuis 2008, M. Madrigal-Borloz s’est dit certain que « ce n’est que la partie visible de l’iceberg, en raison du manque d’informations et de recueil de données appropriées ».  À ses yeux, ce manque de données appropriées est, en soi, le résultat de la transphobie et de la dévaluation de la vie des femmes et des hommes transsexuels.  Il s’ensuit que, dans la plupart des cas, il existe un lien entre ces violations et la responsabilité de l’État, a-t-il expliqué.

En règle générale, a poursuivi l’Expert indépendant, et à quelques exceptions près, les personnes transsexuelles et de genre divers sont victimes de violence et de discrimination dès leur plus jeune âge et sont prises dans une spirale d’exclusion et de marginalisation.  Elles sont souvent brimées à l’école, rejetées par leur famille, poussées dans la rue et se voient refuser l’accès à un emploi légal.  En conséquence, et pour survivre, elles doivent s’appuyer sur des économies informelles, y compris le travail du sexe, et faire face à une situation économique extrêmement difficile.  À cet égard, a-t-il noté, les personnes de couleur diverse et transsexuelles, les minorités ethniques, les migrants et les travailleurs du sexe sont particulièrement vulnérables.

Pour briser ces cycles de violence, il est impératif que la communauté des nations soit sensibilisée et résolue à s’acquitter de son devoir de protéger la vie des personnes transsexuelles et de genre divers, a fait valoir M. Madrigal-Borloz.  « Ces mesures ne peuvent être différées », a-t-il insisté, constatant toutefois que la grande majorité des personnes transsexuelles et de genre divers dans le monde n’ont pas accès à la reconnaissance du genre par l’État.  Elles vivent donc dans un vide juridique où la stigmatisation et les préjugés créent un climat qui encourage et récompense tacitement les actes de violence et de discrimination perpétrés à leur encontre.  La persécution est également facilitée par le recours à des lois ou règlements qui criminalisent les personnes en fonction de leur identité ou de leur expression, a-t-il déploré. 

Même lorsque les États reconnaissent l’identité de genre des personnes transsexuelles, ils imposent souvent des conditions abusives, telles que des diagnostics de santé mentale, des traitements et procédures forcés ou involontaires qui peuvent entraîner une douleur et une souffrance physique et mentale graves et permanentes, et à des souffrances qui violent le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a précisé l’Expert indépendant.  De même, a-t-il insisté, les exigences en matière de stérilisation violent l’intégrité physique, l’autodétermination et la dignité humaine des personnes transgenres.  Ils détruisent également les projets de vie, comme c’est le cas lorsque le divorce est demandé.  De plus, les enfants sont souvent exclus de la reconnaissance du genre, ce qui entraîne un risque accru de persécution, d’abus, de violence et de discrimination. 

Pourtant, les États ont le pouvoir de mettre fin aux épreuves auxquelles sont confrontées des personnes transsexuelles et de genre divers, a soutenu l’Expert indépendant.  Son rapport, a-t-il relevé, met en lumière les principales décisions d’organes internationaux et régionaux et les mesures efficaces prises par toutes les branches de l’État pour lutter contre la violence et la discrimination sur la base de l’identité de genre, y compris des mesures visant à garantir le respect de cette identité.  Ces mesures vont de la « dépathologisation » des identités transsexuelles à la reconnaissance juridique de l’identité de genre.  Elles incluent l’impératif immédiat d’éliminer les exigences abusives pour une telle reconnaissance, a-t-il conclu, encourageant les États à s’inspirer des développements positifs, aux niveaux mondial, régional et national, mis en évidence dans son rapport. 

Note sur la Dépathologisation

En juin 2018, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié sa nouvelle classification internationale des maladies (ICD-11), qui sera présentée à l’Assemblée mondiale de la santé pour adoption en juin 2019 et devrait entrer en application en 2022.  Dans ce cadre, ce que l’OMS appelle la « non-cohérence de genre » a été transférée de la liste des troubles mentaux à celle de la santé sexuelle.  « Bien qu’il soit désormais prouvé qu’il ne s’agit pas d’un trouble mental, et que la classifier ainsi peut entraîner une stigmatisation énorme pour les personnes trans, la transidentité implique des besoins en santé sexuelle qui peuvent être mieux pris en charge si elles restent dans cette seconde liste », expliquait l’OMS lors de la publication.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Victor Madrigal-Borloz, le Costa Rica a insisté sur le fait que le genre était une composante de l’identité et que les personnes transgenres souffraient du déni de leurs droits et de discriminations.  Il a indiqué avoir éliminé les indications du sexe de naissance dans les documents d’identité pour éviter la stigmatisation.  L’Argentine a rappelé que le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme était un moment fondamental pour se rappeler que nous sommes tous égaux en droit.  Elle a demandé quels étaient les obstacles les plus difficiles à surmonter pour la population transsexuelle.

Le Mexique, qui reconnaît le caractère constructif et équilibré du rapport de l’Expert indépendant, a appelé à se pencher sur les causes sous-jacentes à la discrimination et la violence et s’est élevé contre les discours de haine.  II a voulu savoir quelles étaient les expériences en matière de dépathologisation.  À cet égard, le Brésil a salué la dépathologisation du genre, qui représente une amélioration du traitement des personnes transsexuelles.  Il estime que les traitements imposés de chirurgie ou autres peuvent constituer des violations des droits de l’homme.

El Salvador a souligné l’existence dans le pays d’un département consacré à cette problématique.  Les défis sont nombreux mais « nous restons attachés aux droits fondamentaux et à l’identité » des personnes LGBTI, a ajouté El Salvador, pays qui appuie la diversité et insiste pour défendre la communauté LGTBI.  Pour l’Uruguay, il faut continuer à mener des campagnes de sensibilisation aux violences à l’encontre de la communauté LGTBI.  Il souhaite avoir plus d’indications de la part de l’Expert indépendant sur ses visites récentes.  Tout en renouvelant son engagement, la Colombie s’est dite favorable à la création d’un espace pour un dialogue constructif visant à surmonter les divergences sur ces questions.  Pour elle, la pleine jouissance des droits fondamentaux est une question transversale qui commence à la maison.

L’Union européenne a expliqué que les notions d’identité sexuelle variaient d’un pays à l’autre et s’est déclarée très préoccupée par les violences menées sur cette base.  Elle a reconnu l’importance de la dépathologisation des comportements transgenre par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Elle a enfin demandé quelles influences avaient les sociétés lorsqu’elles reconnaissaient la diversité dans les cultures.

Au nom d’un groupe de pays d’Europe du Nord, la Suède a expliqué que le droit à être reconnu en tant qu’être humain exceptionnel faisait partie des droits fondamentaux et que le genre faisait partie de l’identité.  Pour ce groupe, la violence transphobe existait partout.  Pour y faire face, l’égalité devant la loi est certes essentielle, mais il faut aussi que les lois soient appliquées.  La Suède a demandé quelles étaient les meilleures pratiques pour que les mesures légales et autres soient efficaces pour réduire la violence transphobe.  L’Islande s’est, pour sa part, félicitée d’être à la tête de l’indice d’acceptation sociale des LGTBI selon une étude menée, en 2017, par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et a expliqué qu’une loi sur la reconnaissance des LGTBI était en cours de rédaction dans le pays.  Elle a demandé à l’Expert indépendant de préciser ce qu’il considère comme étant les barrières structurelles les plus communes auxquelles fait face la communauté LGTBI.

La France a déploré que la vie des personnes LGTBI soit parfois menacée.  Après avoir salué la décision de l’Inde de dépénaliser les relations homosexuelles consenties, elle a demandé quelles stratégies étaient les plus efficaces pour élargir le mouvement de dépénalisation des relations homosexuelles consenties sans créer de réactions violentes dans les pays concernés.  L’Allemagne encourage les États à reconnaître l’identité de genre dans le contexte de l’identité et rappelle que les gouvernements ont l’obligation de respecter les droits de l’homme de toutes les personnes, y compris LGTBI.  Elle salue, elle aussi, la dépénalisation de l’homosexualité en Inde, comme à la Trinité-et-Tobago, mais déplore qu’un tiers de la population dans le monde continue à vivre dans des pays qui pénalisaient les personnes LGTBI.  Elle a enfin demandé comment les militants LGTBI pouvaient être mieux protégés et leur travail favorisé.

L’Espagne a salué les avancées en matière de « dépathologisation de ces communautés » et souligné les progrès accomplis par son pays en matière de droit d’accès de cette communauté à la reproduction assistée.  L’Irlande a mentionné la nouvelle loi adoptée dans le pays sur l’identité de genre, qui prévoit notamment un nouveau certificat de naissance reflétant ce changement.

Les Pays-Bas ont noté que la tendance n’était pas positive partout et qu’il était nécessaire de poursuivre les efforts.  Ils ont demandé comment la question de la reconnaissance de l’identité de genre était liée aux droits égaux sur la base de l’identité sexuelle.  La Belgique est convaincue qu’une attention particulière contribuerait à la lutte contre les violences à l’égard de la communauté LGBTI.  En Belgique, les violences fondées sur le genre sont interdites par la loi et une loi a été amendée pour permettre aux personnes transgenres de modifier leur identité de genre sans passer par un traitement médical.  La Belgique s’interroge en outre sur le rôle de la société civile.

Pour la Slovénie, les personnes transgenres font face à des violences car la diversité sexuelle reste stigmatisée du fait que les normes sont différentes selon les pays.  La question de l’identité de genre est souvent associée à la race ou la religion et ces associations contribuent encore plus à la marginalisation.  Elle a voulu savoir comment faire face à l’exclusion de ces personnes?

Le Royaume-Uni a rappelé que les droits fondamentaux étaient universels et devaient s’appliquer à tous.  Il s’est préoccupé du discours anti-droits de certains dirigeants et a demandé quelles étaient les méthodes recommandées pour examiner cela en vertu des discours de haine.

La Géorgie a condamné la discrimination de facto contre les populations LGBTI.  Elle suggère d’adopter des lois et décisions appropriées et d’assurer la participation de la société civile et des communautés concernées et appuie les recommandations sur l’élimination de la stigmatisation sociale associée à la diversité.  La Géorgie, qui attend le rapport et les recommandations de l’Expert indépendant à la suite de sa visite, a regretté qu’il n’ait pas eu l’occasion de se rendre dans les zones occupées pour évaluer la situation.  Elle aimerait savoir quel serait l’âge optimal pour un enfant pour changer son identité de genre?

L’Albanie a regretté qu’encore 70 pays criminalisent l’orientation sexuelle, estimant que de telles pratiques ne renforcent pas l’état de droit et ne font que légitimer la haine face à la différence.  L’Albanie est en train de mettre en place un plan d’action national pour les personnes LGBTI.

La Nouvelle-Zélande a dénoncé les violences physiques et psychologiques que subit la communauté LGTBI, dont elle juge le niveau très préoccupant.  Elle exhorte les États Membres à condamner tous les actes de violence.  L’Australie a souligné son attachement à cette question, qui est au « cœur de notre croyance profonde » pour les droits de toutes les personnes.  Elle reconnaît toutefois que, dans le pays, la population LGBTI est sujette à davantage de violences et compte réagir face à cette tendance.  Le Canada a dit pouvoir comprendre que le sujet puisse être sensible pour certains États, mais ces derniers n’en devraient pas moins combler les lacunes législatives ou autres dans le cadre de la reconnaissance du genre.  Le Canada a souhaité que l’Expert indépendant présente des exemples de campagnes d’éducation et de sensibilisation visant à changer les attitudes face à la diversité de genre qui ont été couronnées de succès.

Les États-Unis ont demandé quelles mesures pouvaient être adoptées pour débattre avec la Fédération de Russie des questions de violence et de disparitions forcées de personnes LGTBI.

Enfin, l’Afrique du Sud a souligné que la Constitution de son pays repose sur le respect de la dignité humaine et du respect de la diversité des personnes.  C’est aussi un pilier de sa politique nationale et internationale.  Elle a appelé à lutter contre la stigmatisation et a demandé davantage de précisions sur la position de l’Expert indépendant, s’agissant de la collecte des données ventilées par sexe.

Réponses

Dans ses réponses, M. VICTOR MADRIGAL-BORLOZ s’est dit « touché » par le débat qui l’encouragera à pousser la réflexion et la façon d’aborder la question dans le futur.  Il a relevé quatre préoccupations exprimées par les délégations relatives à son mandat, aux bonnes pratiques, à l’identité et au rôle de la société civile.  Il a observé une certaine souplesse s’agissant de la notion d’identité de genre et a salué l’Uruguay pour avoir adopté une législation dans ce domaine.

Quant aux nombreux défis, M. Madrigal-Borloz a rappelé qu’il les avait présentés devant le Conseil des droits de l’homme.  Il a notamment mentionné la pénalisation de la transidentité, parfois passible de la peine de mort.  Il existe « une relation inextricable entre la pénalisation et l’incapacité des États » à agir sur cette question, a estimé l’Expert indépendant, qui a noté un contexte délicat pour la mise en œuvre de stratégies particulières, relevant des considérations d’ordre politiques.  M. Madrigal-Borloz a salué, à cet égard, l’approche de son prédécesseur qui semble « procéder d’un certain mérite ».  À ses yeux, il faut identifier si les violences ou discriminations découlent du système judiciaire ou de politiques publiques.

S’agissant de la collecte des données soulevées par l’Afrique du Sud, M. Madrigal-Borloz a estimé pour l’heure qu’il est impossible d’envisager des collectes exhaustives dans ce domaine. 

Quant à la question du déni de l’existence des personnes LGBTI, l’Expert indépendant a rappelé avec vigueur que ces personnes existent bien dans le monde entier.  Tout déni revient à tourner le dos à des obligations internationales.  Quant à la question du dialogue, il a fait part de sa détermination -figurant d’ailleurs dans son mandat- à dialoguer avec toute personne prête à le faire.  Il a reconnu ne pas « avoir de mécanismes diplomatiques » mais a ajouté qu’il travaillait en fonction de ses moyens et s’est dit attaché à une écoute attentive.

S’agissant des pratiques optimales, l’Expert indépendant a invité les délégations à se référer à son rapport.  Il s’est inscrit en faveur d’une campagne d’éducation et exhorté à la protection des personnes transgenres, ce qui aura un impact direct sur leur espérance de vie.  L’espérance de vie d’une femme transgenre est de 35 ans, a-t-il fait observer.

M. Madrigal-Borloz a aussi insisté sur le rôle de la société civile qui figure parmi ses pratiques optimales, et la participation de la communauté LGBTI, car ce n’est qu’avec elle que l’on pourra « mieux comprendre la situation » de ses membres, ainsi que sur le devoir fondamental des États d’éviter toute régression à cet égard.

Pour finir, l’Expert indépendant a salué la Géorgie pour son « excellente collaboration » lors de sa visite dans ce pays, ainsi que les pays comme l’Uruguay, le Mozambique, l’Ukraine et Sri Lanka, dans lesquels il se rendra prochainement.

Déclaration liminaire

Mme AGNÈS CALLAMARD, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a tout d’abord fait valoir que, comme l’est intitulé son rapport, « sauver des vies n’est pas un crime ».  En effet, a-t-elle noté, on trouve trace d’actions humanitaire prises par des particuliers ou des organisations depuis des centaines d’années.  Diverses convictions, croyances et cadres moraux ont façonné ce qui apparaît aujourd’hui sous le régime humanitaire moderne, a-t-elle relevé, ajoutant que de telles interventions étaient aussi nécessaires aujourd’hui qu’elles l’avaient été au cours de l’histoire de l’humanité, qu’il s’agisse d’assister les victimes de conflits, de venir en aide aux millions de personnes en mouvement ou d’offrir des services aux communautés laissées-pour-compte, isolées ou stigmatisées. 

De l’avis de la Rapporteuse spéciale, ces acteurs et les mesures de sauvetage qu’ils prennent aident également les États à s’acquitter de leurs obligations en matière de droits de l’homme.  À cet égard, a-t-elle souligné, le droit de ne pas être arbitrairement privé de la vie est un droit fondamental et universellement reconnu, applicable à tout moment et en toutes circonstances, y compris en période de conflit armé et dans d’autres situations d’urgence.  Les États doivent par conséquent s’abstenir de tout acte constitutif de privation arbitraire de la vie et prendre des mesures pour prévenir les menaces prévisibles à la vie émanant d’autorités de l’État ou d’acteurs privés.  « Ce droit suprême doit être maintenu sans aucune forme de discrimination », a insisté Mme Callamard.

De même, dans les situations de conflit armé, le droit international humanitaire impose clairement à toutes les parties de protéger les acteurs humanitaires non seulement contre les attaques, mais aussi contre le harcèlement, l’intimidation et l’entrave à l’accès aux populations dans le besoin, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, ajoutant qu’aucune partie au conflit ne pouvait refuser arbitrairement son consentement à des offres de services humanitaires légitimes.  De plus, a-t-elle rappelé, en vertu du droit international des droits de l’homme, les États ont « l’obligation positive de rechercher et de faciliter l’action humanitaire et l’obligation négative de ne pas l’empêcher ».

Pour Mme Callamard, ces interventions vitales sont aujourd’hui menacées.  La « portée excessive » des mesures demandées par le Conseil de sécurité aux États Membres pour lutter contre le terrorisme ainsi que l’absence d’une définition du terrorisme à l’échelle mondiale ont eu pour conséquence qu’un large éventail d’actes humanitaires sont qualifiés de mesures de soutien au terrorisme.  D’autre part, pour protéger leurs pays de la migration irrégulière, les États dissuadent les services humanitaires pour les migrants aux frontières de mener des missions de sauvetage et d’assistance, violant ainsi leur obligation de prévenir, combattre et éliminer la privation arbitraire de la vie.  Enfin, a-t-elle observé, la fourniture de services humanitaires aux femmes et aux filles, ainsi qu’aux populations LGBTI, a également été criminalisée, découragée ou stigmatisée.

Parmi les recommandations contenues dans son rapport, Mme Callamard a cité la nécessité pour le Conseil de sécurité d’adopter des résolutions excluant expressément les actions humanitaires du champ de la lutte contre le terrorisme, y compris des sanctions.  De plus, les États devraient clairement et sans ambiguïté exempter les actions humanitaires de leurs lois et mesures antiterroristes, comme certains ont commencé à le faire.  Ils devraient également supprimer tous les obstacles à la fourniture de soins de santé complets en matière de sexualité et de procréation, y compris des services d’avortement médicalisé, et prendre toutes les mesures raisonnables pour permettre aux prestataires de soins de faire leur travail sans ingérence ni restriction indues, a-t-elle plaidé, exhortant chacun à mettre fin aux « inacceptables limitations imposées aux actes de solidarité, petits ou grands, organisés ou spontanés », car ils contribuent à rendre notre monde plus sûr.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec Mme Agnès Callamard, la Fédération de Russie a regretté que, pour « une énième fois » la Rapporteuse spéciale ait préféré se concentrer sur des thèmes « ne faisant pas partie de son mandat ».  Elle a également estimé que « beaucoup de parties du rapport étaient inventées et sans aucune justification juridique ».  En ce qui concerne la sécurité du personnel humanitaire, elle a expliqué que, sans douter du rôle essentiel des États dans leur protection, il ne fallait pas oublier que les travailleurs humanitaires devaient aussi respecter la souveraineté et les lois des pays dans lesquels ils opèrent.  Demandant, elle aussi, à la Rapporteuse spéciale de respecter les limites de son mandat, l’Arabie saoudite en a rejeté les recommandations.

La France a rappelé que les gouvernements avaient l’obligation de protéger le droit à la vie.  La France considère en ce sens que le respect du droit à la santé, y compris sexuelle et reproductive, doit être assuré en toutes circonstances.  Elle déplore donc toute entrave à la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive tels que la contraception, le traitement du VIH/sida ou encore l’avortement, car ces entraves contribuent à augmenter le taux de décès évitables.  La France a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles mesures elle préconisait pour que le droit des prestataires de santé sexuelle à exercer leurs fonctions sans intimidation puisse être mieux protégé.

La Nouvelle–Zélande a expliqué que 130 millions de personnes avaient besoin d’aide et de protection et s’est déclarée préoccupée du déni d’aide humanitaire.  Pour la Nouvelle-Zélande, les fournisseurs d’aide humanitaire ne devraient pas avoir à se retrouver face à un dilemme consistant à, soit diminuer leur offre de services soit voir leurs financements diminuer.  Elle s’est félicitée de l’adoption de la résolution du Conseil des droits de l’homme qui exhorte les États à faire en sorte que les lois sur la santé sexuelle et reproductive soient conformes aux droits de l’homme.  Elle a enfin demandé quels étaient les plus grands défis pour que les organisations humanitaires ne soient pas empêchées de fournir ces services qui sauvent des vies.

L’Australie a fait état de ces lois qui contiennent des sauvegardes pour protéger les acteurs humanitaires.  El Salvador a également fait état des mises en œuvre dans le pays pour protéger les groupes les plus vulnérables de la population et a expliqué son attachement à la jouissance des droits et libertés fondamentales.

Pour le Brésil, la migration ne devrait pas être considérée comme une menace ou un état d’urgence qui empêcherait les États d’appliquer le droit international, surtout lorsque les normes comme le droit à la vie est menacé.  Le Brésil rejette en outre la criminalisation des migrants réguliers et demande à la Rapporteuse spéciale de préciser quelles mesures pratiques les États peuvent prendre pour protéger les groupes fournissant ces services aux migrants. 

Le Mexique s’est attaché à l’importance de la pénalisation des féminicides et autres crimes liés au genre.  Il a demandé quelles étaient les mesures à prendre pour faire face au problème des violences faites aux femmes en situation vulnérable.

L’Islande est revenue sur l’assassinat du journaliste saoudien Khashoggi et a dit appuyer la demande d’une enquête indépendante.  Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale ce qu’une telle enquête devrait faire.  L’Islande aimerait aussi savoir si la Rapporteuse spéciale a envisagé d’enquêter sur la situation au Yémen.  Les États-Unis ont, eux aussi, évoqué l’assassinat de Jamal Khashoggi et ont demandé une enquête impartiale.  Les États-Unis sont en outre préoccupés par le fait que les crimes extrajudiciaires sont des pratiques courantes dans de nombreux pays.  Ils ont demandé à la Rapporteuse spéciale comment les États pouvaient mettre mieux en œuvre les mécanismes pour éviter les récurrences de ces pratiques.

L’Iraq a défendu l’existence de la peine de mort dans le pays en expliquant qu’elle n’était appliquée que pour les crimes les plus graves, en vertu du droit souverain garanti par l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  En outre, il existe de nombreuses garanties pour protéger les droits avant d’appliquer la sentence en cas de condamnation à mort.

Pour la Suisse, assurer la sécurité de l’État est légitime mais lesdits États ne sauraient utiliser la lutte contre le terrorisme pour ne pas respecter leurs obligations vis à vis des droits de l’homme.  La Suisse exhorte les États à s’assurer que les activités des organisations humanitaires ne soient pas criminalisées et s’inquiète de ce que de nombreux acteurs humanitaires connaissent des difficultés du financement.

L’Union européenne a demandé à la Rapporteuse spéciale si elle pouvait indiquer ses priorités pour les mois à venir et les éventuelles visites prévues dans les pays.

Réponses

Dans ses réponses, Mme AGNÈS CALLAMARD a souligné que le point de départ dans le contexte de ses travaux est la victime.  La Rapporteuse spéciale met au cœur de son action la question relative à la protection des victimes, tout comme les programmes des Nations Unies.  Insistant sur le lien humanitaire, elle a invité les délégations à lire son rapport au côté des rapports précédents de ses prédécesseurs.  Si certains pensent qu’elle s’écarte de son mandat, celui-ci repose fermement sur les analyses et travaux de ses cinq prédécesseurs, a-t-elle insisté.  Si son rapport a accordé une grande importance à la dimension juridique, c’est que cet aspect se rattache au potentiel des exécutions arbitraires.

S’agissant des obstacles et défis, Mme Callamard a longuement évoqué les problèmes auxquels se heurtent les agents humanitaires.  D’abord, ces personnes sont ciblées sur le terrain par les parties au conflit.  Ensuite, sur le plan des normes, elle voit le monde avancer dans une direction « nocive », sous divers prétextes, tels que la lutte contre le terrorisme ou d’autres.  Il y a une « normalisation de la criminalisation » des personnes qui tentent de sauver les vies, a-t-elle dénoncé.

C’est pourquoi la Rapporteuse spéciale a exhorté la communauté internationale, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité à agir à cet égard.  Elle a expliqué qu’elle ne faisait ici que souligner la mise en œuvre du respect des obligations faites aux États et conformes au travail humanitaire.  Car, a-t-elle poursuivi, lorsque l’on empêche les travailleurs humanitaires d’accomplir leur tâche, les populations deviennent doublement victimes.  Cette dynamique complexe doit être prise en compte, a-t-elle insisté.  C’est pourquoi aussi Mme Callamard demande l’adoption de mesures claires.  Elle juge en effet qu’il faut impérativement progresser sur ces questions.

En réponses aux références faites au journaliste saoudien Jamal Khashoggi, la Rapporteuse spéciale a fait observer que dire que cet assassinat relève de la portée de son mandat n’est pas une « observation personnelle ».  Il s’agit là d’une « exécution arbitraire où des représentants d’un État sont impliqués », a-t-elle insisté.  « Je ne sais pas de qui il s’agit », a-t-elle ajouté, mais, au vu de la nature internationale du crime commis, de l’identité de la victime, du fait que plusieurs pays sont impliqués et que les assassinats de journalistes constituent une priorité majeure pour les États Membres, Mme Callamard a estimé qu’une « enquête internationale » permettrait d’avancer pour « refuser et rejeter » ce type d’exécution.  La Rapporteuse spéciale a suggéré, pour finir, la mise en place d’« un mandat pour passer en revue les éléments de preuve » collectés par la Turquie et l’Arabie saoudite.  À cette fin, elle a préconisé la constitution d’une équipe d’experts mandatée par la communauté internationale.

Déclaration liminaire

M. DAVID BOYD, Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, a présenté un rapport dans lequel il explique pourquoi, à ses yeux, il est temps que les Nations Unies reconnaissent le droit fondamental à un environnement sûr, propre, sain et durable.

Déplorant que les sociétés humaines soient la cause de dégradations environnementales sans précèdent et que l’humanité ait excédé un nombre de limites essentielles à la vie humaine et à la planète Terre, le Rapporteur spécial a notamment rappelé que les taux de dioxyde de carbone dans l’air s’élevaient à des niveaux sans précédent, entraînant les changements climatiques, et que le taux d’extinction des espèces était 100 fois supérieur à la normale.

L’Organisation mondiale de la Santé attribue près d’un quart de la charge mondiale de la morbidité à « l’exposition à des risques environnementaux dans l’air que nous respirons, dans l’eau que nous buvons, dans la nourriture que nous mangeons et dans les bâtiments dans lesquels nous vivons », a ajouté M. Boyd, alors que ceci pourrait être évité grâce à des lois, des politiques et des programmes plus sévères.

En 2012, a expliqué M. Boyd, le Conseil des droits de l’homme a créé ce nouveau mandat, qui était alors d’Expert indépendant, et placé à sa tête M. John Knox, son prédécesseur.  En 2015, le mandat a été promu au niveau de Rapporteur spécial et encore étendu en 2018.  Il a, à ce propos, noté qu’à l’époque de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les mots « changements climatiques », « diversité biologique » et « fardeau environnemental » n’existaient pas.  Et pourtant, aujourd’hui les systèmes écologiques, la diversité biologique et les conditions de la planète, « qui sont les fondations vitales de l’existence humaine » connaissent un stress sans précédent.  « Notre dépendance à un environnement sain ne fait plus débat » a-t-il constaté.

M. Boyd a expliqué que son prédécesseur et lui-même étaient d’accord pour dire qu’il y avait un manque dans le système international des droits de l’homme et qu’il était temps que les Nations Unies reconnaissent le droit fondamental des individus à vivre dans un environnement sûr, propre, sain et durable; ce droit réunissant tous les critères établis par l’Assemblée générale régissant la proclamation de droits additionnels.  Il a fait observer que si l’ONU n’avait pas encore reconnu ce droit, certains États Membres l’avaient déjà fait et qu’il était désormais inscrit dans la Constitution de plus de 100 pays.

Pour le Rapporteur spécial, le test ultime dans l’évaluation du droit à un environnement sain consiste à savoir si ce dernier contribue à des individus et des écosystèmes sains.  Il estime à cet égard que les preuves sont sans appel, comme le montrent de nombreuses études qui concluent que la reconnaissance de ce droit aurait un impact positif direct sur les performances environnementales ainsi que sur la qualité de vie des populations les plus vulnérables.

M. Boyd a ensuite énuméré quatre approches que l’Assemblée générale pourrait utiliser pour reconnaître le droit à un environnement sain.  La première consiste en un nouveau traité international, tel que le Pacte mondial introduit par la France, l’année dernière, et qui est en cours de discussion.  La seconde serait le développement d’un protocole additionnel à un traité déjà existant tel que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  La troisième approche serait d’adopter un nouveau pacte international pour compléter le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Enfin, l’Assemblée générale pourrait adopter une résolution se concentrant sur le droit à un environnement sain, comme elle l’a fait pour les droits à l’eau et à l’assainissement en 2010.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. David Boyd, le Costa Rica, qui s’est présenté comme un pays confronté à de grands défis en matière environnementale, a rappelé qu’il avait déjà reconnu au niveau constitutionnel le droit à un environnement sain et équilibré et avait en outre lancé, en septembre, une initiative qui vise à promouvoir l’égalité des sexes et des droits en accord avec l’environnement.  Dans ce cadre, il aimerait savoir quels sont les avantages de reconnaître le droit à un environnement sain.  La Suisse encourage le Rapporteur spécial à présenter une analyse de la mise en œuvre des législations nationales sur la question et aimerait des précisions sur l’analogie faite dans le rapport avec le droit à l’eau potable et à l’assainissement.

L’Union européenne prête une grande importance à la promotion de tous les droits de l’homme, notamment dans ses politiques environnementales.  Ses États membres participent activement à la protection de l’environnement et ont accédé à une convention qui exige des parties qu’elles fournissent des informations à l’examen de ce droit.  L’Union européenne est disposée à participer au débat en vue d’une reconnaissance universelle du droit à un environnement sain, mais estime qu’à court terme, s’engager sur la voie d’une déclaration juridiquement contraignante ne serait pas l’idéal.  Parmi les options proposées dans le rapport, quelle serait la plus réaliste?  La France a rappelé sa proposition de texte universel et général sur la protection de l’environnement et estime qu’il pourrait ouvrir la voie à un possible pacte mondial sur l’environnement.  Elle participera aux travaux en mettant un environnement sain au cœur de ses priorités.  Elle voudrait aussi savoir quelles sont les différences entre les pays ayant intégré le droit à un environnement sain dans leur droit interne et si un instrument juridiquement contraignant pourrait contribuer à une protection effective de ce droit.

La Slovénie a relevé que beaucoup de travail a été effectué par le mandat et s’est félicitée que le dernier rapport présente des principes cadres reflétant l’importance des droits de l’homme dans le contexte de l’environnement.  Elle aimerait que le Rapporteur spécial explique comment il compte s’appuyer sur le travail effectué à Genève et à New York et quelles sont les priorités de son mandat.

La Fédération de Russie a souligné qu’un environnement sain est important pour l’exercice d’une large gamme de droits de l’homme et qu’y porter atteinte constitue une entrave aux droits à la vie, à la santé, à l’eau, à la culture et au développement.  Mais, ajoute-t-elle, il faut aussi renforcer les obligations en matière de préservation de la nature, sur la base du développement durable.  La Fédération de Russie estime en outre que le mandat de M. Boyd doublonne avec de nombreux mécanismes et organismes des Nations Unies.  Elle pense qu’il faut faire montre de prudence au sujet du projet de déclaration mondiale et comprendre la différence entre le document proposé et ce qui existe déjà.

Réponses

Dans ses réponses, M. DAVID BOYD a souligné les avantages de la reconnaissance du droit à un environnement sain au sein de l’Assemblée générale.  Nous avons une expérience de plus de 40 ans et cela a permis la mise en place de législations robustes et de démontrer leur efficacité, notamment à travers une réduction des gaz à effet de serre, a-t-il plaidé.  Certes, il ne s’agit pas d’un droit de l’homme nouveau puisque le Portugal a été le premier pays à l’introduire dans sa Constitution, suivi de l’Espagne et par la suite de plusieurs autres pays.  Mais pour le Rapporteur spécial, reconnaître ce droit aura des incidences positives sur la vie quotidienne des populations.  Quant aux actuels accords multilatéraux, ils permettent de consolider et d’harmoniser les législations nationales et d’intégrer le concept des droits de l’homme à l’ensemble des accords liés à cette problématique.

S’agissant de l’avenir de son mandat, M. Boyd a indiqué qu’il entendait poursuivre sur la voie de son prédécesseur, notamment son action sur les procédures.  Il a précisé qu’il présenterait, en 2019, au Conseil des droits de l’homme un premier rapport consacré à la pollution de l’air.  Il compte aussi se pencher sur l’approche genre, identifier les bonnes pratiques et aborder la défense des défenseurs des droits de l’homme en matière de protection de l’environnement.

M. Boyd a enfin dit avoir noté, dans le cadre d’analyses et d’étude, que les États qui ont intégré le droit à un environnement sain dans leur Constitution avaient connu des avancées remarquables en matière d’environnement.  Il a rappelé qu’il avait consacré un livre à cette question, avant de conclure en qualifiant de de lacune l’absence d’un droit mondial à un environnement sain.

Déclaration liminaire

M. BASKUT TUNCAK, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, a présenté un chiffre alarmant: plus de deux millions de travailleurs meurent chaque année de maladies professionnelles, dont près d’un million dû uniquement à l’exposition toxique.

L’exploitation des travailleurs peut revêtir des formes multiples, a expliqué le Rapporteur spécial, qui évoque cependant dans son rapport cette forme « particulièrement cruelle » qu’est l’exposition à des substances toxiques.  D’ici la fin de mon intervention liminaire -une dizaine de minutes- « environ 20 travailleurs seront morts prématurément à cause de ces expositions », a lancé M. Tuncak.

Les travailleurs ne sont toutefois pas les seuls à être exposés à des substances toxiques.  Aujourd’hui, une grande partie du monde se trouve « du mauvais côté, dans un fossé toxique », a expliqué le Rapporteur spécial.  L’exposition à la pollution est la plus grande source de décès prématurés dans les pays en développement, a-t-il ajouté, citant des estimations.  Elle tue plus de personnes que le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme réunis.  De fait, a encore fait observer le Rapporteur spécial, cette problématique demeure une crise de santé publique qui touche tous les pays, des plus riches aux moins industrialisés.

Les pédiatres décrivent aujourd’hui les enfants comme nés « pré-pollués » en raison de leur exposition très tôt à un cocktail de substances incontestablement toxiques, dont beaucoup ne seront démontrées que des années plus tard, a poursuivi M. Tuncak.  Or, cette « pandémie silencieuse » de maladies qui cause incapacités et décès prématurés est maintenant généralisée, en grande partie à cause de l’exposition des enfants pendant les périodes sensibles de leur développement.

Les maladies et les incapacités résultant de l’exposition à des substances toxiques sont cruelles, a poursuivi le Rapporteur spécial, citant les cancers ou encore la suffocation et les maladies respiratoires, sans parler des supplices psychologiques subis par la famille.  Il s’est élevé, à cet égard, contre le comportement scandaleux de certains États et entreprises, qui déploient des « efforts inimaginables pour nier » les effets sur la santé des expositions.  Parfois, dit-il, ils iront jusqu’à accuser les victimes elles-mêmes, d’avoir mal compris la notice qui parfois est libellée en langue étrangère.

Pour M. Tuncak, le plus odieux est qu’il existe presque toujours des alternatives pour prévenir ou minimiser les expositions.  Des solutions à ces abus et violations des droits de l’homme sont disponibles si les États décident de contraindre les entreprises à les adopter.

Malheureusement, au sein de la grande majorité des pays, les efforts déployés à cet égard sont manifestement insuffisants.  Le Rapporteur spécial a cité quelques cas illustrant ces faits portés à son attention ces dernières années.  Il a ainsi cité la vente de produits de consommation non testés en Corée, qui ont coûté la vie à des dizaines de nouveau-nés, de femmes enceintes et de personnes âgées.  En 2015, le nombre de décès reconnus était de 95, pour plus de 200 autres intoxiqués, mais les évaluations du nombre réel de victimes sont toujours en cours et, à ce jour, quelque 1 300 plaintes ont été enregistrées.

Le rapport mentionne également 40 000 décès prématurés, par an, dus à la pollution de l’air uniquement dans la ville de Londres et le combat d’une femme pour faire reconnaître que la pollution de l’air, qui dépasse de loin les exigences de l’Union européenne et les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a été derrière la cause du décès de sa fille de 9 ans.

Le Rapporteur spécial a également mentionné le sort tragique des familles Roms, Ashkali et égyptiennes au Kosovo, hébergées dans des camps des Nations Unies construits sur des terres toxiques entre 2009 et 2013.  Ces familles ont encore du mal à exercer leur droit à un recours effectif, a-t-il fait remarquer.  Aucun État Membre n’a contribué au fonds fiduciaire des Nations Unies créé il y a un an.

Pour M. Tuncak, ce ne sont là que quelques exemples parmi des dizaines, qui concernent des secteurs variés allant des industries extractives à la production de produits chimiques.

M. Tuncak a qualifié en conclusion de « formidable opportunité » les négociations mondiales en cours visant à élaborer le cadre mondial « post 2020 » pour les produits chimiques et les déchets toxiques.  Pour lui, c’est l’occasion de conclure un accord mondial fort pour améliorer la santé humaine en prévenant et en minimisant les expositions toxiques au niveau mondial.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Baskut Tuncak, l’Union européenne s’est dite d’accord pour reconnaître la situation des travailleurs exposés aux produits et déchets dangereux.  Dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’objectif 8 vise à garantir un travail décent pour tous, a-t-elle rappelé, tout en se disant consciente des risques que les produits et déchets dangereux font courir à l’environnement et à la santé.  Se disant favorable à l’objectif du Rapporteur spécial de lancer un dialogue sur les obligations de toutes les parties, l’Union européenne lui a demandé ce qui pourrait être fait pour protéger les travailleurs de ces conditions de travail dangereuses.  Elle a aussi voulu avoir des exemples de bonnes pratiques s’agissant des recours en cas d’entraves aux droits de l’homme.

Le Japon a souhaité rectifier certains éléments du rapport de M. Tuncak concernant l’accident nucléaire de Fukushima-Dairi.  Le Rapporteur spécial n’a pas pris en compte les réponses du Japon s’agissant du risque radioactif persistant à Fukushima, a fait valoir la délégation, assurant que le pays continuait de fournir une aide au logement aux évacués, ces derniers étant libres de rentrer chez eux si telle est leur volonté.  Le Gouvernement ne force personne, a insisté la délégation.  Quant aux doses radioactives admissibles, il semble y avoir une incompréhension.  Le Gouvernement du Japon poursuit ses efforts pour atteindre l’objectif d’un millisievert.  Le Japon reproche au Rapporteur spécial d’avoir diffusé des informations incorrectes et porté atteinte à la réputation de Fukushima.

Réponses

Dans ses réponses, M. BASKUT TUNCAK a insisté sur l’importance d’informer les travailleurs sur les substances qu’ils manipulent: « ils doivent savoir à quelle substance ils sont exposés ».  Concernant les substances chimiques toxiques utilisées dans l’industrie, certaines ont été considérées comme sûres pour l’être humain, mais d’autres n’ont pas été testées à ce jour, alors que des travailleurs, y compris des femmes, continuent d’y être exposés.  S’agissant d’actions concrètes dans l’évaluation de ces substances, le Rapporteur spécial a salué l’action de certains pays de l’Union européenne qui ont entamé une telle évaluation.

Pour ce qui est de donner son consentement avant l’utilisation de certaines substances, M. Tuncak a répondu qu’il était difficile à un travailleur de condition modeste, dont l’unique besoin est de nourrir sa famille, de le refuser si on le lui demandait.  Quant au recours, la meilleure pratique consiste à établir un lien de cause à effet, a estimé le Rapporteur spécial.  À cet égard, le cas de l’amiante est riche en enseignements.

M. Tuncak a par ailleurs invité le Japon à appliquer scrupuleusement la recommandation de la Commission internationale de protection contre les radiations (CIPR), notamment pour protéger les femmes et enfants exposés aux radiations lors de la catastrophe de Fukushima.  Il a, pour finir, repris à son compte les appels à une reconnaissance universelle d’un environnement propre, sain et durable car lors de ses visites sur le terrain, « cela lui a semblé ne pas être un droit mais plutôt un privilège ».

Déclaration liminaire

M. RUDDY JOSÉ FLORES MONTERREY, Rapporteur-Président du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur une déclaration des Nations Unies relative aux droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, a présenté le rapport de la cinquième session de son organe au Conseil des droits de l’homme.  Ce Groupe de travail, a-t-il précisé, a été constitué pour négocier, conclure et soumettre au Conseil un projet de « Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales ».

Au cours de la cinquième session, qui s’est tenue du 9 au 13 avril, la version révisée du projet de déclaration a été négociée dans un environnement constructif, inclusif et transparent, a-t-il indiqué, ajoutant que, dans une déclaration liminaire, la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme avait souligné qu’il était urgent que le Groupe de travail achève ses travaux afin de répondre au manque de protection qui touche plus d’un milliard de personnes.  Soulignant que les petits agriculteurs fournissent une grande partie de la nourriture consommée localement (80% en Asie et en Afrique subsaharienne, alors que 80% de la population mondiale souffrant de la faim vit dans des zones rurales), elle a jugé que la seule façon de les inclure était de ne jamais les laisser pour compte, a rapporté M. Flores Monterrey en la remerciant.

Outre le résumé des discussions, le rapport contient en annexes les propositions spécifiques reçues dans les délais convenus, a indiqué M. Flores Monterrey.  Dans ses conclusions, le Groupe de travail a exprimé ses préoccupations concernant la situation des droits de l’homme des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.  Il a reconnu leurs contributions à la lutte contre la faim, à la préservation et à l’amélioration de la biodiversité, soulignant la nécessité de respecter, promouvoir, protéger et réaliser leurs droits fondamentaux.  Les recommandations comprennent la présentation pour approbation du projet de déclaration à la trente-neuvième session du Conseil des droits de l’homme, tenue en septembre dernier, conformément au mandat du Groupe de travail, a précisé le Président-Rapporteur.

En vertu du mandat donné et sur la base des propositions de texte reçues et des dizaines de consultations informelles tenues avec toutes les parties intéressées, la présidence a distribué une version révisée du projet de déclaration aux missions permanentes en août.  Cette version révisée cherchait à intégrer les différents points de vue présentés, tout en maintenant l’objectif de la Déclaration de répondre au mandat confié.

Le Président-Rapporteur s’est félicité que, le 28 septembre, le Conseil des droits de l’homme ait adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, par sa résolution 39/12.  Cette adoption historique est, selon lui, la reconnaissance de six années de négociations constructives, inclusives et transparentes au sein du Groupe de travail intergouvernemental.  « C’est avant tout l’expression de la volonté internationale de promouvoir l’égalité des droits et la dignité des personnes et des communautés en situation de vulnérabilité, en particulier de celles qui nous fournissent de la nourriture dans le monde », a-t-il soutenu, ajoutant que, dans sa résolution, le Conseil des droits de l’homme recommandait à l’Assemblée générale d’adopter la Déclaration et invitait tous les gouvernements, organisations internationales et autres parties concernées à la diffuser et à en promouvoir le respect universel.

« Protéger les droits des personnes qui vivent et travaillent dans les zones rurales, c’est protéger la principale source de nourriture dans le monde, c’est protéger la biodiversité dont dépendent les systèmes alimentaires, c’est protéger les emplois et les moyens de subsistance de millions de familles, c’est promouvoir la durabilité environnementale, la résilience et l’adaptation aux changements climatiques, et surtout promouvoir l’égalité des droits », a-t-il conclu.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Ruddy José Flores Monterrey, la Bolivie a souligné que les paysans étaient essentiels pour assurer la sécurité alimentaire, lutter contre les changements climatiques et protéger la biodiversité.  La Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales est le produit de plusieurs années de travail et d’un consensus entre les États, les organisations intergouvernementales, les organisations non gouvernementales, la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme, a-t-il souligné.  Pour la Bolivie, la Déclaration est peut-être une étape significative dans la reconnaissance de l’apport des paysans à l’humanité.  C’est aussi une excellente occasion de défendre l’égalité des droits.  La Bolivie présentera un projet de résolution portant sur cette Déclaration au cours de la session. 

Observant que 90% des personnes qui connaissent la pauvreté extrême vivent en zones rurales et que la majorité d’entre elles sont des paysans, Cuba a encouragé les différentes parties à contribuer au processus en faveur de la reconnaissance des droits des paysans.  Cuba salue l’adoption par le Conseil des droits de l’homme de la résolution 39/12, dont il est coauteur, et encourage les États Membres à apporter leur soutien à la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

L’Indonésie a indiqué qu’assurer les moyens de subsistance des paysans et des personnes vivant dans les zones rurales constituait une priorité nationale.  C’est pourquoi le pays s’est porté coauteur de la résolution sur ce thème adoptée l’an dernier au Conseil des droits de l’homme.  Le Gouvernement a aussi contribué au projet de déclaration à Genève, lequel est en phase avec ses législations et stratégies nationales.  L’Indonésie souligne, d’autre part, que sa Constitution dispose que les terres, les eaux et les ressources naturelles doivent relever de l’État et bénéficier aux populations.  En dépit de son appui à la Déclaration, l’Indonésie a dit vouloir examiner encore la définition des droits énoncés et la nature évolutive de certains éléments. 

L’Afrique du Sud a indiqué avoir mis en place de nombreux programmes et stratégies pour soutenir sa population paysanne et assurer la sécurité de l’emploi des personnes vivant en zones rurales.  Elle a par ailleurs reconnu que la question de la propriété foncière est essentielle pour le développement socioéconomique de tous les pays.  C’est pourquoi l’Afrique du Sud a pris en compte dans sa Constitution la question de l’appropriation des terres afin de rendre justice aux paysans qui ont contribué au développement économique du pays.  Elle appuie la Déclaration.

L’Union européenne s’est déclarée vivement préoccupée par les inégalités persistantes entre les zones rurales et urbaines.  Elle a aussi réaffirmé son attachement à respecter les droits de l’homme, quel que soit le lieu de résidence et de travail.  Le plein exercice des droits de l’homme pour les personnes en zones rurales constitue une priorité de son action, a-t-elle assuré.  Toutefois, elle estime que des problèmes persistent dans le texte de la Déclaration, notamment la création de nouveaux droits humains ou collectifs.  Dans ce contexte, l’Union européenne a demandé à M. Flores Monterrey quels seraient les meilleurs moyens de dialoguer avec les paysans et personnes vivant dans les zones rurales afin d’améliorer la productivité agricole et contribuer à la sécurité alimentaire.

Réponses

Dans ses réponses, M. RUDDY JOSÉ FLORES MONTERREY a expliqué que, dans la résolution 39/12 du Conseil des droits de l’homme, des « dispositions ont été prévues pour adapter la Déclaration au développement social et à l’ordre juridique national ».  Grâce à ce processus, on est parvenu à un document équilibré, a-t-il estimé, en voyant la preuve lors de l’adoption du texte par le Conseil des droits de l’homme.

Pour M. Flores Monterrey, les paysans et les travailleurs en zones rurales constituent les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles.  Ils méritent le soutien de la communauté internationale et cette Déclaration le leur apporte, a-t-il insisté.  Il s’est félicité que le processus ait été ouvert, car cela a permis d’intégrer diverses propositions de pays et groupes régionaux à même de garantir que les différentes visions seraient compatibles.  Cette approche a été reconnue à Genève au moment de l’adoption du texte, a-t-il insisté.  La Déclaration marque une étape, a-t-il ajouté, avant d’appeler à sa mise en œuvre au niveau national.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La Première Commission examine la question des armes classiques, ses chiffres alarmants et ses quelques progrès

Soixante-treizième session,
18e séance – matin
AG/DSI/3610

La Première Commission examine la question des armes classiques, ses chiffres alarmants et ses quelques progrès

Avant de reprendre leurs débats sur les armes classiques, d’en reconnaître les chiffres alarmants mais aussi les quelques progrès, la Première Commission chargée du désarmement et de la sécurité internationale a d’abord rejeté, par 77 voix contre, 34 voix pour et 12 abstentions, une motion d’ordre des États-Unis visant à ne pas examiner un projet de résolution russe sur le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) duquel ils envisagent de se retirer.

Cette question tranchée, les délégations ont pu s’exprimer sur les armes classiques.  La Lettonie a souligné qu’aujourd’hui 90% des pertes en vies humaines dans les conflits sont désormais enregistrées parmi les populations civiles alors qu’au début du XXe siècle c’était parmi les soldats.  Chaque année, les armes conventionnelles tuent 500 000 personnes, dont 70 000, en zones de conflit, a chiffré la Lettonie.

Au premier rang des accusés, les armes légères et de petit calibre (ALPC). Leur imputant plus de 70% des décès chez elle, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a souligné qu’elle n’en produit pas ni n’en exporte.  La Jamaïque a imputé cette situation préoccupante à la porosité des frontières des pays comme le sien et à leur emplacement géographique.  Les pays en développement n’ont pas les ressources suffisantes pour lutter contre des réseaux criminels aux moyens sophistiqués et lourds, a prévenu le Honduras, qui estime qu’une grande partie du désarmement passe par la lutte contre ce fléau.  La balle est dans le camp des grands exportateurs d’armes, ont ajouté la CARICOM et le Honduras, en appelant au renforcement de la coopération internationale.

Quelques pays ont souligné les progrès réalisés ces dernières années: au nom des pays nordiques, la Finlande s’est félicitée de ce que la Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC ait mis en exergue la question de la participation des femmes à la réalisation des objectifs convenus.  Comme l’a noté le Canada, il est essentiel de donner aux femmes les moyens de s’engager comme partenaires à part entière dans l’élaboration de politiques et de programmes en matière de non-prolifération, de contrôle des armes et de désarmement.

Le Honduras a également apprécié que le problème spécifique des munitions y ait été reconnu, même si la Suisse a noté que cette question ne faisait visiblement pas l’unanimité.  Les États-Unis souhaitant que la communauté internationale reste concentrée sur les efforts à faire sans pour autant créer des exigences inatteignables.  Ils ont, par ailleurs, salué les résultats du Groupe intergouvernemental d’experts sur les systèmes d’armes létales autonomes, une discussion couronnée de succès et productive « malgré l’action de certains États qui ont essayé de politiser les débats ». 

Également ravie par la teneur des discussions, l’Union européenne a jugé que « les êtres humains doivent être aux commandes lorsque sont prises des décisions qui touchent à la vie et à la mort ».  La Finlande a paru en revanche peu convaincue de l’opportunité de mener à ce stade des négociations sur des normes juridiquement contraignantes.  Il nous manque, a-t-elle argué, une définition claire de ces armes pour avancer.  Cependant, elle a estimé que les mines sont un des domaines sur lesquels on peut progresser.

La mise en œuvre de la Convention sur les mines antipersonnel a en effet reçu quelques éloges même si l’Irlande a relativisé ce constat avec des chiffres alarmants. Élargissant le débat aux armes explosives en zones peuplées, elle a rappelé, qu’en 2017, 42 000 personnes ont été tuées ou blessées par ces dispositifs meurtriers et aveugles.  Non seulement 3 victimes sur 4 étaient des civils, soit une augmentation de 38% en un an, mais ce taux passe à 92% lorsque ces armes explosent dans des zones densément peuplées.  Quand la communauté internationale ne peut prévenir un conflit, qu’elle travaille au moins à la protection des civils, s’est-elle impatientée.

Face à ces chiffres terribles, la Suisse a souligné que les engins explosifs improvisés (EEI) activés par les victimes relèvent de la définition des mines antipersonnel.  À ce titre, la Convention citée plus haut fournit, selon elle, un cadre important pour faire face aux défis que posent ces engins et aux conséquences de leur utilisation.

Tous ces défis ont poussé certains représentants à s’inquiéter du financement des instruments multilatéraux.  La Lettonie s’est dite préoccupée par la chute des contributions obligatoires au Traité sur le commerce des armes.  Les États-Unis ont rappelé qu’ils sont toujours le premier pays en termes d’aide à la destruction des armes classiques, avec 3,2 milliards de dollars depuis 1993. L’Union européenne a précisé qu’elle entend contribuer à la lutte antimines dans le monde, en finançant les activités de déminage, de sensibilisation et d’aide aux victimes à hauteur de 600 millions d’euros.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE ET LES ARMES CONVENTIONNELLES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Motions d’ordre

Les États-Unis ont présenté une motion d’ordre visant à ce que la Commission n’examine pas le projet de résolution relatif au Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) qu’a soumis la Fédération de Russie.  Les États-Unis ont expliqué leur motion par le fait que cette dernière n’a soumis son texte qu’hier soir, soit plus d’une semaine après la date butoir du 18 octobre, sans compter qu’elle n’a pas hésité à le fuiter à la presse russe avant même que les membres de la Commission n’en soient informés, un « précédent regrettable ».

C’est l’évolution de la situation en ce qui concerne le Traité FNI qui nous a contraints à réagir, s’est expliquée la Fédération de Russie, face « à cet événement critique ».  Elle a rappelé que, le 20 octobre, le Président Donald Trump a jugé « possible » que son pays se retire du Traité FNI et annoncé son intention de renforcer l’arsenal nucléaire américain.  La communauté internationale, a dit craindre la Fédération de Russie, est donc confrontée à une nouvelle réalité, celle « moins sûre et moins stable » d’une nouvelle course aux armements nucléaires.  Le retrait des États-Unis du Traité aurait un impact sur la sécurité d’au moins 40 États européens, voire sur la sécurité internationale.  C’est devant ce « « cas de force majeure » que la Fédération de Russie s’est dite obligée de réagir pour prévenir des « conséquences apocalyptiques ». 

Le projet de résolution, a-t-elle précisé, se fonde sur une série de résolutions adoptées à l’Assemblée générale pour assurer la viabilité du Traité FNI.  Le texte vise la poursuite des consultations entre la Fédération de Russie et les États-Unis afin d’aplanir les préoccupations mutuelles dans le cadre du Traité.  Nous serions alors en mesure, a plaidé la Fédération de Russie, de préserver le Traité et de renforcer la responsabilité des deux parties dans sa mise en œuvre.  La préservation du Traité, a-t-elle insisté, est une condition sine qua non des progrès vers la réduction des arsenaux nucléaires.  La Fédération de Russie a donc appelé les États à appuyer son projet de résolution, se disant prête à poursuivre les consultations pour préciser sa position ainsi que les orientations et objectifs du texte.

Le Président de la Commission peut-il se prononcer sur notre motion d’ordre? se sont impatientés les États-Unis, qui ont invoqué l’article 113 du Règlement intérieur de l’Assemblée générale: « Au cours de la discussion d’une question, un représentant peut présenter une motion d’ordre et le Président statue immédiatement sur cette motion conformément au Règlement.  Tout représentant peut en appeler de la décision du président.  L’appel est immédiatement mis aux voix et, si elle n’est pas annulée par la majorité des membres présents et votants, la décision du président est maintenue. Un représentant qui présente une motion d’ordre ne peut, dans son intervention, traiter du fond de la question en discussion. »

Si j’ai bien compris, a demandé le Président, les États-Unis demandent que la Commission se prononce contre l’examen du projet de résolution russe?  Arguant de l’unanimité de tous les membres du Bureau, du Règlement intérieur et de l’importance du consensus, le Président a proposé d’accorder un peu plus de temps pour discuter de cette question et d’y revenir plus tard dans la journée ou demain matin.  Nous demandons une mise aux voix immédiatement, ont rétorqué les États-Unis.  Nous demandons, ont-ils précisé, que la Commission reconnaissance le dépassement de la date butoir pour la présentation des projets de résolution.  À moins qu’une délégation ne demande un vote, a avoué le Président, je préférerais poursuivre les discussions.  Nous demandons un vote, ont répété les États-Unis.

Après avoir consulté le Conseiller juridique, le Président a donné lecture de l’article 113 du Règlement intérieur.  Quelles seraient les conséquences de l’adoption de la motion d’ordre américaine? s’est inquiétée la Fédération de Russie.  Nous parlons, a-t-elle insisté, de sécurité internationale, une question qui relève de la compétence de l’ONU.  Nous allons, a-t-elle prévenu, « voter sur l’avenir du monde ».  « Les États-Unis veulent sortir du Traité et augmenter leur arsenal nucléaire et, nous, nous jouons au jeu du Règlement intérieur? » s’est indignée la Fédération de Russie « très émue et très frappée » par la situation.  Nous sommes, s’est-elle alarmée, « au bord d’une poudrière » qui pourrait enflammer l’Europe et le monde.  On ne peut pas opposer à une telle menace le Règlement intérieur.  Nous sommes absolument opposés à cette approche et demandons à tous les États « responsables » d’appuyer notre proposition, a plaidé la Fédération de Russie.

Le Président a tout de même appelé « au calme » et rappelé que « rester civilisé fait partie de la profession de diplomate ».  Les questions urgentes de sécurité relèvent du Conseil de sécurité, ont martelé les États-Unis, répétant que nous sommes ici devant une date butoir largement dépassée.  Votons sur la recevabilité ou l’irrecevabilité du projet de résolution russe, se sont-ils, une nouvelle fois, impatientés.

Ma proposition, a répété, à son tour, le Président, est de donner plus de temps aux discussions.  Pour examiner la motion d’ordre? s’est demandé l’Allemagne.  De combien de temps parlez-vous?  La précision est venue du Secrétariat de la Commission: ceux qui votent « oui », votent pour la recevabilité du projet de résolution russe, et ceux qui vote « non », votent pour donner plus de temps aux discussions sur ladite recevabilité.  Le Président veut donc un peu plus de temps pour prendre une décision sur la motion d’ordre américaine? ont dit comprendre les Pays-Bas.

Mise aux voix, la motion des États-Unis sur l’irrecevabilité du projet de résolution russe a été rejetée par 77 voix contre, 33 voix pour et 12 abstentions.  La Commission a donc suivi la proposition de son Président de laisser du temps aux discussions en vertu de l’article 116 du Règlement intérieur qui dispose : « Au cours de la discussion d’une question, un représentant peut demander l’ajournement du débat sur la question en discussion.  Outre l’auteur de la motion, deux orateurs peuvent prendre la parole en faveur de l’ajournement, et deux contre, après quoi la motion est immédiatement mise aux voix. »

Déclarations

Au nom du Groupe des États d’Afrique, Mme AAHDE LAHMIRI (Maroc) s’est dite profondément préoccupée par le commerce, le transfert et le flux illicites des armes légères et de petit calibre et de leur présence « excessive et incontrôlée » dans de nombreuses régions du monde, compte tenu, en particulier, de leurs conséquences socioéconomiques innombrables.  Elle a salué le succès en juin dernier, de la troisième Conférence d’examen du Programme d’action contre les armes légères et de petit calibre et appelé les États à honorer leurs obligations.  Malgré l’éventail des initiatives régionales, la représentante a souligné que l’aide et la coopération internationales demeurent des ingrédients essentiels à une bonne mise en œuvre du Programme d’action.  Appelant les pays développés à octroyer une meilleure aide technique et financière, elle a exhorté tous les États à mettre en œuvre le Traité sur le commerce des armes, et ce, d’une manière équilibrée qui réaffirme leur droit souverain d’acquérir, de fabriquer d’exporter, d’importer et de posséder des armes classiques pour leur défense et leurs besoins de sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies.

Au nom des pays nordiques, M. JARMO VIINANEN (Finlande) a appelé à mieux inclure les femmes dans les prises de décisions concernant les armes légères et de petit calibre (ALPC).  Il n’y a que des avantages à réaliser l’égalité entre les sexes, a-t-il estimé.  Il s’est dit ravi que la Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC ait mis en exergue la question de la participation des femmes à la réalisation des objectifs convenus.  Le contrôle des flux d’armes est une question de désarmement mais aussi de développement, a souligné le représentant.  S’il a reconnu que la réglementation du commerce des armes n’est pas tâche facile, il a assuré que les groupes de travail se concentrent sur des questions pratiques qui auront des répercussions concrètes.  Le Traité sur le commerce des armes doit être mis en œuvre d’un point de vue pratique, a pressé le représentant, et le fonds de contributions volontaires pourrait être utile, à cet égard.  Rappelant que le Traité propose de créer une plateforme transparente, il a encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à le ratifier.

Le représentant a ensuite jugé fructueuses les discussions sur les armes autonomes létales.  Beaucoup reste à faire sur ce sujet émergent, a-t-il tout de même reconnu.  Nous ne sommes pas convaincus que les négociations sur des normes juridiquement contraignantes soient une bonne idée à ce stade, a-t-il cependant jugé.  Pour le moment, il nous manque une définition claire de ces armes pour avancer sur cette question.  Il s’est, enfin, dit préoccupé par les rapports sur l’usage des armes à sous-munitions et les dégâts qu’elles provoquent sur les populations civiles.  Un important travail doit être fait pour débarrasser le monde de ces mines, a-t-il ajouté.  Quand les processus de désarmement et de commerce semblent polarisés, celui sur les mines est l’un des domaines sur lesquels nous pouvons avancer, a-t-il conclu.  « Un monde exempt de ces mines est à notre portée. »

Au nom de la Communauté des Caraïbes, M. RUDOLPH MICHAEL TEN-POW (Guyane) a rappelé que sa région est confrontée à une prolifération illicite des petites armes et insisté sur le taux élevé de crimes qui sape la confiance dans les États.  Plus de 70% des décès sont liés aux armes à feu alors qu’il s’agit d’une région qui ne produit ni n’exporte des armes légères et de petit calibre (ALPC).  La CARICOM est un fervent défenseur du Traité sur le commerce des armes, qui permet de réguler le commerce des armes classiques et de s’attaquer aux détournements de ces armes vers des marchés illégaux.  L’objectif de ce Traité doit donc rester présent à l’esprit des États jusqu’à ce qu’il soit atteint.  S’agissant du transfert d’armes, ce sont les civils, a rappelé le représentant, qui payent le plus lourd tribut des conflits dans le monde.  Aussi, a-t-il appelé tous les États parties à la bonne foi et les États non parties à la lutte contre les transferts d’armes qui sont contraires au Traité.  Il a également insisté sur l’importance de l’universalisation du Traité et appelé les États qui ne l’ont pas fait à le ratifier au plus vite.

Toutes les discussions sur les ALPC seraient incomplètes sans la mention des munitions, a-t-il poursuivi, se félicitant de ce que la Conférence d’examen en tienne compte ainsi que des situations de violence.  Le représentant a exhorté les États à se concentrer sur les enjeux en constante évolution, notamment les répercussions des nouvelles technologies sur la fabrication de ces armes.  Il a également souligné le rôle particulier des femmes dans le désarmement, surtout dans la désescalade des tensions et auprès des communautés.  Les femmes, a-t-il rappelé, sont frappées de façon disproportionnée par la violence dans les conflits.  Le représentant a conclu en demandant que l’on se penche sur les processus de désarmement et que l’on évite de politiser les débats.

M. VIKTOR DVOŘÀK, délégué de l’Union européenne, a jugé que les flux illicites mal régulés d’armes contribuent aux conflits, favorisent les terroristes et ont des répercussions humanitaires et socioéconomiques.  Ils hypothèquent nos efforts conjoints en faveur des objectifs de développement durable. Le représentant s’est donc félicité des engagements internationaux sur la lutte contre les armes légères et de petit calibre.  Pour lui, les contrôles des transferts constituent un « défi majeur », mais il est possible de le faire au niveau des exportations.  « Notre échange d’informations joue un rôle majeur en ce sens », a-t-il jugé, en attirant l’attention sur l’exemple de l’Union européenne.  Il a donc appelé les États Membres de l’ONU à souscrire au Traité sur le commerce des armes qui, avec l’Instrument international de traçage et le Protocole facultatif sur les armes à feu, est un cadre qui évite les détournements illicites et renforce la paix et la sécurité.

Évoquant la Convention sur les mines antipersonnel, le représentant a vu là un bon exemple de contrôle multilatéral des armes.  Si les mines antipersonnel sont interdites dans 164 États, on voit, s’est-il alarmé, des mines improvisées dans beaucoup de pays, notamment pour empêcher le retour des réfugiés et des déplacés.  Le représentant a confirmé que l’Union européenne entend contribuer à la lutte antimines dans le monde, en finançant les activités de déminage, de sensibilisation et d’aide aux victimes à hauteur de 600 millions d’euros.  Le représentant s’est dit particulièrement préoccupé par les répercussions énormes des engins improvisés et a appelé à des mesures plus strictes, au niveau national, pour en barrer l’accès aux terroristes.  Il a conclu en saluant les efforts de sensibilisation de la communauté internationale aux discussions sur les armes classiques.  Il s’est notamment félicité des progrès enregistrés après la discussion des experts sur les armes autonomes létales.  « Les êtres humains doivent être responsables des décisions qui touchent à la vie et à la mort », a-t-il estimé.

Au nom d’une quarantaine de pays, Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a fait une déclaration sur les armes explosives en zones peuplées.  Elle a insisté sur la responsabilité de tous, dont les belligérants, de protéger les civils dans les conflits armés.  Les armes détruisent les infrastructures de base, altèrent les conditions de vie des populations à long terme et provoquent des déplacements de population, les rendant encore plus vulnérables.  Les répercussions à long terme de ces armes ont été détaillées dans les travaux de l’ONU, a souligné la représentante, qui a cité le dernier rapport sur la protection des civils dans les conflits dans lequel le Secrétaire général de l’ONU regrette une protection « faible » et appelle à agir d’urgence pour garantir le respect du droit international humanitaire.  Quand elle ne peut pas prévenir un conflit, la communauté internationale, a pressé la représentante, doit au moins travailler pour améliorer la protection des civiles.  En 2017, a-t-elle rappelé, 42 000 personnes ont été tuées ou blessées par des armes explosives et 3 victimes sur 4 étaient des civils, soit une augmentation de 38% en un an.  Quand des armes explosent dans des zones peuplées, 92% des victimes sont des civils, a martelé la représentante, devant des chiffres alarmants qui appellent à une réaction rapide.

Dans les situations de conflit, la question est toujours de savoir comment les règles du droit international humanitaire sont mises en pratique.  Il faut faire beaucoup plus et tous les États doivent appuyer des mesures pour renforcer la protection des civils, définir des normes et partager les politiques et les bonnes pratiques.  Toute initiative doit avoir pour objectif de renforcer la protection des personnes et des infrastructures civiles, a insisté la représentante.

M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie) a regretté qu’aujourd’hui, 90% des pertes en vies humaines dans les conflits soient enregistrées parmi les populations civiles alors qu’au début du XXsiècle c’était parmi les soldats.  Les armes conventionnelles tuent 500 000 personnes chaque année, dont 70 000 en zones de conflit, a-t-il rappelé.  À cet égard, le représentant a souligné l’importance du désarmement dans le domaine des armes conventionnelles.  Son pays a d’ailleurs ratifié le Traité sur le commerce des armes le 2 avril 2014, soit un an après son adoption.  Réussir la mise en œuvre de ce Traité a été la priorité du Gouvernement letton, a déclaré le représentant, qui a souhaité partager son expérience nationale pour aider les autres pays à développer des systèmes de contrôle des exportations d’armes, efficaces et conformes aux normes internationales.  La Lettonie, a-t-il rappelé, a accédé à la présidence du Traité le 24 août dernier, avec un programme « ambitieux ».  Nous nous concentrerons en outre sur les questions de sexospécificité, a-t-il annoncé, avant de souligner que l’universalisation du Traité est la clef d’un monde sans la violence causée par la circulation illégale des armes.  Le représentant s’est dit préoccupé par la chute des contributions obligatoires car « l’efficacité du Traité dépend de la disponibilité des ressources ».  Il a appelé toutes les délégations à honorer leurs obligations financières et a déploré que le même problème touche la Convention sur l’interdiction de certaines armes classiques.

Mme IRMA ALEJANDRINA ROSA SUAZO (Honduras) a estimé qu’une grande partie du désarmement passe par la lutte contre les armes légères et de petit calibre dont son pays souffre au quotidien.  Le Congrès national s’apprête d’ailleurs à adopter une loi sur le port d’armes qui implique des règles beaucoup plus rigoureuses.  Il a, en outre, déjà identifié les grandes routes de trafic afin d’en renforcer le contrôle.  Dans le même temps, la justice pénale a été améliorée, notamment son aspect « prévention ».  De même une règlementation est en cours d’élaboration pour encadrer les activités du secteur privé.  En 2017, le Honduras a ratifié le Traité sur le commerce des armes et la Convention interaméricaine sur les armes à feu, a indiqué la représentante, qui a souligné le caractère « essentiel » de la coopération internationale, s’agissant du renforcement des capacités, du transfert des technologies et du partage des meilleures pratiques.  Les pays en développement, a-t-elle rappelé, n’ont pas les ressources suffisantes pour lutter contre des réseaux criminels aux moyens sophistiqués et lourds.

M. ROBERT WOOD (États-Unis) a estimé que la Convention sur certaines armes classiques est un instrument important.  Il a, à cet égard, salué les résultats du Groupe d’experts gouvernementaux sur les systèmes d’armes létales autonomes, une discussion couronnée de succès et productive « malgré l’action de certains États qui ont essayé de politiser les débats ».  Demandant la mise en œuvre du Programme d’action sur les armes légères et de l’Instrument international de traçage, il a considéré qu’on doit rester concentré sur les efforts à faire sans créer des exigences inatteignables.  Le représentant a reconnu qu’il reste beaucoup à faire pour réaliser les engagements pris, il y a 17 ans.  Il a assuré que les États-Unis continueraient à fournir une assistance financière et technique dans la destruction des armes classiques.  « Même s’il y a longtemps qu’on n’a pas vu de missiles portatifs à courte portée (MANPAD), la menace demeure, a-t-il prévenu. Il est important de contribuer à réduire cette menace qui pèse sur les aéroports internationaux. 

Le représentant a d’ailleurs rappelé que les États-Unis avaient contribué à détruire plusieurs dizaines de ces missiles et un nombre considérable de vecteurs.  Considérant que le Registre des armes classiques est un instrument important, il a demandé à tous les États d’y inclure leurs données sur le transfert d’armes légères et de petit calibre et sur les armes lourdes.  Il a finalement rappelé à la communauté internationale que les États-Unis sont toujours le premier pays en termes d’aide à la destruction des armes classiques, contribuant notamment au déminage des pays post conflit. Depuis 1993, nous avons versé la somme de 3,2 milliards de dollars pour la destruction des armes classiques, a-t-il chiffré.

Mme SABRINA DALLAFIOR (Suisse) a voulu que l’on ne remette pas en cause les concepts fondamentaux du droit international humanitaire dans les enceintes de l’ONU, en utilisant des formules ou un vocabulaire erroné.  Ce droit et les droits de l’homme doivent être respectés en toute circonstance.  Nous devons élaborer des mesures pratiques pour une meilleure mise en œuvre du droit international humanitaire, a-t-elle estimé.  L’urbanisation croissante des conflits et les effets directs qu’elle a sur la population et leurs infrastructures civiles soulignent la nécessité de l’approche sur deux axes: le respect par toutes les parties belligérantes des obligations internationales et la condamnation de toute violation; et l’adoption de mesures concrètes pour garantir le respect du droit international humanitaire dans les zones urbaines.  La représentante a aussi estimé que comme des engins explosifs improvisés (EEI) activés par les victimes relèvent de la définition des mines antipersonnel, la Convention sur l’interdiction de ces mines fournit aux États un cadre important pour faire face aux défis que posent ces engins et aux conséquences de leur utilisation.  Quant aux munitions, elle a souligné que la question mérite d’être traitée comme une problématique à part entière.  La mise sur pied d’un groupe d’experts gouvernementaux constituera une étape propice à une discussion spécifique. L’expérience a montré, a-t-elle ajouté, que la mise en œuvre de lignes directrices internationales existantes, telles que les directives techniques internationales sur les minutions, est essentielle.  Concluant sur les systèmes d’armes létales autonomes, la représentante s’est dite favorable à la proposition d’élaborer une déclaration politique qui renfermerait des principes clefs, donnerait une orientation aux futurs débats et ouvrirait la voie à de possibles mesures pratiques.

« Certains défendent l’idée que le Traité sur le commerce des armes est la solution pour mettre un terme à tous les flux illégaux d’armes classiques », a remarqué le représentant de l’(Égypte), M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN, qui a cité quelques lacunes.  Il a dénoncé un manque de définitions claires, ce qui sape son efficacité et l’expose aux abus.  Le Traité peut ainsi être utilisé pour des manipulations politiques et la sécurisation des monopoles sur le commerce des armes classiques, tout en ignorant la nécessité d’en barrer l’accès aux destinataires « non autorisés » comme les terroristes et les groupes armés illégaux.  Par conséquent, l’Égypte réitère son appel aux États parties au Traité pour qu’ils veillent à une mise en œuvre conforme à la Charte des Nations Unies et respectueuse du droit des États à assurer leur sécurité et leur légitime défense.

Rappelant que l’Égypte fait partie des pays qui ont le plus souffert des mines antipersonnel, puisque 20% des mines plantées pendant la Seconde guerre mondiale l’ont été sur le sol égyptien, le représentant a demandé une coopération internationale plus soutenue pour faire face à ce problème majeur.  Il a, en outre, souligné que ce n’est pas tant le manque de contrôle des exportations d’armes classiques ou le manque de sécurité des stocks qui pose problème, mais plutôt le fait que certains pays continuent d’approvisionner délibérément et de manière illicite les groupes terroristes et les groupes armés illégaux.  Ce phénomène exige une attention immédiate, a estimé le représentant, avant de demander aux Nations Unies de prendre des mesures concrètes.

La promotion de la paix et de la sécurité internationales dépend de notre capacité collective à reconnaître et à tenir compte des spécificités de genre en ce qui trait à la non-prolifération, au contrôle des armes et au désarmement, a souligné Mme KAYA DUNAWA-PICKARD (Canada).  Elle a rappelé que son pays est profondément engagé dans le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, comme en attestent le deuxième plan d’action national mais aussi l’organisation de discussions sur le désarmement au sein du Groupe des Amis des femmes et de la paix et de la sécurité, à New York et à Genève, au printemps dernier, ainsi que la poursuite des discussions sur le renforcement des capacités, à Genève, cette année.  L’emploi d’une « optique féministe » sur le désarmement fournit des points de vue essentiels sur la manière dont les gouvernements peuvent prévenir et répondre à la violence et aux conflits et mieux soutenir les victimes.  Il est essentiel de comprendre, par exemple, la façon dont les armes légères sont utilisées pour perpétrer la violence faite aux femmes et aux filles. 

Le Canada est sensible à la manière dont les transferts illicites d’armes légères et de petit calibre peuvent aggraver les répercussions séxospécifiques de la violence armée.  Nous nous efforçons de tenir compte du risque de violence fondée sur le sexe dans nos évaluations du contrôle des exportations et d’étudier systématiquement ce risque dans nos politiques plus générales, a affirmé le représentant.  Afin de surmonter la discrimination enracinée et de réaliser des progrès, il est essentiel de donner aux femmes les moyens de s’engager comme partenaires à part entière dans l’élaboration de politiques et de programmes et dans les travaux concrets en matière de non-prolifération, de contrôle des armes et de désarmement.  Cette année, le Canada a inclus des dispositions dans sa résolution sur le traité d’interdiction de la production des matières fissiles, qui soulignent l’importance d’assurer l’inclusion véritable des femmes dans la négociation du traité futur, a conclu le représentant.

M. ENRIQUE JOSÉ MARÍA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a estimé que l’universalisation des traités et instruments sur les armes classiques est la seule solution pour supprimer la menace à la paix et à la sécurité qu’elles posent.  Il s’est dit en faveur de l’adoption d’un cadre complémentaire au Traité sur le commerce des armes qui traiterait de la diminution des armes classiques existantes.  Il a souhaité que l’interprétation du droit à la légitime défense ne serve pas à justifier un réarmement ou une prolifération des armes classiques.  Demandant aux pays de favoriser la participation des femmes à cette lutte et de mettre sur un pied d’égalité les explosifs et les munitions dans leur cadre réglementaire, il a surtout insisté sur le besoin de prendre des mesures de renforcement de la confiance.  À ce titre, il a salué le rôle joué par la communauté internationale et la société civile.  Les engagements reposent sur la coopération internationale, a-t-il insisté, rappelant la nécessité de renforcer les ressources humaines, de disposer des ressources financières suffisantes et de bénéficier des technologies adéquates.  Il a jugé que cette Commission est un lieu d’échange des meilleures pratiques propres à renforcer la confiance entre les États.  Il a souhaité que les ressources allouées à la modernisation des arsenaux soient plutôt réaffectées vers la réalisation des objectifs de développement durable.

Frappée par l’impact dévastateur des armes classiques pas uniquement dans les situations de conflits armés, mais aussi dans des sociétés « comme la nôtre » où la violence armée a significativement augmenté, Mme DIEDRE NICHOLE MILLS (Jamaïque) a réitéré l’importance qu’il y a à ce que les discours reflètent cette dynamique.  Elle a rappelé que la Jamaïque, à l’instar des autres pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), n’est ni producteur ni importateur net d’armes classiques, ce qui ne l’empêche pas d’être de plus en plus vulnérable aux crimes violents et aux activités criminelles associées au commerce illicite de armes légères et de petit calibre, compte tenu de la porosité de ses frontières et de son emplacement géographique.  La Jamaïque s’est donc attelée à mettre en place des mesures législatives, politiques et opérationnelles pour contrecarrer la prolifération de ce type d’armes.  Une loi est en cours de préparation pour inclure de nouvelles dispositions, notamment rendre le traçage de ces armes obligatoire, y compris leur enregistrement et la capture de leur signature balistique.  La révision de la loi sur les armes à feu de 1967 offrira une base juridique à un registre national, alors qu’il est aussi prévu de mettre en place un comité national inter-agences et de créer une liste nationale de contrôle.  Un manuel relatif aux normes de marquage a également été établi. 

Un plan d’action national a été adopté, ainsi que d’autres mesures que la représentante a passé en revue, avant de rappeler que la Jamaïque continue de compter sur l’assistance de ses partenaires.  Elle a donc salué le soutien apporté aux pays de la région par le Centre régional des Nations Unies pour la paix, le désarmement et le développement en Amérique latine et dans les Caraïbes, et a espéré qu’il sera doté des ressources nécessaires pour maintenir son assistance « à la lumière des dynamiques spécifiques au niveau de la sous-région ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

La détermination du droit international coutumier entre « clarté » et « incertitude » devant la Sixième Commission

Soixante-treizième session,
22e & 23e séances – matin & après-midi
AG/J/3581

La détermination du droit international coutumier entre « clarté » et « incertitude » devant la Sixième Commission

La détermination du droit international coutumier a été l’un des principaux axes de discussion de la Sixième Commission, chargée des affaires juridiques, au troisième jour d’examen des premiers chapitres thématiques du rapport* annuel de la Commission du droit international (CDI), les délégations estimant que ce rapport ne dissipe pas les « incertitudes » sur ce sujet.  Lors de cette séance très technique, de nombreux pays ont aussi salué l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la CDI.

Le rapport de la CDI contient 16 projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, sujet crucial, puisque la coutume est, avec les traités, l’une des deux sources essentielles du droit international.  Ces deux sources entretiennent d’ailleurs « une relation complexe et interactive », selon l’expression du délégué de Sri Lanka.  Son homologue de l’Afrique du Sud a en outre noté que le droit international coutumier est de plus en plus souvent invoqué devant les tribunaux, y voyant là la preuve que le droit international n’est pas le « domaine réservé » de quelques-uns.

Entrant dans les détails, le délégué de Sri Lanka a estimé que le projet de conclusion 11 qui établit dans quelle mesure une règle conventionnelle peut refléter une règle de droit international coutumier est une disposition « vitale » qui jette une certaine « clarté » sur cette relation.  Ce projet de conclusion sera d’une aide précieuse pour les praticiens afin de dissiper les ambiguïtés, a-t-il déclaré.

Même son de cloche du côté de la Fédération de Russie, dont la représentante a estimé que ces projets de conclusion tombent « à point nommé » afin de contrer la tendance à conclure à l’existence d’une norme de droit coutumier suivant la pratique de tel État ou organe international.  « Seule la pratique des États peut contribuer à la formation du droit coutumier, et non celle des organisations », a-t-elle rappelé.

Sur ce point de la pratique des organisations internationales, lesquelles « servent souvent d’arènes ou de catalyseurs de la pratique des États » selon une expression du rapport précité, la représentante de la Nouvelle-Zélande a exprimé ses doutes devant le libellé du projet de conclusion 4 qui prévoit que cette pratique contribue à la formation du droit international coutumier « dans certains cas ».

La déléguée a ainsi souhaité des précisions sur cette dernière expression, ainsi que sur les organisations internationales dont la pratique peut effectivement contribuer à la formation de ce droit.  Le commentaire relatif à ce projet de conclusion n’est pas d’un grand recours puisqu’il mentionne la pratique de « certaines organisations, mais pas de toutes », a-t-elle remarqué.  Le délégué d’Israël a également regretté la « confusion » sur ce sujet.

Notant les divergences des États, la déléguée de la Roumanie a déclaré que la pratique de ces organisations peut déterminer le droit international coutumier, « notamment si ces organisations ont été l’objet de transferts de compétences de la part des États ».  De son côté, son homologue du Royaume-Uni a estimé que ce projet de conclusion apporte une clarification utile.

Le projet de conclusion 15 sur « l’objecteur persistant », qui est une exception à l’application du droit international coutumier, a été abondamment discuté, notamment par le représentant de Sri Lanka.  « Certains États ont indiqué que lorsqu’un État a objecté à une règle de droit international coutumier lorsqu’elle était en voie de formation, cette règle n’est pas opposable audit État, lequel n’aurait pas à maintenir son objection », a-t-il dit.  Le projet de conclusion 15 prévoit que l’objection doit « être maintenue de manière persistante ». 

Mais la charge la plus virulente est venue du représentant de Chypre qui a vu dans ce principe, un « véritable virus » inoculé au droit international coutumier.  Un État ne peut déroger à ses obligations découlant d’une règle coutumière internationale, une fois que celle-ci a été identifiée, a déclaré le délégué, en se disant lui-même « objecteur persistant » à ce principe.  Il a précisé qu’il s’agit d’un concept « polémique » qui n’a pas le soutien des États.

Le représentant de Sierra Leone s’est lui penché sur le projet de conclusion 6 concernant la détermination du droit international coutumier, lequel note que l’inaction peut, « dans certaines circonstances », être considérée comme la pratique d’un État.  « Le libellé aurait dû être plus précis et il aurait dû tenir compte de deux aspects majeurs: la conscience de l’État de la pratique et l’inaction volontaire d’agir qui est différente de « l’abstention délibérée d’agir », a-t-il déclaré.

Enfin, de nombreuses délégations, en particulier des petits États insulaires en développement, mais aussi le Canada, qui possède le plus long littoral du monde, ont salué l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la Commission.  « Un pas de géant dans la bonne direction », selon la Papouasie-Nouvelle-Guinée, sur un sujet « intergénérationnel », comme l’a dit la République de Corée.  Le délégué des Tonga a déclaré qu’il n’existe pas de menace plus grave, tandis que son homologue des États fédérés de Micronésie a demandé que les études sur le sujet puissent commencer au plus vite.

« Qu’adviendra-t-il de l’État dont les populations auront fui l’élévation de la mer?  Celui-ci aura-t-il disparu au regard du droit international ou faudra-t-il attendre qu’il soit submergé totalement par les eaux? » a demandé le délégué des Fidji.  Un bémol est venu de la délégation de Chypre, qui a rappelé que le sujet a déjà été traité par l’Association de droit international et a donc douté de l’utilité d’y consacrer des ressources déjà « maigres ».

La Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 25 octobre, à 15 heures.

*A/73/10

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-DIXIÈME SESSION

Suite des déclarations sur les chapitres I à V, XII et XIII du rapport

Mme VICTORIA HALLUM (Nouvelle-Zélande) a loué la « considérable contribution » de la CDI au droit international, la Commission ayant par exemple jeté les fondations pour la création de la Cour pénale internationale (CPI).  Elle s’est félicitée de l’adoption des 16 projets de conclusion, assortis de commentaires, sur la détermination du droit international coutumier, en notant le souci de concision de la Commission.  Cependant, en certaines occurrences, cela a conduit à des déclarations générales sans valeur pratique claire.  Elle a exprimé ses doutes s’agissant du projet de conclusion 4 disposant que dans certains cas, la pratique des organisations internationales contribue également à la formation, ou à l’expression, de règles de droit international coutumier.  La déléguée a demandé des précisions sur cette expression « dans certains cas », le commentaire afférent n’étant pas d’un grand recours puisqu’il indique que la pratique de « certaines organisations, mais pas toutes » peut être pertinente. 

La déléguée a salué l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la CDI.  C’est une question d’importance pour mon pays, a-t-elle dit.  « Notre objectif est de trouver le moyen, le plus rapidement possible, de garantir aux États côtiers qu’ils ne perdront pas leurs droits sur leurs ressources maritimes et leurs zones de juridiction en raison de l’élévation du niveau de la mer. »  Mme Hallum a indiqué que tous les États ont intérêt à préserver l’équilibre délicat entre leurs droits et obligations défini par la Convention sur le droit de la mer et à éviter les contentieux éventuels.  En conclusion, elle a souhaité que ce point fasse partie du programme actuel de travail de la CDI.

Pour Mme ALINA OROSAN (Roumanie), la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international est assez importante pour que la CDI s’en saisisse et en fasse un élément de son programme de travail.  La Roumanie précise que les études engagées sur ce thème ne doivent pas chercher à modifier le droit international, mais plutôt analyser la façon dont le droit international traite des problèmes soulevés par ce phénomène et dont il peut s’adapter, et, par conséquent, identifier des lacunes potentielles.  La délégation encourage donc le groupe d’étude et attend ses conclusions.

Concernant la question des accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, la Roumanie salue le travail du Rapporteur spécial, M. Georg Nolte, et se félicite également de l’adoption des projets de conclusion relatifs à la détermination du droit international coutumier.  Mme Orosan a noté que les commentaires des États ont été fort divergents sur le point relatif à la pertinence de la pratique des organisations internationales dans la détermination du droit international coutumier.  La Roumanie est d’avis que la pratique de ces organisations peut effectivement déterminer le droit international coutumier, notamment si ces organisations ont été l’objet de transferts de compétences de la part des États. 

Mme CHAVANART THANGSUMPHANT (Thaïlande) s’est félicitée de l’adoption des projets de conclusion sur les accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Le rôle de ces accords et pratique ultérieurs, tel que visé par l’article 31 de la Convention de Vienne, ne peut se comprendre que dans le contexte de l’interprétation des traités, a-t-elle dit.  Elle a ajouté que toute modification des dispositions d’un traité doit respecter l’article 39 de ladite Convention pour garantir la stabilité des relations internationales.  À cette même fin, elle a prôné la prudence s’agissant de l’utilisation des accords et pratique ultérieurs en vue de l’« interprétation évolutive » des textes, laquelle devrait être circonscrite « à certaines circonstances ou à certaines catégories de traités ayant un objet spécifique ».  « Nous recommandons par conséquent de recourir à l’interprétation évolutive seulement dans le contexte où des accords et pratique ultérieurs sont utilisés pour déterminer l’intention des parties de conférer ou non un sens évolutif à une disposition d’un traité. »

Commentant l’inscription de la compétence pénale universelle dans le programme de travail de long terme de la CDI, la déléguée a rappelé que ce concept doit être distingué de l’obligation de poursuivre ou d’extrader et des autres formes de compétence, y compris territoriale et de nationalité.  Elle a invité la Commission à apporter des clarifications s’agissant de la définition, de la nature et de la portée du principe de compétence pénale universelle.  Enfin, la représentante a déclaré que la Thaïlande suivra avec un grand intérêt les discussions sur l’autre sujet inscrit au programme de travail de long terme, l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, avant d’appeler à un dialogue renforcé entre la CDI et la Sixième Commission. 

M. ALEJANDRO ALDAY (Mexique) s’est félicité de l’adoption par la CDI des 13 projets de conclusion relatifs aux accords et à la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Il a estimé que les projets de conclusions 2, 4, 5, 6, 7 et 10 favorisent l’équilibre entre les mécanismes formels d’interprétation des traités.  Ces textes, a-t-il noté, constituent « une grande avancée » dans le développement progressif du droit international et du renforcement des moyens complémentaires d’interprétation des traités. 

Le représentant a également salué l’adoption des 16 projets de conclusion portant sur la détermination du droit international coutumier, qui fourniront un outil utile permettant de clarifier la pratique des États et l’opinio juris, ainsi que leur manifestation.  Il a encouragé les membres de la Sixième Commission à mettre en œuvre le fruit des travaux de la CDI, considérés « impartiaux et apolitiques ».  S’agissant de l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail de la CDI, il a rappelé que la Sixième Commission s’est déjà prononcée à maintes reprises sur cette question, et qu’elle bénéficierait de l’analyse technique de la CDI. 

M. FIRAT SUNEL (Turquie) a déploré le fait que la Commission ne compte que 4 femmes parmi ses membres, et seulement 7 au cours de ses 70 années d’existence.  Par ailleurs, il a estimé que l’inscription de la compétence pénale universelle au programme de travail à long terme de la CDI permettra de combler les lacunes qui subsistent dans la lutte contre l’impunité.  De même, il a estimé que l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international aura des incidences sur les États, les droits de l’homme, les frontières maritimes et l’environnement. 

Le représentant s’est félicité de l’adoption des projets de conclusion relatifs aux accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités et à la détermination du droit international coutumier.  Il a noté que le concept d’objecteur persistant constitue un principe du droit international général, qui fait partie intégrante du droit coutumier. 

M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka) a rappelé, à propos des projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, la relation complexe et interactive qui existe entre coutume et traités, les deux sources primaires du droit international.  Le projet de conclusion 11 sur la portée de certains moyens de détermination du droit international coutumier est une disposition vitale qui jette « une certaine clarté » sur cette relation, a-t-il relevé.  « Le droit coutumier international est souvent évoqué pour combler les lacunes du droit conventionnel et pour clarifier les droits et obligations découlant des traités. » Ce texte, selon lequel une règle énoncée dans un traité peut refléter une règle de droit international coutumier s’il est établi que la règle conventionnelle a codifié une règle de droit international coutumier existante à la date de la conclusion du traité ou a servi de point de départ à une opinio juris, sera d’une aide précieuse pour les praticiens afin de dissiper les ambiguïtés, a-t-il relevé. 

Le délégué a ensuite évoqué le projet de conclusion 15 sur « l’objecteur persistant », exception à l’application de ce droit, qui a fait l’objet de divergences entre États, certains d’entre eux mettant en garde contre des abus de ce principe.  Certaines délégations ont ainsi indiqué que lorsqu’un État a objecté à une règle de droit international coutumier lorsqu’elle était en voie de formation, cette règle n’est pas opposable audit État, lequel n’aurait pas à maintenir son objection, contrairement à ce que prévoit le projet précité.  Par ailleurs, M. Perera a estimé que les projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités apportent également « une certaine clarté ».  Enfin, il a recommandé que ces conclusions figurent en annexe des résolutions de l’Assemblée générale. 

La CDI, y compris ses membres russes, ont contribué au développement du droit international, s’est félicitée Mme ZAMAKHINA EVGENIIA (Fédération de Russie).  Elle a salué « l’absence de politisation » et l’accent mis sur le consensus qui ont cours à la Commission.  Elle a toutefois estimé que la CDI devrait ralentir la cadence de ses travaux afin de permettre la mise en œuvre de projets répondant aux besoins de tous les États.  La Commission doit donc entendre les avis des États et en tenir compte.  Abordant les interactions entre la CDI et la Sixième Commission, la représentante a noté qu’en général, l’Assemblée générale prend note des projets de résolution et attire l’attention des États Membres, tandis que ceux-ci utilisent les textes pour le développement du droit malgré l’absence de consensus.  Or, la plupart de ces projets ne relèvent pas du droit coutumier, a-t-elle déploré, avant de suggérer de recueillir l’avis des États dans un document distinct. 

Mme Evgeniia a pris note des projets de conclusion relatifs aux accords et à la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, fondés sur les dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Quant aux projets de conclusion relatifs à la détermination du droit international coutumier, ils tombent à point nommé « afin de contrer la tendance à conclure à l’existence d’une norme de droit coutumier suivant la pratique de tel État ou organe international ».  En effet, la pratique ou l’opinio juris ne peuvent être considérées comme des éléments constitutifs du droit coutumier si elles ne correspondent pas à une norme de jus cogens, comme stipulé dans les Conventions de Vienne, a fait valoir la représentante.  Seule la pratique des États peut contribuer à la formation du droit coutumier, et non celle des organisations, a précisé la représentante, pour qui toute norme de droit international doit être instituée dans un traité ou le droit coutumier. 

Selon la représentante, les rapports de la CDI devraient être « avant tout analytiques ».  Enfin, elle n’a pas jugé opportun d’inscrire la question de la compétence pénale universelle au programme déjà chargé de la CDI.

Si Mme JANE J. CHIGIYAL (États fédérés de Micronésie) a salué la décision d’inscrire la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la CDI, elle a toutefois appelé la Commission à l’inclure dans son programme actuel pour que les études sur le sujet puissent commencer « au plus vite ». 

À partir du moment où l’examen de la question s’avère utile pour la communauté internationale, alors les États devraient pouvoir participer activement aux travaux du groupe d’étude, a fait valoir Mme Chigiyal.  De plus, leur contribution ne devrait pas se limiter aux interventions au cours des réunions de la Sixième Commission; elle pourrait prendre la forme de commentaires, de comptes rendus, de séminaires interactifs ou d’autres modes informels de participation, tout en accordant du poids à l’implication des petits États insulaires en développement (PEID) et d’autres pays en développement ayant des zones côtières de faible élévation. 

L’élévation du niveau de la mer soulève de graves questions de droit international pour des PEID comme la Micronésie, a reconnu la représentante, mais « c’est aussi un sujet qui intéresse la communauté internationale dans son ensemble ».  De fait, ce phénomène pourrait par exemple modifier les frontières maritimes des États ou provoquer des migrations humaines.  En conclusion, elle a cité les mises en garde contenues dans le cinquième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et son rapport spécial récent sur le réchauffement planétaire de 1,5° C.

Considérant que le développement progressif du droit international doit porter sur les défis mondiaux actuels, M. VILIAMI VA’INGA TONE (Tonga) a déclaré qu’il n’existe pas de menace « plus urgente » que l’élévation du niveau de la mer découlant des changements climatiques.  Saluant l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la CDI, il a mis l’accent sur la protection des personnes affectées par ce phénomène.  Il a souligné l’importance de mener des études approfondies sur ces questions, tout en respectant les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer concernant la délimitation des frontières maritimes.

M. ALAN KESSEL (Canada) a rappelé que le Canada possède le plus long littoral au monde et que le pays est donc directement affecté par l’élévation du niveau de la mer et les effets des changements climatiques.  Les questions juridiques liées à ce phénomène sont nombreuses et complexes, a-t-il ajouté, notamment en ce qui concerne le droit de la mer, la notion d’État, les délimitations maritimes et la protection des personnes affectées.  Bien que ces questions soient traitées au sein d’autres entités des Nations Unies, y compris l’Assemblée générale, le Canada appuie « vigoureusement » l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la CDI, et considère que ce sujet pourrait également être inscrit à son programme actuel. 

Pour le représentant, la certitude et la stabilité juridique des zones maritimes participent à l’établissement de relations ordonnées entre les États et à la paix et la sécurité internationales, ainsi qu’à l’utilisation durable des ressources maritimes.  Il a mis la Commission en garde contre le risque de s’égarer dans les débats sur les questions les plus larges découlant de l’élévation du niveau de la mer, qui viendraient compliquer l’examen du sujet. 

M. MICHAEL IRMAN KANU (Sierra Leone) est revenu sur le projet de conclusion 13 qui indique que la pertinence des prononcés d’un organe conventionnel d’experts aux fins de l’interprétation d’un traité dépend des règles applicables du traité.  Pour la délégation, ces prononcés peuvent, dans certaines circonstances, donner naissance ou faire référence à un accord ultérieur ou une pratique ultérieure des parties au sens du paragraphe de l’article 31 de la Convention de Vienne.

Par ailleurs, le représentant s’est référé au premier paragraphe du projet de conclusion 6 concernant la détermination du droit international coutumier, lequel note que l’inaction peut, « dans certaines circonstances », être considérée comme la pratique d’un État.  Pour la délégation, le libellé aurait dû être plus précis et il aurait dû tenir compte de deux aspects majeurs: la conscience de l’État de la pratique et l’inaction volontaire d’agir qui est différente de « l’abstention délibérée d’agir ». 

Au sujet de la compétence pénale universelle, la Sierra Leone rappelle qu’elle avait par le passé demandé quelles seraient les conclusions éventuelles de la Commission sur ce thème.  M. Kanu a souhaité que l’examen de cette question au sein d’autres instances onusiennes ne vienne pas compromettre son étude par la Sixième Commission.  Il y a vu une occasion pour la Sixième Commission et la CDI de rapprocher leurs méthodes de travail dans le cadre de l’examen parallèle de ce même thème.  Enfin, la Sierra Leone appuie l’inscription de la question de l’élévation du niveau de la mer au programme de travail de la CDI.  Le pays souhaite même que des corapporteurs soient désignés pour cette question importante. 

M. ANDREW MURDOCH (Royaume-Uni) a salué la décision d’inscrire le sujet « Principes généraux du droit » au programme de travail de la CDI et celle d’inscrire l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international à son programme de travail à long terme.  Il a pris note de l’inscription de la compétence pénale universelle au programme de travail à long terme, tout en jugeant que ce sujet n’est pas assez « mûr » pour être discuté par la Commission.  Il a ensuite invité la Commission à faire preuve de clarté dans la codification du droit international.  Lorsque la Commission propose de nouveaux apports au droit international, les États doivent pouvoir en discuter, a-t-il dit, en déplorant que certains sujets fassent l’objet d’un traitement rapide.

M. Murdoch a salué l’adoption des projets de conclusion, assortis de commentaires, sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  « Il s’agit là d’une boussole utile pour les praticiens dans l’art de l’interprétation des traités. »  Abordant les projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, le délégué du Royaume-Uni s’est félicité de la clarification apportée par le projet de conclusion 4 sur la pratique des organisations internationales.  Enfin, le délégué a noté l’importance de ces projets de conclusion, le droit international coutumier étant de plus en plus souvent invoqué devant les tribunaux.

Selon Mme MARIANA DURNEY (Chili), les projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités ont permis de systématiser les normes et procédés existants, au bénéfice des praticiens du droit international.  La conclusion 7, qui porte sur les effets possibles des accords et de la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation, indique que l’interprétation ne peut aller au-delà de la détermination du sens du traité, et qu’un accord sur cette interprétation ne constitue pas une modification dudit traité à moins d’indications claires des parties. 

Mme Durney a accueilli favorablement les projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier.  Se référant au projet de conclusion 4, elle a partagé l’avis de la CDI selon lequel la pratique des États joue un rôle primordial dans la formation du droit international coutumier, sans préjudice de la conduite des organisations internationales.  Elle a souligné, comme le commentaire relatif au projet de conclusion 5, que la pratique des États doit être connue des autres États pour contribuer à la formation et à l’identification des normes du droit international coutumier.  Quant à la conclusion 6, elle indique que seule l’abstention délibérée d’un État peut être considérée comme une pratique du droit coutumier.  La représentante s’est également dite en accord avec la conclusion 12, qui stipule que l’effet des résolutions adoptées par les organisations internationales ou les conférences intergouvernementales « contribue au développement » d’une norme du droit international coutumier.  

Alors que la Commission célèbre son soixante-dixième anniversaire, Mme Durney a considéré la faible représentation des femmes au sein de la CDI comme un problème urgent, contraire à l’article 8 des statuts de la Commission sur la représentation adéquate de l’ensemble de la communauté internationale.  Elle invité les États Membres à proposer à l’avenir la candidature de femmes afin que soient réellement représentés les grandes civilisations et systèmes juridiques du monde. 

M. DEKALEGA FINTAKPA LAMEGA (Togo), abordant les 16 projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, a partagé les inquiétudes « au sein même de la Commission » relatives à la portée de la pratique des organisations internationales soulevée au projet de conclusion 4.  S’il est admis dans certains cas que cette pratique peut constituer un important aspect pour la formation de ce droit, il convient de préciser de quelle pratique il s’agit, à quel moment elle serait pertinente et quelles considérations devront être prises en compte pour évaluer le poids de cette pratique par rapport à celle des États eux-mêmes, a-t-il argumenté.  Évoquant le projet de conclusion 8, il a déclaré que son pays aurait préféré qu’une référence claire à la notion « d’États spécialement affectés et concernés » soit faite dans ce projet et non pas seulement dans son commentaire.

Par ailleurs, M. Fintakpa Lamega a espéré que l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail à long terme de la CDI permettra une analyse juridique approfondie de cette « importante problématique ».  Enfin, il a indiqué que le point de la compétence pénale universelle doit demeurer à l’étude dans la mesure « où toute analyse juridique de ce concept ne saurait occulter son abus et sa politisation ».

Mme SANDEA DE WET (Afrique de Sud) a regretté le nombre insuffisant de femmes au sein de la CDI.  Elle s’est félicitée de la clarté apportée par les projets de conclusion sur les accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  S’agissant des 16 projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier, elle a souligné que ce droit est souvent évoqué devant les tribunaux.

Ces projets de conclusion ne doivent pas être circonscrits au monde académique parce qu’ils trouveront à s’appliquer dans des situations de la vie réelle, a dit Mme De Wet, en dissipant le « mythe » qui veut que le droit international soit le domaine réservé de quelques-uns.  Elle s’est félicitée du caractère non-prescriptif de ces projets et a rappelé que les États sont les acteurs majeurs dans l’identification de ce droit.  Les projets de conclusion ne reconnaissent pas la conduite d’acteurs non étatiques dans la formation du droit international coutumier.  Enfin, la déléguée a salué l’inclusion du principe d’« objecteur persistant », tout en rappelant la nécessité que ce principe soit de nature temporaire et soumis à des critères d’application très rigoureux.

M. LUIS XAVIER OÑA GARCÉS (Équateur) a cité l’Article 13 de la Charte des Nations Unies qui demande à l’Assemblée générale d’encourager le développement progressif du droit international et sa codification.  Ce mandat permet d’assurer que le droit international suit l’évolution de la « science juridique » et des sociétés.  Il s’est félicité des précisions contenues dans les projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  De même, les projets de conclusion relatifs à la détermination du droit international coutumier permettent d’identifier les normes du droit coutumier. 

Le représentant a souligné la mise en place d’un groupe de travail chargé de rédiger les commentaires accompagnant les conclusions, qui serviront de guide sur la détermination de l’existence des normes du droit international coutumier.  Ces instruments seront particulièrement utiles aux juges nationaux, qui sont souvent appelés à déterminer les normes du droit international coutumier dans les affaires qu’ils traitent.  Il a salué, en terminant, l’inscription des principes généraux du droit, de la compétence pénale universelle et de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail de la CDI.

M. REUVEN EIDELMAN (Israël) a salué l’adoption des projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier et s’est dit partisan de la rigueur sur ce sujet.  Il a rappelé que les États sont les acteurs majeurs dans l’identification de ce droit et souligné les deux éléments constitutifs du droit coutumier: l’existence d’une pratique générale et son acceptation comme étant le droit.  Il a exprimé certaines réserves, en pointant notamment une confusion dans les projets de conclusion relatifs au rôle des organisations internationales.  « Les commentaires ne reflètent pas la pratique actuelle. »

Le délégué a demandé des éclaircissements sur l’inaction d’un État, celle-ci devant être une inaction délibérée, avant d’ajouter qu’une opinio juris ne peut être déduite du silence d’un État.  Il a par ailleurs déploré que les projets de conclusion laissent une trop grande place aux traités qui ne sont pas encore entrés en vigueur, alors que le nombre de signatures nécessaires a tendance à être de plus en plus bas.  Évoquant l’idée que ces projets figurent en annexe des résolutions de l’Assemblée générale, le délégué a rappelé le caractère juridiquement non contraignant de ces dernières, avant de déplorer « la politisation » du concept de compétence pénale universelle.

M. FRED SARUFA (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a rappelé la préoccupation des États insulaires devant l’élévation du niveau de la mer, qui représente pour eux une menace existentielle.  Il s’est félicité de la décision de la CDI d’inclure ce sujet dans son programme de travail à long terme.  Bien que la portée des travaux se limite strictement aux implications juridiques de ce phénomène climatique sur le droit de la mer, le statut d’État, et la protection des personnes touchées, pour notre pays, a affirmé le représentant, « c’est un pas de géant dans la bonne direction ».

M. Sarufa a attiré l’attention sur les questions relatives aux zones maritimes pour les États archipels tels que le sien, avant d’annoncer que la Papouasie-Nouvelle-Guinée est en train de finaliser les cartes et des coordonnées géographiques fixant ses nouvelles zones maritimes avant soumission au Secrétaire général.  « Il existe des règles spéciales pour les États archipels dans la partie IV de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, en particulier l’article 47 sur les bases maritimes des archipels », a souligné M. Sarufa.  Parmi ces règles, figurent un ratio eau/terre spécifique et une limitation sur la longueur des bases: or, la perte des petites îles périphériques ou des récifs découvrants en raison de la montée du niveau des eaux est de nature à modifier le statut même de ces bases et, par conséquent, les zones maritimes des États archipels, a observé le représentant.

C’est la raison pour laquelle ces questions d’importance doivent être examinées dans le cadre d’une analyse qui déterminerait le degré auquel le droit international dans sa forme actuelle est en mesure ou non de répondre à ces préoccupations, et comment les États peuvent développer des solutions pratiques.  S’agissant des migrations humaines, le représentant a recommandé à la CDI de prendre en compte la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967.

Mme OKSANA ZOLOTAROVA (Ukraine) s’est félicitée de l’adoption de projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Les projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés revêtent une importance particulière pour son pays, a-t-elle dit ensuite, notant la faiblesse du cadre juridique existant.  « Il est grand temps que la CDI se penche sur cette question. » 

L’Ukraine a fait l’expérience des ravages causés par une Puissance occupante qui ne prête aucune attention aux dommages environnementaux causés en Crimée et dans le Donbass du fait de l’occupation, a témoigné la représentante.  La mauvaise gestion des zones naturelles et agricoles en Crimée a des conséquences sur les droits de la personne et la protection environnementale, a-t-elle poursuivi.  Elle a donné pour exemple la construction non autorisée du pont de Kertch, qui risque d’occasionner des dommages côtiers et environnementaux dans la mer d’Azov et contrevient au droit international humanitaire et à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

M. DOROS VENEZIS (Chypre) a mis en garde contre une acceptation généralisée du concept d’« objecteur persistant », visé au projet de conclusion 15 relatif à la détermination du droit international coutumier.  Cette question relève de l’application de ce droit et pas de sa formation, a-t-il dit.  Une fois qu’une norme coutumière a été établie, il n’est pas possible d’y faire objection, a-t-il tranché.  Il a indiqué que peu d’États invoquent ce principe, qui est un « véritable virus inoculé au droit international coutumier ».  Un État ne peut déroger à ses obligations découlant d’une règle coutumière internationale, une fois que celle-ci a été identifiée, a insisté le délégué, en exprimant son désaccord avec les commentaires sur ce sujet.  Les objecteurs persistants sapent la pratique étatique de nombre d’États en développement.

Le délégué s’est dit lui-même « objecteur persistant » à ce projet de conclusion 15 sur un concept qui est « polémique » et n’a pas le soutien des États, même s’il est reconnu par la doctrine et la CDI.  Enfin, s’il a salué l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme à long terme de la Commission, il a déploré le manque de coopération entre la CDI et la Sixième Commission sur un sujet qui, en outre, a été traité par l’Association de droit international.  Au vu de ces doublons, le délégué de Chypre a douté de l’utilité de consacrer à ce nouveau sujet des ressources déjà « maigres ».

M. MANUEL DE JESÚS PIREZ PÉREZ (Cuba) s’est inquiété du nombre excessif de points inscrits à l’ordre du jour de la CDI.  En particulier, il a considéré que la compétence pénale universelle en tant que sujet ne remplit pas les conditions posées à la cinquantième session, et devrait faire l’objet de débats additionnels à la Sixième Commission.  Selon lui, les projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités doivent respecter le régime établi par le Convention de Vienne sur le droit des traités, reflet de la pratique coutumière. 

Quant aux projets de conclusion relatifs à la détermination du droit international coutumier, le représentant les a trouvés opportuns en tant qu’outils de référence à l’intention des États et des praticiens du droit.  La conduite de l’État doit se limiter à la pratique de l’État, sans considérer la pratique des organisations internationales, a-t-il argué.  De plus, il a jugé le projet de conclusion 8 contradictoire, alors qu’il fait état de la pratique constante sans fixer de calendrier précis. 

M. GENE WAQANIVALU BAI (Fidji) a salué la décision d’introduire la question de l’élévation du niveau de la mer dans le programme de travail à long terme de la CDI.  Il a souligné les conséquences dévastatrices de cette élévation pour les populations qui pourraient être déplacées.  « Qu’adviendra-t-il de l’État dont les populations auront fui l’élévation de la mer?  Celui-ci aura-t-il disparu au regard du droit international ou faudra-t-il attendre qu’il soit submergé totalement par les eaux? »

En guise de réponse, le délégué a rappelé l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le Sahara occidental, selon lequel c’est à la population de déterminer l’avenir d’un territoire et non pas au territoire de déterminer l’avenir d’une population.

Mme PIERINA ALAFAMUA KATOANGA (Samoa) a salué la décision d’introduire la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international dans le programme de travail à long terme de la CDI.  Ce phénomène, a-t-elle témoigné, affecte les côtes industrielles de Samoa, la vie des communautés locales, les infrastructures et les écosystèmes, entre autres.  Dans ce pays très vulnérable aux changements climatiques, 70% de la population vit sur les côtes et se trouve exposée aux érosions, aux inondations et aux glissements de terrain. 

Pour les dirigeants des petits États insulaires en développement du Pacifique, la question de l’élévation du niveau de la mer mérite l’attention de la communauté internationale, en raison de l’urgence de la question mais aussi à cause du caractère progressif de l’élévation du niveau de la mer, a conclu la représentante.

M. JONGIN BAE (République de Corée) a commenté les projets de conclusion portant sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités.  Commentant le projet de conclusion 7 sur les effets possibles des accords ultérieurs et de la pratique ultérieure dans le contexte de l’interprétation, il a dit que toute modification substantielle faite par ce biais n’est pas régie par les articles 31 et 32, mais plutôt par l’article 39 de la Convention de Vienne de 1969.  Au sujet des projets de conclusions 12 et 13, la République de Corée souligne que l’intention des États parties est l’élément le plus important de l’interprétation d’un traité.  Il a indiqué que la pratique d’une organisation internationale ou le prononcé d’un organe conventionnel d’experts ne peuvent être considérés comme une pratique ultérieure au sens du paragraphe 3 b) de l’article 31 de la Convention de Vienne de 1969. 

S’arrêtant ensuite aux paragraphes 2 des projets de conclusions 6 et 10 sur la détermination du droit international coutumier, M. Bae a préconisé la cohérence dans l’utilisation des termes et dans l’ordre dans lequel ils y sont utilisés.  Ainsi, une explication serait nécessaire pour apporter des clarifications en cas de contradictions.  Il serait bien aussi d’éclaircir les commentaires relatifs au projet de conclusion 16 et à « d’autres formes de droit coutumier ».

Par ailleurs, la République de Corée note que le thème de l’élévation du niveau de la mer reflète l’inquiétude croissante des petits États insulaires en développement.  Les critères convenus à sa cinquantième session par la CDI sur les nouveaux sujets sont ici respectés.  Il s’agit selon le délégué d’un sujet « intergénérationnel », puisque la génération actuelle a le devoir d’établir un cadre juridique sur cette question.  Il a estimé également qu’elle s’inscrit dans la perspective de « ce que la loi doit être » en opposition à ce qu’elle est en ce moment. 

Quant à la compétence pénale universelle, M. Bae a rappelé que son pays a créé une législation sur la mise en œuvre du Statut de Rome, mais qu’il est d’avis que le sujet n’est pas encore assez « mûr » pour faire l’objet de conclusions significatives.

Mme MARIE-CHAROLETTE MCKENNA (Australie) a salué l’adoption des projets de conclusion sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, qui constitueront une orientation utile pour les États et les organisations internationales.  En outre, l’inscription de la question de la compétence pénale universelle au programme de travail à long terme de la CDI est tout à fait positive afin d’assurer l’application du principe de responsabilité, de lutter contre l’impunité et de compléter les tribunaux internationaux. 

La question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international représente une source de préoccupation importante pour les États du Pacifique, a rappelé la représentante.  Les États de la région se sont efforcés de clarifier plusieurs questions à ce sujet, notamment les délimitations maritimes, tout en respectant les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  En conclusion, elle a encouragé la CDI à se pencher sur cette question dans les plus brefs délais.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Quatrième Commission: les délégations reconnaissent le COPUOS comme un moteur et une plateforme unique de la coopération internationale dans les activités spatiales

Soixante-treizième session,
14e séance – après midi
CPSD/674

Quatrième Commission: les délégations reconnaissent le COPUOS comme un moteur et une plateforme unique de la coopération internationale dans les activités spatiales

Au deuxième jour du débat de la Quatrième Commission (questions de politiques spéciales et décolonisation), sur la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace, les délégations ont été nombreuses à reconnaître le rôle de premier plan que joue le Comité des Nations Unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), et ses organes subsidiaires pour la promotion de la coopération internationale dans ce domaine.

Le Canada a ainsi encouragé le Comité et le Bureau des affaires spatiales de l’ONU à capitaliser sur l’élan impulsé par la célébration, cette année à Vienne, du Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50) et la finalisation des travaux du Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales, pour développer un ordre du jour résolument orienté vers l’avenir.  La Présidente du COPUOS avait d’ailleurs reconnu hier qu’UNISPACE+50 avait fait avancer les discussions sur la formulation de nouvelles orientations concernant la gouvernance mondiale des activités spatiales. 

En effet, compte tenu de la complexité croissante du programme spatial et de l’intérêt renouvelé pour l’exploration de l’espace par l’homme ainsi que pour la viabilité de la terre et de l’espace, les délégations ont été nombreuses à juger que « le moment est opportun » pour que le Comité se penche sur la direction à prendre pour garantir que l’espace soit mis au profit de toute l’humanité et de la planète, en privilégiant la coopération internationale. 

De nombreux intervenants ont revendiqué un accès « universel » à l’espace et aux avantages à tirer des technologies et sciences spatiales afin de les mettre au service du développement durable et de la lutte contre les changements climatiques notamment.  Certaines délégations, comme celles de l’Équateur et de l’Algérie, ont averti du risque de saturation des orbites satellitaires, réfutant le principe du « premier venu, premier servi », tandis que l’Iran a plaidé pour une exploitation rationnelle de l’orbite géostationnaire.

Allant dans le même sens, la Malaisie a estimé que les sept priorités thématiques approuvées en 2015 par le COPUOS, ainsi que son travail sur quatre piliers qui sont l’économie spatiale, la société spatiale, l’accessibilité de l’espace et la diplomatie spatiale, devraient orienter les préparatifs et le développement du programme « Espace 2030 » et son plan de mise en œuvre. 

De son côté, l’Iraq a plaidé en faveur d’une amélioration de l’accès aux données satellitaires pour les pays en développement, soulignant leur importance pour la gestion des catastrophes naturelles, l’impact des changements climatiques et la nutrition, entre autres.

Ce débat a également donné l’occasion à certaines délégations de brosser un tableau de leurs programmes spatiaux, mais aussi des différentes formes que peut prendre la coopération internationale dans ce domaine. 

Ainsi le Japon a évoqué l’initiative KiboCUBE, le programme de coopération ONU/Japon en vue du déploiement de satellites CubeSat depuis le module d’expérimentation japonais (Kibo) de la Station spatiale internationale.  Lancée en 2015, cette initiative a permis à ce jour à des institutions du Kenya, du Guatemala, de Maurice et de l’Indonésie d’utiliser Kibo, et le Kenya a réussi à lancer avec succès son premier satellite cette année, en mai. 

De son côté, le représentant algérien a évoqué un programme satellitaire africain qui permettrait l’accès aux données satellitaires à moindre coût aux pays du continent.

La Quatrième Commission se réunira à nouveau demain, jeudi 25 octobre, à partir de 15 heures.

COOPÉRATION INTERNATIONALE TOUCHANT LES UTILISATIONS PACIFIQUES DE L’ESPACE (SUITE)

Déclarations

Mme KIMBERLY K. LOUIS (Canada) a estimé que l’année 2018 a été une année phare pour le Comité des Nations unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) avec la célébration du Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50) et la finalisation des travaux de son Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales.  En tant que Président sortant du Comité, le Canada est honoré d’avoir joué un rôle de leadership sur ces deux dossiers, a indiqué la représentante.  Il encourage le Comité, et ses sous-comités, ainsi que le Bureau des affaires spatiales à capitaliser sur le nouvel élan, notamment à travers le Groupe de travail récemment mis en place sur le programme « Espace 2030 ».

Compte tenu de la complexité croissante du programme spatial, de l’intérêt renouvelé pour l’exploration de l’espace par l’homme, ainsi que celui pour la viabilité de la terre et de l’espace, le moment est opportun pour que le Comité se penche sur la direction à prendre en matière de coopération mondiale pour mettre l’espace au profit de toute l’humanité et la planète.  Pour que cette coopération soit couronnée de succès, a-t-elle enchaîné, il faut pouvoir compter sur l’engagement et les contributions de tous les pays pertinents, en particulier les puissances spatiales établies et celles qui émergent, a poursuivi la représentante.

La représentante a ensuite passé en revue le rôle joué par le Canada dans l’exploration spatiale depuis 1962, date du lancement de son premier satellite – Alouette 1.  Il fait aujourd’hui partie de la station spatiale internationale (ISS) et contribue à l’exploration de Mars, en collaboration avec la NASA et ESA.  Les prochains mois seront importants pour le programme spatial canadien, a précisé la déléguée, avec la mission de l’astronaute canadien, David Saint-Jacques, auprès de l’ISS et le lancement de la mission Constellation Radarsat.  Elle a reconnu toutefois que l’avenir de l’exploration spatiale exigera une coopération internationale soutenue et une gouvernance spatiale mondiale.

Pour le Canada, l’espace extra-atmosphérique représente un instrument de la paix, de la diplomatie et de la coopération entre nations, et c’est la coopération internationale qui rend son exploration possible.

M. HÉCTOR ENRIQUE JAIME CALDERÓN (El Salvador) a réaffirmé son attachement aux principes et accords qui doivent régir les activités des États dans l’exploration et l’utilisation de l’espace, qui doivent se baser sur quatre aspects fondamentaux qui sont l’utilisation commune et à des fins pacifiques, l’utilisation égalitaire, la coopération et la solidarité internationales.

Sa délégation soutient, en outre, le processus visant l’élaboration du programme « Espace 2030 » qui vise à promouvoir les bénéfices et la coopération dans l’utilisation pacifique de l’espace au service du développement humain, et ce, dans un contexte marqué par la complexité croissante du programme spatial.

Le représentant s’est par ailleurs dit d’avis que l’un des principaux objectifs du COPUOS devrait être la promotion de la viabilité des activités dans l’espace extra-atmosphérique pour que les générations futures puissent également profiter de l’accès à l’espace.  Le Gouvernement d’El Salvador estime par ailleurs que la science et les technologies spatiales peuvent être très utiles, notamment pour ce qui est de la gestion des catastrophes naturelles, la protection de l’environnement, la télésanté et la télééducation.  Dans cette optique, El Salvador a mis en place une équipe inter institutions qui sera l’homologue du COPUOS.

M. KHALID MANZALAWI (Arabie saoudite) a souligné que son pays continue de s’impliquer dans les activités spatiales, citant notamment l’ouverture d’un centre pour la science et la technologie.  Le Royaume saoudien a aussi mis au point un programme de développement pour les satellites et les technologies spatiales de pointe.  Le représentant a aussi indiqué que ces dernières années, 17 satellites ont été lancés et que plusieurs autres sont sur le point d’être mis en orbite dans le but de développer la télédétection.  Ces technologies ont été mises au point avec une société privée, ce qui a aussi permis de former des ingénieurs saoudiens, a-t-il ajouté.

Le représentant a également indiqué que le Royaume s’intéresse aux technologies permettant d’étudier la face cachée de la Lune.  Il a aussi parlé de la création d’un centre de pointe pour renforcer la participation de l’Arabie saoudite aux activités d’exploration de l’espace, et ce, en coopération avec un institut californien, et un centre de la NASA.  Nous mettons au point des satellites pour étudier les dunes de sable et les sources d’eau, afin, notamment d’éviter les catastrophes naturelles.

Mme SHIORI AMIYA (OKU), (Japon) est revenue sur la célébration, cette année, à Vienne, d’UNISPACE+50.  S’agissant des sept priorités thématiques approuvées par le COPUOS en 2016, « qui cristallisent l’essence même d’UNISPACE », la représentante a indiqué que le japon avait étroitement coopéré avec la communauté internationale pour les arrêter.  À titre d’exemple, il a cité sa contribution à la priorité thématique 1 qui porte sur « les partenariats mondiaux dans l’exploration spatiale et l’innovation », puisque le deuxième International Space Exploration Forum s’est tenu à Tokyo cette année.  Il a précisé que les documents finaux du Forum peuvent servir de base aux gouvernements pour engager le dialogue en vue de promouvoir la coopération internationale et l’exploration spatiale à long terme au service de l’humanité.

Le délégué a ensuite fait le point sur l’initiative KiboCUBE, le programme de coopération ONU/Japon en vue du déploiement de satellites CubeSat depuis le module d’expérimentation japonais (Kibo) de la Station spatiale internationale.  Lancée en 2015, cette initiative a permis à ce jour à des institutions du Kenya, du Guatemala, de Maurice et de l’Indonésie d’utiliser Kibo, et le Kenya a réussi à lancer avec succès son premier satellite cette année en mai. 

Le Japon est également activement impliqué dans la coopération régionale pour renforcer l’utilisation pacifique de l’espace et pour développer des capacités spatiales d’acteurs émergeants.  Il coaccueille, chaque année, le Forum régional Asie-Pacifique des agences spatiales.

M. MOHD AINI ATAN (Malaisie) a salué les progrès réalisés en matière de coopération internationale dans les activités spatiales à des fins pacifiques grâce aux efforts du COPUOS et du Bureau des affaires spatiales de l’ONU.  Il a notamment cité le développement d’un « curriculum juridique pour l’espace », les programmes de renforcement des capacités en particulier pour les pays en développement, les systèmes de navigation et de chronométrage satellitaires ainsi que les programmes éducatifs sur l’espace offerts par les centres régionaux affiliés aux Nations Unies.  Le représentant a encouragé l’échange d’informations en termes de découverte, d’observation et de caractérisation physique des objets potentiellement dangereux aux alentours de la terre.  Il a ensuite mis l’accent sur les problématiques des débris spatiaux, de la course aux armements dans l’espace, ainsi que sur la consolidation de la résilience aux catastrophes, sans oublier la promotion des sciences, technologies et applications spatiales et leurs pertinences pour le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

S’agissant du Cinquantenaire d’UNISPACE, il a espéré que sa commémoration aura contribué à ouvrir la voie au renforcement du rôle du COPUOS et de ses organes subsidiaires, ainsi que du Bureau des affaires spatiales, dans la promotion de la coopération internationale touchant les utilisations pacifiques de l’espace.  Dans la foulée, il a confirmé le soutien de sa délégation au projet de résolution adopté à Vienne en juin 2018, « UNISPACE+50 »: l’espace comme moteur du développement durable.  Le représentant a salué les sept priorités thématiques d’UNISPACE et le travail sur ses quatre piliers qui sont l’économie spatiale, la société spatiale, l’accessibilité de l’espace et la diplomatie spatiale qui devraient, à son avis, orienter les préparatifs et le développement du programme « Espace 2030 » et son plan de mise en œuvre. 

Sur le plan national, la Malaisie a commencé à préparer sa législation spatiale nationale.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a déclaré que l’espace extra-atmosphérique est un bien commun de l’humanité, en vertu de quoi il faut en garantir le libre accès à toutes les nations, sur la base de la coopération internationale dans les domaines notamment de la coopération scientifique et le transfert de technologies.  L’exploration et l’usage de l’espace extra-atmosphérique doivent toutefois se faire à des fins exclusivement pacifiques et conformément au droit international, a-t-il indiqué.  Il a salué le rôle du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) et de ses deux sous-comités.

En outre, le représentant a estimé que le déclenchement éventuel d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique représenterait indubitablement une menace à la paix et la sécurité internationales.  Des mesures de transparence et de promotion de la confiance pourraient jouer un rôle important pour la paix, a-t-il estimé.  Il a salué le projet de traité proposé par la Chine et la Fédération de Russie, relatif à la prévention du déploiement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique, estimant que c’est une bonne base pour lancer des négociations sur la possible adoption d’un instrument juridiquement contraignant.  Il a exprimé sa préoccupation concernant la mise au point de satellites conçus pour capter certaines communications, ce qui est contraire à la souveraineté des États, s’est-il indigné.  Enfin, le représentant vénézuélien a demandé aux pays développés de fournir une assistance et une coopération aux pays en développement pour la mise en œuvre de programmes spatiaux.

M. PAUL BATIBONAK (Cameroun) a dit que les sciences et techniques spatiales et leurs applications fournissent des outils indispensables pour trouver des solutions viables propres à assurer le développement durable.  Nous devons donc chercher à tirer profit des avantages qu’offrent les techniques spatiales, en particulier disposer d’informations géospatiales fondamentales pour relever les défis dans le domaine des changements climatiques et des catastrophes naturelles, ainsi qu’en matière de réalisation des objectifs de développement durable. 

Toutefois, a nuancé le délégué, ce panorama prometteur s’assombrit toujours plus à cause de la tendance croissante à la militarisation de l’espace, de la part des puissances qui y transplantent la course aux armements ainsi que la prolifération des débris spatiaux.  Ce caractère militaire et paramilitaire des activités spatiales constitue une menace non seulement à l’utilisation pacifique de l’espace mais également à la survie de l’être humain.  En réponse à cette menace croissante, la communauté internationale doit réfléchir sur la meilleure façon de relever ces défis de l’exploitation et de l’utilisation pacifiques de l’espace extra-atmosphérique. 

M. YONG JIN BAEK (République de Corée) a constaté que, sans coordination adéquate, l’évolution des technologies spatiales et le nombre croissant des acteurs et objets spatiaux représentent à la fois une bénédiction et une menace pour l’humanité.  Dans la situation actuelle, ce rôle de coordination joué par le Comité des Nations Unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique est plus important que jamais, a-t-il souligné.

À ce titre, il a salué l’ensemble des directives développées par le Comité pour garantir la viabilité à long terme des activités spatiales.  Même si le Comité n’a pas pu parvenir à un consensus sur cet ensemble de lignes directrices au cours de sa soixante et unième session, son Président et son Groupe de travail ont travaillé d’arrache-pied, a reconnu le représentant.

Il a ensuite salué la célébration du Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50) cette année à Vienne, ainsi que l’adoption, à cette occasion, du projet de résolution sur l’espace comme moteur du développement durable.

Pour la République de Corée, l’espace doit rester sûr et viable.  Dans le même temps, le potentiel énorme des sciences et technologies spatiales pour le développement durable ne devrait pas être entravé, a poursuivi le représentant, expliquant que son gouvernement avait développé, en février dernier, son troisième plan-cadre pour le développement de l’espace afin de mettre les technologies spatiales au service de la lutte contre les changements climatiques, les catastrophes naturelles ou encore les objets spatiaux.  Dans ce contexte, le représentant a mis l’accent sur l’importance de la transparence et de mesures de confiance dans l’environnement spatial actuel « qui est de plus en plus complexe ». 

M. ALI HILAL ALHADI (Iraq) a appelé à adopter des mesures collectives qui permettront à tous les pays de tirer parti de l’espace extra-atmosphérique.  Il a estimé que les conclusions du Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50) devraient profiter à tous les États Membres, indépendamment de leur niveau de développement.  Des lors, l’Iraq appelle la communauté internationale à utiliser l’espace extra-atmosphérique conformément au droit international, et à développer une stratégie commune pour l’exploration et l’utilisation de l’espace au profit du développement durable.

L’Iraq plaide en faveur d’une amélioration de l’accès aux données satellitaires pour les pays en développement, soulignant leur importance pour la gestion des catastrophes naturelles, l’impact des changements climatiques et la nutrition, entre autres.

Le représentant a ensuite présenté certaines avancées positives dans l’utilisation des données et technologies spatiales en Iraq, notamment pour surveiller la pollution des cours d’eau dans certaines parties du pays grâce à des images à haute définition et des données satellitaires.  Des données spatiales ont également été utilisées pour mesurer les dégâts infligés par le groupe EILL, a indiqué le représentant qui a, par ailleurs, plaidé contre une militarisation de l’espace.

M. ALEX GIACOMELLI DA SILVA (Brésil) a souligné que les technologies de l’espace extra-atmosphérique sont indispensables pour le développement durable des nations.  Ainsi, la coopération internationale est indispensable pour que progressent les programmes spatiaux, notamment ceux des pays en développement.  Insistant sur le rôle des partenariats, il a rappelé qu’au cours des années 1980, le Brésil et la Chine ont collaboré au programme satellite d’exploitation des ressources terrestres, qui a permis de construire et lancer avec succès tout un ensemble de satellites permettant de gérer les ressources de la planète.  Les prochains lancements auront lieu en 2019, a-t-il précisé.  Plus récemment, le Brésil a été l’un des premiers partisans de l’initiative italienne « Univers ouvert », qui doit permettre le partage d’informations sur la question via des universités.

Il a insisté sur l’importance des systèmes multilatéraux pour trouver des solutions aux défis associés aux activités dans l’espace extra-atmosphérique, saluant au passage le rôle du COPUOS, ainsi que le programme « Espace 2030 » et UNISPACE+50.

Cependant, le représentant a noté que des préoccupations substituent concernant des risques de conflit dans l’espace extra-atmosphérique.  « Tous les efforts doivent être faits pour préserver la sécurité dans les activités dans l’espace extra-atmosphérique », a-t-il déclaré.  Certes, le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique n’est pas une instance de désarmement, mais il fournit une contribution importante dans la gouvernance mondiale des activités dans l’espace, a par ailleurs commenté le représentant, qui a fait part de la fierté du Brésil, qui le présidera en 2019.

M. KENNETH HODGKINS (États-Unis) a présenté certains développements notables dans la politique spatiale des États-Unis, à commencer par la stratégie nationale du Président Trump pour l’espace.  Il a expliqué que cette stratégie concerne l’ensemble du Gouvernement, pour ce qui est du leadership américain dans l’espace.  Elle sera mise en œuvre en partenariat avec le secteur privé et « nos alliés ».

S’agissant des efforts américains pour améliorer la viabilité des activités spatiales, le représentant a indiqué que la directive 3 de cette stratégie était consacrée à la gestion du trafic spatial.  Elle stipule que les États-Unis doivent encourager l’adoption de nouvelles normes de comportement et de meilleures pratiques par la communauté internationale au moyen de discussions bilatérales et multilatérales avec d’autres puissances spatiales et à travers la participation américaine à différents organismes, y compris le COPUOS « qui doit demeurer une instance multilatérale importante pour faciliter un environnement propice au renforcement de la sûreté, stabilité et viabilité des activités spatiales », a souligné le représentant.

À cet égard, il a reconnu les progrès faits par le Sous-Comité scientifique et technique du Comité et par son Groupe de travail sur la viabilité à long terme des activités spatiales.  Il a notamment salué l’adoption, par le Groupe de travail, de 21 directives volontaires qui « représentent un jalon historique » pour l’utilisation sure et responsable de l’espace pour que toutes les nations puissent continuer à en tirer parti à long-terme.

Le représentant a également souligné que le sous-comité juridique a joué un rôle clef pour élaborer les traités sur l’espace, et a salué son nouveau programme pluriannuel sur le régime juridique et la gouvernance mondiale de l’espace. 

Il a aussi salué le fait que l’année 2018 a été l’année du bilan d’UNISPACE, et s’est félicité du succès de la Conférence marquant cette année le Cinquantenaire de la Conférence des Nations Unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (UNISPACE+50), ainsi que du programme « Espace 2030 » qui en a émergé.

Mme HUDA AL ABDALI (Émirats arabes unis) a jugé nécessaire de promouvoir les partages des pratiques optimales relatives à l’exploration spatiale.  Elle a indiqué que les Émirats arabes unis ont lancé une série de projets notables, notamment la planification d’une mission d’exploration de Mars, ainsi que la construction d’une ville pour simuler les conditions sur cette planète.  Par ailleurs, elle a jugé essentiel d’enrayer la course aux armements dans l’espace.

En outre, les Émirats arabes unis ont accueilli, en 2017, en collaboration avec les Nations Unies, un Forum de haut niveau sur l’espace en tant que moteur du développement durable qui a abouti à la formulation de recommandations précieuses.  Les Émirats arabes unis font de nombreux efforts pour mettre en place des partenariats avec des entités de premier plan.  Ainsi, nous avons signé un accord pour le lancement du premier astronaute des Émirats arabes unis dans l’espace.

Pour M. DIEGO ALONSO TITUAÑA MATANGO (Équateur), le moment est propice pour évaluer les objectifs du contexte normatif international de l’espace.  Il est conscient des liens entre l’accès et l’utilisation de l’espace à des fins pacifiques et pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  L’Équateur plaide en faveur d’un meilleur accès à l’espace pour les pays en développement, à travers des accords de coopération pour la mise en œuvre de programmes responsables qui profitent à toute l’humanité, a expliqué son représentant.

Il a mis l’accent sur les politiques de prévention des catastrophes naturelles au moyen de technologies de l’espace, précisant que l’Équateur défend la protection de l’environnement en tirant partie des sciences spatiales.

Le représentant a également souligné l’importance de promouvoir la coopération internationale dans l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et scientifiques et pas seulement commerciales.  Il a également soulevé les risques de saturation de l’orbite géostationnaire.

M. ESHAGH AL HABIB (République islamique d’Iran) a d’abord souligné l’importance de l’accès sans discrimination à la science et aux technologies spatiales pour les États, citant leur rôle indispensable pour le développement durable.  Il a aussi insisté sur le strict respect du principe d’égalité du droit de l’espace, appelant à une exploitation rationnelle de l’orbite géostationnaire.  Le représentant a ensuite appelé à répondre au problème des débris spatiaux. 

Poursuivant, le délégué a aussi souligné que l’un des principes cardinaux du droit de l’espace est l’exploitation exclusivement à des fins pacifiques de l’espace.  Toutefois, l’annonce par les États-Unis de créer une nouvelle force militaire pour l’espace extra-atmosphérique constitue une évolution alarmante.  Les Américains, a-t-il affirmé, cherchent à dominer l’espace, le considèrent comme une zone de guerre et travaillent à développer des systèmes d’armement pour l’espace.  De telles politiques et de telles mesures augmentent la possibilité d’une course aux armements ou même des conflits dans l’espace extra-atmosphérique, s’est-il alarmé.  Nous devons déployer tous les efforts possibles pour assurer que l’espace extra-atmosphérique soit exploré et utilisé uniquement à des fins pacifiques.  L’Iran appuie les négociations pour un instrument juridiquement contraignant de prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

M. IBRAHIM MODIBBO UMAR (Nigéria) a estimé que l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique et des corps célestes doivent être faites à des fins pacifiques et pour le bénéfice de tous.  À cet égard, les États dotés de capacités spatiales importantes doivent contribuer activement à l’objectif d’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, a-t-il déclaré, ainsi qu’à la prévention de la course aux armements dans l’espace.  Ils devraient aussi se retenir d’agir de manières contraires à cet objectif.

Le représentant a ensuite expliqué que le Nigéria entend utiliser ses capacités spatiales à des fins de développement, notamment pour procéder à des analyses environnementales et suivre l’évolution de questions essentielles comme la désertification.  Nous estimons que les stratégies spatiales peuvent et doivent bénéficier à toute l’humanité de manière équitable, que ce soit pour les pays développés ou ceux en développement, a-t-il insisté.

M. Umar s’est ensuite attardé sur l’impact des changements climatiques et des importants mouvements migratoires qu’ils entraînent, notamment dans la région du lac Tchad.  Le Nigéria essaie de reconstituer l’écosystème du bassin en menant des opérations de télédétection et rappelle, à cet égard, l’importance du partage d’informations.

M. MUSTAPHA ABBANI (Algérie) a expliqué que le programme spatial algérien vise à satisfaire les besoins nationaux dans divers domaines.  Il veille notamment à ce que les technologies spatiales puissent contribuer au développement socioéconomique tout en gardant à l’esprit l’importance de la coopération dans ce domaine, a expliqué le représentant.  Il a également expliqué que le système satellitaire algérien, qui est composé de 10 satellites mis en orbite par l’Algérie, vise à favoriser la protection de l’environnement et le suivi de la désertification, entre-autres.

Pour ce qui est des applications spatiales, le représentant a indiqué qu’elles ont notamment été utiles au projet de développement urbain grâce à des images satellitaires.  L’Algérie a participé à divers programmes régionaux organisés par le Bureau des affaires spatiales des Nations Unies.  Sur le plan régional, elle soutient toutes les initiatives dans les domaines des sciences et technologies spatiales pour favoriser le développement durable de l’Afrique.  À ce titre, il a cité un plan commun africain de satellites qui fournissent des données à moindre coût.

L’Algérie suit de près toutes les questions portées à l’attention du COPUOS et contribue à ses efforts en faveurs d’activités spatiales pacifiques au service du développement durable et du bien-être de l’humanité.  Elle appelle à définir les limites de l’espace extra-atmosphérique et à sa protection, ainsi qu’à une répartition équitable des positions orbitales réfutant le principe du « premier arrivé, premier servi ».  Le représentant a également mis l’accent sur la menace que représentent les débris spatiaux.  Il a demandé au COPUOS de tenir compte des inquiétudes exprimées par certains pays et de les aider à développer leurs capacités spatiales nationales.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Première Commission : les délégations s’opposent sur les meilleurs moyens de répondre aux nouveaux défis dans l’espace extra-atmosphérique

Soixante-treizième session,
16 & 17e séances – matin & après-midi
AG/DSI/3609

Première Commission : les délégations s’opposent sur les meilleurs moyens de répondre aux nouveaux défis dans l’espace extra-atmosphérique

Faut-il adopter un nouvel instrument juridiquement contraignant pour garantir la sécurité de l’espace extra-atmosphérique, ou se hâter de renforcer l’arsenal des mesures existantes?  Devant la Première Commission (désarmement et sécurité internationale), les délégations ont exprimé aujourd’hui leurs inquiétudes et leurs nombreuses attentes, face au développement rapide des technologies spatiales qui imposent de réfléchir à leur encadrement, alors que planent les menaces d’une course à l’armement dans l’espace.

Le débat a notamment fait apparaître le clivage entre les pays qui se rangent derrière la proposition de la Fédération de Russie et de la Chine en faveur de l’élaboration d’un traité juridiquement contraignant sur le non-déploiement des armes dans l’espace: un tel instrument permettait de renforcer le droit international dans un domaine où il est encore imprécis, ont estimé l’Égypte, au nom du Groupe arabe, le Nigéria ou encore le Venezuela. 

Sans pour autant « écarter » la possibilité d’un nouveau traité, pour la France, le Royaume-Uni ou l’Italie, l’urgence est toutefois d’adopter au plus vite de nouvelles mesures qui répondent aux préoccupations les plus aigües.

Une nouvelle fois, les débats ont frontalement opposé deux approches radicalement différentes des États-Unis et de la Fédération de Russie.  Hier déjà, la délégation américaine avait plaidé pour des mesures contraignantes mais qualifié « d’hypocrite et vide de sens » la proposition russe.  Ce n’est pas, selon elle, la réponse adéquate au renforcement de la confiance. 

« Les États-Unis préfèreraient que l’espace reste exempt de conflit mais ils seront prêts à relever toute forme de défi si nos adversaires transforment l’espace en théâtre de guerre », avait-elle prévenu.

En retour, la Fédération de Russie a jugé aujourd’hui « dangereuse » l’approche américaine selon laquelle l’espace serait devenu un « lieu de confrontation ».  Cette politique de « domination de l’espace » ne contribue pas à un dialogue efficace, ni à la stabilité, a constaté le représentant, qui a averti que « les négociations sur l’espace extra-atmosphérique risquent de ne pas aboutir du tout ».

Avec le développement de l’exploitation spatiale, les défis se complexifient et l’espace peut aussi constituer un lieu de confrontation, a mis en garde la France.  Parce qu’elle juge urgent d’agir, elle privilégie des propositions « rapidement applicables et immédiatement vérifiables ».

De même, si le Royaume-Uni « n’exclut pas » la possibilité de parvenir à un traité juridiquement contraignant à l’avenir, il considère que de graves défis politiques, technologiques et pratiques doivent être résolus rapidement.  Il a également appelé à identifier précisément les « menaces », qu’elles soient accidentelles, comme les risques de collision, ou volontairement agressives.

Mais pour une majorité de pays sans accès aux technologies spatiales, la préoccupation est surtout de ne pas se laisser déborder par les progrès vertigineux et d’accéder aux technologies et à leurs bénéfices.  « Tous les pays doivent pouvoir participer à l’exploration et à l’utilisation pacifique de l’espace et bénéficier de ses résultats », a estimé le Paraguay, appuyé par de nombreuses délégations.

Auparavant la Commission a achevé son débat sur les « Autres armes de destruction massive » qui a placé de nouveau les armes chimiques au centre des échanges, avec les interventions en particulier de la Syrie, de la Fédération de Russie et du Royaume-Uni.

À cette occasion, de nombreuses délégations, comme le Brésil et la Turquie, se sont félicitées de la décision, en juin dernier, à la quatrième séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques, d’élargir le mandat du Secrétariat technique de l’OIAC pour lui permettre d’attribuer la responsabilité en cas d’attaques à l’arme chimique.

Le non-renouvellement du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, bloqué par le veto de la Fédération de Russie au Conseil de sécurité, a conduit à explorer d’autres options, a rappelé l’Australie, qui a aussi évoqué le Partenariat international contre l’impunité d’utilisation des armes chimiques, dirigé par la France.

Pour de nombreux États, la création d’un tel mécanisme au sein de l’OIAC enverrait donc « un message clair » sur la fin de l’impunité, d’autant plus, a appuyé l’Australie, que les États parties à la Convention sur les armes chimiques doivent pourvoir attribuer des responsabilités pour toute violation de la Convention.  Mais si l’OIAC doit être mobilisée, il faudra envisager une augmentation de son budget, a toutefois estimé le Royaume-Uni.

Pour la Chine, qui souhaite « une enquête impartiale pour chaque allégation d’attaque », il convient cependant d’utiliser d’abord les mécanismes existants car les États Membres sont divisés sur la question.

La Fédération de Russie et la Syrie, toutes deux mises au banc des accusés, par le Royaume-Uni notamment, ont dénoncé la politisation du débat lors de ces travaux: donner mandat à l’OIAC pour enquêter outrepasse les attributions de l’OIAC et empiète sur celles du Conseil de sécurité, jugent-elles.

« C’est une violation claire du mandat de l’Organisation qui crée des complications supplémentaires pour l’OIAC et risque de la paralyser en accentuant les divisions entre ses membres », a notamment mis en garde la Syrie.

La Lettonie et les Pays-Bas sont par ailleurs intervenus pour rappeler les cyberattaques « hostiles » dont a été la cible l’OIAC au mois d’avril, et dont « le but semble être de saper l’autorité de la Convention », ont-ils regretté.

La Première Commission reprendra ses travaux demain, jeudi 24 octobre, à partir de 10 heures.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR DES QUESTIONS PRÉCISES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Présentation de rapport

M. YANN HWANG (France) s’exprimant au nom de M. JEAN-CLAUDE BRUNET, Président de la troisième Conférence des Nations Unies chargée d’examiner les progrès accomplis dans l’exécution du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, qui a eu lieu du 18 au 29 juin, a rappelé que plus de 900 millions d’armes légères et de petit calibre (ALPC) sont en circulation dans le monde et font 500 000 victimes par an.  Le trafic illicite de ces armes viole les embargos internationaux et contribue à la déstabilisation des sociétés.  Il contribue aussi à perpétuer les conflits, entraver le développement et aliment le crime organisé et le terrorisme.

Le Programme d’action sur les armes légères (PoA) est le seul instrument universel et consensuel susceptible de définir des pistes communes pour combattre le trafic des ALPC, a-t-il rappelé.  Dans ce cadre, une dizaine de séances de consultations ont été mises en place et toutes les séances plénières ont été ouvertes à la société civile, ONG et industries.  Plus de 98 États sont intervenus lors du débat général, une forte progression par rapport à la précédente Conférence, s’est-il félicité.

Les discussions se sont toutefois heurtées à deux difficultés qui ont conduit à un vote: la question des munitions, et la référence à le Programme 2030 du développement durable.  Le Document final de 21 pages a cependant été adopté à l’unanimité avec une déclaration politique et un plan de mise en œuvre, ainsi qu’une section consacrée à la promotion de la coopération et un calendrier de suivi 2018-2024.  Cet élan, a-t-il souligné, doit être maintenu.

Au cours de ses travaux, a-t-il poursuivi, la Conférence a considéré des avancées notables, comme le détournement et la neutralisation effective des ALPC, et la reconnaissance de la violence basée sur le genre, notamment les violences domestiques.  Le Programme 2030 a, par ailleurs, été affirmé comme cadre de référence pour la mise en œuvre du Programme d’action.  De plus, le Document final insiste sur la coopération régionale et internationale pour lutter contre les réseaux, ainsi que sur l’importance de renforcer les capacités.  Le représentant a aussi indiqué qu’au cours de ses prochains travaux, il est prévu de se pencher sur la lutte contre le détournement ainsi que sur les difficultés que peuvent introduire les nouvelles techniques de fabrication d’armes, comme l’utilisation d’imprimantes 3D ou de polymères.

Déclarations sur les autres armes de destruction massive (suite)

Mme ELIF ÇALIŞKAN (Turquie) a rappelé que son pays est proche de régions à haut risque et attache donc beaucoup d’importance au contrôle des armes. Après avoir qualifié l’utilisation des armes chimiques de crime contre l’humanité, la déléguée a déploré que ces armes aient été utilisées en Iraq, en Syrie, ou encore au Royaume-Uni. À ce titre, elle a regretté que le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint n’ait pas été renouvelé malgré sa grande utilité.Elle s’est, par ailleurs, félicitée du renforcement des pouvoirs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour mieux identifier les auteurs d’attaques à l’arme chimique. Après avoir demandé à la Syrie de coopérer avec l’OIAC, elle a dit espérer que la prochaine Conférence d’examen des États parties à la Convention sur les armes chimiques permettra d’avancer.

Elle a enfin réitéré son appui à la Convention sur les armes biologiques et s’est réjouie que la réunion des États parties, en décembre dernier, ait permis de se mettre d’accord sur un programme de travail.

M. ALEJANDRO VERDIER (Argentine) a lancé un appel aux États parties pour qu’ils respectent les engagements pris aux termes de la Convention sur les armes chimiques.  L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ayant démontré que des substances chimiques ont été utilisées comme armes, l’Argentine enjoint les États parties à déployer les efforts nécessaires pour maintenir le consensus au sein de l’Organisation.  Toute initiative doit être adoptée par consensus, a-t-il insisté.  La quatrième Conférence d’examen des États parties à la Convention sur les armes chimiques doit permettre de se projeter vers un monde exempt d’armes chimiques et de passer à l’étape suivante.  Il s’agit, a-t-il expliqué, de savoir ne pas s’en tenir à la non-utilisation des armes chimiques, mais aussi de déterminer comment en finir, comment envisager leur destruction et leur élimination. 

Il a aussi appelé à se pencher sur les risques inhérents aux groupes non étatiques.  En juin dernier, une conférence avec les industriels a notamment été l’occasion de discuter de cette menace et de comment prévenir l’emploi de ces produits par des terroristes.  Il est nécessaire d’agir de façon unie, et l’OIAC doit protéger les avancées réalisées et renforcer son action, d’où la nécessité d’éviter de l’affaiblir, a-t-il insisté.

Mme SALLY MANSFIELD (Australie) a appelé tous les États Membres à appuyer les efforts du Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à établir un mécanisme d’attribution sur la Syrie.  « Cela enverrait un message clair selon lequel les auteurs d’armes chimiques seront toujours tenus pour responsables. »  Lorsque le renouvellement du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU a été bloqué, la communauté internationale a exploré d’autres options, y compris le Partenariat international contre l’impunité d’utilisation des armes chimiques, dirigé par la France.  « Nous devons continuer à travailler de concert pour ajuster les politiques et les régulations, afin de refléter les nouvelles menaces et technologies dans le domaine des armes de destruction massive, ce qui inclue de robustes contrôles des exportations », a-t-elle souligné.

La représentante a en outre estimé que, si le Conseil de sécurité conserve « bien sûr » l’autorité pour répondre aux préoccupations sécuritaires internationales liées à l’utilisation d’armes chimiques, et de décider quelles mesures appropriées doivent être prises, les États parties à la Convention sur les armes chimiques doivent aussi être capables d’attribuer des responsabilités pour toute violation de la Convention.

Elle a, par ailleurs, indiqué que le groupe australien fédère 43 participants impliqués dans l’harmonisation de contrôle des exportations, afin d’éviter que les États terroristes obtiennent ce dont ils ont besoin pour construire des armes chimiques et biologiques, a-t-elle indiqué.

Mme KATE VASHARAKORN (Thaïlande) a déclaré que les normes internationales contre l’utilisation des armes chimiques et biologiques ont été fermement établies après une prise de conscience majeure.  La communauté internationale a été témoin des conséquences de l’utilisation de ces armes durant la Première Guerre mondiale, a-t-elle rappelé.

Elle a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour combattre l’utilisation d’armes chimiques et a condamné leur utilisation par qui que ce soit, qu’elles que soient les circonstances.  Les auteurs doivent être tenus pour responsables, a-t-elle rappelé.  En même temps, a-t-elle déclaré, le processus de contrôle doit être transparent, équilibré et consensuel.  La vingt-troisième session de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques, ainsi que la quatrième Conférence d’examen des États parties à cette même Convention seront l’occasion de délibérer sur ces sujets, a-t-elle estimé.

La représentante a en outre salué les conclusions fructueuses de la Réunion des États parties à la Convention sur les armes biologiques, qui a débouché sur un consensus.  Elle a estimé qu’un protocole de vérification juridiquement contraignant est nécessaire pour réaliser les objectifs de la Convention.

M. ABDULLAH HALLAK (République arabe syrienne) a affirmé « que son pays respecte ses engagements au terme de la Convention sur les armes chimiques, soulignant notamment qu’il a remis ses substances chimiques à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et détruit ses stocks.  Les armes ont été détruites sur un navire américain au large de la Méditerranée, et l’armée syrienne ne possède actuellement aucune arme chimique, ne les a jamais utilisées, ni ne compte le faire », a-t-il assuré.  Il a ensuite appelé les États Membres à trouver l’auteur des crimes commis en Syrie « ailleurs ».

Le Gouvernement syrien condamne le crime d’utilisation des armes chimiques et appuie les efforts pour parvenir à un Moyen-Orient exempt d’armes de destruction massive, a poursuivi le représentant.  En 2003, la Syrie a déposé un projet de résolution en ce sens et a par ailleurs adhéré à la Convention sur les armes chimiques pour rappeler au monde entier qu’elle s’oppose à l’utilisation de ce type d’armes, en dépit des circonstances difficiles qu’elle traverse.

La Syrie, a-t-il ajouté, a en outre mis la communauté internationale en garde contre l’éventuelle utilisation d’armes chimiques par des groupes terroristes, surtout après la main mise d’un groupe sur une usine de chlore à l’est d’Alep.  Et c’est exactement ce qui s’est produit peu après, a-t-il dénoncé, déplorant une attaque qui a fait 25 morts et 110 blessés civils et militaires.  Malgré tout, aucune enquête n’a été diligentée, a-t-il regretté.

La Syrie rejette enfin les méthodes employées par le Royaume-Uni, les États-Unis et la France pour faire adopter une résolution lors de la Conférence de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques dans le but, a-t-il affirmé, de politiser l’OIAC.  Aux yeux du représentant, cette résolution contrevient à la Convention et constitue un précédent international, en attribuant à une organisation des prérogatives qui ne sont pas les siennes.

M. ALEX GIACOMELLI DA SILVA (Brésil) a estimé que la communauté internationale ne devrait pas admettre que soit défiées les normes contre l’utilisation d’armes chimiques.  Selon lui, la Convention sur les armes chimiques joue un rôle unique: c’est la seule convention sur les armes de destruction massive disposant d’un mécanisme de vérification.  Il faut donc redoubler d’efforts pour la préserver, a-t-il insisté.  Il a aussi souligné le rôle du Conseil de sécurité, notamment ses compétences en cas de violation de la Convention.  S’il a regretté que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) n’ait pas pu attribuer des responsabilités après de récentes utilisations d’armes chimiques, en raison de blocages d’ordre politique, le Brésil participera malgré tout de façon constructive aux préparatifs de la prochaine Conférence d’examen.

Le représentant a ensuite réaffirmé que la coopération internationale est un des piliers de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques.  Il a insisté en outre sur la reconnaissons du droit d’entreprendre des recherches biologiques à des fins pacifiques et a souhaité, à ce titre, que le mécanisme de coopération soit renforcé.  Il a finalement regretté que les États parties à cette Convention n’aient pas pu reprendre les négociations sur un protocole qui aurait créé un mécanisme de vérification sur le même modèle que celui de l’OIAC.

Pour Mme MARÍA PALACIOS (Espagne) la passivité face à la détérioration de la norme internationale sur l’utilisation d’armes chimiques n’est pas une alternative.  L’Espagne a donc rallié, dès le départ, le Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, ainsi que la création d’un mécanisme au sein de l’OIAC.  Le moment est venu de mettre en pratique le mandat de ce mécanisme adopté en juin, a-t-elle souligné.  Elle a appelé les États Membres à faire preuve de générosité et de hauteur de vue, soulignant les services importants rendus pas la Convention et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Elle a aussi attiré l’attention sur l’importance de la Convention sur les armes biologiques, estimant dans la foulée que les différences d’interprétation ne peuvent empêcher d’avancer de façon pratique.  Le programme intersession fournit des opportunités importantes de trouver des dénominateurs communs et d’avancer sur des mesures de confiance et le contrôle des exportations, a-t-elle estimé.

M. PYE SOE AUNG (Myanmar) a rappelé que la Convention sur les armes chimiques est le seul traité multilatéral permettant d’interdire les armes chimiques, leurs vecteurs et d’encadrer l’utilisation pacifique de ces substances.  Hélas, a-t-il poursuivi, elles font toujours parties des arsenaux.  Rassuré par l’annonce de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) que 96% des armes chimiques avaient été détruites sous son mécanisme de vérification, il a souligné que l’Organisation avait réussi à mener à bien un processus de démilitarisation chimique en Russie et en Libye.  « Nous attendons avec impatience les résultats fructueux de la quatrième Conférence d’examen, du mois prochain », a-t-il ajouté.

Pour ce qui est du danger représenté par les armes de destruction massive, il a estimé que la mise en œuvre de la résolution 1540 peut clairement contribuer à un monde plus sûr.  « Il faut que les États Membres refusent à tous les acteurs non étatiques d’accéder à des armes de destruction massive, spécialement lorsque ce sont des terroristes », a-t-il insisté.  Il a finalement exhorté tous les États Membres de respecter leurs obligations internationales.

M. GIANFRANCO INCARNATO (Italie) a rappelé le soutien plein et actif de l’Italie à la Convention sur les armes chimiques et au travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  Il a dit son inquiétude quant à l’utilisation des armes chimiques, ces derniers mois.  Mais condamner n’est pas suffisant, a-t-il insisté, la communauté internationale doit s’assurer que les responsabilités soient établies.  À cet égard, il s’est félicité de l’extension des capacités de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour identifier les utilisateurs de ces armes.  Il en a aussi profité pour soutenir le travail de la mission d’établissement des faits menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en Syrie.

L’Italie a ensuite apporté son plein soutien à la Convention sur les armes biologiques.  Il a regretté, à ce titre, que l’état des contributions financières la place dans une situation compliquée.  Appelant tous les États parties à respecter leurs obligations financières, il a noté le risque croissant de voir des armes de destruction massive tomber dans les mains des terroristes.

M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh) a demandé des efforts supplémentaires pour assurer la mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques, et s’est dit préoccupé par les rapports faisant état de leur utilisation, y compris dans les situations de conflit prolongé, comme en Syrie.  Les responsabilités doivent être établies, a-t-il insisté, estimant que le Conseil de sécurité devait jouer un rôle pour faciliter ces enquêtes. 

Le représentant a de plus estimé que des mécanismes parallèles peuvent être créés en l’absence d’approches consensuelles.  Il a souhaité que le secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) dispose des moyens pour s’acquitter de son mandat de façon impartiale et efficace.  Face à la « menace alarmante » d’utilisation des armes chimiques par des groupes terroristes, il a appelé les États Membres à travailler étroitement avec l’OIAC.

Concernant la Convention sur les armes biologique, le représentant s’est préoccupé des avancées scientifiques et de la possibilité de conflit biologique. Il a demandé que la coopération et l’assistance internationales puissent être partagées avec les pays en développement afin de les aider à tenir leurs engagements.

Concernant les armes biologiques, M. JI HAOJUN (Chine) a affirmé que son pays a appuyé le modèle de conduite pour les scientifiques dans le cadre de la Convention sur les armes biologiques.  Par ailleurs, il a estimé que le contrôle des exportations et le régime de coopération doivent servir de cadre international sur la question de ces substances.

En novembre, a-t-il rappelé, se tiendra à La Haye la quatrième Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques.  « Nous espérons que toutes les parties l’utiliseront au mieux pour renforcer les objectifs de la Convention », a-t-il affirmé.  Rappelant qu’elle avait reçu plus de 500 inspections sur le terrain, la Chine a estimé promouvoir de façon active la coopération internationale.

Le représentant a ensuite apporté son appui à une enquête complète et impartiale quant à l’établissement des faits pour chaque utilisation alléguée d’armes chimiques. Selon lui, il faut continuer d’utiliser le mécanisme existant pour y arriver. Le fait qu’il ait fallu un vote lors de la quatrième séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques qui dote l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour adopter le renforcement des pouvoirs de l’OIAC, est selon lui un signe que les États parties sont divisés quant à l’utilisation des armes chimiques. Il s’est tout de même félicité des progrès réalisés dans la destruction des armes chimiques en Syrie et en Iraq.

M. AIDAN LIDDLE (Royaume-Uni) a condamné toute utilisation d’armes chimiques partout et par qui que ce soit, accusant notamment la Syrie et la Russie d’avoir violé la Convention sur les armes chimiques et causé un affront au système et à la communauté internationale.  À ses yeux, l’attaque de Salisbury a démontré que la communauté internationale peut s’unir pour identifier les auteurs et assurer les responsabilités.  Mais la Russie a empêché que des enquêtes soient conduites et les auteurs envoyés devant la justice, a-t-il regretté.  La réunion en juin, des États parties à la Convention est pourtant le signe que la communauté internationale veut renforcer ses moyens face à ces attaques.  Mais, pour ce faire, une hausse du budget de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) est nécessaire.  Il a ensuite annoncé que le Royaume-Uni débloquait un million de livres sterling supplémentaires à cet effet, appelant également les États parties à contribuer.

De même, a-t-il poursuivi, il faut s’assurer que la Convention sur les armes biologiques reste efficace et de portée mondiale.  Les efforts pour son universalisation sont donc essentiels.  Il a aussi appelé le Secrétaire général des Nations Unies et les autres organes pertinents à créer des mécanismes de financement durables de la Convention et engagé les États à payer d’urgence leurs arriérés.

Il a, par ailleurs, appelé l’Iran à ne pas développer de missiles balistiques, ni leurs techniques de lancement.  Il a aussi appelé à la mise en œuvre de la résolution 1540 qui vise à empêcher que des armes biologiques et chimiques ne tombent entre les mains des groupes terroristes.

M. HÉCTOR ENRIQUE JAIME CALDERÓN (El Salvador) a demandé à poursuivre la mise en œuvre de toutes les dispositions des Conventions sur les armes biologiques et chimiques.  S’il s’est félicité des avancées, il a jugé qu’un travail considérable restait à faire.  Il s’est dit notamment préoccupé de l’utilisation de ces armes contre des civils.  À ses yeux, il est impératif d’établir des responsabilités après les faits atroces de ces dernières années.  Pour lui, il en va de la préservation de la crédibilité des enquêtes.

Le représentant a ensuite réaffirmé son engagement au renforcement de la Convention sur les armes biologiques.  Il a, à ce propos, déploré que la huitième Conférence d’examen ne soit pas parvenue à un consensus pour un document final.  Il a appelé à la volonté politique de tous les États parties à la Convention pour répondre aux défis actuels et à venir.  Enfin, il a rappelé qu’il y a des bénéfices et des opportunités pour les États dans la recherche biologique.  Il a donc demandé à renforcer les échanges.

M. SHIVANAND SIVAMOHAN (Malaisie) a invité tous les États parties à détruire leurs stocks d’armes chimiques déclarés avec l’appui et le suivi de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et dans le respect de la Convention sur les armes chimiques.  Il a jugé nécessaire de protéger l’OIAC contre toute influence extérieure lorsqu’elle s’acquitte de ses fonctions, car elle a énormément contribué à la mise en œuvre de la Convention depuis sa création, a-t-il insisté.  La Malaisie soutient, par ailleurs, les appels en faveur de l’universalisation de la Convention sur les armes biologiques et met en place actuellement une législation nationale en ce sens.  Mon pays, a indiqué le représentant, entend consentir tous les efforts possibles pour assurer que l’Asie du Sud-Est reste une zone exempte d’armes de destruction massive.

M. LEE JANG-GEUN (République de Corée) a rappelé que la menace de l’utilisation des armes chimiques et biologiques n’est pas moins sérieuse aujourd’hui que celle des armes nucléaires.  « Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que la question des armes chimiques syriennes reste sans réponse, cinq ans après que la Syrie a rejoint la Convention sur les armes chimiques en 2013 ».  Il a déploré que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) soit toujours incapable de trouver des solutions face aux « inconsistances » des déclarations syriennes.  Il a appelé urgemment la Syrie à coopérer avec les mécanismes de l’OIAC.  Les responsables de crimes haineux commis à l’aide d’armes chimiques doivent rendre des comptes, a-t-il déclaré.  À cet égard, il a appuyé la décision relative aux menaces d’utilisation d’armes chimiques qui a été adoptée lors de la quatrième séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques en juin dernier.  Les mécanismes d’attribution conférés à l’OIAC permettront de dissuader les auteurs potentiels d’utiliser les armes chimiques dans le futur et contribueront à l’application effective de la Convention sur les armes chimiques.

Passant à la question de la Convention sur les armes biologiques, le représentant s’est félicité des résultats de la Réunion des États parties de 2017 et de l’établissement d’un programme intersession pour 2018-2020.  Pour assurer la stabilité financière de la Convention, il faut toutefois identifier par quels moyens générer le plus vite possible des capacités financières dans les processus opérationnels.

M. ANDREY BELOUSOV (Fédération de Russie) a apporté son soutien à la Convention sur les armes biologiques et a espéré que la neuvième Conférence d’examen, en 2021, permettra d’arriver au consensus.  La Russie a soumis une proposition d’aide et de coopération internationales en cas d’attaque à l’arme biologique et présenté un document de travail en ce sens.  Pour la Russie, les amis de la Convention doivent soutenir les travaux intersessions qui permettraient de rapprocher les délégations dans le but d’adopter des mesures appropriées pour faire diminuer la menace.  Il n’y a pas d’alternatives, a-t-il estimé, en rappelant que 182 États apportent leur pierre à l’édifice.  Mais le régime de la Convention subit des pressions avec la montée des activités biologiques, d’où l’importance d’améliorer la confiance et la transparence dans sa mise en œuvre.

Par ailleurs, la Russie soutient pleinement le régime de la Convention sur les armes chimiques, l’un des outils les plus fructueux du désarmement, selon elle.  Elle agit d’ailleurs en joignant l’action à la parole: l’élimination de tous les stocks russes d’armes chimiques a été menée à bien avant même les dates prévues en septembre 2017, ce qui a été certifié par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), s’est félicité le représentant.  Il a appelé les autres États « et surtout les États-Unis) à suive cet exemple pour parvenir à la démilitarisation chimique. Il a regretté cependant la politisation du débat, lors de quatrième séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques qui dote l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), estimant que certaines conclusions ne sont pas légitimes. Celles-ci, s’est-il inquiété, outrepassent les mandats de l’Organisation et empiètent sur celui du Conseil de sécurité. Il a enfin affirmé que les accusations du Royaume-Uni concernant Salisbury « ne sont pas fondées et ne visent qu’à tromper la communauté internationale ».

M. ARIEL RODELAS PENARANDA (Philippines) a condamné dans les termes les plus forts l’utilisation des armes chimiques où que ce soit, par qui que ce soit, et quelles que soient les circonstances.  « C’est inacceptable et c’est une violation du droit international », a-t-il déclaré.  Les Philippines sont engagées dans la mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques et dans le travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).  « Nous sommes à jour de nos obligations », a-t-il déclaré.  Les Philippines continuent de travailler activement pour intégrer dans le droit national les obligations qui leur incombent aux termes de la Convention.

Par ailleurs, le représentant a fait part de ses préoccupations en ce qui concerne la prolifération des armes de destruction massive, en particulier des armes biologiques et chimiques. Il a appelé les États Membres qui ne l’ont pas fait à signer et ratifier le Convention sur les armes biologiques et la Convention sur les armes chimiques sans délai.

M. SEYED ALI ROBATJAZI (République islamique d’Iran) a dénoncé les attaques aveugles à l’arme chimique qui peuvent avoir des conséquences terribles sur les civils.  Il a rappelé que son pays a été victime de ces armes, lorsque le régime de Saddam Hussein, « avec l’appui des États-Unis », les a utilisées contre lui.  Nombre de survivants souffrent encore des conséquences de ces attaques, a-t-il ajouté, et la mémoire de ces victimes a inspiré la création de la Convention sur les armes chimiques. Pour lui, il est vital de maintenir cette histoire en prenant à bras le corps les défis.

Il a ensuite accusé les États-Unis d’être « le seul État possesseur d’armes chimiques à ne pas avoir éliminé tous ses stocks » et lui a rappelé qu’il avait des obligations internationales à respecter.  Revenant sur la situation en Syrie, il a estimé que des groupes armés terroristes n’auraient pas pu utiliser des armes chimiques sans aide.  Selon lui, cette situation ressemble beaucoup à ce qui s’est passé pendant la guerre entre l’Iran et l’Iraq.  D’après le délégué, de nombreuses entreprises européennes et américaines ont apporté une aide logistique au régime de Saddam Hussein, et ce commerce n’aurait pas pu être possible sans la « bénédiction » des gouvernements des pays où siégeaient ces entreprises.  Appelant à préserver l’intégrité de la Convention mais aussi sa crédibilité, l’Iran s’est dit prêt à collaborer à son renforcement ainsi qu’à celui de l’OIAC.  Il a appelé tous les États à rejoindre la Convention, et particulièrement Israël « qui possède toujours de grands stocks d’armes chimiques ».

Sur la question des armes biologiques, le représentant a estimé que le premier défi à relever est d’assurer la reprise des négociations pour un protocole juridiquement contraignant dans le cadre de la Convention sur les armes biologiques.  Il a demandé aux États-Unis de retirer leur objection quant à ce protocole, pointant par ailleurs le refus du régime israélien de participer à cette Convention.

Mme AUDRA PLEPYTĖ (Lituanie) s’est dite outrée que, 25 ans après la signature de la Convention sur les armes chimiques, on assiste aujourd’hui à de nombreux cas confirmés d’utilisation de ce type d’armes, notamment en Syrie et en Iraq mais aussi au Royaume-Uni et en Malaisie.  La Lituanie condamne dans les termes les plus fermes ces attaques à l’arme chimique par des acteurs étatiques et non étatiques et appelle la communauté internationale à « prendre ses responsabilités » et à consolider les efforts visant à renforcer les moyens institutionnels pour garantir la pleine mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques.  « Ces attaques présumées doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et leurs responsables doivent être traduits en justice », a exigé la représentante, s’associant au passage à l’évaluation faite par les autorités britanniques de l’attaque de Salisbury à l’agent neurotoxique.

Elle a également regretté que le renouvellement du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU pour la Syrie ait été bloqué par une série de vetos russes au Conseil de sécurité, rappelant que les experts du Mécanisme avaient conclu à la responsabilité à la fois du Gouvernement syrien et de l’EILL dans l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.  La Lituanie appelle tous les États Membres à coopérer de bonne foi avec l’OIAC et ses experts et estime que toute tentative de discréditer son travail et son autorité, y compris par des cyberattaques, est inacceptable.  À cet égard, la représentante a rappelé le nouveau régime de mesures restrictives adopté, le 15 octobre, par les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne pour faire face à l’utilisation et la prolifération des armes chimiques.

Indignée par la recrudescence récente de l’utilisation d’armes chimiques, Mme ELISABETH TICHY-FISSLBERGER (Autriche) a condamné ces attaques dans les termes les plus forts, rappelant que le monde s’était engagé à éliminer ces armes.  Pour sa délégation, la Convention sur les armes chimiques est un élément clef du régime international du désarmement et de la non-prolifération.  Les violations récentes de cette Convention sont, par conséquent, très préoccupantes, a estimé la représentante, pour laquelle il ne peut y avoir d’impunité dans ce cas.  Sa délégation soutient par conséquent la décision de l’OIAC, de juin, de mettre en place un mécanisme « d’attribution » pour déterminer qui est responsable de l’utilisation d’armes chimiques.  C’est dans cet esprit que l’Autriche participe au Partenariat international contre l’impunité en cas d’utilisation d’armes chimiques, et soutient le régime de sanctions de l’Union européenne sur cette question. 

La représentante a également fait part des préoccupations de sa délégation face à la modernisation des systèmes de lanceurs d’armes de destruction massive, en particulier de missiles balistiques.  L’Autriche souhaite que les programmes spécifiques de certains pays soient examinés tant sur le plan bilatéral que multilatéral.  Le Code de conduite de La Haye est un instrument multilatéral important pour la transparence et le renforcement de la confiance à cet égard, a rappelé le représentant, qui a encouragé tous les États Membres à y souscrire.

Mme SACHI CLARINGBOULD (Pays-Bas) a rappelé qu’en avril, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), à La Haye, a fait l’objet d’une cyberattaque hostile.  Le 4 octobre, les Présidents de la Commission et du Conseil européen ainsi que le Haut-Représentant des affaires européennes de l’UE ont fait part de leur préoccupation concernant cette attaque dont le but semble être de saper l’autorité de la Convention.  Cet acte agressif illustre le mépris de certains envers des objectifs solennels de l’OIAC, qui œuvre pour éradiquer les armes chimiques, sous mandat onusien.  Le représentant a déploré que, l’année dernière, le Conseil de sécurité n’ait pas réussi à trouver un accord sur la prorogation du mandat du Mécanisme d’enquête conjoint, ce qui, a-t-elle déploré, a créé un état d’impunité pour l’utilisation des armes chimiques en Syrie.  Elle a salué l’appui dont bénéficie la décision prise lors de la quatrième séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques, en juin dernier, qui a étendu le mandat du secrétariat technique de l’OIAC afin de déterminer qui est responsable de l’utilisation de ces armes.

« Comme nous l’avons répété de nombreuses fois, par le passé, il y a un travail important à faire concernant la déclaration initiale de la Syrie », a-t-il déclaré.  Ces dernières années, il y a eu un grand nombre d’incidents liés à l’utilisation d’armes chimiques, dont quatre ont été attribués au régime syrien.  « Ce comportement est un outrage auquel il faut répondre sans délai », a-t-il déclaré.  À cet égard, les Pays-Bas travaillent avec l’Union européenne pour renforcer les sanctions contre la Syrie.

Concernant l’attaque de Salisbury, au Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Canada sont coauteurs d’un projet de résolution des États-Unis pour inclure sur la liste 1 de la Convention sur les armes chimiques, l’agent chimique qui a été utilisé à Salisbury - et ceux qui s’en rapprochent.

M YANN HWANG (France), au nom du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, qui regroupe 39 États et organisations depuis le 23 janvier 2018, a rappelé que ses membres avaient soutenu en mai l’appel à organiser une séance extraordinaire de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques pour considérer les moyens de renforcer sa mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les attributions des responsabilités. Il a aussi salué les dispositions de la décision de la quatrième Conférence qui permettent d’envisager d’accorder d’avantage d’assistance aux États parties dans la mise en œuvre de leurs obligations et de renforcer la coopération internationale dans les limites de la Convention quand il s’agit d’améliorer la sécurité chimique.

La Convention sur les armes chimiques est un pilier essentiel du désarmement international et le renforcement de ses capacités est essentiel a-t-il insisté.  Il a noté avec inquiétude les conclusions de la mission d’établissement des faits de l’OIAC sur l’utilisation des armes chimiques à Latameh, en mars 2017, à Saraqib, en février 2018, et du rapport préliminaire sur l’attaque de Douma en avril 2018.  Jugeant « hautement probable » la responsabilité de la Syrie en la matière, il a appelé ses responsables à honorer leurs obligations en tant qu’État partie à la Convention.

Il a également condamné l’attaque de Salisbury et partagé les conclusions du Royaume-Uni qui indiquent que la responsabilité de la Russie est « hautement probable ».

Déclarations sur les armes conventionnelles

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) au nom Mouvement des pays non alignés, s’est dite inquiète des conséquences humanitaires de la circulation illicite des armes légères et de petit calibre, tout en réaffirmant le droit souverain des États à en posséder pour leur autodéfense.  Elle a donc lancé un appel aux États exportateurs d’ALPC de bien s’assurer que leurs envois sont destinés uniquement à d’autres États.  Elle a, à cet égard, insisté sur le besoin urgent de redoubler d’efforts pour promouvoir la sécurité et l’assistance.

Sur le danger spécifique représenté par les armes à sous-munitions, elle a demandé que l’assistance humanitaire nécessaire soit fournie aux pays concernés pour les aider à retirer ces armes de la circulation et assister les victimes.  Déplorant l’utilisation de mines antipersonnel, elle a exhorté les États qui le peuvent à fournir assistance financière et toute aide additionnelle pour combattre ce fléau.

La représentante a ensuite appelé au respect du Traité sur le commerce des armes, tout en soulignant que sa mise en œuvre ne doit pas empiéter sur le droit souverain des États à importer, exporter, ou acquérir des armes ou composants nécessaires à leur autodéfense et à leur sécurité.

Elle s’est par ailleurs dit d’avis que les systèmes d’armes létales autonomes posent des questions juridiques et morales au niveau du droit international et des droits de l’homme.  C’est pourquoi, elle a expliqué appuyer la mise en place, dans le cadre de la Convention concernant certaines armes classiques, de dispositions particulières pour ces systèmes d’armes.  Il a enfin appelé les États à réduire de manière significative leurs stocks et production d’ALPC « Ces ressources devraient être affectées à la paix, à la sécurité et au développement de l’économie mondiale », a-t-il conclu.

Droits de réponse

Le représentant de la Fédération de Russie a rejeté toutes les accusations selon lesquelles des ressortissants russes seraient responsables de l’incident à Salisbury, affirmant que son pays n’a jamais stocké les substances chimiques utilisées pour commettre cette attaque.  Selon lui, plus de 20 États, dont certains membres de l’OTAN, desquels le Royaume-Uni, auraient les moyens de produire les substances neurotoxiques Novitchok qui, de plus, ne font pas partie de la liste de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

Il a donc appelé l’OIAC à étudier l’inscription de nouvelles substances, rappelant qu’en mai dernier la Russie a transmis un document de 390 pages portant sur les nouvelles substances toxiques qu’il serait bon d’examiner dans le but de les ajouter à la liste de contrôle de l’Organisation.  Les accusations britanniques se font sur la base d’élucubrations sans la moindre preuve sérieuse, la formule « hautement probables » n’ayant que des visées politiques, a-t-il accusé.  Affirmant que ce comportement a déjà été vue par le passé notamment concernant la Syrie, il a dénoncé une « instrumentalisation de charlatan » qui permet aux coupables de s’en sortir « en se frottant les mains ».  La Russie condamne toutes les attaques chimiques et biologiques et veut que les coupables soient jugés.

Le représentant de la Syrie a réfuté toutes les accusations fallacieuses concernant l’utilisation d’armes chimiques par la Syrie.  L’armée syrienne n’en dispose pas, ne les a jamais utilisées et ne les utilisera jamais puisqu’elle n’en a pas, a-t-il martelé.  Il a ensuite accusé le Royaume-Uni, les États-Unis et la France de jouer un rôle subversif en Syrie en soutenant des groupes terroristes et en les aidant à transporter, stocker et utiliser ces armes chimiques.

Ces trois États, a-t-il poursuivi, ont aussi tenté de politiser l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’utiliser comme vecteur en vue de commettre des agressions contre d’autres États.  Ils ont créé un précédent grave en donnant à l’OIAC le pouvoir de mener des enquêtes pénales qui ne sont pas de son ressort.  C’est une violation claire du mandat de l’Organisation qui crée des complications supplémentaires pour l’OIAC et risque de la paralyser en accentuant les divisions entre ses membres.

Poursuivant, il a dénoncé le projet de résolution « hypocrite et mensonger » de la Turquie qui, a-t-il accusé, fournit des armes, y compris chimiques à Daech au front el-Nosra, entre autres.  Selon lui, ces groupes mènent des essais en Turquie, qui supervise le transport et le trafic de substances toxiques vers la Syrie destinées aux terroristes.

Les Pays-Bas aussi transportent des substances toxiques vers l’entité israélienne et d’autres États, a poursuivi le représentant.  Pourquoi n’ont-ils pas signalé ces produits à l’OIAC?

Le représentant des États-Unis a qualifié de risibles les propos de la délégation iranienne.  Il lui a également rappelé que les États-Unis ont indiqué à de nombreuses occasions que la destruction de leurs stocks d’armes chimiques serait effective d’ici à 2023.  Le représentant a également accusé l’Iran d’entraver les progrès dans l’application de la Convention sur les armes biologiques.  Le régime iranien, a-t-il dénoncé, soutient des terroristes et des pays qui ont utilisé des armes chimiques, rappelant par ailleurs la prise en otage des diplomates américains.

Aux accusations de la Syrie, il a répondu que son délégué n’avait fait que reprendre les éléments de langage de « la machine à propagande de Damas ».  Mais selon lui, les faits sont là: la Syrie est coupable d’attaques chimiques contre son peuple.

Le représentant d’Israël s’est contenté de rappeler que son pays est signataire de la Convention sur les armes chimiques et qu’il dispose d’un robuste mécanisme de contrôle des exportations.

Le représentant de la République islamique d’Iran a affirmé que certains des composants chimiques des missiles que Saddam Hussein a fait pleuvoir sur les villes iraniennes ont été fournis par des entreprises étrangères, dont américaines.  En plus de cette agression soutenue par les États-Unis, l’Iran a été assujetti à des interventions et des menaces américaines ces dernières décennies.  Pendant de nombreuses années, des pays de la région ont appelé à une agression contre la République islamique d’Iran, a-t-il insisté, et la dernière menace en date venue d’Israël était même une attaque nucléaire.

Pour ne pas laisser son peuple sans défense, l’Iran a développé son propre système de défense par missiles, a indiqué le délégué, qui a ajouté que ses budgets de défense sont malgré tout infiniment inférieurs à ceux des partenaires des américains.  « Le programme balistique de l’Iran est un système de défense, a-t-il répété.  Considérer les missiles iraniens comme une menace régionale est le signe d’une politique hostile des États-Unis et de leurs alliés ».  Il a en outre assuré que les missiles lancés par l’Iran n’étaient pas des vecteurs pour des armes nucléaires.

Le représentant du Royaume-Uni a souligné que ses accusations se fondaient sur une enquête minutieuse de la police britannique.  Il a accusé la Syrie et la Russie de chercher à détourner l’attention de leur utilisation de l’arme chimique et de saper les institutions qui permettent les enquêtes.  Elles agissent ainsi parce qu’elles sont désespérées, et elles sont désespérées parce qu’elles se sont fait prendre. 

Déclarations sur l’espace extra-atmosphérique (aspects du désarmement)

M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN (Égypte) au nom du Groupe des États arabes a plaidé pour que l’espace ne devienne pas un nouveau champ de bataille et réclamé un nouvel instrument juridiquement contraignant, qui préviendrait l’escalade ainsi que les lacunes juridiques en ce domaine, surtout face à la progression des capacités militaires.  Il a appelé à interdire le déploiement d’armes dans l’espace, les attaques contre les satellites et autres objets, ainsi que les interférences internationales qui entravent le fonctionnement des objets célestes.  Chaque interdiction devait être assortie de mesures de vérification fiables et d’un mécanisme de règlement des différends qui permettrait d’éviter toute mauvaise utilisation des progrès dans l’espace, a-t-il ajouté.

L’Égypte s’est par ailleurs félicitée de la création du Groupe d’experts gouvernementaux et des progrès enregistrés lors de leur première sessions en août. 

Mme YAILIAN CASTRO LOREDO (Cuba) a rappelé le droit légitime des États à accéder à l’espace extra-atmosphérique et a réclamé un accès sur un pied d’égalité à toutes les technologies, estimant que cela pourrait contribuer à la réalisation des objectifs du Programme 2030.  Selon elle, l’exploration et l’utilisation de l’espace doivent être effectuées au bénéfice de tous les États Membres.  Préoccupée par la menace d’une course aux armements dans l’espace et la présence de matériels belliqueux dans l’espace, elle a regretté que les technologies spatiales soient parfois utilisées au détriment des populations.  Elle a cité, à cet effet, la saturation de l’orbite géostationnaire par des satellites espions.

Demandant un renforcement juridique des instruments pour prévenir ou interdire la présence d’armes dans l’espace, elle a estimé qu’un nouvel instrument devrait intégrer une interdiction de l’usage de la force contre des objets spatiaux.  Selon elle, la proposition de la Chine et de la Fédération de Russie est une bonne base de discussion.  Elle s’est par ailleurs félicitée de plusieurs avancées notables, comme le renforcement de la transparence et de la confiance, la création d’un organe subsidiaire à la Conférence du désarmement ou encore l’examen d’un instrument international juridiquement contraignant dans le cadre d’un Groupe d’experts gouvernementaux.  « L’espace extra-atmosphérique ne doit pas devenir un nouveau théâtre d’opérations », a-t-elle conclu.

M. SHUAIB MAHOMED (Afrique du Sud) a estimé que, vu l’exploration de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et son rôle de plus en plus important dans le développement de l’humanité, la communauté internationale a la responsabilité d’empêcher que l’espace ne devienne un nouveau lieu de positionnement des armes.  L’Afrique du Sud estime que le meilleur moyen de promouvoir la sûreté, la sécurité et la durabilité des activités dans l’espace extra-atmosphérique passe par la coopération et le dialogue international, sur une base équitable.  Il est nécessaire de prendre des mesures pour faire en sorte que l’espace ne devienne pas le prochain lieu de conflit et, par conséquent, qu’une course aux armements dans l’espace ne devienne pas une réalité, a ajouté le représentant.

L’Afrique du Sud soutient les négociations de la Conférence sur le désarmement sur un instrument juridiquement contraignant qui préviendrait une telle course aux armements.  M. Mahomed a, à cet égard, salué la proposition de la Chine et de la Russie pour un projet de traité relatif à la prévention du déploiement d’armes dans l’espace, même si son adoption semble improbable dans un futur proche.  Il a estimé qu’un traité sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace complèterait et réaffirmerait l’importance du traité de 1967.

M. ENRIQUE JOSÉ MARÍA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a dit avoir renoncé à l’utilisation ou la menace de l’utilisation de la force dans les relations internationales et, à ce titre, a souhaité que soit interdit le déploiement d’armes dans l’espace: des mesures concrètes de transparence et de renforcement de la confiance devraient être proposées pour éviter la course de la part de la Conférence du désarmement.  Par le biais de son agence spatiale créée en 2017, le Paraguay déploie des satellites qui devront aider à atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030 et œuvre en coopération avec des organisations nationales et internationales.  À ce titre, il a demandé son admission au Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, estimant que tous les pays doivent pouvoir participer à l’exploration et à l’utilisation pacifique de l’espace et bénéficier des résultats.  Selon lui, il convient de prendre en compte les besoins des pays en développement, sans discrimination, sur un pied d’égalité, dans le respect du droit international et de la Charte des Nations Unies.  Il a conclu en invitant les délégations à travailler pour renforcer les opportunités de coopération internationale dans l’espace et en souhaitant la conclusion de négociations et de mesures appropriées pour éviter une course aux armements dans l’espace.

M. ASSYLBEK TAUASSAROV (Kazakhstan) a appelé à prendre des mesures de confiance pour prévenir une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Dans cette perspective, le représentant a jugé très utile la résolution de l’Assemblée interdisant le placement d’armes dans l’espace, ainsi que la résolution sur les mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales.  Le représentant a appuyé le projet de traité relatif à la prévention du déploiement d’armes dans l’espace et de la menace ou de l’emploi de la force contre des objets spatiaux, proposé par la Russie et la Chine dans le cadre de la Conférence du désarmement, en 2008 et 2014.  Il a toutefois déploré les obstacles et impasses de la Conférence, qui empêchent selon lui de faire aboutir toute tentative d’adoption d’un instrument juridiquement contraignant.  Dans ce cadre, le délégué a appuyé la constitution d’une nouveau Comité spécial sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, qui s’est réuni pour la première fois en aout dernier à Genève, avec la participation du Kazakhstan.  Il a espéré que les travaux du Comité spécial puisse aplanir les oppositions actuelles dans la perspective d’une codification plus formelle du statut de l’espace extra-atmosphérique.

Tout en réaffirmant, par ailleurs, l’importance du Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques, le représentant a estimé que ce dernier ne devait pas faire entrave à l’utilisation pacifique des technologie spatiales.  Il a toutefois appelé à faire en sorte que la dizaine de pays à disposer d’un programme spatial sophistiqué ne remette pas en cause le cadre actuel des accords sur la limitation des armements dans l’espace extra-atmosphérique, notamment concernant les missiles nucléaires.

M. OMAR HILALE (Maroc), au nom du Groupe des États d’Afrique, a constaté que les informations et leur diffusion dépendent plus que jamais de technologies spatiales.  « C’est un héritage commun de toute l’humanité qui doit donc bénéficier à toutes les populations du monde », a-t-il insisté.  C’est pourquoi, a-t-il continué, l’espace doit demeurer exempt de tous types d’armes qui représenteraient une menace existentielle pour la paix.  C’est à cet égard que le Groupe des États d’Afrique souligne l’importance d’établir un cadre juridique, et notamment des traités juridiquement contraignants, sur le déploiement d’armes et la prévention du déploiement d’armes dans l’espace.

Le représentant a souligné que le potentiel des technologies spatiales doit profiter à tous les États quel que soit leur niveau de développement.  Il a voulu qu’un accès équitable et non discriminatoire soit garanti à tous les états.  Il a aussi noté que la prolifération des débris spatiaux représente une vraie préoccupation et a appelé les Nations Unies à faire de leur atténuation une priorité.  Il a, enfin, jugé que le renforcement de la confiance et de la transparence dans les activités spatiales est essentiel pour maintenir un bon usage de l’espace.

M. LOK BAHADUR POUDEL CHHETRI (Népal) a déclaré que tous les pays devraient avoir les mêmes possibilités d’accéder aux technologies spatiales, y compris les pays les moins avancés et les pays en développement sans littoral, qui, a-t-il souligné, attendent toujours de pouvoir bénéficier de ces réalisations remarquables.  En ce qui concerne la prévention d’une course aux armements dans l’espace, il s’est félicité du début des travaux du Groupe d’experts gouvernementaux chargé d’examiner et de formuler des recommandations sur les éléments d’un instrument juridiquement contraignant.  Des mesures de transparence et de renforcement de la confiance peuvent aider à prévenir une course aux armements dans l’espace et à assurer la durabilité de ses activités, a-t-il ajouté. Toutefois, de telles mesures ne devraient pas entraver l’utilisation légale de l’espace, en particulier par les « retardataires ».

Pour M. YANN HWANG (France) les usages civils de l’espace se multiplient et représentent d’importants vecteurs de développement mais aussi des défis de plus en plus complexes comme la gestion du trafic, ou celui des débris spatiaux, dont un grand nombre gravite à grande vitesse.  L’espace est indispensable aux progrès de la science, dans les domaines de la santé et du climat, mais aussi un lieu de confrontation où certains États peuvent être tentés d’user de la force, a-t-il indiqué.  L’espace, a-t-il poursuivi, est devenu un enjeu de sécurité et de stabilité stratégiques et les États doivent y prendre leur place par la coopération et en promouvant des règles fondées sur le droit international et la Charte des Nations unies.  Face à ce défi la France juge important d’assurer la durabilité et la stabilité des activités, de prévenir une dégradation des conditions d’exploitation de l’espace et de préserver son accès pour les générations futures.

La réponse de la communauté internationale doit être transversale et promouvoir des principes d’utilisation responsable, a-t-il enchaîné.  Mais ceci appelle des réponses efficaces, pragmatiques, suivies et immédiatement mesurables.  La communauté internationale doit rechercher une entente pratique entre les acteurs et limiter les possibilités de malentendus ou d’escalade, d’où l’importance de se doter de mesures de confiance et de promouvoir la transparence.

La France, a fait savoir le représentant, privilégie des propositions rapidement applicables compte tenu de la rapide dégradation du contexte actuel et de la réponse urgente à apporter.  L’UE avait proposé un code de conduite sur les activités spatiales qui a été rejeté, mais aucune proposition alternative meilleure n’a été avancée depuis.  Comment dépasser les clivages qui ont empêché son adoption? a-t-il demandé en conclusion.

M. MUSTAPHA ABBANI (Algérie) a considéré nécessaire d’assurer la transparence, la sécurité et la confiance dans l’espace.  Après avoir souligné que l’Algérie n’aspire à utiliser l’espace que pour des besoins de développement, il a ajouté que l’exploration et l’utilisation de l’espace doivent être réservées à des objectifs pacifiques.  La militarisation de l’espace est à ses yeux source d’inquiétudes en ce qu’elle induit une nouvelle dynamique de course aux armements, donc des conséquences néfastes pour la paix et la stabilité socioéconomique.

Selon lui, l’arsenal juridique actuel connaît certaines lacunes: il n’est pas suffisant pour prévenir une course aux armements dans l’espace.  Résolue à surmonter ces lacunes, l’Algérie a salué certaines décisions de l’Assemblée générale qui vont, selon elle, dans le bon sens.  Elle s’est aussi félicitée des recommandations du Groupe d’experts gouvernementaux sur les mesures de transparence et de confiance pour les activités spatiales.  Considérant que les mesures volontaires de transparence sont un soutien additionnel, elles ne peuvent, selon le représentant, remplacer une convention juridiquement contraignante pour prévenir une course à l’armement dans l’espace.  Le délégué a conclu en estimant que la Conférence du désarmement est le bon forum pour tenir ces discussions. 

M. USMAN JADOON (Pakistan) a prévenu les États qui « occupent toute la place dans l’espace » que leur avancée technologique ne durera pas toujours et que certains pays les rattrapent déjà.  Il a appelé à l’élaboration d’un nouveau traité dans le cadre de la prévention d’une course aux armements dans l’espace.  Cela fait 30 ans qu’on en parle et il serait temps d’entamer les discussions, a-t-il estimé. La proposition russo-chinoise lui a semblé à cet égard une bonne base de discussion.  À ses yeux, il faut également en finir avec les blocages à la Conférence du désarmement pour avancer sur cette question.

Le représentant s’est par ailleurs félicité de l’engagement de la Russie de ne pas être le premier pays à déployer des armes dans l’espace.  Il a aussi salué les délibérations de l’organe subsidiaire 3 de la Conférence du désarmement chargé de ces questions. Celles-ci ont permis selon lui de mieux comprendre les points de vue des uns et des autres.  Il a enfin exprimé sa satisfaction sur le fait que le Groupe d’experts sur la confiance et la transparence s’est accordé sur le besoin de renforcer la sûreté et la stabilité dans l’espace.  « Tout en reconnaissant la valeur de ces mesures volontaires, nous ne voyons pas comment elles sauraient se substituer à un traité juridiquement contraignant sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace », a-t-il toutefois conclu.

M. ROLLIANSYAH SOEMIRAT (Indonésie) a rappelé que l’espace extra-atmosphérique et les autres corps célestes faisaient partie du « patrimoine commun de l’humanité » et devaient, par conséquent, être utilisés au bénéfice de l’ensemble des États Membres.  Le représentant a toutefois constaté que la paix et à la sécurité dans l’espace extra-atmosphérique étaient sous le coup de menaces grandissantes, pour lesquelles les instruments actuels de lutte contre la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique étaient, selon lui, inadaptés.  Sans pour autant nier l’importance des accords bilatéraux sur la limitation des armements, des codes de bonne conduite et des mécanismes volontaires, le représentant a estimé que rien ne remplaçait un instrument universel juridiquement contraignant.  Étant donné la volatilité de l’environnement sécuritaire international actuel et l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations sur le désarmement, le délégué indonésien a jugé que la question de la non-prolifération des armes dans l’espace extra-atmosphérique était une priorité urgente.

Pour y répondre, le représentant a rappelé que l’Assemblée générale demandait, depuis plusieurs décennies, l’ouverture de négociation sur l’adoption d’un instrument universel juridiquement contraignant.  En tant que membre de la Conférence du désarmement, l’Indonésie salue et appuie les travaux du Comité spécial sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, a poursuivi le représentant, avant d’appeler la Conférence du désarmement à entamer immédiatement des négociations sur la question.

Mme VANESSA WOOD (Australie) a rappelé que l’Australie est depuis longtemps présente dans l’espace et qu’elle a créé, le 1er juillet, l’agence spatiale australienne, responsable de la coordination des questions spatiales civiles.  La représentante a relevé que l’espace se démocratise: la technologie pour construire, lancer et entretenir est moins coûteuse, ce qui implique une hausse de l’activité et de nouveaux défis.  Parmi ceux-ci, Mme WOOD a mentionné la quantité de débris spatiaux, qui vont augmenter les coûts des activités commerciales et civiles dans l’espace, principalement en raison des manœuvres pour éviter les collisions et pour la gestion du trafic en orbite.

Si l’Australie est favorable à la prévention de la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, elle ne soutient pas les initiatives de la Chine et de la Fédération de Russie sur cette question, estimant qu’elles pourraient avoir des conséquences contre-productives.  En outre, a expliqué Mme WOOD, la définition d’arme spatiale proposée est irréaliste car elle ne répond pas au problème des menaces terrestres à double usage, ni à celui du stockage d’armes déployables.  De plus, ces propositions n’intègrent pas de mécanisme de vérification permettant de déterminer si des armes ont été mises au point pour être placées dans l’espace.  Tout objet spatial manœuvrable est une arme potentielle, a fait observer la représentante.  C’est la raison pour laquelle l’Australie se concentre plutôt sur les moyens de limiter les mauvais comportements dans l’espace, par le biais de mesures de transparence et de confiance ainsi que grâce à des principes normatifs, qui permettent des actions pragmatiques et volontaires.  L’Australie reste engagée pour un ordre mondial fondé sur le droit, qui s’applique à l’espace.

M. FAISAL IBRAHIM (Nigeria) a noté que les technologies spatiales ont engendré des progrès environnementaux mais aussi dans le développement de nouveaux médicaments.  L’accélération de l’exploration spatiale devrait se faire pour le bien-être de tous les pays, a-t-il insisté.  Jugeant urgent de prévenir la course aux armements dans l’espace, il a considéré que les instruments juridiques actuels ne sont pas adaptés pour y arriver.  Selon lui, il faut renforcer les régimes de contrainte avec un traité juridiquement contraignant sur la course aux armements dans l’espace.

« Nous appelons tous les états à faire montre de responsabilités, a-t-il souhaité, surtout ceux qui ont des programmes spatiaux ».  Il a jugé par ailleurs que la Conférence du désarmement est la seule plateforme de négociation valable pour traiter de ces questions.  « Nous pensons qu’il est temps de débuter des négociations de bonne foi pour ce qui est du déploiement d’armes dans l’espace », a-t-il conclu.

Mme LEI LEI SEIN (Myanmar) a alerté sur le risque accru de militarisation de l’espace avec la promotion de nouvelles technologies de pointe.  L’exploration et l’exploitation de l’espace ne devraient se faire qu’à des fins pacifiques et au bénéfice de tous, quel que soit le niveau de développement des États et de peuples, a-t-elle précisé. 

Elle a prôné des mesures de renforcement de la confiance et de transparence, indispensables pour maintenir la durabilité des activités, citant les recommandations du Groupe GEG qui sont une base positive pour le renforcement et la prévention de la course aux armements.  Cependant les mesures volontaires ne sauraient remplacer les mesures juridiquement contraignantes, a-t-elle insisté: à ce titre, la mise à jour du traité proposée par la Chine et la Fédération de Russie apparaît comme une contribution positive aux travaux de la Conférence du désarmement, seule enceinte de négociations multilatérale, qui a donc un rôle crucial à jouer sur ce point.  La déléguée a donc espéré que cette instance débuterait sans attendre ses travaux sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace.

M. GIANFRANCO INCARNATO (Italie) a rappelé que les satellites étaient indispensables à la sécurité sur terre, en mer et dans les airs, et qu’ils permettaient de prévenir des événements critiques comme les catastrophes naturelles.  Il a estimé qu’un cadre réglementaire global devait être mis en place pour traiter efficacement du problème des nombreux débris spatiaux, car ceux-ci menacent les infrastructures et activités spatiales devenues indispensables.  Il a vu d’un œil favorable un instrument, sur une base volontaire, qui couvrirait toutes les activités dans l’espace: il contribuerait à un partage des responsabilités et à un comportement responsable, a-t-il avancé, ce qui suppose la non interférence dans les explorations pacifiques de l’espace, une réduction de la production des débris et donc la préservation de l’environnement extra-atmosphérique.  Sans exclure un traité à terme, il a jugé qu’il fallait d’abord adopter et appliquer des mesures de transparence et de renforcement de la confiance, étape essentielle vers une meilleure sécurité et vers la durabilité des activités dans l’espace extra-atmosphérique.

Pour M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela), le développement de l’exploitation spatiale doit se faire au profit de la paix et du développement aussi s’est-il dit préoccupé par les déclarations d’une puissance qui considère l’espace extra-atmosphérique comme un lieu d’affrontement.  De telles déclaration réduisent les possibilités de coopération, a—t-il averti.  Le déploiement de nouveaux armements dans l’espace ne ferait qu’augmenter la vulnérabilité et le sentiment d’insécurité des États sans contribuer à la paix. 

Pour le représentant, ces défis rappellent l’importance que revêt le multilatéralisme pour réduire les dangers et surmonter les fossés technologiques.  L’espace représente un patrimoine commun de l’humanité et il faut par conséquent en garantir un accès équilibré, a-t-il insisté.  De plus, la responsabilité doit être partagée mais différentiée quand on évoque la course à l’armement dans l’espace car certains pays n’ont pas du tout les moyens de développer de telles technologies.  Il importe donc aussi de renforcer le transfert des technologues pour une exploitation pacifique de l’espace.

Face aux dangers de militarisation, il convient d’avancer au plus vite dans le renforcement du droit international par la rédaction de nouveaux instruments juridiquement contraignants, a-t-il enchainé.  Le Venezuela appuie donc le projet de traité soumis par la Russie et la Chine en 2008 à la Conférence de désarmement, une initiative importante, selon lui, qui permettrait d’éviter la course aux armements dans l’espace.

M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh) a défendu l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et pour le bien de l’ensemble des États Membres.  Il a appelé à entamer des négociations pour parvenir à l’adoption d’un instrument universel juridiquement contraignant pour la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Sur ce point, le représentant a appelé à garantir une représentation géographique équitable au sein du Comité spécial sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

Le représentant s’est ensuite inquiété de la compétition grandissante entre États dans l’espace extra-atmosphérique, au détriment de la sécurité internationale.  À ce titre, il s’est dit très préoccupé par les développements récents concernant le lancement de missiles balistiques dans l’espace.  Conformément aux accords existants, le Bangladesh s’abstiendra de placer en premier des armes dans l’espace, a-t-il réaffirmé. 

Outre les efforts en matière de désarmement de l’espace extra-atmosphérique, le représentant a appelé à prendre des mesures de réduction des débris spatiaux.  Il a dit soutenir toute initiative visant à répondre à ce défi, en incluant l’ensemble des parties prenantes.

M. LI SUI (Chine) a rappelé que les Nations Unies ont beaucoup œuvré pour empêcher une course aux armements dans l’espace.  Il s’est félicité que, cette année, la Commission du désarmement ait inscrit l’espace à son ordre du jour en se concentrant sur le renforcement de la transparence et de la confiance.

La focalisation actuelle sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace illustre, selon lui, les préoccupations de la communauté internationale.  En août dernier, la Chine et la Russie ont participé à la première réunion du Groupe d’experts gouvernementaux où les deux pays ont présenté un projet de traité sur la prévention du déploiement d’armes dans l’espace.  La situation est sombre dans le domaine de l’espace mais on peut agir, a-t-il soutenu.  Il a dit espérer que le Groupe d’experts pourra se mettre d’accord par consensus sur un traité juridiquement contraignant.

Selon lui, la Conférence du désarmement est le lieu idoine pour discuter de la prévention d’une course aux armements dans l’espace.  Le Groupe d’experts gouvernementaux lui transmettra d’ailleurs le résultat de ses travaux dès qu’il aura terminé.  Le délégué a enfin insisté sur le fait que si les mesures de confiance et de transparence améliorent la sécurité spatiale, elles ne suffisent pas: il faut un traité juridiquement contraignant. 

M. AIDAN LIDDLE (Royaume-Uni) a estimé que le cadre en cours notamment le Traité sur l’espace, avait bien servi la communauté internationale mais qu’il devait être étendu pour faire face aux nouveaux défis liés à l’utilisation de l’extra-atmosphérique.  Car le développement rapide du secteur commercial offre de nouvelles possibilités et pose de nouveaux défis, a-t-il indiqué, citant notamment les débris.  Les 21 orientations négociées dans le cadre du COPUOS ont montré un consensus qu’il importe maintenant de traduire dans les faits, a-t-il ajouté.  Tout en n’excluant pas la possibilité de parvenir à un traité juridiquement contraignant à l’avenir il estime que de graves défis politiques, technologiques et pratiques doivent être résolus avant que ne débutent les négociations. 

Il faut comprendre de quoi on parle, a insisté le délégué en réclamant une définition de la notion d’arme, faisant observer que les armes spatiales sont en fait tout objet qui peut être dirigé depuis la terre. À cet égard, il s’est dit préoccupé par les activités de certains États, nommant la Russie dont un responsable militaire a indiqué en 2017 qu’elle développe des missiles capables de détruire les satellites.  Le représentant a appelé à vérifier ces propos et à établir des mesures de confiance et de vérification.  Il est important, a-t-il insisté, de définir les comportements acceptables et non acceptables dans l’espace.  Or, ces éléments ne figurent pas dans la proposition de traité sino-russe.

M. LEE JANG-KEUN (République de Corée) s’est inquiété de l’augmentation des dangers et menaces dans l’espace, comme les débris spatiaux et a demandé à tous les États d’utiliser l’espace de façon responsable et transparente. Le délégué a jugé que, même si certains estiment que le développement des normes dans l’espace avance trop lentement, le cadre actuel offre déjà une base efficace. Il a pris note des efforts pour faire progresser ces normes, notamment par le biais du Groupe d’experts gouvernementaux sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace et de la Conférence du désarmement. En dépit des difficultés, il a dit espéré que le travail de ce Groupe d’experts continuera d’explorer des mesures pratiques tout en évitant les impacts négatifs sur l’utilisation pacifique de l’espace.  Dans le cadre des efforts conjoints de la communauté internationale, il a estimé qu’il fallait octroyer la priorité aux mesures de transparence et de confiance.  Ces mesures encouragent les actions responsables, a-t-il insisté.  À ses yeux, elles sont utiles et indispensables pour prendre en compte la sécurité et la durabilité dans l’espace.

M. ANDREY BELOUSOV (Russie) a estimé que les travaux en cours ne portaient pas à l’optimisme alors, que depuis plus de 20 ans, la Conférence du désarmement « fait du surplace »: ainsi la proposition de la Russie et de la Chine concernant un Traité sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace (PAROS) n’avance pas.  Il y a plusieurs signaux positifs cependant, comme la création d’un Groupe d’experts gouvernementaux des Nations Unies dont la première session s’est tenue à Genève.  Peut-être permettra-t-il d’approcher d’un traité juridiquement contraignant grâce à ses propositions de mesures de confiance, a—t-il espéré.  En théorie, tout le monde est pour mais, dans les faits, il n’est pas facile de se mettre d’accord, a-t-il reconnu. 

Le représentant a de plus relevé que les documents de l’ONU qui régissent les opérations spatiales des États peuvent être perçus comme pas assez solides quand il s’agit de défense.  C’est ainsi que les États-Unis ont exposé leurs vues selon lesquelles l’espace est devenu un « lieu de confrontation », a-t-il remarqué en jugeant cette approche « dangereuse ».

Comment la Russie et la Chine devront-elles mener leurs activités spatiales si les États-Unis n’envisagent les leurs que sous l’angle de la défense, de l’auto défense, ou encore de la défense de leurs intérêts commerciaux.  Cette politique américaine de « domination de l’espace » ne contribue pas à un dialogue efficace ni à la stabilité, s’est-il inquiété.

Si cette tendance doit se confirmer, a-t-il prévenu, les négociations sur l’espace extra atmosphérique risquent de ne pas aboutir du tout et il deviendra dès lors impossible d’en garantir la sécurité et la stabilité.  La Russie et les États qui partagent ses vues entendent œuvrer à contrer un tel scénario.  Elle a d’ailleurs déposé un projet de résolution contre le placement d’armes dans l’espace conformément à l’initiative russe de 2004 et elle soumet une nouvelle résolution sur la promotion de la transparence et des mesures de confiance, en coopération avec la Chine.

M. KAZUHIRO NAKAI (Japon) a jugé que face à l’augmentation des activités spatiales, il est plus important que jamais que la communauté internationale assure la sécurité de l’espace, en renforçant notamment l’état de droit dans l’espace.  Selon lui, il est nécessaire de mettre en œuvre des principes de comportement responsable dans l’espace et il encourage tous les États Membres à faire preuve de bonne volonté.  Rappelant que son pays à participé, cette année, à des discussions sur une prévention de la course aux armements dans l’espace au cours de la réunion du Groupe d’experts gouvernementaux, il a estimé que ces discussions devaient en même temps faire référence au potentiel immense de l’espace.  Les mesures de renforcement de la confiance et de la transparence sont très utiles, a-t-il assuré.  Il a lancé un appel à tous les États Membres pour mettre en œuvre les propositions de mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales qui ont été recommandées par le Groupe dans son rapport de 2013.

Le représentant s’est dit inquiet des comportements négatifs tels que des attaques de satellites qui peuvent créer des débris spatiaux.  Pour contrer ce problème des débris, le délégué a assuré que le Japon va redoubler d’efforts dans le domaine de la connaissance de l’environnement spatial.

M. AMRITH ROHAN PERERA (Sri Lanka) a insisté sur l’importance de préserver la nature pacifique de l’espace extra-atmosphérique, ce qui suppose, selon lui, pour les États de s’abstenir d’utiliser leurs technologies spatiales, y compris les satellites, à des fins militaires.  L’espace doit être protégé en tant que patrimoine commun de l’humanité, a-t-il insisté, avant d’appeler la communauté internationale à se mobiliser pour prévenir une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, sur la base des accords existants.  Le représentant a rappelé le rôle central de la Conférence du désarmement pour la prévention de cette course aux armements.  Il a indiqué que son pays s’était associé avec l’Égypte pour présenter à la Première Commission un projet de résolution visant à prévenir la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique. 

M. PULE DIAMONDS (Namibie) a rappelé que l’espace pouvait aider l’Afrique à se développer.  Qualifiant de spectaculaires les avancées technologiques dans le domaine des armes spatiales, il y a vu le danger de dissensions entre pays en développement et pays développés.  Alors que l’Afrique essaie de faire taire ses armes pour 2020, nous voyons le potentiel de technologies négatives en développement, a-t-il ajouté.

Il a souligné que les mesures de confiance et de transparence permettraient de mettre l’accent sur les techniques spatiales en vue du développement durable.  Il a finalement demandé que le Groupe d’experts gouvernementaux fasse de nouvelles propositions pour un traité juridiquement contraignant, notamment sur le non-placement, en premier, d’armes dans l’espace.

M. SEYED ALI ROBATJAZI (République islamique d’Iran) a estimé que l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique par un pays ne devait pas se traduire par une dégradation de cet espace pour les autres pays.  Or, la militarisation de cet espace, telle qu’on l’observe actuellement, sape selon lui les accords internationaux existants visant à préserver sa nature pacifique.  Pour éviter une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, le représentant a appelé à combler les lacunes existantes du droit international.  À ses yeux, les États-Unis n’ont eu de cesse de tirer profit de ces lacunes pour dominer l’espace extra-atmosphérique, une tendance qui menace, selon lui, la sécurité internationale.  Les États-Unis, a-t-il poursuivi, dépensent chaque année des dizaines de millions de dollars pour utiliser l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires, notamment afin d’y déployer des systèmes d’interception de missiles. 

Le représentant a également accusé les États-Unis d’avoir levé, en 2002, les verrous existants dans le droit international concernant le lancement de missiles balistiques dans l’espace. Récemment, a-t-il ajouté, ce pays a même annoncé son intention de créer une force spatiale militaire. Depuis les années 1980, a résumé le représentant iranien, les États-Unis sont devenus le principal obstacle à l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant pour prévenir une course à l’armement dans l’espace extra-atmosphérique.  « Ils sont seuls face au reste du monde », a-t-il insisté, dénonçant un comportement « irresponsable ».  Dans ce contexte, le représentant a déclaré que l’Iran appuyait toute initiative pour la prévention de la militarisation de l’espace dans le cadre de la Conférence du désarmement.  Aucune mesure, a-t-il conclu, ne pourra remplacer l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant pour réguler cet espace.

M. SHIVANAND SIVAMOHAN (Malaisie) a salué les travaux essentiels du Groupe d’experts gouvernementaux.  Soutenant la collaboration multilatérale, il a jugé que les initiatives menées par les Nations Unies sont appréciables.  Il a cependant souligné que les États ne peuvent pas agir seuls et qu’il importe d’initier des consultations plus larges avec des entités privées et des chercheurs.  La durabilité des activités spatiales nécessite selon lui une action et une attention collective.

M. LOT THAUZENI PANSIPADANA DZONZI (Malawi) a rappelé que les technologies spatiales ont un extraordinaire potentiel pour les pays en développement et que le Malawi, à l’instar d’autres pays moins avancés, en avait besoin.  Parmi les différents usages vitaux qu’il associe à ces technologies, il a cité la gestion des catastrophes, la gestion des ressources hydriques et la gestion des changements climatiques.  « Les imageries fournies permettent par exemple de disposer de cartographies rapides qui sont cruciales en cas de catastrophes naturelles », a-t-il illustré.  Grâce à ces informations, le Malawi a pu mettre en place des routes d’évacuations pour donner suite aux inondations qu’il a subies.  Des initiatives comme l’assistance technique et le partage de données géospatiales sont également cruciales.  De plus, étant donné que le Malawi dépend du secteur agricole, il a grandement profité de la formation technique fournie par les pays développés dans le champ de la technologie spatiale.

Il a ensuite averti du danger que représente l’accumulation des débris et des objets spatiaux, notamment pour la Station spatiale internationale.  Il s’est également dit préoccupé par les perspectives d’une course aux armements dans l’espace.  Cela explique pourquoi le Malawi attache autant d’importance aux protocoles internationaux permettant de protéger notre planète, a-t-il insisté.

M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh) a défendu l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et pour le bien de l’ensemble des États Membres.  Il a appelé à entamer des négociations pour parvenir à l’adoption d’un instrument universel juridiquement contraignant pour la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.  Sur ce point, le représentant a appelé à garantir une représentation géographique équitable au sein du Comité spécial sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique.

Le représentant s’est ensuite inquiété de la compétition grandissante entre États dans l’espace extra-atmosphérique, au détriment de la sécurité internationale.  À ce titre, il s’est dit très préoccupé par les développements récents concernant le lancement de missiles balistiques dans l’espace.  Conformément aux accords existants, le Bangladesh s’abstiendra de placer en premier des armes dans l’espace, a-t-il réaffirmé. 

Outre les efforts en matière de désarmement de l’espace extra-atmosphérique, le représentant a appelé à prendre des mesures de réduction des débris spatiaux.  Il a dit soutenir toute initiative visant à répondre à ce défi, en incluant l’ensemble des parties prenantes.

M. DIEGO ALONSO TITUAŇA MATANGO (Équateur) s’est dit convaincu qu’il fallait un instrument juridiquement contraignant qui institue le caractère pacifique de l’espace en renforçant la confiance et la transparence.  Il a jugé qu’une course aux armements dans l’espace est un danger grave pour la paix et la sécurité.  L’espace est un patrimoine commun qui ne doit pas être envisagé comme un nouveau lieu de conflits, a-t-il conclu.

Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a rappelé que le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 était l’accord socle régissant le droit de l’espace, qui assure que l’exploration et l’usage de l’espace, y compris la Lune et les autres corps célestes, doivent être opérées au bénéfice et dans l’intérêt de toutes les nations, peu importe leur degré de développement économique ou scientifique, et doivent appartenir à toute l’humanité.  S’appliquant aussi aux armes nucléaires ou aux ADM, il « a résisté à l’épreuve du temps », s’est réjoui Mgr Auza.  Mais l’intérêt renouvelé pour les systèmes de contre-attaques balistiques dans l’espace extra-atmosphérique, y compris pour détruire des satellites, « souligne l’importance d’initier un processus global en vue d’éliminer les armes nucléaires », a-t-il poursuivi.

L’usage de l’espace extra-atmosphérique pour surveiller les activités sur Terre a pris une importance immense, selon lui, pour surveiller par exemple la réduction des arsenaux nucléaires, ou la bonne exécution d’un traité comme le Traité interdisant les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau (TIEN).  C’est pourquoi le Saint-Siège s’est félicité du travail de la Commission du désarmement de l’ONU pour établir des mesures de transparence et de confiance relatives aux activités spatiales.  Ces mesures ne remplaceront pas des traités juridiquement contraignants pour encadrer les activités spatiales et accroître la stabilité et la paix, mais ils peuvent apporter une aide considérable dans la réalisation de cet objectif, a-t-il fait valoir.  La transparence a aussi l’avantage de faire diminuer la compétition militaire entre États et éviter une course à l’armement.  Le nonce a remis sur la table un projet en discussion à l’ONU dans les années 70, la création d’une « agence internationale de surveillance des satellites », qui permettrait de diffuser ouvertement des informations sur les activités de lancement de satellites et d’autres objets dans l’espace extra-atmosphérique.  Enfin, il a évoqué la nécessité d’un code de bonne conduite entre États lançant des objets dans l’espace, notamment pour éviter des frictions entre satellites.

Déclarations sur les armes conventionnelles (suite)

Au nom de la Ligue des États arabes, M. MARWAN ALI NOMAN AL-DOBHANY (Yémen) a dénoncé la prolifération des armes légères et de petit calibre au Moyen-Orient, en raison notamment de l’action de certains gouvernements qui n’hésitent pas, selon lui, à augmenter la vente de ces armes dans la région.  Pour lutter contre ce phénomène, le représentant a appuyé les mesures prises dans le cadre du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects.  Toutefois, il a estimé que ces mesures ne devaient pas aller à l’encontre du « droit légitime des pays à l’autodéfense », ni de leur « droit d’importer des armes classiques ».  Le Programme d’action ne doit pas non plus conduire à l’adoption de mesures semant la discorde entre États, a-t-il ajouté.

Le représentant a appelé à poursuivre la lutte contre le trafic illicite des armes légères et de petit calibre, tout en évitant toute ingérence dans les affaires intérieures des États.  Cette lutte, a-t-il estimé, ne doit pas se traduire par une baisse de l’aide publique au développement pour les pays qui en bénéficient.  Enfin, avant d’entamer des négociations sur un instrument concernant les munitions, le représentant a estimé qu’il fallait d’abord conduire des études sur les retombées techniques, économiques, juridiques et sécuritaires de l’adoption d’un tel instrument.

M. DANG DINH QUAY (Viet Nam), qui s’exprimait au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a souligné les conséquences graves de l’utilisation des armes classiques et les impacts divers de ces armes sur les femmes et les enfants.  Il s’est félicité du programme de désarmement qui permet, selon lui, d’atténuer l’impact humanitaire des armes classiques.  Il s’est félicité de l’adoption par la Commission de mesures consensuelles de renforcement de la confiance dans les armes classiques. En mettant en œuvre leurs obligations, les États doivent se rappeler du droit souverain des États d’acquérir et d’importer des armes classiques pour les besoins de sécurité et d’autodéfense.  Disant son attachement au multilatéralisme sur le contrôle des armes classiques au niveau régional, il a redit son engagement à traiter la question du commerce illicite d’armes.  Engagée au niveau du droit humanitaire, l’ASEAN continue de faire face aux conséquences des armes explosives qui frappent aveuglément.  Il a finalement lancé un appel au pays développés pour qu’ils fournissent une aide sur cette question.

Droits de réponse

Le représentant de la Fédération de Russie a jugé « risible » l’intervention des Etats-Unis sur la question de l’espace extra-atmosphérique.  Cela serait très drôle, a-t-il ajouté, si la situation créée par ce pays n’était pas dangereuse pour la sécurité mondiale. 

Les États-Unis affirment que les propositions russes concernant le non-déploiement en premier d’armes dans l’espace ne sont pas louables, a poursuivi le représentant.  Or, selon lui, le simple fait que les États-Unis tentent de saper l’initiative russe prouve justement qu’elle est louable.  C’est également vrai, a-t-il ajouté, de la position américaine à l’encontre du projet sino-russe de traité relatif à la prévention du déploiement d’armes dans l’espace et de la menace ou de l’emploi de la force contre des objets spatiaux.  En réalité, toute mesure pratique visant à prévenir une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique sera soit « balayée du revers de la main soit bafouée » par les États-Unis, a affirmé le représentant. 

Aux accusations américaines selon lesquelles les satellites russes dans l’espace se livreraient à des « manœuvres incompréhensibles », le délégué a répondu que ces manœuvres étaient « tout à fait neutres » et visaient essentiellement à corriger leur orbite ou à empêcher des rapprochements dangereux entre plusieurs corps célestes.

À l’inverse, le représentant russe a condamné les pratiques américaines concernant l’enregistrement à outrance de corps célestes, notamment grâce à des satellites météorologiques, qui sont selon lui des satellites puissants et potentiellement dangereux.  Le représentant a averti que ces corps célestes soi-disant pacifiques pourraient avoir pour objectif d’exercer une pression militaire contre les objets spatiaux d’autres pays.  En outre, le représentant a dénoncé l’attitude contradictoire des États-Unis consistant à, d’une part, participer activement au Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques et, d’autre part, à travailler à l’élaboration de leur système antimissile et au renforcement de leur potentiel satellitaire.

Le représentant a enfin accusé les États-Unis de tout faire pour que la course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique se poursuive.  Certains États protégés par les États-Unis continuent également de développer leur programme spatial, a-t-il affirmé.

Le délégué de la République arabe syrienne a estimé que le représentant du Royaume-Uni ne méritait aucune réponse.  Il lui a conseillé de « s’occuper du droit à l’autodétermination des peuples et d’indemniser l’Iraq plutôt que de mettre son nez dans ses affaires intérieures ».  Selon lui, ce qui s’est passé à Salisbury confirme que le Royaume-Uni et les États-Unis ont l’intention de développer des armes chimiques.  « Comment expliquer sinon leur refus de donner des infos à l’OIAC? »  Le Royaume-Uni tente de dissimuler ses capacités chimiques et devrait fournir les informations nécessaires à l’OIAC, a-t-il répété.

Il a ensuite accusé les Administrations américaines successives d’avoir entraîné des terroristes du Front el-Nosra.  « C’est une réalité que personne ne peut nier, a-t-il asséné, le représentant américain ne peut nier l’implication de son gouvernement dans ces faits ».  À la France, il a dit que ses tentatives de convaincre les autres délégations de son innocence n’aboutiront pas.  La France a consacré ses fonds, ses médias et son expertise pour fournir des armes et des substances chimiques à des groupes armés, a-t-il affirmé.  Il a aussi avancé que le régime turc facilite le transfert de substances toxiques vers la Russie.  « Même si cette délégation le nie, tous les États Membres savent que la Turquie soutient des organisations terroristes et met en scène des attaques chimiques », a-t-il encore affirmé.

En réponse à son homologue russe, le représentant des États-Unis a affirmé que le traité proposé par la Fédération de Russie était « truffé d’erreurs » et « n’était pas vérifiable ».  Il a noté que la délégation russe était « clairement agressive » ces derniers temps sur la question de l’espace extra-atmosphérique.  Selon lui, la Russie fait preuve de contradiction en voulant, d’un côté, « se préparer à une guerre dans l’espace » et en proposant, de l’autre, un traité « truffé d’erreurs ».  Ce qui n’apparaît pas dans la proposition de traité russe, c’est que le pays a l’intention d’envoyer des armes et des missiles en orbite, a affirmé le représentant américain.  « Cela ne va pas ensemble », a-t-il noté.  Quant à eux, les États-Unis vont se préparer à faire face à tout défi potentiel, a-t-il déclaré.  « Votre traité est en perte de vitesse », a affirmé le représentant, avant d’ajouter une nouvelle fois: « Il est truffé d’erreurs et il faudrait peut-être revenir à un brouillon. »

Répondant ensuite au représentant de la Syrie, le délégué américain a déclaré que le régime syrien continuait de faire des « allégations ridicules » concernant les États-Unis et d’autres pays.  « Ce régime ne convaincra jamais la communauté internationale de son innocence quant à son utilisation d’armes chimiques à l’encontre de sa population », a-t-il affirmé, en le prévenant, ainsi que ses collaborateurs, qu’ils auront à répondre de leurs crimes.

Répondant à la Syrie, le représentant du Royaume-Uni a rétorqué qu’il avait parfaitement illustré son propos et a répété que la Syrie est en violation au titre de ses obligations internationales.

Le délégué de la France s’est contenté de qualifier les propos de « grotesques et ridicules » du délégué syrien.

Pourquoi la Syrie utiliserait une arme qu’elle ne possède pas pour permettre aux trois gouvernements agresseurs de lancer des attaques sur son pays? a ensuite lancé le représentant de la Syrie.  Affirmant que les renseignements britanniques ont créé l’organisation terroriste des Casques blancs, il a assuré que la Syrie possède des enregistrements prouvant l’implication britannique dans la fabrication des mises en scène relatives à l’utilisation des armes chimiques.

Il a ensuite accusé l’Administration américaine d’être responsable du financement et du parrainage de groupes terroristes comme Al-Qaida.  Enfin, il a rétorqué au délégué français que son pays est bel et bien impliqué dans les attentats chimiques en Syrie. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Débats houleux à la Troisième Commission lors de la présentation de plusieurs rapports de pays sur la situation des droits de l’homme

Soixante-treizième session
31e & 32e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4242

Débats houleux à la Troisième Commission lors de la présentation de plusieurs rapports de pays sur la situation des droits de l’homme

Les différents dialogues entre les titulaires de mandats de procédures spéciales et la Troisième Commission ont été parfois houleux aujourd’hui, du fait de l’examen de plusieurs situations de pays.  Certains des pays concernés ont violemment réagi en dénonçant des rapports politisés, soutenus une fois encore par un certain nombre d’autres États ou groupes opposés par principe aux mandats de pays.  Les rapports présentés montrent au mieux des améliorations lentes dans la situation des droits de l’homme de pays concerné, au pire des violations multiples et persistantes.

C’est une « farce », a lancé le délégué du Bélarus à propos du rapport concernant son pays, quand son homologue de la République islamique d’Iran dénonçait une « manipulation » et le représentant du Burundi des « appétits géopolitiques », allant jusqu’à menacer les membres de la Commission d’enquête de traduire en justice les auteurs du rapport pour « diffamation et tentative de déstabilisation » de son pays.

Le représentant de la Somalie a, lui, estimé que son pays n’avait « pas à rougir » de la comparaison avec le reste du monde dans un domaine comme la représentation des femmes au Parlement, alors que l’Érythrée, qui vient -comme la Somalie- d’être élue au Conseil des droits de l’homme, a estimé que l’Examen périodique universel (EPU) restait le meilleur outil pour aborder la question des droits de l’homme de manière constructive.  L’Observateur permanent de l’État de Palestine a été le seul à pleinement saluer les conclusions formulées dans l’exposé du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, M. Michael Lynk.

Le Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, M. Doudou M. Diène, a regretté que le Gouvernement du Burundi ait tenté de s’opposer à ce dialogue avec la Troisième Commission et a jugé urgent que les autorités fassent cesser les violations des droits de l’homme et en poursuivent les auteurs.  En réaction, le représentant du Burundi l’a encouragé à « emboîter le pas à son prédécesseur en remettant aussi son tablier ». 

Abondant dans le même sens, le Bélarus a dit ne plus ressentir aujourd’hui le besoin de « s’impliquer » et à même invité certains États à « renoncer à intervenir pour ne pas participer à ce chantage ».  Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme pour ce pays, M. Miklós Haraszti, avait dit ne pas pouvoir faire état d’améliorations de fond par rapport à sa dernière présentation, ajoutant que la plupart des raisons qui avaient motivé la création de son mandat six ans plus tôt étaient toujours valables aujourd’hui, voire s’aggravaient encore.

Pour sa part, le représentant de la République islamique d’Iran, elle aussi objet d’un rapport, a dénoncé un gaspillage des ressources de l’Organisation dans la publication, chaque année, de « quatre rapports identiques » sur la situation des droits de l’homme dans son pays.  La répétition, quatre fois par an, des mêmes accusations ne prouvent pas que ces accusations sont vraies, a-t-il souligné, y voyant plutôt la manipulation à laquelle se livrent certains États.  Il n’y a pas de situation spéciale en Iran, a affirmé le représentant, arguant de la dynamique de la démocratie iranienne.  Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, M. Javaid Rehman, s’était notamment inquiété de la poursuite des exécutions de mineurs, ajoutant que le pays était « probablement celui qui a exécuté le plus de mineurs durant ces 10 dernières années ».  Il avait aussi évoqué la situation des minorités et la répression violente de certaines manifestations.  M. Rehman a toutefois déclaré qu’il était en train d’examiner l’impact socioéconomique des sanctions unilatérales, qui sont pour lui une source de grave préoccupation et a rappelé qu’il souhaitait engager un dialogue avec le pays et s’y rendre.

Plus modéré, le représentant de l’Érythrée a mis l’accent sur les espoirs de pays dans la Corne de l’Afrique consécutifs à la signature cet été d’un accord de paix entre son pays et l’Éthiopie. « Nous sommes déterminés à accélérer nos efforts pour que la paix, la sécurité et la justice prévalent », a-t-il affirmé, tout en rappelant l’impact négatif des sanctions sur la pleine jouissance des droits de l’homme et la coopération et l’intégration régionales.  La Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme pour ce pays, Mme Sheila B. Keetharuth, a pour sa part, estimé que la récente élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme pour les trois prochaines années allait lui imposer de nouvelles obligations, ce qui peut laisser espérer des évolutions positives.  Mais pour l’instant, les Érythréens attendent toujours, a-t-elle fait observer.  Attirant l’attention sur les quelque 9 000 personnes qui ont traversé la frontière depuis son ouverture cet été alors même qu’ils ont encore besoin de visas de sortie, elle a demandé: « que fuient-elles, puisqu’elles ne peuvent fuir la paix? ».

Pas de grand contentieux entre le représentant de la Somalie et l’Expert indépendant chargé par le Secrétaire général d’examiner la situation des droits de l’homme en ce pays, M. Bahame Tom Mukirya Nyanduga.  Le représentant a noté que le rapport tenait compte des progrès accomplis par son pays tout en mettant en lumière les difficultés qui subsistent, et a demandé que la question des droits de l’homme soit placée dans le contexte de situations de conflit qui perdurent.  L’Expert indépendant s’est en particulier inquiété des recrutements d’enfants soldats, par les Chabab mais aussi les forces régulières.  Il a surtout souhaité que son rapport puisse contribuer aux efforts de la communauté internationale pour que plus jamais la Somalie ne retombe dans le statut d’État défaillant qu’il a été pendant 30 ans, et s’est préoccupé du transfert des responsabilités en matière de sécurité de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) aux forces nationales.

La Troisième Commission poursuivra demain, jeudi 25 octobre à partir de 10 heures, l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ces aspects.  Elle dialoguera avec six autres titulaires de mandats de procédures spéciales sur la promotion des droits de l’homme.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

M. MICHAEL LYNK, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a en premier lieu fait état du refus de toute coopération opposé par le Gouvernement israélien à ses services, tout comme cela avait été le cas avec ses prédécesseurs.  Il s’est donc vu refuser l’accès tant en Israël que dans les territoires palestiniens occupés, bien que la coopération des États Membres avec les titulaires de mandat de procédures spéciales des Nations Unies soit une obligation fondamentale, inscrite dans les Articles 104 et 105 de la Charte des Nations Unies.  Tout en faisant observer que cela ne pouvait pas remplacer sa présence sur les territoires palestiniens, il a remercié la Jordanie d’avoir accueilli sa mission sur son sol et les organisations non gouvernementales palestiniennes de s’être déplacées jusqu’à lui.

En présentant le contenu de son rapport, M. Lynk a insisté sur deux points qu’il a jugés alarmants: la chute libre de l’économie de Gaza, décrite par la Banque mondiale, et les colonies israéliennes.  Concernant Gaza, le Rapporteur spécial a précisé avec quelques chiffres: l’économie de la bande, « déjà anémique », s’est contractée de 6% durant le premier trimestre de 2018, le chômage a atteint les 53%, avec celui des jeunes atteignant les 70%.  Les Palestiniens vivant à Gaza n’ont accès qu’à cinq heures d’électricité par jour et 97% de l’eau potable y est contaminée par l’eau de mer.  « Les Nations Unies ont annoncé, en 2012, que Gaza serait invivable d’ici à 2020 », a-t-il signifié, précisant que, pour lui, cet état était déjà atteint.

Rappelant par ailleurs que la Marche du retour, entamée à la fin du mois de mars dernier, continue toujours sept mois plus tard.  M. Lynk a expliqué que les forces de sécurité israéliennes avaient tué, dans ce contexte, plus de 200 Palestiniens -dont plus de 40 enfants– et blessé plus de 23 000 d’entre eux, la moitié nécessitant une hospitalisation dans les centres de santé de Gaza déjà surchargés.  Il a joint sa voix à toutes celles qui, au sein de la communauté des droits de l’homme, dénoncent le fait qu’Israël ne respecte pas les principes de base sur le recours à la force, aux termes desquels les armes et la force meurtrière ne doivent être utilisées qu’en dernier recours et seulement en cas de menaces de mort imminentes.

En ce qui concerne la colonisation, le Rapporteur spécial a déclaré que, à l’heure même de son intervention, le village de Khan Al-Ahmar en Cisjordanie était menacé de complète démolition par Israël.  Un des objectifs d’Israël est de dégager le « corridor E1 » sur lequel se trouve cette petite et vulnérable communauté de bédouins, de façon à construire des habitations pour les Israéliens, a-t-il expliqué.  « Les implantations israéliennes sont une grave violation du droit international et les colonies civiles en territoires occupés constituent un crime de guerre aux termes du Statut de Rome », a-t-il dénoncé.  De même, l’annexion de territoires est strictement interdite, alors même qu’Israël a formellement annexé Jérusalem-Est et le Golan syrien, « une action qui n’a pas été reconnue par la communauté internationale et qui a été condamnée avec force », a rappelé M. Lynk.  Il a de même déploré que la Knesset ait adopté, depuis plusieurs années, un nombre de lois donnant le feu vert à une plus grande expansion de l’annexion israélienne. 

M. Lynk a déploré que, depuis 50 ans, la communauté internationale a été peu encline à transformer en actes ses déclarations concernant les territoires palestiniens occupés.  Dans une telle situation, la responsabilisation internationale est à la fois une nécessité et un devoir, a-t-il affirmé.   Enfin, le Rapporteur spécial a salué la communauté des défenseurs des droits de l’homme, palestiniens, israéliens et internationaux, qu’il a présentés comme « la personnification du langage universel des droits de l’homme et de l’humanité ».  « Si nous arrivons un jour à une paix juste et bienveillante au Moyen-Orient, nous le devrons à ces braves témoins et militants », a-t-il conclu.

Déclaration

Au titre de pays concerné, M. RIYAD H. MANSOUR, État de Palestine, a salué les conclusions formulées par M. Lynk dans son rapport, y compris celles faisant état de « violations continues » des droits des Palestiniens par la Puissance occupante.  L’Observateur permanent a ainsi dénoncé la persistance de la politique de colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés, notamment à Jérusalem-Est, où Israël n’a selon lui de cesse de construire des nouveaux bâtiments pour y loger des colons.  M. Mansour a également condamné les confiscations de biens, les déplacements forcés et les menaces constantes dont sont victimes les citoyens palestiniens, en particulier les communautés bédouines.  Il ne s’agit pas là d’une liste d’exactions exhaustives, a-t-il précisé, mais simplement un aperçu des violations quotidiennes que subissent les Palestiniens, au mépris des résolutions pertinentes de l’ONU.

M. Mansour a en outre confirmé les éléments du rapport faisant état d’une « détérioration continue » des conditions de vie à Gaza, suite notamment aux répressions violentes des manifestations pacifiques récentes, dans lesquelles des centaines de personnes ont trouvé la mort.  Le recours à la force létale contre des manifestants pacifiques est contraire au droit international et à la liberté d’association, a-t-il dénoncé, approuvant les conclusions du Rapporteur spécial sur ce point.

S’agissant des éléments du rapport consacrés à l’occupation israélienne des territoires occupés, le représentant palestinien a pointé du doigt le refus continu d’Israël de se retirer de la Cisjordanie.  Il a demandé à M. Lynk s’il pouvait s’exprimer sur les « tentatives agressives » d’Israël d’étendre son occupation dans la zone et de légaliser son annexion par voie législative.   M. Mansour a enfin dénoncé le manque de coopération d’Israël avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.  Il a appelé le Secrétaire général à prendre des mesures pour faire en sorte qu’à l’avenir, Israël coopère avec le Rapporteur spécial.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Michael Lynk, la Turquie a regretté que les droits inaliénables du peuple palestinien continuent d’être menacés et a dénoncé les efforts entrepris pour lui faire accepter le statu quo dans l’humiliation.  La Turquie a critiqué le recours excessif à la force ainsi que le projet de colonisation illégale y compris à Jérusalem-Est.  Elle a également fait part de sa préoccupation concernant le déplacement des Bédouins.  Malgré les efforts voulant discréditer l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), les services de cette agence sont, à son avis, essentiels et la Turquie a accru sa contribution annuelle.  La Turquie a demandé quelle était la situation s’agissant des 13 000 ordres de destruction de logements en suspens et leur implication sur les Palestiniens. 

Au nom du Mouvement des pays non alignés, le Venezuela a réaffirmé sa solidarité avec le peuple palestinien et réitéré son soutien à sa ‘.  Il a pointé du doigt la situation et ses souffrances face à des décennies d’une occupation qui lui dénie ses droits fondamentaux, y compris à l’autodétermination.  Il est temps pour une paix juste et durable pour ce peuple palestinien, Israël et la paix dans le monde, estime le Mouvement, qui condamne le recours à une force excessive à l’encontre des Palestiniens et réaffirme sa préoccupation face à la situation grave qui prévaut à Gaza et l’aggravation de la crise humanitaire.

La Fédération de Russie a dénoncé les conditions d’occupation israélienne depuis plus d’un demi-siècle et regretté une situation compliquée en l’absence de progrès et la poursuite des activités de colonisation.  Tout cela affecte la patience du peuple palestinien et les derniers évènements témoignent de cette situation inquiétante.  La Fédération de Russie appelle à un recours proportionné à la force et rejette par ailleurs les actes terroristes.  Pour elle, la formule des deux États est la seule réaliste pour mener à la fin du conflit.  Elle rejette aussi toute démarche révisionniste.

La Norvège a rappelé son soutien au mandat du Rapporteur spécial et s’est dite préoccupée par la situation des droits de l’homme en Palestine, ainsi que par le plan de construction de nouvelles colonies.  Elle a regretté l’incidence de cette situation sur Gaza et a appelé toutes les parties à faire preuve de contrôle.  Elle a également évoqué les détentions administratives contre les Palestiniens, notamment les enfants.

L’Afrique du Sud a déploré la situation dans tout le territoire palestinien occupé et regretté l’absence de coopération de la Puissance occupante.  Elle regrette en particulier les incidences du déni du droit à l’eau et les atteintes à la dignité des Palestiniens et défend leur droit inaliénable à l’autodétermination.

Cuba a critiqué l’ignorance systématique de la part d’Israël et des États-Unis des différentes résolutions du Conseil de sécurité et du mandat du Rapporteur spécial.  Cuba soutient la reconnaissance de l’État de Palestine par l’ONU et rejette l’action unilatérale que constitue le déplacement de la représentation diplomatique des États-Unis.  Cuba réclame une solution juste, pacifique et durable.  Le Nicaragua a demandé au Rapporteur spécial comment la communauté internationale pourrait faire en sorte qu’Israël agisse de manière « plus responsable » et que son système juridique fonctionne « de façon transparente, conformément aux règles de droit international ».

La République de Corée s’est déclarée très préoccupée par les violations des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et les autres territoires arabes occupés.  Elle condamne les « meurtres aveugles » de femmes et d’enfants manifestants, ainsi que la poursuite des politiques de colonisation et d’expulsion des Palestiniens, qui suscitent l’indignation et la condamnation de la communauté internationale.  La République de Corée condamne en outre l’illégalité de l’ouverture des locaux de l’ambassade américaine à Jérusalem-Est au regard des résolutions des Nations Unies.  Elle est solidaire avec le peuple palestinien dans sa lutte pour l’autodétermination.

Le Brésil s’est dit préoccupé par les conclusions formulées dans le dernier rapport de M. Lynk, notamment celles liées à la détérioration des conditions de vie quotidienne des habitants de Gaza et à la situation des droits de l’homme à Jérusalem-Est.  Le Brésil note aussi les retards très importants dans la mise en œuvre de la solution des deux États.  Il a demandé à M. Lynk quelles mesures pourraient être prises par Israël pour garantir l’accès des Palestiniens à la santé sans pour autant remettre en cause la sécurité du pays, notamment dans le cadre du blocus de Gaza.

La République islamique d’Iran a condamné les intimidations et violations israéliennes en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans le Golan arabe syrien, avant d’ajouter qu’Israël ne pourrait pas se comporter de la sorte sans le soutien indéfectible des États-Unis et l’apathie de la communauté internationale.  Elle appelle les États Membres à réagir de façon plus énergique au refus d’Israël de coopérer avec le Rapporteur spécial.

L’Égypte a demandé au Rapporteur spécial quelles mesures la communauté internationale pouvait prendre pour mettre fin à l’occupation prolongée des territoires palestiniens et faire en sorte qu’Israël, en tant que Puissance occupante, s’acquitte de ses obligations vis-à-vis des Nations Unies.

La Syrie a condamné les « pratiques criminelles » d’Israël et les « violations systématiques » des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et les autres territoires arabes occupés, dont le Golan arabe syrien.  Elle condamne aussi le refus d’Israël de mettre en œuvre « des centaines de résolutions » des Nations Unies appelant le pays à mettre fin à l’occupation.  Elle condamne enfin les pressions exercées par certains États sur les Nations Unies pour que ces dernières changent de perspective sur la question palestinienne, notamment des pressions financières et via le retrait d’agences de l’ONU.

La Chine est préoccupée par la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés et condamne tous les actes de violence qui prennent pour cible des civils.  Elle réaffirme son appui à la « ’ » des Palestiniens et à la solution des deux États, avec la création d’un État palestinien indépendant d’après le tracé des frontières d’avant 1967.

L’Union européenne a constaté la démolition des Accords d’Oslo, tout en mettant l’accent sur l’un des succès de ces Accords, à savoir la création d’institutions palestiniennes solides.  L’Union européenne condamne la poursuite de la colonisation israélienne et appelle à infléchir le cours actuel de la situation sur le terrain en prenant des mesures susceptibles de ramener la confiance entre les parties.  Elle souhaite que le Rapporteur spécial définisse une liste de priorités, issues des conclusions de son rapport.

Le Sénégal a jugé regrettable la persistance des violations des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et a appelé à mettre fin à ces violations, à l’occupation israélienne et au blocus de Gaza.  Elle a enfin exhorté Israël à redoubler d’efforts pour améliorer ses relations avec le Rapporteur spécial. 

L’Indonésie s’est dite préoccupée par le refus d’Israël de faciliter l’accès du Rapporteur spécial aux territoires palestiniens occupés.  Elle salue la mise en place d’une commission d’enquête au Conseil des droits de l’homme et demande aux Nations Unies d’obliger Israël à répondre devant la justice des violations des droits de l’homme perpétrées par le pays dans les territoires palestiniens occupés.  Elle condamne la persistance de la politique de colonisation israélienne.

Réponses

Dans ses réponses, M. MICHAEL LYNK a énuméré les différentes législations adoptées par le Parlement israélien concernant l’annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.  Il a cité les tentatives menées pour légaliser une centaine de colonies illégales et faire cesser ainsi toute demande de la part des propriétaires palestiniens.  Pour le Rapporteur spécial, c’est là une manière de vouloir faire taire les propriétaires légitimes en leur offrant une compensation mais en ne leur rendant pas leurs terres.  À ses yeux, tout ceci est illégal aux termes de la quatrième Convention de Genève.

En ce qui concerne les ordres de démolition dans la zone C occupée de Cisjordanie, M. Lynk a souligné qu’il était presque impossible pour les 180 000 à 300 000 personnes qui y vivent d’obtenir un permis légal de rénovation ou de construction.  Le Rapporteur spécial s’est en outre élevé contre la détention administrative d’enfants, qui les empêche d’aller à l’école.  Il a rappelé la mort de 40 enfants qui « manifestaient pacifiquement » au cours de la Grande Marche du retour.

En dépit de ce tableau sombre, le Rapporteur spécial a voulu voir quelques lueurs d’espoirs, notamment s’agissant du village bédouin palestinien qui n’a pas été détruit malgré les ordres donnés pour sa démolition, notamment de la part de la haute Cour israélienne.  Il y a vu le résultat de l’activisme des défenseurs des droits de l’homme, mais aussi en partie de la détermination des missions européennes, qui ont, à plusieurs reprises, exprimé leur opposition à cette démolition.  Pour M. Lynk, la leçon à tirer de cet exemple est qu’avec la conjonction d’un militantisme unifié sur le terrain et de pressions diplomatiques, ces tendances inquiétantes portant atteinte aux droits de l’homme peuvent être inversées.

Quant aux recommandations, elles sont « infinies », mais peuvent se résumer dans l’immédiat à un appel à la levée du blocus sur Gaza, a poursuivi le Rapporteur spécial.  Pour lui, la communauté internationale doit insister sur la fin de ce blocus, qui dure depuis 11 ans.  Il a appelé, en outre, à la cessation des activités qui renforceraient l’occupation, telles que les relations avec les banques qui financent des activités.  Il a appelé les Nations Unies à soutenir une étude sur la question de savoir si Israël est toujours l’occupant légal des territoires occupés après 50 ans.

Déclaration liminaire

M. JAVAID REHMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a d’abord rappelé qu’il avait été nommé à la suite de la disparition soudaine de sa prédécesseur Asma Jahangir, à laquelle il a rendu hommage.  Il a ajouté qu’après sa nomination, il avait écrit au Gouvernement iranien pour demander sa coopération et solliciter une invitation à visiter le pays.  M. Rehman a dit avoir, depuis lors, réitéré son intention de chercher un engagement constructif lors de réunions avec des représentants du Gouvernement.  Il a salué ces échanges de vues chaleureux et remercié le Gouvernement iranien pour ses commentaires sur son premier rapport.

S’agissant du rapport présenté ce jour, M. Rehman a indiqué qu’il a été préparé pendant la phase initiale de son mandat et qu’il ne vise donc pas à présenter une image exhaustive de la situation des droits de l’homme en Iran aujourd’hui, mais plutôt la méthodologie qu’il compte employer.

Dans ce rapport, M. Rehman se félicite notamment de la décision de l’Iran de modifier sa loi sur le trafic de stupéfiants.  Il note que de nombreuses condamnations à mort, liées au trafic de drogue, ont été commuées et que le nombre des exécutions à la suite de condamnations liées à la drogue a nettement diminué.  Le Rapporteur spécial précise également qu’il a réitéré ses inquiétudes quant aux violations du droit à la vie et au respect des normes de procédure régulière en Iran, en particulier pour les jeunes délinquants.  C’est donc avec tristesse qu’il a fait état de l’exécution, il y a trois semaines, de Zeinad Sekaanvand, reconnue coupable du meurtre de son mari, en 2012, alors qu’elle avait 17 ans.  Ses affirmations selon lesquelles elle aurait été contrainte à confesser le meurtre, battue après son arrestation et victime de violences conjugales n’ont, semble-t-il pas, été prises en compte de façon adéquate pendant son procès, a-t-il expliqué.

Les exécutions se poursuivent malgré les amendements au Code pénal islamique en 2013, lesquels permettent aux juges de prononcer des peines alternatives pour les délinquants juvéniles s’ils étaient atteints de troubles mentaux ou s’ils n’avaient pas pris conscience de la nature du crime, a relevé M. Rehman, notant que de nombreux autres jeunes délinquants sont actuellement dans le couloir de la mort.  Dans ces conditions, il appelle les autorités iraniennes à abolir la pratique consistant à condamner à mort des enfants et à commuer toutes les sentences de mort prononcées contre des enfants, conformément au droit international.

Le Rapporteur spécial s’est aussi dit préoccupé par le traitement des minorités religieuses et ethniques en Iran, notamment les membres de la communauté baha’ie.  Selon lui, trois prisonniers kurdes ont été exécutés le mois dernier sans avoir, semble-t-il, bénéficié d’un procès équitable et après avoir subi des tortures en détention.  M. Rehman a donc appelé le Gouvernement à accorder des droits égaux à toutes les personnes vivant dans le pays, y compris pendant les procédures pénales, comme le stipule l’article 19 de la Constitution iranienne.

Observant que les défis auxquels les Iraniens sont confrontés ont été illustrés, ces derniers mois, par de nombreuses manifestations à travers le pays, le Rapporteur spécial a précisé que plusieurs de ces protestations avaient été marquées par la mort de manifestants à la suite de la répression menée par les forces de sécurité.  Le Rapporteur spécial s’est également dit inquiet de l’impact négatif des sanctions sur la jouissance par les Iraniens de leurs droits économiques et sociaux.  Il a souligné qu’il s’efforcerait d’évaluer cet impact dans le cadre de son mandat.

M. Rehman s’est enfin déclaré préoccupé par le sort des personnes arrêtées pendant les manifestations, exhortant le Gouvernement à veiller à ce que tous ceux qui sont emprisonnés pour avoir exercé pacifiquement leur liberté d’opinion et d’expression soient libérés, notamment pour avoir protesté publiquement contre le port du voile obligatoire.  Dans le même ordre d’idée, il a exprimé sa profonde inquiétude concernant le traitement d’un certain nombre de défenseurs des droits de l’homme, d’acteurs de la société civile et d’avocats.

Le respect des droits de l’homme devrait être au cœur des réponses à apporter aux défis auxquels la République islamique d’Iran est actuellement confrontée, a estimé le Rapporteur spécial, qui a appelé de ses vœux une « coopération cordiale » étendue entre le Gouvernement et son mandat, en dépit de vues potentiellement divergentes.

Déclaration

Au titre de pays concerné, M. MOHAMMAD HASSANI NEJAD PIRKOUHI (République islamique d’Iran) a dénoncé le gaspillage des ressources de l’Organisation qui consiste à réaliser, chaque année, quatre rapports identiques sur la situation des droits de l’homme dans son pays.  La répétition quatre fois par an des mêmes accusations ne prouvent pas que ces accusations sont vraies, a-t-il souligné.  À ses yeux, cette répétition démontre plutôt la manipulation à laquelle se livrent certains États.

Pour le représentant, le mandat du Rapporteur spécial évoque une « sélectivité contraire à l’université des droits de l’homme », qui ne sert que les intérêts politiques de quelques États.  En outre, lesdits États sont aussi les auteurs des « pires violations des droits de l’homme dans l’Histoire », a-t-il accusé. 

Il n’y a pas de situation spéciale en Iran, a affirmé le représentant, arguant de dynamique de la démocratie iranienne.  À ses yeux, les cas documentés dans le rapport du Rapporteur spécial ne sont pas suffisamment graves pour justifier un rapport dédié.  À titre d’exemple du respect des droits de l’homme en Iran, le représentant a par ailleurs mentionné le nombre de manifestations pacifiques qui s’y tiennent quotidiennement, un phénomène selon lui sans précédent dans la région.  Pour M. Hassani Nejad Pirkouhi, cela démontre bien à quel point l’Iran est une société dynamique et ouverte.

Le représentant a dénoncé le « mécanisme vicié » que représente le groupe de nomination des Rapporteurs spéciaux, dont Israël fait notamment partie.  « Peut-on être plus vicié que cela? », s’est-il interrogé, et « qu’en est-il du principe de l’égalité souveraine des États? ».  « Nous n’avons pas de leçon à recevoir de la part de pays hypocrites qui ne respectent pas les droits de l’homme chez eux », a poursuivi M. Hassani Nejad Pirkouhi. 

Le représentant a ensuite dénoncé les « politiques agressives et les démarches biaisées » des États-Unis contre son pays et il a invité le Rapporteur spécial à se rendre en Iran pour mesurer l’ampleur des conséquences négatives des mesures coercitives unilatérales américaines.  M. Hassani Nejad Pirkouhi a notamment cité un arrêt non appliqué de la Cour internationale de Justice (CIJ) qui somme, selon lui, les États-Unis de lever les entraves aux importations iraniennes de médicaments et de matériels nécessaires pour l’aviation civile.

M. Hassani Nejad Pirkouhi a enfin dénoncé les accusations, selon lui, sans fondement du rapport contre son gouvernement et les mauvais traitements qu’il imposerait à des minorités.  Depuis des milliers d’années, l’Iran abrite des minorités qui cohabitent de manière pacifique, a-t-il affirmé.  L’Iran est la cible d’une « guerre bien réelle » financée par les États-Unis, pour qui les droits de l’homme ne sont qu’un prétexte, a accusé le représentant en conclusion.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Javaid Rehman, le Venezuela, qui s’exprimait au nom du Mouvement des pays non alignés (MPNA), a rappelé la position exprimée la veille par le Mouvement, opposée à la sélectivité et l’exploitation des droits de l’homme à des fins politiques.  Il a de nouveau cité à cet égard la récente réunion ministérielle de Bakou, lors de laquelle les États Membres du Mouvement ont souligné l’importance du rôle du Conseil des droits de l’homme et de son mécanisme, l’Examen périodique universel (EPU).  Le Pakistan a fait ensuite une déclaration dans le même sens, souhaitant en outre davantage de cohérence entre les travaux de la Troisième Commission et du Conseil des droits de l’homme, et rappelant le rôle central de l’EPU.

Dans le même sens, Cuba a dénoncé la « claire motivation politique » qui a présidé à la création de ce mandat, le jugeant incompatible avec un esprit productif et y voyant un obstacle à la coopération.  Le Bélarus, qui a salué la coopération de l’Iran avec les organes conventionnels sur les droits de l’homme, a dénoncé à son tour le caractère unilatéral et imposé de tels mandats et a demandé au Rapporteur spécial pourquoi il ne s’opposait pas aux mesures coercitives unilatérales contre l’Iran, qui sont contraires à la Charte de l’ONU et violent les droits des Iraniens.  La République arabe syrienne, qui rejette l’utilisation des enceintes et mécanismes des Nations Unies pour cibler certains pays, a souhaité savoir comment le Rapporteur spécial abordait la décision des États-Unis de se retirer de l’accord passé par l’Administration précédente et comment il appréhendait les sanctions contre l’Iran au regard de la situation des droits de l’homme.

Le Burundi a, lui aussi, salué la coopération de l’Iran avec les mécanismes de l’ONU et s’est dit préoccupé par une tendance à utiliser la Troisième Commission à des fins politiques.  Pour analyser la situation des droits de l’homme de manière objective, l’ONU dispose d’un mécanisme adéquat: l’Examen périodique universel (EPU).  La République populaire démocratique de Corée (RPDC) s’est, une nouvelle fois, dite opposée à toute procédure spécifique et a estimé que l’Iran avait obtenu des résultats excellents en matière de défense de sa population sur le plan économique et social, alors même qu’il fait l’objet de sanctions très dures qui interdisent notamment l’importation de médicaments et constituent une violation des droits de l’homme, ce qui devrait être traité de manière prioritaire par le Rapporteur spécial.

La Chine a plaidé pour un dialogue constructif entre les pays sur la base d’un respect mutuel.  Opposée, elle aussi, par principe aux rapports de pays, elle a affirmé comprendre les défis rencontrés par l’Iran en tant que pays en développement et a salué ses efforts dans le domaine des droits humains.  La Fédération de Russie a estimé que l’attention portée à l’Iran était exagérée et contraire aux principes fondamentaux de coopération entre les États.  Plutôt que de produire des rapports discrédités, la communauté internationale devrait plutôt attirer ce pays vers un dialogue sur les droits de l’homme, alors même que l’Iran a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de coopérer avec les organes conventionnels de l’ONU.

L’Union européenne s’est dite encouragée par l’engagement pris par l’Iran sur la question des droits de l’homme mais a fait part de sa préoccupation sur certains cas.  Elle a souhaité en savoir davantage sur la situation concernant la peine de mort, notamment à l’encontre des mineurs.  De même, elle a interrogé le Rapporteur spécial sur les activités de journalistes qui ont fait l’objet d’attaques et demandé plus de précisions sur la situation des femmes et des filles dans ce pays. 

Plusieurs autres pays occidentaux, notamment européens, ont rappelé leur opposition de principe à la peine de mort et se sont alarmés de la poursuite d’exécutions, en particulier de mineurs.  Ainsi, l’Allemagne, si elle salue la baisse du nombre des exécutions et les efforts d’accueil des réfugiés afghans dans le pays, juge que la situation reste inquiétante au regard du nombre élevé des exécutions de mineurs et exhorte l’Iran à y remédier.  Elle a aussi appelé le pays à respecter ses obligations internationales en matière de droits de l’homme pour les personnes détenues.  Enfin, elle a demandé à M. Rehman d’évaluer ses possibilités de se rendre dans le pays.  De même, la République tchèque et la Norvège se félicitent de la baisse des exécutions et des amendements apportés à la législation antidrogue, mais restent préoccupées par la poursuite des exécutions, notamment des mineurs, et par les atteintes à la liberté d’expression.  La Norvège s’inquiète en outre de l’absence de respect des procédures judiciaires et de la répression contre la presse et les défendeurs des droits de l’homme et a demandé à M. Rehman comment il comptait agir sur ces sujets alors qu’il n’a pas la possibilité de se rendre en Iran.

La Suisse s’est félicitée des premiers échanges entre M. Rehman et les autorités iraniennes, mais a elle aussi condamné la poursuite des exécutions et réitéré son appel aux autorités pour qu’elles respectent la Convention relative aux droits de l’enfant et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Appelant l’Iran à instaurer immédiatement un moratoire officiel sur la peine de mort, la Suisse a demandé au Rapporteur spécial comment il comptait encourager le pays à interdire les exécutions de personnes âgées de moins de 18 ans au moment de l’infraction. 

Encouragé par les différents progrès réalisés par l’Iran, notamment par la baisse significative des exécutions, le Canada reste toutefois, lui aussi, préoccupé par l’exécution de mineurs ainsi que par les détentions arbitraires et les discriminations à l’encontre des femmes et des minorités religieuses.  Il a demandé au Rapporteur spécial comment il entendait intégrer les données de l’Examen périodique universel (EPU) dans ses travaux.  Pour sa part, le Royaume-Uni est préoccupé par le traitement réservé aux membres de minorités religieuses et aux manifestants.

Les États-Unis ont exhorté l’Iran à autoriser M. Rehman à se rendre dans le pays afin qu’il puisse exercer son mandat sans entrave.  Ils ont aussi condamné la répression des manifestations de décembre 2017 et l’arrestation de milliers de personnes, avec les mauvais traitements que cela a entraînés.  Ils ont enfin exprimé leur inquiétude quant à la détention de 800 personnes qui attendent dans des prisons de pouvoir exercer leurs libertés fondamentales. 

Le Japon a rappelé qu’il avait participé aux efforts de l’Iran dans le domaine des droits de l’homme et a dit s’attendre à de nouveaux progrès concernant les minorités religieuses grâce à l’amendement apporté au Conseil islamique.  Sur un plan général, il a demandé quels conseils le Rapporteur spécial pourrait donner pour faire progresser les droits des femmes et des minorités religieuses en Iran.

Réponses

Dans ses réponses, M. JAVAID REHMAN a d’abord expliqué la nature de son mandat, issu du droit international des droits de l’homme.  Son mandat est « très clair », surtout si vous « regardez ma méthodologie », a-t-il affirmé.  Il lui permet de parler à tous les interlocuteurs, qu’ils soient étatiques ou non étatiques.  De plus, a-t-il insisté, il dispose d’un « code de conduite » qui est « très strict » et qu’il suit dans la transparence la plus totale.  Ce qui est important, pour lui, est bien le « contenu » et non la « source ».

S’agissant de la question des exécutions de mineurs, une des principales préoccupations évoquées par les différentes délégations, M. Rehman a fait observer que l’Iran est probablement le pays qui a exécuté le plus de mineurs durant ces 10 dernières années, y compris cinq depuis le début de cette année.  Il a rappelé que le Code pénal islamique maintient la peine de mort pour les garçons à partir de 15 années lunaires et les filles âgées d’au moins 9 années lunaires pour les infractions qui relèvent du qisas (loi du talion) ou celles appelées houdoud, telles que l’homicide et l’adultère.  À cet égard, il a rappelé à l’Iran ses obligations dans le cadre de la Convention des droits de l’enfant.

Quant à la liberté d’opinion et d’expression, le Rapporteur spécial a évoqué l’interdiction du réseau social très populaire « Telegram ».  De même, il a fait part de son inquiétude vis-à-vis du harcèlement des employés du service en langue persane de la BBC et notamment le gel de leurs avoirs.  Concernant la situation des femmes et des filles, M. Rehman a rappelé que le mariage était légal à partir de 13 ans pour les filles. Il a aussi évoqué la situation des minorités notamment les baha’is.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs indiqué qu’il était en train d’examiner l’impact socioéconomique des sanctions unilatérales, qui sont pour lui une source de grave préoccupation.  En conclusion, il a dit attendre une réponse à sa demande écrite de visiter le pays et réitéré son souhait d’engager un dialogue avec le pays.

Déclaration liminaire

Mme SHEILA B. KEETHARUTH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, a rappelé que c’était la sixième et dernière fois qu’elle se présentait devant la Troisième Commission, puisque ses fonctions prendront fin à la fin du mois.   Elle a rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait prolongé, en juillet, son mandat d’un an et que son successeur avait déjà été nommé.

La Rapporteuse spéciale a ensuite félicité les dirigeants érythréens et éthiopiens pour la Déclaration conjointe de paix et d’amitié signée le 9 juillet 2018, nourrissant les espoirs d’une issue possible à la situation de « ni guerre ni paix » existant entre les deux pays et d’un impact positif sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, un pays qui, a-t-elle rappelé, a été élu membre du Conseil des droits de l’homme pour la période 2019-2021.

Faisant état de la situation des droits de l’homme dans le pays, Mme Keetharuth a expliqué que le contexte institutionnel et légal n’avait pas changé et que le pays n’avait toujours pas, entre autres, de constitution, de justice indépendante, d’assemblée législative pour débattre des questions d’importance nationale et adopter des lois, ni de systèmes de contre-pouvoir protégeant les citoyens d’un exercice excessif du pouvoir de l’État.  Elle a également fait état de l’absence de liberté de la presse et d’espace d’expression des citoyens, ainsi que du non-respect de l’état de droit et de la faiblesse des institutions. 

Concernant les violations et abus des droits de l’homme, la Rapporteuse spéciale a noté la persistance des tendances aux détentions arbitraires, morts en détention, disparitions forcées, infractions au droit à la liberté d’expression et de religion.  En fait, les violations des droits de l’homme largement documentées par la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée se poursuivent.  Les arrestations de masse sont pensées pour instiller la peur, les prisonniers ne sont pas autorisés à exercer leurs droits fondamentaux pour remettre en cause la légalité de leur détention et les membres de la famille des détenus n’étaient pas informés de ces arrestations.  La Rapporteuse spéciale a cité de nombreux exemples.

Avec la réouverture de la frontière entre l’Éthiopie et l’Érythrée, des centaines d’Érythréens, en majorité des femmes et des enfants, ont franchi la frontière et se sont rendus dans des centres installés en Éthiopie le long de la frontière, a déclaré la Rapporteuse spéciale.  L’Éthiopie a indiqué qu’elle respecterait son obligation internationale de non-refoulement suite aux craintes exprimées par les réfugiés, car, malgré l’ouverture de la frontière, les Érythréens ne sont toujours pas autorisés à quitter leur pays sans un visa de sortie.  Mme Keetharuth a également rappelé que ceux qui fuient le régime pour échapper le service militaire obligatoire et sans limite de temps ou à cause de la situation économique du pays, encourent toujours le risque de se faire emprisonner ou pire, abattre.  Elle s’est aussi inquiétée du sort des réfugiés érythréens en Libye, reçus dans des centres de détention aux conditions inférieures aux normes internationales.

La Rapporteuse spéciale a rappelé que l’Érythrée devra passer, en 2019, son Examen périodique universel (EPU) dans le cadre du troisième cycle de cette procédure.  Elle a rappelé que, lors des deux premiers cycles, l’Érythrée avait « pris note » respectivement de 15% et 54% des recommandations qui lui avaient alors été présentées, et qu’elle en avait accepté respectivement 50% et 46%.  Toutefois, a fait observer Mme Keetharuth, il est impossible de savoir dans quelle mesure les recommandations acceptées ont été mises en œuvre.  Alors que l’Érythrée va devenir pour trois ans un membre du Conseil des droits de l’homme, le processus de l’EPU n’en prend que plus d’importance pour elle, a-t-elle estimé.

Mme Keetharuth a dit avoir pris note de l’élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme et des engagements volontaires qu’elle a souscrit à cette occasion.  Elle a estimé que le pays devrait donc, notamment, assumer ses responsabilités pour protéger et promouvoir l’ensemble des droits de l’homme, prendre en considération les recommandations qui lui ont été adressées par la Commission d’enquête sur les droits de l’homme dans le pays, coopérer avec les mécanismes de droits de l’homme, inviter les titulaires de mandat de procédures spéciales à se rendre dans le  pays, protéger de toute intimidation ou représailles des survivants de violations des droits de l’homme et ceux qui coopèrent avec les organes relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies et faire concrètement et de manière tangible progresser les droits de l’homme sur le terrain.

Enfin, rappelant que la paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée devait être dûment célébrée, la Rapporteuse spéciale a souhaité qu’elle se traduise pour les Érythréens par une amélioration de la situation des droits de l’homme.

Déclaration

Intervenant au titre de pays concerné, M. SAID (Érythrée) a commencé par affirmer qu’en matière de droits de l’homme, un partenariat international mené au travers d’un dialogue constructif était la meilleure voie, et non la politisation, la sélectivité et la stigmatisation.

Alors que la paix apparaît dans la Corne de l’Afrique, les Érythréens sont optimistes, après des années de résilience face à l’adversité, a poursuivi le représentant.  Pour M. Said, l’état d’esprit est positif et les diverses ressources employées de manière justifiée pour maintenir la paix et la sécurité pendant des décennies seront redirigées vers d’autres secteurs vitaux afin d’accélérer le progrès socioéconomique, consolider l’état de droit et renforcer les institutions.  « Nous sommes déterminés à accélérer nos efforts pour que la paix, la sécurité et la justice prévalent », a-t-il affirmé.

Le représentant a toutefois rappelé l’impact négatif des sanctions sur la pleine jouissance des droits de l’homme, qui ne saurait être sous-estimé.  Ces sanctions portent aussi atteinte à la coopération et à l’intégration régionales.  M. Said a donc appelé la communauté internationale et le Conseil de sécurité à mettre fin aux sanctions « injustifiées ».

Quant aux droits de l’homme, c’est l’Examen périodique universel qui est le meilleur outil pour aborder la question de manière constructive, a encore affirmé le représentant, qui a conclu en remerciant les pays qui avaient placé leur confiance en l’Érythrée et voté en sa faveur lors de l’élection au Conseil des droits de l’homme.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec Mme Sheila B. Keetharuth, les Comores ont, au nom du Groupe des États d’Afrique, estimé que les droits de l’homme devraient être abordés de manière juste et équitable et qu’à cet égard, l’Examen périodique universel (EPU) restait la seule procédure équitable permettant de mesurer l’évolution des droits de l’homme dans tous les pays.  Pour le Groupe des États d’Afrique, les rapports spécifiques ne servent pas cet objectif.  Le Groupe salue les différentes mesures prises par le Gouvernement érythréen dans le domaine des droits de l’homme et invite la communauté internationale à reconnaître cette évolution et à soutenir les efforts en cours.  De même, le Burundi a salué la coopération de l’Érythrée avec les mécanismes des Nations Unies et l’accord signé avec l’Éthiopie, qui contribuera à la stabilité dans toute l’Afrique de l’Est.  Pour ce pays, la communauté internationale devrait prendre acte des progrès réalisés par l’Érythrée et le Conseil des droits de l’homme devrait notamment s’abstenir de toute prise de position politisée, qui ne contribue pas à un dialogue constructif et apaisé.

Plusieurs autres délégations ont, une nouvelle fois, rappelé leur opposition de principe aux mandats de pays.  La République islamique d’Iran a en particulier dénoncé le chevauchement résultant de l’examen à la Troisième Commission de ces questions avec la procédure de l’EPU et le Conseil des droits de l’homme à Genève.  Cuba a répété que ce type d’examen n’était pas compatible avec l’esprit de dialogue qui devrait présider aux travaux de la Troisième Commission.  La Fédération de Russie a constaté que l’examen du rapport se faisait sur un plan politique et ne pouvait contribuer à l’amélioration de la situation des droits de l’homme dans ce pays.  C’est de façon constructive et avec la pleine participation de pays concerné que ces questions doivent être examinées, le meilleur mécanisme à cet égard étant l’EPU.  Quant à la Chine, elle a réaffirmé son souhait d’un dialogue constructif dans le domaine des droits de l’homme et a estimé que la communauté internationale devrait reconnaître les progrès accomplis dans ce domaine par l’Érythrée et lui apporter une aide afin que le pays puisse renforcer ses capacités. 

L’Éthiopie a estimé que les développements survenus dans la Corne de l’Afrique portaient des promesses d’amélioration pour la situation des droits de l’homme dans la région.  Elle salue les efforts déployés sur ce plan par l’Érythrée, notamment dans sa mise en œuvre des recommandations issues de l’Examen périodique universel.  Elle encourage le Gouvernement érythréen à poursuivre ses réformes et encourage, dans ce cadre, la protection des droits de l’homme.

La Suisse a salué la signature de l’accord de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie, jugeant qu’il ne pouvait être que bénéfique pour la stabilité dans la région.  À la suite à ces développements prometteurs, elle a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles devraient être les priorités et opportunités pour renforcer le respect des droits de l’homme en Érythrée.  Saluant, elle aussi, l’accord de paix, l’Union européenne s’est dite prête à apporter un soutien pratique dans le cadre de la réforme du service national érythréen.  Mais l’Union européenne reste préoccupée par la situation des droits de l’homme en Érythrée et espère que son élection au Conseil des droits de l’homme s’accompagnera d’un respect de ses responsabilités en la matière.  Appelant le Gouvernement érythréen à offrir un accès illimité à la Rapporteuse spéciale, l’Union européenne l’a aussi exhorté à faire des réformes juridiques et institutionnelles pour faire progresser les droits de l’homme.

Après avoir rappelé son appui au mandat de la Rapporteuse spéciale, l’Allemagne a pris note, elle aussi, de l’évolution positive dans la région, mais s’est dite préoccupée par le peu d’amélioration de la question des droits de l’homme dans le pays.  Elle a invité le Gouvernement à faire preuve de volonté politique en prenant des mesures concrètes, notamment en mettant fin au service militaire obligatoire de durée indéfinie ainsi qu’aux détentions arbitraires et aux mauvais traitements à l’égard des prisonniers.  Pour la République tchèque, qui salue les efforts accomplis par l’Érythrée, des réformes sont encore nécessaires sur la voie de la démocratie.  En ce sens, la prochaine étape devrait être l’organisation des premières élections pluralistes depuis plus de 20 ans.  Après avoir, à son tour, estimé qu’il fallait encourager l’Érythrée à intensifier ses efforts pour permettre la jouissance des droits de l’homme à toute la population, la Grèce a appelé le Gouvernement à respecter les droits de propriété, notamment ceux des communautés étrangères installées dans le pays.

S’il reste préoccupé par la situation des droits de l’homme en Érythrée, le Royaume-Uni considère néanmoins que l’évolution dans la région donne des possibilités au Gouvernement.  Il attend avec impatience de pouvoir se pencher, début 2019, sur l’Examen périodique universel de l’Érythrée, afin de constater l’évolution du pays.  Le Royaume-Uni aimerait aussi savoir comment l’Érythrée pourrait utiliser son élection au Conseil des droits de l’homme pour intensifier ses réformes.

Pour les États-Unis, l’amélioration de la situation en Érythrée devrait permettre de réduire le nombre de personnes qui fuient le pays chaque mois.  Les États-Unis exhortent le Gouvernement à respecter ses obligations découlant du droit international afin que les jeunes soient en mesure de choisir leur carrière et puissent participer au développement socioéconomique du pays.  Ils demandent aussi la libération des personnes arrêtées de manière arbitraire.  Saluant l’accord conclu entre l’Érythrée et l’Éthiopie, ils aimeraient, eux aussi, savoir si ce rapprochement est susceptible d’entraîner une amélioration de la situation des droits de l’homme. 

Réponses

Dans ses réponses, Mme SHEILA B. KEETHARUTH a dit voir dans l’accord de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée un « potentiel de changement » qui doit être exploité dans l’intérêt de tous les pays concernés.  Or, a-t-elle insisté, les différentes violations mentionnées dans sa présentation sont récentes.  Il y a une longue liste illustrée par des arrestations de masse: ce sont des pratiques qui doivent changer et l’Érythrée se doit d’assumer ses responsabilités en matière de promotion de ses droits conformément à ses obligations internationales.  Or, à ce stade, la Rapporteuse spéciale « n’a rien perçu ».

Dès lors, que faire? s’est interrogée Mme Keetharuth.  D’abord, ouvrir les prisons, a-t-elle affirmé.  C’est pour elle une priorité, et les familles doivent être informées sur la situation des leurs.  Des personnes sont en prison depuis 1994, s’est-elle scandalisée, citant le cas de témoins de Jehova qui avaient alors 20 ans.

Quant aux conditions de détentions, elle a invité le Gouvernement de l’Érythrée à mettre en pratique les Règles Nelson Mandela pour le traitement des détenus.

S’agissant de son accès au pays, la Rapporteuse spéciale a estimé que l’élection de l’Érythrée au Conseil des droits de l’homme devrait en principe le faciliter.  Cela dit, a-t-elle insisté, le non-accès ne l’a jamais empêchée de mener à bien sa mission.

Mme Keetharuth s’est dite en accord avec le Groupe des États d’Afrique pour estimer que les droits de l’homme devaient être abordés dans une approche non sélective, avant d’ajouter: « c’est ce que j’ai fait notamment au cours des six dernières années ».  La Rapporteuse spéciale a en outre expliqué qu’elle aurait aimé donner davantage de précisions sur le potentiel de l’EPU, soulignant qu’un rapport à mi-parcours était en cours de rédaction mais qu’elle n’avait pas eu l’occasion de le consulter.  Elle a également évoqué le service militaire obligatoire en appelant à sa réduction. 

Enfin, Mme Keetharuth a vu des raisons d’être optimistes au regard des évolutions actuelles, mais a ajouté que les Érythréens attendaient toujours.  Elle a, en conclusion, attiré l’attention sur les quelque 9 000 personnes qui ont traversé la frontière depuis son ouverture en demandant: « Que fuient-elles, puisqu’elles ne peuvent fuir la paix? ».

Déclaration liminaire

M. MIKLÓS HARASZTI, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, qui présentait son dernier rapport après six années en tant que Rapporteur, a tout d’abord regretté de ne pouvoir faire état d’améliorations de fond par rapport à sa dernière présentation.  Hélas, a-t-il dit, la plupart des raisons qui ont motivé l’établissement de ce mandat, il y a six ans, sont toujours valables aujourd’hui et certaines se détériorent.

Selon M. Haraszti, le triste sort réservé à la liberté d’expression est l’une des principales caractéristiques de l’oppression des droits de l’homme à l’échelle du système bélarussien.  Il a ainsi déploré que les amendements à la loi sur les médias du 14 juin, qui entreront en vigueur le 1er décembre, mettent fin à l’anonymat des publications dans les médias en ligne et imposent l’enregistrement de toutes les plateformes en ligne.  Ces restrictions, a-t-il dit, ferment le dernier espace public où la liberté d’expression était relativement possible, compte tenu du contrôle quasi-total de la parole dans les médias hors ligne, lesquels appartiennent pour la plupart à l’État.  M. Haraszti a aussi dénoncé la répression ciblée lancée au début d’août dernier contre les médias, qui a conduit à l’arrestation d’au moins 16 journalistes indépendants sous prétexte qu’ils échangeaient leur mot de passe pour accéder à un service de presse géré par l’État.

De même, a poursuivi le Rapporteur spécial, la liberté de réunion pacifique continue d’être appliquée de manière très restrictive au Bélarus.  Sans autorisation, nul ne peut organiser une réunion pacifique ni même un piquet composé d’une personne.  La semaine dernière, le 14 octobre, la police a arrêté 14 personnes qui manifestaient pacifiquement contre la construction d’une usine de piles à Brest, a-t-il indiqué, précisant que certains se sont vu infliger des amendes, d’autres des peines de prison, ce qui, selon lui, illustre la réalité quotidienne des citoyens qui souhaitent exercer leurs droits.

M. Haraszti a ensuite évoqué les « infâmes violations systémiques », notamment du droit à des élections libres et du nécessaire pluralisme dans la vie politique.  Après 20 ans, a-t-il relevé, deux membres symboliques de l’opposition ont été désignés pour siéger au Parlement, ce qui ne peut en rien changer le manque de représentation réelle des différents points de vue au Parlement national.  De plus, a fait remarquer le Rapporteur spécial, les autorités s’en tiennent obstinément à la domination par l’État de l’économie.  Une participation de 70 à 80% du Gouvernement va de pair avec la suppression des droits sociaux et des droits des employés, y compris le droit des syndicats à s’organiser.  Sur le plan individuel, a-t-il souligné, la domination de l’État empêche les employés de quitter leur emploi et relève presque du travail forcé.

Le Bélarus reste par ailleurs le seul pays d’Europe et de l’ex-Union soviétique à nier le droit à la vie et à appliquer la peine de mort, avec de fréquentes exécutions, a poursuivi M. Haraszti, pour qui il est particulièrement regrettable que le pays ne tienne pas compte des mesures provisoires ordonnées par le Conseil des droits de l’homme, qui ont pour objet de contribuer au rétablissement d’une procédure régulière dans les cas de peine capitale.

L’examen récent par le Conseil des droits de l’homme du rapport du Bélarus, le premier de ces 21 dernières années, aurait pu être l’occasion pour les autorités bélarussiennes de faire état des progrès qu’elles prétendent avoir accomplis, a encore commenté le Rapporteur spécial.  Or, au-delà d’un simple engagement formel, les réponses aux questions posées n’ont révélé aucun résultat tangible, a-t-il résumé, indiquant notamment qu’aucune explication n’avait été présentée quant au non-respect des mesures provisoires adoptées par le Conseil pour les personnes condamnées à mort.  La seule évolution positive des droits de l’homme au cours des six dernières années concerne la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a-t-il conclu, évoquant par ailleurs la création d’un mouvement politique, « Tell the Truth », dénué toutefois du droit de présenter des candidats de son propre chef.

Déclaration

Au titre de pays concerné, Mme VASILEVSKAYA (Bélarus) a fait valoir que ce rapport spécifique allait contre les principes des Nations Unies relatifs au dialogue et au respect mutuel entre les États.  Malgré les efforts insensés qu’il a déployés en ce sens, le Bélarus ne ressent plus aujourd’hui le besoin de s’impliquer dans la « farce » qui est à l’origine de ce mandat, a-t-elle ajouté.

Voilà pourquoi nous avons demandé à certains États de renoncer à intervenir pour ne pas participer à ce chantage, a poursuivi la représentante.  Notre pays ne correspond pas à la situation présentée, a-t-elle insisté, jugeant que le mandat de Rapporteur spécial sur le Bélarus n’était plus nécessaire.  En effet, a-t-elle poursuivi, les indications selon lesquelles nous ne coopérerions pas ne correspondent pas à la réalité.  Nous ne cachons rien et respectons les droits fondamentaux, a assuré Mme Vasilevskaya, soulignant que son pays était un pays ouvert où peuvent entrer sans visa les ressortissants de plus de 80 États.  « De quel visa avez-vous besoin si nos portes sont ouvertes? », a-t-elle lancé à M. Haraszti.

Il est indispensable de mettre fin aux confrontations dans les relations avec les États, a conclu Mme Vasilevskaya, qui a jugé intolérable d’exploiter les mécanismes visant à promouvoir et protéger les droits fondamentaux à des fins de manipulation politique.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Miklós Haraszti, la République arabe syrienne a appuyé la prise de position du Bélarus et réaffirmé son refus de toute politisation des mécanismes des droits de l’homme, accusant « certains pays » de s’en servir dans leur propre intérêt et pour attaquer d’autres États. 

Les États-Unis ont regretté le refus de coopération du Bélarus et l’absence de progrès dans les réformes électorales.  Ils lancent un appel au Gouvernement afin qu’il cesse de bloquer des agences de médias et respecte la liberté d’expression.  Ils sont en outre préoccupés par les restrictions excessives imposées à la société civile.

L’Union européenne a félicité le Rapporteur spécial pour ses travaux ces six dernières années, malgré le manque de coopération de pays concerné.  Constatant quelques éléments positifs, elle s’est néanmoins dite préoccupée par l’absence de progrès en matière de droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression.  Les prétendus progrès sont superficiels, il n’y a pas d’engagement de fond, a-t-elle déploré, observant que la situation n’a plus changé depuis 2011.  L’Union européenne appelle les autorités bélarussiennes à autoriser les acteurs de la société civile à participer aux activités de l’État et à faciliter l’accréditation des journalistes.  Elle demande aussi un moratoire sur l’application de la peine de mort comme première étape vers son abolition.  Évoquant, enfin, la tenue prochaine d’élections, l’Union européenne a voulu savoir quelles mesures positives pourraient contribuer à des réformes démocratiques au Bélarus.

La plupart des autres intervenants ont, à l’image de la Pologne, déploré le manque de coopération du Bélarus avec le Rapporteur spécial et se sont montrés inquiets tant de la poursuite de l’application de la peine de mort que des restrictions aux activités de la presse et de la société civile en général.  C’est le cas notamment de la Norvège, préoccupée par l’imposition de nouvelles condamnations à la peine de mort cette année encore, et qui demande un moratoire immédiat, première étape vers l’abolition, ou de la République tchèque, qui aimerait savoir quelles conséquences auront les récents amendements adoptés à la loi sur les médias.  L’Allemagne, qui note toutefois que le Rapporteur spécial a fait état de quelques améliorations, comme l’enregistrement d’organisations non gouvernementales et la création d’un mouvement politique, n’en déplore pas moins la situation d’ensemble.  Elle estime que le suivi de la situation des droits de l’homme par le Conseil des droits de l’homme restait nécessaire pour éviter de nouveaux reculs.  Évoquant l’impossibilité faite à M. Haraszti de se rendre dans le pays, elle a souhaité savoir en quoi cela avait entravé son travail.

La Lituanie, qui constate le refus obstiné du Bélarus de recevoir le Rapporteur spécial dans le cadre de son mandat, a par ailleurs dénoncé les restrictions mentionnées dans le rapport en matière de liberté d’expression.  Elle aimerait savoir comment la communauté internationale pourrait encourager le Bélarus à permettre un débat avec des militants et des défenseurs des droits de l’homme.  Le Royaume-Uni s’est dit préoccupé notamment par le traitement réservé à la communauté LGBTI.

Réponses

M. MIKLÓS HARASZTI a estimé que les propos de la délégation bélarussienne signifiaient que le pays ne voulait pas participer à cette discussion, que ce soit au Bélarus ou à l’extérieur du pays.  Mais, a-t-il fait remarquer, pour faire progresser les droits de l’homme, il faut discuter coopérer et s’impliquer.

En réponse aux questions des autres délégations sur les voies à suivre pour obtenir une telle coopération de la part du Bélarus, il a redit que la communauté internationale et les mécanismes des droits de l’homme des Nations-Unies devraient clairement dire que la coopération est la voie à suivre.  Il a également souhaité que ce mandat ne cède pas, à l’avenir, devant les forces de la non-coopération.  « La situation internationale sur le plan géopolitique peut changer à tout instant mais elle ne devrait pas changer notre détermination de dire au Bélarus qu’il doit s’acquitter de ses obligations internationales » a affirmé le Rapporteur spécial.

Des visites in situ, M. Haraszti a estimé qu’au-delà de démontrer l’ouverture et la volonté de coopérer, elles faciliteraient la coopération entre les différents acteurs des institutions des droits de l’homme au sein du pays.  « Ce mandat a justement été créé par l’ONU pour permettre au titulaire de mandat de faciliter cette coopération » a-t-il ajouté. 

Sur la peine de mort, M. Haraszti a estimé que le comportement du Bélarus était irrationnel: « C’est le seul pays en Europe à exercer cette prérogative antédiluvienne d’exécuter un de ces citoyens ».  Déplorant que tout le pouvoir soit exercé par l’Exécutif, il a néanmoins constaté qu’il suffirait dès lors d’une signature pour mettre un terme à la pratique de la peine de mort.  « Cela démontrerait que le pays est prêt à rejoindre la communauté internationale dans ce domaine et je trouve incompréhensible que le Président ne l’ait pas encore fait! », a-t-il ajouté.

À la question « très intéressante » de la Lituanie, M. Haraszti a expliqué que le droit à l’environnement était particulièrement important pour ce pays concerné par la catastrophe de Tchernobyl.  Il a souhaité que les limitations à la liberté de réunion ne soient plus appliquées aux citoyens qui défendent le droit à l’environnement. 

M. Haraszti s’est également associé aux préoccupations signifiées par certaines délégations quant aux droits de la communauté LGTBI.

Quant aux progrès et à la coopération que l’on pourrait espérer du pays avec le prochain titulaire du mandat, M. Haraszti a estimé qu’il faudrait « une révolution copernicienne » pour que le Bélarus reconnaisse que tous les citoyens étaient des titulaires de droits.  Il a insisté sur le fait qu’il fallait abolir l’article 190-1 du Code pénal du pays, qui permet de punir toutes les activités publiques non autorisées.  « C’est très oppressif », a-t-il commenté; « il faudrait reconnaître que se rassembler pour prendre la parole en public est un droit pour tout citoyen ».

S’il a reconnu que l’État avait droit à la clarté et la transparence quant à ceux qui exercent leur droit de réunion, le Rapporteur spécial a précisé en conclusion que l’État n’était pas pour autant en droit de le nier de manière arbitraire « comme c’est le cas depuis plus de 20 ans ».

Déclaration liminaire

M. BAHAME TOM MUKIRYA NYANDUGA, Expert indépendant chargé par le Secrétaire général d’examiner la situation des droits de l’homme en Somalie, qui présentait les résultats de sa cinquième mission dans le pays a salué le processus électoral de 2016/2017, une réalisation majeure en dépit des menaces des Chabab de les interrompre.

L’Expert indépendant a noté qu’au cours de la période examinée, le Gouvernement fédéral s’était engagé dans le processus d’adoption d’une Constitution permanente en prévision des élections de 2020.  Il a rappelé que la Somalie était actuellement régie par une Constitution provisoire adoptée le 12 août 2012.  Ce processus intérimaire a été marqué par une augmentation notable du nombre des femmes dans le Parlement, passant de 14% en 2012 à 24,7% en 2016, a-t-il fait observer.

Pourtant, et malgré la promotion de femmes à de hauts postes au sein du Gouvernement, les droits des femmes restent bafoués, en raison de la prévalence des violences basées sur le genre, a déploré M. Nyanduga, qui a cité de nombreux cas de viol impunis et mis en cause l’absence d’un système judiciaire et de législation adéquat.

Néanmoins, l’Expert indépendant a relevé les efforts entrepris dans ce sens, notamment au Puntland et au Somaliland, qui ont, d’ores et déjà, adopté une législation.  Le Cabinet fédéral a, pour sa part, adopté une loi sur l’offense sexuelle, en mai 2018, mais celle-ci fait face à une rude opposition des chefs religieux.

Les enfants aussi continuent de subir les violences en dépit de l’accession de la Somalie à la Convention relative aux droits de l’enfant, a fait observer l’Expert indépendant, qui a rappelé que les Chabab recrutaient sans cesse des enfants soldats et s’est fait l’écho de recrutement de quelque 300 enfants dont l’âge varierait entre 5 et 11 ans dans la région du Bas-Chébéli.  À cet égard, M. Nyanduga a salué le travail de l’UNICEF, ainsi que de la société civile, qui offrent des programmes de réhabilitation destinés aux enfants sauvés des mains de ces groupes.

Selon l’Expert indépendant, cette situation reflète l’absence de protection et de sécurité des enfants dans les zones sous le contrôle des Chabab.  Mais le recrutement des enfants par les forces de sécurité constitue aussi un motif de préoccupation, a ajouté M. Nyanduga.  Il a évoqué les menaces au droit à la vie posées notamment par les mines, en plus des nombreuses victimes des attaques des Chabab, d’opérations militaires menées par les forces de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), ou encore du fait des attaques de drones ou d’avions non identifiés, en plus des combats entre clans.

M. Nyanduga a souligné nombre de mesures adoptées par le Gouvernement pour améliorer la sécurité des personnes et la promotion des droits de l’homme.  Pour lui, la réforme de la justice et de la sécurité est la clef pour restaurer la loi et l’ordre dans le pays.

S’agissant justement de la sécurité, M. Nyanduga a fait part de sa préoccupation après la suspension, en septembre dernier, par les dirigeants des États fédérés du pays, de leur coopération avec le Gouvernement fédéral.  Quant à la justice, l’Expert indépendant a cité en exemple les cours mobiles mis en place par le Programme des Nations Unies pour le développement dans le sud du pays, où les infrastructures judiciaires ont été totalement détruites.

Par ailleurs, M. Nyanduga a fait état du processus en cours d’établissement d’une commission nationale des droits de l’homme.  Il a exhorté le Gouvernement à la rendre opérationnelle le plus tôt possible en lui allouant les ressources nécessaires et en lui garantissant une indépendance conformément aux Principes de Paris.

Pour finir, M. Nyanduga a souhaité que son rapport puisse contribuer aux efforts de la communauté internationale pour que plus jamais la Somalie ne retombe dans le statut d’État défaillant qu’il a été pendant 30 ans.

Déclaration

M. DHAKKAR (Somalie), au titre de pays concerné, a salué l’intervention de l’Expert indépendant, notant que son rapport mettait en avant les progrès accomplis tout en mettant en lumière les difficultés qui subsistent, la Somalie traversant des difficultés depuis près de 20 ans.

Malgré cela, nous avons progressé sur le front des droits fondamentaux et nous nous sommes engagés à poursuivre nos améliorations, notamment en renforçant la protection des droits des enfants et en créant un environnement constitutionnel et législatif propice aux femmes, a souligné le représentant.  De plus, a-t-il poursuivi, nous sommes fiers que nos femmes soient davantage représentées dans notre Parlement, leur taux de représentation étant passé de 14% à 25%, ce qui permet, selon lui, de ne pas avoir à rougir de la comparaison avec le reste du monde.

Insistant sur la nécessité de placer la question des droits de l’homme dans le contexte de situations de conflit qui perdurent, M. Dhakkar a constaté que des violations de ces droits étaient commises dans le monde entier, mais le plus souvent en cas de conflit armé.  Dans ce contexte, les communautés les plus vulnérables souffrent le plus, a-t-il déploré, estimant que la communauté internationale devrait se concentrer de façon plus visible sur la prévention, la gestion et la résolution des conflits. 

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Bahame Tom Mukirya Nyanduga, l’Union européenne a insisté sur l’importance de l’engagement pris dans le cadre du Forum de partenariat avec la Somalie.  Le relèvement du pays, après presque 25 ans de conflit, est en cours, s’est-elle félicitée, saluant le rôle de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), que l’Union européenne appuie.  Elle a par ailleurs exprimé sa préoccupation face aux violations des droits fondamentaux, notamment à l’égard des femmes, au recrutement d’enfants soldats et au recours à la peine de mort.  Insistant pour que soit respectée la liberté d’expression, l’Union européenne a exhorté les autorités somaliennes à renforcer l’état de droit et à lutter contre l’impunité.  Elle plaide aussi pour que soient accélérées l’adoption et la mise en œuvre d’une législation contre les violences sexuelles.  L’Union européenne aimerait savoir comment la communauté internationale pourrait accompagner la Somalie dans le soutien des droits fondamentaux.

Djibouti a rappelé que la Somalie a été élue au Conseil des droits de l’homme pour la période 2019-2021 et l’en a félicitée, formant le vœu que cette participation joue un rôle positif pour la situation dans le pays.  S’agissant du rapport, la délégation a voulu savoir quelles conséquences auraient un retrait prématuré de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) dans le domaine de la protection des droits de l’homme.  Elle a aussi demandé si des efforts de rationalisation de l’ONU pourraient accroître l’efficacité de ses activités en Somalie.

Le Royaume-Uni a mis l’accent sur l’importance de préserver les progrès à la suite au dernier Forum de partenariat sur la Somalie.  Félicitant le pays pour ses progrès dans le domaine des droits de l’homme, notamment au travers du processus politique et de la création d’un Ministère des femmes, il s’est toutefois dit préoccupé par le manque de responsabilisation des auteurs de violations des droits de l’homme.  Dans ce contexte, il a demandé comment l’ONU et la Mission d’assistance pourraient assurer une synergie avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Les États-Unis ont salué les progrès réalisés par la Somalie en matière de protection des droits de l’homme, notamment au travers d’efforts contre le recrutement d’enfants soldats dans les forces de l’armée et des milices.  Alors que le pays se prépare à ses premières élections crédibles, il est également crucial que les journalistes puissent exercer leur mission d’information sans entrave, ont-ils fait valoir.  Dans ce contexte, les États-Unis ont demandé à savoir comment le Gouvernement somalien était prêt à mettre en œuvre son plan « Une voix pour une personne » et contribuer à la tenue d’élections libres et transparentes.

Réponses

Dans ses réponses, M. BAHAME TOM MUKIRYA NYANDYGA a expliqué que l’amélioration de la situation des droits de l’homme, notamment dans les États fédérés, était « un véritable enjeu », étant donné qu’il fallait des ressources pour renforcer les capacités tant de l’État fédéral que des États fédérés.  Les secteurs de la justice et des droits de l’homme ayant été pris pour cible dans le conflit, il est impossible pour le Gouvernement de s’acquitter de ses fonctions dans ces domaines, a-t-il expliqué.

Reconnaissant les progrès faits par le Gouvernement fédéral depuis 2012, l’Expert indépendant a cependant regretté que des difficultés frappent encore le secteur de la justice.  « Il fut un temps où certains tribunaux militaires assumaient des fonctions de poursuites de civils » a-t-il expliqué.  Il a ensuite cité certaines améliorations, permises notamment grâce à l’assistance du Royaume-Uni, qui ont abouti à l’établissement, à Mogadiscio, d’un campus des tribunaux qui rassemble tous les acteurs du secteur de la justice, « un lieu sûr pour les procureurs, les magistrats, les juges, les policiers ».  M. Nyandyga a regretté que ce système n’ait pas été reproduit au niveau des différents États fédérés.

M. Nyandyga a expliqué que les systèmes traditionnels de justice mis en place par les anciens étaient efficaces, mais qu’ils traitaient parfois de questions pénales et que c’était pour cela que la communauté internationale devait aider à la réforme de la justice.  Il a expliqué que le système de justice traditionnelle était en train d’être institutionnalisé, notamment en incorporant certaines normes traditionnelles en une sorte de code.  « La Somalie, comme toute société traditionnelle, a une vraie richesse en termes de coutumes et nous essayons de codifier les lois positives et de garantir que les décisions des anciens soient mises en œuvre, notamment en enregistrant les décisions prises pour qu’elles soient suivies par le plus grand nombre » s’est-il félicité.  L’Expert indépendant a néanmoins noté que, sur des questions telles que les violences sexistes, les chefs traditionnels qui se chargent de ces dossiers ne rendent pas toujours la justice.  Il a cité le cas du Puntland.

M. Nyandyga a également rappelé la responsabilité « majeure » du Gouvernement somalien en termes de sécurité, notamment lorsque les responsabilités actuellement assurées en la matière par l’AMISOM seront transférées aux forces somaliennes.  Il a dit craindre que, « pour une raison ou une autre dans le cadre du calendrier fixé par le Conseil de sécurité, ce transfert ne soit pas complet tel qu’escompté ».  S’il constate que la communauté internationale déploie de nombreux efforts, l’Expert indépendant craint que, si l’AMISOM se retire avant que les forces somaliennes ne soient pleinement opérationnelles, il en résulte « de nombreuses difficultés pour le processus de démocratisation qui doit s’achever d’ici à 2019 ».

Déclaration liminaire

M. DOUDOU DIÈNE, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, a présenté son rapport final, qui a clôturé le second terme du mandat de sa Commission.  Il a regretté que le Gouvernement burundais ait déclaré persona non grata les membres de la Commission d’enquête et ait tenté de s’opposer à ce dialogue avec la Troisième Commission.

M. Diène a expliqué que sa Commission d’enquête avait recueilli près d’un millier de témoignages de victimes, témoins ou auteurs présumés de violation et d’atteinte aux droits de l’homme.  Il a noté que la Commission était le seul mécanisme international à même d’enquêter « de manière indépendante, impartiale et rigoureuse » sur la situation des droits de l’homme qui prévaut dans le pays.

Les témoignages collectés confirment la persistance de violations graves des droits de l’homme, a expliqué M. Diène, qui en a cité un certain nombre: exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, arrestations et détentions arbitraires, tortures et traitements cruels, inhumains ou dégradants, violences sexuelles et violations des libertés d’expression, d’association, de réunion et de circulation.

Les personnes visées étaient en majorité des opposants au Gouvernement et au parti au pouvoir ou encore des personnes perçues comme telles: membres ou sympathisants de partis politiques d’opposition, Burundais tentant de fuir le pays, journalistes et membres d’organisations de la société civile, a précisé le Président de la Commission d’enquête.  Son constat, a-t-il relevé, rejoint celui établi par le Conseil de sécurité dont les membres ont, dans une déclaration à la presse publiée le 22 août 2018, « fermemnent condamné toutes les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits commises au Burundi ».

La Commission d’enquête a également constaté que des membres, y compris haut placés, du service national de renseignement et de la police demeuraient les agents étatiques les plus impliqués dans les violations graves des droits de l’homme, a poursuivi M. Diène.  Celui-ci s’est aussi inquiété du rôle croissant des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir CNDD-FDD, dans le contrôle de la population et les violations des droits de l’homme, qui pour certaines sont constitutives de crimes contre l’humanité.  Il s’agit d’actes qui, pour la Commission d’enquête, entraînaient la responsabilité de l’État, puisque commis sous les ordres et la supervision d’agents étatiques.

M. Diène a déploré le climat d’appels à la haine et à la violence de la part d’autorités, et ce, dans l’impunité généralisée.  La Commission d’enquête a en effet conclu, après une étude détaillée, que « la justice n’est pas indépendante, et ce, depuis plusieurs années », ce qui fait douter de la capacité du système judiciaire burundais à poursuivre les auteurs des violations des droits de l’homme.  Il y a là un déficit que la Cour pénale internationale pourrait venir combler pour les crimes commis entre avril 2015 et octobre 2017, a suggéré M. Diène.

Enfin, M. Diène a estimé que ce contexte préjudiciable aux droits civils et politiques avait eu un « impact direct » sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels d’une grande partie de la population.  À ses yeux, le Burundi, qui était un pays en développement, est « redevenu un pays d’urgence humanitaire », où la population, en besoin d’abris, d’eau, d’hygiène, d’éducation, de nutrition, de protection et de soins de santé, est passée d’un million de personnes en février 2016 à plus de 3,5 millions au début 2018.  Il a également accusé le Gouvernement d’avoir aggravé la situation en augmentant les taxes, en créant de nouveaux impôts et en recouvrant de force des « contributions sans base légale », comme celle qui porte sur les élections de 2020.

M. Diène a conclu en jugeant urgent que le Gouvernement burundais fasse cesser les violations des droits de l’homme qui perdurent et en poursuivent les auteurs, et impératif qu’il coopère avec les instruments internationaux de droits de l’homme.  Pour lui, ces mesures « seraient particulièrement significatives dans le contexte de la préparation des élections de 2020 ».

Déclaration

Au titre de pays concerné, M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) a déploré que, plus de trois ans après la tentative de changement de régime par une insurrection et un coup d’État fomentés de l’extérieur en 2015, le pays continue de subir un « harcèlement politico-diplomatique sans précédent ».  Il a ainsi jugé que le rapport présenté à la Troisième Commission était « insultant et dénigrant », « conçu à l’image de ses auteurs », lesquels sont « téléguidés par un laboratoire étranger très bien connu depuis 2015 ».

Ce rapport est tellement honteux, a souligné le représentant, que ses auteurs n’ont pas daigné se réserver un minimum de professionnalisme, d’intégrité et de respect du principe du contradictoire et des règles des Nations Unies.  De fait, il a dénoncé des « allégations mensongères et erronées » contenues dans le rapport.  M. Shingiro a demandé à la Troisième Commission de ne « lui accorder aucun crédit ».  En outre, vu le caractère diffamatoire du rapport, le Burundi se « réserve le droit légitime de traduire en justice les auteurs » pour diffamation et tentative de déstabilisation du Burundi.

Au lieu d’accomplir sa mission techniquement, la Commission s’en écarte pour verser dans l’ingérence politique, notamment en s’attaquant au dernier référendum constitutionnel et à la justice burundaise, qui relèvent exclusivement du pouvoir régalien de l’État burundais, a poursuivi le représentant.  De façon générale, le rapport incrimine, selon lui, le Gouvernement burundais tout en couvrant « les crimes odieux de l’opposition radicale pourtant revendiqués publiquement ».  Il ne contient en revanche aucun paragraphe sur les crimes commis par les insurgés et les putschistes opérant sous le parapluie de certains acteurs extérieurs, a-t-il accusé.

Tout en réitérant son attachement au respect des droits humains, le représentant a rejeté la tendance dangereuse de certains pays à vouloir transformer certains organes de l’ONU en outil de pression politique et de régulation de la géopolitique des pays en développement en général, en Afrique en particulier.  Il a enfin signalé une divergence d’appréciation entre les organes onusiens, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général, via son Envoyé spécial, faisant état d’une situation nettement améliorée au Burundi, alors que le Conseil des droits de l’homme constate au travers de la Commission d’enquête une situation alarmante. 

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Doudou Diène, l’Union européenne a estimé que les conclusions de ce deuxième rapport étaient toujours aussi préoccupantes, certaines violations graves pouvant être constitutives de crimes contre l’humanité.  Renouvelant son appel à toutes les parties concernées pour qu’elles prennent en compte les recommandations du rapport, l’Union européenne a demandé à connaître l’opinion de M. Diène sur les perspectives pour la lutte contre l’impunité et l’ouverture d’une enquête sur le Burundi par la CPI.  L’Espagne a invité le Gouvernement du Burundi à coopérer avec le Conseil des droits de l’homme et ses mécanismes.  Elle lui demande de faciliter les visites de la Commission d’enquête et de lui apporter toutes les informations nécessaires.

La France a rappelé son attachement aux procédures indépendantes mandatées par le Conseil des droits de l’homme.  Elle respecte l’intégrité des procédures spéciales du Conseil et rejette toute forme d’intimidation contre ses membres.  Pour la France, l’amélioration de la situation au Burundi passe par la levée des suspensions d’organisations non gouvernementales internationales et la mise en œuvre des recommandations du rapport de la Commission d’enquête.  À ce sujet, elle a souhaité savoir comment les organisations régionales peuvent contribuer à une meilleure prise en compte des droits et lutter contre l’impunité au Burundi.

Le Luxembourg a jugé préoccupante la situation des droits de l’homme au Burundi, de même que le refus des autorités de travailler de bonne foi avec la Commission d’enquête.  Selon la délégation, les nombreux cas d’abus et de violations avérés sont suffisants pour que la communauté internationale assume ses responsabilités et prenne les mesures nécessaires pour permettre à la Commission d’enquête de poursuivre son travail.  La Slovénie a déploré le climat général d’impunité dans le pays.  Elle a souhaité savoir comment le Président de la Commission d’enquête qualifierait la situation des enfants en matière de droits de l’homme et de bien-être.

L’Italie et la Belgique ont estimé que la Commission d’enquête était le seul mécanisme permettant de se faire une idée sur la situation des droits de l’homme dans ce pays.

L’Allemagne a déploré l’absence de coopération entre le Burundi et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et s’est dite grandement préoccupée par la persistance de graves violations.  Elle a appelé le Gouvernement à tout mettre en œuvre pour élargir l’espace politique et travailler à un système inclusif en vue des élections de 2020.  Enfin elle a souhaité savoir ce que la communauté internationale peut faire pour appuyer la société civile et les défenseurs des droits au Burundi.  Également inquiète face à la situation des droits de l’homme au Burundi et à l’absence de coopération du Gouvernement avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et la Commission d’enquête, la Norvège a lancé un appel au Gouvernement afin que les organisations non gouvernementales puissent reprendre leurs activités sans restriction et que des élections libres aient lieu en 2020.

La République tchèque et les Pays-Bas ont salué l’adoption de la résolution sur la situation au Burundi par le Conseil des droits de l’homme au mois de septembre, qui proroge le mandat de la Commission d’enquête jusqu’en 2019.  En outre, les Pays-Bas aimeraient savoir ce que la Commission d’enquête pourrait tirer de la récente reprise des travaux entre le Gouvernement et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Le Royaume-Uni a reconnu les mesures prises pour lever certaines restrictions au Burundi et a appelé le Gouvernement à se fonder sur ces mesures pour engager de nouvelles réformes.  C’est vital pour les élections libres en 2020, a-t-il commenté, appelant les autorités du pays à rétablir sa coopération avec le Conseil des droits de l’homme de manière prioritaire et à garantir la mise en œuvre des Accords d’Arusha.

Les États-Unis ont exprimé leur préoccupation face aux violations et à la suspension d’ONG et de médias dans le but de limiter l’espace civil et politique.  Le refus du Gouvernement de coopérer avec le Haut-Commissariat est contraire à ses obligations internationales, ont-ils ajouté, avant de demander à M. Diène s’il avait constaté des modifications de l’environnement des droits de l’homme après la tenue du référendum. 

La Fédération de Russie a estimé que la tenue du référendum au Burundi relevait des affaires intérieures de l’État, constatant que les prévisions pessimistes de certains pays ne s’étaient pas concrétisées.  Ce sont aux Burundais de décider de leur sort en sachant qu’il n’y a pas d’autres moyens de sortir du conflit que par le dialogue et l’organisation d’une élection présidentielle libre.

Le Pakistan a estimé que le Gouvernement burundais coopérait avec les organes conventionnels et le Secrétariat de l’ONU, apportant ainsi la preuve de son attitude positive.  Soulignant que les droits de l’homme sont indivisibles et doivent être protégés collectivement, le Pakistan estime que c’est l’Examen périodique universel qui est le mécanisme le plus adapté pour traiter ces questions.  Pour l’Inde, qui a rappelé que la responsabilité des droits de l’homme repose sur l’État concerné, le mandat de la Commission d’enquête devrait être établi sur la base de la coopération et du dialogue, en respectant la souveraineté du pays.  Elle aussi estime que c’est l’EPU qui constitue l’outil adéquat pour examiner la situation des droits de l’homme dans un pays.

Le Maroc a lui aussi souligné la nécessité d’un dialogue constructif pour prévenir les violations des droits de l’homme.  Il estime que, dans le cas du Burundi, le Conseil des droits de l’homme a opté pour la confrontation en nommant une Commission d’enquête qui ne jouit pas du crédit nécessaire à son mandat.

Au nom du Groupe des État d’Afrique, les Comores ont estimé que le processus d’amélioration des droits de l’homme au Burundi ne pourra se faire que dans le cadre d’un dialogue franc et sincère.  Or, ont-elles constaté, la tendance actuelle vise à faire du Conseil des droits de l’homme un organe politique, ce qui compromet son mandat et sape les principes d’indivisibilité et d’interdépendance des droits fondamentaux.  Aucun État n’est en mesure de donner des leçons aux autres, ont insisté les Comores, jugeant que l’EPU constituait toujours le mécanisme permettant d’examiner les situations des pays de façon constructive.

Au nom du Mouvement des pays non alignés, le Venezuela a répété que les questions de droits de l’homme devaient être abordées dans le respect de la souveraineté des États.  Au nom de la cohérence entre les travaux du Conseil des droits de l’homme et la Troisième Commission, le Mouvement rappelle que l’EPU est le mécanisme le plus approprié pour traiter les questions des droits de l’homme sur la base d’un dialogue constructif.  Dans le même ordre d’idée, la Chine a fait valoir que le Burundi avait redoublé d’efforts pour assurer sa stabilité et que cela devrait être reconnu par la communauté internationale.  Elle a demandé à la communauté internationale de protéger la souveraineté du Burundi et de s’abstenir de toute politisation des questions liées aux droits de l’homme.

Plusieurs autres pays ont rappelé leur opposition de principe aux rapports spécifiques par pays et redit que l’EPU était le mécanisme idoine pour examiner la situation des droits de l’homme dans chaque État.  Ce fut le cas du Myanmar, pour qui le Gouvernement du Burundi devrait être en mesure d’améliorer la situation des droits de l’homme sur le plan national plutôt que d’être soumis à des pressions politiques de la part de la Commission d’enquête.  C’est le cas aussi du Bélarus qui rejette comme politiquement motivées les procédures spéciales et leurs rapports biaisés.  Cuba et la République populaire démocratique de Corée ont fait valoir des arguments semblables, alors que la République islamique d’Iran jugeait contre-productifs les mandats de pays, qui ne permettent pas, selon elle, un engagement constructif ni ne contribuent au dialogue nécessaire aux travaux de la Troisième Commission.

Réponses

Dans ses réponses, M. DOUDOU DIÈNE a rappelé que la Commission d’enquête qu’il dirige avait pour mandat, confié par le Conseil des droits de l’homme, de documenter les violations des droits de l’homme, d’identifier ses responsables et d’émettre des recommandations pour la promotion de la justice.  Il s’est attardé longuement sur les remarques faites par le représentant du Burundi selon lequel les membres de la Commission d’enquête seraient sous la coupe d’autres institutions de nature politique et sur l’annonce « grave » de ce dernier de poursuites pénales contre ces mêmes membres de la Commission, un discours qu’il a qualifié de « sans précédent ».

M. Diène a également tenu à se défendre des propos du représentant du Burundi qui l’accusait, en tant qu’Africain, de « vendre l’Afrique ».  Il s’est alors enquis du niveau auquel le Burundi mettait le principe d’universalité ainsi que le rôle des enquêteurs et juristes africains.  Il a dit noter avec attention les déclarations du Burundi, « indicatives de la gravité des questions que l’on a voulu montrer dans notre rapport ».

La Commission d’enquête a rédigé un rapport de 250 pages, s’est-il encore défendu, qui « n’est pas de la littérature, mais une enquête précise, minutieuse, factuelle et rigoureuse ».  Il a demandé au Burundi de lire le rapport et de lui indiquer quels étaient les points factuels non confirmés.  Il a également repris le Burundi, qui arguait que le seul lieu où la situation des droits de l’homme devait être légitimement débattue était l’Examen périodique universel, et a rappelé que le Burundi n’avait accepté que 120 recommandations sur les 250 émises lors du dernier cycle de l’EPU.

M. Diène a signalé attendre trois actes forts de la part du Gouvernement burundais après le référendum: l’arrêt ou la diminution des violations des droits de l’homme lors du processus électoral, qui est de nature à favoriser les actes de violence; le règlement de la question de l’impunité, parce que les violations des droits de l’homme perdurent et que leurs auteurs n’ont pas été punis; et la coopération du Burundi avec tous les mécanismes régionaux et internationaux mis en place sur la question des droits de l’homme.

M. Diène a signalé un oubli dans ce débat, celui de la question des réfugiés burundais, qui, en dehors des populations présentes sur le territoire, étaient les plus vulnérables.  « Contraints de quitter le pays pour des raisons diverses et se trouvant dans des conditions extrêmement difficiles, ils ne sont pas toujours traités avec dignité et respect » a-t-il déploré.  Il est donc important que la communauté internationale soit vigilante quant au respect des droits de l’homme des réfugiés et notamment que leur consentement soit pris en compte en cas de retour sur le territoire burundais.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.

Conseil de sécurité: une Mission d’enquête de l’ONU conclut à une « catastrophe planifiée » contre les Rohingya au Myanmar

8381e séance – après-midi
CS/13352

Conseil de sécurité: une Mission d’enquête de l’ONU conclut à une « catastrophe planifiée » contre les Rohingya au Myanmar

En dépit de l’opposition de certains de ses membres, le Conseil de sécurité a, cet après-midi, pu entendre l’exposé du Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, théâtre selon lui d’une « catastrophe planifiée » et d’un « système d’oppression institutionnalisé » s’exerçant contre la communauté musulmane des Rohingya, « de la naissance à la mort ».

Il a fallu en effet un vote de procédure pour permettre la tenue de cette séance, l’opposition de la Bolivie, de la Chine, de la Fédération de Russie et de la Guinée équatoriale n’ayant pas suffi pour bloquer la demande faite par neuf autres membres le 16 octobre dernier, alors que l’Éthiopie et le Kazakhstan se sont abstenus.

En invitant un mécanisme spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’une question relative à un pays en particulier à lui présenter un exposé, le Conseil de sécurité agirait de manière inédite.  Accéder à cette requête créerait un fâcheux précédent », avaient mis en garde les adversaires de cette réunion dans leur réponse

Avant de faire rapport la semaine prochaine à la Troisième Commission chargée des questions humanitaires, sociales et culturelles, le Président de la Mission d’établissement des faits, M. Marzuki Darusman, a donc pu présenter les principales conclusions d’un document de 444 pages sur les allégations de violations de droits de l’homme perpétrées au Myanmar, fruit d’une année d’enquête menée dans « un esprit d’objectivité et d’impartialité », ce qu’ont vivement contesté la Chine et la Fédération de Russie, rappelant que la Mission n’a pas été autorisée à se rendre au Myanmar. 

Si les attaques menées par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan ont sans aucun doute contribué à l’escalade et doivent être condamnées, M. Darusman a principalement mis en cause la Tatmadaw, l’armée du Myanmar, qui aurait procédé à des opérations de « nettoyage » dans une soixantaine de villages de l’État rakhine, et se serait rendue coupable de massacres à grande échelle, y compris de femmes, d’enfants et de personnes âgées, ainsi que de viols massifs en réunion, d’incendies et de pillages.  Selon des estimations « prudentes », au moins 10 000 Rohingya ont trouvé la mort à ce jour, plus de 725 000autres se sont exilés au Bangladesh voisin et au moins 392 villages ont été partiellement ou totalement rasés.

« Répandues et systématiques », « brutales et largement disproportionnées », ces violences répondent à un modus operandi qui constitue selon le Président de la Mission, un véritable « mode d’emploi » de la déstabilisation et de l’« extrémisme ».  Il a mis en cause une « chaîne de commandement très claire », qui agit dans une « impunité totale », à commencer par le chef d’état-major du Myanmar, Min Aung Hlaing. 

« Le rapport de la Mission confirme nos inquiétudes », a estimé le Myanmar, pour qui l’enquête s’appuie sur des entretiens avec des groupes spécifiques de personnes déplacées à Cox’s Bazar et d’autres recueillis auprès d’organisations non gouvernementales et de défense des droits de l’homme qui avaient, à l’en croire, « leur agenda ».  Le Myanmar a non seulement rejeté catégoriquement l’expression « intentions génocidaires », prêtées à la Tatmadaw dans le cadre de ses « opérations antiterroristes », mais a annoncé que Naypyidaw n’accepterait jamais un appel à la saisine de la Cour pénale internationale (CPI).

Car c’est bien cette saisine qui a été demandée aujourd’hui par le Président de la Mission d’établissement des faits, suivi sur ce point par les Pays-Bas, la France ou encore le Pérou.  M. Darusman a en outre demandé que le Conseil impose des sanctions individuelles ciblées contre les individus responsables de crimes graves, en particulier six généraux de la Tatmadaw identifiés dans son rapport.

Outre la lutte contre l’impunité, la France a invité le Conseil de sécurité à rester mobilisé autour de deux autres priorités: le soutien humanitaire aux Rohingya qui se trouvent encore dans l’État rakhine et aux réfugiés dans les camps du Bangladesh; et la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine.  Si le Myanmar a bien créé sa propre Commission d’enquête, il s’avère, a tranché le Royaume-Uni, que « celle-ci n’est ni indépendante, ni transparente, ni respectueuse des normes internationales, sans compter son refus de coopérer avec les autres mécanismes ».  « Jamais je n’ai pensé un jour », a-t-elle confié, « que j’assisterai dans ma carrière de diplomate à un débat de cette nature, après les génocides à Srebrenica et au Rwanda, contre lesquels le Conseil de sécurité avait mis du temps à réagir.  Cette fois-ci, le Conseil doit assumer ses responsabilités », a-t-elle tranché et envisager l’adoption d’une résolution, a ajouté le Bangladesh.

Pour ce dernier, la priorité est la garantie d’un retour volontaire et durable des réfugiés « en toute sûreté et dans la dignité » dans leur terre ancestrale.  Cette situation « complexe », ont souligné la Bolivie, la Chine et la Fédération de Russie ne saurait être réglée que par la voie politique et diplomatique entre Naypyidaw et Dhaka.  La Chine en a voulu pour preuve le retour imminent du premier contingent de rapatriés, à l’issue de la dernière réunion du Groupe de travail conjoint Myanmar-Bangladesh. 

LA SITUATION AU MYANMAR S/2018/926 ET S/2018/938

Vote sur la tenue de la réunion

Dans une lettre datée du 16 octobre 2018, adressée au Président du Conseil de sécurité (A/2018/926), la Côte d’Ivoire, les États-Unis, la France, le Koweït, les Pays-Bas, le Pérou, la Pologne, le Royaume-Uni et la  Suède, demandent au Conseil de tenir une réunion sur la situation au Myanmar pour que la présidence de la Mission d’établissement des faits sur le Myanmar informe officiellement ce dernier de la question, ce qui permettra de recevoir de plus amples renseignements sur la situation et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales.

Dans leur réponse contenue dans une lettre datée du 18 octobre 2018, adressée au Président du Conseil (S/2018/938), la Bolivie, la Chine, la Fédération de Russie et la Guinée équatoriale estiment qu’en invitant un mécanisme spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’une question relative à un pays en particulier à lui présenter un exposé, le Conseil de sécurité agirait de manière inédite.  En outre, soulignent-elles, il n’entre pas dans le mandat de la Mission d’établissement des faits de faire rapport au Conseil de sécurité.  Accéder à cette requête créerait un fâcheux précédent pour le Conseil et aurait de graves conséquences.  Cela affaiblirait également le mandat de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme, et empiéterait sur les travaux d’autres organes de l’Organisation des Nations Unies, un exposé de la Mission d’établissement des faits étant déjà programmé devant la Troisième Commission la semaine prochaine, rappellent ces délégations. 

C’est donc par 9 voix pour, 4 voix contre et les abstentions de l’Éthiopie et le Kazakhstan que le Conseil a accepté de tenir la réunion. 

Le représentant de la Chine a insisté sur le fait que la Charte des Nations Unies confie des mandats « clairs » à chaque organe des Nations Unies.  Elle ne dispose pas que des mécanismes de procédure spéciale concernant des pays spécifiques rendent compte de leur travail au Conseil de sécurité.  La Mission d’établissement des faits au Myanmar, en tant que mécanisme créé par le Conseil des droits de l’homme, n’a donc pas vocation à informer le Conseil, d’autant que le mandat qui lui a été confié ne le prévoit pas, a-t-il dit.  Le représentant a attiré l’attention sur ce « précédent ».

Son homologue de la Fédération de Russie a aussi vu un « précédent », en violation de la Charte et du mandat de la Mission d’établissement des faits.  Ceux qui ont demandé la tenue de cette réunion brisent le consensus observé jusqu’à ce jour sur le Myanmar, a souligné le représentant, estimant qu’il s’agissait jusqu’ici d’avoir une approche constructive pour résoudre la situation complexe dans l’État rakhine.  Or, a-t-il poursuivi, le rapport de la Mission est « nuisible » car il ne contient pas suffisamment d’informations pour pouvoir dire ce qui se passe exactement contre les Rohingya.  En conséquence, le représentant a dit ne voir ni l’utilité ni la valeur ajoutée qu’il y a à discuter de cette question au Conseil de sécurité, après que la Troisième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles s’en soit déjà saisie.  « Évitons les doublons et concentrons-nous sur la mise en œuvre des accords bilatéraux », a plaidé le représentant. 

Au nom de tous ceux qui ont demandé la réunion, la déléguée du Royaume-Uni a déclaré que le rapport de la Mission d’établissement des faits contient bien des informations sur les crimes internationaux les plus graves commis au Myanmar contre des populations civiles, en particulier les Rohingya.  Le rapport, a-t-elle ajouté, contient en outre des recommandations au Conseil de sécurité, l’organe, qui selon la Charte, est chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Or, ce qui se passe au Myanmar relève bien des questions de paix et de sécurité internationales, a-t-elle souligné pour justifier le soutien des pays comme le sien à la tenue de ce débat. 

Peu convaincu, le représentant de la Bolivie a rappelé qu’un mécanisme des droits de l’homme a été autorisé à présenter ses conclusions au Conseil de sécurité, lequel n’est pas l’enceinte habilitée à débattre de ces questions.  Notre position ne préjuge en rien de l’importance qu’elle attache à la situation au Myanmar, a précisé le délégué.

Déclarations

M. MARZUKI DARUSMAN, Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, a expliqué que les conclusions du rapport de 444 pages qu’il a présenté en septembre dernier au Conseil des droits de l’homme sur les allégations de violations de droits de l’homme perpétrées au Myanmar, sont le fruit d’une année d’enquête menée dans « un esprit d’objectivité et d’impartialité ».  Nous invitons quiconque prétendant que ce document est biaisé ou qu’il ne s’appuie que sur un seul type de sources à lire ces 444 pages, dans lesquelles figurent aussi une présentation détaillée de notre méthodologie, a-t-il lancé.  Notre rapport, a poursuivi M. Darusman, conclut que les récents développements dans l’État rakhine relèvent d’« une catastrophe prévisible et planifiée », une catastrophe qui aura « un impact sur plusieurs générations, peut-être même toujours », a-t-il mis en garde.

Il a fait état d’opérations de « nettoyage » menées par la Tatmadaw, l’armée du Myanmar, dans six villages, avec des massacres à grande échelle et autres meurtres de civils, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées; de viols massifs en réunion; de maisons incendiées et de pillages.  La Mission, a poursuivi le Président, a vérifié des opérations similaires dans 54 localités différentes dans le nord de l’État rakhine.  Plus de 725 000 Rohingya ont pris la fuite et au moins 392 villages ont été partiellement ou totalement détruits.  Les estimations selon lesquelles 10 000 Rohingya auraient été tués sont des estimations « prudentes », a souligné.  Les modus operandi des attaques « répandues et systématiques » sont d’une « similitude frappante ».  Si les attaques lancées par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan ont contribué à l’escalade et doivent être condamnées, les opérations des forces de sécurité doivent néanmoins être dénoncées comme brutales et largement disproportionnées.  Elles ont été menées au mépris complet de la vie et de la dignité humaines et en violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a souligné M. Darusman.

Ces crimes ont été commis sur fond de politiques et de pratiques mises en œuvre par l’État depuis des décennies et qui ont largement marginalisé les Rohingya, dans le cadre d’un « système d’oppression institutionnalisé » s’exerçant contre eux « de la naissance à la mort », a ajouté le Président.  Les déplacements massifs des populations et les villages incendiés ont été suivis de l’annexion des terres abandonnées.  Des villages entiers ont été rasés de même que toute trace des communautés Rohingya.  Celles qui sont restées dans l’État rakhine encourent des risques graves et les réfugiés de retour seraient condamnés à vivre comme des « sous-hommes » et à s’exposer à des meurtres de masse.  Aussi « horrible et intense » soit-elle, la situation des Rohingya ne doit pas être appréhendée séparément: la Mission a en effet trouvé des modus operandi similaires à l’œuvre dans d’autres États du Myanmar, en particulier ceux de Kachin et Shan, où des violations des droits de l’homme sont imputables à l’armée, principalement. 

L’armée du Myanmar est au cœur de la situation actuelle, a estimé le Président, qui a mis en cause une « chaîne de commandement très claire », qui agit dans une « impunité totale ».  Le Conseil de sécurité a le pouvoir de mettre fin à ce cycle de violences, a-t-il estimé.  Une prévention efficace dépend d’un bon établissement des responsabilités, a-t-il analysé.  « Une histoire d’atrocités, associée à l’impunité et à la fragilité des institutions publiques, est un élément déclencheur de violations supplémentaires. »  Malheureusement, ce « cocktail toxique » a prévalu et persisté trop longtemps au Myanmar, a constaté le Président. 

En l’absence d’un bon établissement des responsabilités, il ne saurait y avoir de retour durable, sûr et digne de ce nom des Rohingya qui sont au Bangladesh, a poursuivi M. Darusman.  Enfin, il ne saurait y avoir de réconciliation durable sans établissement des responsabilités, a-t-il insisté.  Les questions complexes de citoyenneté, le profond enracinement de la discrimination et de l’oppression et le manque de confiance entre communautés ne pourront être surmontés sans une approche basée sur l’état de droit et les droits de l’homme.  « Malheureusement, au Myanmar, la responsabilité doit venir de la communauté internationale », a constaté à regret le Président.  « Le Conseil de sécurité doit renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale ou tout autre tribunal international ad hoc », a-t-il pressé. 

Le Conseil devrait également imposer des sanctions individuelles ciblées contre les responsables des crimes graves, en particulier les six généraux de la Tatmadaw identifiés dans le rapport de la Mission, et en premier lieu le chef d’état-major Min Aung Hlaing.  Pour quiconque souhaiterait délibérément « provoquer un conflit et alimenter l’extrémisme », les évènements au Myanmar pourraient servir de véritable « mode d’emploi », a résumé le Président, avant d’exhorter l’ONU et le Conseil à « agir » de manière décisive.  Les Rohingya et le peuple du Myanmar, « de fait le monde entier », l’espère, a lancé M. Darusman au Conseil.

« À quoi servent les Nations Unies et le Conseil de sécurité s’ils doivent se garder d’intervenir lorsque de graves crimes sont commis par un État contre sa propre population? », s’est demandé Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni).  Mon pays, a-t-elle dit, constate bien que le Gouvernement du Myanmar ne met pas en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine que dirigeait feu Kofi Annan.  Parmi ces recommandations, la représentante a cité le retour volontaire, sûr et durable des musulmans rohingya.  La communauté internationale doit faire tout son possible pour atteindre cet objectif et il est primordial, a estimé la représentante, que le Conseil de sécurité se saisisse de cette question et ce faisant, honore son mandat et envoie, par la même occasion, un message clair à tous les gouvernements qui voudraient traiter leur population de la sorte.

La représentante a ajouté que si le Myanmar a bien créé sa propre Commission d’enquête, il s’avère que celle-ci n’est ni indépendante, ni transparente, ni respectueuse des normes internationales, sans compter son refus de coopérer avec les autres mécanismes.  Si elle veut qu’on lui fasse confiance, elle doit remplir ces conditions, a martelé la représentante.  Je n’ai jamais pensé un jour, a-t-elle confié, que j’assisterais dans ma carrière de diplomate, à un débat de cette nature, après les génocides à Srebrenica et au Rwanda, contre lesquels le Conseil de sécurité avait mis du temps à réagir.  Cette fois-ci, le Conseil doit assumer ses responsabilités, a-t-elle conclu. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a considéré que le rapport de la Mission d’établissement des faits était extrêmement préoccupant, rappelant que ses conclusions se fondaient sur 875 entretiens poussés avec des victimes et des témoins, qui ont démontré la dimension récurrente et systématique de l’action des Forces de sécurité du Myanmar.  Aussi est-il indispensable d’établir les responsabilités pour les crimes commis, le Conseil de sécurité devant renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale (CPI), a recommandé la représentante.  Selon elle également, le Conseil doit faire usage de tous les outils à sa disposition pour faire une véritable différence sur le terrain, y compris en établissant un régime de sanctions ciblées et en imposant un embargo sur les armes au Myanmar.  « Il est temps d’agir maintenant », a tranché Mme Grégoire Van Haaren.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a demandé à M. Darusman, d’informer le Conseil de sécurité sur la situation des Rohingya encore présents au Myanmar et des mesures prises par le Gouvernement pour les protéger.  « Les faits sont têtus et ne peuvent être tus », a-t-elle prévenu, réitérant son opposition à l’approche de certains membres du Conseil de sécurité qui plaident pour que l’on accorde plus de temps au Gouvernement du Myanmar.  Pourquoi? s’est demandé la représentante, estimant que la cause profonde de cette situation est le statut de « citoyens de seconde zone » des musulmans rohingya au Myanmar.  Énumérant quelques faits assimilables aux crimes graves attribués par le rapport de la Mission à l’armée du Myanmar, Mme Haley a dit qu’il ne s’agit pas d’indexer les uns ou les autres ou de répartir les responsabilités.  Mais, a-t-elle souligné, il est de la responsabilité du Gouvernement de protéger sa population et de traduire en justice les auteurs des crimes car, a-t-elle dit, du point de vue des États-Unis, la question du Myanmar est également une question de justice. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a indiqué que les 875 témoignages recueillis ainsi que la variété des sources d’information utilisées attestent de la solidité du travail de la Mission d’établissement des faits.  Il a souligné l’importance pour le Conseil de continuer à s’appuyer sur les travaux des procédures créées par le Conseil des droits de l’homme pour accomplir pleinement son mandat de maintien de la paix et la sécurité internationales. 

Le représentant a ensuite rappelé que depuis les violences d’août 2017, la France n’a cessé de souligner sa préoccupation et d’appeler à la mobilisation du Conseil de sécurité face à ce qui avait été qualifié de « nettoyage ethnique ».  Il s’est dit très préoccupé par les conclusions du rapport selon lesquelles des accusations de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, en particulier contre les Rohingya dans l’État rakhine et aussi dans les États Kachin et Shan, pourraient être retenues contre l’armée et les forces de sécurité birmanes.  Il a notamment cité la conclusion selon laquelle « sur la base de motifs raisonnables, des facteurs permettant d’établir l’intention génocidaire sont présents ».  Il a aussi évoqué les attaques et les violences sexuelles imputables à l’armée dans les villages, y compris contre des enfants, ce qui constituerait des violations graves du droit international humanitaire qualifiables de « crimes de guerre ». 

M. Delattre est aussi revenu sur la condamnation, le 3 septembre dernier, de deux journalistes de l’Agence Reuters à 7 ans de prison par la justice birmane alors qu’ils préparaient un reportage sur de graves allégations de violations des droits de l’homme dans l’État rakhine, dernier exemple selon M. Delattre, du climat de peur qui entrave les efforts d’enquête sur place. 

Le représentant a invité le Conseil à rester mobilisé autour de trois priorités: le soutien humanitaire aux Rohingya qui se trouvent encore dans l’État rakhine et aux réfugiés dans les camps au Bangladesh; la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission consultative qui avait proposé une feuille de route acceptée par le Gouvernement birman et endossée par le Conseil de sécurité.  Il a plus particulièrement réitéré l’importance des recommandations relatives à la question de la citoyenneté, de la révision de la loi de 1982, ainsi qu’à l’égalité des droits, y compris le droit d’accès aux services publics pour toute personne appartenant à la communauté rohingya. 

Comme troisième priorité, le représentant a cité la lutte contre l’impunité.  Il a rappelé la décision du 6 septembre de la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale concluant à la compétence de la CPI pour connaître de la déportation alléguée des Rohingya au Bangladesh.  Il a salué la décision de la Procureure de la CPI d’ouvrir un examen préliminaire sur ces allégations.  Il a aussi estimé importante la décision du Conseil des droits de l’homme de créer un mécanisme d’enquête indépendant et permanent et appelé à soutenir l’opérationnalisation rapide de ce mécanisme. 

M. BADER ABDULLAH N.  M. ALMUNAYEKH (Koweït) a constaté que, plus de 14 mois après le début des violences dans l’État rakhine, plus de 720 000 Rohingya avaient été déplacés à Cox’s Bazar, au Bangladesh, et que ces déplacements se poursuivent.  Le Gouvernement du Myanmar, a-t-il observé, n’a toujours pas répondu aux recommandations du Conseil de sécurité et de la Commission consultative visant à traiter des causes profondes de la crise, à mettre fin à la crise des réfugiés et à faciliter leur retour dans la sûreté et la dignité.  Selon le représentant, les causes profondes de la crise sont à chercher dans la manière dont les autorités traitent les Rohingya et appréhendent la question de leur citoyenneté.  L’établissement des responsabilités est d’une importance « capitale » s’agissant des allégations de crimes graves.  Le Conseil de sécurité, a-t-il recommandé, devrait envisager des mesures spécifiques et donner naissance à une « feuille de route » pour protéger la minorité rohingya. 

Force est de reconnaître, s’est résigné M. OLOF SKOOG (Suède), qu’en dépit du suivi du Conseil, peu de progrès ont été accomplis.  Car si une architecture « rudimentaire » pour le rapatriement des réfugiés a été mise en place, la situation en matière de sécurité et des droits de l’homme dans l’État rakhine est bien loin d’être correctement traitée.  Ainsi, plus de 100 000 personnes sont cantonnées dans des camps de déplacés.  Le Gouvernement ne les a pas fermés durablement.  La liberté de mouvement est toujours limitée de même que celle des médias.  Chaque mois, des centaines de Rohingya continuent de fuir vers le Bangladesh.  Le représentant a aussi dénoncé le fait que les recommandations de la Commission Annan sont peu ou pas appliquées et qu’il n’y a toujours pas de processus global pour résoudre la question de la citoyenneté.  Tout cela, a-t-il tranché, appelle à une action constante du Conseil et il faut surtout qu’un accès total et sans entrave soit accordé à l’ONU et à ses partenaires humanitaires dans l’État rakhine. 

Il faudrait mettre pleinement en œuvre, a ajouté la représentante, le mémorandum d’accord signé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Le représentant a aussi attiré l’attention sur le « new deal » proposé par feu Kofi Annan pour créer les conditions nécessaires au retour des réfugiés d’une manière sûre, volontaire et durable.  Il a en outre conseillé d’envisager tous les moyens pour garantir l’établissement des responsabilités pour les crimes commis.  Il a enfin plaidé pour plus de financements pour les camps de réfugiés aux alentours de Cox’s Bazar au Bangladesh puisque moins de la moitié du Plan de réponse humanitaire est couvert.  Il a en particulier demandé que l’on accorde une attention particulière aux survivants de la violence sexuelle et sexiste, femmes et hommes, garçons et filles. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que les faits relatés dans le rapport montrent que « le problème est grave et doit être traité en conséquence ».  Elle a donc insisté sur la nécessité d’établir les responsabilités et sur l’urgence pour toutes les parties de mettre un terme à toutes les violences.  Elle a également appelé le Gouvernement du Myanmar à assurer la protection des civils sans discrimination et à prendre toutes les mesures possibles pour réduire les tensions entre communautés.  Parmi ces mesures, la représentante a cité la nécessité de traiter des causes profondes des tensions, dont la question de la citoyenneté et la discrimination s’agissant du développement, comme le recommande d’ailleurs la Commission consultative sur l’État rakhine.  Le Gouvernement doit aussi coopérer avec tous les mécanismes des Nations Unies, y compris la Mission d’établissement des faits; lever les restrictions à la liberté de mouvement pour faciliter l’accès de toutes les communautés aux services de base, et veiller à la mise en œuvre de l’accord de rapatriement, a conclu la représentante. 

M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a déclaré que la situation des droits de l’homme au Myanmar appelle un règlement durable répondant aux causes profondes de la crise.  Il a estimé que garantir l’obligation de rendre des comptes est essentiel et a jugé nécessaire que le Gouvernement intensifie ses efforts en vue d’améliorer la situation.  La question de la responsabilité des actes perpétrés est essentielle pour la stabilité nationale, a insisté le représentant qui a salué les dialogues bilatéraux récents entre le Bangladesh et le Myanmar pour faciliter le retour des réfugiés dans des conditions acceptables.  Mais l’ampleur et la gravité de la situation humanitaire exigent des donateurs un effort supplémentaire pour aider le Bangladesh à faire face à l’afflux de réfugiés à sa frontière, a-t-il estimé.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a émis le vœu de voir l’appui humanitaire de la communauté internationale se poursuivre, quand le Myanmar et le Bangladesh organiseront le retour volontaire, sûr et durable des musulmans rohingya.  Il a également espéré que le Gouvernement du Myanmar mettra en œuvre tous les engagements pris à l’égard de la Commission consultative, tel que son représentant s’y est engagé en septembre dernier devant l’Assemblée générale.  La Guinée équatoriale, a souligné le représentant, apprécie que le Bangladesh et le Myanmar discutent, comme en attestent les nombreuses réunions bilatérales qu’ils ont tenues.  Au cours de la dernière réunion organisée en août dernier, ils ont discuté, a rappelé le représentant, des moyens de mettre en œuvre l’accord de rapatriement signé par eux et le HCR.  La Guinée équatoriale souhaite que ce genre de réunions se poursuive et apprécie le rôle de facilitateur de la Chine. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a dit attendre avec impatience les résultats des réunions techniques tenues récemment par le Groupe de travail conjoint du Myanmar et du Bangladesh, de même que des efforts des autorités du Myanmar pour faciliter la mise en œuvre du mémorandum d’accord signé par le HCR et le PNUD.  Il a pris note également des conclusions de la Mission d’établissement des faits des Nations Unies et du fait que la Cour pénale internationale (CPI) estime que la question du déplacement forcé des Rohingya relève de sa compétence.  Le délégué a souligné l’importance de la résolution 39/2 du Conseil des droits de l’homme, qui a décidé d’établir un nouveau mécanisme indépendant pour collecter, préserver et analyser les preuves des violations du droit international perpétrées au Myanmar. 

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a déclaré que les images décrites par le rapport lui rappellent celles que les Ivoiriens ont vécues lors de leur « guerre intestine ».  Au sortir de la crise, les Ivoiriens se sont dit: « plus jamais ça » et ont gravé dans leur Constitution, le droit à la vie.  Ce que la Côte d’Ivoire veut pour son peuple, elle le veut aussi pour les autres peuples », a dit le représentant, ajoutant que c’est pour cette raison que sa délégation a rejoint le groupe de celles qui ont demandé cette réunion.  Le représentant a constaté qu’en dépit des efforts déployés, d’énormes défis persistent en matière d’acheminement de l’aide humanitaire et du retour des réfugiés rohingya.  Il a exhorté les autorités du Myanmar à redoubler d’efforts dans la mise en œuvre du Mémorandum d’accord signé le 6 juin dernier avec le HCR et le PNUD.  Nous sommes convaincus, a conclu le représentant, qu’au Myanmar, une paix durable doit reposer sur des solutions consensuelles qui prennent en compte les préoccupations de toutes les parties. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a exprimé sa grave préoccupation face aux conclusions de la Mission d’établissement des faits et condamné les atrocités commises dans l’État rakhine, en particulier celle qui fait état de « l’extrême vulnérabilité des Rohingya, conséquence des politiques et pratiques mises en œuvre par l’État pendant des décennies ».  Il s’est également dit convaincu de la nécessité de se pencher sur les causes profondes de la crise, nommément les questions de la citoyenneté des musulmans rohingya et du rétablissement de leurs droits et libertés.  Le représentant a appelé tous les États Membres et les organisations internationales à apporter leur soutien au Bangladesh, qui fait face à un afflux sans précédent de réfugiés à sa frontière.  Il a souligné l’importance pour le Conseil de sécurité de contribuer de manière positive à la recherche d’une solution à la crise et d’éviter les « polarisations inutiles ». 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré « qu’une fois de plus », le Conseil de sécurité a manqué une occasion de préserver le consensus, à cause de « l’attitude irresponsable » d’un groupe d’États qui a insisté pour entendre l’exposé du Mécanisme d’établissement des faits.  À cause de ce groupe d’État, le Conseil de sécurité tient « une réunion étrange » et discute d’un document déjà largement contesté lors de sa présentation au Conseil des droits de l’homme.  Tout le monde sait que le Myanmar n’a pas coopéré avec cette Mission et que cette dernière ne s’est même pas rendue dans le pays.  Elle a écrit son rapport à partir de l’étranger et a interrogé des témoins qui ne vivent pas au Myanmar et qui ont un avis aussi biaisé que les conclusions auxquelles elle est parvenue, a dénoncé le représentant.  L’on voit bien, a-t-il dit, que les délégations qui ont voulu ce débat, ne se soucient guère de la question des musulmans rohingya.  Ce qu’elles veulent, c’est continuer d’exercer « le pouvoir d’une ancienne métropole ».  On connaît déjà l’étape suivante: elles vont faire pression et adopter des sanctions contre le Myanmar, sans jamais tenir compte des mesures déjà mises en place par Naypyidaw. 

La situation dans l’État rakhine est complexe, a prévenu le représentant.  Elle ne peut être réglée que par la voie politique et diplomatique entre Naypyidaw et Dhaka.  La communauté internationale doit se limiter à aider les deux pays à mettre en œuvre l’accord de rapatriement qu’ils ont signé.  Pour sa part, la Fédération de Russie s’opposera à l’approche qui consiste à ne montrer du doigt que le Gouvernement du Myanmar, sans jamais ouvrir les yeux sur les « activités terroristes » de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), a conclu son représentant. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a estimé que l’audition de l’exposé du Président de la Mission d’établissement des faits n’était pas propice au règlement de la question de l’État rakhine, alors que des progrès réels ont été accomplis, comme en témoignent les missions conjointes effectuées par le HCR et le PNUD en septembre et en octobre.  Le Groupe de travail conjoint Myanmar-Bangladesh vient de se réunir et le premier contingent de rapatriés devrait prendre la route vers le Myanmar qui s’est d’ailleurs déclaré favorable à leur arrivée.  Après avoir fait part des nombreuses initiatives bilatérales, le représentant s’est dit préoccupé par le sort des déplacés auxquels son pays a fourni une assistance, notamment une aide alimentaire.  La question de l’État rakhine est complexe, a prévenu, à son tour, le représentant, ajoutant qu’il s’agit d’une situation qui exige des efforts de longue haleine.  La communauté internationale devrait se féliciter des résultats obtenus de haute lutte jusqu’ici et nous devrions encourager le Myanmar et le Bangladesh à poursuivre le dialogue.  Le Conseil de sécurité, a aussi estimé le représentant, doit continuer d’appuyer l’Envoyé spécial dans sa mission de bons offices et la communauté internationale, s’employer à éradiquer la pauvreté dans l’État rakhine, en respectant la souveraineté du Myanmar.  Le représentant a tenu à rappeler que la Mission d’établissement des faits ne s’est pas rendue au Myanmar.  Par conséquent, elle ne peut parvenir qu’à des conclusions « biaisées » et « non crédibles », a-t-il tranché. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a dit soutenir les efforts déployés par les acteurs régionaux pour aider le Bangladesh et le Myanmar à trouver un accord et à le mettre en œuvre pour le rapatriement des musulmans rohingya.  Il a cité les réunions organisées en juin et septembre dernier, sous les auspices de la Chine.  Ce sont ce genre de processus qu’il faut renforcer et promouvoir, a souligné le représentant qui a appelé la communauté internationale à coordonner ses efforts pour accompagner le processus du retour des musulmans rohingya.  Il y a plusieurs manières d’agir au sein des Nations Unies: encourager le dialogue bilatéral ou politiser les questions et surtout celles des droits de l’homme.  La Bolivie ne demandera jamais à quiconque la permission pour agir, a prévenu le représentant. 

Malheureusement, a regretté M. HAU DO SUAN (Myanmar), en cette Journée des Nations Unies, nous sommes rassemblés ici en violation des buts et principes de la Charte, des règles et procédures du Conseil de sécurité et de toute logique humaine.  Nous assistons à l’érosion de l’intégrité institutionnelle et morale des Nations Unies à cause de la tentative flagrante de certains membres du Conseil de prendre en otage la question des droits de l’homme pour servir leurs objectifs politiques.  Le représentant a rappelé que lorsque la Mission d’établissement des faits a été mise sur pied en mars 2017, le Myanmar s’y était opposé car son mandat était clair: elle disait déjà qui étaient les « meurtriers » et qui étaient « les victimes ».  Dès sa création, la Mission était une initiative biaisée et à motivation politique. 

Son rapport, a poursuivi le représentant, qui repose d’ailleurs sur des témoignages et pas sur des preuves concrètes, ne fera qu’attiser encore les tensions et potentiellement saper les efforts du Gouvernement de créer une cohésion sociale si nécessaire dans l’État rakhine.  Le 28 août dernier, a rappelé le représentant, le Myanmar avait déjà douté de la sincérité de la Mission.  Le fait qu’avant de présenter son rapport au Conseil des droits de l’homme, elle ait choisi de sortir à la hâte une version non éditée, la veille même du débat public du Conseil de sécurité sur la situation au Myanmar, a fait des inquiétudes légitimes sur son objectivité, son impartialité et sa crédibilité.  Le représentant a aussi remis en question la méthodologie de la Mission qui a interrogé des groupes particuliers de personnes déplacées à Cox’s Bazar et collecté des informations auprès d’ONG et d’organisations des droits de l’homme qui avaient déjà leur agenda.  En conséquence, la Mission n’apporte aucun fait nouveau et son rapport ressemble à s’y méprendre à ceux des organisations des droits de l’homme qui n’ont de compte à rendre à personne. 

La crise humanitaire dans l’État rakhine a commencé avec les attaques injustifiées et préméditées de l’Armée du salut de l’État d’Arakan dont les activités sont à peine mentionnées par la Mission, ce qui peut être interprété comme un soutien aux terroristes extrémistes musulmans, a estimé le représentant.  Mon Gouvernement, a-t-il affirmé, a créé une Commission d’enquête indépendante qui travaillera en toute indépendance, impartialité et objectivité sur un rapport à paraître dans un an.  Il faut donner du temps et de l’espace à la Commission, a plaidé le représentant.  En attendant, des mesures judiciaires ont été prises contre les officiers de l’armée et de la police mais aussi contre des civils qui ont violé les règles d’engagement après l’incident d’Inn Din.  D’autres mesures administratives ont été prises contre des hauts gradés de l’armée nationale chargés des opérations de sécurité à Rakhine. 

Mon Gouvernement, a prévenu le représentant, rejette catégoriquement l’expression « intentions génocidaires » pour qualifier les mesures antiterroristes des Forces de sécurité dans l’État rakhine.  Le Myanmar, qui n’est pas partie au Statut de Rome, rejette également la décision douteuse de la CPI qui se targue de sa compétence alors que les voies de recours nationales n’ont pas encore été épuisées.  Le Myanmar n’acceptera jamais les appels à la saisine de la CPI, a averti le représentant.  Prendre des mesures unilatérales au mépris de la situation sur le terrain et exercer des pressions politiquement motivées ne peuvent que compromettre la volonté politique et la coopération entre le Gouvernement du Myanmar et la communauté internationale, a encore prévenu le représentant. 

Mon pays, a-t-il rappelé, est toujours dans une période délicate de transition vers une démocratie pleinement opérationnelle.  Ce n’est pas par la révolution que l’on construit la démocratie et notre leader, Daw Aung San Suu Kyi, a dit le représentant, a choisi une voie pacifique où la réconciliation et le consensus national exigent énormément de patience et de sagesse politique.  Il a d’ailleurs cité l’Envoyée spéciale du Secrétaire général, Mme Christine Burgena, qui a déclaré à la fin de sa mission au Myanmar le 20 octobre, qu’il faut de la patience et davantage de confiance pour faire avancer le processus de paix vers une « solution de l’intérieur »

Avant de conclure, le représentant a dénoncé la distribution, hier, à la Troisième Commission, de pamphlets « dépourvus de toute éthique et de toute civilité ».  Ce n’était pas l’acte d’un dissident frustré ou d’un activiste des droits de l’homme ignorant des règles de procédure.  Non, s’est indigné le représentant, c’était l’acte du Président de la Mission d’établissement des faits qui a été nommé par le Conseil des droits de l’homme, un organe subsidiaire de l’Assemblée générale.  On ne peut tolérer une telle hypocrisie dans cet auguste organisation mondiale.  On ne peut tolérer des pamphlets qui insultent un État Membre de l’ONU.  Ma délégation condamne cet acte et demande des explications convaincantes au Président de la Mission, a conclu le représentant. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a déclaré que pour son pays la priorité est de garantir le retour volontaire et durable des « déplacés de force » rohingya dans leur terre ancestrale, dans la sûreté et dans la dignité.  En effet, le Bangladesh n’a aucun intérêt à retarder le rapatriement et à faire perdurer la crise, les réfugiés rohingya ayant désormais dépassé le million.  Nous avons accepté d’amorcer, le plus tôt possible, le rapatriement d’un petit nombre d’individus vérifiés par les autorités du Myanmar, a dit le représentant.  Chaque élément a été scrupuleusement négocié dans les arrangements bilatéraux conclus entre les deux gouvernements et il revient maintenant au Myanmar de prouver son adhésion à toutes les dispositions, a tranché le représentant. 

Chaque fois que des Rohingya opteront pour un retour volontaire dans l’État rakhine, comptant sur un climat propice à leur retour, le Bangladesh mettra en place tous les arrangements pour faciliter le processus.  C’est, a rappelé le représentant, ce qui a été réaffirmé le mois dernier à la réunion ministérielle entre la Chine, le Bangladesh et le Myanmar, en présence du Secrétaire général et de son Envoyée spéciale.

Le représentant a réitéré la position de son pays: le Myanmar doit abolir toutes les lois discriminatoires, créer un environnement favorable à la confiance et ouvrir aux Rohingya la voie vers la citoyenneté; et enfin prévenir les atrocités contre ces derniers en garantissant responsabilité et justice.  Rappelant aussi l’adhésion de son pays aux conclusions de la Mission d’établissements des faits, le représentant a souligné que son pays n’a pas tendance à utiliser à la légère les termes de crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou nettoyage ethnique.  Mais, a-t-il estimé, la responsabilité première de rendre justice revient au Gouvernement national.  Il a donc dit vouloir voir émerger du Myanmar un processus judiciaire indépendant et impartial.  Une reconnaissance « honnête » des faits rapportés par la Mission servirait la cohésion sociale, pour autant que la volonté politique existe, a ajouté le représentant. 

Pour prévenir la résurgence des crimes commis, le Conseil de sécurité, a estimé le représentant, pourrait aussi envisager une résolution car ce serait faire affront aux victimes que de reléguer le suivi du rapport de la Mission à la seule Assemblée générale.  Il faudrait aussi, a ajouté le représentant, créer un fonds d’affection spécial pour les victimes, en attendant une décision judiciaire sur les réparations et les indemnisations.  En tant que partie au Statut de Rome, le Bangladesh compte bien coopérer avec la CPI, tout en continuant à tendre la main « à ses voisins au Myanmar », a conclu le représentant. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.