8381e séance – après-midi
CS/13352

Conseil de sécurité: une Mission d’enquête de l’ONU conclut à une « catastrophe planifiée » contre les Rohingya au Myanmar

En dépit de l’opposition de certains de ses membres, le Conseil de sécurité a, cet après-midi, pu entendre l’exposé du Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, théâtre selon lui d’une « catastrophe planifiée » et d’un « système d’oppression institutionnalisé » s’exerçant contre la communauté musulmane des Rohingya, « de la naissance à la mort ».

Il a fallu en effet un vote de procédure pour permettre la tenue de cette séance, l’opposition de la Bolivie, de la Chine, de la Fédération de Russie et de la Guinée équatoriale n’ayant pas suffi pour bloquer la demande faite par neuf autres membres le 16 octobre dernier, alors que l’Éthiopie et le Kazakhstan se sont abstenus.

En invitant un mécanisme spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’une question relative à un pays en particulier à lui présenter un exposé, le Conseil de sécurité agirait de manière inédite.  Accéder à cette requête créerait un fâcheux précédent », avaient mis en garde les adversaires de cette réunion dans leur réponse

Avant de faire rapport la semaine prochaine à la Troisième Commission chargée des questions humanitaires, sociales et culturelles, le Président de la Mission d’établissement des faits, M. Marzuki Darusman, a donc pu présenter les principales conclusions d’un document de 444 pages sur les allégations de violations de droits de l’homme perpétrées au Myanmar, fruit d’une année d’enquête menée dans « un esprit d’objectivité et d’impartialité », ce qu’ont vivement contesté la Chine et la Fédération de Russie, rappelant que la Mission n’a pas été autorisée à se rendre au Myanmar. 

Si les attaques menées par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan ont sans aucun doute contribué à l’escalade et doivent être condamnées, M. Darusman a principalement mis en cause la Tatmadaw, l’armée du Myanmar, qui aurait procédé à des opérations de « nettoyage » dans une soixantaine de villages de l’État rakhine, et se serait rendue coupable de massacres à grande échelle, y compris de femmes, d’enfants et de personnes âgées, ainsi que de viols massifs en réunion, d’incendies et de pillages.  Selon des estimations « prudentes », au moins 10 000 Rohingya ont trouvé la mort à ce jour, plus de 725 000autres se sont exilés au Bangladesh voisin et au moins 392 villages ont été partiellement ou totalement rasés.

« Répandues et systématiques », « brutales et largement disproportionnées », ces violences répondent à un modus operandi qui constitue selon le Président de la Mission, un véritable « mode d’emploi » de la déstabilisation et de l’« extrémisme ».  Il a mis en cause une « chaîne de commandement très claire », qui agit dans une « impunité totale », à commencer par le chef d’état-major du Myanmar, Min Aung Hlaing. 

« Le rapport de la Mission confirme nos inquiétudes », a estimé le Myanmar, pour qui l’enquête s’appuie sur des entretiens avec des groupes spécifiques de personnes déplacées à Cox’s Bazar et d’autres recueillis auprès d’organisations non gouvernementales et de défense des droits de l’homme qui avaient, à l’en croire, « leur agenda ».  Le Myanmar a non seulement rejeté catégoriquement l’expression « intentions génocidaires », prêtées à la Tatmadaw dans le cadre de ses « opérations antiterroristes », mais a annoncé que Naypyidaw n’accepterait jamais un appel à la saisine de la Cour pénale internationale (CPI).

Car c’est bien cette saisine qui a été demandée aujourd’hui par le Président de la Mission d’établissement des faits, suivi sur ce point par les Pays-Bas, la France ou encore le Pérou.  M. Darusman a en outre demandé que le Conseil impose des sanctions individuelles ciblées contre les individus responsables de crimes graves, en particulier six généraux de la Tatmadaw identifiés dans son rapport.

Outre la lutte contre l’impunité, la France a invité le Conseil de sécurité à rester mobilisé autour de deux autres priorités: le soutien humanitaire aux Rohingya qui se trouvent encore dans l’État rakhine et aux réfugiés dans les camps du Bangladesh; et la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine.  Si le Myanmar a bien créé sa propre Commission d’enquête, il s’avère, a tranché le Royaume-Uni, que « celle-ci n’est ni indépendante, ni transparente, ni respectueuse des normes internationales, sans compter son refus de coopérer avec les autres mécanismes ».  « Jamais je n’ai pensé un jour », a-t-elle confié, « que j’assisterai dans ma carrière de diplomate à un débat de cette nature, après les génocides à Srebrenica et au Rwanda, contre lesquels le Conseil de sécurité avait mis du temps à réagir.  Cette fois-ci, le Conseil doit assumer ses responsabilités », a-t-elle tranché et envisager l’adoption d’une résolution, a ajouté le Bangladesh.

Pour ce dernier, la priorité est la garantie d’un retour volontaire et durable des réfugiés « en toute sûreté et dans la dignité » dans leur terre ancestrale.  Cette situation « complexe », ont souligné la Bolivie, la Chine et la Fédération de Russie ne saurait être réglée que par la voie politique et diplomatique entre Naypyidaw et Dhaka.  La Chine en a voulu pour preuve le retour imminent du premier contingent de rapatriés, à l’issue de la dernière réunion du Groupe de travail conjoint Myanmar-Bangladesh. 

LA SITUATION AU MYANMAR S/2018/926 ET S/2018/938

Vote sur la tenue de la réunion

Dans une lettre datée du 16 octobre 2018, adressée au Président du Conseil de sécurité (A/2018/926), la Côte d’Ivoire, les États-Unis, la France, le Koweït, les Pays-Bas, le Pérou, la Pologne, le Royaume-Uni et la  Suède, demandent au Conseil de tenir une réunion sur la situation au Myanmar pour que la présidence de la Mission d’établissement des faits sur le Myanmar informe officiellement ce dernier de la question, ce qui permettra de recevoir de plus amples renseignements sur la situation et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales.

Dans leur réponse contenue dans une lettre datée du 18 octobre 2018, adressée au Président du Conseil (S/2018/938), la Bolivie, la Chine, la Fédération de Russie et la Guinée équatoriale estiment qu’en invitant un mécanisme spécial du Conseil des droits de l’homme chargé d’une question relative à un pays en particulier à lui présenter un exposé, le Conseil de sécurité agirait de manière inédite.  En outre, soulignent-elles, il n’entre pas dans le mandat de la Mission d’établissement des faits de faire rapport au Conseil de sécurité.  Accéder à cette requête créerait un fâcheux précédent pour le Conseil et aurait de graves conséquences.  Cela affaiblirait également le mandat de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme, et empiéterait sur les travaux d’autres organes de l’Organisation des Nations Unies, un exposé de la Mission d’établissement des faits étant déjà programmé devant la Troisième Commission la semaine prochaine, rappellent ces délégations. 

C’est donc par 9 voix pour, 4 voix contre et les abstentions de l’Éthiopie et le Kazakhstan que le Conseil a accepté de tenir la réunion. 

Le représentant de la Chine a insisté sur le fait que la Charte des Nations Unies confie des mandats « clairs » à chaque organe des Nations Unies.  Elle ne dispose pas que des mécanismes de procédure spéciale concernant des pays spécifiques rendent compte de leur travail au Conseil de sécurité.  La Mission d’établissement des faits au Myanmar, en tant que mécanisme créé par le Conseil des droits de l’homme, n’a donc pas vocation à informer le Conseil, d’autant que le mandat qui lui a été confié ne le prévoit pas, a-t-il dit.  Le représentant a attiré l’attention sur ce « précédent ».

Son homologue de la Fédération de Russie a aussi vu un « précédent », en violation de la Charte et du mandat de la Mission d’établissement des faits.  Ceux qui ont demandé la tenue de cette réunion brisent le consensus observé jusqu’à ce jour sur le Myanmar, a souligné le représentant, estimant qu’il s’agissait jusqu’ici d’avoir une approche constructive pour résoudre la situation complexe dans l’État rakhine.  Or, a-t-il poursuivi, le rapport de la Mission est « nuisible » car il ne contient pas suffisamment d’informations pour pouvoir dire ce qui se passe exactement contre les Rohingya.  En conséquence, le représentant a dit ne voir ni l’utilité ni la valeur ajoutée qu’il y a à discuter de cette question au Conseil de sécurité, après que la Troisième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles s’en soit déjà saisie.  « Évitons les doublons et concentrons-nous sur la mise en œuvre des accords bilatéraux », a plaidé le représentant. 

Au nom de tous ceux qui ont demandé la réunion, la déléguée du Royaume-Uni a déclaré que le rapport de la Mission d’établissement des faits contient bien des informations sur les crimes internationaux les plus graves commis au Myanmar contre des populations civiles, en particulier les Rohingya.  Le rapport, a-t-elle ajouté, contient en outre des recommandations au Conseil de sécurité, l’organe, qui selon la Charte, est chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Or, ce qui se passe au Myanmar relève bien des questions de paix et de sécurité internationales, a-t-elle souligné pour justifier le soutien des pays comme le sien à la tenue de ce débat. 

Peu convaincu, le représentant de la Bolivie a rappelé qu’un mécanisme des droits de l’homme a été autorisé à présenter ses conclusions au Conseil de sécurité, lequel n’est pas l’enceinte habilitée à débattre de ces questions.  Notre position ne préjuge en rien de l’importance qu’elle attache à la situation au Myanmar, a précisé le délégué.

Déclarations

M. MARZUKI DARUSMAN, Président de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar, a expliqué que les conclusions du rapport de 444 pages qu’il a présenté en septembre dernier au Conseil des droits de l’homme sur les allégations de violations de droits de l’homme perpétrées au Myanmar, sont le fruit d’une année d’enquête menée dans « un esprit d’objectivité et d’impartialité ».  Nous invitons quiconque prétendant que ce document est biaisé ou qu’il ne s’appuie que sur un seul type de sources à lire ces 444 pages, dans lesquelles figurent aussi une présentation détaillée de notre méthodologie, a-t-il lancé.  Notre rapport, a poursuivi M. Darusman, conclut que les récents développements dans l’État rakhine relèvent d’« une catastrophe prévisible et planifiée », une catastrophe qui aura « un impact sur plusieurs générations, peut-être même toujours », a-t-il mis en garde.

Il a fait état d’opérations de « nettoyage » menées par la Tatmadaw, l’armée du Myanmar, dans six villages, avec des massacres à grande échelle et autres meurtres de civils, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées; de viols massifs en réunion; de maisons incendiées et de pillages.  La Mission, a poursuivi le Président, a vérifié des opérations similaires dans 54 localités différentes dans le nord de l’État rakhine.  Plus de 725 000 Rohingya ont pris la fuite et au moins 392 villages ont été partiellement ou totalement détruits.  Les estimations selon lesquelles 10 000 Rohingya auraient été tués sont des estimations « prudentes », a souligné.  Les modus operandi des attaques « répandues et systématiques » sont d’une « similitude frappante ».  Si les attaques lancées par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan ont contribué à l’escalade et doivent être condamnées, les opérations des forces de sécurité doivent néanmoins être dénoncées comme brutales et largement disproportionnées.  Elles ont été menées au mépris complet de la vie et de la dignité humaines et en violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a souligné M. Darusman.

Ces crimes ont été commis sur fond de politiques et de pratiques mises en œuvre par l’État depuis des décennies et qui ont largement marginalisé les Rohingya, dans le cadre d’un « système d’oppression institutionnalisé » s’exerçant contre eux « de la naissance à la mort », a ajouté le Président.  Les déplacements massifs des populations et les villages incendiés ont été suivis de l’annexion des terres abandonnées.  Des villages entiers ont été rasés de même que toute trace des communautés Rohingya.  Celles qui sont restées dans l’État rakhine encourent des risques graves et les réfugiés de retour seraient condamnés à vivre comme des « sous-hommes » et à s’exposer à des meurtres de masse.  Aussi « horrible et intense » soit-elle, la situation des Rohingya ne doit pas être appréhendée séparément: la Mission a en effet trouvé des modus operandi similaires à l’œuvre dans d’autres États du Myanmar, en particulier ceux de Kachin et Shan, où des violations des droits de l’homme sont imputables à l’armée, principalement. 

L’armée du Myanmar est au cœur de la situation actuelle, a estimé le Président, qui a mis en cause une « chaîne de commandement très claire », qui agit dans une « impunité totale ».  Le Conseil de sécurité a le pouvoir de mettre fin à ce cycle de violences, a-t-il estimé.  Une prévention efficace dépend d’un bon établissement des responsabilités, a-t-il analysé.  « Une histoire d’atrocités, associée à l’impunité et à la fragilité des institutions publiques, est un élément déclencheur de violations supplémentaires. »  Malheureusement, ce « cocktail toxique » a prévalu et persisté trop longtemps au Myanmar, a constaté le Président. 

En l’absence d’un bon établissement des responsabilités, il ne saurait y avoir de retour durable, sûr et digne de ce nom des Rohingya qui sont au Bangladesh, a poursuivi M. Darusman.  Enfin, il ne saurait y avoir de réconciliation durable sans établissement des responsabilités, a-t-il insisté.  Les questions complexes de citoyenneté, le profond enracinement de la discrimination et de l’oppression et le manque de confiance entre communautés ne pourront être surmontés sans une approche basée sur l’état de droit et les droits de l’homme.  « Malheureusement, au Myanmar, la responsabilité doit venir de la communauté internationale », a constaté à regret le Président.  « Le Conseil de sécurité doit renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale ou tout autre tribunal international ad hoc », a-t-il pressé. 

Le Conseil devrait également imposer des sanctions individuelles ciblées contre les responsables des crimes graves, en particulier les six généraux de la Tatmadaw identifiés dans le rapport de la Mission, et en premier lieu le chef d’état-major Min Aung Hlaing.  Pour quiconque souhaiterait délibérément « provoquer un conflit et alimenter l’extrémisme », les évènements au Myanmar pourraient servir de véritable « mode d’emploi », a résumé le Président, avant d’exhorter l’ONU et le Conseil à « agir » de manière décisive.  Les Rohingya et le peuple du Myanmar, « de fait le monde entier », l’espère, a lancé M. Darusman au Conseil.

« À quoi servent les Nations Unies et le Conseil de sécurité s’ils doivent se garder d’intervenir lorsque de graves crimes sont commis par un État contre sa propre population? », s’est demandé Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni).  Mon pays, a-t-elle dit, constate bien que le Gouvernement du Myanmar ne met pas en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine que dirigeait feu Kofi Annan.  Parmi ces recommandations, la représentante a cité le retour volontaire, sûr et durable des musulmans rohingya.  La communauté internationale doit faire tout son possible pour atteindre cet objectif et il est primordial, a estimé la représentante, que le Conseil de sécurité se saisisse de cette question et ce faisant, honore son mandat et envoie, par la même occasion, un message clair à tous les gouvernements qui voudraient traiter leur population de la sorte.

La représentante a ajouté que si le Myanmar a bien créé sa propre Commission d’enquête, il s’avère que celle-ci n’est ni indépendante, ni transparente, ni respectueuse des normes internationales, sans compter son refus de coopérer avec les autres mécanismes.  Si elle veut qu’on lui fasse confiance, elle doit remplir ces conditions, a martelé la représentante.  Je n’ai jamais pensé un jour, a-t-elle confié, que j’assisterais dans ma carrière de diplomate, à un débat de cette nature, après les génocides à Srebrenica et au Rwanda, contre lesquels le Conseil de sécurité avait mis du temps à réagir.  Cette fois-ci, le Conseil doit assumer ses responsabilités, a-t-elle conclu. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a considéré que le rapport de la Mission d’établissement des faits était extrêmement préoccupant, rappelant que ses conclusions se fondaient sur 875 entretiens poussés avec des victimes et des témoins, qui ont démontré la dimension récurrente et systématique de l’action des Forces de sécurité du Myanmar.  Aussi est-il indispensable d’établir les responsabilités pour les crimes commis, le Conseil de sécurité devant renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale (CPI), a recommandé la représentante.  Selon elle également, le Conseil doit faire usage de tous les outils à sa disposition pour faire une véritable différence sur le terrain, y compris en établissant un régime de sanctions ciblées et en imposant un embargo sur les armes au Myanmar.  « Il est temps d’agir maintenant », a tranché Mme Grégoire Van Haaren.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a demandé à M. Darusman, d’informer le Conseil de sécurité sur la situation des Rohingya encore présents au Myanmar et des mesures prises par le Gouvernement pour les protéger.  « Les faits sont têtus et ne peuvent être tus », a-t-elle prévenu, réitérant son opposition à l’approche de certains membres du Conseil de sécurité qui plaident pour que l’on accorde plus de temps au Gouvernement du Myanmar.  Pourquoi? s’est demandé la représentante, estimant que la cause profonde de cette situation est le statut de « citoyens de seconde zone » des musulmans rohingya au Myanmar.  Énumérant quelques faits assimilables aux crimes graves attribués par le rapport de la Mission à l’armée du Myanmar, Mme Haley a dit qu’il ne s’agit pas d’indexer les uns ou les autres ou de répartir les responsabilités.  Mais, a-t-elle souligné, il est de la responsabilité du Gouvernement de protéger sa population et de traduire en justice les auteurs des crimes car, a-t-elle dit, du point de vue des États-Unis, la question du Myanmar est également une question de justice. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a indiqué que les 875 témoignages recueillis ainsi que la variété des sources d’information utilisées attestent de la solidité du travail de la Mission d’établissement des faits.  Il a souligné l’importance pour le Conseil de continuer à s’appuyer sur les travaux des procédures créées par le Conseil des droits de l’homme pour accomplir pleinement son mandat de maintien de la paix et la sécurité internationales. 

Le représentant a ensuite rappelé que depuis les violences d’août 2017, la France n’a cessé de souligner sa préoccupation et d’appeler à la mobilisation du Conseil de sécurité face à ce qui avait été qualifié de « nettoyage ethnique ».  Il s’est dit très préoccupé par les conclusions du rapport selon lesquelles des accusations de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, en particulier contre les Rohingya dans l’État rakhine et aussi dans les États Kachin et Shan, pourraient être retenues contre l’armée et les forces de sécurité birmanes.  Il a notamment cité la conclusion selon laquelle « sur la base de motifs raisonnables, des facteurs permettant d’établir l’intention génocidaire sont présents ».  Il a aussi évoqué les attaques et les violences sexuelles imputables à l’armée dans les villages, y compris contre des enfants, ce qui constituerait des violations graves du droit international humanitaire qualifiables de « crimes de guerre ». 

M. Delattre est aussi revenu sur la condamnation, le 3 septembre dernier, de deux journalistes de l’Agence Reuters à 7 ans de prison par la justice birmane alors qu’ils préparaient un reportage sur de graves allégations de violations des droits de l’homme dans l’État rakhine, dernier exemple selon M. Delattre, du climat de peur qui entrave les efforts d’enquête sur place. 

Le représentant a invité le Conseil à rester mobilisé autour de trois priorités: le soutien humanitaire aux Rohingya qui se trouvent encore dans l’État rakhine et aux réfugiés dans les camps au Bangladesh; la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission consultative qui avait proposé une feuille de route acceptée par le Gouvernement birman et endossée par le Conseil de sécurité.  Il a plus particulièrement réitéré l’importance des recommandations relatives à la question de la citoyenneté, de la révision de la loi de 1982, ainsi qu’à l’égalité des droits, y compris le droit d’accès aux services publics pour toute personne appartenant à la communauté rohingya. 

Comme troisième priorité, le représentant a cité la lutte contre l’impunité.  Il a rappelé la décision du 6 septembre de la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale concluant à la compétence de la CPI pour connaître de la déportation alléguée des Rohingya au Bangladesh.  Il a salué la décision de la Procureure de la CPI d’ouvrir un examen préliminaire sur ces allégations.  Il a aussi estimé importante la décision du Conseil des droits de l’homme de créer un mécanisme d’enquête indépendant et permanent et appelé à soutenir l’opérationnalisation rapide de ce mécanisme. 

M. BADER ABDULLAH N.  M. ALMUNAYEKH (Koweït) a constaté que, plus de 14 mois après le début des violences dans l’État rakhine, plus de 720 000 Rohingya avaient été déplacés à Cox’s Bazar, au Bangladesh, et que ces déplacements se poursuivent.  Le Gouvernement du Myanmar, a-t-il observé, n’a toujours pas répondu aux recommandations du Conseil de sécurité et de la Commission consultative visant à traiter des causes profondes de la crise, à mettre fin à la crise des réfugiés et à faciliter leur retour dans la sûreté et la dignité.  Selon le représentant, les causes profondes de la crise sont à chercher dans la manière dont les autorités traitent les Rohingya et appréhendent la question de leur citoyenneté.  L’établissement des responsabilités est d’une importance « capitale » s’agissant des allégations de crimes graves.  Le Conseil de sécurité, a-t-il recommandé, devrait envisager des mesures spécifiques et donner naissance à une « feuille de route » pour protéger la minorité rohingya. 

Force est de reconnaître, s’est résigné M. OLOF SKOOG (Suède), qu’en dépit du suivi du Conseil, peu de progrès ont été accomplis.  Car si une architecture « rudimentaire » pour le rapatriement des réfugiés a été mise en place, la situation en matière de sécurité et des droits de l’homme dans l’État rakhine est bien loin d’être correctement traitée.  Ainsi, plus de 100 000 personnes sont cantonnées dans des camps de déplacés.  Le Gouvernement ne les a pas fermés durablement.  La liberté de mouvement est toujours limitée de même que celle des médias.  Chaque mois, des centaines de Rohingya continuent de fuir vers le Bangladesh.  Le représentant a aussi dénoncé le fait que les recommandations de la Commission Annan sont peu ou pas appliquées et qu’il n’y a toujours pas de processus global pour résoudre la question de la citoyenneté.  Tout cela, a-t-il tranché, appelle à une action constante du Conseil et il faut surtout qu’un accès total et sans entrave soit accordé à l’ONU et à ses partenaires humanitaires dans l’État rakhine. 

Il faudrait mettre pleinement en œuvre, a ajouté la représentante, le mémorandum d’accord signé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Le représentant a aussi attiré l’attention sur le « new deal » proposé par feu Kofi Annan pour créer les conditions nécessaires au retour des réfugiés d’une manière sûre, volontaire et durable.  Il a en outre conseillé d’envisager tous les moyens pour garantir l’établissement des responsabilités pour les crimes commis.  Il a enfin plaidé pour plus de financements pour les camps de réfugiés aux alentours de Cox’s Bazar au Bangladesh puisque moins de la moitié du Plan de réponse humanitaire est couvert.  Il a en particulier demandé que l’on accorde une attention particulière aux survivants de la violence sexuelle et sexiste, femmes et hommes, garçons et filles. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que les faits relatés dans le rapport montrent que « le problème est grave et doit être traité en conséquence ».  Elle a donc insisté sur la nécessité d’établir les responsabilités et sur l’urgence pour toutes les parties de mettre un terme à toutes les violences.  Elle a également appelé le Gouvernement du Myanmar à assurer la protection des civils sans discrimination et à prendre toutes les mesures possibles pour réduire les tensions entre communautés.  Parmi ces mesures, la représentante a cité la nécessité de traiter des causes profondes des tensions, dont la question de la citoyenneté et la discrimination s’agissant du développement, comme le recommande d’ailleurs la Commission consultative sur l’État rakhine.  Le Gouvernement doit aussi coopérer avec tous les mécanismes des Nations Unies, y compris la Mission d’établissement des faits; lever les restrictions à la liberté de mouvement pour faciliter l’accès de toutes les communautés aux services de base, et veiller à la mise en œuvre de l’accord de rapatriement, a conclu la représentante. 

M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a déclaré que la situation des droits de l’homme au Myanmar appelle un règlement durable répondant aux causes profondes de la crise.  Il a estimé que garantir l’obligation de rendre des comptes est essentiel et a jugé nécessaire que le Gouvernement intensifie ses efforts en vue d’améliorer la situation.  La question de la responsabilité des actes perpétrés est essentielle pour la stabilité nationale, a insisté le représentant qui a salué les dialogues bilatéraux récents entre le Bangladesh et le Myanmar pour faciliter le retour des réfugiés dans des conditions acceptables.  Mais l’ampleur et la gravité de la situation humanitaire exigent des donateurs un effort supplémentaire pour aider le Bangladesh à faire face à l’afflux de réfugiés à sa frontière, a-t-il estimé.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a émis le vœu de voir l’appui humanitaire de la communauté internationale se poursuivre, quand le Myanmar et le Bangladesh organiseront le retour volontaire, sûr et durable des musulmans rohingya.  Il a également espéré que le Gouvernement du Myanmar mettra en œuvre tous les engagements pris à l’égard de la Commission consultative, tel que son représentant s’y est engagé en septembre dernier devant l’Assemblée générale.  La Guinée équatoriale, a souligné le représentant, apprécie que le Bangladesh et le Myanmar discutent, comme en attestent les nombreuses réunions bilatérales qu’ils ont tenues.  Au cours de la dernière réunion organisée en août dernier, ils ont discuté, a rappelé le représentant, des moyens de mettre en œuvre l’accord de rapatriement signé par eux et le HCR.  La Guinée équatoriale souhaite que ce genre de réunions se poursuive et apprécie le rôle de facilitateur de la Chine. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a dit attendre avec impatience les résultats des réunions techniques tenues récemment par le Groupe de travail conjoint du Myanmar et du Bangladesh, de même que des efforts des autorités du Myanmar pour faciliter la mise en œuvre du mémorandum d’accord signé par le HCR et le PNUD.  Il a pris note également des conclusions de la Mission d’établissement des faits des Nations Unies et du fait que la Cour pénale internationale (CPI) estime que la question du déplacement forcé des Rohingya relève de sa compétence.  Le délégué a souligné l’importance de la résolution 39/2 du Conseil des droits de l’homme, qui a décidé d’établir un nouveau mécanisme indépendant pour collecter, préserver et analyser les preuves des violations du droit international perpétrées au Myanmar. 

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a déclaré que les images décrites par le rapport lui rappellent celles que les Ivoiriens ont vécues lors de leur « guerre intestine ».  Au sortir de la crise, les Ivoiriens se sont dit: « plus jamais ça » et ont gravé dans leur Constitution, le droit à la vie.  Ce que la Côte d’Ivoire veut pour son peuple, elle le veut aussi pour les autres peuples », a dit le représentant, ajoutant que c’est pour cette raison que sa délégation a rejoint le groupe de celles qui ont demandé cette réunion.  Le représentant a constaté qu’en dépit des efforts déployés, d’énormes défis persistent en matière d’acheminement de l’aide humanitaire et du retour des réfugiés rohingya.  Il a exhorté les autorités du Myanmar à redoubler d’efforts dans la mise en œuvre du Mémorandum d’accord signé le 6 juin dernier avec le HCR et le PNUD.  Nous sommes convaincus, a conclu le représentant, qu’au Myanmar, une paix durable doit reposer sur des solutions consensuelles qui prennent en compte les préoccupations de toutes les parties. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a exprimé sa grave préoccupation face aux conclusions de la Mission d’établissement des faits et condamné les atrocités commises dans l’État rakhine, en particulier celle qui fait état de « l’extrême vulnérabilité des Rohingya, conséquence des politiques et pratiques mises en œuvre par l’État pendant des décennies ».  Il s’est également dit convaincu de la nécessité de se pencher sur les causes profondes de la crise, nommément les questions de la citoyenneté des musulmans rohingya et du rétablissement de leurs droits et libertés.  Le représentant a appelé tous les États Membres et les organisations internationales à apporter leur soutien au Bangladesh, qui fait face à un afflux sans précédent de réfugiés à sa frontière.  Il a souligné l’importance pour le Conseil de sécurité de contribuer de manière positive à la recherche d’une solution à la crise et d’éviter les « polarisations inutiles ». 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré « qu’une fois de plus », le Conseil de sécurité a manqué une occasion de préserver le consensus, à cause de « l’attitude irresponsable » d’un groupe d’États qui a insisté pour entendre l’exposé du Mécanisme d’établissement des faits.  À cause de ce groupe d’État, le Conseil de sécurité tient « une réunion étrange » et discute d’un document déjà largement contesté lors de sa présentation au Conseil des droits de l’homme.  Tout le monde sait que le Myanmar n’a pas coopéré avec cette Mission et que cette dernière ne s’est même pas rendue dans le pays.  Elle a écrit son rapport à partir de l’étranger et a interrogé des témoins qui ne vivent pas au Myanmar et qui ont un avis aussi biaisé que les conclusions auxquelles elle est parvenue, a dénoncé le représentant.  L’on voit bien, a-t-il dit, que les délégations qui ont voulu ce débat, ne se soucient guère de la question des musulmans rohingya.  Ce qu’elles veulent, c’est continuer d’exercer « le pouvoir d’une ancienne métropole ».  On connaît déjà l’étape suivante: elles vont faire pression et adopter des sanctions contre le Myanmar, sans jamais tenir compte des mesures déjà mises en place par Naypyidaw. 

La situation dans l’État rakhine est complexe, a prévenu le représentant.  Elle ne peut être réglée que par la voie politique et diplomatique entre Naypyidaw et Dhaka.  La communauté internationale doit se limiter à aider les deux pays à mettre en œuvre l’accord de rapatriement qu’ils ont signé.  Pour sa part, la Fédération de Russie s’opposera à l’approche qui consiste à ne montrer du doigt que le Gouvernement du Myanmar, sans jamais ouvrir les yeux sur les « activités terroristes » de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), a conclu son représentant. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a estimé que l’audition de l’exposé du Président de la Mission d’établissement des faits n’était pas propice au règlement de la question de l’État rakhine, alors que des progrès réels ont été accomplis, comme en témoignent les missions conjointes effectuées par le HCR et le PNUD en septembre et en octobre.  Le Groupe de travail conjoint Myanmar-Bangladesh vient de se réunir et le premier contingent de rapatriés devrait prendre la route vers le Myanmar qui s’est d’ailleurs déclaré favorable à leur arrivée.  Après avoir fait part des nombreuses initiatives bilatérales, le représentant s’est dit préoccupé par le sort des déplacés auxquels son pays a fourni une assistance, notamment une aide alimentaire.  La question de l’État rakhine est complexe, a prévenu, à son tour, le représentant, ajoutant qu’il s’agit d’une situation qui exige des efforts de longue haleine.  La communauté internationale devrait se féliciter des résultats obtenus de haute lutte jusqu’ici et nous devrions encourager le Myanmar et le Bangladesh à poursuivre le dialogue.  Le Conseil de sécurité, a aussi estimé le représentant, doit continuer d’appuyer l’Envoyé spécial dans sa mission de bons offices et la communauté internationale, s’employer à éradiquer la pauvreté dans l’État rakhine, en respectant la souveraineté du Myanmar.  Le représentant a tenu à rappeler que la Mission d’établissement des faits ne s’est pas rendue au Myanmar.  Par conséquent, elle ne peut parvenir qu’à des conclusions « biaisées » et « non crédibles », a-t-il tranché. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a dit soutenir les efforts déployés par les acteurs régionaux pour aider le Bangladesh et le Myanmar à trouver un accord et à le mettre en œuvre pour le rapatriement des musulmans rohingya.  Il a cité les réunions organisées en juin et septembre dernier, sous les auspices de la Chine.  Ce sont ce genre de processus qu’il faut renforcer et promouvoir, a souligné le représentant qui a appelé la communauté internationale à coordonner ses efforts pour accompagner le processus du retour des musulmans rohingya.  Il y a plusieurs manières d’agir au sein des Nations Unies: encourager le dialogue bilatéral ou politiser les questions et surtout celles des droits de l’homme.  La Bolivie ne demandera jamais à quiconque la permission pour agir, a prévenu le représentant. 

Malheureusement, a regretté M. HAU DO SUAN (Myanmar), en cette Journée des Nations Unies, nous sommes rassemblés ici en violation des buts et principes de la Charte, des règles et procédures du Conseil de sécurité et de toute logique humaine.  Nous assistons à l’érosion de l’intégrité institutionnelle et morale des Nations Unies à cause de la tentative flagrante de certains membres du Conseil de prendre en otage la question des droits de l’homme pour servir leurs objectifs politiques.  Le représentant a rappelé que lorsque la Mission d’établissement des faits a été mise sur pied en mars 2017, le Myanmar s’y était opposé car son mandat était clair: elle disait déjà qui étaient les « meurtriers » et qui étaient « les victimes ».  Dès sa création, la Mission était une initiative biaisée et à motivation politique. 

Son rapport, a poursuivi le représentant, qui repose d’ailleurs sur des témoignages et pas sur des preuves concrètes, ne fera qu’attiser encore les tensions et potentiellement saper les efforts du Gouvernement de créer une cohésion sociale si nécessaire dans l’État rakhine.  Le 28 août dernier, a rappelé le représentant, le Myanmar avait déjà douté de la sincérité de la Mission.  Le fait qu’avant de présenter son rapport au Conseil des droits de l’homme, elle ait choisi de sortir à la hâte une version non éditée, la veille même du débat public du Conseil de sécurité sur la situation au Myanmar, a fait des inquiétudes légitimes sur son objectivité, son impartialité et sa crédibilité.  Le représentant a aussi remis en question la méthodologie de la Mission qui a interrogé des groupes particuliers de personnes déplacées à Cox’s Bazar et collecté des informations auprès d’ONG et d’organisations des droits de l’homme qui avaient déjà leur agenda.  En conséquence, la Mission n’apporte aucun fait nouveau et son rapport ressemble à s’y méprendre à ceux des organisations des droits de l’homme qui n’ont de compte à rendre à personne. 

La crise humanitaire dans l’État rakhine a commencé avec les attaques injustifiées et préméditées de l’Armée du salut de l’État d’Arakan dont les activités sont à peine mentionnées par la Mission, ce qui peut être interprété comme un soutien aux terroristes extrémistes musulmans, a estimé le représentant.  Mon Gouvernement, a-t-il affirmé, a créé une Commission d’enquête indépendante qui travaillera en toute indépendance, impartialité et objectivité sur un rapport à paraître dans un an.  Il faut donner du temps et de l’espace à la Commission, a plaidé le représentant.  En attendant, des mesures judiciaires ont été prises contre les officiers de l’armée et de la police mais aussi contre des civils qui ont violé les règles d’engagement après l’incident d’Inn Din.  D’autres mesures administratives ont été prises contre des hauts gradés de l’armée nationale chargés des opérations de sécurité à Rakhine. 

Mon Gouvernement, a prévenu le représentant, rejette catégoriquement l’expression « intentions génocidaires » pour qualifier les mesures antiterroristes des Forces de sécurité dans l’État rakhine.  Le Myanmar, qui n’est pas partie au Statut de Rome, rejette également la décision douteuse de la CPI qui se targue de sa compétence alors que les voies de recours nationales n’ont pas encore été épuisées.  Le Myanmar n’acceptera jamais les appels à la saisine de la CPI, a averti le représentant.  Prendre des mesures unilatérales au mépris de la situation sur le terrain et exercer des pressions politiquement motivées ne peuvent que compromettre la volonté politique et la coopération entre le Gouvernement du Myanmar et la communauté internationale, a encore prévenu le représentant. 

Mon pays, a-t-il rappelé, est toujours dans une période délicate de transition vers une démocratie pleinement opérationnelle.  Ce n’est pas par la révolution que l’on construit la démocratie et notre leader, Daw Aung San Suu Kyi, a dit le représentant, a choisi une voie pacifique où la réconciliation et le consensus national exigent énormément de patience et de sagesse politique.  Il a d’ailleurs cité l’Envoyée spéciale du Secrétaire général, Mme Christine Burgena, qui a déclaré à la fin de sa mission au Myanmar le 20 octobre, qu’il faut de la patience et davantage de confiance pour faire avancer le processus de paix vers une « solution de l’intérieur »

Avant de conclure, le représentant a dénoncé la distribution, hier, à la Troisième Commission, de pamphlets « dépourvus de toute éthique et de toute civilité ».  Ce n’était pas l’acte d’un dissident frustré ou d’un activiste des droits de l’homme ignorant des règles de procédure.  Non, s’est indigné le représentant, c’était l’acte du Président de la Mission d’établissement des faits qui a été nommé par le Conseil des droits de l’homme, un organe subsidiaire de l’Assemblée générale.  On ne peut tolérer une telle hypocrisie dans cet auguste organisation mondiale.  On ne peut tolérer des pamphlets qui insultent un État Membre de l’ONU.  Ma délégation condamne cet acte et demande des explications convaincantes au Président de la Mission, a conclu le représentant. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a déclaré que pour son pays la priorité est de garantir le retour volontaire et durable des « déplacés de force » rohingya dans leur terre ancestrale, dans la sûreté et dans la dignité.  En effet, le Bangladesh n’a aucun intérêt à retarder le rapatriement et à faire perdurer la crise, les réfugiés rohingya ayant désormais dépassé le million.  Nous avons accepté d’amorcer, le plus tôt possible, le rapatriement d’un petit nombre d’individus vérifiés par les autorités du Myanmar, a dit le représentant.  Chaque élément a été scrupuleusement négocié dans les arrangements bilatéraux conclus entre les deux gouvernements et il revient maintenant au Myanmar de prouver son adhésion à toutes les dispositions, a tranché le représentant. 

Chaque fois que des Rohingya opteront pour un retour volontaire dans l’État rakhine, comptant sur un climat propice à leur retour, le Bangladesh mettra en place tous les arrangements pour faciliter le processus.  C’est, a rappelé le représentant, ce qui a été réaffirmé le mois dernier à la réunion ministérielle entre la Chine, le Bangladesh et le Myanmar, en présence du Secrétaire général et de son Envoyée spéciale.

Le représentant a réitéré la position de son pays: le Myanmar doit abolir toutes les lois discriminatoires, créer un environnement favorable à la confiance et ouvrir aux Rohingya la voie vers la citoyenneté; et enfin prévenir les atrocités contre ces derniers en garantissant responsabilité et justice.  Rappelant aussi l’adhésion de son pays aux conclusions de la Mission d’établissements des faits, le représentant a souligné que son pays n’a pas tendance à utiliser à la légère les termes de crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou nettoyage ethnique.  Mais, a-t-il estimé, la responsabilité première de rendre justice revient au Gouvernement national.  Il a donc dit vouloir voir émerger du Myanmar un processus judiciaire indépendant et impartial.  Une reconnaissance « honnête » des faits rapportés par la Mission servirait la cohésion sociale, pour autant que la volonté politique existe, a ajouté le représentant. 

Pour prévenir la résurgence des crimes commis, le Conseil de sécurité, a estimé le représentant, pourrait aussi envisager une résolution car ce serait faire affront aux victimes que de reléguer le suivi du rapport de la Mission à la seule Assemblée générale.  Il faudrait aussi, a ajouté le représentant, créer un fonds d’affection spécial pour les victimes, en attendant une décision judiciaire sur les réparations et les indemnisations.  En tant que partie au Statut de Rome, le Bangladesh compte bien coopérer avec la CPI, tout en continuant à tendre la main « à ses voisins au Myanmar », a conclu le représentant. 

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